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Madame Hélène Eyssartier Madame Claire Waysand Mieux prévoir les variations de stocks avec les enquêtes de conjoncture In: Economie et statistique, N°307, Septembre 1997. pp. 77-91. Citer ce document / Cite this document : Eyssartier Hélène, Waysand Claire. Mieux prévoir les variations de stocks avec les enquêtes de conjoncture. In: Economie et statistique, N°307, Septembre 1997. pp. 77-91. doi : 10.3406/estat.1997.2584 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1997_num_307_1_2584

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Madame Hélène EyssartierMadame Claire Waysand

Mieux prévoir les variations de stocks avec les enquêtes deconjonctureIn: Economie et statistique, N°307, Septembre 1997. pp. 77-91.

Citer ce document / Cite this document :

Eyssartier Hélène, Waysand Claire. Mieux prévoir les variations de stocks avec les enquêtes de conjoncture. In: Economie etstatistique, N°307, Septembre 1997. pp. 77-91.

doi : 10.3406/estat.1997.2584

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1997_num_307_1_2584

RésuméMieux prévoir les variations de stocks avec les enquêtes de conjoncture Les variations de stocks deproduits manufacturés ont eu ces dernières années un impact important sur la production industrielle, etdonc sur la croissance économique. Il est donc utile d'améliorer leur prévision à court terme. Pour cefaire, on cherche ici à mieux cerner les déterminants microéconomiques de ces variations en utilisantles enquêtes de conjoncture de l'Insee : celles-ci décrivent notamment les anticipations et les jugementsdes chefs d'entreprise sur leur environnement économique. Au niveau individuel, les facteurs quiconduisent une entreprise à déclarer ses stocks « supérieurs à la normale » sont : une demandedéprimée, des délais de livraison qui ont tendance à se raccourcir - témoins d'un changement del'équilibre entre l'offre et la demande - et des prix prévus en baisse. Au niveau agrégé, les stocks sontjugés plus lourds lorsqu'augmente le pourcentage d'entreprises qui éprouvent des difficultés detrésorerie et que diminuent les délais de livraison. Mieux comprendre comment se forme l'opinionindividuelle sur les stocks permet d'améliorer leur prévision au niveau macroéconomique. Le modèlecouramment retenu, dit « accélérateur », qui lie les variations de stocks aux variations passées de lademande, explique en effet assez mal les évolutions récentes des stocks. Le modèle proposé, quiprend en compte des variables d'opinion et d'anticipation de demande et de prix, retrace mieux lesvariations de stocks des dernières années.

AbstractUsing Business Surveys for Better Forecasts of Changes in StocksChanges in stocks of manufactured goods have had a great effect on industrial production and henceeconomic growth in recent years. It is therefore useful to improve their short-term forecasting. To dothis, INSEE business surveys are used in an endeavour to more accurately define the microeconomicdeterminants of these changes. These surveys identify in particular company heads' expectations andlevels of confidence regarding their business environment. At individual level, the factors that make afirm declare its stocks "above normal" are: depressed demand, shortening delivery times reflecting achange in the balance between supply and demand, and expected price cuts. At aggregate level, stocksare deemed higher when the percentage of firms with cash flow problems increases and delivery timesshorten. A better understanding of how individual opinions are formed regarding stocks improves stockforecasting at macroeconomic level. The "accelerator" model typically used, which compares changes instocks with past changes in demand, does not provide a very good explanation of recent changes instocks. The model put forward here takes into account demand and price expectation and opinionvariables. This model provides a better account of changes in stocks in recent years.

ZusammenfassungBessere Vorhersage der Schwankungen der Lagerbestande mit Hilfe der Konjunkturerhebungen DieSchwankungen der- Lagerbestande von Industriegûtern hatten in den letzten Jahren eine erheblicheAuswirkung auf die Industrieproduktion und somit auf das Wirtschaftswachstum. Nutzlich ist deshalbeine Verbesserung ihrer kurzfristigen Vorhersage. Zu diesem Zweck sollen in diesem Artikel diemikroôkonomischen Determinanten dieser Schwankungen anhand der INSEE- Konjunkturerhebungenbesser abgegrenzt werden; diese beschreiben insbesondere die Erwartungen und die Bewertungen derUnternehmer hinsichtlich ihres wirtschaftlichen Umfeldes. Die individuellen Faktoren, die einUnternehmen veranlassen, seine Lagerbestande als "grôGerals normal" anzugeben, sind: einerùcklàufige Nachfrage, kûrzer werdende Lieferfristen, die eine Ânderung des Gleichgewichtes zwischenAngebot und Nachfrage widerspiegeln, sowie erwartete Preisrûckgânge. Auf aggregierter Ebenewerden die Lagerbestande als eine grôBere Belastung betrachtet, wenn der Prozentsatz derUnternehmen, die sich in finanziellen Schwierigkeiten befinden, zunimmt und wenn die Lieferfristenkiirzer werden. Ein besseres Verstândnis, wie es zur individuellen Bewertung der Lagerbestandekommt, ermoglicht eine bessere Prognose auf makroôkonomischer Ebene. Das gàngige Modell mit derBezeichnung "Beschleuniger", das die Schwankungen der Lagerbestande zu den zuruckliegendenNachfrageschwankungen in Bezug setzt, gibt in der Tat eine recht schlechte Erklàrung fur die jùngstenEntwicklungen der Lagerbestande ab. Das vorgeschlagene Modell, bei dem Variablen der Bewertungsowie der Nachfrage- und Preiserwartung berûcksichtigt werden, gibt einen besseren AufschluB iiberdie Schwankungen der Lagerbestande in den letzten Jahren.

ResumenPrever mejor las variaciones de las existencias gracias a las encuestas de coyuntura Las variacionesde las existencias de productos manufacturados tuvieron en los ûltimos anos un impacto importante enla producciôn industrial, y por tanto en el crecimiento econômico. Es util, pues, mejorar su prevision acorto plazo. Para eso, intentamos aqui définir los déterminantes microeconómicos de aquellasvariaciones valiéndonos de las encuestas de coyuntura del Insee : estas describen entre otras cosaslas anticipaciones y las opiniones de los empresarios acerca de su entorno económico. A nivelindividual, los factores que hacen que una empresa declare existencias "superiores a la normalidad"son los siguientes : una demanda deprimida, plazos de entrega que tienden a disminuir - testigos de uncambio en el equilibrio entre la oferta y la demanda - y unos precios previstos a la baja. A nivelagregado, las existencias estân consideradas como mâs pesadas cuando aumenta el porcentaje deaquellas empresas que tienen dificultades de tesoreria y disminuyen los plazos de entrega.Comprender mejor cómo se forma la opinion individual acerca de las existencias permite mejorar suprevision a nivel macroeconómico. El modelo comunmente adoptado, llamado "acelerador", el cualrelaciona las variaciones de las existencias con las variaciones pasadas de la demanda, explica enefecto bastante mal las evoluciones recientes de las existencias. El modelo propuesto, que toma encuenta unas variables de opinion y de anticipación de demanda y de precios, describe mejor lasvariaciones de las existencias en los ûltimos anos.

