Mémoire: Rocha, Marina . La traverséee du cimetière: le cas du Montparnasse.

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    Institut d’Urbanisme de Paris 

    MASTER «URBANISME ET AMENAGEMENT»Mention «URBANISME»

    Mémoire 1ère année

    Marina SILVA SEABRA DA ROCHABoursière CAPES –  BrésilProc. n° BEX 2788/12-8 

    LA TRAVERSÉE DU CIMETIÈRE : le cas du Montparnasse 

    Directeur de mémoire : Georges KNAEBEL

    2013

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    Résumé

    Dans ce travail j’analyse la pratique de traversée du cimetière de Montparnasse et j’essaye de

    comprendre les représentations du cimetière et de la mort qui l’accompagnent. Après une

    courte rétrospective de l’image de la mort inspirée de Philippe Ariès, je retrace l’histoire du

    cimetière étudié et de son évolution formelle.

    Je vérifie sur le terrain la pratique de la traversée. Aux observations effectuées à l’intérieur

    s’ajoutent des entretiens courts menés devant chaque porte de l’enclos. Je décris chaque type

    d’usagers du cimetière pour, ensuite, me focaliser sur ceux qui le traversent, les chemins

    suivis, leurs sensations et leurs représentations de l’espace. Je compare les données recueillies

     par l’observation avec celles que livrent les entretiens et je formule une pré-conclusion sur

    l’image du cimetière de Montparnasse chez les usagers. 

    La vraie conclusion consiste à analyser les données sur les pratiques des piétons dans le

    cimetière de Montparnasse et faire une comparaison par rapport à l’évolution de l’allégorie du

    cimetière au fur et à mesure des siècles pour ensuite montrer quelle est aujourd’hui la possible

    représentation de cet équipement urbain et son rapport avec les usagers et leurs pratiques de

    l’espace. Enfin on a le but de faire un lien avec les attentes des personnes en matière

    d’aménagement des cimetières. 

    Mots clefs

    cimetière, mort, traversée, parcours, représentation, Montparnasse, rue Émile-Richard.

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    TABLE DES MATIÈRES 

    1. Introduction…….……………………………………………………………....…..…5 

    2. L’histoir e du cimetière de Montparnasse…………………………………………..9 

    3. Des cimetières plus ou moins ouverts……………………………………………14 

    4. Quelques définitions………………………………….…………………………….17 

     L’espace public, l’espace privé et l’espace mixte…………………………..…….….17

     La dialectique du clos et de l’ouvert  : le concept d’accessibilité……….……………18 

     La traversée……………………………………………………….………………….19 

    5. L’enquête…………………………………………………………………………….21 

    6. Les usagers du cimetière…………………………………………………………..24

    7. La tr aversée…………………………………...…………………………………….29 

     Les chemins………..…………………………...…………………………………….29 

     Le grand cimetière……………………………………………………………………31 

     La rue Émile-Richard ………………….……………………………………………..36 

     Le petit cimetière………………….……...…………………………………………..37 

    8. L’observation……………………………...........…………………………………. .37

     La rue Émile-Richard …………………………………………………….…………..37

     Le cimetière…………………………………………………………….………...…..38 

     Les traverseurs/passants……………………………………………….………...…..40 9. Les questionnaires………………………………………………………………….41 

     Le bilan des questionnaires…………………………………………………………..48 

    10.L’apport des questionnaires à l’observation…………………………………......51 

     La représentation du cimetière et de la rue Émile-Richard chez les gens………..….52 

    La rue……………………………..…………………………………………..52 

    Le cimetière……………………………..…………………………………....54

     Est-t-il, dans la pratique, un espace public ou privé ?..............................

    ……..….56 11.La visite au cimetière de Charonne……………………………...……………….56 

    12.Conclusion…………………………………………………………………….....….58  

    13.Sources………………………………………………………………………………61 

    14. ANNEXES...…………………………………………………………………………65 

    15. TABLE DES ILLUSTRATIONS……………………………………………………77

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    Remerciements

     Je voudrais d’abord remercier  

    ma famille, spécialement à ma mère et à mon père pour m’avoir soutenu dans ce bref période

    d’échange et pour tous les conseils. 

    mon d irecteur de mémoire Georges Knaebel, pour d’abord avoir accepté de m’accompagner,

     pour son écoute, sa disponibilité, ses conseils et son soutien permanent.

    toutes les personnes rencontrées dans le cadre d’entretiens informels et qui ont contribué à

    enrichir mes réflexions. 

     Puis je ne peux oublier :

     Mon professeur au Brésil, Eduardo Cabaleiro Cortizo qui m’a encouragée à m’inscrire dans

    le programme « Ciências sem Fronteiras ».

     À la présidente Dilma Roussef et également à la CAPES et au CNPQ pour m’avoir d onné

    l’opportunité d’étudier à l’étranger à travers le « Ciências sem Fronteiras » et son soutien

     financier. Je suis consciente du privilège que mon pays m’a accordé. C’est grâce à eux que

     j’ai pu mener cette étude. 

     Enfin, mes pensées reconnaissantes vont à mon grand-père, Nélio Silva, et ma grand-mère

     Lêda de Lourdes Seabra da Rocha, qui sont partis pendant que j’étais à Paris. Je n’ai pu leur

    dire adieu et donc je les cite pour qu’ils sachent, où qu’ils soient, que même à distance je ne

    les ai pas oubliés.

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    « Et puis, j'aime aussi les cimetières, parce que ce sont des villes monstrueuses,

     prodigieusement habitées. Songez donc à ce qu'il y a de morts dans ce petit espace, à toutes

    les générations de Parisiens qui sont logés là, pour toujours, troglodytes définitifs enfermés

    dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d'une pierre ou marqués d'une

    croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbéciles.

     Puis encore, dans les cimetières, il y a des monuments presque aussi intéressants que dans les

    musées. »

    GUY DE MAUPASSANT- Les Tombales

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    1. Introduction

    En analysant le cas du cimetière de Montparnasse j’ai été confrontée à de nouveaux

    questionnements sur les pratiques et représentations des cimetières en comparant celles des

     parisiens à celles des Brésiliens. L’expression «  champ de repos » (1)  a été empruntée à

    Philippe Ariès comme synonyme de cimetière, car c’est bien l’idée que nous, les Brésiliens,

    avons de cet équipement urbain. Le cimetière ne sert qu’à stocker les morts. C’est où le corps

    va demeurer pour l’éternité, où nos chers disparus reposent de leur sommeil éternel. Selon son

    étymologie grecque, le « lieu où l’on dort  » (AUZELLE, 1965, page 40) donne au mot

    « repos » dans l’expression «  champ de repos » la même signification que « mort ». Les

    cimetières au Brésil ne se prêtent qu’à être des lieux pour enterrer les morts. Il n’y a pas

    d’autres usages. 

    Au contraire, en analysant le cas du cimetière de Montparnasse, j’ai pu remarquer que pour

    les Français les nécropoles(2) sont plus qu’un espace de la mort. Elles font partie du quotidien

    des parisiens, car des gens les traversent et s’y promènent. Cette disparité entre les deux

    cultures a attiré mon attention et m’a poussée  vers une recherche sur les origines de

    représentation des cimetières et de la mort chez les Français selon Philippe Ariès (1977).

    L’image de la mort qu’Ariès cite d’abord c’est celle de la « mort apprivoisée », celle du

     premier Moyen Âge. Cette image «légère, souple » de la mort en fait est née dans le Ve siècleet disparaît à la fin du XVIIIe siècle. Les gens qui ont vécu dans cette période, croyaient

    comme les romains auparavant, que les morts dormaient. Les prières étaient dédiées au repos

    des âmes. Ce repos est l’image la plus ancienne et populaire de l’au-delà. (ARIÈS, 1977). Les

    disparus reposaient dans un champ fleuri, verdoyant et tranquille tel que l’Élysée virgilien. Le

     paradis était vu comme un jardin. Cette attitude montre la mort comme proche, familière,

    insensibilisée, par rapport à laquelle on doit être résigné en acceptant naturellement le destin.

    Ce rapport à la mort générait un comportement correspondant devant les sépultures et objets

    funéraires. Ils étaient très banals et familiaux. Par contre cette familiarité par rapport à la mort

    chez les anciens, concernait seulement le champ mental. Le romains, par exemple redoutaient

    le voisinage des morts en les tenant à l’écart. Cela est dû au fait qu’ils craignaient leur retour.

    C’est pour cela que les cimetières de l’Antiquité étaient toujours écartés des villes, le long de

    routes, comme la via Appia à Rome (ARIÈS, 1977).

    (1) Synonyme de cimetière utilisé par ARIÈS, AUZELLE et PIERARD.

    (2) Synonyme de cimetière 

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    Mais quand les villes ont englobé les faubourgs où l’on enterrait, la cité donc n’est plus

    interdite aux morts. Les quartiers se sont développés autours des basiliques cimétériales. On

    voit donc que les morts, les occupants originaux du terrain, n’empêchaient plus les vivants d’y

    demeurer (ARIÈS, 1977). Les cimetières entrent dans le domaine du vécu. Au Moyen Âge,

    après l’apparition de l’enterrement « ad sanctos» (3)

     , le cimetière est devenu « locum publicumet ecclesiasticum »  (4). Ils ne sont plus des réservoirs des morts, mais davantage des lieux

    saints, sacrés, publics et fréquentés, où l’on prie pour les âmes (ARIÈS, 1977). Ils étaient

    également des lieux d’asile pour les réfugiés et des prisons pour les recluses. Des habitations

    étaient bâties à l’intérieur du mur au-dessus des charniers pour les abriter. Les chambres

    étaient aussi la demeure des prêtres et des laïcs. « On habitait donc au cimetière sans être le

    moins du monde impressionné par l’spectacle des enfouissements, par le voisinage des

    grandes fosses communes » (ARIÈS, 1977, page 70).

