«Mort à Venise» - Lundi 18 mai à 20h50 | ARTE Cinema

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«Mort à Venise» - Lundi 18 mai à 20h50 Le professeur Gustav von Aschenbach, compositeur, arrive à Venise et s’installe à l’hôtel des Bains, un établissement de luxe fréquenté par la haute société. Fatigué et malade, il berce sa solitude en convoquant ses souvenirs et en observant les clients. Il remarque une famille polonaise et surtout un adolescent aux traits fins qui l’émeut, Tadzio. Désorienté, Aschenbach décide de quitter Venise, mais un incident survenu à la gare le pousse à retourner à son hôtel... Dialogue de regards Peu de temps avant la Première Guerre mondiale, Visconti photographie une société sur le déclin. Si les lieux (le palace et la plage) rappellent le Cabourg de Proust, que le cinéaste avait souhaité adapter, il ne s’agit pas que de la nostalgie du temps perdu : ici se rejoignent la crise d’une société et celle d’un artiste déchiré entre l’idéal classique de la beauté et sa réalité physique, incarnée par le jeune Tadzio, “beau comme un dieu grec”, selon les mots de l’écrivain Thomas Mann. La beauté envoûtante du film réside dans ce que Visconti a appelé un “dialogue de regards”, où la caméra glisse de l’un à l’autre. Jeux d’œillades et poursuites dans Venise jusqu’à la mort du compositeur, assis face à la mer et dont le maquillage coule sur le visage fiévreux, tandis que son double idéal, l’objet de sa passion dévorante, indique au ciel un point inatteignable. À jamais séparés, comme la caméra sépare l’image de sa réalité. Mort à Venise, au-delà de la méditation sur l’art, la beauté et la vieillesse qu’il propose, est un essai cinématographique sur le regard et le désir, quasiment dénué d’action. Par Olivier Père Longtemps mésestimé par l’intelligentsia cinéphilique dans la filmographie intimidante de Luchino Visconti, cinéaste trop effrontément génial et supérieur pour déclencher chez la critique un désir de redécouverte et de réévaluation, ce chef-d’œuvre du cinéma mondial mérite pourtant d’être revisité. On s’est un peu trop vite moqué du raffinement extrême, du perfectionnisme délirant, de l’amour excessif du cinéaste pour les costumes et les décors, de son repli assumé dans les ors du passé pour ne pas voir que Mort à Venise, au-delà de la méditation sur l’art, la beauté et la vieillesse qu’il propose, est un essai cinématographique sur le regard et le désir, quasiment dénué d’action. Nous sommes au cœur delà dimension expérimentale du cinéma de Visconti, qui approche ici un équivalent du style sensualiste de Proust à l’écran, à une époque où il travaillait à l’adaptation de À la recherche du temps perdu – projet qu’il devra malheureusement abandonner quelques années plus tard. Avec Mort à Venise, Visconti réussit une admirable méditation décadentiste sur les divergences entre la vie et la création. Dans cette rêverie homosexuelle le zoom optique – soit un mouvement immobile – trouve une utilisation géniale comme expression de la pulsion voyeuriste mais aussi de la mort. Visconti adapte la nouvelle Mort à Venise en y ajoutant des retours en arrière nourris par des extraits

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«Mort à Venise» - Lundi 18 mai à 20h50 | ARTE Cinema

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  • Mort Venise - Lundi 18 mai 20h50Le professeur Gustav von Aschenbach, compositeur, arrive Venise et sinstalle lhtel des Bains, untablissement de luxe frquent par la haute socit. Fatigu et malade, il berce sa solitude enconvoquant ses souvenirs et en observant les clients. Il remarque une famille polonaise et surtout unadolescent aux traits fins qui lmeut, Tadzio. Dsorient, Aschenbach dcide de quitter Venise, maisun incident survenu la gare le pousse retourner son htel...

    Dialogue de regards

    Peu de temps avant la Premire Guerre mondiale, Visconti photographie une socit sur le dclin. Si leslieux (le palace et la plage) rappellent le Cabourg de Proust, que le cinaste avait souhait adapter, il nesagit pas que de la nostalgie du temps perdu : ici se rejoignent la crise dune socit et celle dun artistedchir entre lidal classique de la beaut et sa ralit physique, incarne par le jeune Tadzio, beaucomme un dieu grec, selon les mots de lcrivain Thomas Mann. La beaut envotante du film rsidedans ce que Visconti a appel un dialogue de regards, o la camra glisse de lun lautre. Jeuxdillades et poursuites dans Venise jusqu la mort du compositeur, assis face la mer et dont lemaquillage coule sur le visage fivreux, tandis que son double idal, lobjet de sa passion dvorante,indique au ciel un point inatteignable. jamais spars, comme la camra spare limage de sa ralit.

    Mort Venise, au-del de la mditation sur lart, la beaut et la vieillesse quilpropose, est un essai cinmatographique sur le regard et le dsir, quasimentdnu daction.

    Par Olivier Pre

    Longtemps msestim par lintelligentsia cinphilique dans la filmographie intimidante de LuchinoVisconti, cinaste trop effrontment gnial et suprieur pour dclencher chez la critique un dsir deredcouverte et de rvaluation, ce chef-duvre du cinma mondial mrite pourtant dtre revisit. Onsest un peu trop vite moqu du raffinement extrme, du perfectionnisme dlirant, de lamour excessifdu cinaste pour les costumes et les dcors, de son repli assum dans les ors du pass pour ne pas voirque Mort Venise, au-del de la mditation sur lart, la beaut et la vieillesse quil propose, est un essaicinmatographique sur le regard et le dsir, quasiment dnu daction. Nous sommes au cur deldimension exprimentale du cinma de Visconti, qui approche ici un quivalent du style sensualiste deProust lcran, une poque o il travaillait ladaptation de la recherche du temps perdu projetquil devra malheureusement abandonner quelques annes plus tard.

    Avec Mort Venise, Visconti russit une admirable mditation dcadentiste sur les divergences entre lavie et la cration. Dans cette rverie homosexuelle le zoom optique soit un mouvement immobile trouve une utilisation gniale comme expression de la pulsion voyeuriste mais aussi de la mort.Visconti adapte la nouvelle Mort Venise en y ajoutant des retours en arrire nourris par des extraits

  • dune autre uvre de Mann le roman Docteur Faustus. Visconti fait de son protagoniste principal unmusicien et non pas un crivain, glissant ainsi de la figure de Mann celle de Gustav Mahler, dontlAdagietto de la Symphonie n5 est devenu indissociable de la tristesse infinie de Aschenbach et desimages sublimes de Mort Venise.

    Auteur : Thomas MannImage : Pasquale De SantisMontage : Ruggero MastroianniMusique : Gustav MahlerScnario : Luchino Visconti, Nicola BadaluccoProduction : Alfa CinematograficaRalisation : Luchino ViscontiProducteur/-trice : Luchino Visconti

    Avec :Dirk BogardeSilvana ManganoBjrn Andresen