Tunisie_Musée à ciel ouvert

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Tunisie Musée à ciel ouvert Tunisia an open-air museum Guillemette Mansour

description

La richesse historique de la Tunisie peut se découvrir à chaque pas, à travers tout le pays, dans les innombrables sites, vestiges en pleine nature, monuments toujours intégrés à la vie des cités, et même dans les traditions qui renvoient bien souvent à un passé lointain.

Transcript of Tunisie_Musée à ciel ouvert

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Tunisie Musée à ciel ouvert

Tunisia an open-air museum

Guillemette Mansour

Page 2: Tunisie_Musée à ciel ouvert

© MCM (Dad éditions) - 3e édition revue et augmentée - Décembre 20108 bis rue Slaheddine Bouchoucha - 2078 La Marsa - Tunisiee-mail : [email protected] 978-9973-51-213-0

Dad éditions est une marque de MCM.

Page 3: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Tunisia an open-air museum

Guillemette Mansour

Préface dePreface by

Khaled Ben Romdhane

Photos :Mrad Ben Mahmoud

sauf photos mentionnées en page 119Except photos indicated on page 119

Musée à ciel ouvertTunisie

Page 4: Tunisie_Musée à ciel ouvert

CarthageSidi Bou Saïd

Thuburbo Majus

Testour

Dougga

Tabarka

BizerteGhar el-MelhUtique

Bulla RegiaChemtou

Le Kef

Oudhna

Kerkouane

SicileSicily

Djerba

Sahel

Jerid

Chott el-Jerid

Cap Bon

Mediterranean Sea

Alg

eria

LibyeLibya

Kelibia

NabeulHammamet

Takrouna

Sousse

Sfax

Monastir

Mahdia

El Jem

Kairouan

Gafsa

Tozeur

DouzMatmata

Gabès

Gightis

Houmt Souk

Chenini

Douiret

Nefta

Makthar

Sbeïtla

Haïdra

Zaghouan

Tunis

Principaux sites en TunisieMain sites in Tunisia

Page 5: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Après une quinzaine d’années pendant lesquelles le patrimoine

archéologique et ethnographique tunisien n’a cessé de

bénéficier de nouvelles occasions d’être mis en valeur de

multiples façons – musées, sites archéologiques, parcs naturels etc. –,

entreprendre la présentation d’une Tunisie, musée à ciel ouvert n’était

pas une mince affaire. Il s’agissait de faire entrer chaque monument,

chaque œuvre, chaque fait dans un immense puzzle de la diversité

et de la richesse patrimoniale tunisienne aisément comparable à un

kaléidoscope.

Choix difficiles autant dans la démarche à suivre que dans l’appréciation

exacte des monuments et des objets quand, soumis à la dualité des

sources et de l’observation, il y a obligation à relater des faits proches

de la vérité et éloignés du mythe.

Pour y parvenir, il était indispensable de dompter, maîtriser une matière

comme le fait Guillemette Mansour qui manie son art en simplifiant

les faits d’apparence compliquée, de déterrer une masse d’évidences

peu connues ou oubliées, de remplir les lacunes et d’établir des liens

entre des facteurs apparemment indépendants, de fournir des détails

minutieux sans perdre de vue l’ensemble, en un mot de recréer ce

mouvement fluide, cette incessante progression vers l’avenir qui seule

peut communiquer l’animation du passé. Pour ce faire, il y a à noter

le soin apporté au volet iconographique qui contribue à montrer ce

patrimoine dans ses manifestations les plus diverses, parfois oubliées ou

délaissées par le modernisme qui déconsidère les objets traditionnels

et les monuments archéologiques sur le double plan utilitaire et

économique.

Expliquer toute la charge historique et esthétique contenue dans

chaque monument ou plus modestement chaque objet archéologique

et artisanal et l’intégrer dans le présent en tant que témoignage d’un

passé national et universel est un pari réussi par ce bel ouvrage afin de

favoriser une meilleure appréciation de notre passé historique et de le

parer d’un légitime prestige.

Khaled Ben RomdhaneDirecteur de recherche, ancien conservateur

du Musée National du BardoNovembre 2003

PrefaceAfter some 15 years during which

Tunisia’s archaeological and ethnographic heritage has not ceased to benefit from new opportunities for being developed in a different ways (museums, archaeological sites, nature parks, etc.), to undertake to present a Tunisia, an open air museum is no mean task. It necessitates placing each monument, work and event into the immense puzzle that is Tunisia’s rich and varied heritage, that is easily comparable to a kaleidoscope.

Difficult choices both in the method to follow as well as in the accurate appreciation of the monuments and objects when, subjected to the dichotomy of sources and observation, there is the obligation to relate the facts that are closest to the truth and furthest from myth.

To achieve that, it was indispensable to master the subject matter as Guillemette Mansour has done, who exercises her talent by simplifying facts that seem complicated, unearthing a mass of little known or forgotten evidence, filling in the gaps and establishing links between apparently independent factors, providing minute details without losing sight of the whole, in a word, recreating a fluid movement, this continuous progression towards the future which alone can bring the past to life. To do that, note should be made of the attention given to the pictorial aspect which contributes to illustrating this heritage in its widest manifestations, often forgotten or neglected by a modernism that discredits traditional objects and archaeological monuments both from a utilitarian as well as an economic point of view.

Explaining the full historic and aesthetic content of each monument or more modestly each archaeological and craft object and integrating it into the present as a witness of a national and universal past is a challenge that has been successfully met in this beautiful work with a view to encouraging a better appreciation of our historic past and of crediting it with a legitimate prestige.

Khaled Ben RomdhaneDirector of research, former curator for the

Bardo National MuseumNovember 2003

Préface

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SoMMaireSummary Survol 3000 ans d’histoire . . . . . . . . . 8Overview 3,000 years of history

autour de CarthageAbout Carthage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

La première Carthage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12The first Carthage

La Carthage romaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16Roman Carthage

Kerkouane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

D’Utique à Oudhna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26From Utica to Udhina

Thuburbo Majus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

a travers la Tunisie romaineThrough Roman Tunisia . . . . . . . . . . . . . . 30Dougga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Makthar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

Bulla Regia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

El Jem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Sbeïtla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

De Testour à NabeulFrom Testour to Nabeul . . . . . . . . . . . 70

Testour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Le Kef . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

Forteresses de la côte nord . . . . . . . . . . . . . 78The fortresses of the north coast

Villages et monde rural. . . . . . . . . . . . . . . . 80Villages and rural society

Nabeul. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

autour de KairouanAbout Kairouan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48La Grande Mosquée de Kairouan. . . . . . . . 50The Great Mosque of Kairouan

La médina de Kairouan. . . . . . . . . . . . . . . . 54The Kairouan medina

La zaouïa de Sidi Sahib. . . . . . . . . . . . . . . . 58The zaouia of Sidi Saheb

Les ribats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62The ribats

La médina de Sousse. . . . . . . . . . . . . . . . . . 64The Sousse medina

Mahdia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

Sfax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

Repères : Guidelines

Les Andalous en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . .76

Zaouïas et confréries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76

Mythes et imaginaire populaire . . . . . . . . . . . .80

Poterie et céramique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .84

Repères : Guidelines

Les Puniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14The Punics

Héritages romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Roman heritages

Repères : Guidelines

L’âge d’or de Kairouan . . . . . . . . . . . . . . . . . . .52Kairouan’s Golden Age

L’islam en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60Islam in Tunisia

Repères : Guidelines

Les Numides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39The Numidians

L’âge d’or de la mosaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . 42The golden age of mosaic

Le christianisme en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . 46Christianity in Tunisia

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Si la Tunisie s’enorgueillit de posséder l’un des plus grands musées archéologiques du monde – le musée du Bardo et son millier de mosaïques romaines –, elle est en réalité tout entière un musée où le passé a déposé ses multiples traces. Son histoire est faite d’un long balancement entre Afrique, Orient et Occident : berbère à l’origine, profondément marquée par les Phéniciens, devenue province prospère et influente de l’empire romain, émirat arabe puis royaume jouissant d’un grand rayonnement, elle a encore reçu, au cours des siècles récents, de nombreuses influences venues de Turquie et de l’Europe toute proche.

La richesse historique de la Tunisie peut se découvrir à chaque pas, à travers tout le pays, dans les innombrables sites, vestiges en pleine nature, monuments toujours intégrés à la vie des cités, et même dans les traditions qui renvoient bien souvent à un passé lointain. L’ambition de ce livre est d’apporter des réponses à tous ceux qui souhaitent aller plus loin dans leur approche de ce pays. Sans prétendre à l’exhaustivité, il prendra pour point de départ une grande variété de sites et de monuments pour aborder, par petites touches, tous les thèmes touchant à l’histoire, aux traditions, à l’art de vivre. Quelques-uns de ces thèmes – les civilisations et les faits de culture importants – feront l’objet d’une présentation détaillée offrant quelques repères dans ce parcours. En chemin, on ne manquera pas de s’arrêter sur la beauté des paysages, la valeur esthétique des monuments et des objets, les points de rencontre entre passé et présent et, finalement, la continuité d’une histoire aux multiples facettes.

G. M.

While Tunisia is proud to possess one of the largest archaeological museums in the world – the Bardo Museum and its thousand Roman mosaics – in reality the whole country is a museum where the past has left many traces. Its history is a long oscillation between Africa, the Orient and the West : Berber in origin, profoundly marked by the Phoenicians, converted into a prosperous and influential province of the Roman empire, an Arab emirate and then a kingdom of considerable influence, over the course of more recent centuries Tunisia has received numerous influences originating from Turkey and nearby Europe.

Tunisia’s wealth of history reveals itself with every step, throughout the whole of the country, in the countless sites, remains, monuments still integrated into the life of the towns, and even in the traditions which very often reflect a distant past. The aim of this book is to provide the answers for all those who wish to go further in their understanding of the country. Without trying to be exhaustive, it takes as its starting point the enormous variety of sites and monuments, dealing, through small details, with all the themes relating to history, traditions and lifestyle. Some of these themes – the civilizations and important cultural facts – are the subject of a detailed presentation offering some guidelines in that itinerary. Along the way, you won’t fail to be moved too by the beauty of the landscapes, the aesthetic value of the monuments and objects, the meeting points between past and present and finally the continuity of a many faceted history.

G. M.

Introduction De Djerba à Tozeur

From Djerba to Tozeur . . . . . . . . . . . . . 86

Djerba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

Ksour et troglodytes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92Ksour and troglodytes

Du Nefzaoua au Jerid . . . . . . . . . . . . . . . . . 96From Nefzaoua to the Djerid

Tozeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

TunisTunis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

Tunis, ville d’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . 102Tunis, a historic town

Monuments de Tunis . . . . . . . . . . . . . . . . 104Tunis’s monuments

Demeures et palais . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110Houses and palaces

Sidi Bou Saïd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

Tunis 1900. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

Repères : Guidelines

Les juifs en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90The jews in Tunisia

Repères : Guidelines

Le monde des médinas . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106The world of the medinas

La Tunisie des Beys . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112Tunisia under the Beys

Les sites et monuments inscrits au Patrimoine mondial de l’humanitéUNESCO World Heritage sites and monuments

Carthage (page 12 à/to 21)

Kerkouane (page 24)

Dougga (page 32)

L’amphithéâtre d’El JemEl Djem’s amphitheatre

(page 42)

Kairouan (page 50 à/to 59)

La médina de SousseThe Sousse medina

(page 62 à/to 65)

La médina de Tunis The Tunis medina

(page 102 à/to 111)

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3 000 ans d’histoireOveRview 3,000 years of historySurvol

814-146 av. J.-C. Carthage, ville de fondation phénicienne, règne sur une grande partie de la Tunisie.

814-146 B.C. Carthage, a town of Phoenician origin, reigns over a large part of Tunisia.

< Carthage.

146 av. J.-C. - 439 ap. J.-C. Les Romains ont annexé la Tunisie à leur empire ; ils ont reconstruit Carthage et la province d’Africa adopte pro-gressivement le christianisme.

146 B.C.-439-A.D.the romans annexe Tunisia to their empire ; they rebuild Carthage and the province of Africa gradually adheres to Christianity.

< Bulla Regia.

IIIe-Ier siècle av. J.-C. Les Numides, peuple autochtone, ont constitué un royaume à côté du territoire de Carthage.

Third-first centuries B.C. the numidians, a native people, establish a kingdom alongside Carthage’s territory.

< Chemtou.

647-909 Des gouverneurs arabes puis les Aghlabides règnent sur la Tunisie devenue musulmane.

647-909 the arab governors and later the aghlabids reign over Tunisia which has become Muslim.

< Sousse.439-647 ap. J.-C. Les Vandales puis les Byzantins conquièrent la Tunisie.

439-647-A.D. the vandals and later the byzantines conquer Tunisia.

< Sbeïtla.

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3 000 ans d’histoireOveRview 3,000 years of history

909-1050 Les Fatimides puis les Zirides, deux dynasties chiites, sont maîtres du pays jusqu’aux invasions hilaliennes.

909-1050 the Fatimids and later the zirids, two Shiite dynasties, were masters of the country up until the Hilalian invasions.

< Sousse.

1050-1230 Après un siècle de chaos, les Almohades restaurent l’unité du pays.

1050-1230 After acentury of chaos, the almohads restore the country’s unity.

1230-1574 Les Hafsides ont fait de la Tunisie un royaume indépendant.

1230-1574 Under the haFsids, Tunisia is an independent kingdom.

< Kairouan.

1574-1705 Les Pachas turcs puis les Beys mouradites dirigent le pays devenu province de l’empire ottoman.

1574-1705 the turkish PaChas and later the mouradite beys govern the country, now a province of the Ottoman empire.

< Tunis.

1705-1881 Les Beys husseïnites règnent sur un pays quasi indépendant d’Istanbul.

1705-1881 the husseinid beys reign over a country virtually independent of Istanbul.

< Tunis.

1881-1956 Le Protectorat français exerce sa tutelle sur la Tunisie jusqu’à l’Indépendance acquise le 20 mars 1956.

1881-1956 the FrenCh ProteCtorate exercises its control over Tunisia until the Independence (20th March 1956).

< Sfax.

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auTour De CarThage

About Carthage

Carthage a été un pôle de civilisation en Méditerranée occidentale pendant plus de mille ans. Son histoire est d’abord celle d’une première

et profonde imprégnation orientale, due à son origine phénicienne, puis de l’adoption de la culture romaine qui se propagea jusqu’à l’Atlantique et aux portes du Sahara. Tout autour de Carthage, les sites antiques de la Tunisie du Nord-Est contribuent à en dessiner les contours : une période punique, raffinée mais encore enrobée de mystère, et une période romaine marquée par un faste triomphant.

Carthage has been a centre of civilization in the western Mediterranean for more than 1,000 years. Its history is first of all that of an initial and profound eastern impregnation due to its Phoenician origin, then the adoption of Roman culture which spread as far as the Atlantic and the gateway to the Sahara. All around Carthage, the ancient sites of north-east Tunisia contribute to defining its outlines-: a Punic period, refined but still shrouded in mystery, and a Roman period marked by triumphant splendour.

11

CarthageSanctuaire de Baal et Tanit.The shrine of Baal and Tanit.

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Carthage est sans doute une des rares villes au monde à avoir été fondée par une femme. Ce point de la côte africaine fut en effet choisi par la princesse phénicienne Elyssa, surnommée aussi Didon, pour bâtir une ville nouvelle (Qart Hadasht en langue phénicienne) en 814 avant J.-C. Au contact des autochtones, Carthage élabora une civilisation mi-orientale, mi-africaine à laquelle les Romains donnaient le nom de punique. Son destin serait un jour de fédérer les innombrables comptoirs phéniciens de la côte méditerranéenne en un vaste et riche empire. Devenue une des plus puissantes cités de la Méditerranée antique, elle s’opposait à l’expansion de Rome qui la combattit puis la détruisit en 146-avant J.-C.

Carthage must be one of the rare cities in the world to have been founded by a woman. This spot on the North African coast was chosen by the Phoenician princess Elyssa, also known as Dido, to build a new city (Qart Hadasht in the Phoenician language) in 814 BC. Through contact with the native inhabitants, Carthage evolved a culture that was part Oriental, part African, to which the Romans applied the term Punic. Its destiny would one day be to federate the many Phoenician trading posts scattered around the Mediterranean coast into a vast and wealthy empire. As one of the most powerful cities in the ancient Mediterranean, Carthage opposed Rome’s expansion and Rome, in turn, fought back, ultimately destroying it in 146 BC.

La colline de Byrsa avait une importance particulière comme premier noyau de la cité et acropole sacrée où s’élevaient plusieurs temples. Les vestiges de quartier d’habitation qu’on peut y voir remontent au IIe-siècle avant J.-C., peut-être à l’époque où Hannibal a exercé les fonctions de suffète (magistrat).

la première CarthageThe f i rst Carthage

12 a u t o u r d e C a r t h a g e

t

Page 13: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Hannibal fut un des plus grands généraux de tous les temps. Sa guerre contre Rome et ses bataillons montés sur des éléphants sont demeurés célèbres. Mais sa défaite finale, faute du soutien des siens, a été le prélude à la destruction complète de Carthage.

Hannibal was one of the greatest generals of all times. His war against Rome and his battalions

mounted on elephants continue to be famous. But his final defeat, through lack of support from

his compatriots, signalled the prelude to the complete destruction of Carthage.

Byrsa Hill had a special importance as the first nucleus of the city and the site of the sacred acropolis where several temples stood. The remains of a residential quarter can be seen there which dates from the second century BC, perhaps the time when Hannibal exercised his duties as a suffete (magistrate).

Le sanctuaire de Baal et Tanit, dieu et déesse suprêmes du panthéon carthaginois, était une aire à ciel ouvert couverte de stèles commémorant les sacrifices d’animaux accomplis par les fidèles. Son surnom de Tophet (mot d’origine biblique) renvoie aux sacrifices humains qui y ont peut-être accomplis aux tout premiers temps de Carthage selon un rite oriental archaïque.

Les ports puniques ont été décrits par les auteurs anciens comme deux bassins reliés par un canal, le premier destiné aux navires de commerce, et le second à la redoutable flotte de guerre qui s’opposa aux Grecs puis aux Romains. Comme en écho inconscient à cette histoire glorieuse, le marabout d’une sainte, Lella Salha, s’élève sur le site.

The Punic Ports were described by ancient writers as being two basins linked by a canal, the first used by merchant ships and the second by the fearsome war fleet which opposed first the Greeks and then the Romans. In an unconscious tribute to this glorious past, a shrine (marabout) to the saint Lella Salha stands on the site.

13a b o u t C a r t h a g e

t The shrine of Baal and Tanit, the supreme god and goddess of the Carthaginian pantheon, is a spot in the open with a profusion of

stelae commemorating the animal sacrifices practised by their followers. Its nickname of Tophet (a word of

biblical origin) refers to human sacrifices that may have taken place there in Carthage’s earliest days

following an archaic Oriental rite.

t

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Les stèles par lesquelles les Puniques exprimaient un vœu à la divinité pouvaient comporter une dédicace en langue punique, des symboles et des représentations réalistes. Des milliers de ces stèles ont été découvertes au sanctuaire de Baal et Tanit (“Tophet”).A g. : un protomé (tête de femme en terre cuite).

The stelaes through which the Punics expressed a vow to the divinity sometimes contained a dedication in the Punic language, symbols or realistic representations. Thousands of these stelae have been discovered in the shrine to Baal and Tanit (“Tophet”).

Left : a “protomé” (terracotta woman’s head).