    À cette époque-là le cimetière se transforme aussi en foyer de la vie sociale. Les enclos du

    Moyen Âge jouaient le rôle de place du forum, la grande place, où tous les habitants se

    rencontraient et se promenaient. Quelques auteurs médiévaux distinguaient le « locus

     publicus » (5)  aux « loci solitarii » (6)  des tombeaux. (ARIÈS, 1977). Les enclos étaient un des

    seuls lieux publics hors la rue. Ils servaient aussi de cours de justice où les gens étaient

    condamnés. Là-bas on installait aussi des foires et des boutiques. Les champs de repos

     jouaient alors le rôle de marché. Cela est dû à l’habitude des habitants des villes du XVI et duXVIII siècle qui aimaient refermer leur vie publique dans des espaces clos (à l’exemple de la

     place de Vosges) (ARIÈS, 1977). On voit cependant de choses plus extrêmes : on y bâtissait

    des fours pour la fabrication des pains. La proximité de ce genre d’équipement d’où étaient

    exposés des corps en décomposition n’effrayait pas les personnes. Les gens en était

    insensibles jusqu’à la fin des temps modernes (ARIÈS, 1977). 

    Cependant sous Philippe Auguste (1180-1223), les premières clôtures apparaissent et les

    cimetières commencent à perdre leur aspect de places publiques. Pour lutter également contre 

    (3) expression venant du latin, « près des saints »

    (4) expression venant du latin, « lieu public et ecclésiastique »

    (5) expression venant du latin, « lieu public »

    (6) expression venant du latin, « lieux séparés de ce qui l’environne» 

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    la présence des pratiques très mondaines dans les « champs de repos » les synodes du XV

    siècle ont voulu supprimer ces activités. Par contre les condamnations des synodes, ont été

    inutiles pendant des siècles et dû à cela on peut conclure que « les cimetières ont toujours

    servi aux plaisirs, aux jeux qui eux même accompagnaient les marchés et les foires. »

    (ARIÈS, 1977, page 75). Les cimetières ont été également le refuge des figures à marge de lasociété comme les prostituées et les gueux. 

    Dans le début du XIXe siècle les cimetières sont aménagés à l’image de la ville moderne. Les

     principaux cimetières parisiens sont aménagés à cette époque-là, comme celui de

    Montparnasse. Ils sont conçus selon un modèle orthogonal, ayant une voirie hiérarchisée pour

     permettre la circulation, non des voitures, mais des convois, offrant d'évidentes similitudes

    avec un lotissement, très monotone et orthogonal, rempli de constructions verticales

    (mausolées) et horizontales (caveaux). C’est vraiment une nécropole dans ce sens-là : la vraie

    « ville des morts » conçue à l’image de la ville des vivants.

    À contrario aux pratiques du temps de la familiarité liée à la mort, le XIXe siècle connait le

    culte du souvenir attaché à la visite aux sépultures. Le cimetière public devient une institution

    culturelle, en même temps qu'un lieu d'apaisement et de promenade. La volonté d'honorer les

    défunts s'exprime à travers une architecture funéraire sentimentale, empreinte de deuil et de

    romantisme. Ce culte aux morts n’est que la simple mis en scène de la nouvelle pensée de la

    fin du XVIIIe siècle qui voit la mort de l’autre comme intolérable. La mort est définie comme

    la séparation entre plusieurs personnes qui s’aiment (ARIÈS, 1977). C’est la mort romantique.

    Elle fascine, toutefois elle fait peur. Les gens ont l’habitude de rester avec le malade jusqu’à

    ce que le sommeil éternel arrive. La présence de gens autour du lit de mort se traduit dans

    l’assistance à un spectacle réconfortant. Si la mort est la séparation éternelle des gens qui

    s’aiment elle est paradoxalement pour ceux qui partent la libération de tous les maux résiduels

    de la vie comme l’injustice, la souffrance, et le malheur. Tout cela va disparaître avec la chair.

    Et c’est pour cela que la mort est désirée. Dans le champ mental la mort n’est pas seulement la

    séparation de l’autre, elle est aussi l’approche merveilleuse du cosmos, du mystique (ARIÈS,

    1977). L’attachement aux disparus est le fait qui a probablement maintenu les cimetières dans

    le milieu du tissu urbain de Paris, après l’annexion de communes. On veut les maint enir les

    défunts à proximité car il faut se souvenir d’eux et les tenir dans la mémoire. 

    Pendant la seconde moitié du XIX la mort cesse d’être vue comme belle, et poétique tel que

    dans l’époque romantique. On la voit désormais comme un spectacle dégoutant,  qui expose

    les sécrétions du corps, la sueur, la gangrène (ARIÈS, 1977). La crainte augmente. La mort se

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    transforme en instant laid, sale qui doit être cachée. Cela évolue au XXe siècle vers une

    négation de la mort. La mort est devenue tabou et par conséquent on évitait volontairement,

     par peur, la charge d'émotion de la mort. On la refusait, car c'était la « mort interdite ».

    Exprimer le deuil n’était pas bien vu pour la société. Il fallait le garder pour soi-même. En

    France, depuis 1970 on adopte un comportement de plus en plus discret par rapport à la mort.Le lieu où on peut laisser transparaître le sentiment de deuil est le cimetière car il continue à

     jouer le rôle de lieu de souvenir. La suppression de ce sentiment n’est pas issue de la frivolité

    des vivants mais à une contrainte de la société, à une non-volonté de participer à l’émotion de

    l’endeuillé, d’être solidaire. Les gens du XXe siècle n’étaient plus familiarisés avec la mort

    car, avec le progrès de la médicine, la mort n’était plus un risque quotidien comme pendant le

    Moyen Âge (ARIÈS, 1977). La manifestation publique du deuil était vue comme de nature

    morbide. Elle est devenue anormal, non-quotidienne. C’est pour cela que la société nesupportait plus tout ce qui était lié avec cet évènement. Elle n’était plus admise comme un

     phénomène naturel. Elle était un échec, un accident, qu’il fallait oublier (ARIÈS, 1977). 

    Par contre ce qui a pu être observé dans le cimetière de Montparnasse c’est plutôt un retour à

    la familiarité du Moyen Âge que l’indifférence remarquée par Ariès. Le cimetière de

    Montparnasse joue en fait les deux rôles : celui de lieu de souvenir et de lieu de quotidienneté.

    La traversée est l’exemple le plus évidente de que le cimetière est plus qu’un lieu où l’on

     pratique le deuil, interdit par la société dehors le murs. Il est d’une certaine façon incorporédans la vie des habitants du 14e arrondissement puisque les gens l’utilisent comme passage et

    comme espace pour se promener, même si ceux qui font cela n’ont aucun lien avec les morts

    qui y sont enterrés.

    Le but de ma recherche c’est d’analyser les pratiques quotidiennes au cimetière de

    Montparnasse en ciblant sur la traversée. Ce qu’on envisage c’est de découvrir et de

    comprendre pourquoi les gens traversent le cimetière de Montparnasse et en quoi cela reflète

    ou pas une nouvelle représentation de cet équipement urbain chez les gens.

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    2. L’histoire du cimetière de Montparnasse (7) 

    Le cimetière de Montparnasse(8) se situe au nord du 14e arrondissement. Il a été créé en 1824

    dans le but de remplacer les cimetières de Vaugirard et de Sainte Catherine et de recueillir les

    morts de la rive gauche. Auparavant le terrain de l’actuel cimetière se situait au sud -ouest du

    dit alors « Mont-Parnasse » qui était une petite butte constituée d’un amas de pierres

    concassées, provenant des carrières environnantes.

    Figure 1. 1763, Plan Deharme. Disponible sur : http://paris-bise-art.blogspot.fr/2013/02/le-moulin-de-la-charite-cimetiere-du.html

    Il s’agissait de deux fermes dans la commune de Montrouge appartenant à l’Hôtel Dieu. Ces

    fermes côtoyaient les terrains des Frères Hospitaliers de Saint Jean-de-Dieu fondateurs de

    l’Hôpital de la Charité. Les terrains des religieux occupaient la partie sud -ouest, qui

    aujourd’hui longe la rue Froidevaux, pendant que les terrains de l’Hôtel Dieu, constituaient

    l’actuelle partie nord du cimetière, près du boulevard Edgar -Quinet.

    (7) Ce passage s’appuie sur l’histoire du cimetière racontée dans le livre de PIERARD. Il s’agit d’un résumé.

    (8) Une petite curiosité sur le cimetière : il manque la 23e division. 

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    Les religieux ont bâti un moulin à vent, le Moulin de la Charité (voir la figure 1, page 9) à

    côté de l’enclos qui reçoit les morts de la commune de Montrouge. Ce moulin devient, à la fin

    du XVIIe siècle, la cours de récréation des élèves du collège jésuite Louis-le-Grand.

    Figure 2. 1837, Plan Donnet Kauffman. Disponible sur :http://commons.wikimedia.org/wiki/Chronologic_old_maps_of_Paris

    Au début du XVIIIe siècle le Mont-Parnasse est rasé mais les guinguettes qui y demeurent

     prospèrent. En 1785 le terrain a été séparé de Paris par le mur des Fermiers Généraux. Par

    contre les cabarets de cette campagne, restent un des lieux de divertissement préférés des

    habitants de la capitale. 

    Avec les évènements de la Révolution et la fermeture du grand cimetière des Innocents, Paris

    a besoin de nouveaux lieux pour déposer ses morts. Le domaine des frères de la Charité sont

    confisqués par l’État et deviennent propriété de l’Assistance publique. L’ancien cimetière

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    religieux commence à recevoir les corps non-réclamés par les hôpitaux. Le moulin est loué à

    un cabaretier et depuis ce jour-là la mort coexiste avec la joie de vivre des clients des

    guinguettes. Il semble que la coexistence de la vie et de la mort dans cet endroit perdure

     jusqu’à aujourd’hui comme on le verra dans les chapitres suivants. 

