Mémoire recherche - Master MISE

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Master 2 : Management et Ingénierie des Services à l’Environnement – option collectivités Mémoire de recherche : Politique publique de l’aménagement du territoire en ville nouvelle. De quelle manière le retour au droit commun influence-t-il la gouvernance de laménagement du territoire pour les agglomérations de ville nouvelle? Application au cas de l’agglomération du Val Maubuée à Marne-la-Vallée. Max MAURANGES Promotion 8 - 2012/13 Tuteur professionnel : Xavier Bourgeais Tuteur pédagogique : Joël Idt

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Suite changement de statut juridique de la Communauté d'Agglomération de Marne-la-Vallée/Val Maubuée, quelles sont les implications pour la gouvernance de l'aménagement du territoire ?

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Master 2 : Management et Ingénierie des Services à l’Environnement – option collectivités

Mémoire de recherche :

Politique publique de l’aménagement du territoire en

ville nouvelle.

De quelle manière le retour au droit commun influence-t-il la

gouvernance de l’aménagement du territoire pour les agglomérations de

ville nouvelle? Application au cas de l’agglomération du Val Maubuée à

Marne-la-Vallée.

Max MAURANGES

Promotion 8 - 2012/13

Tuteur professionnel : Xavier Bourgeais Tuteur pédagogique : Joël Idt

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Sommaire Résumé .................................................................................................................................................. 4

Abstract. ................................................................................................................................................. 4

Engagement .......................................................................................................................................... 6

Remerciements ..................................................................................................................................... 7

Table des figures .................................................................................................................................. 8

Introduction ............................................................................................................................................ 9

Chapitre 1 – Gouvernance de l’aménagement urbain : l’expérience des villes nouvelles. ..... 11

1) Une gouvernance atypique de l’aménagement urbain. .................................................... 11

a. Une gouvernance de l’aménagement urbain innovante pour les villes nouvelles .... 11

b. Typologie de la gouvernance en ville nouvelle. ............................................................. 13

2) L’élaboration des villes nouvelles comme support des prémices de la coopération

intercommunale. ............................................................................................................................. 15

a. Contexte de l’apparition de la coopération intercommunale en ville nouvelle. ......... 15

b. La Loi « Boscher » (1970) : naissance de l’intercommunalité en ville nouvelle. ...... 17

c. La Loi « Rocard » (1983) : consécration de la coopération intercommunale. ........... 18

Chapitre 2 – Retour au droit commun : des allures de bouleversement pour la gouvernance

de l’aménagement des villes nouvelles........................................................................................... 20

1) La légitimation technique de l’intercommunalité ? ............................................................. 21

a. Modalités de transformation de Syndicat d’Agglomération Nouvelle en Communauté

d’Agglomération. ......................................................................................................................... 21

b. Les implications techniques du retour au droit commun. ............................................. 24

c. Quel avenir pour la ville nouvelle sans son aménageur historique : l’EPA. .............. 25

2) La légitimation du pouvoir local en ville nouvelle ? ........................................................... 26

Chapitre 3 – Retour au droit commun du Val Maubuée : révolution ou continuité ................... 28

1) Présentation territoriale du Val Maubuée. .......................................................................... 28

2) Le cas particulier du Val Maubuée....................................................................................... 29

a. Histoire du retour au droit commun. ................................................................................ 29

b. Les implications du retour au droit commun pour l’agglomération du Val Maubuée.

31

3) Le projet politique du retour au droit commun. .................................................................. 33

Conclusion ........................................................................................................................................... 37

Bibliographie ........................................................................................................................................ 39

Annexes ............................................................................................................................................... 41

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Résumé Les villes nouvelles, parfois connues pour leur forme urbaine et les courants architecturaux

qui les ont fait naitre, restent des objets particuliers de l’aménagement du territoire et bien

souvent le processus novateur mis en place pour construire ces villes réalisées « à partir de

rien » est inconnu du grand public. Seul filtre le leitmotiv des relations conflictuelles, entre

pouvoir central et pouvoir local, relaté par la presse et les dire des protagonistes de

l’aménagement. Pourtant ce processus conflictuel a une finalité, nommée « retour au droit

commun ».

La transformation de Syndicat d’Agglomération Nouvelle en Communauté d’Agglomération

constitue le retour au droit commun pour les agglomérations de villes nouvelles. Cette

mutation des agglomérations nouvelles est sensée marquer un virage dans la mise en

œuvre des politiques publiques d’aménagement du territoire. Mais est-ce vraiment le cas ?

En particulier, pour l’agglomération du Val Maubuée, que cache en réalité l’opposition entre

pouvoir local et central ? Ce travail s’attache à rappeler les mécanismes de gouvernance en

ville nouvelle, les conséquences du retour au droit commun et explore le cas le plus récent

de retour au droit commun : le Val Maubuée

Nous comparerons l’état initial de la gouvernance aux modalités d’administration pratiquée

aujourd’hui en ville nouvelle en matière d’aménagement urbain. Nous nous appuierons sur

des aspects techniques et politiques pour montrer que ces changements peuvent être

significatifs ou ténus.

Abstract. Sometimes known for their urban form and architectural styles that made those towns, new

towns are special objects of the urban development and often, the innovative processes in

place to build these cities made " from scratch " is unknown to the general public. The only

thing which is being filtered is the leitmotiv of antagonistic relations, between central and

local government, related by the press and the protagonists of the urban development. Yet

this conflict process has an end, called "return to the common law."

The transformation of the Syndicat d’Agglomération Nouvelle into Communauté

d’Agglomération is the return to the common law for conurbation of new cities. This mutation

of new conurbation is supposed to mark a turning point in the implementation of public urban

policies. But is this really the case? In particular, for the conurbation of Val Maubuée, what

actually conceals the opposition between local and central power? This research seeks to

remind governance mechanisms in new city, the consequences of return to common law and

explores the most recent return to common law cases: Val Maubuée.

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We will compare the initial state of governance and the current administration practiced today

in new city in terms of urban planning. We will rely on technical and political aspects to show

that these changes can be significant or weak.

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Engagement

J'atteste que ce mémoire professionnel est le résultat de mon travail personnel, qu'il

référence toutes les sources d'information mobilisées et qu'il ne contient aucun passage

ayant déjà été utilise intégralement dans un travail similaire.

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Remerciements

Je souhaite avant tout remercier toute l’équipe de la Direction de l’Urbanisme et du Foncier

de la Communauté d’Agglomération de Marne-la-Vallée/Val Maubuée pour leur soutien dans

la rédaction de ce mémoire mais aussi pour leur accompagnement tout au long de cette

année d’apprentissage.

Merci également aux différentes personnes interrogées dans le cadre de ce mémoire pour

leur patience et leur franchise.

Enfin, je tiens à remercier tout l’équipe pédagogique du master MISE pour leur

investissement constant auprès des élèves.

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Table des figures

Figure 1. Les 5 villes nouvelles d'Ile de France .................................................. 13

Figure 2. Cheminement décisionnel de l'aménagement du territoire en ville

nouvelle ........................................................................................................... 14

Figure 3. Schéma du processus de création d'une agglomération nouvelle ..... 16

Figure 4. Schéma du processus de transformation de SAN en CA avec extension

de compétences. .............................................................................................. 22

Figure 5. Schéma du processus de transformation d'un SAN en CA avec

extension du périmètre. ................................................................................... 23

Figure 6. Organisation territoriale de Marne-la-Vallée. .................................... 28

Figure 7. Evolution de la population du Val Maubuée de1968 à 2009. ............. 29

Figure 8. Les 4 secteurs de Marne-la-Vallée. .................................................... 30

Figure 10. Les agglomérations de Cergy-Pontoise et Saint-Quentin-en-Yvelines.

......................................................................................................................... 31

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Introduction

Les villes nouvelles de la région parisienne sont des objets particuliers de l’aménagement du

territoire. Issues d’un besoin urgent d’organiser le développement de l’Ile-de-France, l’Etat

français instaure ces idées de ville nouvelle afin d’éviter que la croissance de la ville en

région parisienne, due à la forte croissance des Trente Glorieuses, ne se fasse de façon

anarchique. Elaborées par les équipes de Paul Delouvrier alors délégué général du District

de la Région Parisienne, les villes nouvelles sont issues d’un plan consigné dans le Schéma

Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne (SDAURP). Le parti pris

d’aménagement de ces villes nouvelles, qui débute dès la fin des années 60 (parution du

SDAURP en 1965), se place en rupture avec les modalités de construction de la ville alors

admises et notamment avec les pratiques relatives à la Charte d’Athènes (Le Corbusier,

1933). Ainsi, les villes nouvelles s’organisent de façon polycentrique pour favoriser la

proximité des équipements aux populations. Au-delà de cette nouvelle organisation de la

ville, c’est une nouvelle gouvernance de la construction de la ville qui va se mettre en place,

préfigurant le développement de la gouvernance de l’aménagement du territoire tel qu’il se

pratique à l’heure actuelle. En effet, les opérations d’aménagement à grande et petite échelle

sont, à l’époque, assurées par les services de l’Etat. Influencée par les premiers courants

valorisant une participation élargie dans la construction du cadre bâti, notamment avec les

luttes urbaines (Melun, Choay, 2000), la gouvernance de l’aménagement du territoire va

prendre une nouvelle forme en associant le pouvoir central, représenté par les

Etablissements Publics d’Aménagement, au pouvoir local, représenté par les agglomérations

nouvelles. Cette nouvelle manière d’aborder l’élaboration d’un projet d’aménagement va

donner lieux à une gouvernance particulière dans laquelle les EPA s’attacheront à réaliser le

projet de canalisation de la croissance de la région parisienne alors que les agglomérations

nouvelles s’efforceront de minimiser les impacts de ces aménagements sur les populations

d’un territoire historiquement rural. Les relations conflictuelles souvent admises (Programme

d’Histoire et d’Evaluation des Villes Nouvelles, 2005) entre les EPA et les agglomérations

nouvelles symbolisent la résistance du pouvoir local dans un secteur en Opération d’Intérêt

National (OIN) où l’autorité en matière d’aménagement revient à l’Etat.

Le retour au droit commun des agglomérations nouvelles signifie le retrait de la tutelle de

l’Etat par la dissolution des EPA et la reprise en main de l’aménagement du territoire par le

pouvoir local, notamment par les agglomérations. Alimenté par les exemples de Saint-

Quentin-en-Yvelines et Cergy-Pontoise, il apparait que le retrait des EPA constitue une

« victoire » du pouvoir local sur le pouvoir central car il constitue le dénouement de plusieurs

décennies de conflits, donnant lieux à une impression de véritable restitution du territoire en

Opération d’Intérêt National à son gouvernement local.

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De quelle manière le retour au droit commun influence-t-il un la gouvernance de

l’aménagement du territoire pour les agglomérations de villes nouvelles?

Nous nous intéresserons en particulier au cas de l’agglomération du Val Maubuée, secteur 2

de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée.

La gouvernance de l’aménagement du territoire en ville nouvelle se compose de plusieurs

facettes qu’il nous faut explorer. Quels enseignements tirer de l’histoire des villes nouvelles ?