La civilisation punique est née de la rencontre de la culture phénicienne avec une terre d’Afrique habitée primitivement par les peuples libyques, ancêtres des Berbères. Lointain rejeton de Tyr, Carthage n’était pas la première

ville phénicienne de la région : Utique y avait été fondée avant elle. Mais elle a profité de sa position centrale en Méditerranée pour devenir une métropole opulente

et raffinée qui régna sur de nombreux territoires, de la Sicile au sud de l’Espagne en passant par les îles Baléares.Navigateurs et commerçants de génie, les Puniques fondèrent d’abord leur puissance sur les échanges et la puissance maritime. Leurs navires de commerce sillonnaient les mers jusqu’à l’Afrique noire et aux îles britanniques, escortés par une flotte de guerre efficace et redoutée. Doués pour les langues, capables de s’adapter aux usages des peuples les plus divers et d’établir avec eux des relations de confiance, ils se firent les vecteurs de la diffusion des produits, des styles et des savoir-faire – mais aussi de l’écriture alphabétique, invention phénicienne – entre tous les rivages de la Méditerranée.Mais après quelques siècles, face à la montée de la concurrence grecque, les Carthaginois apprirent aussi à se tourner vers leur arrière-pays. Ils se

firent agriculteurs et se forgèrent une réputation de spécialistes de l’arbori- culture et de la vigne. En même temps, ils créèrent un véritable brassage de population

et diffusèrent plus profondément leur culture dans un territoire correspondant à peu près à la Tunisie actuelle : leur langue sera encore parlée, dans les campagnes, au temps de Saint Augustin.

The Punic civilization was born from the meeting of the Phoenician culture with an African territory, originally inhabited by the Libyic peoples, ancestors of the Berbers. A distant relation of Tyre, Carthage was not the first Phoenician town in the region, Utica had been founded

there before it. But it took advantage of its central position in the Mediterranean to become an opulent and refined metropolis which ruled over numerous territories, from Sicily to southern Spain, passing through the Balearic Islands.Brilliant navigators and traders, the Punics founded their initial power on trade and naval power. Their merchant ships crossed the seas as far as Black Africa and the British Isles, escorted by an efficient and much-feared war fleet. Gifted for languages, capable of adapting themselves to the customs of the most diverse peoples and establishing relationships of trust with them, they became the vectors for circulating products, styles and knowledge and also the written alphabet – a Phoenician invention – all around the shores of the Mediterranean.But after a few centuries, faced with mounting Greek competition, the Carthaginians also learned to turn to their back-country. They became farmers and forged a reputation as specialists in the cultivation of fruit trees and vines. At the same time, they created a veritable melting pot of peoples and spread their culture deeply into a territory corresponding roughly to present-day Tunisia. Their language would still have been spoken in rural areas in the times of Saint Augustine.

L’influence hellénistique a marqué l’art punique. Cette lampe en terre cuite, en forme de tête masculine, pourrait être importée d’Alexandrie ou inspirée des modèles fabriqués dans cette ville.

The Hellenistic influence marked Punic art. This terracotta lamp, in the form of a man’s head, may have been imported from Alexandria or inspired by examples produced there.

L’art du bijou a atteint un haut degré de raffinement chez les Puniques. L’or en provenance d’Afrique noire, l’argent d’Espagne et le verre (invention phénicienne) fabriqué pas les Puniques eux-mêmes étaient combinés aux pierres précieuses finement travaillées. Bague ornée de guerriers (musée de Kerkouane).

Jewellery reached a great degree of refinement under the Punics. Gold originating from Black Africa, silver from Spain and glass (a Phoenician invention) produced by the Punics themselves were combined with finely worked precious stones.

A ring decorated with warriors (Kerkouane museum).

Les PuniquesThe Punics

a u t o u r d e C a r t h a g e14

Page 15: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Le symbole du poisson, porte-bonheur qui orne fréquemment les bijoux tunisiens d’aujourd’hui, était déjà présent dans les bijoux carthaginois.

The symbol of the fish, a good luck omen which frequently decorates modern-day Tunisian jewellery, was already present in Carthaginian jewellery.

Stèles contemporaines inspirées par les stèles puniques et exposées sur la colline de Byrsa (œuvre de Moez Chelli).

Contemporary stelae inspired by Punic stelae and exhibited on Byrsa hill (the work of Moez Chelli).

Baal Hammon, le dieu suprême des Carthaginois, représenté à la manière des dieux phéniciens sur un trône flanqué de sphinx (statuette de terre cuite).

Baal Hammon, the supreme Carthaginian god, depicted in the style of

Phoenician gods, seated on a throne flanked by sphinxes (statuette in terracotta).

Le vin Magon a été baptisé en l’honneur d’un grand agronome carthaginois, l’un des plus célèbres de la Méditerranée antique. L’œuvre de Magon fut précieusement conservée lors de la

prise de Carthage pour être traduite en grec et en latin.

Magon wine was named in honour of a great Carthaginian agronomist, one of the most famous in the ancient Mediterranean. Magon’s work was carefully preserved after the capture of Carthage to be translated into Greek and Latin.

La culture punique, c’est d’abord une culture sémitique qui resta fidèle à la religion de ses origines. Baal Hammon était le plus important des dieux, protecteur de la cité associé au soleil et au feu des brasiers. Du côté des déesses, la guerrière et séductrice Ashtart fut supplantée par Tanit, gardienne de la fécondité, peut-être sous l’influence d’une divinité locale et pour répondre à la nouvelle vocation terrienne de Carthage. A ces deux divinités, on adressait des vœux accompagnés de sacrifices d’animaux. En revanche, malgré ce qu’ont écrit certains auteurs anciens, les historiens d’aujourd’hui pensent généralement que les sacrifices d’enfants étaient exceptionnels : les restes humains découverts dans les sanctuaires puniques seraient ceux d’enfants morts en bas âge, rendus au monde divin selon un rite particulier.Carthage, c’était aussi une organisation politique qui a retenu l’attention d’Aristote. C’était enfin un art certes mal connu, mais dont quelques chefs-d’œuvre ont traversé les siècles et qui porte la marque d’un étonnant brassage culturel. Les masques de terre cuite, certaines amulettes, les statuettes de divinités hiératiques assises sur un trône évoquent le monde phénicien. D’autres amulettes et statues traduisent clairement l’influence de l’Egypte. Et dans les productions plus tardives, la beauté formelle et l’expression des visages peuvent être rapprochées de l’art hellénistique, dont les Puniques auraient adapté les canons à leurs thèmes de prédilection.

Above all a Semitic culture, the Punic culture remained faithful to the religion of its origins. Baal Hammon was the most important of the gods, the protector of the town, associated with the sun and the fire of the braziers. With respect to the goddesses, the amazon and temptress Ashtart was superseded by Tanit, guardian of fertility – perhaps under the influence of a local divinity and to fulfil Carthage’s new terrestrial vocation. Vows were made to these two divinities accompanied by animal sacrifices. On the other hand, in spite of what has been written by certain ancient authors, many historians today believe that the sacrifices of children were exceptions: the human remains discovered in the Punic shrines seem to be of children who died at a young age, returned to the heavenly world according to a particular rite.Carthage was also a political organization that captured the attention of Aristotle. It is indeed a little known art but of which a few masterpieces have passed down through the centuries and which show an astonishing mixture of cultures. Terracotta masks, various amulets, little statues of hieratic divinities seated on a throne evoke the Phoenician world. Other amulets and statues illustrate a clear Egyptian influence. In later works, the formal beauty and expression of the faces sometimes resembles Hellenistic art: the Punics would have adapted its canons to their themes of preference.

Des masques de terre cuite aux traits grimaçants étaient déposés dans les tombes dans l’intention d’éloigner les esprits malfaisants. Ces objets appartiennent à la tradition phénicienne.

Terracotta masks with grimacing features were placed in tombs with the intention of warding off evil spirits. These objects belong to the Phoenician tradition.

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La Grande Mosquée de Tunis – la Zitouna –, tout comme celle de Kairouan, a été embellie, lors de sa construction au IXe siècle, par des matériaux antiques récupérés sur des sites abandonnés. C’est ainsi que la salle de prière de la Zitouna contient cent vingt-quatre colonnes provenant du site de Carthage. Leur diversité de formes et de matières, conjuguée à un traitement dense et répétitif, crée un effet architectural inédit suggérant cohésion et harmonie.

The Great Mosque of Tunis – Zitouna – like that of Kairouan, has been embellished at the time of its construction in the ninth century with ancient materials recovered from abandoned sites. In this way, Zitouna’s prayer hall contains 124 columns originating from the site of Carthage. The diversity of their shape and material, combined with a dense and repetitive usage, creates an unusual architectural effect suggesting cohesion and harmony.

Carthage reconstruite par les Romains fut pensée comme une “seconde Rome”, conçue selon le plan idéal des villes romaines avec une trame orthogonale

parfaitement régulière, et dotée de tous les monuments nécessaires à la religion et au mode de vie romains. Forum, thermes, théâtre et temples approchaient par leur taille et leur somptuosité les plus beaux édifices de Rome. La cité se couvrit de superbes statues classiques en marbre blanc. L’art de la mosaïque connut un développement prodigieux, au point que les mosaïques africaines comptent parmi les plus remarquables et les plus originales du monde romain. L’ère romaine dura six siècles pendant lesquels la région connut une grande prospérité. Le blé, puis l’huile d’olive, le vin, les salaisons de poisson produits en Afrique devinrent indispensables à la métropole italienne, de même que les animaux exotiques destinés aux jeux du cirque. Plus tard, des intellectuels africains s’imposèrent à Rome comme l’écrivain Apulée et les penseurs chrétiens Tertullien et Saint Augustin, qui jouèrent un rôle décisif dans l’évolution du christianisme occidental.

Carthage rebuilt by the Romans was conceived as a “second Rome”, designed according to the ideal plan of a Roman town with a perfectly regular grid layout, and boasted all the monuments necessary for the Roman religion and lifestyle. The forum, baths, theatre and temples rivalled the

most beautiful buildings in Rome in size and sumptuousness. The city had an abundance of superb, classic white marble statues. Mosaic art witnessed a significant development to the extent that African mosaics are amongst the most remarkable and original in the Roman world.

The Roman era lasted six centuries during which the regions achieved great prosperity. First wheat, then olive oil, wine and salted fish products from Africa became indispensible for the Italian metropolis, as did exotic animals destined for the games in the circus. Later on, African intellectuals made their name in Rome such as the writer Apulius and the Christian philosophers Tertulius and Saint Augustin, who played a decisive role in the evolution of western Christianity.

Heritages romains Roman her itages

a u t o u r d e C a r t h a g e22

Les sacrifices d’animaux, en particulier de béliers et de taureaux, considérés comme substituts aux anciens sacrifices humains, occupaient une grande place dans la religion de Carthage. Celle-ci n’a pas disparu avec la cité : ses rites et ses symboles sont restés longtemps en usage, se superposant aux pratiques religieuses romaines. De nos jours, la religiosité populaire attribue toujours une vertu protectrice aux sacrifices d’animaux. Et une solennité particulière entoure la grande fête musulmane de l’Aïd el-Kébir, commémoration du geste d’Abraham (Ibrahim) qui substitua un sacrifice animal au sacrifice humain.

Stèle tardive portant le “signe de Tanit” et l’évocation d’un sacrifice (musée de Nabeul).

Animal sacrifices, particularly of rams and bulls, regarded as a substitute for the archaic human sacrifices, occupied an important place in Carthaginian religion. The custom did not die out with the dis-appearance of the city : its rites and symbols remained in use for a long time, superimposing themselves on Roman religious practices. Even today, popular religious practices still assign a protective virtue to animal sacrifices. A particular solemnity surrounds the great Muslim festival Aid el Kebir, commemorating the gesture by Abraham (Ibrahim) of substituting animal sacrifice for human sacrifice.

A late stela bearing the Tanit symbol and evoking a sacrifice (Nabeul museum).

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Les chevaux étaient l’objet chez les habitants de Carthage d’une véritable passion, nourrie sans doute par la culture locale : les pièces de monnaie carthaginoises portaient souvent l’effigie d’un cheval, et les cavaliers d’Afrique étaient réputés dans les armées antiques. Les dimensions du cirque romain de Carthage le plaçaient au deuxième rang de tout l’empire, et de nombreuses mosaïques et sculptures rendent gloire aux chevaux et aux auriges (conducteurs de chars). La province exportait des chevaux vers Rome. De nos jours encore, les haras tunisiens produisent des chevaux barbes (race locale), arabes et arabes-barbes appréciés des connaisseurs.

A gauche : centre équestre près de Tunis. A droite : mosaïque romaine (musée de Sousse).

Horses : The inhabitants of Carthage had a veritable passion for horses which was undoubtedly encouraged by the local culture ; Carthaginian coins often bore the image of a horse and African horsemen were well renowned in ancient armies. The dimensions of Carthage’s Roman circus ranked it as the second largest in the whole of the empire ; numerous mosaics and sculptures pay tribute to horses and aurigas (charioteers). The province exported horses to Rome. Even now, Tunisian studs breed barb horses (the local race), Arabs and Arab-barbs, which are appreciated by experts.Left : An equestrian centre near Tunis. Right : Roman mosaic (Sousse museum).

s Le musée du Bardo, aménagé dans un ancien palais des beys de Tunis, est un des plus grands musées d’art romain du monde.

The Bardo Museum, housed in a former palace belonging to the Beys of Tunis, is one of the most important Roman museums in the world.

Un art romain “indigène” s’est développé à côté de l’art officiel. Ses canons étaient fort différents : goût de la frontalité, stylisation, non respect des proportions réelles.

An “indigenous” Roman art developed alongside the official art. Its canons were markedly different : a taste for frontality, stylization, lack of respect for true proportions.

Le sarcophage de “l’enfant docteur” (ci-contre) est celui d’un enfant mort durant ses études. Il représente des allégories des saisons : ici, l’été et l’automne.

The sarcophagus of the ‘‘child doctor’’ (opposite) belongs

to a child who died whilst studying. It represents allegories of the seasons : depicted here, summer and autumn.

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La Tunisie fut sous les Romains un pays fortement urbanisé. Jusque dans les régions éloignées de Carthage, chacun avait pour ambition d’accéder au mode de vie romain. L’imprégnation fut profonde, certains traits culturels ont traversé les siècles. Ainsi, la tradition populaire garde le souvenir du calendrier julien en célébrant les mois de Maïou (mai) et Aoussou (août) ; il existe encore à Dougga une fête appelée Mokhola héritée d’un vieux rite païen. Le hammam lui-même peut être considéré comme l’héritier des thermes romains, ayant comme ces derniers la double fonction de bain public et de haut lieu de la vie sociale.En même temps, à Carthage même et plus encore dans les régions éloignées, la culture locale avait gardé ses droits. Sous couvert du culte des dieux romains Saturne et Junon Caelestis, on adorait en réalité Baal Hammon et Tanit, les grands dieux puniques. Le mode de construction des monuments empruntait aux techniques anciennes : l’unité de mesure était la coudée punique et on recourait souvent au procédé de construction punique appelé opus africanum (murs comportant une structure en harpes verticales). Et dans certaines régions, la langue punique resta utilisée dans la vie quotidienne jusqu’à la fin de l’époque romaine ; on l’écrivait même parfois phonétiquement en caractères latins.

Under the Romans, Tunisia was a highly urbanized country. Even in the regions furthest from Carthage, people aspired to the art of Roman living. The influence was very profound and certain cultural features have been passed down through the centuries. Popular tradition thus maintains the memory of the Julian calendar by celebrating the months of Maïou (May) and Aoussou (August) ; in Dougga there is still a festival called Mokhola, inherited from an ancient pagan rite. The hammam too can be regarded as an heir to the Roman baths, sharing the same double function of public bath and supreme social meeting place.At the same time, in Carthage itself and particularly in the most distant regions, the local culture continued to exercise its rights. Under the guise of worshipping the Roman gods Saturn and Juno Caelestis, it was really Baal Hammon and Tanit, the great Punic gods, that were being worshipped. The methods used for the construction of monuments drew from ancient techniques : the unit of measure was the Punic cubit and recourse was often made to the Punic construction method called Opus Africanum (walls consisting of a structure of vertical toothing). And in certain regions, the Punic language was still in use in daily life up to the end of the Roman period ; sometimes it was even written phonetically using Latin characters.

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If you want to learn more about the Carthaginians’ daily life, the site of Kerkouane serves as an irreplaceable aid. Located virtually at the tip of the Cap Bon peninsula, it offers a unique example of a Punic town which, already abandoned by the time of the Roman conquest, has remained untouched during the ensuing centuries. In spite of its small size, the town boasted a regular layout and houses equipped and decorated with a certain refinement that give an idea of the quality of urban life during the time of the first Carthage.The Cap Bon region has preserved other ancient sites, most notably El Haouaria (underground Punic quarries) and Nabeul (remains of beautiful Roman villas and a fish salting factory).

KerkouaneKerkouane

s L’urbanisme de Kerkouane se lit facilement dans les vestiges qui datent de l’abandon de la ville après une expédition romaine en 255 avant J.-C. Ils dessinent une ville aérée et régulière, avec des rues relativement larges composant une trame presque orthogonale. La plupart des maisons possédaient une cour centrale accessible par un vestibule coudé ; un modèle très ancien en Orient qu’on retrouve dans les maisons des médinas d’aujourd’hui.

Kerkouane's urban layout can be clearly distinguished from its remains, which reveal a spacious, regular plan with relatively wide streets forming a virtual grid layout. The majority of houses had a central courtyard which was accessible from an angled entrance hall, a very ancient Oriental tradition that can be seen in the houses in the medina even now.

Pour qui veut connaître la vie quotidienne des Carthaginois, le site de Kerkouane est d’un apport irremplaçable. Situé vers la pointe du cap Bon, il constitue en effet un exemple unique de ville punique déjà abandonnée lors de la conquête romaine, et par conséquent jamais remaniée à des époques ultérieures. La cité, malgré sa petite taille, possédait un plan régulier et des maisons équipées et décorées avec un certain raffinement, ce qui laisse imaginer la qualité de la vie urbaine au temps de la première Carthage.La région du cap Bon a conservé d’autres sites antiques, notamment à El Haouaria (carrières souterraines puniques) et Nabeul (vestiges de belles villas romaines et d’une fabrique de salaisons de poisson).

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1 Tanit symbol house2 house with a suite of adjoining rooms3 house with central patio4 peristyle house5 priest’s house6 temple7 rich person’s house (House of the Sphynx)

maison au “signe de Tanit”maison à structure “en enfilade”

maison à cour centralemaison à péristylemaison du prêtre

templeriche demeure (“maison du Sphynx”)

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musée museum

Site inscrit au Patrimoine mondial de

l’humanitéUNESCO World Heritage site

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s Une baignoire sabot revêtue d’un enduit rose équipait de nombreuses maisons de Kerkouane. Des canalisations en plomb, des éviers et bassins complétaient ces installations particulièrement raffinées pour l’époque. Ce souci de la propreté est à rapporter aux cultures sémitiques, qui accordent une grande importance à la purification du corps.

A slipper bath : Numerous houses in Kerkouane were equipped with a slipper bath lined with a pink coating. Lead plumbing, sinks and cisterns completed the installation, which was particularly refined for its time. This concern for cleanliness is related to the Semitic culture, which assign great importance to the purification of the body.

t Le “signe de Tanit” composé en petites tesselles blanches sur le sol foncé, orne le seuil d’une maison. Ce décor annonce naïvement l’art de la mosaïque ; il montre aussi que ce symbole avait un rôle de porte-bonheur. En réalité, on connaît mal l’origine et la signification de ce signe extrêmement fréquent à Carthage : figure humaine stylisée ? variante de l’ankh (croix ansée), symbole de vie égyptien ?…

t Une maison à péristyle (portique à colonnes entourant la cour sur quatre côtés) suggère l’influence de l’architecture grecque : on a en effet retrouvé à Kerkouane des objets et des éléments de décoration provenant de Grèce ou inspirés par l’art de ce pays.

A house with a peristyle (a colonnaded portico surrounding the four sides of the courtyard) suggest a Greek influence on the architecture ; indeed, various objects and decorative elements have been found in Kerkouane originating from Greece or inspired by Greek art.

