MÉMOIRE PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DE LA...

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________________________________________________________________________ Département des sciences fondamentales MÉMOIRE PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DE LA CONSULTATION PUBLIQUE SUR LE PROJET D’OLÉODUC ÉNERGIE EST Présenté à : M. David Tremblay M. Ian Segers M. Pierre-Luc Dessureault M. Olivier Riffon Par : Steeve Lavoie Marie-Claude Gauthier Frédéric Gagnon Stéphanie Girard Comme exigence partielle du cours Intervention en Éco-conseil (1ECC825) 30 avril 2015

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Département des sciences fondamentales

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DE LA

CONSULTATION PUBLIQUE SUR LE

PROJET D’OLÉODUC ÉNERGIE EST

Présenté à :

M. David Tremblay

M. Ian Segers

M. Pierre-Luc Dessureault

M. Olivier Riffon

Par :

Steeve Lavoie

Marie-Claude Gauthier

Frédéric Gagnon

Stéphanie Girard

Comme exigence partielle du cours

Intervention en Éco-conseil

(1ECC825)

30 avril 2015

2

Table des matières 1 Introduction ............................................................................................................................. 3

2 Contexte et problématiques .................................................................................................... 3

3 Principaux enjeux pour le Québec .......................................................................................... 7

3.1 Les risques ..................................................................................................................... 7

3.1.1 Économie ................................................................................................................ 7

3.1.2 Environnement........................................................................................................ 8

3.2 Acceptabilité sociale ...................................................................................................... 9

3.3 Une vision, une position : Renforcer la cohérence stratégique du Québec et

développer une approche éthique du développement durable ..................................... 11

4 Recommandations ................................................................................................................. 12

5 Références ............................................................................................................................. 14

Annexe 1 .................................................................................................................................... 16

Annexe 2 .................................................................................................................................... 23

Annexe 3 .................................................................................................................................... 27

Annexe 4 .................................................................................................................................... 29

3

1 Introduction

Les auteurs de ce mémoire participent actuellement à une formation sur les enjeux

énergétiques et en éco-conseil à la Chaire de recherche et d’interventions en éco-conseil de

l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Le projet Oléoduc Énergie Est (OÉE) est

présentement au centre d’importantes controverses socio-environnementales. Il toucherait 6

provinces, 155 communautés autochtones, des centaines de villes et des milliers de citoyens. Le

Québec est aussi touché par ce projet. Près de 9 régions administratives, plusieurs villes, 80

bassins hydrographiques distincts et 600 cours d’eau seront traversés par le pipeline. Les

répercussions de ce projet risquent d’être majeures en ce qui concerne, à la fois, les impacts

économiques, environnementaux et sociaux. De plus, plusieurs questionnements se posent au

Québec au sujet de ce projet interprovincial (décisions, Lois, BAPE…). Les auteurs de ce

document se sont penchés sur ces questions, souhaitent contribuer à la réflexion et à la fin du

document, se positionnent, à la lumière de la littérature consultée et des analyses menées. Les

explications relatives à cet avis sont détaillées dans les sections suivantes.

2 Contexte et problématiques

Le Canada est le 5e producteur de pétrole brut et ses réserves sont les 3e en importance dans

le monde (RNCAN 2015). Le pétrole des sables bitumineux (SB) représente 97% des réserves

canadiennes (CAPP 2015a). Il a engendré la plus grande part de l’augmentation de la production

ces dernières années (RNCAN 2015). L’offre de l’Ouest canadien nécessite des infrastructures de

transport pour croitre et approvisionner les marchés (CAPP, 2013). L’exploitation accrue des SB,

pourrait faire du Canada l’un des plus grands pays producteurs de pétrole au monde.

Le Projet d'oléoduc Énergie-Est vise la mise en place d’un oléoduc de 4400 km, soit la

conversion de 3000 km de gazoducs déjà fonctionnels et 1500 km de nouvelles canalisations

(TransCanada 2014c)(TransCanada 2014c). Il projette l’aménagement de 2 ports pétroliers

(Québec et New-Brunswick) et plusieurs installations complémentaires (TransCanada 2014c).

En exploitation, Énergie-Est transporterait ±1,1 million de barils/jour. Au Québec, Énergie-Est

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planifie de construire 693 km de nouvelles canalisations (Stantec Consulting Ltd 2014), un port,

11 stations de pompage, un terminal de 12 réservoirs de stockage et des stations de comptage au

point de livraison (Montréal et de Lévis). Le projet vise le chargement de 2 navires citernes par

semaine au Québec (Godbout 2015).

Selon TransCanada, Énergie-Est générerait une augmentation de 3,1$ milliards du PIB du

Québec lors de la construction (6 ans) et 2,7$ milliards lors de l’exploitation (20 ans). Il

rapporterait 749$ millions en recettes fiscales lors du développement et de la construction, et 1,2$

milliard lors de l’exploitation. Seule une partie des recettes fiscales serait versée au Québec,

puisque le partage serait fait avec le fédéral et les autres provinces (Vailles 2014).

TransCanada s’engagent à informer les communautés touchées et à les impliquer dans

toutes les étapes du projet. Elle promet l’appui pour la formation des travailleurs, des emplois à

court/long terme, le soutien financier aux communautés pour des études d’impacts, et

d’importantes compensations comme mesures de mitigation aux propriétaires de terrains ciblés

par le trajet (TransCanada 2014b). L’entreprise subventionne déjà des activités communautaires,

telle la pêche à Sainte-Anne-de-la-Pérade (Montembeaul 2014). Elle fait aussi diverses actions

(énergies renouvelables, compensations, études environnementales, sécurité, santé, etc.), qui lui

permettent de répondre en partie, aux exigences de développement durable (DD). Mais l’analyse

du projet avec la grille des 35 questions de la Chaire en éco-conseil indique que TransCanada ne

semble pas avoir une vision approfondie de ses actions de DD, qui ne sont pas articulées dans une

démarche cohérente de DD, prévoyant un mécanisme de suivi et de reddition de compte.

Les communautés autochtones sont partagées au sujet d’Énergie-Est. Certaines sont

d’avis qu’il s’agit d’une opportunité pour le développement et l’amélioration des services.

