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OMÉO ET ULIETTE William Shakespeare Mise en scène Éric Ruf

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OMÉO ET ULIETTE

William ShakespeareMise en scèneÉric Ruf

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Version scénique d’après la traduction deFrançois-Victor Hugo CostumesChristian LacroixLumièreBertrand Couderc Travail chorégraphique Glysleïn Lefever Arrangements musicaux Vincent Leterme SonJean-Luc Ristord Collaboration artistique Léonidas Strapatsakis MaquillagesCarole Anquetil Assistante mise en scèneAlison HornusAssistante scénographie Dominique Schmitt

AvecClaude Mathieu la NourriceMichel Favory* le Prince Christian Blanc* MontaiguJérôme Pouly* le Comte Pâris Christian Gonon* TybaltSerge Bagdassarian Frère LaurentBakary Sangaré Frère Jean Pierre Louis-Calixte MercutioGilles David* le Prince, Montaigu Stéphane Varupenne* TybaltSuliane Brahim JulietteNâzim Boudjenah* BenvolioJérémy Lopez Roméo Danièle Lebrun Lady Capulet Elliot Jenicot* le Comte Pâris Laurent Lafitte* BenvolioDidier Sandre Capuletet les comédiens de l’Académie Marina Cappe, Ji Su Seong, AmarantaKun Musiciennes, Jeunes FillesTristan Cottin BalthazarPierre Ostoya Magnin SamsonAxel Mandron Pierre* en alternance

La Comédie-Française remercie M.A.C COSMETICS IChampagne Barons de Rothschild I Baron Philippe de Rothschild SARéalisation du programme L’avant-scène théâtre

ROMÉO ET JULIETTE de William Shakespeare

Mise en scène et scénographie

Éric Ruf30 septembre 2016 > 1er février 2017durée 2h45 avec entracte

Le décor et les costumes ont été réalisés dans les ateliers de la Comédie-Française

Claude Mathieu, Suliane Brahim

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LA TROuPE

SOCIÉTAIRES

les comédiens de la Troupe présents dans le spectacle sont indiqués par la cocarde

Gérard Giroudon Claude Mathieu Martine Chevallier

Véronique Vella Michel Favory Thierry Hancisse Anne Kessler

Cécile Brune Sylvia Bergé Éric Génovèse

Coraly Zahonero

Bruno Raffaelli

Christian Blanc Alain Lenglet Florence Viala

Denis Podalydès Alexandre Pavloff Françoise Gillard Céline Samie

Clotilde de Bayser Jérôme Pouly Laurent Stocker Guillaume Gallienne

Laurent Natrella Michel Vuillermoz Elsa Lepoivre Christian Gonon

Julie Sicard Loïc Corbery Serge Bagdassarian Hervé Pierre

Bakary Sangaré Pierre Louis-Calixte Christian Hecq Nicolas Lormeau

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Gilles David Stéphane Varupenne

Clément Hervieu-Léger

Suliane Brahim

Georgia Scalliet Nâzim Boudjenah

Jérémy Lopez

Adeline d’Hermy

Danièle Lebrun Jennifer Decker Elliot Jenicot

Laurent Lafitte

Noam Morgensztern Claire de La Rüe du Can Didier Sandre

PENSIONNAIRES

Louis Arene Benjamin Lavernhe Pierre Hancisse

Sébastien Pouderoux

Anna Cervinka Christophe Montenez

Julien Frison

Rebecca Marder Pauline Clément

Dominique Blanc

COMÉDIENS DE L’ACADÉMIE

ADMINISTRATEURGÉNÉRAL

Éric Ruf

SOCIÉTAIRESHONORAIRES

Gisèle CasadesusMicheline BoudetJean PiatRobert HirschLudmila MikaëlMichel Aumont

Geneviève CasileJacques SereysYves GascFrançois BeaulieuRoland BertinClaire VernetNicolas SilbergSimon EineAlain PralonCatherine Salviat

Catherine FerranCatherine SamieCatherine HiegelPierre VialAndrzej SewerynÉric RufMuriel Mayette-Holtz

Marina Cappe

Tristan Cottin Ji Su Jeong Amaranta Kun Pierre Ostoya Magnin

Axel Mandron

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SuR LE SPECTACLE✴À Vérone, une rivalité ancestrale oppose Capulet et Montaigu, corrompanttoutes les couches de la société. Cette haine ordinaire est régulièrementalimentée par des rixes et des crimes de sang qui rythment le quotidien.Lorsque Roméo Montaigu rencontre Juliette Capulet naît immédiatemententre eux un amour dont ils savent l’éternité et pressentent la fin tragique.