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The “Tanit” symbol, composed of small white mosaic tesserae on a dark background, decorates the entrance to one of the houses. This decoration primitively announces the art of mosaic ; it also demonstrates that the symbol, which is generally identified as the great Carthaginian goddess Tanit, served as a good luck omen. The origin and meaning of the sign, which appears frequently in Carthage, are unclear ; it may have been a stylised human figure or, perhaps a version of ankh, the Egyptian symbol for life.

a b o u t C a r t h a g e

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a TraverS la T u N i S i e r o M a i N e

Through Roman Tunisia

Les témoignages laissés sur tout le territoire tunisien par la civilisation romaine sont innombrables ; la province d’Africa fut en effet parmi les

plus brillantes de l’empire, et ces vestiges offrent une image particulièrement vivante de l’art et du mode de vie romains. En même temps, ils affichent des traits spécifiques, propres à l’Afrique, signe de la forte personnalité de cette contrée durablement marquée par l’empreinte de la première Carthage et qui joua parfois un rôle influent dans l’évolution de l’empire romain.

The Romans left countless testimonies behind them in Tunisia. In fact, the province of Africa was one of the most brilliant in the empire and these remains offer a particularly vivid image of Roman art and living. At the same time, they illustrate specific features, characteristic of Africa, a sign of the strong personality of the region, lastingly marked by the imprint of the first Carthage, and whose role was often influential in the evolution of the Roman empire.

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Clinging to a verdant hillside, the exceptionally well preserved site of Dougga is, without doubt, one of the most magnificent in Tunisia. In addition to recreating the entire structure of a small but prosperous Roman town (ancient Thugga), a number of extremely beautiful monuments can be seen, such as the Capitol, the theatre and Numidian mausoleum. The latter ties in with another of the site’s interests : the town, an ancient royal Numidian city (see page 39), has numerous relics of the local culture that survived the Roman conquest.

DouggaDougga

t L’arc de Sévère Alexandre. Rome eut aux IIe-IIIe siècles plusieurs empereurs originaires d’Afrique du Nord, les Sévères, dont le règne fut bénéfique aux provinces d’Afrique et leur apporta une grande prospérité.

Exceptionnel par son état de conservation, accroché aux flancs d’une colline verdoyante, le site de Dougga est sans doute l’un des plus splendides de Tunisie. Tout en restituant la structure complète d’une petite ville romaine (l’antique Thugga), il offre au regard quelques monuments de toute beauté comme le capitole, le théâtre et le mausolée numide. Ce dernier renvoie à un autre intérêt du site : la cité, ancienne ville royale numide (voir page 39), a gardé de nombreux indices de la survivance de la culture autochtone après la conquête romaine.

32 à t r a v e r s l a T u n i s i e r o m a i n e

Petit bijou d’architecture romaine, le théâtre de Dougga, construit en 168 ou 169 après J.-C., donne une bonne idée de la richesse de la ville et de l’ambition de ses habitants : il pouvait accueillir 3 500 personnes, une capacité qui semble supérieure aux besoins réels de la population. Il est aussi un des théâtres les mieux conservés d’Afrique.

A small jewel of Roman architecture, Dougga's theatre,

built in 168 or 169 AD, gives a good idea of the wealth and ambition of

its inhabitants. The theatre could seat 3,500 people, a capacity that would seem excessive for the real

needs of its population. It is also one of the best preserved theatres

in Africa.

Le Capitole (IIe siècle après J.-C.) est exceptionnellement bien conservé. Son fronton sculpté représente l’apothéose de l’empereur Antonin enlevé par un aigle.

The Capitol is exceptionally well preserved (second century AD). Its sculpted pediment represents the apotheosis of the

emperor Antoninus borne aloft by an eagle.

The triumphal arch of Alexander Severus. In the second to third centuries Rome had several emperors who originated from North Africa, the Severuses, whose reign was beneficial for the provinces of Africa and brought them great prosperity.

Page 25: Tunisie_Musée à ciel ouvert

t Les thermes étaient un élément essentiel du mode de vie romain. Thugga comptait plusieurs établissements parmi lesquels les Thermes liciniens (à droite), un imposant édifice de plan classique en grande partie conservé, et les Thermes d’Aïn Doura (à gauche). Les abondantes ressources en eau étaient une des causes de la richesse de la cité ; on peut admirer sur le site les vestiges d’un aqueduc et de plusieurs citernes et nymphées (fontaines monumentales).

The baths were an essential element of Roman life. Thugga boasted several establishments, amongst them the Licinian baths (left), an imposing building of classic layout, most of which has been preserved, and the Aïn Doura baths (right). The abundant water resources were one of the reasons for the city’s wealth ; remains can be seen on the site of an aqueduct and several cisterns and nympheums (monumental fountains).

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Nestling between two chains of mountains, in the fertile Medjerda valley, the site of Bulla Regia hides a real treasure : sumptuous Roman villas with a basement. This distinctive layout, totally innovative for the Roman world, enabled the inhabitants to benefit from cooler apartments during the summer. It may have been inspired by local traditions of troglodyte dwellings, as still exist in the Tunisian South.Bulla Regia was a small town of Numidian origin, situated on the route linking Carthage to Hippo Regia (Annaba in Algeria). Its name indicates that it was a royal town, that is to say a secondary capital and residence of the Numidian kings. One can still see remains of its pre-Roman ramparts.The houses are not the only attraction of the site which has other outstanding monuments such as the theatre and baths.

Bulla regiaBul la Regia

s La maison de la Chasse, ainsi nommée à cause des mosaïques qui l’ornaient (aujourd’hui au musée du Bardo), est la plus belle des maisons à étage souterrain. Au sous-sol, elle comprend une cour sur laquelle ouvrent plusieurs chambres et un triclinium (salle à manger). Au rez-de-chaussée, une autre cour est bordée d’un beau péristyle de seize colonnes brun-rouge. Les maisons d’Afrique romaine, contrairement à celles de Rome, n’avaient pas d’atrium mais une véritable cour à ciel ouvert, comme les maisons des médinas et certaines habitations puniques.

The House of the Hunt, so named because of the mosaic that

decorated it (now in the Bardo Museum), is the most beautiful of the underground villas. The basement consists of a court- yard opening on to several rooms and a triclinium (dining-room). On the ground floor, another courtyard is surrounded

by a beautiful peristyle of 16 browny-red columns. The houses of Roman Africa,

contrary to those of Rome, did not have an atrium but rather a proper open-air court-yard, like the houses in the medinas and

certain Punic dwellings.

Niché entre deux chaînes de montagnes, dans la fertile vallée de la Mejerda, le site de Bulla Regia cache un trésor : de somptueuses maisons romaines possédant un étage souterrain. Cette disposition particulière, complètement nouvelle dans le monde romain, permettait aux habitants de profiter d’appartements plus frais durant l’été ; elle s’inspirait peut-être de traditions locales d’habitations troglodytiques, comme il en existe encore dans le Sud tunisien.Bulla Regia était une petite ville d’origine numide, située sur la voie reliant Carthage à Hippone (Annaba en Algérie). Son nom indique qu’elle était une ville royale, c’est-à-dire une capitale secondaire et résidence des rois numides. On peut encore voir des vestiges de ses remparts préromains. Les maisons ne sont pas le seul attrait du site qui présente d’autres monuments remarquables comme le théâtre et les thermes.

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1 baths2 esplanade surrounded by temples3 theatre4 forum5 underground villas

thermesesplanade entourée de temples

théâtreforum

maisons à étage souterrain

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musée museum

Page 27: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Le théâtre de Bulla Regia est l’un des plus beaux de Tunisie. Les tunnels d’accès, les gradins du bas réservés aux notables, l’orchestre et la scène couverte de mosaïque blanche sont remarquablement conservés. Les gradins supérieurs étaient soutenus par des voûtes qui ont disparu.

Bulla Regia's theatre is one of the most beautiful in Tunisia. The access tunnels, lower terraces reserved for prominent citizens, orchestra and stage covered with white mosaic are remarkably well preserved. The upper terraces were supported by vaulting which has now disappeared.

t Les thermes dits de Julia Memmia sont particulièrement spectaculaires. Située dans une région bien arrosée, la cité disposait des ressources en eau nécessaires pour alimenter un grand établissement de thermes.

The Julia Memmia baths are particularly spectacular. Situated in a well watered region, the town boasted the necessary water resources to supply large baths.

s La maison d’Amphitrite a conservé ses somptueuses mosaïques qui ornent le sol de l’étage souterrain. Divinité grecque, épouse de Poséidon, Amphitrite y est représentée chevauchant un centaure marin.

The House of Amphitrite has preserved its sumptuous mosaics which decorate the floor of the basement. Amphitrite, a Greek divinity, wife of Poseidon, is depicted astride a sea centaur.

Maison de la Chasse : une des galeries de l’étage inférieur, soutenue par d’élégantes colonnes corinthiennes et éclairée par des ouvertures hexagonales.

House of the Hunt : One of the galleries in the basement, supported by elegant Corinthian columns and illuminated by hexagonal apertures.

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Page 28: Tunisie_Musée à ciel ouvert

C’est à l’époque de la construction de l’amphithéâtre d’El Jem, et dans sa région, qu’ont été produites quelques-unes des plus belles mosaïques de Tunisie. La Byzacène (Centre-Est du pays) et Carthage étaient en effet les deux principaux pôles de création

de l’école africaine de mosaïque. Celle-ci se distinguait par la finesse des coloris, la spontanéité et l’expressivité des sujets et l’ingéniosité dans la composition des grands pavages. Elle était aussi le reflet fidèle de la vie des Africains : on y retrouve à la fois leurs thèmes mythologiques de prédilection et la description réaliste de leur cadre de vie et de leurs activités quotidiennes. Le musée du Bardo à Tunis présente des centaines de tableaux de mosaïque de grande valeur artistique et documentaire.

l’amphithéâtre d’el JemThe amphitheatre of e l Djem

L’amphithéâtre pouvait accueillir 30 000 spectateurs. Outre une grande partie de son enceinte et de ses gradins, il a conservé son arène et les galeries souterraines où les fauves étaient enfermés avant les combats. En effet, alors qu’à Rome on aimait par-dessus tout les combats de gladiateurs, on donnait ici surtout des exhibitions de bêtes sauvages et des chasses aux fauves qui passionnaient les foules.

The amphitheatre could accommodate 30,000 spectators. In addition to a large part of its enclosure and terraces, the arena and the underground galleries where the wild cats were kept before the combats have also been preserved. In fact, while in Rome they loved the gladiator fights above all, here it was the exhibitions of wild beasts and hunts with wildcats that gripped the crowds.

Chef-d’œuvre d’architecture romaine, l’amphithéâtre d’El Jem ne peut se comparer qu’au Colisée de Rome pour sa taille et son état de conservation. Il a, de surcroît, été construit à une époque de maturité, au IIIe siècle, et traduit une grande maîtrise technique. Ce monument appartenait à une grande ville du nom de Thysdrus, enrichie par le commerce de l’huile d’olive. On y a dégagé un vaste forum et les vestiges de riches demeures.

42 à t r a v e r s l a T u n i s i e r o m a i n e

A masterpiece of Roman architecture, El Djem's amphitheatre can be compared only with the Coliseum in Rome for size and state of preservation. Moreover, it was built in a period of maturity, in the third century, and demonstrates a great technical mastery.The monument belonged to a great town by the name of Thysdrus which prospered from the olive oil trade. An enormous forum has been excavated and remains of wealthy homes.

It is the period of the construction of El Djem's amphitheatre, and within this region, that some of the most beautiful mosaics in Tunisia were produced. Byzacene (centre-east of the country) and Carthage were, in fact, the two principal creative centres of the African mosaic school. The latter distinguished itself for the subtlety of its colours,

the spontaneity and expressiveness of its subjects and the ingenuity of the composition of the great pavings. It was also a faithful reflection of the life of the Africans ; you’ll find their favourite mythological themes as well as a realistic description of their lifestyle and daily activities. The Bardo Museum in Tunis houses hundreds of mosaics of enormous artistic and documentary importance.

The golden age of mosaicMusée d’El Jem

Museum of El Djem

Page 29: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Le dieu Océan (IIIe s., musée de Sousse), un tableau remarquablement expressif. Les thèmes marins étaient une des grandes sources d’inspiration des mosaïstes.The Ocean God (third century, Museum of Sousse), a remarkably expressive picture. Marine themes were one of the great sources of inspiration for the mosaicists.

Cortège triomphal de Dionysos (IIe s., musée de Sousse). Ce dieu très populaire en Afrique était une figure mythologique complexe, à la fois dieu du vin et des mystères, dompteur des bêtes sauvages, civilisateur et garant de l’ordre universel. Son culte était lié aux jeux d’amphithéâtre. Pour les mosaïstes, il était aussi un prétexte à donner libre cours à leur goût pour la représentation des fauves.

Triumphal procession of Dionysius (second century, Museum of Sousse). This god, who was very popular in Africa, was a complex mythological figure, at once the god of wine and mysteries, tamer of wild beats and civilizer and guarantor of universal order. His worship was linked to the amphitheatre games. For the mosaicists, he was also a pretext to give free reign to their taste for depicting wild cats.

La façade est d’une sobre et puissante beauté due à l’unité de style architectural (deux ordres seulement, corinthien et composite) et à la couleur chaude de la pierre, mise en valeur par les colonnes engagées et les ouvertures bien proportionnées. Contrairement aux édifices d’Italie où la brique était souvent utilisée, celui-ci est bâti entièrement en pierre de taille.

The facade is of austere and powerful beauty due to the unity of its architectural style (only two orders, Corinthian and composite) and the warm colour of the stone, set off by engaged columns and well proportioned openings. Contrary to buildings in Italy, where brick was often used, the amphitheatre is built entirely of cut stone.

Monument inscrit au Patrimoine mondial de l’humanitéUNESCO World Heritage monument

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Triomphe de Neptune (IIIe s., musée de Sousse).

The Triumph of Neptune (third century, Museum of Sousse).

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46 à t r a v e r s l a T u n i s i e r o m a i n e

La religion chrétienne s’est répandue très largement et rapidement dans la Tunisie antique. Dès le IIe siècle après J.-C., Tertullien, remarquable écrivain chrétien de Carthage, écrivait : « Nous sommes une multitude

immense, presque la majorité dans chaque cité ». A la fin de l’Antiquité, certaines régions comme l’Ouest étaient dotées d’une multitude de petites églises et chapelles dont les vestiges sont disséminés parmi les villages d’aujourd’hui. Et la grande métropole, Carthage, comptait pas moins de dix-sept églises.A la fin du IVe siècle, le christianisme était devenu si dominateur que les Romains païens se cachaient pour pratiquer leur culte. On a retrouvé à Carthage un ensemble de splendides statues de dieux et déesses romains dissimulés dans une pièce murée par crainte de les voir détruire par des chrétiens trop zélés.Le christianisme d’Afrique est symbolisé par la figure de saint Augustin, l’un des Pères de l’Eglise chrétienne. Son combat contre le donatisme (un courant chrétien spécifique à l’Afrique), ses écrits théologiques, sa conception de la vie monastique ont eu une influence décisive sur la constitution du catholicisme. La littérature chrétienne d’Afrique est aussi à l’origine de l’adoption du latin comme langue de l’église, plutôt que le grec, jusqu’alors langue de culture et langue des Evangiles.

The Christian religion spread very widely and rapidly through ancient Tunisia. In the second century AD, Tertulian, a remarkable Christian writer from Carthage, wrote : « We are a vast multitude, practically the majority in each town ». At the end of Antiquity, certain regions such as the west boasted a multitude

of small churches and chapels whose remains are scattered amongst the modern-day villages. And the great metropolis, Carthage, had no less than 17 churches.At the end of the sixth century, Christianity had become so dominant that Roman pagans hid themselves to practice their religion. Discovery has been made in Carthage of a group of magnificent statues of Roman gods and goddesses concealed in a walled-in room for fear of seeing them destroyed by over zealous Christians.African Christianity is symbolized by the figure of Saint Augustine, one of the fathers of the Christian church. His battle against Donatism (a Christian movement specific to Africa), his theological writings and his conception of monastic life have had a decisive influence on the constitution of Catholicism. African Christian literature is also the origin of the adoption of Latin as the language of the church rather than Greek, until that time the language of culture and of the Gospels.

Haïdra, près de l’Algérie, possède les vestiges d’une des plus grandes forteresses byzantines du Maghreb. Il s’agissait d’une véritable citadelle, à l’intérieur de laquelle se trouvaient deux églises. Outre cette citadelle, la ville possédait une énorme basilique et un ancien arc de triomphe romain transformé en fortin.Les Byzantins ont maintenu une vie prospère et brillante dans les villes, mais n’ont pu rétablir une sécurité totale dans le pays. Aussi ont-ils laissé à travers le territoire tout un réseau de forteresses. Beaucoup étaient construites à partir de monuments anciens devenus obsolètes, mal adaptés aux nouvelles valeurs et à l’organisation sociale d’un pays catholique.

Haïdra, near Algeria, boasts the remains of one of the largest Byzantine fortresses in the Maghreb. It was a veritable citadel, inside which were two churches. In addition to the citadel, the town possessed an enormous basilica and an ancient Roman triumphal arch transformed into a small fort.Although the Byzantines maintained a prosperous and brilliant life in the towns, they were not able to re-establish total security in the country. They left a network of fortresses across the territory. Many were built from ancient monuments that had become obsolete, badly adapted to the new values and social organization of a Catholic country.

S a i n t A u g u s t i n est né en 354 à Thagaste, aujourd’hui Souk Ahras de l’autre côté de la frontière algérienne. Sa mère

Monique, chrétienne d’origine berbère,

joua un grand rôle dans sa vocation : elle l’a en

effet détourné du manichéisme, doctrine persane alors en vogue à laquelle il avait adhéré dans sa jeunesse.Evêque d’Hippone (Annaba), Augustin exerça maintes fois à Carthage ses talents d’orateur et de polémiste pour imposer l’orthodoxie catholique. Saint Augustin et sa mère Sainte Monique, détail d’un tableau d’Ary Scheffer (musée du Louvre)

Saint Augustine was born in 354 in Thagaste, now Souk Ahras, on the other side of the Algerian border. His mother Monica, a Christian of Berber origin, played a significant role in his vocation, indeed she turned him away from Manichaeism, a Persian doctrine then in vogue to which he had adhered in his youth.Bishop of Hippo (Annaba), Augustine exercised his talent as an orator and polemist on many occasions in Carthage to impose Catholic orthodoxy.Saint Augustine and his mother Saint Monica, detail of a painting by Ary Scheffer (Louvre Museum)

Le christianisme enChrist ianity in Tunis ia

Page 31: Tunisie_Musée à ciel ouvert

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Au Ve siècle, la Tunisie fut envahie par les Vandales, des guerriers d’origine germanique passés par l’Espagne avec leurs familles – peut-être 80 000 personnes au total. De religion arienne, ils adoptèrent le mode de vie romain et organisèrent depuis Carthage le sac de Rome et la conquête de plusieurs grandes îles méditerranéennes. L’Eglise catholique subit des persécutions, mais continua cependant à prospérer dans les régions éloignées de Carthage.Le christianisme fut rétabli comme religion officielle et unique par les Byzantins, qui conquirent le pays au VIe siècle. Ce siècle byzantin fut une période de christianisme triomphant durant laquelle Carthage se maintint parmi les toutes premières villes du monde. Les provinces africaines, contrairement à l’Europe de l’ouest, ne connurent pas à cette époque de véritable déclin.L’arrivée de l’islam, au milieu du VIIe siècle, n’a pas éliminé le christianisme. Au contraire, celui-ci a bénéficié de la bienveillance due aux “gens du Livre” (juifs et chrétiens). Quatre siècles après la fondation de la très musulmane Kairouan, les chrétiens y étaient encore nombreux et des documents attestent que les fêtes de Noël et Pâques y étaient régulièrement célébrées. Le christianisme autochtone semble toutefois avoir totalement disparu après le XIIe siècle. Plus tard, à diverses époques, se reformeront des communautés chrétiennes d’origine étrangère. Le plus souvent, elles pourront construire leurs propres églises et pratiquer librement leur culte : marchands, miliciens du sultan et, plus récemment, pêcheurs, artisans, colons et travailleurs immigrés venus dans le sillage du Protectorat français.