STOCKS

Mieux prévoir les variations

de stocks avec les enquêtes

de conjoncture

Hélène Eyssartier et Claire Waysand*

*Hélène Eyssartier fait actuellement partie de la direction du Budget et Claire Waysand du Département de la conjoncture de l'Insee. Les auteurs remercient A. Chappert, S. Gregoir, D. Ladiray, G. Laroque, F. Lenglart, R. Lescure, G. de • Monchy et M. Reynaud, ainsi que deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques et leurs suggestions.

Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d'article.

Les variations de stocks de produits manufacturés ont eu ces dernières années un impact important sur la production industrielle, et donc sur la croissance économique. C'est pourquoi il est utile d'améliorer leur prévision à court terme. Pour ce faire, on cherche ici à mieux cerner les déterminants microéconomiques de ces variations en utilisant les enquêtes de conjoncture de l'Insee : celles-ci décrivent notamment les anticipations et les jugements des chefs d'entreprise sur leur environnement économique. Au niveau individuel, les facteurs qui conduisent une entreprise à déclarer ses stocks « supérieurs à la normale » sont une demande déprimée, des délais de livraison qui ont tendance à se raccourcir - témoins d'un changement de l'équilibre entre l'offre et la demande - et des prix prévus en baisse. Au niveau agrégé, les stocks sont jugés plus lourds lorsqu'augmente le pourcentage d'entreprises qui éprouvent des difficultés de trésorerie et que diminuent les délais de livraison. Mieux comprendre comment se forme l'opinion individuelle sur les stocks permet d'améliorer la prévision de leur variation au niveau macroéconomique. Le modèle couramment retenu, dit « accélérateur », qui lie les variations de stocks aux variations passées de la demande, explique en effet assez mal les évolutions récentes des stocks. Le modèle proposé, qui prend en compte des variables d'opinion et d'anticipation de demande et de prix, retrace mieux les variations de stocks des dernières années.

De 1991 à 1993, le ralentissement de l'accumulation des stocks de produits manufact

urés puis le déstockage marqué ont pesé négativement de 1 à 2 points par an sur la croissance de la production manufacturière. Après l' arrêt du déstockage, le début de reconstitution des stocks, entamé au cours de l'année 1994, a contribué à la hausse de la production pour 2,7 points, avant de s'essouffler courant 1995 (avec une contribution de + 0,4 point). Les variations de stocks ont à nouveau pesé pour près de 2 points sur la croissance manufacturière en 1996.

À court terme, les variations de stocks peuvent ainsi contribuer de façon importante aux évolutions cycliques de l'activité. C'est notamment le cas pour les produits manufacturés, dont les variations de stocks fluctuent en phase avec le cycle : elles sont dites pro-cycliques. Sur la période récente, les phases d'accélération de la croissance de la production manufacturière sont généralement accompagnées d'une augmentation de la contribution des variations de stocks. Le phénomène inverse apparaît au cours des périodes de ralentissement de la croissance.

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Or l'interprétation et le suivi statistique des variations de stocks sont difficiles, du fait de l'hétérogénéité des pratiques comptables des entreprises et de la diversité des indicateurs fournis par le système statistique. Pour mieux comprendre et prévoir les évolutions de stocks de produits manufacturés, au sens des comptes trimestriels, nous nous intéressons ici à l'un de ces indicateurs, l'opinion des industriels sur leurs stocks, exprimée lors des enquêtes de conjoncture.

Le jugement d'une entreprise sur le niveau de ses stocks de produits finis (stocks producteurs de « produits prêts pour la vente ») renvoie à des déterminants qui peuvent être rapprochés des motifs habituels de stockage (stockage de précaution, stockage pour lisser le niveau ou les

coûts de production et stockage pour motifs spéculatifs). Le constat est le même, que l'on parte des données individuelles ou des données agrégées (soldes d'opinion).

Les déterminants ainsi mis en évidence rendent compte des contraintes (de capacités physiques ou financières) qui s'exercent sur l'appareil productif au travers des variables d'opinion et d'anticipation de demande et de prix. Celles-ci permettent d'améliorer la modélisation des variations de stocks au cours de la période 1976-1 995. Le modèle proposé fournit notamment des éléments d'explication sur l'importance du déstockage observé au creux du dernier cycle et sur l'ampleur modérée de la reconstitution de stocks ; estimé sur longue période, le seul effet « accélérateur » (qui lie les variations de stocks

Encadré 1 LES AUTRES SOURCES

UTILES AU SUIVI CONJONCTUREL DES STOCKS

1 - Les variations de stocks de biens manufacturés au sens des comptes nationaux trimestriels (CNT) Les variations de stocks de produits manufacturés, mesurées par les CNT, décrivent des variations de l'ensemble des stocks de biens manufacturés dans l'économie, c'est-à-dire : - quel qu'en soit le détenteur (que ce soit leur producteur - ce sont alors des « stocks producteurs » - un autre industriel qui les incorpore dans son propre processus de production - ce sont des « stocks utilisateurs » - ou un commerçant, grossiste ou détaillant - ce sont des « stocks de marchandises ») ; - quelle qu'en soit l'origine (biens manufacturés produits en France ou importés).

La série des stocks de produits manufacturés des comptes nationaux trimestriels est très heurtée, du fait de son mode de construction. Les variations de stocks ne sont en effet pas estimées à partir de sources exogènes comme les autres grandeurs du Tableau économique d'ensemble, mais elles sont obtenues comme le solde entre les ressources et les emplois, estimés pour leur part à partir de différentes sources : AStocks = ^Ressources - ZEmplois

Les erreurs de mesure affectant chacune des composantes de cet équilibre se répercutent sur les variations de stocks, qui peuvent alors se révéler parfois difficilement interprétables d'un trimestre à l'autre. 2 - L'indice de stocks en valeur

Les indices de stocks en valeur sont établis à partir des réponses à l'« enquête trimestrielle sur les

stocks, les produits et les charges » réalisée par Plnsee depuis 1978 dans l'industrie et dans la majorité des secteurs du commerce. Trois séries d'indices sont publiées, pour décrire les stocks de produits, de matières premières et les stocks dans leur ensemble. Ces derniers comprennent, outre les deux premiers types de stocks, les stocks de marchandises. Les indices sont calculés par secteur d'activité. Les différences méthodologiques avec les comptes nationaux trimestriels sont de deux ordres. D'une part, l'enquête trimestrielle évalue les stocks par secteur détenteur, en distinguant selon la nature de stocks (matières, produits) mais quels que soient les produits stockés. D'autre part, la comparaison des deux indicateurs achoppe sur le problème de l'évaluation comptable des stocks, qui diffère dans les comptes trimestriels et dans l'indice de stocks en valeur.

L'indice est en effet construit à partir des déclarations faites par les entreprises sur la valeur de leurs stocks : les difficultés d'inventaire et de valorisation au niveau de l'entreprise se répercutent au niveau macroéconomique. La méthode de valorisation peut être « à coûts standards constants » ou non. Celle qui est utilisée consiste à attribuer aux stocks entrants leur coût d'achat et aux stocks sortants soit la valeur moyenne des unités alors en stock (coût moyen pondéré), soit le coût d'achat des unités les plus anciennes dans le stock (FIFO, first in, first out). Pour les comptes nationaux, les variations de stocks correspondent à un solde entre ressources et emplois, aussi bien dans les comptes en volume qu'en valeur. Les entrées comme les sorties de stocks sont évaluées au prix du jour. En cas d'appréciation des biens stockés, leurs sorties sont donc surévaluées par rapport aux méthodes usuelles de la comptabilité d'entreprise.

