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MASTER II CONTRATS PUBLICS MASTER II CONTRATS PUBLICS MASTER II CONTRATS PUBLICS MASTER II CONTRATS PUBLICS & PARTENARIATS PARTENARIATS PARTENARIATS PARTENARIATS – 20 20 20 2009/2010 09/2010 09/2010 09/2010 UNIVERSITÉ MONTPELLIER 1 - FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE EN DROIT ADMINISTRATIF François GOURSAUD BNDPA 2010, MEM. 1 MÉMOIRE SOUS LA DIRECTION DES PROFESSEURS G. CLAMOUR G. CLAMOUR G. CLAMOUR G. CLAMOUR et M. . . . UBAUD UBAUD UBAUD UBAUD- BERGERON BERGERON BERGERON BERGERON

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MASTER II CONTRATS PUBLICS MASTER II CONTRATS PUBLICS MASTER II CONTRATS PUBLICS MASTER II CONTRATS PUBLICS &&&& PARTENARIATSPARTENARIATSPARTENARIATSPARTENARIATS –––– 2020202009/201009/201009/201009/2010

UNIVERSITÉ MONTPELLIER 1 - FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

LIBERTE CONTRACTUELLE

ET MISE EN CONCURRENCE

EN DROIT ADMINISTRATIF

François GOURSAUD

BNDPA 2010, MEM. 1

MÉMOIRE

SOUS LA DIRECTION DES PROFESSEURS G. CLAMOURG. CLAMOURG. CLAMOURG. CLAMOUR et MMMM. . . . UBAUDUBAUDUBAUDUBAUD----BERGERONBERGERONBERGERONBERGERON

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TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS :

ACCP : Contrats publics - Actualité de la commande et des contrats publics aff. : affaire AJDA : Actualité juridique du droit administratif art. : article Ass. : Assemblée BJCP : Bulletin juridique des contrats publics CAA : Cour administrative d’appel CC : Conseil Constitutionnel CDE : Cahiers du droit de l’entreprise CE : Conseil d’Etat CGCT : Code général des collectivités territoriales chron. : Chronique CJA : Code de justice administrative CJEG : Cahiers juridiques de l’électricité et du gaz CJCE : Cour de Justice des Communautés européennes CMP : Contrats et marchés publics Conc : Concurrences, revue des droits de la concurrence concl. : conclusions Cons. Conc. : Conseil de la concurrence DA : Droit administratif dir. Sous la direction de éd. : éditions EDCE : Etudes et documents du Conseil d’Etat Fasc. : Fasicule Gaz. Pal. : La Gazette du Palais Ibid. : ibidem JCP.A: La semaine juridique, édition Administration et collectivités territoriales JCP G : La semaine juridique, edition générale La doc. Fr. : La Documentation française LPA : Les petites affiches MTPB : Moniteur des travaux publics et du bâtiment obs. observations op. cit. : opere citato préc. : précité RDC : Revue des contrats RDP: Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger Rec.CE : Recueil des décisions du Conseil d’Etat RFDA : Revue française de droit administratif RRJ : Revue de la recherche juridique Sect. : Section TA : Tribunal administratif TC : Tribunal des conflits vol. : volume

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TABLE DES MATIERES

Table des sigles et abréviations…………………………………………………1 INTRODUCTION…………………………………………………...................... 8 I) Objet de l’étude………………………………………………….......................... 9 A) Signification du concept de liberté contractuelle………………………………… 9 1) Les composantes classiques de la liberté contractuelle en droit civil…….. 9 2) Portée de la liberté contractuelle des personnes publiques en droit administratif………………………………………………….................................... 10 B) Signification du concept de mise en concurrence……………………..………… 11 1) Mise en concurrence et concurrence………………….………………….. 11 2) Mise en concurrence et transparence…………………..………………… 12 II) Intérêt de l’étude…………………………………………………..................... 13 A) La consécration de la liberté contractuelle……………………………………… 14 1) L’essor du « contractualisme » ………………………………………… 14 2) Le statut constitutionnel de la liberté contractuelle……………………… 15 B) La montée en puissance de la mise en concurrence………………………………15 1) L’extension irrésistible de l’obligation de mise en concurrence………….16 2) Le statut constitutionnel des principes fondamentaux de la commande publique…………………………………………………............................................17 C) Portée de la dialectique entre liberté contractuelle et mise en concurrence………18 III) Problématique ………………………………………………….........................19 TITRE I: La restriction de la liberté contractuelle dans sa relation avec la mise en concurrence…………………………………………………..21 Chapitre 1 : L’impact de la mise en concurrence sur la liberté contractuelle du décideur public au stade de la passation du contrat : l’encadrement du choix du cocontractant…………………………………………………............................................23 Section 1. Les variations dans l’encadrement du choix cocontractant par le respect de procédures réglementées ………………………………… ………….. 24 §1. Les variations de la liberté dans le choix du cocontractant selon le type de contrat utilisé…………………………………………………................................... 24 A) L’encadrement marqué de la liberté de choix du cocontractant dans les marchés publics…………………………………………………............................... 25 1) L’objectivisation du choix du cocontractant………………………25 2) les imperfections d’un système fondé sur l’« «économie des volontés » …………………………………………………....................................... 27 B) L’encadrement relatif de la liberté de choix du cocontractant dans les autres contrats …………………………………………………................................. 28 1) Un formalisme allégé en matière de DSP marqué par le souci de l’ intuitu personae…………………………………………………..................................... 28 2) L’absence de principe général de mise en concurrence pour les autres contrats…………………………………………………................................. 31

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§2. Les variations de la liberté dans le choix du cocontractant selon le type de procédure utilisée…………………………………………………............................ 32 A) La variété des procédures de soumission du choix du cocontractant…………………………………………………....................................32 1) La mise en place d’une « échelle de flexibilité » en matière de MP…………………………………………………................................................... 33 2) La dualité des procédures en matière de DSP……………………. 34 B) La rigidité des procédures de soumission du choix du cocontractant…………………………………………………....................................36 1) Le conditionnement du choix de recours à la procédure à des circonstances objectives………………………………………………….................. 37 2) Le contrôle par le juge de la bonne application de la procédure…. 38 Section 2: L’harmonisation de l’encadrement du choix du cocontractant par la consécration des principes généraux de la commande publique …………….39 §1. La généralisation de l’obligation de mise en concurrence à travers la consécration des principes fondamentaux de la commande publique ………………40 A) La consécration plénière des principes fondamentaux ………………..40 1) L’origine communautaire des principes…………………………..40 2) La réception des principes fondamentaux en droit interne…….….42 B) La force d’expansion des principes fondamentaux à de nouvelles catégories de contrats………………………………………………….......................43 1) L’extension de l’obligation de mise en concurrence conditionnée par l’étendue du champ d’application du droit de la commande publique………………44 2) L’émergence d’un principe général de mise en concurrence des contrats de la commande publique…………………………………………………...46 §2. L’homogénéisation des contraintes dans le choix du cocontractant à travers la consécration des principes fondamentaux de la commande publique …………….48 A) Vers un rapprochement des procédures de passation de délégations de service public et de marché public …………………………………………………..48 1) Le renforcement de l’obligation de publicité pour les DSP d’intérêt transfrontalier certain………………………………………………….......................49 2) La reconnaissance jurisprudentielle d’une obligation d’informer les candidats des critères de choix des offres……………………………………………51 B) Vers un rapprochement de l’ensemble des procédures de passation des marchés publics…………………………………………………................................54 1) Les contraintes supplémentaires induites par les principes fondamentaux de la commande publique sur les marchés à procédure formalisée…………………………………………………............................……….54 2) L’applicabilité aux procédures adaptées des dispositions relatives aux procédures formalisées…………………………………………………..............56 Chapitre 2 : L’impact de la mise en concurrence sur la liberté contractuelle du décideur public au stade de l’exécution du contrat : la cristallisation du contenu du contrat………………………………………………….................................................59 . Section 1 : L’impact de la mise en concurrence sur l’adaptation du contrat administratif …………………………………………………...................................59 §1. Les limitations à l’adaptation de l’objet du contrat impliquées par le respect de la mise en concurrence initiale……………………………………………60

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A) Le fondement quantitatif de l’encadrement des avenants en MP…………………………………………………....................................................61 1) L’illégalité de l’avenant bouleversant l’économie du contrat ou bouleversant son objet…………………………………………………......................62 2) La faculté de bouleverser l’économie du contrat en cas de sujétions techniques imprévues …………………………………………………......................64 B) Le fondement qualitatif de l’encadrement des avenants en DSP..……..65 1) La transposition initiale du critère du bouleversement de l’économie du contrat inadaptée à la spécificité du contrat de DSP………………………..…….66 2) L’apport relatif de l’avis du 19 avril 2005 au droit des avenants aux DSP…………………………………………………..................................................67 §2. Les limitations à la prolongation de la durée du contrat impliquées par le respect d’une mise en concurrence régulière ………………………………………..68 A) L’encadrement de la durée initiale du contrat …………………………69 1) L’interdiction d’une durée indéterminée des contrats soumis à obligation de mise en concurrence …………………………………………………..69 2) L’interdiction des clause de tacite reconduction en MP et DSP ….71 B) L’encadrement de la prolongation du contrat …….……………………72 1) L’encadrement spécifique de la prolongation du contrat de DSP…………………………………………………..................................................73 2) L’encadrement général de la prolongation des autres contrats administratifs faisant l’objet d’une mise en concurrence…………………………….74 Section 2 : L’impact de la mise en concurrence sur la circulation du contrat administratif …………………………………………………...................................76 §1. Le principe de la liberté de cession consacré par le juge national……….77 A) Les effets controversés de la cession en droit administratif………….. 77 1) Les termes du débat : la cession du contrat administratif, effet translatif ou novatoire?………………………………………………........................78 2) L’affirmation par le juge administratif de l’effet translatif de la cession………………………………………………….............................................79 B) La préservation de la liberté contractuelle des acteurs de la cession…..81 1) La préservation de la liberté contractuelle du cédant: l’absence de mise en concurrence du concessionnaire…………………………………………….81 2) La préservation de la liberté contractuelle du cédé : le mécanisme de l’acceptation………………………………………………….....................................82 §2. La mise en cause du principe de la liberté de cession par le juge communautaire…………………………………………………................................84 A) La portée générale de l’interdiction de principe de la cession………...84 1) Le changement de cocontractant, une modification essentielle du contrat…………………………………………………..............................................84 2) Le champ d’application de la présomption de non cessibilité des contrats administratifs………………………………………………….....................85 B) La portée relative des exceptions à l’interdiction de cession………….86 1) L’hypothèse limitée d’une réorganisation interne du cocontractant…………………………………………………...................................87 2) L’hypothèse ambivalente d’une clause de cession dans le contrat initial…………………………………………………..............................................88

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TITRE 2: La régénération de la liberté contractuelle dans sa relation avec la mise en concurrence……………………………………….92 Chapitre 1er : La pondération renouvelée entre les manifestations de la liberté contractuelle et l’obligation de mise en concurrence ……………………………….93 Section 1. La plénitude de la liberté contractuelle en amont du processus de dévolution du contrat …………………………………………………...................93 §1. Le libre choix de l’« impulsion contractuelle » …………………………94 A) La liberté de recourir ou non au contrat.……………………………….94 1) L’affirmation du libre choix du mode de gestion du service public en droit interne…………………………………………………......................................94 2) La neutralité de principe dans le choix du mode de gestion du service en droit communautaire………………………………………………….......96 B) La liberté de recourir au contrat sans mise en concurrence…………….98 1) L’hypothèse du recours à un service intégré………………………98 2) L’hypothèse du recours à un opérateur hors marché …….………101 §2. Le libre choix de la forme contractuelle ………………………………..102 A) Le libre choix de conclure un contrat nommé ………………………..103 1) La liberté de recourir à un contrat de droit privé…………………103 2) La liberté de recourir à un contrat de droit public………………..105 B) Le libre choix de conclure un contrat innommé………………………107 1) Le développement de l’ingénierie contractuelle…………………107 2) L’alignement ex-post de la règlementation relative à la mise en concurrence…………………………………………………....................................109 Section 2. La résurgence de la liberté contractuelle au sein du processus de dévolution du contrat…………………………………………………...................110 §1. L’adaptation de la mise en concurrence à la liberté contractuelle………111 A) La prise en compte du critère de l’intuitu personae au sein des règles de mise en concurrence………………………………………………….......................111 1) Une prise en compte inhérente à l’ensemble des procédures de dévolution du contrat…………………………………………………......................112 2) Une prise en compte renforcée par le recours élargi à la négociation………………………………………………….....................................114 B) Le formalisme non dirimant des mesures de publicité au sein des règles de mise en concurrence…………………………………………………..................116 1) La publicité, une obligation non attentatoire à l’exercice de la liberté contractuelle…………………………………………………...................................117 2) La publicité, une obligation facilitant l’exercice de la liberté contractuelle…………………………………………………...................................118 §2. L’adaptation de la liberté contractuelle à la mise en concurrence………119 A) La prééminence de la liberté contractuelle sur la mise en

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compétition………………………………………………….....................................120 1) L’apparence d’un choix lié du contractant induit par la mise en compétition des offres…………………………………………………....................120 2) La réalité d’un choix discrétionnaire du cocontractant produit par la liberté contractuelle………………………………………………….............122 B) L’enrichissement de la liberté contractuelle par la mise en concurrence…………………………………………………...................................124 1) La mise en concurrence, instrument d’optimisation du choix contractuel………………………………………………….....................................124 2) La mise en concurrence, instrument de purgation du choix contractuel………………………………………………….....................................126 Chapitre 2 : L’accentuation équilibrée de la fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle par la mise en concurrence ………………………………………….128 Section 1: L’accentuation de la fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle par la mise en concurrence………………………………………..129 §1. La finalisation de la liberté contractuelle par l’intérêt général…………129 A) Une liberté objectivée par la poursuite de l’intérêt général…………..130 B) Une liberté délimitée par la poursuite de l’intérêt général……………130 §2. La légitimation de la fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle par la mise en concurrence………………………………………………….............132 A) L’objectif d’intérêt général originaire : la protection de la demande publique………………………………………………….........................................132 1) La dimension économique: la protection des deniers publics….. 132 2) La dimension éthique: la lutte contre la corruption…………….. 134 B) L’objectif d’intérêt général renouvelé : la garantie d’une libre et égale concurrence entre opérateurs économiques…………………………………..…… 135 1) Un objectif concurrentiel surdéterminant d’ouverture du Marché…………………………………………………..........................................135 2) Un objectif concurrentiel améliorant la satisfaction de l’intérêt général…………………………………………………...........................................136 Section 2 : La rationalisation de la fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle par la mise en concurrence………………………………………..138 §1. La conciliation jurisprudentielle des intérêts contractuels et concurrentiels………………………………………………….................................139 A) La « pérennité contractuelle », nouvel amplificateur de l’intérêt général contractuel…………………………………………………......................................140 1) La limitation temporelle des voies de recours ouvertes aux tiers au contrat………………………………………………….............................................140 2) La consécration d’un objectif de « stabilité des relations contractuelles » entre les parties au contrat…………………………………………141 B) La « pesée des intérêts » en présence, nouveau modérateur de l’intérêt général concurrentiel…………………………………………………......................143 1) La rationalisation des mécanismes de sanction de l’intérêt concurrentiel ouverts aux tiers au contrat……………………………………..……143 2) La rationalisation des mécanismes de sanction de l’intérêt concurrentiel ouverts aux parties au contrat………………………………………..145 §2. L’harmonisation vertueuse des intérêts contractuels et

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concurrentiels………………………………………………….................................147 A) La participation de la mise en concurrence à une définition « néo-moderne » de l’intérêt général …………………………………………………........147 B) La synergie dégagée par le tryptique liberté contractuelle - mise en concurrence - intérêt général…………………………………………………..........149 CONCLUSION…………………………………………………..............................151 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………..........................153 TABLE CHRONOLOGIQUE DES DECISIONS ET AVIS CITES……………….160

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INTRODUCTION:

« La liberté contractuelle est comme un curseur. Elle se déplace en fonction

des époques, des contrats, des formes de la liberté. C’est une liberté à géométrie

variable »1. Ce constat pragmatique dressé par Madame Christine BRECHON-

MOULENES, il ya maintenant plus de dix ans, nous semble être une invitation à

procéder à l’étude de la liberté contractuelle en droit administratif sous l’angle de la

mise en concurrence. Car, s’il est un phénomène qui s’est considérablement étoffé au

cours de la dernière décennie en droit administratif des contrats, au point d’en

bouleverser les frontières traditionnelles, c’est bien la généralisation des règles

encadrant la passation des contrats publics d’affaire. La notion largement débattue

d’un droit commun de la commande publique fondé sur les principes constitutionnels

de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement entre les candidats

et de transparence des procédures, l’illustre parfaitement. Les catégories usuelles de

contrats administratifs s’en trouvent bouleversées, le processus de passation du

contrat généralisé. Il apparaît alors nécessaire de saisir toute l’implication des

procédures de mise en concurrence sur la liberté contractuelle du décideur public.

1 CH. BRECHON-MOULENES, « Liberté contractuelle des personnes publiques »,

AJDA 1998, p.643.

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Après avoir exposé à titre liminaire le cadre de l’étude (I), nous constaterons

que l’évolution des deux concepts de liberté contractuelle et de mise en concurrence

n’est pas sans paraître paradoxale: tandis que le droit de la mise en concurrence

apparaît de plus en plus comme un droit « tentaculaire » tendant à régir de larges pans

de l’activité économique, on assiste corrélativement à un mouvement d’expansion

incontestable de la liberté contractuelle (II). C’est tout naturellement qu’il conviendra

de s’interroger sur cette dialectique afin de tenter de mesurer le degré de cette liberté

dans sa relation avec la mise en concurrence (III).

I) Le cadre de l’étude

Afin de circonscrire le champ de notre étude, il convient de préciser la signification

des notions de liberté contractuelle (A) et de mise en concurrence (B), tant ces deux

concepts entretiennent avec d’autres des rapports de complémentarité ou d’inclusion.

A) La signification du concept de liberté contractuelle

La liberté contractuelle, qui puise ses racines dans la théorie civiliste de l’autonomie

de la volonté, se décompose traditionnellement en plusieurs éléments qui constituent

autant de « sous-libertés » en matière contractuelle (1). Il conviendra alors d’identifier

la portée de l’application de cette notion aux personnes publiques. Bien qu’elle soit

sujette à débat, nous entendrons ici la notion de liberté contractuelle dans un sens

identique à celui prévalant en droit civil (2).

1) Les composantes classiques de la liberté contractuelle en droit civil

De manière générale, la liberté contractuelle sert à désigner la marge de liberté

reconnue aux personnes juridiques lorsqu’elles ont recours au contrat.

Traditionnellement présentée comme étant une conséquence de la théorie civiliste de

l’autonomie de la volonté2, elle recouvre divers aspects de l’activité contractuelle.

Ainsi, la liberté contractuelle recouvre la faculté de recourir ou non au procédé

contractuel, le droit de contracter avec la personne de son choix, la liberté de

2 L. LEVENEUR, « La liberté contractuelle en droit privé », AJDA, 1998, p. 676.

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déterminer l’objet et l’étendue de l’engagement contractuel. Il convient alors

d’emblée de relever qu’il n’existe aucune hiérarchie entre ces différentes composantes

de la liberté contractuelle. Il apparaît en effet que « la définition de la liberté

contractuelle permet de relever qu’elle ne peut se concevoir en dehors de l’ensemble

de ses éléments constitutifs. Leur réunion est donc nécessaire pour donner corps à la

liberté contractuelle, ce qui implique que l’effectivité de la liberté contractuelle

suppose irréductiblement celle de l’ensemble de ses composantes »3. La mesure de la

liberté contractuelle, pour être complète, ne peut donc pas se contenter d’une

approche parcellaire se focalisant sur tel ou tel de ses attributs mais suppose de

procéder à l’étude de leur globalité.

2) Portée de la liberté contractuelle des personnes publiques en droit

administratif

Si nombre d’auteurs admettent l’existence d’une liberté contractuelle au profit des

personnes publiques, une partie de la doctrine fait cependant état d’une position

divergente. La thèse de référence réfutant l’existence d’une liberté contractuelle des

personnes publiques est certainement celle de Monsieur Etienne PICARD. Cet auteur

estime en effet que « les personnes publiques ne bénéficient simplement, et le cas

échéant, que des pouvoirs plus ou moins discrétionnaires d’user du procédé

contractuel »4. Ainsi, la liberté contractuelle des personnes publiques ne serait qu’une

liberté « octroyée, finalisée, objectivée »5, c’est-à-dire une simple compétence, dont le

caractère plus ou moins discrétionnaire variera en fonction de la réglementation en

vigueur. Les termes d’« autonomie contractuelle » ou de « compétence

contractuelle » seraient alors plus aptes à caractériser la possibilité reconnue aux

personnes publiques de recourir au procédé contractuel.

Pour autant, nous emploierons dans cette étude le terme de « liberté contractuelle »

3 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, thèse,

PUAM 2002, p.20, n°6. 4 E. PICARD, « La liberté contractuelle des personnes publiques constitue-t-elle un

droit fondamental? », AJDA, 1996, p. 651 5 Ibid.

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dans un sens identique à celui prévalant en droit civil. En effet, et comme le relève

justement Monsieur Nil SYMCHOWICZ6, Etienne PICARD ne nie pas lui -même

l’existence, au profit des personnes publiques, des mêmes attributs que ceux dont

jouissent les personnes privées. La jurisprudence a d’ailleurs elle-même consacré

l’existence de l’ensemble des éléments constitutifs de la liberté contractuelle au profit

des personnes publiques. Ainsi, ces dernières sont libres de recourir ou non au

procédé contractuel7 ou encore de choisir librement leur cocontractant sans mise en

concurrence préalable lorsque la réglementation ne l’impose pas8.

B) La signification du concept de mise en concurrence

Si le droit de la mise en concurrence peut parfois être rapproché du droit de la

concurrence9, il ne saurait toutefois y être réduit (1). Egalement, la proximité entre

mise en concurrence et transparence nous conduira à adopter une définition large de la

mise en concurrence assez voisine de celle de transparence (2).

1) Mise en concurrence et concurrence

Bien que reposant sur une certaine idée de la concurrence, la mise en concurrence

répond à une logique particulière qui lui est propre, dont les origines et les objectifs

fondamentaux diffèrent de ceux du droit de la concurrence stricto sensu10. En effet, le

droit de la mise en concurrence doit permettre de répondre aux objectifs d’efficacité

de la commande publique et de bonne gestion des deniers publics à travers la

6 N. SYMCHOWICZ, Partenariats public-privé et montages contractuels complexes,

Le Moniteur, 2e éd., 2009, p. 89. 7 CE, 29 avril 1970, Société Unipain, Rec. p.280, AJDA, 1970, p. 430, concl. G.

Braibant ; RDP, 1970, p. 1423, note M. Waline. 8 CE, Sect., 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents généraux d’assurance

des Hautes Pyrénées, RFDA, 1985, p.13, concl. Dandelot. 9 O. GUEZOU, « Droit de la concurrence et droit des marchés publics : vers une

notion transversale de mise en libre concurrence », ACCP, 2003, n°20, p.43. 10 E. BERKANI, « Droit de la concurrence et commande publique : état des lieux

d’un vieux couple », Concurrences, 2007, n°1, p.58.

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publication d’avis d’appel public à la concurrence et de procédures plus ou moins

formalisées de mise en concurrence des candidats soumissionnaires. Pour sa part, le

droit de la concurrence cherche à organiser les conditions d’une concurrence saine et

loyale entre opérateurs économiques en sanctionnant les pratiques anticoncurrentielles

et restrictives de concurrence. Les destinataires des règles sont donc différents, le

droit de la mise en concurrence faisant peser des obligations sur l’acheteur public

tandis que le droit de la concurrence sanctionne, le cas échéant, les opérateurs

économiques susceptibles de satisfaire la demande publique.

Force est toutefois de constater que, sous l’influence du droit communautaire, la

frontière entre les deux droits tend à se brouiller, Ainsi, si historiquement le droit des

marchés publics, puis, plus globalement, le droit de la commande publique, ont été

structurellement conçus pour assurer une protection des acheteurs publics et donc

présentés comme un droit de la demande, le droit communautaire des marchés

apparaît lui comme un droit de l’offre, visant à la réalisation du marché intérieur en

assurant une libre et égale concurrence entre opérateurs économiques11. Ainsi, de plus

en plus, il appartient à l’acheteur public de veiller au bon fonctionnement des

marchés12.

Sans toutefois réduire la mise en concurrence à un « droit spécial de la

concurrence »13, il conviendra d’appréhender ce droit dans sa nouvelle dimension

concurrentielle qui n’est pas sans influer sur la liberté contractuelle des personnes

publiques.

2) Mise en concurrence et transparence

11 Pour une telle analyse, V. F.LICHERE, « L’influence du droit communautaire sur

le droit français des contrats publics », LPA, 2007, n° 79, p. 29. 12 L. BATTOUE, Interventionnisme économique et contrats publics, Paris XII, 2006,

p. 324. 13 G. KAFLECHE, « Secteur public et concurrence : la convergence des droits - A

propos des droits de la concurrence et de la commande publique », AJDA 2007, p.

2420.

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La mise en concurrence est classiquement structurée autours de deux composantes :

d’une part, la publicité, qui doit permettre la création d’un milieu concurrentiel et,

d’autre part, la mise en compétition qui consiste pour la personne publique à définir

préalablement les critères d’attribution du futur contrat afin de procéder à une

comparaison objectives des offres des candidats. Le principe de transparence,

récemment consacré en tant que principe à valeur constitutionnelle, est intimement lié

à l’idée de mise en concurrence. Par l’arrêt Telaustria14, la Cour de Justice des

Communautés européennes a précisé que l’obligation de transparence « consiste à

garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat

permettant une ouverture du marché à la concurrence ainsi que le contrôle de

l’impartialité des procédures d’adjudication ». La transparence se distinguerait donc

de la mise en concurrence en ce qu’elle n’imposerait pas, à proprement parler, une

mise en compétition des offres. Pour autant, la frontière entre transparence et mise en

concurrence est nébuleuse dès lors que, comme a pu le relever Monsieur François

LLORENS, « l‘impartialité de la procédure, mentionnée par l‘arrêt Telaustria, nous

parait impliquer une pluralité d‘offres ainsi que leur jugement sur la base de critères

objectifs et non discriminatoires, ce qui est le propre de la mise en concurrence »15.

Pour notre part, nous entendrons la notion de mise en concurrence de façon large

comme recouvrant à la fois l’obligation faite à la personne publique de procéder à des

mesures de publicité ou/et l’obligation d’organiser une mise en compétition.

II) Intérêt de l’étude

Le droit des contrats administratifs apparaît depuis plusieurs années tiraillé entre deux

mouvements de fond a priori antinomiques : d’une part, la liberté contractuelle a fait

l’objet d’une consécration juridique plénière (A), d’autre part, la mise en concurrence

ne cesse de gagner en puissance et a désormais vocation à régir l’immense majorité

des contrats publics d’affaires (B). L’étude menée devra alors permettre de saisir toute

14 CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH, Aff. C-324/98 ; AJDA 2001,

p.106, note L.Richer. 15 F. LLORENS, « Principe de transparence et contrats publics », CMP, 2004, chron.

p.12.

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la portée de cette dialectique ( C ).

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15

A )Le constat d’une consécration de la liberté contractuelle

Le constat d’une consécration plénière de la liberté contractuelle s’exprime

doublement : d’abord en fait, à travers le recours décomplexé des personnes publiques

au procédé contractuel pour mener à bien leurs actions (1), ensuite en droit, à travers

la reconnaissance récente de la valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle (2).

1) L’essor du contractualisme

« Le contrat, par sa nature, respire la liberté »16. Cette forte imprégnation idéologique

attachée à cet instrument juridique explique le développement considérable du

procédé contractuel en droit administratif. En effet, si l’acte unilatéral a longtemps été

présenté comme la forme normale d’expression de la volonté de l’Administration, le

contrat apparait aujourd’hui sans conteste comme un instrument privilégié « d’action

publique et de production des normes »17. Ce mouvement, qualifié tantôt de « pan-

contractualisme »18, d’« idéologie du contrat »19 ou, de manière plus neutre, de

« contractualisme »20, correspond à une formulation moderne de l’action publique

fondée sur la négociation et le consensus plus que sur l’autorité. Empreint de

« proudhonisme diffus »21, selon l’expression du professeur Laurent RICHER, ce

mouvement favorable à l’action contractuelle des personnes publiques permet à ces

dernières d’exercer une forme d’interventionnisme sur l’économie en interagissant

directement avec les acteurs économiques ou encore de développer le partenariat entre

16 « Obligations », t. IV, 1e partie, in H.PLANIOL et G.RIPERT, Traité pratique de

droit civil français, LGDJ, 2e éd., 1952, p.17. 17 CE, rapport public 2008, Le contrat, mode d’action publique et de production de

normes, La doc fr, n°59. 18 F. MODERNE, « L’évolution récente du droit des contrats administratifs : les

conventions entre personnes publiques », RFDA, 1984. 1. 19 J. CAILLOSSE, « L’administration doit-elle s’évader du droit administratif pour

relever le défi de l’efficience », PMP, 1989, vol.7, n°2, p.163. 20 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, LGDJ, 6e éd., 2008, p. 44, n° 56. 21 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 45, n° 58.

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16

collectivités et Etat dans le cadre de la décentralisation.

Or, le contractualisme est le premier indice de l’existence d’une liberté contractuelle

au profit des personnes publiques dès lors qu’« une telle liberté est inhérente à tout

système de droit aménageant des rapports contractuels, car elle est de l’essence

même du contrat »22. C’est dans ce contexte favorable à l’essor du procédé contractuel

que la liberté contractuelle en droit administratif a connu une consécration juridique

progressive à compter des années 1990.

2) Le statut constitutionnel de la liberté contractuelle

La question du statut de la liberté contractuelle a longtemps divisé tant les différentes

juridictions supérieures que la doctrine. Le Conseil d’Etat fut le premier à reconnaitre

explicitement le principe de la liberté contractuelle au profit des personnes publiques,

dans sa célèbre décision Borg Warner23. Pour sa part, le Conseil Constitutionnel a

longtemps été réticent à consacrer cette liberté, conforté dans cette position par une

partie de la doctrine. Néanmoins, face à une « constitutionnalisation inéluctable de la

liberté contractuelle »24, les juges de la rue Montpensier ont fini par faire évoluer leur

jurisprudence en conférant l’onction constitutionnelle à la liberté contractuelle des

personnes publiques25. Mais, même constitutionnalisée, la liberté contractuelle devra

se concilier avec d’autres règles et principes à valeur constitutionnelle susceptibles

d’affecter les contrats publics, parmi lesquels notamment les principes fondamentaux

de la commande publique, tels qu’il sont rappelés à l’article 1er du Code des marchés

publics.

22 N. SYMCHOWICZ, Partenariats public-privé et montages contractuels

complexes, op.cit., p. 93. 23 CE, 28 janvier 1998, Société Borg Warner, n° 138 650, Rec. 1998, p.20 ; CJEG

1998, p.269, chron. F. Moderne ; AJDA 1998, p.287. 24 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, thèse,

PUAM 2002, p. 84. 25 CC, 30 novembre 2006, loi relative au secteur de l‘énergie, DC 2006-543 : CMP,

2007, comm. n°274, note G. Eckert ; RFDA, 2006, p. 1163, note R. de Bellescize ;

DA 2007, comm. 14, note M. Bazex ; LPA, 2007, n° 4, p. 3, note C. Clarence.

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17

B) La montée en puissance de l’obligation de mise en concurrence

La montée en puissance de l’obligation de mise en concurrence se traduit, d’une part,

à travers son extension irrésistible à de nouvelles catégories de contrat (1), d’autre

part, à travers la constitutionnalisation des principes fondamentaux de la commande

publique (2).

1) L’extension irrésistible de la mise en concurrence

Paradoxalement, c’est à partir des mêmes années 1990 que, sous l’impulsion des

directives communautaires secteurs classiques et secteurs exclus, les règles de

passation des marchés publics se sont considérablement renforcées. Ainsi, sous l’effet

d’une définition communautaire extensive du marché public transposée en droit

interne par le Code des marchés publics de 200626, ce sont des pans entiers de

l’économie jusque là non réglementés qui ont été soumis à l’obligation de mise en

concurrence27. L’attractivité de la notion de marché public a donc conduit à une

extension rationae personae et rationae materiae des règles encadrant la passation de

ce type de contrat. L’élargissement organique a ainsi conduit à soumettre des

personnes morales de droit privé à des obligations de publicité et de mise en

concurrence, soit parce qu’il s’agit d’organismes de droit public, soit en vertu d’un

financement majoritairement public pour certains travaux. L’objet matériel du marché

public, lui, a permis d’étendre le champ d’application de la réglementation. En effet,

l’attractivité de la notion communautaire de marché public de travaux, définie en des

termes bien plus large qu’en droit français, a conduit à élargir les catégories de

contrats soumis à une obligation de mise en concurrence28 tandis que, sous l’effet des

26 « Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs

adjudicateurs définis à l’article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés ,

pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou services »

(article 1er du CMP de 2006). 27 F. LINDTICH, « Une définition élargie des marchés publics destinée à couvrir de

larges pans de l’activité économique », CDE, 2007, n°5, dossier 29. 28 On songe ici notamment aux concessions d’aménagement qui, à la suite de l’affaire

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directives communautaires, ont été abandonnées des exclusions à l’application du

Code liées à la nature particulière de certains contrats29.

Parallèlement, le principe de transparence, dégagé par la Cour de Justice des

communautés européennes dans sa décision Telaustria à propos des concessions de

service public, a été étendu aux marchés non soumis aux directives communautaires

en raison de leur faible montant30. Cette jurisprudence fut réceptionnée en droit

interne par le Conseil d’Etat à l’occasion de l’avis contentieux Société MAJ

Blanchisserie de Pantin31.

Le mouvement d’extension des règles de mise en concurrence ne s’est toutefois pas

limité aux seuls marchés publics et concerne également les délégations de service

public32, les concessions d’aménagement33 ou encore les concessions de travaux34.

L’emprise de la mise en concurrence sur le droit administratif des contrats est telle

que si « tous les contrats publics ne s’y trouvent pas encore soumis, ceux qui y

échappent encore menacent de l’être, de sorte que la question est moins, à l’heure

Jean Auroux, sont désormais susceptibles en vertu du décret n°2009-889 du 22 juillet

2009 de relever du droit communautaire des marchés publics lorsque « le

concessionnaire assume une part significative du risque économique de l'opération

»et que le « montant total des produits de l'opération d'aménagement concédée est

égal ou supérieur » au seuil communautaire des marchés publics de travaux. 29 On songe ici aux contrats de mandat, aux contrats d’assurance ou encore aux

contrats de prestation juridique. 30 CJCE, ord., 3 déc. 2001, Bent Mousten Vestergaard , aff. C-9/00. 31 CE avis 29 juillet 2002, Société MAJ Blanchisserie de Pantin, req. n°246921 ; CE

23 février 2005, Association pour la transparence et la moralité dans les marchés

publics (ATMMP), req. n° 264712, 265248, 265281 et 265243. 32 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la

transparence de la vie économique et des procédures publiques. 33 Décret n° 2009-889 du 22 juillet 2009 relatif aux concessions d'aménagement. 34 Ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux concessions de travaux

publics.

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19

actuelle, de savoir quels sont ceux qui y sont assujettis que de rechercher ceux qui

pourraient encore s’y trouver soustraits »35.

Il apparaît donc clairement que jurisprudence communautaire et jurisprudence

nationale se rejoignent sur un point: l’impossibilité pour l’acheteur public, même en

l’absence de texte imposant des formalités, de traiter de gré à gré.

2) Le statut constitutionnel des principes fondamentaux de la commande

publique

L’extension de l’obligation de mise en concurrence ne s’est pas fondée sur la

reconnaissance d’un principe général qui imposerait aux personnes publiques de se

conformer à des règles de passation lorsqu’elles décident de conclure un contrat. Le

Conseil d’Etat a d’ailleurs toujours refusé de consacrer un tel principe général de mise

en concurrence36. La mise en œuvre des règles de mise en concurrence demeure donc

expressément conditionnée à une intervention législative, imposant pour tel ou tel

type de contrat le respect de contraintes de passation. Son extension ne tient donc pas

tant à la portée générale d’une obligation de mise en concurrence s’imposant à

l’ensemble des contrats administratifs à objet économique qu’à celle des catégories de

contrat concernées par cette mise en concurrence. A cet égard, la consécration par le

Conseil Constitutionnel des principes fondamentaux de la commande publique37

devrait conduire à imposer a minima le respect de ces principes à l’ensemble des

contrats situés dans le champ de ce droit commun de la commande publique.

35 F.LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales », CMP,

2007, n°5, Etude 6. 36 CE, 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents d’assurance des Hautes-

Pyrénées, RFDA 1985, p. 20, concl. DANDELOT ; CE, 6 février 1998, Tête, Rec.

p.30 ; concl. H. Savoie, RFDA 1998, p.412 ; CE, 3 mai 2004, Fondation Assistance

aux animaux, req. n° 249832, BJCP n°37, 2004, p.464, concl. E. Glaser et C. Maugüe. 37 CC, 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, n° 2003-473

: CMP, 2003, chron. F. Linditch ; AJDA 2003, p.1391, note J.E Schott ; DA 2003,

comm. 188 et 191, note A. Ménémesis ; RDP 2003, p.1163, étude F. Lichère.

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20

C) Portée de la dialectique entre liberté contractuelle et mise en concurrence

La consécration d’une liberté contractuelle au profit des personnes publiques s’est

accompagnée d’une extension continue de l’obligation de mise en concurrence. Ce

rapport de force entre les deux concepts représentera le fil d’Ariane de notre étude .

En effet, « on voit se dessiner une sorte de dialectique. D’un côté, on assiste à un

mouvement d’expansion considérable de la liberté contractuelle. (…) De l’autre coté,

on observe une multiplication de dispositions législatives spéciales qui réglementent

tel aspect de telle catégorie de contrats. Il s’agit de préférence des règles de

passation, mais également des règles de fond, voire de l’évolution du contrat »38. Tout

l’intérêt de notre étude sera donc d’analyser cette réalité juridique en mettant en

évidence ses contradictions et en tentant de les dépasser.

Les risques de contradiction entre les deux concepts découlent de leur consécration

respective. En effet, le principe de la liberté contractuelle, même constitutionnalisé,

doit se concilier avec d'autres principes constitutionnels susceptibles d'affecter la

passation des contrats publics, en particulier les marchés publics et les délégations de

service public. Ainsi, le choix libre du cocontractant ne saurait méconnaître les

principes fondamentaux de la commande publique, tels que rappelés à l'article 1er du

Code des marchés publics et, par conséquent, l'obligation faite aux personnes

publiques d'organiser des procédures de publicité et de mise en concurrence.

Dans le même temps, le constat d’un contractualisme diffus prouve avec éclat que la

liberté contractuelle demeure. Bien plus, la libéralisation des procédures de passation

en matière de marché public, l’élargissement des possibilités de recours à la

négociation ainsi que la modulation des contraintes de publicité sont autant d’indices

d’une marge de liberté grandissante laissée au décideur public au sein du processus de

mise en concurrence

III ) PROBLEMATIQUE

38 Ch. MAUGÜE, « Les variations de la liberté contractuelle dans les contrats

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21

Face au constat unanimement partagé d’un droit de la mise en concurrence

envahissant et impérialiste, faut-il se résoudre à admettre que la liberté contractuelle

des personnes publique ne se réduit qu’à « une peau de chagrin »39? L’extension de

l’obligation de mise en concurrence ne peut elle se concevoir qu’en termes

d’anéantissement ou du moins de restriction de la liberté contractuelle?

L’extension spectaculaire, au point d’en paraître inexorable, de l’obligation de mise

en concurrence inclinerait naturellement à répondre par l’affirmative. Mais en réalité

la réponse n’est pas univoque et doit certainement être nuancée. En effet, comme

toute liberté, la liberté contractuelle des personnes publiques ne saurait être absolue. Il

n’en reste pas moins qu’elle continue de fonder l’action publique contractuelle et de

conférer à son titulaire, y compris dans sa confrontation à la mise en concurrence, de

véritable marges de manœuvres contractuelles. Peut-on alors envisager une

régénération de la liberté contractuelle dans sa relation avec la mise en concurrence?

Le rapport de force entre mise en concurrence et liberté contractuelle ne se transforme

t-il pas en une forme de synergie pour mieux servir la finalité d’intérêt général censée

guider l’action publique contractuelle?

Cette ambivalence de l’interaction complexe entre liberté contractuelle et mise en

concurrence conduit à considérer qu’au-delà du constat largement partagé d’une

restriction de la liberté contractuelle en droit administratif sous l’effet de l’extension

de l’obligation de mise en concurrence (Titre 1), il semble également possible de

constater un phénomène de régénération de la liberté contractuelle qui, nous semble t-

il, n’a jamais cessé de fonder l’action contractuelle des personnes publiques (Titre 2).

administratifs », AJDA, 1998, p.694. 39 M-T. CALAIS-AULOY, « L’importance de la volonté en droit », LPA, 1999, n°

243, p. 15.

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22

Titre I

La restriction de la liberté contractuelle dans sa relation

avec la mise en concurrence

Nouvellement consacrée au profit des personnes publiques, la liberté contractuelle

semble peiner à trouver sa place au sein d’un cadre administratif imposant

inéluctablement des limites spécifiques à sa mise en œuvre. L’existence de limites à

l’exercice de la liberté contractuelle n’est toutefois pas, en soit, de nature à faire

douter de cette liberté dès lors que, par nature, aucune liberté ne saurait être absolue.

En effet, « la notion abstraite de liberté contractuelle ne correspond à rien. Il n’y a de

liberté que dans une sphère juridique. (…) D’une façon générale, la liberté se définit

toujours par ses limites »40. A cet égard, la liberté contractuelle des personnes privées

n’est pas elle-même sans limites41.

