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Master 2 Professionnel « Coopération internationale, Action humanitaire et Politiques de développement » (CIAHPD) Université Paris I Panthéon-Sorbonne 2009-2010 Mémoire de stage Le Programme Conjoint pour la Relance des Dynamiques Locales de développement en Guinée Forestière (REDYLO-GF). Ambitions, défis et enjeux d’une action de développement conjointe au niveau régional dans le cadre de la réforme des Nations Unies et à la lumière de sa Revue à Mi- Parcours . Mathieu Lembrez Sous la direction de Max Zins

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Master 2 Professionnel « Coopération internationale, Action humanitaire et Politiques de

développement » (CIAHPD)

Université Paris I Panthéon-Sorbonne

2009-2010

Mémoire de stage

Le Programme Conjoint pour la Relance des Dynamiques Locales de développement en Guinée

Forestière (REDYLO-GF). Ambitions, défis et enjeux d’une action de développement conjointe au

niveau régional dans le cadre de la réforme des Nations Unies et à la lumière de sa Revue à Mi-

Parcours

.

Mathieu Lembrez

Sous la direction de Max Zins

2

L’Université Paris I n’entend donner aucune approbation aux opinions émises dans les mémoires.

Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

Je souhaite adresser tous mes remerciements et ma reconnaissance à l’ensemble des personnes qui ont su m’accorder assez de confiance pour me permettre de réaliser le présent mémoire. Ceux-ci vont en premier lieu à toute l’équipe de mes collègues du Programme Conjoint en Guinée Forestière, y compris des Agences et Bureaux localisés à N’Zérékoré, qui m’ont intégré et ont prouvé que le partage de la connaissance et des compétences, aux Nations Unies, n’est pas un vain mot. Je remercie particulièrement le Team Leader du Programme Conjoint, Gédéon Béhiguim, pour sa confiance, ses conseils, son professionnalisme, sa redoutable rigueur conceptuelle alliée au pragmatisme qu’exige le terrain, sa simplicité et son engagement profonds, le Coordinateur du Programme Conjoint, M.Yacouba Bangoura, véritable monument d’expérience, de connaissance et de dévouement à la Région Forestière, ainsi que mes autres collègues directs, Oumar Bah, Chargé du Suivi-Evaluation (UNFPA), et Mamadou Ciré Camara, Expert chargé de la Gouvernance et du Développement local (PNUD), dont la collaboration me manque déjà. Un remerciement sincère également aux experts du PNUD à Conakry, dont la disponibilité a permis d’éclairer conceptuellement les enjeux, de la Réforme des N.U du Programme Conjoint et du stage. Enfin, reconnaissance doit être rendue à Emeline Hekpazo, qui a eu l’heureuse initiative de me mettre en contact avec le Programme Conjoint, et à l’ensemble de l’équipe pédagogique du Master CIAHPD, qui a su fourbir l’arsenal d’outils conceptuels et méthodologiques qui s’est avéré si précieux en Forêt.

3

Synthèse du Mémoire :

Dès la fin des années 1990 s’est engagée une vaste réforme du Système des Nations Unies, visant à

équiper l’Organisation face à la globalisation et à ses nouveaux défis, notamment dans les champs de

l’assistance humanitaire et du développement. Devant l’urgence de répondre aux multiples difficultés de

financement et de coordination, celle-ci s’est concentrée sur la cohérence d’ensemble du système, et sur la

gestion axée sur les résultats. En Guinée, le Plan-Cadre d’Aide au Développement est une concrétisation

des recommandations de la réforme. Il inscrit en 2007 le Programme Conjoint en Guinée Forestière

comme expérience de régionalisation des OMD dans une région marquée par un contexte de transition

d’une assistance humanitaire massive à un effort de développement crucial pour la stabilité de la Région.

Le Programme Conjoint constitue donc un enjeu important, mais est aussi confronté aux défis d’une

harmonisation des pratiques et des cadres d’intervention des acteurs indispensable à une action conjointe

efficace. La coordination et le suivi-évaluation apparaissent donc comme les piliers de cette expérience.

Ce sont donc sur ceux-ci que la Revue à mi-parcours du Programme, en 2010, porte de manière privilégiée

son attention. Dans un contexte difficile, elle développe une méthodologie centrée sur les systèmes et

outils de la coordination et du S&E axés sur les résultats. Les inventions, mais aussi les imperfections

relevées, notamment en matière de cohérence et d’indicateurs, renvoient aux spécificités de l’approche

régionale conjointe. Il apparaît que, pour assurer une gestion axée sur les résultats efficace, des

informations et des indicateurs qualitatifs sont indispensables, et permettent une vision globale des

interventions conjointes, tout en facilitant le transfert de compétence et l’approche participative essentiels

à un développement harmonieux.

Mots-clefs : Réforme des Nations Unies; “Unis dans l’action”, “Delivering as One”; PNUAD; UNDAF;

Programme Conjoint; Guinée Forestière; OMD; Coordination ; Suivi ; Evaluation ; Revue à mi-parcours ;

Indicateurs de développement ; Cadre de résultats ; Cadre logique ; Harmonisation des pratiques ;

Multilatéralisme ; ONU ; Guinée ; N’Zérékoré ; Transfert de compétence ; Développement local ;

Développement participatif ; PNUD ; PAM ; UNICEF ; HCR ; Transition ;

Abstract :

By the end of 90’s was launched a profound reform of the United States System, aimed at providing U.N

with appropriate tools corresponding to globalization and inherent challenges, especially concerning the

Humanitarian and Development fields. Urged with various funding and coordination related difficulties,

the U.N focused on the Wide-System Coherence and Results-based approaches. The United Nations

Development Aid Framework in Guinea follows the reform’s recommendations. In 2007, the Joint-

Programme in Guinea Forestiere, included in the UNDAF, goes further as region-level MDGs experiment,

in a region characterized by a rough transition between massive Humanitarian assistance and

Development-fuelled stabilization. The Joint-Programme in Guinea Forestiere appears to be an important

stake, though faced with practices and results-frames harmonization challenges in order to meet the needs

of an efficient joint-action. Coordination and Monitoring&Evaluation appear to be the mainstay of such an

experiment. For this reason, the Half-Way Review (2010) of the Joint Programme focused on these points.

Consultants Team managed to develop, in a particularly difficult contextual situation, a methodology

aimed at estimating the Coordination and M&E systems and tools from a result-based approach point of

view. Inventions, as well as identified shortcomings, notably connected with coherence and indicators, are

obviously related to the joint regional approach specificities. It is assumed that, in order to ensure an

efficient results-based management, qualitative information and indicators are to be produced. Not only

would such information improve the comprehensive approach of joint initiatives, but also boost the skills

and competence transfer, as well as a genuine participative approach, both of them being part of an

harmonized Development.

Key-words : United Nations Reform ; “Delivering as One”; UNDAF ; Joint-Programme ; Guinea

Forestiere ; MDGs ; Coordination ; Monitoring ; Evaluation ; Half-term review ; Development Indicators ;

Results Frame ; Logical Frame; Practices Harmonization ; Multilateralism ; UNO ; Guinea ; N’Zerekore ;

Know-How Transfer ; Local Development ; Participative approach ; UNDP ; WFP ; UNICEF ; UNHCR ;

Transition ;

4

Table des Matières

INTRODUCTION 6

I. LE PROGRAMME CONJOINT ET LA REFORME

DU SYSTEME DES NATIONS UNIES 10

A. La Réforme des Nations Unies et l’expérimentation d’une « Unité dans

l’action » au niveau régional ---------------------------------------------------------------------------------------- 10

1. L’émergence de la « Cohérence » comme point focal de la Réforme ------------------------------- 10

a) Origine et portée de la Réforme ------------------------------------------------------------------------------- 10

b) Emergence d’un consensus sur l’initiative « Delivering as One » --------------------------------- 12

c) Limites et difficultés du processus de réforme

et redéfinition des compétences du PNUD ------------------------------------------------------------------------- 13

2. Défis du financement et d’une gestion axée sur les résultats (G.A.R) ------------------------------ 14

a) La planification et la gestion axée sur les résultats ----------------------------------------------------- 15

b) La question non tranchée du financement----------------------------------------------------------------- 18

B. Le Programme Conjoint - Guinée Forestière comme expérience

de régionalisation des OMD --------------------------------------------------------------------------------------------- 21

1. Un Programme Conjoint en Guinée Forestière ------------------------------------------------------------- 21

a) Choix de la Guinée forestière comme région pilote

d’expérimentation de l’approche régionale conjointe ------------------------------------------------ 21

b) Evaluation situationnelle et processus de planification,

du BCP au Programme Conjoint -------------------------------------------------------------------------------- 24

c) Composantes et objectifs du Programme Conjoint - Guinée

Forestière: une régionalisation des OMD ----------------------------------------------------------------- 30

2. Défis de coordination et d’harmonisation d’un Programme

Conjoint pilote --------------------------------------------------------------------------------------------------------- 34

a) Un Programme partiellement conjoint -------------------------------------------------------------34

b) Des réalisations dépendantes des « Partenaires responsables » ----------------------------------- 38

3. Le défi majeur du transfert de compétence, de l’appropriation et

de la viabilité ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- 40

a) Des approches différentes de l’autonomie de développement -------------------------------------- 40

b) Un transfert forcé des compétences ? ----------------------------------------------------------------------- 41

c) Les groupes thématiques comme outil de coordination et

d’appropriation ---------------------------------------------------------------------------------------------------- 46

5

II.LES SYSTEMES DE COORDINATION ET DE SUIVI-EVALUATION

AU CRIBLE DE LA REVUE A MI-PARCOURS 2010 DU PROGRAMME CONJOINT -

GUINEE FORESTIERE 49

A. La Revue à mi-parcours (RMP) 2010 du PCGF ------------------------------------------------------------- 49

1. Contexte, mise en oeuvre et objectifs de la Revue à mi-parcours du

Programme Conjoint ----------------------------------------------------------------------------------------------- 49

a) Contexte et temporalité de la Revue ------------------------------------------------------------------------- 49

b) Objectifs et enjeux de la Revue à mi-parcours du Programme

Conjoint --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 51

2. Emergence d’une méthodologie en fonction des priorités de la

Réforme : une focalisation sur la Coordination, le Suivi et

l’Evaluation axés sur les résultats ------------------------------------------------------------------------------ 56

a) Le processus de la Revue à mi-parcours et sa préparation ------------------------------------------ 56

b) Consensus sur la priorité donnée à l’évaluation des résultats

stratégiques ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 59

B. La Coordination, le Suivi et l’Evaluation :

une cinquième composante invisible et problématique ---------------------------------------------------------- 60

1. Des indicateurs de S&E harmonisés pour mieux planifier et

coordonner -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 61

a) Les efforts du Programme pour des outils de planification et des

indicateurs efficaces ---------------------------------------------------------------------------------------------- 61

b) Insuffisance et imprécision des indicateurs retenus et de la

planification logique ---------------------------------------------------------------------------------------------- 63

2. Evaluation d’une action régionale conjointe axée sur les résultats ---------------------------------- 66

a) Dégager du cadre logique des résultats les outils d’un suivi de la

qualité ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ 67

b) Nécessité de croiser les données et de réinterroger les indicateurs de

résultats à plusieurs niveaux ----------------------------------------------------------------------------- 68

c) Révision stratégique des cibles --------------------------------------------------------------------------------- 69

d) Préciser pour responsabiliser : délimitation des projets et des

compétences,

actualisation des cadres de planification et affinage des délais d’exécution --------------------------- 70

3. Un besoin de suivi qualitatif pour une véritable Gestion axée sur les

Résultats et une meilleure implication des populations ------------------------------------------------ 72

a) Lacune des indicateurs et informations qualitatives --------------------------------------------------- 72

b) Un effort qualitatif pour assurer une approche participative,

l’appropriation et la viabilité des interventions en Développement ----------------------------- 75

c) Approfondir et élargir une approche participative timide ------------------------------------------ 77

CONCLUSION 80

BIBLIOGRAPHIE 83

ANNEXES 92

6

Introduction

Le présent mémoire est étroitement lié au stage effectué à N’Zérékoré (Guinée-Conakry) auprès du

Programme Conjoint pour la Relance des Dynamiques de développement économiques et sociales en

Guinée Forestière (REDYLO-GF) de juillet à octobre 2010. Ce Programme, initié en 2007, entend

contribuer, de manière déconcentrée, au développement de la région forestière, et, plus précisément, aux

Objectifs millénaires pour le Développement. Cette expérience de régionalisation de la réalisation des

OMD est inédite en Guinée, mais s’inspire du Programme « Unis dans l’action » (Delivering as One), un

des fondements de la Réforme des Nations Unies pour faciliter notamment, une meilleure cohérence des

interventions de l’Organisation, soucieuse de se repositionner dans un contexte marqué par la globalisation

de l’offre de développement, mettant à mal le multilatéralisme dont elle procède.

