Métropolisation et habitation durable

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METROPOLISATION et HABITATION DURABLE Approches d’écologie humaine ----------------- o ----------------- Après quelques rappels et éléments donnés sur les notions de métropolisation et d’écologie urbaine je ferai un rappel du séminaire selon un processus linéaire adapté à la multiplicité des interventions dans des champs différents bien que se rejoignant en termes de métropolisation. Il sera abordé la gestion des risques sanitaires en ville, l’évolution de leur perception à mettre en parallèle avec la réalité des risques environnementaux, l’approche historique de la notion de peur urbaine et la peur contemporaine du nucléaire. Enfin des éléments seront donnés en ce qui concerne les spécificités du climat urbain et de la pollution dans ce même milieu, un milieu qui comprend de nouvelles faunes issues d’écosystèmes naturels. En termes de durabilité nous mentionnerons l’apparition du concept de mobilité durable, puis nous examinerons les problèmes spécifiques relatifs aux pollutions hydriques et à la gestion des déchets. Enfin je parlerai, en prolongement des notions données concernant les peurs urbaines, d’éléments en rapport avec l’habitat urbain et sa dégradation pour les populations défavorisées ainsi que des périphéries urbaines, donc de la banlieue. L’écologie, l’étude des rapports entre les êtres vivants et leur milieu a trouvé ses fondements dans les travaux de géographes tels que HAECKEL, par la suite VIDAL DE LA BLACHE a fondé son approche de la géographie humaine sur les travaux de l’écologie scientifique. M. SORRE enfin prenant en compte conjointement l’homme et son environnement propose le terme d’écologie de l’homme en introduisant dans l’écologie une dimension sociale, économique et culturelle ; une géographie sensible aux aspects des milieux et aux aspects biologiques de l’homme en défendant le principe de l’unité des sciences humaines. Par la suite Pierre GOUROU se focalisera sur la dimension urbaine de cette écologie en en soulevant les disfonctionnements. Une dimension approfondie par l’Ecole de Chicago qui étudiera comment les dynamiques spatiales s’inscrivent dans les territoires selon des fondements de dynamique écologique en élaborant trois ordres : celui du territoire avec sa composante instinctive, de l’économique avec sa composante concurrentielle, du culturel en rapport avec la communication. Dans une écologie qui étudie l’organisation de la nature on introduit l’homme comme faisant partie de ce système, comme un acteur et un aménageur avant d’envisager son inscription selon des fondements écologiques dans un territoire urbain. Un milieu composite MED M2 – UE GEO S21 – 2006 2007 -–Brice THOMAS 1

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Approche d'écologie humaine, un compte-rendu de séminaire...

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METROPOLISATION et HABITATION DURABLEApproches d’écologie humaine

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Après quelques rappels et éléments donnés sur les notions de métropolisation et d’écologie urbaine je ferai un rappel du séminaire selon un processus linéaire adapté à la multiplicité des interventions dans des champs différents bien que se rejoignant en termes de métropolisation. Il sera abordé la gestion des risques sanitaires en ville, l’évolution de leur perception à mettre en parallèle avec la réalité des risques environnementaux, l’approche historique de la notion de peur urbaine et la peur contemporaine du nucléaire. Enfin des éléments seront donnés en ce qui concerne les spécificités du climat urbain et de la pollution dans ce même milieu, un milieu qui comprend de nouvelles faunes issues d’écosystèmes naturels. En termes de durabilité nous mentionnerons l’apparition du concept de mobilité durable, puis nous examinerons les problèmes spécifiques relatifs aux pollutions hydriques et à la gestion des déchets. Enfin je parlerai, en prolongement des notions données concernant les peurs urbaines, d’éléments en rapport avec l’habitat urbain et sa dégradation pour les populations défavorisées ainsi que des périphéries urbaines, donc de la banlieue.

L’écologie, l’étude des rapports entre les êtres vivants et leur milieu a trouvé ses fondements dans les travaux de géographes tels que HAECKEL, par la suite VIDAL DE LA BLACHE a fondé son approche de la géographie humaine sur les travaux de l’écologie scientifique. M. SORRE enfin prenant en compte conjointement l’homme et son environnement propose le terme d’écologie de l’homme en introduisant dans l’écologie une dimension sociale, économique et culturelle ; une géographie sensible aux aspects des milieux et aux aspects biologiques de l’homme en défendant le principe de l’unité des sciences humaines.

Par la suite Pierre GOUROU se focalisera sur la dimension urbaine de cette écologie en en soulevant les disfonctionnements. Une dimension approfondie par l’Ecole de Chicago qui étudiera comment les dynamiques spatiales s’inscrivent dans les territoires selon des fondements de dynamique écologique en élaborant trois ordres : celui du territoire avec sa composante instinctive, de l’économique avec sa composante concurrentielle, du culturel en rapport avec la communication.

Dans une écologie qui étudie l’organisation de la nature on introduit l’homme comme faisant partie de ce système, comme un acteur et un aménageur avant d’envisager son inscription selon des fondements écologiques dans un territoire urbain. Un milieu composite

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maintenant ensemble des individus hétérogènes dans leurs « niches » et leurs relations mutuelles dans un système qui pose la question de sa durabilité.

Le contexte demeure celui du processus de métropolisation, transformation qualitative, fonctionnelle et morphologique des agglomérations d’importance avec leur mise en réseau par des phénomènes de connectivité l’emportant sur les relations de proximité.

La gestion des risques sanitaires, approche socio-anthropologique

Une première intervention a porté sur la gestion des risques sanitaires et son approche socio-anthropologique. Le développement des transports internationaux et donc le risque de perte des marchandises s’est traduit par le développement des assurances à partir du 15ème et 16ème siècle, le terme « risque » a émergé à la renaissance, un danger éventuel plus ou moins prévisible contenant donc deux composantes : une aléatoire et une négative. Depuis les années soixante-dix et quatre-vingts, la notion de risque s’est imposée en termes d’analyse de la société. La multiplication des risques traduit l’émergence d’une nouvelle société ou en plus des risques naturels, il y a une prise en compte de l’ensemble des risques produits par l’individu lui-même, caractéristique de la société moderne.

En terme de représentations, on parlera d’un ensemble de concepts et d’images au moyen desquels les individus et les groupes interprètent la totalité sociale avec une part plus ou moins élevée de rationalisation et des éléments non rationalisés qui sont de l’ordre de l’opinion et de la croyance.