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aux variations passées de la demande) retrace assez mal ces mouvements.

Les enquêtes de conjoncture, un indicateur pour suivre les variations de stocks

Trois sources permettent le suivi des stocks à l'Insee : les comptes nationaux

trimestriels, l'enquête trimestrielle sur les stocks, les produits et les charges et enfin les enquêtes de conjoncture, dans l'industrie d'une part, dans le commerce d'autre part. Ces trois sources, indépendantes, ne délivrent pas toujours le même message. Une des raisons tient aux différences de champs couverts par ces indicateurs (cf. encadré 1). Il convient ainsi d'être extrêmement prudent dans l'interprétation et dans la comparaison des différentes sources entre elles.

Nous avons privilégié les enquêtes de conjoncture et, en particulier, les questions posées aux chefs d'entreprises sur l'état de leurs stocks.

Mesure des stocks et jugement de leur niveau : un rapprochement délicat

Nous nous concentrons ici sur les entreprises industrielles (1), dont près de 4 500 sont enquêtées au sein d'un pseudo-panel (2) (cf. encadré 2).

Dans les enquêtes mensuelles sur « la situation et les perspectives dans l'industrie », les questions sont le plus souvent qualitatives. Il est ainsi demandé aux chefs d'entreprise d'indiquer leur jugement sur le niveau de leurs stocks de produits finis par rapport à la « normale » : la réponse s'effectue selon trois modalités, « supérieurs à la normale », « normaux » ou « inférieurs à la normale ».

1. Sites stocks de produits manufacturés ne représentent qu'un tiers du volume des stocks de biens et services marchands, leurs fluctuations montrent de grandes similitudes. En outre, les variations de la production manufacturée sont dans une large mesure responsables du cycle économique. 2. L'échantillon d'entreprises interrogées se modifie lorsque des entreprises cessent de répondre aux enquêtes -parce qu'elles disparaissent ou mettent fin à leur collaboration avec l'Insee - et sont remplacées par de nouvelles unités. La majeure partie de l'échantillon est cependant constituée d'entreprises fidèles, ce qui lui assure une certaine stabilité.

Encadré 2 LE PANEL ISSU DES ENQUÊTES DE CONJONCTURE DANS L'INDUSTRIE

Les données que nous avons utilisées sont les réponses individuelles aux 63 enquêtes mensuelles (1) de janvier 1991 à septembre 1996 et aux 23 enquêtes trimestrielles de la même période. Le choix de cette période est en partie contraint par l'accessibilité aux réponses individuelles, mais cette période reste intéressante dans la mesure où d'importants mouvements agrégés de stocks se sont produits dans un sens ou dans l'autre durant cette période.

À chaque édition, le nombre de questionnaires envoyés par l'Insee est voisin de 4 500. Le nombre de questionnaires retournés est de l'ordre de 2 800. Les questions que nous considérons ici sont des questions liées aux produits de l'entreprise (production, demande,* stocks, prix) : les réponses sont dès lors plus nombreuses à chaque enquête, de l'ordre de 3 800, car les entreprises de l'échantillon fabriquent assez souvent plusieurs produits (26 % d'entre elles ont plus d'un produit, et 11 % en ont quatre ou plus). En moyenne, les entreprises répondantes déclarent environ 1,4 produit. Le fichier global des réponses à l'enquête mensuelle contient ainsi environ 240 000 observations pour la période sous revue. Afin de déterminer, à court terme (i.e. souvent d'une enquête à l'autre) les évolutions effectives de l'opinion, on a choisi de se restreindre au panel des individus (correspondant à un produit d'une entreprise) présents sur l'ensemble de la

période, c'est-à-dire ayant répondu à au moins une question à chaque enquête. Ce panel comporte, pour l'enquête mensuelle, 554 individus (qui correspondent à 411 entreprises) - soit 34 902 observations (15 % du nombre initial d'observations). Le panel donne une image correcte de la population usuelle des répondants aux enquêtes de conjoncture en termes de découpage sectoriel. On peut toutefois relever une légère sur-représentation des grandes entreprises (2), qui représentent environ 16 % du nombre des observations, alors qu'elles sont environ 14 % dans l'échantillon complet des réponses.

Sur le panel retenu, le taux de réponse à l'une ou l'autre des deux questions sur les stocks (opinion sur les stocks et détention de stocks) s'établit à 94 % (soit 71 % de réponses à la question sur le niveau des stocks et 23 % de réponses « jamais de stocks »). Il est du même ordre pour les questions relatives à l'évolution récente de la production (98,5 % de réponses) et à l'opinion sur la demande globale (97 %).

7. Il n'y a pas d'enquête en août. 2. Il s'agit d'observations correspondant à un produit fabriqué par une entreprise qui, au total, compte plus de 500 salariés.

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L'enquête trimestrielle de conjoncture dans l'industrie fait, de surcroît, la distinction entre les stocks de matières premières ou demi- produits et les stocks de produits fabriqués. Elle inclut une question qualitative sur la tendance récente d'évolution de ces stocks, ainsi qu'une question quantitative sur le nombre de semaines de consommation ou de production qu'ils représentent. Enfin, il est demandé, lors des enquêtes semestrielles sur la trésorerie des entreprises industrielles, si le rôle joué par les variations de stocks a été favorable ou non aux besoins en fonds de roulement des entreprises.

Les réponses aux questions qualitatives des enquêtes de conjoncture donnent lieu au calcul de soldes d'opinion. Les soldes permettent d'agréger les réponses individuelles, pondérées par la variable de taille la plus pertinente (chiffre d'affaires du produit pour les questions sur les stocks de produits finis). Ils sont calculés par strate en faisant la différence entre les pourcentages d'entreprises dont la réponse est à la hausse (ou, pour les stocks, « supérieurs à la normale ») et celles dont la réponse est à la baisse (ou « inférieurs à la normale »). Les soldes sont alors obtenus à des niveaux plus agrégés après redressement - afin de respecter l'importance relative de chaque strate.

L'opinion agrégée sur le niveau des stocks de produits finis à laquelle nous nous intéressons fait ainsi référence à une situation « normale », elle-même subjective, variable dans

Graphique I Peu de liens entre les jugements sur les stocks et leurs niveaux réels 0,65

0,6

0,55

0,5

0,45

0,4

Stocks/Demande HS 40

30

20

10

1977 79 81 83 85 87 89 91 93 95 1997 -10

Stocks/Demande HS : Stocks/Demande hors stocks trimestrielle (échelle de gauche). Opinions sur les stocks : différence entre la part des entreprises jugeant leurs stocks supérieurs à la normale et la part de celles les jugeant inférieurs à la normale (échelle de droite). Source : enquêtes de conjoncture et Comptes nationaux trimestriels (Insee).

le temps et selon la conjoncture : les stocks ont ainsi été jugés pesants de la mi- 1 995 à la mi- 1996, alors même que leur niveau, rapporté à celui de la production ou de la demande, était devenu très bas (cf. graphique I).