    En 1794 la commune de Paris décide d’établir quatre nécropoles extra-muros pour remplacer

    celle des Innocents. La ville de Paris commence à acquérir les terrains voisinant l’enclos de la

    Charité. Le 25 juillet de 1824 le cimetière du Sud (de Montparnasse) est ouvert. Il appartenait

     jusqu’alors à la commune de Montrouge. Le moulin-cabaret devient la demeure du gardien.

    Les limites de la nouvelle nécropole sont à peu près celles du grand cimetière actuel. Ses faces

    s’étendaient le long de la rue du Champ-d’Asile, actuelle rue Froidevaux, de la rue de

    Montrouge qui, élargie, deviendra l’actuel boulevard Edgar -Quinet et de la rue de la Gaîté

     bordée de cabarets. Il était structuré en croix par deux allées d’ormes. 

    Figure 3. 1843, Plan Girard. Disponible sur :http://commons.wikimedia.org/wiki/Chronologic_old_maps_of_Paris

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    Figure 4. 1853, Plan Delamare. Disponible sur :http://commons.wikimedia.org/wiki/Chronologic_old_maps_of_Paris

    En 1847 les rue d’Isly, de Mogador et l’impasse de Tanger sont supprimées et l’aire du

    cimetière s’étend jusqu’au boulevard d’Enfer, aujourd’hui le boulevard Raspail.

    Figure 5. Atlas Historique de Paris. Paris en 1850. Disponible sur : http://paris-atlas-historique.fr/5.html 

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    En 1860, après l’annexion du territoire des communes suburbaines les trois nécropoles sont

    intégrées à la ville de Paris. Le cimetière alors se situe désormais au milieu du tissu urbain de

    la ville (voir n° 1 des Annexes, page 66). 

    Le cimetière du Sud était constitué de plusieurs enclos, chacune ayant une affectation

    spécifique. L’enclos des hôpitaux, destiné aux corps non-réclamés, se situait au long de

    l’actuelle rue Émile-Richard. Cette partie a été transférée en 1861 dans le cimetière d’Ivry.

    Quelques années après, en 1878, la rue du Champ d’Asile est élargie et en 1890 et 1891 sont

     percées les rues Schœlcher et Victor -Considérant séparant le cimetière de la place Denfert-

    Rochereau qu’il touchait depuis 1847.

    Dans ces années-là, la Ville de Paris décide de prolonger la rue Gassendi en perçant la rue qui

    s'est appelée au début rue Émile-Richard (1890 à 1897), ensuite rue Gassendi (1897 à 1905)

    finalement renommée, en 1905, rue Émile-Richard. Elle coupe le cimetière en deux en reliant

    la rue Froidevaux au boulevard Edgar-Quinet. Elle ne possède pas d’habitation. Le seul

    immeuble qui donne sur cette voie appartient au boulevard Edgar-Quinet.

    La percée de la rue a probablement été réalisée parce qu’on apercevait déjà la nécessité de

    traverser le cimetière. Cependant l’image que les gens avaient de la mort à la fin du XIXe 

    imposait chez les gens une certaine peur de franchir un endroit sacré, dévolu au deuil et au

    recueillement. Les cimetières à cette époque-là ont été moralement mis à distance. Par contreils demeuraient dans les milieux urbains. Ils n’ont pas été mis à l’écart dans le sens urbain. On

    ne veut pas les éloigner trop. Il est un lieu de recueillement. On peut le visiter, y pleurer nos

    chers disparus, mais c’est tout. On n’ose plus ni y danser, ni y vendre des marchandises. La

    familiarité médiévale devient l’indifférence brutale. Cette indifférence vient accompagnée

    d’une distance et d’une crainte qui sont issues d’un respect (ARIÈS, 1977). 

    Devant le besoin de franchir cet obstacle le Conseil Municipal a décidé de percer en 1890 une

    rue traversant le cimetière en le coupant en deux. Cette volonté de la fin du XIXe siècle de

    franchir l’enclos des morts est évidente si on regarde l’exemple du pont de la rue Caulaincourt

    qui passe au-dessus du cimetière Montmartre (ce viaduc fut inauguré le 16 décembre 1888). Il

    a permis de prolonger de la rue Joseph-de-Maistre jusqu'au boulevard de Clichy. « On

    franchirait par un viaduc le coin du Cimetière, pour gagner la rue de Maistre, légèrement

    abaissée; ensuite à flanc de coteau, on en contournerait le revers pour descendre en plaine, par

    une faible pente, jusqu'à la rencontre de la rue du Mont-Cenis et de celle de Francoeur »

    (HAUSSMANN, 1890).

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    Le percement d’Émile-Richard, tout comme celui du viaduc Caulaincourt, a permis de

    transformer un espace qui avant appartenait à la mort en espace appartenant à la vie, à la ville.

    C’est possible qu’il y a un côté encore plus symbolique quand on imagine que cela peut

    représenter soit la victoire de la vie devant la peur la mort, soit la naissance de la négation de

    cette dernière, selon ce que l’on peut retenir des analyses d’Ariès. En regardant du côté plustechnique, ce percement suit la logique haussmannienne-hygiéniste d’ouvrir un espace clos,

    théoriquement insalubre afin de permettre la pénétration de l’air et le donner une vie urbaine. 

    Ces mesures ont été possibles grâces à la révolution de 1789, quand les cimetières français,

    autrefois propriétés de l’Église, entre dans le domaine de l’État. La réforme du 23 prairial de

    l’an XII vient confirmer l’appartenance du « champ de repos » à l’autorité municipale. On

    démarre la « désacralisation du cimetière » qui est encore en train de se développer mais pas

     plus dans le champ juridique mais dans le champ pratique et social.

    Aujourd’hui les cimetières appartiennent au droit public de la municipalité selon le Guide de

    la législation des cimetières (2010). Cette donnée est également citée par AUZELLE (1965).

    De même toute la voirie publique d’une ville, le cimetière est un bien public de la commune

    contenant cependant des concessions de droit privé.

    3. Des cimetières plus ou moins ouverts

    Figure 6. 14e arrondissement. Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Quartier_du_Montparnasse

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    La nécessité de couper physiquement un équipement urbain clos retient l’attention par rapport

    aux conséquences de cette mesure d’ingénierie sur l’usage et les pratiques de l’espace du

    cimetière et de la rue qui le coupe. En observant le territoire, on a pu constater que la

    traversée ne se réalise pas seulement par cette voie mais également par le cimetière. Les

     piétons choisissent le cimetière comme un raccourci, pour aller de la partie sud du quartier, etdes quartiers de Plaisance et du Petit Montrouge au nord du quartier Montparnasse ou au 6e et

    vice-versa (voir figure 6, page 14). En dépit de l’existence de la rue Émile-Richard, conçue

     pour servir de passage, les allées du cimetière fonctionnent comme des voies piétonnes pour

    aller d’un bord à l’autre.

    Pour vérifier d’abord la singularité de la pratique du passage par le cimetière, on a dû analyser

    les plans des autres cimetières parisiens. En prenant le cimetière de Montparnasse comme

    l’exemple du cimetière « traversable », on peut établir une typologie des cimetières parisiens

    selon la possibilité et la façon de les franchir ou pas :

    Tableau 1. Les types clos de cimetières parisiens. Source : Production personnelle

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    Tableau 2. Les types traversables de cimetières parisiens. Source: Production personnelle

    Le type « traversable », tout court, peut être illustré par les cimetières de Charonne, de

    Montparnasse, d’Ivry et même du Père Lachaise, Bagneux, Thiais, Pantin -Bobigny, Saint -

    Ouen. On peut citer également d’autres cimetières qui n’appartiennent pas à la commune de

    Paris, tel celui de Gentilly, situé dans le sud du 13e  arrondissement. Par contre, dû à leur

    extension, les grands cimetières extra-muros ne semblent pas être traversables dans la

     pratique, surtout Saint-Ouen qui est côtoyé sur la moitié de son périmètre par le chemin defer. Les seuls qui soient traversables quotidiennement sont ceux de Montparnasse (et qui est

    de ceux-ci le seul coupé par une voie publique), d’Ivry, de Charonne. Le cimetière du Père

    Lachaise est traversé, mais bien moins fréquemment, en raison de son relief et de son

    extension. Quant au cimetière de Montparnasse, le fait qu’il soit coupé par une voie publique

    exprime formellement la considération officielle de l’enclos comme obstacle et de la nécessité

    de la franchir.

    A cause de ses caractéristiques, propres à ce cimetière, la traversée de l’enclos de

    Montparnasse est devenue un objet d’étude. Les questions majeures qui se posent sont:

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      Pourquoi des gens traversent le cimetière de Montparnasse en dépit de l’existence de la

    rue Émile-Richard et des autres rues environnantes, les rues de la Gaîté et Schœlcher? En

    quoi ce fait reflète ou pas le changement de la représentation de cet équipement

    urbain chez les riverains?

    Une autre question, secondaire, a surgi dû aux conflits observés entre les usagers, quitransgressaient quelques articles du règlement des cimetières (la majorité des fois par

    méconnaissance ou par naïveté) et les gardiens. Quelques-uns voulaient passer de l’autre côté

    avec leur chien ou en poussant leurs vélos.

      Dans le vécu et dans la représentation des gens, le cimetière est-il un espace public,

    comme une extension de la voirie externe (vu que les deux appartiennent au droit public

    communal), ou bien s’agit-il d’un espace privé ? La question est posée en distinguant les

    représentations des usagers de celles des personnes en charge du/des cimetière(s).

    Ce deuxième questionnement a été renforcé par le fait que je n’ai pas pu obtenir l’autorisation

    de faire des entretiens à l’intérieur de l’enclos. Je me suis demandé pourquoi les activités les

     plus susceptibles de casser l’atmosphère de recueillement telles que le tourisme sont permises

    alors qu’une enquête avec les gens qui traversent l’endroit est interdite ? Je développerai cela

    ci- joint dans le paragraphe consacré à « l’enquête ». 

    4. Quelques définitions

    Avant de développer l’étude sur la traversée du cimetière pour répondre aux questions

     précédentes et de me pencher sur la recherche des rapports des usagers au lieu, il me faut

    d’abord définir quelques concepts essentiels. 

