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© 2013 Pearson France – Microéconomie, 8 e édition Microéconomie, 8 e édition Robert Pindyck, Daniel Rubinfeld Catherine Sofer et Michel Sollogoub ISBN : 978-2-7440-7601-5 Exemples complémentaires Chapitre 1 Exemple complémentaire 1.1 – Le salaire minimum De 1960 à 2008, en 48 ans, la valeur courante du salaire minimum horaire brut en France (salaire minimum interprofessionnel garanti, ou SMIG, jusqu’en 1970, puis salaire minimum interprofessionnel de croissance) a été multipliée par plus de trente-cinq, passant de l’équivalent de 0,25 euro par heure en 1960 à 9,43 euros en janvier 2013 (voir figure 1.1). Cette valeur est celle du salaire horaire brut : il faut en déduire les cotisations sociales dues par les salariés pour avoir une idée du salaire horaire net reçu. Par exmeple, en juillet 2008, pour un salaire horaire minimum brut de 8,71 euros, le salaire horaire net correspondant était de 6,84 euros. La valeur réelle du SMIC horaire brut, autrement dit son pouvoir d’achat, a été multipliée par plus de 3,5, passant de 2,31 euros à 8,71 euros lorsque ce pouvoir d’achat est calculé aux prix de 2007. Pour avoir une idée de l’évolution du pouvoir d’achat d’un travailleur payé au SMIC, il faut prendre en compte la durée annuelle de travail et l’incidence du temps partiel. Figure 1.1 – Le salaire minimum en France En France, la législation sur le SMIC impose sa révision tous les ans, en général le 1 er juillet, afin de tenir compte de la hausse des prix et de l’évolution générale des salaires. De plus, le gouvernement peut décider d’accorder des « coups de pouce » substantiels au SMIC, ce qui a été fait notamment à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 et à celle de Jacques Chirac en 1995. Dans des pays comme les États-Unis, la revalorisation du salaire minimum n’est pas automatique. Le salaire minimum américain est ainsi resté au même niveau nominal 100 150 200 250 300 350 400 Indice en euros constants (base 100 en 1951) Salaire minimum pour 39 h hebdomadaires (à partir de 1982) Salaire minimum net pour 35 h hebdomadaires Salaire moyen

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Microéconomie, 8e édition Robert Pindyck, Daniel Rubinfeld Catherine Sofer et Michel Sollogoub ISBN : 978-2-7440-7601-5

Exemples complémentaires

Chapitre 1

Exemple complémentaire 1.1 – Le salaire minimum

De 1960 à 2008, en 48 ans, la valeur courante du salaire minimum horaire brut en France (salaire minimum interprofessionnel garanti, ou SMIG, jusqu’en 1970, puis salaire minimum interprofessionnel de croissance) a été multipliée par plus de trente-cinq, passant de l’équivalent de 0,25 euro par heure en 1960 à 9,43 euros en janvier 2013 (voir figure 1.1). Cette valeur est celle du salaire horaire brut : il faut en déduire les cotisations sociales dues par les salariés pour avoir une idée du salaire horaire net reçu. Par exmeple, en juillet 2008, pour un salaire horaire minimum brut de 8,71 euros, le salaire horaire net correspondant était de 6,84 euros. La valeur réelle du SMIC horaire brut, autrement dit son pouvoir d’achat, a été multipliée par plus de 3,5, passant de 2,31 euros à 8,71 euros lorsque ce pouvoir d’achat est calculé aux prix de 2007. Pour avoir une idée de l’évolution du pouvoir d’achat d’un travailleur payé au SMIC, il faut prendre en compte la durée annuelle de travail et l’incidence du temps partiel.

Figure 1.1 – Le salaire minimum en France

En France, la législation sur le SMIC impose sa révision tous les ans, en général le 1er juillet, afin de tenir compte de la hausse des prix et de l’évolution générale des salaires. De plus, le gouvernement peut décider d’accorder des « coups de pouce » substantiels au SMIC, ce qui a été fait notamment à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 et à celle de Jacques Chirac en 1995. Dans des pays comme les États-Unis, la revalorisation du salaire minimum n’est pas automatique. Le salaire minimum américain est ainsi resté au même niveau nominal

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(à partir de 1982)

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de 3,35 dollars par heure de 1981 à 1989. Depuis juillet 2009, il est stable à de 7,25 dollars par heure1, à comparer avec les 9,43 euros par heure en France depuis le 1er janvier 2013. D’autres pays encore, comme l’Allemagne, n’ont pas mis en place de salaire minimum pour tous les travailleurs, même si ce thème est actuellement en débat. Les rémunérations minimales y sont fixées au cours des négociations entre partenaires sociaux au niveau de chaque branche professionnelle. Enfin, le salaire minimum, que les employeurs sont tenus de payer à leurs salariés, doit être soigneusement distingué du revenu de solidarité active (RSA), qui a pris la suite en 2009 du RMI (revenu minimum d'insertion), instauré en 1989, par lequel l'État français garantit à toute personne âgée de plus de 25 ans un minimum de ressources, qu’elle soit employée ou pas.

1. Il est prévu de porter ce salaire minimum fédéral à 7,25 dollars le 24 juillet 2009.

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Chapitre 2

Exemple complémentaire 2.1 – Les prix de la baguette et de la coupe de cheveux

Les prix alimentaires et industriels ne sont complètement laissés au fonctionnement du marché en France que depuis 1978. Les prix des médicaments, par exemple, sont toujours contrôlés par l’État en étant fixés, pour des raisons budgétaires évidentes, par une convention entre chaque laboratoire et le Comité économique de protection de la santé (CEPS).

Les prix de la baguette de pain et de la coupe de cheveux pour homme ont suivi depuis cette date des évolutions dissemblables : si tous deux ont augmenté, celui de la baguette l’a fait sensiblement plus vite que celui de la coupe de cheveux2.

Dans le même temps, le nombre de boulangeries artisanales a sensiblement baissé, passant de près de 40 000 en 1980 à un peu plus de 30 000 aujourd’hui La consommation de pain en général a fortement décru au cours du siècle passé où elle a été divisée par 6, de 900 g par habitant et par jour à 140 g aujourd’hui, mais cette baisse a tendance à se ralentir3. De nombreux facteurs ont contribué à faire baisser la consommation de pain qui constitue un exemple d’un bien inférieur. Ainsi, le prix de la baguette de pain blanc est passé de 0,95 franc, soit 0,14 euro en 1975 à 0,87 euro en janvier 20134, soit une augmentation de plus de 500 % (le prix de la baguette a été multiplié par plus de six), alors que les prix ont en moyenne augmenté de 300 % (ils ont été multipliés par quatre). En résumé, le prix du pain a augmenté en valeur réelle, alors que sa consommation et sa production se sont réduites.

Le prix de la coupe de cheveux pour les hommes est resté à peu près constant en valeur réelle de 1980 à aujourd’hui. En revanche, le nombre de coiffeurs a eu tendance à augmenter continuellement avec l’augmentation de la population. Le nombre de salons de coiffure est passé de 45 000 dans les années 80 à près de 75 000 aujourd’hui5. La coupe de cheveux est un bien normal : avec l’augmentation des revenus, les hommes, dont la tendance à la coupe est restée stable, peuvent dépenser un peu plus à chaque visite chez le coiffeur (shampoing, coupe au rasoir, etc.). Au total, le prix de la coupe n’a pas vraiment augmenté alors que la production, le nombre de coupes de cheveux, s’est accru, notamment du fait de l’accroissement de la population.

Pour interpréter en termes de courbes d’offre et de demande ce qui s’est passé, illustrons par la figure 2.1 le marché de la coupe de cheveux : la demande, relativement inélastique, se déplace vers la droite avec l’augmentation de la population. C’est également le cas de l’offre, ce qui conduit à une relative stagnation des prix.

Le cas des boulangeries et de la baguette est différent : la demande de pain et de baguettes se déplace vers la gauche, car le pain est un bien inférieur et le nombre d’offreurs diminue aussi, mais moins que la baisse de la demande : le prix de la baguette augmente relativement.

Figure 2.1 – Les marchés de la coupe de cheveux et de la baguette de pain

2. Voir Annuaire statistique de la France, INSEE, Paris, diverses éditions. 3. Voir le site http://www.boulangerie.org/ rubrique économie 4. Voir INSEE Annuaire statistique .Prix moyens mensuels de vente au détail en métropole - Pain baguette (kg) 5. Sources : Enquête annuelle d’entreprise dans les services, diverses années.

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Le marché de la baguette est représenté sur la figure de gauche. Partant du prix P0 avec des quantités produites et échangées égales à B0, l’augmentation des revenus et la modification des habitudes de consommation entraîne le déplacement de la demande vers la gauche, D1. Le nombre de boulangeries diminue également, ce qui est illustré par le déplacement vers la gauche de la courbe d’offre. Il résulte de ce double mouvement une hausse des prix.

À droite, le marché de la coupe de cheveux pour hommes : la demande, relativement inélastique, s’accroît à cause de l’augmentation de la population et de l’augmentation plus lente du nombre de salons de coiffure. Le résultat est une relative stabilité des prix avec une augmentation du nombre de coupes de cheveux.

Exemple complémentaire 2.2 – Les inégalités de salaire : comparaison des cas français et américain

Même si les États-Unis ont été en croissance depuis le début des années 1990, les gains qu’ils en ont retirés n’ont pas été équitablement répartis. Les salaires des travailleurs qualifiés à hauts revenus ont beaucoup augmenté, tandis que les salaires des travailleurs peu qualifiés à bas revenus ont, en réalité, légèrement diminué. Dans l’ensemble, on a assisté à une augmentation de l’inégalité de l’échelle des salaires : ce phénomène a commencé aux alentours de 1980 et s’est accéléré ces dernières années. Par exemple, entre 1978 et 2010, les individus situés dans les 20 % supérieurs de l’échelle des revenus ont connu une augmentation de 50 % du revenu moyen réel (corrigé de l’inflation) avant impôts de leur ménage, tandis que ceux appartenant aux 20 % inférieurs de l’échelle n’ont vu leur revenu moyen réel avant impôts augmenter que de 6 %6 .