Du déroulement politique et technique de leur construction ? A l’heure du retour au droit

commun, quels sont les changements attendus et ceux qui s’opèrent réellement ? Quels

critères choisir pour évaluer cette transformation ? Quelle est la portée concrète du retour au

droit commun ? Est-ce l’objet d’un projet politique local ?

Nous reviendrons, dans un premier chapitre, sur l’aspect aspect historique et expérimental

des villes nouvelles, nous permettant de faire un état des lieux précédant l’analyse des

implications du retour au droit commun. Dans le second chapitre, nous explorerons les

mutations techniques et politiques relatives au retour au droit commun dans le cas général

des villes nouvelles. Enfin, nous mettrons à jour les particularités du cas de l’agglomération

du Val Maubuée.

Ce travail de recherche repose sur une documentation étoffée sur les villes nouvelles pour

les deux premières parties. Notamment, le corpus documentaire est fortement basé sur le

Programme d’Histoire et d’Evaluation des Villes Nouvelles réalisé par le Ministère des

Transports, de l’Equipement et du Tourisme et de la Mer de 2001 à 2005 ainsi que sur des

ouvrages retraçant l’évolution des villes nouvelles.

Pour la partie relative au cas particulier du Val Maubuée, l’actualité du sujet nous ont mené à

réaliser des entretiens avec les différents acteurs de l’aménagement du territoire de Marne-

la-Vallée : des intervenants de l’agglomération sur les aspects techniques et politiques ainsi

qu’une personne d’EPA Marne/EPA France.

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Chapitre 1 – Gouvernance de l’aménagement urbain : l’expérience

des villes nouvelles.

Ce premier chapitre se fixe pour objectif de remettre en contexte la problématique qui sera

explorée tout au long de ce travail de recherche. Il convient donc, en premier lieu, de

présenter l’objet « ville nouvelle ». Or la vision actuelle des villes nouvelles est le résultat de

30 ans d’élaboration, de mutations et d’évolutions ce qui requiert de retracer l’histoire de

celles-ci tout en y révélant leurs particularités propres.

D’une part, il est important de noter que la conception des villes nouvelles constitue une

expérience tout à fait originale dans l’univers de l’aménagement du territoire. A ce titre, il est

nécessaire d’introduire une base explicative attenante au contenu de la présente recherche :

les aspects de la gouvernance et de la coopération intercommunale en ville nouvelle.

D’autre part, ce mémoire pose la problématique d’un changement (dont il nous incombe d’en

mesurer les effets) ce qui implique d’explorer l’ « avant » ainsi que l’ « après ». Ce premier

chapitre se doit donc, par la même occasion, de fixer le contexte dans lequel les villes

nouvelles furent érigées et ce, toujours dans un souci de cohérence avec les thématiques

abordées : gouvernance et intercommunalité. Le chapitre se divise donc en deux axes dans

lesquels nous justifierons aussi le choix du terme de « laboratoire » en lien avec le caractère

unique des deux axes précédemment cités, lorsqu’ils sont appliqués à la ville nouvelle.

1) Une gouvernance atypique de l’aménagement urbain.

La gouvernance constitue l’« acte de gérer, d’administrer » [Larousse, 2008]. Dans notre

cas, parler de gouvernance en matière d’aménagement du territoire désigne l’action

d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de développement d’un espace, dans des

buts divers et variés (cadre de vie, accessibilité et transports, emploi, éducation...). Or notre

travail s’intéresse tout particulièrement à la gouvernance de la construction des villes

nouvelles, c’est pourquoi nous utiliserons dès à présent le terme d’ « aménagement urbain ».

Ainsi, nous proposons la définition suivante de la gouvernance de l’aménagement urbain :

l’action d’encadrer la conception, la réalisation et la gestion de la ville. Nous nous

intéresserons en particulier à la partie publique de la gouvernance de l’aménagement urbain

excluant ainsi les acteurs privés participant, par exemple, à la construction (entreprises de

BTP).

a. Une gouvernance de l’aménagement urbain innovante pour les villes

nouvelles

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Afin de montrer que les villes nouvelles constituent une expérience en matière de

gouvernance de l’aménagement urbain, il nous faut restituer le contexte de l’édification de

celles-ci.

Rappelons d’abord qu’au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la France se trouve dans

une situation catastrophique et notamment au niveau du parc de logements. Ainsi, la

nécessité d’un Etat fort et centralisateur s’impose d’elle-même et se traduit par un certain

nombre de mesures phare dont voici quelques exemples parmi les plus connus :

- Le Fond National pour l’Amélioration de l’Habitat (FNAH) en 1945 qui institue un

prélèvement sur les loyers. C’est aujourd’hui devenu l’agence du même nom

(ANAH) ;

- le Plan Courant (1953) qui fixe un objectif de 250 000 logements par an à construire,

financé par la mise en place de la contribution obligatoire des entreprises à l’effort de

construction (1% prélevé sur le revenu patronal pour les entreprises de plus de 10

salariés, aujourd’hui pour les entreprises de plus de 20 salariés) ;

- les Grands Ensembles dont le principe de construction à grande échelle est adopté

dès 1953 et la réalisation concrétisée en 1958 avec la mise en place des ZUP (Zones

d’Urbanisation Prioritaire) qui fixe un objectif de construction de 300 000 logements

par an.

A l’instar de ces mesures, la création des villes nouvelles se profile dans la lignée d’un Etat

planificateur et moderniste, typiques des années d’après-guerre (Cottour, 2008). Elles sont

formalisées dans le Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne

(SDAURP) par Paul Delouvrier en 1965 (alors délégué général du District de Paris). En

revanche, alors que les mesures d’après-guerre sont la manifestation d’un Etat fort, Paul

Delouvrier œuvre à l’inverse pour une gouvernance de la construction en partenariat avec

les élus locaux, donnant ainsi aux villes nouvelles « un enjeu de modernisation de la gestion

locale »1. Il y a donc une responsabilisation du pouvoir local en rupture avec la loi du 15 juin

1943 qui stipule que le ministère de l’Intérieur qui organise l’urbanisme (Cottour, 2008).

Œuvrant dans ce sens, alors que débutent les chantiers des villes nouvelles (1970-1971), la

loi n°70-610 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la création d’agglomérations nouvelles (dite

loi Boscher) est adoptée, imposant aux communes situées sur les territoires à destination de

l’implantation des villes nouvelles de constituer un organe de coopération intercommunale.

Cet organe, nommé Syndicat Communautaire d’Aménagement (SCA) est doté de

compétences et de moyens (voir partie suivante) permettant d’accompagner l’aménagement

urbain des villes nouvelles. Par la suite, ce statut de SCA sera modifié en Syndicat

1 Source : élément du « Programme Interministériel Histoire et Evaluation des villes nouvelles », Les villes

nouvelles et le système politique en Ile-de-France, (janvier 2005), P. Estèbe, S. Gonnard.

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d’Agglomération Nouvelle (SAN) en 1983, comportant des modifications allant dans le sens

du renforcement de la coopération intercommunale et donc des acteurs locaux.

Le caractère novateur de la démarche de Paul Delouvrier reste cependant à nuancer. En

effet, chacune des villes nouvelles s’est vu attribuée une structure chargée de la mise en

œuvre du SDAURP : les Etablissements Publics d’Aménagement (EPA). Ces établissements

constituent le bras armé de l’Etat pour la création des villes nouvelles en se dotant d’un

personnel hautement qualifié (ingénieurs, haut-fonctionnaires...) et de moyens financiers et

législatifs considérables (Fouchier, 200).

Ainsi se dessine le caractère unique de la gouvernance de l’aménagement urbain en ville

nouvelle qui justifie le terme de laboratoire. Il s’agit d’une gouvernance que nous pouvons

qualifier de « tricéphale », réunissant EPA, SCA (puis SAN) et communes autour du projet

d’aménagement urbain des villes nouvelles

Figure 1. Les 5 villes nouvelles d'Ile de France

b. Typologie de la gouvernance en ville nouvelle.

Les opérations d’aménagement sont mise en œuvre par le partenariat : EPA et structure

intercommunale (chronologiquement SCA puis SAN). Ceux-ci sont à l’origine de la

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programmation et de l’investissement dans les domaines de l’urbanisme, du logement et des

transports, des réseaux divers, de la création de voies nouvelles ainsi que des équipements.

Figure 2. Cheminement décisionnel de l'aménagement du territoire en ville nouvelle

Il est à noter que ce schéma de gouvernance est la cause des dissensions qui apparaissent

entre le pouvoir local et le pouvoir central dans le cas des premières villes nouvelles et

notamment à Saint-Quentin en Yveline et Cergy-Pontoise. En effet, les EPA sont

dépositaires d’un droit de refus sur les projets proposés par les communes et

agglomérations. En revanche, il faut bien voir que ce refus ne s’exerce pas par la simple

émission d’un avis défavorable : lorsqu’il y a refus, l’EPA se doit d’accompagner son avis

défavorable d’une contre proposition, validée par le Préfet.

Action

Conception du projet d'aménagement global

Acquisition du foncier / préemption

élaboration d'un projet d'aménagement local

Revente des terrains viabilisés/rétrocession des

équipements réalisés

Structure

District de la région parisienne

EPA / préfecture

EPA/structure intercommunale

EPA => promoteur (pour les reventes)

EPA =>structure intercommunale pour les

retrocessions

Outil institutionnels

SDAURP

OIN -> Déclaration d'Utilité Publique (DUP)

ZAC

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2) L’élaboration des villes nouvelles comme support des prémices de la coopération

intercommunale.

L’intercommunalité désigne « les différentes formes de coopération qui existent entre les

communes » (www.vie-publique.fr). Deux formes d’intercommunalités sont à distinguer :

l’intercommunalité de gestion et l’intercommunalité de projet.

Historiquement, la coopération intercommunale apparait en France il y a plus d’un siècle

sous forme de syndicats regroupant plusieurs communes, pour la gestion d’une ressource

ou d’un service, appelés Syndicats à Vocation Unique (SIVU) en 1890. Arrivent ensuite les

Syndicats Mixtes (SM) en 1955 et les Syndicats à Vocations Multiples (SIVOM) en 1959. Ce

type de coopération intercommunale est dite : intercommunalité de gestion ou associative.

Suite aux lois de décentralisation2, la coopération intercommunale prend une forme plus

active avec des regroupements de communes ayant pour but la conduite collective de

projets visant à développer le territoire : les intercommunalités de projet ou fédérative.

Il est possible, en particulier, de distinguer ces deux types d’intercommunalité par leur poids

institutionnel se traduisant notamment par leur mode de financement. En effet, les

intercommunalités de gestion se voient attribuer pour ressource le seul financement des

communes membres, signifiant une faible autonomie, alors que les intercommunalités de

projet sont dotées d’un régime fiscal propre dotant ces structures d’un budget propre et donc

d’une autonomie affirmée.

a. Contexte de l’apparition de la coopération intercommunale en ville nouvelle.