     L’espace public, l’espace privé et l’espace mixte 

    Selon la conception des formes urbaines, un espace est public quand il est ouvert à tous, que

    tous peuvent y être physiquement présent et y circuler librement. À contrario, il est un espace

     privé quand l’accès à cet endroit est contrôlé et aussi réservé à certaines populations

    (CHELKOFF et THIBAUD, 1993).

    Le cimetière pourrait entrer dans cette définition du « privé », n’était le fait qu’il fait partie du

    domaine public communal au même titre que la voirie. Mais il est possible d’imaginer le

     pourquoi de cette notion contradictoire de l’espace du « champ de repos ». En fait le cimetière

    est propriété communale mais les contrats des concessions sont des contrats administratifs

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    d’occupation du domaine public communal. Cela signifie qu’elles sont un bout de terr ain

     privé au milieu d’un espace public. Donc le cimetière est en fait un espace mixte ou le public

    et le privé coexistent. Même si pour la loi il est compris comme espace public sa

    réglementation lui donne quelques caractères l’incluant au domaine du privé.

     La dialectique du clos et de l’ouvert  : le concept d’accessibilité(9) 

    L'environnement visuel et par conséquent perceptif est produit par les formes, les signes et

    l'activité des citadins. Alors la forme construite organise, donne des directions, induit des

    actions, les mobilise, en laissant des marges de manœuvres ou de conduites aux usagers.

    Cependant le public n'est pas seulement un spectateur réceptif, ni désorienté. S'il est acteur, il

    est en même temps « usager » demandeur de commodités pratiques, et manifestant des

    conduites imposées par l’environnement.

    « La matérialité du cadre bâti - murs et parois de toutes sortes -

     permettrait de circonscrire et de délimiter précisément les lieux

     publics des lieux privés. Cette partition de l'espace urbain est loin

    d'être aussi évidente qu'elle en a l'air au premier abord. Appliqué à

    l'espace, le critère d'accessibilité repose sur l'idée implicite que le seul moyen d'accéder à un lieu est d'y être physiquement présent, que

    c'est la libre circulation du corps dans l'espace qui rend ce dernier

    "public" ». (CHELKOFF et THIBAUD, 1993, page 1) 

    Un espace clos n’est pas nécessairement un espace privé. Il peut être un espace public où la

    libre circulation a lieu dans un période déterminée de la journée. Ses accès peuvent être

    contrôlés et soumis aux yeux d’un gardien. S’il est entouré d’un mur, cela veut dire qu’il est

    un espace visuellement clos ou s’il est entouré d’une grille qu’il est un espace visuellement

    ouvert. Les cimetières, sont des exemples d’espaces visuellement clos, et les jardins publics,

    d’espaces visuellement ouverts. 

    (9) Ce passage est basé sur l’article L’espace public, modes sensibles : le regard sur la ville in Les Annales de la

    recherche urbaine. CHELKOFF, Grégoire. THIBAUD, Jean-Paul.

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    Plutôt que se baser sur la "publicité" d'un espace et son ouverture formelle, il convient alors

    de questionner aussi les modalités sensorielles et perceptives qui instrumentent la perception

    de cet espace chez les gens. Le clos peut également avoir le sens de clos en matière perceptive

    en dépit de l’ouverture formelle. Cela nous invite à penser sur l’intimité d’un endroit par

    exemple si l’on pense à propos de l'accessibilité sonore, visuelle et aussi pratique. L’espaceclos dans ce sens-là fonctionne comme un endroit de refuge par rapport au milieu très

    accessible de la voirie, où ce qui s’y passe ne peut être ni vu, ni entendu depuis l’extérieur.

    Cet endroit peut être également un espace qui ne nous invite pas à y pénétrer, qui nous

    repousse. Un cimetière pourrait être compatible avec cette notion, puisqu’il représente le lieu

    de la mort.

    En revanche un espace ouvert est un espace public ou privé en continuité avec le tissu urbain

    et la voirie environnants. Il s’agit d’un espace où on se sent invités à pénétrer, à traverser. On

    le voit comme une continuité de l’espace environnant même s’il est clos de murs, grilles ou de

    végétation, car ce qui se passe dans les environs s’étend et envahit l’intérieur. L’espace ouvert

    constitue ainsi un espace accessible qui nous invite dans sa découverte, qui incite le passage,

    qui est vivant et accueillant pour les piétons.

    On en conclut donc que le cimetière est un espace visuellement clos, mais « ouvert » pour la

     plupart des pratiques pendant la journée. Dans ce sens-là le terme « ouvert » veut dire qu’il est

    un espace qui encourage son utilisation, un espace poreux qui laisse pénétrer les activités desenvirons, telles que la traversée de l’espace urbain. 

     La traversée

    Selon Rachel Thomas (2000) le terme « traversée » caractérise le rapport d'étrangeté du piéton

    au milieu ambiant public. Étymologiquement, traverser, qui vient du latin transversare, 

    constitue l’action d’aller d’un côté à l’autre de l’espace, d’y pénétrer de le parcourir dans sa

    longueur ou sa largueur, et d’en r essortir. Cette manière de parcourir un espace estdirectement associée aux mondes clos refermés en eux-mêmes. Les gens qui traversent un

    espace suivent l'idée d'une transition dans le parcours, par pénétration et sortie de cet endroit.

    « Celui qui traverse fait l'expérience du transit dans un espace qui se situe lui-même à la

    frontière du public et du privé. » (THOMAS, 2000, page 246).

    Par rapport au comportement du piéton, celui qui traverse ralentit le pas pour devenir presque

     précautionneux, en marchant "sur la pointe des pieds" comme pour ne pas déranger, passer

    inaperçu. Le buste devient raide. La tête et les yeux sont le plus souvent orientés vers l'avant,

    vers l’horizon, même si le regard s'échappe parfois. Il s'agit d’être vigilant (THOMAS, 2000). 

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    « L'homme qui traverse se définit de fait comme un citadin solitaire et

    disponible. Malgré sa position d'étrangeté, il rentre dans une situation

    d'harmonie avec l'environnement. Dans ce dessein, il contemple

    l'espace, se met en position d'observateur pour regarder discrètement

    autrui. » (THOMAS, 2000, page 239).

    Pourtant il n’y a pas de partage avec autrui pendant le parcours, car en fait cette attitude

    semble davantage être un mode d'introspection du passant. Ce concept semble a priori

    compatible avec la notion du parcours intra-cimetière, puisque le cimetière est d’abord un lieu

    clos, pour les morts, pour le deuil et pour le recueillement. Par contre l’auteur utilise un autre

    concept qui est celui de « passage » : « Ce terme désigne l'acte de cheminer dans un lieu, de

     s'y trouver au cours d'un déplacement. Il s'agit d'aller quelque part pour un temps bref, sans

    intention d'y rester, d'avoir ce lieu sur son parcours. » (THOMAS, 2000, page 246). Il s'agit

    de parcourir son chemin au plus vite et par conséquent l'allure devient plus précipitée et le

    corps se penche un peu en avant de façon à mieux pénétrer l'espace. La largeur de ce genre de

    chemin rend possible la vitesse des gestes et l’action de « passer » renvoie à la familiarité du

    citadin à son environnement. « Passer » fait référence à une habitude induite par la

    connaissance du lieu et il s'agit donc d'une action répétée et quotidienne (THOMAS, 2000).

    Cette habitude est directement liée au besoin de se déplacer. Le lieu de passage se caractérise pour le  piéton comme un repère qu’il connait très bien, puisqu’il fait partie de son quotidien,

    localisé au milieu d’un chemin plus long (THOMAS, 2000). Ce repère est à la fois un refuge

    et un espace propice à la tranquillité, à l’écart du milieu urbain bruyant.

    Dans son cheminement le piéton régule son allure de manière à mieux regarder et/ou mieux

    entendre ce qui se passe autour de lui. Ses sens s'éveillent comme pour mieux anticiper la

    saisie des qualités construites, aménagées et sensibles du site (THOMAS, 2000). Le passant

     peut regarder chaque coin et parfois s’arrêter devant un détail qui lui semble intéressant. En

    effet, ce lieu de passage n’est pas un milieu sonore et visuellement agressif mais invite

    davantage à la contemplation.

    Par rapport au cimetière, on voit qu’il mélange les deux définitions. Au même temps qu’il

    s’agit d’un espace visuellement clos, refermé en lui-même et qu’il fonctionne comme une

    transition dans les parcours, il fait partie du quotidien d’une grand partie des habitants du 14 e 

    lesquels sont très familiarisés avec l’endroit (quelques-uns plus que d’autres). Les

    traverseurs/passants n’ont pas l’intention d’y rester. Alors pour décrire l’action de parcourir ce

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    chemin, j’utiliserai les deux termes, « passage » et « traversée », et leurs déclinaisons, comme

    des synonymes.

    5. L’enquête Pour comprendre pourquoi le cimetière de Montparnasse est un lieu de passage, il a été choisi

    de mener d’abord les séances d’observation pour essayer de comprendre le lieu pour ensuite

    réaliser des entretiens courts et des parcours commentés qui confirmeraient ou pas les

    hypothèses surgies lors de l’observation. L’observation a permis d’obtenir des données

    davantage quantitatives telles que les flux, les horaires de fréquentation ou les chemins les

     plus utilisés tandis que les questionnaires ont permis de comprendre la logique du/des

    usager(s), comme leurs perceptions de cet espace.

    Toutefois, pour mener des entretiens ou faire des parcours commentés dans le cimetière, on a

     besoin d’une autorisation de la session de tournages de la mairie de Paris. Mais cette

    autorisation ne m’a pas été délivrée, pour des raisons que l’on peut supposer. 