Pourquoi la distribution des revenus est-elle devenue plus inégale depuis le début des années 1980 ? La réponse se trouve dans la confrontation de l’offre et de la demande de travailleurs. Alors que l’offre de travailleurs peu qualifiés – avec un niveau d’études peu élevé – a beaucoup augmenté, leur demande n’a que peu augmenté. Ce déplacement de la courbe d’offre vers la droite, combiné à un faible mouvement de la courbe de demande, a entraîné la baisse du niveau de salaire des peu qualifiés. D’autre part, alors que l’offre de travailleurs qualifiés – c’est-à-dire ingénieurs, scientifiques, chefs d’entreprise et économistes – n’a augmenté que lentement, la demande a très fortement augmenté, entraînant ainsi une hausse des salaires. (Nous vous laissons le soin de représenter les courbes d’offre et de demande et de voir comment elles se sont déplacées, comme nous l’avons fait dans l’exemple complémentaire 2.1.)

Ces tendances sont explicites pour les variations de salaires de différentes catégories d’emploi. De 1980 à 2012, par exemple, les gains hebdomadaires réels (corrigés de l’inflation) des travailleurs qualifiés (comme ceux de la finance, de l’assurance et de l’immobilier) ont augmenté de plus de 35 %. Durant cette même période, les gains hebdomadaires réels des travailleurs relativement peu qualifiés (comme ceux du commerce de détail) n’ont augmenté que de 10 %7.

La plupart des projections anticipent que cette évolution va se poursuivre durant la prochaine décennie. Comme les secteurs high-tech de l’économie américaine se développent, la demande de travailleurs qualifiés continuera, de toute évidence, d’augmenter. Dans un même temps, le passage à l’informatique dans les bureaux et les usines réduira encore la demande de travailleurs peu qualifiés. (Cette tendance est évoquée dans l’exemple 14.5 du livre) Ces changements ne peuvent qu’accentuer les inégalités de salaires.

À la différence du cas américain, et contrairement à une idée reçue, les inégalités salariales sont restées à peu près stables en France au cours des vingt dernières années. La figure 2.2 illustre le rapport moyen du salaire des cadres à celui des ouvriers. Le rapport est égal au maximum à 4,55 en 1967 puis se réduit constamment jusqu’en 1985 où il est égal à 2,67 et reste voisin de ce niveau jusqu’à la fin des années 90. Il est à 2,56 en 1998. Depuis cette date, il remonte légèrement pour se stabiliser autour de 2,7 jusqu’en 2010. Néanmoins, comme les différences de salaires sont fortes à l’intérieur de chaque catégorie, mieux vaut utiliser un autre indicateur, le rapport inter-décile. Celui-ci mesure le rapport du neuvième décile au premier décile de la distribution des salaires. Le premier décile est égal au salaire tel que 10 % de l’ensemble des salariés touchent un salaire inférieur et 90 % supérieur à son niveau. Le neuvième décile est tel que 90 % des salariés ont un salaire inférieur et 10 % un salaire supérieur à son niveau. Le rapport entre ces deux salaires est bien un indicateur de l’inégalité. Ce rapport, calculé sur les salaires nets à temps complet, était égal à 3,5 en 1950, puis a crû jusqu’à 4 en 1967, et a diminué jusqu’en 1980 pour atteindre un niveau égal à 3. Il a légèrement augmenté dans les années 1980. Depuis 1993, il n’a pratiquement pas bougé (il était de 2,9 en 2010). Cette évolution contraste avec celle observée aux États-Unis et au Royaume-Uni. Elle est due essentiellement au rôle majeur joué par le SMIC dans la réduction des inégalités

6. En prenant en compte les revenus nets (après impôts), l’augmentation de l’inégalité a été encore supérieure ; le revenu moyen net réel des 20 % les plus pauvres a diminué durant la période. Des données historiques sur les inégalités de salaires aux États-Unis sont disponibles dans les « Tableaux historiques de l’inégalité de revenu » du site Internet du Census Bureau américain www.census.gov.

7. Pour avoir des données statistiques précises sur les rémunérations, visitez la section Detailed Statistics du site Internet du Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics, BLS) www.bls.gov. Sélectionnez alors l’emploi, les heures et les rémunérations de l’étude statistique de l’année courante.

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salariales8. Toutefois, des observations récentes montrent que la part des « très hauts revenus » dans le revenu national s’est fortement accrue au cours des dernières années.

Figure 2.2 – Salaire des cadres rapporté au salaire des ouvriers en France

Les évolutions du SMIC et leurs répercussions sur le montant des faibles salaires, d’un côté, et une expansion importante du nombre de travailleurs qualifiés combinée à un déplacement modéré de la demande de ces derniers (faiblesse relative de l’innovation et des secteurs de pointe en Europe), de l’autre, ont conduit à une relative stabilité des différences de salaires offerts en France.

8. Inégalités économiques », Rapport du Conseil d’analyse économique, La Documentation française, 2001. Rapport du CSERC

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Chapitre 3

Exemple complémentaire 3.1– Le rationnement de l’essence en France et aux États-Unis

En temps de guerre et autres situations critiques, les gouvernements imposent souvent un contrôle des prix sur des produits stratégiques.

En France, en 1956, à la suite de la nationalisation du canal de Suez par Nasser et de l’intervention franco-britannique, le gouvernement a imposé le rationnement de l’essence : à dater du 28 novembre et jusqu’au 31 décembre chaque possesseur de véhicule a eu droit à une allocation de base s’élevant à 30 l d’essence pour les véhicules particuliers de plus de 5 CV et à 20 l pour les moins de 5 CV ; les camions et camionnettes ont eu droit à 40 l et les cars à 50 l ; des allocations spéciales ont été prévues pour les médecins, prêtres, policiers, livreurs. Les allocations ont encore été réduites en 1957, mais le rationnement a pris fin le 1er juillet.

Entre 1974 et 1979, le gouvernement américain a imposé un prix plafond sur l’essence. En conséquence, les automobilistes souhaitaient acheter plus d’essence que ce qui était disponible après la mise en place du contrôle des prix, et l’essence était donc rationnée. Un rationnement ne passant pas par un mécanisme de prix est une autre façon de gérer les pénuries, que certains considèrent plus juste que le libre jeu des forces du marché. Dans un système de marché, ceux qui disposent d’un revenu élevé peuvent renchérir sur les propositions de ceux qui disposent d’un revenu faible pour obtenir des biens rares. Dans un système de rationnement, tout le monde a une chance égale d’acheter le bien rationné.

Aux États-Unis, de longues files d’attente se créaient à la pompe : ceux qui étaient disposés à attendre finissaient par avoir de l’essence, les autres non. En garantissant une quantité minimale d’essence à des personnes éligibles, le rationnement a permis à certains d’avoir accès au produit, alors qu’ils ne l’auraient pas eu autrement. Mais le rationnement en défavorise d’autres en limitant la quantité d’essence qu’ils peuvent acheter9.

Ce principe est clairement visible dans la figure 3.1, qui illustre le cas d’une femme disposant d’un revenu de 20 000 euros par an. L’axe horizontal représente sa consommation annuelle d’essence, et l’axe vertical le montant de son revenu après achat de l’essence. Supposons que le prix contrôlé de l’essence est de 1 euro par litre. Son revenu étant de 20 000 euros par an, elle est limitée par la contrainte budgétaire AB, qui a une pente de – 1. Au prix de 1 euro par litre d’essence, elle voudrait acheter 5 000 litres par an et consacrer 15 000 euros à l’achat d’autres biens, comme le représente le point C. À ce point, elle maximiserait son utilité (en étant sur la courbe d’indifférence la plus haute possible, U2), sachant que sa contrainte budgétaire est de 20 000 euros.

Figure 3.1 – Inefficience du rationnement de l’essence

Quand un bien est rationné, sa disponibilité est moins élevée que le désir des consommateurs. Les consommateurs peuvent être moins satisfaits. Sans rationnement de l’essence, on peut consommer jusqu’à

9. H.E. Frech III et William C. Lee, « The welfare cost of rationing-by-queue across markets : Theory and estimates from the US gasoline crisis », Quarterly Journal of Economics (1987) : 97-108.

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20 000 euros d’essence (point B). Le consommateur choisit le point C sur la courbe d’indifférence U2, et consomme 5 000 litres d’essence. Cependant, si la limite du rationnement d’essence est de 2 000 litres (point E), le consommateur choisira D, sur une courbe d’indifférence plus basse. Cependant, du fait du rationnement, notre consommatrice ne peut acheter que 2 000 litres d’essence. Alors, elle est confrontée à la droite de budget ADE, qui n’est plus rectiligne puisque les achats ne sont pas possibles au-delà de 2 000 litres. La figure montre que son choix de consommer le panier D implique un niveau d’utilité inférieur à celui qu’elle aurait atteint sans le rationnement, U1au lieu de U2, car elle consomme moins d’essence et davantage d’autres biens que ce qu’elle aurait préféré. Il est évident qu’au prix de rationnement, cette femme aurait une satisfaction supérieure si sa consommation n’était pas contrainte. Mais sa satisfaction est-elle plus grande en présence de rationnement que ce qu’elle aurait été sans aucun rationnement ? Il n’est pas surprenant que la réponse dépende du niveau qu’aurait atteint le prix concurrentiel en l’absence de rationnement. Comme le montre la figure 3.21, sa satisfaction sera plus grande dans le cas du rationnement si le prix de marché est de 2 euros par litre ; dans ce cas, la consommation maximale d’essence sera de 10 000 litres par an, et elle choisira le point F qui est situé en dessous de la courbe d’indifférence U1 (qui est le niveau d’utilité atteint dans le cas du rationnement). Cependant, si le prix de marché est 1,50 euro, elle sera moins satisfaite s’il y a rationnement ; dans ce cas, la consommation maximale d’essence sera de 15 000 litres par an, et elle choisira le point G qui se trouve au-dessus de la courbe d’indifférence U1.

