Moderniser l'école

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Freinet Célestin, Salengros R, Moderniser l’école, éditions CEL, Cannes, 1960, Bibliothèque de l’École Moderne, 80p. Notes de lecture, Olivier Francomme - mai 2010 Remarques générales : Pourquoi relire C. Freinet ? Je pense, comme l’a dit Philippe Meirieu 1 , qu’il faut participer de l’herméneutique d’une science, surtout celle de la pédagogie. Chaque génération peut parler et s’approprier les écrits d’un grand pédagogue. Quelle est notre lecture du début du XXI° siècle de l’œuvre de Freinet ? Ce qui me marque dans ce livre, c’est l’étrange modernité des propos, tant dans l’analyse des carences, défauts, du système scolaire (on peut presque tout reprendre !), que dans l’analyse de la résistance des jeunes : Peut-on leur imposer le savoir ? Peut-on commander leurs esprits ? Et donc, pourquoi poursuivre la scolastique ? Pourquoi continuer à infantiliser les jeunes ? Freinet développe dans cet ouvrage les pans de sa pensée et du sens de son action pédagogique : en matière d’éducation, d’enseignement, il faut partir des jeunes et de leur entièreté, de leur sensibilité à la fois ordinaire et qu’on ne peut éluder. L’analyse du système éducatif par les auteurs est-elle encore actuelle ? En éducation, nous nous trouvons toujours à l’époque de la préhistoire. (p 73) Peut-être en est-on arrivé au Moyen Âge ? Sur l’ouvrage Pour rappeler le contexte, ce livre a été écrit après 40 ans de réflexion coopérative, et dans une approche internationale, avec l’apport de l’expérience belge par Roger Salengros. Qu’est-ce que l’École Moderne ? (p 3) Pour Célestin Freinet, la transition est faite, dite, la pédagogie Freinet est devenue l’École Moderne (p 5). Cette évolution tend à montrer la capacité d’adaptation pédagogique des militants aux nécessités du siècle. Pourquoi l’École Moderne ? (p 7) C. Freinet analyse les causes de l’échec scolaire : l’école traditionnelle a fait perdurer les usages du XIX° siècle qui n’ont plus d’utilité. Les outils et les techniques pédagogiques sont restées les mêmes : leçons, devoirs, notes,.. L’école traditionnelle appelle à la passivité de l’élève et contraint à l’ennui. Bien souvent les pédagogues (enseignants) se déchargent sur les enfants de l’échec : ils ne seraient plus ce qu’ils étaient ! Pourtant 1 Meirieu Philippe, (2006), Eléments d’épistémologie de la pédagogie.

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Ce qui me marque dans ce livre, c’est l’étrange modernité des propos, tant dans l’analyse des carences, défauts, du système scolaire (on peut presque tout reprendre !), que dans l’analyse de la résistance des jeunes : Peut-on leur imposer le savoir ? Peut-on commander leurs esprits ? Et donc, pourquoi poursuivre la scolastique ? Pourquoi continuer à infantiliser les jeunes ?

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Freinet Célestin, Salengros R, Moderniser l’école, éditions CEL, Cannes, 1960, Bibliothèque de l’École Moderne, 80p.

Notes de lecture, Olivier Francomme - mai 2010

Remarques générales : Pourquoi relire C. Freinet ? Je pense, comme l’a dit Philippe Meirieu1, qu’il faut participer de l’herméneutique d’une science, surtout celle de la pédagogie. Chaque génération peut parler et s’approprier les écrits d’un grand pédagogue. Quelle est notre lecture du début du XXI° siècle de l’œuvre de Freinet ?

Ce qui me marque dans ce livre, c’est l’étrange modernité des propos, tant dans l’analyse des carences, défauts, du système scolaire (on peut presque tout reprendre !), que dans l’analyse de la résistance des jeunes : Peut-on leur imposer le savoir ? Peut-on commander leurs esprits ? Et donc, pourquoi poursuivre la scolastique ? Pourquoi continuer à infantiliser les jeunes ? Freinet développe dans cet ouvrage les pans de sa pensée et du sens de son action pédagogique : en matière d’éducation, d’enseignement, il faut partir des jeunes et de leur entièreté, de leur sensibilité à la fois ordinaire et qu’on ne peut éluder.L’analyse du système éducatif par les auteurs est-elle encore actuelle ? En éducation, nous nous trouvons toujours à l’époque de la préhistoire. (p 73) Peut-être en est-on arrivé au Moyen Âge ?