Dans l’évaluation du risque jouent les représentations combinées avec les perceptions, perceptions ramenées en règle générale à ce que les individus considèrent même confusément comme une menace propre à leur « groupe d’appartenance » (famille, amis, relations…) Il y a une construction individuelle et sociale du risque dans laquelle intervient la notion de familiarisation et des réactions liées à l’affect, ainsi apparaissent des notions de comportement à risque, catégories et groupe à risque.

C’est notamment dans le domaine de la santé et de la perception du risque de maladie que ces faits sont transférables, santé qui relève, selon la définition de l’OMS en 1946, aussi d’un bien être mental et social et non pas d’une seule absence de maladie ou d’infirmité, santé pour laquelle le lien entre milieu et pathologie est immémorial puisqu’il se trouve théorisé dés la naissance de la médecine scientifique par Hippocrate au V° siècle dans son traité des airs, des eaux et des lieux.

L’attitude de l’homme dans la gestion du risque a évolué au cours de l’histoire, de la prévoyance du XIX° siècle à la prévention du XX° siècle pour déboucher actuellement sur la précaution qui traduit la distorsion entre la relativité des connaissances et la nécessité des décisions à prendre. Trois attitudes complémentaires et qui varient en fonction de la perception qu’a la société des risques qui la menacent dans un contexte où l’histoire a été marquée par de grandes épidémies qui ont longtemps été la forme habituelle de la maladie, un temps qui n’est pas révolu dans un contexte de maladies émergentes ou ré émergentes (VIH, virus Ebola, grippe aviaire, SRAS, chikungunya, paludisme…).

Le monde urbain est même générateur de risque sanitaire par la croissance des villes et du volume de leurs déchets, le développement de la mobilité des individus induisant aussi un brassage de population générateur potentiellement de problèmes de santé, de contamination, de pollution. Il est ainsi nécessaire d’incorporer au quotidien des notions de sécurité sanitaire dans lesquelles interviennent des « experts », des institutions ; reflets des craintes de l’opinion publique qui peuvent quelquefois paraître excessives par rapport aux risques quantifiés par les épidémiologistes, la surévaluation des risques altérant la qualité de vie des individus ;

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problème de l’insuffisance des connaissances et de l’impact des médias sur nos représentations.

Les risques environnementaux

Dans le cadre de cette notion de risque un approfondissement a été donné en ce qui concerne les risques environnementaux. La problématique environnementale actuelle des villes du nord se situe dans la pollution de l'air, problématique parallèle à celle d'autres zones où l'intérêt public a porté son attention sur de grandes sécheresses puis sur l'atteinte faite aux forêts tropicales par le biais de leurs surexploitation, pour enfin déboucher sur la problématique générale du réchauffement de la planète.

Le problème de la pollution navigue entre scientifiques, politiques et population, c'est un enjeu social. Toutefois il existe une relative incertitude vis-à-vis des études concernant les conséquences de cette pollution.

On se trouve ainsi en présence de deux rationalités : une scientifique sur laquelle s'appuient les politiques et une sociale. Aujourd'hui il faut faire dialoguer les deux, l'une sans l'autre étant vide de sens. La société sans la science est aveugle, la science sans la société ne peut avoir d'action. Ainsi un nouveau trinôme apparaît, celui du citoyen de l'élu et de l'expert. Dans ce cadre il convient de rappeler les quatre grands accidents emblématiques qui ont marqué les esprits, accidents à mettre à charge des industries et des grandes entreprises : Minamata, Seveso, Bhopal et Tchernobyl avec son nuage radioactif soucieux de diplomatie puisqu’il est supposé avoir respecté certaines frontières.

Ces accidents emblématiques nous permettent de faire un rappel sur ce qu'ont été au cours de l'histoire les peurs urbaines. Traditionnellement les villes ont eu pour fonction de protéger leur habitant contre plusieurs menaces notamment les guerres, la faim. Cependant elles ont été soumises à des risques particuliers qui ont entraîné des peurs variables selon les époques.

L’approche historique de la notion de peur urbaine

Les époques génèrent des peurs en fonction des représentations que l'on a du monde, selon des constructions collectives. La gouvernance urbaine a donc consisté jusqu'à notre époque à lutter contre ces risques. Sous l'ancien régime se trouvaient une multitude de risques ainsi qu'une multitude de peurs, d'abord les risques naturels, ainsi peut-on parler de la lèpre qui a représenté à une certaine époque jusqu’à 1 pour 1000 de la population, l'interprétation de la lèpre renvoyant à la punition divine puisque rappelons que pour la religion chrétienne la maladie peut être rédemptrice. De fait les lépreux avaient un statut particulier et des impôts existaient pour financer les léproseries. En parallèle de 1347 à 1350 la peste a tué 50 % des Européens, elle est revenue régulièrement jusqu'en 1720 en Provence où elle a décimé 30 à 50 % de la population. Le choléra a tué des centaines de milliers de personnes au XIX° siècle, ces épidémies se voyaient surtout dans les villes.

En parallèle à ces épidémies les incendies furent fréquents notamment à Londres en 1666 et à Lisbonne en 1755 avec une alternance d’inondations encore plus fréquentes.

En ce qui concerne les risques anthropiques et les guerres, les villes sont des enjeux et le pillage est accordé aux vainqueurs. En 1688 le Palatinat est dévasté par Louis XIV, Moscou par l’Empereur Napoléon Ier en 1812, Atlanta en 1864 lors de la guerre de sécession. Tous les sept ou huit ans en raison d’un déficit de production agricole les famines se succèdent, toutefois après 1750 elles cessent. Il en va de même des crises économiques et du chômage qui peut même amener à des soulèvements populaires tels qu'à Lyon en 1831. Des épisodes de révolution urbaine se succèdent, à Londres en 1640 et en 1689, à Paris en 1789 puis tout au long du XIXe siècle jusqu'à la commune en 1871. Ainsi dans des grandes villes

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telles que Lyon ou Paris on trouve des fortifications orientées vers l'intérieur de la ville, vers les populations.

Dans les villes la délinquance est très présente, de la cour des miracles du Moyen Âge aux Apaches à Paris fin 19e siècle. La prostitution se situe en maison close ou libre avec à l'époque entre 30 et 40 000 personnes dans cette « activité. »

La gestion des villes a consisté à une longue lutte contre toutes les formes de risques urbains, toutefois on meurt plus vieux en ville qu'à la campagne. Ainsi les lépreux sont cantonnés dans des léproseries, face aux épidémies un mur de la peste est construit en 1721 pour isoler le comtat Venaissin de la Provence, les malades sont isolés, on nomme des capitaines de peste. En ce qui concerne les inondations, on construit des digues au Moyen Âge par l'intermédiaire d'associations pour le financement de l'endiguement des grands fleuves. Contre les incendies on construit en pierre, des corps de pompiers sont constitués dès 1716. On part à la conquête de l'hygiène avec le tout-à-l'égout à partir du XIX° siècle.

