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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 1 Colloque Risques - octobre 2001, Besançon MODELISATION STATISTIQUE DE LA POLLUTION AZOTEE A PROXIMITE D’UN AXE ROUTIER ET EVALUATION DES INCIDENCES SUR L’ENVIRONNEMENT APPLICATION AU SITE DE BIRIATOU (A63 – PYRÉNÉES-ATLANTIQUES) Gaëlle DELETRAZ ATER, SET UMR 5603 CNRS, IRSAM – Domaine Universitaire – F64000 PAU Email : [email protected] Pierre DABOS Ingénieur d’étude, SET UMR 5603 CNRS, IRSAM – Domaine Universitaire – F64000 PAU Email : [email protected] RÉSUMÉ. – La recherche dans le domaine de la pollution atmosphérique pose de nombreuses difficultés méthodologiques : les substances étudiées sont mouvantes, réactives, issues de sources mobiles, multiples et hétérogènes. Etablir une cartographie de cette pollution constitue pourtant un préalable indispensable à l’étude de ses effets. Dans la première partie, nous expliciterons le modèle de diffusion spatiale de la pollution mis en œuvre. Le polluant retenu pour cette étude est le dioxyde d’azote (NO 2 ) car il contribue – avec les autres polluants azotés – à l’acidification et à l’eutrophisation des eaux et des sols. Une méthode intégrant la topographie nous a permis d’établir une cartographie des dépôts de NO 2 pour le secteur de Biriatou (autoroute A63, Pyrénées-Atlantiques). Nous montrerons ensuite que l’évaluation du dépôt polluant ne permet pas – à elle seule – de déterminer le risque. Chaque écosystème possédant des caractéristiques qui lui sont propres (capacité tampon du sol, nature de la végétation notamment), les charges critiques diffèrent en fonction des conditions environnementales et c’est à travers la mise en relation des niveaux de pollution avec la connaissance des milieux naturels que les zones à risques peuvent être localisées. MOTS-CLEFS : Diffusion spatiale, Charge critique, Pollution azotée, Transport routier, Ecosystème, Impacts environnementaux ABSTRACT. – Atmospheric pollution studies raises many methodological difficulties. To study the effects of this pollution, it must be first charted. In the first part, we’ll describe the model of spatial diffusion of pollution used. The studied pollutant is nitrogen dioxide (NO 2 ) because it contributes, with the other nitrogen compounds, to acidification and eutrophisation of water and soils. The method integrates topography. We have established a cartography of NO 2 deposits for the sector of Biriatou (motorway A63, Pyrénées-Atlantiques). The second part talk about impacts. The evaluation of the deposition is not sufficient to determine the risk. Each ecosystem has specific characteristics (buffer capacity of soil, type of vegetation). The critical loads differ according to the environmental conditions. The definition of the risks areas needs the comparison of the levels of pollution and environmental conditions. KEY WORDS : Spatial diffusion, Critical loads, Nitrogen pollution, Road traffic, Ecosystem, Environmental effects

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 1

Colloque Risques - octobre 2001, Besançon

MODELISATION STATISTIQUE DE LA POLLUTIONAZOTEE A PROXIMITE D’UN AXE ROUTIER ETEVALUATION DES INCIDENCES SURL’ENVIRONNEMENT

APPLICATION AU SITE DE BIRIATOU(A63 – PYRÉNÉES-ATLANTIQUES)

Gaëlle DELETRAZ

ATER, SET UMR 5603 CNRS, IRSAM – Domaine Universitaire – F64000 PAU

Email : [email protected]

Pierre DABOS

Ingénieur d’étude, SET UMR 5603 CNRS, IRSAM – Domaine Universitaire – F64000 PAU

Email : [email protected]

RÉSUMÉ. – La recherche dans le domaine de la pollution atmosphérique pose de nombreuses difficultés méthodologiques : lessubstances étudiées sont mouvantes, réactives, issues de sources mobiles, multiples et hétérogènes. Etablir une cartographiede cette pollution constitue pourtant un préalable indispensable à l’étude de ses effets. Dans la première partie, nousexpliciterons le modèle de diffusion spatiale de la pollution mis en œuvre. Le polluant retenu pour cette étude est le dioxyded’azote (NO2) car il contribue – avec les autres polluants azotés – à l’acidification et à l’eutrophisation des eaux et des sols.Une méthode intégrant la topographie nous a permis d’établir une cartographie des dépôts de NO2 pour le secteur deBiriatou (autoroute A63, Pyrénées-Atlantiques). Nous montrerons ensuite que l’évaluation du dépôt polluant ne permet pas –à elle seule – de déterminer le risque. Chaque écosystème possédant des caractéristiques qui lui sont propres (capacitétampon du sol, nature de la végétation notamment), les charges critiques diffèrent en fonction des conditionsenvironnementales et c’est à travers la mise en relation des niveaux de pollution avec la connaissance des milieux naturelsque les zones à risques peuvent être localisées.

MOTS-CLEFS : Diffusion spatiale, Charge critique, Pollution azotée, Transport routier, Ecosystème, Impacts environnementaux

ABSTRACT. – Atmospheric pollution studies raises many methodological difficulties. To study the effects of this pollution, itmust be first charted. In the first part, we’ll describe the model of spatial diffusion of pollution used. The studied pollutant isnitrogen dioxide (NO2) because it contributes, with the other nitrogen compounds, to acidification and eutrophisation ofwater and soils. The method integrates topography. We have established a cartography of NO2 deposits for the sector ofBiriatou (motorway A63, Pyrénées-Atlantiques). The second part talk about impacts. The evaluation of the deposition is notsufficient to determine the risk. Each ecosystem has specific characteristics (buffer capacity of soil, type of vegetation). Thecritical loads differ according to the environmental conditions. The definition of the risks areas needs the comparison of thelevels of pollution and environmental conditions.

KEY WORDS : Spatial diffusion, Critical loads, Nitrogen pollution, Road traffic, Ecosystem, Environmental effects

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Introduction

La pollution automobile locale et régionale n’est pas un problème spécifiquement urbain. Les écosystèmes devallées sont particulièrement vulnérables à la pollution atmosphérique d’origine automobile. Outre leursensibilité intrinsèque, la topographie des vallées est doublement aggravante : la pente entraîne l’accroissementdes émissions unitaires des véhicules et l’encaissement réduit leurs capacités dispersives, même si de fortesdisparités ont été mises en évidence [ETCHELECOU & al., 2001, p. 31]. Les risques liés aux caractéristiquesenvironnementales des vallées sont aggravés par l’important trafic international généralement constaté dans leszones frontalières. Ce trafic est en augmentation constante et la tendance avenir reste indiscutablement orientée àla hausse, aussi bien dans les Alpes que dans les Pyrénées où l’accroissement est plus rapide. Entre 1989 et 1998,les quantités de marchandises transportées par la route entre la péninsule ibérique et l’Europe ont plus quedoublé : 27 millions de tonnes en 1989 pour 57 millions de tonnes en 1998 [DRE AQUITAINE, MIDI-PYRENEES,LANGUEDOC-ROUSSILLON, 2000, p. 42].

En regard de la vulnérabilité des environnements montagnards, les recherches entreprises sur la pollutionautomobile des vallées de transit sont rares, notamment en France. C’est de ce constat qu’est né le programmeEcosystèmes-Transports-Pollutions (ETP) dans le cadre duquel ce travail a été mené. Deux sites ont été étudiésdans les Pyrénées : vallée d’Aspe (Somport) et Biriatou (côte Basque). Le volet alpin du programme a porté surles vallées de la Maurienne et de Chamonix.

Ce papier s’articule en quatre parties. Après une rapide présentation du terrain d’étude et des protocoles demesure, nous détaillerons ensuite la méthodologie utilisée pour modéliser les dépôts de NO2 à partir d’unmaillage de points dispersés dans une topographie complexe. Dans les parties suivantes, les problèmesenvironnementaux seront au cœur des préoccupations. On cherchera en particulier à décrire les risques encouruspar l’environnement dus aux dépôts acides et à préciser la méthodologie employée pour évaluer ces risques.

1. Protocole et site d’étude

Dans l’optique d’une approche comparative, les deux terrains d’étude Pyrénéens ont été choisis. Les vallées deBiriatou et d’Aspe présentent des caractéristiques très différentes. Dans le secteur de Biriatou, à l’extrémité ouestde la chaîne pyrénéenne (Pays basque), l’autoroute A63 traverse un site de moyennes montagnes. Un importanttrafic de poids lourds transite par le poste frontière de Biriatou : en 1999, 6914 poids lourds en moyenne sontpassés chaque jour. C’est 2,5 fois plus qu’en 1989 [DRE AQUITAINE, MIDI-PYRENEES, LANGUEDOC-ROUSSILLON, 2000, p. 44]. La vallée d’Aspe constitue le second site. La route nationale RN134 remonte cettevallée encaissée jusqu’au col du Somport. Le trafic poids lourds actuel y est relativement faible : 128 poidslourds en moyenne journalière 1998 [DRE AQUITAINE, MIDI-PYRENEES, LANGUEDOC-ROUSSILLON, 2000,p. 43], mais ce trafic est susceptible de s’intensifier fortement après ouverture du tunnel du Somport1. Cetteouverture, mainte fois reportée, a été annoncée pour la fin 2001 pour les véhicules légers et pour l’été 2002 auxpoids lourds par les ministres des transports français et espagnol, Messieurs GAYSSOT et ALVAREZ CASCOS lorsdu séminaire ministériel de Toulouse, les 11 et 12 juillet 20012.