L’auteurEntre la fin du xVIe et le début du xVIIe siècle, William Shakespeare (1564-1616) écrit plus de 35 œuvres dramatiques qui sont généralement diviséesen trois catégories : les comédies (Le Songe d’une nuit d’été, La Nuit desrois…), les tragédies (Titus Andronicus, Othello…) et les pièces historiques(Richard II, Henri VI...). Son écriture théâtrale est unique non seulementpar la richesse et la poésie de sa langue mais aussi parce que chaquepièce emprunte à tous les genres et à tous les styles. Il est aussi considérécomme l’un des premiers dramaturges à s’être intéressé au développementdu personnage ainsi qu’à la nature et aux émotions humaines. Il publie Roméoet Juliette en 1597. À l’occasion du 400e anniversaire de sa mort le 23 avril2016, la Troupe lui rend hommage sur la plateau de la Salle Richelieu.

Le metteur en scèneComédien, scénographe et metteur en scène, Éric Ruf est aujourd’huisociétaire honoraire de la Comédie-Française dont il est l’administrateurgénéral depuis août 2014. Il réalise de nombreux décors au théâtrecomme à l’opéra, et notamment ceux de ses propres mises en scèneparmi lesquelles Peer Gynt d’Ibsen et aujourd’hui Roméo et Juliette.Cette saison, il assurera la mise en scène et la scénographie de Pelléaset Mélisande de Maeterlinck au Théâtre des Champs-Élysées (mai 2017)ainsi que les scénographies du Petit-Maître corrigé de Marivaux mis enscène par Clément Hervieu-Léger Salle Richelieu (décembre 2016) et deLa Cenerentola de Rossini mise en scène par Guillaume Gallienne àl’Opéra national de Paris ( juin 2017).

RACONTER uNE HISTOIRE✴ Redonner, réexposer les pièces légendaires, celles qui font partie de lamémoire collective, est l’une des missions de la Comédie-Française.Pourtant, Roméo et Juliette n’y a pas été donné depuis 1954. Tentant d’encomprendre les raisons, j’ai découvert une sorte de pièce fantôme, un mythesi présent dans les esprits qu’il en est devenu autarcique, tournant sur lui-même, souvent très loin de la réalité complexe de la pièce de Shakespeare.Cette distance me passionne. L’imaginaire collectif autour du répertoireme fascine. On parle souvent de tradition d’interprétation chez lesacteurs ou dans les théâtres mais elle existe aussi chez les spectateurs.Strates de lectures accumulées au fil des siècles, gravures, couverturesdes livres de poche, films, opéras, balcons transfuges de Shakespeare àRostand. Ces confusions altèrent la lecture de la pièce et lui font perdredes plumes : la rudesse, la luxuriance, l’humour de Shakespeare s’entrouvent tamisés, en quelque sorte arasés. Pour commencer donc, revenir à l’essentiel, tenter ce viatique hérité dePatrice Chéreau : raconter une histoire. Et pour cela, il me fallait faireune lecture littérale, m’efforcer d’ôter les filtres, déblayer parmi les couchesde sédiments successives. Shakespeare est un immense raconteur d’his-toires et celle de Roméo et Juliette est d’un foisonnement extraordinaire.Ce n’est pas l’œuvre d’un Shakespeare assagi et univoque mais celle del’auteur du Songe et de Macbeth mêlés. Pour parvenir à faire entendrece texte, je crois qu’il est nécessaire de déplacer la mire, de trouver unefrange, un entre-deux d’époque, d’esthétique, une jachère suffisammentinactuelle et contemporaine pour que le spectateur n’y reconnaisse pasimmédiatement une intention manifeste mais se laisse porter par l’histoire. L’Italie bien sûr, mais une Italie pauvre où l’on observe sur les murs délabrés et beaux le souvenir d’une civilisation glorieuse. Une Italie duSud où la chaleur écrase les places et échauffe les esprits. Une Italie d’entre-deux-guerres encore extrêmement pieuse où les peurs irraisonnées, lescroyances populaires demeurent vivaces. Une Italie pauvre où la qualité

