MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES - DoYouBuzz...1ère Partie – Le théâtre, un art essentiel mais pas...
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MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES
La communication culturelle
Le Théâtre :
Quelles solutions pour faire face à la crise de l’art ?
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Parrainé par Michel Goudard , Directeur de Euterpe Promotion, membre du!Prodiss et gérant du Théâtre Fémina de Bordeaux
Sous la direction de Caroline Perret, Directrice de la communication du CHU de Bordeaux!
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Nina Jousset - Promotion 2012
Remerciements
En préambule de ce mémoire, je souhaitais adresser mes
remerciements les plus sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et
qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire.
Je tiens tout d’abord à remercier sincèrement Madame Nathalie Thomas
Barrière, Directrice communication de la société Euterpe Promotions, qui, en
tant que maître de stage, s’est toujours montrée patiente, compréhensive et
disponible tout au long de la réalisation de ce devoir. Je lui suis également
reconnaissante pour l’inspiration, l’aide et les conseils qu’elle m’a prodigués
ainsi que pour le temps qu’elle m’a accordé et sans qui ce mémoire n’aurait
pas pu être aussi abouti.
Ma gratitude s’adresse aussi au directeur de la société Euterpe Promotions et
du Théâtre Fémina : Michel Goudard, pour le temps, les conseils et les
enrichissements qu’il m’a procurés, apportant à ce mémoire la véracité et le
poids de son expérience.
Mes remerciements vont également vers Caroline Peret, Directrice
Communication du CHU de Bordeaux et coach de ce devoir, pour ses
conseils avisés mais aussi pour le temps, la compréhension et le soutien
qu’elle m’a apportés. Grâce à sa gentillesse et son professionnalisme, j’ai pu,
je l’espère, rédiger une étude réaliste d’un sujet passionnant.
Je remercie également l’ensemble des membres proches ou non, qui m’ont
permis de détailler ma réflexion, afin que ce mémoire soit, autant que
possible, représentatif de la réalité et intéressant pour son lecteur.
Enfin et très particulièrement, je remercie Jean Pierre Gil, homme du monde
culturel de Bordeaux et détenteur des murs du Théâtre Fémina, pour sa
gentillesse, sa prévenance et son soutien, lors de ces derniers mois. Homme
de Théâtre depuis toujours, ou presque, il m’a apporté l’avis d’un homme de
métier et l’expérience qui me manquaient.
SOMMAIRE
Remerciements
Prologue p 1
1ère Partie – Le théâtre, un art essentiel mais pas immortel p4
Chapitre 1 : Lever de rideau p4 I ) Un brin de culture... p4
a) Qu’est ce que le théâtre ? p 4 b) Art ou divertissement ? p 6
II) A quoi sert-il ? p9
c) Un art au service de la critique populaire p 9 d) Entre conflit, débat et salut p 10
III) La grandeur passée du théâtre p13 e) Aux États p 13 f) En Europe p 16
Chapitre 2 : Un art en crise ou miroir d’une société en mutation ? p21 IV) La tradition théâtrale : le carcan dogmatique p21
g) Des règles incontournables p 21 h) Vers une transformation sans renoncement p 23
V) Une société intransigeante p24
i) L’air des nouvelles technologies : multiplications des divertissements p 24 j) Focus sur le danger représenté par la société hollywoodienne p 27
Chapitre 3 : Vers un commerce fou : les facteurs commun France – Amérique p30 VI) Le monde impitoyable du système capitaliste p30
k) Incompatibilité de l’art à but non lucratif dans un monde commercial p 30 l) De l’art à l’industrie p 32 m) La concurrence entre privée et public p 34
VII) Place difficile du théâtre dans le monde contemporain p36
n) Un art de plus en plus professionnel qui condamne la diversité p 36 o) Censure et conservatisme ralentissent l’évolution du théâtre contemporain p 38
Conclusion intermédiaire : partie 1 p41
2ème Partie : « Que le spectacle continue ! » p43
Chapitre 1 : Evoluer ou mourir p43 I ) Inversion du processus : un nécessité vitale pour le théâtre p43
a) Les spectateurs du 21ème siècle p 43 b) Une nouvelle place pour l’art p 47
II) Un art en mouvement p49
c) Evolution des genres et théories du changement p 49 d) Appropriation des nouvelles technologies p 52 e) Un univers dépassé : une remise en question obligatoire p 54 f) Le théâtre du partage p 57
Chapitre 2 : Un nouveau théâtre p59 III) Le « produit » théâtral p59
g) Théâtre et « showbis » : ressemblance ou incompatibilité ? p 59 h) Diversification des genres : montée en puissance du spectacle vivant p 62
IV) Le théâtre : un art du 21ème siècle p65 i) La communication culturelle : de nouvelles perspectives p 65 j) L’évènementiel au service du théâtre : festival Avignon p 69 k) Les politiques culturelles au centre de la dynamique théâtrale p 72 Conclusion intermédiaire : partie 2 p75
3ème Partie : Face à la menace, comment un théâtre régional peut se maintenir? Cas du Théâtre Fémina Bordeaux p76
I) Le Théâtre Fémina, un pôle culturel encré dans le paysage bordelais p76 a) Présentation du Théâtre Fémina p 76 b) Zoom sur le directeur Michel Goudard et son entreprise p 77 c) Points forts du Théâtre Fémina p 79
II) Le Fémina lui aussi a décidé de lutter p80
d) Situation actuelle, la course à FIMALAC p 80 e) Diversification et plaisir comme mots d’ordre p 82 f) Une communication déjà efficace p 84 g) Amélioration et refonte de la stratégie de communication :
objectifs à atteindre p 85
III) Les solutions pour optimiser la situation du Théâtre Fémina et renforcer sa réputation dans le monde culturel p87
h) Une refonte stratégique à 360° p 87 i) Dynamisation et modernisation : le théâtre dans l’ère 2.0 p 91 j) Limites et difficultés rencontrées lors de l’intégration de cette
nouvelle stratégie p 93 Conclusion Générale p 95
Bibliographie
Annexes
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PROLOGUE
La culture peut être définie comme « l'ensemble des connaissances,
des savoir-faire, des traditions, des coutumes, propres à un groupe humain, à
une civilisation. » L’art, en tant que patrimoine se transmettant de génération
en génération, en fait largement partie. Par « Art » on entendra « expression
par des créations humaines d'un idéal esthétique. » Cette définition assez
abstraite, permet donc d’associer à l’Art toute création réalisée dans une
recherche d’une esthétique quelle qu’elle soit. L’art a su évoluer avec les
siècles et a entraîné avec lui la notion d’excellence qui lui est dû. C’est ainsi
que les genres artistiques sont apparus et que la notion d’art s’est élargie à
de nouveaux moyens d’expression, telles que le Théâtre.
Initialement basée sur l’étude des nouvelles formes d’art du 21ème siècle, j’ai
rapidement compris l’intérêt de recadrer ma réflexion autour d’une seule
forme d’art : Le Théâtre.
Dès l’Antiquité, des auteurs tels que Sophocle, Platon ou Aristote ont donné
au théâtre une autre dimension avec une véritable mission destinée à rendre
l’Homme meilleur. Autrefois, source d’amusement des seigneurs, puis art de
la dénonciation populaire, pour enfin être un rendez-vous luxueux, le Théâtre
est un art complexe qui a changé au fil des siècles : ses définitions en
témoignent :
Théâtre : - « Lieu ouvert ou fermé destiné à la représentation de
spectacles »
- « Art de la représentation d'oeuvres par des êtres
humains »
- « Genre littéraire comprenant les oeuvres écrites pour
être jouées par des comédiens sur scène »
- « Art dramatique (littérature) »
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Nous aborderons dans ce devoir le théâtre avec un grand T. En traitant
principalement la notion de genre littéraire, qui s’associe étroitement à celle
d’art dramatique, nous évoquerons également le théâtre en tant que lieu qui
parvient à surmonter la crise de l’art. Il m’a semblé important de n’omettre
aucune des apparences du théâtre englobant aussi bien le genre, que le jeu
ou le décor.
Mais au-delà de ces définitions, le Théâtre est un lieu magique où les acteurs
sont personnages, où le texte devient représentation de la vie et « s’il y a
bien un endroit où tout est possible, c’est bien le théâtre » (Christophe
Hysman dans Petit dictionnaire de théâtre$.
Depuis le IVème siècle av JC avec La Poétique d’Aristote, le Théâtre plus
qu’un lieu de divertissement est devenu un lieu d’enrichissement social et de
libération de l’esprit. Véritable source d’enseignement, il a pour but, un rôle
révélateur et peut même être « pour chacun le reflet de sa propre fragilité »
(Dominique Desanti).
L’histoire du théâtre français est chargée. Cependant j’ai choisi de me
concentrer sur l’apparition et la démarche associée au théâtre
contemporain. Pour ne pas me brider et toujours avec l’intention de fournir
une réflexion réaliste et complète, il m’a paru essentiel de traverser
l’Atlantique et de m’intéresser au Théâtre des Etats-Unis, berceaux des
créations contemporaines. Avec un Broadway flamboyant, des metteurs en
scène loufoques et une recherche de rentabilité incontournable, le théâtre
américain, bien que loin d’être un art d’excellence pour ce géant, a
considérablement influencé nos mises en scène.
La lecture de « THEATER » de Frédérique Martel, m’a permis de tisser des
parallèles entre le déclin du théâtre américain et la crise européenne de
l’Art. C’est dans l’intention de donner plus de profondeur à cette réflexion,
que j’ai choisi d’intégrer à ce devoir des ponts vers le théâtre américain :
instigateur des genres contemporains.
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Quelque soit le pays, le Théâtre d’aujourd‘hui, surtout européen, est bien
différent mais garde toujours sa mission première. Les fauteuils rouges habitent
encore certaines salles et même si les nouvelles infrastructures font de l’ombre
aux anciennes, l’âme du théâtre est toujours présente. Il semble toujours être
« une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin... Le théâtre
est en premier chef, un service public » (Dominique Desanti).
Il parait donc intéressant de s’interroger sur la façon dont le Théâtre, malgré
les nombreuses crises économiques, les changements sociaux et les
évolutions des idéaux artistiques, a réussi survivre.
Malgré un changement de statut depuis ces cinquante dernières années, le
théâtre fait toujours partie des arts de notre époque.
Ma réflexion prend forme suite à ce constat : Quels sont les facteurs qui ont
permis à cet art de perdurer surtout dans un monde de l’instantanéité, dans
cette ère du tout numérique où la transmission du message a totalement été
remise en question ?
Les coutumes mouvantes du théâtre, les parallèles avec l’évolution
américaines ou encore l’étude des facteurs instigateurs du déclin théâtral
peuvent pousser à s’interroger, à travers ce devoir, sur une problématique
simple, à savoir :
« Le théâtre : quelles solutions pour faire face à la crise de l'art? »
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1ère Partie – Le théâtre, un art essentiel mais pas immortel.
Dans cette première partie, nous découvrirons dans un premier
temps, la science du théâtre : ses règles et fonctionnements, son public, son
rôle. Cette définition du contexte est indispensable pour comprendre la
seconde étape de notre réflexion, à savoir le déclin de ce moyen
d’expression.
Chapitre 1 : Lever de rideau
I ) Un brin de culture...
a) Qu’est ce que le théâtre ?
Au centre de ce devoir : le Théâtre. Mais qu’entend-on par là ? Il paraît difficile d’attribuer une seule définition au Théâtre puisque ce dernier
englobe plusieurs notions.
En effet on appellera théâtre « le lieu ouvert ou fermé destiné à la
représentation de spectacles », mais sera également qualifié de théâtre le
« genre littéraire comprenant des œuvres écrites destinées à être jouées par
des comédiens sur scène ». Mieux encore le théâtre peut être « l’art de la
représentation d’œuvres par des êtres humains » et pour finir nous
connaissons le théâtre comme genre littéraire influent et influencé par de
nombreux écrivains.
Plus que des définitions scolaires, le théâtre est un lieu de rêverie, un lieu
magique où les acteurs deviennent personnages, où les mises en scène
deviennent réalité, où le texte devient représentation de la vie et comme l’a
dit Christophe Hysman dans son « Petit dictionnaire du théâtre », c’est « avant
tout un endroit où tout est possible ».
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Alors qu’autrefois le mot théâtre désignait la « scène » ou le « plateau »
(partie cachée du public par le rideau), aujourd’hui à l’heure où les arts se
diversifient, la définition d’art du théâtre est de plus en plus vaste, si bien que
certains grands noms du spectacle n’hésitent pas à remettre au goût du jour
les règles incontournables du théâtre empruntées au Classicisme « un lieu, un
temps, un acte et un public ».
Depuis le commencement, il est reconnu comme théâtre tout discours
d’acteur, du récit de l’expérience de chasse au conflit social. Petit à petit le
théâtre se démocratise. La Grèce antique crée le Trianon, la Renaissance
élargit le sens du mot et le 17ème siècle y associe le genre littéraire en créant
le théâtre Classique. Mais avant cela des géants tels que Sophocle, Eschyle
et Euripide ont marqué la Grèce antique et le théâtre en donnant lieu au
premières représentations « théâtrales » au Vème avant JC sous forme de
farces tragiques. Mais c’est réellement Aristote et sa « Poétique » (IVème
siècle avant JC) qui a défini les genres littéraires : Tragédie et Epopée (ou
genre supérieur) qui avaient pour mission d’amener l’Homme à la réflexion et
Comédie et Roman (ou genre inférieur) qui n’apportaient que divertissement.
Dorénavant le Théâtre est devenu un art avec des genres codifiés, destinés
soit à faire réfléchir, soit à distraire. La scène théâtrale, plus qu’un simple
endroit est dès lors devenu un lieu de divertissement, d’enrichissement
populaire et de libération de l’esprit, pour un spectateur ayant besoin
d’exutoire et d’émotion pour vivre dans une époque difficile où les guerres
étaient très présentes.
Pour conclure, le théâtre aussi complexe soit-il, est un art d’expression au
service d’un peuple assujetti. Il donne, par la puissance des mots l’occasion
de s’ouvrir au monde. Lieu, genre, ou art ; la magie théâtrale rassemble
l’ensemble de ces éléments, destinés depuis toujours à l’élévation spirituelle.
Puisque que l’on associe à Art « l’expression d‘un idéal esthétique par
l’homme », nous pourrons aisément définir le théâtre comme une forme d’art
aux multiples facettes qui, en constante évolution, permet le divertissement
mais aussi l’expression et la rébellion de l’Homme, quelque soit l’époque ou le
pays.
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b) Art ou divertissement ? Depuis l’Antiquité donc, les pionniers du Théâtre tels que Sophocle ou
Platon ont attribué à cet art une véritable mission, destinée à rendre
l’Homme meilleur. Alors qu’au commencement du théâtre, on lui attribuait le
rôle de farce et d’amusement sous forme de Comédie, Aristote est devenu
précurseur d’un nouveau genre : la Tragédie, qu’il définit ainsi dans la
Poétique comme « une représentation d’actions de caractère élevé,
complète, d’une certaine étendue, dans un langage chanté ou parlé, joué
par des acteurs en action et non au moyen d’un récit qui suscite crainte et
pitié, opérant ainsi la purgation (catharsis). »
Aristote associait donc la tragédie à un art noble, en opposition à la comédie
qu’il considérait comme vulgaire (satires, caricatures,....) car ne permettant
pas l’élévation spirituelle.
Molière, lui père de la Grande comédie (ou Tragicomédie) donna ses lettres
de noblesses au divertissement. Il disait, traduisant ainsi une devise de
Santeul : « le but de la comédie est de corriger les mœurs, ce qui vaut aussi
pour la tragédie. Ces deux formes théâtrales ont en effet une portée
édifiante ». Alors que la comédie propose de « corriger les vices des hommes
en les divertissant » dit Molière, la tragédie tente, elle aussi, de corriger la
passion des hommes, de deux manières :
- D’abord en montrant les dégâts que peuvent provoquer les passions :
dans les tragédies, les passionnés se font tuer, tuent ou se suicident
(comme Phèdre qui se suicide à cause de son amour illégitime), ou
deviennent fous (tel Oreste dans Andromaque).
- Ensuite les dramaturges comptent sur la «catharsis » c’est-à-dire que les
spectateurs de la tragédie sont ainsi censés se purger, se purifier de
leurs passions en les vivant par procuration, en éprouvant terreur et
pitié, comme le définit Aristote dans sa Poétique. »
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Quelque soit le genre, l’auteur et l’époque, le théâtre se revendique donc
comme un art de l’enseignement. Que cela soit pour forcer le public à
prendre du recul ou encore pour les divertir, chaque pièce trouve son rôle
éducatif dans la manière d’impliquer le spectateur. Le rôle du théâtre n’a
donc pas véritablement changé mais s’est adapté aux époques, publics et
pays. Quoi qu’il en soit, il est aisé de dire que le succès d’une pièce est
toujours directement lié à la réaction positive ou négative du public, c’est
grâce à cette relation particulière auteur-auditeur que les genres théâtraux
se sont multipliés et diversifiés, toujours à la recherche d’une réaction.
Le subversion des genres a donc commencé avec Molière qui avec la
Tragicomédie a apporté au divertissement, le petit plus qui au delà du rire,
faisait réfléchir. Puis l’évolution des techniques, des époques et des metteurs
en scène ont prouvé que les deux n’étaient pas contradictoires. Quelque
soit le ton de la pièce le but reste le même : interpeller le spectateur. Certains
auteurs tel que Brecht ont voulu approfondir le rôle éducateur du théâtre en
rompant avec l’illusion théâtrale et en accentuant la réflexion du spectateur.
Ce dernier, en opposition au principe aristotélicien, a donc présenté des
pièces didactiques. En incluant de la poésie, des chants, des mélanges de
genres, il bouleverse le théâtre et pousse l’auditeur à développer son sens
critique. Un processus que Brecht nomme « distanciation ».
« S’opposant à l’identification de l’acteur à son personnage, elle produit un
effet d’étrangeté par divers procédés de recul, comme l’adresse au
spectateur, le jeu des acteurs, la fable épique, la référence directe à un
problème social, les songes, les changements à vue etc.... ». (Cf Wikipédia)
Cette théorie alors novatrice, s’oppose à l’identification classique illustrée par
Horace (poète romain du 1er siècle) dans son « art poétique ».
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Ce que le principe de Brecht* illustre est l’évolution de la relation particulière
qui unit spectateur et auteur. Que l’on parle de farce avec Tartuffe ou de
drame avec Antigone, que le Théâtre serve à distraire les rois ou à exprimer
la voix du peuple, il a aussi souvent servi l’éducation des masses dans un flux
rassemblant les genres, écrivains et poètes, autour d’un épicentre commun à
tout spectacle : le spectateur.
Impossible donc, de séparer le Théâtre de la notion d’art, mais il serait
également faux de ne l’associer qu’à une notion d’esthétique. C’est donc un
art complexe qui non seulement illustre la vie sociale mais participe à son
évolution.
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II) A quoi sert-il ?
c) Un art au service de la critique populaire
La science de la parole, du langage et mieux de l’esprit, était dans la
Grèce Antique (berceau d’élaboration des premiers genres littéraires)
considéré comme véritable « travail ». L’exercice manuel était donc réservé
aux esclaves et « sous-hommes », incapables de s’associer à la divine
créativité permise par l’esprit.
Dès lors, le théâtre, comme toute autre forme de culture, est resté le privilège
d’une partie du peuple. L’espace s’est donc creusé entre les personnes
illettrées et peu sensibles aux œuvres de l’esprit, et les personnes dites
« cultivées ».
Les siècles se sont écoulés et bien que constamment en évolution, le théâtre
est resté un outil pour de ses instigateurs, soit disant au service du peuple mais
d’avantage au service des idées révolutionnaires de ses écrivains.
Le siècle des Lumières, étape marquante de notre histoire, avec de grands
noms tels que Diderot ou Beaumarchais a été une étape fondamentale dans
l’évolution des genres littéraires. Bien qu’aujourd’hui considérés comme
mineurs, le théâtre du XVIIIème siècle a vu l’apparition de nouveaux genres
tels que la comédie larmoyante et le drame bourgeois qui mettent en avant
des épilogues pathétiques dans un contexte réaliste. Cette époque a permis
la libération des mœurs, l’effacement des fossés sociaux (ou presque) et
l’élaboration d’une identité populaire bien déterminée à faire valoir ses idées.
Sur la scène de la nouvelle comédie française, Voltaire et d’autres ont
introduit des sujets modernes en gardant la structure classique. Mais la
censure frappe toujours et il faudra attendre la Régence (1715 – 1723) pour
que le théâtre se renouvèle, réadaptant des acteurs et règles héritées de la
Commedia d’el Arte. Dans cet esprit des auteurs tels que Marivaux ont
commencé à associer l’analyse et la prouesse verbale aux problèmes de
sociétés. Comme dans « L’île des esclaves » 1725, où Marivaux utilise la
relations symbolique maître-valet pour lever le voile sur des problèmes bien
plus profonds.
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Le théâtre a donc profité de ces évolutions sociétales, pour présenter un
nouveau genre, d’avantage près du peuple et de ses intentions, permettant
aisément de dénoncer les problèmes, de crier haut et fort la contestation
révolutionnaire. Une fois les farces dépassées elles ont laissé place à la
critique. Analyse acerbe d’une société en pleine évolution et d’un peuple en
pleine prise de conscience. Le théâtre a donc permis de se jouer de
problèmes sociaux dans un univers encore contrôlé mais en voix de rémission.
Malgré son incontestable rôle dénonciateur, le théâtre aussi inquisiteur soit-il,
est resté l’objet d’une part du peuple. L’autre partie, n’a su que percevoir le
second degré des pièces majeures de ce siècle telle que « Le Barbier de
Séville » (Beaumarchais 1775). Dénonçant de manière comique ou tragique,
souvent sous forme d’exagération, le théâtre a une double casquette. Au
service de l’éducation littéraire du peuple et de son divertissement, il
représente également le côté public du genre qui permet de dénoncer des
problèmes profonds sans pour autant semer le trouble.
Le théâtre a accompagné la société sans pour autant être l’art véritable du
peuple. Car ce dernier, souvent en décalage avec les genres littéraires n’a
appris à percevoir les messages d’une critique dissimulée qu’au début du
19ème siècle. Victor Hugo, par exemple, a permis le développement de la
critique en présentant une nouvelle sorte de théâtre, miroir d’une société
instable comme dans « Notre Dame de Paris » (1831).
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d) Entre conflit, débat et salut
Le théâtre est donc en perpétuelle évolution depuis les premières
esquisses du genre à nos jours. En tant qu’art dénonciateur, révélateur et
avant-gardiste, il a souvent été critiqué. Que cela soit par un peuple lésé, par
un pouvoir dépassé (censure importante fin du XVIIème siècle) ou par des
écrivains dits « classiques », les avancées que le théâtre a permis, n’ont pas
toujours été comprises. Et puisque le conflit amène souvent au salut, il est
incontestable de dire que le théâtre français et ses grands noms ont été
source de vives critiques mais ont également permis à une société oppressée
de trouver la réponse à de nombreuses questions affirmant ainsi un véritable
besoin de liberté. Voltaire, par exemple, est parvenu à critiquer la société du
18ème siècle tout en restant respecté et adulé malgré la rigueur du pouvoir
royal dont il a essuyé parfois les foudres de la censure.(Diderot et Rousseau
iront plus loin que lui et seront censurés).
Depuis, grâce à l’accès au savoir qui tend à se répandre parmi la classe
moyenne, les génies du genre littéraire se sont multipliés, permettant
d’attribuer au théâtre un nouvel envol avec des auteurs plus populaires. Un
des desseins principaux du Théâtre reste donc le même : provoquer la
réflexion du peuple par le spectacle, mais les créateurs changent insufflant
ainsi des idées nouvelles, souvent en conflit avec la tradition, occasionnant
alors de nombreuses critiques.
Le 19ème siècle apparaît comme l’âge d’or du théâtre français avec
l’apparition du Romantisme et des auteurs tel que Victor Hugo qui ont su
donné au théâtre une nouvelle jeunesse. Cependant même à cette époque
de semi-liberté littéraire, d’ouverture des esprits et de démocratisation de la
pensée, le théâtre était au centre des critiques. La bataille d’Hernani, oeuvre
héritière d’une longue série de conflits autour de l’esthétique théâtrale en est
l’exemple.* Cette « bataille » est restée célèbre pour avoir été le terrain
d’affrontement entre le courant dit « classique », partisan d’une
hiérarchisation stricte des genres théâtraux et la nouvelle génération des
«Romantiques» aspirant à une révolution de l’art dramatique et regroupée
autour de Victor Hugo.
