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Cabinet LEBLEU LEBLANC MONROUGE
Avocats à la Cour
7 Avenue Franklin Delano Roosevelt
75008 PARIS
MEMOIRE EN DEMANDE
MEMOIRE INTRODUCTIF – DEMANDE D’ARBITRAGE PAR-DEVANT LE
CMAP
POUR :
La Société PIERPOL, Société Anonyme, dont le siège social est sis Route du Golf – 35400
SAINT MALO, FRANCE,
Ci-après dénommée « Société PIERPOL »,
DEMANDERESSE,
Ayant pour Avocat Maître Juste LEBLANC, Avocat associé du Cabinet LEBLEU LEBLANC
MONROUGE, situé 7 avenue Franklin Delano Roosevelt – 75008 PARIS, France ;
CONTRE :
La Société JACK MOTORS, Société Anonyme de droit belge au capital de 3.500.000 euros,
dont le siège social est situé sis Generaal Lemanstraat 47, 2018 ANTWERPEN (ANVERS),
BELGIQUE,
Ci-après, dénommée « Société JACK MOTORS »,
DEFENDERESSE,
N’ayant pas encore constitué avocat ;
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TABLE DES MATIERES
PROPOS LIMINAIRE : BREVE PRESENTATION DE LA SOCIETE PIERPOL ...... 4
I. RAPPEL DES FAITS ……..……………………….………………………….... 5
II. DISCUSSION …………………...…………………………………………….… 7
1) Sur la qualification des éléments contractuels en cause ……..…………………… 7
2) Sur la compétence du Tribunal arbitral….…………………………………………8
a) Le Tribunal arbitral se prononcera sur sa compétence
b) Le Tribunal arbitral déclarera la clause compromissoire valide
c) Le Tribunal arbitral déclarera applicable la clause à l'ensemble des
contrats-cadre
d) Le Tribunal arbitral reconnaîtra la primauté des contrats de concession
sur les CGV
3) Sur la loi applicable………………………………………………………..………...12
a) L'inapplicabilité de la Convention de Vienne aux contrats-cadre
b) l'application du droit français eb vertu des règles de conflit de loi du
siège de l'arbitrage
4) Sur les remises pour l'exercice 2012 ……………………………………………… 15
a) Sur la notion de remise
b) Sur l’absence de lien entre la réalisation de prétendus objectifs et
l’attribution des remises p16
c) Sur l’absence de lien entre l’oubli de mention des remises dans le
contrat-cadre 2012 et un refus d’attribution p18
5) Sur les remises pour les tarifs 2014 ………………………………………………..21
a) Sur l’existence de remises pour l’exercice 2014
b) Sur l’absence d’attribution desdites remises
6) Sur les retards de livraison …………………………………………………………22
a) Sur la responsabilité contractuelle de la société JACK MOTORS
b) Sur l'absence de cause d'exonération de la société JACK MOTORS
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7) Sur le remboursement des sommes versées à M. LAFITE ………………..………25
a) Sur l'existence d'un vice caché qui ouvre droit à garantie
b) Sur la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés par la
société PIERPOL à l'encontre de la société JACK MOTORS
c) Sur la demande de dommages-intérêts contre la société JACK
MOTORS en réparation du préjudice subi par la société PIERPOL
du fait du vice caché
8) Sur la perte de clientèle ……………………………………..………………………29
a) Le Tribunal arbitral reconnaîtra que la société PIERPOL a une
clientèle propre
b) Le Tribunal arbitral reconnaîtra la perte de clientèle de la société
PIERPOL
c) Le Tribunal arbitral reconnaîtra que la perte de clientèle est la
conséquence de la panne du véhicule de M. LAFITTE
III. PAR CES MOTIFS …………………………………………………………….33
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PROPOS LIMINAIRE : BREVE PRESENTATION DE LA SOCIETE PIERPOL
1. La société PIERPOL est une petite société française commercialisant des voitures de sport.
Elle est localisée stratégiquement, dans une petite commune française et à proximité
imminente d’un port, afin de limiter au maximum ses frais.
2. Elle se procure les véhicules auprès d’un fabricant renommé belge, à savoir la société
JACK MOTORS, dont le capital social s’élève à 3.500.000 euros.
3. Il existe entre ces deux sociétés une véritable disparité de pouvoirs, et il serait illusoire de
penser que les deux sociétés se situent sur un pied d’égalité.
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I. RAPPEL DES FAITS
4. Les sociétés PIERPOL et JACK MOTORS sont entrées en relation commerciale en 2004.
En effet, plusieurs contrats de concession automobile à durée déterminée portant sur des
voitures de sport ont été conclus entre le concédant de droit belge JACK MOTORS et le
concessionnaire de droit français PIERPOL. Ces contrats ont été renouvelés chaque année de
2004 à 2014.
5. En 2012, la société PIERPOL n’a pas perçu les remises commerciales du concédant JACK
MOTORS, alors qu’il était non seulement d’usage de déduire ces remises des factures du
concessionnaire PIERPOL, et que ces remises étaient prévues contractuellement.
6. En 2014, la société JACK MOTORS n’a pas respecté ses délais de livraison. Ces retards de
livraison ont d’ailleurs été plus que récurrents. Il faut ici mentionner les 6 véhicules modèles
« quattro stelle » livrés très tardivement le 26 février 2014, les 3 véhicules modèles
« ghepardo » livrés seulement le 28 mars 2014, et les 14 véhicules commandés en mars dont
la livraison a été retardée fin mai.
7. Malgré ces retards récurrents et préjudiciables pour la société PIERPOL, cette dernière
n’avait d’autre choix que d’assainir et de poursuivre ses relations avec son concédant de
renommée JACK MOTORS.
8. Le 10 juillet 2014, la société PIERPOL a subi les conséquences d’un défaut de fabrication
du concédant JACK MOTORS. Un client a exprimé son mécontentement prononcé, par
ailleurs justifié, à l’égard d’un des modèles, et use de son influence en privant la société
PIERPOL de sa clientèle.
9. Le 24 juillet 2014, la société PIERPOL a reçu à sa grande surprise, de la part de la société
JACK MOTORS, une demande de rupture du contrat de concession. Cette rupture tant
injustifiée qu’inattendue, témoigne de la mauvaise foi et de l’abus des prérogatives du
concédant, en ce que cette rupture serait sans préavis, ni indemnités.
10. Plus surprenant encore, la société JACK MOTORS a attrait la société PIERPOL devant le
Tribunal de Commerce d’Anvers. La société PIERPOL a immédiatement soulevé l’exception
d’incompétence, sur le fondement de la clause compromissoire manifestement valide insérée
dans les contrats de concession.
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11. Cependant, par jugement dit contradictoire du 16 janvier 2015, le Tribunal de Commerce
d’Anvers se déclarait compétent, et condamnait la société PIERPOL au paiement de la somme
de 2.520.000 euros pour un prétendu défaut de paiement ! Les voies de recours sont à ce jour
épuisées.
12. La société PIERPOL n’a ainsi eu d’autre possibilité que de saisir le 19 janvier 2015 le
CMAP (Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris) près la CCIP-IDF, sur le fondement de
la clause compromissoire incluse à l’article 12 du protocole d’accord pour 2014, d’une
demande en arbitrage dans le cadre du litige qui l’oppose à la société JACK MOTORS.
13. La demande d’arbitrage a été enregistrée par le CMAP le 23 janvier 2015. Elle a été
notifiée aux deux parties par la suite.
14. L’exposé des motifs justifiant les prétentions de la société PIERPOL est l’objet du présent
mémoire introductif.
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II. DISCUSSION
15. Les faits exposés seront d’abord qualifiés juridiquement (1). Le Tribunal arbitral se
déclarera compétent (2). La loi applicable sera déterminée par le Tribunal arbitral (3). Le
Tribunal arbitral condamnera la société JACK MOTORS :
- Au paiement des remises pour l’exercice 2012 (4)
- Au paiement des remises sur les tarifs 2014 (5)
- Au paiement des sommes relatives aux retards de livraison (6)
- Au remboursement des sommes versées à M. LAFITE (7)
- Au titre de la perte de clientèle (8)
1) Sur la qualification des éléments contractuels en cause
16. La relation commerciale qui unit JACK MOTORS et PIERPOL présente la particularité
qu’elle ne s’inscrit pas dans un cadre juridique formalisé classique. Le contrat de concession
dont l’identification sera détaillée est implicite mais ses éléments essentiels sont matérialisés
sous une dénomination inexacte. Les commandes doivent être dénommées juridiquement.