Deux campagnes de mesures de 4 mois et demi ont été menées dans les vallées de Biriatou (mai-sept.1998) etd’Aspe (avril-août 1999). Le dioxyde d’azote (NO2) a été choisi comme traceur de la pollution automobile pourplusieurs raisons : il est fortement corrélé au trafic routier, il contribue à la pollution acide et son influence estlocale et régionale. Cette présentation porte uniquement sur les résultats concernant les dépôts secs de NO2

mesurés à Biriatou.

La part des dépôts secs dans le total des dépôts azotés a longtemps été sous-estimée, voire ignorée. L’importancede ces dépôts a été reconnue il y a une dizaine d’années seulement, à la suite de quelques travaux précurseurseffectués au cours des années 80. Dès 1988, IVENS, DRAAIJERS & BLEUTEN [1988, p. 536] estiment à 87% la partdu dépôt sec par rapport au dépôt azoté total sur la forêt qu’ils étudient. Auparavant, la communauté scientifique

1 Le tunnel du Somport a été conçu pour permettre « le transit d’un million de poids lourds par an et d’un million de véhicules légers, sans le

moindre bouchon » [ETIENNE, 1991 in ETCHELECOU, 1995, p. 58] mais, actuellement, les accès ne sont pas aménagés pour permettre le

passage d’un tel flux.

2 Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement, 12/07/2001, Communiqué de presse.

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s’était essentiellement concentrée sur les dépôts humides (phénomène des pluies acides). Aujourd’hui, une partiedes effets des dépôts azotés a été mise en évidence.

Nous ne décrivons pas ici la totalité de la campagne de mesures mise en œuvre à Biriatou pendant plus de 4 mois(mai-sept.1998). Les détails de cette campagne, des protocoles de mesure et d’analyse ont déjà été décrits[DELETRAZ, 1998]. Rappelons simplement que des mesures de concentrations (NOx, HAP, BTX3) ont étéeffectuées au bord de la chaussée et que ces mesures ont été accompagnées d’expérimentation par bio-indication(trèfles, abeilles), de données météorologiques (station sur site) et de données de trafic. Le travail présenté icirepose plus spécifiquement sur les mesures obtenues par le biais d’un maillage de capteurs passifs répartis sousforme de transects de part et d’autre de la chaussée. Ce maillage de capteurs a permis de mesurer le dépôt sec deNO2 dans l’environnement situé à proximité de la route. Environ 80 capteurs répartis sur deux sites (Biriatou etSaint-Jean-de-Luz – cf. figure 6) fournissent des mesures de dépôt sec hebdomadaire. Cette présentation reposesur les 34 capteurs non vandalisés du site de Biriatou.

La première partie de ce texte expose comment établir, à partir des données fournies par les capteurs, unecartographie des dépôts de dioxyde d’azote (NO2).

2. Elaboration d’une cartographie des dépôts de dioxyde d’azote

L’évaluation de l’impact de la pollution azotée sur les milieux naturels voisins de l’autoroute n’est possible quedans la mesure où les quantités de polluants retombant au sol sont connues en tous points du secteur d’étude. Lapremière étape consiste donc à utiliser un modèle d’estimation des niveaux de pollution et ainsi permettrel’élaboration d’une cartographie continue et exhaustive. Deux approches permettent d’atteindre cet objectif : lamodélisation physico-chimique de la dispersion de la pollution à partir des sources de pollution ou bien desméthodes d’estimation ou d’interpolation utilisant un échantillon de mesures ponctuelles réparties sur le secteurétudié.

Nous avons écarté d’emblée la possibilité d’une modélisation physico-chimique de la dispersion de la pollutionpour deux raisons fondamentales. Premièrement, les phénomènes aérologiques et atmosphériques sont trèscomplexes à modéliser et les compétences requises ne sont pas à la portée du géographe. D’autre part, si certainsmodèles sont fonctionnels pour l’étude de la dispersion de la pollution autour d’une source d’émissionponctuelle bien identifiée et dont les quantités de polluant rejetées sont connues (le panache de fumée d’unincinérateur par exemple), l’utilisation de ces modèles pour l’analyse d’une multitude d’émetteurs mobiles lelong d’une infrastructure linéaire est rendue beaucoup plus difficile.

Les dépôts de dioxyde d’azote (NO2) ont été mesurés à partir de 34 capteurs passifs répartis autour del’autoroute. La zone d’observation couvre une surface de près de10 km2 (surface rectangulaire de 1800 x3200 m), soit une densité de points de mesure moyenne de 4 capteurs par km2. Les valeurs mesurées sontexprimées en kg NO2/hectare/an et représentent la part des polluants émis dans l’atmosphère qui retombe au solsous forme de dépôt sec. Différentes méthodes permettent, à partir de valeurs ponctuelles, de mesurer en toutpoint de l’espace l’intensité du phénomène étudié. Nous montrerons en quoi toutes ces méthodes d’interpolationsont peu adaptées au problème de la dispersion de la pollution autour d’une infrastructure de transport. Nousproposerons ensuite une méthode d’estimation, par un modèle de régression multiple, permettant d’intégrer laconfiguration topographique qui constitue un élément indispensable à prendre en compte en zone de montagne.

2.1. Présentation des différentes méthodes d’interpolation

Les méthodes d’interpolation permettent, à partir de mesures ponctuelles, d’obtenir une estimation locale en toutpoint du champ étudié [ARNAUD & EMERY, 2000]. Il est alors possible d’obtenir une cartographie continue encalculant l’estimation aux nœuds d’un maillage régulier. Nous exposerons brièvement, pour les différentesméthodes mises en œuvre sur le secteur de Biriatou, leurs principaux avantages et inconvénients pourl’estimation de la pollution atmosphérique.

3 Le terme « oxydes d’azote » représenté par la formule « NOx » correspond au mélange dans l’air de monoxyde d’azote (NO) et de dioxyde

d’azote (NO2). Les HAP sont des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques et les BTX désignent l’ensemble Benzène, Toluène, Xylènes.

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2.1.1. Les méthodes traditionnelles d’interpolation

L’estimation locale est obtenue à partir d’une moyenne pondérée des valeurs mesurées au voisinage. Il existedifférents algorithmes de pondération dont le choix et les paramètres à définir par l’utilisateur sont empiriques.Les méthodes fondées sur une partition de l’espace (polygones de Thiessen ou triangulation de Delaunay) neprennent en compte que les points connus à proximité immédiate du point à estimer. Pour les méthodesbarycentriques, la pondération est inversement proportionnelle à la distance entre les points observés et le point àestimer. Les points les plus proches ont donc un poids plus important et limitent ainsi l’effet d’écran généré parles méthodes précédentes.

La figure 1 permet de comparer le résultat de l’utilisation de ces différentes méthodes. Les estimations sont trèsdépendantes de la localisation des points de mesure (effet œil de bœuf). Pour être utilisables avec un résultatcorrect, les points d’observations devraient être beaucoup plus nombreux avec une répartition spatiale beaucoupplus régulière. De plus, les estimations ne sont réalistes qu’à l’intérieur de la zone d’échantillonnage et aucunindicateur ne permet de qualifier la validité de la méthode utilisée. Seules la validation croisée et l’expériencepermettent de justifier du choix de la méthode et de ses paramètres.

Les fondements théoriques insuffisants de ces méthodes, l’empirisme nécessaire à leurs mises en œuvre et leursrésultats peu convaincants ne permettent pas une utilisation satisfaisante.

2.1.2. Les fonctions splines

Ces fonctions mathématiques permettent l’ajustement d’une surface dont la contrainte est de minimiser l’énergiede flexion nécessaire pour passer en tous points de mesure ou à proximité. Cette technique présente l’avantaged’obtenir une représentation très continue des niveaux de pollution et est souvent satisfaisante du point de vuegraphique. A la différence des méthodes présentées plus haut, les fonctions splines permettent une estimation àl’extérieur du domaine d’échantillonnage dont il faut particulièrement se méfier. Une forte dérive linéaire auxmarges de la zone d’observation est inévitable. La fonction tend vers un plan (courbure minimale) lorsqu’ellen’est plus contrainte par les valeurs d’ajustement.

D’autre part, l’amplitude des mesures estimées est plus grande que celle des valeurs observées. Les fonctionssplines, d’une manière générale, supportent mal la grande variabilité du phénomène étudié. Les tests réalisésmontrent qu’il est possible d’obtenir des valeurs négatives de pollution ce qui est contraire à la logique. De lamême manière, les maximas atteints pour les estimations sont peu crédibles. Un cas particulier de fonction splinepermet de corriger ce phénomène par l’ajout d’un paramètre de lissage dont la détermination reste toutefoisempirique. L’estimation obtenue n’est plus, dans ce cas, une interpolation exacte mais elle peut être cohérentepour la représentation des niveaux de pollution de fond dont la variabilité est moindre que la pollution deproximité. Dans ce cas, le paramètre de lissage permet de s’affranchir d’erreurs de mesure ou de configurationslocales particulières.