Le jugement sur le niveau des stocks ou sur leur évolution est donc impossible à relier simplement avec les niveaux réels - physiques - retracés par les comptes nationaux. Il ne s'agit certes pas des mêmes stocks : les stocks de produits manufacturés des comptes trimestriels sont en partie seulement constitués de stocks de produits finis détenus par un producteur de l'industrie manufacturière. Il est cependant nécessaire de mieux comprendre les comportements de réponse des responsables interrogés pour mieux analyser l'apparente divergence entre la perception microéconomique (issue des enquêtes de conjoncture) et l'indicateur macroéconomique.

Les stocks sont souvent jugés « normaux »

Pour chacun des produits qu'il fabrique, l'industriel émet chaque mois un jugement sur le niveau de ses stocks de produits finis. Simultanément, il répond à d'autres questions qui concernent le même produit. Ces questions, essentiellement qualitatives, renseignent sur la situation et les anticipations des chefs d'entreprise : il s'agit de questions trimodales qui portent notamment sur l'évolution passée et prévue de la production, sur l'état de la demande et sur la tendance prévue des prix. Il était donc naturel, pour analyser les déterminants de l'opinion sur les stocks, de rapprocher l'ensemble des réponses.

Dans la plupart des réponses à l'enquête mensuelle sur « la situation et les perspectives dans l'industrie », les modalités tendance stable, ou niveau normal, sont nettement plus fréquentes que celles exprimant un changement ou un niveau inadapté. Ceci est particulièrement vrai pour les stocks, puisque le niveau « normal » oscille, à chaque enquête, entre 60 % et 80 % des répondants du panel (cf. graphique II).

La prédominance des entreprises jugeant normal le niveau de leurs stocks doit être interprétée avec prudence. Le poids de la modalité « stocks normaux » (plus de 60 % des observations) ne renseigne pas sur les évolutions réelles des stocks au sein de ces entreprises et n'implique certainement pas une stabilité des encours de stocks. De fait, la période a connu de sensibles variations des niveaux de stocks.

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Une interprétation possible serait que l'importance de cette modalité traduit, au sein de ces entreprises, une assez bonne adaptation du niveau de leurs stocks aux fluctuations de l'activité : leurs stocks j sont proches du niveau désiré. Il est toutefois à craindre que la réponse « stocks normaux » constitue une case « fourre- tout », en particulier pour ceux qui n'ont pas une bonne connaissance des stocks de leur entreprise. Ceci ne semble néanmoins pas constituer un comportement fréquent : les réponses de stocks toujours normaux concernent peu d'entreprises-produits du panel. Toutefois 8 % des entreprises répondent à plus de 95 % des enquêtes que leurs stocks sont normaux, et 12,5 % les jugent tels lors de 90 % des enquêtes.

Par ailleurs, la modalité « stocks inférieurs à la normale » ne recueille que peu de suffrages : on retrouve là l'existence probable d'un biais de réponse - les stocks sont rarement inférieurs à la normale, les carnets rarement bien garnis - qui peut être constaté pour certaines questions.

Les réponses ne varient pas brusquement dans le temps

Au niveau individuel, les réponses fluctuent peu d'une enquête à l'autre (cf. tableau 1). Une entreprise qui déclare à un moment donné que ses stocks lui paraissent normaux répond en moyenne cinq mois de suite de la sorte (la pro-

Graphique II Des opinions souvent normales ou stables..

A-... sur les stocks B - ... sur les les carnets de commande et la demande En%

1991 1992 1993 1994 1995 1996 — Réponse « supérieurs à la normale » - - Réponse « normaux > — Réponse « inférieurs à la normale »

1991 1992 1993 1994 1995 1996 Réponse « forte » — Réponse « normale > Réponse « peu active »

C - ... sur la tendance passée de la production D - ... sur la tendance prévue de la production

En%

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1991 1992 1993 1994 1995 1996 — Réponse « hausse » - - Réponse « stabilité > — Réponse « baisse » — Réponse « hausse » — Réponse « stabilité >

— Réponse « baisse »

Source : enquêtes de conjoncture (Insee).

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habilité de répondre de la même manière à l'enquête suivante est supérieure à 85 %, ce qui entraîne une « durée de vie » dans cette modalité de 4,5 enquêtes). La durée moyenne de l'état « stocks supérieurs à la normale » apparaît en revanche plus courte, de l'ordre de deux mois et celle des stocks « inférieurs à la normale » encore plus faible.

Lorsqu'elles changent d'opinion, les entreprises transitent usuellement par la modalité médiane : sur la période étudiée, elles sont en moyenne très peu nombreuses à changer radicalement d'opinion, passant d'une enquête à l'autre de stocks « lourds » à « légers » ou vice versa.

L'opinion sur les stocks est corrélée à celle sur la demande

L'opinion sur les stocks-produits et celle relative à la demande sont fortement corrélées. Les

stocks jugés lourds le sont à 74 % (16,7/22,5) par des entreprises estimant parallèlement leurs carnets de commandes insuffisamment garnis (qui représentent 46,3 % des réponses) (cf. tableau 2).

Les réponses concernant les stocks et celles sur la demande ne sont pas indépendantes, comme le montre le test du Chi 2 ; cela se traduit dans le tableau 2 par le poids de la diagonale principale (2,5 ; 36,4 ; 16,7). L'opinion sur les stocks se forme ainsi en cohérence avec le jugement sur la demande.

De surcroît, les deux jugements évoluent en partie simultanément : une détérioration de la demande anticipée coïncide avec un alourdissement des stocks dans 28 % des cas (le jugement sur les stocks est inchangé dans 65 % des cas).

Deux interprétations de ce lien peuvent être données, non exclusives l'une de l'autre. Tout

Tableau 1 Les jugements sur les stocks sont stables d'une enquête à l'autre

En%

Stocks jugés « supérieurs à la normale » à la date t Stocks jugés « normaux » à la date t Stocks jugés « inférieurs à la normale » à la date t

Ensemble

Stocks « supérieurs à la normale » àladatet+1

15,6 6,6

0,3

22,5

Stocks « normaux » à la date t + 1

6,5 61,1

2,9

70,7

Stocks « inférieurs à la normale » à la date t + 1

0,3 3,0

3,5

6,8

Ensemble

22,5 70,7

6,8

100,0 Lecture : si une entreprise juge les stocks d'un de ses produits « normaux » àla date t, la probabilité qu'elle les juge encore « normaux » à la date t+1est de 86 % (61, 1/70, 7). Champ : entreprises-produits qui ont fourni des réponses à deux enquêtes consécutives à la question de jugement sur le niveau de leurs stocks. Source : enquêtes de conjoncture 1991-1996 (Insee).