    Pour les gestionnaires du cimetière cet espace est un endroit où il faut tenir le respect pour les

    morts et pour la propriété et la souffrance des familles concessionnaires : « Introduction : En

    entrant dans les cimetières parisiens, toute personne s’engage à respecter ces lieux de

    mémoire et de recueillement. » (Règlement général des cimetières parisiens, 2005). L’enclos

    appartient d’une certaine façon aux gestionnaires, car ils sont chargés de veiller à sa

    conservation. Alors ils sont très attachés à leur tâche que toute activité qui sort de l’ordinaire

    doit être bien surveillée, même s’il elle n’interfère pas dans l’ambiance  de recueillement

    qu’un tel type de lieu exige. 

    «  ART. 4 - La destination des lieux implique que toutes les personnes,

     y compris les professionnels du funéraire et les entreprises prestataires, qui pénètrent dans les cimetières, s’y comportent avec

    quiétude, décence et respect. »  ( Règlement général des cimetières

     parisiens, 2005)

    Le tourisme pourrait être inclus dans ce domaine-là, car cela n’est pas une fonction originale

    des cimetières, vu qu’il s’est développé qu’au XIXe siècle. Le règlement de cimetièr e de Paris

    ne comporte aucun article restreignant l’activité touristique. Si les gardiens et le personnel de

    la conservation veillent pour une ambiance de deuil et tranquille, pourquoi encouragent-ils le

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    tourisme, alors que cette activité est assez contradictoire avec l’ambiance de recueillement?

    Pourquoi distribuent-t-ils des plans du cimetière avec l’emplacement des tombes des

    individus les plus célèbres ? (voir n° 3 des Annexes, pages 68 et 69). Est-ce que c’est moins

    respectueux d’y aller en grands groupes et de se pencher parmi les tombes en bavardant, que

    d’interviewer les passants ?

    S’il n’y a rien sur le tourisme dans le règlement, ce dernier cependant autorise la présence des

    quêteurs et la réalisation de recherches à l’intérieur des murs lors que le quêteur présente une

    autorisation du maire :

    « Les quêtes, cotisations ou collectes sont subordonnées à une

    autorisation du Maire. Elles ne doivent apporter aucun trouble à la

    nature des lieux, au bon ordre et à la liberté de circulation. Les

    quêteurs doivent pouvoir présenter leur autorisation à chaque

    demande des agents municipaux. » ( Règlement général des cimetières

     parisiens, 2005)

    De mon côté j’ai dû changer ma stratégie de recherche car l’autorisation à laquelle j’aurais pu

    avoir droit, m’a été refusée. Je n’ai donc pas pu réaliser les parcours commentés. J’ai alors fait

    des observations à l’intérieur ou à l’extérieur, surtout dans la rue Émile -Richard, pour

    comprendre la quotidienneté de cette espace, la logique des parcours, des horaires de

    fréquentation et aussi l’ambiance du lieu. Puis il a fallu élaborer des questionnaires qui ont été

    réalisés devant chaque porte à l’extérieur du « champ de repos » pour préciser les données

    recueillies et confirmer les hypothèses qui ont surgi.

    Des observations et des questionnaires ont été effectués à différentes heures sur différents

     jours de la semaine (selon mes disponibilités, celles-ci étant notamment liées aux horaires decours à l’Institut d’Urbanisme de Paris) dans les mois de janvier à mai. Le cimetiè re a été

    visité les jours suivants : le mardi 22/01/2013 (vers 15h00), le samedi 26/01/2013 (vers

    14h00), le mardi 05/03/2013 (de 15h15 h à 16h00), le lundi 15/04/2013 (de 16h35 à 18h00),

    le vendredi 19/04/2013 (de 11h30 à 13h00 et de 16h30 à 18h00), le samedi 20/04/2013 (de

    13h10 à 16h30), le mercredi 24/04/2013 (de 14h00 à 16h00), le jeudi 25/04/2013 (de 08h00 à

    10h30), le dimanche 28/04/2013 (de 10h30 à 12h40), le lundi 29/04/2013 (de 7h50 à 12h30),

    le mardi 30/04/2013 (de 10h10 à 11h30), le jeudi 02/05/2013 (de 13h10 à 17h00), le vendredi

    03/05/2013 (de 13h10 à 15h30), le jeudi 16/05/2013 (de 8h00 à 10h45) et le vendredi

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    17/05/2013 (de 10h00 à 12h45). On a fait encore une visite nocturne aux environs du

    cimetière le vendredi 22/02/2013 (de 20h00 à 21h00), pour voir ce qui se passait dans les rues

    qui le longent quand il est fermé.

    La couverture des horaires le weekend est moins étendue, car on a pu remarquer que les

    traverseurs ne sont pas très présents le samedi et le dimanche (voir tableau d’horaires  dans le

    n° 6 des  Annexes, page 73). Les questions qui ont été élaborées sont les suivantes : 

    « Pourquoi traversez-vous le cimetière de Montparnasse ; Quand traversez-vous le

    cimetière?; Quels chemins prenez-vous le plus souvent?; Par où faites-vous la traversée?;

     Pourquoi prenez-le(s) vous plus souvent ?; Pourquoi prenez-vous le cimetière plutôt que

    d’autres chemins? Par exemple  : les rues Émile- Richard, Schœlcher ou Gaîté. »  (voir n° 5

    des Annexes, page 71 et 72). À travers ce questionnaire j’ai essayé d’analyser les aspects

     pratiques/objectifs, et ressentis/perceptifs, de l’espace. 

    Ces mini-entretiens ont été réalisés en différents horaires et jours de la semaine de façon à

    faire une couverture temporelle la plus élargie possible. Il a été réalisé 110 entretiens. Par

    contre ces questionnaires menés devant chaque entrée n’ont pas été suffisants pour

    comprendre ce qui se passait vraiment en termes de flux de personnes pour chaque chemin.

    Les entretiens ne permettent pas de voir le flux exact de personnes qui prennent un chemin

    déterminé dans un horaire déterminé. Les informations amassées que l’on obtient risquent den’être pas les plus fiables car les données recueillies dépendent de la disponibilité du public et

    ceux qui sont les plus motivés à répondre sont les personnes âgées et les étudiants. Cette

    méthode a encore deux handicaps : le fait qu’il n’y a qu’une personne pour poser des

    questions à chaque moment dans une entrée différente (il n’est pas possible de couvrir toutes

    les entrées au même temps) et que celui qui mène les questionnaires ne peut pas y rester

     pendant toute la journée. Pour compenser j’ai dû alors faire d’autres notes d’observation sur

    les gens et les chemins parcourus, pour essayer de mitiger les déficits de la méthode des

    questionnaires. J’ai marché le long des allées principales en prenant de notes sur les

    ambiances des avenues, les flux, les chemins choisis et parcourus (montrer les plus utilisés et

    les moins utilisés), les gens qui les prennent (le type des passants : traverseurs, promeneurs,

    touristes, etc) selon le jour de la semaine et l’horaire, l’allure des passants, leurs gestes et les

    objets qu’ils portaient. La phase suivante de l'analyse a consisté à proposer une typologie des

    traverseurs selon les données recueillies.

    Dans la conclusion il sera discuté en quoi les pratiques de l’espace, vérifiées pendant l’étude,changent ou reflètent l’image du cimetière chez les personnes.

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    6. Les usagers du cimetière

    Hors ceux qui y travaillent, les gens se rendent au cimetière pour de nombreux motifs.

    Beaucoup de personnes voient un cimetière comme un endroit calme, paisible, où on peut

    admirer l’architecture et les sculptures qui ornent les tombes. On y trouve de l’air plus sain.Le sentiment de respect y règne, on se sent envolés par une atmosphère différente,

    certainement due au silence et à la présence des tombes. C’est également un lieu pour

    réfléchir à la vie et à la mort. C’est parfois l’endroit où on peut échapper aux problèmes du

    monde des vivants et se réfugier aux milieux de ceux qui n’ont plus à leur faire face. Le temps

    s’y arrête. 

    Ci-dessous j’essaye de distinguer les genres les plus communs dans l’espace du cimetière. Ils

    sont repérables selon leur façon d’agir, le comportement des gens du même genre suit un

    modèle avec quelques petites variations. Il faut préciser d’emblée que leur apparition dans cet

    endroit dépend des heures et des jours de la semaine et aussi de la météo.

    Les proches du disparu suivent les convois. Ils sont toujours en noir ou en couleurs foncées.

    Ils parlent entre eux mais pas fort, en petits groupes de conversation, lorsque le convoi

    n’avance pas ou que les agents funéraires sont à chercher le cercueil dans la voiture. 

    Des vieux solitaires, hommes et femmes d’environ 60 ans ou plus qui viennent voir lessépultures des morts célèbres, aux personnes de la famille et aux amis. Ils adoptent une

     posture introspective et ils ne parlent pas fort, même s’ils y sont pour rendre visite aux morts

    avec lesquels ils n’ont aucun lien de parenté, tels que les artistes. Il ne s’agit donc pas que de

     pur passéisme, mais plutôt d’un goût mélancolique pour ce qui n’est plus (LANDRU, 2009). 

    Parmi ceux qui vont rendre un hommage à un cher disparu il y a ceux qui entretiennent les

    tombes. Ils peuvent se charger eux-mêmes de la tâche ou peuvent amener un prestataire des

    services tels qu’une bonne pour le faire. Ils se tiennent concentrés dans leur tâche et ne

    regardent pas trop les autres personnes qui passent dans les allées. Ce geste de nettoyer la

    dalle et d’enlever les fleurs mortes montre que le décédé n’a pas été oublié, et qu’il reste

    vivant dans la mémoire des proches. Ce sont surtout des femmes qui se livrent à cette activité.

    Elles font partie du personnel de l’entretien « non embauché» des cimetières. Elles y sont tous

    les jours. Il y a aussi des hommes mais dans ce cas en très petit nombre. Ces personnes

    apportent souvent des fleurs qu’elles achètent chez les fleuristes du voisinage. Elles tiennent

    habituellement un sac, en cuir ou en plastique, avec leurs outils pour entretenir les tombes.