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de la langue sera d’autant plus audible si elle n’est pas noyée dans lesmoirures des velours et les cols de fourrure de la Renaissance et si ellese frotte à la grandeur perdue de façades écaillées. L’Italie de la vendettaoù la vengeance, la mort sont laissées en héritage sans que personnene puisse remonter à la source des antagonismes.

SHAKESPEARE, uN HOMME DE PLATEAu ✴ La langue deShakespeare, dans la distance qui nous sépare d’elle, peut être un obstacleà sa compréhension. Mais je considère Shakespeare comme un hommede plateau, comme un directeur d’acteurs, je sens chez lui la prédominancedu jeu, de l’acte sur la parole ou au moins son égalité. Solutions scéniques,contraintes spatiales, rapport au public, ces contingences traversentconcrètement son œuvre. Pour rendre l’histoire intelligible, il faut, je pense,que la langue soit simple en français et que la complexité de l’anglaissoit déportée sur la construction des personnages et dans les rapportsqu’ils entretiennent. La langue doit rester vivante, elle doit pouvoir setransformer à l’épreuve de la répétition et du plateau.Cela vaut pour l’ensemble du traitement de la pièce : en neutralisant lacodification théâtrale des hiérarchies sociales, on se concentre mieuxsur la complexité des rapports familiaux. En s’éloignant de la lectured’une rivalité entre bandes (qu’a sédimentée West Side Story), on découvrecelle des individus.

LA PRESCIENCE DE L’AMOuR INCIVIL✴ C’est ce regard qu’il a falluposer sur l’histoire d’amour elle-même : la débarrasser de tout roman-tisme écrasant, plaqué a priori sur la rencontre de Roméo et de Juliette,pour voir que cette histoire existe avant tout par sa fulgurance.Il ne s’agit pas ici de comprendre cet amour, sa nature et son origine maisd’en reconnaître la course folle. Ces deux-là s’entendent en tout cas surle langage, immédiatement, hauteur et poétique, jeu verbal incessant,prescience, dès l’amorce, de leur fin si proche.Ils sont comme des surdoués de l’amour, sachant à deux, intuitivement,très vite, qu’il a maille à partager avec la mort, chacun jouant l’Orphée

de son Eurydice, tour à tour. On songe à La Nuit sexuelle de PascalQuignard dont ils auraient fait une lecture impressionnée. Amour foude tranchées, de guerres civiles. Tout consommer, se consumer autant.Le vrai romantisme n’est traversé que de cette idée-là, c’est pour celaque ça va vite, que ça vit, que ça meurt. Pour cela que c’est juvénile maisen aucun cas naïf. Il s’agit d’animalité aussi, de mort, de violence, de sang.On se bat à l’arme blanche, on se tue à coups de couteau, cela saigne. Jepense à Palerme et à ses catacombes où les corps sont disposés, debout,dans leurs habits du dimanche. Où la chaleur fait transpirer, énerve,où la splendeur passée et défraîchie abrite les esprits échauffés. La duretéminérale d’un tombeau à ciel ouvert dans lequel Roméo et Juliette seprécipitent en quelques heures…

LE PARADOxE FAIT THÉâTRE ✴ Et ce paradoxe se retrouve natu-rellement chez l’ensemble des personnages, il n’y en a pas un qui ne soitécrit dans la tension entre sa fonction dramatique et son individualité.Benvolio, Mercutio et Roméo ne font pas bande, ils sont très insulaires,singuliers, complexes et contradictoires. On pense de Roméo qu’il estun jeune garçon héroïque et brillant mais c’est l’antihéros par excellence,l’opposé de l’amoureux transi ou du chef de bande. Juliette quant à elleest d’une force stupéfiante et porte la transgression. On trouve cescontradictions dans les drames historiques, chez ces seigneurs de guerre,barbus, rotant et « falstaffant » mais s’appelant entre eux « mon douxseigneur ». Corps rude et rareté du langage, tout Shakespeare est là àmes yeux. J’ai choisi des acteurs portant en eux ces paradoxes, je voulaisqu’ils aient des « gueules », des physiques et des personnalités qui nesimplifient rien de leurs contradictions, à mi-chemin entre ce que l’onpeut attendre du rôle et son exact opposé.