Tableau 2 Jugements croisés sur les stocks et la demande

En%

Demande jugée « forte » Demande jugée « normale » Demande jugée « peu active » Ensemble

Stocks « inférieurs à la normale »

2,5 2,3 2,0 6,8

Stocks jugés « normaux »

6,7 36,4 27,7 70,7

Stocks « supérieurs à la normale »

1,2 4,6

16,7 22,5

Ensemble

10,4 43,3 46,3

100,0 Lecture : parmi les entreprises qui jugent leur demande « peu active », les stocks sont jugés « supérieurs » àla normale dans 36 % (16,7/46,3) des cas. Source : enquêtes de conjoncture 1991-1996 (Insee).

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d'abord, si les stocks ont fait office de tampon pour absorber le choc négatif de la demande, leur encours peut avoir augmenté. Leur niveau peut donc apparaître, toutes choses égales par ailleurs, plus élevé que précédemment. Néanmoins, une détérioration du jugement sur la demande coïncide une fois sur trois avec une dégradation du jugement sur le rythme de production. La production semble ainsi s'être ajustée au cours du mois au nouvel état de la demande, du moins « qualitativement » : l'opinion sur la tendance passée de la production s'est dégradée.

L'autre explication peut consister en une modification de la référence, du niveau implicitement jugé « normal ». Ceci est cohérent avec une approche de type accélérateur où l'on suppose que les stocks de produits finis tendent à s'ajuster à la demande anticipée. Si une baisse de la demande fait simultanément apparaître les stocks comme plus lourds, alors que la production a pu en partie s'ajuster à la baisse, c'est peut être que le niveau des stocks jugé « normal » a diminué en liaison avec la dégradation de la demande observée et/ou anticipée pour les mois à venir. C'est probablement ce qui explique le paradoxe observé de la mi- 1995 à la mi- 1996, de stocks jugés globalement lourds alors qu'ils apparaissent à de bas niveaux en comptabilité nationale.

En sens inverse, en revanche, une amélioration de la demande anticipée ne se traduit que plus rarement par un allégement des stocks, alors qu'a priori le niveau désiré des stocks a augmenté. Or une amélioration de l'opinion sur la demande s'accompagne d'une augmentation du rythme de production dans 42 % des cas. Il est donc possible que la production s'adapte rapidement à une hausse de la demande, ce qui permet à l'entreprise de maintenir, voire d'augmenter, le niveau de ses stocks de produits finis : elle pourra dès lors satisfaire une demande future plus forte. Les stocks jouent alors le rôle de tampons qu'ils ont dans le modèle de stocks out (cf. encadré 3).

Par ailleurs, l'opinion sur les stocks dépend aussi de celle sur la tendance de la production passée ou prévue ; la liaison est cependant moins forte qu'avec la demande. Ces corrélations entre les réponses individuelles à plusieurs questions de l'enquête mensuelle de conjoncture dans l'industrie se retrouvent au niveau plus agrégé des soldes d'opinions (Doz etLenglart, 1996).

Une approche économétrique sur données individuelles

Une approche économétrique, sur données individuelles, de l'opinion sur les stocks va nous permettre de préciser comment se forme l'opinion « stocks supérieurs à la normale » : celle- ci représente environ 22 % des réponses, les autres étant pour l'essentiel des réponses « stocks normaux ».

Afin d'élargir l'ensemble des variables d'opinion qui peuvent être retenues comme variables explicatives (3), l'estimation a été menée à partir des réponses à l'enquête trimestrielle de conjoncture - enquête plus complète, recouvrant les questions de la mensuelle - du panel d'entreprises utilisé jusqu'ici. Le fichier est ainsi constitué de 12 742 observations correspondant à des couples entreprises-produits présents à toutes les enquêtes mensuelles et trimestrielles de la période.

Nous avons retenu comme variables explicatives possibles les réponses relatives à la tendance passée et prévue de la production, à la demande, à la tendance des délais de livraison, à la tendance passée et prévue des prix, à l'opinion sur les stocks de la période précédente, ainsi qu'une variable de taux d'intérêt moyen de court terme pratiqué envers les entreprises industrielles (provenant de l'enquête sur la situation de trésorerie dans l'industrie). Les variables explicatives potentielles sont des indicatrices de réponse donnée à une autre question de l'enquête de conjoncture ; elles prennent la valeur 1 lorsque la réponse a été celle qui est indiquée dans l'équation ci-dessous.

Nous aboutissons au modèle Logit suivant (écarts-types entre parenthèses sous le coefficient) :

cste+l,7l(OSSK_l=l) (0,06)

+ 0,83 (r£>L= 5)

(0,06) + 0,44 (TPXPRE= 5) (0,09)

3. Certaines caractéristiques de l'enquête ont également contribué à ce choix (les variables de prix ne sont pas comparables entre les enquêtes mensuelles et trimestrielles).

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Encadré 3 DIFFÉRENTS MOTIFS DE STOCKAGE DE PRODUITS FINIS

Différents motifs sont susceptibles de pousser une entreprise à constituer volontairement des stocks de produits finis : ces stocks peuvent être détenus pour des raisons spéculatives, pour jouer le rôle de tampon entre l'offre et la demande, ou encore pour lisser le niveau de la production - ou plus généralement pour en minimiser les coûts. De surcroît, les mouvements sur les stocks peuvent être, ou non, volontaires : face à une diminution soudaine de la demande qui lui est adressée, l'entreprise peut être amenée à temporairement accumuler des stocks - le stockage est alors involontaire. Nous revenons ici sur chacun des motifs de stockage volontaire.

Le stockage pour motifs spéculatifs

Les stocks peuvent être accumulés à des fins spéculatives. Les mouvements de stocks dépendent alors de la différence entre le rendement anticipé des stocks (la hausse de prix anticipée) et le coût de stockage. Le coût de détention des stocks, outre les coûts spécifiques de détention, de gestion des stocks et une éventuelle dépréciation, est essentiellement lié au coût d'immobilisation de capitaux. Ce motif de stockage est fondé sur la substitua- bilité des stocks de produits et des avoirs monétaires comme réserves de valeur. Dans cette approche, la motivation à stocker dépend donc positivement de l'inflation anticipée sur le prix des biens stockés et négativement des taux d'intérêt : les mouvements sur les stocks dépendent alors d'un taux d'intérêt réel calculé comme l'écart entre taux nominal et inflation pour le bien stocké. Dès lors que le prix du bien stocké ne s'ajuste pas in

stantanément pour équilibrer le marché du bien, plusieurs trajectoires peuvent exister dans un cadre d'anticipations rationnelles, les anticipations étant autoréalisatrices (Laroque, 1989).

Lissage de la production ou des coûts de production

Les stocks peuvent aussi être utilisés pour lisser la production. Ceci est pertinent si les coûts marginaux de l'entreprise ne sont pas constants pour différents niveaux de production ou si l'entreprise fait face à des coûts d'ajustement si elle modifie son niveau de production. Il est alors plus profitable pour l'entreprise de produire à un niveau constant plutôt que de faire varier sa production lorsque ses ventes varient. Dans une vision plus générale, le stockage peut être destiné à lisser les coûts de production : cette approche est moins restrictive, puisqu'elle autorise la production à fluctuer dès lors que les coûts de production ne sont pas constants dans le temps. Ainsi, lorsque l'entreprise fait face à un choc positif de productivité à une date donnée, elle peut avoir intérêt à produire davantage à cette date, pour moins produire lorsque ses coûts marginaux de

duction deviendront plus élevés. Ce type de raisonnement est clairement intertemporel et le motif du stockage fait alors intervenir, d'une part la hausse anticipée sur le coût de production du bien, d'autre part le coût de stockage. La constitution de stocks-tampons (ou « stocks out ») de produits finis

Un cas particulier de lissage des coûts de production est la constitution de stocks-tampons - qui suppose des coûts infinis d'ajustement : l'entreprise ne peut pas adapter instantanément sa production à sa demande, qu'elle ne prévoit pas parfaitement, et l'existence des stocks-tampons lui permet de pouvoir répondre à la demande qui lui est adressée quand celle-ci dépasse sa production courante.