La portée d’un tel projet est d’autant plus ambitieuse qu’elle prend place dans un pays instable et

confronté à de lourdes difficultés : à la suite des changements politiques intervenus en 1984, un vaste

programme de réformes économiques et financières a été engagé en Guinée, axé essentiellement sur

l’instauration d’un cadre libéral pour l’activité économique et la création de conditions propices au

développement du secteur privé. Au cours de la décennie suivante, la politique macro-économique a

consisté essentiellement en la poursuite de la mise en œuvre de programmes d’ajustements structurels

appuyés par des facilités et crédits d’ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale, si bien qu’en

décembre 1999, le pays a été déclaré éligible à l’Initiative PPTE renforcée, et un nouveau programme dans

le cadre de la nouvelle Facilité pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (FCRP) a été formulé. En

outre, depuis 1989, la région forestière subit les conséquences d’une présence prolongée de plus d’un

demi-million de réfugiés fuyant la guerre civile au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée Bissau. Les

incursions rebelles de septembre 2000 à ses frontières sud et sud-est ont entraîné le déplacement massif de

plusieurs centaines de milliers de personnes, réfugiées sur l’ensemble du territoire. Depuis le 19 septembre

2002, le pays doit faire face au retour d’un nombre important de guinéens évacués de la Côte d’Ivoire. En

outre, le contexte national du pays au cours de ces dernières années n’a pas favorisé la mobilisation des

ressources à la hauteur des objectifs du programme, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie

régionale de lutte contre la pauvreté et des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Le Programme Conjoint constitue donc également une tentative de transition épineuse d’une situation

d’assistance humanitaire d’ampleur régionale aux impératifs de développement en faveur d’une région

fortement appauvrie durant les dernières décennies, et essentielle à la stabilité de la région, puisque sa

7

mise en place apparaît comme une réponse des Nations Unies au plaidoyer des autorités régionales pour la

relance du développement dans la région.

Bien que ne faisant pas partie du groupe initial de 8 pays pilotes officiellement volontaires pour une

expérimentation de la mise en œuvre du « Delivery as One » (DAO), la Guinée est un « Self-starter » :

l’Equipe-pays elle-même a lancé l’initiative d’expérimenter l’approche envisagée par la Réforme des

Nations Unies, au niveau national par l’élaboration d’un Plan Cadre de l’Aide au Développement pour la

Guinée (UNDAF 2007-2011), mais aussi au niveau d’une région, la Guinée forestière, et a inclus cette

expérimentation dans le Plan-cadre en question.

Le processus de mise en place du Programme conjoint de la Guinée forestière a ainsi été conduit en 3

étapes importantes que sont : l’analyse participative de la situation socio-économique de la région et

l’identification des priorités d’interventions, la définition des résultats stratégiques ainsi que des

mécanismes de coordination et de gestion du programme, et le lancement des activités de mise en œuvre

du programme sur le terrain en juillet 2007.

Le Programme Conjoint s’apparente donc à un « UNDAF régional ». Plus qu’une simple expérimentation

du Delivery as One, il est donc aussi une tentative originale de déconcentration relativement aboutie au

niveau d’une région. Un tel programme conjoint constitue une expérience unique en Guinée. Il implique la

quasi-totalité des agences du SNU, les principaux services techniques de la région, et d’autres partenaires

de la société civile tels que les ONG, associations ou groupements, sous le leadership et la coordination

formels des autorités régionales. Sa fonction principale est de contribuer à atteindre les OMD tout en

participant au renforcement des capacités régionales et locales en matière de planification, de coordination

et de gestion du développement.

Le transfert de compétence en faveur des autorités et institutions déconcentrées et décentralisées est ainsi

au cœur de la démarche du Programme Conjoint, qui est d’ailleurs placé sous la responsabilité directe du

Gouverneur de la Région Forestière.

.

La première phase du programme s’étend sur une période de 5 ans (2007-2011), et l’évaluation à mi-

parcours du programme était prévue en 2010 afin d’envisager les atteintes du Programme, et,

éventuellement, de favoriser le prolongement du Programme par une seconde phase sur la période 2012-

2015.

Cette Revue à mi-parcours a eu lieu en octobre-novembre 2010 et recommande le renouvellement du

Programme pour une seconde phase, mais également sa duplication dans au moins une autre région

défavorisée du pays (Haute Guinée et/ou Moyenne Guinée). Elle constitue donc un enjeu important, tant

pour les Nations Unies que pour la Guinée et les autres régions/Etats intéressés. C’est pourquoi les

conditions d’une capitalisation effective, et notamment les outils de suivi-évaluation, sont au centre de la

réflexion qu’elle est appelée à nourrir.

8

Mon stage consistait à consolider les résultats du Programme conjoint sur cette période, avec le concours

de l’ensemble des agences, partenaires et groupes thématiques acteurs de celui-ci, puis à participer à

l’élaboration de la méthodologie de la Revue à mi-parcours aux côtés des consultants.

Ce séjour au sein du Programme Conjoint s’est donc avéré très dense : outre un travail en étroite

collaboration avec le Chargé de Suivi-Evaluation du Programme et les chefs d’Agence des sous-bureaux

régionaux, il fut émaillé de nombreuses occasions de participer aux activités conjointes du Programme,

dans des domaines aussi variés que les plaidoyers et requêtes pour de nouveaux financements, la mise en

œuvre de missions conjointes d’évaluation de projets, la mise en place d’une base de données de suivi

interactive commune à tous les partenaires du Programme ou l’organisation de la session semestrielle à

N’Zérékoré. Ce foisonnement a permis d’approcher une multitude d’acteurs du Programme, et était

propice à une exploration des questions en relation avec la coordination, le suivi et l’évaluation au sein de

cette entreprise inédite.

Le mémoire s’attache donc dans un premier temps à resituer le Programme Conjoint dans un contexte plus

global : d’abord, d’un point de vue conceptuel, dans le cadre de la Réforme des Nations Unies, et

notamment dans son Programme-clef « Delivering as One », dont il est une expérience originale ; les

concepts sur lesquels se fondent la réforme, tels que la cohérence et la gestion axée sur les résultats (GAR)

seront donc explorés. Puis le Programme conjoint est envisagé dans son contexte national et régional, afin

de cerner en quoi consiste exactement le Programme conjoint en regard des OMD, de la Stratégie de

Réduction de la Pauvreté, et les défis propres auxquels il a à faire face, tels que les modes de financement,

la coordination entre les agences comme avec les partenaires régionaux, ainsi que l’enjeu du transfert de

compétence et de l’appropriation locale.

Puis, afin d’approfondir ces questions en tirant plus explicitement partie de l’expérience acquise au cours

du stage, l’attention sera portée sur les défis de la coordination, du suivi et de l’évaluation, passés au crible

de la Revue à mi-parcours pour qui ils constituent des objets de première importance. La Revue elle-même

sera prise pour objet, tant il est vrai qu’elle est offre la précieuse opportunité à tous les acteurs de se

confronter avec les problèmes rencontrés, et de chercher ensemble les éléments d’amélioration. Le

processus d’élaboration de la méthodologie de la revue, d’ailleurs, s’est rapidement orienté sur les

questions de la Coordination et du Suivi, au travers notamment des indicateurs retenus, et de la manière

dont ils étaient traités conjointement. Le mémoire, lui-aussi, propose une exploration des cadres logiques,

de résultats, et des indicateurs, bases de référence et cibles, car ils témoignent des défis de la coordination

au sein du Programme Conjoint. Nous essaierons, de cette manière, de dégager les principaux enjeux d’un

suivi effectif, axé sur les résultats réels de développement, et les nouvelles orientations qu’il suppose en

matière de planification et de suivi-évaluation.

9

Le mémoire n’est donc ni une analyse exhaustive de la Réforme des Nations Unies ou de la Gestion axée

sur les résultats préconisée par le PNUD, ni un simple rapport de stage amélioré portant sur la Revue à mi-

parcours du Programme Conjoint. Il entent articuler ces deux niveaux de réflexion, afin d’appréhender les

enjeux de la réforme et du suivi évaluation de manière située, à partir d’un programme conjoint pilote en

Guinée forestière, en prenant comme fil conducteur les défis rencontrés sur place - mais dont la portée est

bien supérieure au seul Programme Conjoint - que sont le Coordination, le processus intégré de

Planification-Suivi-Evaluation, l’appropriation du développement et la participation large des citoyens,

appelés à en être les acteurs aussi bien que les bénéficiaires.

10

I. Le Programme Conjoint et la Réforme du Système des Nations Unies

A. La Réforme des Nations Unies et l’expérimentation d’une « Unité dans l’action » au

niveau régional

Reflétant par essence le système international depuis sa création, l’Organisation des Nations Unies

peuvent être considérées, comme le remarque Victor-Yves Ghebali, comme ayant « toujours été en

crise »1, et cette crise est peut-être plus aigüe encore dans le contexte de globalisation : le multilatéralisme,

aussi bien en matière de sécurité collective que de développement économique et social, étant

sérieusement mis en question : « Si le système multilatéral d’après-guerre a permis à la nouvelle

globalisation d’émerger et de s’épanouir, celle-ci l’a, en retour, progressivement rendu caduque »2 En

réponse à ce danger perçu dès les années 1990, les débats se sont multipliés sur le vaste chantier de la

réforme des Nations Unies, désormais reconnue comme inévitable et urgente. Ils se sont notamment

focalisés, dès 1997, sur les missions en matière de coopération pour le développement, l’environnement et

l’aide humanitaire, traitant séparément la question de la sécurité collective.

1. L’émergence de la « Cohérence » comme point focal de la Réforme

a) Origine et portée de la Réforme

La question de la « cohérence d’ensemble du système » (System-Wide Coherence) a été pour la première

fois posée lors du Sommet mondial de septembre 2005. Une partie du Document final adopté par les chefs

d’Etat et de gouvernement lors du Sommet mondial de 2005 (article 169) était consacrée à la « cohérence

du système des Nations unies » ;

L’Assemblée générale invitait notamment le Secrétaire général à renforcer la gestion et la coordination des

activités opérationnelles des Nations unies de sorte qu’elles puissent contribuer à la réalisation des

objectifs arrêtés au niveau international, dans ces trois domaines.

A la suite du Sommet mondial, Kofi Annan, Secrétaire général, a annoncé en février 2006 la formation

d’un groupe d’experts de haut niveau (Hign-Level Panel on United Nations system-wide coherence in the

1 Ghebali Victor-Yves, Tortora Manuela, “In Quest for UN System-Wide Coherence: the Conundrum of Multilateral

Development Cooperation”, Geneva Centre for Security Policy, 2007, p.1 2 Kofi Annan, We the Peoples: the Role of the UN in the 21st Century : A/54/2000, 27 March 2000, p. 30

11

areas of development, humanitarian assistance and the environment), dont la mission était d’explorer les

moyens d’améliorer la cohérence et l’efficacité des travaux menés par le système des Nations unies

partout dans le monde, dans les trois domaines du développement, de l’aide humanitaire et de

l’environnement. Cette étude était destinée à jeter les bases d’une restructuration fondamentale des

activités opérationnelles des Nations Unies. Elle a donné lieu à un rapport, paru en novembre 2006,

intitulé "Unis dans l’action" ("Delivering as One"), auquel correspond le programme éponyme "Unis dans

l’action" lancé par les Nations Unies. Il s’agissait avant tout d’analyser la façon dont l’Organisation

pouvait apporter des solutions de manière plus coordonnée au problème de développement.

Le rapport du Groupe de haut niveau présentait une série de recommandations, assorties d’un calendrier,

sur quatre volets principaux: 1. « Unis dans l’action » sur le terrain ; 2. la gouvernance et le financement

des activités opérationnelles au niveau central ; 3. l’harmonisation des pratiques administratives et de

gestion ; 4. l’égalité hommes-femmes.

Un consensus sur la cohérence et le volet opérationnel au niveau pays par-delà le clivage

“Nord/Sud”.

Une grande partie des débats portant sur la réforme des Nations Unies, jusqu’aujourd’hui, porte sur

l’interprétation du terme apparemment consensuel de « Cohérence ». Bien souvent, les principales lignes

de divergence sur cette question suivent le clivage Nord/Sud.

Dès la mise en place du Groupe de Haut Niveau (GHN), certains pays développés ont demandé, par le

biais du G13 (principaux bailleurs européens) au GHN de centrer son étude sur l’évaluation des faiblesses

et avantages comparatifs des Nations Unies afin de comparer ces dernières aux autres acteurs, mais aussi

d’améliorer les synergies de l’interaction entre les Nations Unies, bailleurs et Institutions financières

internationales au niveau pays dans le but de renforcer la stabilité du financement des activités. Ils

insistaient aussi sur la mise en place d’une équipe-pays unifiée autour d’un programme unique sous la

direction unique d’un Coordinateur Résident. Il s’agissait par ailleurs de limiter l’action de développement

des agences à l’assistance technique, la protection de l’environnement, et aux « niches » que sont la

prévention des conflits, la reconstruction post-conflit, la gouvernance et les problèmes liés au genre, les

autres domaines étant confiés de manière privilégiée aux Institutions de Bretton Woods et à l’OMC.