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    Pour ces premières catégories de visiteurs, le cimetière est vu comme un lieu de mémoire où

    on pratique le deuil  et où on peut rester plus proche de nos chers disparus. « Les cimetières,

     plus que notre mémoire, sont la somme des mémoires de ceux qui nous ont précédé, c’est-à-

    dire des mémoires mortes que l’on se plait à faire resurgir. » (LANDRU, 2009). Le cimetière

     peut aussi être pour eux un lieu de mise en pratique de l’introspection, du profond sentimentde besoin de solitude et de méditation. Selon Ariès, « L’ancienne familiarité ne connaissait

     pas le culte du souvenir, la visite à la tombe » (ARIÈS, 1977, page 262). Cella est née au

    XIXe siècle, avec le romantisme et l’idée de la mort comme la séparation de deux êtres chers. 

    Il y a ceux qui s’y installent pendant quelque temps sur un banc, pour bavarder, pour voir le

     paysage ou pour lire. Il y en a d’autres qui s’y rendent et y marchent juste pour jouir de

    l’ambiance. Ce sont des promeneurs. Ces personnes aiment la tranquillité et le silence du

    cimetière. Là-bas ils se protègent des bruits de la ville, des vélos et des voitures. Ils y trouvent

    l’air moins pollué, beaucoup de verdure et il n’y a pas de gamins à jouer du ballon. Ils n’ont

     pas un âge en commun : des vieilles dames, des étudiants, des femmes, des couples (surtout le

    weekend) etc. On y trouve aussi des parisiens qui s’y rendent pour la première fois. On voit

    souvent des mamans avec des poussettes traversant les allées principales. Ce type d’usagers se

    rend au cimetière dans les horaires où il fait plus chaud. Milieu du matin et milieu de l’après-

    midi. Ils sont aussi plus nombreux les jours de beau temps. « Le petit peuple de Paris aime

    visiter les cimetières avec sa famille (…) c’est la promenade préférée dans ces jours de repos. C’est sa consolation dans les jours de détresse » (ARIES, 1977, page 249). Le cimetière est,

     pour eux, un jardin public interdit aux activités bruyantes, leur lieu de loisir silencieux où ils

     jouissent du temps libre. C’est le bout de campagne dans la ville, au milieu d’un quartier

    dense et animé.

    C’est possible qu’il y ait un type « mixte» entre les vieux solitaires qui habitent la ville et des

    touristes. Il se peut que quelqu’un qui est allé rendre visite à un cher connu décide de voir

    d’autres gens plus célèbres. Il y a peut-être des personnes seules ou en petits groupes qui se

     promènent parmi les tombes en cherchant quelques défunts auxquels ils s’intéressent, la

     plupart d’entre eux ont un plan à la main. Après avoir trouvé la tombe désirée, ils sortent du

    milieu des rangées en reprenant les allées principales. Parfois ce genre de promeneur s’arrête

    devant un tombeau qui attire leur attention. S’il marche en couple l’un signale à l’autre en

    faisant des gestes ou en l’appelant pour qu’il vienne voir, comme un d’un détail ou une

    sépulture intéressante.

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    L’érudit est  l’un des plus intéressants profils d’usagers. Il est un promeneur solitaire qui a

    l’habitude de se promener dans le cimetière. Normalement il connaît l’emplacement exact des

    tombes les plus célèbres. Il connait par cœur la bibliographie des morts pour lesquels il a de

    l’admiration. Il est toujours en quête de connaissance et il pense que le cimetière est un grand

    livre d’où on peut extraire des informations importantes sur le passé et sur l’actualité.L’architecture des tombes,  les origines des morts et les épitaphes constituent une source de

    connaissances précieuse. Le cimetière permet aux érudits de se confronter à tous les pans de

    la culture, ceux qu’ils connaissent plus et aussi qu’ils ne dominent pas assez. Les recherches

    qu’ils mènent sur les défunts, même si elles sont superficielles, les rendent plus savants. Ce

    genre de personne possède quelques caractéristiques du romantisme du XIXe siècle. La mort

    les fascine, elle est une rupture qui arrache l'homme au banal du quotidien pour le jeter dans

    un monde fantastique peu exploré et de mystères. Elle attire les gens car elle est dans l’universde l’interdit, comme les pulsions sexuelles (ARIÈS, 1977). Pour ces derniers types, le

    cimetière est vu comme une encyclopédie où on peut découvrir des personnages historiques

    ou pas dont la bibliographie peut intéresser. Puisque le cimetière est le réceptacle ultime de

    toutes les paternités il est aussi l’endroit où on peut exprimer notre reconnaissance po ur les

    grands faits des morts, une manière de remercier ceux qui sont venus avant vous pour les

    idées géniales qu’ils ont pu transmettre à la postérité (LANDRU, 2009). Le cimetière est

    l’endroit où les gens communs peuvent être à tout moment côtoyer des gens célèbres.

    On y trouve également des touristes, aisément reconnaissables, car ils portent à la main un

    guide de Paris, un plan du cimetière, un appareil-photo. Ils marchent en regardant les plans et

    en observant les tombes parallèles aux allées, jusqu’à ce qu’ils trouvent le mort recherché ou

    un autre tombeau de caractéristiques particulières. Les touristes se plaisent à chercher les

    tombes de leurs idoles et cette quête des tombes dans les cimetières ressemble au plaisir

    ludique qu’ont les enfants à jouer un jeu de piste. La satisfaction momentanée d’une mini

    montée d’adrénaline provoquée par la découverte d’une tombe recherchée ou d’une que l’onn’attendait pas, est semblable à celle d’une chasse au trésor (LANDRU, 2009). Si les touristes

    sont en groupe, ils parlent normalement, de peur de dépasser une limite qui soit

    irrespectueuse. Quelques groupes ont une posture moins sérieuse par rapport à d’autres. Ils

    sont plus nombreux au cimetière toujours entre dix heures et midi et aussi au milieu de

    l’après-midi vers quinze ou seize heures. Le cimetière est perçu pour eux comme un musée à

    ciel ouvert, où on découvre les grands faits de ceux qui ne sont plus, et également comme un

     grand « puzzle » qui nous mène dans une quête permanente et perpétuelle du « qui c’était

    celui-là ? » (LANDRU, 2009).

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    Les photographes  marchent avec leurs grandes caméras professionnelles, toujours noires et

    souvent fixées sur un trépied. Soit ils photographient les tombes soit ils apportent leur propre

    modèle.  Ce qui les intéresse dans le cimetière est l’architecture des tombes  et l’ambiance

    romantique et poétique du lieu. Parfois ils choisissent des endroits parmi les tombes pour

     prendre des photos sans être gênés. Ils s’intéressent aussi aux tombes célèbres. 

    Les sportifs utilisent plus le petit cimetière. Ils ne sont pas nombreux, mais cette activité est

    remarquable surtout le matin. Cela est probablement expliqué par le fait qu’il est moins

    fréquenté que le grand, les sportifs ne sont pas dérangés dans leur pratique. Les exercices sont

    individuels : le jogging et l’allongement. Et par conséquent le petit cimetière est le lieu parfait

     pour le réaliser : il n’y a pas de concurrence pour de la place et on se préserve du regard de

    l’autre. Il offre des endroits cachés et réservés du regar d d’autrui. C’est ici un club de

    gymnastique gratuit. 

    Le cimetière est aussi un lieu de pratiques parfois hors du commun et même de pratiques

    marginales. Parfois j’ai rencontré des figures moins conventionnelles comme celle des   fous.

    Tel cet homme vu au cimetière de Montparnasse qui se promenait parmi les tombes en les

     bénissant. Dans le cimetière on trouve aussi des traces d’un usage illégal. Des bouteilles vides

    de whisky jonchent le sol à l’intérieur du cimetière, au pied du mur de la rue Émile-Richard et

    aussi dans la bande plantée hors le cimetière qui fait partie du trottoir de cette même rue.

    Selon Pierard (2008) le Montparnasse est le point de sabbats nocturnes, des drogués, et

     parfois des voleurs de sacs à l’arraché, ou bien des « couples printaniers » se cachent dans les

    chapelles (PIERARD, 2008). La présence de drogués et de gens qui portent de boissons

    alcooliques est véridique. Ils profitent de l’absence des gardiens dans les coins moins visibles

    et plus sombres du cimetière tels que l’avenue du « Boulevart »(10)  et les chapelles qui

    côtoient les murs de la rue Émile-Richard. Le cimetière est vu comme un lieu caché, où on est

     protégé du regard des autres et des autorités. L’intimité générée par les murs, les allées plus

     boisées et le labyrinthe de sépultures facilite pratiques déviantes. Les espaces longeant les

    murs et l’intérieur des mausolées sont l’emplacement préféré ainsi que la rue Émile -Richard

    (probablement pendant la nuit). La présence de petites maisons de gardiens placées près de

    chaque entrée ne signifie pas que l’accès à ce genre de personnes est impossible. Il y a

    quelques portes moins sécurisées, comme l’entrée nord de la rue Émile-Richard, ou même

    sans aucun gardien présent comme celle de la rue Froidevaux.

    (10) Le nom de l’avenue s’écrit avec un « t » et entre guillemets. 