La construction des villes nouvelles relève, comme nous avons déjà pu le mentionner

(Chapitre 1 – 1), d’une décision prise par l’Etat français alors fort et centralisateur. Pourtant,

l’élaboration de ces espaces, aujourd’hui aménagés, s’accompagne d’un mouvement de

contestation du pouvoir local qui sera relayé juridiquement par l’apparition de textes

renforçant les capacités du pouvoir local. A ce titre, la mise en place d’une coopération

intercommunale, déclenchée par l’imposition des territoires délimités en Opération d’Intérêt

National (OIN), figure parmi les premiers pas de la décentralisation française. En effet, les

Syndicats Communautaires d’Aménagement (1970) puis leurs successeurs, les Syndicats

d’Agglomération Nouvelle (1983), peuvent déjà être considérés comme des

intercommunalités de projet comme nous l’expliquerons dans la suite de cette partie. Ainsi,

l’intercommunalité en ville nouvelle est la matérialisation juridique de l’affirmation du pouvoir

local et peut donc être admis comme précurseur.

2 Il est fait référence à la décentralisation au sens des lois dites « Deferre », de 1982 et 1983.

Page 17: Mémoire recherche - Master MISE

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Figure 3. Schéma du processus de création d'une agglomération nouvelle

INITIATIVE

PREFET

ETABLISSEMENT D'UN PROJET

DE PERIMETRE D’URBANISATION*

ET FIXATION D’UNE LISTE DES COMMUNES INTERESSEES

CONSULTATION DES COMMUNES

incluses dans le projet de périmètre

CREATION DE L’AGGLOMERATION

NOUVELLE

En concertation avec

les maires et les

conseillers généraux

concernés

La décision est prise par

arrêté préfectoral si tous

les conseils municipaux

donnent un avis

favorable, par décret en

conseil d’Etat dans le cas

contraire

CONSULTATION DU CONSEIL GENERAL

ET DU CONSEIL REGIONAL CONCERNES

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b. La Loi « Boscher » (1970) : naissance de l’intercommunalité en ville nouvelle.

Comme nous avons pu le noter, le projet initial des villes nouvelles s’inscrit dans la lignée

des projets portés par un Etat interventionniste où la question de la coopération entre les

pouvoirs centraux et locaux est soigneusement écartée. A l’annonce de la préemption d’une

vaste partie du territoire d’Ile-de-France par l’imposition d’un périmètre OIN, le Député-Maire

de la ville d’Evry et secrétaire général adjoint de l’Association des Maires de France (AMF),

Michel Boscher, va proposer un projet de loi visant à minimiser le déséquilibre du rapport de

force3. Cette loi propose la possibilité aux communes de villes nouvelles de se regrouper au

sein d’Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) : l’ensemble urbain

(rejeté par le Sénat pour des raisons d’anti-constitutionnalité) et le syndicat communautaire

d’aménagement. D’autre part, le texte instaure les Zones d’Aménagement Nouvelles (ZAN)

qui précise le territoire à urbaniser pour les villes qui appartiennent aux OIN. Le SCA sera

donc la première forme d’intercommunalité à laquelle toutes les communes de ville nouvelles

d’Ile-de-France se prêteront. Il constitue un organe renforçant le pouvoir local comme

l’indique l’article 13 de la loi Boscher : « le syndicat communautaire d'aménagement exerce

les compétences d'une communauté urbaine ». Voici les principales compétences attribuées

au SCA, renforçant le pouvoir local (énumérées à l’article 4 de la loi n° 66-1069 du 31

décembre 1966 relative aux communautés urbaines) :

- Planification urbaine

- Création et équipement des zones d'aménagement concerté : zones d'habitation,

zones industrielles, secteurs de rénovation ou de restructuration ;

- Construction et aménagement des locaux scolaires dans les zones d'aménagement

concerté ; entretien de ces locaux lorsque la zone s'étend sur plusieurs communes ;

- Transports urbains de voyageurs ;

- Eau, assainissement, ordures ménagères ;

- Voirie et signalisation ;

- Parcs de stationnement.

En plus de ces compétences nouvellement attribuées, le SCA se substitue fiscalement aux

communes en Zone d’Aménagement Nouvelle (ZAN). C'est-à-dire qu’il perçoit l’ensemble

des quatre taxes locales (les « quatre vieilles ») : la taxe foncière sur les propriétés bâties

(TFPB), la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFPNB), la taxe d’habitation (TH) et la

taxe professionnelle (TP). Cette intégration institue aussi un mode de fonctionnement

redondant dans l’élaboration des villes nouvelles : un pouvoir local à deux vitesses avec, la

3 Source : Programme Interministériel Histoire et Evaluation des villes nouvelles.

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18

structure intercommunale comme investisseur et les communes comme gérant (par le biais

de rétrocessions).

Ces éléments prouvent la volonté de l’Etat (par l’adoption de la loi Boscher) de disposer

d’une structure de pouvoir locale renforcée dans la mesure où les intercommunalités de

l’époque ne sont pas habilitées à être aussi intégrées. C'est-à-dire qu’elles ne disposent pas

de compétences stratégiques (aménagement du territoire, développement économique,

social) et sont soumises à une fiscalité additionnelle uniquement (plus faible). Pourtant, il est

à noter que le projet politique communautaire n’en est pas pour autant renforcé, l’apparition

de la coopération intercommunale via les SCA est la cause, et non pas la conséquence, d’un

projet porté par les élus locaux. En conséquence de quoi, les élus intercommunaux auront

rapidement recours à des conventions pour la gestion d’équipements dont la compétence

revient normalement à la charge des SCA, permettant, par suite, la rétrocession de

compétences entières aux communes.

Il est donc possible d’entrevoir un jeu politique entre les communes et le pouvoir central,

dans lequel la coopération intercommunale n’intervient que pour appuyer l’autorité des EPA.

En effet, si les SCA disposent de compétences d’investissement en matière d’aménagement

urbain, il convient de rappeler que les projets sont à soumettre à l’avis du Préfet (pouvoirs

déconcentré de l’Etat) dans le cadre de la gouvernance territoriale « pré-décentralisation »4.

c. La Loi « Rocard » (1983) : consécration de la coopération intercommunale.

La loi Rocard constitue la manifestation d’une avancée supplémentaire vers la concrétisation

du modèle intercommunal en France qu’il convient de nuancer.

Parmi les nouveautés qu’institue cette loi, se trouvent :

- La mutation des SCA en Syndicat d’Agglomération Nouvelle (SAN) ou Communauté

d’Agglomération Nouvelle (CAN), au choix ;

- La suppression des Zones d’Aménagement Nouvelles (ZAN), supprimant ainsi

l’ambigüité de la répartition des compétences au sein d’un même territoire communal

entre le SCA, la partie de commune en ZAN et la partie de commune hors ZAN ;

- La conservation de la fiscalité propre (la taxe professionnelle) permettant de

contrebalancer les inégalités économiques entre communes d’un même territoire

intercommunal ;

- L’inscription dans la loi des pratiques qui menaient à diviser les responsabilités en

matière d’investissement (pour la structure intercommunale) et de gestion (pour les

4 Par la suite et après les lois de décentralisation, le contrôle de l’Etat, via les Préfets, ne se fera plus qu’à

posteriori sans autres possibilité de réfuter un projet, que s’il n’est pas conforme à la loi (par exemple, sur l’aspect des procédures).

Page 20: Mémoire recherche - Master MISE

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communes), par le biais de conventions. Notons que ces pratiques, sans être

illégales, profitaient d’un flou législatif relatif à l’appartenance, ou non, aux territoires

en ZAN : la rétrocession d’un certain type d’équipement pouvait se faire hors ZAN

puis, dans un souci de cohérence, s’élargir au même type d’équipement pourtant en

ZAN ;

Ces éléments de la Loi Rocard démontrent la volonté du législateur d’affirmer l’échelon

intercommunal comme acteur incontournable de la gouvernance de l’aménagement urbain.

Pourtant ce geste en faveur d’une intercommunalité plus intégrative se voit freiné par la

majorité des élus des villes nouvelles. En effet, la loi qui laisse le choix aux SCA de se

transformer, soit en Communauté d’Agglomération Nouvelle (CAN), soit en Syndicat

d’Agglomération Nouvelle (SAN) illustre bien cette opposition.

La principale différence qui oppose ces deux modèles réside dans le système d’élection de

l’organe délibérant. La CAN se trouve doté d’un conseil communautaire dont les membres

sont élus au suffrage universel direct alors que celui du Syndicat d’Agglomération Nouvelle

suit les modalités des autres intercommunalités française avec l’élection de délégués

communautaires par les conseils municipaux (élection indirecte). Il est très intéressant

d’explorer les raisons pour lesquelles les CAN n’ont pas fait l’objet d’un plébiscite de la part

des élus. En effet, il apparait que le choix d’un organisme intercommunal légitimé par un vote

au suffrage universel ait été délibérément écarté par les élus. Il peut être décelé, dans ce

choix, la volonté des maires de sauvegarder le maillon communal comme élément principal

de gouvernance.

Finalement, il apparait que les villes nouvelles, d’abord précurseur sur l’aspect de

l’intercommunalité (SCA), suivent ensuite la tendance intégratrice des lois de

décentralisation, malgré leur statut d’exception, sans pour autant constituer une exemplarité

du genre en France.

Pour conclure, nous ne considérons pas ici la ville nouvelle comme laboratoire de

l’intercommunalité et de la gouvernance au sens où l’introduit le Programme Interministériel

d’Histoire et d’Evaluation des Villes Nouvelles. Dans les travaux réalisés lors de cette

évaluation des politiques publiques5, la question est posée de façon à savoir si ce type de

gouvernance, notamment au travers de l’intercommunalité, peut être appréhendé comme

une expérience dont les intercommunalités d’Ile-de-France s’inspirent. Or ce premier

5 Il s’agit en particulier de la partie Vers l’intercommunalité de projet. De l’expérience des villes nouvelles aux

communautés d’agglomération, journée d’étude du 5 juillet 2005 du « Programme Interministériel d’Histoire et d’Evaluation des Villes Nouvelles ».

Page 21: Mémoire recherche - Master MISE

20

chapitre fait état d’un laboratoire de la gouvernance, notamment au travers de

l’intercommunalité, en montrant l’aspect novateur dans la démarche d’élaboration de la ville.

Bien que l’expérience des villes nouvelles soit innovante, son système ne peut être

considéré comme un exemple car il reste hors du droit commun. Ainsi, abordant la ville

nouvelle en tant qu’objet complexe et phénomène isolé, il semble légitime de mesurer les

effets du retour au droit commun, étape marquante de la gouvernance de l’aménagement

urbain de ces territoires.

Chapitre 2 – Retour au droit commun : des allures de

bouleversement pour la gouvernance de l’aménagement des villes

nouvelles.

Le retour au droit commun, pour les agglomérations nouvelles, signifie la levée de la tutelle

de l’Etat (via les EPA et les territoires en OIN) en matière de planification et d’aménagement

urbain. Ainsi, les Syndicats d’Agglomération Nouvelle (SAN) se transforment en

Communauté d’Agglomération (CA) afin de retrouver le régime commun des Etablissement

Public de Coopération Intercommunale (EPCI).