Les pays en développement (G77, Chine et membres du Mouvement des Non-alignés) se sont très vite

élevés contre ces suggestions, défendant au contraire la richesse que représentent à leurs yeux les mandats

variés des différentes agences, et craignant que l’unification ne soit le prétexte à une diminution de l’aide

au développement, Ces pays insistaient pour que les Nations Unies soient, au contraire, renforcées dans

leur rôle de coordination des politiques économiques et sociales. Ils reconnaissaient, cependant, la

nécessité d’améliorer l’offre qualitative des agences au niveau des pays, et la nécessaire rationalisation des

relations entre les Institutions de Bretton Woods et les Nations Unies afin d’éviter les doublons et les

superpositions de compétence.

12

. S’agissant de l’égalité hommes-femmes, le rapport préconisait que soit créée dans le système des Nations

unies une entité unique et dynamique qui se consacre entièrement à la cause de l’égalité des sexes et de

l’autonomisation des femmes.

b) Emergence d’un consensus sur l’initiative « Delivering as One »

C’est donc ce volet, sous le titre « Unis dans l’action » (Delivering as One), qui a rencontré le plus de

succès, et dont la mise en place a progressé le plus rapidement, car il a permis un consensus large, au-delà

du clivage traditionnel entre les Etats du Nord et du Sud, pour entamer le processus de réforme.

L’objectif de la réforme « Unis dans l’action » sur le terrain est d’amener les fonds et programmes à

coordonner leur action par trois moyens : la désignation d’un responsable unique (le Résident

Coordonnateur), la mise en place d’un programme unique d’activités des Nations unies pour les

différentes agences présentes sur place, la définition d’un cadre budgétaire unique, auxquels on a ajouté un

objectif secondaire consistant à regrouper, lorsque le contexte-pays s’y prête, les agences autour d’un

bureau unique. En un mot : « One Programme, One Leader, One budgetary framework, One office ».

Une telle structure serait expérimentée sur 5 (puis 8) pays pilotes volontaires, et au travers de

Programmes-pays communs.3

En outre, le rapport du Groupe de Haut Niveau recommandait la mise en place de trois nouvelles

structures : le Sustainable Development Board (SDB, chargé d’appuyer le Conseil Economique et Social),

le Global Leader’s Forum et le UN Development Policy and Operations Group ; l’établissement d’une

structure de financement consolidée sur une base pluriannuelle apte à soutenir le Programme Pays « One

UN »4 ; la modernisation des pratiques de gestion, et notamment la mise en place d’un système commun

d’évaluation.5

Une approche « bottom-up » pour améliorer l’efficacité et l’efficience dans un contexte devenu

concurrentiel

L’unité dans l’action répond aux besoins d’une meilleure communication, fluidifiée aussi bien entre les

agences-pays qu’avec les partenaires internationaux, les bailleurs et les bénéficiaires (Etats, communautés,

groupements, individus), pour qui la visibilité des Nations Unies est ainsi améliorée. Il s’agit aussi de

réduire les coûts, non seulement en évitant les doublons et en bénéficiant des compétences des autres

agences, mais également en pariant sur la synergie mise en œuvre (« One UN est plus que la somme des

agences »6).

3 A/61/583 du 20 Novembre 2006, p. 21

4 Ibid., pp. 50-52

5 Ibid., pp. 13-14 et pp. 53-54

6 Ibid., p. 16

13

Cette réduction des coûts va de pair avec l’amélioration des interventions et de la visibilité globale des

Nations Unies : il s’agit donc bien d’une tentative de repositionnement des Nations Unies dans un contexte

d’inflation de l’offre de développement et d’acteurs variés. Les Nations Unies espèrent répondre aux

transformations liées à la globalisation, et notamment dans les domaines du développement et de

l’humanitaire, devenus fortement concurrentiels, en améliorant leur image de compétitivité auprès des

bailleurs, des Etats et des partenaires. Au-delà de leurs capacités de mobilisation des fonds, de leur

expertise et de leur expérience souvent meilleures que celles d’autres organisations de développement,

elles tentent aussi de s’imposer comme un acteur incontournable de la coordination globale de l’Aide et du

multilatéralisme.

Sur un plan tactique, une telle approche présente en outre l’intérêt de commencer la réforme « par le bas »,

c'est-à-dire au niveau des pays, plutôt que par les organes centraux de New York, si bien que certains

diplomates parlent d’une stratégie de réforme de type « bottom-up », plus judicieuse qu’une tentative de

réforme par le Centre et/ou par chaque agence : la réforme est ainsi « pratiquée avant même d’être

acceptée ».7

Cette approche pragmatique est justifiée par l’urgence d’engager la réforme, le Système des Nations Unies

étant perçu de manière croissante comme fortement handicapé par sa fragmentation, source, aux yeux des

bailleurs notamment, de superposition des fonctions, de la faiblesse de la coordination, des doublons au

niveau des activités, d’une gouvernance confuse, et d’une gestion axée sur les résultats approximative.

Cependant, il convient de noter que si les pays du Nord comme du Sud sont d’accords sur la nécessité de

mieux coordonner les équipes pays, le clivage persiste quant à l’approche à adopter dans cette tâche. Alors

que les pays en développement privilégient la responsabilité et la souveraineté des gouvernements, le

renforcement des Nations Unies comme principale organisation multilatérale et la nécessité d’une

appropriation par les Etats bénéficiaires eux-mêmes des leurs propres voies de développement, ceux du

Nord insistent sur les aspects institutionnels et managériaux, se référant avant tout à la Déclaration de

Paris sur l’Efficacité de l’Aide8 d’avril 2005.

c) Limites et difficultés du processus de réforme et redéfinition des compétences du PNUD

Cependant, de nombreux points essentiels de la réforme restent critiqués, et en discussion.

Alors que la mise en place d’un Bureau du Développement Durable (SDB) est soupçonnée d’apporter plus

de bureaucratisation supplémentaire que de coordination, et celle d’un Forum des dirigeants globaux

(GLF) est critiquée car risquant d’éroder un peu plus le travail du Conseil Economique et Social (Ecosoc),

les questions liées au découplement des fonctions de coordination et opérationnelles du PNUD suscitent la

prudence (cf. ci-dessous), tandis que celles des modes, de la nature et de la finalité des financements

7 Entretien avec un responsable du PNUD-Guinée

8 Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement. Appropriation, harmonisation, alignement,

résultats et responsabilité mutuelle, mars 2005 [en ligne : http://www.afd.fr/jahia/webdav/users/administrateur/public/AFD/Efficacite%20Aide/Declaration_de_Paris.pdf]

14

(lacunes, équilibre entre fonds propres et extérieurs, conditionnalité, priorités et agendas imposés par une

aide axée sur les priorités des bailleurs, etc.) exigent de longs débats pour espérer atteindre un consensus.

C’est pourquoi le volet de la gestion sur le terrain est apparu comme le meilleur « angle d’attaque » d’une

réforme devenue urgente.

Le dédoublement du PNUD, agence opérationnelle et coordinatrice

L’approche « One UN » telle qu’elle est recommandée dans le Rapport de 2005 renforce en fait un

processus lancé dès 1997 par le PNUD au niveau des pays. Le rôle du Coordinateur Résident des Nations

Unies est renforcé, puisqu’il représente de fait l’ensemble du SNU au niveau du pays, et pilote l’équipe-

pays des Nations Unies. Ces prérogatives autorisent des initiatives plus audacieuses au niveau pays. Elles

ont certainement permis, par exemple, de tenter l’expérience, dès 2007, du Programme Conjoint en

Guinée Forestière, en la prévoyant dans l’UNDAF, cadre d’action de l’ensemble de l’équipe-pays.

S’agissant de la gouvernance et du financement des activités opérationnelles, le PNUD est chargé de

superviser les programmes uniques des pays ainsi que la cohérence stratégique de l’ensemble de l’action

onusienne en matière de développement. Dans le cadre du volet « Unis dans l’action » appliqué au

développement, le PNUD se voit confier la gestion et le pilotage global de la structure unifiée, mais est,

dans le même temps, amputé de certaines activités supposées plus relever de la compétence d’autres

agences onusiennes ou internationales. Le « leader », le coordinateur résident, relève lui-aussi du PNUD.

Se pose alors avec acuité le problème du partage des fonctions et des compétences, au sein des Nations

Unies comme au sein du PNUD, notamment entre les activités gestionnaires de coordination au niveau du

pays, et les activités programmatiques opérationnelles propres au PNUD. Le Groupe de Haut Niveau et un

certain nombre de pays insistent sur la nécessité de bien distinguer ces compétences et d’établir

rapidement un code de conduite, au risque de se trouver confrontés à des conflits d’intérêts au sein du

PNUD comme au sein du Système des Nations Unies (cette crainte explique vraisemblablement les

réticences de certaines agences à intégrer trop étroitement leurs activités et leurs budgets au sein de projets

et programmes communs).

En tout état de cause, la tendance est à l’abandon d’un certain nombre d’activités de la part du PNUD, afin

de se concentrer sur les fonctions de coordination, de gestion, de représentation et de suivi de l’ensemble

du SNU-pays, ainsi que sur l’appui fourni sur le terrain aux agences. Le Programme Conjoint confirme

dans une large mesure cette tendance, plusieurs activités du PNUD se fondant dans celles du Programme

Conjoint, auquel il finit par être confondu par les acteurs eux-mêmes.

2. Défis du financement et d’une gestion axée sur les résultats (G.A.R)

15

En matière d’harmonisation des pratiques administratives et de gestion, la réforme prévoie notamment que

les méthodes utilisées pour la planification des ressources, la gestion des RH, les services communs et

l’évaluation soient rendus compatibles. Au fil du temps, ce sont surtout la planification et l’évaluation qui

ont concentré les efforts, lesquels consistaient notamment à appliquer les principes de la gestion axée sur

les résultats

a) La planification et la gestion axée sur les résultats

Elle consiste avant tout, dans le cas présent, à harmoniser les procédures et pratiques de l’ensemble des

participants au Programme Conjoint conformément aux principes de la Gestion axée sur les Résultats, afin

de faciliter la coordination et la coopération entre eux, et de mesurer plus aisément la réalisation des

Effets.

Un rappel de la méthodologie générale de planification, suivi et évaluation préconisée par le PNUD et, par

extension, par l’ensemble du Système des Nations Unies, apparaît important. La gestion axée sur les

résultats fait en effet partie intégrante de la réforme générale du SNU, qu’elle est chargée d’éclairer et de

guider.

En un mot, il s’agit de s’attacher systématiquement, que ce soit dans la planification, le suivi ou

l’évaluation, et quelle que soit l’étape d’un projet ou d’un programme, à la réalisation des objectifs et des

effets plutôt qu’à celle des tâches ou des activités. Autrement dit, plutôt que de porter son attention sur le

travail effectué, il est préférable de se concentrer sur les fruits, ou les résultats, de celui-ci.

Le document de stratégie ne doit pas se restreindre à ce que l’organisation va produire. Il doit plutôt

illustrer la manière dont les efforts des différentes parties prenantes vont contribuer à obtenir une vision

globale commune, et produire les impacts recherchés, ce qui facilitera également les processus de suivi et

d’évaluation. « Pour les cas où un cadre de résultats plus resserré est élaboré, il convient de tout mettre en

œuvre pour montrer que les mesures inscrites à un ordre du jour plus global sont entreprises et que les

partenaires et les protagonistes tiers travaillent pour parvenir aux effets et aux impacts globaux dans le

cadre du document de stratégie général (comme le PCNUAD, le plan d’action du programme au niveau

mondial, régional ou national, ou le document du projet) ».9 Le schéma ci-dessous présente la chaîne des

résultats de la GAR, enchaînement logique que l’ensemble des partenaires du Programme Conjoint doit

maîtriser et respecter, l’ensemble du Programme et chacun des projets mis en œuvre s’y référant. Il est à

noter que cette maîtrise n’est pas toujours acquise, et demande une certaine habitude (notamment pour ne

9 PNUD, Guide de la Planification, du Suivi et de l’Evaluation axés sur les Résultats du Développement,

New-York, 2009, p.61

16

pas confondre les niveaux). Il en est de même du vocabulaire spécifique utilisé pour la planification au

sein du Système des Nations Unies :

Définitions des termes courants utilisés pour la planification par le Système des Nations Unies10

Les hypothèses se définissent normalement comme les « conditions positives nécessaires à la réussite du

lien entre les différents niveaux de résultats ». Ainsi, lorsque les participants réfléchissent aux

changements positifs qu’ils voudraient observer et qu’ils cartographient les conditions préalables à ces

résultats, ils émettent l’hypothèse qu’une fois ces éléments mis en place, les résultats seront obtenus.