Sur l’ouvragePour rappeler le contexte, ce livre a été écrit après 40 ans de réflexion coopérative, et dans une approche internationale, avec l’apport de l’expérience belge par Roger Salengros.

Qu’est-ce que l’École Moderne ? (p 3)Pour Célestin Freinet, la transition est faite, dite, la pédagogie Freinet est devenue l’École Moderne (p 5). Cette évolution tend à montrer la capacité d’adaptation pédagogique des militants aux nécessités du siècle.

Pourquoi l’École Moderne ? (p 7)C. Freinet analyse les causes de l’échec scolaire : l’école traditionnelle a fait perdurer les usages du XIX° siècle qui n’ont plus d’utilité. Les outils et les techniques pédagogiques sont restées les mêmes : leçons, devoirs, notes,.. L’école traditionnelle appelle à la passivité de l’élève et contraint à l’ennui. Bien souvent les pédagogues (enseignants) se déchargent sur les enfants de l’échec : ils ne seraient plus ce qu’ils étaient ! Pourtant l’échec scolaire a des retentissements douloureux et durables sur l’enfant et la famille, que l’école peut éviter.

Le monde qui vient (p 13)La démocratisation de l’enseignementLa vie a changé, les besoins des enfants ne sont plus les mêmes (?). L’infirmité scolaire tend à devenir l’infirmité sociale. Quelle acquisition des techniques de base ? Le projet de l’école devrait être de cultiver et magnifier les potentialités de l’enfant. (p 15) L’évaluation ne rend pas compte des potentialités de l’enfant. Le principal mal de l’école, c’est la non communication avec les jeunes, source de l’aversion, du rejet scolaire. Freinet dénonce un paradoxe : on peut tout à la fois connaître les règles, et avoir une orthographe et une grammaire déplorables. Il affirme l’importance de la prévention (p 17). Il propose que les processus scolaires soient aussi des techniques de vie. Pour étayer sa pensée, C. Freinet propose une étude de cas, celui d’Alain Gérard, non lecteur à 10 ans.Puis il présente les statistiques d’une classe moyenne, avec ceux qui réussissent, malgré l’école. Et les autres ? Le monde a changé, l’inadaptation de l’école est intellectuelle, morale et technique ! (p 21)

L’ École Moderne suppose une modification profonde des conceptions mêmes de l’Éducation et de la Culture. (p 23)

1 Meirieu Philippe, (2006), Eléments d’épistémologie de la pédagogie.

L’ École Moderne suppose une modification profonde dans les processus psychologiques et pédagogiques prônés par la scolastique. Les méthodes scientifiques de l’industrie ne sont pas applicables tels quels à tous les processus vitaux. L’enfant n’est pas une mécanique ! Le seul processus du vivant, c’est le tâtonnement expérimental (p 26) qui est un processus de vie. L’auteur aborde aussi la méthode naturelle de lecture, qui procède du complexe vers le simple.. et pas l’inverse. « Les enfants écrivent, dégagés des principes autoritaires d’une fausse science ». Le tâtonnement expérimental permet de poser des jalons (p 30).