Ce motif de stockage est lié à deux caractéristiques fondamentales : la durée (non nulle) du cycle de production et l'incertitude. L'entreprise doit en effet décider de sa production avant de savoir quel est l'état de la demande qui lui sera adressée. Au moment où cette demande s'exprime, l'entreprise ne peut y répondre pleinement que si celle-ci est inférieure à la quantité constituée par la somme des stocks de produits finis transmis à la fin de la période précédente et de la production précédemment décidée. Dans le cas contraire, l'entreprise encourt des pertes par rapport à la situation dans laquelle son offre aurait été suffisante. Par exemple, la demande en excédent de l'offre peut être supposée perdue.

Quand l'entreprise anticipe une hausse durable de demande, elle est incitée à accroître ses stocks de produits. Si en revanche elle est surprise par une hausse de demande qu'elle n'avait pas anticipée, l'entreprise verra ses stocks diminuer. Un choc non anticipé de demande doit donc être négativement corrélé avec les variations de stocks-produits à très court terme, ceux-ci jouant le rôle de tampon entre l'offre et la demande. Un choc de demande anticipé et jugé durable est positivement corrélé avec les variations de stocks. En effet, si cette hausse lui apparaît durable, l'entreprise produit plus que la demande qui lui est adressée, afin de compenser la diminution initiale du niveau des stocks et de les amener à un niveau plus élevé, en cohérence avec la demande plus forte : c'est l'effet accélérateur des stocks (cf. texte). Le rôle des anticipations et la persistance ou non du choc de demande sont donc ici prédominants et l'effet du choc de demande observé n'est pas le même à très court terme ou une fois le délai d'adaptation de la production écoulé. Une fois l'ajustement effectué, les variations de stocks observés sont en phase avec celles de la demande : elles sont bien pro-cy- ciiques. Dans la réalité, au niveau microéconomique, c'est l'ensemble de ces motifs qui contribuent, pour chaque entreprise, à la constitution de stocks.

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- F représente la fonction de répartition de la loi logistique.

- chaque variable explicative est une indicatrice correspondant à l'une des trois modalités de la variable d'opinion (1, 3 ou 5 : « hausse », « stable » ou « baisse » pour les variables en tendance, et « supérieurs à la normale », « normaux », ou « inférieurs à la normale » pour les variables en niveau). Ainsi : OSSK_1=1 : les stocks ont été jugés supérieurs à la normale à l'enquête précédente ; TDL=5 : les délais de livraison se raccourcissent ; OSCD=5 : la demande globale est jugée inférieure à la normale ; TPXPRE=5 : la tendance prévue des prix de vente est à la baisse.

Ce modèle prévoit correctement l'observation dans 68,6 % des cas et incorrectement dans 17,2 % des cas (4). La spécification retenue ne comprend que les modalités et variables explicatives les plus significatives (5).

La probabilité que les stocks soient jugés lourds est donc d'autant plus élevée :

- qu'ils l'étaient déjà à l'enquête précédente ;

- que les carnets et la demande globale sont jugés insuffisants ;

- que les délais de livraison se sont raccourcis lors du trimestre passé ;

- et que, dans une moindre mesure, la tendance des prix prévue est à la baisse.

Les deux premières variables confirment les précédents résultats de l'analyse des trajectoires individuelles qui avait mis en évidence la rémanence des réponses concernant les stocks et le lien entre stocks jugés lourds et demande insuffisante.

Le modèle s'enrichit de deux autres variables explicatives : la tendance passée des délais de livraison et la tendance prévue des prix. Ces . deux dernières variables agissent de manière qui semble cohérente sur l'appréciation que peuvent porter les responsables d'entreprise sur leurs stocks. En effet, une diminution des délais de livraison signifie que l'offre globale de l'entreprise - constituée de sa production et de ses stocks - progresse plus vite que la demande qui lui est adressée. Dans ce contexte, les stocks apparaissent plus fréquemment supérieurs à la normale, toutes choses égales par ailleurs.

De même, les stocks sont plus souvent jugés « lourds » lorsque les prix sont orientés à la baisse ou lorsque l'entreprise a l'intention de les baisser. Dans ce cas, en effet, la dépréciation sur l'immobilisation que constituent les stocks produits augmente le coût attendu de détention des stocks : cette contrainte de nature financière, s'ajoutant à celle d'une demande atone ou en repli, fait donc apparaître ces stocks comme supérieurs au niveau désiré.

Le jugement sur le niveau des stocks est ainsi déterminé tout à la fois par des paramètres physiques - qui peuvent être reliés à la constitution de stocks-tampons (demande, délais de livraison) - et des facteurs de nature financière, plus difficiles à mettre en évidence, davantage en rapport avec un stockage de nature spéculative (évolution des prix prévue). Ces déterminants peuvent être rapprochés des motifs traditionnels de stockage que distingue la théorie économique (cf. encadré 3).

En revanche, alors que la théorie indique que le stockage spéculatif dépend du taux d'intérêt réel, ce dernier n'est pas significatif lors des tests empiriques. Nous n'avons toutefois testé que l'hypothèse dîun taux d'intérêt identique pour toutes les entreprises : d'abord un taux moyen de court terme pratiqué envers l'ensemble des entreprises industrielles, issu de l'enquête sur la trésorerie dans l'industrie, ensuite un taux de marché, le taux interbancaire des opérations à Paris (le TIOP 3 mois). On peut penser que l'effet des taux d'intérêt serait sans doute plus facile à mettre en évidence avec une variable modulée par entreprise et par année.

Des résultats convergents sur les soldes d'opinion

On l'a indiqué plus haut, les opinions sont le plus souvent agrégées et l'on raisonne généralement sur des soldes. Nous avons donc cherché à confronter les résultats concernant les comportements individuels avec ceux tirés des séries agrégées des soldes d'opinion.

4. Le critère c vautO, 76. Cet indice, compris entre 0 et 1, mesure l'association entre la probabilité prédite et la valeur de la variable explicative. Cette association est d'autant plus forte - et le modèle satisfaisant -que sa valeur est proche de 1. 5. Les variables sont sélectionnées à partir d'une statistique du test de Wald (qui permet de tester l'hypothèse de nullité des coefficients de chaque modalité explicative).