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En effet, le mouvement des Lumières a soulevé en France et en Europe des
débats artistiques et idéologiques, dans lequel le théâtre a joué un rôle
majeur. Dans ce cas ci, Hernani, drame historique, laissé à la libre création du
jeune auteur Victor Hugo par le roi, déclencha un esclandre : un des plus gros
conflits que le théâtre ait connu. Lors de la première de la pièce à la date
connue du 25 Février 1830, les « Jeunes France » conduit par Théophile
Gautier et Gérard de Nerval font un triomphe à l’auteur alors que les
partisans du courant littéraire traditionnel, censurent par leurs cris, l’atteinte à
la monarchie et aux règles admises au théâtre que ce jeune provocateur se
permet de transgresser. Dans cette pièce Victor Hugo transgresse les règles
jusqu'à lors fondamentales du théâtre tragique : Un lieu, un temps et une
action, en créant le drame romantique. A la recherche du bouleversement
des règles on retient de cette bataille le choquant « Vous êtes mon lion
superbe et généreux » jugé trop populaire, mais plus que ça elle a permis
l’avancée du genre. Cette bataille restée célèbre, illustre parfaitement ce
conflit-salut quasi permanent qui entoure le théâtre. Le dénouement en
témoigne puisque c’est Napoléon III qui autorisa la levée de censure sur la
pièce de son principal opposant en 1867.
Pour conclure, pointé du doigt pendant des siècles le Théâtre est encore
aujourd’hui sujet de controverse. Le décor a changé mais les mentalités
restent figées. Alors qu’on interdisait à Shakespeare de jouer son fameux
Roméo et Juliette aujourd’hui on arrache les affiches de Stéphane Guillon
jugées subversives. Ainsi le Théâtre au cours des siècles, en remplissant sa
mission d’enrichissement intellectuel, continue de susciter la polémique,
opposant tradition et modernité.
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III) La grandeur passée du théâtre
Afin de prendre réellement conscience de l’importance du théâtre il
semble important de faire un zoom sur l’apogée de cet art. Cependant, il
m’a paru nécessaire de préciser que l’âge d’or du théâtre français
représente un genre aujourd’hui dépassé. Pour comprendre d’avantage
l’évolution du théâtre contemporain il est important d’établir un parallèle
entre l’évolution du « theater » américain, berceau des nouveaux genres et le
théâtre classique, à l’européenne
e) Aux États unis
En effet, les Etats Unis bien que loin d’être une puissance première pour
le théâtre reste néanmoins l’un des pionniers du théâtre contemporain. Faute
d’avoir une histoire aussi riche que la notre, le théâtre américain a permis
l’apparition des nouveaux genres, la démocratisation des pièces, et
l’ouverture à un public très large.
Alors que la culture européenne a pris forme autour de mise en scène
théâtrale, la culture américaine est d’abord centrée sur le cinéma.
Longtemps le « theater » fut marginalisé. Les puritains, soucieux de cette
« dose de plaisir » offerte au public et les pionniers eux-même, n’ont perçu cet
art que comme un divertissement, un luxe inutile. Comme l’explique
Tocqueville dans De la démocratie en Amérique, c’est dans une société
puritaine dans laquelle la notion de plaisir et d’ouverture d’esprit étaient
interdites que le théâtre a tenté de faire ses douloureux débuts. Encore
aujourd’hui une méfiance existe à l’égard du théâtre et c’est le cinéma qui,
au début de la Première Guerre Mondiale, détient la vedette aux Etats Unis.
1914, élément prépondérant de l’histoire du Théâtre : l’incroyable Strand
Theater cesse d’être une salle de théâtre pour devenir un immense
complexe de cinéma. Si l’on y ajoute, la fuite des acteurs vers le grand
écran, on peut dire que les débuts du théâtre américain ont été difficiles, à
contrario de l’art adulé qu’était le théâtre européen.
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Malgré tout l’Amérique a su créer au XXème siècle un théâtre de qualité,
produire des comédiens de génie et même présenter au monde une forme
de théâtre novatrice. C’est notamment Joe Papp* qui a su donner la
grandeur au « theater » ; dans un premier temps en Américanisant
Shakespeare. En dépoussiérant l’auteur de son genre classique et en
présentant au public des pièces de qualité dans des lieux atypiques comme
Central Park, c’est avec un théâtre accessible en short et basket, à la
manière du cinéma des années 60, que Joe Papp a rapproché le public du
théâtre. Voulant non plus présenter un théâtre anglais mais américain il fit
jouer les pièces avec l’accent du Midwest et embaucha notamment des
comédiens noirs. Mi-créatif, mi-nationaliste, mais surtout audacieux il a réussi
son pari puisqu’encore aujourd’hui le New York Shakespeare Festival
rassemble dans son théâtre en plein air de 1900 places, des dizaines de millier
d’amateurs. Joe Papp ne s’est pas arrêté là et a également mis en place le
« mobile theater » pour apporter le théâtre dans les contrées les plus reculées.
L’art à portée de main, trouva sa continuité dans la vague de
décentralisation du théâtre qui eut lieu dans les années 60. Plus tard, en 1966,
Papp racheta le « Public teather » de New York qui a depuis vu la création
des plus grandes pièces du XXème siècle telles que The Normal Heart de Larry
Kramer, ou encore la fameuse comédie musicale Hair qui ouvrit sa première
saison en 1967. Le théâtre voulu par Papp était un théâtre public, gratuit,
accessible à tous et innovant. Il dira : « Je milite pour un théâtre populaire,
pas pour un théâtre de privilégiés ». Papp a donc grandement contribué à la
démocratisation du théâtre américain, donnant naissance à un nouveau
genre à l’initiative du théâtre actuel.
Il est impossible également de parler de la grandeur du théâtre américain
sans citer cet incroyable phénomène qu’est Broadway. C’est un peu ce lieu
mythique entre la fameuse 42ème et la 53ème rue, qui a vu l’installation à la fin
du XXème siècle de l’industrie culturelle. Au delà des chaines de télévision,
Time Square est réputé dans le monde pour ses théâtres (40 salles).
C’est là que l’histoire du théâtre américain s’est écrite, puisant son originalité
dans le spectaculaire des femmes à barbes, aux « elephant men » jusqu’aux
fantastiques comédies musicales. A la Première Guerre Mondiale, le quartier
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se spécialise dans le spectacle, laissant peu à peu l’amusement au cinéma, il
abrita un théâtre plus sérieux souvent dominé par des dramaturges
européens. Peu à peu le théâtre grossit et Broadway est déjà, avant la
Seconde Guerre Mondiale un théâtre d’images et de stars plus qu’un
théâtre de texte et de metteurs en scène. Néanmoins il a vu passé de grands
noms tel que l’auteur Eugène O’Neill qui a reçu quatre prix Pulitzer et le prix
Nobel de littérature en 1936, grâce à Broadway.
Le théâtre américain du XXème siècle, n’ayant pas d’inspiration littéraire très
ancienne, s’est tout naturellement tourné vers le présent et l’avenir pour
devenir un théâtre d’avant garde : le premier à mettre sur la route ses
spectacles, ou encore à développer une sorte de théâtre pour tous. De plus
dans les années 1930 le Group Theatre remet au goût du jour l’émotion sur
scène, et des metteurs en scène tels que Lee Strasberg et Elia Kazan,
fondateur de l’école Actors Studio, ont eux-même permis de dévoiler les
talents des grands comédiens de notre siècle comme Marlon Brando, James
Dean ou encore Paul Newman. A la même époque Orson Welles se fait
remarquer avec sont théâtre « du peuple ». Il innove en créant des pièces
ouvrières et anticapitalistes. C’est l’époque de « Federal One », un ensemble
de programmes culturels du New Deal de Franklin Roosevelt.
Suite à cela, les genres se développent, le théâtre militariste de la guerre fait
des heureux et confère au théâtre une plus grande puissance. Arrivera
ensuite des auteurs incontournables tels que Tennessee Williams ou Arthur
Miller. Les pièces parlent de choses de plus en plus ouvertes, les tabous
s’effacent peu à peu laissant place à un théâtre dénonciateur et révélateur
d’une société en mouvement. Le fameux Tramway nommé désir qui aurait
pu être congédié et finalement récompensé et adulé.
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Broadway dépassé par cet engouement pour le véritable théâtre, se voit mis
à l’écart et le « Off Broadway » se développe. De plus petites salles, de plus
nombreuses créations, des troupes de plus en plus douées font leurs débuts.
Les règles commerciales de Broadway sont critiquées et c’est un véritable
état d’esprit qui englobe le Off Broadway, prônant un théâtre ouvert, à but
non lucratif. A partir de là, un théâtre plus expérimental se constitue pour
défendre des auteurs négligés et des auteurs européens délaissés : Tchekhov,
Eugène Ionesco ou encore Jean-paul Sartre. Bien qu’il y eu un moment aussi
où Off Broadway devint le Broadway, le théâtre américain lutta et trouva
d’autres lieux, d’autres acteurs (comme Meryl streep ou Dustin Hoffman) pour
continuer à mettre en place un véritable théâtre populaire, rebelle et
dénonciateur, peut être même plus que le théâtre français.
f) En Europe
L’histoire du théâtre européen est quant à elle beaucoup moins récente.
En effet dès l’Antiquité, est reconnu comme tel toute forme de récit formulé
dans un contexte scénique. On date les véritables premières représentations
au IVème avant JC avec la personnification de Dionysos et autres figures
divines. L’Antiquité voit se développer alors le genre et on y voit apparaître
les ancêtres des salles de théâtre actuelles (théâtre de Pompée -55 avant
JC).
Le rôle du théâtre se développe encore d’avantage à la fin du Moyen Age
et à la Renaissance, bien que largement articulé autour des scènes du
Testament, il commence à mettre en scène certaines œuvres littéraires. Joué
par des troupes itinérantes, le théâtre dit « Miracle » est alors la forme la plus
appréciée.
On peut attribuer au XVIIème siècle le mérite d’avoir introduit le théâtre
classique. Véritable ancêtre du genre contemporain, il reprend les principes
de fonctionnement de la Poétique d’ Aristote. En effet le théâtre classique
reprend le Mimésis qui, réglé par la bienséance, impose à l’imitation d’avoir
un sens, une raison afin d’aboutir au fameux Catharsis (qui permet au public
d’évacuer les pulsions refoulées par la réflexion).
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Des auteurs tel que Racine ou Corneille ont commencé à mettre la passion
au centre des pièces avec des tragédies comme Phèdre ou Œdipe, qui ont
ensuite fait le tour du monde. Remettant au goût du jour des mythes Grec, ils
innovent en associant légende et modernité du nouveau siècle. Le principe
fondamental racinien est premièrement de plaire tout en incorporant la
fatalité. La purification, selon lui, s’opère par le sacrifice.
La tragédie dite classique répond à un schéma valable pour toutes les
pièces :
Acte 1 ; exposition des faits et des personnages,
Acte 2 : montée de la tension dramatique.
Acte 3 : nœud de la tragédie
Acte 4 : réalisation de la fatalité
Acte 5 : dénouement, le sacrifice s’opère
Mais le grand nom du XVIIème siècle reste Molière, en dehors de ces auteurs
tragiques. Alors que le théâtre comique a toujours été un « genre inférieur »
selon le Poétique d’Aristote, destiné à souligner le « ridicule de l’humanité », la
tragédie s’oppose à la comédie qui semble commune et médiocre ne
permettant pas la libération de la véritable émotion. « Le Rire est une
mécanique plaquée sur le Vivant » dira Bergson. Néanmoins c’est grâce aux
farces sans prétention que Molière s’attire les faveurs du Roi. S’inspirant de La
farce de Maître Pathelin, au Moyen Age et des farces de Tabarin (1624), en
1658 après Nicomède de Corneille, il présente le « Docteur amoureux » qui
aura encore plus de succès que les précédentes et peint en 1671 sa farce la
plus aboutie : Les Fourberies de Scapin. Molière élèvera réellement le niveau
de la comédie en y appliquant les styles et structures de la Tragédie. La
Comédie a perdu de son côté comique pour devenir plus grave et amener,
comme toute pièce se doit de le faire, vers la réflexion (Tartuffe est une
critique religieuse, Dom Juan présente la liberté de l’Homme par rapport à
Dieu grâce au libertinage,...).
Le XVIIème siècle a connu donc plusieurs auteurs, aujourd’hui considérés
comme piliers du théâtre français. Avec leur vision atypique de cet art, et leur
propre genre littéraire, ils façonnèrent le monde du théâtre.
!!
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En le rendant moins rigide, ils permirent la modification des genres et son
évolution tout en procurant au public une forme d’enseignement, une liberté
de pensée.
Né à la fin du XVIIème siècle, Voltaire (1694-1778) introduit au Théâtre la
pensée humaniste et ses nouvelles idées philosophiques. Il sera une des
figures emblématiques du siècle des Lumières, le XVIIIème .Voltaire reste
l’homme qui a su rassembler les genres. Admiratif du travail de ses ainés,
Racine (1639-1699) et Corneille (1606-1684), il ne modifiera pas la structure de
la Tragédie mais y introduira la pensée philosophique comme par exemple le
déisme dans Zaïre.
Puis, pendant la première moitié du XVIIIème siècle, l’esprit philosophique
profite de la libération du joug dictatorial exercé par Louis XIV mort en 1715,
pour s’affirmer. On désigne sous le nom de philosophe, tout homme qui
réfléchit sur les grands problèmes immatériels et qui cherche à les résoudre.
Cependant au temps de Montesquieu, Diderot et Voltaire, le terme a pris une
valeur particulière. Ils s’intéressèrent aux questions d’ordre politique, social,
moral ou religieux dont dépend le bonheur des hommes. Ces philosophes des
Lumières comme on les appelle, bousculèrent les opinions les plus répandues,
les traditions les mieux assises et opérèrent une révolution dans les esprits à
travers leurs paroles et leurs écrits. Voltaire à partir de 1760, exerça une
véritable influence intellectuelle en dénonçant les abus de la justice, les
excès de la foi religieuse. Diderot, quant à lui, entreprit de publier
l’Encyclopédie qui, au nom de la raison et de la science, combattit les
croyances traditionnelles. Rousseau, que ces croyances opposaient
d’avantage aux autres philosophes proposa le principe de souveraineté
populaire, critiquant la vie politique et sociale.
Pendant la première moitié du siècle, la tragédie et la comédie demeurèrent
des genres à la mode ; mais les œuvres représentées n’ont pas eu grands
éclats. Seul Marivaux (1688-1763) s’imposa par l’originalité et par la qualité de
son talent.
!!
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Il écrivit des comédies d’aventures romanesques (Le prince travesti 1724), des
comédies à tendances sociales (L’île des esclaves 1725) ; des pièces à thèse
morale (L’école des mères 1732) ou encore des pièces bourgeoises et
sentimentales (La femme fidèle 1755). Mais il doit son plus grand succès à des
comédies d’amour qui, pour la plupart, furent jouées au Théâtre Italien (Les
fausses confidences 1737).
Alors que Marivaux utilisa le courant Néo précieux pour introduire de la
subtilité dans ces personnages, Beaumarchais (1732-1799) compliqua encore
la structure avec beaucoup d’indications scéniques, une multiplication des
lieux, des dénonciations morales et politiques.
On peut véritablement associer le XVIIIème à l’âge d’or du théâtre actuel. En
effet grâce à une société mouvante, à l’ouverture des esprits, à
l’assouplissement des mœurs ou encore à la prospérité économique, le
XVIIIème fut une étape importante de notre histoire. Au niveau théâtral elle a
vu apparaître la comédie larmoyante mais aussi le drame bourgeois et
surtout les bases du Romantisme, ancêtre directe et incontestable du théâtre
contemporain. Les grands de ce siècle on introduit des sujets modernes,
toujours avec l’intention d’amener le public à la réflexion. Peu à peu les
genres se libérèrent et la levée de la censure, au milieu du siècle, permit le
retour du théâtre populaire inspiré de la Commedia dell’arte, qui avec ses
masques et couleurs critiquaient ouvertement et grossièrement les pouvoirs
en place.
Une fois les farces dépassées elles ont laissé place à la critique. Analyse
acerbe d’une société en pleine évolution et d’un peuple en pleine prise de
conscience. Le XVIIIème est donc apparu comme une époque de
dénonciation, de bouleversement pour une société en évolution jusqu'à la
Révolution Française et la fin de la monarchie. Le théâtre s’est adapté, porté
par des auteurs en pleine rébellion. Mais il faudra véritable attendre le
Romantisme du19ème siècle et des génies tel que Victor Hugo (Préface de
Cromwell 1827), pour voir un théâtre proche de celui que nous connaissons
aujourd’hui.
!!
#P!
Le « je » et le « moi » furent leur réapparition avec un théâtre au nouvel
esthétique. Victor Hugo fonde la forme romantique sur cinq points capitaux :
- reproduction de la vie réelle,
- rejet des règles classiques,
- recherche d’une plus grande liberté créatrice
- maintien de la versification
- peinture d’une couleur locale
Ce bouleversement des genres a donné lieu à de vives critiques (Bataille
d’Hernani 1830) mais a néanmoins réussi à s’imposer grâce au soutien
d’autres auteurs tels que Théophile Gautier, Alfred de Musset ou encore
Alfred de Vigny ; faisant de ce XIXème une étape fondamentale vers notre
théâtre contemporain.
!!
#"!
Chapitre 2 : Un art en crise ou miroir d’une société en mutation ?
Le 19ème siècle en France est une période de profonds changements et
d’instabilité politique. Il est encore touché par les restes de la révolution
française et ne retrouve une stabilité qu’à la moitié du siècle. L’héritage
social et culturel de l’ancien régime est lourd, le pouvoir se place aux côtés
de la puissance financière. En même temps, les avancées scientifiques et
techniques changent la société française, permettent le bouleversement de
la société avec notamment l’apparition d’une nouvelle classe sociale, la
classe moyenne, moins conservatrice et plus mobile que les paysans. La
noblesse et le clergé affaiblis, se font dépassés par la bourgeoisie libérale. Les
ruptures politiques se succèdent et les attentes d’un peuple de plus en plus
uniforme, évoluent même encore aujourd’hui.
IV La tradition théâtrale : le carcan dogmatique
g) Des règles incontournables
Le mouvement des Lumières a soulevé en France et en Europe des
débats artistiques et idéologiques, qui trouvent leur synthèse, au tournant du
XIXème siècle, dans le Romantisme. Alors que les sciences et la technique
triomphent partout dans le monde, le romantisme exalte l’émotion plutôt que
la raison. Il cherche l’évasion et le ravissement dans le rêve, et prétend se
libérer de toute règle. Selon Jean-Jacques Rousseau « il cherche à
transcender les limites physique de l’humanité pour rejoindre un idéal spirituel,
proche de nature originelle ». Dès lors le théâtre est devenu ce que l’on
connaît aujourd’hui de lui, une forme d’art, révélateur d’un paysage sociale
en perpétuel mutation. Cette ouverture de la culture au monde, permise par
le XIXème siècle et prolongée avec l’installation d’une société plus ouverte
avec le XXème et XXIème siècles, propulse le théâtre au premier plan.
Malgré des bouleversements incontestables, le théâtre contemporain
répond à des règles instaurées lors des siècles précédents.
!!
##!
Mais il est confronté aujourd’hui à la compétition féroce de l’illusion
médiatique offerte par les médias modernes. Pour survivre, il doit s’adapter et
utiliser désormais toutes les subversions possibles aux règles du Théâtre
classique, héritées du classicisme du 17ème siècle, qui pour atteindre le but
enseigné dans la poétique d’Aristote (Permettre au public d’évacuer les
pulsions refoulées qui perturbe la réflexion, par la purgation(Catharsis)) avait
édité des règles strictes tant sur le texte que sur la mise en scène , le but final
étant de servir le pouvoir en place (Louis 14) à qui il fallait plaire.
Le Théâtre a bien entendu évolué depuis cette époque. Cette évolution est
souvent, le reflet du climat social, permettant ainsi, aux hommes de Théâtre,
à l’image d’autres artistes, d’exprimer leur ressenti face aux événements. Si
l’illusion dramatique semble perdre de son intérêt pour le public qui se raréfie,
face à l’illusion médiatique des spectacles plus modernes (Cinéma, TV,
Internet) le Théâtre réagit, s’adapte en transgressant les règles, pour attirer de
nouveau, le spectateur, avec des innovations, des idées neuves pour un
public neuf ou retrouvé.
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#%!
h) Vers une transformation sans renoncement
Le Théâtre se transforme mais le but reste le même, la plupart du
temps : amener le spectateur vers une élévation intellectuelle. C’est d’ailleurs
ce qui le sépare de son concurrent cinématographe où le divertissement
grand public est privilégié, et l’on mesure d’ailleurs le succès d’un film à son
nombre d’entrées plutôt qu’à son intérêt intellectuel. Le Théâtre reste un art
qui porte généralement à la réflexion au même titre que la peinture ou la
littérature.
En évolution perpétuelle, le Théâtre, poussé par des auteurs toujours plus
avant-gardistes, propose chaque jour de nouvelles pièces et de nouveaux
genres. Même derrière les mises en scène les plus simplistes, il persiste
l’intention d’amener le public à la réflexion. C’est pour cette simple et bonne
raison, que le Théâtre, même au 21èmesiècle, ne séduit pas tout le monde.
Alors que chacun a déjà mis les pieds dans une salle de cinéma, cette
évidence n’est pas équivalente pour le théâtre. On l’associe à un moment
certes de divertissement, mais un plaisir qui n’est pas de tout repos pour
l’esprit. Pendant que les habitués ne se lassent pas des fauteuils rouges et des
analyses qui vont de paires, d’autres évitent le Théâtre, confiné dans une
réputation d’élévation spirituelle obligatoire et ennuyeuse.
Verdict : malgré les siècles et ses différents façonnages, le théâtre reste un art
destiné à une classe sociale privilégiée et cultivée. Ce dernier lutte pourtant
pour une plus grande démocratisation. Il cherche à sortir de ce carcan pour
séduire un plus grand public et pour, peut être, amener plus de gens à
penser. Le théâtre contemporain fait donc preuve d’ingéniosité pour
présenter des spectacles « simples » mais non dénués de sens d’un côté, et
d’autre part continuer à fabriquer une Théâtre dit expérimental. Consigné
dans des salles prévues à cet effet, cette forme de spectacle de plus en plus
vivant, reste réservée à un public de « connaisseurs » à la recherche de
l’élévation spirituelle, presque devenue un phénomène rare de notre
nouveau siècle.
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#&!
V) Une société intransigeante
i) L’air des nouvelles technologies : multiplications des divertissements
L’arrivée du nouveau millénaire combinée aux nouvelles attentes du
public, marque l’arrivée de nouvelles formes d’art et de nouvelles
technologies significatives du renouveau.
Dès le 19ème siècle les Frères Lumières donnent naissance au cinéma.
Rapidement phénomène de foire, il fascine les foules et ne cesse de se
développer alors que le Théâtre de cette fin de siècle semble avoir trouver
enfin une stabilité. Rapidement le cinéma devient un divertissement mais
aussi art et média populaire, dont le but premier est de distraire. Alors que le
théâtre a, pendant des siècles, chercher vainement comment égayer et
intriguer un public toujours plus exigeant, le cinéma prend les devants en
quelques années. Dès le XXème siècle il acquiert ses lettres de noblesse avec
de grands réalisateurs comme Griffith, Dreyer ou encore Méliès qui attribua
avec les premiers effets spéciaux, la capacité au cinéma de faire rêver.
Dès la fin de la première guerre mondiale on assiste au déferlement d’un
cinéma classique, reflet d’une nation guerrière vigoureuse. Le public se
presse vers ce nouvel art, moins cher et beaucoup plus distrayant que
« l’ennuyeux » théâtre, associé à une époque révolue.
Cette adulation de la modernité ne fait que s’accélérer pendant les Trente
Glorieuses, période de croissance économique, où seules la consommation
et l’innovation sont perçues comme solutions. En très peu d’années, le
cinéma devient tour à tour parlant, puis en couleur, et de plus en plus
innovateur ; proposant au public un divertissement assuré et à bas prix. Le
Théâtre a du mal à concurrencer cette arrivée fulgurante des nouvelles
technologies.
Dans les années 50, le cinéma est perçu comme l’art populaire par
excellence. Le critique Pierre Billard, lui attribua même le qualificatif de
« Nouvelle génération » qui désigne alors simultanément l’arrivée massive de
nouveaux réalisateurs (plus de 200), l’adoration des foules pour cette forme
de divertissement mais aussi son passage à l’ordre académique.
!!
#'!
Le cinéma, au même titre que le théâtre quelques années plus tôt, est
véritablement considéré comme un art en puissance qu’on nommera par la
suite « Septième art ». Face à ça le théâtre tente maladroitement de faire
face, et trouve alors son succès dans des pièces moins théâtrales comme les
comédies musicales par exemple.
Mais en plus du cinéma, le théâtre doit faire face à de nouvelle technologie
comme la télévision qui prend place dans toute les maisons. Peu à peu les
acteurs principaux du théâtre prennent le chemin de l’audiovisuel pour des
salaires plus importants et une importance médiatique permise par le cinéma
et la télévision. Le Théâtre connaît alors le début de la crise de l’art.
Condamné par le prix des places plus chères qu’au cinéma, des subventions
plus rares et une fuite des acteurs, il tente de faire face en proposant des
shows moins dénués de sens et ouverts au grand public. Le spectacle vivant
fait alors ses débuts, inspirés de l’esprit de Broadway. L’objectif est de réunir
sous cette appellation un ensemble de pratiques et de comportement
professionnels, économique, artistiques et sociologiques.