Toutefois, dans le cadre du droit administratif, l’obligation de mise en concurrence

joue un rôle tout à fait particulier de limitation de la liberté contractuelle des

personnes publiques et ce, à double titre.

Tout d’abord, largement impulsée par le droit communautaire, elle bénéficie d’une

force d’expansion la conduisant à conquérir des contrats nombreux et importants

excédant les seuls marches publics. La doctrine la plus avisée tend alors à considérer

que « les atteintes qu’elle [la mise en concurrence] inflige à la liberté contractuelle

revêtent sans doute un caractère irréversible »42, les contraintes nées des procédures

de passation apparaissant comme « indépassables »43.

40 CH. BRECHON-MOULENES, « La liberté contractuelle des personnes

publiques », AJDA, 1998, p.643. 41 L. LEVENEUR, « La liberté contractuelle en droit privé : les notions de base »,

AJDA, 1998, p. 676. 42 F. LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales », CMP,

2007, n° 5, Etude 6. 43 F-X. FORT, « Les aspects administratifs de la liberté contractuelle », in Contrats

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23

Ensuite et surtout, l’obligation de mise en concurrence ne constitue pas seulement une

limite ponctuelle à la liberté de choix du cocontractant mais apparaît au contraire

comme une limite englobant, en ce qu’elle embrasse non seulement la passation du

contrat mais également son exécution. En effet, parce que « tous les actes juridiques

et toutes les opérations matérielles qui préparent la formation du lien contractuel

sont censés être incorporés, absorbés par le contrat finalement conclu et constituent

avec lui un ensemble »44, il existe une interdépendance entre la phase de passation du

contrat et celle de son exécution. Ainsi, les principes de mise en concurrence régissant

la phase de passation du contrat survivent de sorte qu’aucun acte d’exécution ne doit

permettre de bouleverser les données initiales de mise en concurrence.

La mise en concurrence impacte donc la liberté contractuelle du décideur public tout

au long de la vie du contrat, de la phase de passation, durant laquelle le choix du

cocontractant fait l’objet d’un encadrement (Chapitre 1), à la phase d’exécution,

durant laquelle le contenu du contrat est cristallisé (Chapitre 2).

Publics, Mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal, Presses de l’Université

de Montpellier, 2006, vol.1, p. 33. 44 C. YANNAKOPULOS, « L’apport de la protection de la libre concurrence au

contrat administratif », RDP,2008, n° 2, p. 421.

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24

CHAPITRE 1: L’impact de la mise en concurrence sur la liberté

contractuelle du décideur public au stade de la passation du contrat :

l’encadrement du choix du cocontractant

Une des principales manifestations de la liberté contractuelle est celle permettant à

son titulaire de pouvoir choisir librement le cocontractant avec lequel il désire

s’engager contractuellement. Son exercice ne doit donc être entravé par aucune règle

de fond ou de forme.

L’analyse de la liberté dans le choix du cocontractant dans sa relation avec

l’obligation de mise en concurrence a toujours fait l’objet d’une approche nuancée,

conduisant la doctrine la plus éminente à considérer que la liberté contractuelle est

« une liberté à géométrie variable »45. L’ étude de la liberté contractuelle sous l’angle

des règles de passation codifiées conduit notamment à opposer les marchés publics

et les délégations de service public. En effet, bien qu’ils fussent tous deux soumis au

respect de procédures réglementées, on distinguait classiquement d’un côté les

marchés publics pour lesquels la liberté de choix de l’administration est très encadrée

- la personnalité du cocontractant n’étant pas un critère déterminant dans le choix de

l’offre économiquement la plus avantageuse -, de l’autre, les délégations de service

public pour lesquelles la collectivité doit pouvoir choisir librement son

concessionnaire en raison du principe de l’intuitu personae inhérent à ces contrats.

Pour le reste, les autres contrats administratifs n’étaient soumis à aucune règle

formelle de publicité et de mise en concurrence, sauf requalification ou assimilation à

l’une de ces deux catégories de contrat réglementé. Sous l’angle de la réglementation

écrite, la liberté dans le choix du cocontractant semble donc bien faire l’objet de

variations, de fluctuations, selon la catégorie de contrat concernée ou le type de

procédure mis en œuvre (Section 1).

45 CH. BRECHON-MOULENES, « Liberté contractuelle des personnes publiques »,

AJDA 1998, p. 643.

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25

Ce tableau largement dressé par la doctrine jusqu’au début des années 200046 n’est

toutefois plus aujourd’hui tout à fait exact car s’en tenir à l’examen de la liberté

contractuelle sous l’angle de la réglementation écrite en matière de passation

conduirait à une vision tronquée de la réalité juridique. En effet, des principes

d’origine communautaire et constitutionnelle prennent une place de plu en plus

importante en droit des contrats administratifs, participant au renforcement de

l’obligation de mise en concurrence dans les domaines déjà réglementés et à sa

conquête de nouveaux espaces contractuels pourtant vierges de toutes règles de

passation codifiées. Se dessine alors progressivement un régime commun de

formation du contrat administratif, fondé sur le respect des règles de publicité et de

mise en concurrence, les variations de la liberté contractuelle entre les différents

contrats administratifs apparaissant alors comme « lissées »sous l‘effet de principes

généraux gouvernant la passation des contrats de la commande publique (Section 2).

Section 1. Les variations dans l’encadrement du choix du

cocontractant par le respect de procédures réglementées

Le particularisme de la formation des contrats administratifs par rapport aux contrats

de droit privé tient au fait que le processus de passation est soumis à un formalisme

exorbitant. A l’examen, on observera que les variations de la liberté contractuelle sont

doubles : d’une part l’encadrement du choix du cocontractant est plus ou moins

accentué selon le type de contrat concerné (§1), d’autre part, au sein même des

catégories de contrats réglementés, il existe une diversité des procédures faisant que le

choix du cocontractant variera selon le type de procédure utilisée (§2).

§1. Les variations de la liberté dans le choix du cocontractant selon le type de

contrat

Sous l’angle de la réglementation organisant la passation du contrat, il semble

possible d’opposer, du point de vue de la liberté contractuelle, l’encadrement marqué

de la liberté de choix du cocontractant dans les marchés publics (A) et l’encadrement

46 C. MAUGÜE, « Les variations de la liberté contractuelle dans les contrats

administratifs », AJDA 1998, p. 694.

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26

plus relatif de ce choix dans les autres contrats (B).

A) L’encadrement marqué de la liberté de choix du cocontractant dans le

marchés publics

Le droit des marché publics constitue sans conteste la matière la plus rigoureuse dans

l’encadrement du choix du cocontractant puisque, en objectivant le choix de l’offre

économiquement la plus avantageuse (1), elle tend à fonder la formation du lien

contractuel sur l’« économie des volontés »47 et, par là-même, à réduire la marge de

liberté de la personne publique cocontractante (2).

1) L’objectivisation du choix du cocontractant

Les marchés publics sont, historiquement, les contrats administratifs qui ont les

premiers été marqués du sceau de la mise en concurrence. Les premiers mécanismes

de mise en concurrence ont été datés au Moyen-âge48, l’Etat et les communes étant

tenus de procéder par la voie de l’adjudication, dans l’objectif d’obtenir le prix

d’achat le moins coûteux. A partir du 19ème siècle, un ensemble de textes

réglementaires49 a organisé et généralisé la procédure d’adjudication qui obligeait

l’administration à déduire de la mise en concurrence l’attribution du marché au

candidat qui formulait « l’offre de faire la meilleure chose au meilleur compte »50.

Cette recherche du moins-disant, dont la procédure d’adjudication fût l’archétype,

« gênerait une limitation de la liberté contractuelle des operateurs économiques qui

47 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009, p. 1696. 48 CE, Collectivités publiques et concurrence, Rapport public 2002, EDCE n°53,

Paris, La doc. fr., 2002 : la réglementation la plus ancienne semble être une

ordonnance de Saint-Louis de 1256. 49 décret du 31 mai 1862, portant règlement général de la comptabilité publique, et

décret du 18 novembre 1882, relatif aux adjudications et au marchés passés par l’Etat

; ordonnance du 14 novembre 1867 pour les communes 50 J-N. GUYOT, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle,

canonique et bénéficiale, Paris, 2e édition, 1784-1785, référence citée par Fréderic

Allaire in « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009 p. 1696.

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27

est apparue excessive et manifestement contre-productive »51 dans la mesure où elle

s‘avérait porteuse d’effets pervers se traduisant par des retards dans l’exécution ou de

malfaçons. C’est pour faire face à ces imperfections que le droit des marché publics a

été repensé afin de proposer un régime juridique contractuel non plus exclusivement

fondé sur des considérations purement financières mais devant permettre une gestion

administrative performante. La distinction entre l’appel à la concurrence et les

mécanismes adjudicataires sera consacrée par le Code des marchés publics de 1964

qui, à coté des règles rigoureuses d’adjudication (attribution du marché au moins-

disant) a consacré les règles plus souples de l’appel d’offre (attribution du marché au

mieux-disant). Suite à la suppression de l’adjudication par le Code de 2001, l’appel

d’offres est devenu la procédure de droit commun.

Ce passage de la logique du moins-disant à celle du mieux-disant a certes

desserré les contraintes pesant sur la liberté contractuelle du décideur public qui, à

vrai dire, était totalement niée sous l’empire de la procédure d’adjudication, tout en

continuant d’encadrer strictement le choix de l’attributaire. En effet, le Code des

marchés publics fait une description très détaillée des différentes étapes encadrant le

choix du cocontractant, tout manquement à l’une d’entre elles étant susceptible de

provoquer l’annulation de la procédure dans son ensemble. Il en résulte que tout

marché public, quel que soit le type de procédure utilisée, à l’exception du cas

particulier des marchés passés sans publicité, doit respecter un ensemble général de

règles, que ce soit dans le cadre ou hors le cadre d’une procédure formalisée. Ainsi, le

pouvoir adjudicateur aura l’obligation dans un premier temps de procéder à la

définition de ses besoins avec précision52, éventuellement d’avoir recours aux

spécification techniques afin de définir de manière objective les caractéristiques de la

prestation ou du produit requis, il devra ensuite respecter l’obligation

d’allotissement53, puis procéder à la sélections des candidats sur la base de critères

limitativement définis54 et enfin définir les critères de sélection des offres , afin

d’attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus

51 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009 p. 1696. 52 art. 5 du Code des marchés publics. 53 art. 10 du même code. 54 art. 52 du même code.

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28

avantageuse55.

Il apparaît ainsi que la passation d’un marché public demeure soumise à un important

formalisme procédural, plusieurs phases devant se succéder dans les conditions

posées par les textes, la liberté contractuelle de l’acheteur public étant ainsi guidée et

objectivée par la procédure à suivre.

2) Les imperfections d’un système fondé sur l’ « économie des volontés »56

Nous l’avons vu, les Codes des marchés publics qui se sont succédé entre 2001 et

2006 ont tenté d’assouplir les modalités de passation des marchés publics en

supprimant le mécanisme d’attribution automatique du contrat au moins disant et en

élargissant les moyens d’appréciation de l’offre économiquement la plus avantageuse

par le pouvoir adjudicateur. Toutefois, si les conditions d’objectivisation du choix du

cocontractant se sont sophistiquées57, le principe demeure bien celui de l’objectivisme

contractuel car, les critères de choix des offres devant être liés à l’objet du marché, ils

ne confèrent pas au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix et

doivent respecter les principes fondamentaux encadrant la passation des marchés58.

Bien plus, malgré sa différence intrinsèque sur le plan théorique, l’appel d’offres peut

tendre, en pratique, à se rapprocher de l’adjudication, les acheteurs publics étant

enclins à attribuer les marchés au moins-disant étant donné que, comme le relevait à

juste titre Michel GUIBAL, « dans la majorité des appels d’offres, la pluralité

55 art. 53 du même code. 56 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009, p. 1696. 57 L’article 53 du CMP 2006 prévoit à coté du critère du prix une liste non limitative

de critères tels que la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique et

fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, le coût

global des travaux (…) pouvant être utilisés pour apprécier l’offre économiquement la

plus avantageuse. 58 V. entre autres CJCE, 17 sept. 2002, Concordia Bus Finland Oy Ab et Helsing in

Kaupunki, aff. C-513-99 pour le critère environnemental ; CE, 5 nov. 2008, Commune

de Saint-Nazaire et la Carenne, n°310484 pour le critère esthétique.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

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d’attribution des critères est factice et seul le prix des prestations permet de faire la

décision »59. On peut comprendre le recours des acheteurs publics à cette solution de

facilité compte tenu du fait que « le processus de décision n’est vraiment simple à

justifier que lorsque l’unique critère de décision est le moins-disant »60. Or, cette

régression dans l’utilisation des critères de choix des offres induit nécessairement et

mécaniquement une régression de la liberté contractuelle du décideur public qui, sous

peine de soulever critiques et même suspicion, préférera autolimiter sa liberté de

choix. Cette dérive inhérente au droit des marchés publics a donné lieu à une théorie

originale développée par Fréderic ALLAIRE, lequel considère que « le droit des

marchés publics présente une théorie contractuelle qui déroge à la théorie générale

des contrats et porte de franches atteintes au principe de liberté contractuelle en

conditionnant la validité du contrat à l’économie des volontés »61. En effet, selon cet

auteur, « contrainte par la structuration de l’acte contractuel, l’économie des

volontés se fond dans l’économie du contrat »62. Le droit des marchés publics ne

pourrait ainsi remédier au défaut originel de l’attribution du marché au moins-disant,

dont la logique procède intimement de l’obligation de mise en concurrence.

L’objectivisme contractuel qui caractérise ce régime remet donc en cause le

conception fondamentalement subjectiviste de la formation des obligations

contractuelles, et, par là-même, le principe de liberté contractuelle qui ne fait que

découler d’une volonté en partie aliénée par peur d’une subjectivité suspecte.

B) L’encadrement relatif de la liberté de choix du cocontractant dans les autres

contrats

L’encadrement du choix du cocontractant apparait moins rigoureux dans les autres

contrats administratifs, soit parce que le législateur a pris soin, comme en matière de

délégation de service public, de mettre en place un régime de passation allégé afin de

tenir compte du caractère intuitu personae de ces contrats (1), soit parce que ces

59 M. GUIBAL, « Un nouveau code des marchés publics », AJDA 2001, p. 362. 60 M. JACOB, « Reformer les marchés publics », Les Echos, rubrique Droit, 30 1999. 61 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. précit., p. 1699. 62 Ibid.

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contrats n’entrent dans aucune catégorie de contrats réglementés (2).

1)Un formalisme allégé en matière de délégation de service public marqué par le

souci de l’intuitu personae

Contrairement aux marchés publics, qui sont dominés historiquement par un

encadrement très précis de leur liberté de choix du cocontractant, le choix du

concessionnaire dans les délégations de service a longtemps été totalement libre. Cette

liberté se justifiait alors, selon la doctrine majoritaire, en raison du principe de

l’ intuitu personae découlant de la nature même du contrat de délégation de service

public, qui implique par essence une étroite collaboration entre la personne publique

concédante et son délégataire.

En effet, les délégations de service public se définissent comme des contrats de

longue durée impliquant inévitablement l’existence de relations de confiance entre les

cocontractants devant se maintenir de façon durable. Le principe de l’intuitu personae

justifie donc que les règles de passation des délégations de service public se

distinguent de celles des marchés publics. Ainsi, en matière de marché public, « la

considération liée à la personne du titulaire importe peu, et explique l’existence de

procédures de publicité et de concurrence afin de rechercher l’entreprise la plus

efficace d’un point de vue principalement, sinon strictement économique »63. Au

contraire, dans les délégations de service public, c’est la prise en charge du service

public par une personne tierce qui est en jeu et qui doit justifier la possibilité pour la

personne publique concédante de rechercher librement celui qui leur semblera capable

de mener jusqu’à son terme cette mission fondamentale.

Dans un premier temps, il a été ainsi admis par le Conseil d’État que le choix du

concessionnaire, en considération de sa personne, interdisait tout recours à

l’adjudication pour l’attribution de la concession64. La liberté de choisir le

63 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, PUAM

2002, p. 358. 64 CE, 23 juillet 1909, Combret, Rec. p.428 : « Le principe de l’adjudication est

incompatible avec la nature du traité de concession, le concessionnaire devant être

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cocontractant dans les délégations de service public permettait donc aux collectivités

territoriales d’accorder une concession sans avoir mis au préalable la société choisie

en concurrence avec d’autres entreprises65.

Cette présentation de la liberté contractuelle dans le choix du cocontractant qui doit

être considérablement atténuée depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin66 qui

subordonne la conclusion des contrats de délégation de service public à des mesures

de publicité et de mise en concurrence. Face à ces mesures, une partie de la doctrine

n’a pas hésité à parler de « mort de la liberté contractuelle dans les délégations de

service public »67. Cette affirmation est toutefois à relativiser. En effet, l’article 38 de

la loi pose désormais le principe général d'une « procédure de publicité permettant la

présentation de plusieurs offres concurrentes ». Toutefois, cette formulation de

principe quelque peu embarrassée prouve que les promoteurs de la loi n'ont pas voulu

que l'appel à la concurrence aille jusqu'à supprimer la liberté de choix du

cocontractant, comme en matière d'adjudication. Ils n'ont même pas voulu aller

jusqu'à un alignement complet sur le mode de passation par appel d'offres qui

constitue le droit commun des marchés publics. Au cours des débats parlementaires,

ils ont fortement insisté sur le fait que la procédure de passation des contrats de

délégation est inspirée de celle des marchés sur appel d'offres mais qu'elle en diffère

sur des points substantiels pour préserver la complète liberté de l'autorité délégante.

La loi Sapin cherche en effet à combiner publicité et négociation tout en préservant le

libre choix du délégataire. Ainsi, aux termes de l'article L. 1411-1 du Code général

des collectivités territoriales : « Les offres ainsi présentées sont librement négociées

par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces

négociations, choisit le délégataire ». Il apparaît alors que cette négociation libre doit

être entendue non seulement comme permettant à l’autorité délégante de mener

choisi en considération de sa personne, de ses qualités et des garanties qu’il offre ». 65 CE, Ass., 16 avril 1986, Société Luxembourgeoise de télédiffusion, RDP, 1986, p.

847. 66 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la

transparence de la vie économique et des procédures publiques. 67 L. RAPP, « Chronique d’une mort annoncée », M.T.P.B, 27 février 1999, n° 4918,

p. 21.

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librement les discussions en fonction des offres à l’issue desquelles elle choisit le

délégataire, mais également comme donnant toute latitude à l’autorité délégante pour

choisir les candidats avec lesquels elle entend négocier68. Cette phase de la procédure

de mise en concurrence est celle qui exprime le mieux le particularisme traditionnel

de la délégation de service public par rapport aux marchés publics. La libre

négociation des offres exprime en effet clairement la volonté du législateur de

maintenir le principe de l’intuitu personae dans le choix du délégataire.

68 CE, 23 mai 2008, Musée Rodin, n° 306153.

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2) L’absence de principe général de mise en concurrence pour les autres contrats

Tous les contrats administratifs ne sont pas expressément soumis à des règles de

passation imposées par un texte. Ainsi, comme en droit privé, la liberté contractuelle

implique que tout ce qui n’est pas interdit est autorisé69. Il en résulte que les personnes

publiques peuvent, par principe, procéder librement au choix de leur cocontractant

lorsque la réglementation n’impose pas expressément le respect d’obligations de

publicité et de mise en concurrence. Sont alors concernées, nous l’avons vu, les deux

principales catégories de contrat administratif, les marchés publics et les délégations

de service, mais également, depuis l’ordonnance du 17 juin 200470, les contrats de

partenariat, selon un régime proche de celui des marchés publics, ainsi que les

concessions d’aménagement71 et les concessions de travaux72, dont le régime en droit

interne a été mis en conformité avec les exigences communautaires. Pour le reste, le

Conseil d’Etat a toujours refusé, alors qu’il en a eu plusieurs fois l’occasion, de

consacrer un principe général de mise en concurrence73. Ainsi, la Haute juridiction a

solennellement affirmé qu’il n’existait « aucun principe général du droit qui

imposerait aux collectivités publiques de recourir à la concurrence avant la passation

de leurs contrats »74. Il résulte de cette jurisprudence de principe que, pour l’essentiel,

le régime des concessions domaniales diffère fondamentalement de celui des autres

contrats administratifs en ce qui concerne leur passation, la règle applicable étant que

« la conclusion n’a pas à être précédée du respect d’une procédure de publicité et de

69 L. LEVENEUR, « La liberté contractuelle en droit privé », AJDA, 1998, p. 676. 70 Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat. 71 décret n° 2009-889 du 22 Juillet 2009 relatif aux concessions d’aménagement. 72 ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux concessions de travaux

publics. 73 CE, Sect., 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents d’assurance des

Hautes-Pyrénées, RFDA 1985, p. 20, concl. Dandelot ; CE, Ass., 6 fevrier 1998, Tête,

Lebon p.30, concl. H. Savoie, RFDA 1998, p.412. ; CE, 3 mai 2004, Fondation

assistance aux animaux, req. n° 249832, BJCP n° 37, novembre 2004, p.464, concl.

E. Glaser et Ch. Maugüe. 74 CE, Sect., 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents d’assurance des

Hautes-Pyrénées, RFDA 1985, p. 20, concl. Dandelot.

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mise en concurrence » 75

Toutefois, les contrats exemptés de l’obligation de mise en concurrence par la

réglementation en vigueur peuvent être soumis au respect de règles de passation en

cas de requalification ou assimilation à l’une de ces deux catégories de contrat

réglementé . Il en va ainsi dans l’hypothèse où une concession domaniale est adossée

à d’autres contrats, c’est-à-dire qu’elle forme avec un marché public, une délégation

de service public ou une concession de travaux un « ensemble contractuel

indissociable »76, elle ne pourra être conclue qu’après la mise en œuvre d’un

procédure formalisée77.

Cet exemple permet donc d’observer que les différentes catégories de contrats

administratifs ne sont pas figées. Ainsi, les contrats qui a priori ne sont pas

directement concernés par les obligations de publicité et de mise en concurrence

peuvent comporter un risque d’assimilation à un contrat dont la passation est

réglementée. Bien plus, nous observerons plus tard dans notre étude que, quand bien

même il s’agirait de contrats non couplés ou non assimilés, ils devront respecter a

minima les principes communautaires et nationaux de la commande publique.

§2. Les variations de la liberté contractuelle selon le type de procédure

utilisée

La liberté contractuelle est difficile à mesurer en ce sens qu’elle sera variable selon le

type de procédure utilisée, le régime des marchés publics et dans une certaine mesure

celui des délégations de service public prévoyant un panel de procédures plus ou

moins attentatoires à la liberté de choix du cocontractant (A). Toutefois, les modalités

de mise en œuvre des différentes procédures de soumission du choix du cocontractant

ne sont pas entièrement libres et font l’objet d’un encadrement rigide (B).

75 G. ECKERT, Bail emphytéotique administratif, JURISCLASSEUR Propriétés

publiques, fascl. n° 79-40, n° 37. 76 E. FATÔME et P. TERNEYRE, « Bail emphytéotique, domanialité publique et

financement privé d’un ouvrage public », CJEG, 1994, p.579. 77 CE, avis 16 juin 1994, Rapport public 1994, EDCE n°46, p. 367.

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A) La variété des procédures de soumission du choix cocontractant

Le phénomène de variation de la liberté contractuelle selon la procédure mise en

œuvre connaît une intensité toute particulière en matière de marchés publics, pour

lesquels le législateur a instauré une véritable « échelle de flexibilité » (1) . Si l’on

retrouve ce phénomène de variation en matière de délégation de service public, celui-

ci n’impacte pas directement sur les modalités de choix du cocontractant qui restent,

quelle que soit la procédure mise en œuvre, tout entières fondées sur le principe de la

libre négociation (2).

1) La mise en place d’une « échelle de flexibilité »78 en matière de de marché public

Les reformes successives du Code des marchés publics ont tenté de réduire la part du

formalisme procédural inhérente à la passation des marchés publics. L’étape la plus

significative fut certainement celle de l’introduction par le Code de 2004 d’une sorte

d’« échelle de flexibilité »79, selon l‘expression de Laurent RICHER, en fonction de

l’importance des marchés : en dessous des seuils communautaires, les pouvoirs

adjudicateurs sont libres de définir eux-mêmes les conditions de la passation en

adaptant la procédure choisie aux circonstances; au-dessus, ils devront avoir recours

aux procédures formalisées, auquel cas les règles devront être intégralement

respectées. Ainsi, les marchés dont le montant est inferieur aux seuils fixés à l’article

26 du code pourront être passés selon une procédure adaptée, c’est-à-dire selon des

« modalités qui sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la

nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation

des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de

l’achat ». Sont également concernés les marchés de services « non prioritaires » et ce,

quel que soit leur montant. Dans ce type de procédure, la liberté de choix du pouvoir

adjudicateur est renforcée puisqu’il est libre de déterminer comme il l’entend aux

circonstances.

78 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, LGDJ, 2008, 6e édition, p. 464. 79 Ibid.

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36

Il n’en reste pas moins que l’appel d’offres reste la procédure formelle de droit

commun dont il conviendra de présenter les principales caractéristiques, avant

d’envisager celles des autres procédures. Selon l’article 33 du Code des marchés

publics, « l’appel d’offres est la procédure par laquelle le pouvoir adjudicateur

choisit l’attributaire, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement

portés à la connaissance des candidats ». Sans entrer dans les détails de la procédure,

l’appel d’offres apparaît comme la procédure encadrant le plus le choix du futur

attributaire, d’une part parce que ce choix devra être effectué sur la base des seuls

critères de sélection des offres, sans possibilité de négociation entre les futurs

cocontractants permettant d’affiner ce choix, d’autre part parce que les contraintes en

termes de publicité sont extrêmement détaillées et encadrées80.

A côté de l’appel d’offres, le Code prévoit un certain nombre de procédures

formalisées dérogatoires, améliorant les conditions de choix de l’attributaire. Ainsi,

certains marchés publics peuvent être passés selon une procédure négociée dans les

cas prévus à l’article 35 du Code. Dans ce type de procédure, le pouvoir adjudicateur

dispose de véritables marges de manœuvre contractuelles puisqu’il choisit le titulaire

après consultation de candidats et négociation des conditions de marché avec un ou

plusieurs d’entre eux. L’article 35 distingue alors la procédure avec publicité et mise

en concurrence de la procédure sans publicité ni mise en concurrence. Dans cette

seconde hypothèse, la liberté de choix est doublement renforcée, le pouvoir

adjudicateur cumulant les bénéfices de la négociation et de l’absence de mise en

concurrence. Enfin, outre la procédure de concours, d’application marginale, le

pouvoir adjudicateur peut recourir à la procédure de dialogue compétitif introduite par

le Code de 2004, lorsqu’il a des difficultés pour déterminer son besoin. Cette

procédure permet au pouvoir adjudicateur de conduire un dialogue avec les candidats,

à la suite duquel les participants seront invités à remettre une offre. Moins souple que

la négociation81, le dialogue apparaît toutefois plus flexible que l’appel d’offre en

80 publication obligatoire d’un avis d’appel public à la concurrence devant

impérativement figurer au Bulletin Officiel d’annonces des marchés publics et au

Journal Officiel de l’Union européenne, l’ensemble des délais de publication et de

remise des offres étant expressément prévus au Code. 81 A. JOSSAUD, « Dialoguer n’est pas négocier », AJDA, 2005, p. 1718.

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permettant aux candidats d’affiner leurs offres et au pouvoir adjudicateur de faire

évoluer ses besoins .

2) La dualité des procédures en matière de délégation de service public

La passation de contrats de délégation de service public doit respecter des conditions

de forme définies par la loi Sapin du 29 janvier 1993 aux articles L.1411-1 et suivants

du Code général des collectivités territoriales. Tout comme en matière de marché

public, les règles de passation sont à géométrie variable selon certaines

caractéristiques (montant du contrat, qualité des parties, nature du service public). Il

convient alors de distinguer la procédure de droit commun de celle applicable aux

« petites délégations ».

La procédure de droit commun est prévue pour les délégations dont le montant estimé

excède 106 000 euros (HT) pour toute la durée de la convention ou 68 000 euros (HT)

par an pour celles dont la durée n’excède pas trois ans. Il convient de relever que cette

procédure a été singulièrement alourdie pour les collectivités locales, leurs

groupements et leurs établissements publics. Elle suppose en effet, en amont, une

délibération de l’assemblée délibérante sur le principe du recours à la délégation, puis

la procédure est ensuite conduite par « l’autorité habilitée à signer », c’est-à-dire

l’exécutif local, et par la commission, enfin, l’assemblée délibérante est à nouveau

saisie pour donner son approbation au délégataire choisi. Ainsi, pour Laurent Richer,

« compte tenu des contraintes et contrôles imposés, elle se rapproche de la conclusion

d’un marché public »82. Toutefois, la passation d’une convention de délégation de

service public s’en éloigne en ce qu’elle n’impose qu’une obligation de publicité,

l’avis devant faire l’objet d’une insertion dans une publication habilitée à recevoir des

annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur

économique concerné. Les candidats sont sélectionnés en fonction « de leurs garantie

professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service

public »83. Ensuite, la collectivité adresse aux candidats retenus un document

définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations. .Enfin, les

82 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, LGDJ, 2008, 6e éd., p. 571. 83 art. L.1411-1 alinéa 2 du CGCT.

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offres « sont librement négociées »84 sans que la loi impose, comme en matière de

marché public, l’obligation de publier les critères d’attribution.

A la demande des élus locaux, à coté de la procédure de droit commun, a été crée85

une procédure simplifiée lorsque « le montant total estimé des sommes perçues par le

délégataire, en application de la convention n’excède pas 106 000 euros ou que la

convention couvre une durée non supérieure à trois ans et porte sur un montant

n’excédant pas 68 000 euros par an »86. Il est alors prévu que le projet de délégation

fasse seulement l’objet d’une insertion dans une publication et d’un appel à

candidatures précisant les caractéristiques essentielles de la délégation envisagée.

Enfin, il convient de préciser que la loi Sapin prévoit des cas de négociation directe,

qui sont autant de cas de dispense de procédure, soit en raison de la qualité du

délégataire87, (lorsque celui-ci est titulaire d’un monopole reconnu par la loi ou

lorsqu’il s’agit d’un établissement public), soit du défaut d’aboutissement de la

procédure de publicité88. Dans ces deux hypothèses, la liberté de choix du

cocontractant est donc plénière.

Au final, on constate donc que les règles de publicité et de mise en concurrence,

lorsqu’elles sont prévues par des textes, ne s’appliquent pas en bloc à la catégorie de

contrat a laquelle elles se rattachent. Elles différent en intensité selon le type de

procédure à mettre en œuvre.

B) La rigidité des procédures de soumission de choix du cocontractant

La variété des procédures de passation prévues dans la règlementation n’est pas

synonyme d’une totale libéralisation des contraintes pesant sur la personne publique.

84 art. L.1411-1 alinéa 5 du CGCT. 85 art. 70 de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d’ordre économique et

financier. 86 art. L.1411-12 du CGCT. 87 art. L.1411-12 du CGCT. 88 art. L.1411-8 du CGCT.

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En effet, le choix du recours à une procédure est conditionnée par le respect de

paramètres objectifs fixés par les textes (1) et fera l’objet d’un contrôle approfondi de

la part du juge administratif (2).

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1) Le conditionnement du choix de recours à la procédure à des circonstances

objectives

L’identification des différentes procédures applicables en matière de marché public et

de délégation de service public a permis de relever la part variable de contrainte et de

formalisme qu’elles comportent. Toutefois, les personnes publiques ne sont pas libres

dans le choix même du recours à une procédure particulière, leur emploi dépendant

essentiellement de seuils financiers ou de la nature du contrat à conclure. Ainsi, « en

tout état de cause, il n’est pas question d’un véritable choix entre ces procédures. Ce

sont tout au plus des options : l’idée principale est qu’à chaque situation de droit ou

de fait (définie par les textes) correspond une seule et même réponse juridique en

termes de procédure »89. En d’autres termes, les personnes publiques ne sont pas

libres de piocher dans le panel des procédures existantes afin de choisir celle qui

s’adapterait le mieux à leur besoin. L’exemple est frappant en matière de marché

public où le choix des procédures est essentiellement déterminé par des seuils

financiers. Ainsi, ces seuils divergent non seulement en fonction de la nature du

marché en cause, mais également en fonction de la qualité de pouvoir d’adjudicateur

ou d’entité adjudicatrice de la personne publique contractante. Certes, nous l’avons

vu, ces seuils ont été considérablement rehaussés par les réformes successives du

Code des marchés publics, ce qui va dans le sens d’une plus grande souplesse.

Toutefois, la logique de conditionnement de la procédure reste fondamentalement la

même. En dehors du critère strictement financier, les auteurs du Code ont également

soumis l’emploi des procédures aux caractéristiques du marché ou aux circonstances

qui l‘entourent. Ainsi, à titre d’exemple, il ne sera possible de recourir aux marchés

négociés sans publicité ni mise en concurrence que dans les situations exceptionnelles

d’urgence impérieuse90 ou lorsque l’appel d’offres n’est pas possible, un seul

prestataire pouvant répondre au marché91. De même, le recours au dialogue compétitif

n’est applicable que si le pouvoir adjudicateur n’est pas en mesure de définir les

moyens techniques permettant de satisfaire ses besoins ou d’établir montage juridique

89 CH. BRECHON-MOULENES, « Choix des procédures, Choix dans les

procédures », AJDA 1998, p.754. 90 article 35-II, 1° du CMP. 91 article 35-II-8 du CMP.

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du projet92. Cette prédéfinition des cas de recours aux différentes procédures est la

même en matière de délégations de service public pour lesquelles les règles de

passation sont à géométrie variable selon certaines caractéristiques (montant du

contrat, qualité des parties, nature du service public).

2) Le contrôle par le juge de la bonne application de la procédure

Les procédures occupent une place essentielle au moment de la conclusion des

contrats réglementés. Ainsi, il apparaît que « la procédure est un élément de la

légalité de la formation du contrat »93. Elle constitue en elle-même une règle d’ordre

public dont la méconnaissance est susceptible d’être soulevée d’office à tout moment

par le juge94. Aussi le juge exercera-t-il un contrôle approfondi du choix de la

procédure opéré par la personne publique. L’exemple est particulièrement topique en

matière de marché public lorsque la personne publique a recours à une procédure

formalisée autre que l’appel d’offres. Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé que « les

personnes publiques ne sont pas libres de recourir, quand elles le souhaitent, à un

marché négocié. Elles doivent se cantonner aux hypothèses expressément prévues par

le Code des marchés publics »95. A titre d’exemple, la possibilité prévue par l’article

35, II, 8° du Code des marchés publics de recourir à la procédure négociée sans

publicité préalable et sans mise en concurrence pour « les marchés qui ne peuvent être

confiés qu’à un opérateur déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou

tenant à la protection de droits d’exclusivité » fait l’objet d’un contrôle très sévère du

juge qui vérifiera la véracité des motifs invoqués ainsi que la nécessité de contracter

avec un prestataire déterminé96.

Egalement, en cas de recours par la personne publique à la procédure de dialogue

92 article 36 du CMP. 93 CH. BRECHON-MOULENES, « Choix des procédures, Choix dans les

procédures », art. précit., p.753. 94 CE, Sect. 29 janvier 1982, Martin, n° 19926, Rec. CE 1982, p.44. 95 CE, Sect. 29 janvier 1982, Martin, précit. 96 CE, 8 décembre 1995, Préfet de Haute Corse c/ Commune de Bastia, n° 168253,

Rec. CE 1995, p.435, RD imm. 1996, p.206, obs. P. Terneyre.

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compétitif, le juge contrôlera le respect de la condition de complexité97 et n’hésitera

pas à annuler la procédure lancée lorsque les motifs justifiant le recours à cette

procédure n’ont pas été présentés98

Il résulte donc de ce bref panorama jurisprudentiel que le juge administratif tend à

limiter les recours par les personnes publiques à des procédures dérogatoires au

standard de l’appel d’offres en exerçant un contrôle poussé de la qualification

juridique des faits permettant d’asseoir les motifs du choix.

Section 2. L’harmonisation de l’encadrement du choix du

cocontractant par la consécration des principes généraux de la

commande publique

Si la mise en concurrence a traditionnellement pris la forme, aussi bien en droit

communautaire que national, de véritables codes de passation des contrats, la dernière

décennie semble plutôt marquée par l’émergence d’un corps de règles dénommé

« règles fondamentales » ou « principes généraux » de la commande publique, qui

s’est propagé pour inoculer aujourd’hui la quasi-totalité des contrats publics à objet

économique. On assiste alors progressivement mais irrésistiblement à l’émergence

d’un « régime commun de formation des contrats administratifs qui seraient soumis à

des règles de publicité et de mise en concurrence »99. Ce processus d’harmonisation

s’exprime à travers un double mouvement, d’une part de généralisation de l’obligation

97 CE, 29 décembre 1997, n° 221649; Conseil régional de l’ordre des architectes

d’Auvergne. V. aussi, par analogie, le contrôle du respect de la condition d’urgence

pour les contrats de partenariat : TA Orléans, 29 avril 2008, n° 0604132, Lenoir et

SNSO c/ Département du Loiret. 98 CE, 29 décembre 1997, n°145567, Préfet des Côtes d’Armor c/ Commune de

Dinan. 99 CH. MAUGÜE, « Les variations de la liberté contractuelle dans les contrats

administratifs », AJDA, 11998, p. 694; V. également E. BERKANI, « Droit de la

concurrence et commande publique : état des lieux d’un vieux couple », Conc. n°1-

2007, p.58.

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de mise en concurrence à de nouvelles catégories de contrats (§1), d’autre part

d’homogénéisation des contraintes de choix du cocontractant (§2).

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§1. La généralisation de l’obligation de mise en concurrence à travers la

consécration des principes fondamentaux de la commande publique

La généralisation de l’obligation de mise en concurrence semble aujourd’hui

s’incarner à travers la consécration plénière de principes fondamentaux régissant la

passation des contrats de la commande publique (A) bénéficiant d’une véritable force

d’expansion à l’égard de nouvelles catégories de contrats (B).

A) La consécration plénière des principes fondamentaux

D’abord consacrés au niveau du droit communautaire (1) les principes fondamentaux

ont récemment fait l’objet d’une réception en droit interne tant par le juge

administratif que par le juge constitutionnel (2).

1) L’origine communautaire des principes fondamentaux

Les principes fondamentaux trouvent d’abord leur source dans le droit

communautaire100. Si, jusqu’à récemment, ni le traité, ni le droit dérivé ne faisaient

expressément référence aux principes fondamentaux de la commande publique, la

directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 est venue intégrer les apports de la

jurisprudence communautaire en énonçant à son article 2 que « les pouvoirs

adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d‘égalité, de manière

non discriminatoire et agissent avec transparence ». En effet, la Cour de Justice des

communautés européennes a déduit des dispositions du traité des principes

fondamentaux, tels que le principe d’égalité de traitement101 et le principe de

transparence102, applicables à tous les contrats de nature économique susceptibles de

présenter un intérêt pour les entreprises situées dans un autre Etat membre. La Cour a

ainsi pu considérer que le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires

100 O. FEVROT, Passation des marchés publics : principes fondamentaux,

JurisClasseur Administratif, Fasc. 635, I-A, Fondement communautaire. 101 CJCE, 25 novembre 1986, Klensch, aff. 201 et 202/85. 102 CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH, aff. C-324/98.

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s’applique « à toutes les phases de la procédure de passation d’un marché »103.

C’est sans conteste à compter de la jurisprudence Telaustria que toute l’ampleur des

principes fondamentaux a été mise à jour. En effet, la Cour de justice des

communautés européennes a considéré que, bien qu’exclues du champ d’application

des directives communautaires, les concessions de service public n’en étaient pas

moins tenues de respecter « les règles fondamentales du Traité en général et le

principe de non-discrimination en particulier », lequel « implique notamment une

obligation de transparence qui permet de s’assurer de son respect ». Et cette

obligation de transparence « consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire

potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des

services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures ». On

aurait alors pu considérer que l’obligation de transparence n’avait vocation à jouer

que dans les matières non traitées par le droit communautaire dérivé afin d’étendre les

contraintes de passation aux espaces vierges de toute réglementation. En d’autres

termes, l’obligation de transparence n’aurait pas vocation à s’appliquer aux directives

relatives aux marchés publics dont l’objectif est précisément d’organiser la

transparence en codifiant les procédures de passation des marchés. Ainsi, comme le

souligne très justement Emmanuel GLASSER104, si les directives prévoient des seuils

en-dessous desquels les marchés peuvent être passés sans publicité et mise en

concurrence, « ce silence est le résultat d’un choix délibéré du législateur

communautaire. Alors de deux choses l’une, soit ce choix est contraire au Traité,

auquel cas les directives sont contraires au Traité et anticonstitutionnelles, soit cette

exclusion est justifiée, auquel cas l’on voit mal comment imposer directement des

règles que les directives ne prévoient pas ». Cette dernière approche, conduisant à

réserver l’applicabilité de l’obligation de transparence aux seuls contrats non

réglementés par le droit communautaire dérivé aurait pu être retenue. Mais elle n’a

pas prévalu et la Cour de justice a jugé que les marchés dont le montant est inferieur

103 CJCE, 5 octobre 2000, Commission c/ France, Syndicat départemental

d‘électrification de la Vendée, aff. C-16/98. 104 E. GLASSER, « Obligation de transparence et absence de transparence », BJCP,

novembre 2005, n°43, p. 415.