L’élaboration d’une carte des résultats donne toujours lieu à la formulation d’hypothèses

Les risques sont les circonstances ou les événements potentiels qui dépassent le champ d’action du

programme et qui sont susceptibles de contrecarrer l’obtention des résultats. Si les pouvoirs publics ou le

PNUD n’ont pas la capacité de maîtriser certains risques, des mesures peuvent être prises afin d’en

atténuer les effets. Les risques doivent être évalués en termes de probabilité (les chances qu’ils ont de se

produire) et d’incidence potentielle. S’ils se concrétisent, les risques peuvent conduire à une révision

globale du programme et de ses orientations

Les programmes et les projets peuvent avoir des conséquences ou des effets non intentionnels, qui

constituent une autre forme de risques. Ceux-là ne mettent pas en danger la concrétisation des activités du

programme ou du projet mais peuvent se traduire par des résultats non souhaitables

Un « résultat » se définit comme un changement dans les conditions du développement qui soit

descriptible ou mesurable et issu d’une relation de cause à effet. Différents niveaux de résultats permettent

de rendre compte de différents niveaux de changement en matière de développement. La planification

(voir partie 2.3) a conduit à l’élaboration de divers résultats désignés par les termes de vision, effets,

résultats, conditions préalables, pré-requis, actions, etc. Dans l’approche classique de la GAR, ils sont

reliés entre eux par ce qu’il convient communément d’appeler une chaîne de résultats. Cette dernière nous

renseigne essentiellement sur l’objectif des parties prenantes, leurs motivations et la manière dont ils vont

procéder

10

Définitions extraites de : PNUD, Guide de la Planification, du Suivi et de l’Evaluation axés sur les

Résultats du Développement, New-York, 2009, pp. 40-58

17

Les indicateurs, dans cette approche méthodologiques, sont également essentiels, puisqu’ils constituent les

balises du changement sur le chemin du développement. Ils permettent de repérer les résultats visés et

revêtent une importance cruciale pour le suivi et l’évaluation.

De bons indicateurs de performance constituent une partie essentielle du cadre de résultats. Ils sont

particulièrement utiles aux fins suivantes :

Documenter la prise de décision dans le cadre de la gestion d’un programme ou d’un projet

en cours.

Mesurer les progrès et les accomplissements, tel que les parties prenantes les conçoivent.

Établir de manière claire une relation cohérente entre les activités, les produits, les effets et

les impacts.

Garantir à l’ensemble des participants la légitimité et la redevabilité des partenaires en

démontrant les progrès obtenus.

Évaluer la performance du projet et du personnel

18

b) La question non tranchée du financement

Le financement des activités des Nations Unies est une question épineuse, et un problème reconnu comme

majeur. Il est tour à tour décrié pour son insuffisance, son irrégularité imprévisible, et le recours de plus en

plus fréquent et nécessaire aux fonds extrabudgétaires, soumis aux conditionnalités et choix des bailleurs.

La plupart des Etats bénéficiaires ont, au cours des débats sur le contenu de la réforme, insisté sur

l’urgence de réorienter les financements dans une perspective répondant aux besoins réels (« demand-

driven aid »), notamment ceux correspondant aux priorités de développement, plutôt qu’aux agendas et

priorités des bailleurs (« donor-driven aid »), mais ont également exprimé leur inquiétude face à la volonté

de renforcer une approche fondée sur les résultats (« results-based funding ») et susceptible selon eux

d’évoluer dans le sens d’un développement des critères d’aide, et donc de nouvelles conditionnalités ; ils

plaident pour que les financements des Nations Unis, quels qu’ils soient, ne soient jamais liés.11

C’est pourquoi le rapport du Groupe de Haut Niveau s’est contenté de recommander la mise en place d’un

fonds central pour le financement des Objectifs du Millénaire pour le Développement, reconstitué sur une

base pluriannuelle volontaire et à partir duquel seraient financés les programmes pays.

Nous avons vu que les agences se montrent souvent réticentes à une mise en commun de leurs fonds,

même au niveau d’un programme régional comme dans le cas du Programme Conjoint. Elles redoutent en

effet d’être dépossédées de leurs prérogatives concernant leurs domaines d’interventions, sur lesquels elles

ont des avantages indéniables en termes de compétence, au profit du PNUD. Afin de ne pas froisser les

sensibilités de certaines agences, au terme « budget commun » (« One common budget ») a été préféré la

formulation suivante : « une structure budgétaire commune » (« One budgetary framework ») laissant

ouvertes différentes modalités de gestion des fonds utilisés en commun.

Au sein du Programme Conjoint, cependant, certaines agences ont accepté, aux côté du financement en

parallèle qui reste la règle, de mettre en place un « panier commun » sur certains projets qui s’y prêtent

particulièrement. C’est le cas par exemple de la lutte contre le VIH/Sida. Une mise en commun des

financements devait être progressivement mise en place durant l’exercice du Programme Conjoint, mais ce

processus, confronté à la résistance de certains sièges nationaux, est lent : à l’heure actuelle, des sous-

comptes du Programme Conjoint ont été ouverts dans la région afin de fluidifier les financements, et de

rendre les fonds disponibles localement. Mais l’objectif du panier commun reste à l’ordre du jour, et est

systématiquement rappelé au cours des réunions et rencontres du Programme Conjoint.

Car l’objectif est également de réduire l’incertitude des financements, problème majeur des planifications

et programmations de la plupart des agences, notamment en limitant la dépendance des Nations Unies

envers les institutions de Bretton Woods et les bailleurs bilatéraux, ou en tout cas en encadrant leurs

11

De nombreux PED, ainsi que la Russie, s’étaient déjà opposés aux recommandations du Rapport de 2005 sur les OMD, suggérant une meilleure prise en compte des questions des Droits de l’Homme, du Genre et du Développement Durable. Ils considéraient qu’une telle « politisation » des activités opérationnelles des Nations Unies serait contre-productive et malvenue.

19

relations, en particulier concernant le volet humanitaire ou la transition de l’assistance au

développement dans les situations de post-crise. Ainsi, dans le cas de pays dits « faibles » (weak states)

et/ou peu équipés, comme c’est le cas de la Guinée, les fonds destinés au développement sont désormais

gérés par le PNUD plutôt que par la Banque Mondiale, au travers du « Peace Building Fund ». Cette

fonction intérimaire est assurée tant que l’Etat n’est pas jugé apte par les bailleurs à gérer convenablement

les fonds alloués au développement ; le fait que le PNUD soit en charge de ces fonds répond en partie aux

craintes des Etats de se voir soumis, par le biais de conditionnalités exigeantes, à un chantage, ou à tout le

moins de se voir dépossédés d’une partie importante de leur souveraineté, à savoir le pilotage de leur

propre développement. Cette réforme du financement accorde donc explicitement une grande importance

aux questions de l’appropriation nationale, à laquelle elle concoure au même titre que l’unification des

interlocuteurs onusiens de l’Etat en la personne du Coordinateur résident.

Cependant, il est important de mentionner que l’unification des agences au niveau du pays a aussi suscité

des inquiétudes quant au risque aggravé d’un déséquilibre de la relation « Système des Nations Unies -

Pays » par une superstructure-pays qui disposerait de trop de pouvoir vis-à-vis d’Etats bénéficiaires

souvent faibles12

.

L’enjeu central de ces débats est donc la définition d’un équilibre entre les exigences des bailleurs, et les

besoins exprimés par les bénéficiaires potentiels. En ce sens, l’expérimentation de la poursuite des OMD

au niveau de la Région est particulièrement pertinente, car l’échelle réduite permet de « tester » plus

facilement cette harmonisation.

Il s’agit aussi de répondre aux profonds changements survenus dans la structure des financements :

l’augmentation des sollicitations et des besoins a poussé peu à peu les agences et les Programmes à

recourir de plus en plus régulièrement et massivement aux financements extrabudgétaires, y compris pour

la poursuite de leurs activités « normales ». La « bilatéralisation » de l’aide publique au développement

s’est également accompagnée d’un recours plus massif à l’approche sectorielle et/ou budgétaire, ainsi qu’à

la multiplication de l’aide accordée par le biais de Fonds globaux thématiques érigés en dehors des

Nations Unies, affaiblissant encore les fondements du multilatéralisme. Ces bouleversements ont accru la

conditionnalité et l’imprévisibilité de l’aide, et suscité de nombreux retards (parfois dramatiques pour la

réalisation des effets et sous-effets des Programmes), mais aussi terni l’image de stabilité, d’impartialité et

de fiabilité des engagements dont bénéficiaient souvent les Nations Unies.

Enfin, l’approche unitaire est censée répondre à la concurrence entre les différentes agences, souvent

contreproductive. L’expérience du Programme, au niveau de la région, peut là encore vérifier (ou

infirmer) cette hypothèse, et servir de modèle ou d’inspiration dans la conceptualisation de l’aide, y

compris dans d’autres contextes.

12

Cette inquiétude a été exprimée par de nombreux Pays en Développement de taille petite à moyenne.

20

Une nouvelle approche du SNU en Guinée

Les recommandations du Groupe de haut niveau sur la cohérence du système des Nations Unies, coprésidé

par les Premiers Ministres du Mozambique, de la Norvège et du Pakistan, ont été présentées au Secrétaire

général au début de novembre 2006. Elles visaient avant tout à optimiser le potentiel d’assistance que

l’ONU peut apporter aux pays pour qu’ils puissent réaliser les objectifs du Millénaire pour le

développement. Le point central de la stratégie consiste à rationaliser la galaxie onusienne, actuellement

diffuse et variée. Les auteurs estiment que l’Organisation doit être radicalement restructurée afin d’être

« unie d’ans l’action », notamment dans des pays où elle pourrait avoir un effet bien plus grand si elle était

moins fragmentée13

.

Huit pays pilotes (Albanie, Cap Vert, Mozambique, Pakistan, Rwanda, Tanzanie, Uruguay, Vietnam) se

sont proposés pour coopérer avec les Nations unies dans cette expérience qui vise à l’adoption de

programmes pays unique, en appui des stratégies nationales de développement. Ces expériences font

l’objet d’un processus d’évaluation. Neuf nouveaux pays ont déclaré leur intérêt à rejoindre la réforme :

Bénin, Bhoutan, Comores, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Kiribati, Kirghizistan, Lesotho, Malawi et

Monténégro14

.

La résolution 62/277 (2008)15

a été la première décision prise par l’Assemblée générale sur la cohérence

d’ensemble du système depuis la remise des propositions du groupe d’experts de haut niveau sur les

questions de développement. La réflexion est partie des expériences réalisées sur le terrain pour

déterminer les meilleurs moyens de rationaliser l’action du système afin d’obtenir de meilleurs résultats.

C’est dans ce contexte, et au cours même de cette phase de réflexion que, de commun accord avec le

gouvernement guinéen, les Agences du SNU se sont proposées d’intervenir dans la région forestière en se

fondant sur leur expérience de travail en commun et sur les compétences et capacités opératoires

développées dans le cadre des activités humanitaires. Il s’agissait de soutenir la « relance des dynamiques

locales de développement » à travers un programme conjoint axé à la fois sur la réalisation des OMD et

sur le Plan-cadre des Nations Unies pour l’Aide au Développement de la Guinée (UNDAF) pour la

période 2007-2011, concordant lui-même avec le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté

(DSRP) adopté par le Gouvernement guinéen.

L’idée d’un Programme Conjoint, s’il a bénéficié de l’impulsion et du soutien de nombreux responsables

aux niveaux des pays et des agences, à commencer par le Coordinateur Résident, a largement été supporté,

conçu et planifié par une task force envoyée sur le terrain, et par les bureaux des agences représentées

13

Cf. http://www.un.org/french/reform/ 14

Une revue de 21 Programme Conjoints est disponible, cf. Kelly, Laurent (Dir.), Enhancing the Effectiveness and Efficiency of Joint Programmes. Lessons Learned from a United Nations Development Group Review, UNDG, 2006, 84 p 15

Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies 62/277. « Cohérence du système des Nations Unies », Soixante-deuxième session, Point 116 de l’ordre du jour, 7 octobre 2008

21

dans la région. Porté dès sa conception par la base onusienne, le Programme conjoint apparaît par la suite

fortement décentralisé, bénéficiant d’une autonomie avancée en matière de planification, de gestion, de

coordination et de suivi. Il répond en cela aux recommandations qui émaillent le processus de réforme,

appelant les agences et les bailleurs à favoriser la prise de décision décentralisée au niveau du terrain, y

compris en ce qui concerne l’allocation des fonds et l’identification des priorités, afin de faciliter

l’harmonisation et la cohérence des stratégies développées au niveau pays par le SNU et ses partenaires.