Figure 3.2 – Comparaison entre rationnement de l’essence et marché concurrentiel

Si le prix de l’essence dans un marché concurrentiel est de 2 euros par litre et la consommation maximale d’essence est de 10 000 litres par an, la satisfaction de la consommatrice est plus grande dans le cas du rationnement (qui maintient le prix à 1 euro le litre), puisqu’elle choisit le panier F qui se situe en dessous de la courbe d’indifférence U1 (niveau d’utilité atteint quand il y a rationnement). Cependant, elle préférera le marché concurrentiel si le prix de concurrence est de 1,50 euro par litre, puisqu’elle choisira le panier G qui se trouve au-dessus de la courbe d’indifférence U1.

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Exemple complémentaire 3.2 – Indice unique, indice inique : l’indice des prix reflète-t-il vraiment l’évolution des prix ?

Mesurer l’évolution du prix des millions d’articles consommés par les Français en utilisant un indice unique, l’indice des prix à la consommation, est une gageure dénoncée dès les années 1970 par le slogan : indice unique, indice inique. De fait, la construction d’un tel indice repose sur des conventions dont l’application aboutit à un résultat souvent mis en cause.

Selon la définition internationale en vigueur, « L’objectif d’un indice des prix à la consommation est la mesure des variations au cours du temps du niveau général des prix acquis, utilisés ou payés par la population de référence pour sa consommation. Cet indice est estimé à partir d’une suite de mesures synthétiques des variations relatives, d’une période à l’autre, des prix d’un ensemble fixe de biens et de services de consommation constant en quantité et par leurs caractéristiques » (Résolution concernant les indices des prix à la consommation, Bureau international du travail, 1987).

Cette définition mérite plusieurs commentaires :

• Il s’agit de suivre le prix d’un « ensemble fixe de biens et de services », c’est-à-dire d’un panier de consommation. Ce panier est censé résumer la structure de la consommation des ménages : c’est une structure moyenne représentative de tous, mais ne correspondant en fait concrètement à personne. Comme nous le savons, la structure de consommation se modifie avec le temps à cause de l’évolution des prix, des revenus et des goûts. L’importance relative de chaque type de biens (produits alimentaires, vêtements, produits électroniques, automobiles, etc.) varie dans le temps. L’indice des prix tient compte du changement de cette structure de consommation en moyenne. Ainsi, dans le calcul de l’indice des prix en 1949, l’alimentation représentait 58 % des achats mesurés et les services 17 %, alors que ces poids étaient respectivement devenus 19,2 % et 41,4 % en 2005.

• Il s’agit aussi de la structure de consommation d’une « population de référence » choisie par l’Insee. En France, on a longtemps (jusqu’en 1991) retenu les ménages dont le chef est ouvrier ou employé, et résidant dans une agglomération de plus de 2 000 habitants. Depuis cette date, la population de référence est constituée par l’ensemble des ménages. Là aussi, cette population de référence est conventionnelle et cela pose problème. Les Français ne forment pas un ensemble constitué d’éléments identiques. En un sens, le Français n’existe pas dans la réalité, il n’y a que des individus. Et chacun perçoit et réagit en fonction de sa situation concrète, particulière par construction. Ainsi, la perception d’une augmentation des loyers ne peut être la même pour un célibataire à Paris, qui consacre 50 % de son revenu à la location de son appartement, que pour une personne propriétaire de son logement. Or, dans l’indice, le poste « loyers » pèse moins de 6 %. Ceci a conduit à envisager la création d’indices de prix catégoriels : les consommateurs seraient distingués par leur niveau de revenu, leur tranche d’âge, leur catégorie socioprofessionnelle, leur lieu d’habitation, etc. Une étude récente consacrée à cette question aboutit aux résultats suivants10 :

« Sur la période 1996-2006, les différences d’inflation induites par les différences de structure de consommation entre catégories de ménages sont faibles, mais parfois significatives. Les plus marquantes sont liées à la consommation des produits les plus inflationnistes sur la période, comme le tabac et les produits pétroliers. Ainsi, l’évolution récente du prix du tabac est défavorable aux ménages à revenus modestes (pour lesquels la part de budget tabac pèse plus dans la consommation totale), alors que celle des produits pétroliers est défavorable aux ruraux souffrant d’une surconsommation relative de carburant et de fuel domestique. Enfin, malgré des différences importantes existant entre les pondérations propres aux différentes catégories de ménage sur le poste "Logement", celui-ci ne contribue que faiblement aux écarts d’inflation entre catégories, l’écart entre la hausse des loyers et l’IPC étant resté modéré sur la période. » Le rapport commandé par le ministre de l’Économie et des finances à ce sujet recommande de calculer des évolutions de pouvoir d’achat (revenu divisé par indice des prix) en tenant compte de ces différences11.

• D’autre part, les prix relevés dans les différents points de vente doivent être représentatifs des achats des Français. L’Insee procède au relevé de 160 000 séries de prix élémentaires collectés par les enquêteurs, auxquelles s’ajoutent près de 40 000 séries de « tarifs » qui s’appliquent de façon uniforme en tout point du territoire. La dénomination précise des produits et des points de vente est gardée secrète pour éviter toute manipulation (politique de l’indice). L’échantillon est renouvelé une fois par an. Si la structure de la consommation mesurée par l’indice n’était pas régulièrement révisée, l’indice des prix calculé tendrait à surestimer l’inflation. Aux États-Unis, une commission du Sénat, appelée commission Boskin (du nom de son président, professeur à l’université Stanford en Californie), avait évalué que dans les années 1990,

10. D. Guédès, Indices des prix à la consommation par catégories de ménages 1996-2006, Insee, document de travail de la direction des statistiques démographiques et sociales, n˚ F0606, 2006.

11. Rapport de la commission « Mesure du pouvoir d’achat des ménages », remis à Madame Christine Lagarde (6 février 2008), disponible à l’adresse www.insee.fr/fr/publications–et-services/dossiers_web/pouvoir_achat/rap_mesure_pouvoir_achat.pdf.

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l’indice des prix à la consommation (IPC) surévaluait l’inflation de 1,1 % par an. 0,4 % de cette surévaluation était dû à la mauvaise appréciation des structures de consommation fixes aux États-Unis.

• Enfin, la question de l’évolution de la qualité des produits est délicate. D’une année sur l’autre, certains des produits dont on relève les prix disparaissent et sont remplacés par des produits qui sont soit équivalents, soit de qualité différente (entre 3 % et 5 % de l’ensemble des produits observés sont dans ce cas). Sous peine de fausser l’évaluation des prix, il faut tenir compte de cette amélioration, l’évolution des prix intégrant un effet d’élévation de la qualité, ou au contraire de cette détérioration. Cette question importante est bien circonscrite par les statisticiens qui utilisent diverses méthodes pour la traiter.

Selon l’étude réalisée par Guédès (2004), en 2003, 14 000 ajustements de qualité12 ont été effectués par l’Insee. Une amélioration de la qualité a été enregistrée dans 53 % des cas, alors que 39 % des ajustements se sont traduits par une diminution et 8 % ont été estimés comme neutres. Au total, « l’ensemble des ajustements de qualité a réduit l’évolution de l’indice de 0,3 point de pourcentage sur l’année 2003 ». Étant donné les limites des méthodes d’estimation de l’effet qualité, ce chiffre peut raisonnablement être considéré comme une borne inférieure, car il ne s’intéresse qu’aux conséquences de la disparition de références anciennes en cours d’années13.

Dans la période récente, la question du pouvoir d’achat et de sa mesure a fait l’objet d’une polémique née de la distance entre l’inflation observée par les indices de prix calculés par l’Insee et l’inflation perçue telle que ressentie par les ménages dans les enquêtes d’opinion. La figure 3.3 illustre cette distance qui est apparue essentiellement au moment du passage à l’euro en 2002.

Figure 3.3 – Inflation perçue et inflation observée

12. Par exemple, « un enquêteur de l’Insee, lors d’un relevé de prix, constate la disparition (définitive) d’un des items suivis (le pack de quatre yaourts Danone aux abricots) ; il cherche à le remplacer par un produit présentant les caractéristiques les plus proches possibles de celles de l’item disparu (le pack de quatre yaourts Danone aux pêches ou bien le pack de quatre yaourts Yoplait aux abricots) », Philippe Moati et Robert Rochefort, « Mesurer le pouvoir d’achat », Rapport du CAE, n˚ 73, La Documentation française, Paris (2008) : 75.

13. D. Guédès, Impact des ajustements de qualité dans le calcul de l’indice des prix à la consommation, Insee, Document de travail de la direction des statistiques démographiques et sociales, n˚ F0404, 2004, cité par Moati et Rochefort, op. cit. (2008) : 77.

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Outre les considérations présentées ci-dessus, cette divergence inexistante dans le passé14 s’explique par plusieurs facteurs15 :

• L’indice ne prend pas correctement en compte les dépenses d’acquisition de logement, considérées comme de l’investissement, et non de la consommation. Une proposition visant à corriger ce défaut consisterait à intégrer le prix des logements neufs dans l’indice des prix et à prendre en compte le montant des remboursements d’emprunt. Des propositions visant à distinguer des indices de prix des propriétaires et des locataires de logement ont également été faites, et d’une manière générale à mieux prendre en compte le coût des services de logement pour les ménages.