Le spectacle vivant, encadré en France par la loi de 1999, définit cette
nouvelle forme d’expression par la « présence physique d’au moins un artiste
du spectacle percevant rémunération lors de la représentation en public
d’une œuvre de l’esprit ».
Le Théâtre est dès lors compris dans ce nouveau genre au même titre que la
danse, les arts du cirque, arts de la rue, les marionnettes et l’opéra. Les
nouveaux metteurs en scène de ce genre font alors preuves d’imagination,
pour réattribuer à la scène son succès d’hantant.
Alors que certains développent ce côté avant-garde en associant effets
sonores et visuels à la mise en scène, comme La Frontera* de Christian et
François Ben Aïm, d’autres copient l’industrie anglo-saxonne des comédies
musicales comme Gaston Leroux qui reprend le fameux Fantôme de l’Opéra.
A travers cette nouvelle forme de représentation, qui a connu ses premiers
succès en France dans les années 20-30 sous forme « d’opérette légère »,
l’esprit du théâtre traditionnel perdure en étant revisité. On cherche toujours
à éduquer avec des leçons de morales dissimulées derrière des chants et
!!
#(!
danses, plus distrayants. En 1995, les véritables comédies musicales ou théâtre
musical « léger » (par opposition à la musique dite « sérieuse ») telles que nous
les connaissons, séduisent, souvent avec des reprise de « standards»
américains, tel que La fièvre des années 80. Ces spectacles remportent les
faveurs du public surtout grâce au relais des médias. Leur succès ouvre la voix
à des spectacles comme Notre-Dame de Paris créé en 1998 par Richard
Cocciante, qui posent les bases d’un nouveau genre, hérité lui même des
shows américains.
C’est plus spécialement Broadway qui a vu apparaître les premières
esquisses du spectacle vivant (hormis le cirque, hérité lui même des
spectacles des troubadours). En effet, parmi les premiers à subir cette « crise
de l’art », les mains mises sur Broadway se sont organisées pour attirer et
distraire le public ; la société culturelle française a suivi. Cependant dans ces
mondes de l’art en reconversion, certains ont gardé le goût du vrai théâtre,
celui de l’art de la langue, ce qui a permis de maintenir en parallèle de cette
société de consommation, quelques troupes et salles qui se sont battues pour
entretenir leur art.
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Ces derniers ont non seulement permis d’entretenir l’esprit théâtral, qui
propose aujourd’hui le retour des pièces à sens, mais également de prouver
que le théâtre n’a pas cédé à la pression des nouvelles technologies mais
s’en ait joué pour pouvoir rebondir.
Comme il l’a toujours été, le théâtre, par opposition à certains de ces
concurrents, est resté l’art populaire qui lui a valu son succès.
j) Focus sur le danger représenté par la société Hollywoodienne
Aux Etats Unis aussi le Théâtre a dû faire face à la montée en puissance
du cinéma notamment depuis les années 80. Le fameux Broadway, berceau
d’un théâtre contemporain à succès, s’est vu mis en péril par la concurrence
déloyale du septième art, qui devient rapidement un phénomène populaire.
Mais selon Emmanuel Azenberg, un des principaux producteurs de
Broadway, « tout le monde à sa part de responsabilité » dans ce phénomène
qui n’est pas la conséquence d’un facteur unique mais le résultat désastreux
d’effets cumulés, déclenché par la montée en puissance incontestable de
la société d’Hollywood (reflet de la situation européenne).
Le facteur principal, que cette concurrence a entrainé, est l’explosion des
coûts globaux liés à chaque pièce de théâtre. En effet, les shows de
Broadway doivent faire face à l’obligation d’engagements syndicaux qui
protègent tant bien que mal les acteurs, mais aussi aux coûts qu’une telle
production exige. Tout ceci se répercute directement sur le prix des places
de théâtre qui, depuis, comprend le prix de la place, mais aussi celui de la
rénovation de la salle, du salaire des artistes, de la confection des décors, et
autre. Résultats : le prix des places augmente et le public diminue. En effet en
cinquante ans, le prix des places a plus que doublé et atteint en moyenne
aujourd’hui dix fois le prix d’une place de cinéma. Ce prix des places
déraisonnable a écarté durablement du théâtre commercial, une large
partie de la population : les personnes les plus pauvres bien sur, mais aussi les
minorités ethniques, et même une large part de la classe moyenne. C’est
cette boucle interminable qui a isolé petit à petit théâtre, du monde culturel,
lui laissant un public soit de passionnés soit de personnes aisées.
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#*!
Le cinéma quant à lui, même en suivant l’inflation et la crise, propose des
places à un prix accessible à une plus large partie de la population.
Cela a provoqué directement un affaiblissement des créations théâtrales (on
passe de 260 créations à Broadway à la fin des années 1920, à une centaine
dans les années 60 et à moins de 40 aujourd’hui). A partir du moment où
l’équilibre financier de Broadway a été détruit, un vent de folie s’est emparé
du théâtre commercial. La solution pour Broadway a été, entre autre, de se
laisser dominer par des promoteurs immobiliers et sociétés internationales
comme Disney par exemple : une main mise directe de la société du cinéma
sur le théâtre.
Le cinéma et la télévision ont encore davantage mis en péril le théâtre
américain (mais de la même manière en Europe) et continuent de le miner à
petit feu, en attirant non seulement le public mais en plus et surtout, les
comédiens .En effet, il est difficile pour les hommes et femmes de théâtre de
résister à l’attrait d’Hollywood compte tenu de la différence de cachet dans
les deux mondes. Ce phénomène est général et concerne autant les
comédiens, les auteurs et même les metteurs en scène qui deviennent
souvent des cinéastes. Un dramaturge, dès qu’il est connu reçoit des offres
des majors et des chaines de télévision pour écrire des scripts de films ou
séries comme ça a été le cas pour David Mammet ou Don Delillo.
L’appel d’Hollywood n’est pas forcement un choix : c’est une nécessité pour
arriver non seulement à vivre mais aussi à rembourser les prêts scolaires des
écoles d’art dramatique, souvent exorbitants, encore aujourd’hui. Bien sur
tout le monde n’est pas assuré de réussir à Hollywood mais en général ces
régions dynamiques offrent des milliers d’opportunités dans divers domaines
la ruée actuelle vers Hollywood a lieu pour ce qu’elle offre comme rêve aux
rares élus et pour ce qu’elle offre comme « plan B » à ceux qui en cas
d’échec, peuvent avoir une seconde chance. Le cinéma est irrésistible, pas
le théâtre. D’ailleurs un sondage révèle que pour les étudiants américains, le
théâtre ne constitue pas un « métier raisonnable dans le monde moderne ».
!!
#O!
Du coup, l’hémorragie des artistes de théâtre vers le cinéma est continue,
toujours renouvelée et s’apparente à une sorte de grand exode vers l’ouest
américain.
En Europe, le phénomène est comparable bien que légèrement différent.
Cette société de l’audiovisuel attire, surtout dans un contexte de crise
économique, où trouver du travail devient dur. Les « stars » du moment sont
bien souvent celles du petit ou grand écran mais pas des planches.
Alors qu’aux Etats unis, les Grands se forment au théâtre et vont vers le
cinéma, chez nous on aurait plutôt tendance à voir le contraire : des
comédiens vedettes retournant souvent vers leur amour de jeunesse, le
Théâtre. Mais il est évident que cela fait également parti d’une stratégie
commandée par l’audiovisuel, qui revend ses stars au prix fort à un théâtre
qui a souvent du mal à suivre. Le besoin de stars de cinéma au théâtre a fait
exploser le peu d’équilibre financier que le théâtre possédait. C’est un cercle
vicieux : pour attirer du public qui ne venait plus et diminuer ses trous de
caisse le théâtre à besoin de vedettes, dont le cachet exorbitant a contribué
à décupler les coûts de production, et par conséquent ceux des billets.
C’est ainsi que petit à petit, le théâtre de texte, aussi bien aux Etats Unis
qu’en France a laissé place à un théâtre de divertissement répondant à un
seul objectif : celui de répondre à la demande pour remplir les salles. Ce
système, encore plus déséquilibré aux Etats Unis qu’en France, ne
s’essoufflera pas tant que le théâtre aura la couteau sous la gorge, car
aujourd’hui seul les théâtres subventionnés peuvent se permettre le luxe de
faire de l’art à leur guise, ou presque. Le théâtre d’aujourd’hui, menacé par
un septième art en puissance, fait du rentable plus que de l’avant garde ; et
pour ce qui est des pièces « intéressantes » elles sont trop peu nombreuses
pour rassasier le public dit intellectuel, ou trop chers pour un public plus large.
Pour conclure, l’impérialisme du système capitaliste condamne le théâtre a
brider sa créativité pour assurer sa survie, et cela quelques soient les pays,
industries ou publics.
!!
%P!
Chapitre 3 : Vers un commerce fou : les facteurs communs France - Amérique
!
VI) Le monde impitoyable du système capitaliste Ces dernières années n’ont pas été aussi paisibles économiquement que
d’autres périodes de l’histoire occidentale. En effet, la vie, même pour des
pays industrialisés et puissants comme les Etats Unis ou la France, n’a pas été
aussi facile que pendant les Trente Glorieuses par exemple. En effet, le travail
s’est fait de plus en plus rare, le monde économique de plus en plus instable,
et la conséquence directe de tout cela fut une augmentation de la
précarité, surtout pour des domaines tels que l’art ou le théâtre. De plus, le
passage à l’euro de notre côté de l’Atlantique et la crise récente des
« subprimes », n’ont fait qu’affaiblir les plus grandes puissances du monde,
influençant une réduction de la consommation pour la plupart des ménages,
dû à une augmentation sensible des prix de ventes des produits. Cette
inflation du niveau de vie dans la plupart des pays, associée à la morosité
ambiante et au phénomène de désintérêt pour les activités culturelles, n’ont
fait qu’accentuer l’enlisement du théâtre dans une crise condamnatrice.
Pour comprendre le déclin du théâtre d’aujourd’hui, nous étudierons les
facteurs communs Etats-Unis / Europe, chefs lieux du théâtre contemporain.
k) Incompatibilité de l’art à but non lucratif dans un monde commercial (sur les traces de Broadway)
Le théâtre est le seul secteur artistique aux Etats-Unis, comme d’ailleurs en
France, où une importante sphère non commerciale côtoie une non moins
importante sphère « privée ». Du coup la bataille centrale du théâtre depuis
les années 1950 – 1960, a été la constitution, puis la protection d’une véritable
frontière, confirmée par le financement fédéral, entre un théâtre commercial
et un théâtre qui ne l’est pas. Cette frontière étanche s’est érigée en grande
ligne de partage d’un théâtre et a produit, du côté expérimental, les
meilleures pièces depuis cinquante ans.
!!
%"!
Et puis, à partir de cette exception théâtrale, le marché a réussi à contaminer
même les parties du théâtre, expérimentales et sans prétention, comme Off
Broadway par exemple ; et surtout les théâtres régionaux dans les années 80.
Aujourd’hui la frontière est devenue plus floue, même si elle demeure encore
la meilleure clé de compréhension d’un secteur perturbé. Certes on peut se
féliciter de l’existence d’un théâtre à but non lucratif, qui lutte pour un
théâtre libre et ouvert à tous comme le voulait l’américain Joe Papp ou
encore le français Jean Dasté*. Sa plus belle performance fut d’ailleurs
d’avoir survécu, mais ce fut, le plus souvent, au prix de renoncements et de
ce que Frédéric Martel, dans son œuvre Theater, nomme « rupture du
contrat théâtral » soit l’abandon de leurs principes et missions. Cette situation
beaucoup plus présente aux Etats-Unis nous montre qu’il paraît compliqué
d’être « juste à moitié commercial ».
En France, le problème existe également mais pas dans les proportions
rencontrées aux Etats-Unis : la domination du marché et son influence
négative sur les théâtres publics sont un vrai risque chez nous, quoique plutôt
encadré et contrôlé. Les lois qui règlementent la profession, le contrôle des
autorités de tutelle et la vigilance de la presse ont limité la dérive générale du
système que l’on a rencontré aux Etats-Unis. Il en va naturellement autrement
pour le théâtre privé en France. Celui-ci n’a ni les moyens dont dispose
Broadway, ni surtout la capacité de se nourrir des créations du secteur non
commercial, la barrière étant encore étanche dans notre pays. Si on veut
éviter de tomber dans les méandres américains, il serait utile de trouver des
nouvelles formes pour améliorer les créations et aider les théâtres
commerciaux à se moderniser. En effet, il faut à tout prix maintenir ses
barrières entre privé et public, qui confèrent à chacun des genres une
certaine autonomie. Mais de plus en plus le théâtre commercial s’essouffle,
pour laisser à une autre sorte de divertissement : le spectacle vivant et le
spectacle d’humour. Cela pousse les amateurs de théâtre vers le non
commercial.
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Pour garantir l’existence d’un théâtre en France, il faut maintenir cette
barrière qui protège genre et public, permettant aux deux théâtres d’évoluer
paisiblement dans le même monde.
l) De l’art à l’industrie
Le théâtre, longtemps considéré comme un art d’expression, représentatif
de la liberté permise grâce à la langue, est aujourd’hui loin de cette
réputation. Beaucoup concevaient le théâtre comme l’art de la révélation,
celui qui pouvait crier haut et fort les problèmes du peuple ; un art au service
du changement des sociétés. Mais comme le veut notre système, le théâtre,
pour survivre, est lié à la dure loi du capitalisme. Il parait donc impossible de
ne baser les créations théâtrales que sur la simple imagination des auteurs.
Chaque pièce doit plaire, et par ce biais, être rentable. Le but de toute
création est alors de vendre le plus de billets, ou tout du moins assez pour
couvrir les frais engendrés. Le théâtre contemporain, loin du rêve qu’avaient
pour lui les grands dramaturges de notre histoire, est devenu un pion de plus
dans notre système économique, un outil de l’industrie culturelle. Ceci a tel
point, que certaines salles épuisent totalement le cursus théâtral pour
programmer des représentations de genres plus rentables, comme le music
hall, les one man show, les comédies ou les concerts. Copié collé de
l’industrie cinématographique, le monde du théâtre multiplie la création de
divertissements grand public, et laisse même parfois les majors du cinéma et
les gros producteurs, « marcher sur ses platebandes ».
Le théâtre, bien obligé de se plier aux attentes d’un public formaté par le
système économique, se rabat, depuis le XXème siècle, de plus en plus sur
des spectacles dénués de sens et de connotation littéraire. Pour réduire les
coûts de production, le théâtre a cessé de prendre des risques et a de plus
en plus recours à l’adaptation qu’elle vienne du cinéma, ou la reprise de
pièces qui ont connu un immense succès quelques années plus tôt.
!!
%%!
Le secret, instauré par Broadway, pour attirer les foules, est de faire de
l’inconnu avec du connu comme : Tommy avec The Who, Spamalot en
adaptant un film des Monty Pythons, ou Mamma Mia sur les tubes d’Abba.
L’art de la duplication et la course aux gains peuvent aller encore plus loin
comme Wicked, the untold story of the witches of d’Oz, qui réadapte le film à
succès de Judy Garland (1939), lui même adapté d’un film muet de 1914.
En France, le théâtre a également trouvé une parade pour continuer à vivre.
Sur l’image du Off Broadway et de Broadway, il est apparu deux genres bien
distincts. Alors que d’un côté, on rencontre un théâtre sur les traces de
Broadway, qui réadapte, revisite de grands succès à moindre coût, d’un
autre on voit l’apparition d’une recherche de l’éveil spirituel. Ce dernier peut
se permettre de laisser libre cours à l’imagination, grâce à des subventions
généreuses de pouvoirs publics. Adressé à un public de connaisseurs,
d’intellectuels, il est de plus en plus avant-gardiste, et devient même un
phénomène de mode pour un milieu social huppé. Le théâtre dit
expérimental est donc associé à un art véritable, qui à la manière des plus
grands peintres, fait l’objet d’admiration. Aujourd’hui, ce nouveau genre de
théâtre-spectacle, Triboluminescence de Cyril Gonnon*, se développe
encore et cherche à transgresser les règles du théâtre en poussant la
création au delà de la simple représentation comme les jeux d’eau du
spectacle des Marionnettes Vietnamiennes** en représentation dans les
théâtres publics de France en 2012.
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m) La concurrence entre privé et public!
Comme nous l’avons vu précédemment, la barrière entre privé et public,
est présente partout. De manière plus prononcée en France, le théâtre privé
a, pour survivre, adopté un genre plus près du spectacle que de la
représentation classique. Il laisse alors le monopole de la création artistique
au théâtre public, qui, subventionné par l’état, se soucie dans une moindre
mesure, de rentabilité. Ce dernier, boudé du public il y a quelques années,
connaît aujourd’hui son heure de gloire, malgré un contexte économique
difficile, son avantage étant de s’adresser à un public averti, plus aisé, moins
sensible aux difficultés financières.
Les chiffres en témoignent. Pour cette dernière saison, le Théâtre public fait
salle comble tandis que le privé, peine. Alors que le public ressent la crise par
le simple fait que ses subventions se réduisent, victimes de l’augmentation
des frais fixes des institutions publiques, le privé, lui, tire la langue. Son modèle
économique est plus fragile : pour être rentable, une pièce doit être jouée
longtemps. Le spectateur du privé doit aussi prendre un vestiaire, donner un
pourboire a l’ouvreuse et ne peut bénéficier d’abonnement. Tout cela peut
faire passer le prix moyen d’un billet de 14 à 18 euros pour le public à environ
31 euros pour le privé. A ce prix soit on aime le théâtre et on se dirige vers un
théâtre expérimental de manière régulière, soit on s’offre une représentation
dans l’année au privé. Salles combles mais subventions en baisse et
contrôles plus rigides dans le public, baisse de la fréquentation dans le privé,
la crise frappe différemment les acteurs du théâtre français, mais les
directeurs manifestent la même inquiétude.
En France toutefois, nous avons la chance d’avoir un système d’aide
efficace. Pour se protéger des dépôts de bilan, certains théâtres, comme
ceux de Paris, ont créé un mécanisme de régulation : ils versent un part de
leurs revenus à l’Association pour le soutien du théâtre, qui en cas de coups
durs leur fournit des avances ou amortit les déficits. Cependant, on pourrait
croire qu’avec le rôle central des pouvoirs publics, la régulation éducative du
véritable théâtre « public »* serait inébranlable dans la tradition culturelle
française.
!!
%'!
Or, il est apparu, ces dernières années que la rumeur selon laquelle certains
théâtres profiteraient davantage des subventions publiques, gagnerait du
terrain dans l’opinion. Ce problème est d’ailleurs sûrement plus grave pour les
théâtres subventionnés français que pour les théâtres indépendants
américains, généralement très peu assistés par l’Etat. Délaisser le public,
s’isoler et s’ériger en théâtre « privé » quand on est public, c’est risqué car à
terme c’est tout la politique culturelle qui est menacée. Certains théâtres
nationaux français ont même développé un certain dédain voir de
condescendance envers le public. Le théâtre surtout public, est devenu
parfois arrogant et pense que c’est le spectateur qui doit venir à lui, et non
l’inverse. Le théâtre public du 21ème siècle n’est donc plus un art engagé au
service du peuple mais un art élitiste.
Comment expliquer par exemple qu’aux Etats Unis le moindre théâtre
régional soit présent dans les écoles, éducation culturelle ou programme
local ; alors que le Festival d’Avignon **, pourtant largement subventionné,
ne réalise pas un dixième de ce que ces théâtres non commerciaux et non
subventionnés font ?
Le théâtre public français semble donc sur la bonne voix, pour assurer un
avenir à l’art. Mais pour réussir il a recours à des stratagèmes comparables à
ceux reprochés à Broadway. Pour la première fois depuis son invention, le
théâtre public s’isole et perd de son sens premier de « service public » à but
éducatif. Ce qui est sûr, c’est que le théâtre public, moins assujetti à la
rentabilité que le privé, doit retrouver sa mission d’intérêt général, par un art
diverse et unique, une discipline de terrain, militante et politique, c’est-à-dire
revenir à son sens premier : un art de persuasion, de conviction et
d’éducation.
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VII) La place difficile du théâtre dans le monde contemporain
n) Un art de plus en plus professionnel qui condamne la diversité
Le problème du passage de théâtre amateur à un théâtre de plus en plus
professionnel, est fondamental.
Comment expliquer qu’aux Etats Unis la mobilisation théâtrale, la richesse du
théâtre universitaire, la diversité et la force de celui-ci soit supérieure au
nombre de représentations sur les scènes officielles ? L’explication tient dans
la difficulté du passage à la professionnalisation. La création est
bouillonnante en amont et les passionnés nombreux, mais peu parviennent à
passer du bon côté du rideau.
Les théâtres professionnels à but non lucratif, les théâtres régionaux,
Broadway et le système de production commerciale ne font plus leur travail,
faute de moyen, de volonté et d’un manque d’intérêt pour ces comédiens
qui pourtant existent. Ils sont confrontés aujourd’hui, à la loi du plus fort
suivant le principe « darwinien » : seuls survivent les artistes les plus solides ou
du moins ceux qui ont le plus de couverture médiatique ou de soutiens
financiers. Les autres quittent la scène précipitamment pour les écrans
d’Hollywood ou arborent les scènes du « Off ». Pire encore et plus nombreux
aussi, ceux qui, faute de pouvoir vivre de leur art, le délaissent pour une autre
vie moins passionnante mais plus sure.
Ce qui est donc inquiétant ce n’est pas tant la survie du Théâtre, qui se battra
toujours, mais plus l’évolution de la culture laissée à la dérive dans une
société sans pitié. Le problème est là : bien que les Etats Unis puissent se
vanter d’avoir un théâtre florissant, qui accumule les productions, qui devient
de plus en plus activiste et résistant; le fait est qu’il reste à un certain niveau
d’amateurisme et n’arrive pas à se professionnaliser. Un théâtre de qualité
survit, dans les caves et les universités, mais le théâtre commercial vit, et
même bien.
En France, le problème se pose mais de manière différente. Parce que nous
évoluons dans un système moins dur que celui des Etats Unis et que le nombre
de théâtres subventionnés est plus important.
!!
%)!
Avec le statut « d’intermittent du spectacle », les comédiens français sont
dans une situation moins précaire qu’aux Etats-Unis. Mais le problème de la
professionnalisation se pose aussi chez nous, à cause du gouffre qui sépare la
culture subventionnée des autres formes de culture, non aidées, qui restent
en dehors du système public. Les jeunes comédiens ont donc souvent du mal
à atteindre un univers professionnel où les places sont excessivement chères
et où les Grands ont beaucoup de mal à passer la main ou à prendre des
risques en se lançant dans de nouvelles aventures.
C’est donc une bataille sans merci qui sépare, non seulement les productions
commerciales de celles qui sont subventionnées, et ce sont les artistes en qui
en payent le prix. En France, faire parti des meilleures écoles mondiales et
posséder les Beaux Arts, font le prestige de l’éducation théâtrale française,
mais aujourd’hui ça ne suffit plus. Pour espérer monter sur les planches un jour,
les élèves doivent non seulement avoir, pris les meilleurs cours mais aussi
appris des plus grands metteurs en scène et souvent avoir travailler à la
sauvette pendant plusieurs années, entre petits spectacles et représentations
gratuites. Ces jeunes qui constituent tous les rêves d’un renouveau du théâtre
militant et passionné, se confrontent vite à la dure réalité de cette crise qui
frappe d’autant plus la culture. Dans ce cas, soit ils restent sous la
dépendance financière de leurs parents, pendant plusieurs années, soit ils
retranchent le théâtre au second plan pour pouvoir l’accompagner d’une
activité plus fructueuse.
Le monde du théâtre est donc un milieu intransigeant, aussi bien pour les
auteurs qui brident leur créativité au nom de la rentabilité, que pour les
spectateurs pour qui le théâtre est un luxe. Les artistes aussi, sans aides
extérieures, peinent à faire leurs débuts car rien n’est acquis. L’art est,
certes, un monde séduisant, mais est très loin d’être sécurisé et si l’on peut
passer rapidement du statut d’inconnu à celui de star, l’inverse est
malheureusement vrai, aussi.
!!
%*!
o) Censure et conservatisme ralentissent l’évolution du théâtre
contemporain
Pour finir, le théâtre moderne (américain ou français) doit faire face à
un problème récurrent dans l’histoire du théâtre : la censure.
Dans l’histoire, le théâtre est dominé par le public, soit la notion de « public
driven » aux Etats-Unis. Depuis toujours, le théâtre tente de répondre aux
attentes et désirs, d’une société mouvante et d’un public intransigeant. Mais
aujourd’hui, Broadway et Off Broadway renforcent les préjugés plus souvent
qu’ils ne les contestent. Et ce même pour les théâtres régionaux qui, certes
contestent, mais gardent leurs distances et fabriquent des pièces sans réelles
controverses, sans vraiment remettre en cause le système. Le théâtre
d’aujourd’hui, semble trop souvent ne pas avoir de point de vue.