B. Le Programme Conjoint - Guinée Forestière comme expérience de régionalisation des

OMD

De la même manière que les débats accompagnant le Processus de réforme du Système des Nations Unies

reflètent assez fidèlement les débats globaux sur l’aide au développement, le multilatéralisme, la

gouvernance, les Droits de l’homme, les questions de genre, etc.16

, les problématiques envisagées au

niveau des pays dans les documents et les débats sur la réforme sont en quelques sortes reproduits et

testés, dans le cas présent, au niveau de la région. L’idée que la reproduction, sur une plus petite échelle, et

en y ajoutant le défi supplémentaire de la déconcentration, d’une telle expérience d’action commune, sera

plus aisée ou en tout cas plus maîtrisable, n’est pas absente de l’initiative de départ, impulsée par le

Coordinateur Résident. Le fait que l’expérience ait effectivement lieu tient aussi du fait que les équipes

pays étaient prêtes à se lancer dans cette aventure, et surtout que les équipes en place au niveau régional,

déjà bien enracinées localement, avaient l’habitude de travailler ensemble et ressentaient le besoin de

franchir un cap supplémentaire dans l’intégration et l’harmonisation de leurs actions sur le terrain.

1. Un Programme Conjoint en Guinée Forestière

1.

a) Choix de la Guinée forestière comme région pilote d’expérimentation de l’approche

régionale conjointe

Une région stratégique pour l’économie et la sécurité alimentaire du pays

La région de la Guinée forestière est considérée comme disposant d’un potentiel de développement

considérable, non seulement en raison de ses terres cultivables, bénéficiant d’une pluviométrie annuelle

atteignant 1.900 mm étalée sur 8 à 10 mois, mais également de par son réseau hydrographique dense

offrant de larges possibilités hydro-agricoles et énergétiques, ainsi que sa richesse en minerais divers,

notamment fer, or, uranium, bauxite, etc. encore peu exploités.

D’une superficie de 45.958 km2, sa population est estimée à 2.228.013 habitants (soit 23% de la

population guinéenne pour une densité de 44.6 hab./km2), et très jeune (plus de 50% inférieure à 30 ans).

16

D’ailleurs, comme le remarquent Ghebali Victor-Yves et Tortora Manuela, “In Quest for UN System-Wide Coherence: the Conundrum of Multilateral Development Cooperation”, op. cité, p.22 : « The scope of the coherence that can realistically be achieved at intergovernemental level is closely related to what is conceivable at the interagency level, and vice versa »

22

Depuis l’Indépendance de la Guinée en 1958, la Guinée forestière a joué un rôle moteur pour la croissance

économique et la sécurité alimentaire du pays, et le dernier recensement agricole de 2001 confirme que la

région fournit la majeure partie des exportations de produits agricoles, ainsi que 32% de la production

nationale de riz, en dépit des attaques rebelles des années 2000-2001, qui ont fortement affecté la

production.

Une région brutalement appauvrie et déstabilisée par les conflits armés dans l’espace de l’Union du

Bassin du fleuve Mano

Située le long des frontières avec le Libéria, la Sierra Léone et la Côte d’Ivoire, la région a été fortement

affectée par les conséquences des conflits armés qui ont déchiré les pays de la sous-région depuis 1990.

Au plus fort de la crise, elle a accueilli plus de 700.000 réfugiés, soit près de la moitié de la population

locale. A cela s’ajoutent les attaques rebelles de 2000 et 2001, qui ont dévasté 3 préfectures (Macenta,

Gueckédou et Kissidougou) sur les 7 que compte la région, et fait de nombreuses victimes civiles. Sous

l’effet conjugué de ces différents facteurs, la dynamique de développement de la région s’est fortement

effritée, entraînant de facto une détérioration rapide du niveau de vie des populations, une forte

dégradation de la biodiversité ainsi qu’une aggravation des tensions interethniques. Ainsi, classée région

la moins pauvre après la région spéciale de Conakry en 1994-95, elle affichait en 2002 une incidence de la

pauvreté de 54,4%, soit nettement plus élevée que celle de la Basse Guinée (40,3%) et de la moyenne

nationale (49,2%). Durant cette période du tournant du millénaire, le revenu par habitant a connu une

baisse de 6,4% en terme nominal. En 2005, 10% de la population de la région vivait dans une situation

d’insécurité alimentaire et 18% en risque d’insécurité alimentaire.

Fortement affectée par ces évènements mais aussi soumise à une crise économique et financière nationale

sans précédent, la région connaît des déficiences majeures et croissantes en terme de d’accès aux services

publics de base. En 2005, par exemple, la Guinée forestière affichait un taux de mortalité infantile de

134‰, un taux brut de scolarisation au niveau primaire de 62% et un taux de séroprévalence du VIH/Sida

de 1,7% contre respectivement 126‰, 79% et 1,5% à l’échelle nationale. En outre, l’électricité publique y

est désormais inexistante, et les deux routes d’accès au chef-lieu de la région, N’Zérékoré, situé à près de

1000 km de Conakry, sont quasi-impraticables pendant la saison des pluies.

Quelques indicateurs de l’année du lancement du Programme Conjoint (2007) témoignent des difficultés

de la Région Forestière :

23

Un contexte de transition de l’humanitaire vers le développement

De par sa position géographique aux confins du territoire national, et longtemps entourée de zones en

situation de guerre avant d’être elle-même gagnée par les attaques en 2000, la Guinée forestière présente

toutes les caractéristiques d’une région en situation de post-conflit. De fait, sa situation est indissociable

du contexte sous-régional, auquel sont appliquées des stratégies post-conflit dominées par des efforts

importants de reconstruction, aussi bien en Sierra Leone qu’au Libéria. Pourtant, sept ans après la fin des

agressions rebelles, la réhabilitation et la reconstruction sont à peine entamées, et apparaissent confrontées

à de graves difficultés.

Le seul îlot resté relativement calme dans la zone transfrontalière entre les 4 pays (Guinée, Sierra Léone,

Libéria et Côte d’Ivoire) demeure donc fragilisé par la pauvreté, le désœuvrement des jeunes, dont les ex-

combattants (environ 5000) et les réfugiés (12.000 dans les camps et 48.000 dans les communautés de la

région), et la timidité des efforts de reconstruction et de relance du processus de développement.

Spécificité de la Guinée forestière dans un contexte de la transition

La région est l’un des foyers de conflits récurrents, ethno-religieux, opposant généralement les populations

autochtones à dominante chrétiennes ou animistes et les populations allogènes à dominante musulmane.

Les premières ont l’impression d’être envahies par la population musulmane, ce qui fait renaître et

INDICATEURS GUINEE Région

Forestière

Population en dessous du seuil de pauvreté en 2007 53% 64,3%

Taux de séroprévalence du VIH Global 1,5% 1,7%

Taux de séroprévalence du VIH Femmes 1,9% 2,2%

Taux de séroprévalence du VIH TS 34,4% 49,1%

Malnutrition aigue globale 8,3% 8%

Malnutrition chronique 40% 44,2%

Accès à l’eau potable de boisson 69,2% 60,9%

Approv. en eau de boisson de source potable 61,9% 58,9%

Ménages ne disposant d’aucune toilette 22,5% 53,5%

Population en situation d’insécurité alimentaire. 16% 10%

scolarisation Taux net au primaire 62% 46%

Taux net scolarisation au primaire des filles 57% 41%

Source : EDS Guinée 2005, ENENSE Guinée 2007, ELEP 2007

24

exacerbe des conflits. Cette région est la plus peuplée des quatre régions naturelles du pays en dehors de la

ville de Conakry. La pression foncière occasionne des conflits domaniaux à tout moment.

C’est aussi un carrefour majeur de flux migratoires au niveau de la sous région, et une zone d’accueil des

déplacés de guerre. La présence des ex-combattants, et ex-volontaires, ainsi que la circulation illicite des

armes légères sont autant de conséquences des conflits armés de la sous région qui ajoutent à ses

difficultés.

Suite à la détérioration du climat politique guinéen et les événements violents du 28 septembre 2009,

suivis de la tentative d’assassinat perpétrée contre le chef de l’Etat originaire de la région le 3 décembre

2009, les tensions ont été exacerbées en Guinée Forestière. Les derniers affrontements ethno-religieux

survenus à Nzérékoré le 5 février 2010, suite à un incident banal, ont aggravé ces tensions et la psychose

au sein de la population. Plus récemment, et directement en relation avec le processus électoral en cours,

le ressentiment envers la communauté Peule s’est renforcé, et a dégénéré en émeutes, et en agressions à

caractère ethnique (octobre 2010).

Dans ce contexte, et bien que le Programme Conjoint soit essentiellement destiné à appuyer l’atteinte des

OMD dans la région, la nécessité de prendre en compte ces tensions, et même d’appuyer certaines

intitiatives en faveur de la Paix, est manifeste. Le soin apporté aux engagements en matière d’impartialité

et de neutralité est également particulièrement important, et fait l’objet d’une prudence spécifique dans la

planification des activités et le choix des partenariats locaux.

Les spécificités de la Région Forestière et sa situation de transition entre zone d’assistance humanitaire et

région sensible aux forts besoins en développement expliquent ainsi le choix de cette région comme acteur

expérimental du Programme Conjoint : « (…) en vue de maintenir la dynamique insufflée par l’assistance

humanitaire en Guinée Forestière, le Système des Nations Unies (SNU) en complément du Programme de

Réhabilitation et de Développement (2007-2011) de l’Union Européenne, estimé à 25 millions d’Euros

lancé en novembre 2006, a élaboré un programme conjoint rassemblant l’ensemble des agences du SNU

sur la période 2007-2011, destiné à assurer la transition de l’humanitaire vers le développement ».17

b) Evaluation situationnelle et processus de planification, du BCP au Programme

Conjoint

La task force et l’évaluation initiale de la situation et des besoins de la région Forestière

La réunion stratégique conjointe du SNU tenue en mars 2006 visait à formuler des objectifs communs

dans une zone géographique considérée comme étant des plus vulnérables à savoir, la Guinée Forestière.

Afin de permettre l’adéquation entre les priorités nationales, les stratégies régionales, les orientations

stratégiques de l’UNDAF et les contraintes inhérentes à la Guinée Forestière, l’Equipe Pays, secondée par

le Groupe d’Harmonisation des Programmes (GHP), a mis en place une Task Force régionale constituée

17

UNDG, RCAR 2006 - Guinea [en ligne: http://www.undg.org/rcar.cfm?fuseaction=N&ctyIDC=GUI&P=490]

25

des représentants des agences onusiennes présentes à N’Zérékoré, chef lieu de la région. A l’instar du

processus de l’UNDAF, la région a fait l’objet d’une analyse-diagnostic comprenant l’identification des

causes fondamentales aux problèmes de développement, exercice auquel les hauts cadres des

administrations centrales, régionales, les partenaires locaux au développement, les représentants des

organisations internationales, des représentants du secteur privé et membres de la société civile locale ont

activement participé. Un atelier de validation rassemblant les parties prenantes et membres du GHP de

Conakry eut lieu en septembre 2006 dans le but de hiérarchiser les défis majeurs auxquels la région avait à

faire face, et de définir les axes d’intervention du SNU conformément à leurs avantages comparatifs. La

finalisation du document est ainsi venue en complément du programme de réhabilitation et de

développement en Guinée Forestière, lancé par l’Union Européenne lors d’un atelier organisé par le SNU.

Le programme conjoint se présentait ainsi comme une expérience pilote pour la régionalisation des OMD.

Les actions envisagées sur base d’un mécanisme d’alliances et de partenariats s’articulent autour de quatre

composantes destinées à « relancer les dynamiques locales de développement économique et social et de

préservation de l’environnement en Guinée Forestière ».

Les objectifs et le contenu du Programme devait impérativement s’inscrire dans l’UNDAF, et donc être

cohérent avec le Bilan Commun Pays (BCP), la stratégie de Réduction de la Pauvreté (nationale comme

régionale), et les autres documents relatifs aux domaines d’intervention envisagés. La task force était en

outre chargée de suggérer les mécanismes de coordination adéquats en très peu de temps. L’accent a donc

été mis, dans un premier temps, sur la définition des priorités en relation avec les cadres du

développement déjà existants :

Une expertise globale : le BCP

S’appuyant sur les stratégies nationales de développement et sur les Objectifs du Millénaire pour le

Développement, le Bilan Commun de Pays analyse les causes profondes de l’état de développement du

pays et s’efforce de ressortir les liens de causalité entre elles.

Adopté conjointement en Novembre 2005, le Bilan Commun de Pays identifie trois défis majeurs pour le

développement de la Guinée : « Tenant compte de ses avantages comparatifs et des divers outils dont il

dispose, comme l’approche intégrée des droits humains et la gestion orientée sur les résultats, le système

des Nations Unies a tiré de cette analyse trois grands domaines de coopération : i) la promotion des droits

humains et le développement des services sociaux de base ; ii) le renforcement des capacités de production

et ; iii) l’appui à la gouvernance politique, administrative et économique »18

. Les défis ainsi identifiés

restent conformes à ceux définis dans le DSRP-I. Leur actualité est confirmée notamment dans le rapport

de mise en œuvre de la Stratégie Réduction de la Pauvreté parut en novembre 2005, ainsi que dans le

second Rapport sur la mise en œuvre des OMD de mars 2005.