In the fifth century, Tunisia was invaded by the Vandals, warriors of Germanic origin arriving from Spain with their families – perhaps 80,000 people in all. Of Arian religion, they adopted the Roman lifestyle and from Carthage organized the sacking of Rome and the conquest of various large Mediterranean islands. The Catholic church suffered persecution but continued to prosper however in the regions furthest from Carthage.Christianity was re-established as the sole and official religion by the Byzantines, who conquered the country in the sixth century. The Byzantine era was a period of triumphant Christianity during which Carthage continued to be one of the world’s principal cities. The African provinces, contrary to western Europe, did not see a real decline in this period.The arrival of Islam, in the mid-seventh century, did not eliminate Christianity. On the contrary, it benefitted from the favour given to the “People of the Book” (Jews and Christians). Four centuries after the foundation of the highly Muslim Kairouan, the Christians still existed in great number and documents testify that the festivals of Christmas and Easter were regularly celebrated there. Local Christianity seems nevertheless to have completely disappeared after the 12th century. Later on, in different periods, Christian communities of foreign origin reformed. More often than not they would construct their own churches and freely practice their religion : merchants, the sultan’s militia and, more recently, fishermen, craftsmen, colonials and immigrant workers arriving in the wake of the French Protectorate.

A mosaic-covered baptistry in the Vitalis church in Sbeïtla. The form and decoration of the

baptismal fonts of ancient Tunisia are extremely original.

Un baptistère recouvert de mosaïque situé dans l’église de Vitalis à Sbeïtla. La forme et le décor des cuves baptismales de la Tunisie antique sont très originaux.

La mosaïque de l’Antiquité tardive est restée un art florissant. On a continué à produire de superbes pavages décrivant la vie quotidienne aristocratique. En même temps s’est développée une mosaïque propre-ment chrétienne, ornant les églises et les tombes. Elle figurait des thèmes et sym-boles chrétiens tels que rinceaux de vigne, oiseaux, canthares, arbres de vie, personna-ges en prière…Mosaïque à thèmes chrétiens (VIe siècle, musée de Sousse).

The mosaic of late Antiquity remained a flourishing art. Superb paving depicting

aristocratic daily life continued to be produced. At the same time, a specifically Christian mosaic

developed, decorating churches and tombs. It represented Christian themes and symbols such

as intertwining vines, birds, amphorae, the Tree of Life, figures in prayer…

Mosaic with Christian themes (sixth century, Sousse museum)

Saint Louis avait choisi la conquête de Tunis comme première étape de la huitième croisade. Cette attaque s’est soldée par un échec et la mort du roi de France, victime d’une épidémie aux portes de la ville.

Son souvenir a été ranimé à l’ère coloniale et la cathédrale de Carthage lui a été dédiée.Statue du XIXe siècle, Carthage

Saint Louis, a 13th century king of France, chose the conquest of Tunis as the first stage of the Eighth Crusade. The attack resulted in defeat and the death of the king at the gates to the city, victim of an epidemic. His memory was revived in the colonial era, and Carthage cathedral was dedicated to him.19th century statue, Carthage

La cathédrale Saint-Louis de Carthage a été construite en 1890 dans le style byzantino-mauresque au sommet de la colline de Byrsa, aujourd’hui à côté du musée archéologique. Désaffectée après l’Indépendance, elle a été conservée et reconvertie en un espace culturel, l’Acropolium.

The Saint-Louis cathedral of Carthage

was built in 1890 in Byzantine-Moorish style on the crown of Byrsa hill, now adjacent to the Carthage Museum. In disuse

after independence, it has been preserved and reconverted

into a cultural centre (the Acropolium).

t h r o u g h r o m a n T u n i s i a

Tunisie

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(On the right) Bab Lalla Rayhana, one of the mosque’s doors (13th century).

The town of Kairouan developed on the site of the Great Mosque which bears the name of the Arab conqueror Oqba, founder of the town in 670. The mosque, the first in the Maghreb, was rebuilt in its present form in 836 ; it served as a model for all the mosques in the Muslim West, and even Al-Andalus. This robust monument, with its restrained decoration and form borrowed from Roman heritage, seems to be fixed still in ancient culture. It is distinguished, however, by its typically Islamic structure : an introverted shrine that is discovered from the interior ; a prayer hall suggesting an undifferentiated space, placing all the believers together before their faith ; and architectural elements (mihrab, cupolas), that have become major themes in Muslim architecture.

s Le minaret est inspiré des phares romains tels le célèbre phare d’Alexandrie. La base carrée, l’aspect massif et solide resteront caractéristiques des minarets maghrébins. Il domine la cour du haut de ses 31,50 mètres.

The minaret, rising 31.5 metres high, dominates the courtyard. It is inspired by Roman lighthouses, such as the famous lighthouse of Alexandria ; the square base and solid, monumental aspect would continue to characterize Maghrebian minaret design.

t Une galerie ouverte (“narthex”), ajoutée vers 875, sépare la cour de la salle de prière. Avec sa double rangée d’arcs outrepassés, sa coupole et sa façade ordonnée symétriquement, elle constitue une réalisation architecturale particulièrement harmonieuse. Les superbes por-tes en bois sculpté de la salle de prière ont été réalisées au XIXe siècle.

(A droite) Bab Lalla Rayhana, une des portes de la mosquée (XIIIe siècle).

An open gallery (narthex), added around 875, separates the courtyard from the prayer hall. Its symmetrically structured double row of horseshoe arches, cupola and façade, create a particularly harmonious architectural effect. The superb sculpted wood doors in the prayer hall date from the 19th century.

La ville de Kairouan est née à l’emplacement de la Grande Mosquée qui porte le nom du conquérant arabe Oqba, fondateur de la ville

en 670. Cette mosquée, la première du Maghreb, fut reconstruite sous sa forme actuelle en 836 ; elle devait servir de modèle à toutes les mosquées de l’Occident musulman, jusqu’en Andalousie. Ce monument robuste, à la décoration sobre, aux formes empruntées à l’héritage romain semble encore ancré dans la culture antique. Il s’en distingue pourtant par sa structure propre à l’islam : un sanctuaire introverti, qui se découvre de l’intérieur ; une salle de prière suggérant un espace indifférencié, plaçant chaque croyant parmi les autres et devant sa foi ; et des éléments architecturaux (le mihrab, les coupoles) devenus des thèmes majeurs de l’architecture musulmane.

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la grande Mosquée de KairouanThe Great Mosque of Kairouan

a u t o u r d e K a i r o u a n

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La coupole signale à l’extérieur l’emplacement le plus saint du monument, celui qui fait face au mihrab. Une seconde coupole (au premier plan) met en valeur l’entrée de la salle de prière. La vaste cour, entourée d’un portique à colonnes, jouait pour la communauté le rôle du forum et de l’agora antiques.

The cupola signals from the exterior the holiest spot in the monument, that which faces the mihrab. A second cupola (in the foreground) adorns the entrance to the prayer hall. The vast courtyard, surrounded by a colonnaded portico, and served the role of ancient forum and agora for the community.

The mihrab is the most richly decorated spot in Muslim shrines. This

semi-circular niche probably originally had a symbolic meaning linked to the memory of

the Prophet Mohamed (perhaps an evocation of divine light « resembling the niche where

the lamp is », according to the Koran)… The mihrab is adorned with a cupola and a sumptuous decoration combining marble,

gilded Arabesques, metallic-glazed decorative tiles and sculpted shells and rosettes.

Alongside is the minbar, the oldest surviving pulpit in the Muslim world.

t La salle de prière est envahie par une forêt de colonnes dont beaucoup proviennent de sites antiques. L’allée centrale est plus particulièrement majestueuse, telle une voie sainte dirigée vers le mur de qibla (orienté vers La Mecque). La couverture est une toiture plate aux plafonds en bois ornés de motifs peints.

The prayer hall is invaded by a forest of columns, many originating from ancient sites. The central aisle is particularly majestic, like a holy path leading towards the qibla wall (oriented towards Mecca). The hall is covered with a flat roof with a wooden ceiling decorated with painted motifs.

Le mihrab est le point des sanctuaires musulmans qui concentre la plus riche décoration. Cette niche semi-circulaire aurait eu à l’origine une signification symbolique liée au souvenir du Prophète Mohamed (peut-être une évocation de la lumière divine « à la ressemblance d’une niche où se trouve une lampe », selon le Coran)… Le mihrab est mis en valeur par une coupole et un luxueux décor associant marbre, arabesques dorées, carreaux de faïence à reflets métalliques, coquilles et rosaces sculptées. A côté, le minbar est la plus ancienne chaire à prêcher du monde musulman conservée à ce jour.

51a b o u t K a i r o u a n

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52 a u t o u r d e K a i r o u a n

Durant tout le début du Moyen Age, Kairouan fut une des plus grandes métropoles de Méditerranée par sa prospérité et son rayonnement. Cet âge d’or

couvrit deux siècles et demi et le règne de trois dynasties : les Aghlabides, les Fatimides et les Zirides.La dynastie des Aghlabides fut fondée en 800 par Ibrahim Ibn Aghlab, un gouverneur nommé par le calife Haroun al-Rachid. Prenant le titre d’émir, il obtint une large autonomie pour sa principauté qui s’étendit bientôt de l’actuel est algérien jusqu’à la Sicile. Ses descendants firent de Kairouan une cité brillante, un centre de culture et de savoir où la Grande Mosquée, reconstruite sous leur règne, jouait autant le rôle d’université que de lieu de culte.Les Aghlabides furent pourtant renversés en 909 par les Fatimides, une nouvelle dynastie portée au pouvoir par une coalition de tribus berbères.

At the beginning of the Middle Ages, Kairouan was one of the largest metropolises in the Mediterranean for its prosperity and influence. This golden age lasted two and a half centuries

and the reign of three dynasties : the Aghlabids, Fatimids and Zirids.The Aghlabid dynasty was founded in 800 by Ibrahim Ibn Aghlab, a governor named by the Caliph Haroun al-Rachid. Taking the title of emir, he obtained a large degree of autonomy for his principality which soon extended from present-day eastern Algeria as far as Sicily. His descendants transformed Kairouan into a brilliant city, a centre of culture and learning where the Great Mosque, rebuilt during their reign, played the role of university as well as a place of worship.However, the Aghlabids were overthrown in 909 by the Fatimids, a new dynasty who rose to power with the aid of a coalition of Berber tribes.

s L’art du bois sculpté à Kairouan a produit des chefs-d’œuvre dont deux superbes pièces conservées dans la Grande Mosquée : le minbar (chaire à prêcher en forme d’escalier) du IXe siècle, entièrement sculpté d’arabesques, et la maqsura (enceinte en boiserie réservée au prince) du XIe siècle, ornée notamment d’une superbe calligraphie en style coufique tressé.

The woodcarver’s art produced some veritable masterpieces in Kairouan, including two superb pieces preserved in the Great Mosque : the minbar (pulpit in the form of a staircase), sculpted entirely in Arabesques and dating from the ninth century, and the maqsura (wooden enclosure reserved for the prince), dating from the 11th century and decorated with superb intertwining Kufic calligraphy.

L’art du verre a connu un de ses plus hauts sommets

dans la civilisation islamique, dont Venise a été l’héritière. L’Ifriqiya a conservé quelques beaux spécimens de verrerie émaillée datant des Xe et XIe siècles. Carafe en verre, musée de Raqqada.

Glassmaking reached a peak under Islamic culture, of which Venice

is the heir. Ifriqiyya has preserved some beautiful examples of enamelled glass dating from the 10th and 11th centuries.

Water jug, Raqqada Museum.

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Kairouan’s Golden Age

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Page 35: Tunisie_Musée à ciel ouvert

53a b o u t K a i r o u a n

Les Fatimides se proclamaient descendants du Prophète Mohamed par sa fille Fatima et, selon la doctrine chiite, revendiquaient de ce fait l’autorité sur l’ensemble du monde musulman. Kairouan, malgré son hostilité au chiisme et la méfiance que lui portaient les califes fatimides, poursuivit son essor. Elle tirait sa prospérité de l’agriculture (en particulier l’olivier), de ses productions artisanales (tissus, céramique) et du commerce en devenant un passage obligé entre l’Orient, l’Andalousie et l’Afrique subsaharienne.Lorsque les Fatimides conquirent l’Egypte et fondèrent la ville du Caire, ils confièrent le gouvernement de l’Ifriqiya à une famille berbère, les Zirides. Ceux-ci prirent à leur tour le titre d’émir. Ils choyèrent les Kairouanais au point de répudier le chiisme : ils signaient sans le vouloir la fin de l’âge d’or de Kairouan car les Fatimides envoyèrent en représailles des tribus arabes bédouines, les Hilaliens, avec mission de saccager la ville. Après ce désastre, une nouvelle période devait commencer où Kairouan ne jouerait plus qu’un rôle secondaire ; mais elle garda cependant un prestige particulier lui valant le titre de quatrième ville sainte de l’islam.

The Fatimids claimed to be descended from the Prophet Mohamed through his daughter Fatma and, according to Shiite doctrine, consequently claimed authority over the entire Muslim world. In spite of its hostility to Shiism and the suspicion in which the Fatimid caliphs were held, Kairouan continued to develop. It achieved prosperity from agriculture (particularly olive growing), handicrafts (cloth, ceramics) and from trade, becoming an obligatory passage between the Orient, Al-Andalus and sub-Saharan Africa.After the Fatimids conquered Egypt and founded the town of Cairo, they entrusted the government of Ifriqiyya to a Berber family, the Zirids, who, in turn, assumed the title of emir. They indulged the Kairounais to the extent of renouncing Shiism, which, unintentionally, brought and end to Kairouan's Golden Age, as, the Fatimids sent tribes of Arab bedouins, the Hilalians, to ransack the town in reprisal. After that disaster, a new period began in which Kairouan would be reduced to a secondary role ; however, it maintained a great prestige earning it the title of fourth holiest town in Islam.

t Les Bassins des Aghlabides, situés à l’extérieur de la vieille ville, sont deux vastes réservoirs d’eau d’une contenance totale de 61 000 m3. Ils faisaient partie d’un ensemble d’une quinzaine de bassins, complétés par des citernes, qui constituaient un des plus importants et des plus célèbres ouvrages hydrauliques du monde musulman ; ils valurent même à Kairouan le surnom de « ville des citernes ». L’eau de ces bassins provenait des pluies et des sources et cours d’eau de la région.

The Aghlabid Pools, located outside the old town, are two vast reservoirs with a total capacity of 61,000 cubic metres. They formed part of a network of 15 reservoirs, complemented by tanks, which represented one of the most important and famous hydraulic works in the Muslim world ; they also earned Kairouan the nickname of “town of the reservoirs”. The pools were fed by rainwater and water from the region’s streams and rivers.

Kairouan’s ceramicware was renowned. In the Aghlabid era,

decoration was dominated by three colours – green, yellow and brown – and featured

geometric forms, calligraphic elements, floral motifs and very stylized animals. In the Fatimid era, designs

centred on representations of animals and even human figures.

Aghlabid plate : The central motif is composed of a repetition of the same word (al-Mulk, “the sovereignty”), Raqqada Museum.

L’écriture coufique kairouanaise rayhani, qui annonce l’écriture cursive, est plus souple et dynamique que l’écriture coufique classique à l’aspect dense et statique. Le musée de Raqqada, près de Kairouan, possède une superbe collection de manuscrits illustrant l’art de la calligraphie et de l’enluminure.

The Kairouanese-style Kufic writing called “rayhani”, which heralds italic writing, is more flexible and dynamic than the compact and static appearance of the classic Kufic script. The Raqqada Museum, near Kairouan, boasts a superb collection of manuscripts representing the art of calligraphy and illumination.

Ibn al-Jazzar fut le plus grand médecin de Kairouan et l’un des plus

célèbres du monde musulman. Il fut aussi le plus traduit en Occident et joua ainsi un rôle important dans le transfert des connaissances du monde arabe vers l’Europe.

Ibn al-Jazzar was Kairouan’s greatest doctor and one of the most famous in the Muslim world. He was also the most translated in the West and consequently played an important role in the transfer of learning from the Arab world to Europe.

La céramique de Kairouan était réputée. A l’époque aghlabide, l’ornementation était dominée par trois couleurs – vert, jaune et brun – et utilisait surtout des formes géométriques, des éléments de calligraphie, des motifs floraux ou animaux très stylisés. A l’époque fatimide, les compositions pouvaient être centrées sur des représentations d’animaux et même d’humains.Plat aghlabide : le motif central est composé de la répétition d’un même mot (al-Mulk, “la souveraineté”). Musée de Raqqada.

t

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La principale religion pratiquée en Tunisie est l’islam sunnite de rite malékite. Composante majoritaire de l’islam dans le monde, le sunnisme représente historiquement la tendance orthodoxe, celle qui a accepté

l’autorité des différents califes des premiers siècles. L’islam sunnite ne connaît ni sacrements, ni clergé, ni liturgie proprement dite. Ainsi, l’imam qui conduit la prière n’a pas autorité sur les croyants, et les grandes fêtes sont célébrées pour l’essentiel au sein des familles. Le rite malékite est l’une des grandes écoles d’interprétation de l’islam sunnite. Il est considéré comme plutôt conservateur sans être rigoriste ; c’est le rite de la fidélité aux usages de Médine, la ville du Prophète. Les docteurs de Kairouan ont adopté le malékisme au IXe siècle, d’où il s’est diffusé à travers tout le Maghreb. Au XVIe siècle, les Turcs introduiront le rite hanéfite, réputé plus libéral. On trouve enfin en Tunisie l’un des derniers refuges au monde du kharijisme, un mouvement religieux qui s’est séparé du sunnisme dès le VIIe siècle : l’île de Djerba (voir page 88). Enfin, à côté de cet islam “officiel” des mosquées, de nombreux Tunisiens fréquentent les zaouïas, sanctuaires dédiés à des personnages vénérés ou à des guides spirituels (voir page 76).La religion musulmane se présente à l’origine comme la “restauration” de la religion d’Abraham, et son message, comme la prolongation et la rectification du judaïsme et du christianisme. C’est pourquoi de nombreux récits bibliques se retrouvent dans le Coran, de même que le récit de la vie de Jésus, considéré comme un prophète. On pense que la diffusion du christianisme dans la Tunisie antique a favorisé l’adoption rapide de l’islam. L’islam (mot de la même famille que salam, “paix”) met l’accent sur les valeurs

de modération, de solidarité, d’humilité, de décence. Il recommande d’accorder la même importance à la vie sur Terre qu’à la vie dans

l’Au-delà.

L islam en Tunisieis lam in Tunis ia

The principal religion practiced in Tunisia is Sunni Islam of the Malekite rite. The main branch of Islam practiced throughout the

world, Sunnism historically represents the orthodox tendency which accepted the authority of the different caliphs during the first centuries of Islam. Sunni Islam does not have sacraments, clergy or liturgy in the strict sense. Consequently the imam who leads the prayer has no authority over the faithful, and the major religious festivals are essentially celebrated within the family.The Malekite rite is one of the major schools of interpretation of Sunni Islam. It is considered to be somewhat conservative without being rigoristic ; it is a rite that is loyal to the traditions of Medina, the Prophet's town. The doctors of Kairouan adopoted Malekism in the ninth century, from where it spread throughout the Maghreb. In the 16th century the Turks introduced the Hanefite rite, reputedly more liberal. Finally, Tunisia has one of the last refuges in the world of Kharijism – a religious movement which separated from Sunnism in the seventh century – on the island of Djerba (see page 88).Parallel to the “official” islam of mosques, numerous Tunisians frequent zaouias, shrines dedicated to venerated figures or spiritual guides (see page 76).Originally, the Muslim religion represented the “restoration” of the religion of Abraham, and its message, the continuation and rectification of Judaism and Christianity. Consequently, numerous biblical stories can be found in the Koran, as can the story of the life of Jesus, who is regarded as a prophet. It is thought that the spread of Christianity in ancient Tunisia encouraged the rapid adoption of Islam.Islam (a word with the same root as salam, meaning “peace”) emphasizes the values of moderation, solidarity, humility and decency. It recommends paying the same importance to life on earth as to life in the hereafter.