D’autres pensent que TransCanada veut les « acheter » avec des attraits financiers qui suscitent

l’accord des plus pauvres. Ils estiment que leurs inquiétudes quant aux impacts du projet sont

plus importantes que l’argent. Plusieurs dépendent des ressources de leur territoire (Robillard

2014) qui est aussi un héritage et un legs pour les générations futures. (Gouvernement du Québec

2011). La perception qu’il faut choisir entre l’économie et le territoire est interprétée comme le

déclin du mode de vie autochtone (Simon, Kanesatake et Mollen-Dupuis, Idle No More). Les

agriculteurs considèrent quant à eux les risques du projet, mais travaillent à en retirer le plus de

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bénéfices possibles puisque selon eux, le projet leur est imposé en vertu de l’article 73 de la loi

sur l’ONÉ (CQDE 2014).

Les risques de fuites et déversements d’oléoducs suscitent plusieurs inquiétudes en termes

d’impacts sur l’environnement, la santé et la sécurité. Les statistiques dénombrent +1000

accidents de fuites et/ou déversements d’hydrocarbures au Canada entre 2000 et 2012. Le taux

d’accidents a doublé durant cette décennie (CBC 2015). Près de 10,000 barils d’hydrocarbures

ont été déversés des oléoducs canadiens entre 2008 et 2014 (Office national de l'énergie 2015).

Depuis 15 ans, ±60 % des cas d’incidents d’oléoducs ou gazoducs ont été causés par la corrosion

à l’intérieur du pipeline (RNCAN 2012) Le bitume dilué appelé « dilbit » est un pétrole lourd

davantage susceptible de causer la corrosion dans les oléoducs. Lors d’un déversement, une partie

du dilbit coule au fond de l’eau et les diluants s’évaporent (CEPA 2013)

Énergie-Est prévoit traverser le fleuve St-Laurent, d’où 43% de la population québécoise

tire sont eau potable (Gerbet 2015). Le tracé franchira aussi +30 cours d’eau au Québec, dans des

secteurs jugés à risques. Les traversées des rivières Etchemin et Outaouais sont considérées

techniquement infaisables (Shields 2014b). Le St-Laurent recèle plus de 500 sites naturels

répertoriés et protégées. L’estuaire retient entre autres des orques, des bélugas qui sont menacés

d’extinction (±900 individus), et 9 autres espèces de mammifères marins incluant la baleine bleue

dont la population mondiale est de -5000 individus (Greenpeace Canada 2014). La contamination

des bassins versants et du fleuve constitue des risques importants pour les prises d’eau potable de

plusieurs villes dont Québec et Lévis (FQPPN 2013 et Shields 2014a) et pour les milieux de vie

de plusieurs espèces dont certaines endémiques. Le fleuve est un emblème au Québec, il suscite

un grand sentiment d’appartenance. Il constitue un lieu de recherche, d’observation, de sports et

de loisirs, de tourisme (+400,000/an), d’expression de la culture et de vie communautaire.

Le programme « Énergie canadienne responsable » représente un engagement de

l’industrie pétrolière pour l’amélioration continue (CAPP 2015c). Ressources Naturelles Canada

effectue aussi de nombreuses activités de recherches pour réduire les impacts de la production de

pétrole des SB. Malgré cela, les procédés ont toujours des impacts socio-environnementaux

considérables, notamment sur les cours d’eau, les forêts, la biodiversité et le climat (FQPPN 2013

et Greenpeace 2015). L’analyse de cycle de vie environnementale (Annexe 3) et sociale (Annexe

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4) expose plusieurs catégories d’impacts, plusieurs groupes sociaux impactés et plusieurs facteurs

d’impacts.

Entre 30 et 32 Mt CO2eq d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) seraient émises

chaque année au Canada pour produire le pétrole qui remplirait Énergie-Est. C’est un impact très

significatif, qui représente plus du total des émissions GES de 5 provinces, l’équivalent d’ajouter

7 millions de voitures sur les routes. Il s’agit ici des émissions en amont soit une portion

seulement des émissions totales, puisque tout le cycle de vie du pétrole brut comprend une part

très importante de GES en aval, pour le raffinage, le transport et la combustion. La production

des SB est la source d’émission dont la croissance est la plus rapide au Canada. La croissance que

l’oléoduc lui permettrait de faire serait suffisante pour annuler toutes les réductions que les autres

parties prenantes à l’économie canadienne projettent de faire au cours de la même période (Enrin

et Demerse 2014). Même si les changements technologiques ont engendrés des améliorations sur

les émissions de GES par baril, les projections de croissance des émissions de GES issues des SB

constituent la plus importante barrière à l’atteinte des cibles climatiques du Canada pour 2020

(Enrin et Demerse 2014).

Énergie Est suscite une controverse socio-environnementale opposant les tenants des

approches environnementaliste, écologiste et humaniste, qui dénoncent les risques à la santé, à

l’environnement et au système climatique, à ceux qui ont une approche économiciste du DD,

c’est-à-dire ceux qui font la promotion des bénéfices économiques et qui prône l’indépendance

énergétique. Le projet soulève aussi une controverse législative et réglementaire, notamment

concernant, la langue de la documentation, l’évaluation d’impact environnemental et les

mécanismes de consultation publique qui doivent être appliqués. Les tenants de l’approche

territoriale veulent exercer les lois et réglementations qui ont force exécutoire sur leur territoire

(le BAPE, pratiques ancestrales, conditions du Québec, etc.), tandis que les tenants de l’approche

économiciste et politique veulent adopter la voie la plus courte et s’en tenir exclusivement aux

obligations de compétences fédérales à travers l’Agence canadienne d’évaluation

environnementale (ACEE) et de l’Office National de l’Énergie (ONE). Une controverse sur le

type de leadership oppose aussi ceux qui ont une approche économiciste, qui font la promotion

d’un leadership de grand pays producteur de pétrole approvisionnant les marchés mondiaux, à

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ceux qui ont une approche environnementaliste, écologiste et humaniste qui prônent leur volonté

pour un leadership des énergies renouvelables et d’un système énergétique dé-carbonisé.

3 Principaux enjeux pour le Québec

3.1 Les risques

3.1.1 Économie

TransCanada souligne que le Québec profiterait de fortes retombées économiques grâce au

projet Oléoduc Énergie Est (TransCanada 2015). La compagnie avance également la création de

milliers d’emplois (TransCanada 2015) et une baisse du prix du pétrole à la pompe (Deloitte

2013). Par contre, lorsqu’on se penche sur ces propos, on s’aperçoit que, comme TransCanada est

une compagnie privée située en Alberta, c’est plutôt cette province qui obtiendra 70 % des

retombées économiques du projet (Équiterre 2015). Le Québec ne recevrait qu’une minime partie

des avantages économiques résiduels et ce, à court et à long terme.