Éric Ruf, octobre 2015

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SuR LES COSTuMES✴ Les premières notes envoyées très tôt par Éric Ruf (et auxquelles il n’apas dérogé ensuite) étaient aussi inattendues que limpides et remar-quables. D’une pertinence fulgurante, inspirante. Son approche plus quepersonnelle me semble donner à cette pièce pleine de chausse-trapes etde conventions, aussi familière que mystérieuse, un éclairage radicalementnouveau, plus que fidèle à l’essence même de l’œuvre. Une évidence sanstricherie.La lumière aveuglante de cette nouvelle Vérone entre Balkans et Italie,avec peut-être une touche de Maghreb, cette ville blanchie comme desossements par la canicule, ces vestiges dégradés d’une splendeur oubliée,ce cimetière à ciel ouvert : avant même qu’il n’ait traduit sa vision enmaquettes de décors, elle rayonnait en moi comme une guidance. Je me suis aussitôt plongé dans ces milliers d’images amassées avecfringale et frénésie depuis des décennies, collectant ce qui pouvait nourrir,illustrer, concrétiser les récits de cette transposition sans distorsion niposture ou sophistication : photos de films, toutes périodes et provenancesconfondues, parfois pour un simple geste, une intuition, une ambianceou un détail précis, lyrique ou ordinaire. Bref, toute une matière, une pâteà faire lever façonnée de clichés noir et blanc qui, juxtaposés, pouvaientapparaître comme de successifs arrêts sur images muettes, presque unroman photo, rappelant ces images que les forains montraient dans lesvillages d’Italie du Sud pour conter leurs histoires à ceux qui ne savaientpas lire. Ainsi, par petites touches, détails ou éléments précisent les costumes déjàen partie induits par la personnalité des comédiens, choisis souvent presqueà contre-emploi, qu’ils habilleront. Cette méthode m’inspire un travailde collages photographiques plutôt que de classiques maquettes dessinéeset peintes. Ces assemblages hétérogènes finissent par construire chaquepersonnage et la concrète netteté des documents photographiques parlemieux aux divers intervenants qu’un croquis impressionniste, imprécis.

Peu à peu l’époque se resserre : nous sommes entre les années 1930 et1940, avec quelques nostalgies pour certains rôles décalés. On rechercheune ambiance homogène, entre précision historique et pure poésie,selon une gamme où se mêlent couleurs assez cinématographiques etsépia rappelant les clichés jaunis d’un vieil album. Pour construire cet univers à la fois palpable et imaginaire, je mélangedes costumes entièrement confectionnés pour la production à des éléments issus des stocks si riches du Français : costumes d’époqueauthentiques, bribes recyclées de productions passées ainsi que tout untrésor de hardes sublimes, de broderies éteintes mais rares, le nimbesubtil de dentelles écorchées d’autant plus expressives.L’action de Roméo et Juliette se déroule en quatre jours, souvent la nuit.Même si le parti pris d’Éric Ruf est de niveler toute la société véronaisepour la fondre en celle d’un village où la richesse n’est pas si éloignéeen apparence de la pauvreté, chaque personnage doit être dosé par des harmonies particulières, il a sa « coupe », sa « couturière » ou son« tailleur », son « goût ». Pas de différence entre Capulet et Montaigu,pas de gamme spéciale pour les uns ou les autres : le noir de deuil côtoiela non-couleur, les gris et les bruns qui contrastent à peine avec quelquespastels. Et le rouge est surtout celui du sang, dans le décor. Alors leslumières sont d’une importance capitale. Elles signent pour moi cinquantepour cent d’un costume et nous travaillons en étroite collaboration avecBertrand Couderc pour que ces « peintures électriques » viennentdonner leur homogénéité finale à la palette.