Le retour au droit commun possède un caractère unique pour chaque ville nouvelle d’Ile-de-

France. En effet, chacune d’elle est issue d’une même base (SDAURP) ayant évolué

différemment au cours du temps. Ainsi, plusieurs cas de figure apparaissent lors de la fin de

l’aménagement des villes nouvelles. Par exemple, les villes nouvelles d’Evry et de Saint-

Quentin en Yvelines, dont les retours au droit commun sont entérinés respectivement le 31

décembre 2000 et le 16 décembre 2003, font suite à la constatation du « complet

achèvement » de l’aménagement de leur territoire placé en Opération d’Intérêt National (qui

correspond à la clôture des ZAC entreprises au lancement de la mission des EPA) mais la

dissolution de leurs EPA respectif se fait différemment. A Evry, une agence d’urbanisme est

créée (Agence d’Urbanisme d’Essonne-Seine-Orge) pour continuer à gérer la planification

urbaine du territoire, alors qu’à Saint-Quentin en Yvelines, l’établissement est en partie

absorbé par la nouvelle structure intercommunale. En revanche, de récentes dispositions

législatives ont été prises pour encadrer le retour au droit commun des dernières villes

nouvelles en construction, autorisant le retour au droit commun sans pour autant déclencher

la sortie du périmètre en OIN.

Dans ce second chapitre, nous montrerons que si le retour au droit commun semble, de

prime abord, chambouler la gouvernance de l’aménagement urbain des villes nouvelles, une

Page 22: Mémoire recherche - Master MISE

21

étude approfondie montre que le constat est plus mitigé que cela. Pour cela, nous nous

appuierons en particulier sur les aspects juridiques, institutionnels et politiques

1) La légitimation technique de l’intercommunalité ?

Dans cette partie, nous souhaitons explorer le processus de retour au droit commun pour

une agglomération de ville nouvelle afin de savoir s’il contribue bien à redonner tous les

moyens techniques (compétences) à l’administration locale, et notamment aux

intercommunalité, pour la mise en œuvre de l’aménagement urbain.

Le terme « technique » représentera ici les éléments d’aspect juridiques, humains ou encore

financiers.

a. Modalités de transformation de Syndicat d’Agglomération Nouvelle en

Communauté d’Agglomération.

Premièrement, il nous faut expliquer pourquoi les Syndicats d’Agglomération Nouvelles se

transforment en Communauté d’Agglomération et non pas en autres types de structures de

coopération intercommunale, conformément à l’article L5341-2 du CGCT. Il apparait d’abord

que les SAN sont dépositaire d’un parti d’aménagement qui vise à endiguer la croissance

démographique de la région Ile-de-France et donc, possèdent une population supérieure à

50 000 habitants (absorption d’environ 50% des flux migratoires vers la région parisienne

pendant les années 80 et 90). Ce seuil de population constitue le premier facteur qui

restreint les SAN à se transformer en CA à minima6. En outre, les SAN constituent des

formes d’intercommunalités dont l’intégration des compétences est assez prononcée et, pour

la plupart, équivalente à celle des communautés d’agglomération conduisant ainsi à exclure

la possibilité d’une transformation en communauté de communes.

La transformation de SAN en CA laisse la possibilité aux élus de modifier les compétences

et le périmètre intercommunal. Ces modifications sont soumises à des procédures

expliquées ci-après.

6 La structure intercommunale du niveau supérieur (en termes de population) requiert une population

minimum de 250 000 habitants qui n’a pas été atteinte dans les SAN au moment de leur retour au droit commun.

Page 23: Mémoire recherche - Master MISE

22

Figure 4. Schéma du processus de transformation de SAN en CA avec extension de compétences (http://www.collectivites-locales.gouv.fr).

Les conseils municipaux disposent d’un délai de trois mois pour se prononcer à

compter de la notification de la délibération de l’organe délibérant. L’absence de

délibération vaut décision favorable

INITIATIVE

CONSEIL SYNDICAL DU SAN

Délibération

LE SAN N’EST PAS TITULAIRE DES

COMPETENCES D’UNE COMMUNAUTE

D’AGGLOMERATION (article L. 5216-5 du

CGCT)

CONSULTATION DES COMMUNES

MEMBRES DU SAN

dans le cas ou ils ne détiennent pas les

compétences requises

LE SAN EST TITULAIRE DES

COMPETENCES D’UNE COMMUNAUTE

D’AGGLOMERATION (article L. 5216-

5CGCT)

Transformation possible sur simple délibération du comité du SAN s’ils détiennent toutes les compétences

requises d’une CA. Dans le cas contraire, accord

nécessaire du SAN et des communes à

la majorité des deux tiers au moins

des conseils municipaux

TRANSMISSION DE LA DELIBERATION DU SAN AU PREFET*

ARRETE AUTORISANT LA

TRANSFORMATION ET LE CAS ECHEANT

L’EXTENSION DE COMPETENCES

Page 24: Mémoire recherche - Master MISE

23

Figure 5. Schéma du processus de transformation d'un SAN en CA avec extension du périmètre (http://www.collectivites-locales.gouv.fr).

En cas de transformation avec extension de

compétences, l’accord des conseils

municipaux des communes membres du

SAN doit être obtenue à la majorité qualifiée

requise par article L.5341-2 du CGCT.

En cas de transformation avec extension du

périmètre élargi l’accord l'ensemble des

communes incluses dans le projet de

périmètre doit être obtenu à la majorité

qualifiée requise par l’article L. 5211-41-1

du CGCT.

Les conseils municipaux disposent d’un délai de trois mois pour se prononcer à

compter de la notification de la délibération de l’organe délibérant. L’absence de

délibération vaut décision favorable

INITIATIVE

DELIMITATION D'UN PROJET D’EXTENSION DE

PERIMETRE APRES AVIS DE LA CDCI (Commission

Départementale de la Coopération Intercommunale)

Arrêté préfectoral pris après réception de la

délibération de l’organe délibérant

ARRETE AUTORISANT LA

TRANSFORMATION ET LE CAS ECHEANT

L’EXTENSION DE PERIMETRE

(Emportant, le cas échéant, le retrait

automatique des communes déjà

membres d’un autre EPCI)

PERIMETRE IDENTIQUE

Article L. 5341-2 du CGCT

CONSULTATION DES COMMUNES

MEMBRES DU SAN

Si les compétences doivent être étendues

PERIMETRE ELARGI

Article L. 5341-3 du CGCT

CONSULTATION DE L'ENSEMBLE DES COMMUNES

INCLUSES DANS LE PROJET DE PERIMETRE ELARGI

CONSEIL SYNDICAL SAN Par délibération

Page 25: Mémoire recherche - Master MISE

24

b. Les implications techniques du retour au droit commun.

Outre l’aspect informatif que présentent ces schémas, l’intérêt vient du fait qu’ils montrent

que la procédure de retour au droit commun donne les moyens aux anciens SAN de

renforcer leur intercommunalité. Ainsi, sont présentés la possibilité d’une ouverture aux

communes voisines et le choix de s’orienter vers une intercommunalité encore plus intégrée.

Si cela semble être vrai au regard des modalités de la procédure de changement de statut,

nous nous devons de comparer les deux structures (SAN et Communauté d’Agglomération)

dans le détail afin de vérifier que cette disposition de la loi qui favorise un renforcement de

l’intercommunalité est aussi significative que cela.

En termes de compétences, le cadre général du Code Général des Collectivités Territoriales

(CGCT) prévoit les suivantes pour chacun des organismes :

Compétences et pouvoirs du syndicat d’agglomération nouvelle – Article L5333-1 du CGCT

« Le syndicat d'agglomération nouvelle exerce les compétences des communes en matière

de programmation et d'investissement dans les domaines » :

- Urbanisme

- Logement

- Transports

- Réseaux divers et voies nouvelles

- Développement économique

- Equipements rendu nécessaires par l’urbanisation nouvelle

Compétences de la communauté d’agglomération – Article L5216-5

« La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes

membres les compétences suivantes » :

- « En matière de développement économique [...] » ;

- « En matière d'aménagement de l'espace communautaire [...] » ;

- « En matière d'équilibre social de l'habitat [...] » ;

- « En matière de politique de la ville [...] ».

En outre, la communauté d’agglomération doit porter la charge de trois compétences

optionnelles supplémentaires parmi la liste suivante :

- Voirie communautaire,

- Assainissement des eaux usées

- Eau

- Environnement et cadre de vie

- Equipements culturels et sportifs

Page 26: Mémoire recherche - Master MISE

25

D’autre part, la communauté d’agglomération a la possibilité de récupérer des compétences

dites « facultatives » via un vote à la majorité qualifiée des communes membres.

Ainsi, il peut être constaté que la base juridique entre SAN et CA est similaire. De plus,

l’Article 59 de la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération

intercommunale (Loi Chevènement, 12 juillet 1999) stipule que « Cette transformation est

sans effet sur les compétences exercées au lieu et place des communes à la date de la

transformation, ou en leur nom par voie de convention à la même date, et qui ne sont pas

visées au I et au II de l'article L. 5216-5 ». Ainsi cet article montre que la portée du

changement relatif au retour au droit commun semble finalement être limitée.

Néanmoins, bien que les compétences de base soient ressemblantes, notamment en

matière d’aménagement du territoire et de développement économique, il apparait que la

structure de droit commun dispose de possibilités élargies quant aux compétences qu’elle

peut intégrer. En effet, les compétences optionnelles et facultatives, accordées aux

communautés d’agglomération, sont significatives des possibilités de développement d’une

politique communautaire polyvalente.

c. Quel avenir pour la ville nouvelle sans son aménageur historique : l’EPA.

Force est de constater, malgré les mesures successives qui visent à renforcer l’échelon

intercommunal, que l’aménageur principal reste l’EPA tout au long de la construction des

villes nouvelles. En effet, bien que l’emprise du pouvoir local soit renforcée, notamment en

1983 par l’introduction de droit des présidents de SAN au sein du conseil d’administration

des EPA7, l’ampleur des moyens mis en œuvre par l’Etat assoit les EPA comme détenteurs

d’une expertise technique forte et des moyens financiers nécessaires à la réalisation

d’objectifs lourds (comme ceux fixés à l’aube des villes nouvelles).

Ainsi, il est légitime de se demander si le retour au droit commun entraine une perte de

l’expertise de l’aménagement urbain. Or le fait est que les EPA sont des machines

institutionnelles et administratives à très forte inertie. C'est-à-dire que la place qu’ils occupent

dans la gouvernance de l’aménagement des villes nouvelles, historiquement, politiquement,

techniquement ou même en termes de masse salariale imposante est freins à sa

dissolution. C’est pourquoi, jusqu’à présent, les exemples de fin de mission des EPA ne

peuvent être considérés comme des disparitions pures et simples. En effet, les exemples de

clôture des EPA en Ile-de-France relatent ces faits : à Evry, l’EPA est « repris par l’AFTRP

(l’Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne) » (et à Cergy et Saint-Quentin en

7 Article 28 et 29 de la loi portant modification du statut des agglomérations nouvelles.

Page 27: Mémoire recherche - Master MISE

26

Yvelines, les EPA sont en partie absorbés par les agglomérations. Ainsi, les compétences

des EPA se trouvent transférées aux agglomérations ou bien aux partenaires de

l’aménagement de celles-ci (agence d’urbanisme, Sociétés d’Economie Mixte) via

l’absorption du personnel de l’EPA. En définitive, la clôture des EPA sonne comme la perte

d’un repère de l’aménagement en ville nouvelles mais ses compétences pratiques ne sont

pas pour autant perdues car le personnel se trouve en partie dilué au sein des aménageurs

locaux.