C’est pourquoi il convient d’apporter des éclaircissements et de qualifier les éléments en
présence.
17. Les conditions générales de vente (ci-après « CGV ») ont pour objectif de déterminer les
conditions auxquelles le concédant JACK MOTORS accepte de vendre ses produits au
concessionnaire PIERPOL. Leur rédaction n’est pas obligatoire1, quand elles existent, elles
deviennent opposables à l’acheteur une fois communiquées et acceptées2 : les CGV
définissent alors certains éléments essentiels du futur contrat. En l’espèce, les protocoles
d’accord successifs prévoient à leurs articles 9 respectifs : « [l]e distributeur reconnaît par le
présente protocole avoir pris connaissance des CGV figurant en annexe, qu’il accepte sous la
réserve de clauses particulières insérées dans les présentes et en contradiction manifeste et
expresse avec les conditions générales. ».
18. Le protocole d’accord dépeint les obligations respectives du concédant (JACK
MOTORS) et du concessionnaire (PIERPOL). A ce titre et en l’absence d’un contrat explicite,
1Rép. min. n° 3027 à M.-A. Fosset, JO Sénat Q, 3 févr. 1994, p. 245 ; R. Dutreil, 1 re séance du 7
juillet 2005, 3e intervention du ministre, JO Ass. nat., p. 4455. 2 Com. 28 avr. 1998, n° 95-20.290, RTD civ. 1999. 81, obs. J. Mestre ; Civ. 1re, 11 mars 2014, n° 12-
28.304, AJCA 2014. 79, obs. L. Constantin ; D. 2014. 721 ; RLDC 2014, n° 5408, obs. C. Le Gallou.
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il convient de le dénommer ci-après « Contrat de concession ». En effet, un contrat de
concession a pour objet « la distribution à la clientèle de biens par l’intermédiaire d’un
distributeur qui les achète pour les revendre »3, il contient, à titre accessoire, des prestations
de service. Il faut ajouter qu’un contrat de concession est par sa nature un contrat-cadre4
d’entreprise5.
19. Les commandes sont étroitement liées au contrat-cadre de concession. Il faut considérer
que le contrat cadre génère des ventes (cause du contrat de concession) et ces ventes prennent
la forme de contrats d’application. Il faut donc considérer toutes les commandes dont nous
aurons à traiter comme des contrats d’application, qui se trouvent être également des contrats
de vente.
2) Sur la compétence du Tribunal arbitral
a) Le Tribunal arbitral se prononcera sur sa compétence
20. Les sociétés JACK MOTORS et PIERPOL ont été liées entre 2004 et 2014, par onze
contrats-cadre de concession successifs. A l'exception de deux années, soit 2012 et 2013,
l'ensemble de ces contrats-cadre ont fait mention d'une clause compromissoire rédigée comme
suit :
21. « En cas de différends qui viendraient à naître à propos de la validité de l'interprétation,
de l'exécution ou de l'inexécution, de l'interruption ou de la résiliation du présent
protocole, les parties acceptent de soumettre leur litige à un arbitrage. La procédure
d'arbitrage devra être conduite conformément au Règlement d'arbitrage du Centre de
médiation et d'Arbitrage de Paris, près la CCI Paris Île de France (Règlement CMAP).
Tout arbitrage se déroulera sous l'autorité de trois arbitres, dans le cadre du Concours
d'arbitrage Serge Lazareff à Montpellier.
La langue de l'arbitrage sera le français. »
3 Ph. le Tourneau, Les contrats de concession, Litec 2003, p. 6
4 V. notamment sur cette notion Ph. le Tourneau, Les contrats de concession, Litec 2003 ; J. Gatsi, Le
contrat cadre, LGDJ 1996 ; J. Perrouin, La hiérarchie des conventions en droit privé, thèse Toulouse
I, 2001 5 V. notamment sur cette notion Ph. le Tourneau, Les contrats de concession, Litec 2003 ; F-X Licari,
La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, op. cit., p. 100 et s.
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22. L’arbitrage est gouverné par le principe de « compétence-compétence », qui a un double
effet, positif et négatif.
23. Positivement, la « compétence-compétence » conduit à considérer que seul un Tribunal
arbitral peut se prononcer sur sa compétence. Négativement, le principe a pour corollaire
d’imposer aux juridictions étatiques de s’abstenir de se prononcer sur la compétence. En
d’autres termes, sauf le cas où la clause compromissoire pourrait être considérée comme
manifestement nulle, une juridiction étatique ne peut pas se déclarer compétente avant le
Tribunal arbitral ait statué sur la question. Le Tribunal de Commerce d’Anvers dans sa
décision du 16 janvier 2015 a manifestement violé ce principe, le Tribunal arbitral ne se
méprendra pas sur la question d’autant que la présence d'une clause attributive de juridiction,
comme c'est le cas dans le présent litige, n'était pas de nature à priver l'arbitre de sa
compétence. La Cour de Cassation le rappelle sans équivoque dans son arrêt du 18 décembre
2003 :6
24. « attendu qu'il appartient à l'arbitre de statuer sur sa propre compétence ;
Attendu que pour écarter la clause d'arbitrage contenue dans le contrat conclu entre la
société civile immobilière (SCI) La Chartreuse, ayant pour gérante la société Immodis, et la
société Viadix, représentée par M. X..., l'arrêt attaqué se borne à relever la contradiction
existant entre cette clause et une clause attributive de compétence figurant au même acte pour
en conclure que la commune intention des parties de recourir à l'arbitrage n'est pas établie ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser la nullité ou l'inapplicabilité manifeste de la
clause d'arbitrage, seules de nature à faire obstacle à la compétence arbitrale pour statuer
sur l'existence, la validité et l'étendue de la convention d'arbitrage, la cour d'appel a excédé
ses pouvoirs et violé les textes et le principe susvisés »
b) Le Tribunal arbitral déclarera la clause compromissoire valide
25. La validité d’une clause compromissoire dans une relation contractuelle répond à deux
critères. D’une part, elle doit être passée par écrit et être explicite et désigner ou permettre de
désigner les arbitres, en l’espèce, elle est insérée dans les contrats-cadre successifs et prévoit
de manière exprès que :
6 Cass. Civ 2eme. 18 déc. 2003 n° 02-13410
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26. « Tout arbitrage se déroulera sous l'autorité de trois arbitres, dans le cadre du Concours
d'arbitrage Serge Lazareff à Montpellier. »
27. Permettant ainsi de déterminer, sans qu’aucun doute ne puisse être allégué, la composition
du tribunal arbitral.
28. D’autre part, elle doit porter sur un litige arbitrable. En effet, certains litiges ne peuvent
être soumis à l’arbitrage :
- Les litiges portant sur des droits indisponibles7
- Les litiges intéressant l’ordre public8
- Les litiges entrant dans le champ d’une attribution impérative de compétence au profit
d’une juridiction.
29. En l’espèce, le Tribunal arbitral constatera qu’aucune cause ne permet d’écarter
l’arbitrabilité du litige. En effet, comme il l’a été explicité (cf. supra), le nature du litige ne
relève en rien des exceptions à la compétence arbitrale.
30. Il ressort des éléments évoqués que les parties ont manifestement entendu soumettre les
éventuels différends à naitre de leur relation commerciale à l’arbitrage, la clause, explicite et
manifestement apparente dans les contrats-cadre successifs figure juste au-dessus de la
signature, ce qui renforcera, s’il était besoin, la démonstration de leur intention claire.
31. La clause compromissoire insérée les contrats de concession conclus entre JACK
MOTORS et PIERPOL est donc valable.