Inévitablement, le conservatisme s’est lui même modernisé en adoptant,
notamment en Amérique, un ton politiquement correct (acceptation des
homosexuels comme citoyen même au Texas, ...), mais le public américain
n’en conserve pas moins son pragmatisme et refuse, de plus en plus,
l’esthétique conceptuel des pièces.
Dans les théâtres français, comme dans ce qui reste des théâtres
universitaires américains et des théâtres « Off », on envisage le théâtre
autrement : on souhaite renforcer chez le spectateur, sa capacité à
« ressentir » d’une manière responsable et critique, comme l’espérait les
précurseurs du théâtre moderne. Le but du théâtre, plus encore peut-être
que les autres arts, est alors de stimuler, de remettre en cause la société et les
règles à partir desquelles elle s’est construite. Il offre l’opportunité de refaire
le monde en un soir. Une pièce est alors, de qualité si elle ne participe pas à
la mode du moment, mais si elle dénonce des problèmes de fond. Des
hommes du Théâtre comme Arthur Miller, Tennessee Williams Edward Albee,
David Mammet pour les Etats Unis, ou Marcel Pagnol, Boris Vian, Ionesco,
Albert Camus en France, ont mis ces préoccupations au centre de leurs
œuvres.
!!
%O!
Pour une large part, le théâtre américain valorise non pas le « processus » de
création, mais le « produit » final. Alors que le théâtre américain s’intéresse à
une intrigue, met en valeur les comédiens, le théâtre français lutte pour
mettre en valeur l’émotion et s’intéresse aux effets que chaque passage de
la pièce aura sur le spectateur. Plus qu’une différence de mise en scène, une
différence de « mission » sépare ces deux formes de théâtre contemporain.
Dans un pays efficace et matérialiste comme les Etats-Unis, le théâtre est
embrigadé pour servir à quelque chose. Or, sans le brouillard qui règne
autour des subventions publiques qui dissimulent en Europe ces logiques,
(sans les éliminer pour autant), l’Amérique montre brutalement quelque
chose que les passionnés ne veulent pas voir : le lien entre la culture et le
statut social : le théâtre comme indice aristocratique et non comme principe
démocratique. Le théâtre est devenu un moyen de se valoriser, c’est devenu
une clé d’accès à un certain statut social. Aux Etats Unis les cocktails,
invitations, galas et autres rassemblent les privilégiés autour d’une soirée
prisée. En France ce phénomène n’existe qu’autour des premières
représentations, ayant un certain budget (surtout pour des pièces
expérimentales et avant-gardistes), qui n’intéressent, soit disant, que les
personnes de la haute société qui veulent se montrer. Le théâtre est donc
victime de l’effet de mode, de manière incontournable aux Etats-Unis et dans
une moindre mesure, aussi en France.
La censure aussi constitue aux Etats-Unis, un problème récurrent. Il est vrai
qu’en France, où l’indifférence frappe plus que l’opposition, le problème est
moins important, mais il faut cependant rester vigilant. En effet, il existe
encore des formes de censures explicites à caractère politique. Et à ce titre
comment ne pas rappeler que la seule censure officielle par un pouvoir
d’Etat qui ait eu lieu récemment aux Etats-Unis a été décidée par
l’ambassadeur de France à Washington* ?
!
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&P!
Mais les plus graves restent bien les censures implicites (qui n’est pas
officiellement exigée mais s’applique naturellement). Tout ce qui est produit
en France et ailleurs est la résultante d’un choix. Ainsi le système français
exclut sûrement et d’une façon très implicite, des textes ou limite la visibilité
de certaines minorités ethniques. Afin de répondre aux exigences du système
capitaliste, le théâtre moderne, surtout privé, comme tout autre forme d’art,
s’oblige à rentrer dans le moule confectionné par cette nouvelle société du
21ème siècle. Alors qu’autrefois, le théâtre se plaisait à trouver les moyens de
contourner la censure, sans pour autant en dire moins ; aujourd’hui les auteurs
s’autocensurent pour produire des pièces qui plairont. En se basant sur les
envies de la société, plus que sur les idées des metteurs en scène, le théâtre
du 21ème est moins révolté, moins engagé. Il ne se bat plus pour ses idées mais
pour vivre. Quand au théâtre public, la censure s’y trouve aussi, mais de
manière différente. Ce théâtre subventionné est certes, libre d’imagination et
de création, mais doit rendre des comptes aux administrations financières.
Pour continuer à se « faire entretenir », le théâtre public doit être approuvé, et
n’est par conséquent pas aussi libre qu’il se revendique.
Quant au théâtre américain, son grand tort est d’avoir laissé les propriétaires
immobiliers qui ont la main mise sur Broadway, régenter la société théâtrale
et contrôler la production de chaque nouvelle pièce.
Le théâtre du 21ème n’est donc pas aussi libre qu’il en paraît, car il reste bien
contrôlé par les instances dominatrices et soumis aux exigences d’une
société moderne intransigeante. Malgré les courants révolutionnaires et ses
auteurs qui luttent pour leurs idées, le théâtre contemporain peine à se
développer alors que l’on associe notre nouveau siècle, à une liberté
d’expression sans limites, en phase avec les progrès fulgurants des moyens
techniques.
!!
&"!
Conclusion intermédiaire (Première partie) :
Hier audacieux et novateur, souvent populaire, le théâtre a produit le
pire, mais aussi le meilleur.
Alors qu’en France le théâtre a connu une longue histoire de lutte,
menée par des auteurs qui ont voulu faire évoluer cet art pour qu’il devienne
la juste représentation d’une société bouleversée ; les Etats-Unis ont connu
tout autant de méandres mais dans un période beaucoup plus réduite. Ce
berceau du théâtre contemporain se voit aujourd’hui mis en danger par de
multiples facteurs dont un désengagement du gouvernement, une arrivée à
Broadway des grands du monde du cinéma et le règne de cette société de
divertissement. Le désintérêt du public pour des pièces à texte au profit d’un
spectacle d’amusement, a plongé les sociétés dans un nouveau modèle de
représentation.
Le parallèle entre les Etats-Unis et la France permet de comprendre les raisons
communes d’un déclin mondial du théâtre, qui se livre à une guerre
permanente. C’est cette situation complexe, qui pousse les salles à
abandonner les mises en scène intellectuelles au profit de pièces plus légères,
ne faisant que creuser le fossé de l’acculturation entre classes sociales. Car,
avec cette guerre, le théâtre, qui reste un art engagé, survit en se divisant en
deux genres bien distincts : un théâtre grand public de divertissement et un
théâtre expérimental, réservé à un cercle d’initiés.
Nonobstant, le théâtre reste un art noble et malgré un contexte compliqué,
continue à lutter pour sa survie. Quoi qu’il en soit, il n’en oublie pas son sens
premier, et continue du vouloir éduquer le public. La seule différence avec le
théâtre du XVIIème est qu’aujourd’hui, le théâtre doit dissimuler la réflexion
derrière des décors de film et des histoires « simples ». Mais que cela soit
public ou privé, américain ou français, il persiste une forme de théâtre qui
continue de lutter pour l’élévation spirituelle et qui maintient une forme d’art
conforme aux idéaux des précurseurs du théâtre.
!!
&#!
Ainsi donc, on peut attribuer à notre siècle un déclin évident de cette
société théâtrale mais certainement pas un épuisement de l’idée théâtrale,
puisque l’art se réorganise pour donner naissance à un nouveau genre. Au
même titre que le Classicisme a été un renouveau pour le théâtre du XVIIème
siècle, le théâtre contemporain suit les évolutions de la société pour le
« spectacle continue » quoi qu’il en coute à l’industrie artistique de notre
époque. Le théâtre est un art militant et malgré une réorganisation évidente,
ne semble pas perdre de sa superbe mission : permettre à l’Homme d’évoluer
dans un monde civilisé en pleine mutation en revendiquant toujours le droit
au libre arbitre et à la liberté d’expression.
!!
&%!
2ème Partie : « Que le spectacle continue ! »
Nous avons vu dans la partie précédente, le contexte de crise dans
lequel le monde de l’art est plongé. Confronté à de nombreux problèmes,
dont la plupart sont liés à l’évolution de la société et au bouleversement des
attentes du public, le Théâtre comme toute autre forme d’art menacé, tente
de faire face et de se maintenir à flots quoi qu’il en coûte. Le Théâtre, surtout
Européen, a toujours connu des difficultés dans sa longue existence et n’a
jamais baissé les bras. Aujourd’hui, Américain et Français, luttent, chacun à
leurs manières, pour continuer à promouvoir leur art, obligés d’évoluer pour
correspondre aux nouvelles attentes d’une société pour laquelle le maître
mot est : innovation.
Chapitre 1 : Evoluer ou mourir
I) Inversion du processus : une nécessité vitale pour le théâtre
Le Théâtre se reconditionne pour donner, petit à petit, naissance à un
nouveau genre répondant aux attentes de notre société du 21ème siècle. Pour
cela, aussi ancien soit-il, il s’adapte à cette ère du numérique et aux
nouvelles technologies. Nouveau millénaire, nouveau public, nouvelle
société, nouveaux fonctionnements... nouveau Théâtre.
a)Le spectateur du 21ème siècle
Avec les changements sociaux, la société a évolué et le public du
théâtre aussi. Mais quel est ce nouveau spectateur du 21ème siècle ?
Aujourd’hui confronté à une période de récession économique et de chute
du pouvoir d’achat, le spectateur refuse de payer des sommes
astronomiques pour la culture, ou accepte de « craquer sa tirelire » mais de
manière très occasionnelle, pour un spectacle pré défini en amont. Ainsi
donc le Théâtre n’est plus, au contraire du cinéma, un moment distrayant,
spontané et régulier. Alors que le choix d’une séance de cinéma s’effectue
souvent au dernier moment, il en va tout autrement pour une sortie au
théâtre.
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Le spectacle théâtral a un côté exceptionnel qui mérite réflexion et
préparation. Par la même occasion le public du 21ème siècle est donc de
plus en plus connaisseur. Il sait choisir la pièce qui lui plaira selon ses critères.
Le Théâtre n’est plus l’art populaire par excellence mais un art de
connaisseurs qui savent enfin apprécier un bon jeu de scène. Les situations de
la vie réelle utilisées autrefois, par les Grands noms du théâtre sont dépassées.
On cherche aujourd’hui à en tirer quelque chose. Le spectateur de 2012
serait d’ailleurs surpris par une représentation du XVIIème siècle, comme à
l’inverse un spectateur de cette époque ne comprendrait rien au silence
quasi-religieux qui se fait aujourd’hui dans les salles de théâtre. Aujourd’hui,
de par notre culture, nous sommes non seulement conditionnés pour savoir
comment nous comporter dans un théâtre et, en partie, conditionnés pour
apprécier ou non ce que nous y voyons. Par exemple, nombreux pensent
qu’il est normal que les tragédies classiques en alexandrins de Racine ou
Corneille soient passablement ennuyeuses. Les quelques soupirs et autres
subtilités utilisées pour faire sonner le texte tout en respectant la règle sont
passés inaperçus. Ce qui confirme pour eux, hélas, que la pièce est
inintéressante. Peter Brook* dans son essai L’Espace vide, met en lumière ce
phénomène préconçu que, soit disant, la culture n’est pas faite pour divertir
mais seulement pour enrichir. C’est pour correspondre à cet idéal, que les
metteurs en scène réorientent les pièces vers des jeux à texte qui permettent
de provoquer chez le spectateur réflexion, sensation mais également plaisir.
Jean Anouilh** disait d’ailleurs « qu’une pièce de théâtre sert à donner du
travail au comédien et du plaisir au spectateur. »
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Alors que Guillaume Apollinaire (1880-1918) avait été parmi les premiers, à
libérer le théâtre grâce à ses pièces résolument modernes (comme
L’enchanteur pourrissant, mélangeant roman, théâtre et poésie ou bien
Casanova, publié en 1952) le Théâtre du 21ème siècle continue sa révolution
en proposant au public des histoires réelles et actuelles. Des écrivains comme
Jean Cocteau*** ou Jean Anouilh, ont pris les devants en montrant enfin ce
que personne ne voulait voir il y a plusieurs années : le bien comme le mal,
dans tous les cas une vérité totale, sans fioriture ni mensonge (exemple : dans
l’Intruse où la jeune fille aveugle, malgré son handicap et ses difficultés de
vie, contre toute attente, meurt). Le spectateur du 21ème est donc un point
essentiel de la réussite de chaque pièce, puisque son émotion doit en être le
dénouement. La surprise doit être la clef révélatrice d’une bonne mise en
scène, elle pousse le spectateur à réagir. Le Théâtre, surtout celui
d’aujourd’hui, est un spectacle réactif, là pour nous faire vivre des émotions.
Qu’importe que cela soit l’hilarité, la tristesse, la révolte, le désir, la colère ou
l’amour : c’est à notre cœur autant qu’à notre cerveau qu’il vient parler. A
ce titre notre écoute qui se veut respectueuse par son silence est parfois
questionnable. San retomber dans les excès passés, pourquoi de pas
s’exprimer pleinement ? C’est à près tout, ce que les pièces contemporaines
cherchent à déclencher ! D’autant plus que n’importe quel acteur avouera
préférer une réaction même exagérée au silence monacal d’aujourd’hui.
Le spectateur a, encore plus qu’avant, un véritable rôle actif. En effet, il est
unique et une même représentation pourra être perçue de façon différente
par chaque membre du public, mais ses réactions peuvent influencer
l’expérience des comédiens et la pièce elle-même. C’est le principe des
One man show : d’une représentation à l’autre, le même spectacle peut être
bien différent, car il est souvent fondé sur les réactions du public.
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Les comédiens savent d’ailleurs très bien reconnaître autant le silence chargé
d’un public suspendu à leurs lèvres que le claquement sec du fauteuil qui se
rabat lorsque quelqu’un quitte la salle.
Les spectateurs ont un moment d’expression qui leur est plus particulièrement
dédié, les saluts. Entre « standing ovation » et les huées, se trouve tout un
panel d’applaudissements révélateurs. Mais si l’on voit parfois le public se
lever comme un seul homme, il reste rare de l’entendre huer, bien que cela
tienne surement de la « bonne éducation » française.
Mais puisque la pièce est basée sur la réaction du spectateur, ne serait-il pas
plus intéressant d’exprimer son ressenti sans retenue ? Un metteur en scène
aguerri confie « que quand un spectacle est mauvais, même si ce sont des
amis, je mets un point d’honneur à huer à la fin. Sinon je ne suis pas honnête
et je ne leur rend pas service ». Reste que tout le monde puisse accepter la
critique ouverte d’un public de plus en plus intransigeant.
Le spectateur, au fil des siècles, a vu l’importance de son rôle grandir jusqu’ à
devenir un élément central de la mise en scène contemporaine : sans lui,
point de salut. Oscar Wilde disait « c’est le spectateur, et non la vie, que l’art
reflète réellement ».
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b) Une nouvelle place pour l’art
Pour la majorité des arts, la tendance est à la démocratisation. Ce
phénomène devient une de ses qualités majeures. A démocratisation on
peut facilement associer la notion d’accessibilité. En effet, grâce à l’accès
quasi immédiat à l’information en général et artistique en particulier, la
musique, le cinéma, l’architecture et donc le théâtre font partie de notre
quotidien. La musique, essentielle, s’emmène partout, le cinéma s’est
démocratisé avec une puissance formidable, l’architecture nous entoure et
le théâtre s’ouvre. On ne peut donc pas contester la place primordiale de
l’art dans notre vie et la présence indéniable dans notre quotidien d’un
Théâtre qui se popularise.
Le dramaturge Bertolt Brecht analyse ce théâtre réaliste et voit dans cet art
dramatique un moyen de transformer la société, un instrument politique
capable de mobiliser le public. Dans cet esprit, il écrit ce qu’il appelle des
« drames épiques », qui rappellent à chaque instant à chaque spectateur
qu’il assiste à une représentation théâtrale ayant un lien avec le réel comme
l’étaient les récits des épopées antiques.
Le public doit être alors à même de porter un jugement sur le spectacle,
grâce notamment à « l’effet de distanciation*. L’utilisation d’un plateau nu et
d’un dispositif scénique particulier, constituent l’essentiel de l’héritage
théorique de Brecht, tandis que des pièces comme L’opéra de quat’sous
crée en 1928 sur une musique de Kurt Weill dépasse largement le cadre de sa
pensée conceptuelle.
Dans cette nouvelle société de l’instantanéité, l’art à dû s’adapter. Il a vu son
rôle éducateur grandir en utilisant les nouveaux moyens de communication.
Cette communication désormais, omniprésente dans la vie, a plus que jamais
un rôle primordial, en particulier dans le secteur de l’éducation. Dans la
société de l’information actuelle, l’existence de l’homme reste étroitement
liée à l’existence de l’Art.
!!
&*!
Comme si la déshumanisation du monde numérique et du raisonnement
binaire, poussait l’être humain à exprimer ses sensations, infiniment plus
nuancées, par l’expression artistique, en utilisant, paradoxalement, ces
nouveaux moyens techniques au service de son besoin d’expression.
En ce début du siècle, le Théâtre s’adapte et flatte le spectateur en lui
donnant de l’importance. Désormais acteur, au centre la mise en scène,
c’est lui qui fait évoluer la pièce et non le contraire. Alors que Broadway,
transforme les vieux classiques en comédies musicales, grand public, le
théâtre européen, lui, arrive a concilier cette réalité commerciale,
indispensable, à une sorte de théâtre résistant qui lutte en donnant
d’avantage d’importance à ce nouveau spect-acteur.
+!JK! s>`>B@5>6D0.9!4! b!La distanciation est un principe théâtral lié au départ à la dramaturgie de Bertolt Brecht : Se positionnant à l'inverse du théâtre aristotélicien, le théâtre épique se fonde, selon Brecht, sur la distanciation (Verfremdungseffekt). S'opposant à l'identification de l'acteur à son personnage, elle produit un effet d'étrangeté par divers procédés de recul, comme l'adresse au spectateur, le jeu des acteurs depuis le public, la fable épique, la référence directe à un problème social, les songes, les changements à vue, etc. »!
!!
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II) Un art en mouvement
Depuis la Renaissance, le théâtre évolue vers une reconstitution de plus
en plus scrupuleuse de la réalité. Alors que cette recherche du réalisme
atteint son apogée, à la fin du XIXème siècle, on voit apparaître, sous de
multiples formes, une réaction antiréaliste. L’art théâtral, comme l’ensemble
des expressions artistiques, semble être à la recherche d’un nouveau souffle
et d’un nouveau sens, subissant constamment des mutations. Piochant ici et
là dans l’ensemble des tendances artistiques développées dans l’Antiquité, le
XXème siècle fait preuve d’une inventivité et d’une énergie créatrice
phénoménale.
c) Evolution des genres et théories du changement
Alors que l’impressionnisme a révolutionné la peinture donnant
naissance à l’art abstrait, le réalisme qui domine l’ensemble du théâtre du
début du siècle se voit lui aussi fortement critiqué. D’un côté on estime que la
reconstitution de la réalité n’est que trop partielle et d’autre part on reproche
au théâtre d’être réduit à la fonction de divertissement.
En harmonie avec l’évolution artistique de son temps, le nouveau courant
spirituel tente de régénérer le théâtre par le recours à l’abstraction. Le
compositeur allemand d’opéras, Richard Wagner fait partie des précurseurs
de ce mouvement. Pour lui, le rôle de l’auteur est de créer des mythes copiés
du monde idéal du théâtre antique : il peint d’avantage l’âme de ses
personnages que leur apparence. Wagner reproche à l’art dramatique le
manque d’unité entre les différentes disciplines qui le constituent et présente
l’idée « d’œuvre intégrale », où un seul créateur dirige tous les éléments
dramatiques. Précurseur du mouvement moderne, il reforme non seulement
l’architecture théâtrale mais aussi le jeu dramatique, afin que chaque
spectateur ait la même perception de la représentation.
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Dans la première moitié du XXème siècle de nombreux mouvements artistiques
(futurisme, dadaïsme, surréalisme) investissent le Théâtre. A travers les pièces
troublantes de Guillaume Apollinaire (Les mamelles de Tirésias, 1917) ou de
Roger Vitrac (Victor ou les enfants du pouvoir, 1928), jean Giraudoux, Henry
Montherlant, Jean Anouilh ou Michel de Ghelderole, prennent le risque de
réadapter des pièces antiques avec leur propre regard du monde moderne.
Antonin Arthaud* est également un des inspirateurs du nouveau genre.
Reprenant les principes du théâtre oriental et des rites primitifs, il propose une
rénovation du langage théâtral qu’il nomme « théâtre de la cruauté » destiné
à faire réagir le spectateur. Il choisit de redéfinir la frontière qui sépare public-
auteur en minimisant ou éliminant le discours pour lui substituer plus de
gestes et de sons. En 1935, sa pièce Les Cenci, essuie un échec mais cela ne
l’empêchera pas d’influencer profondément le monde du théâtre.
Le mouvement suivant le plus fidèle à la pensée novatrice d’Antonin Artaud*
est le « Nouveau théâtre » des années 1960. Représenté par le Théâtre
Laboratoire de Wroclaw du polonais Jerzy Grotowski, ce nouveau genre
abandonne le texte au profit d’une création collective des acteurs
correspondant à l’esprit du nouveau siècle. Ces spectacles reposent surtout
sur les mouvements, les gestes, les sons et un langage non codifié ; prémices
des spectacles vivants que nous connaissons aujourd’hui. L’une des
premières mises en scène emblématique de ce bouleversement des genres
est Marat-sade par Peter Brook en 1964. Bien que la pièce se caractérise par
une intrigue et des dialogues brechtiens assez traditionnels, la représentation
reprend un grand nombre de procédés novateurs.
Or, depuis plus d’une vingtaine d’années avec les changements
idéologiques et le développement des moyens de communication, notre
société occidentale est entrée dans une sorte de « progrès moral » allant de
pair avec les progrès technologiques et surtout la découverte de la
complexité du monde.
!!
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Cet éveil a permis au lecteur – spectateur d’étayer son sens critique et de
remettre en question les œuvres dramatiques.
A ce nouveau rapport au monde, correspond évidemment un nouveau type
de théâtre, qui s’est progressivement mis en place depuis les années 70, le
phénomène s’étant considérablement accéléré à travers toute l’Europe
avec l’explosion des nouvelles technologies depuis une dizaine d’années.**
Autant le théâtre dramatique « classique » était subordonné au texte qui,
quant à lui, demeurait centré sur sa fonction de texte de rôles. Dans le
théâtre que certains nomme « post-dramatique » (ou contemporain), le texte
quand (et si) il est transposé sur la scène, ne devient désormais qu’un
élément entre autres, dans une totalité et dans un complexe gestuel, musical,
visuel. La structure du texte et le jeu théâtral s’écartent, le langage n’est plus
considéré comme une parole sacrée devant être respectée à la lettre. Ce
nouveau théâtre considère la scène comme point de départ et non comme
lieu de simple présentation.
Le Théâtre contemporain n’est donc pas le reflet d’un genre révolutionnaire
mais bien un savant mélange des genres plus anciens. Alors que le
Classicisme codifiait et règlementait les principes fondateurs du théâtre, le
« Contemporain » pioche un peu partout pour établir un nouveau genre en
adéquation avec une époque en plein changement.
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d) Un univers dépassé : une remise en question obligatoire
L’illusion de la représentation de la Tragédie antique et classique,
s’appuyait essentiellement sur la puissance du texte, les acteurs et la mise en
scène étant au service de celui-ci. Désormais, le texte n’est plus qu’un
matériau parmi les autres au service de la représentation. Le théâtre
contemporain transgresse les règles, en introduisant dans la mise en scène,
grâce aux moyens techniques modernes (Musique, Images, Vidéos) un
nouvel univers théâtral qui offre au spectateur, un rôle moins passif, moins
enfermé dans des règles strictes. Le théâtre devient par là un art de l’image
dans lequel le visuel atteint un rôle prépondérant dans le déroulement de la
pièce. Par exemple, la mise en scène de Tristan & Iseult en 2005 de Peter
Sellars où la présence en fond de scène de projections vidéos associée à
l’interprétation audacieuse musicale d’un chef d’œuvre de Wagner
introduisait l’image en mouvement dans le décor, faisant de celui-ci un
participant actif au déroulement de l’histoire ou bien encore la mise en
scène de Ring (1976-80)de Patrice Chéreau à Bayreuth associée à la musique
de Pierre Boulez qui abolit les frontières entre l’Opéra et le Théâtre, cassant ici
l’enfermement des genres. De Patrice Chéreau encore, la création de
Hamlet avec des effets visuels et sonores chocs avec par exemple,
l’apparition sur scène du cavalier sur son cheval, surgissant du noir dans la
lumière, créant ainsi une image allégorique spectrale émergeant de la nuit.