En ce qui concerne les guerres les remparts deviennent inefficaces à partir du XVIe siècle en raison des progrès de l’armement, pour contrer la délinquance des gardes sont organisées dès le moyen âge sur l’initiative des citoyens puis la maréchaussée est créée en 1536 sous François Ier. Dès le XVIIe siècle les hôpitaux généraux servent à enfermer les individus mal intégrés socialement, les asociaux, les fous. C'est d'ailleurs un mouvement d'enfermement général en Europe au XVIIe siècle. La prostitution elle, navigue entre répression et contrôle jusqu'à la révolution.

À l'époque contemporaine, dans un contexte où le XIX° siècle est à la base de nos peurs actuelles, ce qui change c'est l'intervention de l'État, il impose des solutions nationales afin d'assurer la sécurité des personnes, mais de nouvelles peurs apparaissent. La loi du 28 mai 1958 établi l'exhaussement des digues et la protection privilégiée des villes, les corps de pompiers sont généralisés dans les grandes villes, on élabore des constructions antisismiques au XXe siècle. À la suite des travaux de Pasteur la maladie recule, il y a diffusion des règles d'hygiène, prévention de la tuberculose et l'invention des antibiotiques. Les maladies infectieuses sont vaincues après 1945. Les guerres coloniales se finissent, l'ONU est créée, le Wellfare state est institué pour atténuer les effets de la crise, les chômeurs deviennent indemnisés après 1945. La diffusion de la morale par la généralisation de l'école a un effet sur la délinquance, on pourra aussi mentionner la loi sur les mineurs de 1945 et les colonies pénitentiaires. Les maisons closes sont fermées en 1946.

Actuellement la société est caractérisée par la peur du risque, avant elle était tournée vers l'évolution, de plus en plus c'est la pollution qui est le risque majeur, les progrès de la science découvrent des risques nouveaux. On assiste ainsi à un changement d'attitude depuis les années 70.

Des peurs nouvelles apparaissent, la pollution inquiète plus qu'autrefois. Le long terme devient une préoccupation nouvelle. La délinquance croît depuis les années 60. Le chômage touche une grande partie de la population. Les peurs nouvelles sont présentes et se traduisent dans les comportements nouveaux tels que dans le domaine de l'écologie.

Une peur moderne, le nucléaire

Parmi les peurs modernes, le nucléaire a une place de choix. Ainsi avons nous abordé la problématique du nucléaire et des territoires à travers l'exemple de la centrale du Blayais dans le sud-ouest de la France.

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L'ethnologie a travaillé sur l'Europe puis le rural, depuis une vingtaine d'années sur l’urbain dans le cadre d’une logique universaliste allant du local vers le global. De l'approche déductive vient la sociologie, puis l'anthropologie dans une démarche inductive avec pour but de comprendre et de rendre compte de l'analyse que font les personnes des phénomènes étudiés. L'analyse est indigène pour comprendre le phénomène et interpréter les pratiques par immersion dans le milieu étudié, au moyen d'observation et d'entretiens non directifs. Les années 70 ont vu émerger la contestation du nucléaire, de 1972 à 1974 des élus vont se sentir de plus en plus concernés quant à l'impact sur le paysage mais nous ne sommes pas là dans la vision du nucléaire dangereux. En 1973 a lieu le premier choc pétrolier qui débouchera en 1974 sur l'accélération du programme électronucléaire français

L'axe de recherche s'est porté sur les habitants d'un village d'implantation, pour étudier ce phénomène dans sa globalité. Les habitants sont en majorité des agriculteurs sur le site du village du Blayais en Charente sur la rive droite de la Gironde. En 1974 la commune comptait environ 900 habitants qui y vivaient de polyculture et d'élevage sur de petites portions morcelées. Comment une décision exogène d'implantation d'une centrale nucléaire est-elle interprétée par les habitants ? Comment vont-ils l’intégrer à leur environnement ?

Nous sommes en présence de plusieurs discours dont celui de l'EDF qui propose de sortir de l'agriculture pour entrer dans la modernité en augmentant le niveau des équipements de la ville. Mais ce sont les notables qui vont gérer cette manne financière, notables qui sont au conseil municipal, la charge se transmettant de père en fils et les locaux ne se retrouvent pas dans les aménagements proposés : piscine, tennis, une salle polyvalente, un camping…

On parla ainsi d'un territoire modifié, le territoire défini par V. HOFFMAN-MARTINOT en 1973 comme étant un espace concret ou abstrait où l'on exerce un droit. Le territoire renvoie à l'identité, l'identité issue de divers processus de socialisation qui conjointement construisent les individus et définissent les institutions (C. DUBAR 1991). Ainsi il y a une dichotomie entre identité individuelle et collective.

La radioactivité est associée au risque, les habitants ne vont-ils pas absorber directement cette radioactivité ? Ainsi ils ne sont pas allés visiter la centrale. En fait les gens se comportent comme si la centrale n'était pas nucléaire, l'aspect nucléaire disparaît totalement, le système de la peur fonctionnant toujours sur la connaissance, le danger n'existe plus si l'on n'y accorde plus d’importance. Le risque est relatif et il vaut mieux taxes professionnelles et danger que le danger tout seul.

Leur intérêt est lié à l'emploi et ils n'ont pas d'inhibition pour parler technique, faisant un rapprochement à ce qu'ils connaissent, tracteurs, appareils mécaniques… Toutefois ils ne sont pas impressionnés par la performance technique

En matière de risque nucléaire, c'est le silence, un phénomène partagé sur tous les sites nucléaires, un phénomène qui est confirmé sur d'autres lieux tels les sites d'implantation d'usines chimiques où le risque n'est pas plus évoqué. Il y a une reconnaissance du risque nucléaire qui implique des conséquences sur la manière dont on va se protéger. L'action publique adopte une définition de la gestion du risque, elle place ses débats et les actions dans un espace où les acteurs ne vont pas se retrouver.