Ablut ions rituelles dans une cour de mosquée. « La propreté fait partie de la foi », a dit le Prophète.

Ritual ablutions in a mosque court-

yard : « Cleanliness belongs to faith », the Prophet said.

60 a u t o u r d e K a i r o u a n

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61a b o u t K a i r o u a n

t Tahar Haddad (1899-1935), ancien étudiant de l’université théologique de la Zitouna de Tunis, a publié un livre célèbre réclamant l’émancipation des femmes au nom même du

Coran. Ses idées se sont concrétisées par l’adop-tion, dès l’Indépendance en 1956, d’un Code instaurant un statut égalitaire pour les femmes, statut confirmé et amélioré jusqu’à nos jours.

Tahar Haddad (1899-1935), a former student at the Zitouna theological university in Tunis, published a famous book calling for the emancipation of women in the name of the Koran. His ideas were put into practice with the adoption, following independence in 1956, of a code instigat-ing equal status for women, a status confirmed and improved down through to the present day.

Le “Coran bleu” est un manuscrit exceptionnel dont de nombreux feuillets sont dispersés entre des collections et des musées européens. Calligraphié en lettres dorées, de style coufique, sur parchemin de couleur bleu nuit, il évoque irrésistiblement un ciel étoilé (XIe siècle, musée de Raqqada).Le Coran est, pour le croyant, la parole de Dieu s’adressant au prophète Mohamed et lui dictant ce qu’il doit croire et prêcher autour de lui. La beauté du texte du Coran a été une des clés de la diffusion de l’islam. Les musulmans distinguent nettement le Coran, parole divine dictée au Prophète, et la Sunna, propos tenus par celui-ci en dehors de la Révélation.

The “Blue Koran” is an exceptional manuscript some of whose pages have been dispersed amongst various collections and European museums. With its Kufic-style gold calligraphy on a midnight blue-coloured parchment, it irrestistibly evokes a star-studded blue sky (11th century, Raqqada Museum).For believers, the Koran is the word of God transmitted to the Prophet Mohamed, dictating to him what he should believe and preach to those around him. The beauty of the text of the Koran has been one of the keys in the spread of Islam. Muslims make a clear distinction between the Koran, the divine word dictated to the Prophet, and the Sunna, the latter’s comments apart from the Revelation.

La Tunisie connaît depuis longtemps une pratique religieuse ouverte et tolé-rante. A toutes les époques, des communautés chrétiennes ou juives y ont vécu en harmonie avec la population musulmane. Des voyageurs européens ont été frappés par son climat de liberté religieuse : « Tunis est un pays de liberté, la religion n’y gêne personne », écrivait au XVIIe siècle le chevalier d’Arvieux, notant aussi le respect absolu des lieux de culte chrétiens.La douceur et la liberté des mœurs qui règnent en Tunisie sont proverbiales dans le monde arabe. Les femmes y ont été plutôt mieux respectées qu’ailleurs ; elles jouissent depuis 1956 d’un statut légal quasi-égalitaire dont certaines dispositions, comme l’interdiction de la polygamie, punie de prison, ont été justifiées par une interprétation progressiste du Coran.Le pays est doté aujourd’hui d’institutions entièrement laïques, même si la référence à l’islam demeure inscrite dans la Constitution. Par longue tradition, les Tunisiens, bien que profondément croyants, savent pratiquer leur religion dans la discrétion et le respect de chacun.

Tunisia has long been a place of open and tolerant religious practice. Throughout history, Christian and Jewish communities have lived in harmony with the Muslim population. European travellers were struck by its climate of religious freedom : « Tunis is a country of freedom, religion doesn't trouble anyone », wrote the knight Arvieux in the 17th century, noting, at the same time, the utmost respect given to places of Christian worship.The gentleness and kind manners that exist in Tunisia are proverbial throughout the Arab world. Women have been more respected here than elsewhere even ; since 1956 they enjoy almost equal legal status, of which certain provisions, such as the prohibition of polygamy which is punishable with imprisonment, have been justified by a progressive interpretation of the Koran.The country is now endowed with entirely lay institutions even if reference to Islam continues to be enshrined in the Constitution. Through a long tradition, the Tunisians, although profound believers, have learned to practice their religion with discretion and respect for others.

t Un kouttab (école coranique enfantine). Les kouttabs ont assuré l’alphabétisation de générations d’enfants. Aujourd’hui, ils perpétuent un enseignement religieux parallèlement à l’école laïque fréquentée par plus de 90 % des enfants tunisiens.

A Kouttab (children's Koranic

school). The kouttabs taught generations of

children to learn to read and write. Today, they continue to offer

religious teaching alongside the lay schools

which are attended by 90 per cent of Tunisian

children.

t

Page 40: Tunisie_Musée à ciel ouvert

s L’entrée du ribat de Sousse se fait par un porche haut et étroit surmonté d’une coupole ; sous la coupole, un dispositif de mâchicoulis permet d’assurer la défense de l’édifice.

The entrance to Sousse’s ribat is by a high, narrow porch surmounted by a cupola ; under the cupola, a series of machicolations served to ensure the defence of the building.

Des tours rondes flanquent le mur extérieur du ribat de Sousse. L’édifice a conservé sa forme originelle qui

l’apparente aux châteaux d’Orient ; c’est le plus ancien monument musulman d’Afrique toujours existant (fin du VIIIe siècle).

Round towers flank the outer wall of Sousse's ribat. The building has maintaned its original form, which resembles an Oriental castle ; it is the

oldest surviving Muslim monument in Africa (end of the eighth century).

At once both religious and defensive institution, the ribats were forts maintained by religious communities, the mourabitoun (from the Arabic rabata, “to link”). These men had the mission of spreading the Sunni doctrine through their example and teaching. They were also charged with guarding the coast and protecting the population from attack by the Byzantines, who had been chased from Ifriqiyya and then Sicily by the Arabs. This institution witnessed a particular development in the ninth century under the Aghlabids.The ribats were frequently the reason behind the resurgence of towns after the decline of urban life at the end of Antiquity. The figure of the mourabit, a pious man who guarded the coast and protected the population, continued to be a dominant role model, subsequently brought up to date in the troubled times ; the word gave way to the French “marabout”.

Institutions religieuses autant que défensives, les ribats étaient des fortins entretenus par des communautés de dévots, les mourabitoun (de l’arabe rabata, “lier”). Ces hommes avaient pour mission de répandre la doctrine sunnite par l’exemple et par l’enseignement. Ils étaient aussi chargés de surveiller la côte et de porter secours à la population en cas d’attaque des Byzantins, chassés d’Ifriqiya puis de Sicile par les Arabes. Cette institution a été particulièrement développée au IXe siècle par les Aghlabides.Les ribats ont été souvent à l’origine de la renaissance des villes après le déclin de la vie urbaine à la fin de l’Antiquité. Et la figure du mourabit, homme pieux gardien de la côte et protecteur des populations, est restée un modèle prégnant, remis plus tard au goût du jour dans les époques troublées ; le mot a donné le français “marabout”.

62

les ribatsThe r ibats

a u t o u r d e K a i r o u a n

t

Page 41: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Le ribat de Monastir a

conservé jusqu’à nos jours un grand prestige religieux. Remanié et agrandi plusieurs fois au cours des siècles, il était devenu au Moyen Age un lieu de pèlerinage, un centre d’étude et un véritable monastère qui aurait aussi accueilli des femmes dans une aile séparée.

Monastir’s ribat has preserved its great religious prestige through to the present-day. Renovated and enlarged several times over the centuries, in the Middle Ages it became a place of pilgrimage, a centre for study and an actual monastery which may also have taken in women in a separate wing.

t Le ribat primitif de Monastir a en partie disparu lors de la construction d’une enceinte plus large. Il en subsiste un seul corps de bâtiment, abritant une salle de prière (aujourd’hui musée) et surmonté d’une tour-vigie.

Monastir’s original ribat was partly destroyed during construction of a larger enclosure. Only a single central building remains, housing a prayer room (now a museum), surmounted by a watchtower.

t L’entrée principale du ribat de Monastir daterait du XVe siècle. A la fin du Moyen Age, les sultans hafsides ont relancé l’institution des ribats en s’appuyant sur les mystiques soufis. Plus tard, le ribat de Monastir deviendra une simple forteresse remaniée jusqu’au XIXe siècle.

The principal entrance to Monastir's ribat probably dates from the 15th century. At the end of the Middle Ages, the Hafsid sultans reinstated the institution of the ribats through the support of the sufi mystics. Later, Monastir’s ribat would become a simple fortress renovated as recently as the 19th century.

t La cour du ribat de Sousse, carrée, est bordée de portiques. Les cellules du rez-de-chaussée servaient surtout au stockage des marchandises produites par le domaine agricole attribué au ribat. Les cellules de l’étage étaient les chambres des mourabitoun. Au premier étage, une petite salle de prière dont les murs sont percés de meurtrières.

The courtyard of Sousse’s ribat, surrounded by porticos. The ground floor cells essentially served for storing produce from the farmland assigned to the ribat. The cells on the upper floor were the mourabitoun's rooms. On the first floor is a small prayer room whose walls are pierced with meurtrieres (murder holes).

t La tour-vigie du ribat de Sousse permettait de surveiller la côte et de communiquer par signaux lumineux : on dit que par ce moyen, grâce à une chaîne de fortins répartis sur tout le littoral, une seule nuit suffisait pour trans-mettre un message d’Alexandrie à Ceuta.

The watchtower of Sousse’s ribat enabled the coast to be kept watch over and to communicate by beacons. It is said that, thanks to a chain of forts distributed along the coast, a message could be transmitted by beacon from Alexandria to Ceuta in a single night.

63a b o u t K a i r o u a n

t

Page 42: Tunisie_Musée à ciel ouvert

On the edge of the Sahel and at the gateways to the Great South, Sfax witnessed its first Golden Age during the late Middle Ages, taking advantage of its favourable location at the crossroads of major trade routes. Via the south, the caravan trade extended towards Al-Andalus, Egypt and the sub-Saharan gold deposits ; to the west, the sea opened the gateway to the Orient. As a souvenir of that era, the town today offers one of the most beautiful Tunisian examples of a large medina to have preserved its original structure intact, with its central Great Mosque and ramparts dating from the 12th century.Four generations of Sfaxien geographers, the Charfi, drew up remarkable portulans (charts providing information for navigation). Parallel to its commercial vocation, Sfax maintains close ties with its surrounding countryside : its immense olive groves, converting it into the oil capital of Tunisia, and its orchards, in the midst of which the townspeople used to like to spend the summer in their country residence called a borj. A town with a singular destiny, jealous of its traditions and oriented to the South and the Orient rather than to Europe, Sfax witnessed a new expansion from the 18th century until arriving at its current ranking as the country’s second town.

t Les îles Kerkennah face à Sfax ont connu une histoire mouvementée. Envahies à plusieurs reprises du XIIe et le XVIIe siècle (Normands de Sicile, Aragonais, Espagnols, Turcs), elles ont conservé les vestiges d’une forteresse, Borj el-Hissar, et d’une cité

antique, Cercina. Hannibal pourchassé par les Romains s’y était réfugié avant son exil en Orient.

The Kerkennah Isles, lying off the coast of Sfax, suffered numerous incursions and occuptions by foreigners between the 12th and 17th centuries: Normans from Sicily, Aragonese, Spaniards and Turks. Remains can still be seen of an ancient city (Cercina) and a fortress, Borj el Hissar.

La porte Bab al-Diwan est la porte sud de la médina, face au port et à la ville moderne. Les remparts de la ville dessinent un rectangle de 600 mètres sur 400 mètres ; ils sont restés en grande partie inchangés depuis le Moyen Age. La muraille sud a cependant été renforcée à plusieurs époques pour faire face aux attaques venant de la mer ; elle compte 22 tours et une forteresse à chaque extrémité.

The Bab al-Diwan gateway is the southern gateway to the medina, facing the port and modern town. The ramparts of the

town form a rectangle 600 metres by 400 metres ; they have remained practically unchanged since the Middle Ages. The south wall, however,

has been reinforced in various periods to withstand attacks from the sea ; it had 22 towers and a fortress at each end.

A la lisière du Sahel et aux portes du Grand Sud, Sfax a connu un premier âge d’or durant le haut Moyen Age, profitant de sa position favorable à la croisée de grandes routes commerciales. Par le sud, le commerce caravanier rayonnait vers l’Andalousie, l’Egypte et les gisements d’or subsahariens ; vers l’est, la mer ouvrait la porte de l’Orient. Souvenir de cette époque, la ville offre aujourd’hui un des plus beaux exemples tunisiens de grande médina ayant gardé intacte sa structure originelle, avec sa Grande Mosquée centrale et ses remparts datant du XIIe siècle.Quatre générations de géographes sfaxiens, les Charfi, ont établi de remarquables portulans (cartes fournissant des indications pour la navigation). Parallèlement à sa vocation commerciale, Sfax entretient des liens étroits avec sa campagne : ses immenses oliveraies, qui en font la capitale tunisienne de l’huile, et ses vergers, au milieu desquels les citadins aimaient autrefois à passer l’été dans leur résidence de campagne appelé Borj. Cité au destin singulier, jalouse de ses traditions, plus tournée vers le Sud et l’Orient que vers l’Europe, Sfax a connu un nouvel essor à partir du XVIIIe siècle jusqu’à se hisser à son rang actuel de deuxième ville du pays.

68

Sfax et les routes du commerceSfax and the trade routes

a u t o u r d e K a i r o u a n

La pâtisserie traditionnelle est une spécialité bien connue de la ville de Sfax. Ses immenses oliveraies et ses plantations d’amandiers lui en fournissent les ingrédients de base. La pâtisserie tunisienne est souvent à base d’huile d’olive ; pour certaines recettes d’origine orientale, les amandes produites localement ont remplacé les pistaches.

Traditional pastries are a well known speciality of the town of Sfax. Its immense olive and almond groves provided it with the basic ingredients. Tunisian pastries often have olive oil as a base. For certain recipes of Oriental origin locally grown almonds have replaced the pistachios.

Page 43: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Le minaret Sidi Amar Kammoun doit son aspect original au mélange de traditions du haut Moyen Age et d’influences marocaines de l’époque hafside. Il a été construit au XVIIe siècle, époque où Sfax était la cible d’attaques des chevaliers de Malte ; il accompagnait un mausolée qui jouait le rôle des anciens ribats aghlabides.

The Sidi Amar Kammoum minaret owes its original appearence to a mixture of late medieval traditions and Moroccan influences from the Hafsid era. It was built

in the 17th century, a period when Sfax was the target of attacks by the knights of Malta ; it accompanied a mausoleum that played the role of the ancient Aghlabid ribats.

Dar Jallouli, la plus somptueuse maison ancienne de Sfax, présente un patio d’une belle sobriété, décoré de carreaux de céramique, de pierre sculptée et de stuc ajouré, surmonté d’un étage bordé d’une balustrade. Construite au XVIIe siècle, la maison a été aménagée en musée et on peut y admirer le mobilier traditionnel.

Dar Jallouli, the most sumptuous old house in Sfax, boasts a beautifully sobre courtyard decorated with ceramic tiles, sculpted stone and openwork stucco, surmounted by an upper storey bordered by a balustrade. Built in the 17th century, the house has been converted into a museum where visitors can admire its traditional furniture.

t La Grande Mosquée possède un remarquable minaret. Il est comparable par sa forme à celui de la Grande Mosquée de Kairouan mais ses deux tours superposées paraissent bordées d’une dentelle de pierre sculptée. Ce décor appartiendrait au style fatimide ; il a inspiré d’autres minarets de la ville. Construite en 859, la mosquée elle-même a été remaniée au fil des siècles. Sa façade orientale, entièrement occupée par une succession de fenêtres et de portes inscrites dans de grands arcs, est un exemple d’architecture ziride.

The Great Mosque boasts a remarkable minaret. It is comparable in form to that of the Great Mosque of Kairouan, but its two superimposed towers appear to be bordered with lacework sculpted from stone. This decoration would belong to the Fatimid style ; it has inspired other minarets in the town. Built in 859, the mosque itself has been renovated down through the centuries. Its western façade, completely taken up by a series of windows and doors inscribed in great arches, is an example of Zirid architecture.

69a b o u t K a i r o u a n

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La Grande Mosquée est le monument le plus remarquable de Testour. Bien qu’elle respecte le plan classique des mosquées maghrébines, tous les détails de sa construction et de sa décoration évoquent une origine espagnole : la silhouette curieuse du minaret, comparable aux clochers d’Aragon ; à l’intérieur, un mihrab dont le décor (fronton, petits obélisques) évoque la Renaissance européenne… Autre élément insolite : alors que la cour est dotée d’un cadran solaire servant à régler les heures de prière, habituel dans les mosquées, le minaret est orné d’une horloge comme un clocher d’église.

The Great Mosque is the most outstanding monument in Testour. Whilst respecting the classic layout of Maghrebian mosques,

all the details of its construction and decoration evoke a Spanish origin : the curious silhouette of its minaret, like the bell towers of Aragon ; the mihrab in the interior, whose decoration (a pediment,

small obelisks) recalls the European Renaissance…Another unusual aspect : although the courtyard has a sundial

serving to determine the times of prayer, commonplace in mosques, the minaret is decorated with a clock, like a church bell tower.

L’expulsion massive des Morisques, musulmans andalous demeurés en Espagne sous domination catholique, est un évènement qui a fortement marqué le Maghreb où s’installèrent nombre de ces réfugiés. Il est à l’origine de la fondation, au XVIIe siècle, de Testour, la ville la plus “espagnole” de Tunisie. On y trouve une grande place publique, insolite dans une ville maghrébine ancienne ; selon le témoignage de voyageurs européens, on y célébrait même « des fêtes de taureaux à l’espagnole ». Et de nombreux détails de l’architecture de ses mosquées les rapprochent des monuments chrétiens espagnols : toits en pente en tuiles creuses pour recouvrir la salle de prière (contrairement aux toitures plates des autres mosquées tunisiennes), techniques de construction en briques…

The massive expulsion of Moriscos (Andalusian Muslims who remained in Spain under Catholic domination), profoundly marked the Maghreb, where a number of these refugees established themselves. This is the origin of the founding, in the 17th century, of Testour, the most “Spanish” town in Tunisia. There you'll find a huge public square, which was unknown in ancient Maghrebian towns ; according to the testimonies of European travellers, “Spanish bullfights” were held there even. Numerous architectural details of the town’s mosques liken them to Spanish Christian monuments : round tiled sloping roof that covers the prayer hall (contrary to the flat roofs of other Tunisian mosques), building techniques using bricks…

72 d e T e s t o u r à N a b e u l

La mosquée de Sidi Abdellatif : l’emploi du relief de brique évoque l’architecture mudéjare (style chrétien espagnol d’inspiration arabe).

The Sidi Abdellatif mosque : The use of brick relief recalls Mudejar architecture (Spanish Christian-style architecture of Arab inspiration).

Testour, ville andalouseTestour, the Andalusian town

Page 45: Tunisie_Musée à ciel ouvert

73

Les Andalous en Tunisie ont constitué une importante communauté qui a fortement influencé la culture du pays. Arrivés en

plusieurs vagues, à partir du XIIIe siècle, à mesure de l’avancée de la reconquista espagnole, ils ont été nombreux à choisir la Tunisie lors de l’éclatement de l’empire almohade. Ces premiers émigrés appartenaient surtout à l’élite andalouse. Ils ont contribué à l’édification du jeune état hafside et imprimé leur marque à la physionomie de Tunis : « Le sultan actuel construit des monuments, bâtit des palais, plante des jardins et des vignobles à la manière des Andalous. Tous ses architectes sont natifs de ce pays, de même que ses maçons, ses charpentiers, ses briquetiers, ses peintres et ses jardiniers », note au XIIIe siècle l’écrivain Ibn Saïd. Puis, en 1609, l’expulsion brutale des musulmans restés en Espagne catholique a amené en Tunisie des milliers d’Andalous de toutes conditions, fortement imprégnés de culture espagnole (les Morisques). Les uns ont été encouragés à coloniser des régions peu peuplées ; d’autres ont enrichi l’artisanat des villes par leur savoir-faire.