Comment aborder les techniques Freinet de l’ École Moderne ? (p 33)Les techniques Freinet de l’ École Moderne (p 35)Il n’y a pas de prédisposition à la pédagogie Freinet ! On ne naît pas militant, on le devient professionnellement. La description faite par Freinet du système scolaire reste pertinente : la forme (alignement des tables), les leçons / sanctions, etc.… Pour l’élève, le travail n’a pas de sens ni de but. Quels problèmes aujourd’hui ? des locaux inadaptés, la surcharge des effectifs, le manque de techniques (de vie). Comment les mettre en route ? Les outils sont indispensables (p 41) mais utilisés dans un certain but. Les techniques Freinet sont particulièrement adaptées aux classes uniques (à cours multiples). La surcharge des classes, c’est le sabotage de l’éducation. L’espace est une condition essentielle de l’éducation. Absence de crédits, programmes et horaires ne sont pas des obstacles.Freinet est pour les parents qu’il faut aborder avec prudence, qu’il ne faut pas heurter. Il faut de l’ordre dans la classe, des horaires, des préparations (p 47-48). Pour les enseignants, il y a nécessité d’une formation (faire un stage est une bonne solution), mais ce n’est pas suffisant : les techniques sont portées par des valeurs. Une solution consiste à aller dans une classe Moderne. Les enseignants apprennent de la même manière que les jeunes : par tâtonnement expérimental. Celui-ci nécessite la confrontation aux autres, de réfléchir et de discuter en groupe. A la fin du chapitre, CF aborde un emploi du temps type pour une class Freinet.

Association pour la modernisation de l’école (p 55)Ce chapitre est un manifeste pour la modernisation de l’enseignement à l’attention des usagers et des pouvoirs publics. Dans ce chapitre Freinet montre et réaffirme : l’enfant est de même nature que l’homme ! L’école reste anachronique (d’où son idée de modernité).Il appelle à rejoindre l’Association pour la Modernisation de l’Ecole, pour tous les spécialistes, membres de la communauté éducative (éducateurs, parents) c’est une tentative de massification de l’Ecole Moderne.

Grande campagne nationale pour la modernisation de l’école à tous les degrés (p 61)Revendications des usagers : salaires décents et attirants, 25 élèves par classe, locaux satisfaisants (taille, équipement), surveillance des conditions de travail, 40h maximum de travail adulte par semaine.

La démocratisation de l’enseignement (p 65) R. SalengrosCe chapitre commence par une autobiographie scolaire de l’auteur : fils d’un père ouvrier qui l’a soutenu pendant ses études, mais pas jusqu’au bout. De là s’est révélée la consciensation d’une injustice sociale plurielle : il a eu la chance d’un père qui s’est sacrifié, il n’est pas allé au bout de ce qu’il aurait aimé faire. A quoi tient le destin scolaire de chacun ? Qu’est-ce que la démocratisation des études ? Il ne s’agit pas de donner la même chose à tous, c’est offrir à chacun la possibilité d’aller aussi loin qu’il le peut, sans contingences matérielles. (p 68)Il y a un accord général (une conjoncture) en 1960, sur la nécessité de moderniser l’école : la gratuité, le prolongement des études, les étudiants salariés (pourquoi pas ?) et bien sûr, la modernisation de l’enseignement. L’école primaire a été oubliée de la réflexion alors que la modernisation ne peut (actuellement) s’effectuer par le haut (c’est une évidence : si le système actuel produit 5% d’ouvriers à la Fac, ce n’est pas la Fac qui doit être réformée mais ce qui s’est passé avant !).-la maîtrise de la lecture n’est pas technique mais enrichissement de la pensée.-penser par soi-même ce n’est pas apprendre par cœur (en lecture comme en écriture).

-il faut des outils intellectuels pour résoudre des problèmes, pas des modèles tout faits de réponse.-coopération contre attentisme et copisme.-création contre absence de pensée personnelle.Le plan d’étude belge a mis en évidence les bienfaits de l’éducation fonctionnelle de l’école moderne.À la fin de son article, R Salengros analyse le tri scolaire en Belgique, les croyances demeurent : le par cœur, les leçons, la grammaire, … au détriment de la pensée, de l’analyse, de la culture, de l’expression, de l’observation, de la réflexion, de l’utilisation des savoirs, de la recherche, de la synthèse, …

La dernière citation du livre reste emblématique des intentions développées tout au long de ce petit ouvrage (p 78) : L’école est le seul lieu possible de l’élévation du peuple. L’inadaptation de l’école est le premier obstacle à la démocratisation des études.

Bibliographie :-Meirieu Philippe, Eléments d’épistémologie de la pédagogie, 2006. http://www.meirieu.com/ARTICLES/epistemologie.pdf

Sites :Philippe Meirieu : http://www.meirieu.com/