• D’autre part, la pondération retenue ne coïncide pas toujours avec l’importance ressentie de la dépense. Par exemple, une hausse de 10 % du prix du timbre-poste, très visible pour le consommateur, ne contribue que pour 0,02 point à l’augmentation de l’indice d’ensemble. La même hausse sur le prix des fleurs et des plantes passera inaperçue ; pourtant, elle pèse 0,03 point sur l’indice général. À l’inverse, la stabilité des prix, voire leur baisse, constatée sur tel ou tel poste, sera ignorée en dépit de son impact sur le niveau de vie. Il en est ainsi des prix des produits électroniques (hi-fi, informatique, télévision, DVD…), dont la chute a contribué à l’équipement quasi général de la population, impensable il y a quelques années.

En pratique, le consommateur est particulièrement sensible :

• à la variation du prix de ses achats courants, ceux auxquels il procède régulièrement, voire quotidiennement, surtout lorsqu’ils sont effectués isolément : le pain, les cigarettes, l’essence, le café ou le demi de bière au comptoir ;

• au prix des produits dont il peut difficilement réduire la consommation. À court terme, il est plus réceptif à l’augmentation de ses charges ménagères quotidiennes qu’à celle des biens d’équipement, par exemple.

De là est née l’idée de distinguer dans les utilisations du revenu pour le calcul de l’évolution du pouvoir d’achat deux composantes : une composante contrainte correspondant aux dépenses de consommation des ménages préengagées par un contrat ou un abonnement16 (dépenses préengagées) ou nécessaires pour leur survie ou leur travail (dépenses nécessaires), et une composante arbitrable, libérée mesurant ce qu’il reste aux ménages une fois qu’ils ont payé ces dépenses contraintes. La part des dépenses préengagées dans les dépenses totales a fortement augmenté depuis 1959, passant de 13,4 % à près de 30 % aujourd’hui17, ce qui contribue à fausser la perception de l’évolution du pouvoir d’achat, et donc des prix. Notons également que, dans un but pédagogique, l'Insee a récemment mis en ligne un simulateur d'indice des prix personnalisé qui donne les pondérations des différents produits utilisés dans l'indice général, et permet de calculer un indice personnalisé en modifiant ces pondératrions de manière à tenir compte de la structure de sa consommation personnelle18.

14. Comme il ressort de la figure 3.23, au début des années 1990, le public sous-estimait la hausse des prix. 15. Voir le rapport de Philippe Moati et Robert Rochefort, « Mesurer le pouvoir d’achat », Rapport du CAE, n˚ 73 (2008), et les recommandations

du Rapport de la commission « Mesure du pouvoir d’achat des ménages », remis à Madame Christine Lagarde (6 février 2008). 16. Par exemple, le loyer, la facture d’électricité ou de gaz, ou le téléphone. 17. Rapport de la commission « Mesure du pouvoir d’achat des ménages », remis à Madame Christine Lagarde, 6 février 2008, p. 43. 18. www.insee.fr/fr/themes/indicateur.asp?id=29&type=1&page=indic_sip.htm

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Chapitre 4

Exemple complémentaire 4.1 – Des dépenses qui dépendent du niveau de vie : le cas français

Les courbes d’Engel présentées dans la section 1.5 du chapitre 4 concernent des consommateurs individuels. Mais nous pouvons aussi construire des courbes d’Engel pour des groupes de consommateurs. Elles permettent de déterminer comment varie la consommation des ménages classés selon le niveau de leur revenu. Le tableau 4.1 illustre les dépenses des consommateurs classés selon leur niveau de vie19. Trois niveaux sont distingués : le premier décile correspond aux 10 % les plus pauvres, la médiane à la tranche de ceux situés au niveau médian20 de la distribution des niveaux de vie et le dernier décile correspond aux 10 % les plus aisés. La partie gauche du tableau donne en euros le montant des dépenses consacrées à diverses dépenses de consommation : produits alimentaires et boissons non alcoolisées, boissons alcoolisées, logement, etc.

On observe ainsi que les loisirs et la culture sont des biens dont l’élasticité revenu est élevée, puisque les plus riches y consacrent plus de cinq fois plus de dépenses (6 695 euros contre 1 237 euros) que les plus pauvres, alors qu’au contraire les riches dépensent en moyenne (1 503 euros) moins en loyers pour leur logement que les plus démunis (2 351 euros), car ils sont plus souvent propriétaires de leur logement. Les habitations louées sont donc un bien inférieur, alors que les loisirs et la culture sont un bien « normal ». Remarquez aussi, sur la partie droite du tableau 4.1, que la part des dépenses consacrées à ces biens augmente avec le niveau de vie, alors que cette part diminue (mais les montants de dépenses augmentent) pour des postes comme les communications ou les produits alimentaires.

Tableau 4.1 : Dépense annuelle moyenne par ménage selon le niveau de vie* en France en 2006

Dépense en euros courants selon le

niveau de vie*

Ensemble

Dépense en pourcentage selon le

niveau de vie*

Ensemble 10 % les plus

pauvres médian

10 % les plus

riches

10 % les plus

pauvres médian

10 % les plus

riches

01 Produits alimentaires et boissons non

alcoolisées

2 816 4 082 5 548 4 164 17,1 16,1 12,1 15,0

02 Boissons alcoolisées, tabac et stupéfiants 525 740 953 704 3,2 2,9 2,1 2,5

03 Articles d’habillement et chaussures 1 267 1 861 3 813 2 124 7,7 7,3 8,3 7,6

04 Logement, eau, gaz, électricité et autres

combustibles

4 072 4 296 5 147 4 428 24,7 16,9 11,2 15,9

dont loyers d’habitation 2 351 2 118 1 503 2 020 14,3 8,4 3,3 7,3

05 Ameublement, équipement ménager et

entretien courant de la maison

875 1 676 4 312 1 986 5,3 6,6 9,4 7,1

06 Services médicaux et de santé 486 865 1 776 981 2,9 3,4 3,9 3,5

07 Transports 1 815 3 665 7 321 4 242 11,0 14,4 16,0 15,3

08 Communications 727 994 1 230 989 4,4 3,9 2,7 3,6

09 Loisirs et culture 1 237 2 583 6 695 3 123 7,5 10,2 14,6 11,2

10 Enseignement 118 125 377 189 0,7 0,5 0,8 0,7

11 Hôtels, restaurants, cafés 583 1 267 2 968 1 470 3,5 5,0 6,5 5,3

12 Autres biens et services 1 950 3 212 5 737 3 384 11,8 12,7 12,5 12,2

Dépense totale 16 471 25 364 45 876 27 784 100,0 100,0 100,0 100,0

Champ : France métropolitaine ; Source : Insee, enquête budget de famille 2006 * mesuré par le revenu par unité de consommation : revenu du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (1 unité pour

le premier adulte du ménage, 0,5 pour les autres personnes de 14 ans et plus, 0,3 pour les enfants de moins de 14 ans).

19. Le niveau de vie d’un consommateur est égal au revenu disponible du ménage auquel il appartient, divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) qui composent ce ménage. Le revenu disponible comprend les revenus déclarés au fisc et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), mais pas l’intégralité des revenus du patrimoine, nets des impôts directs. Les unités de consommation sont calculées selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus, et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.

20. C’est-à-dire tel que la moitié de la population a un niveau de vie plus faible et l’autre moitié un niveau de vie plus élevé.

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Chapitre 5

Exemple complémentaire 5.1 – La valeur de l’information dans l’industrie laitière

Historiquement, les dépenses publicitaires de l’industrie laitière américaine ont évolué irrégulièrement au cours du temps21. Mais la consommation de lait par individu a diminué au fil des années – une situation qui a conduit les producteurs à chercher de nouvelles stratégies pour encourager la consommation de lait. Une stratégie aurait consisté à augmenter les dépenses publicitaires et à continuer de faire régulièrement de la publicité. Une autre stratégie aurait été d’investir dans les recherches sur le marché afin d’obtenir plus d’informations sur l’aspect saisonnier de la demande de lait ; les responsables du marketing pourraient alors réallouer les dépenses de façon que la publicité soit plus intense lorsque la demande de lait est la plus importante.

La recherche sur la demande de lait montre que les ventes ont un caractère saisonnier : la demande la plus importante se situe au printemps et la plus faible au cours de l’été et au début de l’automne. L’élasticité-prix de la demande de lait est négative mais faible, et l’élasticité-revenu est positive et élevée. Les campagnes publicitaires pour le lait produisent d’une part un impact majeur sur les ventes lorsque les préférences sont les plus fortes (mars, avril et mai), et d’autre part un effet moindre lorsque les préférences sont les plus faibles (août, septembre et octobre).

Dans ce cas, le coût d’obtention d’une information saisonnière concernant la demande de lait est relativement faible et la valeur de l’information est substantielle. Pour estimer cette valeur, nous pouvons comparer les ventes réelles de lait au cours d’une année typique avec les niveaux de vente qui auraient été atteints si les dépenses publicitaires avaient été effectuées en fonction de l’importance de la demande saisonnière. Dans ce dernier cas, 30 % du budget publicitaire auraient été alloués au premier trimestre de l’année et seulement 20 % au troisième trimestre.

En appliquant ces calculs à l’aire métropolitaine new-yorkaise, nous trouvons que la valeur de l’information – la valeur annuelle des ventes additionnelles de lait – est d’environ 4 millions de dollars. Cela correspond à une hausse de 9 % du profit des producteurs.

21. Cet exemple est basé sur Henry Kinnucan et Olan D. Forker, « Seasonality in the Consumer Response to Milk Advertising with Implication for Milk Promotion Policy », American Journal of Agricultural Economics 68 (1986) : 562-71.

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Chapitre 9

Exemple complémentaire 9.1 – Les subventions à l’agriculture et leurs effets pervers

Pour assurer, dans un premier temps, l’autosuffisance alimentaire de l’Union européenne, puis maintenir à un niveau convenable les revenus de leurs agriculteurs, les pays européens comme la plupart des autres pays gros producteurs de denrées agricoles comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie (ainsi que le Japon et la Suisse) ont eu recours de façon ouverte ou déguisée au soutien de leurs agriculteurs.