Microclimats urbains et spatialisation de la pollution

Pour en revenir à la notion d'écologie urbaine, nous avons abordé les microclimats urbains et la spatialisation de la pollution. Dans ce cadre ce qui est essentiel c'est l'étude de l'atmosphère ainsi que les interactions entre le rayonnement solaire et la nature du sol par le biais de l’albédo. Les variations climatiques viennent du fait que certaines zones reçoivent plus d'énergie que d'autres, il y a étalement du rayonnement solaire en fonction de la forme

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sphérique de la Terre et de l'atmosphère autour de la Terre. Les surfaces minérales telles qu'on les retrouve dans les villes absorbent l'énergie et voient leurs températures augmenter, les surfaces humides chauffent moins du fait de dégagement de vapeur d'eau, les canyons urbains, les caractéristiques locales atmosphériques définissent la notion d'îlots de chaleur urbains et les polluants ont tendance à se déposer, à retomber au niveau de secteurs froids tels que les parcs et espaces verts. Dans ce phénomène le bilan radiatif est important et la climatologie urbaine se caractérise par une forte variabilité d'un endroit à l'autre. Parmi les polluants on retrouve les polluants primaires et secondaires, résultant de la transformation photochimique des polluants primaires. Un indice ATMO a été défini constitué de la quantité que l'on peut retrouver localement de dioxyde de soufre, de dioxyde d'azote, d'ozone et de particules fines auxquelles on peut rajouter ponctuellement le monoxyde de carbone et des composés organiques volatils ; ces substances définissent une pollution de fond à laquelle nul ne peut se soustraire. Chaque polluant étant systématique d'un certain type de source et d'une certaine activité. Dans ce cadre on peut noter que les données disponibles sont moyennes, alors qu’en fait à Paris en données horaires les normes sont largement outrepassées.

De nouvelles faunes urbaines

Ainsi on l'a vu les espaces verts urbains ne sont pas forcément les zones les moins polluées des villes, à travers ces espaces se pose la question de la nature dans la ville dans un contexte où le phénomène de péri urbanisation concerne même les villages. Autrefois le phénomène urbain était ponctuel, les villes étaient étroitement délimitées par rapport aux campagnes, entouré de fortifications, dans un bâti très dense. Actuellement avec la mutation de ces espaces on assiste à des phénomènes de pénétration d'une faune extérieure à la ville, on rencontre étourneaux, goélands et tourterelles turques dans des centres villes, ce phénomène est mondial et a été très étudié en ce qui concerne les renards en Angleterre dont la densité dans les villes hors l'hyper centre est supérieure à leur densité dans les campagnes avec des différences concernant leurs démographies, les renards urbains ayant une croissance plus rapide en raison de leur nourriture (chats, rats…) mais leur durée de vie est plus brève.

Au Canada et aux USA les villas non clôturées des zones périurbaines sont pénétrées par des cerfs, des castors. Ainsi certaines espèces finissent par être mieux représentées en zone urbaine. Avec la métropolisation de plus en plus espèces s'adaptent à ces nouveaux territoires, avec le risque d'extinction de l'espèce sauvage. On assiste à la création d'un nouvel objet écologique avec un maintien d'une biodiversité importante.

Du développement durable à la mobilité durable en ville

La mobilité durable se construit sur la critique de la dépendance automobile, cette dépendance vient d'une combinaison positive de faits : de club, de parcs, de réseaux. Des effets s'auto-alimentant. L'augmentation du parc de véhicules ira de pair avec l'accroissement du réseau et de la connectivité des voies. L'automobile est un facteur important de transformation des territoires ainsi peut-on noter le cas des zones sub-urbaines aux États-Unis. Les effets de cette dépendance vis-à-vis de l'automobile sont des externalités négatives essentiellement en termes d'environnement et d'étalement urbain, ainsi a-t-on pu définir des zones à forte consommation de transport tel les zones urbaines américaines puis allant en diminuant, l'Australie l'Europe et l'Asie à forte densité d'habitants au kilomètre carré, donc un territoire où l'espace induit moins la nécessité d'utiliser ou de posséder un véhicule. Il est nécessaire de lutter contre cette dépendance, soit par une approche par le territoire en densifiant l'espace, en y induisant proximité et mixité, soit en agissant directement sur le

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système automobile, c'est l'approche par le réseau, élaboration de chaussées étroites de dos d’ânes, diminution du nombre des espaces de stationnement.

La mobilité durable se construit sur la promotion de solutions de mobilité alternative à l'usage individuel de l'automobile. Il faut assurer la mobilité dans la ville diffuse l'étendre en périphérie et en banlieue, des espaces où il n'est pas forcément possible d'assurer cette mobilité sur la base de transports en commun. Le but est de réduire la dépendance automobile sans nuire à la mobilité urbaine en augmentant la part modale d'autres modes et en réduisant le nombre de véhicules en circulation. Donc en élaborant de réelles politiques de mobilité durable urbaine, en diminuant l'usage individuel des véhicules (les Américains se déplacent de plus en plus seuls dans leur voiture), un des exemples de solution est le covoiturage transformant un espace privé en espace collectif, tout en restant dans de l'initiative volontaire. Pour cela l'organisation est essentielle comme par exemple l'emploi d'un système tel que le logiciel d'appariement, cela sous-entend l'implication des entreprises, des services et aménagements adaptés tels que des voies réservées et des dispositifs légaux et fiscaux.

Malgré qu'il soit impossible à le calculer techniquement, l'impact est positif sur l'environnement, toutefois il faut un soutien politique fort dans un dispositif qui repose souvent sur l'initiative individuelle et qui fait intervenir la notion d’éco-citoyenneté.

Gestion des déchets, insalubrité urbaine et maladies hydriques

Enfin nous avons abordé le problème de la gestion des déchets et des maladies hydriques dans un contexte d'inégalités socio-spatiales. L'OMS a commencé à s'intéresser au problème de la santé en 1948, l'ONU à celui de l'environnement en 1972. Depuis cette date de nombreuses réunions ont donné lieu à des chartes, des conventions et des rapports qui ont marqué des étapes dans l'intérêt porté sur ces problématiques ; rappelons pour exemple le sommet de la Terre à Rio en 1992, ainsi que la mise en place en Europe en 2000 de plans nationaux environnement santé, en 2004 pour la France qui met en avant la notion de qualité de vie.

Concernant l’insalubrité et les maladies hydriques c’est surtout une question d’insalubrité et de salubrité urbaine, il s'agit d'un concept géographique complexe, la salubrité étant l'état d'un milieu favorable à la santé humaine, un état qui peut s'appliquer à un milieu de vie. Nous nous sommes intéressés au système d'interactions entre milieu de vie et humain, aux disparités socio-spatiales, facteur de gestion, de disparités de la gestion urbaine. Dans ce cadre-là il existe des quartiers informels qui se situent donc hors de cette gestion.