2.1.3. Les méthodes géostatistiques

Les fondements théoriques des approches géostatistiques (estimation par krigeage) sont beaucoup plussatisfaisants que les autres méthodes ébauchées. Fondées sur un modèle probabiliste et la théorie des variablesrégionalisées de Georges MATHERON [MATHERON, 1965], la variable à interpoler est considérée comme laréalisation d’une fonction aléatoire qui varie en fonction de sa position dans l’espace. La première étape consisteà construire le variogramme expérimental permettant de décrire la variabilité moyenne du phénomène dansl’espace (corrélation spatiale). Son analyse permet par la suite d’ajuster un modèle variographique qui seraintégrer au système de krigeage. Le krigeage est donc un interpolateur qui prend en compte la structure spatialedu phénomène permettant ainsi d’affiner l’estimation et réduire l’incertitude dans les zones sous-échantillonnées.

Ces méthodes ont l’avantage de pouvoir associer à l’estimation une mesure de précision. De plus, ces méthodespermettent d’intégrer des variables auxiliaires (co-krigeage). L’interpolateur est alors apparenté à une régressionmultiple afin de palier au manque d’information disponible ou pour améliorer la précision de l’estimation.

Nous ne développerons pas plus longuement les principes de la géostatistique si ce n’est pour dire qu’ils offrentdes perspectives intéressantes pour les problèmes d’estimation de pollution atmosphérique. Dans notre cas, nousavons écarté la possibilité d’utilisation des techniques de krigeage dans la mesure où l’allure erratique duvariogramme expérimental nous a interdit l’ajustement d’un modèle variographique cohérent. Le variogrammeprésente effectivement une forte sensibilité lors d’un faible nombre d’observations et la présence de valeurs

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aberrantes. Pour une utilisation satisfaisante, il aurait donc été nécessaire, une fois encore, de multiplier lesmesures.

2.1.4. Conclusion sur les différentes méthodes d’interpolation

Les méthodes présentées sont d’une manière générale peu adaptées à l’estimation d’un champ de pollutionautour d’une source linéaire. Elles traduisent mal la forte variabilité spatiale du phénomène et sont inefficacesdès lors que l’on s’écarte du champ d’observation. Elles nécessiteraient un grand nombre d’observations pourêtre utilisables. Nous l’avons vu, ces techniques ne prennent en compte que les valeurs observées, à l’exceptiondes techniques géostatistiques dans le cas du co-krigeage. Pourtant, il est évident que l’intégrationd’informations supplémentaires doit permettre l’amélioration de l’estimation. La proximité de la source depollution et les contraintes du relief sont des éléments essentiels à prendre en considération.

Figure 1 : Exemples d’application de différentes méthodes d’interpolation

269000 269500 270000 270500 271000

3123500

3124000

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1 - Méthode de l’inverse des distances 2 - Méthode par fonction spline

3 - Méthode du voisinage naturel 4 - Méthode par triangulation

2.2. Méthode d’estimation par régression linéaire multiple

2.2.1. Pour une méthode intégrant l’éloignement à la route et le relief

Le graphique ci-contre montre l’importance de la prise en compte du gradient décroissant des niveaux depollution lorsque la distance à la route augmente. Toutefois, la distance ne suffit pas à modéliser correctement laspatialisation des dépôts. La zone d’observation présente un relief assez marqué, constituant une rugosité pour ladispersion des polluants, qu’il est important deprendre en compte [DELETRAZ, 2001]. D’un point devue théorique, nous chercherons à intégrer au modèledes valeurs de distance dans l’espace géodésique[VOIRON-CANICIO, 1995] plutôt que dans l’espaceeuclidien.

L’utilisation de modèles numériques de terrain(MNT) permet de tenir compte de la topographie. Lestraitements dérivés des MNT apportent différentesinformations qu’il est alors possible d’intégrer aumodèle. Pour traduire la friction de la pente, nous

0

20

40

60

80

100

0 100 200 300 400 500 600 700 800Distance à la route (en m)

Dép

ôt N

O2

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n)

Figure 2 : Diminution du dépôts de dioxyded’azote en fonction de l’éloignement à la route

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avons utilisé un algorithme de traitement combinant deux éléments : la carte des pentes et le tracé de la route. Lavariable générée traduit la contrainte de relief par cumul des valeurs de pente pour chaque maille traversée entreun nœud quelconque du maillage et la route4.

Deux variables, la distance euclidienne à la route (dist_eucli) et la rugosité due au relief (fric_pente), peuventalors être intégrées à la méthode d’estimation.

2.2.2. Le modèle de régression

Il nous reste à établir la relation existante entre les variables explicatives décrites précédemment et les niveauxde pollution. La régression linéaire multiple nous permet, à partir des points de mesures, d’établir une équationpermettant la généralisation à l’ensemble du champ d’étude.

La principale difficulté a été de rendre linéaire la relation entre les régresseurs et la variable observée. Il estsouvent peu recommandé d’effectuer des transformations de variables car elles rendent difficile l’interprétationdes résultats et génèrent des biais lors de la transformation inverse. Il nous est toutefois possible d’effectuer cestransformations lorsque le modèle est construit a priori et que ces transformations n’affectent que lesrégresseurs. Différentes transformations étaient possibles et le choix a été guidé par souci d’optimisation ducoefficient de corrélation5. La cohérence du résultat obtenu, notamment pour les valeurs minimales et maximalesdes régresseurs, a permis par la suite une validation empirique du modèle retenu.

Le modèle de régression ainsi élaboré permet, dans de bonnes conditions de validité, de généraliser à l’ensembledu secteur étudié. L’avantage de la méthode de régression est de permettre l’estimation en dehors de la zoned’échantillonnage. Dans ce cas, il est important de vérifier au préalable que les intervalles de variation desrégresseurs soient cohérents entre le calcul de l’équation de régression et la zone de généralisation. L’autreavantage apporté par cette méthode est de pouvoir associer un intervalle de confiance à la cartographie. Ce quin’est pas le cas, à l’exception du krigeage, des autres méthodes d’interpolation.

R e la t io n va le urs e s t imée s / v a le urs o b s e rvée sV a le urs d e d ép ô t s d e N O2 ( kg / he c t a re / a n)Es t ima t io n p a r re g re s s io n mult ip le

R 2 = 0,8737

0

2 0

4 0

6 0

8 0

10 0

0 2 0 4 0 6 0 8 0 10 0Va leurs o bs e rvées

Var z x y

coef. de 1,000 0,887 -0,606 z

cor. 0,887 1,000 -0,376 x

totale -0,606 -0,376 1,000 y

Variables: z = val_observées x = Ln(fric_pente) y = 1/dist_eucli

Intervalle de confiance à : 80% = + ou - 12,8

Nombre d'observations : n= 34

Coef. de cor. multiple : R=0,935 (R2 = 0,873)

Equation de régression : z = 301,919x -5,397y + 12,615

Erreur-type sur l'estimation = 7,209

L’équation de régression peut ainsi être appliquée au maillage dont la valeur des régresseurs est déterminée àchaque nœud. Dans notre exemple la résolution du maillage est de 10 mètres. La carte ainsi produite sera par lasuite utilisée pour caractériser les risques environnementaux par croisement avec la carte d’occupation du sol.

2.2.3. Conclusion sur la méthode d’estimation utilisée

La méthode présentée permet d’obtenir une cartographie de la pollution, avec un modèle sommaire et facile àmettre en œuvre avec les outils informatiques disponibles aujourd’hui, dont la précision est satisfaisante (87% del’information totale est prise en compte par le modèle). La part résiduelle non prise en compte estvraisemblablement liée à des phénomènes chimiques, aérologiques ou des configurations locales particulières.Chercher à améliorer le modèle poserait les mêmes difficultés que la mise en place d’un modèle physico-chimique et des campagnes de mesures beaucoup plus lourdes seraient alors nécessaires.

4 Par exemple un point distant de la route de 4 mailles aura une valeur nulle si le terrain est plat. En revanche, si la pente est régulière (3

degrés par exemple) la valeur pour la maille sera de 3x4=12. Cet algorithme est disponible avec la fonction COST du logiciel IDRISI.

5 Les transformations retenues sont le logarithme népérien de Fric_pente et l’inverse de la distance euclidienne.

Figure 3 : Résultats du modèle derégression multiple mis en oeuvre

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Un autre atout déterminant de cette approche est son adaptation à d’autres secteurs à « moindre coût ». A partirde transects bien ciblés, il est possible de caler le modèle avec un faible nombre de point de mesure. Les testsréalisés sur les autres sites du programme ETP (vallée d’Aspe, vallée de la Maurienne) confirment le caractèretransposable de cette méthode.