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    Un type également intéressant sont  « les dames à chats », vieilles dames solitaires,  qui

    nourrissaient les chats. Elles pénétraient au milieu des chemins étroits parmi les tombes et

    cachaient la nourriture dans les mausolées. Quelques-unes venaient tous les jours dès qu’un

    être cher y a été enterré pour prendre soins des chats. Ils sont devenus leur raison de vivre

    (PIERARD, 2008). Pour ces dames l’allée au cimetière faisait partie des activitésquotidiennes. Elles s’y rendaient pour exprimer leur affection pour les animaux sans abri. Le

    cimetière jouait le rôle de psychologue  de ces vieilles dames solitaires en maintenant leur

    santé mentale en les sauvant de l’hospice et de la décrépitude (PIERARD, 2008). Même si le

    livre de PIERARD cite ce genre de figure, je n’ai jamais remarqué des chats abandonnés dans

    ce cimetière contrairement aux cimetières de Montmartre et du Père Lachaise. Selon un

    gardien du cimetière de Montparnasse, depuis 6 ans, il n’y a plus de chats abandonnés dans le

    cimetière. Et par conséquent les dames à chats ont disparu aussi. Les seuls deux chats qui yvivent appartiennent aux personnels du cimetière, qui les nourrissent. Cependant, le 3 mars

    2013, j’ai pu apercevoir une vieille dame en train de déposer des choses derrière la porte d’un

    mausolée, au croisement des avenues Transversale et de l’Ouest. Elle y est restée pendant

    quelques minutes en rangeant les choses qu’elle a posées à l’intérieur de la construction avec

    la porte semi-ouverte. Elle semblait cacher quelque-chose, car elle n’a pas ouvert totalement

    la porte ce qui rendait ses gestes plus suspects. Cette attitude est tout à fait compatible avec

    les figures décrites par PIERARD dans son livre. Toutefois je ne peux affirmer qu’elle

    s’agissait d’une «  dame à chat ». Je me demande que faisait-elle alors ? Serait-elle une

    dealeuse de drogues, qui cachait du cannabis derrière la porte du mausolée ?

    Il faut maintenant parler de ceux qui sont la cible du sujet : les gens qui traversent. Ceux qui

    traversent le « champ de repos » ne regardent pas trop les tombes. Parfois ils parlent au

     portable ou marchent en écoutant leur baladeur. Ils marchent plus vite, avec plus de

    conviction que les autres qui cherchent des défunts, puisque leur but n’est pas dans le

    cimetière en soi, mais dehors. L’objectif de marcher dans le cimetière est d’arriver à unendroit extérieur à ce dernier. Parfois des tombes leur « sautent » aux yeux. Les moins pressés

    s’arrêtent devant elles durant quelques secondes, quand les  plus pressés donnent un coup

    d’œil et continuent leur chemin. Les trajectoires sont tracées selon la logique ordinaire du

     piéton. Dans cette catégorie entrent les gens qui vont au travail, les étudiants et les personnes

    qui vont de faire leurs courses, ou qui reviennent du centre Montparnasse, du Monoprix ou du

    marché sur l’Edgar -Quinet qui se tient les mercredis et les samedis. Pour eux, ce cimetière est

    le chemin le plus court pour atteindre leur destination.

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    7. La traversée

     Les chemins

    Avant de décrire chaque type de traverseurs j‘explique d’abord quelques termes relatifs auxchemins choisis et je donne également une petite description des allées les plus parcourues.

    Les « chemins classiques », les « chemins circulaires », les « variations » des avenues du

    « Boulevart » et du Nord consistent dans les trajets suivants. (Pour mieux visualiser, voir le

    schéma de la page suivante)

    Chemin classique Est :  correspondant au trajet partant de la porte Émile-Richard Sud, en

     prenant ensuite l’avenue de l’Est, puis l’avenue Transversale, ensuite l’avenue Principale,

     pour sortir par la porte Edgar-Quinet et vice-versa ;

    Chemin classique Ouest :  correspondant au trajet commençant de la porte Froidevaux, en

     prenant ensuite l’avenue de l’Ouest, puis l’avenue Transversale, ensuite l’avenue Principale,

     pour sortir par la porte Edgar-Quinet et vice-versa ;

    Chemin circulaire Est :  correspondant au trajet débutant de la porte Émile-Richard, en

     prenant ensuite l’avenue de l’Est, puis l’avenue Transversale, en tournant au chemin circulaire

    de la 2e

      division, puis en tournant à droite à l’avenue Principale, pour sortir par la porteEdgar-Quinet et vice-versa ;

    Chemin circulaire Ouest : correspondant au trajet partant de la porte Froidevaux, en prenant

    ensuite l’avenue de l’Ouest, puis l’avenue Transversale, en tournant au chemin circulaire de la

    3e division, puis en tournant à gauche à l’avenue Principale, pour sortir par la porte Edgar -

    Quinet et vice-versa ;

    J’ai appelé les « autres chemins intra-cimetière » tous les chemins qui ne correspondaient pasaux autres types prédéterminés, tels que les chemins classiques (est et ouest) et les variations

    des avenues du « Boulevart » et de l’Ouest. Ils incluent ceux qui ne suivent pas la logique du

     plus court. Ils peuvent être empruntés, soit par les personnes qui s'y promènent et traversent,

    ou par celles qui simplement se promènent.

    Les « chemins complexes »  sont les trajets que les personnes font en empruntant beaucoup

    d’avenues ou d’allées. Ils font des détours excessifs, quelques aller -et-retours et aussi

    quelques-uns sortent par la même porte par laquelle ils sont entrés. Ces chemins ne sont pas parcourus par des traverseurs proprement dit mais pour les gens qui s’y promènent. Ces trajets

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    ont été inclus dans la catégorie des « traversées » car certaines personnes qui les empruntent y

    entrent par une porte et en sortent par une autre. Ils ont donc en quelques sortes traversé

    l’endroit. 

    Carte 1. Les avenues et allées du cimetière de Montparnasse. Source : Production personnelle

    On nomme « les variations » : « avenue du « Boulevart », Porte X », l’entrée soit par la porte

    Émile-Richard sud soit par la porte Froidevaux, continuation soit par l’avenue de l’Est, soit

     par l’avenue de l’Ouest, respectivement, prise de l’avenue du « Boulevart » bifurcation dans

    l’avenue Principale et sortie par la porte Edgar -Quinet et vice-versa ; et « avenue du Nord

     porte X », l’entrée soit par la porte Émile-Richard sud soit par la porte Froidevaux,

    continuation soit par l’avenue de l’Est, soit par l’avenue de l’Ouest, respectivement, prise de

    l’avenue du  Nord tournure à l’avenue Principale et sortie par la porte Edgar -Quinet et vice-

    versa.

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     Le grand cimetière

    L’avenue de l’Est est une des deux plus longues allées du cimetière, elle longe le mur de la

    rue Émile-Richard. Elle est aussi une des plus illuminées car le feuillage des arbres qui la

     bordent n’est pas très dense, surtout au croisement avec l’avenue du Nord. Cependant ses

    deux extrémités sont un petit peu plus ombragées. Elle a beaucoup moins de tombes célèbres

    que l’avenue de l’Ouest. Elle possède également une déclivité légère vers l’extrémité nord -

    est. Beaucoup de gens s’assoient sur les bancs pour manger ou lire, ce qui n’arrive pas dans

    l’avenue de l’Ouest.

    Photo 1. L’extrémité sud-ouest de l’avenue de l’Est. Source : Photo personnelle 

    L’avenue de l’Ouest  est la plus ombragée parmi toutes à cause des arbres nombreux mais

    aussi des bâtiments de la rue de la Gaîté. Elle descend vers l’avenue du « Boulevart » tel que

    l’avenue de l’Est, mais sa déclivité est plus accentuée. Même si elle est ponctuée de quelques

     bancs, je trouve rarement des gens assis, probablement du fait que les gens cherchent le soleil

    et aussi un peu plus de tranquillité et silence. Les gens donnent la préférence au rond-point

    grâce au traitement esthétique du jardin ou à l’avenue du « Boulevart » qui est moins passante

    sans donner pour autant l’impression d’isolement. Cette avenue, à cause de l’atmosphère très

    sombre, a une ambiance plus triste. Même dans le printemps elle a une ambiance plus intime

    que les autres car elle avoisine le fond des immeubles de la rue de la Gaîté. Cela la rend la

     plus silencieuse parmi les allées. On y trouve beaucoup de sépultures connues telles que celle

    de Tristan Tzara et Baudelaire.

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    Photo 2. Les arbres de l’avenue de l’Ouest. Source:Photo personnelle 

    Photo 3. La pente de l’avenue de l’Ouest. Source :Photo personnelle 

    L’avenue du « Boulevart » est aussi ombrageuse. Cette avenue devient très silencieuse (en

    dépit du voisinage avec le boulevard Edgar-Quinet) au fur et à mesure que l’on s’éloigne de

    l’avenue Principale en arrivent aux croisements avec les avenues de l’Est de et l’Ouest. Dans

    ces extrémités c’est l’ambiance intimiste qui domine les sens. Près de l’avenue Principale elle

    sert de stationnement soit pour les voitures d’entretien du cimetière, soit pour les gens qui

    viennent entretenir les tombes ou pour un enterrement. Dans la moitié sud-est de cette avenue

    on trouve les bâtiments de la conservation, du gardien et les toilettes.

    Photo 4. Des voitures garées dans l’avenue du« Boulevart ». Source : Photo personnelle

    Photo 5. Des bâtiments. Source : Photo personnelle

     

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    L’avenue du Nord est parallèle à l’avenue du « Boulevart » et elle possède aussi des bâtiments

    appartenant à l’administration du cimetière. Cependant elle est beaucoup plus claire que celle

    qui longe le mur du boulevard Edgar-Quinet. Son ambiance est assez tranquille. Elle est

     ponctuée de tombes célèbres telles que celle du « chat de Ricardo » et de Pierre Larousse.

    Photo 6. L’avenue du Nord entre les 13e et 18edivisions. Source : Photo personnelle

    Photo 7. L’avenue du Nord entre les 6e et 14edivisions. Source : Photo personnelle

     

    L’avenue Transversale  est très mouvementée car elle est très touristique grâce à

    l’emplacement de la tombe de Gainsbourg dans la première division. Elle est aussi longée par

    d’autres sépultures célèbres. Elle est interrompue par le rond-point où se trouve la Statue du

    Génie du Sommeil Eternel. Il est possible que cette caractéristique la rende plus fréquentée

    que les autres allées transversales (l’avenue du Nord et du « Boulevart »), car l’existence d’un

    rond- point raccourcit les distances, par rapport à l’alternative de prendre une avenue coupée

     par une autre à l’angle droit. L’amplitude de l’espace découvert, sans aucun arbre au milieu

    donne l’impression que celui-ci est plus grand que dans la réalité. Par conséquent on a

    l’illusion qui on arrive plus vite au croisement avec l’avenue Principale que si l’on prenait les

    avenues du Nord ou du « Boulevart ». Elle est aussi plus claire que les autres avenues car ses

    arbres ont un feuillage moins dense.