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aux seuils communautaires doivent respecter les règles du Traité105. La Cour a, par la

suite, clairement confirmé que l’obligation de transparence s’imposait à ce type de

marché en affirmant que « le seul fait que le législateur communautaire a considéré

que les procédures particulières et rigoureuses prévues par les directives relatives

aux marchés publics ne sont pas appropriées lorsqu’il s’agit de marchés publics de

faible valeur ne signifie pas que ces derniers sont exclus du champ d’application du

droit communautaire »106. Allant toujours plus loin dans le sens d’une application la

plus large possible du principe de transparence, la Cour a également jugé que le

principe jouait pour les marchés de services non prioritaires relevant de l‘annexe I-B

de la directive 92/50, alors même que les seules dispositions applicables étaient celles

relatives aux spécifications techniques et aux avis d’attribution107.

L’obligation de transparence a donc vocation à s’appliquer à un grand nombre de

contrats, la Cour de Justice des Communautés européennes utilisant les principes du

droit communautaire pour imposer aux collectivités une obligation de transparence et,

in fine, de publicité et de mise en concurrence, là où l’application littérale des textes

les en dispensait.

2) La réception des principes fondamentaux en droit interne

Il aura fallu attendre 2003 pour que les principes fondamentaux de la commande

publique reçoivent une consécration constitutionnelle. Certes, avant cette date, le juge

constitutionnel avait déjà fait application du principe d’égalité devant la commande

publique à l’occasion de la loi LOPSI108 mais il avait considéré que la transparence

« ne constitue pas en elle-même un principe général à valeur constitutionnelle »109.

105 CJCE, ord., 3 décembre 2001, Bent Mousten Vestergaard. aff. C-9/00. 106 CJCE, 20 octobre 2005, Commission c/ France, aff. C-264/00. 107 CJCE 13 novembre 2007, Commission c/ Irlande, aff. C-507/03. 108 CC, 22 août 2002, n° 2002-460 DC, Loi d’orientation et de programmation sur la

sécurité intérieure, Rec. CC 2002, p.198. 109 CC, 20 janvier 1993, Loi relative à la prévention de la corruption, Rec. CC p. 14.

S/ l’évolution du principe de transparence en droit interne, V. C. Maugüe, « La portée

de l’obligation de transparence dans les contrats publics », in Mélanges Moderne,

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Dix ans plus tard, dans sa décision du 26 juin 2003110, le juge constitutionnel se réfère

à l’article 1er du Code des marchés publics de 2001, selon lequel « quel que soit leur

montant, les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la

commande publique, d’égalité de traitement entre les candidats et de transparence

des procédures » en faisant valoir que ces principes généraux « découlent des articles

6 et 14 de la Déclaration de 1789 ».

De son côté, dans l’avis contentieux Société MAJ Blanchisserie de Pantin111, le

Conseil d’Etat, s’inspirant de la jurisprudence communautaire, avait déjà reconnu une

portée générale aux principes énoncés à l’article 1er du Code des marchés publics en

indiquant qu’ils s’appliquaient aux « marchés sans formalités préalables », ancêtres

des marchés à procédure adaptée. Mais ce n’est véritablement qu’à l’occasion d’une

décision ATMMP en date du 23 février 2005112 que le Conseil d’Etat a fini par

reconnaitre explicitement l’existence de « principes de liberté d’accès à la commande

publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures »

qui imposent que tous les contrats dispensés des procédures spécifiquement prévues

par le Code des marchés publics soient néanmoins passés selon une « procédure

adéquate de publicité et de mise en concurrence ».

Par conséquent, en France, il n’y a plus besoin de passer par le détour du droit

communautaire pour l’application de ces principes qui lient désormais directement le

législateur et le pouvoir réglementaire.

B) La force d’expansion des principes fondamentaux à de nouvelles catégories de

contrats

La force d’expansion des principes fondamentaux à de nouvelles catégories de

Dalloz, p.609. 110 CC, 26 juin 2003,décision n° 2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à

simplifier le droit, Rec. CC, p.382. 111 CE, avis 29 juillet 2002, Société MAJ Blanchisserie de Pantin, req. n°246921. 112 CE, 23 février 2005, Association pour la transparence et la moralité dans les

marchés publics (ATMMP), req. n° 264712, 265248, 265281 et 265243.

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contrats nécessite de mener une réflexion sur l’étendue exacte du champ d’application

du droit commun de la commande publique dont-ils constituent le noyau dur (1). Bien

plus, il semble possible de voir à travers la réunion de ces principes l’incarnation d’un

principe général de mise en concurrence des contrats de la commande publique (2).

1) L’extension de l’obligation de mise en concurrence conditionnée par l’étendue du

champ d’application du droit de la commande publique

L’émergence d’un doit commun de la commande publique a trouvé son origine dans

la décision du Conseil Constitutionnel du 26 juin 2003113, laquelle énonce que « les

dispositions relatives à la commande publique doivent respecter les principes qui

découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par

l’article 1er du Code des marchés publics. (…) Les marchés publics respectent les

principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des

candidats et de transparence des procédures. L’efficacité de la commande publique et

la bonne utilisation des deniers publics sont assurés par la définition préalable des

besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que

par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ». Il apparaît ainsi

clairement que les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de

transparence constituent les fondements constitutionnels du droit commun de la

commande publique. Il convient donc de s’interroger sur ce que recouvre la notion de

« commande publique »114 puisque les contrats y étant inclus auront vocation à être

régis par les principes fondamentaux gouvernant leur passation et donc, en définitive,

à respecter des obligations minimales de publicité et de mise en concurrence. Or, si la

notion de « commande publique » a longtemps été synonyme de marché public, elle

s’en est progressivement distinguée sous l’influence de la jurisprudence du Conseil

Constitutionnel, qui a consacré l’existence de ce droit commun de la commande

publique à propos des contrats de partenariat115. Deux conceptions s’opposent alors

113 CC, 26 juin 2003, décision n° 2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à

simplifier le droit, Rec. CC, p.382. 114 Sur l’ensemble de la question, V. la thèse de G. Kaflèche, Des marchés publics à

la commande publique. – l'évolution du droit des marchés publics, Paris 2004. 115 CC, 22 août 2002, décision n° 2002-460 DC, Rec. p.198 ; CC 26 juin 2003,

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quant à la détermination du champ d’application d’un droit commun de la commande

publique116. Selon une première approche, restrictive, la commande publique se limite

à l’achat public et recouvre « en partie les marchés publics et en partie d’autres

contrats par lesquels une personne publique se procure un bien ou un service »117.

Dans une autre conception, plus extensive, elle englobe l’ensemble des conventions

« par lesquelles les personnes publiques cherchent à se procurer un bien ou un

service, y compris ce service d’une nature particulière qui consiste à gérer avec une

relative autonomie une activité ou un équipement »118. Cette deuxième approche

favorise donc l’émergence de principes communs aux deux grandes catégories de

contrats, marché et délégations. A priori, l’inclusion des délégations de service public

au sein du « droit commun » de la commande publique n’a pas pour effet d’étendre la

mise en concurrence à ces contrats puisque, depuis la loi Sapin119, ces contrats sont

soumis à un régime de publicité et de mise en concurrence. Cette approche mérite

cependant réflexion car la soumission des conventions de délégation de service public

aux principes fondamentaux de la commande publique, et plus largement au principe

de transparence, pourrait conduire à remettre en cause plus d’une solution

traditionnelle120.

Le juge administratif, pour sa part, semble avoir pris activement part au débat en

participant au mouvement d’extension de l’obligation de mise en concurrence par le

décision n° 2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, Rec.

CC, p.382. 116 Nous reprendrons ici la synthèse de cette opposition doctrinale faite par F.

LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX in « Le grand désordre de la commande

publique », CMP n°7, Juillet 2009, repère 7. 117 E. FATÔME et L. RICHER, « Le Conseil constitutionnel et le droit commun de la

commande publique et de la domanialité publique », AJDA 2003, p. 2250. 118 F.LLORENS, « Typologie des contrats de la commande publique », CMP n° 5,

Mai 2005, Etude 7. 119 Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la

transparence de la vie économique et des procédures publiques. 120 L’impact des principes fondamentaux de la commande publique sur la mise en

concurrence des délégations de service public sera examiné ci-après au §2.

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biais du principe de transparence. Ainsi, a fait grand bruit l’arrêt de la Cour

administrative d’appel de Bordeaux qui a étendu le champ de l’obligation de respecter

une procédure adéquate de publicité et de mise en concurrence aux conventions

d’aménagement, jusque là soumises à aucune formalité préalable de passation, en se

référant aux « règles fondamentales posées par le Traité de l’Union »121. Par ailleurs,

le juge administratif a considéré « qu’une convention d’occupation du domaine public

n’est pas exclue du champ d’application des règles fondamentales posées par le

Traité de l’Union européenne, qui soumettent l’ensemble des contrats conclus par les

pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence

propres à assurer l’égalité d’accès à ces contrats ; qu’elle ne peut être conclue sans

formalité préalable de publicité et de mise en concurrence »122. Toutefois le Conseil

d’Etat semble refuser de s’engager dans la voie d’une soumission de l’ensemble des

conventions d’occupation du domaine public à des règles de publicité et de mise en

concurrence123. En revanche semblent devoir être inclus au sein de la commande

publique les conventions de bail, de bail emphytéotique ou le contrat de vente en

l’état futur d’achèvement124

Il apparaît ainsi qu’un certain nombre de conventions, qui pourtant ne constituent ni

des marchés publics, ni des délégations de service public et ne sont pas expressément

soumis par la réglementation en vigueur au respect de formalités préalables à leur

conclusion, devront désormais respecter un degré de publicité adéquat ainsi que

l’égalité de traitement entre les candidats potentiels.

2) L’émergence d’un principe général de mise en concurrence des contrats de la

commande publique

121 CAA Bordeaux, 9 novembre 2004, Société Sogédis c/ Commune de Cilaos, n°

01BX00381, AJDA 2005, p.257. 122 TA Nîmes, 24 janvier 2008, Société des trains touristiques Eisenreich, n°

0620809, RLC, 2008, n° 16, p. 38, note. G.Clamour. 123 CE, 10 juin 2009, n° 317671, Port autonome de Marseille : JurisData n°2009-

075605. 124 E. FATÔME et L. RICHER, « Le Conseil constitutionnel et le droit commun de la

commande publique et de la domanialité publique », AJDA 2003, p. 2348.

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Nous l’avons vu, l’émergence progressive d’un droit commun de la commande

publique s’est faite autours des principes fondamentaux de la commande publique,

lesquels impliquent le nécessaire respect d’un publicité et d’une mise en concurrence

minimale. Or, s’il est vrai que l’ expression de « commande publique » a des contours

« mal définis »125, force est de constater qu’elle a vocation à englober un nombre

important de contrats et, partant, de les soumettre à un régime informel de passation.

Au-delà des controverses doctrinales sur le champ d’application de la notion,

l’illustration la plus éclatante de son caractère englobant est fournie par l’ordonnance

du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours126, dont le champ d’application

s’étend, comme l’indique son intitulé, « aux contrats de la commande publique », y

compris à ceux d’entre eux qui ne sont pas expressément soumis à une obligation de

mise en concurrence.

Ce phénomène d’extension de l’obligation de mise en concurrence à des contrats que

la loi ne soumet à aucune règle de passation mérite d’être appréciée à la lumière de la

règle de l’entière liberté de passation en l’absence de texte imposant

l’accomplissement de formalités de publicité et de mise en concurrence. La raison de

cette règle, désormais solidement ancrée en droit administratif, tient au fait que le

Conseil d’Etat a affirmé qu’ il n’existait « aucun principe général du droit qui

imposerait aux collectivités publiques de recourir à la concurrence avant la passation

de leurs contrats »127. De deux choses l’une, soit la règle de l’entière liberté de

passation en l’absence d’un texte particulier imposant le respect d’une publicité et

d’une mise en concurrence demeure, auquel cas, en ce qui concerne les contrats

relevant du champ de la commande publique, elle violerait les principes

constitutionnels dégagés par le juge dans sa décision n° 2003-473 DC, soit elle n’a

plus vocation qu’à s’appliquer à une catégorie résiduelle de contrats publics. De la

125 J-D. DREYFUS et B. BASSET, « Autour de la notion de droit commun de la

commande publique », AJDA 2004, p. 2256. 126 Ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours

applicables aux contrats de la commande publique : JO 8 mai 2009. 127 CE, 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents d’assurance des Hautes-

Pyrénées, RFDA 1985, p. 20, concl. Dandelot.

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seconde hypothèse, la plus vraisemblable, semble alors découler un principe général

de mise en concurrence ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble des procédés

contractuels auxquels peut avoir recours la puissance publique en matière économique

(marchés publics, contrats de partenariats, délégations de service public, baux

emphytéotiques administratifs…). Cette approche est corroborée par Olivier

GUEZOUX pour lequel les principes fondamentaux , pris dans leur globalité, peuvent

être analysés comme « un principe qui serait en quelque sorte le reflet inversé de ce

principe général imposant la mise en concurrence (…). Emerge ainsi, dans la

jurisprudence récente, un principe interdisant de supprimer de façon générale la mise

en concurrence »128.

Cette généralisation des obligations de publicité et de mise en concurrence par le

vecteur des principes fondamentaux gouvernant la passation des contrats relevant du

droit commun de la commande publique doit toutefois être relativisée car elle n’a pas

vocation, a priori, à impoer des contrainte procédurales aussi détaillées et strictes que

celles encadrant les contrats réglementés. Néanmoins, comme le souligne Gabriel

ECKERT, « un risque sérieux existe : celui que ce droit [le droit commun de la

commande publique] se construise par transposition pure et simple du droit des

marchés publics. Si tel a parfois été le cas de l’évolution des contrats administratifs,

une telle solution aboutirait à rigidifier de manière excessive les instruments

juridiques de l’action publique »129. L’homogénéisation des contraintes dans le choix

du cocontractant révèle en partie ce phénomène d’alignement du droit commun de

commande publique sur le droit des marchés publics.

§2. L’homogénéisation des contraintes dans le choix du cocontractant

L’homogénéisation des contraintes dans le choix du cocontractant est double : elle

procède à la fois d’un rapprochement des procédures de passation des contrats de

délégation de service public et de marchés publics (1), et d’un encadrement unifié

pour l’ensemble des marchés publics, quelle que soit la procédure mise en œuvre (2).

128 O. GUEZOUX, « Substance du principe de mise en concurrence », in CH.

BRECHON-MOULENES (dir.), Droits des marchés publics, 2006, III. 110.1, p.3. 129 G. ECKERT « Réflexions sur l’évolution du droit des contrats publics », RFDA

2006, p. 238.

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A) Vers un rapprochement des procédures de passation de délégations de service

public et de marchés publics

Le régime juridique applicable aux conventions de délégation de service public, tel

que défini par la loi Sapin du 29 janvier 1993130, semble avoir subi une certaine usure

face aux évolutions récentes du droit de la commande publique. Le juge administratif

est donc venu éclaircir les implications concrètes des principes fondamentaux de la

commande publique sur ces contrats, en développant une jurisprudence palliative face

au silence ou à l’imprécision des textes. Il s’agira d’une part d’examiner les nouvelles

contraintes pesant sur la personne publique délégante en terme de publicité (1), puis

d’analyser la création récente d’une obligation jurisprudentielle d’informer les

candidats des critères de sélection des offres, laquelle est révélatrice d’une tendance

plus profonde à la remise en cause progressive du caractère intuitu personae

particulièrement marqué de ce type de contrat (2). On assiste alors à un

rapprochement indéniable de la procédure de passation des délégation de service

public vers celle des marchés publics.

1) Le renforcement de l’obligation de publicité pour les délégations de service public

d’intérêt transfrontalier certain

En vertu de l’article L.1411-1 du Code général des collectivités territoriales, l’autorité

délégante est tenue d’organiser « une publicité permettant la présentation de plusieurs

offres concurrentes ». Les modalités de mise en œuvre de l’obligation de publicité ont

alors été définies expressément par le décret du 24 mars 1993 qui impose que la

publication de l’avis fasse l’objet de deux insertions, l’une dans une publication

habilitée à recevoir des annonces légales, l’autre dans une publication spécialisée

correspondant au secteur économique concerné.

Toutefois, tout comme pour les marchés faisant l’objet d’une procédure adaptée, le

Conseil d’Etat a considéré que la collectivité délégante devait procéder à une publicité

130 Loi n °93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la

transparence de la vie économique et des procédures publiques.

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adéquate insusceptible d’échapper aux candidats potentiels131 lorsque la délégation

envisagée présente un « intérêt transfrontalier certain »132. La Haute juridiction a

ainsi considéré que les dispositions nationales relatives aux délégations de service

public « s’interprètent à la lumière des règles fondamentales du traité instituant la

communauté européenne, au nombre desquelles figure le principe de non

discrimination en raison de la nationalité, ne peuvent être satisfaites que lorsqu’est

mise en œuvre une procédure de publicité adéquate, compte tenu de l’objet, du

montant financier et des enjeux économiques de la délégation de service public à

passer ».

Il convient alors de relever que, si le respect du principe de transparence conduit à

renforcer les renforcer l’obligation de publicité pesant sur la collectivité délégante, la

Haute juridiction adopte une démarche souple et pragmatique en estimant que, en

l’absence de disposition exigeant de procéder à une insertion dans un support

bénéficiant d’une diffusion européenne par les textes, le strict respect des obligations

imposées par la législation nationale peut suffire dès lors que la publicité mise en

œuvre est « insusceptible d’échapper à l’attention des opérateurs raisonnablement

vigilants pouvant être intéressés ». Il n’en reste pas moins que la démarche adoptée

est parente de celle prévalant en matière de marché public où deux méthodes sont

employées. La première consiste à dire qu'à partir d'un certain seuil les marchés

doivent respecter telles ou telles procédures de publicité (publication au BOAMP, au

JOUE, dans des journaux d'annonces légales...). La seconde consiste à laisser une

certaine marge d'appréciation aux acheteurs pour juger du caractère adéquat de leur

publicité. Cette seconde méthode est celle qui s'applique aux marchés à procédure

adaptée et qui, au vu de l’arrêt Communauté urbaine de Bordeaux et Société Kéolis,

prévaut également pour les délégations de service public.. Les délégations de service

public apparaissent alors comme à la frontière entre ces deux logiques : d’un côté,

131 CE, 1er avril 2009, Communauté urbaine de Bordeaux c/ Société Kéolis, n°

323585 et 323593, AJDA 2009, p.621. 132 La notion d’« intérêt transfrontalier certain » dégagée par la CJCE à propos des

marchés de services non prioritaires (CJCE, 13 novembre 2007, Commission c/

Irlande, aff. C 507-03) s’applique aussi aux concessions (CJCE, 17 Juillet 2008,

Brescia, aff. C-347-06)

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contrairement aux marchés passés en procédure adaptée, un texte prévoit

expressément les supports de publication, de l’autre, comme en procédure adaptée,

l’autorité délégante devra adopter une démarche finaliste afin d’apprécier si les

mesures de publicité nationale permettent d’atteindre le degré de publicité adéquat, et

devra, si tel n’est pas le cas, procéder en outre à une diffusion d’ampleur européenne.

Toute la question de la publicité des contrats publics procède donc désormais de

l’appréciation du « degré de publicité adéquate » qui signifie qu’un nombre

raisonnable d'entreprises susceptibles de répondre existe, afin qu'une mise en

concurrence des offres puisse être possible. La liberté dont disposent les personnes

publiques doit être tempérée par la prudence dont elles devront faire preuve afin

d’éviter tout contentieux inutile

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2) La reconnaissance jurisprudentielle d’une obligation d’informer les candidats des

critères de choix des offres

En matière de délégation de service public, les textes n’imposent pas d’obligation de

publier les critères de choix des offres. C’est d’ailleurs là l’une des principales

distinctions entre les délégations de service public et les marchés publics. En effet, le

souci de protection des deniers publics et de l’achat public efficace ont conduits à

encadrer strictement le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, l’article

53 du Code des marchés publics imposant que les critères sur lesquels se fonde le

pouvoir adjudicateur pour attribuer le marché soient indiqués, avec leur pondération

ou leur hiérarchisation, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les

documents de la consultation. En revanche, aux termes de la loi Sapin133, aucune

disposition n’impose de donner au candidat à une délégation une information sur les

critères du choix, et ce, en raison de la liberté laissée à la collectivité de négocier avec

le ou les candidats retenus. En effet, les dispositions de l’article 38 de la loi du 29

janvier 1993 ne sont guère exigeantes en ce qui concerne l’information préalable des

candidats. Elle prévoit seulement que, après avoir dressé la liste des candidats admis à

présenter une offre, la collectivité publique « adresse à chacun des candidats un

document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations

ainsi que, s’il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l’usager ».

Ainsi il apparaît que si l’article 38 fixe les critères de sélection des candidats admis à

présenter une offre, il ne dit est rien des critères de choix du délégataire. Cet

aménagement de la liberté dans le choix du délégataire semblait, a priori, avoir été

confirmé par la Haute juridiction dans un arrêt du 20 octobre 2006 Communauté

d’agglomération Salon-Etang-de-Berre 134: Dans cette décision le juge a considéré

que si l'autorité délégante a choisi de faire connaître ses critères de sélection des

offres, elle ne peut modifier ceux-ci en cours de procédure sans méconnaître les

principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats. La solution retenue

par l'arrêt ne vaut donc que « dès lors que l'autorité délégante choisit de faire

connaître ses critères de sélection des offres ». En cela, elle se fonde sur l'idée de

133 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption. 134 CE, 20 octobre 2006, Communauté d’agglomération Salon-Etang-de-Berre, n°

287198.

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57

soumission volontaire de la personne publique à une formalité ou à une procédure135.

Toutefois, par un arrêt en date du 23 decembre 2009136, le juge a clairement affirmé,

sur le fondement des principes généraux du droit de la commande publique,

l’obligation d’information des candidats à une délégation de service public sur les

critères de jugement des offres. En effet, après avoir confirmé que « les délégations de

service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande

publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui

sont des principes généraux du droit de la commande publique », le Conseil affirme

que « pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux

candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs

offres, une information sur les critères de sélection des offres ». Le fait que l'article 38

de la loi Sapin du 29 janvier 1993 prévoit seulement que, après avoir dressé la liste

des candidats admis à présenter une offre, la collectivité publique adresse à chacun

des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives

des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à

l'usager, « est sans incidence sur l'obligation d'informer également ces candidats des

critères de sélection de leurs offres ».

Ce mouvement, largement impulsé par les juridictions du fond137conduit

indéniablement à constater que, « petit à petit, la délégation de service public rentre

dans le rang du droit de la commande publique »138. La solution retenue par le juge

national est d autant plus audacieuse que, comme le souligne justement Jean-David

DREYFUS139, « l’on ne se trouvait pas dans un cas où aucune contrainte procédurale

135 V. pour cette analyse E. ECKERT, « Critères de sélection des offres et principe de

transparence », CMP n° 12, Décembre 2006, comm. 322. 136 CE, 23 décembre 2009, Établissement public du musée et du domaine national de

Versailles, .n° 330054. 137 TA Versailles, ord. 28 mai 2009, n°09-4447, Sté Antenna Radio : CMP 2009,

comm.237, obs. F. Llorens ; CAA Lyon, 14 mai 2009, n° 07LY02163, SEMERAP 138 P. REES, « Délégation de service public et information sur les critères de

sélection des offres », CMP n° 2, Fév. 2010, comm.83. 139 J.D DREYFUS, « Les candidats à une délégation de service public doivent être

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n’aurait existé », comme dans les affaires Sogédis pour les concessions

d’aménagement ou Société des trains touristiques Eisenreich pour les conventions

d’occupation du domaine public. Or, il apparaît que « c’est à dessein que le

législateur a édicté les règles procédurales distinctes pour les délégations de service

public et pour les marchés, différence de traitement que le juge remet

progressivement en cause »140. Toutefois, il semblerait que cette « transposition » des

règles du Code des marchés publics aux délégations de service public ne soit pas

totale. En effet, les juges du Palais Royal n’ont pas suivi le commissaire de

gouvernement Bertrand DACOSTA qui considérait que donner une liste de critères,

sans davantage de précision, risquait de se révéler totalement inexploitable pour les

candidats. Ainsi le Conseil précise que « les dispositions de l'article 38 de la loi du 29

janvier 1993 prévoyant que la personne publique négocie librement les offres avant

de choisir, au terme de cette négociation, le délégataire » n’imposent pas à la

personne publique d’informer les candidats des modalités de mise en œuvre de ces

critères. Il est également décidé que la personne publique « choisit le délégataire,

après négociation, au regard d'une appréciation globale des critères, sans être

contrainte par des modalités de mise en œuvre préalablement déterminées »141. Déjà

les premières applications de ces nouvelles règles montrent que les juges du fond

considèrent que, même si certains critères présentent un caractère subjectif sans être

assortis de précisions sur les modalités de leur appréciation, il n’ya aucun

manquement aux règles de publicité ou de mise en concurrence142.

Il n’en reste pas moins que cette impulsion jurisprudentielle nouvelle, couplée avec le

fait que désormais le choix du délégataire fait l’objet d‘un contrôle restreint de

l‘erreur manifeste d‘appréciation143, conduit à remettre en cause le caractère intuitu

personae des conventions de délégation de service public en objectivant le choix du

délégataire. Ainsi, comme l’écrit avec talent Bertrand DACOSTA, « Le droit des

informés des critères de choix du délégataire », AJDA 2009, p. 831. 140 Ibid. 141 CE, 23 décembre 2009, Établissement public du musée et du domaine national de

Versailles, précit. 142 TA Poitiers, ord. 31 décembre 2009, Compagnie des eaux de Royan, n° 0902893. 143 CE, 7 novembre 2008, Département de la Vendée, n° 291794.

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59

délégations de service public est atteint d‘une forme bénigne, mais réelle, de

schizophrénie. D’un côté, la proclamation réitérée du rôle de l‘intuitu personae et de

la singularité ontologique de cette catégorie de contrats; de l‘autre, son imprégnation

croissante par des principes de portée générale. D’un côté l‘affirmation de la liberté

de choix ; de l’autre, une application stricte du principe d‘égalité dans les phases de

recueil des offres et de négociation »144. L’impact des principes fondamentaux de la

commande publique sur la mise en concurrence du délégataire conduit donc à

relativiser la différenciation de principe entre marché public et délégation de service

public quant au choix du cocontractant.

B) Vers un rapprochement de l’ensemble des procédures de passation des

marchés publics

Les principes fondamentaux de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de

traitement entre les candidats et de transparence des procédures consacrés à l’article

1er du Code des marchés publics ont une portée très large puisqu’ils ont vocation à

régir la passation de l’ensemble des marchés publics quels que soient le montant et les

modalités de publicité et de mise en concurrence utilisés. En ce qui concerne les

marchés passés selon une procédure formalisée, les principes ont vocation à se

superposer aux règles prescrites par les directives et le Code des marchés publics (1).

S’agissant des marchés de faible montant passés sans publicité ou en procédure

adaptée, ils constituent des normes de référence à respecter permettant d’apprécier la

régularité de l’attribution du contrat (2).

1) Les contraintes supplémentaires induites par les principes fondamentaux de la

commande publique sur la passation des marchés à procédure formalisée.

Les principes fondamentaux gouvernant la passation des contrats publics donnent

aujourd’hui lieu à des applications concrètes permettant d’identifier la portée de

chacun d’entre eux. S’ils nécessitent, pour être correctement appréhendés, de faire

144 B. DACOSTA, Concl. sur .CE, 23 déc. 2009, Établissement public du musée et du

domaine national de Versailles, n° 330054.

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l’objet d’une « lecture croisée »145, il semble possible de les identifier dans leurs lignes

directrices respectives.

Le principe de libre accès à la commande publique, découlant directement du principe

de libre prestation, implique que tout opérateur économique intéressé par l’attribution

d’un contrat puisse se porter candidat, ce qui se traduit par la généralisation de

l’obligation de mise en concurrence et le souci de débarrasser l’accès au marché de

toute entrave injustifiée146. Il en résulte que le recours aux spécifications techniques,

encouragé par le Code, doit se faire de façon non-discriminatoire. C’est pourquoi le

juge vérifiera que la référence à la norme est justifiée147. Il appartient donc à l’acheteur

public d’opérer une conciliation entre la nécessité de conclure un contrat performant,

ce qui suppose une définition précise de son besoin, et le respect de la liberté d’accès

à la commande publique. L’exemple le plus probant de la contrainte induite par ce

principe dans le silence du Code tient certainement au fait qu’il conduit à encadrer

strictement la durée des marchés publics. En effet, la liberté d’accès à la commande

publique impose une remise en concurrence régulière des contrats de

l’administration148. C’est ce que rappelle expressément l’article 16 du Code des

marchés publics en disposant que « la durée d’un marché ainsi que, le cas échéant, le

nombre de ses reconductions, sont fixés en tenant compte de la nature des prestations

145 R. GRANJON, « Commande publique: les règles générales de passation des

contrats », ACCP janvier 2008, n° 73, p. 32. 146 V. par ex. CE Sect. 9 juillet 2007, Syndicat EGF-BTP et autres; BJCP 2007, p.

366, concl. Boulouris ; AJDA 2007, p.1593, note Dreyfus ; JCP A 2007, comm. 2213,

note Linditch. Par cette décision, le Conseil d’Etat considère que constituent une

violation du principe d’égal accès à la commande publique « les dispositions du Code

des marchés publics qui autorisent les pouvoirs adjudicateurs à fixer un nombre

minimal de PME (car) conduisent nécessairement à faire de la taille de l’entreprise

un critère de sélection des candidatures et un tel critère est discriminatoire » 147 CE, Sect., 3 novembre 1995, District de l’agglomération nancéenne : Rec. 391,

RFDA. 1995, p.1077., concl. C. Chantepie. 148 F. LINDITCH, « De la durée des marchés publics en général, et de leur tacite

reconduction en particulier, dans le nouveau Code des marchés publics », CMP, 2002,

étude 5.

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61

et de la nécessité d’un remise en concurrence périodique ». La notion indéterminée de

« nature des prestations » devra par conséquent être appréciée in concreto par

l’acheteur public et sera soumise au contrôle du juge qui sanctionnera un marché à la

durée trop longue.

Le principe d’égalité de traitement implique pour sa part l’impartialité des procédures

de passation et leur déroulement équitable. Ce principe conduit en pratique à limiter

les possibilités de négociation ouvertes par le Code et, par conséquent, la marge de

liberté conférée au pouvoir adjudicateur dans le choix du futur attributaire. Ainsi,

l’exigence d’égalité implique que la négociation précontractuelle ne peut pas

recouvrir la même réalité en droit des marchés publics qu’en droit privé. Le recours à

la négociation ne peut donc pas avoir pour effet de modifier les conditions initiales de

mise en concurrence149. De même, elle ne peut aboutir qu’à des modifications

vénielles du cahier des charges, au risque sinon de rompre l’égalité entre les

candidats150.

Enfin, la transparence des procédures impose au pouvoir adjudicateur de définir les

conditions d’organisation de la procédure de façon claire, accessible et objective. Ce

dernier principe n’a que peu d’impact sur les procédures formalisées de marché public

car il est intimement lié à l’idée de publicité, laquelle est suffisamment organisée dans

le détail par le Code pour les marchés dont le montant excède les seuils

communautaires.

Cette présentation à grands traits des différents principes généraux encadrant la

passation des contrats publics, loin d’être exhaustive, permet néanmoins de saisir

toute l’implication de ces principes sur la mise en concurrence. Loin d’être des

principes abstraits, ils impliquent de véritables obligations procédurales en marge du

Code des marchés publics et conduisent à atténuer la plus grande liberté donnée à

l’acheteur public dans le choix du cocontractant lorsqu’il a recours aux procédés de

149 CE, 22 avril 1983, n° 21509, Auffret et Dumoulin : Rec.1983, p. 160. 150 CE, 21 juin 2000, n° 209319, Syndicat intercommunal de la Côte-d’Amour et de

la presqu’île guérandaise : Rec. CE 2000, p. 283 ; CE, 29 avril 2002, n° 216902,

Groupement association Ouest parisien : Rec. CE 2002, tables, p. 810.

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62

négociation.

2) L’applicabilité aux procédures adaptées des dispositions relatives aux procédures

formalisées

La procédure adaptée est, a priori, empreinte de liberté pour le pouvoir adjudicateur

puisque ses modalités « sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction

de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la

localisation des operateurs susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de

l’achat »151. Il semblerait toutefois que, depuis le milieu des années 2000, le juge

administratif encadre de manière rigoureuse la passation de ces marchés. La première

étape de cet encadrement jurisprudentiel, l’affaire « Louvre II »152, a concerné la mise

en œuvre de la publicité adaptée, la Haute juridiction ayant opéré un contrôle entier

des mesures de publicité eu égard aux caractéristiques du marché envisagé, la

conduisant à annuler la procédure pour défaut d’efficacité, alors même que les

obligations prévues par le Code des marchés avaient été respectées. Cette décision fut

mal accueillie par la doctrine majoritaire, certains commentateurs la jugeant

incompatible avec le principe de liberté qui symbolise la procédure adaptée de

passation des marchés publics153 tandis que d’autres la qualifient d’« hérésie

économique » au regard du coût induit par la publicité requise154.

Allant toujours plus loin dans le souci de garantir le respect des principes

fondamentaux, le Conseil d’Etat n’a pas hésité à admettre l’applicabilité aux

procédures adaptées de dispositions relatives aux procédures formalisées. Ainsi, les

151 article 28 du Code des marchés publics dans sa version issue du décret n° 2006-

975 du 1er août 2006. 152 CE, 7 octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais, req. n° 278732, JCP.A 2005, n°

1345, p. 1594, concl. D. Casas. 153 A. HOURCABIE et A. TABOUIS, « Mapa : pour une pratique raisonnée de la

publicité et de la mise en concurrence », ACCP, n°49, novembre 2005, p.78 ; J-D.

DREYFUS, « Marchés à procédure adaptée: liberté en trompe l‘œil pour les

personnes publiques en matière de publicité », AJDA 2005, p. 2128. 154 point de vue de C.Emery sur le site http://www.achat public.com.

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juges du Palais Royal ont récemment jugé dans une décision ANPE du 30 janvier

2009155 que, en procédure adaptée, si le pouvoir adjudicateur a retenu d’autres critères

que celui du prix, il lui appartient d’indiquer les critères d’attribution du marché et les

conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l’objet, aux

caractéristiques et au montant du marché concerné. Par cette décision, le Conseil

d’Etat crée, de façon prétorienne, une obligation nouvelle pesant sur les pouvoirs

adjudicateurs souhaitant ayant recours à cette procédure. L’immixtion du juge est

d’autant plus grande qu’était concerné en l’espèce un marché de service de réinsertion

et de qualification professionnelle relevant de l’article 30 du Code des marchés

publics, lequel précise que « ces marchés sont soumis en ce qui concerne leur

passation aux seules obligations relatives à la définition des prestations par référence

à des normes lorsqu’elles existent ainsi qu’à l’envoi d’un avis d’attribution ».

Ainsi, il apparait que le seul respect du Code n’assure plus la sécurité de la passation

des marchés publics. Bien plus, la solution de l’arrêt ANPE conduit à appliquer aux

marchés passés en procédure adaptée le « droit commun des marchés publics » 156 et

ce, d’autant plus que le commissaire de gouvernement Bertrand DACOSTA invite les

pouvoirs adjudicateurs à ne pas se contenter d’une énumération mais de recourir à la

hiérarchisation, voire à la méthode de la pondération, pour les marchés proches du

seuil de 90 000 euros afin d’éviter des contentieux ultérieurs157. Le Conseil d’Etat

semble d’ailleurs poursuivre sa démarche d’alignement du régime des marchés passés

selon la procédure adaptée sur celui des procédures formalisées du Code, toujours

sous l’étendard des principes fondamentaux de la commande publique, en indiquant

dans un arrêt du 24 fevrier 2010 Communauté de communes de l’enclave des Papes158

que le respect de ces principes exige que les documents ou renseignements au vu

155 CE, Sect., 30 janvier 2009, Agence nationale pour l’emploi , n° 290236, concl. B.

Dacosta, BJCP, 2009/64, p. 201. 156 J-D DREYFUS, « L’obligation d’informer les candidats des conditions de mise en

œuvre des critères d’attribution du marché », AJDA 2009, p. 602. 157 Concl. B. Dacosta sur l’arrêt CE, Sect. 30 janv. 2009, ANPE, req. n° 290236,

BJCP, 2009/64, p. 201. 158 CE, 24 février 2010, Communauté de communes de l’enclave des Papes, n°

33569.

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64

desquels le pouvoir adjudicateur sélectionne les candidatures soient portés à la

connaissance des entreprises candidates. Toutefois, il précise qu’il n’est pas

nécessaire d’indiquer les conditions de mise en œuvre des critères de sélection dans

l’avis d’appel public à la concurrence. Participe également de ce courant

jurisprudentiel la décision Perez rendue par le Conseil d’Etat le 10 fevrier 2010159,

annulant le décret n°2008-1356 du 19 decembre 2008 en tant qu’il relevait le seuil des

marchés pouvant être passés « sans publicité préalable ni mise en concurrence » de

4000 euros à 20000 euros. En effet, cette formulation ne saurait tromper et conduire à

admettre la possibilité pour l‘acheteur de traiter de gré à gré. C’est bien l’ensemble

des marchés publics, y compris ceux de faible montant, qui sont soumis au respect

d’obligations minimales de publicité et de mise en concurrence à travers le prisme des

principes du droit commun de la commande publique.

159 CE, 10 fevrier 2010, M. Perez, n° 329100.

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65

Chapitre 2: L’impact de la mise en concurrence sur la liberté

contractuelle du décideur public au stade de l’exécution du contrat :

la cristallisation du contenu du contrat

Considérer que la mise en concurrence, parce qu’elle a vocation à ne jouer qu’au

stade de la phase précontractuelle, n’a d’impact sur la liberté contractuelle du

décideur publique qu’au stade de la passation du contrat administratif conduirait à

avoir une vision tronquée de la réalité. En effet, il existe une forme d’interdépendance

entre la phase de passation du contrat administratif et celle de son exécution, de telle

sorte que « le contrat administratif intègre le résultat du processus concurrentiel de

sa passation »160. Ainsi, toute modification des éléments essentiels du contrat au stade

de son exécution risque de provoquer un bouleversement des conditions initiales de

mise en concurrence. On retrouve alors au stade de l’exécution du contrat toute la

dialectique entre le principe de stabilité et le principe de mutabilité des contrats

publics161. L’objectif principal est donc de dissuader tout contournement du processus

de passation du contrat en cause par un acte d’exécution inapproprié, modifiant l’objet

ou une des conditions essentielles du contrat sans qu’il y ait eu préalablement de

nouvelle procédure de mise en concurrence.

Il en résulte que, afin de protéger le résultat du processus de mise en concurrence, les

possibilités d’adaptation du contrat (Section 1) ainsi que sa circulation (Section 2)

font l’objet d’un encadrement rigoureux.

Section 1 : L’impact de la mise en concurrence sur l’adaptation

du contrat administratif

Le contrat est un acte juridique qui doit souvent évoluer avec le temps, surtout pour

160 C. YANNAKOPULOS, « L’apport de la protection de la libre concurrence au

contrat administratif », RDP, 2008, n° 2, p. 421. 161 L. RAPP, « Stabilité du contrat public et mutabilité de son objet », CMP n°7,

2008, étude 7.

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66

les contrats de longue durée (délégations de service public, partenariats public-

privé…). L’avenant se révèle alors un outil privilégié de gestion des relations

contractuelles, en ce que, contrairement au pouvoir de modification unilatérale dont

dispose l’administration, il apparaît comme un acte concerté, fondé sur la volonté des

deux parties aux contrat initial. Ainsi, parce qu’il est un acte de nature contractuelle,

l’avenant est par principe placé sous l’empire de la liberté contractuelle, le principe

demeurant celui de la liberté de conclure des avenants162. Il apparaît donc clairement

que la liberté de modifier les termes du contrat est une des manifestations de la liberté

contractuelle163. Toutefois, la liberté de recourir à l’avenant fait l’objet d’un

encadrement, régulièrement dénoncé comme constituant un « carcan excessivement

rigoureux »164, afin de préserver la substance du contrat initial, toute dénaturation

étant prohibée. Cet encadrement de l’avenant s’exprime avec une acuité particulière

lorsque le contrat initial est soumis à des procédures de publicité et de mise en

concurrence afin de préserver les principes qui entourent la conclusion dudit contrat.

En effet, pour les contrats dont la passation n’est pas encadrée, « nul principe de

parallélisme des formes et procédures, nul risque de fraude n’imposent de limiter la

liberté de passer des avenants »165.

La problématique des avenants au regard de la mise en concurrence conduira alors à

distinguer plusieurs situations selon qu’ils affectent l’objet du contrat initial166(§1) ou

qu’ils en prolongent la durée (§2).

§1. Les limitations à l’adaptation de l’objet du contrat impliquées par le

respect de la mise en concurrence initiale

162 CE, 22 novembre 1907, Coste, Rec. Lebon p.849. 163 M. BELKACEMI, « La limitation de la liberté contractuelle: le contrôle des

avenants aux contrats administratifs », Gaz. Du Pal., 1998, p. 741. 164 F. LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX, « La mise en concurrence des avenants

aux marchés publics », CMP 2003, repère 8. 165 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, LGDJ, 2008, 6e éd., p. 243, n° 344. 166 Nous entendrons la notion d’« objet du contrat » dans un sens large, c’est-à-dire

comme recouvrant non seulement la nature et les caractéristiques de la prestation

initialement convenue, mais également l’ensemble des éléments financiers du contrat.

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67

La faculté de recourir à un avenant fait aujourd’hui l’objet d’un double encadrement,

procédural et matériel, en matière de marché public et de délégation de service public.