The Andalusians formed a large community in Tunisia which had a strong influence on the country's culture. Arriving in several waves, starting in the 13th century, as the Spanish reconquest advanced, many of them chose to settle in Tunisia after the fall of the

Almohad empire.These first emigrants belonged, above all, to the Andalusian elite. They contributed to the building of the fledgling Hafsid state and left their imprint on the appearance of Tunis : « The present sultan is constructing monuments, building palaces, planting gardens and vineyards in Andalusian style. All his architects are natives of that country, as are his masons, carpenters, brick makers, painters and gardeners », observed the writer Ibn Said in the 13th century. In 1609 the brutal expulsion of the Muslims still remaining in Catholic Spain brought thousands more Andalusians of all classes to Tunisia, which were strongly impregnated with Spanish culture (the Moriscos). Some were encouraged to settle in sparsely populated regions ; others enriched the handicraft trades in the towns with their skills.

La zaouïa de Sidi Qacem el-Jellizi, à Tunis, est un exemple de l’influence du style andalou au XVe siècle. Sidi Qacem était lui-même un céramiste d’origine andalouse.

The zaouia of Sidi Qacem el Jellizi in Tunis is an example of the influence of the Andalusian style in the 15th century.

Sidi Qacem was himself a potter of Andalusian origin.

f r o m T e s t o u r t o N a b e u l

s Zaouïa de Sidi Nacir (XVIIe s.)

Sidi Nacir zaouia (17th century.)

Panneau de céramique à la zaouïa de Sidi Nacir à Testour. Les Andalous ont influencé les motifs et les techniques de fabrication des carreaux de céramique polychrome (voir p. 84).

A ceramic pannel in the Sidi Nacir zaouia in Testour. The Andalusians influenced the designs and techniques for producing polychrome ceramic tiles (see page 84).

Page 46: Tunisie_Musée à ciel ouvert

villages et monde ruralVil lages and rural society

s L’alfa sert à tresser des couffins et les disques utilisés dans les pressoirs à huile ; c’est une spécialité de Hergla, un des ravissants villages en bleu et blanc du littoral tunisien.

Esparto is used for weaving baskets and the disks used in oil mills ; it is a speciality of Hergla, one of the delightful blue and white villages on the Tunisian coast.

Groupées autour des villes dont elles assurent la subsistance ou perdues dans un arrière-pays de steppes ou de montagnes, vivant en villages ou perpétuant

sous la tente l’immémorial mode de vie nomade, les populations rurales présentent de multiples facettes. L’histoire des campagnes tunisiennes a été profondément marquée par les grandes invasions hilaliennes du XIe siècle. Des tribus entières d’Arabes bédouins en provenance de Haute-Egypte s’installèrent en Tunisie qui représentait pour elles un « vert Occident ». Le brassage ethnique et culturel qui s’opéra alors avec la population berbère est au cœur de l’identité tunisienne. C’est ainsi que les campagnes tunisiennes sont presque entièrement arabophones, tout en ayant conservé un riche patrimoine berbère dont certains traits évoquent même les cultures antiques.

La culture des villes s’est toujours nourrie à la source du patrimoine populaire des campagnes dont les origines sont parfois fort lointaines. La culture rurale tire un certain prestige de son ancienneté et de son enracinement. Contes et croyances circulent d’un univers à l’autre.

Certains se réfèrent à des thèmes coraniques – les jinns, esprits magiques ; Bouraq, le cheval ailé qui éleva le Prophète dans les cieux… D’autres à Ali, le quatrième calife, décrit comme le héros d’exploits guerriers fantastiques, ou à la vie des innombrables saints que vénère la piété populaire. D’autres encore sont directement reliés à une histoire millénaire, celle de l’invasion hilalienne.

Urban culture has always drawn from popular rural heritage whose origins can often be traced to a very distant past. Rural culture derives a certain prestige from its antiquity and roots. Tales and beliefs circulate from one world to the other. Some refer to Koranic themes : jinns (magical spirits),

or Bouraq, the winged horse that bore the Prophet aloft to the heavens… Others to Ali, the fourth prophet, described as the hero of fantastic warlike exploits, or to the life of the countless saints who are venerated by popular piety. Others still are directly linked to an ancient story, that of the Hilalian invasion.

Mythes et imaginaire popMyths and popular imagery

Les héros guerriers ont inspiré les arts populaires comme la peinture sous-verre, très répandue au XIXe siècle, dont s’inspire cette tapisserie.

Epic heroes have inspired popular arts such as painting under glass, widely popular in the 19th century, from which

this tapestry draws its inspiration.

Grouped around towns whose subsistence they ensured, or lost in the hinterland of steppes or mountains, living in villages or perpetuating the age-old nomadic lifestyle in tents, the rural populations present a variety of facets. The history of the Tunisian countryside has been profoundly marked by the great Hilalian invasion of the ninth century. Whole tribes of Arab bedouins originating from Upper Egypt established themselves in Tunisia which, for them, represented “the green West”. The ethnic and cultural mix which then took place with the Berber population is at the heart of the Tunisian identity. As a consequence, the Tunisian countryside is almost entirely Arab speaking, at the same time as having preserved a rich Berber heritage of which certain traits even evoke ancient civilizations.

80 d e T e s t o u r à N a b e u l

Page 47: Tunisie_Musée à ciel ouvert

La poterie modelée à la main est une spécialité des femmes, perpétuée dans certaines régions comme Sejnane, au nord du pays. Les motifs – chevrons, losanges… – s’apparentent à ceux des tatouages et des tissages traditionnels du monde rural ; ils appartiennent à un vieux fond berbère.

Takrouna offre l’image saisissante d’un rude village accroché au sommet d’une crête montagneuse, à mi-chemin entre Hammamet et Sousse. Son origine, sans doute liée à une période d’insécurité, est mal connue. La tradition orale fait état d’ancêtres juifs berbères, marocains, libyens… Les campagnes tunisiennes ont été un creuset de populations.

Takrouna offers a striking image of a rude village clinging to the crest of a mountain,

midway between Hammamet and Sousse. Its origin, undoubtedly linked to a period of insecurity, is uncertain. Oral tradition alleges Berber Jewish,

Moroccan and Libyan ancestors… The Tunisian countryside has been a crucible of civilizations.

La Melia, vêtement emblématique des femmes des campagnes, est constituée d’un long rectangle drapé formant une robe, dont un pan est relevé sur la poitrine et retenu par deux

broches (les fibules) ; les Bédouines ne sont pas voilées. Ce type de vêtement a sans doute une origine très ancienne. Le four “tabouna”, four vertical en argile séchée utilisé dans les campagnes tunisiennes pour cuire le pain du même nom, est tout à fait semblable à celui qu’utilisaient les Carthaginois.

The Melia, the emblematic garment of rural women, is composed of a long rectangle of cloth draped to form a dress, of which a piece is gathered across the chest and secured by two brooches (fibulae) ; the Bedouines do not wear a veil. This type of garment is undoubtedly of very ancient origin. The tabouna oven, a vertical oven of dried clay used in the Tunisian countryside to bake the bread of the same name, is exactly the same as that used by the Carthaginians.

Hand-modelled pottery is a speciality of the women, perpetuated in certain regions such as Sejnane, in the north of the country. The motifs – chevrons, lozenges… – resemble those of tatoos and the traditional weaving of rural society ; they have ancient Berber roots.

ulaire

Jazya est une héroïne chantée par les contes, figure idéale de femme arabe bédouine et combattante. Sa beauté, ses amours passionnées et malheureuses sont au cœur de la Geste hilalienne, le grand poème épique où les Hilaliens eux-mêmes

ont relaté leur invasion de la Tunisie.

(« Hilalienne VI », tableau d’Adel Megdiche.)

Jazya is a heroine sung in tales, the ideal figure of an Arab Bedouine female warrior. Her beauty and passionate, ill-fated love are at the heart of the Hilalian Epic, a poem in which the Hilalians themselves relate their invasion of Tunisia.

(“Hilalienne VI”, painting by Adel Megdiche)

Lella Salha, une sainte dont le mausolée s’élève au milieu des ports antiques de Carthage, serait une des deux filles du grand saint tunisien Sidi Bou Saïd. On raconte qu’elle aurait été enlevée aux cieux par Dieu pour échapper à un mariage imposé par son père ; et que sa sœur Cherifa, considérée aussi comme sainte, aurait fui par mer en compagnie de son amant chrétien, avant que son père ne consente au mariage et ne les fasse revenir. Or ces deux récits rappellent étrangement, sur un mode plus optimiste, la légende tragique d’Elyssa-Didon, reine de Carthage : amoureuse du Troyen Enée, elle aurait dû, selon Virgile, se résoudre à la séparation ; et demandée en mariage par un roi libyque, elle aurait refusé sa main avant de se jeter dans un bûcher pour protéger sa ville.

Lella Selha, a saint whose mauseoleum rises in the middle of the ancient ports of Carthage, could have been one of the two daughters of the great Tunisian saint Sidi Bou Saïd. It is said that she was spirited away to heaven by God to escape a marriage imposed on her by her father and that her sister Cherifa, also regarded as a saint, fled away to sea in the company

of her Christian lover before her father finally gave his consent to the marriage and bid them return. In a strange way, these two tales recall, albeit in a more optimistic way, the tragic legend

of Elyssa-Dido, the queen of Carthage : enamoured with Aeneas of Troy, she would have resolved herself to the separation, according to Virgil ; demanded in marriage by a Libyic king, she refused

his hand before throwing herself into a pyre to protect her town.

81f r o m T e s t o u r t o N a b e u l

t

Page 48: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Poterie et céramique occupent une place considérable dans la vie traditionnelle tunisienne. Les jarres sont indispensables à la conservation des provisions de base, que chaque famille stocke pour l’année entière. Les

carreaux de céramique sont le décor le plus apprécié pour les intérieurs, au point que dans les plus luxueuses demeures, ils envahissent presque totalement les murs de leurs couleurs tendres ou chatoyantes. Et la vaisselle et les ustensiles de ménage étaient naguère encore entièrement en poterie.L’implantation des Phéniciens puis des Romains, la présence de gisements d’argile ont permis très tôt l’apparition de la poterie tournée dans des centres comme l’île de Djerba. Aujourd’hui, ses productions les plus caractéristiques sont les poteries brutes de grande taille : bassines, cuves et surtout jarres, naguère utilisées dans les celliers des médinas comme dans les greniers des nomades du Sud. A Djerba même, certaines jarres de grandes dimensions servaient de coffres à vêtements. Une autre spécialité très ancienne est la poterie vernissée jaune et verte, fabriquée couramment à Djerba mais aussi à Nabeul jusqu’au siècle dernier. Elle s’apparente à d’autres traditions des rives de la Méditerranée, et serait l’héritière des remarquables céramiques jaunes et vertes de la Kairouan aghlabide.

Pottery and ceramic occupied a significant place in traditional Tunisian life. Earthenware jars were indispensible for the preservation of basic provisions, which each family stored for the whole year. Ceramic tiles

were the decoration of preference for interiors, to the point that in the most luxurious houses, they invade practically the whole wall with their gentle or bright colours. Until not long ago, crockery and household utensils were still entirely of pottery.The settlement by Phoenicians and later Romans and the existence of clay deposits led to the very early appearance of turned pottery in places such as the island of Djerba. Nowadays, its production is characterised by large unglazed pieces: bowls, vats and particularly amphorae, once used in the cellars of the medinas as well as the nomads’ granary stores in the south of the country. In Djerba itself, some large amphorae were used for storing clothes.

84

Pottery and ceramic

Une poterie ancienne de Nabeul.A piece of old Nabeul pottery.

d e T e s t o u r à N a b e u l

t La poterie de Djerba est de couleur rose quand elle est préparée à l’eau douce, blanche quand on a utilisé de l’eau de mer. Certaines jarres atteignant une contenance de 300 litres.

Djerban pottery is rose coloured when it is prepared with freshwater and white when seawater is used. Certain amphorae have a capacity of up to 300 litres.

Page 49: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Un potier de Nabeul (photographie ancienne).

An old photograph of a potter in Nabeul.

t Afst sid (“empreinte de lion”) (à gauche), le plus célèbre motif des carreaux de céramique tunisiens, est présent dans presque toutes les compositions. Les motifs des carreaux de céramique murale traduisent une grande variété d’influences. Certains, plus géométriques, rappellent le style andalou et notamment les mosaïques du zellij. Les Turcs ont apporté les motifs de bouquets, de mosquées, de cyprès. Plus tard, le style italien, très apprécié des beys, a inspiré de nouveaux motifs.

Afst sid (‘‘lion’s imprint’’) (left) is the most famous motif on Tunisianceramic tiles. The motifs found in ceramic murals display a great variety of influences. Some, more geometric, recall the Andalusian style and particularly zellige compositions. The Turks brought with them motifs depicting bouquets, mosques and cypress trees. Later, the Italian style, much appreciated by the beys, inspired new motifs.

Parallèlement à la poterie tournée s’est développée la tradition des revêtements muraux en céramique. La première technique était le zellij, mosaïque de petites pièces de couleur unie formant des décors géométriques sophistiqués.En Tunisie, elle a été entièrement supplantée par le carreau de céramique émaillée polychrome. Cette évolution a été possible grâce aux progrès techniques des XVIe et XVIIe siècles, comme notamment la cuerda seca espagnole et la technique de la faïence mise au point par les céramistes italiens. L’art de la céramique a connu un âge d’or au XVIIIe siècle, sous l’impulsion des Andalous chassés d’Espagne (voir page 73). Les Qallaline, céramistes de Tunis autrefois fameux, ont su marier avec bonheur des motifs décoratifs maghrébins, ottomans, espagnols et italiens. C’est de cette tradition qu’a hérité la ville de Nabeul, aujourd’hui encore spécialiste de la fabrication des carreaux et vases de faïence.

Another ancient speciality is glazed yellow and green pottery, now common in Djerba but also in Nabeul up until the end of the last century. It resembles other traditions from the shores of the Mediterranean and is probably the legacy of the striking yellow and green pottery of Aghlabid Kairouan.Parallel to turned pottery, the tradition of ceramic murals also developed. Initially, the technique was zellij, tiny mosaics in plain colours forming sophisticated geometric designs. In Tunisia, this was superseded by glazed polychrome ceramic tiles. This evolution came about because of the advances in techniques in the 16th and 17th centuries, most notably, the Spanish cuerda seca technique and the techniques perfected by Italian potters. Ceramic art witnessed a golden age in the 18th century under the impetus of the Moriscos who had been expelled from Spain (see page 73). The once-famous Qallaline potters of Tunis have successfully combined Maghrebian, Ottoman, Spanish and Italian decorative elements into their pottery. It is this tradition that has been inherited by Nabeul, which is still a specialist in the production of ceramic tiles and vases.

Panneau de céramique du XVIIIe siècle au palais Dar Hussein, à Tunis. Le thème du “vase à mihrab” est extrêmement répandu et connaît d’innombrables variantes.

An 18th-century ceramic panel in the Dar Hussein palace in Tunis. The theme of the “mihrab vase” is very widespread

and numerous variations on the theme can be found.

85f r o m T e s t o u r t o N a b e u l

Une œuvre contemporaine en bois et argile, par Aïcha Filali.

A contemporary piece in wood and clay by Aïcha Filali.

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Page 50: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Les médinas ont gardé le souvenir des familles juives qui y vivaient autrefois nombreuses ; les maisons arborant une étoile de David n’y sont pas rares.

The medinas have preserved the memory of the Jewish families who used to live there in great number ; houses displaying a star of David are not uncommon.

Le judaïsme a une présence deux fois millénaire en Tunisie. La plus ancienne communauté semble être celle de Djerba : selon la tradition, elle aurait été fondée au VIe siècle avant J.-C. par un groupe de prêtres chassés de Jérusalem après la destruction

du premier Temple. Plus tard, cette communauté de Djerba allait devenir un grand centre intellectuel juif et produire un grand nombre d’ouvrages savants et religieux.Au temps de la conquête arabe existaient des tribus berbères converties au judaïsme. On raconte que la Kahena, la reine berbère des Aurès qui mena un long combat contre les armées musulmanes, était juive. Aux émigrés de Palestine et aux Berbères convertis se sont ajoutés, au fil des siècles, des réfugiés andalous puis des commerçants originaires de Livourne, une ville italienne où s’étaient enrichis de nombreux juifs attirés par un statut avantageux ; en Tunisie, ces juifs italiens aisés étaient appelés les Grana. La Tunisie a connu de curieux cas de rapprochement entre croyances du judaïsme et de l’islam. A Djerba, des musulmans assistent aux fêtes du grand pèlerinage de la synagogue de la Ghriba, espérant sans doute profiter de l’influence bénéfique des “saints” Rebbi Meïer et Rebbi Shemoun. Au Kef, la synagogue (appelée aussi Ghriba) est en même temps un sanctuaire musulman dédié au grand saint Sidi Abdelkader el-Jilani : les deux communautés se sont partagé sans heurt le même espace.

Judaism has a presence in Tunisia of over 2,000 years. The oldest community would appear to be that of Djerba. According to tradition, it was probably founded in the sixth century BC by a group of priests fleeing from Jerusalem after the destruction of the first Temple. Later, the

Djerban community would become a major Jewish intellectual centre and produce a large number of philosophical and religious works.During the time of the Arab conquest there were Berber tribes in existence who had been converted to Judaism. Legend has it that Kahena, the Berber queen of the Aurès, who fought a long battle against the Muslim armies, was a Jewess. Down through the course of the centuries, the emigrants from Palestine and Berber converts were joined by Andalusian refugees, then traders originating from Leghorn, an Italian town where numerous Jews, who had been attracted by an advantageous status, became rich ; in Tunisia, these wealthy Italian Jews were called the Grana.Tunisia has witnessed curious cases of rapprochement between Jewish and Muslim beliefs. In Djerba, some Muslims participate in the celebrations for the great pilgrimage of the Ghriba synagogue, undoubtedly hoping to take advantage of the beneficial influence of the “saints” Rebbi

Meïer and Rebbi Shemoun. In Le Kef, the synagogue (also called Ghriba) is at the same time a Muslim shrine dedicated to the great saint Sidi Abdelkader el-Jilani : the two communities

have shared the same space without clashing.

d e D j e r b a à T o z e u r90

Habiba Msika (ici en costume de théâtre), issue d’une famille juive de Tunis, est la première “star” de Tunisie : chanteuse et actrice dans les années 1920, elle avait un

véritable fan-club et a fini assassinée par un déséquilibré. Elle avait bénéficié de la tradition musicale des orchestres

juifs, autrefois nombreux car mieux acceptés que les musulmans dans l’intimité des fêtes familiales.

Habiba Msika (seen here in theatrical costume), born into a Jewish family from Tunis, was Tunisia’s first “star”. A singer and actress in the 1920s, she had a veritable fan club and was finally murdered by a mentally deranged person. She had benefitted from the musical tradition of the Jewish orchestras, once considerable in number as they were more readily accepted than Muslim orchestras in the intimacy of family celebrations.

t Une famille juive de Tunis photographiée au début du XXe siècle par Samama Chikly, lui-même juif tunisien, photographe de talent et cinéaste de la génération des pionniers.In “Samama Chikly”, Guillemette Mansour, éditions Simpact

A Jewish family

from Tunis photographed

at the beginning of the 20th

century by Samama

Chikly, himself a Tunisian

Jew, talented photographer

and film-maker of the pioneer

generation.