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    Photo 8. L’avenue Transversale vue de l’avenue del’Est. Source : Photo personnelle 

    Photo 9. Les arbres de l’avenue Transversale.

    Source : Photo personnelle

    Photo 10. Le côté ouest de l’avenue Transversale vu du croisement avec le rond-point. Source : Photo

     personnelle 

    Le chemin circulaire de la 2e  division possède un sol sablonneux et n’est pas très large.

    Comme il se situe au milieu d’une division, il n’est pas bordé d’arbres. Il est un peu

    ombrageux seulement près du croisement avec l’allée Chauveau Lagarde. Il sert de raccourci

     pour ceux qui font le chemin classique et veulent arriver plus vite à l’avenue Principale ou à

    l’avenue Transversale. 

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    Photo 11. L’entrée duchemin dans l’allée

    Lenoir. Source: Photo personnelle 

    Photo 12. L’entrée duchemin dans l’allée

    Chauveau Lagarde.Source: Photo personnelle 

    Photo 13.Le chemin versl’avenue Principale.

    Source: Photo personnelle 

    Photo 14. La premièreimage dans le sens inverse.

    Source: Photo personnelle

     

    Le chemin circulaire de la 3e division possède également le sol sablonneux mais couvert par

    du carrelage sur quelques passages de tombes. Différemment du chemin de la 2e division il a

    un grand obstacle : un arbre qui interrompt la courbe du parcours. Pour arriver à l’avenue

    Principale soit il faut sauter par-dessus les racines soit il faut en faire le tour. Le feuillage de

    cet arbre n’assombrit par l’extrémité du chemin, car les allées voisines sont très larges

    (avenue Principale) ou ne possèdent pas de végétation dense (allée Lenoir). 

    Photo 15. L’entrée du chemin dans l’avenue des

    Sergents de la Rochelle. Source: Photo personnelle

    Photo 16. Le carrelage et grand

    arbre. Source: Photo personnelle 

  • 8/17/2019 Mémoire: Rocha, Marina . La traverséee du cimetière: le cas du Montparnasse.

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     La rue Émile-Richard

    La lumière du jour nous permet d’observer la forme des racines des arbres sous le béton et les

    crottes de chiens dans le trottoir. Mais ces dernières ne dérangent pas la marche du piéton

     puisqu’elles sont juste à côté du mur, sur la terre. Le fait d’y avoir trouvé des bouteilles vides

    de whisky indique que potentiellement pendant la nuit, des gens ivres y passent. Le regard du

    marcheur qui la parcourt est canalisé dans la longueur ciblant le croisement avec l’autre rue

    ou boulevard. Le regard ne se perd pas aux environs, car il n’y a rien à vo ir. Le paysage est

    toujours le même. On regarde beaucoup par terre car il y a quelques obstacles, comme des

     branches et des racines. Mais les oreilles deviennent attentives à n’importe quel bruit. Cela

    indique-t-il une certaine méfiance qu’induit l’ambiance de la rue ? Peut-être. Même si,

    visuellement, elle inspire une certaine crainte, le fait de n’avoir aucun bâtiment, aucun regard

    sur la rue, produit un sentiment d’insécurité, mais qui n’est pas si grave ni si intense au point

    d’empêcher quelqu’un d’y passer.

    Photo 17. Émile-Richard dans l’hiver. Source:Photo personnelle

    Photo 18. Émile-Richard dans le printemps. Source:Photo personnelle

     

    Si l’on observe les images ci-dessus, on voit que la rue se transforme complètement au fur et à

    mesure des saisons. En hiver elle est plus claire, plus incitative à la traversée, on ne se sent

     pas confiné entre deux murs, mais en même temps elle a une apparence très aride, sans vie.

    Au printemps elle devient une allée verte, un « tunnel » d’arbres, plus ombreuse, à

    l’atmosphère plus intime, elle donne peut-être une sensation de moindre sécurité puisque le

    feuillage enferme le piéton dans le long tunnel.

  • 8/17/2019 Mémoire: Rocha, Marina . La traverséee du cimetière: le cas du Montparnasse.

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     Le petit cimetière

    Pour plus incroyable qu’il semble il y a des gens qui traversent le petit cimetière. Soit ils

    marchent dans les avenues soit ils prennent le petit sentier qui longe le mur de la rue Émile-

    Richard. Il n’est pas très utilisé comme raccourci vu qu’il n’en est pas un. Les traverseurs du

     petit « champ de repos » le choisissent soit pour éviter la rue Émile-Richard soit pour visiter

    la tombe de quelqu’un en passant. 

    8. L’observation 

     La rue Émile-Richard

    Vers 8h du matin la plupart des gens parcourent la rue Émile-Richard vers le nord du quartier.À cette heure le mouvement est faible dans les deux sens. Cette rue est le lieu de passage

     préféré des parents emmenant les enfants à l’école, des gens qui font du jogging et surtout des

    cadres qui vont au travail (Il est possible qu’ils choisissent la rue Émile -Richard car ils vont

     prendre le métro Raspail). Par la rue Émile-Richard passent aussi des gens qui promènent leur

    chien. La plupart des gens qui sortent par la porte sud de la rue Émile-Richard le matin

    empruntent par la suite, la rue Froidevaux vers l’est. La rue sert aussi de parcours pour les

    gens en vélos et en trottinette. Trois clochards se sont installés sur le côté est de la rue et c’est

     probablement dû à ce fait que les gens évitent ce trottoir. La plupart des gens parcourent le

    chemin sur le trottoir ouest (celui du grand cimetière) en direction de la rue Froidevaux. Ceux

    qui vont vers Edgar-Quinet prennent d’abord le côté des clochards, mais ceux qui vont vers

    Froidevaux viennent dans la plupart du côté ouest. Les gens marchent préférablement de ce

    dernier côté car il est aussi plus clair et c’est le côté où il n’y a pas de voitures garées, on ne se

    sent donc pas coincé.

    À 17h15 on remarque la présence plus fréquente des jeunes sortant du lycée et de l’école. Ilest possible d’observer qu’avant la  fermeture du cimetière le flux de piéton dans Émile-

    Richard est égal dans les deux sens. Mais, une fois qu’il est fermé (17h45) les gens sont

    majoritaires à la parcourir vers le sud. Des hommes en cravate portant des mallettes, rentrent

     probablement chez eux.

    La rue est la deuxième option de traversée, et elle n’est choisie, la plupart des fois, que quand

    le cimetière est fermé. On observe même une volonté de traverser le cimetière même s’il est

    sur le point d’être fermé ou s’il l’est déjà. Cela ne veut pas dire que les piétons ont une

    aversion par la rue Émile-Richard, mais plutôt que le cimetière se montre comme un parcours

  • 8/17/2019 Mémoire: Rocha, Marina . La traverséee du cimetière: le cas du Montparnasse.

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     plus agréable esthétiquement, qu’une rue étroite, monotone, parcourue de voiture garée ou sur

    la route. La plupart des hommes qui portent une mallette n’y entrent pas. Cela est dû au fait

    que le raccourci par le cimetière signifie allier la promenade et la traversée. On conclut qu’ils

    ne désirent pas faire une promenade (ils sont, sans doute, trop pris par le temps pour cela). Il

    est également dû au fait que la majorité prend le métro Raspail pour aller travailler.

     Le cimetière

    Photo 19. L’entrée Émile-Richard sud. Source : Photo personnelle 

    Photo 20. L'entrée Edgar-Quinet. Source: Photo personnelle 

  • 8/17/2019 Mémoire: Rocha, Marina . La traverséee du cimetière: le cas du Montparnasse.

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    Photo 21. L'entrée Émile-Richard nord. Source:Photo personnelle

    Photo 22. L'entrée Froidevaux. Source: Googlestreet view

    Les périodes de pointe de fréquentation du cimetière lui-même sont de 8h10 à 9h00, pour les

    étudiants qui se rendent au lycée ou à l’école, de 10h30 à 12h, pour les touristes, promeneurs,

    mamans avec leur poussette, consommateurs, les gens visitant les morts, femmes allanttravailler, etc. La présence des familles et de couples est plus nombreuse quand il fait beau et

    également de 15h jusqu’à la fermeture, pendant les jours ouvriers. Après 16h on remarque la

     présence des étudiants qui rentrent chez eux. Entre 12h et 15h on observe surtout des gens qui

    travaillent et y passent soit pour déjeuner soit pour aller faire leur promenade digestive. Le

    mercredi et le samedi jusqu’à 15h environ on voit beaucoup de personnes qui traversent avec

    leurs caddies puisqu’ils viennent du marché d’Edgar -Quinet. Pour le weekend, la seule

    différence, par rapport à la fréquentation des jours ouvrables, c’est qu’il n’y a pas defréquentation entre 8h10 et 8h30 car il n’y a pas de cours dans les écoles et lycées. 

    La porte Froidevaux (voir photo 22, ci-dessus) sert d’entrée la majorité de fois pour les gens

    qui viennent visiter un mort ou pour des gens qui vont juste entrer, se promener et sortir par la

    même porte. C’est par cette porte où beaucoup d’étrangers entrent et sortent. Quelques-uns

    sont des touristes, d’autres habitent à Paris, mais ils ne parlent pas français (c’est pour cela

    qu’ils n’ont pas de sac-à-dos et sortent sans les caméras à la main). Beaucoup de gens qui y

     passent sont venus pour visiter une tombe, ils entrent normalement avec une allure plus lenteet introspective.

    Le cimetière semble vraiment être un trajet plus court que les chemins à travers les rues

    comme Émile-Richard. En mesurant le temps de parcours de la porte de Émile-Richard (voir

     photo 19, page 38) jusqu’à la porte Edgar -Quinet (voir photo 20, page 38)