Dans l’Union européenne, pendant longtemps, dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), de nombreux produits agricoles, essentiellement les oléagineux et les céréales, ont bénéficié de prix minima garantis, supérieurs aux cours mondiaux correspondants, par le biais d’achats publics à prix fixes (mécanisme dit de l’intervention).

La situation est illustrée sur le graphique de la figure 9.1 : le prix d’intervention sur les marchés de l’UE, fixé au-dessus du prix d’équilibre et du prix mondial, crée un excès d’offre égal à EF. En situation d’excès d’offre par rapport à la demande intérieure, les surplus doivent être exportés vers les pays tiers. En l’absence d’intervention, le prix mondial serait PA. Les excédents écoulés sur le marché mondial par l’UE contribuent à faire baisser le prix mondial de PA à PB. La différence entre ce qui est financé au prix d’intervention et ce qui est vendu au prix mondial PB, représentée par la différence entre les surfaces en gris clair et en gris foncé sur le graphique, est financée par le budget européen.

Les subventions à l’exportation sont financées par les contribuables communautaires. Au total, les subventions européennes se montaient à plus de 50 milliards d’euros en 2004, soit près de la moitié du budget de l’Union (45 % en 2004), mais elles décroissent continuellement depuis (40% en 2013).

Figure 9.1 – Les effets pervers des politiques d’intervention agricoles

Dans les pays du Nord, en l’absence d’intervention, les prix s’établiraient au niveau P0 avec une quantité produite X0. Les autorités garantissent le prix d’intervention, ce qui conduit les agriculteurs à produire au niveau XF et les consommateurs à demander XE, créant un excédent égal à EF. Le montant total de la subvention est égal à la surface colorée en clair. Ces excédents sont vendus sur le marché mondial sur lequel interviennent les agriculteurs du « Sud ». En leur absence, le niveau de prix serait PA. La vente de ces excédents déplace l’offre mondiale vers la droite et fait baisser le prix jusqu’à PB, occasionnant des recettes proportionnelles à la surface en foncé. Le coût net pour le budget public est donc égal à la différence entre la surface en clair et la surface en foncé. La baisse du prix sur le marché mondial a des conséquences néfastes pour les agriculteurs des pays du Sud, qui ne trouvent pas le prix suffisamment attractif pour se lancer dans l’agriculture.

Ce système, utilisé aussi par les États-Unis sous d’autres formes, a notamment pour effet de faire baisser le prix de ces denrées sur le marché mondial. Devenant trop faibles, ces prix limitent les possibilités des producteurs des pays en développement à se lancer sur des marchés concurrentiels, ce qui contribue à laisser ces pays dans leur état de pauvreté.

C’est contre ce système de subventions que se sont élevés les pays en développement au sein de l’OMC et notamment au sommet de Cancun, en septembre 2003. Quelques évolutions ont été réalisées, mais le sommet de Cancun a été un échec notamment sur la question agricole. Depuis, l’OMC a fait des propositions en 2004 visant à éliminer les subventions versées aux exportations agricoles et à réduire la durée de remboursement des crédits à l’exportation. L’OMC suggère que les membres se mettent d’accord sur « l’élimination parallèle, à une échéance

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crédible, de toutes les formes de subventions à l’exportation et de toutes les mesures exportatrices d’un effet équivalent »22 .

Les réformes de la PAC qui se succèdent depuis 1993 ont pour objet de remplacer progressivement les aides à la production par des aides directes aux exploitations.

Ces réformes visent ainsi à substituer à l’ancien mécanisme de soutien des prix un système alliant prix d’intervention et aides directes à la production basées sur les surfaces, sous condition de la mise en jachère d’une fraction des sols cultivés. À l’issue de la réforme, les cours des oléagineux et protéagineux sont alignés sur les cours mondiaux23 .

L’accord de Luxembourg du 26 juin 2003 trace des perspectives jusqu’en 2013, consacrant le « découplage » des aides et de la production, avec un maintien du prix d’intervention. L’aide est dite « découplée » lorsqu’elle est indépendante de toute production. Des subventions à l'exportation, intervention publique et stockage, aides à la production, quotas, etc., complètent le système d'aides directes dans certains secteurs et/ou lors de crises économiques, sanitaires ou climatiques affectant les prix (« filet de sécurité »). Très utilisées dans les premières décennies de la PAC, de telles mesures ne représentent aujourd'hui plus qu'environ 7 % de son budget24.

Qui reçoit ces subventions ? Des informations sur les destinataires de ces subventions outre-Manche ont fait sensation dans la presse européenne il y a quelques années : il s’est avéré que la reine d’Angleterre, le prince Charles et un certain nombre de ducs, comtes, barons et marquis faisaient partie des plus gros bénéficiaires des subventions versées par Bruxelles à la Grande-Bretagne au titre de la politique agricole commune (PAC).

En plus de ces grands propriétaires aristocratiques, environ 100 000 fermiers et compagnies agricoles britanniques ont reçu, au cours de l’année fiscale 2003-2004, l’équivalent de 2,5 milliards d’euros de subventions. Cet argent a été distribué de manière très inégale. Il a, pour l’essentiel, arrondi les profits des grosses sociétés de l’agrobusiness et n’a guère bénéficié aux petits fermiers. Au Royaume-Uni, comme ailleurs en Europe, les subventions agricoles européennes sont attribuées au prorata de la superficie des exploitations, de leur production et du nombre de têtes de bétail. Les plus gros domaines sont donc les mieux lotis25 . Notons que, selon les négociations en cours, jusqu'à 50 % des aides pourraient être plafonnées pour la période 2014-202026,

Exemple complémentaire 9.2 – Les effets des allocations logement sur les loyers en France

Pour venir en aide aux titulaires de faibles revenus, trois instruments ont été mis en œuvre en France : le blocage des loyers, qui a eu comme ailleurs des effets négatifs, la construction de logements sociaux comme les HLM, et les aides aux logements : ce sont les conséquences des allocations logement qui sont examinées dans une étude27. Les allocations logement se sont généralisées à partir de 1977 sous forme d’allocations fournies directement au ménage éligible, libre à lui de se loger dans le parc de son choix (privé ou public). En France, les aides personnelles au logement touchent en moyenne un locataire sur deux et il est donc important d’en mesurer les conséquences.

Quelles sont les conséquences de ces allocations sur les loyers ? La réponse de l’analyse est claire : une telle allocation tend à déplacer vers la droite la demande de services du logement. Le ménage prêt à payer un certain loyer avant de recevoir l’allocation augmentera son prix de réserve pour la location d’un logement du montant de cette allocation. L’effet sur le loyer de marché dépendra de l’élasticité de l’offre de logements. À court terme, si elle est faible, le déplacement de la demande se traduira par une augmentation des loyers. À plus long terme, des logements seront construits et les loyers seront plus modérés.

La figure 9.2 illustre l’effet de l’allocation dans le court terme avec une offre de logements locatifs relativement inélastique. Le déplacement de la courbe de demande à la suite de l’attribution de l’allocation entraîne une augmentation du loyer pour une offre donnée, mais l’augmentation du loyer est inférieure au montant de l’allocation

Les résultats obtenus pour la France confirment la prédiction précédente : les allocations logement peuvent conduire à une augmentation des loyers, même s’il est difficile d’en mesurer l’effet à long terme.

22. Le Monde, 16 juillet 2004. 23. « D’une réforme de la politique agricole commune à l’autre », Insee Première, n˚927, octobre 2003. 24. Voir des informations détaillées sur le site : www.touteleurope.eu/fr/actions/agriculture-peche/politique-agricole-commune/presentation/la-

politique-agricole-commune-pac.html#c42600 25.Le Monde, 25 mars 2005. 26. www.euractiv.fr/agriculture/reforme-pac-aides-directes-conditionnees-11121.html 27. Anne Laferrère et David le Blanc, « Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ? », Économie et Statistique n° 35, 2002.

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Figure 9.2 – Le marché du logement locatif

Les auteurs utilisent le calendrier d’une réforme qui a étendu, entre 1992 et 1994, les aides à tous les ménages quel que soit leur logement ou la composition familiale, sous seule condition de ressources. Leur étude se limite au secteur libre. Entre 1990 et 1997, le nombre des allocataires est passé de 1,9 million à 3,1 millions. Quand on observe les loyers au cours du temps, on remarque qu’après la réforme, la hausse des loyers des logements occupés par les bénéficiaires d’allocations a été plus rapide que de ceux des non-allocataires. Aucun effet n’est apparent sur la période de 8 ans avant la réforme. Cela pourrait être dû à un afflux de nouveaux ménages dans des logements plus chers : chacun sait qu’un nouveau ménage fait face à un loyer plus élevé puisque l’évolution des loyers est contrôlée pour les locataires en place, ou encore les ménages aidés ont pu choisir grâce à l’allocation des logements de meilleure qualité, donc plus chers. Mais l’effet demeure même si on raisonne à ancienneté du locataire donnée, et à qualité observable constante des logements.

Une autre façon d’étudier le problème est de suivre l’évolution du loyer d’un même logement. On trouve alors que la hausse du loyer est plus forte quand le nouveau locataire bénéficie d’une allocation et que l’ancien n’en bénéficiait pas, que dans tous les autres cas. Cela est vérifié sur toute la période, aussi bien avant qu’après la réforme. Ainsi, quand un locataire change et que donc le loyer est fixé librement, le propriétaire bailleur augmente davantage le loyer quand le nouveau locataire est subventionné.

Ainsi, si on choisit le dernier trimestre 1993 comme référence, on observe que les loyers des logements aidés augmentent plus vite que les autres à partir de la fin 1994, la hausse différentielle étant plus faible à partir de la fin 1996. Par exemple, au premier trimestre 1996, par rapport au quatrième trimestre 1993, le loyer des logements non aidés avait augmenté de 5,9 %, tandis que celui des logements aidés avait augmenté de 10,7 %, soit 4,8 points de plus.