En effet, une spécificité procédurale justifiée par le principe de transparence est

énoncée à l’article L-1411-6 du Code général des collectivités territoriales qui prévoit

que « tout projet d’avenant à une convention de délégation de service public

entrainant une augmentation du montant global supérieure à 5% est soumis pour avis

à la commission visée à l’article 1411-5. L’assemblée délibérante qui statue sur le

projet d’avenant est préalablement informée de cet avis ». La loi du 8 février 1995 a

étendu cette obligation aux marchés publics. Cette règle ne sera pas ici étudiée dès

lors qu’elle ne porte pas atteinte en elle-même à la liberté contractuelle des

collectivités locales puisque le seuil de 5% ne leur interdit pas de conclure des

avenants. Au contraire, l’encadrement matériel du recours à l’avenant, qui découle

directement de la nécessité de respecter les exigences de mise en concurrence,

impacte directement la liberté contractuelle en ce que de l’appréciation de l’ampleur

des modifications envisagées eu, égard au contrat initial, dépendra la légalité ou non

de l’avenant.

Nous observerons que la liberté pour les personnes publiques de conclure un avenant

ayant pour objet de modifier une ou plusieurs clauses contenues dans la convention

(prix, objet de la prestation, lieux d’exécution de la prestation, caractéristiques

techniques de la prestation…) semble faire aujourd’hui l’objet d’un encadrement

différencié selon qu’il s’agit de modifier l’objet d’un marché public ou d’un

délégation de service public.

A) Le fondement quantitatif de l’encadrement des avenants aux marchés publics

La limitation du droit de conclure des avenants obéit à une logique simple. Elle tend à

éviter un détournement des règles de publicité et de mise en concurrence par le

pouvoir adjudicateur en raison d’une mauvaise évaluation (volontaire ou non) de

l’étendue des besoins, ce qui aurait pour effet de fausser totalement les conditions

initiales de l’appel public à la concurrence. Ainsi, le juge administratif vérifiera que la

modification n’a pas pour effet de bouleverser l’économie du contrat ou d’en changer

l’objet (1), étant toutefois admise la faculté de recourir à l’avenant quelle que soit

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l’ampleur de la modification en cas de sujétions techniques imprévues (2).

1) L’illégalité de l’avenant bouleversant l’économie du contrat administratif ou

bouleversant son objet

Le Code des marchés publics prévoit que les avenants ne peuvent changer l’objet du

contrat ou bouleverser son économie167. Il convient de noter que, compte tenu de la

proximité des régimes juridiques applicables aux marchés publics et aux contrats de

partenariats, il est vraisemblable que l’interdiction de bouleverser l’économie du

contrat initial soit également applicable à ces contrats bien que l’ordonnance du 17

juin 2004 ne le précise pas.

Tout d’abord, le changement d’objet devra être apprécié en fonction de « l’idée de

fongibilité de l’objet de l’avenant avec celui du contrat initial » 168. En d’autres

termes, si l’avenant greffe un objet dissociable de celui du contrat initial, il s’agira

d’une novation du contrat et non d’une modification d’une disposition contractuelle,

et une mise en concurrence devra être opérée. La question se pose notamment en

matière de marchés de travaux pour lesquels la réalisation de prestations

supplémentaires doit porter sur un objet identique aux travaux initiaux169. L’avenant

qui s’avère être un nouveau contrat, motif pris du changement de l’objet, est illégal

dès lors qu’il aurait dû être soumis à une procédure de passation170. Souvent, le

changement de l’objet du contrat entraîne également un bouleversement de son

économie. Cela paraît logique : l’exécution de nouvelles prestations entraîne

nécessairement une augmentation du coût initial du marché. D’ailleurs il n’est pas

rare que le juge opère lui même une confusion entre ces deux critères afin de se

prononcer sur la légalité de l’avenant171.

167 article 20 du Code des marchés publics. 168 C. DUDOGNON, « L’avenant au contrat administratif », RDP 2009, n° 5, p.

1359. 169 CE, 22 juin 1998, Préfet du Puy-de-Dôme, BJCP, 1998, p. 36, concl. C. Bergeal. 170 CE, CE, 28 Juillet 1995, Préfet de la Région Ile-de-France c/ Société de gérance

Jeanne d’Arc, Lebon, p. 321, RDP 1996, p. 569, concl. Fratraci. 171 CE. Sect., 11 juillet 2008, Ville de Paris, req. n° 312354.

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Outre l’interdiction de modifier l’objet du contrat, l’avenant ne doit pas bouleverser

l’économie du marché public. D’origine prétorienne, la notion de bouleversement de

l’économie du contrat est souvent invoquée pour sanctionner le non-respect des règles

de publicité et de mise en concurrence. Il apparait à l’étude de la jurisprudence

administrative rendue en la matière que la « mesure » du bouleversement de

l’économie du contrat a fait l’objet de la part du juge d’une réponse d’ordre

essentiellement quantitatif, exprimée en données financières. En l’absence de

définition textuelle, l’appréciation du seuil au-delà duquel il y ou non modification de

l’équilibre du contrat est faite au cas par cas, un accroissement de 10 à 15 % du

montant du marché paraissant acceptable aux regard de la doctrine172.

Il convient de préciser que, en cas d’avenants successifs à un marché public, la

rigueur de l’encadrement suppose que le bouleversement de l’économie du contrat

soit apprécié non pas avenant par avenant mais par rapport à l’ensemble des avenants

déjà intervenus. Ainsi, se pose la question de la légalité des avenants de marché public

dont la prise en compte du montant entraîne le franchissement d’un seuil de mise en

concurrence. En toute orthodoxie juridique, il convient de considérer que la technique

de l’avenant ne doit pas permettre de méconnaître ou de contourner des exigences de

publicité et de mise en concurrence. Le Conseil d’Etat a toutefois admis la légalité de

tels avenants qui entraînent un dépassement du seuil de mise en concurrence dès lors

que leur objet et leur seul effet sont de permettre la poursuite des prestations prévues

au marché initial173.

Cependant, le bouleversement de l’économie du contrat peut et devrait concerner

d’autres éléments que les seules données financières, dès lors que l’on considère que

les conditions initiales de mise en concurrence ne se limitent pas au montant initial du

marché. Ainsi, d’après Catherine PREBISSY-SCHNALL et Edwin TACHLIAN-

DEGRAS, « il ne faut plus donner un sens restrictif de données financières à la

172 A ainsi était jugé illégal l’avenant augmentant de 43 % le prix initial sans

respecter les règles de mise en concurrence prévues par le Code des marchés publics :

CE, 8 mars 1996, Commune de Petit-Bourg, req. n° 175065. 173 CE, 1er avril 1998, Coenon, req. n° 150702.

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notion d’économie du contrat, mais au contraire un sens plus large tenant aux

conditions initiales dans lesquelles a été passée la convention »174. De ce fait,

l’appréciation des données initiales de la mise en concurrence devra être opérée

également en fonction des données qui ont justifié l’exclusion de certains candidats de

la procédure de passation.

2) La faculté de bouleverser l’économie du contrat en cas de sujétions techniques

imprévues

L’article 20 du Code des marchés publics dispose que, « en cas de sujétions

techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision

de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant.

Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut

bouleverser l’économie du marché ou en changer l’objet ». Ainsi il apparaît que, pour

faire face à des sujétions techniques imprévues bouleversant l’économie du contrat, le

pouvoir adjudicateur ne sera pas contraint de procéder à une mise en concurrence afin

d’attribuer un nouveau contrat mais pourra se contenter de la conclusion d’un simple

avenant. On peut voir là l’application d’« une règle de raison qui vient corriger les

inconvénients d’une conception trop rigide de la concurrence »175. En effet, le

principe d’égale concurrence ne doit pas empêcher les parties au marché de procéder

aux adaptations qui sont rendues obligatoires par des circonstances de droit ou de fait.

Toutefois, la théorie est restrictivement admise par le juge administratif qui considère

que quatre conditions cumulatives doivent être réunies. En effet, « ne peuvent être

regardées comme des sujétions techniques imprévues (…) que des difficultés

matérielles rencontrées lors de l’exécution d’un marché, présentant un caractère

exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est

extérieure aux parties »176. Il semble alors possible de soutenir que cette théorie peut

jouer en matière de délégation de service public, bien que le Code général des

174 C. PREBISSY-SCHNALL et E. TACHLIAN-DEGRAS (E), Contrats

Concurrence Consommation n° 8, Août 2008, comm. 202. 175 E. FATÔME, « Les avenants », AJDA 1998, p. 763. 176 CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, n° 223445 ; AJDA 2003, p. 1727, note J-

D Dreyfus.

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71

collectivités territoriales ne prévoie pas expressément cette faculté177.

Cette exception à l’encadrement de la liberté de conclure des avenants, bien qu’ayant

une portée marginale en pratique, est révélatrice du fait que toute la théorie des

avenants est fondée sur la nécessité d’assurer le respect de la mise en concurrence. En

effet, il existe une tendance, tant en doctrine qu’en jurisprudence, à considérer que si

les contrats qui bouleversent l’économie du contrat sont en principe interdits, c’est

parce qu’en réalité ces avenants constituent de nouveaux contrats qui, dès lors, ne

peuvent être conclus qu’après appel à la concurrence. Or comme le précise avec

justesse Monsieur Etienne FATÔME, « il parait plus exact de considérer que si, sauf

exceptions, les avenants qui bouleversent l’économie d’un contrat soumis à une

obligation de mise en concurrence sont interdits, ce n’est pas parce que tout avenant

qui bouleverse l’économie d’un contrat constitue de ce seul fait un nouveau contrat,

mais c’est parce que, du fait de la nécessité d’assurer le respect du principe de mise

en concurrence, des modifications importantes ne peuvent pas être effectuées par

avenant et donc impliquent la conclusion d’un nouveau contrat »178. Et l’auteur de

conclure que, de cette « nuance », s’explique le fait que le bouleversement de

l’économie d’un contrat ne constitue pas nécessairement un nouveau contrat dès lors

que le contrat initial n’était pas soumis à une obligation de mise en concurrence. Cette

conception paraît plus conforme au droit positif qui admet dans le cas de sujétions

techniques imprévues que les parties puissent conclure un simple avenant malgré le

bouleversement de l’économie du contrat. Cette exception semble alors se justifier par

le fait que, parce que les changements de circonstance de droit ou de fait étant

imprévisibles et extérieurs à la volonté des parties, ils ne faisaient donc pas partie des

données initiales de la mise en concurrence et partant, le bouleversement de

l’économie du contrat ne peut être analysé comme un contournement des règles de

mise en concurrence.

B) Le fondement qualitatif de l’encadrement des avenants aux délégations de

service public

177 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 237. 178 E. FATÔME, « Les avenants », art. préc., p.767.

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En l’absence de disposition textuelle consacrée aux avenants (à l’exception de ceux

prolongeant la durée), le juge administratif a, dans un premier temps, transposé la

règle du droit des marchés publics au droit des conventions de délégation de service

public (1). Toutefois, les délégations de service public étant des contrats de longue

durée, elles nécessitaient sans doute un traitement différencié qui sera consacré par

l’avis rendu par la section des travaux publics du Conseil d’Etat le 19 avril 2005(2).

1) L’inadaptation du critère du bouleversement de l’économie du contrat à la

spécificité de la délégation de service public

Jusqu’à l’adoption de la loi Sapin du 29 janvier 1993179, les modifications

conventionnelles des délégations de service public ne posaient guère de difficulté. En

effet, l’encadrement de la conclusion d’avenant étant conditionné par l’existence d’un

procédure de mise en concurrence préalable à la conclusion du contrat initial, tant que

les délégations pouvaient se négocier de gré à gré, leur modification n’était soumise à

aucune contrainte particulière. La loi Sapin a fortement affecté le régime juridique de

ces contrats en les soumettant à un principe de mise en concurrence, ce qui a conduit à

s’interroger sur les conditions du recours à l’avenant pour ces contrats. Or, si le

législateur est venu encadrer les conditions de prolongation d’un délégation de service

public, il ne s’est nullement prononcé sur la possibilité de modifier le contenu du

contrat par voie d’avenant.

Il a toutefois été très tôt admis que le principe de mise en concurrence posé par la loi

Sapin pour les délégations de service public devait passer par un encadrement de ces

avenants180. En effet, comme en matière de marché public, l’avenant ne doit pas

conduire à vicier les conditions initiales de mise en concurrence. Ainsi, une partie de

la doctrine a considéré que « le juge devrait en toute logique transposer à la passation

des avenants aux délégations de service public, les principes dégagés sans texte en

179 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la

transparence de la vie économique et des procédures publiques. 180 L. RICHER, « Délégation de service public, une notion difficile à cerner »,

MTPB, 6 juin 1997.

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matière de marché public »181. Le juge administratif a largement suivi cette tendance

doctrinale en transposant aux délégations de service public la règle selon laquelle un

avenant ayant pour effet de bouleverser l’économie ou de modifier l’objet du contrat

initial doit être assimilé à un nouveau contrat et, partant, faire l’objet d’une nouvelle

procédure de mise en concurrence182. Cette transcription pure et simple de la règle

prévalant en matière de marché public est alors vite apparue comme étant trop

rigoureuse au regard de la nature intrinsèque des délégations de service public, qui

sont des contrats par nature évolutifs nécessitant une adaptation dans le temps. En

effet, parce que les délégations de service public sont des contrats de longue durée, ils

vont nécessiter des investissement nouveaux en cours d’exécution qui seront de nature

à bouleverser l’économie du contrat. Il apparaît alors quasiment impossible de prévoir

l’ensemble des coûts et des recettes ainsi que l’ensemble des difficultés susceptibles

d’être rencontrées en cours d’exécution.

2) L’apport relatif de l’avis du 19 avril 2005 au droit des avenants aux délégations de

service public

Par un avis du 19 avril 2005183, le Conseil d’Etat a pris ses distances par rapport à la

jurisprudence dominante qui tendait à « calquer » le droit de conclure un avenant à

une délégation de service public sur le régime applicable en matière de marchés

publics. En effet, outre l’interdiction de modifier l’objet de la délégation, la section

considère que l’avenant « ne peut pas modifier substantiellement l’un des éléments

essentiels de la délégation », tels que sa durée ou le volume des investissements mis à

181 N. SYMCHOWICZ, « La notion de délégation de service public », AJDA 1998,

p.95. 182 V. par ex. TA Lille, 2 juillet 1998, n° 98-640, Préfet de la Région Nord-Pas-de-

Calais c/ Syndicat. Intercommunal. des transports publics de la région de Douai ; TA

Grenoble, 25 fevrier 2000, n° 99-2955, Préfet de Haute-Savoie / Commune de

Chamonix Mont-Blanc ; plus récemment, CAA Versailles, 3 mars 2005, Communauté

d‘agglomération de Cergy-Pontoise. 183 CE sect. des travaux publics, 19 avril 2005, avis n° 371.234, EDCE 2005 ; AJDA

2006, p. 1371, étude N. Symchowicz et P. Proot ; CMP 2006, n°12, étude 19, H.

Hoeppfner p. 197.

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la charge du délégataire. Cette exigence nouvelle se distingue donc de celle du

bouleversement de l’économie du contrat qui prévaut en matière de marché public. En

raisonnant de la sorte, la section des travaux publics fait sienne l’analyse retenue par

la section des finances au sujet de la légalité des cessions de contrat184, conditionnant

celle-ci à l’absence de modifications substantielles des éléments essentiels du contrat

initial. Ce faisant, le Conseil d’Etat semble avoir consacré une approche plus

qualitative de la modification du contrat185. En effet, en raisonnant de la sorte, le juge

semble vouloir s’affranchir d’un contrôle strictement financier de la légalité de

l’avenant en procédant désormais à un raisonnement en deux temps : Il va d’abord

devoir déterminer si l’avenant est relatif à un élément essentiel du contrat, et, ensuite,

vérifier si cet avenant modifie cet élément essentiel de manière substantielle.

Cependant, si la volonté du Conseil d’Etat de mettre en place un critère plus souple

d’encadrement de l’avenant à une délégation de service public est louable, il n’est pas

certain que ce nouveau critère puisse être complètement déconnecté de celui du

bouleversement de l’économie du contrat dans ses effets. C’est ce que met en avant

Madame Hélène HOEPPFNER lorsqu’elle affirme que « si la nuance introduite est en

théorie importante, celle-ci permettant d’assouplir les conditions de conclusion des

avenants aux délégations de service public, elle reste en pratique fort ténue, la

modification substantielle de l’un des éléments de la délégation revenant souvent à en

bouleverser l’économie »186. L’arrêt Société Kéolis rendu par la cour administrative

d’appel de Paris le 17 avril 2007 est particulièrement probant à cet égard puisque, le

juge d’appel, tout en se fondant sur le raisonnement nouveau émis par le Conseil

d’Etat dans son avis du 19 avril 2005, n’a pas pu s’exonérer d’une appréciation

184 CE sect. des finances, 8 juin 2000, avis n° 36480. 185 N. SYMCHOWICZ et P. PROOT, « L’avis du 19 avril 2005 : d’utiles précisions

sur le contenu et le régime d’exécution des conventions de délégation de service

public », AJDA 2006, p. 1371 ; H. HOEPFFNER, « Le régime des modifications

conventionnelles des délégations de service public. - A propos de l’avis du Conseil

d’Etat du 19 avril 2005 », CMP n°12, déc. 2006, étude 19 186 H. HOEPPFNER, « Le régime des modifications conventionnelles des délégations

de service public. - A propos de l’avis du Conseil d’Etat du 19 avril 2005 », CMP

n°12, déc. 2006, étude 19.

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financière de la modification.

Il n’est donc pas certain que ce nouveau critère apporte plus de souplesse et favorise

la liberté de conclure des avenants en matière de délégation de service public.

§2. Les limitations à la prolongation de la durée du contrat justifiées par le

respect d’une mise en concurrence régulière

La fixation de la durée d’un contrat relève en principe de la liberté contractuelle.

Toutefois, la soumission des contrats administratifs à des règles de publicité et de

mise en concurrence impose de garantir la périodicité de cette mise en concurrence.

Dès lors, l’encadrement rigoureux des possibilités de prolongation du contrat

s’explique par le fait que la réglementation positive encadre la durée initiale des

contrats administratifs. Il n’est donc pas possible d’étudier le régime de la

prolongation du contrat administratif sans avoir au préalable étudié l’encadrement de

la durée initiale du contrat. En effet, comme l’expose justement Hélène HOEPFFNER

dans sa thèse consacrée à la modification du contrat administratif187, « Le principe de

la limitation de la durée justifie celui de l’encadrement de leur éventuelle

prolongation ». Il apparait donc que c’est la volonté du législateur de conférer une

certaine intangibilité à la durée initiale du contrat (A) qui justifie l’encadrement

rigoureux des possibilités de prolongation du contrat afin de ne pas remettre en cause,

au stade de l’exécution, les conditions initiales de mise en concurrence (B).

A) L’encadrement de la durée initiale du contrat

L’ensemble des contrats soumis à une procédure préalable de mise en concurrence fait

l’objet d’une réglementation qui ne permet pas à la personne publique de s’engager

pour la durée de son choix (1), et ce, d’autant plus que la tacite reconduction est

prohibée (2).

1) L’interdiction d’une durée indéterminée des contrats soumis à obligation de mise

187 H. HOEPPFNER, La modification du contrat administratif, thèse, bibliothèque

droit public, LGDJ, t. 260, p. 254, n° 423.

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en concurrence

Le mouvement d’encadrement de la durée des contrats administratifs est né avec la loi

Sapin du 29 janvier 1993, puis s’est progressivement étendu aux autres contrats

administratifs soumis à une procédure de mise en concurrence. Ce mouvement

général d’encadrement de la durée des contrats soumis à une procédure de dévolution

concurrentielle obéit alors à « une logique commune : la durée des contrats doit être

proportionnée en fonction de la nature de l’activité exercée par le cocontractant de

l’administration et des investissements mis à sa charge »188.

S’agissant des délégations de service public, longtemps, l’Administration a eu

tendance à conclure des conventions de très longue durée, de l’ordre de vingt à trente

ans, voire des conventions perpétuelles. Le souci d’éviter des « rentes de situation » et

de permettre ainsi une mise en concurrence régulière ont justifié la limitation de la

durée de ces contrats. Ainsi, l’article 40 de la loi du 29 janvier 1993 prévoit que la

durée doit être « déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées

au délégataire » et précise que, si les installations sont à la charge du délégataire, la

durée ne peut dépasser « la durée normale d’amortissement des installations mise en

œuvre ». La durée constitue alors « l’une des caractéristiques quantitatives dont les

candidats admis à présenter une offre doivent obligatoirement être informés

préalablement au dépôt de leur offre »189. Toutefois, le Conseil d’Etat a jugé légale la

simple mention d’une durée potentielle à la condition qu’elle n’empêche pas de

présenter utilement une offre190. Il convient de noter que, dans certains secteurs, le

législateur est venu poser une réglementation encore plus stricte en fixant une durée

maximale. Ainsi, la durée des conventions de délégation de service public conclues

dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement et des déchets ne peut dépasser vingt

ans (avec certes des possibilités de dérogation, mais après examen du trésorier payeur

général) et celle des délégations de service public de casino ne peut pas excéder dix-

huit ans.

188 H. HOEPFFNER, La modification du contrat administratif, op.cit., p. 241, n° 398. 189 CAA Marseille, 26 mars 2007, Commune de Briançon, req. n°04-04412, CMP

2007, comm. n°193, G.Eckert. 190 CE, 4 fevrier 2009, Communauté urbaine d’Arras, req. n° 312411.

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S’agissant des marchés publics, outre les marchés qui, en raison de leur nature

spécifique, font l’objet d’une durée réglementée par des dispositions particulières191, le

Code des marchés public aborde de façon générale cette question en disposant que

« la durée d’un marché, ainsi que, le cas échéant, le nombre de ses reconductions,

sont fixés en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une

remise en concurrence périodique ». Il résulte de cet article que sont interdits les

marchés à durée indéterminée car ils feraient obstacle à l’application des procédures

de publicité et de mise en concurrence192 .

S’agissant des contrats de partenariat, ceux-ci n’ont de sens que sur une certaine

durée, déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des

modalités de financement retenues. Ainsi, si l’article 11 de l’ordonnance du 17 juin

2004 prend le soin de définir une liste de clauses obligatoires parmi lesquelles figure

notamment la clause relative à la durée du contrat, une grande liberté est laissée aux

cocontractants dans la rédaction de ces clauses.

2) L’interdiction des clauses de tacite reconduction en marché public et en délégation

de service public

Jusqu’à une période récente, la reconduction était largement utilisée, sa légalité ayant

été admise par le juge administratif193. L’illégalité de la clause de tacite reconduction

191 il s’agit des accords-cadres et des marchés à bons de commande dont la durée

maximale est fixée à quatre ans (art. 76 et 77 du CMP); des marchés complémentaires

de fourniture dont la durée ne peut dépasser trois ans (art. 35.II.4 du CMP°) et des

marchés de communication passés à la suite d‘une procédure de dialogue compétitif

ou négociée dont la durée ne peut dépasser quatre ans (art.68 du CMP). Pour un

panorama général, v. Pierre Le Bouëdec, Fasc. 54 : Durée du marché, JurisClasseur

CMP. 192 F. LINDITCH, « De la durée des marchés publics, et de leur tacite reconduction

en particulier, dans le nouveau Code des marchés publics », 2002, chron. n° 5. 193 V. pour les marchés publics : CE, 9 nov. 1955, Département des Alpes-Maritimes,

Rec. 530 ; CE sect. 3 novembre 1982, Société Propétrol, Rec. 381. Pour les

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résultait alors seulement de celle du marché initialement conclu194. Ce procédé a

toutefois été progressivement remis en cause par le législateur et le juge administratif

afin de préserver l’effet utile de procédures de mise en concurrence encadrant la

passation des contrats administratifs. En effet, par un arrêt de principe du 29

novembre 2000195, le Conseil d’Etat a reconnu un caractère novatoire à la

reconduction en affirmant que « le contrat résultant de l’application d’une clause de

tacite reconduction a le caractère d’un nouveau contrat ». Or, cette qualification de

nouveau contrat revient à interdire les clauses de tacite reconduction pour tous les

contrats soumis à obligation de mise en concurrence, dès lors que l’utilisation d’un tel

procédé contractuel reviendrait à contourner les règles de publicité et de mise en

occurrence.. La Haute juridiction en a d’ailleurs déduit qu’« une telle clause ne peut

être que nulle, de sorte qu’un contrat passé en application de cette clause, qui a été

conclu selon une procédure irrégulière, est également nul »196. En matière de

délégation de service public, la solution qui prévaut est la même. En effet, à partir du

moment où la loi Sapin du 29 janvier 1993 a assujetti les délégations de service public

à une procédure de publicité et encadré leur durée, doivent être prohibée les clauses

de tacite reconduction. Le Conseil d’Etat a explicitement rappelé cette règle dans son

avis du 19 avril 2005197 en énonçant qu’« il résulte du principe de durée limitée des

délégations de service public que les clauses de tacite reconduction qui peuvent y

figurer sont nulles et privées de tout effet », et cela quand bien même ces clauses

auraient été stipulées dans une convention conclue antérieurement à l’adoption de la

loi Sapin198.

délégations de service public : CE, 20 janvier 1965, Société des Pompes funèbres

générales, Rec. 42. 194 CE, 23 mais 1979, Commune de Fontenay-le-Fleury, Rec. 226. 195 CE, 29 novembre 2000, Commune de Païta, Rec. 574; L. Richer, AJDA 2001, p.

219. 196 Pour une application récente de cette jurisprudence de principe à un marché

public, v. CAA Nancy, 19 mars 2009, n° 07NC01433, Doucet c/ Hôpital local de

Montier en Der. 197 CE sect. des travaux publics, 19 avril 2005, avis n° 371.234, EDCE 2005. 198 CAA Marseille, 23 janv. 2003, Commune de Six-Four-Les-Plages, req. n° 99-

00209.

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Il convient toutefois de relever que la reconduction expresse est légalement admise,

l‘alinéa 2 de l’article 16 du Code des marchés publics prévoyant qu’ « un marché peut

prévoir une ou plusieurs reconductions à condition que ses caractéristiques

demeurent inchangées ». Cette faculté est compatible avec la jurisprudence Commune

de Païta dès lors que l’utilisation de ce mécanisme doit respecter un certain nombre

de conditions garantissant le respect du principe de mise en concurrence. En effet,

l’effet utile des procédures de passation organisées par le Code est préservé par le fait

que « le nombre de reconductions doit être indiqué dans le marché », ce nombre étant

d’ailleurs « fixé en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une

remise en concurrence périodique ». En outre, il est nécessaire que « la mise en

concurrence ait été réalisée en prenant en compte la durée totale du marché, période

de reconduction comprise ».

B) L’encadrement de la prolongation du contrat

La faculté de prolonger la durée d’un contrat administratif fait l’objet d’un

encadrement spécifique particulièrement rigoureux en matière de délégation de

service public (1) tandis qu’elle sera contrôlée au regard des règles générales

encadrant la modification pour les autres contrats soumis à mise en concurrence (2).

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1) L’encadrement spécifique de la prolongation du contrat de délégation de service

public

L’article 40-b de la loi du 29 janvier 1993 codifié à l’article L-1411-2 du Code

général des collectivités territoriales constitue aujourd’hui le cadre juridique de la

prorogation des délégations de service public. En vertu de cette disposition, la

prorogation d’une délégation de service public n’est possible que pour deux motifs :

un motif d’intérêt général ou la réalisation d’investissements nouveaux. En dehors de

ces dispositions légales, il ne saurait être question de prolonger par avenant la

convention, le contrat devant impérativement s’achever au terme initialement prévu199.

Une délégation de service public peut tout d’abord être prolongée pour un motif

d’intérêt général, pour une durée ne pouvant excéder un an. Si, a priori, la notion

d’intérêt général semble permettre une interprétation extensive, elle a en réalité fait

l’objet d’une interprétation restrictive par le juge administratif. En effet, cette

hypothèse couvre essentiellement le cas d’une collectivité qui éprouverait des

difficultés momentanées à reprendre le service ou à réorganiser une procédure de

publicité et de mise en concurrence pour choisir son nouveau délégataire200

Une délégation de service public peut ensuite être prolongée en raison de l’exécution

d’investissements matériels. Mais cette seconde hypothèse est subordonnée à des

conditions très strictes qui sont cumulatives. En premier lieu, il faut que les

investissements soient « demandés par le délégant ». En deuxième lieu, les

investissements « non prévus lors de la conclusion du contrat » doivent être

« indispensables au bon fonctionnement du service ou à son extension

géographique ». Cette condition a fait l’objet d’une interprétation très stricte de la part

de la jurisprudence qui considère que ces investissements doivent être absolument

199 TA Melun, 7 juillet 1999, n° 99-403, Préfet du Val-de-Marne c/ Commune de

Fontenay-sous-Bois, n° 99-403. 200 CE, 8 juin 2005, M. Tomaselli, Commune de Ramatuelle, n° 255987, Rec. 875 et

964; BJCP n° 42, p. 381, concl. N. Boulouis.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

81

nécessaires au fonctionnement du service201. En troisième lieu, les investissements

doivent être de nature à « modifier l’économie générale de la délégation » sans pour

autant la bouleverser. Or la loi ne propose pas de critère permettant de distinguer la

modification de l’économie générale de son bouleversement, cette appréciation

incombant au juge administratif en fonction des circonstance de l’espèce. Ainsi,

comme le relève justement Laurent RICHER, « compte tenu de la ténuité de la

frontière entre modification et bouleversement de l’économie du contrat...) la

jurisprudence actuelle tend à rendre à peu près inapplicables les dispositions sur la

prolongation » 202.

Pour sa part, Hélène HOEPPFNER regrette le fait que « la délégation de service

public se ‘’processualise’’ et tend à faire prévaloir la logique concurrentielle sur la

logique contractuelle »203. Ce phénomène de cristallisation du contrat de délégation de

service public a d’ailleurs été déploré par le Conseil d’Etat lui-même qui, dans son

rapport public de l’année 2002204, constate l’évolution « d’un régime de contrat dit

« relationnels », c’est-à-dire évolutifs, vers un régime de contrats transactionnels,

c’est-à-dire réglant une fois pour toutes, lors de la conclusion, les relations entre les

parties ». L’encadrement lourd de la liberté de conclure des avenants de prolongation

en matière de délégation de service public apparaît donc comme l’une des limites les

plus restrictives à l’exercice de la liberté contractuelle au stade de l’exécution du

contrat.

2) L’encadrement général de la prolongation des autres contrats administratifs

faisant l’objet d’une mise en concurrence

Contrairement au régime des délégations de service public, le législateur n’a pas

201 CE, 29 décembre 2004, Société SOCCRAM, n°239681, BJCP 2005, n° 40, p. 216,

concl. Casas. 202 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 588, n° 968. 203 H. HOEPPFNER, La modification du contrat administratif, thèse, LGDJ,

bibliothèque droit public, t. 260, p. 260, n° 434. 204 CE, Collectivités publiques et concurrence, Rapport public 2002, EDCE n°53,

Paris, La doc. fr., 2002.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

82

prévu, pour l’ensemble des autres contrats de la commande publique, de régime

spécifique à l’encadrement des avenants de prolongation. Cependant, les parties au

contrat administratif ne bénéficient pas pour autant d’une liberté totale de prolonger la

durée de ces contrats dès lors que, comme nous l’avons vu, la durée est un des

éléments essentiels de la mise en concurrence initiale du contrat ; partant, toute

prolongation du contrat devra respecter les exigences générales encadrant l’adaptation

du contrat administratif, notamment l’interdiction de bouleverser son économie.

Ainsi, en matière de marché public, la lecture combinée des articles 16 et 20 du Code

des marchés publics, lesquels énoncent respectivement la nécessité de respecter une

mise en concurrence périodique et l’interdiction de modifier l’objet du contrat ou de

bouleverser son économie, sauf sujétions techniques imprévues, tend à faire

considérer qu’un avenant pourra venir modifier les délais d’exécution du marché à

condition que ce changement ne constitue pas un bouleversement de son économie.

Notamment, une éventuelle prolongation des relations contractuelles ne doit pas

impliquer une hausse trop importante du montant initial du marché, la jurisprudence

censurant une hausse de 43%205 ou même de 26%206. En revanche, des avenants limités

repoussant la durée du marché sont envisageables. A notamment été admise, à la suite

des tempêtes exceptionnelles de l’année 1999, la possibilité de conclure un avenant

augmentant les délais d’exécution du marché, et donc au final sa durée, « pour tenir

compte du fait que les entreprises titulaires ont été réquisitionnées ou ont dû

intervenir pour assurer la sécurité des personnes et des biens »207 .

Egalement, étant donné la parenté existante entre les règle impliquées par le respect

de la mise en concurrence et celles découlant du droit de la concurrence208, un marché

assorti d’une trop longue durée fermerait l’accès au marché et constituerait une sorte

de monopole pour son titulaire, ou du moins une rente de situation209.

205 CE, 8 mars 1996, Commune de Petit-Bourg, req. n° 175065. 206 CAA Marseille, 21 novembre 2000, Département du Var, n° 98MA00982. 207 Rép. Min. n° 41277 : JOAN Q, 24 avril 2000, p. 2642. 208 E. BERKANI, « Droit de la concurrence et commande publique : état des lieux

d’un vieux couple », Conc., n° 1-2007, p.58 ; L.IDOT, « Commande publique et droit

de la concurrence : un autre regard », Conc. n ° 1-2008, p.1. 209 Cons. de la conc., 7 juillet 1998, décembre n°98-D-52, aff. Deceaux.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

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Le raisonnement sera probablement le même dans l’hypothèse d’un avenant

prolongeant la durée d’un contrat de partenariat, bien qu’aucune juridiction n’ait

encore été saisie de la question.

Section 2. L’impact de la mise en concurrence sur la circulation

du contrat administratif

L’expression de « circulation » du contrat doit permettre d’envisager « l’ensemble des

hypothèses par lesquelles un contrat conclu entre deux opérateurs finit par être

exécuté par d’autres »210. Pour l’essentiel, la littérature juridique s’est attachée à

étudier ce procédé à travers le mécanisme de la cession de contrat, qui n’est rien

d’autre qu’une technique de changement de cocontractant. La cession de contrat se

définit classiquement comme l’opération permettant à une partie, le cédant, de

transférer, avec l’accord du cédé, tout ou partie de ses droits ou obligations, sans en

modifier fondamentalement les éléments essentiels, à un tiers, le cessionnaire, qui se

substitue à lui211. La cession est donc la technique juridique la plus ancienne212

permettant d’assurer la circulation du contrat administratif.

Sur le plan juridique, la problématique liée à la cession a été renouvellée en raison de

la montée en puissance des exigences de mise en concurrence. En effet, la question de

l’application éventuelle des règles de passation des contrats publics aux opérations de

cession variera selon que l’on considère ou non que la substitution de cocontractant

engendre l’extinction du rapport contractuel initial. A cet égard, le conseil d’Etat a

retenu une solution empreinte de pragmatisme et de réalisme économique puisqu’il

n’impose pas le respect systématique de procédures de publicité et de mise en

210 D. MAINGUY, « La circulation des contrats d’affaire », in Contrats Publics,

Mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal, Presses de l’Université de

Montpellier, 2006, p. 293. 211 F. BRENET, JurisClasseur Administratif, Fasc. 612 : La cession de contrat, 1

Notion de cession de contrat. 212 R. NOGUELLOU, La transmission des obligations en droit administratif, thèse,

LGDJ, 2004, BDP, t. 241, p.65.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

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concurrence213(§1).

Toutefois, le juge communautaire s’est récemment emparé de la question en

considérant que, par principe, la cession d’un marché public, parce qu’elle affecte un

des termes essentiels du contrat, doit être précédée d’une procédure de publicité et de

mise en concurrence214. Cette remise en cause de la liberté de cession par le juge

communautaire, dont l’impact n’est pas totalement mesuré aujourd’hui, est d’autant

plus important que l’on connaît désormais toute l’influence du droit communautaire

sur le droit de la commande publique215, en particulier en matière de passation et de

transparence. Or, parce que l’influence s’exprime toujours en faveur du droit qui a

valeur supérieure à l’autre216, la solution communautaire « pourrait signifier la fin des

possibilités de cession des contrats susceptibles d’être soumis aux principes

communautaires »217 (§2).

§1. Le principe de la liberté de cession consacré par le juge national

La possibilité de céder ou non librement le contrat dépend directement des effets que

l’on attache au mécanisme de la cession de contrat. Si la question des effets de la

cession a longtemps été controversée (A), elle a été tranchée par le Conseil d’Etat qui,

dans son avis du 8 juin 2000218, a tenté de préserver la liberté contractuelle des acteurs

213 CE avis, sect. fin., n° 141654, 8 juin 2000 : AJDA 2000, p.758, note L. Richer ;

CJEG 2001, p.103, note Ch. Maugüe et L. Deruy ; CMP 2000, ch. Lorens ; BJCP

2001/15, p. 94, chr. Glaser. 214 CJCE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GbmH c/ Autriche , aff. C-

454/06 : CMP 2009, n° 186, note Zimmer, et repère n° 9, note Llorens et Soler-

Couteaux ; AJDA 2008, p. 2008, note Dreyfus ; DA, 2008, n° 132, note Noguellou ;

BJCP 2008/60, p. 336, note Schwartz. 215 F. LICHERE, « L‘influence du droit communautaire sur le droit français des

contrats publics« , LPA, 2007, n° 79, p. 29. 216 Ibid. 217 R. NOGUELLOU, « Cession de contrat : le point de vue de la CJCE », DA, 2008,

n° 10, comm.132. 218 CE avis, sect. fin., n° 141654, 8 juin 2000, préc.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

85

de la cession tout en assurant la protection des données initiales de la mise en

concurrence (B).

A) Les effets controversés de la cession en droit administratif

Face à la montée en puissance des règles de mise en concurrence, un important débat

doctrinal a eu lieu en droit interne qui a vu les uns défendre l'idée selon laquelle la

cession de contrat générait un nouveau contrat en raison de son effet novatoire tandis

les autres estimaient que la substitution de cocontractant ne faisait pas naître une

nouvelle relation contractuelle, dès lors qu’elle n’avait qu’un effet translatif (1). Ce

débat a finalement été tranché par le Conseil d’Etat en faveur de l’effet translatif de la

cession et, in fine, en faveur du principe de la liberté de cession (2).

1) Les termes du débat : la cession du contrat administratif, effet translatif ou

novatoire ?

La cession du contrat administratif a très tôt été admise par la jurisprudence. Le débat

doctrinal relatif à ses effets ne sera lancé qu’au début des années 1990, lors de

l’adoption de la loi du 29 janvier 1993219. En effet, à partir du moment où le

législateur avait choisi d’encadrer la procédure de passation des délégations de service

public, se posait la question de savoir si la cession de pareils contrats devrait faire

l’objet d’une mise en concurrence. En effet, la cession de contrat implique une

succession de cocontractants dans le cadre d’un même rapport contractuel : alors que

le tiers cessionnaire devient partie au contrat, le cédant perd la qualité de partie et se

libère de ses obligations contractuelles. Face à cette substitution de cocontractant, une

importante controverse est née entre, d’une part, les partisans de l’idée selon laquelle

la cession de contrat gênerait un nouveau contrat220, d’autre part, ceux qui soutenaient

219 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la

transparence de la vie économique et des procédures publiques. 220 G. JEZE, Les contrats administratifs de l’Etat, des départements, des communes

et des établissements publics : Giard, 1932, t.2, p.216 ; A; de LAUBADERE, F.

MODERNE, P.DEVOLVE, Traité des contrats administratifs : LGDJ, 2 éd., 1984, t.

2, n° 831, p. 36.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

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l’idée selon laquelle la cession de contrat n’a pas pour effet de créer un nouveau

contrat entre le cédé et le cessionnaire dès lors que les éléments essentiels du contrat

initial (objet, durée, prix des prestations) demeurent inchangés221.

A l’appui de leur solution, une partie des partisans de l’effet novatoire de la cession

invoquaient le manquement à la règle de l’intuitu personae222 notamment dans le

cadre de la passation de délégation de service public, pour considérer que la cession

suppose la mise en œuvre d‘une procédure de mise en concurrence. D’autres ont

déduit l’obligation de procéder à une nouvelle mise en concurrence du principe de

parallélisme des formes, notamment Etienne FATÔME223 qui considérait que « la

raison d’être de toute procédure de publicité et de mise en concurrence est

d’encadrer le choix par l’administration de ses cocontractants et donc faire en sorte

que ce choix ne puisse intervenir qu’au terme d’un processus très précis ». Cette

position semblait confortée par la jurisprudence qui n’admettait alors que la seule

cession des marchés non soumis à obligation de mise en concurrence224.

Toutefois, certains auteurs comme Nils SYMCHOWICZ225 ont affirmé que la cession

de contrat ne pouvait être analysée comme donnant naissance à un nouveau contrat,

tout en admettant une évidente contrariété entre cession et mise en concurrence. En

effet, selon cet auteur, « affirmer qu’une cession doit être précédée d’une mise en

concurrence pour être légale relève simplement d’une pure vue de l’esprit :

l’incompatibilité entre cession et mise en concurrence est structurelle. Dès lors, de

deux choses l’une : ou les cessions de contrat soumis à mise en concurrence sont

221 V. entre autres, N. SYMCHOWICZ, « Contrats administratifs et mise en

concurrence. La question des cessions », AJDA 2003, p.113 ; . R. NOGUELLOU, La

transmission des obligations en droit administratif, LGDJ, 2004, BDP, t. 241. 222 Rép. Min. du 12 avril 1999, J.O.A.N q., p. 2443. Le ministre indique que

« l‘absence de continuité de la personne morale cocontractante apparaît contraire au

respect du principe de l‘intuitu personae ». 223 E. FATÔME, « Les avenants », AJDA 1998, p.763. 224 CE, 11 juillet 1939, Sieur Thouna, Roch et Antoine, Rec 468. 225 N. SYMCHOWICZ, « Contrats administratifs et mise en concurrence. La question

des cessions », AJDA 2003, p. 113.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

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invariablement interdites, et toute cession doit conduire la collectivité à mettre fin au

contrat et à relancer une procédure de mise en concurrence intégrale, ou les

cessibilités sont permises, et alors le juge ne peut que tirer les conséquences de cette

liberté contractuelle et constater l’incompatibilité des cessions avec toute mise en

concurrence ». En d’autres termes, la cession de contrat répond à une simple logique

translative: elle opère une transmission des obligations initiales qui implique la

poursuite du contrat en dépit du changement de l’une des parties.