32. De plus, cette clause est réputée d'application générale pour tous les contrats participant à
la même opération économique, soit en l'espèce la distribution en France de véhicules
automobiles. Les contrats d’application du contrat-cadre relèvent donc du champ de la clause.
c) Le Tribunal arbitral déclarera applicable la clause à l’ensemble des contrats-cadre
33. L’absence de mention explicite de la clause compromissoire dans les contrats-cadre 2012
et 2013 ne saurait empêcher le Tribunal arbitral de se reconnaitre compétent sur l’intégralité
de la relation commerciale. En effet, la relation commerciale qui unit JACK MOTORS et
PIERPOL et qui s’étend sans interruption, depuis 2004 et pendant onze ans, doit
7Article 2059 du code civil
8Article 2060 du code civil
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nécessairement s’entendre et s’apprécier au-delà du cadre qui la formalise. Il ne pourra
sérieusement être argué la durée déterminée des contrats-cadre successifs pour faire obstacle à
la considération objective de la volonté des parties de faire perdurer, dans des termes quasi-
inchangés au fil des années, leur relation pérenne.
34. La Cour de Cassation l’a clairement défini, dans son Rapport pour l’année 2008. Elle
entend la notion de relation commerciale établie comme une relation dont le « caractère suivi,
stable et habituel » permet aux parties de « raisonnablement anticiper pour l’avenir une
certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial. »
35. Le Tribunal arbitral s’intéressera à la durée totale de la relation commerciale et admettra
sans aucun doute, que malgré une erreur mineure de rédaction qui conduit à l’absence fortuite
de la clause dans deux contrats-cadre, la nature de la relation, sa durée et le contexte
économique au sein duquel elle a pris place ne permettent pas de douter de la volonté des
parties de soumettre leur litige à l’arbitrage.
36. De plus, l'engagement d'une société à soumettre son litige à l’arbitrage s'apprécie au
regard de la commune intention des parties, qui en introduisant une clause compromissoire
ont entendu de manière forte établir un mécanisme efficace pour le règlement des litiges visés
par la clause compromissoire.
37. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le Tribunal arbitral conclura à l'extension des
clauses compromissoires aux contrats-cadre assimilables 2012 et 2013.
d) Le Tribunal arbitral reconnaîtra la primauté des contrats de concession sur les
Conditions Générales de Vente
38. Il apparaît de façon assez claire qu'il existe dans toute relation contractuelle incluant la
présence de de CGV, une hiérarchie entre celles-ci et les contrats-cadre, et ce, au profit de ces
derniers qui constituent le seul contrat liant les deux parties.
39. Chaque contrat-cadre, soit onze au total, contient une clause dans laquelle il est précisé
que les parties ont entendu avoir pris connaissance des CGV, lesquelles s'effaceront
néanmoins devant toute clause manifestement contradictoire insérée dans les contrats de
concession.
40. « Le distributeur reconnaît par le présent protocole avoir pris connaissance des
Conditions Générales de vente figurant en annexe, qu'il accepte sous la réserve de clauses
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particulières insérées dans les présentes et en contradiction manifeste et expresse avec les
Conditions Générales. »
41. Or il existe une telle contradiction puisque les Conditions Générales de Vente contiennent
une clause attributive de juridiction rédigée comme suit :
42. « Tout litige relatif aux présentes sera la compétence du Tribunal de commerce d'Anvers,
et quelque soit les lieux de livraison et de paiement utilisés. »
43. Le Tribunal arbitral conclura en la primauté, par nature, de la clause compromissoire
insérée dans le contrat-cadre, sur la clause attributive de juridiction dont les CGV font
mention.
3) Sur la loi applicable
45. Aucune loi n’a été convenue entre PIERPOL et JACK MOTORS, et ce ni dans les CGV,
ni dans les contrats-cadre, ni encore dans les contrats d’application.
46. La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises
de 1980, dite Convention de Vienne, sera d’abord écartée du présent litige relatif aux contrats-
cadre (a).
47. Dès lors, les arbitres détermineront que le droit applicable tant aux contrats cadres de
concession automobile, qu’aux contrats d’application, est le droit français (b).
a) L’inapplicabilité de la Convention de Vienne aux contrats-cadre
48. La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises
de 1980, dite Convention de Vienne, est inapplicable en l’espèce, bien que la Belgique et la
France aient respectivement ratifié la Convention de Vienne le 11 novembre 1997, et le 1er
janvier 1988.
49. La Convention de Vienne prévoit en son article 1er
« [l]a présente Convention s’applique
aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des
États différents […] ».
50. Mais, selon l’article 3 alinéa 2 de la Convention « [l]a présente Convention ne
s’applique pas aux contrats dans lesquels la part prépondérante de l’obligation de la partie
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qui fournit les marchandises consiste en une fourniture de main-d’œuvre ou d’autres
services. »
51. Or, il s’agit en l’espèce de contrats-cadre d’entreprise visant à standardiser les relations
entre JACK MOTORS et PIERPOL. Il est précisé à l’article 1.1 des contrats-cadre « [l]es
conditions dans lesquelles le distributeur devra assurer la revente des véhicules, la fourniture
de ces pièces de rechange et la prestation des services nécessaires à l’utilisation de ces
véhicules par la clientèle, à leur entretien et à leur réparation ». L’énumération des titres des
articles est aussi évocatrice, « 1. Engagement d’achat et de revente, 2. Territoire concédé, 3.
Conditions commerciales, 4. Conditions financières, 5. Véhicules de démonstration, […] ».
En aucun cas ces contrats-cadre ne viennent régir la vente, mais toutes les conditions et
obligations autour d’une éventuelle vente future.
52. Ainsi, les contrats-cadre visent en l’espèce à fixer les obligations globales de concession,
de livraison, d’approvisionnement, et de publicité. La part prépondérante de l’obligation de
JACK MOTORS n’est donc pas la vente elle-même, mais les obligations de livraison et
d’approvisionnement.
53. En vertu de l’article 3 alinéa 2 de la Convention de Vienne, cette dernière est inapplicable
aux contrats-cadre d’espèce, d’où la nécessité de recourir aux règles de conflit de loi.
b) L’application du droit français en vertu des règles de conflit de loi du siège de
l’arbitrage
54. Cette méthode a été utilisée dans plusieurs sentences de la CCI, comme par exemple la
Sentence CCI, aff. 7707, 1995, ou encore Sentence CCI aff. 8611, 1996.
- Concernant le droit applicable aux contrats-cadre
55. Le Règlement (CE) N°593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur
la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I ») s’applique aux présents contrats-
cadre.
56. Les contrats-cadre de concession automobile, matérialisés par les protocoles d’accord,
relèvent des « obligations contractuelles relevant de la matière […] commerciale », et ne sont
pas explicitement exclus à l’article 1er
du règlement. Ainsi ces contrats entrent dans le champ
d’application du présent règlement.
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57. Le règlement s’applique, en vertu de l’article 29, aux contrats conclus « à partir du 17
décembre 2009 », soit en l’espèce aux contrats-cadre conclus dès 2010.
58. Ainsi, le règlement Rome I est applicable aux contrats-cadre de concession pour 2010,
2011, 2012, 2013 et 2014.
59. En application de l’article 4 dudit règlement, lequel dispose « [à] défaut de choix exercé
conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat
suivant est déterminée comme suit: […] f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays
dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle », la loi applicable aux contrats-cadre est
la loi du pays dans lequel PIERPOL à sa résidence habituelle, à savoir la loi française.
60. En outre, il résulte des faits de l’espèce que le pays avec lequel les contrats en cause
présentent les liens les plus étroits au sens de l’article 4 paragraphe 3 du règlement, est
incontestablement la France. En effet, les contrats de concession prévoient à l’article 2 « le
territoire concédé par le fournisseur au distributeur comprend l’ensemble du territoire
français métropolitain ». Il convient également de rappeler que les contrats ont été signés en
France à SAINT MALO, et rédigés entièrement en langue française.
- Concernant le droit applicable aux contrats d’application
61. Si en effet, le contrat-cadre et les contrats d’application sont distincts quant à leur objet, ils
n’en sont pas moins connexes, et intimement liés. Il est donc indispensable dans un souci
évident d’homogénéité et d’harmonisation d’appliquer la même loi à l’ensemble
contractuel.
62. A contrario, si les parties souhaitaient dissocier le régime juridique des contrats-cadre de
celui des contrats d’application en appliquant respectivement des lois différentes, c’est
assurément une source de complexification et un manque évident d’harmonie.