En ce qui concerne les emplois, les 4000 emplois créés sont des équivalents temps plein

(calculé en heure). De plus, TransCanada considère, dans ce calcul, à la fois les emplois qui ne

concerneront que la phase de construction ainsi que plusieurs emplois indirects. Une firme privée

affirme que les emplois estimés lors de l’exploitation sont surestimés (Brigid et al. 2014). De

plus, la conversion du gazoduc en oléoduc entrainerait possiblement une perte de certains

emplois (Arsenault 2014).. En considérant que les investissements annuels de 1,3 milliards du

gouvernement du Québec dans le domaine du pétrole ne mènent qu’à la création de 2340 à 2860

emplois et que ce même montant investi dans les énergies propres pourrait en créer plus de

18 000 (Blue Green Canada 2012), les 200 emplois promis au Québec ne sont aucunement

intéressants.

De plus, contrairement à ce qu’avance la compagnie pétrolière, le prix de l’essence à la pompe

n’est pas influencé par l’exportation du pétrole canadien, mais reflète plutôt les tendances

mondiales du prix du baril (Brigid et al. 2014). L’approvisionnement à un coût moindre

profiterait aux raffineries plutôt qu’aux consommateurs (Brigid et al. 2014). Également, le projet

OÉE pourrait entraîner la hausse du coût du gaz naturel de près de 155 % pour certains clients, en

plus de fragiliser l’approvisionnement (Arsenault 2014).

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Les résultats de l’analyse de développement durable (DD) selon la grille d’analyse 35

questions de la chaire en éco-conseil (Annexe 1), indique que la dimension « économie » semble

affectée négativement par le projet. En effet, Oléoduc Énergie Est ne favorise pas ou peu les

changements dans les modes de production et de consommation. Il ne les rend ni plus viables ni

responsables. De plus, le projet ne contribue pas à l’amélioration de la valeur des ressources et

des biens transformés. Finalement, le projet ne permet pas clairement une juste redistribution des

retombées et des avantages sur l’ensemble du pays.

En ce qui concerne la construction d’un port au Québec, selon l’analyse multicritère (Annexe

2), comparant les différentes options de sites pour le port (Cacouna, Lévis-Est, Baie-des-Sables et

seulement Saint-John), la priorisation du port de Saint-John au Nouveau-Brunswick serait plus

avantageuse pour la compagnie TransCanada et pour le Québec. En effet, les dépenses seraient

moindres, car le port est déjà en place, cela ne nécessite donc pas davantage d’infrastructure. De

plus, le coût relié à la formation du personnel serait également diminué puisque le port de Saint-

John est déjà fonctionnel.

3.1.2 Environnement

Bien que, selon l’analyse de cycle de vie du projet (Annexe 3), l’oléoduc semble le transport

générant le moins d’impacts négatifs comparativement aux trains et aux camions, il n’en demeure

pas moins impactant. En effet, on souligne l’importance de l’occupation des terres par le pipeline

(4400 km, dont une nouvelle section de 1500 km), notamment de nombreuses terres de

communautés autochtones, de propriétaires fonciers et d’agriculteurs.

À la suite de l’analyse DD, la dimension « écologie » n’est pas ou très peu affectée. Par

contre, il faut souligner que cette analyse préliminaire prend en considération les actions futures

proposées par TransCanada. Bien que l’analyse ne situe pas cette dimension comme étant

affectées négativement, certaines questions présentent tout de même une priorité d’agir. En effet,

l’utilisation judicieuse de la ressource (le pétrole provenant de SB) n’est pas favorisée. Si la

compagnie ne ralentit pas le rythme d’extraction du pétrole, les réserves pour les générations

futures risquent d’être faibles et même de disparaître. Également, une des principales inquiétudes

des populations réside dans les risques importants de déversements (Lévesque 2015). Ceux-ci

seraient très polluants pour les écosystèmes et amèneraient à une dégradation de la biosphère

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(Greenpeace Canada 2014). De plus, les déversements sont inquiétants pour la santé des citoyens.

. Les diluants servant à liquéfier le pétrole brut sont un véritable cocktail de produits chimiques,

incluant des produits hautement dangereux tels que le benzène, le toluène, le l’HAP, etc. Ces

produits augmenteraient les risques de cancer, d’asthme et les problèmes hormonaux, ils

occasionneraient également des symptômes tels que le vertige, la nausée, etc. (Stanbury et al.

2010 et Équiterre 2015b) Enfin, il faut souligner la question de l’eau. Un déversement pourrait

priver des milliers de personnes d’eau potable et mettre la vie des communautés autochtones en

danger (Stanbury et al. 2010).

En ce qui a trait à la construction du port pétrolier au Québec, le choix de Cacouna est très

critiqué en raison des fortes répercussions qu’il pourrait avoir sur les communautés de bélugas

(Greenpeace Canada 2014). Comme mentionnée ci-haut, à la suite de l’analyse multicritère,

l’absence de port au Québec semble l’option la plus avantageuse puisque l’impact sur

l’environnement serait fortement diminué (peu d’impact sur la biodiversité, car le port est déjà

construit et fonctionnel).

3.2 Acceptabilité sociale

Aujourd’hui, il est plutôt rare qu’un projet d’ampleur ne soit autorisé sans que la question de

l’acceptabilité sociale ne soit soulevée. En effet, il s’agît maintenant d’un enjeu de premier ordre

à considérer pour l’évaluation de la faisabilité d’un projet donné. Dans le cadre du projet Oléoduc

Énergie Est de TransCanada, le positionnement de la population est très complexe et complique

de façon importante l’évaluation de l’acceptabilité sociale.

Si on observe les groupes qui sont en faveur du projet, on remarque que leurs arguments sont

en majeure partie centrés sur le développement économique (CPQ 2013; TransCanada 2014). En

se basant sur les résultats de l’analyse de développement durable du projet réalisée par l’équipe

(Annexe 1) et sur les analyses économiques de groupes externes à TransCanada, on remarque

toutefois que l’argument du développement économique n’est vraisemblablement pas applicable

au Québec (Le Conseil des Canadiens et al. 2014; Vailles 2014).