Figure 4 : Estimation des dépôts de dioxyde d’azote (NO2 ) dans le secteur de Biriatou (mai-sept.1998)

3. Evaluation de l’incidence de la pollution azotée sur l’environnement

Dans la première partie de cette présentation, nous avons décrit comment estimer, à partir d’une équation derégression multiple, les valeurs de dépôts de NO2 en continu à partir de points de mesures dispersés. Cettedeuxième partie va porter plus précisément sur l’incidence de la pollution azotée sur les écosystèmes situés àproximité de l’A63, dans le secteur du péage de Biriatou. L’évaluation de ce risque environnemental estétroitement liée au concept de charge critique qu’il est indispensable d’expliciter en premier lieu. Une foisprésenté ce concept central vis-à-vis de notre démarche, les deux étapes fondamentales sur lesquelles reposenotre chaîne de traitement seront détaillées. Ces deux étapes sont : (i) la connaissance du dépôt azoté total quidoit être estimé à partir du dépôt de NO2 car les charges critiques sont exprimées en dépôt d’azote (toutesespèces chimiques confondues, en kgN/ha/an) ; (ii) la détermination des charges critiques azotées en tous pointsde l’espace étudié. Ces dernières sont très variables selon les caractéristiques propres aux différents écosystèmes,qu’il faut commencer par localiser. A l’heure actuelle, seuls les « grands types » d’écosystèmes sont affectésd’une valeur de charge critique. Nous décrirons ensuite les conséquences d’un surplus d’azote issu del’atmosphère (c’est-à-dire d’un dépassement des charges critiques) sur le fonctionnement d’un écosystème (solset végétation essentiellement). Pour finir, la mise en relation des dépôts azotés totaux et des charges critiques,tous deux très variables spatialement, va permettre la localisation des zones les plus vulnérables d’un point devue environnemental.

3.1. La notion de charge critique (« criticals loads »)

Les charges critiques ont été définies comme l’estimation chiffrée de l’exposition à un ou plusieurs polluants endessous de laquelle des effets nocifs portant sur des éléments sensibles de l’environnement n’apparaissent pas enl’état actuel de nos connaissances (Critical loads have been defined as a quantitative estimate of an exposure toone or more pollutants below which harmful effects on specifield sensitive elements of the environment do notoccur according to present knowledge) [NILSSON & GRENNFELT, 1988 in VAN DER SALM & DE VRIES, 2001,

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 8

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p. 12]. On ne rentrera pas ici dans le détail des calculs de ces charges critiques qui soulèvent de nombreusesquestions fondamentales, reposent sur des expérimentations relativement rares et de long terme. Il s’agit doncd’un domaine complexe, pour lequel les incertitudes sont encore grandes mais qui constitue aujourd’hui l’uniqueoutils d’évaluation des risques liés aux dépôts polluants. Le consensus est cependant important quant à lajustesse de cette approche et des valeurs fixées (approche empirique encore très prédominante faute de pouvoirgénéraliser les résultats obtenus sur les sites de mesures ayant tous des caractéristiques spécifiques).

La notion de charge critique a été développée en vue de guider les politiques de prévention négociées lors de laconvention de Genève sur la pollution longue distance. « Elle vise à quantifier, sur la base de critères d’impacts,les réductions des émissions polluantes auxquelles il conviendrait d’aboutir au plan international afin depréserver les milieux naturels » [ADEME, 1997, p. 5]. D’importants progrès ont été réalisés ces dernières annéeset les valeurs corrigées récemment sont encore plus basses – pour certains écosystèmes – que celles surlesquelles on se basait depuis la fin des années 80 [PARTY, 1999, p. 31 ; VAN DER SALM & DE VRIES, 2001,p. 24].

Les concentrations dans l’air et les dépôts sont très reliés : traditionnellement, on estime les dépôts à partir desconcentrations de polluants dans l’air auxquelles on affecte une vitesse de dépôt, variable selon les polluants.Des seuils limites de concentrations pour la protection de la végétation sont également fixés : pour les NOx, cettevaleur limite annuelle est 30 µg/m3 de NOx (eq. NO2). Ce seuil est entré en application cet été, le 19 juillet 2001[DIRECTIVE 1999/30/CE]. Les mesures effectuées dans le cadre du programme ETP laissent penser que ce seuilcritique ne peut pas être respecté à proximité de la chaussée.

3.2. Estimations des dépôts azotés totaux et des charges critiques en tous points de l’espace

3.2.1. Estimation du dépôt azoté total (dépôt de N)

Il est indispensable d’estimer les dépôts azotés totaux si l’on veut pouvoir mettre en relation ces derniers et lescharges critiques. Pour ce faire, il est préférable de savoir sous quelles formes se transforment les oxydes d’azote(NOx) émis par les véhicules, et donc de connaître les grands principes de la chimie atmosphérique de ces NOx,très réactifs.

L’émission dans l’atmosphère des différentes espèces d’azote intervient principalement sous forme de NO. Cecomposé est transformé en une grande variété d’espèces différentes. La plus grande partie est très rapidementoxydée en NO2 : l’équilibre photochimique entre NO et NO2 est établi en moins de 1 à 2 minutes. A terme, lestransformations des NOx aboutissent soit à l’élimination « définitive » de l’azote réactif de l’atmosphère,essentiellement par la formation d’acide nitrique (HNO3), soit à un recyclage de l’azote par la formationd’espèces réservoirs6 de NOx [BEY, 1997, p. 169].

Les composés dits « réservoirs » de NOx, formés à partir de NO ou NO2, sont beaucoup moins réactifs que cesderniers. On dit qu’ils sont des réservoirs car ils piègent les NOx et les transportent sur de grandes distances (leurdurée de vie peut être longue) avant de les libérer loin de leurs sources d’émissions7. Les composés « puits », enraison de leur faible réactivité, sont majoritairement éliminés de l’atmosphère. Le principal de ces puits estl’acide nitrique HNO3 qui disparaît par dépôt sec ou humide [FENNETEAUX, 1998, p. 11-12 ; PONT, 2000, p. 13].

Retenons donc que les NOx se transforment plus ou moins rapidement et de façon non linéaire, en fonction denombreux paramètres dont les plus connus sont la température, l’ensoleillement (rayonnement) et lesconcentrations des autres polluants (composés organiques notamment). La majeure partie des dépôts azotés sefait sous forme de NO2 et de HNO3.

Sur le site de Biriatou, les quantités de NO2 déposées sont mesurées de façon directe grâce aux capteurs duprogramme ETP. Ces dépôts sont mesurés en kg NO2/ha/an mais ils ne représentent qu’une partie du fluxd’azote total. Des expériences8 menées par SCHMITT [1992 in MEIXNER, 1994, p. 321] ont montré que la part desdifférentes espèces azotées, en moyenne sur l’année, peut être estimée de la façon suivante.: 55% de HNO3,

6 Ce sont essentiellement les PAN (préroxyacetylnitrate) et les RONO2 (famille des alkyl nitrates).

7 A l’échelle des jours, plusieurs milliers de kilomètres peuvent être parcourus par les masses d’air [FENNETEAUX, 1998, p. 7].

8 Dans le cadre du groupe de travail Européen chargé de la surveillance des stations EMEP (European Monitoring and Evaluation Program).

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 9

Colloque Risques - octobre 2001, Besançon

25% de NO2 et 20% d’autres composés azotés9. Sur une base annuelle, 80% des dépôts secs azotés sont dus àNO2 et à HNO3.

Une méthode beaucoup plus raffinée est en cours de développement, probablement en collaboration avec l’EcolePolytechnique Fédérale de Lausanne. Dr. Isabelle BEY a développé un modèle de chimie troposphérique (flux deradicaux et transformation des précurseurs d’ozone : COV10 et NOx) intégrant les processus nocturnes. La miseau point de ce modèle a fait l’objet d’une thèse [1997]11. Ce modèle permet d’estimer les concentrations del’ensemble des espèces azotées et définit ainsi des rapports entre leurs différentes concentrations. Le modèletourne sur la base de 4 scénarios. Ainsi, notre second site d’étude (la vallée d’Aspe) correspond bien au scénario« rural » de ce modèle, ce qui a permis une estimation des dépôts azotés totaux12 sur la base des résultats de BEY

[1997]. Par contre, le site de Biriatou, avec son trafic très important, représente une situation intermédiaire qui necorrespond pas aux scénarios initiaux de BEY. Nous devons donc – pour l’heure – nous contenter des estimationsde SCHMITT présentées plus haut. Ces dernières montrent une cohérence correcte avec les résulats du modèle,même si la comparaison reste difficile par manque de précisions sur les conditions des expériences de SCHMITT ;en appliquant ses ratios, nous obtenons une carte des estimations du dépôt azoté total.

Figure 5 : Estimation des dépôts azotés totaux dans le secteur de Biriatou (mai-sept.1998)

9 Ces chiffres correspondent également aux résultats de LOVETT & LINDBERG [1986 in MEIXNER, 1994, p. 321]. Ces auteurs ont travaillé sur

une forêt de chêne et de noyer blanc de l’Est du Tennesse, et concluent que la principale source d’azote déposé provient du dépôt sec de

HNO3, soit environ 50% du total de l’azote déposé.

10 Composés Organiques Volatils (dont les hydrocarbures).

11 Cette thèse a été effectuée au Laboratoire Inter-Universitaire des Systèmes Atmosphériques (LISA) sous la direction de Gérard TOUPANCE,

spécialiste de ces questions.

12 Pour estimer les dépôts d’un polluant à partir de sa concentration, on utilise des vitesses de dépôt (calculées de façon empirique par des

expériences in situ). Ces vitesses de dépôt sont propres à chaque polluant. Notons à ce sujet que les capteurs passifs dits ETP (Ecosystèmes-

Transports-Pollutions) et qui permettent l’estimation directe du dépôt de NO2 montrent une très bonne cohérence avec les résultats obtenus

selon la méthode « traditionnelle » (concentration x vitesse de dépôt). Ces aspects sont détaillés dans la thèse de DELETRAZ Gaëlle,

Géographie de la pollution par les oxydes d’azote issus des transports routiers – Variabilité spatiale et temporelle des risques pour les

écosystèmes montagnards, Université de Pau et des Pays de l’Adour, dirigée par André ETCHELECOU (soutenance prévue dans l’année).