Ces techniques modernes nouvelles introduites dans le Théâtre modèlent le
spectateur contemporain développant chez lui un regard et une écoute, à
même de lui faire apprécier le spectacle proposé. Même si la réflexion finale
du spectateur reste le but de chaque auteur, les moyens utilisés pour
atteindre l’objectif remettent aussi en question, l’attitude du spectateur, plus
actif, pas seulement un regardant mais aussi un « voyant », qui insuffle à la
représentation l’énergie vitale qui nourrit les acteurs et fait du spectacle une
entreprise commune, un art de penser ensemble.
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Le spectateur devient par là, acteur de la pièce et certains metteurs en
scène n’hésitent pas à le solliciter, soit en le plaçant au centre du décor, soit
en l’interpellant directement ,interpellation qui peut aller jusqu’à la
provocation, avec des conséquences qui parfois, peuvent aller jusqu’à la
mise en danger du déroulement de la pièce, une véritable entreprise à haut
risque pour le metteur en scène qui laisse son œuvre évoluer, seule, et
advienne que pourra : une recherche de spontanéité et de sincérité qui
repousse là encore, les règles du théâtre traditionnel. Des auteurs du XXème
siècle célèbres comme Cocteau ou Brecht ont ouvert la voie à ce théâtre
moderne, mais le XXIème siècle semble avoir repoussé les limites encore un
peu plus loin avec des metteurs en scène comme Kristian Lupa qui met ses
acteurs dans des situations et fait appel à leur improvisation. La mise en
scène de son dernier spectacle Salle d’Attente nous propose un théâtre qui
dérange, regard sur la déchéance humaine, sans détour, ni texte
encombrant : les acteurs vivent et nous communiquent ce moment difficile
de vie sans règle, avec sincérité.
Cet élan novateur tend à redonner ses lettres de noblesse au Théâtre, par
l’ouverture vers de nouvelles voies de recherche artistique, bannissant des
règles obsolètes en regard de la vie moderne en perpétuel mouvement. On
peut dire que le théâtre contemporain, non seulement vit désormais dans son
époque, mais participe activement à l’expression des pensées nouvelles.
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e) Appropriation des nouvelles technologies
Depuis la fin des années 1980, de nouvelles pratiques artistiques se sont
multipliées en même temps que les technologies du numérique. L’art
dramatique s’est également réadapté à cette nouvelle ère. Alors que le
« Théâtre de l’absurde » d’après guerre a révolutionné les genres, et que le
théâtre d’avant garde a réussi à donner un nouvel élan en y introduisant les
performances et autre « visual arts », le Théâtre, au même titre que ses
compères artistiques, évolue avec son époque et intègre les nouvelles
technologies dans ses mises en scène. Naît donc une nouvelle génération
d’artistes révélés par cet art novateur, à l’image d’Andy Warhol connu à
travers le Pop Art.
Michel Jaffrenou* propose par exemple, une aventure interactive dont le
scénario, à géométrie variable, évolue au fil des représentations. En 2001, il
montre « un grand guignol numérique sans ficelles », baptisé Diguiden, se
tenant devant une salle éclairée, qui communique avec les spectateurs alors
qu’il utilise internet pour communiquer avec le public connecté au site web :
www.diguiden.net/live.html. Michel Jaffrenou se compare au conteur de la
tradition orale qui tient compte des interventions de ses auditeurs,
entrelaçant le réel et l’imaginaire. Avec ses virtuoses numériques, il a inventé
une nouvelle forme de spectacle nomade où peuvent interagir 3 acteurs, 30
moniteurs, 6 magnétoscopes, 6 écrans de vidéo projection et des téléviseurs.
Une relation en direct avec les acteurs réels sur la scène et les acteurs
digitaux sur l’écran.
Il est désormais possible au théâtre, grâce aux avancées fulgurantes dans les
années 90, des nouvelles technologies numériques, de se réapproprier
l’image, le son et même les mouvements et de les intégrer dans le réel. Sans
aborder les héritages délaissés de l’art cinétique, il était grandement temps,
suite également aux expérimentations de Jacques Polieri* dans les années 70,
que le théâtre s’approprie les technologies de son temps, lui qui a toujours
tenté d’être en adéquation avec les mouvements de ses époques.
!!
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Franch Bauchard, responsable de La Chartreuse de Villeneuve-lès-
Avignon/Centre National des Ecritures du Spectacle – qui s’est consacré en
2000 aux nouveaux enjeux technologiques du théâtre – a perçu et analysé
en quoi le numérique état en passe de révolutionner les écritures
dramatiques. « Avec le développement des capacités de l’ordinateur à
traiter l’image et le son, l’écriture relève de plus en plus de l’agencement, de
la constitution d’une trame qui peut intégrer différents médias ». La
transposition de l’écrit se fait dans les différents arts de la scène : intégration
du spectateur, narrations aléatoires, projection des textes.... Il semble donc
aujourd’hui important de permettre à des compagnies et salles nationales ou
conventionnées d’explorer les champs du théâtre du nouveau siècle afin de
créer de nouvelles pièces comme Voyageur sans tête de Richard Zachary et
Jonathan Lambert. Dans ce spectacle sans paroles, le héros vit dans le
troisième millénaire où « notre perception du monde est conditionnée par les
images télévisuelles et l’informatique ».Lors de son voyage initiatique, Max
déambule dans un univers en transformation constante, rencontre de
fantastiques créatures surgissant de son inconscient. Un monde virtuel
composé de ballets de lumières, de lasers, de fibres optiques, de
personnages électroluminescents, où la musique conditionne l’atmosphère,
le jeu de l’acteur et le rythme. L’acteur porte un masque qui lui permet de se
dédoubler, il peut changer non seulement d’expression mais aussi de
personnage ; suivant la réaction et l’interaction du public.
Initié par des précurseurs tels que le metteur en scène et plasticien américain
Bob Wilson ou le metteur en scène français, virtuose des nouvelles
technologies, Robert Lepage, le théâtre moderne est encore en train
d’évoluer pour tendre vers un art du nouveau millénaire : « Théâtre du 21ème
siècle). Ce dernier sait à présent combiner les arts numériques et la pensée
critique (dramaturgie) et un théâtre « d’illusion critique », dont le but initial est
toujours de permettre au spectateur de décoder le monde.
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Le Théâtre du 21ème ne cesse de repousser les limites. Toujours à la recherche
de la combinaison parfaite entre l’émotion et la technique, il se joue des
nouvelles technologies pour tenter de transmettre de nouveaux
ressentiments. Comme toujours, alors que beaucoup ne perçoivent pas cette
nouvelle forme dramatique comme du véritable Théâtre, d’autres continuent
de le faire évoluer en développant la partie expérimentale du Théâtre, qui ne
répond qu’à une limite : l’expression. Reste à savoir si ce jeu constant entre
réel et virtuel, n’en n’oubliera pas son sens premier c’est-à-dire l’élévation du
public. Mais après tout, si il y a bien un art qui, de par ses traditions, s’avère
apte à rendre compte de cette fragile barrière entre deux mondes, c’est
bien le Théâtre.
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f) Le théâtre du partage : un moyen d’expression comme outil de communication
Toujours autant soucieux, d’apporter l’émotion au public, le Théâtre du
21ème siècle est plus que jamais un Théâtre du partage. A tel point que
(comme expliqué précédemment), nombre de pièces du nouveau genre,
s’adaptent aux réactions et attentes du public. Le lien acteur-spectateur est
plus fort que jamais, puisque c’est l’interaction des deux qui permet la
représentation parfaite d’une mise en scène. L’art d’expression par
excellence, est aujourd’hui à son apogée en terme de manipulation de la
langue. Plus que le texte lui même, c’est aujourd’hui le sens qui importe plus
encore. A tel point que le Théâtre comme beaucoup d’autres arts est
devenu un outil de communication qui délivre un message au public et
permet d’aborder, avec humour ou gravité, tous les sujets ou presque, tabous
y compris. Art du peuple, il tente de réussir là où d’autres ont parfois échoué,
en essayant de transmettre sentiments et points de vue. D’ailleurs, c’est
aujourd’hui par le théâtre que de nombreux problèmes houleux sont traités. Il
propose des réflexions sur des thèmes que nous côtoyons chaque jour, que
cela soit par des mises en scène traditionnelles comme dans Le couloir des
anges de Malika Khaldi qui condense les maux à travers une histoire vécue,
ou de manière plus abstraite comme dans le Jardin des Chimères d’Agnès
Desfosses qui utilise les photographies pour éclairer la vie.
Le rôle éducatif du théâtre est donc primordial. De par l’attention qu’il
suggère, le regard qu’il communique, le théâtre est toujours aussi militant et
même plus. Son pouvoir d’instruction est aujourd’hui considéré en tant que
tel, puisque des compagnies s’évertuent à ne faire que des pièces qui
soulèvent un problème. Aujourd’hui les troupes, qui reçoivent un appui de
l’Etat et d’autres, utilisent leur art pour transmettre un message. Par exemple,
au même titre que des cours d’éducation sexuelle ou protection anti drogue,
le théâtre se déplace (hôpitaux, écoles, associations...) et ne cesse de créer
de quoi faire réfléchir les petits comme les grands.
!!
'*!
La compagnie de Javah, par exemple, met en garde les enfants de 5 ans
contre les violences sexuelles, dans sa pièce Peau d’ange où ce sont des
marionnettes qui instruisent, de manière ludique, les petits avec humour et
poésie.
D’autres compagnies comme la Marmaille, ont délaissé la scène pour
intervenir dans de Zones d’Education Prioritaire et foyers de délinquants, pour
tenter de les aider à se sortir du ghetto de la délinquance, par le biais de la
réflexion suscitée par l’émotion à la vue d’un spectacle et l’ouverture à la
culture. Le Théâtre du 21ème siècle n’est vraiment plus un art du
divertissement. Au même titre que d’immense chef-d’œuvre littéraires ou
cinématographiques le théâtre lutte pour la vie et utilise ce qu’il maitrise le
mieux : la mise en scène. Art d’expression et outil de communication dans
notre société de l’instantanéité, on peut dire, comme Lucy R. Lippard dans
les années 70, que l’art se dématérialise, concurrencé par une société
virtuelle, mais le besoin d’expression de sensations, d’idées reste essentiel et
entretient le feu sacré de la Création.
Reflet d’une société en plein bouleversement, le théâtre lutte à sa manière :
en montrant la vérité comme l’a voulue Joseph Kirahagazwz avec sa mise en
scène plus que réaliste dans Sur les parois du néant interprétée par la
compagnie des Monts de la Lune et traitant du conflit récent entre Hutu et
Tutsi. Des théâtres comme celui du Chênes Noir et celui des Carmes se sont
même donnés la mission de lutter, de communiquer et de transmettre grâce
à leur art avec des actions comme Guantanamour, 2002, qui rappelle
cruellement l’emprise d’Al Quaïda et l’inhumain camp de Guantanamo.
André Benedetto s’empare également de faits divers qui ont un
retentissement universel. Houle de fond, rappelle ainsi cette destinée tragique
de clandestins jetés à la mer.
Paradoxalement, malgré certaines nouvelles mises en scène qui remisent la
parole au second rang, le Théâtre plus que jamais s’exprime. Aujourd’hui, le
Théâtre français, surtout public, non sous l’emprise gouvernementale, ne se
gène pas pour communiquer sa détresse et transmettre son message au plus
grand nombre. Art du partage et de la dénonciation, le théâtre du 21ème
siècle est plus que jamais l’art du peuple !
!!
'O!
Chapitre 2 : Un nouveau théâtre
III ) Le « produit » théâtral
Comme nous l’avons vu précédemment, le théâtre comme tout autre
forme d’art s’est reconditionné pour évoluer avec son époque. Alors que les
nouvelles mises en scène avant-gardistes, repoussent les limites de l’art, toutes
cherchent à surprendre le spectateur en l’amenant à la réflexion.
Cependant, une autre partie du théâtre, sur la formule de Broadway, plonge
dans les filets du show business et présente des pièces commerciales qui ont
pour seul but : le divertissement. Le théâtre, là encore s’adapte, a une
période économique difficile qui sépare la scène subventionnée de celle
soumise à la loi de la rentabilité.
g) Théâtre et « showbiz » : ressemblance ou incompatibilité ?
« It was always a business, but it used to be an art »*, la formule de
l’écrivain Arthur Miller, prononcée à la fin de sa vie à propos du théâtre, dit
bien l’ironie de la grande mutation des années 1980-90. La fin du théâtre a
d’abord été provoquée par cette contagion du marché qui entraina la
commercialisation des places principales du théâtre comme Broadway, puis
de l’ensemble du secteur du théâtre américain et français, des salles les plus
vendeuses aux théâtres locaux.
La concurrence imposée par le marché, notamment entre les scènes
publiques et privées, a rendu dès le départ le théâtre plus dynamique mais
aussi plus vulnérable à cause du risque de confusion entre les sphères
commerciales et non commerciales. L’exemple des Etats-Unis, qui a vu ses
vingt dernières années la logique du marché investir les théâtres d’Off
Broadway puis les théâtres régionaux, nous montre bien qu’il est difficile
d’être à moitié commercial et encore plus compliqué de ne pas faire de
« show business ».
!!
(P!
Cette notion traduisant littéralement « l’industrie du spectacle » apparut dans
les années 30, comprend l’ensemble des acteurs : directement (salles,
production,...) comme indirectement (metteurs en scène, stars,...) qui
gravitent dans le monde du divertissement.
Certains lieux ou personnalités sont néanmoins représentatifs de ce
mouvement - dont le mot « show business » est certes passé de mode, mais
dont le poids économique et populaire est encore plus présent qu’avant –
comme Hollywood, Mumbai ou Cannes pour le cinéma, Broadway et
Londres pour les arts de la scène ou encore Moscou et Pékin pour le Cirque.
Ce microcosme qui fait rêver les jeunes comédiens reste néanmoins un
monde intransigeant, à la mauvaise réputation ou seuls le nom, la beauté ou
l’argent assurent une carrière. Loin de cette sphère superficielle qui donne
naissance à des milliers de productions par an, certains arts comme le
théâtre ont gardé leur cœur d’artiste, soutenus par des amoureux de la
scène comme Frank Rich** aux Etats Unis et Ariane Mnouchkine*** en France.
Le théâtre donc, au même titre que le cirque ou les arts plastiques, est un
milieu qui rassemble des passionnés, sensibles à la magie des trois coups. Car,
si le théâtre a bien su préserver quelque chose, c’est cette ambiance
particulière liée aux fauteuils rouges, au lourd rideau, au jeu des mots, au
silence monacal et à la prouesse des artistes épris et engagés pour leur art.
C’est en ça qu’il paraît difficile d’imaginer un « show business » du théâtre.
En effet, comment associer un art humain et dénonciateur par excellence, à
la triste recherche de profit imposée par notre époque ?
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Tous les amoureux et militants du théâtre comme Frank Rich présenté
auparavant, qui dès le plus jeune âge, se plaisent à le comprendre,
rétorqueront que le véritable théâtre est totalement incompatible avec les
règles du show business. La divergence entre les sciences telle que le cinéma
et les arts comme le théâtre est bien là : la rentabilité du monde moderne, ne
peut être conciliable avec la passion prédominante instaurée par le théâtre,
par exemple.
Pour ne pas sombrer, le théâtre se divise en deux genres : les salles menées
par les nouveaux entrepreneurs du monde du spectacle, qui programment
de la quantité plutôt que de la qualité ; et les autres souvent subventionnées
mais pas obligatoirement, qui acceptent de subir la crise en maintenant
l’idéologie militante, fondatrice du théâtre.
Bien que les « stars » du théâtre soient souvent engagées aussi dans le show
business cinématographique, surtout aux Etats-Unis, ceux qui acceptent d’y
revenir le font par conviction. Le théâtre, plus fermé ne leur a pas offert de
carrière lucrative, à contrario du cinéma, mais il reste leur premier amour et
c’est avec le plaisir du débutant que beaucoup, fatigués par les exigences
économiques du grande écran, retrouvent l’atmosphère intimiste des salles
de théâtre où la recherche de la qualité prévaut.
Pour conclure, l’illustre théâtre fait comme a son habitude face aux
exigences d’une nouvelle époque, mais n’en perd pas pour autant son
identité engagée qui lutte pour maintenir ses idéaux et particularités. Show
business et théâtre semblent donc évoluer dans un même monde sans pour
autant se côtoyer directement.
!!
(#!
h) Diversification des genres : montée en puissance du
spectacle
Alors qu’une partie du théâtre continue de repousser les limites de la
création et inaugure un nouveau genre de théâtre expérimental, d’autres
programment des spectacles plus variés tandis que certains se
reconvertissent complètement.
C’est ainsi que dans les années 90, à l’initiative des milieux culturels et
artistique, la notion de spectacle vivant est apparue.
On appelle spectacle vivant, un spectacle exécuté en direct devant le
public avec la présentation physique des artistes. Sont alors classés dans
cette catégorie, les pièces de théâtre, opéras, opérettes, comédies
musicales, chorales, fanfares, pantomimes, ballets, récitals d’artiste de
variété, spectacles de cirque, de rue, concerts...
C’est en quelque sorte l’exercice d’une représentation, par des actants
devant un public, associant plusieurs formes d’arts dans une même pièce,
copié sur les spectacles des saltimbanques de l’Ancien régime.
Quoi qu’il en soit, le théâtre contemporain fait partie des arts qui se sont
ouverts aux pratiques d’autres arts pour se donner un nouvel élan. Dès lors sur
scène on peut désormais voir des comédiens, mais aussi des danseurs, des
effets numériques, des animaux des chanteurs, marionnettes et autres formes
artistiques. Le décloisonnement des arts favorise le renouveau du théâtre
actuel dont le caractère transdisciplinaire constitue un facteur de
développement généralisé. Le théâtre sert même parfois de déclencheur
pour les autres arts. C’est ainsi qu’à travers des pièces comme
Triboluminescence* de Cyril Gonnon qui met en réaction peinture-théâtre-
musique, est apparue de la confusion des genres. Dans un autre genre, les
productions de Banal Molotov se situent au croisement entre la performance
(c’est-à-dire une installation autant sonore que visuelle toujours en fonction
d’un lieu a investir, à utiliser, voire à exploiter) et le théâtre danse.
!!
(%!
Zaza Disdier, assistée d’Yves Arnault, a d’ailleurs expérimenté des formes
nouvelles en croisant texte et mouvement pour mieux rendre compte de la
complexité du monde actuel. Elle pense que « danse, graph et rap se
développent dans une philosophie commune, où la paix, la fraternité et le
souci des générations futures sont au premier plan ». Le spectacle
conférence, La tête à l’envers, est un historique du mouvement hip-hop
depuis les années 70 aux États-Unis jusqu'à aujourd’hui en France et dans le
monde. Véronique Rousseau vêtue d’un tailleur gris strict, campe une
conférencière, insensée et naïve, portant une parole savante avec une
malicieuse ironie en contrepoint de trois danseurs.
Sébastien Lefrançois, aime aussi le mélange des genres, se nourrit de la
culture hip hop et l’emmène vers de nouveaux horizons. Dans ses pièces :
Squatt’age Live, Bout d’Essai, L’incroyable Mystère pulp, il mêle le style hip
hop, à la danse africaine, brésilienne, au tango en y ajoutant des effets
spéciaux.
La compagnie Teen Machine** propose également des performances à mi-
chemin entre théâtre et concert. Autour de thèmes originaux liés à
l’adolescence, des textes originaux, non théâtraux, des paroles de chansons
rock, des cuts-up se mêlent à des projections vidéos, à des éléments
chorégraphiques, à des bandes sonores ou à du chant. Le tout associé à
l’interaction du public donne une sorte de représentation Live.
D’autres compagnies ont décidé de révolutionner les théâtres en organisant
des représentations dans des lieux insolites. Le théâtre en mouvement,
apparaît alors comme un extrapolation de la notion contemporaine de
spectacle vivant. Par exemple, la comédienne plasticienne Marie-Hélène
Dupont, inaugure une nouvelle démarche en 2000 puisqu’elle investit pour la
saison 2000 – 2001 avec d’autres comédiens l’escalier de l’Opéra musical ed
Clermont Ferrand. Certains artistes comme Olivier Poujol réinvestissent des
lieux désaffectés, d’autres des lieux d’exposition, des sites naturels ***,
restaurants hôpitaux, églises.... Le spectacle vivant révolutionne l’art.
!!
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Mais l’évolution du théâtre et son passage en tant que spectacle vivant
passe aussi par la création de nouveaux genres tel que la comédie musicale
ou les cabarets, qui plaisent au public. Alors que des producteurs comme
Dove Attia, Kamel Ouali ou Pascal Obispo, reprennent contes, mythes et
merveilles dans des shows à la Broadway qui permettent de remplir les salles
avec des spectacles comme Notre de Dame de Paris (voir annexe). Il existe
aussi des comédies musicales expérimentales. Les Tréteaux de la Plein Lune
de Nelejko Gruijic, explorent les grands textes classiques et modernes à
travers un théâtre visuel et un jeu expressifs sous forme de comédies
musicales pour parvenir à de nouvelles formes d’expressions scéniques,
comme dans Cyrano d’après Edmond Rostand où sont retranscrits sans
artifices l’humour et l’émotion du texte. Un spectacle agrémenté de
chorégraphies, chansons et combats offrant une vision dynamique et
rythmée.
D’autres investissent le théâtre vivant grâce aux traditionnelles marionnettes,
à de nouveaux opéras, à du cabaret, du cirque et même à du mime.
L’important dans ce nouveau mouvement et d’y percevoir un théâtre qui
lutte et se diversifie pour survivre. Bien que même dans ces nouvelles
productions, héritées de la Commedia Dell’arte, il y ait toujours une partie
commerciale pour séduire un large public et une partie expérimentale,
conventionnée s’adressant d’avantage à un public de connaisseurs ; le
spectacle vivant à donner un nouveau souffle au théâtre et de nouvelles
possibilités aux salles qui peuvent ainsi diversifier leur programmation et allier
l’originalité du spectacle aux exigences économiques actuelles.
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IV) Le théâtre : un art du 21ème siècle
Le 21ème siècle marque une nouvelle étape dans le développement
de notre civilisation. Cette société conditionnée par la consommation et
endoctrinée par la pensée numérique, est celle que l’on peut associer à
l’instantanéité. L’apparition d’Internet dans chaque ménage, et l’accès à
l’information pour tous, ont nécessité le développement de nouveaux
secteurs tels que la communication aujourd’hui indispensable dans tous les
domaines, y compris dans celui du théâtre.
i) La communication culturelle : de nouvelles perspectives
Autour de la culture, la communication est bien particulière. Et que
cela soit dans un théâtre ou pour une galerie d’art, la forme n’est pas la
même. Voici le secret de cette communication du 21ème siècle : personnaliser
son message pour séduire une cible particulière.
La communication générale et culturelle, est apparue en réponse à la
récession économique qui a suivi les périodes prospères d’après guerre. Elle
est la solution pour attirer, (ou comme le veut notre époque : informer), les
clients potentiels. On revendiquera la transparence et on clamera haut et fort
l’instantanéité d’une information véridique, directe et universelle.
La communication culturelle a permis de rediriger les spectateurs vers les
salles et surtout de réinstaurer le dialogue vers le public. Cependant cette
dématérialisation, représentative de notre société a évidemment entraîné
une redéfinition de l’art ou du moins des attentes de l’assistance à son égard.
L’art s’est de plus en plus éloigné du monde des choses pour se déplacer vers
le monde de la perception. L’art sous toutes ses formes ne doit donc pas être
confondu avec la technique mais se rapprocher d’avantage de la
communication sous sa forme linguistique.
!!
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Comme elle, il suppose des producteurs et des récepteurs ; comme elle, il a
comme objet majeur de produire du sens, et comme elle, enfin, il est
inséparable de l’intersubjectivité humaine.
Pour traduire, d’ailleurs, se sentiment particulier lié à l’art, le terme de
communication paraissait erroné, on parlera donc d’avantage de médiation
culturelle pour la transmission de la sensation et de communication culturelle
pour la partie commerciale (promotion) autour de l’art.
Intéressons nous au principe complexe de médiation culturelle.
Selon le dictionnaire, la médiation consiste à « servir d’intermédiaire entre une
ou plusieurs choses». Le travail de médiation consiste alors à établir un
dialogue avec le public. Bien que la médiation s’opère dans tous les milieux
et dans de nombreuses situations différentes, en ce qui concerne la culture,
elle est par essence un processus de mise en œuvre sociale fédérant l’art et
le public dans le seul but d’apprendre et d’apprécier. Elle regroupe
l'ensemble des actions qui visent à réduire l'écart entre l'œuvre, l'objet d'art et
de culture, et les populations à qui cela est destiné. Aujourd’hui plus qu’un
mode particulier d’intervention d’une institution vers un public, elle tend à
devenir un véritable mode de régulation sociale.
Bernard Lamizet, professeur en Sciences de l’Information et de la
Communication à l’institut d’études politiques de Lyon dit « La médiation
culturelle ne s'inscrit pas seulement dans des pratiques et dans des œuvres :
elle s'inscrit aussi dans des logiques politiques et dans des logiques
institutionnelles. (…) La médiation culturelle fonde, dans le passé, le présent et
l'avenir, les langages par lesquels les hommes peuvent penser leur vie sociale,
peuvent imaginer leur devenir, peuvent donner à leurs rêves, à leurs désirs et
à leurs idées, les formes et les logiques de la création ».