2) L’affirmation par le juge administratif de l’effet translatif de la cession

Par un important avis du 8 juin 2000226, le Conseil d’Etat s’est prononcé en faveur de

l’effet translatif de la cession en affirmant que « la cession d’un marché ou d’une

délégation de service public doit s’entendre de la reprise pure et simple, par le

cessionnaire qui constitue son nouveau titulaire, de l’ensemble des droits et

obligations résultant du précédent contrat. Elle ne saurait être assortie d’une remise

en cause des éléments essentiels de ce contrat, tels que la durée, le prix, la nature des

prestations et, s’agissant de concessions, le prix demandé aux usagers. Lorsque la

modification substantielle de l’un de ces éléments implique nécessairement la

conclusion d’un nouveau contrat, ce contrat, même conclu sous forme d’un avenant,

doit être soumis aux procédures de publicité et de mise en concurrence préalables,

prévues par les dispositions du Code des marchés publics ou de la loi du 29 janvier

1993 ». Toutefois, la cession fait l’objet d’un strict contrôle, puisqu’elle ne doit pas

cacher une entente entre les cocontractants. Ainsi, la Haute juridiction a pris le soin

d’indiquer que l’administration ne doit pas « se prêter à une manœuvre ou à un

détournement de procédure avec la complicité du cédant ou du cessionnaire du

contrat, dans le but notamment de contourner les règles de mise en concurrence

applicables au contrat initial ».

Il n’en reste pas moins que, en ne faisant pas figurer le cocontractant de

l’administration parmi les éléments essentiels du contrat qui ne doivent pas être

modifiés, le Conseil d’Etat indique que la substitution de cocontractant n’engendre

pas l’extinction du rapport contractuel initial et, partant, la création d’un nouveau

226 CE avis, sect. fin., n° 141654, 8 juin 2000, préc.

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contrat. La solution retenue repose donc sur l’idée que l’obligation de mise en

concurrence a pour objet essentiel de retenir une offre et non, comme une conception

excessive de l’intuitu personae pourrait le laisser penser, de choisir un cocontractant.

Par ailleurs, la règle du parallélisme des formes n’impose pas non plus la mise en

œuvre d’une procédure de mise en concurrence dès lors qu’elle ne s’applique qu’à

l’acte contraire, c’est-à-dire l’acte qui modifie ou neutralise l’acte primitif, ce qui

n’est pas le cas de la cession « pure et simple » puisque, précisément, elle n’engendre

pas de modification des éléments essentiels du contrat227. Au-delà de strictes

considérations juridiques, la solution retenue par les juges du Palais Royal mérite

également d’être approuvée en ce qu’elle apparaît en phase avec l’utilité économique

de telles opérations puisqu’elle n’impose pas le respect systématique des procédures

de publicité et de mise en concurrence. Comme le relève justement Nils

SYMCHOWICZ, « c’est la liberté du commerce et de l’industrie qui est en jeu . Sur

ce point, la logique juridique ne peut que rejoindre la logique de la vie des

affaires»228. La solution retenue par le Conseil d’Etat est d’autant plus remarquable

qu’elle permet de préserver en partie la liberté contractuelle des acteurs de la cession.

B) La préservation de la liberté contractuelle des acteurs de la cession

La solution adoptée par le Conseil d’Etat dans l’avis du 8 juin 2000229 apparaît

équilibrée en ce que la liberté contractuelle du cocontractant de l’administration est

préservée, puisqu’il pourra céder librement son contrat (1), et celle de la personne

publique l’est également, puisqu’elle a la faculté de s’opposer à la cession du

contrat(2).

1) La préservation de la liberté contractuelle du cédant: l’absence de mise en

concurrence du concessionnaire

227 L. RICHER, « Délégations de service public, publicité ou non pour les cessions de

contrat? », MTPB, 18 février 2000, p. 74. 228 N. SYMCHOWICZ, « Contrats administratifs et mise en concurrence. La question

des cessions », AJDA 2003, p.113. 229 CE avis, sect. fin., n° 141654, 8 juin 2000, préc.

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La cession représente un « droit du cessionnaire »230 qui trouve son fondement dans le

principe de la liberté contractuelle. Dès lors, « on a du mal à concevoir qu’un principe

de mise en concurrence applicable à des contrats publics, qui constitue une

obligation pesant sur les personnes publiques, puisse être interprété d’une manière

telle qu’il retentisse sur la validité même d’accords d’entreprises complexes, difficiles

à appréhender, obéissant à des réglementations diverses et multiples totalement

indépendantes de celle des contrats publics »231. En d’autres termes, imposer le

respect d’une nouvelle mise en concurrence en cas de cession aurait conduit à

interdire à l’entreprise cédante de choisir le concessionnaire et aurait ainsi porté

atteinte à sa liberté contractuelle. Toutefois la liberté contractuelle du cocontractant de

l’administration n’est pas totale puisque, toute modification des éléments essentiels du

contrat ayant un effet novatoire232, le juge imposera le respect de procédures de

publicité et de mise en concurrence prévues par les textes.

De même aurait été attentatoire à la liberté contractuelle du cédant et de son

cessionnaire le fait que le mécanisme d’octroi de l’autorisation de cession par la

personne publique cédée soit fondé sur un pouvoir discrétionnaire d’appréciation.

C’est pourquoi le Conseil d’Etat, dans l’avis du 8 juin 2000233, a considéré que le refus

d’autorisation ne peut être admis que dans des conditions parfaitement identifiées. Il

en résulte que, parce que la cession représente une manifestation de la liberté

contractuelle à la fois du cédant et du cessionnaire, ses conditions de mise en œuvre

doivent respecter la vie des affaires. Ainsi, les restructurations affectant la vie des

affaires ne peuvent justifier en elles-mêmes le refus d’autorisation de la personne

publique cédée.

230 C. BERGEAL, concl. sur CE, 9 juillet 1997, Société des eaux de Luxeuil-les-

Bains et Ville de Cannes : RFDA 1998, p. 537. 231 N. SYMCHOWICZ, « Contrats administratifs et mise en concurrence. La question

des cessions », art. préc. p.118. 232 Par ex., CAA Paris, 23 mars 2005, n° 00PA01867, Société SITA Ile-de-France : F.

Llorens, CMP 2005, comm. 155 ; à propos d’une cession de contrat entrainant une

augmentation du prix de 45 à 250 francs la tonne ménagère. 233 CE avis, sect. fin., n°141654, 8 juin 2000, préc.

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2) La préservation de la liberté contractuelle du cédé : le mécanisme de l’acceptation

Toute cession de contrat est subordonnée à l’obtention d’une autorisation émanant du

cédé. Cette exigence, qui constitue selon une partie de la doctrine un principe général

du droit des contrats administratifs234, vaut même dans le silence de la convention 235.

Le fondement d’un tel mécanisme a pour objet de s’assurer que le rapport personnel

existant entre les deux cocontractants n’a pas été rompu. Ainsi, parce que

l’administration choisit son cocontractant en fonction des caractéristiques de ce

dernier, le juge impose le respect d’une obligation d’exécution personnelle du contrat

à laquelle il ne peut être porté atteinte qu’avec l’accord de la personne publique. En

d’autres termes, le mécanisme de l’acceptation doit permettre de protéger la part

d’intuitu personae propre à tout contrat administratif, et, par là-même, de préserver la

pérennité du choix contractuel effectué par la personne publique lors de la mise en

concurrence du contrat. Cela est clairement rappelé par la Haute juridiction dans

l’avis du 8 juin 2000236 qui énonce que « le Conseil d’Etat statuant au contentieux a

posé depuis fort longtemps le principe selon lequel ces contrats sont conclus en

raison de considérations propres à chaque cocontractant (« intuitu personae ») ; il en

a tiré la conséquence que la cession d’un marché ou d’une concession ne pouvait

avoir lieu, même en l’absence de toute clause spéciale du contrat en ce sens, qu’avec

l’assentiment préalable de la collectivité cocontractante ». Le Conseil d’Etat utilise

donc de manière large le terme d’intuitu personae et ne réserve pas cette expression

aux seules délégations de service public, car ce serait là admettre un traitement

différencié de la cession entre marchés publics et délégations de service public.

Reprenant des solutions dégagées par le Conseil d’Etat statuant au contentieux, l’avis

du 8 juin 2000 indique alors que la personne publique peut refuser la cession

« notamment au regard de l’appréciation des garanties financières et

professionnelles présentées par le nouveau titulaire du contrat pour assurer la bonne

fin du contrat dans le cas d’un marché ou, dans le cas d’une délégation de service

public, de son aptitude à assurer la continuité du service publique et l’égalité des

usagers devant le service public ». L’administration ne dispose donc pas d’un pouvoir

234 R. NOGUELLOU, La transmission des obligations en droit administratif, op.cit. 235 CE, 20 janvier 1905, Compagnie départementale des eaux : Rec. p. 55; 236 CE avis, sect. fin., n° 141654, 8 juin 2000, pré.cit.

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discrétionnaire d’appréciation lui permettant de refuser l’autorisation selon son bon

vouloir. Les motifs de refus se fondent ainsi sur la spécificité de la procédure de

dévolution des contrats administratifs pour protéger « le caractère personnel de tout

rapport contractuel »237. En effet, il est classique de distinguer deux phases dans la

passation d’un contrat administratif: en amont, celle de la sélection des candidats qui

doit permettre de vérifier leurs qualités financières et professionnelles, en aval, celle

de la sélection des offres. La cession ne remet pas en cause la seconde phase

puisqu’elle ne peut s’accompagner d’une modification des éléments essentiels du

contrat. En revanche elle remet en cause la phase de sélection des candidatures. C’est

précisément pour vérifier que le cessionnaire revêt bien les mêmes qualités

qu’intervient l’autorisation de céder le contrat.

237 R. NOGUELLOU, La transmission des obligations en droit administratif, op.cit.

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§2. La remise en cause du principe de la liberté de cession par le juge

communautaire

La Cour de Justice des Communautés européennes a, dans l’arrêt Pressetext238, adopté

une prise de position restrictive sur la question des cessions de marché puisqu’elle

considère que celles-ci constituent un changement de l’un des termes essentiels du

marché, appelant par là une mise en concurrence (A). Toutefois, la Cour consacre

deux exceptions à la solution retenue, dont la portée ambivalente ne permet pas de

définir avec certitude les hypothèses de cession légale, et par là-même, à sécuriser la

circulation du contrat administratif (B).

A) L’interdiction de principe de la cession

Le droit communautaire adopte une conception nettement plus sévère que celle

retenue en droit interne par le Conseil d’Etat en considérant que, par principe, le

changement de cocontractant est assimilable à une modification essentielle du contrat

(1). La position adoptée par la Cour de Strasbourg apparaît d’autant plus dogmatique

qu’elle semble tout entière fondée sur le principe de transparence, dont on sait qu’il a

tendance à gouverner l’ensemble des contrats publics à objet économique (2).

1) Le changement de cocontractant, une modification essentielle du contrat

Dans l’arrêt Pressetext239, la Cour de Justice des Communautés européennes est venu

préciser pour la première fois dans quelle mesure la modification d’un contrat existant

devait être considérée, soit comme un simple avenant n’exigeant pas une remise en

concurrence, soit comme la passation d’un nouveau contrat devant être soumis à une

procédure de publicité et de mise en concurrence. Pour l’essentiel, la solution retenue

par le juge communautaire est en phase avec celle retenue en droit interne par le

Conseil d’Etat puisque la Cour précise que seules des modifications substantielles

peuvent justifier une nouvelle remise en concurrence du contrat. Toutefois, la Cour

précise que, « en général, la substitution d’un nouveau cocontractant à celui auquel

238 CJCE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GbmH, préc. 239 Ibid.

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le pouvoir adjudicateur avait initialement attribué le marché doit être considérée

comme constituant un changement de l’un des termes essentiels du contrat ». Le

principe est donc clair : la substitution d’un nouveau cocontractant est en principe

interdite car révélant, en elle-même, une modifications des termes fondamentaux du

contrat et ce, même si le contenu de celui-ci demeure inchangé. Si cette solution était

confirmée, « elle pourrait signifier la fin des possibilités de cession des contrats

susceptibles d’être soumis aux principes communautaires »240. En procédant de la

sorte, le juge européen se prononce donc clairement en faveur de l’effet novatoire de

la cession de contrat et, partant, vient frapper de plein fouet la solution retenue en

droit français. Tandis que le juge national avait su dégager une solution pragmatique,

tant sur le plan juridique qu’économique, la Cour semble pour sa part tout entière

guidée par une conception dogmatique de la transparence et de la mise en concurrence

paralysant la circulation du contrat. En effet, nous l’avons évoqué plus haut, la cession

de contrat est par principe incompatible avec la mise en concurrence du contrat. Or,

face à cette incompatibilité, il parait plus judicieux d’admettre le principe de cession

que de le refuser 241.

La Cour de Justice semble ainsi avoir oublié que la mise en concurrence n’est qu’un

moyen de parvenir à l’optimum contractuel et, dans le cadre d’un contrat public, à la

satisfaction de l’intérêt général. En effet, en faisant passer la transparence avant

l’exécution du contrat, le juge européen adopte une démarche finaliste de la mise en

concurrence, clairement attentatoire à la liberté contractuelle.

2) La portée générale de la présomption de non cessibilité des contrats administratifs

La Cour de justice des Communautés européennes semble avoir adopté une démarche

téléologique pour rejeter le principe de la libre cession du marché public. En effet,

après avoir rappelé que les directives ne fournissent pas de réponse aux possibilités de

modifications conventionnelles des marchés publics, elle fait reposes tout son

raisonnement sur le principe de transparence dégagé des principes de non-

240 R. NOGUELLOU, « Cession de contrat : le point de vue de la CJCE », DA., n°10,

2008, comm.132. 241 R. NOGUELLOU, « La cession de contrat », RDC 2006, p. 966.

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discrimination et d’égalité de traitement. La position retenue apparaît alors d’autant

plus rigoureuse qu’elle découle du principe de transparence et qu’elle a donc vocation

à s’appliquer aux marchés d’un montant inferieur au seuil des directives

communautaires242. Il convient néanmoins de s’interroger sur la possible extension de

cette solution à d’autres contrats publics que les seuls marchés publics, bien que la

Cour précise se situer « dans le cadre général des règles communautaires applicables

aux marchés publics ». En effet, « tous les contrats publics économiques sont

potentiellement concernés puisque la solution ne repose pas sur les directives mais

sur les règles générales du Traité, lesquelles s’appliquent bien au-delà des seuls

marchés publics soumis aux directives »243. Nous pensons ici en particulier aux

concessions de service public lesquelles sont soumises, depuis l’arrêt Telaustria244, au

respect du principe de transparence. Toutefois, il est possible que la Cour de justice

des Communautés européennes se montre à l’avenir sensible au particularisme des

contrats de concession. Ainsi, il ressort des conclusions de Madame KOKOTT245 que

la liberté de conclusion des avenants en général - et donc la cession en particulier-

serait plus largement admise dans le cadre de contrats à longue durée dont

l’adaptation peut s’avérer nécessaire du fait d’un changement imprévu des

circonstances économiques. Toutefois, en l’état actuel du droit, on peut penser que la

seule véritable limite à la solution Pressetext correspond à l’hypothèse où l’on se

trouverait en présence de contrats ne présentant pas un intérêt transfrontalier, la Cour

ayant jugé que la mise en œuvre du principe de transparence ne vaut qu’à la condition

que le marché concerné revête, de par son importance, un caractère transfrontalier

certain246.

B) La portée relative des exceptions à l’interdiction de cession

242 CJCE, ord., 3 déc. 2001, aff. C-9/00, Bent Mousten Vestergaard ; CJCE, 20

octobre 2005, Aff. C-264/03, Commission c/ France. 243 R. NOGUELLOU, « Cession de contrat : le point de vue de la CJCE », art. préc. 244 CJCE,7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH, aff. C-324/98. 245 Mme J. Kokott, concl. Prononcées le 13 mars 2008 sur aff.C-454/06 Pressetext

Nachrichtenagentur GbmH, pt 43. 246 CJCE, 13 novembre 2007, Commission c/ Irlande, aff. C-507/0 ; CJCE, 13

novembre 2007, Commission c/ Italie, aff. C-119/06

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Le principe posé par la décision Pressetext est assorti de deux exceptions spécifiques,

l’une relative à l’hypothèse d’une réorganisation interne du cocontractant (1), l’autre à

l’existence d’une cession dans le contrat initial (2). La portée de ces deux exceptions

apparaît alors toute relative, dès lors que la premier exception a vocation à ne jouer

que dans des cas très circonscrits et que la seconde est trop imprécise pour garantir le

maintien de la libre cession en droit interne.

1) L’hypothèse limitée d’une réorganisation interne du cocontractant

La première dérogation au principe de l’interdiction de cession dégagée par la Cour

est relative à l’hypothèse où la cession ne constitue rien d’autre qu’une

« réorganisation interne du cocontractant, laquelle ne modifie pas de manière

essentielle les termes du marché initial ». Il s’agit en réalité d’une dérogation fondée

sur les circonstances de l’espèce où le cocontractant initial s’était substitué une filiale

qu’il détenait à 100 % et sur laquelle il disposait d’un pouvoir de direction. En vérité

cette exception semble ne devoir concerner que des hypothèses très encadrées , la

Cour de justice exigeant que le cocontractant initial soit toujours actionnaire de sa

filiale. En effet, « si les parts sociales étaient cédées à un tiers pendant la durée du

marché en cause au principal, il s’agirait non plus d’une réorganisation interne du

cocontractant initial, mais d’un changement effectif de cocontractant (…) un tel

événement serait susceptible de constituer une nouvelle passation de marché ». La

Cour adopte donc une position extrêmement rigoureuse et s’écarte là du Conseil

d’Etat247 pour qui il n’ y a pas cession « lorsqu’il est procédé à un changement de

propriétaire des actions composant le capital social, même dans une proportion très

largement majoritaire ».

Le caractère restrictif de cette première exception peut être apprécié à la lumière de la

jurisprudence rendue en matière de contrats in house dont la Cour semble s’être

inspirée. En effet, la Cour a admis qu’un marché conclu entre une collectivité

territoriale et un opérateur économique échappe au respect de la directive « dans

l’hypothèse où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un

247 CE Avis 8 juin 2000, préc.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

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contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette personne

réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent »248. Or

on sait désormais que cette exception n’est admise que très restrictivement, « la

participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une

société à laquelle participe également un pouvoir adjudicateur exclut en tout état de

cause qu’il puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui exercé sur

ses propres services »249 et ce, également si l’ouverture de capital se fait en cours

d’exécution du contrat. La logique développée dans l’arrêt Pressetext semble alors

proche de celle prévalant en matière de relations in house, toute cession de parts

sociales devant être précédée d’une mise en concurrence. L’exception tenant à une

réorganisation interne du cocontractant pourrait donc être vouée, tout comme le

contrat in house, à être réduite à « une peau de chagrin »250. La Cour semble donc

vouloir prohiber, par quelque moyen que ce soit, la dévolution à une personne de

prestations qu’elle pourrait assurer par le biais d’un contrat alors qu’elle n’aurait pas

pris part à une procédure de mise en concurrence portant sur lesdites prestations.

Ainsi, comme le relève justement Philipe PROOT251, « l’objectif poursuivi par la

Cour de Justice des Communautés européennes est d’exclure qu’un opérateur privé

puisse en aucune façon bénéficier du flux du revenu généré par l’attribution d’un

contrat public sans mise en concurrence, que ce soit comme cocontractant direct ou

comme actionnaire du cocontractant ». La marge de manœuvre laissée aux acteurs de

la cession apparaît donc très faible, cette première exception à l’interdiction de

principe de la cession ayant vocation à ne jouer que de manière exceptionnelle.

2) L’hypothèse ambivalente d’une clause de cession dans le contrat initial

La seconde exception à l’effet novatoire de la cession concerne le cas où la

substitution de cocontractant aurait été prévue « dans les termes mêmes du marché

248 CJCE, 18 novembre 1999, Teckal Srl, aff. C-107/98. 249 CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26/03. 250 F. LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales« , CMP

2007, n° 5, Etude 6. 251 P. PROOT, « Cession de contrat : où en est-on un an et demi après l’arrêt

Pressetext ? », JCP A, n°8, 2010, p. 2071.

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initial ». La formule retenue par la Cour est ambivalente car elle peut recevoir,

comme l’a souligné la doctrine252, deux interprétations radicalement opposées.

En effet, il est possible de considérer que, pour les contrats communautaires soumis

au principe de transparence, la substitution du cocontractant n’est légale que si elle a

été envisagée dans son principe dans le contrat initial et ce, afin que la possibilité de

recourir à la cession soit connue de tous dans le respect du principe de transparence.

Dans une telle hypothèse, la pratique de la cession en droit administratif ne serait pas

fondamentalement modifiée dès lors qu’il suffirait de faire figurer expressément dans

les marchés et concessions une clause type relative à la cession de contrat. Il n‘en

reste pas moins qu’« il s’agirait (…) d’une évolution théorique majeure puisque cela

aboutirait à rendre l’ensemble de ces contrats incessibles par nature, la cessibilité ne

pouvant que découler d’une clause en ce sens »253. Il semblerait ainsi douteux, au

contraire de ce qu’estime Monsieur Paul LIGNIERES254 que puisse être renversée la

présomption simple d’incessibilité des contrats publics en l’absence de clause de

cession, uniquement en démontrant que la cession ne change pas l’un des termes

essentiels du contrat.

L’autre interprétation possible serait que la clause de cession contenue dans le contrat

initial prévoit également l’identité du cessionnaire envisagé, ce qui reviendrait à

interdire le principe même de la cession, sauf dans les cas, rares, où l’identité du futur

concessionnaire peut être connue dès la conclusion du contrat. Or, à moins de ne

conférer au principe de l’interdiction de libre cession qu’une portée essentiellement

théorique, « il est à craindre que puisse être retenue l’hypothèse d’une évocation du

futur cessionnaire, ce qui ne constituerait guère que le cas des sociétés dédiées

252 R. NOGUELLOU, « Cession de contrat : le point de vue de la CJCE », art. préc. ;

F. LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX, « La cession des marchés publics à

l’épreuve du droit communautaire », CMP 2008, n° 10, repère 9. 253 R. NOGUELLOU, « Cession de contrat : le point de vue de la CJCE », art. pré.

cit. 254 P. LIGNIERES, « Cession des contrats publics : que change l’arrêt de la CJCE du

19 juin 2008 ? » : Linklaters, novembre 2008.

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constituées pour l’exécution du contrat »255. Entre ces deux interprétations possibles

de cette exception à l’interdiction de principe de la liberté de cession, c’est le sort de

la circulation du contrat administratif qui est en jeu.

255 P. PROOT, « Cession de contrat : où en est-on un an et demi après l’arrêt

Pressetext? », art. préc.

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99

A l’issue de ce premier examen des implications de la mise en concurrence sur

la liberté contractuelle, un constat s’impose : l’empire de la transparence et de la mise

en concurrence est immense et ne cesse de s’étendre, son emprise conditionnant la vie

du contrat administratif, de sa passation à son exécution. Car c’est bien là ce qui fait

toute la force de l’obligation de mise en concurrence qui, loin d’être réduite à une

simple procédure de passation, apparaît comme un encadrement permanent de

l’activité contractuelle des personnes publiques, permettant « de dépasser la

distinction absolue entre passation et exécution du contrat »256 : au stade de la

passation, le contrat administratif apparaît comme étant l’objet de la mise en

concurrence; au stade de l’exécution, il apparaît comme un rapport contractuel figé,

condition du respect de la mise en concurrence initiale.

Face à ce processus qui, nous l’avons vu, peut tout à fait amener à admettre qu’il

existe, sinon en droit, du moins en pratique, un véritable régime commun de

formation du contrat administratif d’affaire tout entier fondé sur un principe de mise

en concurrence, sorte de « reflet inversé » des principes fondamentaux de la

commande publique257, la question a pu être posée de savoir si « un retour de

balancier »258 était susceptible de renverser cette tendance, et in fine, de permettre la

reconquête d’espaces de totale liberté dans la mise en œuvre du procédé contractuel.

Cet espoir d’un reflux de l’obligation de mise en concurrence ne nous paraît pas

sérieusement envisageable, dès lors que cette dernière apparaît comme toute entière

portée par un droit communautaire de plus en plus envahissant et participer

directement à l’objectif déterminant d’ouverture du marché commun.

256 C. YANNAKOPOULOS, « L’apport de la protection de la libre concurrence à la

théorie du contrat administratif », RFDA, 2008, n° 2, p. 241. 257 O. GUEZOUX, « Substance du principe de mise en concurrence », in CH.

BRECHON-MOULENES (dir.), Droits des marchés publics, III. 110.1, p.3. 258 F. LLORENS et P.SOLER-COUTEAUX, « Obligation de mise en concurrence :

un retour de balancier est-il possible ? », CMP 2007, n° 12, repère 11.

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100

Pour autant faut-il se résoudre au constat amer, largement effectué par les acheteurs

publics et relayé par une partie de la doctrine, que le droit de la commande publique

ne serait que contraignant et liberticide ?

Nous ne le pensons pas. Non que la mise en concurrence soit sans effet sur la liberté

contractuelle des personnes publiques, ce serait là nier l’intérêt de notre premier

examen. Néanmoins, la liberté contractuelle ne nous paraît pas « enchaînée » à la mise

en concurrence au point d’en être moribonde. Au contraire, il semble possible de

constater un phénomène de régénération de la liberté contractuelle dans sa relation à

l’obligation de mise en concurrence. .

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

101

Titre 2

La régénération de la liberté contractuelle dans sa relation

avec la mise en concurrence

La régénération, dont la racine latine regenerare signifie « engendrer à nouveau, faire

revivre», peut revêtir une double portée selon la matière à laquelle elle trouve à

s’appliquer. Ainsi, elle correspond à un phénomène de « reconstitution des tissus

organiques » chez les êtres vivants, et à « un renouvellement moral, amendement de

ce qui était corrompu, altéré » en philosophie259.

Il semble alors possible d’affirmer qu’il existe une régénération de la liberté

contractuelle en droit administratif à ces deux niveaux.

Tout d’abord, on assiste progressivement à une « régénération organique » de la

liberté contractuelle à travers la naissance d’une nouvelle pondération entre ses

attributs et l’obligation de mise en concurrence. En effet, la liberté contractuelle se

matérialise à travers ses différentes composantes (liberté de recourir au contrat, liberté

de choisir son cocontractant, liberté de définir le contenu du contrat), lesquelles

constituent en quelque sorte ses « organes ». Or, si nous avons pu constater une

restriction de la liberté de choix du cocontractant et de modification du contrat par la

mise en concurrence, force est de constater que la vague concurrentielle n’a pas

encore noyé la liberté contractuelle. Il semble s’être progressivement dessiné une juste

pondération, entendue comme « un juste équilibre entre forces contraires »260entre

mise en concurrence et liberté contractuelle (Chapitre 1er).

Ensuite, on assiste à une « régénération morale » de la liberté contractuelle en droit

259 V. « régénération » in Le Grand Usuel LAROUSSE, dictionnaire encyclopédique,

In extenso, 1998. 260 V. « pondération » in Le Grand Usuel LAROUSSE, dictionnaire encyclopédique,

In extenso, 1998.

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administratif, la mise en concurrence ayant pour effet d’accentuer sa finalité d’intérêt

général sans pour autant la cantonner à un intérêt strictement concurrentiel. En effet,

puisque « contracter c’est encore administrer »261, la question fondamentale qui doit

être posée est celle de savoir quelle dose de liberté injecter dans le système

administratif pour parvenir au mieux à la satisfaction de l’intérêt général. La mise en

concurrence apparaît alors comme un ingrédient essentiel à ce fin dosage en

accentuant la fonction d’intérêt générale de la liberté contractuelle (Chapitre 2).

Chapitre 1: La pondération renouvelée entre les manifestations de la

liberté contractuelle et l’obligation de mise en concurrence

Malgré l’extension et l’intensification de l’obligation de mise en concurrence, la

liberté contractuelle demeure au fondement de l’action contractuelle du décideur

public. En effet, étudier exclusivement les atteintes portées à certaines des

composantes de la liberté contractuelle sous l’angle de la mise en concurrence (choix

du cocontractant, modification du contrat) offre une image déformée de la réalité

puisque, par nature, la liberté contractuelle est composée de plusieurs éléments dont

certains se manifestent plus que d’autres. Ainsi, « la définition de la liberté

contractuelle permet de relever qu’elle ne peut se concevoir en dehors de l’ensemble

de ses éléments constitutifs. Leur réunion est donc nécessaire pour donner corps à la

liberté contractuelle, ce qui implique que l’effectivité de la liberté contractuelle

suppose irréductiblement celle de l’ensemble de ses composantes »262.

Il apparaît alors quenon seulement la manifestation de la liberté contractuelle est

plénière en amont du processus de dévolution du contrat (Section 1), mais que, bien

plus, on assiste à sa résurgence au sein même de ce processus (Section 2).

Section 1. La plénitude de la liberté contractuelle en amont du

261 Ch. BRECHON-MOULENES, « La liberté contractuelle des personnes

publiques », AJDA 1998, p.643. 262 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, PUAM

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103

processus de dévolution du contrat

La liberté contractuelle parvient à s’exprimer pleinement en amont du processus de

dévolution du contrat. En effet, les personnes publiques bénéficient de la liberté de

recourir au procédé contractuel (§1), mais également de la liberté de choix des

formules contractuelles les plus adaptées à la satisfaction de leurs besoins (§2).

§1. Le libre choix de l’« impulsion contractuelle »263

La première expression de la liberté contractuelle en droit des obligations correspond

traditionnellement à la liberté pour son titulaire de contracter ou de s’abstenir de le

faire. De ce point de vue, les personnes publiques n‘ont rien à envier aux particuliers

et bénéficient d‘une liberté de recourir ou non au contrat, reconnue et protégée par le

juge administratif (A). Dans le contexte particulier du droit public qui tend à

soumettre l’ensemble des contrats d’affaires à un processus de dévolution, cette

liberté se double de la possibilité nouvelle pour les personnes publiques de recourir au

contrat sans mise en concurrence, pendant de leur liberté d’organisation de l‘action

administrative (B).

A) La liberté de recourir ou non au contrat

La liberté de recourir ou non au contrat s’exprime essentiellement en droit

administratif des contrats à travers le principe du libre choix du mode de gestion du

service public, lequel a été entièrement concacré en droit interne par le juge

administratif (1) tandis qu’il n’est pas affecté par le droit communautaire qui affiche à

son égard une neutralité de principe (2).

1) L’affirmation du libre choix du mode de gestion du service public en droit interne

Les collectivités sont libres de choisir le mode d’organisation et de gestion des

2002, p. 20. 263 P-Y GADHOUN, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil

Constitutionnel, thèse, Dalloz, 2008, vol. 76, p. 322 et s.

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services publics dont-elles sont responsables. Cette liberté découle du principe de

libre administration des collectivités territoriales énoncé par les articles 34 et 72 de la

Constitution de 1958, et dont l’une des composantes est la liberté contractuelle

applicable dans la gestion des services publics locaux. Ainsi, exception faite des

services non relégables de par la loi ou en raison de leur nature264, la collectivité

pourra choisir entre une gestion du service par une personne publique (la gestion en

régie, la gestion par un établissement public, la gestion par un groupement d’intérêt

économique) ou par une personne privée (concession, affermage, marché public).

En droit interne, le juge administratif n’opère sur ce choix aucun contrôle, pas même

de l’erreur manifeste d’appréciation, estimant qu’il s’agit là d’une pure question

d’opportunité relevant d‘un choix de politique locale265. Toutefois, le juge

administratif vérifie la légalité externe de la délibération décidant du mode de gestion

du service public local, l’absence de détournement de pouvoir ou de procédure,

l’erreur de droit, l’existence matérielle des faits266. Néanmoins ces divers types de

contrôles ne constituent pas une véritable limite au libre choix du mode de gestion du

service puisqu’ils ne portent pas sur le choix stricto sensu de la collectivité, mais sur

les circonstances de droit ou de fait qui entourent ce choix. D’ailleurs, le juge dispose

de très peu de moyens pour s’immiscer dans le choix du mode de dévolution du

service dès lors que celui-ci est justifié par des considérations liées à l’intérêt local.

Ainsi le Conseil d’Etat a jugé qu’en faisant « reposer son choix de transformer la

régie municipale en société d’économie mixte locale sur des considérations tenant à

l’intérêt communal et au fonctionnement du service, la ville de Bordeaux ne saurait

voir l’opportunité de sa décision discutée devant le juge de l’excès de pouvoir »267.

264 CE, avis, 7 octobre 1986, n° 340609. 265 CE, 18 mars 1988, n° 57893, Loupias, Rec. CE 1988, p. 975 ; CE, 7 juin 1995, n°

143647, Lagourgue, Mellier et Comité mixte de la SEML Gaz de Bordeaux, Rec. CE

1995, p. 226 ; CE, 27 novembre 2002, n° 246764, SICAE de la région de Peronne et

SICAE du secteur de Roisel. 266 JurisClasseur Collectivités territoriales > Fasc. 734 : Service public local > III.

Gestion et principes fondamentaux. 267 CE, 7 juin 1995, Lagourgue, Mellier et Comité mixte de la SEML Gaz de

Bordeaux, Rec. CE 1995, p. 226.

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105

De plus, il convient de relever que le libre choix dans le mode de dévolution du

service n‘est pas cloisonné entre service public industriel et service public

administratif. Ainsi, comme le relève justement Mohamed MAHOUACHI,

« l’étendue de la liberté des collectivités territoriales est accrue en raison de

l’indifférence de la nature du service public concerné. Il importe peu en effet que le

service public soit de nature industrielle ou commerciale ou bien administrative »268.

Il apparaît donc que les services publics administratifs ne relèvent pas nécessairement

de la gestion par la personne publique et les services industriels et commerciaux de la

prise en charge par une personne privée. Ce choix dépendra véritablement des

possibilités financières de la commune et des circonstances politiques locales269.

2) La neutralité de principe dans le choix du mode de gestion du service en droit

communautaire

La faculté d’opter pour une gestion directe ou indirecte de l’activité publique est

également consacrée par le droit communautaire qui affiche une neutralité de principe

sur la détermination des modalités de gestion du service public. Cette liberté

organisationnelle résulte de l’article 295 du Traité qui affirme que « le présent traité

ne présume en rien du régime de propriété des Etats membres ». Le Traité laisse ainsi

à la discrétion de la personne publique le choix d’exploiter elle-même le service

public ou de le confier à un opérateur public ou privé. Cela fut expressément rappelé

par la Commission européenne dans son livre vert sur les partenariats publics-privés,

lequel « ne saurait être perçu comme visant à porter une appréciation générale sur le

choix d’externaliser ou non la gestion des service publics, ce choix relevant de la

compétence des autorités publiques. Le droit communautaire des marchés publics et

des concessions reste neutre sur le choix des Etats membres d’assurer un service

268 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, PUAM

2002, op.cit., p293. 269 V. pour un examen complet des critères de choix du mode de gestion du service

public : F. MARCHAND, JurisClasseur Contrats et Marchés Publics > Fasc. 420 :

Passation et choix du délégataire > I. Choix de la gestion déléguée .B. Critères de

choix.

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F. Goursaud – LIBERTE CONTRACTUELLE ET MISE EN CONCURRENCE - BNPA 2010 MEM.1

106

public par leurs propres services ou de les confier à un tiers » 270. Il en résulte que le

recours à la régie n’est soumis à aucune exigence préalable de mise en concurrence, la

Cour de Justice des Communautés européennes ayant jugé qu’« une autorité publique,

qui est un pouvoir adjudicateur, a la possibilité d’accomplir les tâches d’intérêt

public qui lui incombent par ses propres moyens, administratifs, techniques et autres,

sans être obligée de faire appel à des entités externes n’appartenant pas à ses

services. Dans un tel cas, il n’y a pas lieu d’appliquer les règles communautaires en

matière de marchés publics »271. Ainsi il apparaît que « lorsqu’une personne publique

décide d’exercer une mission en interne, tout service qui en relève peut se procurer ce

dont il a besoin auprès d’un autre de ses services ou lui confier l’exercice d’une

mission, sans jamais être tenu de le mettre en concurrence avec des opérateurs

extérieurs dans le cadre d’un marché ou d’une concession, et ce quelle que soit la

nature des activités en cause »272. On retrouve donc là la logique de la jurisprudence

Société Unipain273 par laquelle le Conseil d’Etat a précisé que « le principe de la

liberté du commerce et de l’industrie ne fait pas obstacle à ce que l’Etat satisfasse,

par ses propres moyens, aux besoins de ses services ».

Or, cette neutralité de principe du droit communautaire, qui participe à l’exercice de

la liberté contractuelle des personnes publiques, n’allait pas de soi. En effet, des

solutions différentes ont pu être adoptées en droit anglo-saxon, qu’il s’agisse du

Federal Activities Inventory Reform Act américain de 1998 ou de la logique du Public

sector comparator britannique, aux termes desquels l’autorité publique compétente

doit faire connaître son intention de conserver sa gestion afin que les opérateurs

économiques puissent soumettre des propositions concurrentes, que l’autorité

publique aurait été tenue d’examiner et qu’elle n’aurait pu écarter que par une

décision motivée. A travers ce mécanisme, la logique de la mise en concurrence est

270 Livre vert du 30 avril 2004 sur les partenariats public-privé et le droit

communautaire des marchés public et des concessions, p.8 271 CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26/03, Rec. I-1 : ACCP, 2005, n° 42,

p.2; article D.Capitant ; AJDA 2005, p. 898, note F. Rolin. 272 E. FATÔME et A. MENEMENIS, « Concurrence et liberté d’organisation des

personnes publiques: éléments d’analyse », AJDA 2006, p. 67. 273 CE, 29 avril 1970, Société Unipain, Rec. p. 280.

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beaucoup plus englobante et, partant, plus restrictive de la liberté contractuelle des

personnes publiques puisque elle conduit à leur imposer de justifier le choix d’une

gestion en interne du service concerné.

Il en résulte que, aussi bien en droit interne qu’en droit communautaire, l’obligation

de mise en concurrence ne vas pas jusqu’à limiter la liberté de ne pas recourir au

contrat. Le choix de recourir ou non au procédé contractuel demeure un choix

discrétionnaire, une sorte d’îlot de liberté sur une mer de concurrence. Et c’est par ce

choix initial, fondamental, que la collectivité pourra décider de se soumettre à la mise

en concurrence en ayant recours à des formes contractuelles dont la passation est

réglementée.

B) La liberté de recourir au contrat sans mise en concurrence

Le principe de la libre organisation du service apparaît comme doublement protecteur

de la liberté contractuelle des collectivités territoriales : d’une part il permet à la

personne publique de choisir librement entre une gestion en régie et une dévolution

contractuelle, d’autre part il peut conduire dans certaines hypothèses bien définies à

autoriser la personne publique, lorsqu’elle décide de recourir au contrat, de le faire

sans mise en concurrence préalable dès lors que la prestation apparaît comme étant

effectuée « en interne », qu’il s’agisse de l’hypothèse du contrat in house (1) ou de

l’hypothèse des contrats conclus avec un opérateur hors marché (2).

1) L’hypothèse du recours à un service intégré

La question des contrats in-house a suscité de la part de la doctrine une production

abondante et, du moins à ses débuts, un espoir véritable d’échappatoire à la mise en

concurrence des marchés publics et des délégations de service public. « L’exception

in house » consiste à admettre que peuvent échapper aux obligations de mise en

concurrence les prestations fournies dans le cadre de relations inter-organiques. C’est

la jurisprudence communautaire elle-même qui a entendu exclure de toute mise en

concurrence les contrats passés entre certains prestataires dits « intégrés » au pouvoir

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adjudicateur274. Pour cela, le prestataire doit être placé dans une double situation de

dépendance administrative et économique : d’une part, il faut que la collectivité

publique exerce sur l’entité « un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses

propres services », d’autre part, il est nécessaire que « cette personne réalise

l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».

Puis, très vite, le recours à « l’exception in house » a subi les haros de la doctrine qui

contestait l’interprétation restrictive275 qu’en avait faite la Cour de justice des

Communautés européennes, conduisant ainsi à réduire son champ d’application. En

effet, le juge communautaire a précisé que le recours à l’exception in-house ne saurait

s’appliquer aux contrats passés avec des sociétés dont une personne privée est partie

au capital car cela reviendrait à favoriser cette personne privée par rapport à ses

concurrents276. En particulier, les critiques se sont axées sur le fait que le droit

communautaire, en refusant d’admettre une liberté de passation dans le cadre des

contrats conclus entre pouvoirs adjudicateurs et les sociétés d’économie mixte,

conduisait à nier tout l’intérêt de ces structures spécialement calibrées pour répondre

aux besoins de la personne publique et, par là-même, insusceptibles d‘être mises en

concurrence avec d’autres opérateurs économiques. Face à de telles considérations,

l’exception in house n’apparaitrait que comme une pâle implication de la liberté

contractuelle des collectivités locales, encore que certains se demandent « si

l’évocation de la liberté contractuelle est bien pertinente dès lors que les relations in

house se caractérisent par l’absence de tout véritable contrat, fruit de volontés

autonomes »277.

Toutefois, cette relativité de l’exception in house doit être nuancée pour deux séries

274 CJCE, 18 novembre 1999, Teckal, aff. C-107/98, concl. Cosmas, Rec. I-8121 ;

CJCE 7 décembre 2000, ARGE Gewasserschutz, aff. C-94/99, concl. Léger, Rec; I-

11037. 275 M. DREIFFUS, « Un nouveau pas vers une interprétation restrictive du contrat

« in house » , JCP A, 2005, n°47, p. 1712. 276 CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, préc. 277 F. LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales », CMP

2007, n°5, étude 6.

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de raisons.