Christian Lacroix, octobre 2015

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Stéphane Varupenne, Claude Mathieu, Jérôme Pouly, Suliane Brahim, Axel Mandron,Marina Cappe, Nâzim Boudjenah

Serge Bagdassarian, Jérémy Lopez, Pierre Louis-Calixte, Tristan Cottin, Bakary Sangaré, Didier Sandre, Pierre Ostoya Magnin, Danièle Lebrun, Amaranta Kun

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Didier Sandre, Pierre Louis-Calixte, Jérémy Lopez, Nâzim BoudjenahAxel Mandron, Amaranta Kun, Tristan Cottin, Marina Cappe, Pierre Ostoya Magnin

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Christian Blanc, Laurent Lafitte, Bakary Sangaré, Christian Gonon Elliot Jenicot, Michel Favory, Danièle Lebrun, Didier Sandre

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Jérémy Lopez Suliane Brahim

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Jérémy Lopez, Jérôme Pouly Suliane Brahim

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uN MYTHE PERDu DANS SES VARIATIONS✴ Évoquer les noms de Roméo et Juliette aujourd’hui, c’est faire usagedans le langage courant d’un stéréotype amoureux. L’image immédiatementassociée à ce couple est devenue le lieu commun d’un amour absolu,celui de deux (très) jeunes gens pris dans la rivalité meurtrière de leursfamilles respectives qui meurent de ne pas renoncer à leur passion maudite.Mais si cette projection tend à résumer la pièce de Shakespeare, elle enfausse par ailleurs la lecture, réduisant l’œuvre dramatique, complexe etprotéiforme, à sa seule sentimentalité tragique. Comme leur adolescencetourmentée dans un environnement ultraviolent, l’amour de Roméo etJuliette est brutal, bouillant et morbide à la fois, constant et volubile, etsurtout follement érotique.Pour comprendre comment cette pièce a pu générer tant de fantasmes sursa représentation mentale et théâtrale, il faut d’abord remonter plus loinque son écriture. L’intrigue amoureuse de la pièce se trouve à la croiséede diverses sources historiques et littéraires. Fait divers de l’Italie de laRenaissance, dramatisé en quelques pages par Matteo Bandello en 1554,le récit traverse l’Europe et parvient en Angleterre grâce à Arthur Brookesous la forme d’un long poème de trois mille vers qui devient vite popu-laire. Sous la plume de Shakespeare vers 1597, l’histoire se transformeà nouveau, inspirée par d’autres grandes amours tragiques de la littératurecomme celles de Tristan et Yseult ou de Pyrame et isbé. La pièce cris-tallise donc plusieurs éléments d’une culture populaire extrêmementvivace et tisse ainsi un motif tragique universel pour devenir à son tourla source inépuisable d’adaptations littéraires, picturales, musicales,opératiques, et bien sûr cinématographiques, dont les multiples variationsconstituent la matière de ce grand mythe romantique.Mais les sources de Shakespeare dépassent cette dimension romantique,les arrière-plans politiques ancrent l’histoire d’amour dans une réalité

Suliane Brahim, Jérémy Lopez

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poétique. C’est le grand enseignement de Stanislavski, qui ouvrira lavoie à des études shakespeariennes de plateau fondamentales. Mais, alors que le théâtre se dote des armes nécessaires à une lectureplus aiguë de cette œuvre magistrale, le cinéma vient bouleverser lescodes de la représentation shakespearienne et nos imaginaires. On dénombre plus de vingt adaptations cinématographiques de Roméoet Juliette, et les plus notables sont toutes américaines. Or le cinéma,parce qu’il joue avec une représentation du réel indépendante de touteconvention théâtrale, possède une terrible immédiateté. À cet égard, leRoméo et Juliette réalisé par Franco Zeffirelli en 1968 est particulièrementparlant : toute la représentation du contexte social est filtrée par l’esthétiquechatoyante des années 1960. La jeunesse des personnages prévaut sur la violence du cadre et l’on y tue sans le vouloir, en riant beaucoup,parce qu’aucun des jeunes qui composent ces bandes rivales n’est véri-tablement responsable de cette haine qui les traverse. Quant à l’histoired’amour, elle est lue comme un drame éthéré, poétisé et presque chaste.Et l’on pense naturellement à l’autre grande relecture hollywoodiennede ce mythe shakespearien, West Side Story, qui a certes constitué uneévolution musicale et chorégraphique importante mais également fabriqué, sur le plan de la romance, un nouveau modèle venu nourrirle stéréotype amoureux de notre inconscient collectif.

