Monographie « métabolisme phosphocalcique »

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Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 201–202 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Éditorial Monographie « métabolisme phosphocalcique » i n f o a r t i c l e Mots clés : Trouble du métabolisme phosphocalcique Calcium Phosphate L’intérêt croissant des rhumatologues pour le métabolisme du calcium et du phosphate est apparu depuis les années 1990 du fait d’un développement important des prises en charge en par- ticulier médicamenteuse des ostéopathies raréfiantes. Le mode d’action des médicaments antirésorbeur ou ostéoformateur a per- mis de reprendre des notions de physiologie que beaucoup avaient oublié. La nécessité d’écarter des troubles métaboliques et des causes d’ostéoporose secondaire par des dosages des paramètres phosphocalciques est acceptée bien que des explorations suffi- santes ne soient pas toujours effectuées. Des travaux récents ont souligné qu’une fracture récente périphérique ou vertébrale fait découvrir fréquemment un nouveau diagnostic, pour Bours et al. 12,9 % [1] et qu’une ostéoporose densitométrique permet de mettre en évidence environ 10 % d’hyperparathyroidie primitive et 20 % d’hyperparathyroidie secondaire à une insuffisance en vitamine D, d’autres diagnostics étant décelés de manière plus rare [2]. La pré- sentation biologique n’est pas toujours évidente avec souvent des anomalies modestes sur les paramètres phosphocalciques de base ce qui a conduit les praticiens à vouloir mieux connaître la physio- logie du calcium et du phosphate, le mode d’action des hormones calciotropes pour mieux interpréter les résultats des examens biologiques. Il faut, de plus pour mieux identifier des désordres métaboliques connaître les pièges et les contraintes de dosage du calcium, du phosphate dans le sang et les urines. Les dosages des hormones dites calciotropes, hormone parathyroïdienne, vitamine D et pour la plus récente le FGF23, peuvent poser des problèmes d’interprétation. La notion de norme doit faire place à un concept de bonne santé osseuse dans lequel on n’attend aucune anomalie des paramètres phosphocalciques. Le biologiste a appris à connaître les besoins nouveaux des cliniciens. Biologistes et cliniciens ont alors travaillé en collaboration pour permettre une meilleure efficacité du diagnostic des troubles du métabolisme phosphocalcique. Cela permet de mieux identifier des maladies soit peu symptomatiques voire asymptomatiques mais qui du fait de leur retentissement osseux propre nécessitent un traitement spécifique. L’exemple de l’hyperparathyroïdie primitive est particulièrement intéressant. Sa découverte en présence d’une ostéoporose incitera à une chirurgie à la recherche d’anomalies d’une ou de plusieurs glandes parathy- roïdiennes. Le diagnostic de certitude étant biologique, la qualité des dosages phosphocalciques et des hormones calciotropes est primordiale ainsi que l’interprétation de ces dosages [3] puisque le diagnostic repose sur un taux d’hormone parathyroïdienne inadap- tée à la calcémie. Il s’agit de la seconde cause d’hypercalcémie. Les autres causes dites non parathyroïdiennes devront être recher- chées dès que le taux de PTH sera adapté à l’hypercalcémie. À côté de causes fréquentes, des causes rares seront recherchées. Encore récemment, l’hyperparathyroïdie secondaire ne concernait que les néphrologues jusqu’à ce que l’on constate sa fréquence importante dans les explorations biologiques faites devant la découverte ou l’aggravation d’une ostéopathie et son implication dans le risque fracturaire [4]. Le concept de suffisance en vitamine D plutôt que norme a été particulièrement discuté et repose sur l’absence d’hyperparathyroïdie secondaire et sur l’efficacité sur des manifes- tations cliniques comme les fractures, les chutes. Il s’agirait donc de mettre l’os dans une situation de bonne santé. À côté de la quantité osseuse au mieux approchée par la mesure de densité, des ano- malies des paramètres du métabolisme phosphocalcique ou des hormones apportent des arguments en faveur d’un défaut quali- tatif. Même des traitements de l’ostéoporose considérés comme efficaces le seraient moins en présence d’une simple insuffi- sance en vitamine D [5]. À côté des hyperparathyroïdies, d’autres maladies endocriniennes s’accompagnent d’anomalie du métabo- lisme phosphocalcique. Le rhumatologue ne devra pas méconnaître le diagnostic de ces maladies souvent rares et peu symptoma- tiques, comme par exemple les hypercorticisme endogènes. Le rhumatologue devra également tenir compte de l’existence de cer- taines maladies endocriniennes qui doivent rendre prudent pour l’utilisation d’antirésorbeur comme dans l’hypoparathyroïdie du fait de risque d’hypocalcémie symptomatique. Une bonne connais- sance des présentations biologiques de ces maladies endocrinienne permet une bonne prévention. L’ostéomalacie et le rachitisme ne doivent pas être oubliés comme cause des ostéopathies fragili- santes. La carence profonde en vitamine D en est la cause la plus fréquente mais l’insuffisance en vitamine D qui classiquement ne s’accompagne pas de trouble de minéralisation mais unique- ment une perte de masse osseuse lié à un excès de résorption par hyperparathyroïdie secondaire semble également s’associer à des anomalies de la minéralisation. Des études post-mortem en popu- lation générale le suggèrent [6]. Des régimes excluant le calcium au même titre qu’une malabsorption pourraient aussi être respon- sables de troubles de la minéralisation, même si la démonstration n’est faite à ce jour que chez l’animal. [7]. La biopsie osseuse reste l’élément nécessaire au diagnostic de certitude d’ostéomalacie mais des anomalies des paramètres phosphocalciques pourront orienter et devront être corrigées. Les diabètes phosphatés constituent une 1878-6227/$ see front matter © 2012 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2012.07.005