La médiation culturelle est en effet, le moyen permettant d’ouvrir la culture à
une population qui n’a pas forcement reçu l’enseignement adéquat à sa
compréhension ou y est tout simplement indifférent. Il y a donc un impératif
politique lié à la médiation, puisqu’il s’agit bien pour le médiateur de tisser un
lien entre le culture et le public visé, en définissant les critères sociaux,
économiques ou géographiques qui les séparent, et d’en rendre ensuite
compte à l’institution public à laquelle il réfère.
!!
()!
La médiation culturelle veut utiliser la fonction éducative de l’art sous toutes
ses formes pour réunir et instruire le public. Pour Bourdieu* : « la culture n’est
pas un privilège de nature mais il faudrait et suffirait que tous possèdent les
moyens d’en prendre possession pour qu’elle appartienne à tous ».
La place de l’art et de la culture au sein de la République a connu un
bouleversement sous la présidence de François Mitterrand et sous l’impulsion
de son ministre de la culture Jack Lang. Grâce à lui on peut parler de
municipalisation de la culture. En 1998 la loi relative à la lutte contres les
exclusions, met en valeur le rôle éducatif de la culture, en prévoyant dans
son article 140 « l'égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la
pratique sportive, aux vacances et aux loisirs ». La fonction citoyenne de la
culture se révélant inscrit comme un « objectif national ».
La médiation culturelle apparaît à diverses occasions comme lors de la
conception du programme d’un théâtre, de la prévision d’une politique
culturelle d’une ville, de la gestion d’une salle, de l’organisation d’une
exposition ou encore d’un évènement. Quoi qu’il en soit c’est un processus
qui permet la mise en relation et surtout la réduction de l’écart entre une
personne et une œuvre, la communication comme l’action culturelle en fond
donc partie.
Nous nous intéresserons donc à cette communication et interaction avec la
médiation qui ont permis d’attribuer à l’art une nouvelle redéfinition de sa
fonction, en adéquation avec les attentes de notre époque.
La communication est un courant unilatéral de transfert de l’information qui
donne le ton de la structure ou de l’événement, elle comprend tous les
moyens mis en œuvre pour faire passer l’information. Elle permet alors de
faire connaître, d’accroitre la visibilité et d’assurer la promotion d’un
établissement ou d’un événement. Le théâtre comme les autres formes d’art
a utilisé et adapté la communication à son domaine pour lutter contre cette
crise qui touche également le secteur de l’art.
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Dans la culture, l’art du communicant est alors de faire croire au public qu’il
sait déjà une partie de ce qu’il lui dit. Pour être compris par son public, il ne
faut laisser transparaître ni doute ni nuance dans l’exercice de la
communication : l’information doit être brève, claire et efficace. Dans le
domaine culturel cette communication qui a pour but de « donner envie
d’aller voir » est assez récente (premier service de communication en 1970
au Musée des Arts décoratifs) mais a pris une nouvelle ampleur avec l’ère du
tout numérique. Aujourd’hui, indispensable, elle permet de maintenir le
théâtre à flot en fondant, non seulement une identité autour de chaque salle,
mais surtout en informant le spectateur là ou il se trouve. Le but de
communication est alors bien de faciliter non seulement l’accès à l’art mais
de manière plus général l’accès à l’information.
En ce sens, médiation et communication culturelle, font partie des
reconversions qui ont permis au théâtre de perdurer malgré une situation
économique difficile.
!!
(O!
j) l’évènementiel au service du théâtre
L’évènementiel occupe une place centrale dans les stratégies de
communication actuelles. Quelle que soit la nature de l’offre artistique et
culturelle, l’évènementiel est entré dans l’ordinaire régi par l’obligation d’une
visibilité médiatique. « La communication événementielle repose sur la
création d’événement ayant pour vocation la captation d’un public choisi.
Composée d’une série de techniques marketing propres à la création
d’événement, la communication événementielle a pour objectif la
promotion d’une marque, d’une enseigne ou d’un produit au travers d’une
mise en scène singulière qui confère à l’ensemble un caractère d’exception »
(Stratégies.fr)
Aussi bien à destination d’un public ciblé que des médias, la communication
événementielle se distingue par son caractère dynamique et sa brièveté
dans le temps (contrairement aux principes de l’exposition pure et simple
davantage installée dans la durée). L’événement permet une plus large
visibilité, il fait en quelque sorte : le buzz. En effet, des évènements de grande
ampleur permettent de rassembler au même endroit plusieurs métiers, des
professionnels mais aussi des novices, et de présenter dans un contexte
convivial des nouvelles méthodes.
Alors que la majorité des petits évènements sont commandités par des
entreprises ou marques, les arts comme le théâtre ou la musique ont
tendance à organiser de grands évènements annuels ou presque, qui au fur
à mesure des années attirent de plus en plus de personnes. Simples curieux,
professionnels ou amateurs, néophytes ou adeptes, se rassemblent dans une
situation différente des petites représentations habituelles. D’autant plus qu’a
travers ce genre de manifestations, ce sont non seulement les théâtres et
compagnies locales qui peuvent se faire connaître mais également les
troupes venues d’ailleurs. Un véritable rassemblement artistique donc, qui
permet d’attribuer une plus grande visibilité au domaine concerné.
!!
)P!
Prenons l’exemple du Festival annuel national de théâtre d’Avignon. Fondé
en 1947 par Jean Vilar à la suite d’un rencontre avec le poète René Char, il a
lieu chaque année en juillet dans la cour d’honneur du Palais des papes et
dans de multiples théâtres d’Avignon. En plus de soixante ans, c’est
incontestablement devenu la plus importante manifestation de l’art théâtral
et du spectacle vivant en France. Par son nombre de créations et de
spectateurs, c’est l’une des plus grandes et plus anciennes manifestations
artistiques décentralisées.
En 1980 Bernars Faivre d’Arcier reprend les reines du Festival pour lui donner
un nouvel élan. Sous sa direction (1980-1984 / 1993-2003) et celle d’Alain
Crombecque (1985-1992) le festival professionnalise sa gestion et accroît sa
notoriété internationale. Il développe également sa production théâtrale (car
les pièces présentées lors du festival sont la plupart du temps, écrites pour ce
dernier) et multiplie les grand évènements, à l’images du Mahâbhârata de
Peter Brook en 1985 ou du Soulier de satin par Antoine Vitez en 1987. Le Off
s’institutionnalise également et se dote en 1982 sous l’impulsion d’Alain
Léonard d’une association Avignon Public Off, pour la coordination et
l’édition d’un programme exhaustif des spectacles du Off. Le Festival
d’Avignon devient en peu de temps le reflet du théâtre militant.
Néanmoins, en 65 ans les choses ont bien changé :
- d’une semaine à l’origine, avec quelques spectacles, le festival se
déroule désormais chaque été pendant 3 à 4 semaines.
- Le festival a étendu ses représentations à d’autres lieux que la mythique
cour d’honneur du Palais des Papes, dans une vingtaine de sites
aménagés pour la circonstance, et chaque année de espaces sont
ouverts.
- Depuis son commencement Avignon est un festival de création
théâtrale contemporaine. Il s’ouvre peu à peu aux arts vivants comme
le font les salles de théâtre. On y compte aujourd’hui la danse
contemporaine avec notamment Maurice Béjart dès 1966, le mime, les
marionnettes, des spectacles différents : du musical à l’équestre
(Zingaro), mais également les arts de la rue ....
!!
)"!
Malgré tout, l’ambition initiale du festival de réunir en un lieu le meilleur du
théâtre français n’a pas changé. Elle s’est même élargie au fil des années,
pour atteindre une audience internationale avec un nombre croissant de
compagnies programmées (françaises et étrangères).
Selon Robert Abirached *, le festival a perdu de sa force emblématique. Mais
quoi qu’il en soit il demeure un rendez-vous incontournable pour toute une
profession, tandis que la crise frappe les compagnies les poussant à trouver
public et programmateurs. La communication, ici sous sa forme
évènementielle est donc bien une solution efficace que le théâtre, comme
les autres formes d’art, a trouvé, pour faire face et continuer à susciter chez le
public, l’envie de culture et de réflexion.
!
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k) Les politiques culturelles au centre de la dynamique théâtrale
Comme dit précédemment, la présidence de François Mitterrand a
permis d’attribuer à l’art une nouvelle dimension. Véritable domaine
éducatif et citoyen, la culture a pris tout son sens. Bien que l’installation de
politiques culturelles ait commencé depuis la séparation entre le
gouvernement et l’église, la politique culturelle française a réellement pris son
envol avec la création du ministère des Affaires culturelles en 1959 par André
Malraux*. La culture prend part entière dans l’action gouvernementale, et le
nouveau ministère centralise les différentes administrations. Puis, à partir des
années 1970, le secteur culturel se développe, la notion de diversité émerge,
le provincialisme culturel est combattu par l’apport d’un enseignement plus
moderne dans ces mêmes provinces et le modèle culturel français tente de
se protéger de la mondialisation.
Selon Jean-Michel Djian**, « la politique culturelle est une invention
française », née « d'une préoccupation constante des pouvoirs
monarchiques, impériaux ou républicains de s'accaparer, au nom d'une
mystique nationale, la protection d'un patrimoine artistique et par extension
d'encourager ce qui le deviendra ».
La conception d’un pouvoir d’intervention d’autorités de l’art et de la
création, paraît encore aujourd’hui légitimée par la place centrale que
donnent à la culture les Français dans les priorités politiques. Selon les
époques, les actions de la politique culturelle s’inscrivent dans divers enjeux :
constitution d’une culture nationale, défense de la diversité culturelle, soutien
aux créateurs contemporains,....
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!!
)%!
Cependant aujourd’hui cette « industrie de l’art » (et non « marchandisation »
comme le rétorquent les politiciens chargés de la culture) est pointée du
doigt et remise en question par les professionnels de la culture eux-mêmes.
L’avenir de la culture soumise de plus en plus à l’avidité du monde industriel
est un thème récurent qui alimente l’inquiétude de ses artistes.
L’ouvrage, commandité par le ministère de la culture à l’occasion de ses 50
ans, Culture & médias 2030, permet de montrer que malgré les défauts
associés à l’avènement d’Internet, celui-ci a permis de donner un nouvel
élan à l’Art. Bien que le Numérique nous engage dans de multiples
transformations de la culture, il confirme que cela procurera à l’art un avenir
incontournable pour qui saura s’approprier l’outil. De même que l’Imprimerie
a offert à l’Ecriture, un formidable moyen de vulgarisation et de diffusion des
textes, le support électronique propulse l’Art moderne et son théâtre en
avant à la vitesse toujours grande des transmissions d’aujourd’hui. En 180
pages, l’ouvrage « n’a pas la prétention scientifique mais est nourri d’une
exigence de rigueur et de cohérence. S’il porte une ambition, c’est celle
d’aider à penser l’avenir pour favoriser l’élaboration de stratégies par les
acteurs publics et privés » affirme Guillaume Boudy, secrétaire général du
ministère.
A partir des visions de beaucoup d’acteurs du monde culturel, la finalité du
raisonnement, mis en lumière par cet ouvrage, est bien la réduction des
inégalités, l’affirmation de la place de chaque art, la pluralité culturelle, le
développement des collectifs et surtout l’indépendance de chaque
domaine artistique comme le Théâtre. Tout cela passe alors pas la définition
de l’action publique, fédérant enfin les rôles de l’Etat et des collectivités
territoriales en une volonté « nationale » comme le veut le principe de
décentralisation politico administratif présenté dans les lois Lang de 1982 et
1986. Ces lois fondamentales dans l’histoire culturelle française ont facilité
l’ouverture de la culture en permettant à de petites salles locales de
programmer des shows à forte notoriété (le Centre culturel de la ville de
Bergerac (Dordogne) a ainsi pu accueillir une représentation de Cyrano de
Bergerac dont le rôle principal était tenu par Jacques Weber).
!!
)&!
Ainsi donc, la politique culturelle, assurant autrefois la légitimité des domaines
artistiques, est mise en péril, trahie par son besoin de domination. Néanmoins
les siècles de militantisme des différents arts (et en particulier du théâtre), pour
garder leurs droits, ont laissé des traces.
Aujourd’hui encore et malgré la menace d’un pouvoir de plus en plus strict,
la culture ne cesse de lutter pour son indépendance. La politique culturelle
est en un sens un atout pour l’art, en lui attribuant un statut officiel avec un
pouvoir au niveau politique, mais les militants doivent continuer de défendre
leur art, emblématique de cette liberté d’expression que la France
revendique constamment.
!!
)'!
Conclusion de la deuxième partie :
Le Théâtre du 21ème siècle pourrait donc bien être surnommé : le Théâtre du
Renouveau. Adoptant de nouvelles formes, utilisant un langage différent, il
s’adapte à ce dernier millénaire, synonyme de changement. Alors que le
Numérique prend de plus en plus de place, qu’Internet se popularise, que
l’information devient instantanée et que de nouvelles technologies font leur
apparition, le Théâtre se joint à cette nouvelle époque du Mouvement. Le
spectacle vivant apparaît, mélangeant et entrelaçant les arts, pour obtenir
de nouvelles créations.
Au fil des siècles, le Théâtre a toujours suivi, subi, cautionné et parfois mené les
changements, voire bouleversements sociaux. Or, de nos jours, véhiculé par
l’instantanéité de l’information et cette fois-ci soutenu par les pouvoirs
publiques qui prévoient des politiques culturelles importantes, l’Art parle à
voix haute !
Il développe son rôle éducateur et citoyen pour rassembler le public autour
d’un art en développement. Avec une communication emblématique de
notre époque, et des évènements de grandeurs internationales, le Théâtre et
les autres formes d’art s’unissent et luttent pour un avenir plus radieux. La
période n’est pas facile, et pour garder son indépendance la culture doit
faire face. Mais soutenue par son public, qu’elle tente toujours d’amener à
l’élévation spirituelle, et ses nombreux militants qui repoussent sans cesse les
limites de la création, le théâtre et plus généralement l’art, a intégré le 21ème
siècle non comme une pratique désuète mais comme le moteur d’une
nouvelle ère artistique.
!!
)(!
3ème Partie : Face à la menace, comment un théâtre régional peut se maintenir? Cas du Théâtre Fémina de Bordeaux
Nous avons vu dans les parties précédentes comment le théâtre en tant
que pratique et industrie a réussi à faire face à la crise de l’art. Nous nous
appuierons dans cette partie sur un cas réel, celui d’un des plus vieux
théâtres de Bordeaux, le Théâtre Fémina. Touché comme les autres par une
situation difficile, il s’est reconditionné, mais d’autres solutions de
communication se présentent à lui pour faire face.
I) Le Théâtre Fémina, un pôle culturel encré dans le paysage bordelais.
a) Présentation du théâtre
Créé en 1921, le Théâtre Fémina fait
partie des plus vieux bâtiments de
Bordeaux. Sa première vocation fut celle
d’un théâtre traditionnel mais également
celle d’une salle de spectacle, double casquette assez rare pour l’époque
mais qui lui permit d’accueillir les plus grandes célébrités de ce temps. A la
montée du cinéma dans les années 30-40, il est rapidement devenu une des
plus grande salle de cinéma de Bordeaux. Fort d’une identité inébranlable, le
Fémina résiste aux fléaux qui frappe les salles dans les années 70 : la
transformation en complexes cinématographiques.
Tout en restant fidèle à son esprit traditionnel, le théâtre se voit contraint de
faire de nouveaux réaménagements pour suivre son époque. La façade et
l’accueil sont alors remis au goût du jour. La salle de 1200 places, jusqu'alors
peinte dans les tons crème et or, décorée de pilastres à chapiteaux dorés
encadrant de grands panneaux à fond vert, est rénovée scrupuleusement
dans le respect de l’œuvre initiale de J.Artus. Les fauteuils sont restaurés et
habillés d’un nouveau et vif velours rouge.
!!
))!
Sur les modèles italiens, G.Laree (aidé de Edmond Tuffet pour les sculptures)
avait représenté au plafond, sur la coupole, l’apothéose de Pierrot, où danse
et musique modernes sur fond, rappellent l’esprit du Fémina. Avec son
mélange de styles dosant adroitement le Louis XVI et les réminiscences de
l’Art nouveau, le Théâtre Fémina reste encore l’un des derniers beaux
exemples de décor éclectique.
Temple donc du cinéma pendant plus d’un demi –siècle l’année 1977 voit la
concrétisation d’un accord avec la Mairie de Bordeaux. Grâce à cet union,
l’extension de la scène, des loges et de la fosse d’orchestre devient enfin
possible permettant à cette élégante et confortable salle de revenir à ses
premiers amours scéniques. Il redevient en peu de temps un lieu de rendez
vous du monde culturel bordelais où il est possible de voir de multiples
spectacles (opérettes, danse, musique, théâtre...) et accueille aussi les
répétitions du ballet du Grand théâtre de Bordeaux qui lui attribue le prestige
qui lui manquait.
b) Zoom sur le directeur Michel Goudard et son entreprise
« Michel Goudard ou « l’homme spectacle »
est un ‘accro’ de la scène et des paillettes
depuis plus de 30 ans. Directeur du Théâtre
Femina et créateur de la société Euterpe
Promotions, il a voué sa vie aux spectacles
sous toutes les coutures. Producteur, tourneur
& organisateur de concert, gérant ou encore
défenseur, il est aujourd’hui un pilier du
spectacle vivant en France, découvrons l’homme derrière le géant.... » (cf
interview de Michel Goudard en annexe).
Aujourd’hui membre du PRODISS, l’union du spectacle musical et de variété,
Michel Goudard fait partie des 300 entrepreneurs qui soutiennent et
protègent l’industrie du spectacle vivant.
!!
)*!
Toujours attiré par ce monde de paillettes, c’est en 1977 que Michel
Goudard fiat ses premiers pas dans le monde du spectacle grâce à son
association de type loi 1901 « Taj Mahal Spectacles ». Forte de son succès,
cette association deviendra en 1981 la SARL Euterpe Promotions, rendant
hommage à la musique en reprenant le nom de sa muse. La SARL assure la
promotion et l’organisation de manifestations artistiques sur le grand Sud
Ouest : concert, spectacle, patinage, humour, cirque, pièce de théâtre,
festival, opéra, opérette, comédie musicale, spectacles pour enfants,
manifestations sportives, spectacles équestres, ....
Euterpe promotions a développé un savoir–faire dans tous les domaines du
spectacles vivants et programme aujourd’hui 300 spectacles qui accueillent
environ 500 000 spectateurs.
Peu à peu la société se diversifie, intégrant sa propre billetterie (BOX OFFICE),
sa création audiovisuelle avec WELL PROD et accompagne même les
artistes débutants avec le label ALHAMBRA PRODUCTIONS.
En 2004, Michel Goudard par le biais d’Alhambra Productions a repris la
direction et la gestion du Théâtre Fémina avec pour objectif d’offrir au public
bordelais des spectacles variés et de qualité. La reprise du Fémina par Michel
GOudard, lui a donné un nouveau souffle. Théâtre, humour, variété, chanson,
comédie musicale, opéras, chœurs, orchestre, ballet, slam, R&B, jazz, danse,
le théâtre accueille tous les types d’évènements dans une salle dotée de
1125 places.
!!
)O!
c) Point fort du Fémina
Le Théâtre Fémina est une salle incomparable en plein cœur de
Bordeaux. Son ambiance feutrée, son acoustique unique, et cette proximité
entre le public et les artistes permettent d’en faire un rendez incontournable
du monde culturel aquitain. De plus, en tant qu’un des plus vieux théâtre de
Bordeaux et grâce à son agencement à l’italienne, il constitue un lieu
apprécié par les artistes et le public, ravivant en eux la magie du théâtre de
leur enfance.
Grâce à la direction de Michel Goudard et à la passion de Jean Pierre Gil
(propriétaire des murs), le théâtre Fémina peut se vanter d’avoir une
programmation éclectique et donc un large public.
En plusieurs décennies, il a accueilli des artistes renommés tel que Barbara,
Fabrice Lucchini, Richard Berry, Pierre Arditi, Judith Godrèche, Jacques
Villeret, Michel Serrault et bien d’autres. Mais l’atout du Théâtre Fémina est
bien d’être dirigé par une équipe de passionnés qui a permis de donner sa
chance à la nouvelle scène et de participer au succès des plus grand
comme Thomas Fersen, Julie Ferrier, Camille, Vincent Delerm, Elodie Frégé,... Il
est donc partie prenante de la diversité culturelle de Bordeaux et assure une
programmation qualitative, dans une ambiance conviviale.
Ainsi donc grâce à sa position géographique centrale, à son équipe dans
l’air du temps, à une identité forte, à une salle extraordinaire et à un
engagement de toujours, le théâtre Fémina, perdure dans le paysage
Bordelais. Cependant le contexte économique, accentué par la
concurrence accrue dans les villes de provinces, force le théâtre à lutter pour
sa survie.
!!
*P!
II) Le Fémina lui aussi a décidé de lutter.
d) Situation actuelle, la course à FIMALAC
Le Théâtre Fémina comme de nombreuses salles françaises se voit
confronté à la dure loi du marché. Obligé d’augmenter le prix des billets
pour couvrir des frais de programmation de plus en plus astronomiques, le
théâtre privé est victime d’une chute de la fréquentation depuis quelques
années. Alors que le secteur public peut continuer sur sa lancée créative et
même absorber des déficits, le privé a le couteau sous la gorge. Pour
continuer à vivre, ces petites salles (souvent dans les villes de provinces), se
voient forcées à se réorganiser. Pour certaines, cela ne suffit pas et elles
doivent s’abandonner aux grands groupes financiers comme Fimalac.
Sur l’exemple des promoteurs américains qui réinvestissent Broadway,
rachetant peu à peu les salles qui n’ont plus assez de ressources pour vivre,
ces gros fonds financiers conditionnent le spectacle du 21ème siècle. Le
phénomène est malheureusement présent partout : à Broadway Clear
Channel et Disney tiennent les ficelles, en Angleterre Live Nation contrôle
l’industrie de la musique et en France Fimalac prend de plus en plus de place
dans le monde du divertissement et impose ses prérogatives de spectacle-
business, sans pitié pour tout ce qui n’est pas assez rentable : la loi financière
ne fait pas de cadeau !
Fimalac, ou Financière Marc Ladreit de Lacharrière est une société holding*,
fondée et dirigée par le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière. Elle
développe trois pôles d’activités : les services financiers avec Fitch Group, les
activités immobilières avec North Colonnade Ltd. et les investissements
diversifiés avec Fimalac Développement. Cette dernière partie, dirigée par
Véronique Morali, investit dans des entreprises disposant d'un fort potentiel et
d'un bon positionnement concurrentiel.
!
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!!
*"!
Fimalac Développement a récemment fini d’acquérir la globalité de la
société Vega (leader français de l’exploitation de salles dédiées aux
spectacles, aux sports et aux manifestations économiques et
évènementielles), mais également 40 % dans la société de production de
Gilbert Coullier (premier producteur de spectacles, concerts, comédies
musicales et exploitant de salles de spectacles) et 40 % de Auguri
(producteur de spectacles).
Cette société grandissante fait de l’ombre aux petites productions locales qui
luttent pour leur survie. Avec de gros budgets (FIMALAC représente un chiffre
d’affaire d’environ 610 millions d’euros en 2010) des sociétés comme celle-ci
peuvent se permettre d’assurer un avenir paisible aux salles et de prendre en
charge les frais exorbitants que l’industrie du divertissement demande.
Michel Goudard fait partie des acteurs du monde du spectacle qui refusent
de céder à la dictature de telles firmes. Bien qu’il reste catégorique quant à
son refus de céder son théâtre à Fimalac, ce producteur engagé ne peut
empêcher le géant d’acheter d’autres salles concurrentes qui acquièrent
alors un plus grand pouvoir. La programmation de la patinoire de Bordeaux
Mériadeck (sous le contrôle de la société d’Axel Vega), par exemple, relève
normalement, exclusivement, de la direction d’Euterpe Promotions, mais
depuis l’achat de Vega par Fimalac, non seulement Euterpe Promotions n’est
plus le seul programmateur mais en plus elle perd certains spectacles ; la
patinoire les produit directement. Egalement instigateur du projet de
création d’une immense salle de spectacle, l’Arena, Fimalac, fait de l’ombre
à tous les acteurs culturels de la ville. Alors que la « belle endormie » tente de
se changer son image avec des manifestations de grande envergure et une
ouverture laborieuse à l’Art, des sociétés comme Fimalac condamnent ses
efforts.
Pour faire face le théâtre Fémina et les autres salles, se reconditionnent et
croisent les doigts pour continuer à survivre.
!!