Adrien Dupuis-Hepner, metteur en scène-dramaturge de l’Académie 2015-2016

Anaïs Jolly, professeure-relais, service éducatif de la Comédie-Française

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noire. La Vérone de 1303 représentée dans la pièce est une cité-Étatd’Italie en pleine transition d’un système médiéval rongé par les querellesentre familles et corporations rivales à une nouvelle ère politique où leprince, à l’instar de celui de la pièce, va désormais régir la société. Dante,témoin de cette transition, représente d’ailleurs dans la Divine Comédieles Montecchi et les Capuleti en fauteurs de troubles notoires de la cité.L’Angleterre de Shakespeare, quant à elle, sort à peine de la guerre desDeux-Roses et les querelles entre les York et les Lancastre constituentle matériau principal de la plupart de ses tragédies historiques, dont lenotoire Henri VI et Richard III – épilogue macabre et sanglant de cettetétralogie. Le thème de la rivalité familiale ou politique n’est donc pasmarginal dans l’œuvre de Shakespeare mais il est souvent écarté carconsidéré, à tort, comme trop marqué historiquement et donc moinssaisissant pour un public contemporain. C’est pourtant lui qui met enlumière la violence extrêmement réaliste qui jalonne son œuvre.De façon plus prosaïque, la simplification de la pièce trouve aussi uneexplication dans le problème de traduction et d’adaptation. Graveleuseet potache autant que poétique et lyrique, tragique et comique, la languede Shakespeare intimide, fascine et peut parfois paraître opaque, voireinaccessible. Les romantiques français sont parmi les premiers à pressentirla richesse de ce théâtre encore dissimulée au xIxe siècle sous des traductionset imitations plus ou moins maladroites, voire totalement irréalistes. « Shakespeare a la tragédie, la comédie, la féerie, l’hymne, la farce, levaste rire divin, la terreur et l’horreur et, pour tout dire en un mot, ledrame. Il touche aux deux pôles. Il est de l’Olympe et du théâtre de lafoire » dira Victor Hugo. Néanmoins, malgré quelques tentatives, ilsne parviennent pas à proposer une traduction qui soit à la hauteur deleurs ambitions et le mélodrame tragique perdure un siècle de plus.Il faudra attendre le xxe siècle pour que les traducteurs relèvent le défi de coller au texte shakespearien, et nous donnent accès à toute sacomplexité. Parallèlement, l’évolution de l’art dramatique conduit acteurset metteurs en scène à s’emparer de cette matière du point de vue de laconstruction de ses situations et non plus seulement de son incarnation

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des adaptations de 1852 à 1916. Les commentaires des lecteurs desmanuscrits sont éloquents : le sujet a été suffisamment « exploité », « il n’y a plus lieu d’y revenir ». Il faut attendre 1920 pour que l’administrateur Albert Carré commandeune pièce à André Rivoire, Juliette et Roméo, mise en scène en 1920. Endehors des duels et des morceaux de bravoure, la pièce paraît bien fadeet a des allures d’exercice littéraire. En 1938, la version de Jean Sarmentnous éloigne définitivement de la libre adaptation. Il simplifie la pièce,égalise tout en restant dans une certaine fidélité au texte et peut se targuerd’avoir enfin fait entrer la pièce au répertoire de la Comédie-Françaiseen 1952. Jouée 68 fois de 1952 à 1954, elle n’y fut jamais reprise depuis.

Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française

uNE PIèCE FANTôME Du RÉPERTOIRE✴ Longtemps perçue comme étant en contradiction avec la traditionthéâtrale française, la dramaturgie de Shakespeare, comme l’ensembledu répertoire étranger, nous parvient par le filtre de ses adaptations ettraductions. Les auteurs qui l’adaptent tentent de concilier la richessede la fable avec les codes du supportable pour un public qui, depuisVoltaire, oscille entre fascination et répulsion à son égard.Le cas de Roméo et Juliette à la Comédie-Française est à ce titre particuliè-rement édifiant ; si la pièce y est très peu jouée et n’a jamais été reprisedepuis 1954, les archives du comité de lecture montrent qu’elle fut trèssouvent proposée par des auteurs-adaptateurs désireux de s’emparerdu mythe. Depuis la fin du xVIIIe siècle, les réécritures et adaptationssont nombreuses, chaque auteur se réappropriant l’histoire et présentantsa version au comité de lecture de la Comédie-Française avec un succèsmitigé. Jean-François Ducis se lance notamment dans la rédaction de satragédie « imitée de l’angloise ». La pièce est créée sur la scène du Françaisle 27 juillet 1772 : Montaigu est le véritable héros de cette tragédie totalement revisitée qui s’inspire à la fois de Shakespeare et de Dante.La reprise de 1827 échoue après trois représentations. Très vite, l’adap-tation de Roméo et Juliette devient l’objet d’un combat d’écoles et joueun rôle prépondérant comme prémices de la bataille d’Hernani. VictorHugo croit en la pièce de 1828 du tandem Émile Deschamps-Alfred deVigny dont il espère qu’elle lancera la révolution romantique. Les acteursla plébiscitent mais c’est finalement celle de Frédéric Soulié, tenant duclassicisme, qui entre au Répertoire en 1832. Les représentations n’irontpas au-delà de la première. Alors que l’histoire de Roméo et Juliette connaîtune immense fortune dans le champ iconographique, les comédiensn’osent pas reprendre la pièce. Les sollicitations émanant des auteurssont pourtant nombreuses : pas moins de huit d’entre eux en proposent

ROMÉO ET JuLIETTE À LA COMÉDIE-FRANçAISE27 juillet 1772 : Roméo et Juliette, tragédie en cinq actes, en vers, deJean-François Ducis, Salle des Tuileries, décor de Brunetti. Roméo (Molé),Juliette (Mlle Saint-Val aînée), Montaigu (Brizard).16 novembre 1832 : Roméo et Juliette, tragédie en cinq actes, en vers, deFrédéric Soulié, Salle Richelieu, décor de Ciceri. Roméo (Beauvallet),Juliette (Mlle Anaïs), Capulet (Saint-Aulaire).1er juin 1920 : Juliette et Roméo, tragi-comédie en cinq actes et six tableaux,en vers, d’André Rivoire, d’après Shakespeare et Luigi da Porto, SalleRichelieu, costumes de Charles Bétout, musique de scène d’Omer Letorey.Roméo (Albert-Lambert), Juliette (Mlle Piérat). 1937-1939 : Gaston Baty étudie la possibilité de monter Roméo et Julietteà la Comédie-Française, dans une traduction et une version en trois partiesde Jean Sarment, mais échoue.22 octobre 1952 : Roméo et Juliette, traduction nouvelle et version entrois parties de Jean Sarment, Salle Luxembourg, mise en scène de JulienBertheau, décors de Georges Wakhévitch, costumes de Marcel Escoffier.Roméo (André Falcon), Juliette (Renée Faure).

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L’ÉquIPE ARTISTIquEChristian Lacroix - costumesChristian Lacroix signe, depuis les années 1980, les costumes de nombreuses productions de théâtre, d’opéra ou de ballet. Pour la Comédie-Française, il crée notamment ceux de Phèdre mise en scènepar Anne Delbée et de Cyrano de Bergerac (pour lesquels il reçoit lesmolières du Créateur de costumes en 1996 et 2007), de Lucrèce Borgiamise en scène par Denis Podalydès et de Peer Gynt mis en scène parÉric Ruf au Grand Palais. Après une production du Bourgeois gentilhommeencore en tournée dans le monde entier, il a enchaîné la création des costumes de L’Ami Fritz, de La Clémence de Titus de Mozart, de La Favorite de Donizetti, d’Un ballo in maschera de Verdi à l’Opéra de Toulouse ainsi que du Palais de cristal de Bizet sur une chorégraphiede George Balanchine au Palais Garnier. Outre les costumes d’Otellopour Salzbourg, il crée récemment ceux de La Traviata qui sera présentéeen décembre à l’Opéra de Strasbourg.