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 10

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La carte présentée ci-dessus donne les estimations de dépôt d’azote total. Pour le secteur de Biriatou, 500 à 700mètres sont nécessaires pour que les dépôts estimés soient inférieurs à 5 kgN/ha/an, c’est-à-dire inférieurs auseuil d’impact sur les écosystèmes les plus sensibles. Le point de contrôle du secteur de Biriatou, situé à 3 km del’autoroute et à l’écart d’autres voies secondaires reçoit moins de 2 kgN/ha/an. A 700 m des voies, le niveau defond n’est pas atteint. On remarque l’effet de barrière dû au relief (montagne de Lumaberdé au sud de la carte).

3.2.2. Spatialisation des charges critiques azotées sur le secteur de Biriatou

Au risque de se répéter, on rappelle que la vulnérabilité varie dans l’espace étudié en fonction des dépôts azotéseffectifs mais aussi de la capacité des différents écosystèmes à supporter ces derniers. Il s’agit donc maintenantde cartographier la vulnérabilité intrinsèque (les charges critiques) des différents type d’écosystèmes présents surle terrain d’étude. Trois étapes sont nécessaires à cette opération. La première consiste à localiser des différentstypes d’écosystèmes. La seconde est de définir les charges critiques associées à ces écosystèmes observés sur lazone d’étude. Pour terminer, il faut affecter, pour tous les points de l’espace la charge critique correspondant àl’écosystème présent.

3.2.2.1. Cartographie de l’occupation du sol en vue de spatialiser les charges critiques

Dans l’état actuel de l’avancement de nos travaux, nous utilisons les données CORINE Land Cover©13 (5 ha, 3niveaux). A terme, cette cartographie de l’occupation des sols sera largement affinée sur la base du travail declassification automatique engagé par Gabriel DOS SANTOS dans le cadre du programme ETP à partir de lacouverture des photos aériennes orthorectifiées et mosaïquées [DOS SANTOS, 2001]. En attendant la finalisationdes traitements, les données CORINE Land Cover© sont les seules utilisées (cf. figure 6).

3.2.2.2. Définitions des charges critiques azotées pour les écosystèmes présents sur la zone d’étude

La recherche sur les charges critiques a débuté, en France, au début des années 90. Parmi de nombreuxcollaborateurs, Jean-Paul PARTY, présent dès les premiers travaux, a consacré une thèse [1999]14 qui peut êtreconsidérée comme la référence française sur le sujet. En collaboration avec Anne-Laure THOMAS, il a précisé lesvaleurs des charges critiques pour le territoire français. Le tableau 1 met en relation le zonage et la nomenclatureCORINE Land Cover© avec les types de végétation et d’écosystèmes décrits par PARTY & THOMAS [2000, p. 24]et pour lesquels les charges critiques sont évaluées. Seuls les types de végétation qu’on retrouve dans le secteurde Biriatou sont présentés. Dans la colonne de droite figurent les valeurs retenues (le choix d’utiliser plutôt lafourchette haute ou la fourchette basse est guidé par notre connaissance du terrain).

13 ©UE-IFEN 1995, Convention 00-192 SET-IFEN (novembre 2000) pour les données à 5 hectares, 5 régions France-Sud, 3 niveaux.

14 Cette thèse a été réalisée sous la direction d’Anne PROSBT, spécialiste de ces questions, au Centre de Géochimie de la Surface, Strasbourg.

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 11

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Tableau 1 : Charges critiques retenues pour les écosystèmes du secteur de Biriatoud’après PARTY & THOMAS [2000, p. 24] et CORINE Land Cover©

Types de végétation, d’écosystèmes et charges critiques selon PARTY & THOMASNomenclature CORINE

Land Cover(cf. figure 6)

Type de végétation EcosystèmeCharge

critique enkg N/ha/an15

Valeurretenue

Forêt de feuillusChênaie sessile et pédonculée àchêne pubescent et tauzin

Forêts atlantiques(S-O)

5-10 7

Chênaie sessile et pédonculée àchêne pubescent et tauzin

Forêts atlantiques(S-O)

5-10

Forêts mélangées

Pineraie à pin maritimeForêts de conifèresacides

7-20

10

Landes et broussaillesChênaie sessile et pédonculée àchêne pubescent et tauzin

Landes riches enespèces

10-15 15

Pelouses et pâturages

Prairies

Chênaie sessile et pédonculée àchêne pubescent et tauzin

Prairies acidiphiles 10-15 10

Forêts atlantiques(S-O)

5-10Surfaces essentiellementagricoles interrompuespar des espacesnaturels*

Une partie de « Chênaie sessileet pédonculée à chêne pubescentet tauzin » Prairies acidiphiles 10-15

15

Forêts atlantiques(S-O)

5-10Système culturaux etparcellaire complexe*

Une partie de « Chênaie sessileet pédonculée à chêne pubescentet tauzin » Prairies acidiphiles 10-15

20

Terres arables horspérimètres d’irrigation*

Pas d’information* 40

* Les travaux consacrés aux charges critiques portent sur les écosystèmes naturels. Aucune information n’est actuellement disponible pourles secteurs agricoles, ce qui s’explique aisément par le fait que ce ne sont pas des sites à protéger prioritairement. D’autre part, il estinutile de rechercher un quelconque effet lié aux dépôts atmosphériques dans la masse du surplus d’azote provoqué par l’utilisationd’engrais. Face à cette pénurie d’informations, une certaine part de subjectivité est intervenue dans l’évaluation des valeurs de chargescritiques à retenir pour ces secteurs « agricoles ».Les secteurs classés « Surface essentiellement agricole interrompues par des espaces naturels » et « Système culturaux et parcellairecomplexe » dans la nomenclature CORINE Land Cover© sont essentiellement constitués de prairies de fauche, entrecoupées de haie et detrès petites unités forestières (connaissance terrain et photographies aériennes). Pour la 1ère catégorie, nous avons retenue la valeur haute dela fourchette attribuée aux prairies acidiphiles. Pour la catégorie suivante, moins « naturelle », nous avons ajouter ¼ de la valeurprécédemment fixée. Enfin, pour la catégorie « Terres arables hors périmètres d’irrigation », nous avons arbitrairement fixé une chargecritique élevée par rapports aux écosystèmes naturels, mais pas si importante en comparaison avec les doses d’engrais apportées ; parfoisplus de 200 kgN/ha/an pour certaines cultures [DUPOUEY & al., 1993, p. 393]. Hormis pour les terrains jouxtant l’autoroute, on s’affranchitainsi d’éventuels dépassements sur ces espaces où les risques ne sont peut-être pas absents mais semblent tout à fait mineurs à coté del’impact des pratiques culturales. Bien entendu, ce point mériterait d’être discuté sur des bases un peu plus solides. Notons pour finir quecertaines difficultés évoquées ici seront réduites avec une carte d’occupation des sols plus précise où les haies, les prairies et les terrescultivées seront distinguées et pourront donc se voir attribuer une valeur propre.

3.2.2.3. Les charges critiques azotées dans le secteur de Biriatou

La carte ci-dessous présente l’occupation du sol selon la nomenclature CORINE Land Cover© pour toute la zoned’étude. L’encart qui en est extrait correspond au site de Biriatou. Il indique les valeurs de charges critiques parsecteurs, selon les types d’écosystèmes (cf. tableau 1 ci-dessus).

15 L’unité utilisée est une masse, par surface et par unité de temps. Cette valeur ne comptabilise que la masse de l’azote (N) déposée parmi la

masse totale d’une molécule. Ainsi, une molécule de NO2 compte un atome d’azote (N=14.01) et 2 atomes d’oxygènes (O= 16 g) et pèse

donc 46.01 g (masse molaire). Ainsi, 1 kg de NO2 déposé correspond à 0,3045 kg de N déposé (30,45% de la masse totale).

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 12

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Figure 6 : Occupation des sols de la zone d’étude (Biriatou-Hendaye) selon la nomenclature CORINE LandCover© et charges critiques associées dans le secteur de Biriatou

3.2.3. Incidence du dépassement des charges critiques azotées

Toute la vie terrestre repose sur de grands cycles biogéochimiques (carbone, azote, oxygène, eau). Ladisponibilité d’éléments nutritifs dans le sol détermine en partie la composition des espèces végétales. L’azotefait partie des éléments nutritifs essentiels. En quantités trop faibles ou trop fortes, il empêche le développementde certaines espèces : c’est un facteur limitant.

Lorsque les dépôts azotés augmentent dans une région initialement pauvre en azote, la séquence des événementsest compliquée car divers processus interagissent et peuvent opérer à différentes échelles de temps. La sévéritédes impacts du dépôt de l’azote aéroporté dépend de : (i) la quantité totale et la durée des apports, (ii) la forme dela contribution azotée, (iii) la sensibilité intrinsèque des espèces présentes, (iv) les conditions biotiques et

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 13

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abiotiques de l’écosystème, notamment celles du sol (capacité à neutraliser les acides, valeur nutritive... ), (v) leschoix d’utilisation et de gestion du sol, aussi bien passés qu’actuels.