*#!
e) Diversification et plaisir comme mots d’ordre
Le Théâtre a la chance, à contrario d’autres salles de la même époque,
d’avoir été conçu dès le début comme un véritable lieu de spectacle et non
comme un simple théâtre classique. Avec des fauteuils de face (pas de
balcon de côté) et une organisation acoustique efficace, le Théâtre peut
accueillir tous les représentants du spectacle vivant ou presque. Son
ambiance conviviale et mystique apporte même une valeur supplémentaire
à certains shows (la chanteuse à la voix rauque Imany a demandé de jouer
spécialement dans cette salle afin de donner plus de profondeur à son style
de musique).
Mais pour faire face à la crise qui induit une diminution sans précédent du
nombre de billets vendus (moins 278 879 billets entre Juillet 2009 et Juillet
2011), les petites salles sans subvention comme le Théâtre Fémina, ont du faire
preuve d’ingéniosité.
Ce dernier a tout d’abord exploité cette diversité artistique, en programmant
des spectacles plus rentables comme des One Man Shows avec une
préférence pour des spectacles comiques, mais aussi des récitals de
chanteurs en encore des œuvres classiques remises au goût du jour.
D’autant plus qu’avec le peu d’installation scénique que ce genre de show
demande, la salle peut économiser sur les frais techniques. Il s’agit alors de
proposer des évènements qui marcheront, sans que cela demande
beaucoup de budget. La clef est de proposer des événements
correspondant à la cible déterminée en amont. Le public du théâtre
d’aujourd’hui est assez aisé pour se moquer du coût élevé du divertissement,
assez libre pour s’y rendre et assez passionné pour y aller plusieurs fois. Le
public idéal semble bien être celui des citadins, entre 45 et 70 ans, qui prend
le temps de se faire plaisir. C’est ainsi que la programmation des salles
comme le Femina s’organise autour d’artistes comme Michel Leeb, Gérard
Lenorman, Le Boléro de Ravel...
!!
*%!
L’équipe du Femina propose donc un panel de programmation
volontairement éclectique accueillant alors un public passionné et exigeant,
prêt à mettre le prix pour suivre son idole et des spectateurs plus jeunes,
intéressés par de nouvelles sorties culturelles. C’est ainsi que les humoristes
sortis des émissions télévisuelles comme « On n’demande qu’à en rire » de
Laurent Ruquier par exemple, les jeunes chanteurs à talent ou la danse
contemporaine investissent les petites scènes françaises,
De plus, en accord avec les productions, Euterpe promotions et son équipe
tente de réduire les coûts sur chacun des spectacles, afin de perdre le moins
d’argent possible. La nuance est là, alors qu’auparavant les salles étaient
sûres de faire du bénéfice, aujourd’hui elles tentent simplement de limiter les
pertes. C’est ainsi que de nouveaux statuts sont apparus pour ces salles,
destinés à répartir les coûts. D’organisatrices, les salles sont passées co-
productrices et parfois même seulement loueuses de leur salle. De cette
façon, elles accueillent la manifestation sans dépenser d’argent, mais n’ont,
en contre partie, aucun pouvoir décisionnel.
Ainsi donc, que cela soit au niveau de la programmation qui laisse peu de
place au véritable théâtre, de moins en moins populaire, ou en changeant
les contrats d’organisation ; le Théâtre Fémina s’adapte à une loi du marché
stricte, qui l’oblige alors à faire du rentable plutôt que de la qualité.
!!
*&!
f) Une communication déjà efficace.
Le maintien à flot du Théâtre Fémina et de sa société Euterpe Promotions
est aussi réussi grâce à sa communication efficace et diversifiée.
En effet, malgré sa petite équipe d’une dizaine de personnes l’entreprise est
un pôle dynamique, qui possédait son propre service de communication bien
avant que de grosses entreprises aient conscience de l’importance de ce
nouveau domaine de compétence. Nathalie Barrière, directrice
communication pour le théâtre Fémina et la société Euterpe Promotions sur
Bordeaux travaille aux côtés d’autres attachées de presse accréditées à
d’autres régions (car Euterpe Promotions, programme des spectacles dans
tout le Sud Ouest). Cette équipe de communicants de terrain est en charge
de la valorisation des évènements et de la mise en place d(une
communication efficace afin de promouvoir chaque spectacle. Evidement
suivant le type de contrat associé à chaque concert, shows,... la
communication est différente. En effet, elle s’adapte non seulement au
genre de spectacle, à la cible de spectateurs potentiels mais aussi au
montant de prise en charge des frais par la société.
Cette équipe d’attachées de presse, présents dans la société depuis ses
débuts, est aujourd’hui réputée dans le monde du spectacle pour ses
compétences. Le succès des spectacles qui leur sont confiés est assuré par
tous les moyens et les supports de communication :
1. Affichettes en magasins
2. Affichage Réseaux 4/3
3. Flyers
4. Relations presse
5. Mailing
6. E-mailing
7. Evénements promotionnels...
!!
*'!
En faisant preuve d’imagination et de professionnalisme, l’équipe de
communicants permet au Théâtre Fémina non seulement d’avoir une image
propre et reconnue à Bordeaux, mais également d’assurer la vente de place
de ses spectacles. Plus qu’une valeur ajoutée, la communication est une
véritable atout pour la salle et l’entreprise, surtout en temps de restrictions
budgétaires.
g) Amélioration et refonte de la stratégie de communication : objectifs à atteindre.
Nous avons vu précédemment comment le monde du théâtre lutte pour
son devenir, mais également comment le Théâtre Fémina parvient à
épargner quelque peu sa situation de salle de spectacle à Bordeaux.
Cependant, la crise de l’Art gronde de plus en plus, à tel point que même les
salles subventionnées se voient mises en péril. Alors que le gouvernement
revendique l’importance du la culture, les « cultureux » n’ont plus confiance
et se méfient. En attendant une période plus prospère, les salles de spectacle
se reconditionnent, diminuent au maximum leurs frais et tentent de survivre
coûte que coûte ; après tout le Théâtre a connu pire.
Malgré tout, il subsiste un problème. Les directeurs, qui semblent avoir envie
de s’en sortir, ne mettent pas tout en œuvre pour aider leurs salles. La plus
part du temps, ils refusent le changement et campent sur leurs positions en
attendant des jours meilleurs. Dans le cas contraire, ils se vendent à de plus
grosses sociétés comme Fimalac.
L’époque dans laquelle nous vivions est créative et innovante. Le numérique
donne de nombreuses possibilités, souvent gratuites, et ce nouvel outil qu’est
Internet facilite considérablement l’échange d’informations et le contact. Le
Théâtre Fémina comme les autres, doit se reconvertir et prendre la décision
de changer pour retrouver sa place centrale du monde culturel bordelais.
En effet, afin de se repositionner et de faire face à la crise, ce magnifique lieu
doit mener combat et ne pas rester impassible.
!!
*(!
Le but premier d’une refonte de la stratégie du Théâtre Fémina est bien de
vendre plus de places de spectacle et donc de retrouver une situation
financière stable. Il ne s’agit pas de mettre la diminution de recettes sur le
dos de la crise mais bien de trouver des solutions pour réduire l’impact d’une
situation économique difficile sur cette salle.
Une réévaluation et de nouvelles méthodes permettront à cette organisation,
déjà très efficace, de prendre un nouveau départ et de rapporter plus au
Théâtre Fémina, à sa société Euterpe Promotions et par conséquent à
chaque maillon de cette entreprise dynamique, conviviale et efficace.
Le but second d’une telle démarche, après celui de réattribuer une situation
économique stable au Théâtre Fémina est d’utiliser ce pôle central du
paysage culturel bordelais, pour redonner envie aux aquitains de s’intéresser
à la culture. La mise en place d’un programme d’actions culturelles
efficaces, permet aux spectateurs de renouer avec la culture et peut être
de prendre conscience du plaisir qu’un spectacle procure. Plus que de
résoudre une difficulté ponctuelle, il s’agit d’agir sur un problème de fond : le
désintérêt du public pour l’Art.
Bordeaux s’ouvre et se diversifie en organisant des manifestations innovantes
(EVENTO) et en attribuant une plus grande place à l’art. La « belle endormie »
n’est plus ce qu’elle était. Il faut donc profiter de ce mouvement général
pour placer le Fémina au centre de cette dynamique et participer à cette
démocratisation de la culture à Bordeaux. Le but d’une telle démarche étant
bien de mettre en valeur l’action du Théâtre Fémina et de son équipe sur du
court terme mais également de mettre en place une engagement citoyen
en faveur de la culture sur du long terme.
!!
*)!
III) Les solutions pour optimiser la situation du théâtre et renforcer sa réputation dans le monde culturel
h) Une refonte stratégique à 360°
Pour faire face à cette crise, le Théâtre Femina, doit comme ses
confrères, se doter d’un plan d’action personnalisé et innovant. L’important
pour celui-ci est de se réattribuer une image claire, que le public pourra
associer. Une meilleure communication et une définition stricte des objectifs
et pistes à suivre, permettront au Théâtre Fémina de se reconstruire une
image et une place dans le monde culturel bordelais.
Fidélisation des clients
L’important pour le Théâtre Fémina est de parvenir à regagner le cœur de ses
spectateurs. S’adressant principalement à un public entre 45 et 70 ans, aisé
et souvent adepte de culture, le Théâtre Fémina doit mettre en valeur et
fidéliser ses membres actifs.
Tout d’abord il apparaît essentiel d’adopter une communication unique à
leur égard, en mettant en place des avantages, à venir voir régulièrement,
les spectacles du Fémina. Une carte d’abonnement sur le principe du théâtre
du TNT à Toulouse, permettrait aux adhérents de payer un montant fixe au
début d’année correspondant à un nombre de spectacles donnés, le
montant de l’engagement correspondant à la quantité annuelle choisie et
non au type de spectacle. Un engagement par trimestre serait également
possible. En tant que clients fidèles, il serait normal que les nouvelles mises en
vente leurs soient communiquées avant tout le monde. Dans cet esprit de
fidélisation, ces clients privilégiés pourraient profiter d’un tarif préférentiel,
durant le mois de leur anniversaire, sur un spectacle produit par Euterpe
Promotions mais dans une autre salle. Renforcer le lien avec les clients les plus
fidèles est essentiel, non seulement pour l’image du Fémina qui sera
améliorée par ce service mais surtout pour instaurer une relation de proximité,
appréciée par le public.
!!
**!
Réattribution d’une image.
Dans un second temps, il paraît primordial pour cette salle de replacer son
image dans le paysage culturel aquitain. Aujourd’hui floue, la remise à
niveau du Fémina passe forcement par une redéfinition de son image. Les
gens, à la pensée de cette salle, doivent savoir quoi y voir et pourquoi y aller.
Ainsi donc, bien qu’il soit normal de programmer les spectacles qui
marcheront, il est important pour le Théâtre Fémina de produire une gamme
étendue.
Une salle peut aussi s’associer à un genre de spectacle bien déterminé
(comme Le Comptoir du Jazz qui est connu pour son ambiance et sa
clientèle de connaisseurs jazzy- blues) afin de privilégier la qualité en se
spécialisant dans un genre précis et devenir alors une référence dans ce
domaine, mais cela est compromis pour les salles privées. Cependant, si l’on
choisit de produire des spectacles aussi différents les uns des autres, il faut
s’engager à avoir une programmation totalement éclectique. Hors, le
Théâtre Fémina se cantonne à des spectacles de variétés. Pour maintenir
sons image de pôle culturel dynamique et ainsi attirer curieux et
connaisseurs, il devrait accueillir d’avantage de jeunes talents (en faisant
profiter les gens de tarifs préférentiels) et programmer des spectacles de tous
genres. Le théâtre, aujourd’hui moins rentable, a d’ailleurs été supprimé de
la programmation du Fémina ou presque, or quitte à accueillir de petites
compagnies à coût mesuré, le Fémina doit continuer de faire ce pourquoi il a
été conçu. Une diversification de la programmation est primordiale mais de
manière globale, c’est en prenant en compte tous les types de spectacle.
C’est d’ailleurs autour de cette image que le Fémina doit communiquer en
parallèle de la promotion de ses spectacles. . Une petite partie budgétaire
pourrait être dégagée dans ce but ou bien encore utiliser les partenariats
médias pour redonner au Fémina l’image d’une salle ouverte accueillant
tous les types d’arts. En plus de la plaquette déjà mise en place, chaque
occasion (Vœux, anniversaire, changement de programmation...) est bonne
pour faire parler du Fémina et accroitre sa visibilité. Quand il aura regagné la
reconnaissance des artistes eux-mêmes, il séduira le public.
!!
*O!
Diversification des compétences pour se rapprocher du public.
Afin de toucher un plus large public, le Théâtre Fémina en tant que salle
devrait diversifier son action. Développer un service de mise à disposition de
la salle pour des colloques, réunions d’entreprise ou autres, permettrait non
seulement à la salle de se faire connaître par de nouveaux spectateurs
potentiels mais surtout de diversifier ses sources de revenu. En effet, la
location de salle pour des évènements privés est une action peu couteuse et
très fructueuse. D’autant plus, qu’après étude de ce genre de service à
Bordeaux (dans l’une de mes études de cas), je peux affirmer qu’il y a un
manque considérable de salles assez grandes et prévues à cet effet, encore
moins avec un tel cachet chargé d’histoire.
De plus, le théâtre Fémina devrait s’ouvrir au public. L’organisation de
journées portes ouvertes permettrait au public de se familiariser avec cette
fantastique salle au décor prestigieux. Il est important d’exploiter le rôle
éducateur de l’art. Ainsi donc l’organisation de journées pour les enfants,
leurs permettraient de se familiariser avec la musique ou encore le théâtre.
Des ateliers avec des compagnies et orchestres locaux pourraient être
proposés aux écoles primaires mais aussi aux collèges ou encore aux centres
d’enfants en difficultés ou handicapés. Ainsi donc le théâtre Femina
diversifierait son action tout en améliorant son image.
Enfin, l’organisation de scènes ouvertes permettrait d’utiliser la partie
Alhambra Productions et de permettre à des artistes de faire leurs débuts sur
scène. Dans ce genre de manifestation à succès, c’est une relation unique
qui unit le public et l’artiste. Le phénomène du bouche à oreille, permet
ensuite à la salle d’accueillir un public d’amateurs, à moindre prix, pour voir
des représentations uniques, le tout pour une dépense négligeable.
Une diversification des sources de revenus et une véritable ouverture au
public, grâce à son rôle éducateur, amélioreraient la situation et l’image du
Théâtre Fémina.
!!
OP!
S’imposer activement dans le paysage culturel.
Enfin, avec un directeur au Prodiss et des gens passionnés à sa tête, le
Théâtre Fémina doit s’affirmer. Dans cette même logique de diversification et
d’ouverture à l’action culturelle, il doit s’engager aux côtés des scènes
publiques qui luttent pour la culture et l’amélioration des politiques culturelles.
C’est ainsi, que le Fémina doit ouvrir ses portes aux manifestations d’ampleur
régionale et nationale. Au côté d’autres salles, ceci est possible en se plaçant
au centre d’une dynamique culturelle engagée.
L’organisation d’un événement mettant en valeur les arts de la scène à
Bordeaux, serait l’occasion de redynamiser l’image du Fémina. En plus de
nombreuses représentations à l’instar de compagnies locales et d’actions
bénévoles, Michel Goudard de par sa fonction d’entrepreneur culturel
pourrait, avec d’autres confrères, organiser des réunions interculturelles, pour
discuter du Théâtre, du spectacle vivant et de leur avenir ensemble. Le
Théâtre deviendrait alors non seulement un lieu ouvert à la culture, mais
également dédié à l’art !
Le Théâtre Fémina doit se placer comme un pôle influent et déterminant
dans la politique culturelle régionale, ce qui, pour le moment est loin d’être le
cas. Lui attribuer une image forte en devenant un lieu d’engagement,
permettra au Théâtre Fémina d’accéder à un statut de reconnaissance et
d’agir pour l’amélioration de son domaine de compétence.
-----------------------------
C’est en suivant ces quatre axes : redynamisation, rapprochement, ouverture et
diversification, que le Théâtre Fémina parviendra à faire face. Aujourd’hui la
définition d’une identité claire est indispensable et sa revendication l’est encore
plus. Dans un contexte social difficile, les spectateurs ont besoin de se fier à des
choses sûres et des idées fortes. En réattribuant à ce théâtre l’engagement qu’on
attribue à cette pratique populaire, le public lui octroiera à nouveau sa
confiance. L’association d’une communication pluridimensionnelle, d’une
programmation diversifiée et d’une identité forte, feront du Théâtre Fémina un
pôle majeur de l’activité culturelle bordelaise.
!!
O"!
i) Dynamisation et Modernisation : le théâtre dans l’ère 2.0
Dans cette optique de reconquérir son public et surtout de se redéfinir
une identité, il paraît indispensable d’attribuer au Théâtre Fémina une
présence dans l’ère du web 2.0. Internet et les technologies numériques sont
aujourd’hui représentatives de notre époque. Il est alors essentiel pour une
entreprise qui veut réactualiser son image et surtout survivre à une période
économique difficile, de se placer dans l’air du temps. La communication
digitale est aujourd’hui en plein essor. Le Théâtre Fémina, pour se réaffirmer
dans le paysage culturel bordelais et conquérir un nouveau public, doit être
en adéquation avec son époque.
Les jeunes actifs et même les personnes dynamiques sont en permanence
connectés à la toile : réseaux sociaux, journaux, newsletter, tweet, alerte,
l’information est instantanée et incontournable.
L’unique et désuète page Facebook du Théâtre ne suffit plus.
Tout d’abord une refonte du site Internet pour une plateforme plus
dynamique est essentielle. On jouera sur l’ancienneté et la magie du lieu, tout
en lui attribuant une identité visuelle et digitale moderne, en corrélation avec
les outils de promotion. Le client doit avoir plaisir à aller sur le site du Théâtre
Fémina. Une présentation de chaque domaine de compétence, des vidéos
en live, une visite filmée du lieu, des interviews de ses directeurs, les actualités
en ligne du secteur, et les innovations artistiques du moment... le site internet
du Théâtre Fémina doit apporter plus que de simples renseignements
basiques sur la salle. Un forum ainsi qu’une inscription à la newsletter en ligne,
(avec les informations les plus importantes non seulement du théâtre, de la
société mais aussi du monde culturel), inciteront les gens à se connecter
d’avantage mais également à installer une relation de proximité primordiale.
Un entretien régulier et l’utilisation de méthodes de référencement efficaces,
permettraient au site du Théâtre Fémina d’accroître sa présence web et ainsi
sa notoriété.
!!
O#!
Développer une présence réelle sur les réseaux sociaux est essentielle pour
conquérir un nouveau public. La page Facebook doit être constamment
remise à jour, organisant régulièrement des jeux concours ou diffusant des
vidéos inédites des artistes. Un compte Twitter permettrait au Fémina
d’intervenir dans la vie culturelle mais aussi de poster les dernières
informations liées à la programmation. Grâce à une telle présence sur les
réseaux sociaux, le Théâtre Fémina pourra facilement recruter des artistes et
attirer du monde aux différentes manifestations (scènes ouvertes, colloques,
portes ouvertes...) qui seront organisées.
Il est alors important de noter que 72% des Aquitains sont désormais
internautes. La Toile, devenue un média omniprésent, est consultée
quotidiennement par 87% d’entre eux. C’est presque 2 millions d’Aquitains qui
se connectent tous les jours sur une population régionale de 3,2 millions. Ils
étaient 66% à se connecter quotidiennement en 2005.
La présence web est donc indispensable pour accentuer la notoriété d’une
entreprise et ce à moindre coût. Le marketing digital permet souvent une
économie de frais matériels au profit d’une communication moderne et
dynamique qui touchera une cible plus large.
D’autant plus que l’étude « Référence des Equipements Multimédias »
conduite par GFK et Médiamétrie, montre que les Aquitains deviennent de
plus en plus « mobinautes », c’est-à-dire des internautes mobiles. 23% des
Aquitains utilisent Internet lors de leurs déplacements, soit 600000 personnes,
et 13% plébiscitent les Smartphones, soit deux fois plus qu’en 2010. Donc faute
de moyens et d’intérêt à la création d’une application Smartphones, une
présence web interactive, moderne et dynamique est indispensable.
Le Théâtre Fémina doit faire face, et, pour ça, se réaffirmer en tant que salle
dynamique mais aussi, en tant que membres actifs du paysage culturel
bordelais, se moderniser car le Fémina doit obligatoirement être représentatif
de l’évolution de Bordeaux. La mise en place et la maintenance d’une
communication digitale, la réaffirmation d’une position centrale et la
création d’un lien de proximité, permettront non seulement de recréer une
cohésion interentreprises mais également de séduire un public plus diversifié.
!!
O%!
j) Limites et difficultés rencontrées lors de l’intégration de cette nouvelle stratégie.
Une telle refonte stratégique semble compliquée à mettre en place de
manière instantanée. Pour atteindre de tels objectifs, c’est une organisation
à long terme qu’il faut mettre en place. Ici se trouve la limite principale à la
mise en place de ce reconditionnement. En effet, il implique des
changements profonds et multiples. L’équipe d’Euterpe Promotions et du
Théâtre Fémina ont leurs habitudes et fonctionnements personnels, mais pour
qu’une telle démarche aboutisse, chacun devra y mettre du sien. Déjà
dynamique et soudée, l’équipe du Théâtre Fémina et ses différents membres
doivent intégrer ses objectifs stratégiques pour permettre de diffuser une
image en adéquation avec la nouvelle notoriété de la salle. Modernisation,
cohésion, ouverture et proximité sont les mots d’ordre à suivre. Cependant
l’avantage de cette équipe est d’être passionnée par son théâtre et son
travail, une redynamisation de l’externe influencera l’interne assez
facilement, pour obtenir un nouveau Théâtre Fémina de manière général.
On pourra craindre que la mise en place de cette stratégie nécessite un
budget que l’entreprise ne possède pas. En effet, la présence d’une
personne chargée du web, le développement des moyens de
communication, l’implication du Théâtre Fémina dans de nouvelles
manifestations et la diversification de la programmation peuvent entraîner
des coûts. C’est pour cette raison qu’en faisant appel à de petites
compagnies moins coûteuses, en augmentant le nombre de spectacles
moins onéreux, le montant global se verra réduit. D’autant plus que la
diversification des actions du Fémina, notamment le service de location de
salle, rapportera des fonds conséquents à la salle qui pourra les réinvestir
dans les spectacles. De plus, choisir une communication digitale et fonder
l’ensemble de sa stratégie sur le bouche à oreille (qui est le moyen le plus sur
pour améliorer sa notoriété), permet de développer la visibilité de ce théâtre
à moindre frais.
!!
O&!
Pour conclure, les seuls frais investis seront rapidement couverts par une
augmentation considérable du public, sur les prochaines saisons, qui assistera
en plus grand nombre à des spectacles moins coûteux.
Enfin, lors de la mise en place d’une telle stratégie, on pourrait avoir peur de
la concurrence. En effet, à Bordeaux, il y a de plus en plus de petites salles qui
se vantent d’incarner l’esprit populaire et dynamique revendiqué dans notre
stratégie. Néanmoins le Théâtre Fémina représente une part du patrimoine
bordelais, un avantage que les autres complexes n’ont pas. Classé au
Patrimoine de l’Unesco et connu comme le seul Théâtre à l’Italienne, de
Bordeaux, son architecture, son histoire et son emplacement géographique
lui attribueront la crédibilité que les autres n’ont pas. Pour ce qui est de sa
position dans le paysage culturel bordelais, le Théâtre Fémina risque de se
confronter à une concurrence plus légitime. En effet, avec des salles en
développement comme Le Rocher de Palmer qui revendique une
programmation très éclectique et un engagement dans l’amélioration des
politiques culturelles, le Théâtre Fémina a de quoi s’inquiéter quant à son
développement. Mais son atout reste dans sa position centrale, que Le
Rocher de Palmer à Cenon ou Le Carré les Colonnes à Blanquefort n’ont pas.
Il doit jouer sur cet emplacement privilégié et sur le statut de membre du
Prodiss, de son directeur, pour obtenir une légitimité reconnue comme acteur
de la vie culturelle à Bordeaux. Evidement la concurrence des salles comme
l’Arena (détenue par Fimalac) ou des salles engagées comme Le Pin Galant
à Mérignac, est présente. Mais la situation d’une salle historique, à la
programmation étendue, qui s’engage dans l’action culturelle et dans le
soutien des jeunes, à ma connaissance, n’existe pas à Bordeaux. Le principe
novateur qui va sauver le Théâtre fémina est l’adoption de thèmes divers
généralement ciblés par certaines salles, en un seul lieu déjà emblématique
de la ville de Bordeaux.
!!
O'!
CONCLUSION GENERALE :
Nous avons démontré dans cette étude comment le Théâtre a su
évoluer et lutter à travers les siècles pour maintenir sa position d’art populaire.
En France et aux Etats-Unis (berceau du genre contemporain) le Théâtre a
connu des périodes plus ou moins sombres. Toujours mené par des auteurs
engagés, désireux de faire de cet art le miroir d’une société mouvante, il a
servi le peuple et son évolution.
Aujourd’hui menacé par un contexte économique difficile, l’impérialisme de
certaines firmes d’investissement et le règne d’une société de plus en plus
accès sur le divertissement, le Théâtre occidental se voit une nouvelle fois
affaibli.