Les Juifs en TunisieThe Jews in Tunis ia

Photo : “Tunis chante et danse”, Alif-éditions de la Méditerranée

Page 51: Tunisie_Musée à ciel ouvert

Les bijoux d’argent fabriqués par les juifs sont très appréciés des femmes de Djerba. Certains de leurs bijoux émaillés sont de véritables chefs-d’œuvre.

The silvery jewellery manufactured by the Jews is highly valued by the women of Djerba. Some enamelled pieces of jewellery are veritable works of art.

91f r o m D j e r b a t o T o z e u r

Les juifs tunisiens partagent aussi avec les musulmans la croyance en toute une série de signes prophylactiques comme la main, le chiffre 5 et le poisson ; ces signes sont si bien mêlés à la religiosité juive qu’ils peuvent orner l’armoire sacrée où sont déposés les rouleaux de la Torah dans les synagogues tunisiennes.Les plus importantes communautés juives de Tunisie se trouvaient à Djerba, Nabeul et Tunis. Entre ces trois localités, les modes de vie et d’habitat des juifs étaient forts différents. Ainsi, à Djerba, ils tenaient à vivre rassemblés dans deux agglomérations exclusivement peuplées de correligionnaires, Hara Kebira et Hara Seghira (“grand quartier” et “petit quartier”), où les règles rituelles pouvaient être appliquées de la façon la plus stricte. A Nabeul, ils vivaient au contraire disséminés dans la ville arabe, maisons juives et maisons musulmanes se côtoyant dans le même quartier. A Tunis, enfin, existait à l’intérieur de la médina un quartier réservé, la Hara, devenu avec le temps un quartier pauvre délaissé par les juifs aisés. Partout, les juifs participaient à la vie économique, avaient leurs boutiques au souk et leurs spécialités reconnues et appréciées.Les beys de Tunis ont eu une politique protectrice envers les juifs ; parmi ceux-ci, certains étaient très proches du palais et occupaient les fonctions de conseiller ou de médecin du bey. En 1943, alors que la Tunisie était occupée par les nazis, Moncef Bey s’est opposé au port obligatoire de l’étoile jaune.Ce n’est qu’à partir des années 1950 que les juifs tunisiens ont émigré massivement, à la fois pour des raisons économiques et en raison des tensions internationales. Beaucoup reviennent pourtant lors du pèlerinage annuel de Djerba, resté le plus important pèlerinage du judaïsme nord-africain.

The Tunisian Jews also share with the Muslims a belief in a whole series of prophylactic symbols such as the hand, the number five and the fish ; these symbols are so well integrated into with Jewish religiosity that they are used to decorate the sacred chest where the Torah scrolls are kept in Tunisian synagogues.The largest Jewish communities in Tunisia were found in Djerba, Nabeul and Tunis. Between these three towns, the lifestyle and homes of the Jews were markedly different. Thus in Djerba, they tended to live together in two towns exclusively inhabited by their fellow believers, Hara Kebira and Hara Seghira (“large quarter” and “small quarter”), where the ritual rules could be applied with the utmost strictness. In Nabeul, on the other hand, they lived scattered throughout the Arab town, with Jewish and Muslim houses next to each other in the same quarter. Finally, in Tunis, there was a quarter reserved especially for them in the interior of the medina, the Hara, which, over time, became a poor quarter abandoned by the wealthy Jews. Everywhere, the Jews participated in the economic life, had their boutiques in the souk and their recognized and highly-valued businesses.The beys of Tunis had a protective policy towards the Jews : amongst the latter, some had close ties with the palace, occupying the functions of adviser or doctor to the bey. In 1943, while Tunisia was occupied by the Nazis, Moncef Bey opposed the wearing of a yellow star.It wasn’t until the 1950s that the Tunisian Jews began to emigrate en masse, both for economic reasons and as a consequence of international tensions. Many return however during Djerba’s annual pilgrimage, the most important pilgrimage for North African Jews.

The Ghriba synagogue was founded in 586 BC. Renovated and enlarged in modern times, it has a very particular

atmosphere and features : walls covered with blue ceramic, mats and benches, small windows with coloured panes placed close to

the ceiling providing a weak light. During the annual pilgrimage, the Mnara, the pyramid-shaped sacred candelabra, is carried in a

procession to the sound of music and you-yous from the women.

La synagogue de la Ghriba aurait été fondée en 586 avant J.-C. Rénovée et agrandie à l’époque moderne, elle conserve des traits et une atmosphère très particuliers : murs couverts de céramique bleue, nattes et bancs, petites fenêtres à carreaux colorés disposées près du plafond et dispensant une lumière irréelle. Lors du pèlerinage annuel, la Mnara – un chandelier sacré de forme pyramidale – est transportée en procession au son de la musique et des you-yous des femmes.

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Tozeur is the heir of a long history. In Antiquity it was a Roman town, then Byzantine, an important citadel on the limes, that frontier of the Roman Empire beyond which the rebellious Berber tribes were repressed.Tozeur has often been caught up in the tumult of history. During the Middle Ages, the Kharijites (see page 88) were influential there ; Abou Yazid, the Kharijite leader who tried to overthrow the Fatimids, was born there. In the 12thcentury, the town served as the base – along with Gafsa – for the last Almoravids, the great Berber dynasty that had ruled over Al-Andalus and a large part of the Maghreb, and who then sought revenge over its rival Almohads. Dating from this period is the mihrab of the Bled el-Hadhar mosque, to the south of the town. Later on, great local families would form an independent principality.While caravan trade and wool and silk weaving, once sources of wealth, have disappeared, dage growing continues to be a major activity in Tozeur. The dimensions of the town, the originality of its architecture and the complex organization of its palm oasis testify to the developed urban civilization that developed there on the edge of the desert.

Tozeur, ville des palmesTozeur, the palm town

t Le décor de briques formant des motifs en relief est caractéristique de Tozeur et Nefta. Ces motifs – combinaisons de losanges et de chevrons – rappellent le patrimoine berbère. Dans les maisons, on les retrouve aussi bien en façade qu’à l’intérieur des patios. Les chambres ont des fenêtres étroites et des toitures élevées pour préserver la fraîcheur.

The decoration of bricks forming relief patterns is characteristic of Tozeur and Nefta. These patterns – combinations of lozenges and chevrons – recall the Berber heritage. In the houses, they can also be found on façades and in the interior of the patios. The rooms have narrow windows and high roofs to preserve the coolness.

Tozeur est l’héritière d’une longue histoire. Elle a été dans l’Antiquité une ville romaine puis byzantine, importante citadelle du limes, cette frontière de l’empire romain au-delà de laquelle étaient refoulées les tribus berbères insoumises. Tozeur a souvent été prise dans le tumulte de l’histoire. Durant le haut Moyen Age, les kharijites (voir page 88) y étaient influents ; Abou Yazid, chef kharijite qui a tenté de renverser les Fatimides, en était originaire. Au XIIe siècle, la ville a servi de base – avec Gafsa – aux derniers des Almoravides, la grande dynastie berbère qui avait régné sur l’Andalousie et une grande partie du Maghreb, et qui cherchait alors une revanche sur ses rivaux almohades. De cette époque date le mihrab de la mosquée Bled el-Hadhar, au sud de la ville. Plus tard, de grandes familles locales constitueront une principauté indépendante.Si le commerce caravanier et les tissages de laine et de soie, autrefois sources de richesse, ont disparu, la production de dattes demeure une grande activité de Tozeur. Les dimensions de la ville, l’originalité de son architecture et l’organisation complexe de sa palmeraie témoignent de la civilisation évoluée et citadine qui s’y est développée à l’orée du désert.

98 d e D j e r b a à T o z e u r

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t Aboulkacem Chebbi, originaire de Tozeur, est le plus grand poète tunisien du XXe siècle. Il a pu profiter de la tradition de sa ville qui entretient le goût de la poésie et de l’éloquence arabe. Sa maison peut être visitée.

Aboulkacem Chebbi, born in Tozeur, is the greatest Tunisian poet of the 20th century.

He benefitted from the tradition of his town which maintains a taste for poetry and Arab eloquence. His house can be visited.

s La vieille ville de Tozeur parvient à offrir une atmosphère agréable même aux périodes les plus chaudes de l’année grâce aux murs élevés et aux nombreux passages couverts qui multiplient les zones d’ombre.

The old town of Tozeur succeeds in offering a pleasant atmosphere even in the hottest periods of the year thanks to the high walls and many covered passages which increase the shady areas.

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t La palmeraie est une création humaine sophistiquée et plusieurs fois millénaire. L’irrigation des parcelles y est soumise à un système rigoureux et codifié, d’origine très ancienne. Des canaux de dimensions fixées dirigent l’eau des sources vers l’une ou l’autre parcelle, qui est alors inondée pendant une durée déterminée ; cette durée est proportionnelle au droit payé par chaque propriétaire et mesurée par une clepsydre (horloge à eau).Depuis l’Antiquité au moins, de nombreuses parcelles sont organisées en trois étages : en haut, les palmiers fournissent les dattes (en particulier la variété deglet nour blonde et translucide, la plus prisée). Plus bas, protégées de l’ensoleillement et de l’évaporation par les palmiers, les mêmes parcelles accueillent toutes sortes d’arbres fruitiers ainsi que des cultures maraîchères et fourragères. Aux dires des chroniqueurs du Moyen Age, les oasis du Jerid produisaient des fruits délicieux et des pistaches « aussi grosses que des amandes, meilleures que celles de Bled ech-Cham (la Syrie) ».

The palm oasis is a sophisticated human creation several thousand years old. The irrigation of plots there is subject to a rigorous and codified system of very ancient tradition. Channels of fixed dimensions direct the streams to one or other of the plots which is then flooded for a determined amount of time ; its duration is proportionate to the right paid by each owner and measured by a clepsydra (water clock).Since Antiquity at least, many plots have been organized in three levels : above, the palms provide dates (particularly the Deglet Nour variety, golden-coloured and translucid, the most highly prized). Lower down, protected from the sun and evaporation by the palms, the same plots include all sorts of fruit trees as well as market garden crops and fodder. According to medieval chroniclers, the Djerid’s oases produced delicious fruit and pistachios « as big as almonds, better than those of Bled ech-Cham (Syria). »

f r o m D j e r b a t o T o z e u r

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T u N i S

Grande ville d’histoire et métropole moderne, ville de tradition au passé cosmopolite, amie de l’austérité comme de la fantaisie, cité issue d’un

héritage berbère, arabe et turc à la fois : Tunis reflète toutes les facettes et toutes les contradictions du pays dont elle est la capitale. Sa médina est à elle seule un univers réglé par ses codes propres, où le luxueux et le populaire se côtoient. Moins guindé, Sidi Bou Saïd, son prolongement en bord de mer, est un conservatoire de l’art de vivre des Tunisois. Quant aux quartiers “modernes”, ils sont déjà porteurs d’une histoire du XXe siècle qui a fini de forger la personnalité actuelle de la ville.

A town of great history and a modern metropolis, a town of tradition with a cosmopolitan past, a friend of austerity as much as of fantasy, a city descended from Berber, Arab and Turkish heritage at one and the same time : Tunis reflects all the facets and contradictions of the country of which it is the capital. Its medina is a world unto itself ordered by its own codes, where the luxurious and the popular exist side by side. Less formal, Sidi Bou Saïd, its seafront extension, is a museum of the Tunisois' art of living. And the modern quarters, they are already the bearers of the history of the 20th century which ended up by forging the present personality of the town.

Tourbet el-Bey (XVIIIe siècle)Tourbet el-Bey (18th century)

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Tunis, ville d’histoireTunis, a histor ic town

Ibn Khaldoun, historien dont la statue s’élève au centre de la ville moderne, est né à Tunis sous les Hafsides. Il a tenté d’expliquer les ressorts de l’histoire en analysant les cycles des civilisations, les facteurs de cohésion des nations, les rapports entre monde citadin et monde nomade. Son œuvre annonce la sociologie et l’histoire moderne.

Ibn Khaldun, a historian whose statue stands in the centre of the modern town, was born in the Tunis of the Hafsids. He tried to explain historical events by analyzing the cycles of civilization, the factors of cohesion of nations and the relations between urban and nomad worlds. His work heralded sociology and modern history.

La mosquée de la Kasbah (citadelle des Hafsides) a été construite au XIIIe siècle. Son minaret ressemble aux minarets almohades du Maroc (la Koutoubiya, la tour Hassan) et son mihrab est décoré de stalactites. Le quartier de l’ancienne kasbah est resté un des quartiers les plus distingués de la vieille ville, où siègent plusieurs ministères.

The Kasbah mosque was built in the 13th century. Its minaret resembles the Almohad minarets of Morocco (the Koutoubiya, the Hassan tower) while its mihrab is decorated with stalactites. The ancient kasbah quarter (Hafsid citadel) continues to be one of the most distinguished districts in the old town and several ministries have their headquarters there.

La médina de Tunis est exceptionnelle à bien des égards : vaste, remarquablement préservée, elle a continué d’embellir jusqu’à l’orée du XXe siècle, si bien que palais et monuments ont conservé la trace vivante de la prospérité passée. Tunis, petite ville berbère proche de Carthage, était devenue une ville importante sous les Aghlabides. Mais c’est le règne des sultans hafsides qui en a définitivement fait une capitale. La famille hafside constituait une branche des Almohades, coalition de Berbères originaires des montagnes du Sud marocain qui avait repris à son profit le grand empire maghrébin des Almoravides. Contrairement à ces derniers, ils réussirent à conquérir l’Ifriqiya en 1159. Les gouverneurs placés à Tunis prirent vite leur indépendance. Ils formèrent le royaume hafside qui prétendit, un temps, au califat, resta deux siècles en concurrence avec les Mérinides du Maroc et survécut jusqu’au XVIe siècle.

C’est sous les Hasfides que Tunis prit son extension et sa forme actuelle. Ils y ont construit une vaste kasbah dont subsiste la mosquée, de style almohade. A la suite des guerres hispano-turques, Tunis devint la capitale d’une province ottomane qui, à son tour, se déclara autonome

sous le règne des beys (voir page 112). Cette période a donné à la médina son visage actuel.

The medina of Tunis is exceptional in many respects : vast and remarkably well preserved, it continued to be embellished up until the end of the 19th century, while its palaces and monuments have preserved the living trace of past prosperity.Tunis, a little Berber town close to Carthage, became an important town under the Aghlabids. But it was the reign of the Hafsid sultans who definitively made it the capital. The Hafsid family was a branch of the Almohads, a coalition of Berbers originating from the mountains of southern Morocco who in their own turn had ruled over the great Maghrebian empire of the Almoravids. Contrary to the latter, they succeeded in conquering Ifriqiyya in 1159.The governors placed in Tunis quickly acquired their independence. They formed the Hafsid kingdom which, for a time, laid claim to the caliphate, remained in competition with the Merinids of Morocco for two centuries and survived until the 16th century.It was under the Hafsids that Tunis acquired its present extension and form. There they built a vast kasbah of which the Almohad-style mosque remains. Following the Hispano-Turkish wars, Tunis became the capital of an Ottoman province which, in its turn, declared its autonomy under the reign of the beys (see page 112). This period gave the medina its present appearance.

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La vie dans la médina reste plus près des traditions que la ville moderne, sans pourtant rejeter le monde contemporain. On y porte volontiers l’habit traditionnel, en particulier la jebba, tunique longue et ample avec une large encolure brodée, et la chechia, bonnet de laine foulée et cardée de couleur rouge ou écrue. Si les tenues traditionnelles des Tunisiens se limitent aujourd’hui à des couleurs sobres (sur-tout l’ivoire et le brun), Guy de Maupassant notait au XIXe siècle : « Et ces gebbas, ces vestes, ces gilets, ces haïks croisent, mêlent et superposent les plus fines colorations. Tout cela est rose, azuré, mauve, vert d’eau, bleu pervenche, feuille-morte, chair de saumon, orangé, lilas fané, lie-de-vin, gris ardoise »…

Life in the medina continues to be closer to tradition than in the modern town, with-out however rejecting the contemporary world. Traditional dress is readily worn there, particularly

the jebba, a long, lose tunic with a large embroidered neck, and the chechia, a carmine- or natural -coloured fulled and carded woollen beret. While the traditional costume worn by Tunisians today is

limited to sobre colours (particularly ivory and brown), Guy de Maupassant noted in the 19th century : « And those jebbas, those jackets, those waistcoast, those haïks, cross, mix and superimpose the

finest colourings. All that is in rose, azure colour, mauve, sea green, periwinkle blue, reddish-brown, salmon, orange colour, faded lilac, faded violety-red, slate grey… »

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1 Grande Mosquée Zitouna the Great Zitouna Mosque 2 Les trois médersas the Three Medersas 3 Bab Bahr (porte de France) 4 Dar Othman 5 Dar Ben Abdallah 6 Tourbet el-Bey 7 Dar Husseïn 8 mosquée du Château the Castle mosque 9 zaouïa Sidi Qacem el-Jellizi the zaouia of Sidi Qacem el-Jellizi 10 mosquée de la Kasbah the Kasbah mosque 11 Dar el Bey (palais du Gouvernement) Dar el Bey (the seat of government) 12 mosquée Youssef Dey Youssef Dey mosque 13 mosquée Hamouda Pacha Hamouda Pacha mosque 14 médersa Bir Lahjar Bir Lahjar medersa 15 palais Khereddine (musée de la Ville de Tunis) (Museum of the City of Tunis) 16 Dar-Lasram/club culturel Tahar Haddad Dar Lasram/Tahar Haddad Cultural Club 17 mosquée Sidi Mahrez Sidi Mahrez mosque 18 mosquée Sahib et-Tabaâ Sahib et-Tabaâ mosque

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Site inscrit au Patrimoine mondial

de l’humanitéUNESCO

World Heritage site

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103T u n i s

De nombreux bâtiments historiques sont intégrés à la vie de la médina. Palais, casernes, sièges d’institutions, médersas (autrefois établissements d’enseignement, puis foyers d’étudiants) ont été reconvertis en bibliothèques, espaces culturels, centres de formation… tandis que plusieurs ministères ont toujours leurs locaux dans le quartier de l’ancienne kasbah.Le ministère des Finances (fin du XIXe siècle).

Numerous historic buildings have found a new role in the life of the medina. Palaces, barracks, headquarters of institutions,

medersas (once educational establishments, then student hostels) have been converted into

libraries, cultural centres, training centres… Nevertheless, several ministries still retain their

premises in the ancient Kasbah district.The Ministry of Finance (latter 19th century)

Page 60: Tunisie_Musée à ciel ouvert

La cour centrale, souvent entourée d’un portique à colonnes, est l’élément de base de presque toute l’architecture traditionnelle. Tout autour s’ouvrent les chambres (dans les maisons), les cellules des étudiants et la salle de prière (dans les médersas) ou les locaux destinés à entreposer les marchandises (dans les caravansérails).Le palais Dar Husseïn.

The central courtyard, often surround by columned porticos, is the

basic element of nearly all traditional architecture. Opening off around it are the rooms (in the houses), students’s

cells and prayer hall (in the medersas) or premises serving for storing merchandise

(in the caravanserais).The Dar Husseïn palace.

Bab Bhar (“porte de la mer”, appelée aussi porte de France) est l’une des portes de l’ancienne enceinte de Tunis. Elle donnait vers le lac relié à la mer et en a été séparée, à partir du XIXe siècle, par les nouveaux quartiers européens.

Bab Bhar (the Sea Gate, also called Porte de France), is one of the gates in

Tunis's ancient ramparts. It opened onto a lake linked to the sea and was separated

from it in the 19th century by the new European quarters.