Souvent l’insalubrité intra-urbaine relève de la complexité territoriale et le géographe peut donner des indications sur les risques de pollution. Il peut réaliser des enquêtes qualitatives ou quantitatives. Parmi les composantes essentielles de l’insalubrité se retrouvant l'eau contaminée ou polluée. L’insalubrité urbaine et son impact sur les maladies hydriques a été prise en compte surtout à partir du XVIIIe siècle (notion de miasmes et rôle attribué aux mauvaises odeurs). Il faut attendre le XIXe siècle (époque de grande épidémie de choléra) pour qu'il y ait une prise de conscience de ce problème. Ceci fut issu des travaux du médecin de la reine Victoria : John SNOW. En 1855 suites à une nouvelle épidémie de choléra à Londres John SNOX cartographia quartier par quartier le nombre de malades par habitation, il fit un recoupement avec la consommation d'eau, en effet à l'époque diverses compagnies privées alimentaient les habitants en eau, remarquant les variations du nombre de malades suivants les compagnies d'affectation, il découvrit qu'une des compagnies puisait son eau dans la Tamise en aval d'une zone de rejet des égouts, fait dont il pu tirer des conclusions.

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Actuellement il existe des spécificités au système de santé dans les agglomérations urbaines, les problèmes sociaux sanitaires étant souvent les plus complexes, ceci dans un contexte d'émergence dans les pays du sud de maladies liées au style de vie occidental tel que l'obésité ou les troubles cardio-vasculaires. La tuberculose est aussi plus présente en milieu urbain dans le sud, rappelons que c'est aussi une maladie opportuniste du sida.

Deux exemples de maladies hydriques liées à la population ont été pris dans le Maghreb, le premier en ce qui concerne la ville de Fez au Maroc. Cette ville connue pour la présence de nombreuses fontaines a connu en deux décennies une forte croissance, même au niveau des infrastructures de santé. À la suite d'une forte croissance démographique a émergé le problème de gestion de l'eau et notamment de l'évacuation des eaux usées ayant pollué la nappe phréatique et qui ont entraîné des problèmes de santé dans la population par l'intermédiaire des fontaines publiques, la population de base n'étant pas nécessairement la plus touchée. Petit à petit la bourgeoisie fassi a déménagé sur Casablanca en aménageant leur maison d'origine en multiples habitations à visée locative. Dans le même temps des migrants ruraux sont venus s'installer en densifiant la population de la médina, des populations qui ont eu tendance à s'approvisionner aux puits et fontaines problématiques. Deuxième cas celui de Marrakech, où le taux de mortalité infantile par dispensaire, donc par quartier, se situait en moyenne autour de 87 pour 1000. Un des dispensaires, donc quartier, avait quant à lui un taux de 120 pour 1000. La plus grande partie des consultations de ce dispensaire situé dans un quartier périphérique était issue de populations rurales extérieures à la ville, habitant dans la zone d'épandage par gravité des eaux usées, une population s'étant installée dans de l'habitat d'auto construction et ayant mis des terres en irrigation, soit 3000 ha, 2000 irriguées avec les eaux usées, 1000 avec de l'eau issue des puits. Une forte corrélation a été montrée entre le degré de pollution de l'eau et la mortalité infantile. Il est important de noter que dans ce processus la ville de Marrakech avait négocié la location des eaux usées aux populations habitant sur cette zone d'épandage.

Dans les pays en voie de développement on retrouve souvent des quartiers dans des zones inondables ou il n'existe pas de système d’évacuation des excrétas, des quartiers et des marges périphériques voire même des marges intra-urbaines. Ainsi prenons le cas de Mopti au Mali et de l'aménagement des berges du Paggué en basses eaux, aménagement en polders par accumulation et tassement de déchets, les Bellas, une population provisoire de migrants saisonniers, vivent sur ses berges qui sont aussi des zones de défécation traversée par des rigoles d'eaux usées, l'habitat est sommaire, auto-construction de récupération sur des zones pour lesquelles ils payent un loyer. C'est dans cette zone et dans cette population que l'épidémie de choléra a été la plus importante, à proximité immédiate de ces zones se trouvent des constructions en dur des « notables » de la ville et ayant leur propre réseau d'eau et qui n'ont pas été touché par le choléra. La géographie du choléra a ainsi d'abord correspondu à ces zones de berges mais aucun des riverains ayant accès à l'eau potable n'a été touché par cette maladie, il y a ainsi un entremêlement des zones.

Un autre exemple a été pris avec Cotonou qui est le lieu d’implantation du marché le plus important d'Afrique de l'Ouest. La ville est implantée sur un cordon sableux séparant le lac Nokoué de l'océan. Il existe un habitat traditionnel sur les berges qui a toujours été présent mais sans statut légal, la densité du bâti est forte car le lieu est propice à certaines activités économiques informelles telles que teinturerie et pêche un lieu ponctuellement de latrines sur pilotis. Un chenal a été créé pendant l'occupation coloniale pour relier le lac à l'océan Ces quartiers non légaux sur les berges sont des marges urbaines intra-urbaines. Ils sont fonctionnalisés avec des vocations différentes : travail, habitat et habitat sur pilotis pour résister aux inondations. Il existe de nombreux lieux de dépôts d'ordures qui par accumulation et tassement représentent de nouveaux terrains constructibles. Les déchets sont gérés par

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l'O.N.G. OXFAM Québec selon un système d'abonnement et par collecte et des entreprises qui sont supposées les transporter à 30 km de Cotonou, il existe des zones de regroupement de ces déchets en ville mais elles sont sous-utilisées puisque les déchets sont dans ce cas présent la matière première de l'urbanisation servant à gagner de l'espace dans les zones marécageuses voire sur le lac et le chenal. Ainsi les abords du chenal font l'objet de projets de valorisation, le projet d'aménagement des berges, toutefois les riverains s'organisent en association pour lutter contre cela. Le problème crucial reste l'évacuation des excrétas dans ces zones humides parsemées de latrines sur pilotis le long des berges, du lac et du chenal et qui représentent un risque sanitaire.