Le parallèle entre le Etats-Unis et la France a permis dans un premier temps
de comprendre les raisons communes d’un déclin mondial du Théâtre. Mais
se livrant à une guerre permanente depuis son lointain commencement, cet
art, français par excellence, se voit une fois de plus contraint à la bataille.
Alors que Voltaire, Diderot ou encore Molière ne sont plus là pour défendre
leur art, c’est aujourd’hui un théâtre militant qui prend les devants est se
reconditionne pour faire face.
Adoption des nouvelles technologies, mises en scène recherchant la
démonstration artistique, abandon de la parole au profit des sentiments, le
Théâtre du 21ème siècle construit le nouveau genre. Alors que les salles
publiques cautionnent le désintérêt du public avec des pièces réservées aux
passionnés, le théâtre privé lutte pour survivre. Quand certains réadaptent
l’esprit populaire d’un théâtre intimiste de rue, d’autres tombent dans la
facilité schématisée par l’industrie de Broadway. Le spectacle dit « vivant »
devient, avec eux un simple divertissement pour petits et grands, ayant la
capacité d’investir de telles sommes dans un moment éphémère.
!!
O(!
La société du divertissement endoctrine les comportements, et la culture se
divise en deux. « Produit » d’une part, elle séduit les ménages friands des
émissions de télé réalité et des jeux télévisés ; « Création » d’autre part, c’est
une culture soit disant, réservée aux privilégiés du monde intellectuel français.
Le paradoxe, persiste dans le fait que ce même art, en vienne à dédaigner
son public, se pensant bien supérieur à la pensée populaire. Heureusement
certaines troupes comme le Théâtre du Soleil, d’Ariane Mnouchkine, lutte
pour la démocratisation du genre et font en sorte d’ouvrir l’art au monde.
La mise en place de politiques culturelles, l’organisation d’évènements de
grande ampleur ou encore l’engagement de certains militants, permettent
de placer la culture et le théâtre au centre de la dynamique moderne. Plus
qu’une simple pratique c’est aujourd’hui un art au rôle éducateur qui peut
enseigner au public. L’esprit véritable du théâtre, celui d’amener le
spectateur à la réflexion et à l’élévation spirituelle, est donc toujours aussi
important. Alors qu’on pensait le véritable théâtre oublié, on s’aperçoit qu’il
s’est tout bonnement reconditionné pour évoluer avec son époque.
Rien de plus logique alors de voir naitre des domaines de compétences liés à
la culture comme la médiation ou la communication culturelle, qui sont les
stigmatisations d’une époque 2.0. Dans cette société de l’instantanéité de
l’information et de la démocratisation d’un monde digital aux perspectives
immenses, le Théâtre prend sa place. La communication culturelle permet à
des Théâtres comme le Théâtre Fémina de Bordeaux, de s’ouvrir de nouvelles
perspectives et de croire en un lendemain plus prospère malgré une situation
économique difficile.
Le Théâtre comme les autres arts a donc fait face à cette crise de l’art en
s’adaptant pour survivre aux techniques modernes, faisant de la
Communication, un outil incontournable. Cependant, d’une simple
adaptation, le Théâtre du 21ème siècle a su s’approprier les nouvelles
technologies et nourrir ainsi son inspiration. A l’image de l’Homme du
troisième millénaire qui a su s’attribuer le monde de l’Information, le nouveau
Théâtre devient le théâtre du Renouveau....
Bibliographie
Ouvrages généraux
« Que sais-je ? La communication » Lucien Sfez– éditions PUF – 128p – 2010 « Culture et communication. Convergences théoriques et lieux de médiation » Jean Caune – éditions PUG – collection La communication en plus – 165p –2006
• « L’art comme communication. Pour une re-définition de l’art » Jean-paul Doguet– éditions Armand Colin – 261p - 2011-10-23
Ouvrages spécialisés
« A quoi sert le théâtre ? » Enzo Cormann – éditions Les Solitaires Intempestifs – 151p – 2003 « L’esthétique théâtrale » Catherine Naugrette – éditions Nathan – 249p – 2000
• « Art contemporains, nouveaux médias » Dominique Moulon – éditions Scala – collection Sentiers d’art – 126p - 2011 « Pourquoi le théâtre ? La réponse indienne» Lyne Bansat Boudon – éditions Mille et une nuits – collection Les quarante piliers – 300p – 2004 « Mémoire du théâtre » Georges BANU – éditions Actes Sud – collection Le temps du théâtre - 141p – 2005 « Qu’est ce que le théâtre ? » Christian Biet, Christophe Triau, Emmanuelle Wallon – éditions Gallimard – collection Folio essais – 983p – 2006 « Le théâtre au XXème siècle » Christophe Deshoulières - édition Bordas – collection En toutes lettres – 223p – 1993 « Le théâtre français du XXème siècle » Franck Evrard – éditions Ellipses Marketing – collection Thèmes et études – 120p - 2002 « Spectacle vivant, spectacle sur support » Ricardo E.Jacobson - éditions l’Harmattant – 256p – 2006
• « Theater » Frédéric Martel – éditions La Découverte – collection Cahiers libres – 235p – 2006
• « Critique du théâtre : de l’utopie au désenchantement » Jean Pierre Sarrazac – éditions Circé – collection Penser le théâtre – 163p - 2000
« Théâtre pour la vie » Giorgio Strehler – éditions Fayard – 160p – 1980 « L’acteur et son public » Jean Verdeil – éditions l’Harmattan – collection Univers théâtral – 300p - 2009 « Manuel des études littéraires françaises XVIIIème siècle ». PG Castex et P.Surer – collection Classiques Hachette – 166p - 1969
• « Le théâtre en mouvement » Répertoire contemporain et Compagnies indépendantes en France, panorama (1999- 2003) Danièle Monmarte et Jean-Pierre Guérot – éditions de l’Amandier / Théâtre – 160 p – 2004
Revues Spécialisées
• « La scène » (le magazine des professionnels du spectacle. N°61 – Ete 2011 « Les politiques culturelles ont-elles un avenir ? » (http://www.lascene.com/)
Presse
Métro
20 minutes
Sud Ouest
Télérama
Spirit
Agora vox
Atlantico.fr
Sites Internet
www.culturemag.fr
www.ruedutheatre.fr
http://culturebox.france ».fr
http://gallica.bnf.fr
http://fr.wikipedia.org
http://theatre-chaillot.fr/
http://www.jeune-theatre-national.com/
www.theatredeparis.com/
www.tnba.org/
www.theatrefemina.fr
www.letrianon.fr
http://www.lascene.com/
!
ANNEXES
- Introduction de l’Exposé Préliminaire sur le Théâtre de Marc Connelly,
UNESCO
- 20minutes, « Paris, publics ou privés, les théâtres n’échappent pas à la
crise. »
- Agoravox « Le théâtre public, réalité ou illusion ? »
- Sud Ouest « Salles publiques ou privées, la crise frappe le théâtre »
- Artistikzero.com « L’industrie culturelle : le spectacle vivant »
- Interview de Michel Goudard, directeur de la société Euterpe Promotions
et du Théâtre Fémina de Bordeaux.
- Sud Ouest « Sur une même affiche »
- Atlantico.fr « L’art du XXIème siècle sera interactif ou ne sera pas »
(Moma)
- Etat de la comédie musicale en France
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Le théâtre public en France, mythe, réalité ou illusion ?
Le jeu de chaises musicales (qui va diriger l’Odéon, le TNS, la Colline ?) qui secoue le théâtre français n’est que l’illustration la plus frappante des questionnements qui traversent l’institution théâtrale publique. Il ne s’agit pas de montrer du doigt la désespérante fonctionnarisation du secteur mais bel et bien de redire à quel point la politique culturelle française relève encore du fait du prince. Qu’il s’agisse du président de la République, du président de région, du maire, autant de voix et d’avis construisent plus ou moins habilement cette politique.
A l’heure où l’on ne parle que de démocratie participative, il est plaisant de constater que dans ces institutions culturelles (théâtres nationaux, centres dramatiques, scènes nationales...) il n’existe que très peu de leviers actifs en direction du public pour infléchir, colorer ou critiquer la programmation de ces théâtres. On nous répond que l’artiste seul est maître (mais cette logique ne fonctionne que dans les lieux où la création est prioritaire) ou le directeur, qui n’hésitera pas à parler de « sa programmation » en n’oubliant au passage qu’une mission de service public ne fait pas de lui un mécène inspiré mais l’élément moteur d’une politique d’animation culturelle. Que les critères de cette politique d’animation soient si imprécis, alors qu’ils devraient être le fondement même de l’animation culturelle, que ce simple mot ne soit plus qu’une façade vide de sens témoigne bien du malaise que traverse le théâtre français. Passe encore qu’il n’existe plus réellement d’artistes de théâtre en France capable de remplir Chaillot sur une grande série, passe encore que le sort de l’écriture dramatique contemporaine soit si « dramatique », mais à l’heure où l’ensemble de la classe politique française se voit forcée d’instaurer un autre dialogue avec les électeurs, on peine à croire que nos théâtres soient si peu ouverts à cette mission d’éducation populaire qui consiste à impliquer le public à la programmation.
Il ne s’agit pas d’en faire l’arbitre des élégances, et son « académisme » formel ne fera peut-être que reprendre celui des professionnels de la
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« profession » mais ce n’est qu’au prix d’une telle réflexion que le théâtre public sortira la tête haute de sa crise. En janvier prochain, le directeur d’un centre dramatique de l’Ouest de la France quittera son poste. Il laissera derrière lui un bilan artistique que je n’ai pas à commenter, mais il laissera surtout un théâtre à plat financièrement, déconnecté pour une longue période de son traditionnel public populaire, sans réelle connexion avec la vie culturelle locale ou régionale. Lui aussi attend avec sérénité le résultat des chaises musicales. Qui, au ministère, à la région, à la mairie, a donné au public l’occasion de participer à une nécessaire évaluation ? Quel dispositif de liens actifs entre le public, le non public (je sais ça fait un peu rire), les artistes locaux et les décideurs politiques a été mis en place pour qu’autour de la nomination d’un futur directeur se crée une dialectique entre toutes ces parties ? N’est-ce pas l’essence même du projet culturel national voulu après la Libération ?
Inutile alors de réveiller systématiquement la figure fanée de Vilar. Contentons-nous d’être les aiguillons d’une plus grande transparence dans toute cette politique culturelle. Créons, innovons, mettons en place de véritables politiques d’animation culturelle qui ne seraient plus déléguées aux intermittents de service mais qui seraient bel et bien le fer de lance du projet directorial. C’est certainement par ce travail pédagogique et artistique que l’on pourra reprendre les missions du théâtre dictées par Beaumarchais : instruire en amusant. L’éducation populaire devrait se retrouver au centre de la campagne présidentielle, il n’en est rien, et les propositions de nos partis en la matière sont simplement nulles ! A ce rythme-là, l’exception culturelle française ne sera plus qu’un conte.!
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L’Industrie Culturelle : Le Spectacle Vivant MARDI, 03 FÉVRIER 2009 12:37 AUDREY LAROQUE THÉÂTRE - DOSSIERS Pour en savoir plus sur le secteur du Spectacle Vivant : Les chiffres Clé, les enjeux du secteur et les principaux acteurs. Le spectacle vivant : La danse, le théâtre et les arts de la rue
La Danse Le secteur de la danse en France représente 5000 danseurs professionnels se produisant dans les théâtres nationaux et les opéras. 9 millions de spectateurs assistent à des spectacles de danse chaque année, dont 291 700 pour les ballets de l’Opéra. Le Centre National de la Danse (CND), situé à Pantin depuis 1998 et dirigé par Monique Barbaroux, les écoles privées, les conservatoires et opéras se chargent de la formation des danseurs. Au CND, les élèves reçoivent une formation en danse classique, contemporaine et jazz, tandis qu’à l’école de
danse de l’Opéra National de Paris, des cours de danse folklorique des cours complémentaires de musique, de mime, de comédie, de droit du spectacle, d’histoire de la danse ou encore d’anatomie et de gymnastique sont dispensés. La production des spectacles de danse est assurée par le CND, les opéras ou les compagnies. Aujourd’hui, le secteur doit redéfinir de nouveaux enjeux. Par exemple, la création de nouveaux débouchés, tels les services aux entreprises, permettrait une diversification et un apport de revenus supplémentaire. Le théâtre Il y a en France 5 théâtres nationaux (La Comédie Française, Le Théâtre de Chaillot, le Théâtre de la Colline, le Théâtre National de Strasbourg et le Théâtre de l’Europe.), qui à eux seuls comptabilisent 1750 représentations et 603 000
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spectateurs. Les Centres Dramatiques Nationaux, au nombre de 44 et proposant 8500 représentations par an pour 1,7 millions de spectateurs, ont un statut juridique lié à la notion de théâtre public. Il s'agit de troupes privées, financées par l'État et les collectivités territoriales, et ces théâtres jouent un rôle très important dans la diffusion des spectacles en régions auprès de tous les publics. Ils sont généralement situés dans les villes de banlieue parisienne (Nanterre, Sartrouville…etc) et les grandes villes de Province (Lille, Marseille, Bordeaux…etc). On dénombre également 64 Scènes Nationales qui, comme les CDN, doivent participer au développement culturel dans leur ville et leur territoire. Leur objectif est d'être des lieux de production et de diffusion de la création contemporaine. Les autres grands acteurs du secteur sont les 1500 compagnies dramatiques recensées, dont 618 sont aidées par le Ministère de la Culture pour leur fonctionnement, à hauteur de 21 millions d’euros, et les 50 théâtres privés recensés à Paris qui proposent 11 300 représentations par an pour 2,8 millions de spectateurs. Le Syndicat National des Directeurs et Tourneurs du Théâtre Privé regroupe les acteurs majeurs de la création et de la diffusion théâtrale du secteur privé. Il intègre tous les acteurs de la chaîne de création-production-diffusion de spectacles de Théâtre dans le Spectacle Vivant sur l’ensemble du territoire national. C’est un regroupement de théâtres-producteurs et créateurs initiaux, qui constituent le relais essentiel entre les auteurs et le public et qui sont des lieux privilégiés pour la création, la promotion et la diffusion d’œuvres originales d’auteurs contemporains. Exception française, le Directeur de théâtre privé est aussi son propre producteur. Il n’est pas uniquement un exploitant de salle, mais un producteur qui découvre, choisit, investit et emmène son spectacle jusqu’au bout du succès. Le Syndicat est également un pôle de rencontres de salles de toutes tailles et de programmations différentes et d’entrepreneurs de tournées qui diffusent l’essentiel de la production privée en région. Le secteur du théâtre connaît aujourd’hui une période difficile. En effet, les théâtres institutionnels, soutenus par le ministère de la culture, auraient perdu 20% de leur fréquentation sur les dix dernières années, et la cession du droit de représentation ne suffit pas à amortir les coûts de création. C’est pourquoi le développement de nouveaux services marchands, comme l’encadrement d’ateliers, la formation professionnelle ou encore les interventions dans les entreprises, permettrait une rentabilité plus importante du secteur. Les arts de la rue 800 compagnies françaises des arts de la rue sont recensées à ce jour par l’association Hors les Murs, centre national de ressources des arts de la rue et des arts de la piste, créée en 1993 par le ministère de la Culture. Les arts de la rue regroupent environ 4000 pratiquants, pour un CA de 6 millions d’euros. Ce secteur est caractérisé par un fort taux de renouvellement. Ainsi, seulement 17% des compagnies ont plus de 15 ans d’existence, alors que 61% d’entre elles ont moins de 10 ans. Les 3 grands acteurs de ce secteur sont le Cirque du Soleil, compagnie de nouveau cirque fondée en 1984 par Guy Laliberté et Daniel Gauthier, les Arts Sauts, dont le travail s’inscrit dans une recherche permanente autour du vide et de l’espace et le Cirque de Monte-Carlo. Comme pour les compagnies de danse ou de théâtre, l’équilibre entre coût de création et recette est aujourd’hui difficile à trouver.
Michel Goudard : directeur d’Euterpe Promotions, membre du Prodiss et gérant du Théâtre Fémina
Michel Goudard ou « l’homme spectacle » est un ‘accro’ de la scène et des paillettes depuis plus de 30 ans. Directeur du Théâtre Femina et créateur de la société Euterpe Promotions, il a voué sa vie aux spectacles sous toutes les coutures. Producteur, tourneur & organisateur de concert, gérant ou encore défenseur, il est aujourd’hui un pilier du spectacle vivant en France, découvrons l’homme derrière le géant....
Qui est l’homme-spectacle ? Un gentil tyran.... Que faites vous ? Je vends du plaisir.... Passez vous une bonne journée, Michel Goudard ? Non pas vraiment...Le monde du spectacle est devenu compliqué, c’est une nébuleuse. Aujourd’hui nous sommes dominés par des sociétés telles que Live Nation aux Etats-Unis qui imposent au monde du spectacle vivant un fonctionnement à 360°. Copiées par des sociétés françaises, en particulier FIMALAC, elles considèrent l’artiste comme un salarié et s’occupent de son développement de A à Z. Elles rachètent les salles et les sociétés, comme Archanée a racheté Sony, ce qui complique le travail des plus petites sociétés comme Euterpe Promotion (société de Michel Goudard) qui tentent de faire vivre le spectacle par passion.
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Pensez vous, vous associer à Fimalac ? Ils ont tenté de nous racheter mais je refuse de baisser les bras par sécurité. J’aime mon travail, j’aime vendre du plaisir, je ne veux pas céder à la facilité de dépendre de quelqu’un. J’ai besoin de continuer à faire mes propres choix et jusque là mon flair ne m’a pas souvent abandonné. Mais ne faites vous pas la même chose avec votre société Euterpe ? Non Euterpe Promotion détient, certes plusieurs sociétés (Well Prod, Box Office, ou encore le label Alhambra), mais je les ai créées dans le but de développer le spectacle et non l’artiste, ce qui est différent du dispositif 360°. Et pourquoi pas, développer votre entreprise de production internationale ? Tout simplement parce que le spectacle et les artistes français ne s’exportent pas... Nous avons un microcosme français attaché à son territoire et un esprit franchouillard qui condamne les artistes français à rester en France au contraire des artistes anglais, par exemple, qui n’ont pas de problème pour franchir les frontières. Je crois que vous dominez déjà le Sud-ouest ? Oui Euterpe est le première société d’organisation de spectacle du sud-ouest. Nous gérons les salles de Châteauroux à Biarritz en passant par Toulouse ou Limoges (ville du siège social de Box Office). Une fierté, que je passe chaque jour à protéger. Vous êtes gérant du Théâtre Fémina, racontez nous votre arrivée dans ce lieu atypique de Bordeaux. A la base je travaillais depuis Limoges et un jour Jean pierre Gil, le propriétaire du Théâtre m’a demandé de l’aide. Ce fantastique théâtre, autrefois lieu de répétition à disposition de l’Opéra de Bordeaux, a dû signer sa fin de location, lorsque la Mairie à réduit les subventions de l’opéra. Jean Pierre Gil , qui jusque là n’avait pas de problème de programmation, a voulu fermer le théâtre... Sans aucune expérience, je n’ai pas réfléchi, et je lui ai proposé de refaire du Théâtre Fémina une vraie salle de spectacle. Ca a été le début d’une nouvelle aventure dans un des lieux incontournable de notre « belle endormie ». Mais cela ne semblait pas vraiment être un challenge pour le Monsieur Spectacle que vous êtes ... SI bien sur que si, car les français on toujours vécu avec le théâtre et aujourd’hui plus qu’hier, on a du mal à lui faire confiance. De plus, au delà d’une difficulté de réconcilier les français avec les fauteuils rouges, il y a cette situation ultra difficile du théâtre en province. Même pour les subventionnés pour qui la programmation théâtrale est pléthorique, la vie est dure...
La clef : faire du Théâtre Fémina une salle de spectacle avec des shows qui sortent du lot ! Du théâtre de variété en fait ?! N’y aurait-il donc plus de place pour le véritable théâtre ? En tant que théâtre privé nous devons trouver ce qui attirera le public. Alors oui de pièce de théâtre sans problème mais avec du des têtes d’affiche comme « les Montagnes Russes » avec Bernard Tapie. Le jeune théâtre expérimental est condamné à se produire dans des salles publics sous subventions, qui peuvent se permettre se genre de risque.... Donc le théâtre privé et public n’évolue pas dans le même monde ? Inconsciemment s ils ont besoin l’un de l’autre ; l’un est dans le divertissement, l’autre dans l’expérimentation, mais en pratique les privés sont le diable du public. Et à Bordeaux ? Il y a encore moins de cohésion à Bordeaux, car les publics refusent d’accepter ces nouveaux spectacles dits vivants ou de variétés. Il y a eu un projet de festival du théâtre ; la DRAC (Direction Régionale de l’Art culturel) a refusé estimant que le Théâtre Fémina n’était pas un lieu de diffusion culturelle. D’accord cela semble être un monde sans cadeau.... comment y avez vous mis les pieds ? Un choix de toujours ? Absolument pas. Je suis arrivé par hasard dans un monde du spectacle bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. Est-ce que tout a véritablement changé ? Nous sommes une douzaine a avoir créer le spectacle de variétés en France, poussés par la passion de l’expression artistique.....Rien n’était calculé, on marchait à l’intuition sans savoir comment organiser un spectacle, sans aucun protocole. Il n’y avait aucune réglementation, les rapports avec l’artiste étaient bien plus simples, ou disons... humains. Aujourd’hui on signe des conventions, on demande à nos salariés de « s’y connaître » quitte à faire des formations, on traite avec l’artiste via ces producteurs, attachés de presse.... Depuis1977 où je suis dans le milieu j’ai assisté aux changements du métier et du spectacle. Passivement ? Et bien j’ai fais ce que j’ai pu pour garder l’esprit de ce qui était le spectacle à la base. C’est pour cette raison que j’ai fait grossir ma boîte : pour qu’elle obtienne la taille suffisante permettant de dire « non je veux pas faire comme les autres ». On tente d’ailleurs avec le PRODISS (Union du spectacle musical et de variété) de protéger le spectacle français. Je travaille dans l’intérêt général de la profession pour imaginer l’avenir. Plus on est de fou, plus on rit... la solidarité pèse et nous permet de tenir tête aux politiques.
C’est une sorte de lutte ? Oui en quelque sorte. Une lutte permettant de faire en sorte que la diversité et surtout que la liberté d’expression artistique soient ainsi respectées. Le Prodiss est garant de l’exception culturelle française, quelque soit son genre, et je suis fière d’en faire partie. Comment choisir que tel ou tel spectacle, telle émission ou telle exposition méritent d’exister ou pas? Au sein du Prodiss nous sommes partagés. Pour moi, tout est bon à prendre. J’étais en faveur de la Star Ac, et contre beaucoup d’opposants, j’ai eu raison car des artistes en sont sortis comme Jennifer ou Olivia Ruiz que les français adorent. Un dernier mot ? Il était vraiment plus simple de faire plaisir au gens avant.... Pensez-vous continuer à vivre au milieu des paillettes ou pensez-vous retourner à la vie du commun des mortels ? Votre challenge est relevé : le Théâtre Fémina est un des plus gros pôles culturels de Bordeaux et vous entamez une 34ème saison avec des artistes tels que Johny Halliday ou encore Jamel Debbouze ... Tout cela est de plus en plus compliqué, c’est vrai... mais j’aime le spectacle et les défis, alors je me relève les manches et j’y vais... J’ai toujours la passion du spectacle. Je vais être comme un gosse de travailler avec The Stranglers par exemple. Et puis, l’avantage d’avoir une grosse boîte c’est que j’ai des collaborateurs efficaces qui font les trucs chiants à ma place.... Et Monsieur Spectacle à la veste en cuir, s’en est allé vers de nouveaux défis, son petit lévrier en laisse… Etrange personnage, dans un fascinant milieu ! !
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Etat de la comédie musicale en France
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Le Théâtre :
Quelles solutions pour faire face à la crise de l’art ?
Hier audacieux et novateur, souvent populaire, le Théâtre Français,
fort de son histoire a produit le pire mais aussi le meilleur. Aujourd’hui confronté à une situation sociale et économique difficile, à l’image des autres arts, il est pris dans la tourmente.
Un constat édifiant : « D'après un rapport récent (Oct.2009) en provenance du Ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des français, alors que 57% d’entre eux sont allés voir un film en salle au cours des douze derniers mois, 19% sont allés au théâtre. » L’art dramatique est donc en crise... Le Théâtre traditionnel, défenseur de l’idéologie humaniste doit obligatoirement intégrer le facteur « rentabilité » s’il veut survivre.
Mais comment continuer à être le symbole d’une liberté spirituelle dénué de toute notion de profit, alors que la société actuelle l’impose ?
Pour autant, le Théâtre a plus d’un tour dans son sac. Malicieux et créatif, c’est un art contorsionniste qui, une fois de plus, nous offre le plus beau des spectacles, déambulant sur le fil périlleux d’une ère numérique nouvelle...
Mars 2012!!