63. Or, les parties n’ont en aucun cas entendu complexifier leurs rapports. Au vu des faits de
l’espèce, il serait totalement illusoire d’imaginer qu’elles aient eu la volonté de s’empêtrer
dans de tels méandres juridiques, lesquels sont réservés aux seuls académiciens et éminents
spécialistes ! Comment par une gymnastique intellectuelle jusqu’au-boutiste pourrait-on en
conclure autrement ?
64. Il ne faut pas oublier qu’il s’agissait de contrats implicites verbaux ou écrits, conclus à
distance par e-mail ou téléphone.
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65. En vertu de la nécessaire simplification des rapports, de l’harmonie, de la connexité
évidente des contrats-cadre et des contrats d’application, la loi applicable aux contrats-cadre
soit la loi française, s’appliquera également aux contrats d’application.
4) Sur les remises pour l’exercice 2012
66. Par courrier daté du 3 janvier 2013, la société PIERPOL a fait part à la société JACK
MOTORS de son étonnement de ne toujours pas avoir bénéficié des remises pour l’exercice
2012. Les attentes de PIERPOL s’inscrivant dans la lettre et dans les usages de la relation
commerciale établie sont d’autant plus légitimes qu’elle avait obtenu confirmation par voie
téléphonique du fait que la régularisation interviendrait rapidement.
67. Par courrier daté du 11 janvier 2013, la société JACK MOTORS SA répond à cet
étonnement légitime - sans contester le fait qu’elle avait précédemment promis une
régularisation en fin d’année 2012 - en arguant que les remises étaient prétendument
conditionnées à la réalisation d’objectifs qui n’auraient pas été atteints.
68. Il convient pour replacer la situation dans le cadre contractuel et légal, duquel elle s’est
échappée par la mauvaise foi évidente de JACK MOTORS SA, de revenir sur la validité
contractuelle des remises et sur l’exigibilité évidente de leur attribution.
a) Sur la notion de remise
69. Les remises, rabais et ristournes sur les prix de vente standards constituent des pratiques
commerciales très usitées dans tous les secteurs de l’activité économique. Il est nécessaire,
afin de traiter de la question de l’octroi des remises dans la relation commerciale qui unit
PIERPOL et JACK MOTORS, de revenir sur l’encadrement juridique de ces pratiques
commerciales :
70. Remise, rabais et ristourne recouvrent sous des termes différents une réalité pratique
commune : une baisse du prix de vente - pour des raisons variées - qui bénéficie à l’acheteur
d’un produit.
- Le rabais est pratiqué exceptionnellement sur le prix de vente suite à une exécution
partiellement non conforme d’une obligation de fourniture d’un bien (retard de livraison,
marchandise non conforme, défaut de qualité de la marchandise etc.)
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- La ristourne est accordée sur un ensemble d’opérations réalisées sur un même client sur une
période définie.
- La remise est accordée habituellement sur le prix de vente au vu de la relation entretenue
avec un client ou encore proportionnellement à la quantité commandée.
71. Ces rappels étant posés dans un souci de circonscription des termes du litige, il ne fait
aucun doute, eu égard à la définition de la remise sus-mentionnée et de la lettre des contrats-
cadre successifs que la pratique commerciale visée prend la forme d’une remise. De plus, les
correspondances échangées ne laissent pas place au doute quant à la volonté des parties de
considérer les avantages dont il est question comme des remises.
72. Les pratiques commerciales prennent des formes très variées, ainsi la circonscription par
branche de celles-ci conduit de nouveau à une distinction majeure :
- La remise de couplage : elle est accordée à des critères qui lient l’achat de biens et services
différents - autrement dit, l’attribution de la remise de couplage est conditionnée à
l’acquisition simultanée ou au cours d’une période de temps spécifiée, de deux ou plusieurs
biens ou services
- Les remises de quantité : la remise est subordonnée à la réalisation par l’acheteur d’objectifs
quantitatifs préétablis.
- Les remises de fidélité : elle vise à inciter l’acheteur à adopter un comportement de fidélité,
à le gratifier pour la longueur des relations commerciales qui les unit.
73. Si la remise dite de fidélité répond à des critères moins transparents que la remise de
couplage ou de quantité elle n’en est pas pour autant dépourvue de contrepartie. L’intérêt
commercial est clair et offre des avantages très certains au fournisseur dans la mesure où
l’attrait pour l’acheteur - en raison des coûts de changement de fournisseur qui seraient subis
en cas de rupture de l’engagement - est suffisamment important pour décourager le départ
d’un client vers un concurrent. Le fournisseur renonce par ce mécanisme à ses surprofits pour
prolonger la relation commerciale dans le cas même où de nouveaux arrivants potentiels
seraient en mesure d’atteindre le seuil de rentabilité en vendant leurs produits à un prix plus
bas.
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
17
74. L’objectif affiché est clair, les remises ont pour objectif économique et commercial la
pérennité des relations commerciales qui unissent PIERPOL et JACK MOTORS. Elles
prennent la forme de ce qui peut être appelé une « remise de fidélité ».
75. La possibilité de l’existence des rabais et ristournes est prévue aux CGV. En effet, aux
termes des CGV, qui ont vocation à régir la relation commerciale dans son ensemble il est
prévu que : « Les tarifs proposés comprennent les rabais et ristournes que le fournisseur
serait amené à octroyer compte tenu de ces résultats ou de la prise en charge par le
Distributeur de certaines prestations ».
76. Le détail annuel des remises dont il est question est prévu aux contrats-cadre successifs :
- exercices allant de 2004 à 2009 : des remises sont accordées sur les véhicules neufs de la
gamme « ELITE » et de la gamme « GHEPARDO » dont les taux sont respectivement de 20
et de 15% par véhicule, cette remise étant directement reportée sur la facture
- exercice 2010 : des remises sont accordées sur les véhicules neufs de la gamme « ELITE »
et de la gamme « GHEPARDO » dont les taux sont respectivement de 18 et de 13%
- exercice 2011 : pour les mêmes gammes les taux sont respectivement de 15 et de 10%
- exercice 2012 : un oubli matériel conduit à l’absence de mention du taux des remises dans
le protocole d’accord mais il ne pourra sérieusement être argué que les remises n’existent
pas en raison de la nature de la relation commerciale. De plus, le taux applicable à cette
année pourra être facilement déduit.
b) Sur l’absence de lien entre la réalisation de prétendus objectifs et l’attribution des
remises
77. Ainsi qu’explicité (cf. supra), alors qu’il s’agit d’un engagement défini et
contractuellement établi, le fournisseur JACK MOTORS, à des motifs contractuellement
inopérants, refuse délibérément, par un revers de manche incompréhensible, de se conformer
aux termes de la relation contractuelle qui l’unit à PIERPOL.
78. Il argue à l’appui de son inexécution contractuelle que : « Aux vues des commandes
effectivement réalisées au cours des années 2009, 2010 et 2011 […] la moyenne [des]
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
18
commandes sur ces trois exercices est bien inférieure aux objectifs conventionnellement
fixés. »
79. S’il est vrai que parmi les conditions commerciales concernant les véhicules neufs, l’une
des pratiques commerciales prend la forme d’une prime annuelle. Que celle-ci est, en effet,
conditionnelle et fait ainsi dépendre l’attribution de l’avantage à la réalisation d’un objectif
quantifié tel que suit : « En cas de réalisation de cet objectif, le fournisseur octroiera une
prime de [X]% calculée sur le total du chiffre d’affaire réalisé en 2004 par le distributeur au
titre des ventes de véhicules neufs. »
80. Il n’en va pas de même s’agissant des remises litigieuses pour l’exercice 2012. En effet,
aux termes de la clause portant sur « la remise déduite directement sur facture » - dont il a été
défini l’étendue (cf. supra), qui a pour but la pérennisation de la relation commerciale et
l’incitation à un comportement proactif dans la vente des véhicules des gammes visées ; il
apparait que l’attribution de cette remise n’est nullement conditionnée à la réalisation
d’objectifs. Les objectifs dont il est fait mention ne trouvent leur intérêt que dans l’attribution
de la prime annuelle conditionnelle.