Les médinas s’organisaient habituellement autour de la Grande Mosquée historique, à partir de laquelle

rayonnaient les grands axes conduisant aux portes de la ville. Les vieilles villes de Tunis et Sfax ont conservé nettement cette structure. Les espaces réservés aux activités économiques – les souks –

étaient nettement séparés des espaces d’habitation : le soir, artisans et commerçants quittaient le quartier des souks qui était fermé par des portes.Dans les quartiers d’habitation eux-mêmes, qui ne comprenaient que quelques commerces de première nécessité, les maisons tournaient le dos à la rue, considérée comme source de nuisance : bruit, pollutions, indiscrétion des passants. Elles ouvraient de préférence sur des ruelles secondaires ou des impasses, et comportaient peu de fenêtres sur rue. Ainsi, la ville traditionnelle consacrait une division entre espace public et espace privé, le premier étant dominé par les hommes et le second, par les femmes.Conformément aux valeurs de l’islam et particulièrement de l’islam malékite, les villes ne connaissent pas de nette ségrégation sociale et la richesse s’y fait discrète. On peut cependant distinguer des quartiers globalement plus aisés, comme à Tunis le quartier de la Kasbah, la rue du Pacha ou les rues proches de la Grande Mosquée. Et les grandes maisons se signalent, sans luxe ostentatoire, par leur porte de belle taille, portant souvent un décor de clous sophistiqué, et encadrée de pierre sculptée.

The medinas were usually organized around the historic Great Mosque, from which the major routes radiated out towards the town gates. The old towns of Tunis and Sfax definitely maintained this structure. The areas reserved for economic activities – the souks – were clearly separated from the living areas : in the evening,

the craftsmen and traders left the souks which were closed by doors.In the residential districts themselves, which included only a few shops of basic necessity, the houses had their backs to the street, considered to be source of nuisance : noise, pollution, indiscretions from passers-by. In preferance, they opened onto secondary streets or cul-de-sacs and had few windows opening onto the street. Thus the traditional town firmly established a division between public and private areas, the former being dominated by the men and the latter by the women.In keeping with the values of Islam and particularly of Malekite Islam, the towns did not have a clear social segregation and wealth was displayed with discretion. One can however distinguish the generally wealthy quarters, as in Tunis in the kasbah district, Rue du Pacha and the streets near the Great Mosque. The large houses were distinguished, not with luxurious ostentation but by their beautifully sculpted doors, often with a sophisticated decoration of nails set in a frame of sculpted stone.

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The wor ld of the medinas

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The souks are streets dedicated to trade and handicrafts, frequently covered, specializing by activity. The souks closest to the central mosque were reserved for the noble activities : clothing, books, perfumes, jewellery… Further away, the noisy, polluting or less prestigious activities were generally relegated near to the town gates.

Les souks sont des rues dédiées au commerce et à l’artisanat, souvent couvertes, spécialisées par activité. Les souks les plus proches de la mosquée centrale sont réservés aux activités nobles : habillement, livres, parfums, bijoux… Plus loin, vers les portes de la ville, sont généralement rejetées les activités bruyantes, polluantes ou de moindre prestige.

La vie sociale des médinas s’organise autour du café, univers essentiellement masculin, et du hammam, indispensable dans chaque quartier comme bain public mais aussi espace de rencontre. On le reconnaît à sa porte peinte de couleurs vives.

The social life of the medinas is organized around the café, an essentially masculine world, and the hammam, indispensible in every quarter, not only as a public bath but also as a meeting place. They can be identified by their doors, painted in bright colours.

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Le mausolée de Hamouda Pacha (XVIIe siècle) porte un luxueux décor de pierre sculptée et placage de marbre exécuté par des artisans italiens. Hamouda Pacha le mouradite était le fils de Mourad Bey, fondateur de la dynastie.

The Mausoleum of Hamouda Pacha (17th century) is sumptuously decorated with sculpted stone and marble panels, the work of Italian craftsmen. The Mouradite Hamouda Pacha was the son of Mourad Bey, founder of the dynasty.

Cette “Koubba”, petit pavillon d’agrément construit au début du XIXe siècle pour le palais de Hamouda Pacha le husseinite, a été déplacé et s’élève aujourd’hui dans le parc du Belvédère, à Tunis. Sa construction aérienne se pare de faïences, marbres et plâtre sculpté dans une heureuse harmonie de styles.

This “Koubba”, a charming little pavilion built in the early 19th century for the palace of the Husseinid Hamouda Pacha, has been relocated and now stands in Belvedere Park in Tunis. The exquisite building is adorned with tiles, marble and sculpted plaster in a wonderfully harmonious style.

Le pouvoir des beys a commencé au début du XVIIe siècle, alors que la Tunisie, ravagée au siècle précédent par la guerre entre Espagnols et Turcs, s’était retrouvée sous la domination des seconds. Mais le pays

n’avait pas tardé à retrouver une certaine autonomie tandis que les rênes du pouvoir étaient disputés entre les pachas, gouverneurs nommés par Istanbul, les deys, représentants de la milice, et les beys, chefs de l’armée chargée de lever l’impôt dans l’arrière-pays. Ce sont finalement ces derniers qui prirent peu à peu la tête du pays.La première dynastie de beys est celle des Mouradites, du nom de Mourad Bey, un chrétien converti, ancien esclave d’origine corse. Le pays tirait alors de grands profits de la course, cette guerre permanente que se menaient en Méditerranée différentes puissances chrétiennes et musulmanes, qui consistait entraver le commerce des puissances ennemies tout en s’appropriant les cargaisons des navires et leur équipage ; ce dernier était rançonné ou réduit en esclavage. De très nombreux prisonniers chrétiens obtenaient leur affranchissement en se convertissant à l’islam et se mêlaient à la population. Ils s’ajoutaient aux Morisques (voir page 73) et aux Livournais (voir page 90) pour faire de Tunis une capitale cosmopolite.

The beys’ power began at the start of the 17th century, when Tunisia, which had been ravaged in the preceding century by the war between the Spaniards and the Turks, found itself under Turkish domination. However, the country did not delay in reclaiming

a certain autonomy while the reins of power were disputed between the pachas, governors named by Istanbul ; the deys, representatives of the militia ; and the beys, the army chiefs in charge of raising taxes in the interior of the country. It was finally the latter who gradually took the lead in the country. The first dynasty of beys were the Mouradites, from the name of Mourad Bey, a Christian convert and former slave of Corsican origin. The country drew enormous benefit from the activity of the corsairs, who, in the different Christian and Muslim countries around the Mediterranean, were responsible for conducting a permanent war against the powerful enemies by hindering their trade while appropriating ships’s cargo and crew. The latter were ransomed or reduced to slavery.

L a Tunisie des BeysTunisia under the Beys

112 T u n i s

Les tourbé ou tourbet, édifices d’une genre instauré par les Turcs, sont des mausolées construits pour de grandes familles et reconnaissables à leurs coupoles vertes, souvent en forme de champignons. Jusqu’alors, tous les Tunisiens – hormis les saints qui reposent dans leur zaouïa – étaient enterrés dans le cimetière commun, sous des tombes d’allure modeste. Tourbet el-Bey (ci-dessous) était la tourbet des souverains husseïnites.

The tourbet, buildings of a type introduced by the Turks,

are mausoleums built for the large families and recognizable

by their green cupolas, often in the form of mushrooms. Up

until then, all Tunisians – except saints who were laid to rest in

their zaouia – were buried in the common cemetery, in tombs of

modest appearance. Tourbet el-Bey (opposite) was the tourbet of the

Husseinid sovereigns.

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Le général Khereddine fut un grand ministre réformateur dont l’effigie orne aujourd’hui les billets de banque. En 1875, il a fondé le collège Sadiki (ci-dessus), premier établissement d’enseignement moderne et ouvert sur l’extérieur qui accordait une grande place aux sciences et aux langues étrangères. Celui-ci sera une pépinière de nationalistes et de cadres pour le futur Etat tunisien.

General Khereddine was a great reforming minister whose effigy now adorns Tunisian bank notes. In 1875, he founded the Sadiki College (above), the first modern teaching establishment open to the exterior which assigned great importance to the sciences and foreign languages. It would be a breeding ground for nationalists and leaders of the future Tunisian state.

Au XVIIIe siècle, Husseïn Ben Ali fonda une nouvelle dynastie qui n’a pris fin qu’en 1957. Les beys husseïnites ont fait de la Tunisie un état quasiment indépendant du pouvoir ottoman. Contrairement aux dirigeants turcs d’autres pays, ils se sont largement intégrés, s’appuyant sur la population locale et adoptant la langue et les usages du pays. La Tunisie connut une longue période de prospérité où la course avait un rôle moindre, de nombreux traités de paix et de commerce ayant été signés avec les pays chrétiens. Au XIXe siècle, devant l’évolution du rapport de forces en faveur de l’Europe, la Tunisie husseïnite fit de réels efforts de modernisation : réorganisation de l’armée, élaboration d’une constitution et d’un code pénal progressiste, réformes dans l’enseignement. Mais elle échoua et fut contrainte d’accepter le Protectorat français, qui se mua en véritable colonisation tout en reconnaissant formellement l’autorité des beys. Au lendemain de l’Indépendance, malgré l’action de Moncef Bey en faveur des nationalistes qui lui avait valu d’être déporté par les Français, la dynastie déconsidérée par l’épisode colonial fut renversée et la République proclamée.

Numerous Christian prisoners obtained their freedom by converting to Islam and mixed in with the local population. They joined the Moriscos (see page 73) and the Livournais (see page 90) to make Tunis a cosmopolitan capital.In the 18th century, Husseïn Ben Ali founded a new dynasty which did not end until 1957. The Husseinid beys made Tunisia a state virtually independent of Ottoman power. Contrary to the Turkish leaders of other countries, they integrated themselves enormously, relying on the local population and adopting the country's language and customs. Tunisia witnessed a long period of prosperity where piracy played a lesser role, during which numerous peace and trade treaties were signed with Christian nations.In the 19th century, faced with the evolution of the power struggle in favour of Europe, Husseinid Tunisia made concerted efforts to modernize itself : reorganization of the army, elaboration of a constitution and progressive penal code, educational reforms. But the attempt failed and Tunisia was forced to accept the French Protectorate, which transformed into a veritable colonization whilst formally recognizing the authority of the beys. In the wake of independence and in spite of the efforts by Moncef Bey in favour of the nationalists, for which he was deported by the French, the dynasty, descredited by the colonial episode, was overthrown and the republic proclaimed.

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Le palais du Bardo, près de Tunis, a été construit puis agrandi par les beys husseïnites à partir d’un ancien palais hafside. Les anciens appartements privés abritent le célèbre musée archéologique. A côté de quelques souvenirs du style de l’ancien palais (un joli patio agrémenté d’une vasque…), les grandes salles d’apparat sont luxueusement décorées de marbre, de stuc sculpté et de peintures italianisantes dont le style hétéroclite et surchargé est caractéristique du goût des beys de la fin du XIXe siècle.

The Bardo Palace, close to Tunis, was built and later enlarged by the Husseinid beys from an ancient Hafsid palace. The former private apartments house the famous archaeolgoical museum. In addition to various reminders of the style of ancient palaces – such as a pretty patio complemented by a fountain – the large ceremonial rooms are luxuriously decorated in marble, sculpted stucco and Italian-style paintings whose eclectic and excessive style is characteristic of the taste of the beys in the late 19th century.

Hamouda Pacha le husseïnite a laissé le souvenir d’un grand chef d’Etat (il n’hésita pas à tenir tête aux Ottomans) et d’un grand bâtisseur : on lui doit en particulier la caserne du souk des Parfums (aujourd’hui bibliothèque nationale), l’agrandissement de Dar el-Bey (aujourd’hui palais du Premier ministère) et un palais à la Manouba, près de Tunis.

The Husseinid Hamouda Pacha left behind the memory of a great head of state

(he did not hesitate to defy the Ottomans) and a great builder : he is owed particularly for the

barracks in the perfumes souk (now the National Library), the enlargement of Dar el-Bey (now the seat of the prime minister's office) and a palace

in Manouba, close to Tunis.

Tableau de Noureddine Khayachi. Painting by Noureddine Khayachi.

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Le centre de gravité de la ville de Tunis s’est déplacé, depuis un siècle, vers les nouveaux quartiers construits pour les Européens sous le Protectorat français. Ces quartiers bâtis à l’origine de façon un peu anarchique, sans unité de style, recèlent pourtant quelques trésors d’architecture du début du XXe siècle. En particulier, plusieurs architectes ont été influencés par le style Art Nouveau, cette école artistique qui prétendait inscrire dans l’architecture les formes et le mouvement de la nature. Certains ont réussi à intégrer dans des créations modernes et originales des éléments d’inspiration tunisienne comme les arabesques végétales ou les décors de mosaïque et de faïence.

A century or so ago, the centre of gravity of the town of Tunis moved towards the new districts built for the Europeans under the French Protectorate. Built in a somewhat anarchic way, lacking any unity of style, these quarters nevertheless conceal some architectural treasures from the early-20th century. Several architects in particular were influenced by Art Nouveau, the artistic school that sought to inscribe the forms and movements of nature in architecture. Some succeeded in integrating elements of Tunisian inspiration into original and modern designs such as plant arabesques and decorations in mosaic or tiling.

Tunis 1900Tunis 1900

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La première moitié du XXe siècle a été, pour les arts du spectacle, une époque étonnante de foisonnement et d’ouverture. Les “cafés chantants” présentaient des spectacles de fantaisie à un public familial et populaire, les stars égyptiennes et les rythmes occidentaux commençaient leur invasion au moment même où la musique classique prenait conscience de sa propre valeur et faisait naître la Rachidiya, orchestre et conservatoire du patrimoine tunisien.Le chanteur Hedi Jouini était représentatif de l’interpénétration de ces différents courants. Admirateur des vedettes égyptiennes, il est l’auteur d’une chanson tunisienne emblématique, « Taht el yasmina fi’l lil » (sous les jasmins, la nuit) ; une chanson dont le thème et le style musical semblent purement tunisiens mais qui est pourtant écrite sur un rythme… de valse.

For the entertainment world, the first half of the 20th century was an astonishing period of prolificness and opening up. The “café chantant” offered cabaret entertainment for popular, family audiences. Egyptian stars and Western rhythms began their invasion at a time when classical music was becoming aware of its own worth and gave birth to the Rachidiya, an orchestra and conservatory of Tunisian heritage.The singer Hedi Jouini was representative of the interpenetration of these different currents. An admirer of the Egyptian stars, he is the composer of an emblematic Tunisian song « Taht el yasmina fi’l lil » (In the night, under the jasmines) ; a song whose theme and musical style appear to be purely Tunisian but which however is written to the rhythm… of a waltz.

Hedi Jouini.

T u n i s

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s t L’immeuble Disegni, à l’extraordinaire façade surchargée d’éléments décoratifs, possède de remarquables qualités architecturales. La décoration intérieure, soignée, rappelle curieusement le style tunisien par certaines des formes utilisées et l’importance de la ferronnerie, des céramiques et des vitrages.

The Disegni building, with its extraordinary façade with an excess of decorative elements, boasts some remarkable architectural qualities. The orderly interior decoration strangely recalls the Tunisian style for certain shapes that have been used and the importance of ironwork, ceramics and coloured-glass windows.

Auguste Peters, 1908

s Le Théâtre municipal s’inspire du style Art Nouveau sans rompre totalement avec l’architecture classique. Faisant autrefois partie d’un complexe qui comprenait un casino et un hôtel, il marquait la consécration de ce style pour les édifices publics de Tunis. Ce théâtre construit pour la communauté européenne a vu aussi l’éclosion, dès les années 1910, des premières troupes théâtrales tunisiennes.

The municipal theatre is inspired by the Art Nouveau style, without breaking completely from classic architecture. Once forming part of a complex which consisted of a casino and hotel, it marked the consecration of the style for public buildings in Tunis. The theatre, built for the European community, also saw the emergence in the 1910s of the first Tunisian theatrical groups.

Jean Resplandy, 1902.

Les communautés européennes de Tunis étaient des plus diverses. On trouvait en majorité des Italiens, parmi lesquels des petits artisans appréciés, de nombreux Maltais, spécialisés dans l’entretien des chevaux et des calèches, des fonctionnaires et colons français, des Grecs et même des Russes blancs rescapés de la révolution d’Octobre. Les communautés les plus anciennes étaient entièrement intégrées à la vie locale, tout en conservant leur langue et en

manifestant sans complexe leur différence religieuse. (Ci-contre, l’église russe de l’avenue Mohamed V).

The European communities in Tunis were very diverse. The majority were Italians, amongst them respected small craftsmen, numerous Maltese, specialists in looking after horses and carriages, French civil servants and settlers, Greeks and even white Russians, survivors of the October Revolution. The oldest communities were completely integrated into the local life at the same time as preserving their language and manifesting their religious difference without a complex. (Facing, the Russian church on Avenue Mohamed V).

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Tunis, médersa BachiyaTunis, Bachiya medersa

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Crédit photographiqueMCM / Mrad Ben Mahmoud

sauf liste ci-dessous ou mention spéciale :

P. 14 en bas à g. : AMPC. P. 26 en bas : ONTT. P. 27 en bas (vues aériennes) : ONTT/Jellel Gastli. P. 32 en bas à g. : ONTT/Jellel Gastli. P. 34-35 : ONTT/Jellel Gastli. P. 37 en haut à dr. : ONTT/Jellel Gastli. P. 37 en bas à dr. : MCM. P. 42 en haut : ONTT/Jellel Gastli. P. 44 (Capitole, photo du bas) : MCM/ Mohamed Sakli. P. 46 en bas. : ONTT/Jellel Gastli. P. 53 en bas à dr. : ONTT/Jellel Gastli. P. 62 en bas : MCM/Patricia Triki. P. 64 en bas à g. : MCM/Patricia Triki. P. 65 en haut (extérieur) : MCM/Patricia Triki. P. 67 en bas : ONTT/Jellel Gastli. P. 68 en bas à g. : ONTT. P. 73 à g. : MCM/Patricia Triki. P. 76 en bas à dr. : ONTT. P. 77 en bas : MCM. P. 79 en bas à g. : ONTT/Jellel Gastli. P. 79 en bas à dr. : MCM. P. 80 en bas : MCM/Patricia Triki. P. 82 en bas à g. : ONTT. P. 83 en haut à g. : ONTT. P. 83 en bas (broderie, distillation) : ONTT. P. 83 en bas (nattiers) : MCM. P. 86-87 : ONTT. P. 88 en bas à dr. : MCM/Mohamed Sakli. P. 89 en haut : ONTT/Jellel Gastli. P. 92 en haut : ONTT. P. 92 en bas : ONTT/Jellel Gastli. P. 93 en haut (tissage, mosquée) : ONTT. P. 93 en bas : ONTT/Jellel Gastli. P. 94-95 : ONTT/Jellel Gastli. P. 96 en bas : ONTT. P. 97 en haut à g. : MCM/Mohamed Sakli. P. 98 en bas à g. : MCM/Mohamed Sakli. P. 98-99 en haut : MCM/Mohamed Sakli. P. 110 en bas : ONTT. P. 111 en bas (concert) : ONTT. P. 112 en bas à g. : MCM/Patricia Triki. P. 115 haut à g. : ONTT/Nicolas Fauqué.

Illustrations (plans et carte) : MCM / Souhaïl Fakhfakh

Suivi éditorial : Lotfi Mansour

Conception graphique et mise en page : MCM

Traduction anglaise : Penelope Ward

Photo de couverture : Dougga (MCM/Mrad Ben Mahmoud)

Achevé d’imprimer en décembre 2010 sur les presses de Finzi Usines Graphiques - Tunis

Pour le compte de MCM

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L’histoire de la Tunisie est riche ; et cette richesse se découvre à chaque pas, à travers tout le pays, dans les innombrables sites, vestiges, monuments toujours intégrés à la vie des cités, et même dans les traditions qui renvoient bien souvent à un passé lointain.

Des sites antiques aux mosquées historiques, des médinas aux villes sahariennes, des forteresses aux quartiers “européens” des villes, la Tunisie est tout entière un musée où l’histoire a déposé ses multiples traces.

Tunisia has a wealth of history and this wealth reveals itself with every step, throughout the whole of the country, in the countless sites, remains, monuments still integrated into the life of the towns, and even in the traditions which very often reflect a distant past.

From ancient sites to historic mosques, from medinas to Saharan towns, from fortresses to the European quarters of the towns, the whole of Tunisia is a museum where history has left innumerable traces.