Le mécanisme qui pourrait être à l’œuvre en France est celui d’un comportement de discrimination des bailleurs en situation de quasi-monopole. Face à une subvention qui est proportionnelle à la dépense pour les locataires situés au-dessous des plafonds de loyer, l’incitation est grande de repérer que le locataire est aidé (ce qui est possible compte tenu des garanties demandées par les propriétaires) et de s’arranger tacitement ou non pour partager l’allocation avec le locataire. Pour les loyers inférieurs au plafond, une hausse de loyer, prise en charge par l’allocation, ne suscitera pas beaucoup de résistance de la part du locataire. Cette étude ne porte que sur les loyers du secteur libre, mais la même chose a pu se passer en HLM, surtout en cas de logements pour étudiants, où de tels comportements ont été localement documentés28.

28. Anne Laferrère, « La politique du logement : les enseignements de l’expérience française », Journée d’étude RIB/RBDH, 23 avril 2004.

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Chapitre 10

Exemple complémentaire 10.1 – L’Union européenne et Coca-Cola

La Commission européenne a révélé en octobre 2004 qu’un compromis avait été signé avec Coca-Cola, première entreprise mondiale de boissons gazeuses, qui s’est engagée à modifier ses pratiques commerciales au sein de l’Union européenne, afin d’éviter d’être condamnée pour abus de position dominante. Coca-Cola, dont la part de marché en Europe est en moyenne de 50 % contre 10 % pour Pepsi-Cola, son principal concurrent, était soupçonné d’abuser de sa position pour signer des accords d’exclusivité, et pratiquer des remises discriminantes aux grossistes et distributeurs qui lui juraient fidélité. Aux termes de l’accord, Coca-Cola accepte de supprimer les clauses d’exclusivité qu’il impose à ses clients distributeurs. Ces derniers « sont libres, à tout moment, d’acheter et de vendre des boissons gazeuses du fournisseur de leur choix », écrit la Commission. Le groupe renonce en outre, en Europe, aux remises individualisées, accordées aux grossistes, distributeurs, supermarchés qui lui achètent le plus.

Entre autres clauses complémentaires, Coca-Cola ne pourra plus accompagner les commandes de ces derniers de remises attractives sur les boissons les plus populaires. Enfin, la multinationale devra mettre à la disposition de ses concurrents un cinquième de l’espace des automates réfrigérés qui ne proposent actuellement que ses produits. Elle devra également assouplir les règles de financement à crédit de ce type d’appareils pour permettre à leurs propriétaires de signer des contrats avec la concurrence.

« Les engagements pris par Coca-Cola permettront d’offrir des conditions équitables sur les marchés des boissons gazeuses en Europe, a commenté M. Monti, le commissaire européen à la concurrence, artisan de l’accord. Dans les cafés, les pubs et les magasins, les consommateurs pourront choisir sur la base du prix et de leurs préférences personnelles, au lieu de prendre un produit Coca-Cola, car c’est le seul qui leur est proposé29. »

En juin 2005, la Commission européenne a annoncé que les engagements pris par Coca-Cola avaient force de loi jusqu’au 31 décembre 2010. En cas de non-respect de ces engagements, l’entreprise pouvait se voir infliger des amendes dont le montant peut aller jusqu’à représenter 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.

Exemple complémentaire 10.2 – La politique de la concurrence en Europe

Nous reprenons ci-après les éléments fournis par la Commission européenne sur la politique de la concurrence à partir de son site : ec.europa.eu/index_fr.htm.

La politique de concurrence s’articule autour de quatre grands domaines d’action :

• La répression des accords restrictifs de concurrence et des abus de position dominante (par exemple la condamnation d’un accord de fixation de prix entre concurrents).

• Le contrôle des concentrations d’entreprises (par exemple l’interdiction d’une fusion de deux grands groupes qui conduit ces derniers à dominer le marché).

• La libéralisation des secteurs économiques sous monopole (par exemple l’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence).

• Le contrôle des aides d’État (par exemple l’interdiction d’une subvention de l’État au maintien en activité d’une entreprise déficitaire sans perspectives de redressement).

Le droit communautaire s’attache à défendre le marché commun et à stimuler la concurrence à l’intérieur de ce vaste espace économique. Il n’est donc mis en œuvre qu’à partir du moment où les échanges entre les États membres sont affectés par les pratiques en cause. En effet, une entente entre les boulangers d’une ville qui fixeraient le prix du pain dans cette ville n’aurait aucune incidence sur le marché communautaire. C’est pourquoi le droit européen n’est pas applicable à ce genre de situation. En revanche, le droit national de la concurrence peut l’appréhender (voir exemple).

L’abus de position dominante est un domaine d’action important pour la Commission. Elle se définit comme suit.

Définition de la « position dominante »

Une entreprise occupe une position dominante lorsque son pouvoir économique lui permet d’agir sur le marché sans tenir compte de la réaction de ses concurrents ou des consommateurs intermédiaires ou finals. Pour apprécier le pouvoir de marché d’une entreprise, la Commission prend en considération sa part de marché, ainsi que d’autres facteurs, tels que la présence de concurrents crédibles, l’existence d’un réseau de distribution propre à l’entreprise, d’un accès privilégié aux matières premières, etc.

29. Le Monde, 21 octobre 2004.

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Est-il illégal de détenir une position dominante ?

Les entreprises performantes sont gérées dans le but de conquérir des marchés, au point d’y devenir parfois prééminentes. Le fait de détenir une position dominante n’est pas condamnable en soi si cette position est le résultat de l’efficacité de l’entreprise. En revanche, si l’entreprise profite de son pouvoir pour entraver la concurrence, il s’agit alors d’une pratique anticoncurrentielle qui constitue un abus. C’est donc l’abus de position dominante qui est interdit par l’article 82 du traité CE.

Contrôle des abus de position dominante : les pouvoirs de la Commission européenne

La Commission a le pouvoir, par voie de décision, d’interdire de tels abus et d’infliger aux entreprises coupables une amende à concurrence de 10 % de leur chiffre d’affaires (mêmes règles que celles qui ont été exposées ci-dessus pour les ententes).

• La Commission peut enquêter sur des abus soupçonnés, soit de sa propre initiative, soit sur plainte de concurrents ou de clients.

• Il n’existe aucun régime d’exemption pour les abus de position dominante.

Abus de position dominante : exemples

Une entreprise détenant une position dominante peut être tentée d’en abuser, par exemple en pratiquant des prix de vente ou d’achat excessifs ou en octroyant des avantages discriminatoires à certains clients en vue de contrôler leur comportement ou d’exclure les concurrents du marché. Les exemples ci-dessous illustrent l’action de la Commission dans ce domaine.

Deutsche Post

Le 20 mars 2001, la Commission a adopté pour la première fois une décision en vertu de l’article 82 du traité dans le secteur postal, ayant estimé que l’opérateur postal allemand Deutsche Post AG (DPAG) avait abusé de sa position dominante sur le marché des services d’envoi de colis commerciaux en accordant des rabais de fidélité et en pratiquant des ventes à perte. À la suite de cette décision, DPAG a dû créer, pour ces services, une entité juridique distincte de son monopole postal pour le courrier. La décision de la Commission a non seulement exigé la mise en œuvre d’un système de prix transparent et axé sur le marché entre les deux entités, mais aussi établi des règles relatives à l’application de subventions croisées par les monopoles postaux. Compte tenu du verrouillage prolongé du marché causé par ses pratiques, une amende de 24 millions d’euros a été infligée à DPAG.

Michelin

Le 20 juin 2001, la Commission a infligé au fabricant français de pneumatiques Michelin une amende de 19,76 millions d’euros pour abus de position dominante sur le marché français des pneus rechapés et des pneus de remplacement pour poids lourds. L’enquête de la Commission a révélé qu’entre 1990 et 1998, Michelin avait appliqué un système complexe de rabais, de primes et d’accords commerciaux qui liait les distributeurs à leur fournisseur Michelin et fermait donc artificiellement le marché à ses concurrents. Le montant élevé de l’amende infligée reflétait la gravité et la durée de l’infraction, ainsi qu’une infraction similaire commise précédemment par Michelin.

Unilever

À la suite d’une plainte déposée par la société Mars, la société Unilever a été poursuivie en 1998 pour abus de position dominante. Unilever proposait en effet à ses distributeurs en Irlande des congélateurs gratuits, à condition toutefois de n’y entreposer que ses propres produits. Cette pratique contraignait ainsi de nombreux distributeurs à ne proposer à la vente au détail que les glaces produites par Unilever. Ainsi le consommateur irlandais avait-il un choix de crèmes glacées très réduit. Compte tenu de la position dominante d’Unilever sur le marché, cette condition d’exclusivité a été considérée comme un abus par la Commission européenne.

Microsoft

Le 6 mars 2013, la Commission européenne a infligé à Microsoft une amende de 561 millions d'euros pour cause de non-respect de ses engagements consistant à proposer aux utilisateurs un écran multichoix leur permettant de sélectionner facilement le navigateur web qu’ils souhaitent. En 2009, la Commission avait rendu ces engagements juridiquement contraignants pour Microsoft jusqu'en 2014 (voir IP/09/1941). Dans la décision adoptée aujourd’hui, la Commission constate que Microsoft n’a pas intégré l’écran multichoix au Service Pack 1 de Windows 7 entre mai 2011 et juillet 2012. 15 millions d’utilisateurs de Windows dans l’Union européenne ont donc été privés de cet écran au cours de cette période. Microsoft a reconnu que cet écran ne s’était pas affiché pendant cette période.