En revanche, la perte des moyens financiers est bien réelle et notamment la capacité qu’ont

les EPA de financer en partie les projets dont l’investissement revient à la charge des SAN

(depuis la loi « Rocard »). Cette perte de moyens financiers doit normalement être

compensée, du moins en partie, par le reversement des gains révélés par les bilans de

clôture des ZAC mises en place par les EPA au bénéfice des agglomérations nouvelles.

Pour autant, cette compensation constitue une aide momentanée et non pérenne.

Pour conclure, le retour au droit commun pour les agglomérations de ville nouvelle semble,

de prime abord, confirmer la redistribution des rôles dans la gouvernance de l’aménagement

urbain en continuité avec le mouvement global entamé depuis près de trois décennies, qui

tend à affirmer l’autonomie du pouvoir local. Pourtant, les exemples exposés (notamment par

rapport aux compétences) lors de cette partie montrent que si le pouvoir local reprend la

main sur l’aménagement urbain, le bouleversement supposé n’est pas si fort car les

agglomérations, sous leur forme de SAN, étaient déjà pourvues de capacités développées.

2) La légitimation du pouvoir local en ville nouvelle ?

Au vue de la partie précédente, il est a priori logique de penser que, finalement, le retour au

droit commun pour les villes nouvelles ne représente pas l’élément décisif dans la reprise en

main de l’aménagement urbain pour le pouvoir local. En effet, il a été constaté que

techniquement), les changements sont limités. Nous allons donc, dans cette partie, aborder

l’aspect politique du retour au droit commun pour les intercommunalités de villes nouvelles.

L’histoire des agglomérations nouvelles montre une perpétuelle rivalité entre le pouvoir

central et le pouvoir local. Cette rivalité est d’ailleurs communément interprétée comme le

« mythe fondateur » des villes nouvelles8. Toutefois, au fil des années, la progressive

montée en puissance du pouvoir local est flagrante. Avant la loi « Rocard », plusieurs

8 Source : Programme Interministériel Histoire et Evaluation des Villes Nouvelles, 2005

Page 28: Mémoire recherche - Master MISE

27

évènements démontrent la virulence des ces rapports et notamment le combat contre

l’urbanisation de la ZAC de l’Hautil à Vauréal (ville nouvelle de Cergy-Pontoise). Le combat

mené par la commune, avec à sa tête le maire Joseph Wattelier, va mener le conseil

municipal à démissionner dans son intégralité, signe fort de protestation. Ce qui montre la

réussite de l’action par l’approbation de la population, c’est la réélection du maire et de son

conseil aux élections municipales de 1983 avec une très large majorité (97% des voix). Cet

exemple parmi toutes les luttes menées en villes nouvelles par les élus locaux, illustre aussi

le contexte qui précède la mise en place de la loi « Rocard » et justifie le renforcement de

l’intercommunalité.

L’arrivée des SAN marque un premier grand pas en avant pour la reconquête de la

gouvernance de l’aménagement urbain en ville nouvelle. Comme nous avons pu le voir dans

la première partie de ce chapitre, les compétences attribuées au SAN autorisent les élus

locaux à mettre en œuvre une politique communautaire de l’aménagement urbain. D’autre

part, avec l’introduction des présidents des SAN au sein des conseils d’administration des

EPA, la Loi Rocard fait du SAN un acteur incontournable de la construction des villes

nouvelles.

Enfin, la transformation de SAN en CA peut-être analysée comme la possibilité donnée aux

élus locaux de développer un projet politique complet grâce au statut juridique des

communautés d’agglomération leur conférant des compétences élargies. En effet, celles-ci

ne sont plus uniquement relatives à l’aménagement urbain mais offrent bien un champ

d’action élargi aux élus (social, culture, sport...)

En revanche, le principal élément qui montre le signe d’une véritable légitimation politique

vient du retrait des zones d’Opération d’Intérêt National inhérent à l’action des EPA. En effet,

l’établissement d’une telle zone signifie en particulier que la quasi-totalité des permis de

construire relève de la compétence de l’EPA, impliquant que les élus locaux ne sont pas

libres dans l’élaboration de projets d’aménagement. Le retrait de cette zone en OIN qui

accompagne le retour au droit commun marque la fin des conflits entre pouvoir local et

pouvoir central et autorise les élus locaux à « reprendre en main » leur territoire.

C’est ainsi que l’on se rendre compte que, si le retour au droit commun pour les

agglomérations de ville nouvelle n’est pas réellement déterminant pour l’aménagement

urbain, il constitue en revanche un véritable virage et l’ouverture de multiples possibilités

pour la mise en place d’une politique publique locale complète.

Page 29: Mémoire recherche - Master MISE

28

Chapitre 3 – Retour au droit commun du Val Maubuée : révolution

ou continuité

L’agglomération du Val Maubuée est le dernier territoire en date à avoir procédé à la

transformation que représente le retour au droit commun pour une ville nouvelle. Aujourd’hui

Communauté d’agglomération de Marne-la-Vallée/Val Maubuée, le SAN Val Maubuée a

effectué son changement de statut au 31 décembre 2012. Si nous avons pu expliquer dans

les deux chapitres précédents en quoi il était intéressant de se pencher sur la question de la

gouvernance de l’aménagement urbain des villes nouvelles, puis que pour le cas général

des villes nouvelles le retour au droit commun constituaient un virage de cette gouvernance,

il convient à présent de prendre un exemple concret. Le cas particulier du Val Maubuée,

secteur II de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée nous permettra d’illustrer le retour au droit

commun. Outre l’aspect d’une connaissance professionnelle de ce territoire qui offre la

possibilité de mener plus en avant l’investigation, le cas du Val Maubuée révèle des

difficultés peu communes dans le processus de transformation de SAN en CA.

1) Présentation territoriale du Val Maubuée.

Le Val Maubuée constitue le secteur II de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée autour de 6

communes, Champs-sur-Marne, Croissy-Beaubourg, Emerainville, Lognes, Noisiel et Torcy

et regroupant environ 80 000 habitants. Situé à une quinzaine de kilomètre de Paris,

l’aménagement de Marne-la-Vallée débute au début des années 80 par l’implantation des

infrastructures de transports (RER A et Autoroute A4). La construction du secteur II est

organisée par l’EPA Marne et le SAN Val Maubuée.

Figure 6. Organisation territoriale de Marne-la-Vallée.

Page 30: Mémoire recherche - Master MISE

29

Le Val Maubuée et la ville nouvelle dans son ensemble se caractérisent par une forme

urbaine particulière, organisée de façon polycentrique. La forme urbaine du secteur II est

caractéristique des tendances architecturales de l’époque, en opposition avec les

préconisations de la Charte d’Athènes, favorisant une ambiance de ville paisible ainsi que la

proximité entre ville et nature. A ce titre, le Val Maubuée, avec environ 40% d’espaces verts

se prévaut du titre de « poumon vert » de l’Est parisien.

Le Val Maubuée a vécu une véritable explosion démographique durant ces 30 dernières

années, passant d’un territoire rural à un territoire aggloméré aux caractéristiques proches

des banlieues parisiennes.

Figure 7. Evolution de la population du Val Maubuée de1968 à 2009.

Aujourd’hui, de nombreux acteurs locaux (EPA, Communauté d’agglomération, communes,

associations environnementales et sociales) s’accordent à dire que l’aménagement du Val

Maubuée souffre d’une « obsolescence prématurée » (SCoT du Val Maubuée, 2013). C'est-

à-dire que la manière dont le territoire a été structuré se confronte à la manière dont il est

vécu à l’heure actuelle. D’une part, la construction d’infrastructures lourdes constituant les

premiers aménagements (SDAURP, 1965) a tendance à créer des cloisons entre quartiers.

D’autre part, cette imperméabilité combinée à un mode de construction « intimiste »

(espaces fermés, absences de clarté dans la forme urbaine) mène à une dégradation rapide

du bâti.

2) Le cas particulier du Val Maubuée.

a. Histoire du retour au droit commun.

La transformation de l’agglomération du Val Maubuée de SAN en CA, bien que récente

possède une histoire propre et relativement complexe. Dès 2006, le ministre des Transports,

de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer demande une étude sur les modalités de sortie

de l’OIN de Marne-la-Vallée pour les secteurs 1 et 2. A ce moment, la réalisation du secteur

Page 31: Mémoire recherche - Master MISE

30

1 est admise comme terminée, le secteur 2 est « en voie d’achèvement »9 alors que les

secteurs 3 et 4 ne sont pas achevés.

Ainsi, le cas demeure sans précédent du fait de la présence d’un unique EPA pour des

territoires aux vitesses d’aménagement totalement différentes dû au parti pris de

construction qui instaurait une urbanisation progressive d’Ouest en Est. De plus, il faut

préciser que le projet des villes nouvelles se base sur un équilibre financier à long terme

pour les EPA, qui ne permet pas l’ablation d’une partie du territoire OIN. Ainsi, en particulier

pour Marne-la-Vallée, des mécanismes de péréquation peuvent s’opérer entre les différents

secteurs afin d’atteindre un équilibre budgétaire pour l’EPA Marne. Ce cas ne s’applique pas

aux autres villes nouvelles de la région parisienne dont le territoire des agglomérations

correspondait à la délimitation de l’espace OIN. Ainsi, les conditions, qui permettent aux

services de l’Etat de publier le décret qui entérine la suppression de l’OIN sur le secteur II de

Marn-la-Vallée, ne sont pas réunies

Les exemples de retour au droit commun de Saint-Quentin en Yvelines et Cergy-Pontoise

montrent une concordance entre l’opération d’intérêt national et l’agglomération nouvelle.

Figure 8. Les 4 secteurs de Marne-la-Vallée.

9 Rapport sur le retour au droit commun des secteurs 1 et 2 de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, novembre

2006

Page 32: Mémoire recherche - Master MISE

31

Figure 9. Les agglomérations de Cergy-Pontoise et Saint-Quentin-en-Yvelines.

Pour résumer, l’agglomération du Val Maubuée qui envisage, à l’époque, un retour au droit

commun autour de 2009-2010 se trouve dans une situation qui légitime sa sortie du

périmètre d’OIN (fin d’aménagement) mais qui au vue de la loi du 12 juillet 1999 (relative au

renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale) mais aussi du

fonctionnement financier de l’EPA Marne, lui interdit une telle démarche.

Il faudra attendre 2010 pour qu’une solution alternative soit mise en place en vue du retour

au droit commun du Val Maubuée. En effet, un amendement est apporté à la loi relative au

renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (Loi Chevènement,

1999) qui stipule que la transformation de SAN en CA peut être accordée sur demande de

l’organe délibératif de la structure intercommunale à la condition que les opérations

d’aménagement initialement prévues soient terminées. Par conséquent, cette transformation

signifie la clôture des périmètres d’urbanisation initiaux (ZAC à la charge des EPA) sans

pour autant mener à une suppression de l’espace d’Opération d’Intérêt National. Selon les

dires de M. Pascal Mignon, directeur du cabinet de M. Paul Miguel (Président de la CA

Marne-la-Vallée/Val Maubuée), cet amendement serait le fruit de négociations

parlementaires menée par l’agglomération du Val Maubuée, menant à un amendement

imaginé « sur mesure ».