D’une part, dénier à l’exception in house tout intérêt parce qu’elle ne permet pas de

faire relever de son champ d’application les structures à capital mixte conduit à

ignorer la possibilité nouvelle offerte par le droit communautaire de recourir aux

partenariats public-privé institutionnalisés278. La Cour de justice a validé cette

possibilité de montage contractuel279 dans lesquels une personne privée est

sélectionnée après mise en concurrence pour devenir l'associé du pouvoir adjudicateur

au sein d'une société créée à cet effet, société à qui sera ensuite attribuée sans mise en

concurrence un marché ou une concession. La mise en concurrence ayant eu lieu en

amont (et ayant porté à la fois sur la personne privée destinée à devenir actionnaire et

sur le futur contrat), il est possible d'attribuer sans mise en concurrence un contrat

normalement soumis à mise en concurrence à une société à capital mixte. Il est

intéressant de noter que, de ce point de vue, le droit national de l’économie mixte

locale est plus contraignant que le droit communautaire puisque, en l’état du droit

positif, il ne permet pas encore la possibilité de recourir au mécanisme du partenariat

public-privé institutionnel.

D’autre part, l’exception in house semble avoir trouvé une nouvelle jeunesse dans la

jurisprudence communautaire la plus récente qui protège largement la coopération

entre personnes publiques. Ainsi, l’arrêt Coditel Brabant SA280 apparaît comme un

assouplissement de la jurisprudence relative aux contrats in house281, dès lors que le

contrôle exercé sur le prestataire peut être pratiqué conjointement par plusieurs

pouvoirs adjudicateurs. Pour certains, cette extension constitue une véritable avancée

« dans un contexte de mutualisation croissante des moyens entre personnes

278 Sur cette notion, V. Commission des Communautés européennes, Communication

interprétative de la Commission concernant l'application du droit communautaire des

marchés publics et des concessions aux partenariats public-privé institutionnalisés

(PPPI), 5 février 2008. 279 CJCE, 15 octobre 2009, Acoset SpA, aff. C-196/08. 280 CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant SA, aff. C-324/07. 281 T. ROUVEYRAN et G. FOULCAULT, « In house, une jurisprudence assouplie »,

MTPB, 2009, p.100.

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publiques »282 qui devrait permettre de favoriser la mise en place de structures

intercommunales dédiées. D’ailleurs, le Conseil d’Etat a lui-même suivi la

jurisprudence communautaire en jugeant légal le recours à la théorie du in house dans

le cadre de relations entre des établissements publics de santé et un groupement

d’intérêt public constitué par lesdits établissements hospitaliers pour la réalisation de

prestations informatiques283. Ainsi il apparaît que le recours à l’exception in house

permet de sécuriser les modalités de coopération entre personnes publiques, que

celles-ci prennent la forme d’un établissement public, d’un groupement d’intérêt

public ou économique ou d’une société à capitaux publics. A chaque fois, au nom du

principe de la libre organisation du service, les collectivités auront la possibilité de

contracter sans mise en concurrence.

2) L’hypothèse du recours à un opérateur hors marché

Le Conseil d’Etat semble avoir construit de façon prétorienne, depuis le début des

années 2000, une ligne de défense à l’obligation de mise en concurrence bâtie sur

l’argument selon lequel les procédures de passation n’ont vocation qu’à concerner des

contrats se rapportant à des activités économiques. Dès lors, les personne publiques ne

seraient pas tenues de respecter les procédures de passation pourtant prévues par les

textes dès lors que le contrat envisagé a pour objet une activité non marchande et ce,

en application de principe de libre organisation des collectivités publiques284. En effet,

dans un avis du 23 octobre 2003285, le Conseil d'Etat a eu à examiner, notamment au

regard du droit communautaire, le cas de la Fondation Jean-Moulin, créée en 1952 à

l'initiative du ministère de l'Intérieur pour « l'organisation d'actions sociales au profit

des fonctionnaires et agents du ministère de l'Intérieur et de leurs familles ». Le juge

282 G. GAUCH et A-S. BRIDON, « Extension de l’exception in house », La Gaz. du

Pal., 2009, p.58. 283 CE, 4 mars 2009, Syndicat national des industries d’information de santé (SNIIS),

req. n° 300480. 284 E. FATÔME et L. RICHER, « La découverte par le Conseil d’Etat du contrat de

‘‘simple organisation du service’’ », ACCP 2004/34, p.74. 285 CE, avis, 23 octobre 2003, Fondation Jean Moulin, n° 369315, EDCE n° 55, p.

209.

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a considéré « que les prestations d'action sociale en cause, qui constituent un élément

de la politique de gestion des ressources humaines de ce ministère, ne présentent pas,

dans les conditions où elles sont mises en œuvre, le caractère d'une activité

économique ». Il en a déduit enfin que « le ministère procède à une simple

organisation du service et [qu']il lui est loisible, soit de gérer lui-même en régie

lesdites prestations, soit d'en confier la charge par voie de convention à la Fondation

Jean-Moulin, sans être astreint, dans ce dernier cas, à la passation d'un marché

public de prestation de service ». Cette solution a été confirmée par la suite dans une

décision Commune d’Aix en Provence286 par laquelle la Haute juridiction a considéré

que les collectivités publiques pouvaient confier la gestion d’un service public sans

passer de contrat de délégation de service public ou de marché de service, et donc

sans mise en concurrence, « lorsque, eu égard à la nature de l’activité en cause et aux

conditions particulières dans lesquelles il l’exerce, le tiers auquel elle s’adresse ne

saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel ». Il convient

de noter que l’utilisation du critère de « l’opérateur placé sur un marché non

concurrentiel » préféré à celui d’« opérateur économique » pour fonder l’exception

n’est certainement pas anodin. En effet, certains observateurs avaient pu s’interroger

sur la compatibilité du critère de l’« opérateur économique » avec le droit

communautaire dès lors qu’il n’est pas un critère de définition du marché public au

sens de la directive 2004/18287. Si la réflexion est permise, il n’en reste pas moins que,

comme le souligne justement Monsieur MENEMENIS, « en faisant du caractère

économique des prestations une condition de l’application du droit de la commande

publique, le Conseil d’Etat suggère que les personnes publiques doivent être libres

d’organiser les activités administratives (de sorte notamment que l’externalisation de

certaines d’entre elles n’implique pas, par elle-même, l’obligation de conclure des

marchés et des délégations) »288. Ainsi, il apparaît que l’obligation de mise en

concurrence a su être adaptée par le Conseil d’Etat à la complexité de l’action

286 CE. Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, BJCP, 2007, n° 53, p. 283,

concl. Seners. 287 E. FATÔME et A. MENEMENIS, « Concurrence et liberté d'organisation des

personnes publiques : éléments d'analyse », AJDA 2006, p. 67. 288 A. MENEMENIS « L’avis Fondation Jean Moulin et la commande publique :

poursuite de la réflexion », ACCP 2004, n° 36, p. 65.

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administrative et, contrairement à une idée largement répandue, qu’elle n’a pas

vocation à embrasser tous les pans de la sphère administrative.

§2. Le libre choix de la formule contractuelle

A côté de la liberté de recourir au procédé contractuel, les personnes publiques

bénéficient également d’une liberté importante en matière de choix des formules

contractuelles. Comme le souligne justement Mohamed MAHOUACHI, ce libre

choix du procédé contractuel est fondamental car la liberté contractuelle des

collectivités territoriales « pourrait être appauvrie si le recours au contrat ne pouvait

prendre qu’une seule forme en fonction de la nature de l’opération à réaliser »289.

L’étendue de la liberté des personne publique se mesure tout d’abord par la liberté de

conclure des contrats nommés (A) mais également par la possibilité d’élaborer des

contrats innomés, n’appartenant a priori à aucune catégorie préexistante (B).

A) Le libre choix de conclure un contrat nommé

La liberté des personnes publiques de conclure des contrats nommés est

particulièrement large puisque à côté de la possibilité de conclure un contrat de droit

public (1), elles ont également la faculté d’opter pour des formules contractuelles

émanant du droit privé (2).

1) La liberté de recourir à un contrat de droit public

Pour réaliser un projet déterminé, les personnes publiques ont à leur disposition un

vaste panel de contrats publics nommés. Ainsi, c’est d’abord dans le cadre de la

gestion des services publics que le principe du libre choix de la formule contractuelle

a été consacré. En effet, comme l’analyse fort justement Nils SYMCHOWICZ, si la

signification première de la jurisprudence Loupias290 est celle de l’affirmation d’un

libre choix entre gestion directe d’un service public par la collectivité elle-même et

289 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, op. cit.,

p. 230. 290 CE,18 mars 1988, Loupias, Rec. p.668.

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gestion déléguée, « on doit également souligné que cette règle du libre choix du mode

de gestion implique la liberté de choix entre le marché public et la délégation de

service public »291. Il apparaît ainsi que le principe général de libre choix du mode de

gestion du service public est lui-même générateur de formes contractuelles variées. En

effet, lorsque la collectivité décide de procéder à la dévolution contractuelle de la

gestion du service, elle bénéficier d’un choix entre délégation de service public et

marché public, en fonction du choix opéré dans le contrat en matière de rémunération

du cocontractant et de partage des risques. Et, lorsque la collectivité décide de

recourir à la délégation de service public, la ramification contractuelle se poursuit

puisqu’elle bénéficiera d’une nouvelle liberté de choix entre les différentes formes

contractuelles entrant dans la catégorie juridique des délégations de service public

(concession, affermage, régie intéressée).

Par ailleurs, si l’on abandonne le domaine de la gestion du service public pour se

situer dans celui de la construction immobilière, là encore force est de constater que

les personnes publiques ont à leur disposition une pluralité de contrats publics

nommés. Ainsi, à côté du traditionnel marché public de travaux, le recours au bail

emphytéotique administratif ou à l’autorisation d’occupation temporaire du domaine

public pour permettre l’édification d’immeubles au profit de la personne publique a

été, sous certaines conditions, validé par le juge administratif292. Egalement, la

création du contrat de partenariat par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004

permet désormais à l’administration de confier à son cocontractant une mission

globale de construction, entretien maintenance et exploitation dont le coût sera étalé

pendant toute la durée du contrat. A chaque fois, ces différents mécanismes

permettent aux collectivités de choisir le type de contrat qu’elles jugent approprié à

leurs contraintes et leurs attentes, notamment selon leur besoin de préfinancement

291 N. SYMCHOWICZ, Partenariats public-privé et montages contractuels

complexes, Le Moniteur, 2009, 2e éd., p. 113. 292 V. CE, 25 février 1994, SA Sofap-Marignan Immobilier, Rec. p. 94 : la légalité

d’une bail emphytéotique administratif « aller-retour » suppose que la collectivité

bailleresse « n’assurera pas la direction technique des actions de construction et ne

deviendra propriétaire des ouvrages qu’au terme du bail » ; solution confirmée par

CE, 31 janvier 1995, avis n° 356960 pour les autorisations d’occupation temporaire.

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privé et leur volonté de confier ou non la maîtrise d’œuvre au cocontractant privé.

Il convient toutefois de préciser, bien que cela relève de l’évidence, que « ce libre

choix ne peut être celui de la fantaisie. Il suppose que le contrat nommé auquel

l‘Administration entend recourir soit conforme à la légalité administrative»293. En

effet, le juge n’est pas tenu par la qualification du contrat donnée par les parties et

pourra vérifier que la qualification retenue correspond aux caractéristiques légales du

contrat en question. De même, certaines formules légales supposent la réunion d’un

certain nombre de conditions, plus ou moins strictes, pour y recourir294. Il n’en

demeure pas moins que « le choix d’un type de contrat public par les personnes

publiques reste fondamentalement un choix car il nécessite d’apprécier le contenu

réel des divers contrats publics nommés »295.

2) Le libre choix de conclure un contrat de droit privé

Les contrats de droit privé ont depuis longtemps servi de modèles à la mise en place

de montages contractuels certes « inspirés » du droit privé mais que les personnes

publiques prenaient soin d’« administrativiser », notamment en y insérant une clause

exorbitante de droit commun296. Ainsi une personne publique peut, à partir d’un

293 N. SYMCHOWICZ, Partenariats public-privé et montages contractuels

complexes, op.cit., p. 108. 294 On pense ici aux contrats de partenariats pour lesquels l’ordonnance n° 2004-559

du 17 juin 2004 prévoit que leur utilisation est subordonnée à la complexité du projet,

à son urgence ou, compte tenu des caractéristiques du projet, à un bilan

avantages/inconvénients plus favorable que les autres contrats de la commande

publique ; aux baux emphytéotiques administratifs pour lesquels la loi n° 88-13 du 5

janvier 1988 dispose à l’article 1311-2 du Code général des collectivités territoriales

qu’ils ne peuvent être conclus « qu’en vue de l’accomplissement, pour le compte de la

collectivité, d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une

opération d’intérêt général relevant de sa compétence ». 295 L. BATTOUE, Contrats publics et interventionnisme économique, thèse, Paris

XII, 2006, p. 135. 296 La clause exorbitante de droit commun est généralement définie comme la clause

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contrat de droit privé, lui donner une coloration publique en décidant d’y insérer une

telle clause, notamment pour bénéficier d’un régime juridique plus protecteur de

l’intérêt général. Comme l’expose Monsieur René CHAPUS, « dans la mesure où la

qualification d’un contrat ne dépend que de ses clauses, les parties peuvent choisir de

se lier par un contrat administratif ou par un contrat de droit privé. Le caractère du

contrat sera ce qu’elles veulent (ou ce que veut la partie la plus forte, c’est-à-dire

l’administration le plus souvent) »297. Il s’agit là sans aucun doute de l’une des

manifestations les plus anciennes de la liberté contractuelle des personnes publiques

qui permet aux parties au contrat de se placer librement sous un régime de droit public

ou de droit privé. Toutefois, comme le constate Nils SYMCHOWICZ, « le recul

actuellement constatable du critère de la clause exorbitante comme critère

d’identification des contrats administratifs, permet de considérer, aujourd’hui, que la

liberté dont disposent les parties pour choisir le régime contractuel de droit public,

ou de droit privé, est plus limitée, la plupart des contrats recevant leur qualification

de droit public ou de droit privé à raison de leur objet, et non de leurs clause ».

Qu’à cela ne tienne, désormais les personnes publiques cessent d’agir sous couvert

d’un régime de droit public censé mieux servir l’intérêt général298 et n‘hésitent plus,

depuis quelques années, à recourir directement aux contrats de droit privé pour mener

à bien leurs actions. Cette « ambiance de droit privé »299 est une parfaite illustration de

« ayant pour effet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des

obligations étrangères par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement

consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales », CE, Sect.,

20 octobre 1950, Stein, Rec. CE, p. 505. 297 R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 1, 15e éd., 2001, p. 495. 298 Dans un article célèbre, - « Existe-t-il un critère du droit administratif ? », RDP,

1953, p. 279 - Jean RIVERO affirmait déjà que « la préférence donnée au contrat

privé là où l’administration est libre de choisir, ne peut avoir qu’une justification : la

meilleure adaptation à cette fin [ la satisfaction de l’intérêt général ] ; lorsqu’il est

retenu, le procédé de droit privé est donc, a priori et par définition, non seulement

conforme, mais plus conforme à l’intérêt général que le procédé administratif » 299 P. TERNEYRE, « Les montages contractuels complexes », AJDA 1994, n° spé.,

p. 43.

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la liberté reconnue aux personnes publiques de recourir à des procédés contractuels

extérieurs au droit administratif. Ainsi la jurisprudence administrative a toujours

admis la possibilité pour les personnes publiques de recourir aux formules

contractuelles de droit privé, qu’il s’agisse de la location avec option d’achat300, de la

vente à terme simple301 ou de la vente en l’état futur d’achèvement302.

Toutefois, la mise en œuvre de solutions contractuelles de droit privé dans le contexte

particulier du droit public suppose de circonscrire l’utilisation de ces formules

juridiques afin de garantir le respect par les personnes publiques des dispositions

d’ordre public relatives à la maîtrise d‘ouvrage publique. Aussi le Conseil d’Etat

s’est-il attaché à poser des limites valant pour l’ensemble des techniques

contractuelles de droit privé placées en marge de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage

publique et du Code des marchés publics., « en instaurant un subtil dosage entre la

liberté contractuelle des personnes publiques et le respect des réglementations

régissant les opérations publiques de construction »303. Ainsi, dans un arrêt du 8

fevrier 1991 Région Midi-Pyrénées304, la Haute juridiction a considéré que l‘utilisation

de la vente en l‘état futur d’achèvement est illégale lorsque « l‘objet de l‘opération

porte sur la construction d‘un immeuble pour le compte de la collectivité », que cet

immeuble « est entièrement destiné à devenir sa propriété » et « qu‘il a été conçu en

fonction de ses besoins propres ». Si ces conditions cumulatives sont remplies,

l’opération immobilière envisagée à travers le recours à une formule contractuelle de

droit privé sera analysée comme un détournement de procédure, le recours à un

contrat de droit commun étant utilisé pour contourner les règles applicables aux

marchés publics. Il n‘en reste pas moins que, comme l’a relevé le commissaire de

300 CE, 12 octobre 1988, Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi c/ Société

d’études, de réalisations, de gestion immobilière et de construction (SERGIC), Rec.

CE, p. 338. 301 CE, 4 octobre 1967, Trani, Rec. CE, p. 352. 302 CE, Sect. 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées c/ Syndicat de l’architecture de

Haute-Garonne, Rec. CE, p. 41. 303 N. SYMCHOWICZ, Partenariats public-privé et montages contractuels

complexes, p.136 304 CE, Sect. 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées, préc.

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gouvernement Marcel POCHARD dans ses conclusions sous l’arrêt Région Midi-

Pyrénées, « aucun principe général du droit n’interdit bien sûr, de façon générale et

absolue, qu’une personne publique agisse selon les règles de droit privé et notamment

passe des contrats dans les conditions de droit commun »305. En d’autres termes, si le

recours au contrat de droit privé est licite, la personne publique aura la faculté de

conclure son contrat de gré à gré comme n’importe quel particulier, et donc de

s’affranchir du respect des règles de mise en concurrence. Si la position du droit

communautaire fait débat à cet égard306, il n’en reste pas moins que cette faculté de

recourir à des techniques contractuelles de droit privé ne fait que renforcer la liberté

contractuelle dont dispose les personnes publiques en amont de la conclusion du

contrat, liberté d’autant plus importante qu’elle leur permet de jongler entre contrats

de droit public et contrats de droit privé, et, par là-même, d’adapter le mieux possible

le recours au procédé contractuel à l’action poursuivie.

B) Le libre choix de conclure un contrat innommé

Le libre choix de la formule contractuelle reconnu aux personnes publiques ne s’arrête

pas au choix d’un type de contrat nommé. Ce choix pourra être enrichi par le recours

à des montages contractuels nés de l’ingénierie contractuelle (1). Si la plupart de ces

contrats nés de la pratique ont par la suite été réceptionnés par le droit positif afin de

les soumettre à l’obligation de mise en concurrence, cet alignement ex-post prouve

bien que la liberté contractuelle demeure au fondement de l’action des personnes

publiques et précède toujours la logique de mise en concurrence qui ne fait que

s’adapter à la fièvre créatrice des acteurs publics (2)

1) Le développement de l’ingénierie contractuelle

Depuis les années 1970, l’action contractuelle des personnes publiques est marquée

par le développement de « l’ingénierie contractuelle », c’est-à-dire par la mise en

305 M. POCHARD, « Le recours des collectivités à la vente en l’état futur

d’achèvement », concl. sur CE, Sect. 8 février 1991, RFDA 1992, p.48. 306 P.TERNEYRE et E.FATÔME, « A propos des règles de passation des contrats

publics à objet immobilier et de travaux », AJDA 2009, p.1868.

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place de formules contractuelles inédites n’appartenant a priori à aucune catégorie

préexistante de contrats. L’exemple le plus significatif de contrat né de l’ingénierie

contractuelle demeure sans aucun doute le marché d’entreprise de travaux publics307,

contrat hybride né de l’impossibilité de conclure un contrat de concession car, faute

d’usagers payants, le titulaire ne pouvait se rémunérer en percevant une redevance

mais devait percevoir sa rémunération de l’administration cocontractante. A la

frontière entre marché public et délégation de service public, le marché d’entreprise

de travaux publics est donc le contrat par lequel une personne publique confie à une

entreprise la construction d’un ouvrage et l’exploitation du service dont il est le

support, l’entreprise tirant sa rémunération d’un prix versé par la personne publique

pendant toute la durée de l’exploitation. Ce contrat a pu se décliner en deux sous-

catégories : le « vrai METP », qui correspond au mécanisme que nous venons de

décrire, et le « faux METP » dans lequel aucune mission d’exploitation d’un service

public n’était confiée au cocontractant. La Haute juridiction a finalement jugé, non

sans hésitations, que ce contrat devait être qualifié de marché public, condamnant

ainsi le recours à cette technique308. Il convient alors d’observer qu’il existe un

phénomène de « rapatriement » de ces contrats résultant de l’innovation contractuelle

dans une catégorie de contrat public nommé. Les exemples pourraient ainsi être

multipliés, qu’il s’agisse de l’exemple des contrats de mobilier urbain, finalement

qualifiés de marchés publics par le Conseil d’Etat309, ou encore de la jurisprudence

SMITOM qualifiant de délégation de service public un contrat innomé ne relevant ni

d’une concession, ni d’un affermage, ni même d’une régie intéressée310. Il apparaît

donc à travers ces diverses illustrations que « les personnes publiques ne sont pas

obligées de choisir un contrat parmi ceux reconnus par les textes et la jurisprudence

et que la liberté contractuelle leur confère, au contraire, celle de pouvoir librement

307 Ce contrat né de la pratique a été dans un premier temps validé par la

jurisprudence : CE, 11 décembre 1963, Ville de Colombes, Rec. CE, p. 611. 308 CE, 8 février 1999, n° 150931, Préfet des Bouches-du-Rhône c/ Commune de la

Ciotat, Rec. CE, p.19 309 CE, Ass., 4 novembre 2005, n° 247298 et 247299, Société Jean-Claude Deceaux,

Rec. CE, p. 227, concl. Casas, RFDA 2005, p. 1083. 310 CE, 30 juin 1999, SMITOM Centre-Ouest Seine-et-Marnais, Rec. CE, p. 230,

concl. Bergeal, AJDA 1999, p. 714.

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imaginer des formules contractuelles »311. C’est cette capacité d’innovation dont la

liberté contractuelle est le fondement qui a conduit Laurent RICHER à ce constat

limpide : « Il n’existe pas, selon l’expression d’un juriste allemand, de numerus

clausus en matière de contrat administratif. Même si, dans la pratique, les autorités

administratives utilisent intensivement les principaux contrats qui viennent d’être

étudiés, elles bénéficient de la liberté contractuelle et peuvent conclure des contrats

innomés et inédits »312. L’alignement ex-post de la réglementation relative à la mise en

concurrence ne diminue en rien la portée de ce constat.

2) L’alignement ex-post de la réglementation relative à la mise en concurrence

Si les personnes publiques ont la possibilité de conclure des contrats innomés, la

plupart du temps, ces conventions ne restent innommées qu’un temps. En effet, la

logique de mise en concurrence impose de choisir, à l’égard d’un contrat innomé, une

catégorie juridique de contrat permettant de leur appliquer des règles de mise en

concurrence. Ainsi comme l’explique Nil SYMCHOWICZ, « la liberté de conclure

des contrats innomés n’est pas celle de recourir à des formules contractuelles

n’entrant dans aucune catégorie juridique préexistante. En réalité, la reconnaissance

des contrats s’opère à un double niveau. D’abord, les contrats reçoivent leur

dénomination propre, ensuite, ils intègrent une catégorie juridique spécifique à la

mise en concurrence »313. Ce constat ne diminue en rien la liberté contractuelle des

personnes publiques pas plus qu’il ne permettrait d’affirmer une quelconque

prééminence de la logique de mise en concurrence sur cette liberté. Au contraire, le

processus de création d’un contrat innomé met en exergue toute l’implication de la

liberté contractuelle des personnes publiques dans la naissance du contrat. En effet, il

permet de constater que, à chaque fois, cette liberté préexiste à la mise en concurrence

qui, en quelque sorte, ne fait que suivre les sillons tracés par l’ingénierie contractuelle

afin de ne pas se laisser dépasser. Et c’est parce que la liberté de recourir au contrat et

311 N.SYMCHOWICZ, Partenariats public-privé et montages contractuels

complexes, op.cit., p. 112. 312 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 711, n° 1257. 313 N. SYMCHOWICZ, Partenariats public-privé et montages contractuels

complexes, op. cit., p. 109.

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de choisir la forme contractuelle la plus adaptée préexiste à la mise en concurrence

qu’elle est première. La question n’est donc pas tant de savoir si la liberté

contractuelle est en partie amoindrie par la mise en concurrence, car la réponse est

nécessairement positive, mais véritablement de savoir si cette dernière est au

fondement de l’action contractuelle des personnes publiques. L’alignement ex-post de

la réglementation relative à la mise en concurrence le prouve avec éclat.

Section 2. La résurgence de la liberté contractuelle au sein du

processus de dévolution du contrat

Le processus de dévolution du contrat administratif est souvent décrié comme étant

passablement lourd et attentatoire à la liberté contractuelle des personnes publiques

dès lors qu’il réduirait le choix du cocontractant « à une formule mathématique »314.

Pourtant, les exigences de mise en concurrence ne peuvent pas être seulement

appréciées en termes de restriction de la liberté contractuelle. En effet, il apparaît de

plus en plus que si « traditionnellement, les relations personnes publiques - futur

cocontractant étaient considérées comme des relations d’adversité et donc enfermées

dans l’impersonnalité, ces relations sont devenues des relations de collaboration,

avec l’importance croissante de l’idée d’intuitu personae, et de plus en plus,

aujourd’hui, des relations d’‘‘interactivité’’, en ce sens que la formation

contractuelle apparait moins comme la résultante de deux volontés que comme un

processus d’ajustement progressif des ces volontés »315. Il en résulte que, loin d’être

enchaînée à des règles de mise en concurrence, la liberté contractuelle du décideur

public demeure et se manifeste tout au long du processus de dévolution du contrat

administratif dont le formalisme contraignant est plus apparent que réel. Cette

harmonie entre liberté contractuelle et obligation de mise en concurrence est encore

en construction mais elle peut se déduire d’un « chassé-croisé » entre ces deux

exigences, la logique de mise en concurrence ayant su être adaptée au nécessaire

exercice de la liberté contractuelle du contractant public (§1) tandis que le libre choix

314 F. GARTNER, « Des rapports entre contrats administratifs et intérêt général »,

RFDA 2006, p. 23. 315 CH; BRECHON-MOULENES,« Choix des procédures, Choix dans les

procédures », AJDA 1998, p. 754.

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du cocontractant a lui-même su tirer profit de ce contexte concurrentiel (§2).

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§1. L’adaptation de la mise en concurrence à la liberté contractuelle

La mise en concurrence des contrats administratifs d’affaire fait l’objet depuis

plusieurs années d’un processus constant d’adaptation des contraintes concurrentielles

à la nécessité pratique pour les acteurs de la commande publique de bénéficier

d’outils à la fois efficaces et moins rigides. Les réformes successives du Code des

marchés publics sont, à cet égard, un exemple édifiant de la recherche d’un équilibre

entre une plus grande liberté d’action dans la passation du marché et le souci de

maintenir des règles suffisamment précises pour garantir la protection des deniers

publics et le libre accès des opérateurs au marché. La liberté contractuelle du décideur

public semble sortir renforcée par la mise en place de ce « processus d’ajustement

progressif des volontés »316 qui, loin de se fonder « exclusivement sur la tentation de

l’objectivisme contractuel »317 et donc de « nier la complexité du rapport contractuel

et le subjectivisme qui le fonde »318 , permet la prise en compte du caractère intuitu

personae inhérent à tout contrat (A), tandis que l’assouplissement des contraintes

générales induites par la mise en concurrence permet une meilleure adéquation entre

la volonté du décideur public et celle de son futur cocontractant (B).

A) La prise en compte du critère de l’intuitu personae au sein des règles de mise

en concurrence

La notion d’intuitu personae, trop souvent rattachée aux seules délégations de service

public, apparaît fondamentale dans la naissance du lien contractuel afin que le

décideur public puisse choisir le cocontractant le mieux à même de répondre à la

prestation envisagée. Il apparaît alors que la tendance à l’objectivation du choix du

cocontractant produite par la mise en concurrence n’est pas totale puisque l’ensemble

des règles de dévolution du contrat, y compris en matière de marché public,

permettent la prise en compte de la règle de l’intuitu personae (1) et ce, d’autant plus

que le recours à la négociation ne cesse de s’élargir (2).

316 Ibid. 317 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009, p. 1696. 318 Ibid.

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1) Une prise en compte inhérente à l’ensemble des procédures de dévolution du

contrat

Traditionnellement, la doctrine classique considère que la prise en compte de l’intuitu

personae joue un rôle fondamental en matière de délégation de service public en

raison de la longue durée et de la complexité de ces contrats. Par opposition, la prise

en considération de la personne ne jouerait qu’un rôle marginal, voire, si l’on s’en

tient à une conception purement objective du rapport contractuel, aucun rôle en

matière de marché public où l’objet du contrat ne serait pas tant le choix du

cocontractant en lui-même mais plutôt celui de l’offre économiquement la plus

avantageuse. Cette dichotomie entre les contrats de délégation de service public et les

marchés publics a été largement entretenue « par la confusion fréquemment faite entre

l’intuitu personae et les modes de passation des contrats administratifs. Certains

auteurs considèrent en effet que l’importance de l’intuitu personae au sein d’un

contrat dépend de la liberté de choix laissée à l’Administration dans la passation du

contrat »319. Ainsi, comme nous avons pu le constater dans la première partie de notre

étude, les délégations de service public bénéficieraient d’un encadrement plus souple

en raison du caractère intuitu personae inhérent à ce type de contrat. Au contraire,

marqués par l’impersonnalité des rapports contractuels qu’ils engendrent, les marchés

publics seraient dépourvus d’un tel apparat et donc, feraient l’objet d’un encadrement

beaucoup plus rigoureux au stade de leur passation.

Cette présentation des choses revêt selon nous deux inconvénients majeurs : d’une

part, elle fait découler la plus ou moins grande liberté contractuelle du décideur public

du caractère plus ou moins intuitu personae du contrat, notion passablement floue,

d’autre part elle conduit à maintenir une distinction artificielle entre délégations de

service public et marchés publics en considérant que le choix du cocontractant est

libre dans les premiers et imposé par le processus de passation dans les seconds. Or,

comme nous l’avons constaté, la réalité est bien plus nuancée dès lors que « la

319 H. HOEPPFNER, La modification du contrat administratif, thèse, LGDJ, 2009, t.

260, p. 116, n°182.

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tentation de l’objectivisme contractuel »320 semble avoir récemment gagné les

délégations de service public depuis la reconnaissance jurisprudentielle d’une

obligation d’information des candidats des critères de choix des offres et que, de plus

en plus, le recours à la négociation est admis dans les marchés publics. Il conviendrait

alors de découpler la notion d’intuitu personae du libre choix par l’administration du

concessionnaire. On en reviendrait alors à la véritable conception de l’intuitu

personae qui n’est rien d’autre que la prise en compte de la personne du cocontractant

et de ses qualités pour exécuter la prestation fournie. De ce point de vue, la règle de

l’ intuitu personae n’est pas cantonnée aux seules délégations de service public. Ainsi,

si elle trouve à s’appliquer pleinement à de tels contrats dès lors que la loi du 29

janvier 1993 dispose que l’autorité habilitée à signer la convention « engage

librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une

offres »321, puis « choisit le délégataire »322, lequel doit avoir prouvé ses garanties

professionnelles et financières ainsi que son « aptitude à assurer la continuité du

service public et l’égalité des usagers devant le service public »323, elle n’est pas pour

autant absente du droit des marchés publics. En effet, lorsqu’ un pouvoir adjudicateur

décide de recourir à un marché public, son choix ne se limite pas à l’offre puisque

toutes les données relatives à la personne du candidat seront nécessairement prises en

compte au stade de l’examen des candidatures. Les auteurs du Traité des contrats

administratifs rappellent d’ailleurs que « cette notion d’intuitu personae signifie que

le cocontractant a été choisi par l’administration en raison de ses qualités et

capacités professionnelles, idée qui n’est pas exclue même des marchés conclus sur

adjudication puisque ceux-ci comportent au moins pour l’Administration le droit de

ne pas conclure l’adjudication »324. Ainsi, si en matière d‘appel d’offres restreint la

prise en compte de la qualité du candidat est particulièrement visible puisque seuls

seront admis à présenter une offre les candidats sélectionnés, le procédé reste pourtant

identique en matière d’appel d’offres ouvert où la prise en compte des garanties

320 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc. 321 art. L. 1411-5 du CGCT. 322 art. L. 1411-1, 6e alinéa du CGCT. 323 art. L.1411-1 du CGCT. 324 A. DE LAUBADERE, F. MODERNE et P. DEVOLVE, Traité des contrats

administratifs, LGDJ, 1984, t. 2, p. 11.

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professionnelles, techniques et financières des candidats peut conduire la personne

publique à refuser une candidature ne correspondant pas à ses attentes, sans avoir

nécessairement procédé à l’examen de son offre. D’ailleurs, un arrêt récent du Conseil

d’Etat illustre parfaitement la possibilité de prendre en compte les qualités de la

personne du futur cocontractant pour exécuter le futur contrat. En effet, dans un arrêt

Région Lorraine325, les juges du Palais Royal ont admis la possibilité pour la

commission d’appel d’offres de se fonder sur le comportement d’un candidat dans

l’exécution de précédents contrats pour rejeter sa candidature, à condition toutefois de

rechercher dans le dossier de candidature si d’autres éléments ne permettent pas de

justifier la capacité technique et financière de l’entreprise.

2) Une prise en compte renforcée par le recours élargi à la négociation

La négociation, parce qu’elle engendre une discussion entre la personne publique et

les candidats à l’attribution du contrat, est nécessairement empreinte d’intuitu

personae. Longtemps apanage des seules délégations de service public, le recours à la

négociation s’enracine pourtant peu à peu dans le droit des marchés publics. Certes,

elle demeure une procédure formalisée de dérogation à l’appel d’offres dont le recours

est conditionné à des hypothèses limitativement énumérées par le Code. Certes

encore, elle ne peut conduire à modifier substantiellement les données de la mise en

concurrence initiale et doit se faire dans le respect des principes fondamentaux de la

commande publique. Mais, à vrai dire, il ne s’agit pour cet aspect de leur encadrement

que de la reprise pure et simple de la jurisprudence rendue à propos de la mise en

œuvre de la négociation en matière de délégation de service public. Ainsi, la Haute

juridiction a pu considérer que si, en principe, des adaptations au contrat sont admises

en cours de négociation, elles doivent être de portée limitée, justifiées par l'intérêt du

service et ne pas présenter pour les entreprises concurrentes un caractère

discriminatoire326.

325 CE, 10 juin 2009, n° 324153, Région Lorraine c/ ACE BTP. Dans cette affaire, l’entreprise

candidate s’est vue écarter de la mise en concurrence en raison d’absences répétées à des réunions de

chantiers prévues contractuellement et d’un manque de sérieux dans l'accomplissement de ses missions

dans le cadre d'un marché précédent. 326 CE 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la Côte-d'Amour et de la Presqu'île

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En matière de marchés publics, l’équilibre recherché est le même. Ainsi, le manuel

d’application du Code des marchés publics de 2006 précise que « si cette procédure

[la procédure négociée] ne permet pas de modifier les caractéristiques principales du

marché tels, notamment, l'objet du marché ou les critères de sélection des

candidatures et des offres, elle laisse à l'acheteur public la possibilité de déterminer

librement par la négociation le contenu des prestations et l'adaptation du prix aux

prestations finalement retenues ». En d’autres termes, il est ainsi possible de négocier

sur le prix, la quantité, la qualité, le délai, les garanties de bonne exécution du marché.

Le processus de dévolution du contrat n’est donc pas un processus figé dans lequel

l’offre des opérateurs économiques ne ferait qu’adhérer à une demande publique327. Il

laisse au contraire une place à la discussion , à l’adaptation de l’offre à la demande et,

par là même, à la pleine expression de la liberté contractuelle des cocontractants.

Cette forme de banalisation du rapport contractuel au sein du droit des marchés

publics est d’autant plus importante que le recours à la négociation a aujourd’hui

vocation à embrasser bon nombre de marchés. En effet, à côté des conditions

« exceptionnelles » de recours à cette procédure énumérées par l’article 35 du Code

des marchés publics, il convient de rappeler que le pouvoir adjudicateur a la faculté de

recourir à la négociation dans le cadre de la procédure adaptée, ce qui tend à réduire le

caractère marginal de cette procédure dès lors que la passation de marchés de faible

montant est le quotidien de nombreuses petites et moyennes collectivités. D’ailleurs à

côté de la procédure négociée, la mise en place depuis 2004 de la procédure de

dialogue compétitif, tant en matière de marchés publics que de contrats de

partenariats, participe de cette émancipation de l’acheteur public puisqu’elle comporte

des possibilités de discussion avec les candidats et d’adaptation des offres en cours de

guérandaise, Lebon 283 ; RFDA 2000. 1031, concl. C. Bergeal#. 327 V. pour une telle critique J.M PEYRICAL, « L’évolution du droit de la

commande publique, quelques commentaires et réflexions », AJDA 2009, p. 965. Cet

auteur considère que « trop de marchés publics restent encore des contrats

d’adhésion ; ce qui, en l’espèce, remet en cause la liberté contractuelle dans les

contrats publics, tant du point de vue des collectivités publiques que de celui,

évidemment, de ses cocontractants ».

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procédure. Ainsi, de plus en plus, « l’interdiction de négocier avec les candidats en

lice est loin d’être la règle dans les marchés publics, et apparaît même comme

l’exception »328. En effet, toutes les procédures admettent la possibilité de recourir à la

négociation, excepté l’appel d’offres. Mais, même dans cette hypothèse, la possibilité

de recourir à la négociation n’est pas totalement exclue puisque, lorsque les offres

proposées ne conviennent pas à la collectivité, celle-ci a la possibilité de déclarer

l’appel d’offres infructueux. Or, la déclaration d’infructuosité rend possible le recours

à la procédure négociée.

A cet égard, il est intéressant de noter que certains auteurs, comme Monsieur Jean-

Marc PEYRICA, se demandent si « à l’instar de la procédure de passation des

conventions de délégation de service public, la possibilité de négociation -et donc de

discussion jusqu’à ce que, comme en dialogue compétitif, l’administration puisse

choisir l’offre correspondant le mieux à ses besoins- ne pourrait pas être étendue à

l’ensemble des procédures de passation de marché public, tout en conservant des

procédures bien spécifiques comme celle justement du dialogue compétitif qui répond

à des critères relativement précis. Cela reviendrait à écarter la procédure d’appel

d’offre et à considérer, peut être à juste titre, qu’elle est relativement obsolète et

inadaptée à l’évolution du contexte de la commande publique »329. Ce serait là

l’ultime étape de ce subtil équilibre en passe d’être trouvé au sein du droit des

marchés publics entre le respect des exigences procédurales de mise en concurrence et

la détermination fondamentalement subjectiviste des obligations contractuelles.

B) Le formalisme non dirimant des mesures de publicité au sein des règles de

mise en concurrence

L’obligation faite aux personnes publiques de procéder à des mesures de publicité

préalablement à la passation de leur contrat n’apparaît pas comme étant attentatoire à

la liberté contractuelle (1). Bien plus, elles permettent de faciliter son exercice en

328 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, op.cit.,

p. 382, n° 597. 329 J-M PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des

délégations comme modèle? », AJDA 2004, p. 2136.

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élargissant les possibilités de choix du décideur public (2).

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1) La publicité, une obligation non attentatoire à l’exercice de la liberté contractuelle

L’obligation faite à la personne publique de procéder à des mesures de publicité

préalablement à la conclusion du contrat a tendance à devenir, par le biais du principe

de transparence, une contrainte minimale s’imposant à l’ensemble des contrats

administratifs d’affaire. En effet, par sa jurisprudence Telaustria330, la Cour de Justice

des Communautés européennes a posé un principe d'interprétation censé guider tout

acte de passation d'un contrat public : le principe de transparence. Sa mise en œuvre

implique de garantir à tout candidat potentiel à un contrat public « un degré de

publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence

ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication »331.

En rattachant de la sorte le principe de transparence au principe de non-

discrimination, le juge communautaire n'a pas imposé « de respecter une procédure

identique à celles qu'organisent les directives sur les marchés. Il s'est contenté

d'exiger que la procédure suivie assure une absence de discrimination »332. Ainsi, la

transparence n’implique pas de procéder à une mise en compétition des offres sur la

base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires

potentiels. Il en résulte que, une fois les formalités de publicité accomplies et dans

l’hypothèse où la personne publique n’est pas soumise à un régime codifié de

passation lui imposant de publier les critères de sélection des offres, celle-ci pourra

librement traiter et négocier avec les candidats ayant fait acte de candidature. Il

apparait ainsi que l’obligation de prendre des mesures de publicité ne doit pas être

considérée comme une atteinte dirimante à la liberté contractuelle. Comme l’analyse

fort justement Mohamed MAHOUACHI, « tout au plus, s’analyse telle en une

atteinte temporelle. L’obligation qui est faite aux collectivités territoriales les

330 CJCE 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH et

Telekom Austria AG, aff. C-324/98, Rec. CJCE 1998. I. 10745. 331 Arrêt Telaustria, pt 62. 332 L. RICHER, « Concessions de service public », note sous arrêt Telaustria, AJDA,

2001, p. 106.

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empêche seulement de contracter au moment où elles décident »333. Il suffit donc aux

acteurs de la commande publique « de respecter ces règles [ de publicité ] pour que

l’exercice d’une liberté pleine et entière soit envisageable »334.