De plus, on remarque que la destinée du pétrole, qui sera majoritairement voué à l’exportation,

ne favorisera pas l’indépendance énergétique du Québec, un sujet qui est aussi au cœur des

débats. Pour atteindre l’indépendance énergétique, un territoire doit être en mesure de

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s’approvisionner à même ses ressources et avoir le contrôle de celles-ci (Déry 2008; Lanoue et

Mousseau 2014). Dans le cas du présent projet, l’exploitation du pétrole de l’Alberta et son

transport par TransCanada reste dans le domaine du privé, ce qui signifie que le Québec et le

Canada n’ont en aucun cas le contrôle sur la dite ressource.

D’autre part, on remarque que les gens se positionnant en faveur du projet sont généralement

ceux qui ont reçu ou qui recevront un dédommagement monétaire potentiellement important que

les impacts qu’ils subiront. C’est le cas entre-autre des propriétaires fonciers, qui obtiennent des

compensations monétaires qui risquent de dépasser les pertes engendrées par le projet (perte de

récolte temporaire, désagrément lors des inspections, risques, etc.).

Dans le cas des populations touchées directement et de façon importante par le projet, on

remarque que l’acceptabilité sociale est tout sauf présente. Par exemple, les projets de

construction d’un port pétrolier soulèvent d’importants mouvements de contestation. C’est le cas

pour l’ensemble des localisations proposées par TransCanada (Fournier 2015; Lemieux 2015;

WWF 2014). En effet, en se fiant aux résultats de l’analyse multicritère réalisée par l’équipe

(Annexe 2), on remarque que tous les scénarios impliquant la construction d’un nouveau port

n’obtiennent pas l’acceptabilité sociale des populations environnantes et du Québec en général.

On remarque donc une incohérence dans la position de la population en fonction des volets du

projet qui sont discutés.

En considérant les différentes positions par rapport au projet Oléoduc Énergie Est, on pourrait

résumer l’attitude des québécois par : « Oui du pétrole, mais pas dans ma cour ». En effet, on

remarque que les gens qui sont les plus susceptibles d’être impactés négativement par le projet se

positionnent fortement contre ce dernier alors que les gens ne subissant pas les impacts négatifs

mais bénéficiant de compensations monétaires se positionnent en faveur.

La vision du Québec par rapport à l’utilisation des hydrocarbures est aussi un facteur

important dans l’évaluation du projet et son acceptabilité. Depuis plusieurs années, le Québec a

décidé de concentrer son portefeuille énergétique sur la production d’hydroélectricité; une

énergie relativement propre et renouvelables (MDDEP 2012). Cette décision permet aujourd’hui

à la province d’entreprendre une vaste campagne de promotion de l’électrification des transports,

dans le but de sortir le Québec de la dépendance au pétrole (CAA Québec 2015; Gouvernement

du Québec 2015). L’accueil du projet par la population montre sa volonté à accomplir ce sevrage

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des combustibles fossiles. Ainsi, on remarque que l’idée à la base du projet de TransCanada ne

concorde pas avec la vision du Québec et, dans ce contexte, n’a donc que très peu de chances

d’être accepté socialement par la population.

3.3 Une vision, une position : Renforcer la cohérence stratégique du Québec et

développer une approche éthique du développement durable

En Amérique du Nord, les projets d’oléoducs se succèdent et animent le débat public.

Northern Gateway, Keystone XL et Énergie-Est sont des exemples probants de projets

d’oléoducs suscitant les préoccupations des populations canadiennes et américaines. Au Québec,

Énergie Est est au centre de plusieurs questionnements sur l’avenir de la province et sur son rôle

fondamental dans l’expansion des SB.

Bien entendu, les questions d’indépendance et de sécurité énergétiques sont des enjeux

importants dans la définition d’une vision stratégique en matière d’énergie. Toutefois, tel que

mentionné dans les sections précédentes, le projet Énergie Est est fondamentalement axé sur

l’exportation vers les marchés internationaux, il n’a pas pour objet de participer à la sécurité

énergétique du Québec.

La question qui se pose est donc : « Quelle vision stratégique le Québec devrait-il adopter en

matière d’énergie? ». En considérant que le pétrole est une ressource non-renouvelable, que

l’atteinte du pic pétrolier semble imminente, que le Québec est fort de son expérience en énergie

renouvelable (hydroélectricité), que les Québécois consomment du pétrole, et que le jour n’est

pas arrivé où ils pourront complètement s’en passer, il est justifié de se demander quelle place le

Québec veut donner au pétrole dans sa vision stratégique d’aujourd’hui pour un Québec de

demain.

Le rapport sur la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec « Maitriser notre avenir

énergétique pour le bénéfice économique, environnemental et social de tous » propose certaines

pistes d’actions basées notamment sur la maîtrise de l’énergie. Ce rapport fait ressortir clairement

que le principal défi énergétique du Québec n’est plus d’assurer la sécurité d’approvisionnement

mais de réduire la consommation d’hydrocarbures et d’axer sur une utilisation optimale des

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différentes formes d’énergies, le tout dans le respect des principes du développement durable

(Lanoue et Mousseau 2014).

D’autres part, le gouvernement du Québec a fait le choix de réduire sa dépendance au pétrole

dans son Plan d’action de développement durable 2008-2015 et dans son Plan d’action 2013-

2020 sur les changements climatiques (MDDEFP 2012; MDDEP 2012). Comment pourrait-il

maintenant justifier son implication dans l’accroissement de 34 à 39% du volume de production

des SB associé avec la mise en place d’Énergie Est, engendrant par le fait même une croissance

faramineuse des émissions de GES y étant associées (Enrin et Demerse 2014).

Il est clair que la collaboration du Québec dans le projet Énergie Est favoriserait l’exploitation

du pétrole des SB à court et à long terme. Elle favoriserait par le fait même l’approvisionnement

d’un marché déjà inondé par l’offre. Dans le cas contraire, le refus d’Énergie Est sur le territoire

québécois pourrait avoir des impacts favorables sur le développement des énergies vertes au

Québec, et conséquemment des impacts positifs sur l’économie (Brigid et al. 2014).

Depuis plusieurs années, les Québécois réclament plus de cohérence dans l’action

gouvernementale en matière d’énergie. La Commission sur les enjeux énergétiques a d’ailleurs

rapporté les propos des intervenants sur le manque de cohérence dans les politiques

gouvernementales, les programmes, les subventions, les règlements et les décisions en matière

d’énergie depuis plusieurs décennies (Lanoue et Mousseau 2014).