Profitant de cette opportunité juridique, c’est finalement lors du Conseil Communautaire du

20 décembre 2012 que la décision de transformer le SAN du Val Maubuée en CA de Marne-

la-Vallée/Val Maubuée sera entérinée à l’unanimité des suffrages exprimés.

b. Les implications du retour au droit commun pour l’agglomération du Val

Maubuée.

Page 33: Mémoire recherche - Master MISE

32

Comme nous venons de l’exposer, la transformation du SAN du Val Maubuée en CA est un

cas à part, impliquant des conséquences tout à fait particulières. Plusieurs points peuvent

donc être dégagés, notamment relatifs à la situation ambigüe de l’EPA Marne ainsi qu’à la

politique communautaire.

Dans le cas de figure du Val Maubuée, exposé précédemment, où se chevauchent deux

entités compétentes en matière d’aménagement (EPA et intercommunalité), il apparait

opportun d’explorer les modalités de gouvernance de l’aménagement urbain qui s’applique

au territoire.

La question du foncier.

L’établissement d’un territoire en OIN signifie que l’Etat peut, principalement par voie de

Déclaration d’Utilité Publique (DUP)10, acheter tous les terrains publics et certains privés

situés sur cette zone en OIN. Ceci fait, des ZAC sont créées puis élaborées en partenariat

avec l’agglomération (programmation, forme urbaine etc...). Il est à remarquer que tous les

terrains achetés peuvent ne pas être en ZAC. C’est ainsi qu’en fin d’aménagement des villes

nouvelles, un rachat des terrains non aménagés appartenant toujours aux EPA peut être

effectué au profit des agglomérations, la nouvelle autorité de l’aménagement. Ce procédé ne

peut être appliqué au Val Maubuée dans la mesure où l’EPA Marne est toujours existant. On

peut penser que la surface de foncier appartenant toujours à l’EPA est faible car

l’aménagement des ZAC est censé être terminé, or pour le Val Maubuée, l’EPA Marne est

toujours propriétaire de la majorité du foncier public soit environ 40% (le reste étant la

propriété de l’agglomération, des communes, de l’Agence Foncière de la Région Parisienne,

des départements du Val de Marne et de Seine-Saint-Denis et de la région d’Ile-de-France).

Ainsi, bien que la CA de Marne-la-Vallée/Val Maubuée soit l’autorité de référence en matière

d’aménagement urbain, elle ne peut exercer pleinement sa compétence. En théorie, cela ne

devrait pas être un frein à l’exercice de la compétence « aménagement », mais le pour le Val

Maubuée, l’éclatement du foncier est particulièrement prononcé impliquant une réelle

augmentation des coûts et un allongement de la durée pour la majorité des opérations

d’aménagement.

La question de la maîtrise d’ouvrage

Avec deux maitres d’ouvrage en aménagement urbain sur l’agglomération du Val Maubuée,

la situation peut paraître complexe. En effet, jusqu’au retour au droit commun de

l’agglomération du Val Maubuée, la maitrise d’ouvrage revient à l’EPA Marne pour tous les

aménagements en ZAC et pour les opérations d’habitations de plus de 30 logements sur la

10

DUP : procédé juridique permettant à une autorité publique d’exproprier.

Page 34: Mémoire recherche - Master MISE

33

zone en OIN (convention EPA-SAN Val Maubuée). A l’heure du retour au droit commun,

l’agglomération devient compétente au même titre que l’EPA et porte ses propres projets en

tant que maitrise d’ouvrage principale (à l’exemple du projet de restructuration du quartier de

l’Arche Guédon, ou du centre ville et du pôle gare de Torcy). On pourrait penser qu’avec le

passage de projets portés par l’Etat à des projets portés par les élus locaux (retour au droit

commun), l’EPA ne participerait plus aux opération d’aménagement sur le Val Maubuée.

Pourtant, force est de constater que l’EPA est aujourd’hui associée en co-maitrise d’ouvrage

pour tous les projets d’envergure (restructuration des centre-villes de Torcy, Noisiel ou

encore Lognes).

Plusieurs raisons viennent justifier ce procédé. Tout d’abord la connaissance du territoire et

les compétences que possède l’EPA sont des atouts de poids dans l’élaboration d’un projet

cohérent. Ensuite, le volet financier est indéniablement un argument majeur permettant

aujourd’hui la collaboration des deux structures. En effet, la présence de l’EPA permet

aujourd’hui de continuer à financer des études et des opérations. Enfin, du fait de sa

présence depuis plus de 3 décennies, une facilité de mise en place des projets est instaurée

par les liens forts reliant les acteurs de l’agglomération et de l’EPA. Nous verrons dans la

partie suivante que l’entente entre l’EPA Marne et le SAN Val Maubuée sur les projets

d’aménagement résulté d’une coopération historique qui justifie la continuité de l’action de

l’EPA, même après le retour au droit commun.

3) Le projet politique du retour au droit commun.

Lorsque nous avons entamé les recherches pour ce mémoire, les hypothèses formulées

poussaient à penser que le retour au droit commun de l’agglomération du Val Maubuée

constituait la reprise en main, réelle et symbolique, de l’aménagement du territoire au

bénéfice du pouvoir local, ou le point final de la mission de l’Etat sur le territoire du Val

Maubuée. C’est au fil des entretiens avec les différents protagonistes de la ville nouvelle de

Marne-la-Vallée qu’une réponse s’est progressivement dessinée et qui, finalement, n’apporte

pas la réponse escomptée. En effet, si l’expérience conflictuelle des premières villes

nouvelles de la région Ile-de-France a pour effet de présupposer des relations houleuses

entre pouvoir local et pouvoir central, il en va autrement sur le territoire du Val Maubuée/

Cela entraîne des conséquences sur le projet politique qui sous-tend le retour au droit

commun de l’agglomération du Val Maubuée. Le croisement des différents entretiens met à

jour un aspect ambigu des relations politiques entre les acteurs locaux et l’Etat.

Page 35: Mémoire recherche - Master MISE

34

Les acteurs politiques11 de l’agglomération tiennent un discours assez marqué par l’idée de

changement qu’apporte le retour au droit commun avec comme raisonnement de base : la

fin de l’aménagement du secteur 2 et donc la disparition de l’OIN et le départ de l’EPA qui

est généralement jugé responsable des échecs de la ville nouvelle. En outre, ces acteurs

invoquent des éléments limitant qu’imposait la forme juridique du SAN, notamment comme

frein à la mise en place d’une politique d’aménagement du territoire, en particulier au niveau

des compétences. En effet, la communauté d’agglomération est une forme

d’intercommunalité beaucoup plus intégrative que celle du SAN, permettant aux élus

communautaires d’élaborer une politique publique qui n’est pas uniquement centrée sur

l’aménagement du territoire.

Il est à noter que la nécessité de passer à cette forme plus intégrative est aussi liée aux

problèmes rencontrés12 au sein de l’agglomération. En effet, la commune d’Emerainville avait

entamé des procès contre l’agglomération car en désaccord avec les trop nombreuses

compétences transférées au SAN contre son gré (rendu possible par une majorité

communautaire de couleur politique opposée à celle d’Emerainville). En dernier lieu, le retour

au droit commun donne aussi la possibilité d’être concerné par des travaux législatifs sur les

formes intercommunales et être correctement représenté, par exemple par l’Association des

Maires de France.

Lors des rencontres avec les acteurs techniques de la ville nouvelle, les discours tenus sont

généralement plus terre-à-terre13.

En premier lieu, les techniciens de l’agglomération que nous avons sollicité (directeurs

généraux) évoquent d’abord le vœu pieu de reprise en main du territoire conformément au

discours des élus. Mais il semble que l’élément financier revienne assez souvent illustrant

l’importance de celui-ci dans la transformation de SAN en communauté d’agglomération.

D’une part, selon ces personnes, le SAN Val Maubuée était « trop contributeur »14 au Fond

de Péréquation InterCommunal (FPIC) et le statut de communauté d’agglomération

permettait de réduire ainsi ce manque à gagner équivalent à un montant de 588 582 € à

l’année de sa création (2012). Il faut en revanche noter que ce gain est surtout avantageux à

la première année de la transformation et se réduit par la suite (selon P. Mignon). D’autre

part, l’agglomération sous forme de communauté d’agglomération permet de récupérer plus

de Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) soit 40,9 millions d’euros inscrits au budget

primitif de 2013. En revanche, pour ces mêmes personnes, la question des compétences

11

Annexes : entretien n°3 12

Annexes : entretient n°3 13

Annexes : entretiens n°1 et n°2 14

Annexes : entretient n°1

Page 36: Mémoire recherche - Master MISE

35

semblent constituer un statuquo. C'est-à-dire que la transformation n’affecte qu’un service :

celui de la santé et de l’éducation dont le service est interrompu et le personnel réaffecté.

L’avis des administrateurs de l’agglomération du Val Maubuée penche donc en faveur d’un

retour au droit commun opportuniste, permettant de régler certain problèmes immédiats

(conflits agglomération-Emerainville, optimisation budgétaire).

Dans un second temps, les avis que l’ont obtient en interrogeant des protagonistes de l’EPA

sont aussi édifiants15. A l’image de l’interview réalisée dans le cadre de ce travail, les

protagonistes de l’EPA ne semblent pas considérer que le retour au droit commun de

l’agglomération du Val Maubuée ne soit la manifestation d’un changement radical dans la

manière d’aménager le territoire. En effet, l’EPA joue son rôle de manière identique que par

le passé et précise que l’aménagement urbain du secteur 2 de Marne-la-Vallée n’a jamais

fait l’objet de profondes dissensions. Cela montre que le « vœu pieu » souvent évoqué en

premier lieu, consistant à mettre en avant l’émancipation du pouvoir local par

l’affranchissement de la tutelle de l’Etat, n’est qu’un argument de façade. Dans les faits, les

relations entre l’EPA Marne et le SAN Val Maubuée ont toujours été relativement bonnes

(peu de mésentente sur les projets d’aménagement initiaux), incitant les élus du secteur II à

sauvegarder l’outil EPA. Dans ce cas, pourquoi ce « vœu pieux » est-il valorisé avant tout

autre ?

«[...]les aménagements demandés aujourd’hui ne relèvent plus des problématiques initiales

de la ville nouvelle (construction infrastructures, logements, équipements...) mais sont

relatives à des enjeux communs aux villes de région parisienne et notamment en

restructuration urbaine (comme le centre ville de Noisiel par exemple), ce qui montre bien

que même en fin d’aménagement, l’agglomération se tourne toujours vers l’EPA pour

aménager son territoire ».

Cette citation du directeur général adjoint en charge du pôle « développement » à EPA

Marne/EPA France est révélatrice de l’ambigüité du projet politique qui sous-tend le retour

au droit commun pour l’agglomération du Val Maubuée. Le premier argument d’une

émancipation de l’intercommunalité est fortement décrédibilisé par des raisons juridiques,

financières et plus que tout par l’exposé des relations cordiales entre l’EPA Marne et

l’agglomération. Il faut en fait y voir une manière de garder un outil d’aménagement tout

comme un outil de déresponsabilisation.