18

« Bilan commun de pays- République de Guinée », Bureau du Coordinateur Résident du Système des Nations Unies, Conakry, Novembre 2005

26

Après une retraite conjointe des chefs d’agences des Nations Unies et des représentants de la partie

nationale, Les défis identifiés dans le BCP ont été éclatés en cinq axes de coopération prioritaire en y

ajoutant le VIH/SIDA et l’environnement, afin de mieux faire ressortir le caractère spécifique et crucial

de la lutte contre le VIH/SIDA et les défis environnementaux dans les efforts visant l’atteinte des Objectifs

du Millénaire pour le Développement.19

Elaboré conjointement par les cadres du Gouvernement et ceux du SNU, le BCP rend donc compte des

défis majeurs de développement en Guinée, et met en avant les causes profondes de la situation de

développement actuelle à la lumière des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), explorant

notamment le caractère multidimensionnel de la pauvreté en Guinée.

Sur le plan national, le BCP se réfère directement aux stratégies référencées dans le Document de

Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) et à celles contenues dans la stratégie de développement

socio-économique à l’horizon 2010 « Guinée, Vision 2010 ». En identifiant les 3 domaines de coopération

susmentionnés, qui correspondent au 3 axes prioritaires du DSRP-I, le BCP confirme d’ailleurs la

faiblesse des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté

durant la période 2002 – 2004.

Le Plan-Cadre des Nations Unies pour l’Aide au Développement (PNUAD)

Suite aux résolutions prises par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le Secrétaire Général appelle les

agences du système à mieux coordonner et approfondir les synergies opérationnelles entre leurs

programmes et projets. Ces prérogatives s’opérationnalisent par la mise en œuvre d’un processus

d’harmonisation et de simplification, dont le Plan Cadre des Nations Unies pour l’Aide au Développement

couvrant la période 2007-2011 constitue l’une des composantes clés : il « s’inscrit prioritairement dans la

volonté de réforme historique de l’Organisation des Nations Unies, initiée par le Secrétaire Général et

avalisée par l’Assemblée Générale, depuis 1997 »20

. Parmi les éléments de cette réforme figure la mise en

place d’outils de coordination visant à favoriser la complémentarité et la synergie des diverses agences du

Système des Nations Unies (SNU) opérant sur le terrain. Le PNUAD constitue donc l’un des vecteurs

opérationnels majeurs de ce processus d’harmonisation et de simplification et doit contribuer à

l’amélioration tant qualitative que quantitative des actions onusiennes en faveur du développement.

Par ailleurs, la stratégie développée dans le Plan-Cadre inscrit les besoins de la Guinée dans un contexte

plus large, le BCP prenant en compte les objectifs mondiaux du développement arrêtés par la communauté

internationale tel que ceux issus des grandes conférences, conventions et sommets internationaux dont la

Guinée est signataire.

19

Le Programme Conjoint suivra ce modèle, érigeant la lutte contre le VIH/Sida en composante distincte du volet « Santé »

20 Cf. le site du PNUD -Guinée: http://www.gn.undp.org/coordination.htm

27

La stratégie développée dans le Plan Cadre offre ainsi un cadre de coopération commun entre le système

des Nations Unies, le Gouvernement et les autres partenaires du développement.

Au travers d’un processus participatif très large adopté lors de son élaboration, et objet d’une collaboration

étroite entre les membres du Système des Nations Unies et ceux du Gouvernement, dont l’équipe du

Secrétariat Permanent de la Stratégie de Réduction de la Pauvreté, il correspond aux priorités nationales,

tout en s’inscrivant dans un champ d’application plus vaste, qui va au-delà des seules priorités nationales.

Le PNUAD touche le suivi coordonné des objectifs de développement internationaux, dont ceux contenus

dans la Déclaration du Millénaire, en y intégrant également les préoccupations régionales et sous-

régionales. Il comprend des objectifs, des stratégies d’aide au développement et un mécanisme de

suivi/évaluation communs, ainsi qu’un cadre de ressources programmatiques, estimé à près de 200

millions USD pour 5 ans. Il est donc chargé de faire la jonction entre les niveaux régionaux, nationaux,

sous-régionaux et globaux des objectifs de développement que s’est fixés l’ensemble des agences du

Système des Nations-Unies.

En termes de suivi du Plan cadre, le SNU entend organiser annuellement, à mi-parcours et en fin de la

période, les revues conjointes qui évalueront les progrès accomplis par rapport à la réalisation des résultats

du PNUAD. Ces résultats attendus du PNUAD ont des objectifs prioritaires, destinés à la lutte contre

l’extrême pauvreté et la promotion des droits humains, fondés sur les cinq (5) piliers suivants :

1. Croissance économique et renforcement des capacités productives ;

2. Gouvernance et renforcement des capacités institutionnelles ;

3. Promotion des droits humains et développement des services sociaux de base ;

4. Lutte contre le VIH/SIDA, le Paludisme et la Tuberculose ;

5. Préservation de l’environnement et gestion des ressources naturelles.

Le Programme-Conjoint, « PNUAD régional » expérimental

Le Programme Conjoint non seulement s’inscrit dans le PNUAD, mais en est, sous de nombreux aspects,

la reproduction au niveau régional, mettant en oeuvre de manière expérimentale à une échelle réduite le

programme « One UN, One program ». Les quatorze agences du Système des Nations Unies ont ainsi

associé leurs expertises, leurs efforts et leurs moyens techniques et financiers dans un programme conjoint

disposant d’un plan de travail, incluant des projets conjoints et assortis d’un budget commun pour

l’ensemble des parties prenantes.

Conformément à la réforme du Système des Nations Unies (SNU), des groupes de travail inter-agences

ont été constitués, en vue de renforcer l’impact des programmes et l’efficacité des opérations sur le terrain:

Le Groupe d’harmonisation des programmes (GHP) identifie les priorités stratégiques de

développement.

Le Groupe de gestion des opérations s'applique à accroître l’efficacité des services fournis en

commun.

28

Le Groupe d’information et de communication témoigne de la contribution de chacune des agences

en matière de poursuite des OMD.

Le Groupe d’harmonisation des programmes (GPH) a notamment appuyé l’étude situationnelle effectuée

par la task force avant la définition et la programmation du Programme Conjoint.

Les axes d’intervention du programme conjoint ont finalement été validés lors d’un atelier technique à

N’Zérékoré, tenu en novembre 2006 et rassemblant l’ensemble des parties prenantes : Gouvernement,

SNU, partenaires au développement, représentants de la société civile et du secteur privé.

En conséquence, le Programme doit lui-aussi non seulement s’insérer dans le Plan-cadre des Nations

Unies pour l’Aide au Développement de la Guinée (UNDAF) pour la période 2007-2010, mais aussi

correspondre aux priorités stratégiques en relation avec le contexte spécifique de la région, notamment le

Plan d’action 2009-2011 de mise en œuvre d’une Stratégie Régionale de Réduction de la Pauvreté, et les

actions du comité régional de développement mis en place en 2009. Sous le pilotage des autorités

régionales, une étude situationnelle de la région a été réalisée en 2006 pour identifier les contraintes de

développement et servir de base à la définition des priorités pour la période 2007-2011.

Au demeurant, le PC reste prioritairement focalisé sur la réalisation des OMD et reprend à son compte les

orientations de la stratégie régionale de réduction de la pauvreté adoptée en décembre 2006 :

1) amélioration de la gouvernance

2) développement des infrastructures de base (routes ; eau ; électricité)

3) promotion des activités économiques

4) renforcement de l’accès aux services de santé

5) amélioration de l’accès à l’éducation et à l’emploi

6) développement rural et promotion de l’environnement

La Programmation conjointe -mais non commune- du Programme conjoint

La fusion de différents programmes des entités onusiennes en un Plan-cadre établi conjointement au

niveau pays est un préalable indispensable à toute tentative de rationalisation ou d’unification ultérieure

telle que la mise ne œuvre d’un Programme Conjoint pour faciliter au niveau d’une région spécifique

l’atteinte des OMD. Un tel Plan-Cadre des Nations Unies pour l’Aide au Développement (PNUAD ou

UNDAF) se doit d’être établi impérativement en collaboration avec les autorités nationales, et s’inscrire

dans leurs priorités de développement. La Guinée a développé un tel Plan-cadre dès 2002, si bien que le

second plan cadre (2007-2011) a pu, sur son propre modèle, prévoir une sorte de « Plan-cadre régional »

au niveau de la Guinée Forestière, sous forme de Programme Conjoint. Un intérêt majeur du recours au

plan-cadre est la possibilité d’impliquer dans la stratégie de développement des entités qui ne disposent

pas de bureaux de représentation sur le terrain. C’est notamment le cas, au sein du Programme Conjoint,

29

de la FAO, qui, sans être présente physiquement, peut, dans une certaine mesure, participer à l’expertise,

au financement et à la mise en œuvre de certains projets, par le biais du PAM.21

Le cycle de projet et la programmation d’un programme conjoint répondent à quelques spécificités. Il est

intéressant de rappeler le procès d’élaboration général de l’action des Nations Unies au niveau du pays, et

la manière dont y est inséré le Programme conjoint lors de sa conception, qui s’étale donc de 2005 à 2007.

Nous avons vu qu’une fois le bilan commun pays (BCP) établi, une réponse est élaborée par les

partenaires, qui établissent une note transmise par l’équipe-pays afin d’obtenir un accord de principe de

chaque agence ; sur cette base sont lancés les travaux d’élaboration de l’UNDAF, ou Plan-cadre des

Nations Unies pour l’aide au développement de la Guinée (PNUAD); ce cadre doit aboutir à une série de

propositions précises au niveau de chaque agence, sous forme de Plans de travail annuels (PTA) chiffrés,

pour enfin être budgétisé. Des remaniements, en fonction des priorités et des fonds effectivement

disponibles, seront encore aménagés, ce qui explique que le budget soit souvent différent des fonds

effectivement alloués. Concernant le Programme conjoint, dont l’existence et les grandes orientations sont

prévues dès l’UNDAF, chaque agence est chargée, à chaque étape, d’en préciser le contenu et les lignes

budgétaires. L’élaboration du Programme conjoint est donc une agglomération des programmations de

chaque agence, mais dont le cadre est commun et concerté en amont, au niveau de l’UNDAF, qui

d’ailleurs le prévoit explicitement dans sa matrice des résultats. En effet, correspondant à la priorité

nationale « Promouvoir une croissance génératrice d’opportunités d’emplois et de revenus, notamment

pour les populations pauvres et vulnérables, et réduire l’insécurité alimentaire et la malnutrition », et à

l’Effet du PNUAD « D’ici 2011, les capacités productives et les opportunités d’accès à l’emploi et au

revenu notamment pour les populations rurales, les jeunes et les femmes sont accrues, la sécurité

alimentaire des populations vulnérables, spécialement les femmes et les enfants, est améliorée »

correspond l’Effet 1. du Programme de Pays : « 1. Les politiques économiques et sociales sont réformées

et une planification stratégique est appliquée pour l’atteinte des OMD ». Pour la réalisation de cet Effet, le

produit 1.5 fonde le Programme conjoint : « 1.5 Une expérience pilote de régionalisation des OMD est

conduite dans la région de la Guinée forestière ». Les partenaires désignés sont, conjointement, le PNUD

et l’UNICEF, pour une Assistance Technique et financière (ATF) sur ressources du PNUD à hauteur de

250 000 USD. Parallèlement, d’autres produits du PNUAD, sans expliciter le Programme conjoint,

esquissent déjà les produits spécifiques que celui-ci aura à réaliser de manière déconcentrée au niveau

régional, comme par exemple le produit « 2.1 Les localités rurales et semi-urbaines pilotes de Haute

Guinée et de la Guinée forestière disposent d’infrastructures économiques et sociales appropriées (pistes

rurales, aménagements hydro agricoles, ouvrages de franchissement, magasins de stockage…) pour

désenclaver les zones de production et accroitre la production agricole ». Pour ce produit, le PAM est

chargé de la réhabilitation des pistes rurales et du forage de puits, à hauteur de 425 000 USD, tandis que la

FAO (membre du Programme conjoint mais non représentée en Guinée forestière) est responsable de la

21

Les projets dont la FAO est responsable, ou auxquels elle contribue, sont cependant parfois confrontés à des problèmes évidents de suivi, et nécessitent un mécanisme de représentation plus efficace, encore à l’épreuve.