Il est donc temps de s’assurer que les discours concordent avec les actions. Sur le dossier

d’Énergie Est, le Québec doit donc se positionner pour s’assurer de la cohérence entre sa vision

d’un développement durable et d’un leadership en matière d’actions climat.

4 Recommandations

En considérant les différents points apportés dans le présent mémoire, l’équipe de travail se

positionne contre le projet Oléoduc Énergie Est principalement parce que : 1) le projet ne

s’inscrit pas dans une démarche de développement durable cohérente et efficiente; 2) la relation

risques/bénéfices n’est pas satisfaisante pour le Québec car le niveau de risques est bien trop

élevé comparativement aux bénéfices que le projet pourrait engendrer; 3) le projet ne cadre pas

avec les politiques, stratégies et plans d’actions développés et mis en œuvre par le Québec en

matière d’énergie, d’environnement et d’action climatique.

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Il est toutefois possible d’apporter certaines pistes de solutions sur la question plus générale de

l’utilisation des combustibles fossiles provenant des SB de l’Alberta. En effet, la position de

l’équipe se structure aussi autour d’une idéologie concrète et réalisable par rapport à l’avenir

énergétique du Québec.

Dans un premier temps, il semble nécessaire de conserver les ressources pétrolières actuelles

pour les générations futures. La grande incertitude par rapport à l’état des ressources pétrolières

mondiales est actuellement à l’origine de tensions géopolitiques majeurs qui risquent de

s’accroître dans le futur. De plus, les débats autour du concept de pic pétrolier font ressortir la

crainte d’un épuisement à court terme de cette ressource non-renouvelable. L’augmentation de

production qu’entrainera le projet Énergie Est et qui sera en majorité vouée à l’exportation va

donc à l’encontre de cet enjeu de conservation des ressources pour les générations futures.

Ceci dit, il est primordial de définir clairement les objectifs du Québec dans sa transition

énergétique vers des alternatives carboneutres et d’engager cette transition avant d’envisager de

contribuer à un projet favorisant la croissance soutenue de l’exploitation du pétrole des SB. En

effet, il est probable que cette transition énergétique n’exclue pas l’utilisation du pétrole, mais la

place de cette ressource dans le futur portefeuille énergétique du Québec doit être clairement

définie avant d’entreprendre ou d’accepter des projets d’une telle ampleur.

Dans cette optique, il semble primordial que les provinces expriment et fassent valoir leurs

positions au gouvernement fédéral pour qu’il prenne en considération les différents points du vue

des provinces touchées par des projets énergétiques soulevant d’importantes controverses. La

vision du Québec sur l’utilisation des hydrocarbures devrait donc être intégrée dans la réflexion

du projet Énergie Est et évaluée au même titre que les intérêts fédéraux. Bref, le gouvernement

fédéral devrait être dans l’obligation d’obtenir l’acceptation de toutes les provinces touchées dans

le cadre de projets affectant de manière aussi importante leurs valeurs sociales,

environnementales, économiques et politiques.

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5 Références

Arsenault, J. 2014. L'actuel projet Énergie Est serait néfaste pour le Québec, selon Gaz Métro. Le

Devoir: p.

Blue Green Canada. 2012. More Bang for Our Buck : How Canada Can Create More Energy

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initiative ayant des retombées économiques positives pour le Québec, estime le Conseil

du patronat. Lien: https://www.cpq.qc.ca/salle-de-presse/communiques-de-presse/annee-

2013/projet-oleoduc-energie-transcanada [Page consultée le 3 février 2015].

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de TransCanada 45 p.

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l'environnement et du développement durable (CREDD), Groupe de recherches

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16

Annexe 1

1 Introduction

En mars 2014, la compagnie TransCanada déposa la première version du projet Oléoduc

Énergie Est à l’Office National de l’Énergie (ONÉ). Il s’agit de la mise en place d’un pipeline de

4 600 Km qui permettra le transport du pétrole provenant de l’extraction des sables bitumineux

de l’Alberta vers l’Est du Canada. Ce projet, passant par 6 provinces, des milliers de villes et de

cours d’eau, est actuellement au centre de plusieurs questionnements.

Ce document présente les résultats d’une analyse de développement durable (DD) du projet

Oléoduc Énergie Est dans le contexte du cours 1ECC825 - Intervention en éco-conseil. Puisque

ce projet est présentement en processus de planification, de documentation et d’études, son

évaluation est basée sur la documentation actuelle disponible, les discours rapportés ainsi que sur

les études réalisées. Il s’agit donc d’une analyse préliminaire prenant en compte les actions

présentes et futures énoncées par la compagnie TransCanada. De plus, en raison de l’ampleur de

ce projet, certaines barrières ont été fixées afin de limiter l’analyse DD de l’étape de l’extraction

à la construction des ports pétroliers avec une prédominance sur l’oléoduc.

2 Méthodologie

Le comité responsable de l’analyse DD du présent projet était composé de Marie-Claude

Gauthier, Steeve Lavoie, Frédéric Gagnon et Stéphanie Girard. Les membres du comité ont

préalablement reçu une courte formation sur l’utilisation de la grille d’analyse des 35 questions

par l’équipe de la Chaire en éco-conseil. Par la suite, chacun des membres a pris connaissance

des 6 dimensions, des 35 questions correspondantes ainsi que des actions actuelles et futures. Le

groupe s’est ensuite réuni le 3 avril 2015 afin de réaliser l’analyse DD. Comme l’ensemble de

l’équipe était bien préparé, toutes les dimensions ont été pondérées ainsi qu’évaluées en groupe.

Afin que l’analyse se déroule de manière ordonnée et consensuelle, une personne fut responsable

de remplir la grille, une seconde de s’assurer de la pertinence des discussions et les deux derniers

17

membres, de la documentation utilisée. Le point de vue de chacun a été pris en compte, et

lorsqu’il y avait des désaccords, les questions étaient discutées plus longuement.

3 Résultats de l’analyse DD

Le graphique de performance de l’analyse DD du projet Énergie Est avec la grille des 35

questions de la chaire en éco-conseil sont présentés à la figure 1. Les résultats relatifs à la

dimension économie, avec un indicateur de performance de -0,26, se retrouvent sous le seuil de -

0,2, ce qui indique que la dimension est affectée négativement par le projet. Les dimensions

éthique, écologie, social, culturelle et gouvernance se situe entre -0,15 et 0,00, ce qui fait le classe

comme faiblement affectées par le projet.