A titre d’exemple, hormis pour le cluster Descartes qui requiert d’office la présence de l’EPA

pour favoriser le développement de ce pôle d’excellence de la ville durable, l’agglomération

du Val Maubuée entreprend des opérations de restructuration urbaines soutenues par l’EPA

15

Annexes : entretien n°4

Page 37: Mémoire recherche - Master MISE

36

(co-maitrise d’ouvrage). Plusieurs de ces opérations peuvent être citées comme la

restructuration des centres villes de Noisiel (quartier du Luzard), de Lognes et de Torcy ou

encore le projet de réhabilitation des emprises de la D199 (projet d’autoroute abandonné au

centre du Val Maubuée). Le nombre de ces exemples et l’ampleur de ces projets montre

bien que l’agglomération est dépendante de l’EPA et ne souhaite pas vraiment se voir

amputé de ce formidable outil qu’il représente, ni finalement, mettre en place sa propre

politique de l’aménagement urbain.

Page 38: Mémoire recherche - Master MISE

37

Conclusion

Le retour au droit commun des agglomérations nouvelles constitue-t-il un réel virage dans

l’aménagement du territoire ?

Les villes nouvelles sont des objets originaux de l’aménagement du territoire au sens où,

comme nous avons pu le voir, la gouvernance de l’action publique en termes de création de

la ville résulte d’un processus complexe et que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en France.

L’analyse conduite tout au long de ce travail s’appuie fortement sur l’aspect historique,

permettant de constater les changements qui s’opèrent lors du retour au droit commun. Nous

pouvons ainsi de qualifier cette étape de transition et en mesurer les effets.

Nous avons pu mettre en avant dans la première partie que l’élaboration des villes nouvelle

constitue un projet relativement expérimental répondant à une situation particulière (forte

croissance de la région Ile-de-France). Ce chapitre montre aussi, par la restitution du

contexte du début des villes nouvelles, que les modalités de gouvernance de la ville nouvelle

ont subi des changements radicaux avec un amoindrissement progressif de la tutelle de

l’Etat. A ce stade de la réflexion, il semble logique de penser que la gouvernance sur ces

territoires particuliers se dirige vers une modification radicale du jeu d’acteurs avec, en point

d’orgue, la reprise en main de l’aménagement du territoire par le pouvoir local et notamment

par les intercommunalités des villes nouvelles.

Le second chapitre nous montre qu’en vérité, il n’existe pas de date unique correspondant

au changement de mode de gouvernance mais que selon les critères étudiés (techniques,

juridiques, financiers, politiques), les ruptures sont réparties dans le temps. Ainsi, la

légitimation technique intervient avec la mise en place des Syndicats d’Agglomération

Nouvelle (1983) par la restitution de compétences en matière d’aménagement, alors que la

véritable légitimation politique intervient avec la levée des zones d’Opération d’Intérêt

National et la dissolution des Etablissements Public d’Aménagement.

Le troisième chapitre s’attache à étudier un cas concret afin de voir si les conclusions

théoriques tirées lors des deux premières parties s’appliquent. Or le cas du Val Maubuée

constitue un cas à part, montrant que la réalisation des villes nouvelles ne suit pas un

schéma unique. En effet, le retour au droit commun pour le Syndicat d’Agglomération

Nouvelle du Val Maubuée ne correspond pas à la sortie du territoire en OIN, révélant par la

même occasion que cette transformation est le fruit du croisement entre de nombreuses

problématiques techniques et politiques. Notamment, le projet politique qui sous-tend le

retour au droit commun est ambigu. L’agglomération opère son retour au droit commun tout

en prolongeant le partenariat avec le pouvoir central nous menant à infirmer la pensée que

Page 39: Mémoire recherche - Master MISE

38

cette transformation constitue, pour l’agglomération du Val Maubuée, une reprise en main de

l’aménagement du territoire.

Page 40: Mémoire recherche - Master MISE

39

Bibliographie

Rapports :

Ministère des Transports, de l’Equipement du Tourisme et de la Mer (2001-2005),

Programme Interministériel d’Histoire et d’Evaluation des Villes Nouvelles françaises

Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France (2010), Rapport d’observations définitif sur

la gestion du Syndicat d’agglomération nouvelle du Val Maubuée.

Communauté d’Agglomération de Marne-la-Vallée/Val Maubuée, Rapport d’activité2012 de

la CA de Marne-le-Vallée/Val Maubuée

Communauté d’Agglomération de Marne-la-Vallée/Val Maubuée (2013), Recueil des actes

administratifs de la CA de Marne-la-Vallée/Val Maubuée.

Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne (1965)

Ministère des Transports et du Logement, V. Fouchier (2000), Les établissements publics

d’aménagement et les syndicats d’agglomération nouvelle. Pivôts institutionnels des villes

nouvelles.

Ouvrages :

J-P Brouant, J-P Lebreton, Gridauh (2005), Trente ans d'intercommunalité dans les villes

nouvelles : enquête sur la législation et ses pratiques, Cahier du GRIDAUH n°13-2005 Série

Histoire

Espaces et Sociétés n°119 (2004), Les villes nouvelles, 30 ans après.

L. Vadelorge (2006), Gouverner les villes nouvelles, Le Manuscrit, 2005

L. Vadelorge, Eléments pour une histoire des villes nouvelles, Le Manuscrit, 2004

Melin, Choay, 2000, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Presses universitaires

de France, Paris.

Page 41: Mémoire recherche - Master MISE

40

N. Haumont, B. Alowiecki, M. Munro, V. Szirmai (2000), Villes nouvelles et villes

traditionnelles : une comparaison international (p.24-36)

Claude Cottour, Une brève histoire de l’aménagement de Paris et sa région, DREIF/DUSD,

septembre 2008 (p.49-p.74).

Textes de lois :

Loi n° 70-610 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la création d'agglomérations nouvelles.

Loi n° 83-636 du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles.

Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la

coopération intercommunale.

Autres :

Evryagglo magazine n°25 (juillet-aout 2013)

Sources web :

www.iau-idf.fr

www.champs.parti-socialiste.fr

www.pensermlv.com/

www.legifrance.gouv.fr/

www.lesechos.fr/

www.collectivites-locales.gouv.fr

Page 42: Mémoire recherche - Master MISE

41

Annexes

Entretien n°1 : Bruno Malhey, Directeur Général de la Communauté d’Agglomération

de Marne-la-Vallée/Val Maubuée depuis le mois de septembre 2012.

Dans quel contexte général s’insère le passage de Syndicat d’Agglomération Nouvelle en

Communauté d’Agglomération pour l’agglomération du Val Maubuée ?

Le contexte est en définitive assez simple à expliquer. Etant donné que les villes nouvelles

sont le résultat de l’imposition aux collectivités locales d’un territoire en Opération d’Intérêt

National (territoire OIN), ce type d’aménagement a un début et une fin. Alors que

l’aménagement de la ville nouvelle sur le secteur du Val Maubuée tend à se finir,

l’agglomération retrouve un « rythme de croisière » dans son aménagement et sa

physionomie ne possède plus rien de spécifique comparé aux agglomérations : les enjeux à

traiter n’ont plus le caractère exceptionnel qui justifie l’existence d’un SAN, propre aux villes

nouvelles. Pour résumer, le principal enjeu est de faire revenir le territoire de la ville nouvelle

à un régime de droit commun qui est en fait le retour à un traitement législatif similaire aux

agglomérations françaises du même acabit.

Donc le retour du territoire au droit commun signifie la sortie de celui-ci de l’OIN ?

Non, ce sont deux choses séparées. Le maintient de l’OIN est relatif à l’existence de l’EPA

Marne : pas d’OIN sans EPA. En revanche, on peut dire que le retour au droit commun va

faciliter la sortie du territoire du Val Maubuée de l’OIN. A ce propos, une première tentative

avait été faite, en 2011/2012 mais avortée.

La décision du retour au droit commun découle donc d’une simple question d’appréciation de

l’avancement de l’aménagement du territoire ? N’y a-t-il pas eu d’autres éléments moteurs ?

Depuis 2010, la loi autorise le retour au droit commun sur simple demande de l’organe

délibérant du SAN – le conseil communautaire – et constatation de la fin de l’aménagement.

Cette raison reste la principale avancée que l’on pourrait qualifier d’ « officielle ». Mais il est

vrai qu’il existe un élément plus terre-à-terre, c’est l’aspect financier. Le SAN était trop

contributeur au FPIC (Fond de Péréquation Intercommunal et Communal), donc sous forme

de communauté d’agglomération, le Val Maubuée dégage une manne financière

supplémentaire.

Quels sont les changements majeurs auxquels se soumet l’agglomération avec ce retour au

droit commun ?

Page 43: Mémoire recherche - Master MISE

42

Financièrement, le principal point de changement est celui dont je viens de parler.

Juridiquement, on a à faire à une sorte de « statuquo » sur la redistribution des compétences

parce que les compétences historiquement attribuées au SAN correspondent, sauf une, à

celle qu’une communauté d’agglomération doit prendre sous sa tutelle.

Quelle est cette exception ?

Il s’agit de l’ex « service santé ». Aujourd’hui, le personnel a été en partie réaffecté au sein

du service qui s’occupe de la gestion des aires d’accueil pour les gens du voyage.

Quelles sont les perspectives pour l’agglomération du Val Maubuée, aujourd’hui en droit

commun ?

On pourrait dire que le retour au droit commun nous permet d’être prédisposé aux lois

susceptibles d’être votées concernant les agglomérations en région parisienne et visant à

regrouper les communes au sein d’agglomération comptant au minimum 250 000 habitants,

il me semble...

Entretien n°2 : Jean-Pierre Marchetti, ancien Directeur Général du SAN Val Maubuée

(jusqu’à septembre 2012).

Vous qui avez précédé de peu le changement de statut, pouvez vous me dire dans quel

contexte le SAN s’est transformé en CA?

Alors pour commencer, je crois qu’il faut revenir sur le contexte global de retour au droit

commun pour les villes nouvelles. En fait, il faut bien voir que le retour au droit commun est

différent pour chaque ville nouvelle. Pour le Val Maubuée il y a deux éléments prédominant,

il s’agit en fait du constat de la fin de l’opération initialement prévue et aussi la volonté des

élus de s’affranchir de l’Etat avec le préfet qui n’a plus de droit de regard sur les projets de

l’agglomération et du coup, le président peut signer en son nom... Et dernière chose, le

retour au droit commun équivaut à pouvoir participer à nouveau aux débats avec

l’Association des Maires de France alors que le statut spécifique et complexe des villes

nouvelles n’intéresse pas.

Comment expliquez-vous ce retour au droit commun plutôt tardif par rapport aux autres villes

nouvelles ?

L’aménagement de Marne-la-Vallée a commencé presque 10 ans après celui des autres

villes nouvelles – Evry en 1971 je crois alors que Marne-la-Vallée c’est 1977 ! Donc déjà, il y

Page 44: Mémoire recherche - Master MISE

43

a un décalage dans le temps normal. Ensuite, il y a eu une première tentative de

transformation en communauté d’Agglomération en 2012 mais qui a été avorté. Imaginez, le

premier courrier évoquant la Prévision de Fin d’Affaire (PFA) date de 2001, donc il faut aussi

prendre en compte que c’est une procédure assez lourde car il y a des conflits d’intérêts

entre le SAN et EPA Marne.