81. En conférant de manière discrétionnaire à la clause un caractère conditionnel et en
s’arrogeant le droit, par voie de conséquence, d’en refuser l’attribution, la société JACK
MOTORS a rompu son engagement contractuel. L’article 1134 du Code Civil dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne
peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi
autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
82. En l’absence d’accord sur le conditionnement de l’attribution de ces remises à la
réalisation d’objectifs JACK MOTORS ne peut en refuser l’attribution. Par conséquent,
PIERPOL est fondé à demander des dommages-intérêts correspondant aux sommes non-
perçues au titre des remises qui auraient dû être attribuées pour l’exercice 2012, sur la base de
l’article 1147 du Code Civil qui dispose que : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au
paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison
du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une
cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa
part. »
83. Ainsi,
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
19
nombre de VN
commandés
montant unitaire payé
HT (euros)
taux de remise non
attribuée / VN
somme à percevoir
(euros)
véhicules neufs
commandés en
2012
gamme ELITE 9 150 000 15 % 202 500
gamme
GHEPARDO
12 100 000 10 % 120 000
TOTAL 322 500
84. PIERPOL est fondé à percevoir au titre des dommages-intérêts, relatifs à l’inexécution par
JACK MOTORS de son obligation d’attribuer les remises pour l’exercice 2012 sur les
véhicules de la gamme ELITE et de la gamme GHEPARDO, la somme de 322 500 euros.
85. Quand bien même la société JACK MOTORS serait amenée, dans l’exercice de mauvaise
dont elle a fait preuve jusqu’à lors, à contester l’existence des remises du fait de leur absence
de mention fortuite dans le protocole d’accord 2012, elle se heurterait inévitablement à
l’absence de lien entre l’absence fortuite de cette mention et l’existence de ces remises.
c) Sur l’absence de lien entre l’oubli de mention des remises dans le contrat-cadre 2012
et un refus d’attribution
86. A l’occasion des débats sur l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qui interdit le
fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie […] », la
jurisprudence à travers ses nombreux arrêts et la doctrine se sont penchés sur la notion de
relation commerciale établie. S’agissant de l’existence et de l’exigibilité de l’attribution des
remises ce n’est pas tant la question de la rupture qui est intéressante ici mais la question
corollaire de l’existence d’une relation commerciale établie et donc d’obligations respectives
qui perdurent dans le temps implicitement.
87. La relation commerciale qui existe entre PIERPOL et JACK MOTORS a la particularité
de ne pas avoir été formalisée au travers d’un cadre contractuel écrit. S’il existe bien des
conditions générales de vente et des contrats-cadre et que ceux-ci ne laissent planer aucun
doute sur la volonté des parties de contracter ensemble et sur l’étendue de leurs engagements
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
20
respectifs, des points de détail nécessitent d’être éclaircis pour contrecarrer l’évidente
mauvaise foi dont a fait preuve JACK MOTORS dans l’exécution vérolée de ses obligations
et en particulier dans le refus d’attribuer les remises correspondant à l’exercice 2012.
88. Il convient à cette occasion de rappeler que peu importe que la relation commerciale
s’inscrive ou non dans le cadre formalisé d’un contrat écrit. La notion de relation
commerciale établie recoupe une réalité bien plus large : elle s’entend de la relation
économique qui unit deux parties. Il en découle qu’il convient pour apprécier la teneur d’une
relation commerciale, et les obligations qui en découlent, de s’intéresser à la durée totale de
cette relation quel que soit le cadre juridique dans lequel elle s’inscrit, que des obligations
même non formalisées peuvent lier les parties (c’est à l’évidence ici le cas puisqu’il n’existe
pas de contrat écrit !). C’est l’ensemble du contexte économique au sein duquel la relation
a pris place qui doit retenir l’attention des arbitres.
89. La Commission du Rapport et des Etudes de la Cour de Cassation en a fait un constat clair
dans son rapport annuel de 2008,9 elle considère que « la relation commerciale entre les
parties [qui revêt] un caractère suivi, stable et habituel » permet à l’une et l’autre des parties
de « raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaire avec
son partenaire commercial ».
90. Il en va ainsi de la question de l’absence fortuite de mention dans le protocole d’accord
2012 des remises auxquelles les parties avaient usage de recourir chaque année. En effet, alors
que les conditions générales de vente en prévoient la possibilité. Alors que tous les contrats-
cadre successifs depuis 2004 en font mention de la manière suivante : « Le distributeur
bénéficiera pour tous les modèles de la gamme de véhicules ELITE d’une remise de 20%
directement reportée sur la facture. Le distributeur bénéficiera pour tous les modèles de la
gamme GHEPARDO d’une remise de 15% portée sur la facture. ». Alors que les termes de
cet accord demeurent rigoureusement inchangés durant 6 ans. Alors qu’il apparait évident
qu’il ressort de la pratique antérieure que la volonté claire et continue des parties est de
soumettre leur relation à l’existence de ces remises devenues des usages. Alors qu’après deux
ans d’omissions fortuites de cet usage, il réapparait en 2014 dans les mêmes termes et
incluant même, en plus, une remise sur la gamme QUATTRO dont il n’était pas fait mention
jusqu’à lors.
9 Rapport annuel pour 2008, p. 306 - disponible à l’adresse suivante
http://www.courdecassation.fr/IMG/pdf/Cassation_2008.pdf
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
21
91. Il paraitrait inconcevable de considérer que l’absence de mention dans les seuls protocoles
d’accord 2012 et 2013 soit de nature à justifier l’absence de prise en compte des remises
mentionnées.
92. Le Tribunal arbitral condamnera donc la société JACK MOTORS au paiement de 322.500
euros au titre des remises non attribuées.
5) Sur les remises pour les tarifs 2014
93. Le Tribunal arbitral constatera :
a) sur l’existence de remises pour l’exercice 2014
94. Le contrat-cadre pour l’année 2014 stipule à la clause intitulée « remise déduite
directement sur facture » que :
95. « Le distributeur bénéficiera pour tous les modèles de la gamme de véhicules
QUATTRO STELLE d’une remise de 20% directement reportée sur la facture. Le
distributeur bénéficiera pour tous les modèles de la gamme de véhicules ELITE d’une
remise de 15% directement reportée sur la facture. Le distributeur bénéficiera pour tous les
modèles de la gamme GHEPARDO d’une remise de 10% portée sur la facture. »
96. Comme il l’a été longuement explicité, l’engagement contractuel de JACK MOTORS en
termes de remises ne fait dépendre l’attribution desdites remises à aucune condition.
97. Le Tribunal arbitral constatera donc l’existence des remises dans le contrat-cadre 2014.
b) Sur l’absence d’attribution desdites remises
98. L’article L. 441-3 alinéa 3 du Code de Commerce dispose que : « la facture doit
mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation
de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
22
vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente
ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation
de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture. »
99. Or, il résulte de la facture N°2014-4 200 du 18 mars 2014 qu’aucune mention desdites
remises, pourtant contractuellement acquises à la date de la vente, n’apparait.
100. En l’absence d’une telle mention, le Tribunal arbitral constatera l’absence d’attribution
des remises pour l’exercice 2014 et condamnera la société JACK MOTORS au paiement des
sommes correspondantes.
101. Ainsi,
nombre de VN
commandés
montant unitaire payé
HT (euros)
taux de remise non-
attribuée
somme à percevoir
(euros)
véhicules neufs
commandés en 2012
gamme ELITE 5 150000 15 % 112500
gamme GHEPARDO 6 100000 10 % 60000
gamme QUATTRO
STELLE
3 250000 20 % 50000
TOTAL 222.500
102. Le Tribunal arbitral condamnera la société JACK MOTORS au paiement à la société
PIERPOL de la somme de 222.500 euros au titre des remises non-attribuées pour l’exercice
2014.
6) Sur les retards de livraison
103. Le Tribunal arbitral condamnera la société JACK MOTORS pour inexécution
contractuelle.