30

facilitation d’un Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA), et engagée à hauteur de 20 000

USD22

.

c) Composantes et objectifs du Programme Conjoint - Guinée Forestière: une

régionalisation des OMD

Sur la base des contraintes majeures au développement identifiées sur le terrain et des priorités de la

stratégie régionale de réduction de la pauvreté, le programme est structuré autour de 4 composantes qui

correspondent à ses priorités stratégiques :

A. Promotion de la Sécurité alimentaire

En dépit des immenses potentialités agricoles, la région connaît d’importantes difficultés alimentaires, en

raison notamment du bas niveau de productivité des exploitations agricoles et de l’enclavement des zones

de production. Au total, près de 30% des ménages de la région vivent en situation ou risque d’insécurité

alimentaire. Un des enjeux majeurs du Programme conjoint est de réduire de 50%, à l’horizon 2011, la

proportion des ménages vivant en situation d’insécurité alimentaire. A cet effet, le Programme mettra

l’accent sur le renforcement des capacités des producteurs, de leurs organisations et des services

techniques en vue de :

1) améliorer la productivité agropastorale

2) promouvoir de bonnes pratiques de conservation et de transformation des produits ainsi que les

meilleures habitudes alimentaires

3) développer des moyens d’existence durable

4) accroître les opportunités d’accès à l’emploi et au revenu

Ces différents points correspondent aux sous-effets recherchés de la composante « Sécurité alimentaire »

du Programme.

Il s’agit donc, pour une bonne part, de promouvoir des activités génératrices de revenus (AGR) dans une

approche permettant à la fois la valorisation du potentiel local et la gestion durable de l’environnement.

Les expériences déjà menées ou prévues au niveau des « terroirs villageois » doivent faire l’objet d’une

mise en réseau qui servira de base à l’établissement d’une institution de financement au niveau de chaque

sous-préfecture. Cette disposition entend pérenniser la participation optimale des populations intéressées

dans l’accroissement et la gestion des fonds, dans le but d’améliorer la viabilité des projets appuyés ou mis

en place.

22

Cette production sera convertie en premier produit du Programme conjoint dans le Cadre des résultats

révisé de mars 2008 [cf. Annexe], sous la forme suivante : « Nouvelle Lettre de Politique de

Développement Agricole (NLPDA) 2006-2015 diffusée et mis en œuvre ».

31

B. Amélioration de l’accès aux services sociaux de base (SSB)

L’offre et la qualité des services sociaux de base se sont sensiblement dégradées en Guinée au cours de

ces dernières années, notamment en raison de la baisse drastique des financements extérieurs et de la

mauvaise gestion publique. La situation est plus préoccupante encore en Guinée forestière, qui, outre le

faible développement des infrastructures, a subi les conséquences des conflits armés dans les zones

frontalières.

A titre d’exemple, seuls 4 chefs lieux de préfecture sur six bénéficient d’une adduction d’eau potable

(N’Zérékoré, Macenta, Guéckédou et Kissidougou) à partir des eaux de surface, tandis que Beyla est

approvisionné à partir d’un réseau de forages ; Lola et Yomou étant dépourvus de tout système de

distribution d’eau. Depuis 2005, plus d’un millier de personnes y ont été touchées par l’épidémie de

choléra. Par ailleurs, selon les résultats de l’enquête Démographique et de Santé (EDS) de 2005, le taux de

mortalité infanto juvénile s’établit à 215‰ contre 199‰ en Haute Guinée, 183‰ en Moyenne Guinée et

163‰ au niveau national. En matière d’éducation, le taux brut de scolarisation y était de 62% en 2005,

contre 79% au niveau national.

A travers le programme, l’objectif est de :

1) améliorer l’état de santé des populations

2) réduire la prévalence des maladies d’origine hydrique

3) améliorer la scolarisation et la rétention au primaire et l’éducation non formelle, en particulier

pour les filles,

4) améliorer la protection des groupes vulnérables (femmes, enfants, réfugiés, etc.)

Les interventions, plus spécifiquement, portent sur les axes suivants :

- en matière d’amélioration de l’état de santé des populations : amélioration de la couverture vaccinale,

ainsi que l’offre et l’utilisation de soins curatifs ; renforcement de la fourniture des services intégrés

maternels et infantiles ; amélioration des pratiques bénéfiques à la survie, la croissance et le

développement des enfants et de leurs mères ;

- en matière de réduction de la prévalence des maladies d’origine hydrique : amélioration de la couverture

d’eau potable et des services d’assainissement ; sensibilisation des populations, notamment en ce qui

concerne les normes d’hygiène ; responsabilisation des communautés dans la gestion des services ;

- en matière d’amélioration de l’éducation : renforcement des capacités d’accueil et d’encadrement au sein

du système éducatif (salles de classe, manuels scolaires, enseignants, etc.) ; développement de l’éducation

non formelle ; sensibilisation des communautés, associée à une assistance particulière, en faveur de la

scolarisation et la rétention au primaire, en particulier pour les filles.

- en matière de réduction des violences faites aux enfants, femmes, ainsi que de protection et intégration

des réfugiés : vulgarisation des textes et sensibilisation des communautés sur le droit relatif à la protection

de l’enfant et de la femme ; appui à la mise en place d’un dispositif communautaire de protection de

l’enfant et de la femme ; appui à l’intégration socio-économique des réfugiés résiduels.

32

C. Riposte à l’épidémie VIH/Sida

En 2005, la prévalence du VIH en Guinée forestière était de 1,7% contre 1,5% au niveau national, qui

présente une féminisation marquée de l’infection (2,2% de femmes touchées contre 1,9% chez les

hommes). Selon l’enquête de surveillance comportementale et biologique (ESCOMB) 2007, la prévalence

du VIH est de 49% chez les « professionnel(le)s de sexe » (PS) et de 9% des hommes en uniforme en

Guinée forestière, contre respectivement 34,4% et 6,5% au niveau national. Les activités dans le domaine

du VIH/Sida apparaissent encore très limitées par rapport à ces indicateurs, et l’afflux de réfugiés et de

déplacés internes, ainsi que la dégradation des infrastructures sociales et sanitaires suite aux conflits armés

et aux difficultés économiques sont autant de facteurs favorables à la progression de l’infection dans la

région. En réponse à cette situation marquée par l’urgence, le programme conjoint a été l’occasion de

mettre l’accent sur la nécessité d’une riposte conséquente à l’épidémie, et notamment sur la réduction des

risques encourus par les franges les plus vulnérables de la population : femmes, enfants, y compris

réfugiés, migrants, déplacés internes et communautés hôtes.

La priorité stratégique est ainsi l’accélération du processus vers l’accès universel aux services de

prévention, de traitement, de soins, et de soutien aux personnes infectées et affectées. L’objectif principal

est le suivant : « d’ici 2011, la progression du VIH est ralentie parmi les populations les plus à risque

(femmes, jeunes) et dans les zones les plus défavorisées, et le taux de prévalence du VIH est maintenu en

dessous de 1,5%.

Si la prévention du VIH parmi les populations les plus vulnérables apparait primordiale, le programme se

fixe également de favoriser l’extension rapide vers l’universalisation de l’accès à l’éventail des

programmes essentiels contre le VIH en matière de prévention, de traitement, de prise en charge, afin

d’atténuer l’impact du VIH tout en tentant d’infléchir la trajectoire de la pandémie.

La lutte contre le VIH/Sida a fait l’objet, nous l’avons vu, d’un effort particulier à la fois de financement

et de visibilité, puisqu’elle est formellement distinguée des autres maladies à tendance épidémiques qui

frappent la région forestière. Elle est également l’occasion d’expérimenter les modes de financement et de

mise en œuvre fondés sur des bases plus larges : c’est ainsi « à travers un partenariat public, privé et de la

société civile au niveau national et régional » que le Programme conjoint préconise les interventions

suivantes :

1) Prévention de la transmission du VIH

2) accessibilité aux services de prise en charge et de traitements aux personnes infectées

3) soutien aux personnes infectées et affectées, y compris les orphelins et les enfants vulnérables

4) renforcement des centres de santé, y compris des sites de CDV et de PTME.

33

D. Amélioration de la gouvernance

La Guinée demeure confrontée à un défi majeur lié à la faible capacité de l’Etat à « mobiliser les forces

vives de la Nation en faveur d’un développement soutenu et harmonieux du pays »23

. La faible capacité

organisationnelle et opérationnelle des institutions, le non respect des lois et des règlements en vigueur

(souvent depuis la Ière République de Sékou Touré, mais tombés en désuétudes depuis), la mauvaise

gestion des ressources publiques (dont la corruption), sont fustigés, tant au niveau central que déconcentré,

comme les caractéristiques d’une « mauvaise gouvernance » source de tous les maux. Les communautés à

la base mises en place dans le cadre de la décentralisation, outre le fait qu’elles pourraient bien développer

les mêmes travers, sont pour l’instant peu dynamiques, souffrant d’une pénurie de moyens et d’outils pour

orienter, impulser et coordonner le développement local.

A ces contraintes d’ordre général s’ajoutent, en Guinée forestière, une fragilité marquée en termes de paix

et de stabilité, ainsi qu’un ostracisme à l’égard des populations forestières, encore renforcé depuis

l’attentat contre le Président Dadis Camara (lui-même membre de l’ethnie Guerzé, principale ethnie

forestière). Des quatre régions naturelles du pays, la Guinée forestière est celle qui compte la plus grande

diversité ethnique, dont l’équilibre est menacé quotidiennement par la dégradation de la situation

économique et sociale, la circulation transfrontalière des armes légères et les difficultés d’insertion et de

réinsertion des jeunes, dont certains sont en outre d’ex-combattants. La composante se divise donc en

deux effets, structurés autour de la décentralisation d’une part, de la « culture de paix » d’autre part. Ce

dernier effet est à la fois proche de l’effet « protection » compris dans la composante des Services sociaux

de base (SSB) et touche aux délicates questions des problèmes ethniques, politiques et religieux qui

traversent la région. En outre, notons que l’approche participative revendiquée va ici de paire avec le

transfert de compétences en faveur des organisations de base via la décentralisation que le programme

appuie, tout en prenant en compte la « culture de paix », en l’occurrence la paix ethnique et de genre. Le

terme de « groupes défavorisés » est lui aussi très vague, surtout dans une région dont la majorité des

groupes ethniques se considèrent comme défavorisés au niveau national en raison de leur appartenance

ethnique, de leur langue et, dans une moindre mesure mais imbriquée aux caractères précédents, de leur

religion.

Les principaux objectifs de la composante sont cependant définis comme suit :

1) le processus de décentralisation consolidé et la participation des femmes au développement local est

promue

2) la culture de la paix sociale s’est développée et les groupes vulnérables sont réinsérés

Pour ce faire, le programme met l’accent sur :

- le renforcement des capacités des services déconcentrés et des collectivités en matière de planification,

de promotion et de coordination des actions de développement local

- l’appui à la mise en œuvre des plans de développement locaux (PDL)

23

Selon la formule consacrée à la fois dans les documents des acteurs du développement et dans les discours des personnalités politiques nationales et régionales.

34

- l’appui à l’insertion socioprofessionnelle des ex-combattants, ex-volontaires, jeunes à risques et des

groupes défavorisés

Par ailleurs, le « renforcement des mécanismes traditionnels de prévention et de gestion des conflits », la

« réinsertion des ex-combattants » et la « diffusion des notions de base du civisme » font de cette

composante un ensemble hybride aux contours flous, mais qui permet de s’adapter aux incertitudes

politiques du pays durant l’exercice du Programme conjoint de développement.

Il est à noter que le Programme conjoint couvre à la fois la Région administrative de N’Zérékoré et la

Préfecture de Kissidougou, c'est-à-dire l’ensemble de la Guinée forestière « naturelle ».

Par ailleurs, la lutte contre la propagation du VIH/Sida est érigée en composante, séparée du volet

« Santé » de la composante « Amélioration de l’accès aux services sociaux de base ». Cette distinction, qui

suit le modèle de l’UNDAF 2007-2011, vise à améliorer la visibilité de cet effort spécifique, et à aider à la

mobilisation des financements conséquents qu’il requiert.

Par ailleurs, les approches intégrées sur le genre et la préservation de l’environnement sont traitées de

façon transversale dans chaque composante. La création de centres d’information communautaires

(Centres d’information de proximité - CIP) doit faciliter le déploiement d’une approche participative des

actions entreprises ou appuyées par le Programme.

En l’absence de financement effectif des autorités locales, cette approche participative tend à se concentrer

sur des actions de sensibilisation et la mise en œuvre de projets de réalisations matérielles. Les volets de

gestion, coordination et suivi-évaluation sont fortement limités par le manque de ressources et

d’autonomie des services administratifs et techniques déconcentrés et décentralisés, le programme ne

pouvant, ni légitimement, ni financièrement, remplacer tout à fait les échelons nationaux, régionaux et

préfectoraux.

2. Défis de coordination et d’harmonisation d’un Programme Conjoint pilote

a) Un Programme partiellement conjoint

Les expériences de mise en commun et en synergie des actions en développement est au cœur de la

problématique de l’aide et du développement. Les expériences sont multiples, et touchent à tous les

aspects de l’aide, du montage de projet et du financement à la mise en œuvre, de la programmation à la

répartition des responsabilités en fonction des spécialités et compétences, ou encore au suivi-évaluation.

Peu se soldent, cependant, par une intervention globale réellement commune tout au long du processus

d’action.