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 307, 1997-7 85

Nous avons testé de nombreux modèles intégrant les variables précédemment mises en évidence et d'autres variables pour les enrichir. Beaucoup de modèles étaient instables. Le modèle suivant présente une valeur explicative correcte (R2 élevé avec des séries stationnaires) et satisfait les critères de stabilité des coefficients (pas de rupture au sens de Chow) :

OSSKt = 0,02 + 0,55 OSSKm - 0,43 TDLt (0,4) (8,6) (-6,7)

+ 0,13DTRESOt + ut (2,4)

R2 ajusté= 0,82 - RMSE= 0,4 - DW= 2,0. Le t de Student est entre parenthèses.

- OSSKt-i : opinion sur le niveau des stocks du trimestre précédent (quand la variable augmente, les stocks sont jugés plus pesants).

- TDL : tendance récente des délais de livraison (quand la variable augmente, les délais de livraisons se rallongent) *

- DTRESO : différence entre les difficultés de trésorerie exprimées en période t et en période t- 1 (une augmentation de la variable traduit un accroissement des difficultés de trésorerie entre les deux périodes).

L'estimation a été réalisée sur la période 1976- 1996 sur les séries agrégées centrées et réduites issues des enquêtes de conjoncture mensuelle et trimestrielle (soldes d'opinion).

Dans notre modèle, la valeur du solde d'opinion sur le niveau des stocks d'aujourd'hui dépend dans une certaine mesure de celle observée à l'enquête précédente, trois mois plus tôt : cette rémanence temporelle du solde d'opinion a déjà été soulignée. Les autres facteurs explicatifs sont liés à des évolutions entre les deux trimestres. Un plus fort allongement des délais de livraison (TDL élevé), reflet d'une insuffisance de l'offre face à la demande, fait apparaître, toutes choses égales par ailleurs, les stocks plus légers. Enfin, les stocks apparaissent d'autant plus pesants aux entreprises que leurs difficultés de trésorerie augmentent.

Au total, l'estimation économétrique de modèles de formation de l'opinion permet de dégager des mécanismes assez comparables, que l'on se base sur les réponses individuelles ou sur les séries agrégées. Néanmoins, si l'effet des anticipations de prix peut être mis en évidence dans le modèle Logit estimé sur des

nées individuelles, il ne l'est pas dans l'équation estimée sur les séries de soldes d'opinion. Dans le premier cas, le modèle est estimé de 1991 à 1996, années au cours desquelles le régime d'inflation a été homogène. Dans le second, en revanche, le modèle est estimé sur une plus longue période, et le changement du rythme de l'inflation au début des années quatre-vingt se traduit par un changement de la moyenne du solde d'opinion, ce qui perturbe l'estimation.

L'utilisation des enquêtes de conjoncture pour la prévision

En confrontant les opinions des chefs d'entreprise sur leurs stocks et sur d'autres

domaines de leur activité productive, nous avons vu comment se forme l'opinion sur les stocks, en particulier lorsque leur niveaux sont jugés élevés. Cette meilleure compréhension des jugements individuels sur les stocks va nous servir pour la prévision des variations de stocks au niveau macroéconomique au sens des comptes trimestriels de l'Insee. Nous allons ainsi proposer un modèle alternatif au modèle « accélérateur » classique dont le pouvoir explicatif n'est pas totalement satisfaisant dans la période récente.

Les limites d'un modèle accélérateur simple

Dans le cadre du modèle accélérateur, les entreprises cherchent à détenir des stocks de produits finis en fonction du niveau de demande qu'elles anticipent. L'évolution des variations de stocks y est donc procyclique, ce qui est conforme aux évolutions précédemment décrites. Le niveau désiré des stocks dépend des anticipations de demande : celles-ci se forment à partir de l'observation des variations passées de la demande totale hors stocks adressée à l'industrie manufacturière.

Un choc positif sur la demande entraîne une augmentation de la production, à la fois pour répondre à cette demande supplémentaire mais aussi pour que le niveau final des stocks soit plus élevé que le niveau initial. Les entreprises anticipent en effet que l'effet du choc positif sur la demande est persistant et que la demande future sera également plus élevée. L'inverse se produit en cas de choc négatif. Les fluctuations

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de l'offre sont ainsi amplifiées par rapport aux chocs de demande.

La dynamique du modèle accélérateur implique que les variations de stocks sont positivement corrélées avec les chocs qui affectent la demande hors stocks. Or, il existe un délai d'ajustement de la production au niveau de la demande. Deux cas de figure se présentent : si le délai est inférieur à la durée entre deux observations, les variations de stocks seront positivement corrélées avec les chocs contemporains sur la demande hors stocks, conformément au modèle. Si le délai d'adaptation de la production est plus long, on observera au contraire, face à un choc positif de demande, une diminution des stocks qui permettra aux entreprises de répondre à la demande. La mise en évidence de l'un ou l'autre de ces phénomènes dépend donc à la fois de la vitesse d'ajustement de la production et de la périodicité des observations.

Le modèle accélérateur entre les séries de variations de stocks et de demande hors stocks (6) peut s'écrire :

VARSTOt=a*VARSTOt-i + ]£ ADEMHSt-i (I) /=o

avec :

- VARSTOt : variations de stocks de produits manufacturés au cours du trimestre t ;

- ÀDEMHSt-i : la variation de la demande hors stocks entre les trimestres (t-i-1) et (t-i).

L'équation (I) est estimée sur l'ensemble de la période 1976-1995, sur laquelle les comptes nationaux trimestriels sont au moins calés sur une première version des comptes nationaux annuels. Nous avons testé jusqu'à quatre trimestres de retard sur les variations de la demande. La meilleure équation, stable sur l'ensemble de la période et la plus satisfaisante en simulation dynamique, est :

VARSTO(t) = 0,65 VARSTO(t-l) (8,2) + 0,10 ADEMHS(t) + 0,10 ADEMHS(t-l) (1.9) (1,9)

RMSE = 3557. Le t de Student est entre parenthèses.

Les variations de stocks sont positivement corrélées avec les variations de la demande hors stocks de la période courante et de la période précédente. Le délai d'ajustement des stocks est donc inférieur à la périodicité des observations : lorsque la demande hors stocks augmente lors d'un trimestre, les stocks s'ajustent à la hausse dans le même trimestre.

Ceci semble cohérent avec la valeur du ratio entre le volume global des stocks de produits manufacturés et la demande hors stocks d'un trimestre. Ce ratio a en effet varié au cours du temps, mais en restant compris entre 0,40 et 0,65 : les stocks de biens manufacturés représentent dans l'ensemble de l'économie entre 1 et 2 mois de demande hors stocks de ces mêmes biens. Il en est de même pour les stocks de produits manufacturés finis, détenus par leur producteur : ils varient entre 5,1 et 7,4 semaines de production depuis 1976, soit entre 1 et 2 mois, selon les enquêtes trimestrielles de conjoncture dans l'industrie. Ceci suppose des délais de réaction de l'offre du même ordre pour l'ensemble des agents, inférieurs en tout état de cause au trimestre.

Le modèle implique aussi qu'un choc ponctuel de 8 sur la demande hors stocks à un trimestre donné, induit simultanément une augmentation de 0,1e du niveau des stocks. L'effet est encore de 0,065e le trimestre suivant, puis l'effet du choc sur les variations de stocks comme sur les niveaux de stocks disparaît avec le temps.