Le nombre et la variabilité de ces facteurs font que la sensibilité des différentes communautés végétales auxdépôts azotés est très variable, ce qui explique que les charges critiques sont différentes selon la vulnérabilitéintrinsèque des écosystèmes.

Dans une certaine limite, la croissance des plantes peut – au départ – augmenter sous l’effet fertilisant de l’azotemais, à un certain point, quand la déficience naturelle en azote d’un écosystème est complètement comblée, lacroissance des plantes est alors limitée par la pénurie en autres ressources comme le phosphore, le calcium oul’eau. Quand la végétation ne peut plus répondre à davantage d’apports azotés, on dit que l’écosystème est« saturé en azote ». Un des signes de cette saturation est l’acidification du sol. En théorie, quand l’écosystème estsaturé en azote et que son sol, ses plantes et micro-organismes ne peuvent plus utiliser ou retenir ces apports, cesderniers sont relargués dans les eaux de ruissellement ou d’infiltration (lessivage) et dans l’atmosphère16

[VITOUSEK & al., 1997, p..8]. Ainsi, la vulnérabilité d’un écosystème aux apports azotés dépend en grande partiede la végétation qui le compose, mais surtout du pouvoir tampon de son sol, à savoir s’il est proche ou non de lasaturation en azote. Très peu d’études ont porté spécifiquement sur les écosystèmes de montagne, mais certainséléments typiques, comme les landes17, sont relativement bien connus. Quelques travaux portant sur desécosystèmes boréaux apportent également des informations plus directement exploitables. Certains aspectsspécifiques du milieu montagnard sont aggravants. On pense par exemple au phénomène de « flux acide » : laneige, collecteur très efficace de pollution, relargue 50 à 80% des ions retenus au cours des premiers 20% de lafusion nivale. Ainsi, WOOLGROVE & WOODIN [1996, p. 283] notent : « Thus, snowbed vegetation is subject to avery high pollution dosage18 ». D’autres facteurs sont aggravants en milieu montagnard ; en particulier l’altitudequi entraîne l’augmentation des précipitations et des épisodes de brouillards (ces derniers concentrent lespollutions).

Les incidences d’un surplus d’azote lié aux apports atmosphériques à l’échelle des individus sont de mieux enmieux connus. Cependant, au delà des grands processus mis à jour par les biologistes, il est difficile degénéraliser l’impact des dépôts azotés sur les individus : les expériences in vivo sont très longues et n’ont portéque sur quelques espèces. Il est donc nécessaire d’être très prudent vis à vis de la généralisation des processusprésentés dans la figure 7 [NÄSHOLM, 1998, p. 90].

A l’échelle des communautés végétales, d’importants processus de modification de la compétition ont étéexplicités, dont on présente ici les grandes lignes. L’azote accumulé peu à peu dans de nombreusescommunautés pauvres en éléments nutritifs modifie la compétition entre espèces et entraîne la disparition decertaines d’entre elles : de sévères changements ont été observés dans la composition végétale de certainsécosystèmes19. Malgré la complexité de la séquence des événements induits par l’enrichissement en azote(eutrophisation), les généralisations suivantes peuvent être proposées avec toutes les limites liées à la rareté desrecherches initiées mais aussi des types de milieux expérimentés.

16 Les sols émettent des composés azotés (en grande partie sous forme de NO) en fonction de trois variables principales : la température et la

quantité d’azote du sol et le taux de diffusion des gaz (très lié à la quantité d’eau). Ces composés sont produits principalement par les

processus micro-biologiques de nitrification et de dénitrification. Les émissions du sol peuvent contribuer significativement aux

concentrations locales, surtout quand la dispersion est limitée par un vent faible ou des inversions thermiques [FOWLER et al., 1998, p. 18].

17 Les landes atlantiques du pays de Galles, proches de celle du Pays Basque, sont relativement bien étudiées.

18 Ainsi, la végétation située sous le manteau neigeux est soumise à de très fortes doses de pollution.

19 L’exemple des Pays-Bas est devenu un cas d’école. Dans ce pays, la densité humaine, l’élevage intensif, l’industrie et les transports se

combinent pour donner les dépôts azotés les plus élevés du monde. Une des conséquences – très étudiée – a été la transformation des marais

à forte biodiversité en prairies et forêts pauvres en espèce, entraînant du même coup une réduction de la diversité des paysages puisque les

communautés modifiées ressemblent maintenant à celles occupant les sols les plus fertiles. L’unique communauté d’espèces adaptée aux sols

sablonneux, pauvre en azote est en train de disparaître de cette région [VITOUSEK & al., 1997, p. 9 ; DUPOUEY & al., 1993, p. 393].

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 14

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Figure 7 : Quelques impacts observés de la pollution azotée sur les végétaux (sur les individus) d’aprèsBOBBINK, 1998 ; NÄSLHOLM, 1998 ; VITOUSEK & al., 1997 ; DUPOUEY & al., 1993.

L’assimilation de gaz par les feuilles et/oul’accroissement des dépôts provoquent un

surdimensionnement de la partie aérienne de laplante par rapport aux racines.

L’augmentation des surfaces de transpirations(feuilles) par rapport aux surfaces de captation de

l’eau (racines) entraîne une plus grande vulnérabilitéà la sécheresse et au froid.

L’apport d’azote supplémentaire peut entraîner desdéséquilibres nutritionnels :

besoins plus importants+ capacité de prélèvements réduite

+ appauvrissement du sol= carences

Concentrations degaz azotés

Par

tie

aéri

enne

Rac

ines

Composés azotés

Retombéessèches

Retombéeshumides

Deletraz, 2001

ASSIMILATION DE L’AZOTE PAR LA PARTIE

AERIENNE

L’augmentation des concentrations degaz azotés et/ou leur dépôt entraînent uneaugmentation de l’assimilation d’azote àtravers les feuilles qui subviennent alors

de façon significative aux besoins enazote de la plante. Cependant, cela n’estpas sans incidence pour la plante : si lesracines sont capables de réguler le pH et

l’assimilation d’azote en présence defortes teneurs, ce n’est pas le cas des

feuilles. D’autre part, lorsque l’azote estassimilé par les feuilles, il semble que la

croissance des racines diminue, bienqu’on ne puisse clairement déterminer si

cet effet est lié uniquement à l’assimi-lation par les feuilles ou à une augmen-

tation générale des teneurs en azote.

EFFETS DIRECTS DES GAZ

Des changements physio-logiques et une réduction dela croissance à de hautesconcentrations de gaz azotéa été mis en évidence par desétudes en chambres à cielouvert. Cependant, lavégétation en Europe n’estpas menacée directement parles concentrations ambiantesactuelles, sauf localementprès d’importantes sourceset pour certains lichens etbryophytes (mousses), trèssensibles.

Par

tie

aéri

enne

Rac

ines

Deletraz, 2001

Composés azotés

Retombéessèches

Retombéeshumides

EFFETS SUR LA NUTRITION :ACTION CONJUGUEE DE

L’ACIDIFICATION DES SOLS

ET DE LA DIMINUTION DU

TAUX DE MYCORHIZATION

Les champignonsmycorhiziens sont bénéfiquespour la plante, notammentdans les milieux pauvres enéléments nutritifs, où lechampignon facilite l’assi-milation de l’azote, maisaussi celle des autres nutri-ments vitaux (phosphore,magnésium, etc.).

La diminution du nombre desmycorhizes (en réponse àl’apport d’azotesupplémentaire), associée à labaisse de la capacité desracines à prélever lesnutriments (en s’acidifiant, lesol libère de l’aluminium,toxique pour les racines),réduisent la capacité desplantes à subvenir à leursbesoins.

Dans le même temps, lesdépôts azotés acidifient le sold’où la perte de nutrimentspar lessivage mais, parallèle-ment, ces derniers stimulentla croissance des végétaux.

Ceci crée une situation où lebesoin nutritionnel est accrumais où les capacités deprélèvement et les quantitésdisponibles sont réduites :des carences et dépérisse-ments peuvent apparaître etfragiliser le végétal vis-à-visdes agressions extérieures(climat, parasites).

MODIFICATION DU RAPPORT PARTIE

AERIENNE / RACINES

La modification de ce rapport partieaérienne / racines impliquerait que les

surfaces de captation des eaux (lesracines) diminuent par rapport aux

surfaces de transpiration (les feuilles), cequi entraîne une augmentation de la

sensibilité aux épisodes de sécheresses(sévères) et donc une réduction

substantielle de la croissance de la plante.

VULNERABILITE ACCRUE FACE AUX

STRESS SECONDAIRES

Les changements dans les performancesde la plante et la répartition de labiomasse (rapport racines : partie

aérienne qui se modifie) accroît lavulnérabilité des espèces aux périodes de

sécheresse et de froid : la proportion de lapartie aérienne de Calluna vulgaris (une

espèce de Bruyère) souffrant des atteintesde l’hiver a augmenté de 50-75% après 6ans d’addition d’azote (expérience mise

en place aux Pays-Bas). Dans des prairiesdu Minnesota (Etats-Unis), lors des

années sans sécheresse, les parcelles deprairie devenues pauvres en espèces par

excès d’azote sont plus sensibles aux« caprices » normaux du climat (grandes

variations de leur productivité) que lesparcelles plus diversifiées.