Loin d’être dirimante pour la liberté contractuelle, l’obligation de publicité apparaît

même comme contribuant à son plein exercice.

2) La publicité, une obligation facilitant l’exercice de la liberté contractuelle

Non seulement l’obligation de publicité ne porte pas en elle-même atteinte à la liberté

contractuelle des personnes publiques, mais, bien plus, « il est même permis

d’indiquer que loin d’être un frein à la liberté contractuelle, elles [les mesures de

publicité] contribuent au contraire à en assurer l’essor »335.

En effet, les mesures de publicité ont pour objectif de créer un véritable milieu

concurrentiel en permettant de toucher le plus grand nombre d’oprateurs susceptibles

d’être intéressés par la passation du contrat en question. Or, parce qu’elle permet de

multiplier le nombre de candidatures, la liberté des personnes publiques en ressort

favorisée puisque ces dernières bénéficieront d’un plus grand choix dans la sélection

de l’offre susceptible de répondre le mieux à leurs besoins. Ainsi, « l’obligation de

publicité doit être perçue comme une mesure destinée à protéger les collectivités

territoriales contre elle-même en les incitant à diffuser autant que possible leur

volonté de contracter, afin de recueillir une palettes d’offres parmi lesquelles elles

auront un choix véritable ».

L’obligation de publicité est d’autant plus respectueuse de la liberté contractuelle

qu’elle fait l’objet d’une application nuancée en fonction de l’importance et de l’objet

du contrat envisagé. En d’autres termes, il ne s’agira pas systématiquement de mettre

en œuvre les mesures de publicité les plus lourdes -et donc les plus coûteuses- en

333 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, op.cit.,

p. 374, n° 588. 334 Ibid. 335 Ibid.

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131

combinant publicités nationale et communautaire. On sait que la notion de « publicité

adaptée », parce qu’il s’agit d’une notion indéterminée, a pu faire l’objet de vives

critiques étant donné qu’elle comporterait une part d’insécurité juridique liée à

l’incertitude du support de publication le plus approprié. Toutefois, les indicateurs de

publicité adaptée tendent à se développer dans la jurisprudence tant communautaire

que nationale : ainsi, la nécessité d’une publication au niveau communautaire suppose

que le marché revête un « intérêt transfrontalier certain »336, tandis que le juge

national fait preuve de pragmatisme en considérant, à propos du contrat de délégation

de service public, que l'obligation de prendre des mesures de publicité adéquates, dans

une telle hypothèse, n'impose pas nécessairement une insertion dans un support à

diffusion européenne. Tout au plus, cette publicité doit-elle être organisée « afin

qu'elle ne puisse échapper à l'attention de l'ensemble des opérateurs raisonnablement

vigilants » du secteur concerné, qu'ils soient installés en France ou dans d'autres Etats

européens337. La marge de manœuvre conférée à la personne publique pour la mise en

œuvre des mesures de publicité adaptée participe de cette liberté laissée à l’acheteur

public. Il en ressort donc une responsabilisation accrue de l’acheteur public qui ne

peut plus seulement se laisser guider par la procédure à suivre. Il devient acteur et

véritable maître de sa liberté : à lui de mettre en œuvre les mesures de publicité les

plus appropriées afin de bénéficier d’un nombre satisfaisant de candidatures lui

permettant un exercice effectif de son libre choix.

§2. L’adaptation de la liberté contractuelle à la mise en concurrence

Les personnes publiques ont elles-mêmes su adapter l’exercice de leur liberté

contractuelle aux contraintes engendrées par la mise en concurrence. Cette adaptation

est d’autant plus importante qu’elle porte sur le cœur même des règles de mise en

concurrence, à savoir la mise en compétition des offres. Loin d’une liberté asservie, la

liberté apparaît au contraire prédominante lors de la mise en compétition (1) et

passablement enrichie au contact des vertus concurrentielles émanant de la mise en

concurrence (2).

336 CJCE, 13 novembre 2007, Commission c/ Irlande, affaire C-507-03. 337 CE, 1er avril 2009, Communauté urbaine de Bordeaux et Société Kéolis, n°

323585 et 323593.

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132

A) La prééminence de la liberté contractuelle sur la mise en compétition

Au-delà de l’apparence d’un choix lié induit par la mise en compétition des offres (1),

il semble possible d’affirmer que les personnes publiques bénéficient d’un véritable

pouvoir discrétionnaire dans le choix de leur cocontractant (2), qui participe de la

résurgence de la liberté contractuelle au sein du processus de dévolution du contrat.

1) L’apparence d’un choix lié du contractant induit par la mise en compétition des

offres

La mise en compétition des offres, qui suppose la mise en place par la personne

publique de critères objectifs devant permettre une comparaison égalitaire des offres,

est certainement l’aspect le plus contraignant et le plus vivement critiqué de la mise

en concurrence, en raison du caractère quasi automatique de la sélection de l’offre

qu’elle est supposée entraîner.

Le droit des marchés publics est certainement à cet égard l’exemple le plus topique du

phénomène d’objectivisation du choix du cocontractant. En effet, afin de choisir

l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur devra

obligatoirement fixer des critères de choix. Le code prévoit alors que ces critères

« sont pondérés ou à défaut hiérarchisés »338. Le juge administratif est d’ailleurs venu

renforcer cette exigence en indiquant que « c’est seulement si la pondération des

critères d’attribution est impossible que la personne publique qui s’apprête à passer

un marché peut se borner à procéder à leur hierchisation »339. En d’autres termes, les

offres doivent être notées sur chaque critère, puis, chaque note étant pondérée, c’est la

moyenne générale de l’ensemble des critères notés qui, en fonction de la pondération

retenue, permettra de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. On

peut alors comprendre l’analyse exaspérée de certains auteurs déplorant une telle

338 art. 53-II du Code des marchés publics applicable aux marchés dépassant les

seuils de procédure adaptée. 339 CE, ord., 29 juin 2005, Commune de la Seyne-sur-Mer, req. n° 267992.

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conception mathématique du rapport contractuel340 et considérant que « le choix du

cocontractant doit être libéré d’une analyse arithmétique grossière d’une relation

économique complexe que seul l’esprit humain est susceptible d’appréhender »341.

A s’en tenir à cette conception purement objective du rapport contractuel, la liberté

contractuelle serait réduite à la simple faculté de choisir librement les critères de

choix des offres, étant entendu que ce choix n’est pas entièrement libre puisqu’il doit

être « justifié par l’objet du marché »342. Une fois les offres remises, le choix de

l’offre serait entièrement guidé par le processus de mise en compétition, toute

appréciation subjective de l’acheteur public étant par principe accessoire.

L’analyse est d’autant plus effrayante que, comme nous avons pu le constater, le

phénomène d’objectivation du choix du cocontractant gagne peu à peu des contrats

qui, jusque là, n’étaient soumis qu’à l’obligation de procéder à des mesures de

publicité.

2) La réalité d’un choix discrétionnaire du cocontractant produit par la liberté

contractuelle

La présentation qui vient d’être faite ne doit pas être exagérée car, même en présence

des règles qui ont été signalées, il reste possible d’affirmer que les personnes

publiques bénéficient d’une réelle liberté dans l’attribution de leurs contrats.

Contrairement à une idée largement répandue, c’est le juge administratif qui assure

cette protection de la liberté contractuelle. En effet, tant dans les marchés publics que

pour les délégations de service public, le contrôle juridictionnel obéit à une logique

identique et préserve le libre choix du décideur public.

Dans les marchés publics, le contrôle du choix du cocontractant se limite à l’erreur

manifeste d’appréciation. En effet, en vertu d’une jurisprudence traditionnelle, le juge

340 F. GARTNER, « Des rapports entre contrats administratifs et intérêt général »,

RFDA 2006, p. 23. 341 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009 p. 1696. 342 article 53 du Code des marchés publics.

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a toujours reconnu à l’administration un pouvoir discrétionnaire d’appréciation des

offres. Ainsi, comme le rappelle Olivier GUEZOUX, « la liberté de choix de l’offre

économiquement la plus avantageuse fait partie des principes généraux inhérents à

l’appel d’offres »343, le Conseil d’Etat considérant que « pour l ‘appréciation des

offres, la commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation »344. Telle est

d’ailleurs également la situation en droit communautaire où la Cour de Justice des

Communautés européennes a pu jugé que « La Commission dispose d’un pouvoir

d’appréciation important en vue de comparer les offres et le tribunal doit se limiter à

vérifier l’absence d’erreur grave et manifeste »345.

En matière de délégation de service public, le juge administratif a longtemps refusé

d’apprécier le choix du délégataire346. Le rappel de cette règle sera notamment réitéré

par l’arrêt Loupias dans lequel le juge affirme « qu’il n’appartient pas au Conseil

d’Etat statuant au contentieux de se prononcer sur l’opportunité des choix opérés par

l’administration (…) en choisissant comme fermier la société (…) »347. La Haute

juridiction a récemment opéré un revirement de jurisprudence en acceptant d’exercer

un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur le choix du délégataire. Il

convient de reconnaitre qu’il devenait de plus en plus difficile de maintenir la solution

traditionnelle d’absence de contrôle entièrement fondée sur le caractère intuitu

personae de la délégation de service public. Pour autant, ce revirement, s’il est

révélateur sur le plan théorique d’un rapprochement du régime des délégations et des

marchés publics, ne conduit pas en pratique à « museler » le choix du délégataire. Il

suffit pour s’en convaincre d’observer la jurisprudence rendue en la matière en droit

343 O. GUEZOUX, « Nature du choix », in CH. BRECHON-MOULENES (dir.),

Droits des marchés publics, III. 400.1. 344 CE, 1er avril 1998, Département de Seine-et-Marne, n° 157602 : « qu’il ne ressort

pas des pièces du dossier que la commission ait entaché sa décision d’une erreur

manifeste d’appréciation en ne retenant pas systématiquement les offres des

entreprises moins-disantes ». 345 CJCE, 20 septembre 1988, Beentjes BV c/ Etat des Pays-Bas, affaire 31/87. 346 CE, 17 décembre 1986, Syndicat de l’armagnac et des vins du Gers, RFDA 1986,

p. 25. 347 CE, 18 mars 1988, Loupias c/ Commune de Montreuil-Bellay, Rec. Lebon, p. 903.

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des marchés publics, où, d’après Christophe GUETTIER, le choix du cocontractant

n’a encore jamais été sanctionné en tant que tel pour erreur manifeste

d’appréciation348.

Il apparaît donc que le juge, en refusant d’exercer un véritable contrôle, se contente de

vérifier si la décision a bien été prise sur le fondement de critères préalablement

portés à la connaissance des candidats. Mais, dès lors que la décision d’attribution a

respecté en tout point les exigences de la mise en compétition, la convention sera

jugée légale. En d’autres termes, « le juge ne recherche pas si la collectivité a choisi

la meilleure offre possible, mais si elle a retenu l’entreprise à même d’assurer la

bonne exécution du service ou la prestation demandée »349. Il ne sera donc pas permis

au juge de contester le choix d’un barème de notation ou encore le choix d’une note

attribuée à tel ou tel candidat car ce serait là s’immiscer dans le pouvoir

d’appréciation de la personne publique. Et c’est là que la liberté contractuelle du

décideur public resurgit au moment certainement le plus crucial du processus de mise

en concurrence : le choix final du cocontractant. Les contraintes formelles à respecter

durant la mise en concurrence du contrat n’apparaissent alors que comme une

méthode à acquérir, une règle du jeu à respecter350. Le processus de dévolution des

contrats publics d’affaire ne peut donc pas s’apprécier en terme d’anéantissement de

la liberté contractuelle ou conduire à considérer que le choix du cocontractant est un

choix purement objectif.

Il apparaît en effet que, comme l’analyse avec brio Monsieur Daniel CHABANOL,

« sous couvert de chiffres, de pourcentages, de coefficients de pondération, se glisse

nécessairement une part fatale d’à peu près, qui sort le pouvoir adjudicateur d’une

aberrante situation de compétence liée. Tous les impératifs de transparence des

procédures ne pourront avoir pour effet que l’on puisse enfermer dans une mécanique

348 CH. GUETTIER, Droit des contrats administratifs, PUF, 2004, p. 167, n° 249. 349 C. MAUGÜE, « Les variations de la liberté contractuelle dans les contrats

administratifs », AJDA, 1998, p. 696. 350 La maîtrise de cette « règle du jeu » entendue comme l’ensemble des règles

formelles de mise en compétition des offres à respecter implique la mise en place

d’une véritable filière professionnelle de l’achat public.

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le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse (…) : il ne saurait y avoir de

choix d’offre sans une liberté du pouvoir adjudicateur »351. La procédure de

dévolution d’un contrat public ne conduit donc pas à effacer le libre choix du décideur

public devant l’automatisme des calculs. Elle comprend, et c’en est heureux, une part

nécessaire et fondamentale de subjectivisme, par laquelle la liberté contractuelle

s’exprime pleinement.

B) L’enrichissement de la liberté contractuelle par la mise en concurrence

L’exercice de la liberté contractuelle au stade de la dévolution du contrat administratif

doit conduire la personne publique a tirer profit des vertus concurrentielles produites

par le processus de mise en concurrence. Le choix final du futur cocontractant de

l’Administration s’en trouve nécessairement enrichi. La mise en concurrence ne doit

donc pas être exclusivement perçue comme une contrainte dans le choix mais, au

contraire, si elle est utilisée à bon escient, elle peut apparaitre comme un instrument

d’optimisation (1) et de purgation (2) du choix contractuel.

1) La mise en concurrence, instrument d’optimisation du choix contractuel

La majorité des règles de passation des contrats administratifs se présentent comme

autant de moyens d’atteindre un optimum contractuel en permettant d’assurer la

rationalité et la performance de l’opération contractuelle envisagée352. A cet égard, la

fonction performantielle assignée aux règles générales des procédures de passation

transparait pleinement dans la rédaction de l’article 1er du Code des marchés publics,

qui précise que les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de

traitement entre les candidats et de transparence des procédures « permettent

d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers

publics ». En effet, le fait pour le pouvoir adjudicateur de procéder à une mise en

351 D. CHABANOL, « Le choix du cocontractant : pouvoir discrétionnaire ou lié? »,

in Contrats Publics, Mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal, Presses de

l’Université de Montpellier, 2006, vol.1, p.93. 352 O. FEVROT « La performance dans les contrats administratifs », RRJ, 2005,

p.2359.

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compétition des offres lui permet de bénéficier des vertus du jeu de la libre

concurrence, à savoir une compétition entre les opérateurs économiques sur le rapport

qualité/prix de la prestation à réaliser353. La liberté contractuelle du décideur public

s’en trouve nécessairement enrichie, dès lors que l’Administration bénéficie d’un

choix éclairé par la mise en concurrence. Ainsi, il apparaît que si « les obligations de

publicité et de mise en concurrence sont souvent perçues comme autant de contraintes

lourdes et passablement inutiles pour les acheteurs publics, elles mériteraient

davantage d’être perçues comme des instruments visant à assurer l’efficience de

l’achat et comme des leviers de performance économique »354. La mise en

concurrence permet donc à l’administration de bénéficier d’une vue économique du

contrat et d’utiliser pleinement toutes les opportunités que lui offre un marché

concurrentiel.

Cette instrumentalisation de la mise en concurrence semble permettre de mieux servir

la fonction de la liberté contractuelle qui, selon Madame Christine BRECHON-

MOULENES, doit permettre à l’Administration de bénéficier d’un « langage

commun »355 nécessaire pour communiquer avec les acteurs d’une économie de

marché. Il apparaitt en effet que, « dans une économie de marché, la liberté

contractuelle des personnes publiques semble indispensable à celle de leur

cocontractant »356. Loin de remettre en cause cette vision, la mise en concurrence du

contrat semble au contraire la conforter en fournissant à l’administration les moyens

de bénéficier du marché concurrentiel et l’ouvrir à une certaine logique commerciale

353 Le Conseil d’Etat partageait déjà ce constat dans son rapport public de 2002

intitulé Collectivités publiques et concurrence en affirmant qu’« un des défis

essentiels qui se pose dès lors aux décideurs publics en matière de commande

publique est donc de mieux pouvoir prendre en compte le contexte dans lequel ils

interviennent et de tirer un plus grand parti du fonctionnement concurrentiel des

marchés ». 354 O. FEVROT, Passation des marchés publics : principes fondamentaux,

JurisClasseur Administratif, 2009, Fasc. 635, n° 145. 355 Ch. BRECHON-MOULENES, « La liberté contractuelle des personnes

publiques », art. préc. 356 Ibid.

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tout en préservant l’intérêt général. En effet, les personnes publiques ne peuvent pas

spontanément avoir recours à ce « langage commun » en se procurent les biens et les

services dont elles ont besoin dans les mêmes conditions que n’importe quelle

entreprise privée. En effet, « dans la plupart des cas, l’activité n’est pas insérée dans

l’économie et il n’existe donc pas d’incitation à prendre la décision économiquement

la meilleure ; elle est insérée dans un environnement qui, au contraire, risque de

faciliter l’influence du pouvoir politique sur la décision en introduisant des facteurs

extérieurs à la rationalité économique »357. La mise en concurrence permet à

l’Administration d’acquérir cette rationalité économique et, par là-même, d’optimiser

son choix contractuel. Or, comme le rappel avec justesse Michel GUIBAL, « un

véritable contrat doit être fondé sur un équilibre économique profitable aux deux

parties »358. En définitive, le processus de dévolution du contrat participe de cette

recherche de l’optimum contractuel inhérente à l’exercice de la liberté contractuelle.

2) La mise en concurrence, instrument de purgation du choix contractuel

Comme tout contrat, le contrat administratif est formé par l’échange des

consentements. Mais, pour que sa formation soit légale, encore faut-il que les

consentements données soient exempts de vices. Ainsi le juge administratif assure la

protection du consentement en faisant application de la théorie des vices du

consentement, telle qu’elle est conçue en droit civil 359. Il apparaît alors que « le droit

public se caractérise par le caractère très marginal de cette théorie (…), ce qui peut

s’expliquer par le plus grand encadrement procédural de la passation du contrat en

droit public »360. L’exercice de la liberté contractuelle dans le cadre du processus de

dévolution du contrat est en quelque sorte purifié, les règles de protection des deniers

publics tendant ainsi à purger, en amont, le contrat de nombreux vices. La mise en

concurrence offre donc à la liberté contractuelle un cadre d’expression sans équivalent

357 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op. cit., p. 383, n° 575. 358 M. GUIBAL, « Le nouveau Code des marchés publics: une réforme composite »,

JCP G, 2004, n°16, p. 128. 359 Les vices susceptibles d’entacher le consentement sont le dol, la violence et

l’erreur. 360 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 154, n° 210.

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en droit privé dans lequel le décideur public bénéficiera des vertus de la transparence

pour exercer son libre choix. En outre, « la soumission des acteurs économiques à des

procédures de mise en concurrence est un moyen d’obtenir des informations et donc,

de lutter contre l’asymétrie d’information »361. De même, la généralisation du choix

multicritères permet de prévenir les ententes ainsi que l’a souligné le Conseil de la

concurrence362. Or, dans la mesure où la mise en concurrence permet aux collectivités

publiques de se prévenir contre les manœuvres anticoncurrentielles des entreprises

candidates à la conclusion d’un contrat, elle protège nécessairement leur liberté

contractuelle. Cette protection du choix que sera amenée à faire la collectivité

publique est d’autant plus nécessaire que, « dans le cadre d’un certain nombre de

marchés pertinents et de contrats y afférents, les collectivités territoriales sont dans

une situation d’asymétrie de puissance, soit à raison de leur taille, soit par le fait

qu’elles sont dispersées sur le territoire, face à certains opérateurs économiques

particulièrement puissants, qui peuvent, eux, coordonner leur action »363. Les

exigences de transparence et de mise en compétition des offres permettent donc

d’éclairer le choix final du décideur public en le purgeant de nombreux vices.

361 .O. FEVROT, Passation des marchés publics : principes fondamentaux,

JurisClasseur Administratif, 2009, Fasc. 635, n°143. 362 Cons. conc., avis n° 00-A-25, 20 novembre 2000, sur le projet de décret portant

Code des marchés publics : BOCCRF 23 janv. 2001. 363 A. LOUVARIS, « Les contrats des collectivités territoriales et le droit de la

concurrence », CMP, 2007, n° 5, Etude 9.

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Chapitre 2: L’accentuation équilibrée de la fonction

d’intérêt général de la liberté contractuelle par la mise en

concurrence

L’exercice de la liberté contractuelle en droit administratif s’inscrit dans un cadre

particulier. En effet, le recours au procédé contractuel par la personne publique

cocontractante est entièrement soumis à l’objectif de satisfaction de l’intérêt général

supposé guider toute action publique. Il en résulte que la liberté contractuelle des

personnes publiques diverge nécessairement de celle des personnes privées puisque la

volonté du décideur public n’est pas à proprement parler autonome, mais entièrement

tournée vers cette réalisation du bien commun. En effet, « la compréhension de la

notion de contrat à partir des fins poursuivies et d’autres éléments extérieurs aux

parties semble en harmonie avec l’esprit du droit public centré sur la notion finaliste

d’intérêt général »364. L’exercice de la liberté contractuelle doit ainsi permettre de

bénéficier d’une action contractuelle moderne et efficace tout en préservant la bonne

réalisation de l’intérêt général.

Il apparaît alors que le processus de mise en concurrence du contrat administratif

participe de cet équilibre entre souplesse de l’action administrative contractuelle et

satisfaction de l’intérêt général, dès lors que les règles de passation ont elles-mêmes

pour fonction de garantir une certaine expression de l’intérêt général (Section 1). Pour

autant, parce que les préoccupations concurrentielles semblent prédominantes dans

l’impératif de mise en concurrence, il est légitime de s’interroger sur un risque de

« désintégration de l’intérêt général »365 et donc d’aliénation partielle de la fonction

d’intérêt général de la liberté contractuelle. En effet, la liberté contractuelle en droit

administratif doit également être comprise comme la liberté reconnue au décideur

public de définir lui-même les objectifs d’intérêt général poursuivis par la conclusion

du contrat. En d’autres termes, il conviendra de s’interroger pour savoir si la

364 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op. cit., p. 18, n° 18. 365 F. BEROUJON, « Evolution du droit administratif : avancée vers la modernité ou

retour aux Temps modernes ?», RFDA 2008, p. 449.

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détermination utilitariste de l’intérêt général, qui semble s’exprimer par le biais des

règles de mise en concurrence, ne risque pas peu à peu d’effacer la détermination

volontariste de l’intérêt général par le décideur public dont l’expression se trouve être

le contenu du contrat public lui-même, soit le produit de la liberté contractuelle. Là

encore, malgré des prévisions alarmistes, la liberté contractuelle du décideur public et

donc l’intérêt général inhérent à l’action contractuelle poursuivie semblent garantis

par un mouvement récent, tant jurisprudentiel que législatif, de rationalisation de

l’intérêt concurrentiel dans l’intérêt général (Section 2).

Section 1. L’accentuation de la fonction d’intérêt général de la

liberté contractuelle par la mise en concurrence

La notion d’intérêt général apparait comme étant le point de conciliation entre logique

contractuelle et logique concurrentielle. En effet, l’objectif d’intérêt général censé

gouverner l’action contractuelle des personnes publiques (§1) est largement

conditionné par le respect du processus de dévolution du contrat qui, ce faisant,

légitime l’action contractuelle du décideur public en quelque sorte auréolée du sceau

de la transparence (§2). Or, parce que « la mesure d’une liberté peut se prendre à

partir de la légitimité dont elle est porteuse »366, l’obligation de mise en concurrence

contribue ainsi directement à la pleine expression de la liberté contractuelle.

§1. La finalisation de la liberté contractuelle par l’intérêt général

La fonction de la liberté contractuelle en droit administratif ne peut être véritablement

appréciée qu’à travers sa relation avec l’intérêt général. En effet, parce qu’« en

contractant, l’administration n’a pu avoir d’autre objectif que la satisfaction de

l’intérêt général »367, la liberté contractuelle apparaît comme étant tout à la fois

objectivée (A) et délimitée (B) par la poursuite de l’intérêt général.

A) Une liberté objectivée par la poursuite de l’intérêt général

366 Ch.BRECHON-MOULENES, « La liberté contractuelle des personnes

publiques », AJDA, 1998, p. 643. 367 CE, 9 janvier 1930, Ministre de la Marine, Rec. Lebon p. 23.

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La liberté contractuelle en droit administratif est, par nature, objectivée par la

satisfaction de l’intérêt général368. En effet, le contrat administratif ne peut pas

simplement être appréhendé comme la rencontre de deux volontés libres et autonomes

dès lors que l’une des parties, l’Administration, a en charge la réalisation et la

satisfaction de l’intérêt général. Le contrat administratif serait donc « situé (…) dans

une sphère supérieure qui dépasse largement les intérêts des parties sans que ceux-ci

ne soient toutefois entièrement occultés »369. C’est pourquoi, très tôt, de grands auteurs

ont tenté de construire une théorie du contrat administratif apte à fournir une

explication à la particularité du contrat administratif. Ainsi Monsieur Gaston JEZE a

t-il fondé l’ensemble du régime du contrat administratif sur la notion de service public

tandis que Monsieur Georges PEQUIGNOT a rappelé la primauté du but de service

public pour justifier l’inégalité entre les cocontractants. La liberté contractuelle des

personnes publiques ne saurait donc être justifiée comme découlant de la théorie

civiliste de l’autonomie de la volonté, dès lors que « la volonté de l’Administration

(…) repose sur une liberté octroyée et non originelle, soumise à une contrainte de but,

la satisfaction de l’intérêt général et la réalisation des services publics aux moyens de

prérogatives de puissance publique »370. Le contrat administratif serait donc en

quelque sorte un acte hybride, à la frontière entre acte contractuel pur et acte de

puissance publique. Ce particularisme originel du contrat administratif justifie que,

par essence, l’exercice de la liberté contractuelle soit animé par la poursuite de

l’intérêt général.

B) Une liberté délimitée par la poursuite de l’intérêt général

La finalité d’intérêt général poursuivie par les personnes publiques lorsqu’elles ont

recours au procédé contractuel a conduit certains auteurs à considérablement atténuer

368 C’est-à-dire soumise à une contrainte de but. 369 S. NICINSKI, « Le dogme de l’autonomie de la volonté dans les contrats

administratifs », in Contrats Publics, Mélanges en l’honneur du professeur Michel

Guibal, Presses de l’Université de Montpellier, t.1, p. 55. 370 S. NICINSKI, , « Le dogme de l’autonomie de la volonté dans les contrats

administratifs », art. préc., p.60.

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la portée de la liberté contractuelle, voire, pour Etienne PICARD371, à considérer que

« les personnes publiques ne bénéficient pas d’un droit fondamental à la liberté

contractuelle(…). Les personne publiques ne bénéficient, simplement et le cas

échéant, que des pouvoirs plus ou moins discrétionnaires d’user du procédé

contractuel ». En d’autres termes, le fait que la personne publique agisse dans le cadre

de fonctions administratives liées à la satisfaction de l’intérêt général, empêcherait de

considérer que l’on est en présence d’une liberté au sens véritable du terme. Bien que

largement débattue en doctrine372, cette thèse a toutefois le mérite de mettre en lumière

toute la spécificité de l’exercice de cette liberté en droit public, en mettant en avant

que l’action contractuelle des personnes publiques est commandée par des règles de

compétence et, partant, par l’intérêt général. Dès lors, en droit administratif, la

limitation de la liberté contractuelle serait intrinsèque à la matière puisque le contrat

poursuit un objectif dépassant l’intérêt des parties, les destinataires ultimes de cette

liberté étant les membres de la collectivité publique cocontractante. Il en résulte que,

contrairement aux particuliers qui, par principe, sont libres de contracter en fonction

des critères qu’ils établissent librement, les personnes publiques sont par essence

limitées dans l’exercice de cette liberté.

Cette limite « publique » à la liberté contractuelle des personnes publiques rejaillit

alors nécessairement sur celle de leur cocontractants, notamment lors de la phase

d’exécution du contrat. En effet, en tant que responsable de l’intérêt général,

l’Administration cocontractante est titulaire de prérogatives contractuelles

exorbitantes de droit commun lui conférant une position de supériorité au moment de

l’exécution du contrat. Ainsi c’est au regard des « motifs d’intérêt général » que

l’Administration peut mettre en œuvre ses pouvoirs de résiliation373ou de

371 E. PICARD, « La liberté contractuelle des personnes publiques constitue-t-elle un

droit fondamental? », AJDA, 1996, p. 651. 372 Pour une réfutation de cette thèse, M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des

collectivités territoriales, op.cit., p. 213 ; pour une position plus nuancée, V. S.

NICINSKI, « Le dogme de l’autonomie de la volonté dans les contrats

administratifs », art. préc..p. 49. 373 CE, 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, AJDA 1958, II, 282, concl. Kahn.

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modification374 unilatérale alors même que son cocontractant n’a commis aucune

faute. L’impératif de protection et de satisfaction de l’intérêt général peut donc

conduire l’administration à rompre prématurément son engagement contractuel ou à

modifier le contenu obligationnel du contrat.

§2. La légitimation de la fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle

par la mise en concurrence

La mise en place de règles de mise en concurrence encadrant la passation des contrats

revêt une fonction de légitimation de l’action publique contractuelle en garantissant

une certaine vision de l’intérêt général. Ainsi, historiquement, le droit de la mise en

concurrence a été conçu comme un instrument de protection des deniers publics et de

lutte contre la corruption (A). En ce sens, le droit de la mise en concurrence

apparaissait comme étant « structurellement un droit de la demande, tourné vers la

protection des acheteurs publics contre les tiers et contre eux-mêmes »375. L’influence

du droit communautaire tend progressivement mais irrésistiblement à renouveler cet

objectif originaire en se présentant essentiellement comme un droit de l‘offre visant à

permettre la réalisation du marché intérieur par l‘injection d‘une libre et égale

concurrence entre opérateurs économiques.(B). Bien que différents, ces deux objectifs

d’intérêt général ne sont pas pour autant contradictoires et se superposent largement.

A) L’objectif d’intérêt général originaire : la pro tection de la demande publique

Les règles de passation présentent toutes une double dimension de l‘intérêt général: ,

économique, en ce qu'elles permettent d'assurer la rationalité financière des opérations

contractuelles publiques (1), éthique, en assurant l’orthodoxie et la moralité de ces

mêmes opérations (2).

1) La dimension économique : la protection des deniers publics

374 CE, 11 mars 1910, Compagnie générale française de tramways, GAJA, p. 134. 375 F. LICHERE, « L‘influence du droit communautaire sur le droit français des

contrats publics », LPA, 2007, n° 79, p. 29.

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Historiquement, les règles de mise en concurrence se présentent comme autant de

moyens d'assurer l'efficacité de l'achat des personnes publiques. Dans son rapport

public Collectivités et Concurrences376, le Conseil d’Etat fait mention, dès le Moyen-

âge, des premiers mécanismes d’adjudication tendant à optimiser les dépenses

royales.

Bien que la procédure d’adjudication ait été supprimée par le Code des marchés

publics de 2001, la règle de protection des deniers publics ne fait pour autant partie de

l’Histoire et demeure un objectif central des règles de mise en concurrence. Ainsi,

l’article 1er du Code des marchés publics précise que « les marchés publics respectent

les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement entre

les candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer

l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».

Il serait pourtant faux de considérer que cette règle ne légitime l’action contractuelle

de la personne publique que lorsque celle-ci a recours au marché public. Elle a

vocation, de manière générale, à concerner l’ensemble des contrats conclus à titre

onéreux. Ainsi, le Conseil Constitutionnel a rappelé dans sa décision du 26 juin

2003377 que la passation des contrats de partenariat devait respecter la règle de

protection des deniers publics. On peut également se demander si cette règle ne

trouverait pas à s’appliquer, du moins en partie, à certaines délégations de service

public. Tout d‘abord, il est aujourd‘hui admis que « la protection des usagers peut

justifier la rigueur financière aussi bien que celle des deniers publics 378». Ensuite, si

par principe dans une délégation de service public les deniers publics ne sont pas en

jeu dès lors que, par définition, le cocontractant se rémunère substantiellement sur les

résultats de l’exploitation379, la pratique a montré que nombre d’entre elles faisaient

376 CE, Collectivités publiques et concurrence, Rapport public 2002, EDCE n° 53,

Paris, La doc.fr., 2002. 377 CC, 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, n° 2003-

473 DC, Rec. CC, p.382: AJDA 2003, p.1391, note Schott ; DA 2003, p.6, note A.

Ménéménis. 378 L.RICHER, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 569, n° 921. 379 CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches du Rhône, RFDA 1996, p.715, concl.

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l’objet d’une rémunération mixte composée en partie d’une part fixe versée

directement par la personne publique.

Concourant à la protection des intérêts financiers de la personne publique, la règle de

la protection des deniers publics permet donc d’inscrire l’action contractuelle des

personnes publiques dans l’intérêt général.

2) La dimension éthique : la lutte contre la corruption

La volonté de lutte contre la corruption est historiquement intimement liée à l’idée de

protection des deniers publics. Laurent RICHER fait rappel de cette préoccupation au

moment de l’adoption de la loi du 31 janvier 1833380, premier texte de portée générale

encadrant la passation des marchés publics, qui devait permettre d’une part

d’« apporter le plus d’économie dans les dépenses », d’autre part de « mettre fin à ces

marchés que le public a flétri du nom de marchés passés sous le manteau de la

cheminée, manteau qui n’a que trop souvent recouvert de honteuses friponneries »381.

La publicité et la mise en concurrence ont donc avant tout été conçues comme un

levier de moralisation de la vie publique. Cet objectif d’intérêt général a été mis en

évidence de façon assez éloquente par le ministre de l'Intérieur qui affirmait dans son

rapport sur la loi de décentralisation du 29 avril 1861 que « toutes les entreprises

doivent être adjugées sous les yeux des populations et sous l'aiguillon de la liberté des

enchères. Publicité et concurrence, voilà, malgré des assertions contraires, les

meilleures règles en pareille matière. Il importe au plus haut degré que

l'Administration échappe, non seulement à l'abus, mais au soupçon »382

La sujétion des délégations de service public à des règles de passation trouve

également son fondement dans ce souci de lutte contre la fraude et la corruption. En

Chantepy, note Terneyre. 380 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, op.cit., p 356, n°540. 381 propos tenus par Dubois-Aymé à la Chambre des députés le 22 novembre 1831,

ACCP, 2001, n°5, p. 74. 382 Cité par O. FEVROT, Passation des marchés publics : principes fondamentaux,

JurisClasseur Administratif, 2009, Fasc. 635, n° 143.

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effet, c’est suite à la révélation ne nombreuses affaires de corruption durant les années

1980 qu’a été adoptée la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la

corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Ainsi progressivement, l’exigence de moralité tend à être de plus en plus incarnée à

travers l’idée de transparence, désormais élevée au rang de principe constitutionnel383.

Il apparait en effet que, comme le relève justement Monsieur Michel GUIBAL, « la

transparence intéresse autant la légalité formelle que la moralité administrative »384.

En effet, « elle désigne toujours le contraire de l’opacité et du secret qui sont

considérés comme des non-valeurs, voire des vices ou des délits »385.

La transparence est alors devenue un élément incontournable des procédures de

passation car, en faisant du processus de dévolution du contrat « une vaste maison de

verre »386, elle légitime l’action des pouvoirs publics, tant il est vrai que l‘opacité

favorise les pratiques douteuses susceptibles de nuire aux intérêts des membres de la

collectivité.

B) L’objectif d’intérêt général renouvelé : la garantie d’une libre et égale

concurrence entre opérateurs économiques

Sous l’influence du droit communautaire, il semblerait que l’objectif d’ouverture du

marché tende à devenir prédéterminant pour la mise en œuvre des procédures de mise

en concurrence (1). Il n’en reste pas moins que cet objectif concurrentiel contribue

directement à la fonction d’intérêt général assignée à la liberté contractuelle (2).

1) Un objectif surdéterminant d’ouverture du marché

En droit communautaire, l’ensemble des règles de mise en concurrence a clairement

383 CC 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, préc. 384 M. GUIBAL, « Le nouveau Code des marchés publics: une réforme composite »,

JCP G, 2004, n° 16, p. 128. 385 Ibid. 386 F. LLORENS, « Principe de transparence et contrats publics », CMP, 2004,

chron., p. 4.

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pour objectif .de permettre la réalisation de la libre circulation des marchandises et

des services. En effet, l’ouverture des marchés publics à la concurrence constitue un

objectif politique indispensable au parachèvement du Marché unique européen. Il

apparaît ainsi que « toute la problématique européenne de la liberté contractuelle a

été abordée sous l’angle du Marché intérieur et de l’impact réel de la commande

publique sur le fonctionnement du marché, domaine où les préoccupations de

concurrence sont prédominantes »387. En d’autres termes, toutes les dispositions

communautaires relatives à la passation des contrats par les autorités publiques visent

à contraindre ces dernières à ne pas perturber le bon fonctionnement du marché

lorsqu’elles choisissent un opérateur.

Cette substitution d’objectif témoignerait alors d’« un changement dans la

problématique de la liberté contractuelle. Pendant longtemps, celle-ci s’est en effet

trouvée dominée par la considération des intérêts des collectivités publiques. La

question centrale était de savoir si ceux-ci, l’efficience de l’action administrative et la

protection des deniers publics étaient mieux assurés par plus de liberté ou, au

contraire, par plus de réglementation. Cette préoccupation (…) se trouve désormais

reléguée au second plan au profit d’une autre relative à l’objectif d’ouverture du

marché intérieur et à la nécessité corrélative de garantir une libre et égale

concurrence entre opérateurs économiques. C’est elle qui, après avoir fait figure

d’accessoire, joue à présent un rôle déterminant »388.

Cette affirmation de Monsieur François LLORENS parait marquée d’un certain

scepticisme à l’égard de la dimension fondamentalement concurrentielle des règles de

mise en concurrence. Nous verrons toutefois que « la considération des intérêts des

collectivités publiques »389 demeure et semble même renforcée par l’objectif

d’ouverture du marché qui, de plus, contribue à enrichir la fonction d’intérêt général

de la liberté contractuelle d’une dimension concurrentielle devenue indispensable

387 CE, rapport public 2008, Le contrat, mode d’action publique et de production de

normes, La doc fr, n° 59.p. 175. 388 F. LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales », CMP

2007, n° 5, étude 6. 389 Ibid.

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dans une économie de marché.

2) Un objectif concurrentiel améliorant la satisfaction de l’intérêt général

La prise en compte de l’objectif d’ouverture du marché via la garantie d’une libre et

égale concurrence entre opérateurs économiques ne nuit pas aux objectifs initiaux

d’intérêt général de protection des deniers publics et de lutte contre la corruption. Ce

mouvement de convergence a été parfaitement constaté par Laurent BATTOUE qui

relève que « plus on fait jouer la concurrence, plus il ya de chance, a priori, pour que

la personne publique obtienne la solution la plus efficace sur un plan économique et

donc plus protectrice des deniers publics »390. D’ailleurs l’analyse économique du

contrat tend à démontrer que l’optimisation financière et économique du contrat ne se

vérifie qu’en situation de marché concurrentiel391. L’efficacité économique de la

commande publique et la protection des deniers publics supposent donc de tenir

compte de la complexité du phénomène concurrentiel392

En ce qui concerne la lutte contre la corruption, si elle n’est pas l’objectif premier

affiché par le droit communautaire, nous avons pu constater qu’elle découlait

largement du principe de transparence, dont la consécration en droit communautaire

n’a rien à envier au droit interne. Ainsi, le droit communautaire « concourt à la

moralisation des contrats de l’administration. Car la lutte contre la corruption

suppose la consécration de la transparence »393.

Bien plus qu’à conforter les objectifs originaires d’intérêt général, on peut même

considérer que la montée en puissance des préoccupations concurrentielles au sein des

390 L. BATTOUE, Contrats publics et interventionnisme économique, thèse, Paris

XII, 2006, p. 338. 391 B. DU MARAIS, « Le droit de la commande publique est-il un droit de la

concurrence? », Gazette du Palais, 2007, n° 86, p. 2. 392 M. MOUGEOT et F. NAEGELEN, « Analyse micro-économique du Code des

marchés publics » : Revue économique 1988, p. 735. 393 N. QUOC, « L’argent public et le droit des contrats », in Mélanges en l’hommage

à Roland Drago, L’Unité du Droit, Economica, 1996, p. 310.

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règles de mise en concurrence conduit en elle-même à améliorer la satisfaction de

l’intérêt général. En effet, il semble aujourd’hui acquis que la garantie d’une libre et

égale concurrence apparaît bien comme « une composante de l’intérêt général qu’il

appartient aux collectivités de protéger »394. Il convient donc de dépasser l’opposition

traditionnelle entre le domaine administratif et le marché et d’admettre que « c’est

plutôt à partir d’une logique de coopération , voire d’étroite dépendance profitable

aux deux, qu’il faut analyser les relations des collectivités locales et du marché »395.

Au final un constat s’impose : « perçues comme des contraintes au départ, les

procédures précontractuelles de publicité et de mise en concurrence entre les acteurs

privés dans les marchés publics et les délégations de service public doivent se

transformer en garanties pour les autorités locales justiciables des deniers et de la

probité publique auprès des juges et de l’opinion. Manifestement, en faisant ainsi

jouer la compétition économique, elles se parent des vertus d’une gestion publique

transparente et efficace dans laquelle il convient de voir une nouvelle forme de

régulation démocratique »396. Légitimée dans sa fonction d’intérêt général par la mise

en concurrence, la liberté contractuelle des personnes publiques apparaît régénérée

dans sa dimension économique, morale et concurrentielle.