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
23
104. Les retards de livraison récurrents de la part de la société JACK MOTORS constituent
une faute contractuelle (a), et la société JACK MOTORS ne peut invoquer à cet égard aucune
cause d’exonération (b).
a) Sur la responsabilité contractuelle de JACK MOTORS
105. La société JACK MOTORS a multiplié sans raison valable les délais de livraison. Ces
retards de livraison ont fait l’objet de plusieurs courriers de la part de la société PIERPOL
adressés à la société JACK MOTOS, laquelle s’est explicitement reconnue être à l’origine des
retards de livraison dans des courriers du 17 janvier 2014, du 2 avril 2014, et du 11 avril 2014.
Il convient alors de citer ici les trois livraisons tardives, affectant au total 23 véhicules haut de
gamme :
- Livraison tardive le 26 février 2014 avec plus d’un mois de retard de 6 véhicules de la
gamme « QUATTRO STELLE »
- Livraison tardive le 28 mars 2014 de 3 véhicules de la gamme « GHEPARDO »
commandée le 21 février
- Livraison fin mai 2014 de 14 véhicules commandés le 18 mars, alors que la livraison
était prévue le 30 avril.
106. Ces retards récurrents de livraison, reconnus par la société JACK MOTORS, constituent
indéniablement une faute contractuelle.
107. Ces manquements ont causé à la société PIERPOL un préjudice financier certain
constitué de la perte de chance de réaliser une marge sur les véhicules dont la vente n'a pu être
réalisée durant la période des retards. La Cour d’appel de Versailles a déjà reconnue la
responsabilité contractuelle du concédant pour retards de livraison en 2001 dans une affaire
où les faits se rapprochent de la présente situation.10
108. En outre, ces manquements ont également causé un préjudice commercial constitué de
l'inévitable insatisfaction de sa clientèle. En effet, ces retards ont gravement porté atteinte à la
réputation commerciale de la société PIERPOL et plusieurs commandes ont été annulées par
des clients lassés d'attendre.
109. Ce préjudice subi par la société PIERPOL est aisément quantifiable. Le prix de vente
moyen d’un véhicule est de 167.000 € (cf. bon de commande du 18 mars 2014. Sur ce prix, la
10 Cour d'appel de Versailles, du 20 septembre 2001
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
24
société PIERPOL perçoit une marge commerciale en accordance avec l’indice INSEE 2014,
soit 11,2%.11
Ainsi, la perte de marge pour vingt-trois véhicules s’estime à 430.192 euros.
110. Il convient d’ajouter à cela le préjudice commercial constitué de l’inévitable
insatisfaction de la clientèle, que la société PIERPOL estime à la moitié de la marge sur le
chiffre d’affaires habituel12
soit 224.000 euros.
111. Le Tribunal arbitral condamnera donc la société JACK MOTORS au paiement de
654.192 euros sur le fondement de l’article 1147 du Code civil pour manquement à ses
obligations contractuelles en ne procédant pas à la livraison de vingt-trois véhicules
commandés dans les délais prévus.
b) Sur l’absence de cause d’exonération de JACK MOTORS
112. La société JACK MOTORS ne peut se prévaloir d’aucune cause d’exonération. La
société JACK MOTORS a pensé se couvrir de toute responsabilité en invoquant dans
différents courriers les situations de force majeure dans laquelle elle se trouverait. Mais, une
telle hypothèse parait totalement invraisemblable.
113. Tout d’abord, le premier retard de livraison serait dû à une soi-disant « tempête au large
de la Nouvelle Calédonie ». Un tel évènement était naturellement prévisible. Les intempéries
maritimes sont connues du grand public, et des mesures de sécurité auraient manifestement dû
être prises, en consultant par exemple la météo. De plus, l’irrésistibilité est également
discutable. La perte des matériaux après le naufrage ne rend nullement l’exécution du contrat
impossible. La société JACK MOTORS aurait pu se retourner vers d’autres fournisseurs en
urgence.
114. Le second retard quant à lui, et de façon presque surprenante, n’est pas justifié.
115. Enfin le troisième retard résulterait naturellement d’ « un orage ». Ce dernier argument
invoqué est peu audible lorsque pas moins de 3 mois auparavant, la société JACK MOTORS
invoquait déjà une tempête. Ce n’est pas de la fatalité dont est atteinte la société JACK
MOTORS, mais plutôt de malchance infernale !
11 http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=eaec04#s4 12 A titre d’exemple, la société PIERPOL a vendu 23 véhicules en 2014. Considérant que la moyenne du prix de vente d’un véhicule est de 167.000 euros, son chiffre d’affaires pour les seules ventes de véhicules s’élève à 3.841.000 euros. Or la marge réalisée de 11,2% permet de dégager un bénéfice de 430.192 euros.
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
25
116. Il est clair que ces arguments, non fondés, n’ont qu’un seul objectif : éviter de payer les
dommages et intérêts pour retards de livraison récurrents.
117. La légèreté du comportement de la société JACK MOTORS face à ces prétendus
évènements évoqués par la société JACK MOTORS ne permettent pas de caractériser un cas
de force majeure. La société JACK MOTORS se contente de citer ces évènements sans
apporter aucun autre élément de preuve.
118. Ne pouvant bénéficier d’aucune cause d’exonération de responsabilité, la société JACK
MOTORS sera donc condamnée.
7) Sur le remboursement des sommes versées à M. LAFITE
Le tribunal arbitral se prononcera :
a) Sur l’existence d’un vice caché qui ouvre droit à garantie
119. Les difficultés dont PIERPOL a eu à subir les conséquences ne revêtent
malheureusement pas un simple caractère logistique. En effet c’est abasourdi que PIERPOL a
été contraint de constater, impuissant, que des vices cachés ont rendu totalement inutilisable
au moins un des véhicules de la gamme QUATTRO STELLE, celui dont M. LAFITE a fait la
malheureuse acquisition alors qu’il considérait, à raison et depuis de nombreuses années, la
société PIERPOL comme un partenaire d’un professionnalisme exemplaire.
120. Le Tribunal arbitral reconnaitra dans un premier temps l’existence de ce vice caché.
L’article 1641 du Code Civil dispose que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des
défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou
qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné
qu'un moindre prix, s'il les avait connus. ». En l’espèce, alors qu’il circulait dans des
conditions normales, le « véhicule a subitement perdu toute sa puissance pour finalement
s’arrêter sur l’autoroute ».
121. Les conditions légales qui permettent d’établir des défauts cachés de la chose vendue
s’énoncent simplement. La mise en oeuvre de la garantie qui en découle suppose :
- l’existence d’un vice ou d’un défaut : ce vice doit être qualifié et anormal c’est à dire que
le défaut doit être survenir ou être découvert de manière imprévisible et ne pas découler de
l’usage normal de la chose. Sur ce point, il semblerait aberrant de considérer que
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
26
l’acquéreur (PIERPOL) ou le sous-acquéreur (M. LAFITE) aient raisonnablement pu
anticiper la survenance d’une panne si grave et si soudaine. C’est un dysfonctionnement
inhérent à la chose dont il est question ici, aucune modification, aucune association avec un
autre produit, aucun facteur extérieur n’était susceptible de troubler le bon fonctionnement
de cette voiture de sport, sur l’autoroute. Ce défaut de conception aura rendu le véhicule
inutilisable et aurait pu causer un terrible accident.
- un vice qui est caché : considérant la relation de confiance qui unissait PIERPOL et JACK
MOTORS jusqu’à lors, il était inconcevable que PIERPOL eut accepté de contracter s’il
elle avait eu connaissance à la conclusion du contrat de tels vices entachant la qualité des
véhicules objets de la collaboration. De plus, bien que le devoir de contrôle à la livraison du
véhicule ait été dument diligenté, aucun vice apparent n’a pu être détecté par PIERPOL.
- le respect du délai de deux ans : depuis une ordonnance de 2005,13
l’action en garantie est
soumise à un délai de deux ans à compter de la vente. En l’espèce, l’acquisition du véhicule
par M. LAFITE en février 2014 le rend fondé à agir sur ce terrain.
122. Par conséquent, au regard des constatations qui sont formulées ici, le Tribunal arbitral se
prononcera sur l’existence d’un vice caché qui a entaché le bon fonctionnement du véhicule
de M. LAFITE rendant son utilisation impossible. Cependant, le tribunal ne se méprendra pas
sur les conséquences à tirer du constat de l’existence d’un vice caché en raison du fait que
PIERPOL, malgré l’acquisition par M. LAFITE, continue à disposer de la faculté d’exercer
lui-même l’action en garantie contre les vices cachés à l’égard de JACK MOTORS (cf. infra).