D’autre part, l’augmentation d’azoteorganique contenu dans les plantesaugmente la quantité de nourriture

disponible pour les insectes herbivores :l’apport d’azote favorise clairement lacroissance des larves et la sévérité des

attaques de coléoptères.

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Modélisation statistique de la pollution azotée en proximité d’un axe routier et incidences sur l’environnement 15

Colloque Risques - octobre 2001, Besançon

Dans les écosystèmes oligotrophes (pauvres en éléments nutritifs), la limitation des apports d’azotebiologiquement disponible est un facteur de vie : beaucoup d’espèces autochtones se sont adaptées pour mieuxfonctionner sous cette contrainte. Dans ces écosystèmes, les apports atmosphériques azotés sont généralementretenus en grande partie dans le sol puisque les taux de lessivage et de dénitrification sont faibles ; cetenrichissement en azote est appelé eutrophisation. Ceci entraîne une décomposition plus rapide de la litièreaccumulée et l’accroissement du taux de minéralisation de l’azote et donc l’augmentation graduelle des quantitésdisponibles dans le sol. A terme, cela aboutit à un remplacement des espèces caractéristiques par des espècesnitrophiles. On observe donc une modification des espèces dominantes et une réduction générale de la diversité.Sur les sols très pauvres en éléments nutritifs, la diversité augmente parfois en liaison avec l’augmentation desapports d’azote qui permet aux plantes intolérantes aux conditions originelles d’envahir le secteur. Mais, dans cecas, la flore native décline. Ainsi les apports azotés modifient la compétition entre les espèces au détriment desespèces adaptées aux substrats pauvres, ce qui est le cas de nombreuses espèces montagnardes [BOBBINK, 1998,p. 165].

Les processus sont cependant beaucoup plus subtils et encore très mal connus étant donné la grande complexitédu cycle de l’azote. Par exemple, bien que NO3¯ (nitrate) soit généralement considéré comme la forme azotéeprédominante, c’est NH4

+ (ammonium) qui domine dans les sols acides habituels de la plupart des forêts deconifères (humus peu actifs de type mors, dont la matière organique est peu transformée, superposée au solminéral, et qu’on trouve également sous la landes à Bruyères). Ainsi, les conifères et de nombreuses espècesd’éricacées assimilent de façon préférentielle NH4

+ et sont peu compétitifs vis à vis de NO3¯. L’augmentationdes apports en NO3¯ par dépôt peut donc créer une situation où d’autres groupes de plantes deviennent pluscompétitives. Le dépôt d’azote atmosphérique dans les systèmes dominés par de l’azote organique pourrait donc,du fait des différences d’assimilation et d’usage des diverses espèces azotées selon les plantes, avoir des impactsimportants sur la composition végétale dans certains écosystèmes [VAN DER EERDEN, 1998, p. 203 ; NÄSHOLM,1998, p. 88].

DUPOUEY & al. [1993, p. 389] précisent que les deux processus auxquels participent les apports azotés,eutrophisation et acidification, ne sont pas incompatibles car l’azote joue un double rôle dans l’écosystème. Il estun élément nutritif d’une part, mais il est également un agent acidifiant d’autre part.

Précisions encore que l’augmentation des teneurs en azote des sols peut avoir d’autres origines. Il y a encore unsiècle, de nombreuses pratiques appauvrissantes étaient encore en vigueur telles que les prélèvements de litière,le pâturage en forêt ou les coupes de taillis intensives. Ces pratiques ont joué sur les teneurs en azote du sol et,aujourd’hui, il est possible qu’on assiste à la reconstitution d’un stock anciennement entamé [JUSSY, 1998].

Enfin, les dépôts atmosphériques peuvent parallèlement enrichir le sol en cations nutritifs (Ca, Mg, K…),essentiellement grâce aux aérosols provenant de l’océan Atlantique et du Sahara [DAMBRINE & al., 2001, web ;RODRIGUEZ & al., 2001, p. 2446]. Il est ainsi très délicat de connaître le bilan global des entrées et sorties denutriments des écosystèmes, de déterminer l’impact d’éventuels changements qui s’opèrent, sachant que chaquesite se distingue toujours par des caractéristiques qui lui sont propres et que les cycles biogéochimiques ont uneinertie très longue et interagissent les uns sur les autres, ce qui ne facilite pas l’observation et l’expérimentation.

4. Localisation des secteurs présentant un risque d’acidification en liaisonavec les émissions d’oxydes d’azote issues du transport routier

La dernière phase du traitement des données doit permettre de déterminer les zones les plus vulnérables. Il s’agitde mettre en relation le dépôt azoté estimé et la charge critique de l’écosystème, c’est-à-dire la quantitémaximale qu’il peut recevoir sans risques a priori.

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Connaissant les dépôts totaux d’azote et les charges critiques pour les alentours de l’A63 dans le secteur deBiriatou, il reste à savoir si ces dernières sont dépassées par les apports atmosphériques, et si oui, où et decombien. Le dépassement des charges critiques par les apports atmosphériques acides sont appelés« exceedances » [PARTY, 1999, p. 188], que le terme « dépassement » nous semble bien traduire. On a vu que lescharges critiques intègrent les caractéristiques de l’écosystème. Ainsi, dès qu’on note la présence dedépassement de ces dernières, cela signifie qu’il y a un risque pour l’écosystème en question. Plus cedépassement est important, plus lerisque encouru est sérieux.

L’évaluation du risque sur la basede l’importance du dépassementdes charges critiques fait qu’unécosystème peu sensible, situé àproximité de la route, peut setrouver dans la même situation devulnérabilité qu’un écosystèmesensible, plus éloigné. Dans lesdeux cas, le dépassement seraimportant : charge critique etdépôts azotés élevés dans lepremier cas, charge critique etdépôts plus faibles dans le second.Par contre, à distance égale de laroute, la différence entre les zonespeu sensibles et très sensibles estrespectée (cf. figure 8). La figure 9représente ces valeurs dedépassement.

Figure 9 : Dépassement des charges critiques azotées dans le secteur de Biriatou

La carte présentée ci-dessus est l’aboutissement, en terme méthodologique, du travail entrepris. Desaméliorations sont prévues à certaines étapes du traitement pour améliorer la précision du résultat, aussi bien dupoint de vue des valeurs quantitatives que de la précision spatiale, mais ce point sera discuté plus loin. Malgréles imperfections, la méthode mise en œuvre a permis d’estimer en tous point du secteur le niveau de risque.

0

10

20

30

KgN/ha/an

Charge critique pour lesforêts de feuillus

7

Charge critique pour leslandes & broussailles

15

Distance à la route

Dépôts azotés

Prenons pour exemple un dépassement de la charge critique de 5kgN/ha/an. Ce dernier peut avoir lieu sur des distances d’autantplus importantes que l’écosystème est sensible.

A distance égale de la route, la différence de sensibilité entre lesécosystèmes est respectée : le dépassement (et donc le risque) estplus important pour la forêt de feuillus (sensible).

Figure 8 : Variabilité du risque en fonction de la charge critique, dudépôt azoté et l’éloignement à la route

b

a

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Tous les espaces représentés en couleur reçoivent des dépôts azotés supérieurs à la charge critique correspondantà leurs caractéristiques environnementales. Pour tous ces espaces, l’écosystème ne peut supporter les quantitésd’azote qu’il reçoit : il y a un risque. Les zones blanches correspondent aux secteurs où le dépôt est inférieur à lacharge critique : les limites de l’écosystèmes ne sont pas atteintes. On voit que ce dépassement (cette« exceedance ») est important. Dans les secteurs de prairies, pelouses et pâturages, les dépassements ont lieujusqu’à plus d’1 km de la route dans les talwegs.

La différence de sensibilité des écosystèmes se traduit très clairement sur la carte des dépassements et illustre lafigure 8 : dans le secteur a (nord-ouest de la carte), on trouve une forêt de feuillus, écosystème très sensible,éloignée de l’autoroute de 700 m environ et dont le niveau de dépassement est de près de 8 kgN/ha/an, alorsqu’un large espace, situé entre cette forêt de feuillus et la route ne montre aucun dépassement des chargescritiques (hormis à proximité immédiate de la route) car la charge critique est supérieure à celle de la forêt defeuillus. Dans le secteur b (sud-ouest de la carte), plus proche de la route, la différence de sensibilité des 3 typesd’écosystèmes fait qu’on passe, en quelques mètres, d’un dépassement important pour la forêt de feuillus (prèsde 8 kgN/ha/an ) à un dépassement plus faible pour la prairie (environ 1 kgN/ha/an). Le phénomène est encoreplus marqué avec le passage vers les terres arables, peu concernées par les apports d’azote atmosphérique.