Quelles sont ces conflits d’intérêts dont vous parlez ?

Alors c’est là qu’on arrive dans les arcanes du retour au droit commun ! En fait il y a

plusieurs choses qui font que les relations entre SAN Val Maubuée et EPA sont

tumultueuses. La première c’est qu’au départ, le SAN souhaitait sortir du territoire OIN en

même temps que d’effectuer son retour au droit commun mais la réalité c’est que les

territoires de l’EPA Marne et du Val Maubuée ne correspondent pas, donc la chose est

impossible sans impacter les autres agglomérations de Marne-la-Vallée qui n’en sont pas

encore au stade du retour au droit commun.

Ensuite, il y a une question d’équilibre budgétaire pour l’EPA : les secteurs 1 et 3

(respectivement Noisy-le-Grand et le Val de Bussy) sont déficitaires alors que le Val

Maubuée ne l’est pas et a même rapporté beaucoup d’argent à l’EPA. Le point qui fâche

c’est que l’argent gagné sur la valorisation des terrains en ZAC par l’EPA sur le Val Maubuée

(au titre d’Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial) doit être reversé, en

partie, à l’agglomération qui accueil les ZAC : le Val Maubuée. Il s’agit en fait d’une somme

qui tourne autour des 100M d’euros...

C’est incroyable ! Mais comment se fait-il que le Val Maubuée ne puisse pas opérer son

retour au droit commun simplement en amputant une partie du territoire OIN ?

C’est justement pour ces questions d’équilibre budgétaire, parce que si le Val Maubuée sort

de l’OIN, l’EPA Marne ne possède plus les moyens de rééquilibrer son budget. Donc l’EPA

Marne a fait en sorte de freiner le départ du Val Maubuée. Cela ne veut pas pour autant dire,

qu’aujourd’hui, le Val Maubuée sort de l’OIN avec son retour au droit commun.

Cela signifie que les élus de l’agglomération se sont résignés à leur sort ?

Pas tout à fait, cela fait aussi parti des rapports ambigus entre l’EPA et l’agglomération. Il ne

faut pas se voiler la face : si l’agglomération s’assied sur une jolie somme, elle garde par

ailleurs son souffre-douleur politique. L’EPA finance les projets tout en étant la cible des

reproches en cas de problème, une position plutôt aisée pour l’agglomération. D’autre part,

cela a aussi laissé aussi le temps aux élus de se préparer au retour au droit commun au

sens ou ce que l’on entend souvent de leur part sur l’importance du retour à une

agglomération de projet constitue le « vœux pieux » masque en fait un projet politique assez

peu abouti.

Page 45: Mémoire recherche - Master MISE

44

Dans ce cas, quelles sont les perspectives du Val Maubuée en tant que communauté

d’Agglomération ?

A priori, le Val Maubuée se tourne vers les agglomérations voisines dans le cadre des

projets de lois qui visent à réunir les agglomérations parisiennes autour d’un seuil de

population d’environ 200 000 habitants. Mais cela pose aussi la problématique du

regroupement de ces territoires autour d’une seule administration et donc d’un seul président

d’agglomération ce qui pose des problèmes ici hors contexte mais qui ont leur importance.

Entretien n°3 : Pascal Mignon, directeur du cabinet de M. Paul Miguel, président de la

Communauté d’Agglomération de Marne-la-Vallée/Val Maubuée.

Y-a-t-il des blocages qui on empêché ce retour au droit commun ?

Normalement, la suppression d’un territoire en OIN se fait par l’intermédiaire d’un décret. A

Marne-la-Vallée, ce décret n’a pu être mis en œuvre sur le territoire du Val Maubuée pour

deux raisons. La première est bien connue, c’est la différence de vitesse d’aménagement

entre les secteurs 1 et 2 et les secteurs 3 et 4. La seconde raison est liée à la présence

d’Euro-Dysney. En fait, l’EPA Marne s’est doté d’une extension juridique permettant de

traiter avec la firme Dysney pour l’aménagement des territoires les plus à l’ Est (notamment

le secteur 4) de Marne-la-Vallée : EPA France. Donc depuis 1987, la structure est appelée

EPA Marne-EPA France et ne pouvait, avant 2010, se séparer d’une portion de son territoire

OIN du fait de la continuité de son activité.

Que se passe-t-il en 2010 ?

Comme je viens de le dire, le retour au droit commun pour le Val Maubuée était impossible

avant cette date car il nécessite un décret qui ne peut s’appliquer au cas de notre ville

nouvelle. En 2010, un amendement à la loi relative au renforcement et à la simplification de

la coopération intercommunale (Loi Chevenement) est ajouté, qui permet la transformation

de SAN en CA, sans sortie de l’OIN. En fait, pour la petite histoire, cet amendement est fait

« sur mesure » pour le Val Maubuée. Donc à partir de 2010, le retour au droit commun pour

le Val Maubuée devient possible mais sans sortie de l’OIN.

Comment est-ce possible ?

Le retour au droit commun signifie que l’EPA n’est plus l’aménageur principal sur les zones

d’urbanisation, donc les ZAC débutées au commencement de la construction. Par contre, il

reste propriétaire du foncier restant lui appartenant et donc l’aménageur légitime dans ce

Page 46: Mémoire recherche - Master MISE

45

cadre. Donc la suppression de l’OIN signifie la vente des terrains et la dissolution de la

structure EPA.

Si les élus du Val Maubuée ont pu obtenir un amendement pour leur cas particulier, c’est

que la volonté de revenir au droit commun est forte. Quel est le projet politique qui

accompagne le retour au droit commun du Val Maubuée ?

Historiquement, la volonté de revenir à un traitement de droit commun émane des élus avec

le constat que la ville nouvelle est achevée, en tout cas sur leur partie du territoire. Donc il y

a d’abord un aspect technique qui justifie l’inutilité de garder le territoire en OIN. Ensuite,

c’est vrai qu’il y a aussi une volonté politique de remettre la main sur la gouvernance locale.

C’est un geste symbolique, une manière de dire : « ce sont bien les élus du Val Maubuée qui

gouvernent et sont les responsable locaux ».

D’autre part, il faut aussi prendre en compte que la forme juridique du SAN ne confère en

définitive que peu de compétence à l’intercommunalité, en gros : l’aménagement et le

développement économique. Donc à partir de 1999 de nombreuses compétences ont été

transférée à l’agglomération, ce qui n’était pas pour plaire à toutes les communes (majorité

de gauche). Du coup, Croissy-Beaubourg et Emerainville (mairies de droite) se sont vu

retirées des compétences contre leur grès. Emerainville en particulier a réagi de manière

particulièrement virulente en attaquant le SAN sur ces transferts de compétences et était en

passe de gagner ses procès. Donc le retour au droit commun c’est aussi une manière de

garder la majorité de ces compétences chères aux élus car elles permettent de développer

une vrai politique territoriale (social, tourisme, environnement...) et non pas une politique

unique de l’aménagement. La principale structure sur la sellette était la mission locale qui est

un des outils principaux de mise en œuvre d’une politique sociale.

De quelle manière les élus du Val Maubuée voient l’avenir de l’EPA Marne ?

Les élus sont conscients que le retour au droit commun signifie, à terme, la disparition de

l’EPA Marne. Donc, autant le retour au droit commun leur procure « les pleins pouvoir sur le

territoire », autant l’EPA Marne reste un outil fantastique pour l’aménagement du territoire.

C’est une question qui est débattue en ce moment sur l’avenir de l’EPA. Le garder comme

outil pose la question de la forme que la structure prendra. Mais le supprimer pose la

question du rachat du foncier d’EPA Marne, ce qui est véritablement très couteux...

Page 47: Mémoire recherche - Master MISE

46

Entretien n°4 : M. Salem-Sermanet, directeur adjoint au développement, EPA

Marne/EPA France.

Comment expliquer vous que la transformation du SAN Val Maubuée en communauté

d’agglomération puisse se faire sans sortie du territoire en OIN ?

A mon sens, ce sont deux choses qui n’ont rien à voir. Le retour au droit commun est

significatif d’un rythme d’aménagement qui ne nécessite plus le statut d’exception de SAN.

En revanche, la présence de l’OIN est relative à la nécessité de la présence de l’Etat et

comme les secteurs 3 et 4 de Marne-la-Vallée sont encore en plein essor, notamment avec

les opérations en lien avec Eurodysney, l’EPA doit encore se maintenir.

Je comprends mais en quoi la présence de l’EPA est-elle indispensable sur les secteurs 1 et

2 si l’action de la structure se focalise sur les secteurs 3 et 4 ?

Justement, l’EPA a fini sa mission initiale sur les secteurs 1 et 2 mais avec le projet de

« Cluster Descartes » (pôle universitaire Descartes, pôle d’excellence sur la ville durable) sa

présence est indispensable vu l’envergure internationale du projet. D’autre part, il reste en

vérité une dernière ZAC à l’initiative de l’EPA Marne sur le Val Maubuée : la ZAC de

Lamirault. Mais elle ne compte pas dans la constatation du complet achèvement de

l’aménagement du Val Maubuée car elle chevauche la frontière des secteurs 2 et 3.

Si l’OIN est toujours présente, quels sont les changements du au retour au droit commun

pour le Val Maubuée en matière d’aménagement urbain ?

Le retour au droit commun reste toujours le signe de la fin d’aménagement du secteur par

rapport aux opérations initiales. En revanche, la présence de l’OIN signifie que les permis de

construire délivrés sont toujours délivrés au nom de l’EPA et la structure dispose d’un droit

d’obligation qui permet de réfuter un permis de construire en en imposant un autre.

Le retour au droit commun pour le Val Maubuée n’est donc pas le virage qui instaure la

reprise en main de l’aménagement urbain par les élus locaux ?

En vérité, la ville nouvelle de Marne-la-Vallée est élaborée autour de rapports de forces

fondamentalement différents des autres villes nouvelles, connues pour leur farouche

opposition aux EPA. Comme elle a été entamée plus tardivement, les erreurs du passée ont

été évitées et l’EPA à toujours fait en sorte d’élaboré les projets d’aménagement avec le

plein consentement des élus. Pour preuve de la confiance établie entre l’EPA et

l’agglomération : la majorité des permis de construire sont signés par la communauté

d’agglomération. Donc aujourd’hui, avec le retour au droit commun, on ne peut pas dire qu’il

y ait vraiment de changement dans les relations EPA-CA. Au contraire les aménagements

effectués par l’EPA Marne émanent d’une demande de la CA du Val Maubuée. De plus, les

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aménagements demandés aujourd’hui ne relèvent plus des problématiques initiales de la

ville nouvelle (construction infrastructures, logements, équipements...) mais sont relatives à

des enjeux communs aux villes de région parisienne et notamment en restructuration

urbaine (comme le centre ville de Noisiel par exemple), ce qui montre bien que même en fin

d’aménagement, l’agglomération se tourne toujours vers l’EPA pour aménager son territoire.