123. L’article 1644 du Code Civil dispose que : « Dans le cas des articles 1641 et 1643,
l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose
et de se faire rendre une partie du prix. ». M. LAFITE a choisi d’exercer l’action
rédhibitoire, tel que la loi le permet, il a immédiatement contacté son partenaire de confiance
pour lui demander de faire droit à ses demandes. La société PIERPOL, entendant bien faire
rejaillir les conséquences financières de cette exécution sur JACK MOTORS, a fait droit à ses
demandes en reprenant le véhicule et en remboursant M. LAFITE du montant de son
acquisition. PIERPOL compte désormais faire reconnaitre la responsabilité du fabricant.
13
Ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
27
b) Sur la recevabilité de l’action en garantie des vices cachés exercée par la société
PIERPOL à l’encontre de la société JACK MOTORS
124. L’imputabilité de la garantie ne saurait être considérée sous l’angle unique de la relation
qui unit PIERPOL à M. LAFITE. En effet, la sous-acquisition dont a eu le malheur de faire
les frais M. LAFITE puis la société PIERPOL s’inscrit dans le cadre d’un réseau de
distribution initié par JACK MOTORS qui fabrique les véhicules, objets des ventes de
PIERPOL. Puisque la jurisprudence a admis que la mise en œuvre de la garantie pouvait être
demandée à n’importe quel membre du réseau, il faut considérer que l’acheteur a une garantie
contre tout le réseau du fabricant, et contre le fabricant au premier chef. Il est important de
noter, comme le rappelle la Cour de Cassation dans l’arrêt du 19 janvier 1988 « si l'action en
garantie des vices cachés se transmet, en principe, avec la chose vendue au sous-acquéreur,
le vendeur intermédiaire ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un
intérêt direct et certain ». Ainsi, PIERPOL comme vendeur intermédiaire peut exercer
l’action en garantie des vices cachés contre JACK MOTORS, le vendeur initial, dès lors qu’il
justifie d’un intérêt personnel, direct et certain.14
125. En l’espèce, la PIERPOL, soucieuse de préserver de bonnes relations d’affaires avec M.
LAFITE qui se trouve être un client éminent dont l’avis a un impact fort sur la clientèle,
notamment celle constituée des membres de son club, a choisi de reprendre et de rembourser
le véhicule dont il est question. Sans pour autant admettre sa responsabilité, elle a agi avec
exemplarité.
126. Le Tribunal arbitral fera droit à la demande de PIERPOL visant à déclarer recevable
l’action exercée en garantie des vices cachés contre JACK MOTORS. Par voie de
conséquence, condamnera la société JACK MOTORS au remboursement des sommes versées
au titre de la reprise du véhicule QUATTRO STELLE de M. LAFITE, à savoir la somme de
250.000 euros correspondant au prix qui lui avait été payé par PIERPOL.
c) sur la demande de dommages-intérêts contre la société JACK MOTORS en réparation
du préjudice subi par la société PIERPOL du fait du vice caché
127. La demande fondée sur la garantie des vices cachés permettra à PIERPOL d’obtenir
réparation des sommes versées à M. LAFITE au titre du remboursement de son véhicule
14
Civ. 1re, 19 janv. 1988, n°86-13.449, Bull. civ. I, n°20 ; RTD civ. 1988. 589, obs. Ph. Rémy. à consulter ici http://legimobile.fr/fr/jp/j/c/civ/1ere/1988/1/19/86-13449/- Civ. 3e, 24 févr. 1988, n°86-
17.110, Bull. civ. III, n°41. - Com. 7 janv. 2003, n°99-16.347
MEMOIRE EN DEMANDE – JURISTE INTERNATIONAL UNIVERSITE TOULOUSE 1
28
vicié. Cependant, force est de constater que le préjudice dont est victime PIERPOL du fait des
vices cachés sus-mentionnés ne s’arrête pas au simple prix du véhicule désormais inutilisable.
En effet, les conséquences désastreuses du manque de professionnalisme de JACK MOTORS
se matérialisent, d’une part, par les frais de dépannage et d’hostellerie et d’autre part, par la
somme de 50.000 euros que PIERPOL a dû verser à M. LAFITE au titre de son préjudice.
128. Si le vendeur initial ne peut être tenu de restituer plus que le prix qui lui avait été payé
par le vendeur intermédiaire ce n’est que sous réserve de la condamnation à des dommages-
intérêts en réparation du préjudice causé.15
129. La Cour de Cassation, notamment dans son arrêt du 19 juin 2012,16
a eu l’occasion de
rappeler que « la recevabilité de l’action en réparation du préjudice éventuellement subi du
fait d’un vice caché n’est pas subordonnée à l’exercice d’une action rédhibitoire ou
estimatoire de sorte que cette action peut être engagée de manière autonome ».
130. PIERPOL est donc fondé à intenter une demande de dommages-intérêts contre JACK
MOTORS. L’article 1645 du Code Civil dispose que « Si le vendeur connaissait les vices de
la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et
intérêts envers l’acheteur. »
131. Sur la connaissance du vice de la chose par le vendeur, la Cour de Cassation a une
position très claire lorsque celui-ci est un professionnel, elle considère qu’il existe à son
encontre « une présomption irréfragable de connaissance par [lui] du vice de la chose
vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages en résultant. »17
132. Sur l’existence d’un lien de causalité entre les différentes sommes engagées et le vice
que le Tribunal arbitral relèvera, il ne saurait être argué sérieusement que les indemnisations
offertes à M. LAFITE auxquelles la société PIERPOL a été contrainte de recourir sont sans
lien avec la faute de JACK MOTORS. En effet, de tels frais n’auraient jamais été engendrés
en l’absence d’un tel défaut affectant le véhicule de M. LAFITE auquel PIERPOL a dû faire
face dans l’urgence. La Cour de Cassation reconnait sans équivoque que dans de tels cas,
l’acheteur recevra éventuellement une somme supérieure à la valeur de la chose, elle pourra
15
Civ. 1re, 27 janv 1993, n°91-11.302, Bull. civ. I, n°45 ; JCP G 1993. IV. 805; Gaz. Pal. 1993. 2.
pan. p.176. - Civ. 1re, 20 mai 2010, n°09-10.086, préc. - Civ. 1re, 17 mars 2011, n°09-15.724, prèc. 16
Cass. Com. 19 juin 2012. n°11-13-176, société Rimbaud entreprises c/ société Aviva assurances 17 Cass. Com. 1er février 2011, n° 10-30.037
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même être sans commune mesure si, comme en l’espèce, rien n’est venu arrêter le lien de
causalité.
133. Ainsi, elle aura été jusqu’à rendre responsable le vendeur d’un véhicule défectueux du
dépôt de bilan de l’acheteur en considérant que « la brusque cessation d'activité de M. Y...,
conséquence immédiate de l'accident, a rendu inéluctable le dépôt de bilan de celui-ci,
d'autant que la société Man, bien que consciente de sa responsabilité, a refusé de prendre en
charge rapidement les frais de remise en état du camion ; qu'en l'état de ces constatations et
appréciations, la cour d'appel a caractérisé tant les fautes de la société Man que le lien de
causalité entre ces fautes et les préjudices ».18
134. Le fabricant, en rompant avec son devoir de diligence et en permettant la
commercialisation de produits viciés commet une faute et s’oblige à la réparation de l’entier
préjudice qui en découle.
135. Par conséquent, le Tribunal arbitral condamnera JACK MOTORS au remboursement à
PIERPOL de l’intégralité des sommes versées à M. LAFITE pour lesquelles il a été établi le
lien entre la faute du premier et le préjudice du second, soit 50.000 euros au titre des sommes
déjà versées, et 2.000 euros au titre des frais d’hostellerie et de dépannage.
8) Sur la perte de clientèle
a) Le Tribunal arbitral reconnaîtra que la société PIERPOL a une clientèle propre
136. La clientèle est une qualité essentielle du fonds de commerce, puisqu'elle en constitue le
principal élément. La clientèle est généralement rattachée à l'élément attractif qui provoque le
courant d'affaires.