Dans le secteur de Biriatou, les principaux types de végétation qu’on rencontre (en dehors des zones cultivées)sont la lande atlantique, la série du Chêne pédonculé et les prairies de fauche avec leur bocage. Cette végétationse développe aussi bien sur substrat calcaire que siliceux car le lessivage, intense sous des conditions océaniques,a donné dans les deux cas des sols lessivés plus ou moins acides [DUPIAS, 1985, p. 87]. La lande atlantique esttrès riche en espèces (Ajoncs, Bruyères et Graminées atlantiques), mais sur le site d’étude, l’écobuage estrépandu. Or, il favorise les Graminées et surtout la Fougère formant ainsi la Ptéridaie décrite par DENDALETCHE

[1973, p..II-120]. Elle constitue la forme de lande la plus dégradée. Ainsi, il s’agit d’écosystèmes pauvres ennutriment et déjà acides, sans grande valeur patrimoniale. Quelques secteurs ont conservé un faciès de landeatlantique à forte biodiversité. Pour ces secteurs, il y a un risque, à terme, de voir leur composition évoluer dufait du dépôt d’azote inorganique dans un système dominé par de l’azote organique (ce qui est le cas des landes àBruyère). Cela pourrait diminuer les avantages possédés jusqu’alors par les plantes de type arbustif (Bruyères)qui assimilent plus facilement l’azote organique et plutôt favoriser les plantes assimilant principalement l’azoteinorganique, comme les herbacées [NÄSHOLM, 1998, p..88] ou les Ajoncs qui font partie de la famille desLégumineuses (assimilation directe de l’azote atmosphérique). La strate arborée, à Chêne pédonculé dominant,comporte du Chêne Tauzin plus ou moins disséminé. Ces forêts sont accompagnées d’une strate herbacée« relativement pauvre, en relation avec l’acidité du sol » [DUPIAS, 1985, p. 87]. La forêt de feuillus décrite iciest très sensible aux surplus d’azote (charge critique faible). En effet, les fortes précipitations annuelles de lafaçade atlantique entraînent un lessivage important des sols qui de ce fait sont plutôt sensibles à l’acidification.

Le risque lié à un apport d’azote supplémentaire dans les formations arborées du secteur, comme dans les landesà Fougère consiste essentiellement en une augmentation du lessivage et de l’accumulation d’azote dans leshorizons profonds du sol et/ou dans l’eau. Parallèlement, il faut garder présent à l’esprit que la végétation du siteétudié est fortement marquée par l’action de l’homme et que, du fait de la déprise agricole, les secteurs évoluenttrès rapidement. Ainsi, l’examen des missions de photographies aériennes de 1968 et 1996 montre que lessurfaces boisées sont en forte augmentation, ce qui rend difficile l’établissement d’un diagnostic à long terme.

Conclusion – Discussion

Ce travail a permis une première estimation de la déposition des composés azotés dans les milieux naturels situésà proximité de l’autoroute A63 au niveau du poste-frontière de Biriatou. Il a mis en évidence les niveaux élevésdes dépôts de la pollution azotée sur ce site. Par là, il montre le non respect des valeurs seuils définies pour laprotection de la végétation, tant au niveau des dépôts (l’objet de ce travail) que des concentrations (à peineabordées ici mais plus proches d’une ambiance urbaine que rurale ou interurbaine). Il est également trèsimportant de noter que la campagne de mesures sur laquelle repose se travail a eu lieu en été, saison où lesconcentrations d’oxydes d’azote sont significativement plus faibles qu’en hiver. Les estimations proposées iciconstituent donc la fourchette basse.

Deux points, déjà évoqués dans le texte, doivent être améliorés : la classification automatique de l’occupationdes sols à partir des photographies aériennes apportera une plus grande précision que CORINE Land Cover©. Lesecond point méritant une amélioration est l’estimation des dépôts azotés totaux en fonction des dépôts de NO2.Des ratios correspondant aux caractéristiques propres de notre site pourraient être obtenus grâce au modèle dechimie troposphérique d’Isabelle BEY. Les améliorations envisagées modifieront les résultats présentés ici,

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vraisemblablement à la hausse. Notons cependant que ces résultats, qu’on peut qualifier d’intermédiaires, sontcohérents avec les données de la littérature [GOULDING, 1998, p. 53, par exemple], mais sont sans doute sous-estimés en proximité immédiate de la route (50 premiers mètres).

Pour conclure, nous proposons une rapide évaluation des limites et des apports du travail présenté ici. Lathématique de la pollution atmosphérique est complexe et, de ce fait, il est difficile d’aller au delà de quelquesgénéralités quant aux risques encourus en tel ou tel point de la zone d’étude. Ceci s’explique par le fait que (i) lesvaleurs de dépassement des charges critiques restent des estimations, même si nous avons cherché à limiter lesrisques d’erreur comme la méthodologie présentée le montre, (ii) les définitions des charges critiques restentfloues (intervalle parfois important) et sont parfois difficiles à mettre en relation avec l’occupation des solsobservée (zone agricole en particulier), (iii) la connaissance des impacts des surplus d’apports d’azoteatmosphériques est de mieux en mieux connue mais les biologistes continuent à mettre en garde contre lesgénéralisations hâtives. Ainsi, on ne peut exclure la présence d’influences propres à l’environnement du secteurde Biriatou, susceptibles de limiter ou d’aggraver ces impacts. On pense en particulier aux dépôts de poussièressahariennes, riches en éléments nutritifs et qui apportent donc une certaine protection vis-à-vis des phénomènesd’acidification.

Cependant, malgré des incertitudes difficilement compressibles du fait de la nature même du sujet et de l’étatactuel de la connaissance, notre travail montre que les dépôts secs d’éléments azotés liés aux émissions de NOx

du trafic routier sont importants et entraînent vraisemblablement des modifications environnementales. Leurévaluation précise est d’autant plus difficile que le milieu étudié est fortement anthropisé, mais les incidences dela pollution émise par l’A63 ont lieu jusqu’à plus d’un kilomètre de part et d’autre de la chaussée, selon lasensibilité des écosystèmes et la topographie. Les infrastructures de transport couvrent 1,2% du territoire del’Union Européenne [AEE, 2000, p. 13]. Même si toutes ces voies ne supportent pas un trafic équivalent à celuide l’A63, cela permet d’envisager l’importance de ce phénomène : l’eutrophisation et l’acididification dans lesécosystèmes voisins des routes en liaison avec les émissions du trafic n’est pas anecdotique. C’est un véritableproblème environnemental puisque, par exemple, « dans les forêts de l’étage collinéen en France, le degréd’acidité des sols est le premier facteur de discrimination des niches écologiques entre espèces herbacéeforestières » [DUPOUEY & al., 1993, p. 387]. D’autre part, certains pensent que les problèmes de pollutionatmosphérique liés aux véhicules n’existeront bientôt plus du fait des constants progrès techniques réduisant lesémissions unitaires des véhicules ; pourtant, certains travaux poussent à relativiser ces prévisions. Dans unarticle récent, SCHMID & al. font état des mesures réelles d’émissions réalisées dans un tunnel routier autrichienà 10 ans d’intervalle (1988 et 1997). Malgré les importantes réductions des émissions unitaires qui ont eu lieuentre ces deux dates (normes européennes de plus en plus sévères), les taux d’émissions réels mesurés ne sontpas tous en baisse : « Significant changes in the emission levels of hydrocarbons and CO, which accounted 1997to only 10% of the levels in 1988, were noticed. However, the decrease of PM has been modest leading to valuesof 80 and 60% of the levels in 1988 on the workday and on Sunday, respectively. Emission rates of NOx

determined on the workday in 1997 were 3130 mg vehicle-1 km-1 and even higher than in 1988 (2630 mg vehicle-

1 km-1), presumable due to the increase of the heavy-duty traffic » [SCHMID & al., 2001, p. 3585]. Ainsi,concernant les oxydes d’azote, les réductions des émissions unitaires ne se répercutent pas toujours dans lesémissions réelles et, il est donc sans doute un peu tôt pour miser sur la fin de la pollution routière par les oxydesd’azote et ses produits dérivés.

Pour finir, la pluridisciplinarité du programme Ecosystèmes-Transports-Pollutions a permis de mener, souscontrôle de spécialistes, une étude complète sur ce sujet, depuis la mise en place du protocole de mesure à lafinalisation sous forme de carte de risques. Ainsi, l’apport des géographes sur un thème de recherchetraditionnellement étudié par des chimistes, des biologistes et des spécialistes de l’atmosphère est parfaitementcomplémentaire du travail effectué à l’amont par ces derniers.

Remerciements

Le programme Ecosystèmes-Transports-Pollutions (ETP), 1998-2001, est coordonné par Pr. André ETCHELECOU

(Laboratoire SET – CNRS UMR 5603) et Christian ELICHEGARAY (Directeur du département « Air » del’ADEME). Ce programme est financé par ADEME / PRIMEQUAL-PREDIT / REGION AQUITAINE. Les mesures etanalyses ont été effectuées en collaboration et sous le contrôle de l’ETABLISSEMENT PUBLIC DES LABORATOIRES

DEPARTEMENTAUX DES PYRENEES-ATLANTIQUES (EPLD 64) dirigé par Dr. Jacques BONTE, notamment lasection Métrologie des Polluants de l’Air et AIRAQ (Association pour la surveillance de la qualité de l’air enAquitaine). Les données de trafic ont été communiquées par AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF) pourl’A63.

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Colloque Risques - octobre 2001, Besançon

Gaëlle DELETRAZ a bénéficié d’une bourse de thèse ADEME de 3 ans, puis d’un poste d’ATER au sein dudépartement de Géographie de l’UNIVERSITE DE PAU ET DES PAYS DE L’ADOUR. Enfin, nous avons bénéficié dusoutien de l’équipe du laboratoire SOCIETE, ENVIRONNEMENT, TERRITOIRE (SET – CNRS UMR 5603) dirigé parPr. Vincent BERDOULAY.

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Colloque Risques - octobre 2001, Besançon

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