Section 2. La rationalisation de la fonction d’intérêt général de

la liberté contractuelle par la mise en concurrence

Si le respect de l’obligation de mise en concurrence concourt à améliorer la fonction

d’intérêt général assignée à la liberté contractuelle en légitimant l’action publique

contractuelle, elle ne l’incarne pas entièrement. En effet, l’intérêt général est une

notion polymorphe, faite d’une multitude d‘objectifs parfois contradictoires les uns

avec les autres. En matière contractuelle, ce risque de contradiction concerne tout

particulièrement l’objectif d’intérêt général dont est porteur le contrat et l’objectif

394 G. CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit

public en économie de marché, Dalloz, 2006, vol. 51, p. 347. 395 B. FAURE, « Le droit administratif des collectivités locales et la concurrence »,

AJDA 2001, p. 136. 396 Ibid.

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concurrentiel poursuivi par la mise en concurrence.

En effet, en matière contractuelle, l’intérêt général doit pouvoir émaner du projet

contractuel dont est porteur le contrat. Car il faut bien comprendre que si la liberté

contractuelle est censée être entièrement guidée vers la satisfaction de l’intérêt

général, ce but d’intérêt général se confond in fine avec la décision elle-même, c’est-

à-dire le contrat. Si cette dimension contractuelle de l’intérêt général est

particulièrement visible en matière de délégation de service public où l’objet même du

contrat porte sur la gestion d‘un service public, elle se retrouve également en matière

de marché public, de contrat de partenariat ou, de manière générale, pour l’ensemble

des contrats publics d’affaire en raison des enjeux socio-économiques et politiques

locaux. Dès lors, parce que, nous l’avons vu, la mise en concurrence se fonde sur une

dimension essentiellement concurrentielle de l’intérêt général, et bien que cette

dernière participe directement à l’efficacité du projet envisagé, il ne faudrait pas que

l’« intérêt général contractuel » se fasse en quelque sorte absorber par cet objectif

concurrentiel désormais prépondérant des politiques publiques.

Il convient donc de parvenir à une forme d’équilibre entre l’intérêt contractuel et

l’intérêt concurrentiel qui, tous deux, participent à inscrire l’action publique

contractuelle dans une perspective fonctionnelle de satisfaction de l’intérêt général.

Ce tour de force est en passe d’être effectué, la mise en concurrence apparaissant

comme un facteur de rationalisation de la fonction d’intérêt général de la liberté

contractuelle. En effet, le nouveau rôle assigné au juge du contrat permet la mise en

œuvre d’une méthode de conciliation des intérêts contractuels et concurrentiels (§1)

induisant une forme d’harmonisation vertueuse des intérêts en présence au bénéfice

entier de la fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle (§2).

§1. La conciliation jurisprudentielle des intérêts contractuels et concurrentiels

La détermination optimale de la fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle

suppose de procéder à une conciliation des intérêts en présence. Principal orfèvre de

ce travail, le juge administratif dispose depuis le milieu des années 2000 d’un office

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renouvelé lui permettant, d’une part de procéder à « la pesée des intérêts »397 en

présence (A), d’autre part, d’assurer une forme de pérennité du lien contractuel (B).

Ces deux lignes force qui sous-tendent à présent l’ensemble du contentieux

contractuel conduisent respectivement à amplifier l’intérêt général contractuel et à

modérer l’intérêt général concurrentiel.

A) La « pérennité contractuelle »398, nouvel amplificateur de l’intérêt général

contractuel

Le souci marqué du juge de préserver autant que possible la pérennité du lien

contractuel participe de la protection des intérêts contractuels et, in fine, de l’intérêt

général dont est porteur le contrat. Pour ce faire, le juge est venu limiter

temporellement les voies de recours ouvertes aux tiers (1) et a récemment consacré un

objectif de « stabilité des relations contractuelles » entre les parties au contrat (2).

1) La limitation temporelle des voies de recours ouvertes aux tiers au contrat

La situation de tiers à un contrat administratif est particulière par rapport à celle d’un

contrat de droit privé. En effet, alors qu’en droit privé les tiers sont considérés comme

penitus extranei, « tiers absolus, totalement étrangers à la convention ou à l’une ou

l’autre des parties »399, la situation est différente en droit administratif où les effets

des contrats à l’égard des tiers sont plus ou moins marqués. Ces derniers disposent

désormais de voies de recours variées pour faire sanctionner des irrégularités affectant

la mise en concurrence du contrat.

Toutefois, la possibilité ouverte aux tiers d’exercer un recours contractuel est limitée

dans le temps, ce qui permet de garantir aux parties au contrat une meilleure sécurité

397 G.CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit

public en économie de marché, Dalloz, 2006, vol. 51, p. 236. 398 P-Y GADHOUN, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil

Constitutionnel, thèse, Dalloz, 2008, vol. 76, p. 189 et s. 399 R. NOGUELLOU, « L'arrêt Société Tropic Travaux Signalisation et la notion de

‘‘tiers au contrat’’ », RDC, 2008, n° 2, p. 610.

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juridique pour l’exécution de leurs obligations respectives et in fine de préserver la

pérennité de l’action publique contractuelle. Cette limite temporelle est intrinsèque au

référé-contractuel qui, par définition, ne peut être exercé qu’avant la signature du

contrat. Mais elle s’impose également après la signature de la convention. Ainsi, le

Conseil d’Etat a précisé dans l’arrêt Société Tropic Travaux Signalisation400 que le

recours en contestation de la validité du contrat ouvert aux candidats évincés devait

être exercé, y compris si le contrat contesté était relatif à des travaux publics, dans un

délai de deux mois à compter de l’accomplissement des formalités de publicité. La

limite temporelle est encore plus stricte concernant la mise en œuvre du référé

contractuel instauré par l’ordonnance du 7 mai 2009401 qui ne peut être exercé que

dans un délai de trente et un jours à compter de la publication de l’avis d’attribution

du contrat402. Il est d’ailleurs intéressant de se demander, à l’instar de Philippe

TERNEYRE, si « dans le monde de l’instantanéité dans lequel nous vivons désormais

grâce au x nouveaux moyens de communication, le délai de deux mois [ du recours

« Tropic»] - arrêté à une époque où existaient encore des calèches pour transporter

les hommes et l’information - est encore justifié et ne devrait pas être réduit à un

mois, ce qui est déjà considérable pour l’in(sécurité) juridique d’une grande

opération d’investissement »403. L’éventualité d’une généralisation du délai d’un mois

ouvert aux tiers pour contester le contrat ne ferait que renforcer l’effet purgatoire du

recours.

En effet, une fois accomplies les formalités de publicité, le contrat administratif

devient véritablement entre les parties un « monde clos » dans lequel le tiers ne peut

plus s’immiscer. La possibilité ouverte aux tiers de contester le contrat et donc de

400 CE, Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation , n° 291545, Rec.

Lebon 360 :AJDA 2007. 1577, chron. F. Lenica et J. Boucher ; RFDA 2007. 696,

concl. D. Casas, p. 917, étude F. Moderne, p. 923, note D. Pouyaud et p. 935, étude

M. Canedo-Paris. 401 Ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours

applicables aux contrats de la commande publique : JO 8 mai 2009. 402 D. n° 2009-1456 du 27 novembre 2009. 403 CE, rapport public 2008, Le contrat, mode d’action publique et de production de

normes, La doc fr, n° 59.p. 391.

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faire prévaloir des considérations concurrentielles n’est pas sans limite. Faute pour

eux d’agir dans les délais prescrits, le contrat se referme sur son contenu obligationnel

et, partant, sur l’intérêt général dont il est porteur.

2) La consécration d’un objectif de « stabilité des relations contractuelles » entre les

parties au contrat

Par sa décision d’assemblée du 28 décembre 2009, Commune de Béziers404, le Conseil

d’Etat a consacré un nouvel « objectif de stabilité des relations contractuelles » qui

participe de la protection de l’intérêt général et, au-delà, de la liberté contractuelle en

elle-même.

De l’intérêt général d’abord car, en cherchant à permettre la poursuite de l’exécution

du contrat, le juge permet la sauvegarde de l’intérêt général contractuel. Pour ce faire,

le juge du contrat dispose de pouvoirs adaptés. Ainsi, la décision Commune de Béziers

prévoit de manière précautionneuse que la résiliation ne pourra être prononcée

qu’avec « un effet différé » dans la logique de la décision Association AC!405. Cela

devrait permettre à la personne publique dont le contrat a été résilié d’organiser la

conclusion d’un nouveau contrat afin de faciliter l’inscription de l’action publique

contractuelle dans la continuité. L’idée n’est pas vraiment récente en droit

administratif où le principe de continuité du service systématisé par Louis ROLLAND

suppose que le service public puisse fonctionner de manière continue et régulière,

sans autres interruptions que celles prévues par la réglementation en vigueur. Participe

également de cette logique la possibilité ouverte de recourir à des mesures de

régularisation du contrat prises par la personne publique ou convenues entre les

parties.

De la liberté contractuelle ensuite, car cette dernière n’a de sens que si elle est inscrite

404 CE, Ass.,28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802 : AJDA 2010,

p.142, chron. S-J Liéber et D. Botteghi ; CMP 2010, repère 2, F. Llorens et P. Soler-

Couteaux, JCP A 2010, 2070, comm. F. Linditch. 405 CE 11 mai 2004, Association AC!, n° 255886, Rec. Lebon 197 : RFDA 2004. 454,

concl. C. Devys ; AJDA 2004. 1183, chron. C. Landais et F. Lenica.

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dans la durée, c’est-à-dire si les parties au contrat bénéficient d’une forme de

« pérennité contractuelle ». D’ailleurs, si l’objectif de stabilité des relations

contractuelles a été affirmé pour la première fois par la décision Commune de Béziers

à propos des litiges intervenant entre les parties au contrat, il ne fait nul doute que cet

objectif prévaut également en matière de recours exercés par des tiers intéressés. En

effet, parce que le contrat constitue par définition « un monde clos » aux parties

cocontractantes, il convient de le protéger des immixtions intempestives des tiers.

Certes, la stabilité contractuelle paraît, a priori, relever davantage de l’idée de force

obligatoire du contrat prévue à l’article 1134 du Code Civil que de la libre

détermination du contenu du contrat, élément constitutif de la liberté contractuelle.

Toutefois, la protection des parties contre des immixtions non décidées par elles

susceptibles d’affecter l’exécution du contrat participe d’une protection par ricochet

de la liberté contractuelle en permettant aux parties d’exécuter librement le contenu de

leur engagement contractuel originel En somme, « reconnaître la pérennité

contractuelle c’est admettre que la liberté contractuelle ne serait pas effective si elle

s’épuisait aussitôt l’accord passé »406.

La stabilité contractuelle apparaît donc comme une composante temporelle de la

liberté contractuelle et comme un rempart à la sanction automatique des manquements

à l’obligation de mise en concurrence.

B) La « pesée des intérêts »407 en présence, nouveau modérateur de l’intérêt

général concurrentiel

Longtemps juge mécanique de la légalité objective, le juge administratif n’hésite plus

aujourd’hui à mettre en balance les différents intérêts en présence lorsqu’il est saisi

d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence par un tiers

(1) ou une des parties (2) au contrat.

406 P-Y GADHOUN, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil

Constitutionnel, thèse, Dalloz, 2008, vol. 76, p. 189, n° 211. 407 G. CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit

public en économie de marché, Dalloz, 2006, vol. 51, p. 236.

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1) La rationalisation des mécanismes de sanction de l’intérêt concurrentiel ouverts

aux tiers

La mise en balance de l’intérêt général avec les intérêts privés des opérateurs tend à

devenir une sorte de réflexe du juge lorsque celui-ci est confronté à une irrégularité

affectant le processus de passation du contrat.

Cette nouvelle tendance jurisprudentielle à la conciliation de l’intérêt concurrentiel

des opérateurs économiques évincés de la passation et du but d’intérêt général

poursuivi par le contrat a notamment été consacrée par l’arrêt Société Tropic Travaux

Signalisation408. En effet, tout en reconnaissant la possibilité pour les concurrents

évincés de la conclusion d’un contrat administratif d’exercer « un recours en

contestation de la validité du contrat », le Conseil d’Etat élargit l’office du juge en

précisant qu’il lui incombe de regarder les conséquences du vice entachant le contrat

et, par suite, de se prononcer en fonction de la nature de ses illégalités. Ainsi, le juge

du contrat saisi par un tiers en raison d’un manquement aux règles de publicité et de

mise en concurrence ne prononcera pas nécessairement l’annulation du contrat409, la

gravité de la mesure de sanction prise dépendant de celle de l’illégalité et de l’atteinte

à l’intérêt général. Lorsque l’annulation du contrat est envisagée, le juge devra

systématiquement faire appel à la théorie du bilan afin de vérifier que l’annulation ne

porte pas « une atteinte excessive à l’intérêt général ».

Ce mouvement de rationalisation de l’intérêt concurrentiel dans l’intérêt général s’est

par la suite imposé en matière de référé précontractuel où le juge est désormais tenu,

en vertu d’une décision SMIRGEOMES, de « rechercher si l'entreprise qui le saisit se

prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure

auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-

408 CE, Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, préc. 409 Le juge dispose d’un éventail de solutions : il peut soit prononcer la résiliation du

contrat ou modifier certaines de ses clauses, soit décider de la poursuite de son

exécution, le cas échéant, après que des mesures de régularisation aient été prises, soit

accorder une indemnisation, soit annuler totalement ou partiellement le contrat, le cas

échéant avec effet différé.

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157

ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente »410. Et, alors même

que le manquement satisferait les conditions énoncées par la décision SMIRGEOMES,

le juge n'est pas tenu de le sanctionner mécaniquement. Ainsi, avant d'ordonner à

l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations ou de suspendre l'exécution

de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, il devra prendre en

considération l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment l'intérêt

public, pour s'assurer que les conséquences négatives de ces mesures ne

l'emporteraient pas sur leurs avantages411.

Enfin, s’agissant du référé contractuel412, le juge devra soit prononcer la résiliation du

contrat, là encore en opérant un bilan tenant compte tout particulièrement de l’intérêt

public, soit prononcer la nullité du contrat ou la réduction de sa durée. Les possibilités

pour le juge de prononcé la nullité du contrat sont alors limitées à trois cas (violation

du délai de stand-still, violation de l‘effet suspensif du référé précontractuel, absence

de publicité), étant précisé qu’une alternative à la nullité du contrat est prévue si cette

dernière « se heurte à une raison impérieuse d‘intérêt général »: le juge peut

sanctionner le manquement par la résiliation du contrat, par la réduction de sa durée,

ou par une pénalité financière

Au final, l’expiation des irrégularités dans la mise en œuvre des procédures de

publicité et de mise en concurrence, rationalisée, ne permet pas de manière

automatique de porter atteinte à l’intérêt général dont est porteur le contrat. Ce

« renforcement du positionnement régulateur du juge »413 participe de

l’harmonisation de l’intérêt public et des intérêts privés et partant, de l’intérêt général.

410 CE sect., 3 oct. 2008, Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion

pour l'élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe, req. n° 305420,

AJDA 2008. 2161, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; RFDA 2008. 1128, concl. B.

Dacosta et 1139, note P. Delvolvé ; CMP 2008, n° 11, n° 215, note J.-P. Pietri. 411 art. L. 551-2 du CJA. 412 art. L. 551-13 à L. 551-23 du CJA. 413 M. UBAUD BERGERON et P. IDOUX, « Procédures de recours applicables aux

contrats de la commande publique . - À propos de l’ordonnance du 7 mai 2009 », JCP

G n° 36, 2009, étude p. 201.

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En effet, « la formulation de l’intérêt général dépend substantiellement d’une

méthode permettant de concilier la pluralité des intérêts tant publics que privés en

présence »414.Se dessine donc progressivement la figure d’un juge régulateur qui, de

manière pragmatique, usera de ses pouvoirs différenciés pour les mettre au service

d’un objectif surdéterminant de préservation de l’intérêt général.

2) La rationalisation des mécanismes de sanction de l’intérêt concurrentiel ouverts

aux parties

Depuis l’arrêt Commune de Béziers415, la mise en balance des intérêts contractuels et

concurrentiels se fonde désormais sur l’« exigence de loyauté dans les relations

contractuelles », laquelle contribue à rationaliser les irrégularités susceptibles d’être

soulevées par les parties devant le juge du contrat, qu’il s’agisse d’un recours

contestant la validité du contrat ou d’un litige relatif à l’exécution du contrat qui les

lie. En effet, il appartient désormais au juge de « vérifier que les irrégularités dont se

prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté

dans les relations contractuelles, invoquer devant lui ». Dans l’hypothèse d’un

recours en contestation de la validité du contrat, la démarche du juge sera proche de

celle prévalant dans le cadre du recours Tropic puisque, après avoir évalué la nature et

la gravité de l’irrégularité invoquée, le juge piochera parmi un panel de sanctions,

compte tenu des risques d’« atteinte excessive à l’intérêt général ».

Mais, plus encore que pour les tiers, les possibilités d’annulation du contrat en raison

d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence sont pour

l’essentiel exclues. En effet, au sein de ce panel, l’annulation apparaît comme un cas

de sanction exceptionnel que le juge ne prononcera que pour deux types

d’irrégularités, celles « tenant au caractère illicite du contenu du contrat » ou celles

relatives « à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans

lesquelles les parties ont donné leur consentement ». Il convient alors de relever que

la décision ne mentionne pas comme vice d’une particulière gravité une irrégularité

414 G. CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit

public en économie de marché, op.cit., p. 236, n° 414. 415 CE, Ass.,28 décembre 2009, Commune de Béziers, précit.

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qui entacherait la procédure de passation du contrat. Cette exclusion n’est pas un

hasard et contribue à moraliser les relations contractuelles entre les parties. En effet, si

de telles irrégularités peuvent porter préjudice aux tiers qui bénéficient pour cela de

voies d’accès spécifiques au juge pour les faire sanctionner, elles ne peuvent pas, à

proprement parler, porter préjudice au cocontractant de l’Administration dès lors que

celui-ci a finalement été choisi à l’issue de la mise en concurrence. Le juge évite ainsi

« les pièges de péripéties procédurales que les parties tentent parfois de tourner à

leur profit »416.

Cet équilibre entre logique contractuelle et logique concurrentielle, cette répartition

des voies d’action entre tiers et parties participe de la satisfaction de l’intérêt général.

D’un côté, les recours exercés par les tiers en rasion d’irrégularités affectant la mise

en concurrence permettent de participer de la protection de l’intérêt général

concurrentiel, composante acquise de l’intérêt général ; de l’autre, les recours exercés

par les parties au contrat demeurent soumis à une logique fondamentalement

contractuelle et permettent de participer à la protection de l’intérêt général

(contractuel) dont le contrat est le support.

§2. L’harmonisation vertueuse des intérêts contractuels et concurrentiels

Le travail de conciliation opéré par le juge entre les différents intérêts en présence

tend à induire une harmonosation vertueuse contribuant à une définition « néo-

moderne »417 de l’intérêt général poursuivi par la liberté contractuelle (A). L’examen

du tryptique liberté contractuelle - mise en concurrence - intérêt général permet alors

de dépasser les contrariétés apparentes entre intérêts contractuels et intérêts

concurrentiels pour en dégager une forme de synergie au plus grand bénéfice de la

fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle (B).

A) La contribution de la mise en concurrence à une définition « néo moderne » de

416 XD, « Le juge administratif, le contrat et les parties : un nouvel équilibre »,

ACCP, 2010, n° 97, p.81. 417 G. CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit

public en économie de marché, op.cit., p. 215, n° 376 et s.

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l’intérêt général poursuivi par la liberté contractuelle

A la fin des années 1990 le Conseil d’Etat a pu constaté une « crise de l’intérêt

général » née de l’affrontement de deux conceptions opposées de l’intérêt général.

« L’une, d’inspiration utilitariste, ne voit dans l’intérêt commun que la somme des

intérêts particuliers, laquelle se déduit spontanément de la recherche de leur utilité

par les agents économiques. (…).L’autre conception, d’essence volontariste, ne se

satisfait pas d’une conjonction provisoire et aléatoire d’intérêts économiques,

incapable à ses yeux de fonder durablement une société. L’intérêt général, qui exige

le dépassement des intérêts particuliers, est d’abord, dans cette perspective,

l’expression de la volonté générale, ce qui confère à l’Etat la mission de poursuivre

des fins qui s’imposent à l’ensemble des individus, par delà leurs intérêts

particuliers »418.

Appliquée à la matière contractuelle, cette dichotomie consisterait à qualifier l’intérêt

général dont est porteur le projet contractuel de volontariste, puisqu’émanant

directement de la volonté du décideur public, tandis que l’intérêt général concurrentiel

véhiculé par la mise en concurrence traduirait une formation utilitariste de l’intérêt

général dès lors que l’objectif déterminant des règles de passation est d’assurer une

libre et égale concurrence entre opérateurs économiques, la recherche de leur intérêt

respectif contribuant à la réalisation du bien commun. Une partie de la doctrine a ainsi

pu déplorer que l’essor du contractualisme en droit administratif s’accompagne d’

« un retour aux théories de Smith : l'intérêt général est envisagé comme la somme

algébrique des intérêts individuels, qui ne sont jamais mieux servis que lorsque les

individus sont laissés libres de travailler à satisfaire leurs intérêts particuliers »419.

Une nouvelle conception de l’intérêt général, a pourtant été proposée par Monsieur

Guylain CLAMOUR, permettant de transcender les deux premières et d’obtenir une

vision unique et « néo-moderne » de l’intérêt général. Cette figure de l’intérêt général

« néo-moderne » se fonde sur la participation des intérêts privés à la réalisation de

418 CE, L’intérêt général, Rapport public 1999, EDCE n° 50, Paris, La doc. Fr., 1999. 419 F. BEROUJON, « Evolution du droit administratif : avancée vers la modernité ou

retour aux Temps modernes », RFDA, 2008, p.449.

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l’intérêt général tout en préservant la prévalence de l’intérêt public sur les intérêts

privés grâce à une « détermination méthodologique ». Ainsi, « la prévalence de

l’intérêt public doit être nécessaire et le prouver rationnellement pour recouvrer

l’onction de la légitimité »420. La réalisation de l’intérêt général « néo-moderne »

suppose ainsi la mise en œuvre d’une « méthode de pesée des intérêts » couplée à un

« contrôle réflexif » de proportionnalité afin d’établir une démonstration rationnelle

de son efficacité et de sa légitimité. Au final, « dans ce schéma, l’intérêt général

passe du but à la décision elle-même. Justifiée par un ou plusieurs buts d’intérêt

général, elle est proprement d’intérêt général car elle réalise les fins nécessaires avec

l’efficacité d’un respect maximal des intérêts particuliers. Le volontarisme de la

puissance publique, certes atténué dans son ampleur, en ressort revigoré et légitimé

par une opposition rationnelle et incontestable aux intérêts privés »421.

C’est bien à travers de tels mécanismes que semble aujourd’hui déterminée la

fonction d’intérêt général de la liberté contractuelle. La mise en balance des intérêts

privés et publics, contractuels et concurrentiels effectuée par le juge administratif

permet une conciliation vertueuse de ces différents intérêts, laissant apparaître l’image

d’un intérêt général « néo-moderne » unifié. La liberté contractuelle récolte le fruit de

cette conciliation et, par là-même, assoit son efficacité et sa légitimité.

B) La synergie dégagée par le tryptique liberté contractuelle-mise en

concurrence-intérêt général

L’étude des rapports entre liberté contractuelle et mise en concurrence sous l’angle de

l’intérêt général conduit sans conteste à une régénération de la finalité poursuivie par

l’action publique contractuelle. Plutôt que de percevoir les concepts de liberté

contractuelle et de mise en concurrence de façon diamétralement opposée, il paraît

plus juste de les penser sous la forme d’un tryptique vertueux les associant à une

finalité commune : la satisfaction de l’intérêt général.

420 G. CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit

public en économie de marché, op.cit., p. 232, n° 405. 421 G. CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit

public en économie de marché, op.cit., p. 241, n° 420.

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En effet, dans un contexte concurrentiel de plus en plus prégnant, la fonction d’intérêt

général de la liberté contractuelle ne saurait se résumer à une détermination

volontariste du projet contractuel par le décideur public. Elle doit nécessairement tenir

compte de la dimension concurrentielle de l’intérêt général et donc du respect d’une

libre et égale concurrence entre opérateurs économiques. Pour autant, il apparaît que

l’intérêt général contractuel dont est porteur le contrat ne cède pas systématiquement

aux sirènes de la concurrence. Il apparaît même renforcé et protégé par la

consécration récente d’un mouvement jurisprudentiel et législatif de rationalisation de

l’intérêt général concurrentiel.

Cette synergie entre liberté contractuelle et mise en concurrence permet alors de

consacrer le caractère à la fois administratif et contractuel de l’action publique

contractuelle. La mise en concurrence permet la protection d’objectifs qui dépassent

le strict intérêt des parties (protection des deniers publics, moralisation de la vie

publique économique, protection de la libre concurrence sur la marché), tandis que la

liberté contractuelle s’inscrit désormais dans la loyauté et la stabilité afin de garantir

la protection des intérêts des cocontractants.

Cette harmonisation des différents intérêts en présence doit conduire à considérer que

le Marché ne se substitue pas au contrat, mais qu’il le perfectionne, que la mise en

concurrence n’annihile pas la liberté contractuelle, mais qu’elle la légitime.

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CONCLUSION

La célèbre formule de HIERING selon laquelle « la procédure est la sœur jumelle de

la liberté » revêt un sens tout particulier à l‘issue de l’étude menée. En effet, la liberté

contractuelle ne peut être absolue mais, pour exister, elle réclame que la

réglementation contractuelle soit la moins contraignante possible. Pour reprendre les

termes de Mohamed MAHOUACHI422, le législateur peut encadrer l’exercice de la

liberté contractuelle des personnes publiques afin de déterminer sa « mise en œuvre »,

sans toutefois aller jusqu’à sa « mise en cause », c’est-à-dire lui porter une atteinte

substantielle au point de la dénaturer. Ce n’est donc pas tant l’encadrement de la

liberté contractuelle par la mise en concurrence qui comporte un risque de « mise en

cause » mais plutôt les modalités et les motivations de cet encadrement.

En ce qui concerne les modalités de l’encadrement de la liberté contractuelle par la

mise en concurrence, elles font depuis quelques années l’objet d’une libéralisation au

bénéfice de la liberté des personnes publiques. La marge de manœuvre contractuelle

grandissante laissée aux parties tant en amont que pendant le processus de passation

du contrat l’atteste. Sans toutefois aller jusqu’à affirmer, à l’instar de Philipe

TERNEYRE, que « rien ne permet de démontrer (même pas un sentiment intuitif) que

globalement la liberté contractuelle des personnes publiques est plus encadrée que

celle des personnes privées »423, force est toutefois de constater qu’elle tend de plus

en plus à s’en rapprocher. Il apparait par ailleurs que, au-delà des stricts rapports entre

liberté contractuelle et mise en concurrence, la mise en concurrence joue un rôle

global d’articulation et de de conciliation des grandes libertés économiques : liberté

contractuelle des acteurs de la passation puisque « dans une économie de marché, la

liberté contractuelle des personnes publiques semble indispensable à celle de leurs

422 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, op.cit.,

p.555, n°802. 423 P. TERNEYRE, « Secteur public et concurrence : la convergence des droits. A

propos de la liberté contractuelle », AJDA, 2007, p. 1906.

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cocontractants »424. mais également, à n‘en pas douter, liberté d’entreprendre des

opérateurs économique et libre concurrence entre eux .

En ce qui concerne les motivations de l’encadrement de la liberté contractuelle par la

mise en concurrence, elles sont entièrement tournées vers l’intérêt général.

Finalement, contrairement aux apparences, les obligations de transparence, de

publicité et de mise en compétition contribuent à favoriser l’exercice de la liberté

contractuelle des personnes publiques en légitimant leur action dans l’objectif ultime

de servir l’intérêt général. Or, « quand la législation est tournée vers ce but, on peut

bien dire que le législateur met en œuvre la liberté contractuelle sans la mettre en

cause »425. Il apparait ainsi que « la finalité d’intérêt général de toute décision des

personnes publiques ne doit jamais être perdue de vue »426, ce qui suppose que la

mise en concurrence ne devienne pas une fin en soi mais demeure un instrument

d’optimisation et de légitimation du choix contractuel du décideur public, en un mot,

un outil au service de l’intérêt général.

Il n’en reste pas moins que la mise en concurrence ne peut, à elle seule, suffire à

garantir la probité et l’efficience de l’action publique contractuelle. La réalisation de

l’intérêt général passera nécessairement par ce que Monsieur Michel GUIBAL427

nomme avec élégance « la Vertu ».

Aux décideurs publics d’en user.

424 CH. BRECHON MOULENES, « La liberté contractuelle des personnes

publiques », art. préc., p.647. 425 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, op.cit.,

p. 556, n° 802. 426 CH. BRECHON MOULENES « Choix des procédures, choix dans les

procédures », art. préc., p.759. 427 M. GUIBAL, « Transparence et délégations de service public », LPA 1995, n°

110, p. 16;

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TERNEYRE. P et FATÔME. E, « A propos des règles de passation des contrats publics à objet immobilier et de travaux », AJDA 2009, p. 1868 XD, « Le juge administratif, le contrat et les parties : un nouvel équilibre », ACCP, 2010, n° 97, p. 81. YANNAKOPOULOS. C, « L’apport de la théorie de la libre concurrence à la théorie du contrat administratif », RDP 2008, n° 2, p. 421 III) THESES et RAPPORTS A) THESES BATTOUE.L, Contrats publics et interventionnisme économique, Paris XII, 2006 CLAMOUR. G, Intérêt général et concurrence, Essai sur la pérennité du droit public en économie de marché, Dalloz, vol. 51, 2006 GADHOUN. P-Y, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, Dalloz, vol. 76, 2008 HOEPFFNER. H, La modification du contrat administratif, bibliothèque droit public, LGDJ, t.260, 2009 MAHOUACHI. M, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, Presses universitaires d’Aix-Marseille (PUAM), 2002 NOGUELLOU. R, La transmission des obligations en droit administratif, bibliothèque de droit public, LGDJ, t. 241, 2004 B) RAPPORTS � L’intérêt général, Rapport public du Conseil d’Etat, 1999, EDCE n° 50, La doc. fr � Collectivités publiques et concurrence, Rapport public du Conseil d’Etat, 2002,

EDCE n° 53, La doc. fr � Le contrat, mode d’action publique et de production des normes, Rapport public

du Conseil d’Etat, 2006, EDCE n° 59, La doc. fr

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Table chronologique des décisions et avis cités

Conseil d’Etat:

CE, 22 novembre 1907, Coste, Rec. Lebon p.849.

CE, 23 juillet 1909, Combret, Rec. CE p.428 CE, 11 mars 1910, Compagnie générale française de tramways, GAJA, p. 134. CE, 9 janvier 1930, Ministre de la Marine, Rec. Lebon p. 23. CE, Sect., 20 octobre 1950, Stein, Rec. CE, p. 505. CE, 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, AJDA 1958, II, 282, concl. Kahn. CE, 11 décembre 1963, Ville de Colombes, Rec. CE, p. 611. CE, 4 octobre 1967, Trani, Rec. CE, p. 352. CE, 29 avril 1970, Société Unipain, Rec.CE p. 280 ; AJDA 1970, p.430, concl. G. Braibant. CE, Sect. 29 janvier 1982, Martin, n° 19926, Rec. CE 1982, p.44.

CE, 22 avril 1983, n° 21509, Auffret et Dumoulin : Rec. CE 1983, p. 160.

CE, 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents d’assurance des Hautes-Pyrénées, RFDA 1985, p. 20, concl. DANDELOT CE, Ass., 16 avril 1986, Société Luxembourgeoise de télédiffusion, RDP, 1986, p. 847 ; RFDA 1987, p1, note Devolve. CE, 17 décembre 1986, Syndicat de l’armagnac et des vins du Gers, RFDA 1986, p. 25. CE, 18 mars 1988, n° 57893, Loupias c/ Commune de Montreuil-Bellay, p.1420, note Llorens. CE, 12 octobre 1988, Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi c/ Société d’études, de réalisations, de gestion immobilière et de construction (SERGIC), Rec. CE, p. 338. CE, Sect. 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées c/ Syndicat de l’architecture de Haute-Garonne, Rec. CE, p. 41 ; RFDA 1992, p. 48, concl. M. Pochard. CE, 25 février 1994, SA Sofap-Marignan Immobilier, Rec.CE, p. 94 ; RFDA 1994, p.510, concl J. Arrighi de Casanova ; CJEG, p.550, note Fatôme et Teyrnere. CE, Sect., 3 novembre 1995, District de l’agglomération nancéenne : Rec. 391,

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RFDA. 1995, p.1077., concl. C. Chantepie. CE, 8 décembre 1995, Préfet de Haute Corse c/ Commune de Bastia, n° 168253, Rec. CE 1995, p.435, RD imm. 1996, p.206, obs. P. Terneyre. CE, 8 décembre 1995, Préfet de Haute Corse c/ Commune de Bastia, n° 168253, Rec. CE 1995, p.435, RD imm. 1996, p.206, obs. P. Terneyre. CE, 8 mars 1996, Commune de Petit-Bourg, req. n° 175065. CE, 29 décembre 1997, n°145567, Préfet des Côtes d’Armor c/ Commune de Dinan. CE, 28 janvier 1998, Société Borg Warner, n° 138 650, Rec. 1998, p.20 ; CJEG 1998, p.269, chron. F. Moderne ; AJDA 1998, p.287. CE, 6 février 1998, Tête, Rec. CE, p.30 ; concl. H. Savoie, RFDA 1998, p.412 CE, 1er avril 1998, Coenon, req. n° 150702. CE, 1er avril 1998, Département de Seine-et-Marne, n° 157602 CE, 22 juin 1998, Préfet du Puy-de-Dôme, BJCP, 1998, p. 36, concl. C. Bergeal. CE, 8 février 1999, n° 150931, Préfet des Bouches-du-Rhône c/ Commune de la Ciotat, Rec. CE, p.19 CE sect. des finances, 8 juin 2000, avis n° 36480 ; AJDA 2000, p.758, note L. Richer ; CJEG 2001, p.103, note Ch. Maugüe et L. Deruy ; CMP 2000, ch. Lorens ; BJCP 2001/15, p. 94, chr. Glaser. CE, 30 juin 1999, SMITOM Centre-Ouest Seine-et-Marnais, Rec. CE, p. 230, concl. Bergeal, AJDA 1999, p. 714. CE, 21 juin 2000, n° 209319, Syndicat intercommunal de la Côte-d’Amour et de la presqu’île guérandaise : Rec. CE 2000, p. 283 CE, 29 novembre 2000, Commune de Païta, Rec. 574; L. Richer, AJDA 2001, p. 219.

CE avis 29 juillet 2002, Société MAJ Blanchisserie de Pantin, req. n°246921 ; CE 23 février 2005, Association pour la transparence et la moralité dans les marchés publics (ATMMP), req. n° 264712, 265248, 265281 et 265243.

CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, n° 223445 ; AJDA 2003, p. 1727, note J-D Dreyfus. CE, avis, 23 octobre 2003, Fondation Jean Moulin, n° 369315, EDCE n° 55, p. 209. CE, 3 mai 2004, Fondation Assistance aux animaux, req. n° 249832, BJCP n°37, 2004, p.464, concl. E. Glaser et C. Maugüe.

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CE 11 mai 2004, Association AC!, n° 255886, Rec. Lebon 197 : RFDA 2004. 454, concl. C. Devys ; AJDA 2004. 1183, chron. C. Landais et F. Lenica. CE, 29 décembre 2004, Société SOCCRAM, n°239681, BJCP 2005, n° 40, p. 216, concl. Casas. CE, 23 février 2005, Association pour la transparence et la moralité dans les marchés publics (ATMMP), req. n° 264712, 265248, 265281 et 265243. CE sect. des travaux publics, 19 avril 2005, avis n° 371.234, EDCE 2005 ; AJDA 2006, p. 1371, étude N. Symchowicz et P. Proot ; CMP 2006, n°12, étude 19, H. Hoeppfner p. 197. CE, 8 juin 2005, M. Tomaselli, Commune de Ramatuelle, n° 255987, Rec. 875 et 964; BJCP n° 42, p. 381, concl. N. Boulouis. CE, ord., 29 juin 2005, Commune de la Seyne-sur-Mer, req. n° 267992. CE, 7 octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais, req. n° 278732, JCP.A 2005, n° 1345, p. 1594, concl. D. Casas. CE, Ass., 4 novembre 2005, n° 247298 et 247299, Société Jean-Claude Deceaux, Rec. CE, p. 227, concl. Casas, RFDA 2005, p. 1083. CE, 20 octobre 2006, Communauté d’agglomération Salon-Etang-de-Berre, n° 287198. CE. Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, BJCP, 2007, n° 53, p. 283, concl. Seners. CE Sect. 9 juillet 2007, Syndicat EGF-BTP et autres; BJCP 2007, p. 366, concl. Boulouris ; AJDA 2007, p.1593, note Dreyfus ; JCP A 2007, comm. 2213, note Linditch CE, Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation , n° 291545, Rec. Lebon 360 :AJDA 2007. 1577, chron. F. Lenica et J. Boucher ; RFDA 2007. 696, concl. D. Casas, p. 917, étude F. Moderne, p. 923, note D. Pouyaud et p. 935, étude M. Canedo-Paris. CE. Sect., 11 juillet 2008, Ville de Paris, req. n° 312354. CE sect., 3 oct. 2008, Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion pour l'élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe, req. n° 305420, AJDA 2008. 2161, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; RFDA 2008. 1128, concl. B. Dacosta et 1139, note P. Delvolvé ; CMP 2008, n° 11, n° 215, note J.-P. Pietri. CE, 5 nov. 2008, Commune de Saint-Nazaire et la Carenne, n°310484 CE, Sect., 30 janvier 2009, Agence nationale pour l’emploi , n° 290236, concl. B.

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Dacosta, BJCP, 2009/64, p. 201. CE, 4 mars 2009, Syndicat national des industries d’information de santé (SNIIS), req. n° 300480. CE, 1er avril 2009, Communauté urbaine de Bordeaux c/ Société Kéolis, n° 323585 et 323593, AJDA 2009, p.621. CE, 10 juin 2009, n° 317671, Port autonome de Marseille : JurisData n°2009-075605. CE, 10 juin 2009, n° 324153, Région Lorraine c/ ACE BTP CE, 23 décembre 2009, Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, .n° 330054. CE, Ass.,28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802 : AJDA 2010, p.142, chron. S-J Liéber et D. Botteghi ; CMP 2010, repère 2, F. Llorens et P. Soler-Couteaux, JCP A 2010, 2070, comm. F. Linditch. CE, 10 fevrier 2010, M. Perez, n° 329100. CE, 24 février 2010, Communauté de communes de l’enclave des Papes, n° 33569. Tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel TA Nîmes, 24 janvier 2008, Société des trains touristiques Eisenreich, n° 0620809, RLC, 2008, n° 16, p. 38, Rev. Lamy Concurrence 2008, n°16, p.38, note G. Clamour ; AJDA 2008, p.2172, note J-D Dreyfus

TA Versailles, ord. 28 mai 2009, n°09-4447, Sté Antenna Radio : CMP 2009, comm.237, obs. F. Llorens

TA Poitiers, ord. 31 décembre 2009, Compagnie des eaux de Royan, n° 0902893. CAA Marseille, 23 janv. 2003, Commune de Six-Four-Les-Plages, req. n° 99-00209.

CAA Bordeaux, 9 novembre 2004, Société Sogédis c/ Commune de Cilaos, n° 01BX00381, AJDA 2005, p.257. CAA Marseille, 26 mars 2007, Commune de Briançon, req. n°04-04412, CMP 2007, comm. n°193, G.Eckert. CAA Nancy, 19 mars 2009, n° 07NC01433, Doucet c/ Hôpital local de Montier en Der.

CAA Lyon, 14 mai 2009, n° 07LY02163, SEMERAP Conseil Constitutionnel CC, 20 janvier 1993, Loi relative à la prévention de la corruption, Rec. CC p. 14.

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CC, 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, n° 2003-473 : CMP, 2003, chron. F. Linditch ; AJDA 2003, p.1391, note J.E Schott ; DA 2003, comm. 188 et 191, note A. Ménémesis ; RDP 2003, p.1163, étude F. Lichère. CC, 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l‘énergie, DC 2006-543 : CMP, 2007, comm. n°274, note G. Eckert ; RFDA, 2006, p. 1163, note R. de Bellescize ; DA 2007, comm. 14, note M. Bazex ; LPA, 2007, n° 4, p. 3, note C. Clarence. Cour de justice des Communautés européennes CJCE, 25 novembre 1986, Klensch, aff. 201 et 202/85. CJCE, 20 septembre 1988, Beentjes BV c/ Etat des Pays-Bas, affaire 31/87. CJCE, 18 novembre 1999, Teckal Srl, aff. C-107/98, concl. Cosmas, Rec. I-8121 CJCE, 5 octobre 2000, Commission c/ France, Syndicat départemental d‘électrification de la Vendée, aff. C-16/98. CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH, Aff. C-324/98 ; AJDA 2001, p.106, note L.Richer; DA 2001, n°85, note Benjamin ; Europe 2001, n°61, note Kauff-Gazin. CJCE, ord., 3 décembre 2001, Ben Mousten Vestergaard , aff. C-9/00. CJCE, 17 sept. 2002, Concordia Bus Finland Oy Ab et Helsing in Kaupunki, aff. C-513-99 CJCE, 20 octobre 2005, Commission c/ France, aff. C-264/00. CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26/03, Rec. I-1 : ACCP, 2005, n° 42, p.2; article D.Capitant ; AJDA 2005, p. 898, note F. Rolin. CJCE 13 novembre 2007, Commission c/ Irlande, aff. C-507/03. CJCE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GbmH c/ Autriche , aff. C-454/06: CMP 2009, n° 186, note Zimmer, et repère n° 9, note Llorens et Soler-Couteaux ; AJDA 2008, p. 2008, note Dreyfus ; DA, 2008, n° 132, note Noguellou ; BJCP 2008/60, p. 336, note Schwartz. CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant SA, aff. C-324/07. CJCE, 15 octobre 2009, Acoset SpA, aff. C-196/08.