Ces différents éléments et exemples traduisent une constante mondiale qui est celle de la métropolisation et des multiplicités des discours qu'elle implique, la métropolisation qui semble être la version spatiale de la mondialisation, dans un contexte où la mobilité matérielle et immatérielle est de mise on peut remettre en cause l'idée des économistes selon laquelle tout se concentre dans les grandes villes et la métropole est prise comme unité d'échelle d'un monde selon une optique globale, carrefour d’idées et de populations cosmopolites. Le monde semble tendre à une métropolisation globale dans un cadre théorique de la troisième phase de la modernité, étape ayant démarré au début des années 70 et qui se retrouve dans les éléments dont je vais maintenant parler.

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Inégalité urbaine, ségrégation sociale et banlieues françaises, de nouvelles peurs urbaines

Le mal des banlieues part la redondance de sa mention et de sa traduction dans les médias est significative d’un malaise plus global. Comment se traduit-il dans les faits, quelles sont ses racines, son histoire et sa traduction ce sont quelques éléments à approfondir au travers de quelques données issues d’institutions ou de mouvements associatifs.

Un milliard d'êtres humains vivent dans des bidonvilles (720 millions en 1990) soit environ 16% de la population mondiale dont la moitié vit en zone non urbaine. En France selon des données issues des enquêtes annuelles du Secours Catholique Français et de la Fondation Abbé Pierre, ainsi que de l'association Droit au Logement 1,6 millions de personnes sont dans des logements sans douche, WC ou les deux, un million en situation de surpeuplement accentué, 550 000 personnes dont 50 000 enfants dans des hôtels, des meublés ou sont sous-locataires, parmi les locataires 300 000 ménages sont en situation d’impayés de loyers dont les deux tiers dans le parc social, soit environ un million de personnes. Parallèlement le nombre de logements vacants en France a nettement augmenté jusqu’à 1,85 millions au recensement de 2004. Le dernier recensement de la fondation abbé Pierre recense 86 500 sans domicile fixe, 809 000 personnes privées de domicile personnel et 2 187 000 personnes vivant dans des conditions de logement difficile. Le rapport 2005 de l'observatoire des Zones Urbaines Sensibles (ZUS) définit que 2,7 millions de personnes vivent en ZUS.

Si l'on y rajoute le nombre de personnes en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme selon les enquêtes logement de l’INSEE, 14 % de la population totale est concernée par de mauvaises conditions de logement soit à peu prés le même chiffre que celui des ménages à bas revenus.

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On constate donc une quasi-bipolarisation sociale et spatiale en France selon le critère du logement, ceci aggravé par la hausse des prix de l'immobilier qui sur les 7 dernières années a doublé, le phénomène de la spéculation foncière au centre-ville et dans les quartiers contigus a accru la différenciation socio-spatiale de l'habitat en éloignant les ménages à bas revenus et les revenus intermédiaires de plus en plus en périphérie. Le ratio des revenus consacré au logement donné par les charges locatives ainsi que les charges inhérentes, du fait de l'accroissement des loyers de l'immobilier augmente, fragilisant ainsi ces populations. Si l’on considère le taux d’effort net (loyer net moins les aides) il a fortement progressé : de 10% dans les années 60 on est aujourd'hui passé à 16 ou 18 % pour les locataires et accédants à la propriété. Selon l'INSEE de 1973 à 2002, pour les locataires, les loyers au mètre carré ont été multipliés par 1,6 pour les plus riches, 1,7 pour les catégories moyennes et 2,3 pour les plus pauvres. Si l'on y rajoute les charges (chauffage, eau, électricité, entretien) le taux d'effort net est de 29 % pour les plus pauvres diminuant régulièrement jusqu'à 18 % pour les plus riches. Comment expliquer cela malgré les aides au logement, par le fait de la réforme libérale de 1977, élargie en 1990 aux étudiants et aux logements non conventionnés qui a transformé l'aide à la « pierre » en aide à la « personne » et a en fait conduit à des augmentations importantes de loyers captées par les propriétaires fonciers et immobiliers (selon un taux de 50 à 80 % de ces aides selon les estimations récentes de l'INSEE) ceci sans amélioration significative de la qualité du parc. Le passage d'une aide collective ciblée à des aides personnalisées a permis aux propriétaires d'augmenter les loyers jusqu'à la limite de solvabilité des locataires et d'accaparer la majeure partie des aides (effet d’aubaine), d’autres mécanismes jouant dans le même sens sont les déductions fiscales (amortissement Périssol, loi Malraux) pour les acquéreurs de logements destinés à la location grâce auxquelles les couches supérieures ou intermédiaires ont pu se constituer un patrimoine immobilier selon un rapport qui n'a jamais été aussi bénéfique. Ainsi la rente foncière urbaine est partagée entre propriétaires fonciers, promoteurs immobiliers qui n'ont jamais été aussi actifs dans les quartiers centraux et semi-centraux, banques et propriétaires immobiliers. La fiscalité et les spéculations immobilières ont eu un effet direct sur l'accroissement de la fragilité des ménages. Ainsi si l'on considère un ménage à revenus supérieurs ou moyens supérieurs, par le biais de ces diverses mesures, avec en parallèle des taux d'intérêt conjoncturellement très bas il pourra investir dans des rentes immobilières qui lui garantiront un montant de loyers supérieur à ses remboursements d'emprunts pour un capital immobilier s'accroissant. Cette embellie qui notamment aux Etats-Unis est fortement remise en question par certains économistes qui voient là un emballement, une bulle immobilière dont le dégonflement pourrait avoir des répercussions collatérales très négatives pour l'économie.

Le ministère de l'équipement, des transports et de l'aménagement du territoire donne quelques éléments sur l'historique de ce qui débauche sur la notion de « fragmentation urbaine », sur « la juxtaposition de morceaux de ville dont l'avenir commun paraît de plus en plus incertain ». Ainsi la mutation du mode productif, perceptible dès la fin des années 60, a induit la croissance du chômage dès le milieu des années 70, la « pauvreté » longtemps crue en résorption réapparaît sous la forme des « exclus », des individus en capacité de travailler ne trouvant pas à s'employer et qui sont majoritairement issus de la partie la moins qualifiée de la classe ouvrière qui glisse vers le sous-prolétariat.

En parallèle se fait simultanément l'accession à la propriété des classes moyennes et le regroupement familial des immigrés constitue dans les quartiers d'habitat social des concentrations de population fragile. Les années 80 et 90 accentuent cette fragmentation interne et urbaine dans le même temps que les entreprises s'inscrivent dans le processus de réorganisations de la division spatiale du travail, Il apparaît « un processus de décrochage pour certaines populations de l'échange économique et social qui se traduit moins par une ségrégation que par une fragmentation de l'espace urbain ».