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L’intérêt croissant des rhumatologues pour le métabolisme dualcium et du phosphate est apparu depuis les années 1990 duait d’un développement important des prises en charge en par-iculier médicamenteuse des ostéopathies raréfiantes. Le mode’action des médicaments antirésorbeur ou ostéoformateur a per-is de reprendre des notions de physiologie que beaucoup avaient

ublié. La nécessité d’écarter des troubles métaboliques et desauses d’ostéoporose secondaire par des dosages des paramètreshosphocalciques est acceptée bien que des explorations suffi-antes ne soient pas toujours effectuées. Des travaux récents ontouligné qu’une fracture récente périphérique ou vertébrale faitécouvrir fréquemment un nouveau diagnostic, pour Bours et al.2,9 % [1] et qu’une ostéoporose densitométrique permet de mettren évidence environ 10 % d’hyperparathyroidie primitive et 20 %’hyperparathyroidie secondaire à une insuffisance en vitamine D,’autres diagnostics étant décelés de manière plus rare [2]. La pré-entation biologique n’est pas toujours évidente avec souvent desnomalies modestes sur les paramètres phosphocalciques de basee qui a conduit les praticiens à vouloir mieux connaître la physio-ogie du calcium et du phosphate, le mode d’action des hormonesalciotropes pour mieux interpréter les résultats des examensiologiques. Il faut, de plus pour mieux identifier des désordresétaboliques connaître les pièges et les contraintes de dosage du

alcium, du phosphate dans le sang et les urines. Les dosages desormones dites calciotropes, hormone parathyroïdienne, vitamine

et pour la plus récente le FGF23, peuvent poser des problèmes’interprétation. La notion de norme doit faire place à un concept deonne santé osseuse dans lequel on n’attend aucune anomalie desaramètres phosphocalciques. Le biologiste a appris à connaître lesesoins nouveaux des cliniciens. Biologistes et cliniciens ont alorsravaillé en collaboration pour permettre une meilleure efficacitéu diagnostic des troubles du métabolisme phosphocalcique. Celaermet de mieux identifier des maladies soit peu symptomatiquesoire asymptomatiques mais qui du fait de leur retentissementsseux propre nécessitent un traitement spécifique. L’exemple de’hyperparathyroïdie primitive est particulièrement intéressant. Sa

écouverte en présence d’une ostéoporose incitera à une chirurgie

la recherche d’anomalies d’une ou de plusieurs glandes parathy-oïdiennes. Le diagnostic de certitude étant biologique, la qualité