Bertrand Couderc - lumièreFormé à l’École de la rue Blanche et à l’Ensatt, Bertrand Couderc collaboreavec Éric Génovèse pour Anna Bolena de Donizetti au Staatsoper de Vienne et Erzuli Dahomey, déesse de l’amour de Jean-René Lemoineau Théâtre du Vieux-Colombier en 2012 ; avec Jacques Rebotier, depuis 2007, notamment pour Éloge de l’ombre et Le Jeu d’Adamà la Comédie-Française ; avec Clément Hervieu-Léger pour L’Épreuve, La Didone, La Critique de l’École des femmes et Le Misanthrope ; ou encore avec Patrice Chéreau pour ses mises en scène au théâtre ou à l’opéra (Così fan tutte, Tristan et Isolde, De la maison des morts).

Glysleïn Lefever - travail chorégraphique Interprète et collaboratrice de Blanca Li, Glysleïn Lefever travaille commedanseuse avec Philippe Decouflé, Rheda, Kamel Ouali. Elle participe

à toutes les créations d’Éric Ruf comme comédienne et/ou comme chorégraphe : Du désavantage du vent, Les Belles Endormies du bord descène, Le Pré aux clercs, Peer Gynt et Roméo et Juliette. Elle chorégraphieégalement pour le cinéma, la publicité et pour de nombreux spectacles.

Vincent Leterme - arrangements musicaux Pianiste concertiste, il est aussi professeur au CNSAD. Il collabore avec Peter Brook, Georges Aperghis, Mireille Larroche, Frédéric Fisbach,Benoît Giros, Julie Brochen… À la Comédie-Française, il écrit des chansonset musiques de scène pour Dom Quichotte, Le Loup, Les JoyeusesCommères de Windsor, Peer Gynt, Psyché, George Dandin et, cette saison,Le Cerf et le Chien.

Jean-Luc Ristord - sonIl travaille à l’Opéra de Paris, à la Salle Favart et au festival d’Asilah et collabore avec la Compagnie des Petits Champs, l’agence Nez haut,Jean-Christophe Choblet et Bernard Roué. Au Français, il réalise le sonpour Roger Planchon, Jacques Rosner, Daniel Mesguich, Jean-LouisBenoit, Thierry Hancisse, Matthias Langhoff, Jacques Lassalle, MurielMayette-Holtz, Clément Hervieu-Léger, Gérard Desarthe et Éric Ruf.

Léonidas Strapatsakis - collaboration artistique Assistant et collaborateur artistique de Jean-Luc Boutté, Jean-PierreVincent, Klaus Michael Grüber, Jacques Weber, Jérôme Savary,Katharina Thalbach ou encore Éric Ruf, il signe également la mise en scène de Goethe-Wilhelm Meister de Jean-Pol Fargeau et de La Nuitvénitienne d’Alfred de Musset. Conseiller artistique au Théâtre nationalde Chaillot puis directeur artistique adjoint de l’Opéra-Comique, directeuradjoint de la production et de la coordination artistique au Théâtre du Châtelet, il devient en janvier 2015 directeur de la production à la Comédie-Française.

Directeur de la publication Éric Ruf - Secrétaire générale Anne Marret - Coordination éditoriale Pascale Pont-AmblardPortraits de la Troupe Stéphane Lavoué - Photographies de répétition Vincent Pontet - Conception graphique c-albumLicences no1-1079408 - no2-1079409 - no3-1079410 - Stipa Montreuil (01 48 18 20 20) - septembre 2016

Page 17: Mise en page 1 - Comédie-Française...LA PRESCIENCE DE L’AMOuR INCIVIL C’est ce regard qu’il a fallu poser sur l’histoire d’amour elle-même : la débarrasser de tout roman-

Réservations 01 44 58 15 15www.comedie-francaise.fr

Salle Richelieu01 44 58 15 15Place ColetteParis 1er

Studio-Théâtre01 44 58 98 58Galerie du Carrousel du Louvre99 rue de RivoliParis 1er

Théâtre du Vieux-Colombier01 44 39 87 00/0121 rue du Vieux-ColombierParis 6e