137. Selon un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 4 octobre 200019
, il a notamment
été reconnu que " le fonds de commerce est un ensemble d'éléments de nature à attirer la
clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l'enrichissement de
celui qui assume le risque d'une telle entreprise, c'est-à-dire celui de la perte des
18
Com. 10 mai 2000, n°97-17.472, Man VW c/ Bail équipement, NPB; RJDA 2000 n°853 19
CA Paris, 16ème ch. A, 4 octobre 2000, 1ère espèce (aff. Jean-Louis David diffusion) et 2ème espèce (aff.
Avis), JCP 2001, p.324, B. Boccara et D. 2001, p.1718, Kenfack et somm 301, D. Ferrier, Petites affiches
2000, n°229, p.11, J. Derruppé, RTDCom 2001, 50, J. Derruppé.
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investissements qu'il a faits pour l'acquérir, la maintenir et la développer".
138. En l'espèce, il s'agit de véhicules de sport belges, dont JACK MOTORS en est le
fournisseur, et PIERPOL, le distributeur.
139. Les contrats-cadre conclus entre la société JACK MOTORS et la société PIERPOL
garantissent tous, au profit de cette dernière, le statut de concessionnaire sur un territoire
défini, soit l'ensemble du territoire de la France métropolitaine :
140. « Le fournisseur concède au distributeur, pendant la durée du contrat, le droit de
revente des véhicules et des pièces de rechange de la Marque. Le territoire concédé par le
fournisseur au distributeur correspond à l'ensemble du territoire de la France métropolitaine.
Sur le territoire concédé, l'action commerciale du distributeur portera sur : la vente des
véhicules neufs et des pièces de rechange; le démarchage et la prospection de clientèle ; les
opérations de publicité ou de promotion des ventes ; le recours aux services d'agents ou de
garagistes installés dans le périmètre du territoire. »
141. De plus, conformément à la clause « participation aux campagnes nationales » présente
dans chaque contrat-cadre, la société PIERPOL se voit contractuellement contrainte de
participer aux frais de compagnes nationales de publicité.
142. La marque JACK MOTORS ne pouvant être réduite à sa simple propriété, le Tribunal
arbitral admettra que la société PIERPOL en sa qualité de concessionnaire sur le territoire
français participe donc à ses risques et périls à la renommée et à l'accessibilité de la marque
JACK MOTORS au niveau local20
.
143. Le Tribunal arbitral admettra également que par l'entremise de chaque contrat-cadre
conclu, la société JACK MOTORS a entendu conférer à la société PIERPOL, la maîtrise et
l'usage de la marque JACK MOTORS sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine.
144. En d'autres termes à une exploitation localisée correspond une clientèle localisée.
145. Le Tribunal conclura donc à la reconnaissance d'une clientèle propre au bénéfice de la
société PIERPOL, sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine, en sa qualité de
concessionnaire de la marque JACK MOTORS.
20
Cour de Cassation 3 ème Chambre civile, 27 mars 2002, Consorts Trévisan c. Epoux Basquet, arrêt n° 615,
pourvoi n° 00-20.732
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b) Le Tribunal arbitral reconnaitra la perte de clientèle de la société PIERPOL
146. Le 10 juillet 2014, Monsieur LAFITE, président du « Club des amateurs de jolies
belges » a adressé au Directeur Général de la société PIERPOL, un courrier dans lequel il lui
faisait part de ses mésaventures récentes au volant d'une QUATTRO STELLE de la marque
JACK MOTORS.
147. Entre autres doléances, Monsieur LAFITE indiquait vouloir déconseiller à l'ensemble de
ses adhérents, également grands amateurs et consommateurs de véhicules de sport belge,
l'achat de produits auprès de la société PIERPOL.
148. Le Tribunal ayant reconnu, d'une part que la société PIERPOL disposait d'une clientèle
propre et d'autre part que cette clientèle se fondait sur la capacité de cette dernière à proposer
sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine des véhicules de sport belges, le fait
pour la société PIERPOL de perdre la confiance du président du « Club des amateurs de jolies
belges » et avec ce dernier l'ensemble des adhérents de ce même club s'apparenterait à la perte
de 80% de son chiffre d'affaires.
149. Le Tribunal arbitral conclura donc en la perte de la clientèle de la société PIERPOL, du
fait de la défection de Monsieur LAFITE et des adhérents du « Club des amateurs de jolies
belges ».
c) Le Tribunal arbitral reconnaîtra que la perte de la clientèle est la conséquence de la
panne du véhicule de M LAFITE
150. Les mésaventures de Monsieur LAFITE au volant de sa QUATTRO STELLE de la
marque JACK MOTORS ont été reconnues (paragraphes 119. à 123.) comme étant
imputables à la société JACK MOTORS pour vices cachés entachant les véhicules livrés à la
société PIERPOL après leur mise en circulation.21
151. La panne du véhicule de Monsieur LAFITE a provoqué chez ce dernier la volonté
d'entreprendre une campagne de destruction de l'image de la société PIERPOL, en incitant
notamment les adhérents du « Club des amateurs de jolies belges » dont il est le président à
boycotter la société PIERPOL, le Tribunal arbitral reconnaîtra qu'il existe, entre la panne du
véhicule de Monsieur LAFITE et la perte de clientèle de la société PIERPOL, un lien de
causalité évident.
21
Cour de Cassation, Chambre commerciale, 10 mai 2000, pourvoi n°97-17.472
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152. Le Tribunal arbitral conclura donc, en la responsabilité de la société JACK MOTORS
dans la perte de clientèle de la société PIERPOL résultant de la panne du véhicule de
Monsieur LAFITE et octroiera à la société PIERPOL SA en raison du préjudice causé par la
société JACK MOTORS une indemnité à hauteur de 600.000 euros.
152. Pour calculer une estimation de la moyenne du chiffre d’affaires H.T pour les seules
ventes de véhicules neufs, il convient d’apprécier le nombre de véhicules neufs vendus par
années (cf. courrier de JACK MOTORS), de le multiplier par la moyenne du prix de vente
(ELITE : 150 000€ / GHEPARDO : 100 000€ / moyenne : 125.000€).
exercice VN vendus CA H.T (euros)
2004 10 1125000
2005 14 1750000
2006 17 2125000
2007 14 1750000
2008 13 1625000
2009 13 1625000
2010 18 2250000
2011 16 2000000
2012 21 2625000
moyenne du CA HT de 2004 à 2012 = 1875000€
153. Il est possible de tirer du chiffre d’affaires la valeur de fonds de commerce. S’agissant de
la vente de véhicules neufs, cette valeur correspond à 40% du chiffre d’affaires soit 750.000
euros.
154. La clientèle perdue du fait de JACK MOTORS représentait 80% du chiffre d’affaires de
la société PIERPOL. En d’autres termes, la part de la valeur du fonds de commerce qui
correspond à la perte de clientèle est de 600.000 euros (80% de 750.000 euros).
155. Or, il a été démontré que la clientèle étant un élément essentiel du fonds de commerce, la
valeur de cette clientèle correspond à la valeur du fonds de commerce.
Par conséquent, le Tribunal arbitral condamnera la société JACK MOTORS au paiement de
600.000 euros à la société PIERPOL au titre de la perte de clientèle générée par sa faute.
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III. PAR CES MOTIFS
Le Tribunal arbitral,
1. Constatant l’existence d’une clause compromissoire, se déclarera compétent ;
2. Déclarera la loi française comme seule loi applicable au présent litige ;
3. Condamnera la société JACK MOTORS :
à payer à la société PIERPOL la somme de 322.500 euros au titre des remises pour
l’année 2012 non attribuées ;
à payer à la société PIERPOL la somme de 222.500 euros au titre des remises sur
les tarifs 2014 ;
à payer à la société PIERPOL la somme de 430.192 euros au titre des retards de
livraison ;
à payer à la société PIERPOL les sommes versées à M.LAFITE, soit 250.000
euros au titre de la reprise du véhicule, 50.000 euros au titre de l’indemnisation
versée, 2.000 euros au titre des frais de dépannage et d’hostellerie :
à payer à la société PIERPOL la somme de 600.000 euros au titre de la perte de
clientèle.