878-6227/$ – see front matter © 2012 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsettp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2012.07.005

des dosages phosphocalciques et des hormones calciotropes estprimordiale ainsi que l’interprétation de ces dosages [3] puisque lediagnostic repose sur un taux d’hormone parathyroïdienne inadap-tée à la calcémie. Il s’agit de la seconde cause d’hypercalcémie.Les autres causes dites non parathyroïdiennes devront être recher-chées dès que le taux de PTH sera adapté à l’hypercalcémie. À côtéde causes fréquentes, des causes rares seront recherchées. Encorerécemment, l’hyperparathyroïdie secondaire ne concernait que lesnéphrologues jusqu’à ce que l’on constate sa fréquence importantedans les explorations biologiques faites devant la découverte oul’aggravation d’une ostéopathie et son implication dans le risquefracturaire [4]. Le concept de suffisance en vitamine D plutôtque norme a été particulièrement discuté et repose sur l’absenced’hyperparathyroïdie secondaire et sur l’efficacité sur des manifes-tations cliniques comme les fractures, les chutes. Il s’agirait donc demettre l’os dans une situation de bonne santé. À côté de la quantitéosseuse au mieux approchée par la mesure de densité, des ano-malies des paramètres du métabolisme phosphocalcique ou deshormones apportent des arguments en faveur d’un défaut quali-tatif. Même des traitements de l’ostéoporose considérés commeefficaces le seraient moins en présence d’une simple insuffi-sance en vitamine D [5]. À côté des hyperparathyroïdies, d’autresmaladies endocriniennes s’accompagnent d’anomalie du métabo-lisme phosphocalcique. Le rhumatologue ne devra pas méconnaîtrele diagnostic de ces maladies souvent rares et peu symptoma-tiques, comme par exemple les hypercorticisme endogènes. Lerhumatologue devra également tenir compte de l’existence de cer-taines maladies endocriniennes qui doivent rendre prudent pourl’utilisation d’antirésorbeur comme dans l’hypoparathyroïdie dufait de risque d’hypocalcémie symptomatique. Une bonne connais-sance des présentations biologiques de ces maladies endocriniennepermet une bonne prévention. L’ostéomalacie et le rachitisme nedoivent pas être oubliés comme cause des ostéopathies fragili-santes. La carence profonde en vitamine D en est la cause la plusfréquente mais l’insuffisance en vitamine D qui classiquementne s’accompagne pas de trouble de minéralisation mais unique-ment une perte de masse osseuse lié à un excès de résorption parhyperparathyroïdie secondaire semble également s’associer à desanomalies de la minéralisation. Des études post-mortem en popu-lation générale le suggèrent [6]. Des régimes excluant le calciumau même titre qu’une malabsorption pourraient aussi être respon-sables de troubles de la minéralisation, même si la démonstrationn’est faite à ce jour que chez l’animal. [7]. La biopsie osseuse reste

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02 Éditorial / Revue du rhumatism

ause non rare des ostéomalacies de l’adulte. Il s’agit de diagnos-ics longtemps méconnus car l’interprétation des dosages face àes anomalies du phosphate est souvent délicate. Une meilleureonnaissance des fuites rénale de phosphate a été apportée pourne meilleure connaissance du métabolisme du phosphate et desodalités d’action du FGF23. Les mécanismes conduisant à des ano-alies phosphocalciques de l’insuffisance rénale chronique ont été

pprofondis et la prise en charge de ces troubles métaboliques fait’objet de recommandations précises qui rec oivent toute l’attentiones néphrologues. Le métabolisme phosphocalcique intéresse éga-

ement le néphrologue dans le cadre de pathologie lithiasique. Larande fréquence des lithiases rénales en population générale faitue le rhumatologue dans le cadre d’une ostéopathie fragilisanteera confronté à certaines questions spécifiques de cette patholo-ie. Peut-on corriger une insuffisance en vitamine D sans risquerne récidive lithiasique ? Un travail récent paraît rassurant [8]. Laédiatrie n’est pas oubliée car des maladies génétiques sont res-onsables de perturbations des paramètres phosphocalciques etes hormones calciotropes qui pourront expliquer des retards deroissance et des ostéopathies fragilisantes.

Ces différentes questions sont abordées dans cette monogra-hie sous la forme de 12 chapitres. Ils ne se veulent pas exhaustifsais permettent une synthèse pour actualiser nos connaissances

ans ce domaine. Enfin, une conduite pratique tentera d’aider leraticien devant les situations les plus fréquentes que sont uneypercalcémie, une hypocalcémie, une hypophosphatémie, uneyperphosphatémie, une hypercalciurie, une élévation de la PTH àalcémie et phosphatémie normales et cela sous la forme d’arbresécisionnels. La confrontation des différents paramètres, calciumt phosphate dans le sang et l’urine, créatininémie, le taux de PTH,e vitamine D entre autre permettra d’identifier un trouble méta-olique ou une maladie. Toutes les modifications des paramètresécrits classiquement dans les maladies du métabolisme phospho-alcique ne seront pas toujours présentes mais une discordanceevra toujours faire envisager une autre hypothèse diagnostique.