L’analyse de DD du projet avec la grille des 35 questions de la chaire en éco-conseil a aussi

permis de mettre en évidence certains secteurs du projet Énergie Est qui sont des priorités

immédiates. Ceux-ci sont identifiés selon deux indicateurs, soit réagir ou agir. À chacune de ces

priorités, des pistes de bonification ont été ajoutées afin de faciliter la mise en place d’actions

concrètes et d’augmenter la performance du projet dans ces dimensions. Les résultats de cet

Figure 1. Graphique de performance résultant de l’utilisation de la grille d'analyse des 35

questions du développement durable (DD) de la chaire en éco-conseil pour le projet Énergie

Est comprenant les dimensions éthique, écologique, social, économique, culturelle et

gouvernance. Les résultats obtenus représentent une appréciation qualitative de la

performance du projet dans les différentes dimensions, où un résultat de -1 indique une

dimension affectée très négativement par le projet alors qu’un résultat de 1 indique une

dimension affectée très positivement par le projet.

18

exercice sont présentés dans le tableau 1.

19

Tableau 1. Pistes de bonification pour les questions des dimensions éthique, écologique et

sociale, économique, culturelle et gouvernance qui sont classées comme les plus prioritaires

(réagir et agir).

Dimensions Questions Pistes de bonification Priorité

Éthique

Favoriser la réduction de la pauvreté en

s'occupant du sort des plus démunis, pour

satisfaire aux besoins du plus grand nombre.

Avoir une meilleure connaissance des

communautés touchées pour mettre en place des

mécanismes de gestion responsable des

compensations.

Agir

Favorise la solidarité, l'engagement et

l'assistance mutuelle entre des personnes ou des

groupes.

Adapter les interventions aux besoins des

communautés. Agir

Favorise l'identification de valeurs communes et

permet d'orienter l'action avec ces valeurs.

Identifier clairement les valeurs

organisationnelles et de s'assurer de la

cohérence du projet avec ces valeurs.

Réagir

Écologique

Favorise une utilisation judicieuse et rationnelle

des ressources non renouvelables en tenant

compte de leur caractère irremplaçable.

Ralentir le rythme d'extraction du pétrole des

sables bitumineux pour maintenir les réserves

pour les générations futures et mettre en place

un fond pour les générations futures.

Réagir

Limite les quantités de pollutions ou de déchets

rejetés dans les écosystèmes.

Prendre en compte le cycle de vie complet de la

ressource et favoriser le partenariat avec des

compagnies responsables.

Réagir

Limite les rejets de polluants affectant

globalement la biosphère.

Minimiser et compenser leurs émissions de

GES; Partenariat responsable. Réagir

Sociale

Favorise une amélioration de l'état de santé

général des populations.

Acquérir des informations sur l'impact de leurs

activités sur la santé des populations et mettre

en place des mesures pour les contrer.

Réagir

Limite les facteurs susceptibles de représenter

des dangers pour la personne (criminalité,

accidents, conditions de travail, milieu de vie,

mobilité, alimentation, etc.).

Acquérir des informations sur les dangers pour

la personne et mettre en place des mesures pour

les contrer. Réagir

Économique

Favorise des changements dans les modes de

production et de consommation en vue de les

rendre plus viables et plus responsables sur les

plans social et environnemental.

Favoriser le développement d'un pétrole

responsable et sensibiliser sur la consommation

du pétrole. Réagir

Permet d’améliorer la valeur des ressources et

des biens qu’elle contribue à transformer.

Mieux tenir compte de l'impact de leur apport

que le pétrole a sur le marché. Réagir

Permet une juste redistribution de

l'augmentation des richesses et des avantages

pour le plus grand nombre.

Restructuration des redevances.

Réagir

Culturelle

Développe un environnement structuré qui

soutient les activités créatives culturelles.

Mesurer les impacts du projet sur la dimension

culturelle des communautés et assurer la

cohérence de leurs actions.

Agir

Gouvernance

Favorise l’utilisation d’outils et de processus qui

permettent à l’organisation de prendre de

meilleures décisions, de concevoir de meilleurs

politiques, stratégies, programmes ou projets et

d’améliorer leurs pratiques de gestion en

matière de développement durable.

Utiliser les outils de développement durable

disponibles et informer les gens sur les pratiques

de gestion. Réagir

Prévoit des mécanismes de suivi et d’évaluation

de la prise en compte du développement

durable.

Énoncer clairement la stratégie, les objectifs et

les actions du développement durable et mettre

en place le suivi.

Réagir

20

L’analyse a fait ressortir trois points forts. Il y tout d’abord, la compensation financière qui

permet aux personnes touchées par le projet d’être dédommagé à l’aide d’argent ou le

réaménagement d’un terrain endommagé par la construction de l’oléoduc. TransCanada investie

aussi beaucoup d’agent dans la recherche et développement de nouveaux systèmes de sécurité.

Finalement, TransCanada ont bien saupoudré les six dimensions du développement durable.

4 Discussion

L’analyse des résultats fait ressortir le fait que cinq des six dimensions du DD, à savoir les

dimensions éthique, écologique, sociale, culturelle et gouvernance, sont faiblement affectées par

le projet. Une seule des dimensions, soit l’économique, affecte négativement le projet. En outre, à

part la dimension culturelle qui obtient un résultat de 0, toutes les autres dimensions se retrouvent

en dessous de 0. Tenant compte que le seuil minimum pour qu’un projet puisse potentiellement

s’inscrire dans une démarche DD est de -0,2 pour l’ensemble des six composantes, le projet

d’oléoduc Énergie-Est ne semble pas suivre une démarche de DD. En effet, il n’apporte aucun

avantage significatif à la société canadienne en termes de DD.

Alors que TransCanada fonde la majorité de son argumentaire sur les avantages économiques

de son projet d’oléoduc (investissements, création d’emplois, croissance économique, soutien aux

collectivités, baisse des coûts de l’essence/pétrole, etc.), cette dimension est celle qui obtient le

plus faible résultat lors de l’analyse DD. Elle est aussi la seule qui affecte négativement le projet.

Il faut toutefois prendre en compte que la dimension économique du DD, telle que présentée dans

la grille utilisée, est différente de la vision économique néo-libérale généralement répandue, et

dans laquelle s’inscrivent les actions et positions de TransCanada. Par exemple, le projet ne

favorise pas de changements dans les modes de production et de consommation afin de les rendre

plus viables et plus responsables sur le plan social et environnemental. Il en est de même pour la

redistribution de la richesse. Il faut toutefois souligner que ce même projet serait fort

probablement très différent si l’industrie du pétrole était nationalisée au Canada, tel que c’est le

cas dans plusieurs pays producteurs de pétrole.