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La crise urbaine des années 80 avec celle de l'État providence fait que le système productif n'intègre plus, il exclut, elle détermine « une disqualification sociale, un processus de désaffiliation ». C’est l’époque des émeutes de la banlieue lyonnaise. Un mal des banlieues qui cristallise cette évolution où la question sociale se déplace de l'usine vers la ville produisant le spectre de nouvelles classes dangereuses et celui d'une sous-culture de l'exclusion, « une diffusion des situations d'exclusion dans l'espace urbain où les banlieues ne sont que l'épicentre de la crise sociale et qui dessine des lignes de fracture plus uniquement spatiales ».

Les opérations sur les centres anciens (loi Malraux, OPAH) contribuent à accroître ce clivage. La pauvreté n'est plus considérée comme un résidu à réduire mais comme une donnée permanente. Le problème de l'exclusion devient une des dimensions principales de la politique urbaine, « la politique de la ville tend à paraître comme la politique des politiques, une préoccupation transversale à toutes les actions de la puissance publique, emblématique des nouvelles politiques urbaines », toutes celles qui l'ont précédée. Le distinguo est à faire entre les dispositifs à vocation globalisante qui intègrent la pauvreté comme une des dimensions centrales de la question urbaine et ceux plus sectoriels qui participent à des dynamiques urbaines visant à faire prendre en compte la question de la pauvreté de façon spécifique. Il devient nécessaire de redonner une identité dans la ville aux quartiers les plus en difficulté entre volonté de reconnaissance du rôle des quartiers populaires dans le système urbain et banalisation avec des objectifs généraux peut-être utopiques de mixité de l'habitat et de diversité des fonctions en équilibre du peuplement dans « une vision normative d'une alchimie harmonieuse de la composition sociale des territoires urbains ».

Dans « Banlieue et ville : un regard philosophique » T. NEGRI et J M VINCENT se sont inspirés des travaux de FOUCAULT et DELEUZE pour apporter un regard plus réfléchi sur ce fait. À l'ère post-industrielle la notion de banlieue a perdu ses caractéristiques et est synonyme de problème social, d'exclusion. On parle de crise du lien social qui est à son paroxysme dans les espaces urbanisés, une crise qui se projette globalement, qui se diffuse dans « la ville ». L'apartheid social signifie un problème dans sa transcription en termes de crise d’un lien social qui s’était basé sur le modèle productif de la révolution industrielle et qui n’a pu opérer sa mutation, manifestant selon M.FOUCAULT la transition d'une société disciplinaire à une société de contrôle. L'usine qui était le lieu ; avec la religion, l’école et tout les systèmes « encadrants » ; où la société civile définissait et exerçait ses règles a vu se déliter sa structure en créant un vide social, vide qui selon le même auteur est toujours utilisé par le pouvoir. Je reprendrai aussi les termes de cet ouvrage selon lesquels « DELEUZE propose ainsi de comprendre la chute des murs dressés par les enfermements non pas comme un processus d’évacuation sociale, mais plutôt comme une généralisation à travers l’ensemble de la société des logiques qui fonctionnaient jusqu’à présent dans des espaces limités, en se propageant comme un virus . La logique capitaliste perfectionnée dans les usines investit désormais toutes les formes de production sociale. L’espace social ne s’est pas trouvé vidé de ses institutions disciplinaires mais est rempli par les modules de contrôle ». « Le rapport entre sociétés et Etat n'implique plus la médiation et l'organisation des institutions pour discipliner et dominer, mais l'État se ramifie plutôt dans les circuits infinis de la production sociale. » où dans la jeune société de contrôle les institutions ne se sont plus « prédominantes comme source des rapports de pouvoir mais représentent le dispositif des stratégies de pouvoir par le passage à une machine abstraite ou anonyme de cette stratégie pour laquelle il n’est plus possible de se servir de la métaphore de la structure de la superstructure qui était si centrale dans la conception des institutions médiatrices de la société civile ». « Ce ne sont plus les parcours structurés de la taupe dit DELEUZE mais les ondulations infinies du serpent qui caractérisent l’espace lisse d’avantage par les formes

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mobiles du sable du désert où les positions sont continuellement déplacées : ou mieux par les superficies lisses du cyberespace, avec ses flux indéfiniment programmables de codes et d’information ». De ce nouveau concept il pourrait être tentant de diverger vers l’émergence ou plutôt la reémergence avec de nouveaux termes de la notion de « la Matrice » des frères WACHOWSKY dans « Matrix » ou bien encore sur la « Matrice » de Masamune SHIROW dans « Ghost in the shell » qui nous renvoie sur le concept de « fantôme dans la machine » s’agit-il là de la transcription avec des moyens différents du ressenti d’individus devant ce qui est qualifié comme une société de contrôle, devant « un avenir ni très clair ni très lisible » et dans lequel nous persistons à vouloir trouver un sens fut-il anxiogène, nous retrouvons là des thématiques chères et redondantes aux nombreux récits d’anticipation qui sont allé de pair avec l’émergence de la société industrielle et des craintes qu’elle a fait naître avec la peur urbaine au sens large, lieu d’inscription d’un pouvoir invisible et malgré tout tentaculaire dans lequel certains projettent leurs propres angoisses devant une certaine pesanteur, devant un certain poids sociétal.

Dans cet espace lisse les responsabilités sont « diluées » dans une conjoncture globale où semble prédominer l'impératif de rentabilité et peur de l’exclusion et où identité et territoire sont fluctuants. D'une société disciplinaire dans laquelle la production d'identité pouvait se faire, même encore par opposition à quelque chose d'identifiable, « on passe à un diagramme de contrôle qui n'est plus centralisé sur une position ou une identité mais vers la mobilité et l'anonymat dans le contexte du rôle social plus large des médias »qui contribuent à « l'hyper segmentation de la société ». En miroir à cela les auteurs rappellent que M FOUCAULT s’est intéressé à la panoptique, d’où il apparaît intéressant de faire un rappel à la création de l’Internet issu de l’invention de l’Arpanet aux Etats-Unis (inspiré d’un modèle de télécommunications militaires français) dans le cadre des travaux à vocation militaire de la DARPA (Défense Advanced Research Projects Agency), cette même agence qui travaille à la demande du gouvernement sur un programme de veille globale que le congrès américain refuse et qui est passé par plusieurs étapes (du « Total Information Awareness » au « Terrorist Information Program » puis au projet « Lifelog » des programmes dont la vocation est la mise en banque de données d’informations sur chaque humain par le biais de recueil de données issues de toutes les banques de données mondiales, de veilles biométriques, d’écoute des télécommunications, de pistage des transferts d’information et de documents via le réseau internet) qui n’est pas sans rappeler les craintes de George ORWELL et qui définit une autre peur urbaine.