La répétition des explorations est souvent nécessaire en cas’anomalie modérée. On s’appuiera également sur des tests dyna-iques. Une bonne interprétation d’anomalies du métabolisme

hosphocalcique nécessite la parfaite connaissance des circons-ances qui ont justifié les explorations. L’interrogatoire permettrae quantifier les apports alimentaires tout particulièrement enalcium la veille de la prise de sang, la posologie et le type de théra-eutiques suivis par le patient car beaucoup de médicaments vontvoir des interférences avec le métabolisme du calcium et du phos-hate. Les dosages dont on dispose sont globalement satisfaisants,onc un résultat aberrant devra toujours être discuté avec le bio-

ogiste. Cette collaboration clinicien–biologiste paraît importanteour une bonne qualité de l’interprétation des anomalies du méta-

olisme phosphocalcique. La pratique régulière de l’interprétationaraît également très utile. C’est ce qui a été à l’initiative de for-ations nationales pour les rhumatologues franc ais reposant sur

ette collaboration biologiste–clinicien. Ces formations permettent

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de prendre en compte tous les aspects : aspect théorique et cascliniques. Les auteurs de la monographie participent à cette ini-tiative et cette monographie permet de faire partager l’expérienceet les connaissances de chacun. La physiologie du calcium et duphosphate perd alors son caractère austère et réservé à quelquesspécialistes de physiologie pour devenir un outil pragmatique etpourquoi pas un outil ludique.

Les anomalies du métabolisme phosphocalcique commed’ailleurs les ostéopathies fragilisantes sont des situations oùplusieurs spécialités se rencontrent en particulier les endocri-nologues, les néphrologues, les biologistes. Les symptômes quiamènent à pratiquer ces explorations du métabolisme phospho-calcique sont souvent différents selon la spécialité : asthénie pourl’endocrinologue, ostéopathie pour le rhumatologue, insuffisancerénale ou lithiase pour le néphrologue. Une même maladie peut dece fait avoir une présentation clinique et biologique différente enfonction de cette porte d’entrée.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationavec cet article.

Références

1] Bours PG, Van Geel AC, Geusens MM, et al. Contributors to secondary osteopo-rosis and metabolic bone diseases in patients presenting with a clinical fracture.J Clin Endocrinol Metab 2011;10:2010–35.

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3] Eastell R, Arnold A, Brandi L, et al. Diagnosis of asymptomatic primary hyperpa-rathyroidism: proceedings of the third international workshop. J Clin EndocrinolMetab 2009;94:340–50.

4] Rejnmark L, Vestergaard P, Brot C, et al. Increased fracture risk in normocalce-mic postmenopausal women with high parathyroid hormone levels: a 16-yearfollow-up study. Calcif Tissue Int 2011;88:238–45.

5] Carmel AS, Shieh A, Bang H, et al. The 25(OH)D level needed to main-tain a favourable bisphosphonate response is 33 ng/mL. Osteoporos Int 2012,http://dx.doi.org/10.1007/s00198-011-1868.7.

6] Priemel M, von Domarus C, Klatte TO, et al. Bone mineralization defects andvitamin D deficiency: histomorphometric analysis of iliac crest bone biop-sies and circulating 25-hydroxyvitamin D in 675 patients. Bone Miner Res2010;25:305–12.

7] Lieben L, Masuyama R, Torrekens S, et al. Normocalcemia is maintained in miceunder conditions of calcium malabsorption by vitamin D-induced inhibition ofbone mineralization. J Clin Invest 2012;122:1803–15.

8] Leaf DE, Korets R, Taylor EN, et al. Effect of vitamin D repletion on urinary calciumexcretion among kidney stone formers. Clin J Am Soc Nephrol 2012;7:829–34.

Catherine CormierService de rhumatologie A, hôpital Cochin Paris, 27,

rue du Fauborg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14,France

Adresse e-mail : [email protected]

Accepté le 10 juillet 2012

Disponible sur Internet le 13 aout 2012