Rapproche le pouvoir d’action et de décision

des personnes et des collectivités les plus

concernées.

Décentraliser certaines prises de décisions et

donner un pouvoir d'action aux services

d'urgence locaux.

Agir

21

Par ailleurs, les résultats permettent de mieux saisir la stratégie de TransCanada pour favoriser

l’acceptabilité et la mise en œuvre de son projet. Concrètement, l’entreprise fait des actions de

diverses natures (investissements dans les énergies renouvelables, compensations, études

environnementales, système de sécurité, santé et sécurité, etc.). Cette stratégie, c'est-à-dire de

disperser entre un grand nombre ou mettre un peu en divers endroits, se nomme saupoudrage.

Ainsi, le projet atteint en partie certaines exigences de DD, puisque cinq des six dimensions sont

supérieures au seuil de -0,2, alors qu’une bonne démarche de DD devrait atteindre ce résultat

dans l’ensemble des catégories. Cette stratégie permet à TransCanada de répondre à plusieurs

enjeux ou questions que suscite le DD, même si l’entreprise ne semble pas avoir une vision

approfondie, large et cohérente de ses actions, articulée dans une démarche concrète de DD, qui

devrait prévoir un mécanisme de suivi et d’évaluation (reddition de compte en DD).

La stratégie de saupoudrage est encore plus évidente lorsqu’on s’attarde aux résultats des

priorités d’actions pour bonifier le projet. L’analyse fait ressortir 11 points sur lesquels

TransCanada devrait « Réagir » et 4 où elle devrait « Agir », ce qui représente au total 15 actions

importantes à court terme dans l’optique de bonifier leur démarche de DD. Ces résultats

démontrent bien que les actions réalisées ou planifiées à ce jour ne sont pas assez consistantes.

Ceci étant dit, la stratégie de saupoudrage de TransCanada est l’un des principaux points forts

de l’entreprise en matière de DD, puisqu’elle permet de cumuler des points et/ou des avis

favorables, donc de bonifier l’évaluation de chaque dimension et, ainsi, d’améliorer la

performance générale du projet. Malheureusement, les actions posées ne permettent pas à

l’entreprise de se démarquer ou de faire preuve d’innovation et de leadership en matière de

développement durable et responsable dans le domaine de l’énergie.

L’analyse DD du projet Énergie-Est cadre parfaitement avec l’analyse typologique de

TransCanada qui met en œuvre une approche clairement économiciste avec une stratégie

descendante, qui s’inscrit dans un cadre plutôt prescriptif. Par exemple, TransCanada est tenue de

respecter plusieurs lois et réglementations environnementales. Le respect de ces exigences génère

une évaluation relativement positive en matière de DD. De même, certaines mesures comme

l’efficacité énergétique ou la minimisation des risques, constituent des avantages économiques

autant pour l’entreprise que pour sa performance générale en matière de DD.

22

5 Conclusion

En somme, l’évaluation de la démarche de DD du projet d’oléoduc Énergie Est avec la grille

des 35 questions de la chaire en éco-conseil montre que la stratégie utilisée par TransCanada ne

s’insère pas dans une optique de DD. En effet, même si cinq des six dimensions obtiennent des

résultats suffisants pour supposer une certaine démarche de DD, aucune de ces dimensions n’est

affectée positivement par le projet. Au final, la dimension économique, qui est l’élément central

du discours de l’entreprise, obtient le résultat le plus faible. Dans l’ensemble, le simple respect de

la réglementation canadienne semble suffisant pour placer l’entreprise dans une telle position. On

n’observe donc pas de volonté marquée de la part de TransCanada d’aller au-delà du cours

normal des affaires en mettant en place une démarche de DD complète et innovatrice. Il est

impératif que l’entreprise mette en place rapidement des actions concrètes, en se basant sur les

pistes de bonification du tableau 1, afin d’inscrire leur projet dans une démarche claire et

dynamique de développement durable.

23

Annexe 2

1 Mise en contexte

En Alberta, l’exploitation des sables bitumineux est une activité économique de première

importance. Cependant, la position géographique de cette province rend difficile de transport et

l’exportation de cette ressource, qui doit se faire par train ou par camion-citerne.

Pour faciliter le transport et pour permettre un accès au marché international, la compagnie

TransCanada a proposé, en 2014, le projet Oléoduc Énergie Est. Ce projet vise à transporter 1,1

millions de barils de pétrole par jour vers la côte est du Canada afin d’avoir accès à un transport

maritime.

Pour ce faire, un oléoduc de plus de 4500 km devra traverser le Canada jusqu’au Nouveau-

Brunswick, où le port de Saint John permettrait le transbordement du pétrole. Cependant, la forte

capacité de transport de l’oléoduc permet de proposer la mise en place d’un nouveau port

pétrolier au Québec.

Afin de déterminer l’emplacement le plus avantageux, parmi ceux proposés par TransCanada,

une analyse multicritère a été réalisée à l’aide du logiciel Promethee GAIA.

2 Analyse multicritère

2.1 Critères d’analyse

L’analyse effectuée se base sur cinq critères qui ont été sélectionnés par le comité responsable

en fonction des différents enjeux entourant la construction d’un port pétrolier.

Le premier critère est le coût total prévu des installations portuaires et de la portion d’oléoduc

supplémentaire nécessaire à relier ce port à la canalisation principale. En raison du caractère

approximatif et de l’importance des coûts de chaque projet, un seuil d’indifférence a été fixé à

300 millions. De plus, le poids de ce critère a été fixé à 0,30 puisqu’il s’agît d’un projet dont la

rentabilité prévue permet d’absorber facilement des coûts d’une telle ampleur.

Le second critère est l’impact de chacun des scénarios sur la biodiversité marine. Ce critère est

évalué selon l’échelle suivante :

24

1. Projet comportant peu ou aucun risque pour la biodiversité

2. Projet comportant des risques modérés pour la biodiversité

3. Projet comportant des risques importants pour biodiversité

4. Projet comportant des risques très importants pour la biodiversité

5. Projet comportant des risques très importants pour la biodiversité incluant des espèces à

statut précaire

Le poids de ce critère a été fixé à 1,00 en raison de l’importance des débats sociaux relatifs aux

impacts de la présence de ports pétroliers sur la biodiversité.