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Exemple complémentaire 10.3 – Une entente illicite sur le prix de la baguette

En France, le Conseil de la concurrence est chargé de veiller au respect de la loi en matière de concurrence sur les marchés français. Toute entente entre producteurs est passible de poursuites. C’est ainsi que, saisi par le ministre de l’économie et des finances, le Conseil de la concurrence a sanctionné la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne, ainsi que 26 artisans boulangers, pour avoir participé à une entente visant à augmenter le prix de la baguette, durant la période qui a précédé le passage à l’euro30.

Compte tenu de la part personnelle et déterminante prise dans la conception et l’organisation de cette entente par le président de la Fédération et de sa violation délibérée et intentionnelle des règles de concurrence, le Conseil a, par ailleurs, décidé de transmettre le dossier au Parquet pour un examen de l’opportunité de poursuites pénales. Les intéressés ont fait appel de la décision du Conseil de la concurrence. Dans un jugement rendu le 26 octobre 2004, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation des boulangers incriminés à des amendes allant de 300 euros à 5 700 euros en fonction du volume de production des boulangeries concernées, et jusqu’à 15 000 euros pour la Fédération de la boulangerie de la Marne.

Juste avant le passage à l’euro, la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne fixe des consignes d’augmentation du prix de la baguette

Lors de l’assemblée générale annuelle de la Fédération départementale du 23 avril 2001, le président a clairement recommandé à ses adhérents d’appliquer une hausse forfaitaire et uniforme sur le prix de la baguette, mettant en avant l’augmentation à venir des charges liées à la réduction du temps de travail et le passage à l’euro.

Il a notamment fait valoir que la période du passage à l’euro (à compter du 1er janvier 2002) ferait l’objet d’une vigilance toute particulière de la part des pouvoirs publics en matière de stabilité des prix. Expliquant qu’il serait, dans ces conditions, très difficile de procéder à des hausses pour couvrir les coûts supplémentaires engendrés par l’entrée en vigueur des 35 heures, il a insisté sur la nécessité d’anticiper la situation en procédant, dès le second semestre 2001, à un réajustement à la hausse du prix de la baguette pour le fixer à 4,90 francs (soit 0,75 euro).

Des consignes largement appliquées par les boulangers du département

Ces consignes de prix ont été activement relayées par l’action des délégués syndicaux (entretiens téléphoniques, visites) auprès de l’ensemble de la profession du département, notamment auprès des boulangers adhérents absents le jour de l’assemblée générale, mais également auprès des boulangers non adhérents.

Les relevés de prix effectués en octobre 2001 par les services d’enquête de la DGCCRF sur un échantillon de 36 boulangers du département montrent que la hausse préconisée a été suivie d’effet, puisque près de 73 % des boulangers de l’échantillon ont strictement suivi les consignes en fixant le prix de la baguette à 4,90 francs. Cette augmentation a représenté pour la grande majorité d’entre eux une hausse de 30 centimes de franc (environ 4 centimes d’euro, soit plus de 6,5 %) et est généralement entrée en vigueur lors de la réouverture des magasins après les congés annuels d’été.

Des pratiques particulièrement graves

Le Conseil a estimé que ces pratiques étaient d’autant plus graves qu’elles ont eu pour effet de restreindre la concurrence sur le marché du produit le plus vendu dans les boulangeries. À cet égard, le Conseil de la concurrence relève que, consommé dans 94 % des familles françaises, le pain fait partie des repas quotidiens de 62 % des ménages, les Français mangeant en moyenne 160 grammes de pain par jour et par personne.

Par ailleurs, le Conseil a souligné qu’il était inadmissible qu’une organisation professionnelle, à qui la loi confie la mission de défendre les intérêts d’une profession, limite de manière délibérée la concurrence par les prix entre ses membres. En préconisant un prix uniforme de la baguette, la Fédération est en effet sortie de son rôle de défense de la profession et s’est livrée à une pratique dont l’objet était de faire obstacle au libre jeu du marché, chaque entreprise de boulangerie étant incitée à fixer le prix de la baguette selon le montant suggéré par la Fédération, au lieu de déterminer son prix librement et de façon autonome, en tenant compte de critères objectifs.

30. Décision du Conseil de la concurrence du 12 mars 2004.

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Chapitre 12

Exemple complémentaire 12.1 – Les ententes sont-elles responsables de la limitation du pouvoir d’achat des Français ?

Au début 2013, le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français. À qui la faute ? Plusieurs explications sont avancées : la Chine, la flambée des cours internationaux des matières premières à la suite du développement des pays émergents, de mauvaises récoltes, la hausse des loyers, etc. La législation du commerce de détail est également en cause. La loi de modernisation de l’économie, votée en août 2008, visait à mettre fin à certaines dispositions de la loi Galland de 1996 consistant à interdire la vente à perte et à rétablir une concurrence par les prix entre les grandes surfaces.

Une autre source d’importance est constituée par la concentration du secteur de la distribution alimentaire en France se traduisant par l’existence de quasi-monopoles dans un grand nombre de localités. Cette concentration doit être mesurée non au niveau national, mais au niveau de chaque « zone de chalandise ». L’implantation des supermarchés de plus de 300 m2 était, en vertu de la loi Raffarin de 1995, soumise à autorisation d’un comité départemental siégeant auprès du préfet et comprenant des représentants des collectivités locales, des associations de consommateurs et des commerçants, petits et grands. Cette loi a conduit à des effets pervers avec une concentration marquée dans le secteur de la grande distribution (66 % de part de marché pour les quatre plus grandes enseignes) et l’ouverture d’un grand nombre de supérettes de superficie inférieure, mais très proche de 300 m2 appartenant aux mêmes grands groupes de distribution (directement intégrées à un groupe de distribution ou par le biais de contrats de franchise)31. La loi de modernisation de l’économie porte à 1 000 m2 la superficie minimale pour déclencher une procédure d’autorisation, ce qui permet notamment l’installation de hard-discounters étrangers (essentiellement allemands). Les études montrent que les prix dans une zone donnée dépendent substantiellement du nombre et de la nature des distributeurs de produits alimentaires qui s’y trouvent32.

Une méthode pour combattre efficacement les cartels serait de leur imposer des sanctions dissuasives : ce n’est pas le cas aujourd’hui33. Un agent rationnel ne commettra pas d’infraction si la sanction qu’il encourt est d’un montant supérieur à ce qu’il gagne de façon illicite en tenant compte de la probabilité de détection. E. Combe fait le calcul en considérant qu’une probabilité de détection d’un cartel de 15 % est une borne supérieure réaliste, ce qui revient à dire que « les sanctions, pour être vraiment dissuasives, devraient atteindre au moins six fois le gain illicite ! »34. On est loin du compte, parce que dans le meilleur des cas, les amendes viennent confisquer le profit illicite, mais sans aller au-delà. On ne s’étonnera donc pas des cas de récidive de certaines entreprises, notamment au niveau communautaire.

31. Voir notamment M.-L. Allain, C. Chambolle et T. Vergé, La loi Galland sur les relations commerciales : jusqu’où la réformer ?, Éditions Rue d’Ulm, Paris, 2008, p. 12.

32. Les Vosges, le Pas-de-Calais, la Moselle et les Ardennes sont les quatre départements les mieux dotés en magasins hard-discount avec une densité de 80 à 96 m2 pour 1 000 habitants, quand la moyenne nationale est à 48,06 m2 et c’est là aussi que les prix sont les plus bas de France. Voir LSA Magazine, n˚2034 du 6 mars 2008.

33. Voir E. Combe, « Consommateurs, les ententes vous spolient », Télos, 14 avril 2008, téléchargeable sur le site www.telos-eu.com/fr/article/consommateurs_les_ententes_vous_spolient.

34. Voir note précédente.

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Chapitre 14

Exemple complémentaire 14.1 – La fin du pouvoir de monopsone des clubs de football en Europe : l’« arrêt Bosman » de 1995 La libération des transferts de joueurs de football a été autorisée en Europe à la suite de l’arrêt connu depuis sous le nom d’« arrêt Bosman », du nom du footballeur concerné, rendu par la Cour européenne de justice en décembre 199535. Jusqu’à cette date, en Europe, un joueur de football ne pouvait pas changer de club à l’issue de son contrat sans l’accord de son club d’origine qui le vendait à son nouveau club moyennant un paiement appelé prime de transfert. Ce système était sensé protéger les petits clubs contre la concurrence des « grands ». En 1990, à la fin de son contrat, les négociations sur le montant du transfert de Jean-Marc Bosman au club de Dunkerque ayant échoué (le FC Liège doutant de la possibilité du club de Dunkerque de payer le montant du transfert), il ne lui restait plus qu’à accepter un nouveau contrat à Liège pour le salaire minimum (le tiers de son revenu antérieur) ou bien à quitter le football professionnel. Bosman porte l’affaire devant les tribunaux. En première instance, un tribunal lui accorde de choisir librement son club. Il est alors victime d’une campagne de boycott de la part des fédérations belges et internationales de football. En définitive, ce n’est qu’en 1995 qu’il obtient gain de cause par l’arrêt qui porte désormais son nom. Cet arrêt introduit la liberté des transferts en fin de contrat et supprime la règle dite du « 3 + 2 ». Cette dernière limitait le nombre de joueurs étrangers à trois dans une équipe et à deux « semi-étrangers », des étrangers ayant joué dans le pays depuis plus de cinq ans. Quelles ont été les conséquences de cet arrêt sur le marché des footballeurs ?

Immédiatement après la publication de cet arrêt, les fédérations de football et de la plupart des pays européens, ainsi que les fédérations internationales comme l’UEFA et la FIFA, ont violemment protesté en indiquant qu’il mettait fin au football professionnel. De fait, l’arrêt Bosman réduisait la puissante position de monopsone des ligues de football et des fédérations sur le marché du travail des footballeurs.