Le modèle est ici présenté en simulation dynamique depuis 1991, les coefficients étant estimés sur l'ensemble de la période (cf. graphique III). La période 1992-1995 correspond à une période de moindre stockage par rapport aux effets accélérateurs attendus : les résidus de la simulation dynamique sont fortement négatifs.

Le pouvoir explicatif de cette équation reste relativement faible. L'erreur quadratique moyenne reste assez élevée, de l'ordre de 3,6 milliards de francs 1980, même s'il faut en relativiser la taille : en effet la série des comptes nationaux trimestriels est, par construction, très heurtée (cf. encadré 1). Il paraît toutefois intéressant de chercher à améliorer le caractère

6. Les séries sont stationnâmes sur la période 1976-1995. En revanche, Un 'y a pas de relation de long terme entre les variables en niveau (stocks et demande hors stocks) ni entre les logarithmes de ces variables sur cette même période.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 307, 1997-7 87

explicatif et prédictif de ces équations en introduisant d'autres variables, notamment celles issues des enquêtes de conjoncture.

L'amélioration par la prise en compte de variables d'opinion

L'analyse que nous avons menée sur la formation de l'opinion des chefs d'entreprise sur leurs stocks nous conduit tout naturellement à privilégier les variables relatives aux anticipations sur les prix et la demande.

Il faut toutefois souligner que cet exercice revient à expliquer les variations de stocks de produits manufacturés à l'échelle de l'économie par les comportements et les jugements des seuls producteurs nationaux de biens manufacturés. L'hypothèse sous-jacente est que les

cipations des producteurs de l'industrie manufacturière constituent une image correcte des anticipations des autres agents susceptibles de détenir des stocks de biens manufacturés, notamment des grossistes et des détaillants.

Cette hypothèse ne paraît pas infirmée par les résultats : le rôle des anticipations, exprimées par les producteurs de biens manufacturés, peut en effet être mis en évidence. Il permet notamment d'expliquer une partie de l'écart entre les prévisions du modèle accélérateur et les variations de stocks effectives depuis 1991. En revanche, introduire des variables d'enquête dans le modèle accélérateur précédent est peu fructueux : les variables d'enquête sont très corrélées aux variables quantitatives et l'estimation est mauvaise - les écarts-types augmentent et les variables deviennent non significatives.

Graphique III Le modèle « accélérateur » n'est pas très satisfaisant

En milliards de francs 1 980 15

10

-5

-10

I ■ ■ ■ I i i 1 1 ■ i ■ I i i i i i ■ 1 1 i ■ ■ I ■ i 1 1 i i 1 1 1 1 ■ I ■ ■ ■ I ■ 1 1 I . . , I i ■ i I i ■ ri i ■ ■ ■ i ■ic il l l l l i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I T I I I I I I I I I I I I 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995

Comptes trimestriels Modèle accélérateur Résidus

Source : enquêtes de conjoncture (Insee).

88 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 307, 1997-7

Le choix d'un modèle avec variables d'enquête doit répondre à des exigences statistiques de plusieurs ordres (stabilité des coefficients, faible erreur quadratique en prévision, fort R2...). Divers essais de spécifications ont été testés, avec l'ensemble des variables d'enquête précédemment utilisées ainsi qu'avec des variables de taux d'intérêt. Beaucoup d'équations sont instables quand elles sont estimées sur l'ensemble de la période 1976-1995. Nous avons retenu le modèle suivant, de court terme et stable, dont toutes les variables d'enquêtes sont des soldes d'opinion centrés et réduits (sur la période 1986-1996 pour les prix):

VARSTO(t) = 0,64 VARSTO(t-l) (8,7) + 492 Tend.PrixPassés (t) (2,8)

+1273 Tend.Demande Prévue (t) (3,5)

RMSE=3380. Le t de Student est entre parenthèses.

La présence dans les équations de la tendance passée des prix des produits manufacturés (observée à la fin du trimestre) peut être reliée au motif de stockage spéculatif. Le niveau d'inflation anticipé, très lié au solde d'opinion sur la tendance des prix prévue par les industriels, a été fort, mais variable, jusqu'en 1985. Les hausses anticipées de prix expliquaient alors une part importante des mouvements de stocks, ce qui est moins le cas sur la période récente. La variable de prix indique donc dans une certaine mesure le passage d'un régime de forte inflation et fort stockage à un régime de basse inflation et de plus faible stockage.

Le deuxième motif de stockage est la constitution de stocks-tampons. Les entreprises sont d'autant plus incitées à constituer des stocks,

Graphique IV La prise en compte des variables d'opinion améliore le modèle sur la période récente

En milliards de francs 1980 15

10 -

5 -

-5 -

-10 -

-15 U 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ■■■ I 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 i il 1 1 1 1 1 1 1 1 I 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1977

Comptes trimestriels Modèle avec enquête Résidus

Source : enquêtes de conjoncture (Insee).

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 307, 1997 - 7 89

dans lesquels elles peuvent puiser, que la demande anticipée est forte.

Sur l'ensemble de la période, le pouvoir explicatif de ce modèle n'est que très légèrement meilleur que celui du modèle accélérateur. En revanche, ce modèle décrit mieux les évolutions récentes des variations de stocks, notamment depuis 1992 (cf. graphique IV). Nous présentons ici, en simulation dynamique depuis 1991, le modèle estimé sur la période 1976- 1995.

Les variables d'opinion et d'anticipation de prix et de demande peuvent expliquer une part du déficit d'accumulation de stocks depuis 1991, date à partir de laquelle le modèle accélérateur surestime systématiquement à la hausse les mouvements sur les stocks. Le déstockage massif de 1993 et le faible restockage en 1995 trouveraient dans une certaine mesure leur ex

plication dans la dégradation des anticipations de prix et de demande.

Ainsi, les variables issues des enquêtes de conjoncture dans l'industrie se révèlent importantes, à la fois pour interpréter et pour mieux prévoir les variations de stocks de biens manufacturés au sens des comptes trimestriels.

* * *

L'étude économétrique sur données individuelles qui a été présentée a été menée sur l'opinion des industriels sur leurs stocks et non sur les mouvements effectifs de leurs stocks. Des travaux récents (Chardon, 1997) ont étudié le lien entre cette opinion et les mouvements de stocks. Il n'est pas toujours direct : les variations de stocks peuvent en effet être volontaires ou subies. Dans le premier cas, lorsqu'elles jugent leurs stocks supérieurs à la normale, les entreprises déstockent. Dans le second, les entreprises peuvent avoir vu leur stocks augmenter et les juger lourds. De fait, parmi les entreprises qui déstockent pendant un trimestre donné, celles dont les stocks sont supérieurs à la normale durant la même période sont surreprésentées : mais cette surreprésentation n'est pas très forte. En revanche, on peut diagnostiquer davantage de stockages involontaires, les entreprises qui jugent leurs stocks supérieurs à la normale et ont stocké pendant un trimestre donné, étant nombreuses à déstocker le trimestre suivant.

Ainsi, de manière simultanée ou avec retard, le jugement « stocks lourds » des industriels coïncide assez fréquemment avec un comportement de déstockage. □

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