Le troisième critère représente le niveau d’acceptabilité sociale. Les données relatives à ce

critère se basent sur les sondages et les consultations de la population qui ont été fait jusqu’à

maintenant. Puisqu’il s’agît d’un pourcentage de la population et qu’il est essentiel de bien

nuancer les positions, un seuil de préférence a été fixé à 0,50 (50%). Le poids de ce critère a été

fixé à 1,00 puisque l’approbation de la société est primordiale lors de la réalisation d’un projet de

cette ampleur.

Le quatrième critère est la capacité de chargement de chacun des scénarios. Cette valeur

n’inclus pas la capacité de stockage de pétrole en attente du transbordement. Le poids a été fixé à

0,50 puisqu’un premier tri a déjà été réalisé avant la proposition des quatre scénarios présents.

Les emplacements proposés dans cette analyse répondent donc tous aux exigences de

TransCanada en ce qui a trait à la capacité de chargement.

Le cinquième critère est le nombre d’emplois créés pour la période d’exploitation du port.

Cette valeur n’inclus pas les emplois créés lors de la phase de construction. Le poids a été fixé à

0,80 puisqu’il s’agît de retombées qui seront maintenues à long terme et qui touchent directement

les communautés potentiellement impactées.

2.2 Scénarios

Les quatre scénarios proposés sont les différentes avenues actuellement étudiées ou qui ont été

étudiées par TransCanada. Il s’agît donc de projets réalisables selon les critères techniques de la

compagnie.

Le premier scénario est le rachat du port de Gros-Cacouna situé à Cacouna dans la région du

Bas-Saint-Laurent.

25

Le second scénario est la construction d’un nouveau port pétrolier à Baie-des-Sables dans la

municipalité de La Matanie dans la région du Bas-Saint-Laurent.

Le troisième scénario consiste en la construction d’un nouveau port pétrolier dans la région de

Lévis-Est, près de l’actuelle raffinerie d’Ultramar.

Le quatrième scénario consiste en l’absence de port pétrolier en territoire québécois. En effet,

dans cette alternative, l’ensemble du pétrole est dirigé vers le port pétrolier de Saint John, au

Nouveau-Brunswick.

Les quatre scénarios ainsi que les différents critères d’évaluation sont présentés dans le tableau

1. Les informations relatives à la pondération des critères et aux seuils sont aussi comprises dans

ce tableau.

Tableau 2. Modèle utilisé pour l'analyse multicritère par rapport à la construction d'un

port pétrolier relativement au projet Oléoduc Énergie Est de TransCanada. Les différents

scénarios proposés ainsi que leur évaluation pour chacun des critères sélectionnés est

présenté dans la partie inférieure du tableau.

26

2.3 Résultats

L’évaluation de chacun des scénarios proposés par le logiciel Promethee GAIA selon les

critères et les seuils fixés par le comité responsable est présentée dans le tableau 2. Le flux total

(Phi) a été utilisé pour déterminer le meilleur emplacement.

Tableau 3. Résultats de l'analyse multicritère pour l'emplacement du port pétrolier relativement

au projet Oléoduc Énergie Est de TransCanada

Rang Scénario Phi Phi+ Phi-

1 Saint John 0,2407 0,6019 0,3611

2 Lévis-Est 0,0852 0,3352 0,2500

3 Baie-des-Sables -0,0352 0,2889 0,3241

4 Cacouna -0,2907 0,1481 0,4389

Les résultats obtenus grâce à l’analyse multicritère placent l’absence de port pétrolier au

Québec comme la meilleure solution pour le projet Oléoduc Énergie Est. Il serait donc plus

avantageux pour la population du Québec et pour TransCanada de favoriser l’utilisation du port

de Saint John, au Nouveau-Brunswick, plutôt que de construire un nouveau port au Québec.

27

Annexe 3

3 Annexe 3

Figure 2. Schéma général de l'analyse de cycle de vie de l'exportation du pétrole des sables bitumineux de l'Alberta vers le

marché international. Le schéma inclus trois scénarios de transport différents qui sont décrits plus précisément dans figure 3.

28

Figure 3. Schéma de l'analyse de cycle de vie des différents scénarios de transport pour l'exportation du pétrole des sables

bitumineux de l'Alberta

29

Annexe 4

Tableau 4. Analyse de cycle de vie sociale de l'exportation du pétrole des sables bitumineux de

l'Alberta vers le marché international

Analyse de cycle de vie sociale Parties prenantes Facteurs (indicateurs)

Travailleurs

Alberta Salaire & avantages sociaux

Autochtones Santé et sécurité

Autres provinces/pays Liberté d'association/négociations

Équité & égalité des chances

Compétences

Nombre de personnes/emplois

Gouvernement

Fédéral Infrastructures publiques (nouveaux besoins/coûts)

Provinciaux Redevances (%, gestion, fins/utilisations)

Municipaux Développement économique & technologique

Conseils de bande Prévention/médiation conflits

Étrangers (par ex. USA) Corruption/Collusion

Transparence (revenus/redevances)

Criminalité (sécurité) & prostitution

Fournisseurs

Vendeurs de pneus Transparence

Autres sous-contractants Équité dans les contrats

Énergie Corruption/Collusion

Saine concurrence

Responsabilité sociale

Respect des droits (contractuel, prop. Intellectuelle…)

Santé et sécurité

Revenus

Population locale

Autochtones Emplois & revenus

Fermiers Territoire (patrimoine, foncier, activités, etc.)

Villes/Villages à proximité Délocalisation/Migration

Associations Valorisation de la ressources (sur place)

Comités Redistribution de la richesse avec les plus pauvres

ONG Accès aux ressources matérielles/immatérielles

OSBL Habitation & logement (accès/coût)

Services publiques (accès/coûts)

Patrimoine & héritage culturel

Conditions de vie saine et sûre

Respect des droits

Criminalité (sécurité) & prostitution

Maintien/épuisement des ress. : Générations futures

Consommateurs Entreprises industrielles Santé & sécurité

Rafineries Transparence

Responsabilité en fin de vie

Industrie TransCanada Saine concurrence

Compétiteurs Responsabilité sociale

Associations de producteurs Santé et sécurité

Compétitivité sur les marchés

Transparence

Respect des droits (permis d'exploitation, etc.)

Revenus d'entreprise & aux actionnaires Relations (travailleurs, gouv., fournisseurs, clients)

30

4 Annexe 4

5