L’arrêt a eu aussi pour conséquences d’allonger la durée des contrats sur le marché : il interdit les transactions à l’expiration des contrats, mais elles restent autorisées pendant le contrat. Les clubs ayant intérêt à pouvoir vendre des joueurs et cherchant à rétablir leur pouvoir de monopsone, ils allongent la durée des contrats et font souvent signer un contrat avant même la fin du précédent. Et le montant des transferts a augmenté, contrairement à ce que l’on pouvait attendre. L’impact le plus évident a été l’accroissement de la mobilité internationale des joueurs et l’exode des joueurs vers les grands pays du football : Royaume-Uni, Allemagne, Italie et Espagne. Les pays européens ont vu arriver des joueurs mal payés en provenance d’Europe de l’Est et des pays en développement (Afrique, Brésil, Argentine). Toutefois, ce changement est plutôt dû à la fin de la règle du « 3 + 2 », plutôt qu’à la modification du système des transferts.

Les salaires des joueurs, surtout des vedettes, ont fortement augmenté à cause de la concurrence introduite par le système de libre transfert résultant de l’arrêt Bosman, mais aussi de l’augmentation des droits de diffusion et de rediffusion des matches. Les responsables de clubs ayant moins besoin de liquidités pour payer les transferts, ils se sont reportés sur les salaires des joueurs pour se faire concurrence. Les salaires atteignent aujourd’hui des niveaux extravagants : les 10 joueurs les mieux payés au monde avaient fin 2012 des salaires qui s'échelonnenaient entre 10 et 20 millions d'euros par an36…

Après la fin du système des transferts, rien n’a apparemment changé pour le grand public : on se souvient des 77 millions d’euros payés en 2001 par le Real de Madrid pour obtenir Zinedine Zidane. La plupart des joueurs doivent continuer à subir la loi des clubs (les transferts ayant lieu pendant le contrat) à chaque ouverture du mercato (un marché de transferts ouvert à la mi-saison sur une durée limitée à quelques semaines), sur lequel les joueurs changent de clubs moyennant des sommes parfois astronomiques. Les joueurs se plient aux décisions des clubs sous peine de boycott de la part de ces derniers et des fédérations.

Ils se souviennent du sort réservé à Bosman après qu’il a porté son cas devant la Cour : il n’a reçu d’offre que de la part d’un club sur l’île de la Réunion. Même s’il estime avoir mené un juste combat, il se sent aujourd’hui bien seul : les joueurs qui ont obtenu des salaires trois ou quatre fois plus importants grâce à lui ne sont pas toujours reconnaissants à celui qui est resté sans travail, ni indemnités de chômage37.

Un nouvel accord international entre la FIFA, l’UEFA et la Commission européenne a été signé en mars 2001. Il stipule que dans le monde entier, à l’issue du contrat qui les lie avec leur club, les joueurs peuvent se déplacer librement d’un club à un autre et que la durée maximale du contrat est de cinq ans. Pour les joueurs qui rompent le contrat avant terme, une pénalité pour rupture de contrat devra être payée (son montant est décisif). Il est également prévu la création d’un fonds de solidarité et une meilleure protection des jeunes joueurs : cette réglementation ne s’applique toutefois qu’aux transferts internationaux. Les règles nationales des pays européens

35. Voir par exemple S. Késenne, « The Bosman case and European football », in Andreff and Szymanski, Handbook on the Economics of Sport, Edward Elgar 2006, p. 636-642.

36. Le Parisien, 13/09/2012, www.leparisien.fr/sports/football/en-images-les-10-plus-gros-salaires-du-foot-13-09-2012-

2163077.php?pic=4#infoBulles1

37. Voir l’interview de J. M. Bosman, Le Figaro, 15 octobre 2007.

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continuent à s’appliquer. Les jeunes joueurs sont également concernés par une disposition rappelant la période « avant Bosman » : le système des transferts est maintenu pour les joueurs âgés de moins de 23 ans et il est strictement interdit pour les joueurs mineurs de 18 ans. Le pouvoir de monopsone a du bon. Ceux qui l’ont exercé ont du mal à s’en passer.

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Chapitre 18

Exemple complémentaire 18.1 – La lutte contre les gaz polluants en Suède

Au début des années 1990, le parlement suédois a voté une réforme fiscale introduisant notamment deux taxes : l’une sur les émissions d’oxydes d’azote avec redistribution des recettes et l’autre sur les émissions de dioxydes de soufre sans redistribution. La part des prélèvements obligatoires dans le PIB est restée inchangée, mais la structure a changé38. La fiscalité écologique s’est substituée pour partie aux impôts sur le revenu et sur les bénéfices des sociétés. En 2004, les recettes de ces éco-taxes (énergie, CO2, transport et autres) représentaient environ 3,2 % du PIB, contre 2,85 % en moyenne en Europe. Les émissions de dioxydes de soufre et d’oxydes d’azote ont diminué respectivement de 87 % et 35 % entre 1980 et 1999. La taxe sur les émissions d’oxydes d’azote avait été fixée à 4 412,1 euros par tonne émise par les installations de combustion produisant au moins 50 GWh d’énergie par an. La taxe est entrée en vigueur en janvier 1992. La fixation du taux de la taxe a été fondée sur des données d’ingénieurs sur les coûts – efficacité anticipée des investissements de réduction. Le coût d’abattement a été estimé entre 331 à 9 270 euros par tonne de dioxyde. Le taux de 4 412,1 euros par tonne a été par conséquent considéré comme raisonnable.

Les montants collectés sont redistribués aux installations en fonction du total d’énergie produite. Cela signifie que la taxe est neutre au plan financier pour le secteur concerné, ce qui la rend politiquement acceptable. L’absence de redistribution aurait créé une différence de traitement entre les petites et les grandes installations, et aurait incité les grandes installations à fractionner leurs unités de production.

Exemple complémentaire 18.2 – La lutte contre les émissions de CO2 en Europe

Les pays européens disposent de plusieurs outils pour atteindre leurs objectifs fixés par le Protocole de Kyoto à travers l’adoption de normes d’émissions plus restrictives ou de taxes. Cependant, l’outil central de la politique climatique européenne est constitué d’un marché de permis d’émissions de CO2. Ce marché, appelé « EU ETS » (European Union Emissions Trading Scheme), plafonne les émissions de CO2 des secteurs industriels les plus émetteurs de GES (gaz à effet de serre) des 27 pays de l’Union.

Le principe est de fixer pour chaque pays un plafond d’émissions, auquel sont soumises les installations industrielles appartenant à des secteurs bien définis. Ce plafond donne lieu à une allocation annuelle de quotas répartie par installation (1 quota = 1 tonne de CO2). La méthode d’allocation est détaillée dans chaque plan national d’affectation de quotas (PNAQ). Ces PNAQ sont ensuite contrôlés et éventuellement amendés par la Commission européenne. La conformité de chaque installation est vérifiée chaque année avant le 30 avril : les installations couvertes doivent alors avoir restitué à la Commission européenne autant de quotas qu’elles ont émis de tonnes de CO2 lors de l’année précédente.

Le marché est établi sur deux périodes : 2005-2007 constitue la phase test et 2008-2012 correspond à la période d’engagement Kyoto. Une seconde période d'engagement a été fixée lors du sommet de Doha en décembre 2012. Elle s'étend du 1er janvier 2013 au 31 décembre 202039. Deux prix s’observent actuellement sur le marché européen : le prix du quota de première période peut se traduire par le prix au comptant, soit le prix des quotas à livraison immédiate ; le prix des quotas de deuxième période est visible sur les marchés à terme, par exemple à échéance décembre 2013, qui représente le prix actuel des quotas à livrer en décembre 2013.

En première période, la quantité de quotas alloués a été supérieure aux émissions des installations. La Commission interdisant les reports de quotas d’une période à l’autre, le prix du quota de première période a chuté et converge vers zéro. Depuis 2008, cette contrainte n’existe plus. Associée au resserrement des allocations aux installations, elle justifie le maintien d’un prix élevé sur la deuxième période40.

La Commission européenne a adopté le 29 novembre 2012 un nouveau programme d'action sur l'environnement qui prolonge l'action passée41. Mais, au sommet de Doha, les mesures les plus contraignantes se sont heurtées à l’opposition d'États soucieux de préserver, dans le difficile climat économique qui s’annonce, la compétitivité de leurs industries, même polluantes, pour lesquelles ces mesures se traduiront par des hausses de coûts.

38. Voir D. Bureau et M. Mougeot, « Politiques environnementales et compétitivité », Rapport au Conseil d’Analyse économique, Paris, 2004, p. 34.

39. Voir www.connaissancedesenergies.org/cop-18-kyoto-2-seul-acquis-de-l-accord-de-doha-121210 40. « CO2 et Energie France et monde Repères », édition 2007, Ministère de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables,

Caisse des Dépôts, La documentation française 2007. 41. Voir Commission européenne : ec.europa.eu/clima/news/articles/news_2012112901_en.htm

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Exemple complémentaire.18.3 – Des droits de pêche individuels en Europe ?

En Europe, l’avenir des stocks de poissons est menacé : à l'heure actuelle, de trop nombreux stocks (80 % des stocks de la Méditerranée et 47 % des stocks de l'Atlantique) sont surexploités. Une proposition de nouvelle politique commune de la pêche a été proposée en juillet 2011 par la Commission européenne. Parmi les propositions figurent des « concessions de pêche transférables » (CPT) pour des poissons déterminés. Il s'agit de « droits individuels à produire » qui autoriseraient les pêcheurs à pêcher une certaine quantité de poissons pendant une saison. Les droits pourraient s’échanger sur un marché sous certaines conditions. L’idée est de rendre les pêcheurs responsables à long terme de l’état de la ressource qui s’épuise lorsque tous pêchent autant qu’ils peuvent. À titre individuel, un pêcheur n’a pas intérêt à préserver les stocks, puisqu’il ne verra pas les conséquences de stocks qui déclineront à long terme. Cette proposition devrait prendre effet à partir de 201442.

42. Voir le site de la Commission européenne sur la politique de la pêche : ec.europa.eu/fisheries/reform/proposals/index_fr.htm