Les banlieues sont des territoires d'enchevêtrement de couches sociales différenciées, de rapports entre des générations dont l'identité s'est formée différemment, les systèmes de représentation sont hétérogènes, les rapports aux pratiques communes sont diversifiés, des pratiques communes non encore définies dans un avenir « moindre » que celui des aînés, dans ce qui est appelé « un nouvel individualisme » dans un avenir qui apparaît comme précité « ni très clair ni très lisible. »

Dans une vision moins négative la banlieue peut être aussi un lieu de développement dans lequel « l'entrelacement de nouveaux rapports sociaux et productifs s'accomplit avec le plus de dynamisme ». Elle peut être « le lieu de l’entrelacement des activités de production et de reproduction sociale, d’efficience fonctionnelle et de concentration culturelle réalisant le sommet du développement productif et de la coopération. ».

La mutation industrielle a brisé le lien social et supprimé les conditions de sa cohésion en empêchant le fonctionnement des « anciens mécanismes de représentation et de compromis institutionnels » « la modification radicale du mode de production qui a conduit le tiers-monde à l'intérieur du monde industrialisé ». Les auteurs, dans ce contexte, définissent les trois crises majeures de la société urbaine, celle de l'exclusion, de la citoyenneté et de la

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participation. Une exclusion économique pour laquelle l'État malgré des discours politiques vertueux reste impuissant en parallèle de la stérilité de toutes « discussions sur la citoyenneté en vertu de l'inefficacité du mécanisme de représentation. »

« Cette dans la coopération sociale que se forment les conditions de la production, les dynamiques de la valorisation, les liens matériels et l'interaction qui coordonne et finalise l'action humaine collective visant la production des biens de production et la reproduction de ses conditions. », dans ces termes l'accession à la citoyenneté sociale et la citoyenneté politique dans ces « nouveaux territoires » ne pourra se restructurer, se structurer, que sur la base de « l'émergence de nouvelles énergies de coopération qui acceptent ce défi du post fordisme » et qui conservent du passé « la densité d'un savoir urbain confirmé » ce qui présuppose le concept d'un entrepreneuriat politique, une figure « totalement rénovée par rapport aux conceptions classiques pour laquelle la fonction d'organisation et d'innovation ne consiste plus dans l'anticipation des moyens nécessaires au capital pour effectuer la production mais bien dans l'assemblage des conditions de production existantes » et par les « conditions sollicitées par la mobilisation continue du social ». Un entrepreneur comme acteur public et politique dont l'action est « d’entraîner toutes les fonctions politiques nécessaires pour assembler la pluralité et organiser le territoire » métropolitain dans un Réel complexe puisque désormais global et fruit du puzzle de la mondialisation.

Dans ces « territoires en marge » des événements sporadiques se traduisent par la généralisation comme facteur d'expression de l'incendie de véhicules privés ou publics, si l'on met de côté le fait de l'amoindrissement de la présence d’infrastructures significatives des institutions ou de l'économie, ce sont des moyens de mobilité qui sont brûlées, des vecteurs de connectivité qui relient des territoires. Avec le passage à l’agression physique et organisée des émanations physiques de l’Etat, ses représentants de l’ordre, cela traduit-il la volonté de se couper d’un territoire englobant qui les stigmatise.

Dans cette problématique rappelons que le sujet d’abord omnipotent se construit en sujet pensant et autonome par l’interdiction qui lui est formulée, sa sociabilité s’élabore par le respect de l’interdit, le respect de l’ordre qui implique châtiment ou récompense suivant ses actes, « des tentatives de persuasion ou de contraintes afin d’avaliser le social ainsi crée » (E. ENRIQUEZ, « de la horde à l’état ») dans un contexte ou « le lien social est, avant tout un lien de pouvoir » où le social défini extérieurement n’est plus apte à offrir une récompense, à garantir un avenir, et existe souvent par sa coercition violente que ce soit en actes ou en langage vis à vis d’un territoire unifié par la défiance sociale, la tentation est grande de se détourner de la société totémique et d’élaborer un nouvel ordre avec ses propres codes, ses propres interdits et pratiques communes et qui peut permettre d’accéder à une autre identité. Dans un territoire « homogène » où l’habitat et l’espace sont peu différenciés l’identité se fait aussi et surtout par le ou les symboles que l’on peut arborer, peut être par les marques, icônes commerciales auxquelles répondent des icônes plus classiques qui permettent le rattachement, une unité plus globale ; par un vocabulaire propre, une musique spécifique et leur appartenant en propre.

Un désir de coupure vis-à-vis de territoires plus globaux qui ne garantissent plus une identité acceptable puisque subie, stigmatisée, ou sa condamnation, un rite sacrificiel qui condamne le père symbolique ou le père réel qui n’est plus que garant de la sanction et non plus de l’émancipation, par la destruction de ce qui est l'emblème représentatif de la société de consommation capitaliste, des véhicules qui ne peuvent être que le seul élément symbolique de l'extérieur, au sens global, présent sur ces territoires. Ni y a t’il pas là la condamnation d'un système qui n'est pas apte à leur offrir une identité acceptable. Entre un

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territoire physique en déshérence qui veut être approprié, possédé, lieu d’inscription de pratiques communes divergentes des pratiques communes d’un extérieur perçu comme hostile, qui de son coté perçoit ces territoires en marge aussi comme hostile, dans le cadre d’un territoire mental global qui s’inscrit dans le temps aussi et peut être surtout en termes de mondialisation culturelle accessible et à laquelle ils participent puisque c’est le lieu d’émergence d’une partie essentielle de la culture urbaine, l’identité est problématique puisque celle qu’on leur renvoie se pose en terme de ségrégation, même pour la majorité des habitants qui ne sont pas impliqués dans ces phénomènes, dans ces incidents. Un système dans lequel un examen attentif des entités productives et économiques montre que certaines intègrent de plus en plus dans leur offre commerciale une composante éthique soit comme composante marketing soit réelle et qui traduit l'émergence dans les systèmes de pensée des entreprises de la nécessité d'intégrer une composante sociale dans l'économique.

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