La difficile mise en place d’un mode de financement commun

Depuis la mise en œuvre du programme, les Agences ont procédé à des financements parallèles pour

l’exécution des actions sur le terrain. Les investissements financiers réalisés par les Agences s’élèvent en

2009 à 26 millions USD, accusant un déficit de 49 millions USD par rapport au budget total du

35

programme. La mobilisation des ressources additionnelles est donc cruciale pour l’atteinte des objectifs, et

la réussite de l’expérience pilote.

Des modalités de financement de type pool funding ou basket funding (gestion commune des

financements, par secteurs d’intervention ou au niveau même du Programme) ont été timidement

amorcées, permettant la réduction des côuts de transaction, une plus grande synergie interne dans

l’exécution des activités, mais aussi des problèmes de retards de la disponibilité des fonds en raison du

manque de préparation des Agences pays à ce type de gestion déconcentrée. L’unité technique de

coordination a été renforcée de manière à assurer une meilleure planification, coordination, ainsi qu’un

suivi adéquat des activités en plus étroite collaboration avec les principaux partenaires de la région.

Ces améliorations ont permis, durant les deux premières années du Programme, une stabilisation des

procédures et des activités, et le lancement d’une expérience pilote : l’identification de quatorze centres

pilotes du Millénaire. A l’image de ce qui a été réalisé dans d’autres pays (le modèle est en l’occurrence le

Nigéria), il s’agit d’adapter en Guinée forestière le concept de Village du Millénaire, dans une logique de

pérennisation des actions mises en œuvre. Dans ces localités (Centres de Développement Rural, CRD), les

communautés locales bénéficient d’une attention soutenue de la part des Agences du SNU pour assurer

effectivement le pilotage du développement, à travers l’élaboration de leurs propres plans de

développement et leur mise en œuvre. L’objectif est, à terme, d’étendre cette expérience à l’ensemble des

CRD de la Guinée forestière, voire du pays dans son ensemble.

Par ailleurs, le renforcement de la coopération avec les pays voisins de l’Union du Fleuve Mano, par le

biais de programmes de lutte contre le VIH, d’éducation et de protection transfrontalière doit favoriser la

vulgarisation rapide et l’application des meilleures pratiques dans l’ensemble de la sous-région. L’objectif

de capitalisation est donc un souci permanent, non seulement au niveau régional guinéen, mais également

au niveau de la sous-région, dans une logique de partage transfrontalier.

Le Programme Conjoint en Guinée forestière est, en ce sens, une expérience ambitieuse, puisqu’en

s’appuyant sur la réforme du Système des Nations Unies en faveur d’une meilleure intégration de l’action

des agences sur un secteur et une zone d’intervention, il entend initier un processus continu d’intégration

des différents acteurs de manière déconcentrée (concernant les Agences des Nations Unies) et

décentralisée (en faisant participer sur une base aussi large que possible les autorités locales, notamment

les CRD, s’inspirant ainsi des approches participatives que les ONG ont initié depuis plus longtemps).

Alors que, dans le cas d’une expérience engagée entre la Coopération espagnole, la Commission

Européenne et le Sénégal (1996-2008), l’évaluation commune était supposée susciter l’élaboration et la

mise en œuvre de projets et programmes communs24

, le cas du Programme conjoint en Guinée forestière

se fonde sur les compétences et l’expérience acquises par chaque agence dans une région où les

interventions ont été nourries durant les conflits transfrontaliers régionaux des années 2000. Le

financement, relativement important, est, dans l’esprit du Programme, supposé suivre une intégration de

24

Chercher référence de l’évaluation conjointe CE/Coop.Esp./Sénégal (Cours Evaluation CIAHPD)

36

manière déconcentrée, en aval, mais continue, dans le sillage d’une programmation commune des

activités. Le suivi-évaluation, lui aussi, est supposé suivre assez naturellement, un chargé de suivi et

d’évaluation, détaché par le UNFPA à 60% de son temps au profit du Programme conjoint, ayant seul la

tâche de capitaliser des informations recueillies par chaque agence avec la collaboration de ses partenaires

(ONG et services techniques déconcentrés et décentralisés de l’Etat) sur le terrain. Pour cela, il est

essentiel pour lui d’élaborer un cadre de suivi et d’évaluation à la fois précis, en accord, autant que

possible, avec les cadres préexistants de chaque agence (puisque celles-ci doivent continuer, en parallèle, à

rendre compte de leurs activités à leur hiérarchie selon des critères et des modalités propres à chacune), ce

qui suppose la mise en place d’un espace fonctionnel de concertation, et une collaboration effective et

continue.

Ce sont justement ces deux éléments qui ont manqué dès le début du Programme : outre le fait que le

Programme, comme cela est souligné avec une certaine fierté dans différents documents, a été le fruit d’un

volontarisme audacieux, de l’opportunité de transformer dans l’urgence un dispositif humanitaire

hétéroclite en expérience de développement à la fois post-conflit et durable en construction permanente (la

situation politique restant marquée d’un fort degré d’incertitude), le poste de chargé évaluation a été

occupé par deux personnes différentes entre juillet 2007 et septembre 2009, avant de bénéficier enfin

d’une certaine stabilité jusqu’aujourd’hui. Cela explique les difficultés rencontrées au cours de la

consolidation des résultats du Programme conjoint sur la période 2007-2010 afin de préparer la Revue à

mi-parcours de septembre-octobre 2010 : non seulement le cadre logique sur lequel sont construits les

plans de travail annuels ne date que de mars 2008, mais encore le chargé évaluation a dû, lors de sa prise

de fonction en 2008, élaborer dans l’urgence des indicateurs pour chaque produit du cadre, sans avoir

encore l’expérience du Programme dans sa globalité, ni la connaissance des équipes en place, de leur

mode de suivi ni de leurs activités précises. Le résultat est nécessairement des indicateurs peu adaptés, ni

aux activités menées dans le cadre de chaque produit, ni dans le mode de suivi et de recueil des données

des agences (sous-bureaux régionaux) et des partenaires engagés dans leur mise en œuvre et leur suivi.

Comme le fait remarquer le chargé de Suivi-Evaluation du Programme, « Jusqu’en 2010, il n’y avait pas

de colonne « résultats » dans les documents créés par les acteurs eux-mêmes, et l’on passait directement

des produits aux activités dans le PTA ; une équipe restreinte se chargeait en aval de faire correspondre les

activités avec les produits et les sous-effets, et d’harmoniser l’ensemble dans les rapports narratifs ». Sur

ce point, le travail du chargé de suivi-évaluation, avec le soutien de la coordination et de la direction du

Programme Conjoint, a permis de spectaculaires améliorations, et la logique des interventions est

désormais (en 2010) clairement établie dans l’ensemble des documents de restitution produits.

Selon le chargé de Suivi-évaluation du Programme Conjoint, ce dernier est confronté au défi de

l’harmonisation des méthodes et pratiques des agences participant au Programme. Les indicateurs,

produits, effets et sous-effets de chacune peuvent ainsi être différents (ou formulés différemment) pour des

activités similaires, dont le nombre dépasse la centaine. L’obstacle essentiel à une coordination optimale,

37

selon lui, est « que le Programme Conjoint n’est pas réellement conjoint (…) Les agences sont dites

« responsables », mais ne sont jamais tout-à-fait autonomes dans leurs activités, et une coopération

permanente leur est nécessaire. Mais cette coopération nécessaire n’est pas assez prise en compte, pour

l’instant, dans l’organigramme de chaque agence (…) Par exemple, alors que des rapports trimestriels

d’activité sont réalisés dans la plupart des agences, le Programme Conjoint ne fournissait jusqu’à présent

qu’un rapport annuel, et, depuis cette année seulement, un rapport semestriel. »25

La coordination,

essentielle, manquerait donc d’une planification suffisante apte à mobiliser le temps et les ressources

nécessaires.

La solution envisagée dès la conception du Programme serait la mise en place d’un modèle de gestion et

de financement de type « panier commun ».

C’est également la pierre angulaire avancée par Aboubacar Dia, Consultant pour le PNUD à la suite d’une

carrière de planificateur et d’évaluateur pour le Ministère du Plan guinéen : « Le problème du Programme

Conjoint, selon moi, est l’absence de panier commun qui permettrait de renforcer le rôle du responsable

suivi-évaluation du Programme, et de faire comprendre aux agences qu’il est indispensable de se

conformer au cadre logique du Programme Conjoint autant qu’au leur propre »26

.

Le manque de coordination entraînerait un certain nombre de difficultés et d’incohérences, du fait que les

liens logiques sont déterminés en aval plutôt qu’en amont des projet ; il suggère que soit effectuée une

lecture à la fois verticale et horizontale du cadre logique, et que soit construit le cadre logique strictement

en fonction des problèmes posés, ce qui suppose un outil de type « arbre à problèmes », et une coopération

nourrie entre les agences de terrain et les personnes d’expérience sur le terrain, qui serait préférable au

recours habituel aux consultations ponctuelles.

Une harmonisation des indicateurs employés par les agences responsables et partenaires est indispensable,

non seulement pour fluidifier et optimiser le potentiel du suivi au sein du Programme Conjoint, mais

également pour faciliter la capitalisation des informations et des bonnes pratiques, le recueil de ces

informations renseignant les indicateurs nécessitant souvent un important travail de terrain, parfois des

enquêtes (notamment pour le renseignement des indicateurs qualitatifs), et les doublons sont très coûteux.

Le problème soulevé concerne donc aussi le PNUAD, dont est issu en grande partie le Programme

conjoint : « Le PNUAD lui-même offre parfois une logique un peu tronquée, tous les problèmes ne sont

pas pris en compte, ce qui se ressent dans les effets et sous-effets du cadre logique, et ressort clairement

dans le manque de cohérence entre les indicateurs et les activités effectivement réalisées. Les documents

de consolidation produits durant le stage répondent à ces observations, et devaient donc constituer à la fois

des outils de révélation (mise en lumière des problèmes, et notamment des incohérences ou insuffisances

des indicateurs) et de correction, en gardant à l’esprit que les activités réalisées qui ne correspondent pas

aux indicateurs peuvent appeler d’autres indicateurs plus pertinents, mais aussi indiquer des insuffisances

dans les cadres logiques et la coordination des agences partenaires.

25

Entretien avec Oumar Bah, Chargé de suivi-évaluation au PCGF, 2 aout 2010 26

Entretien avec un Aboubacar Dia, Consultant, 3 aout 2010

38

b) Des réalisations dépendantes des « Partenaires responsables »

Exemple de la dimension transversale « Protection des ressources naturelles »

A ces 4 composantes, autour desquelles s’articulent les activités développées par le Programme s’ajoutent

deux « impératifs » transversaux, auxquels une attention particulière est donnée lors de la planification et,

plus encore, de la définition des indicateurs : les dimensions genre et protection des ressources naturelles.

Si la première de ces dimensions est effectivement prise en compte (activités et indicateurs spécifiquement

définis pour appuyer ou impulser la parité, améliorer le statut -juridique, social- et le revenu des femmes,

leur scolarisation, ou répondre aux problèmes de la sexualité et de la santé maternelle, enfin renforcer leur

autonomie à tous les niveaux), la seconde est nettement moins affirmée. En effet, il est remarquable que

les activités directement liées aux questions des ressources naturelles et de l’environnement ne sont, dans

le cadre logique et dans les Plans de Travail Annuels (PTA), non transversaux, mais presque

exclusivement cantonnées à la composante « Sécurité alimentaire », ce qui constitue déjà en soit une

sérieuse limitation de la problématique « protection des ressources naturelles ». Les composantes

« Services sociaux de base » (Education, Eau-Hygiène-Assainissement), ainsi que « Gouvernance », qui

inclut le renforcement des capacités des structures décentralisées et déconcentrées et l’appui au

renforcement juridique, notamment en matière de planification locale, semblent pourtant tout indiquées

pour prendre en compte la dégradation rapide des ressources naturelles en Guinée forestière.

Bien pire, il apparaît, au regard des résultats et des activités effectivement réalisées, que les produits et

activités liés à la protection des ressources connaissent un taux d’exécution matérielle et financière très

faible, n’étant souvent que partiellement réalisés, voire tout simplement oubliés et reportés sur le PTA

suivant.

Ce problème, rarement mentionné comme tel au cours des entretiens, réunions et rapports, est la

conséquence de plusieurs facteurs. D’une part, il est raisonnable de se demander si les acteurs eux-mêmes,

y compris les acteurs des agences régionales du Systèmes des Nations Unies, sont suffisamment

sensibilisés à ces questions. Si la plupart du personnel qualifié des agences sont, chacun dans leur domaine

de compétence, attachés à la prise en compte des problèmes posés par le genre, la question de la protection

de l’environnement, pourtant dûment inscrite au cœur des OMD, du Plan-Cadre des Nations Unies pour la

Guinée et des Stratégies nationales et régionales de réduction de la pauvreté, semble trop souvent faire

figure de vœu pieu, de déclaration formelle, d’un idéal de développement certes souhaitable, mais trop

énorme et trop flou pour être effectivement mis en œuvre de façon significative sur le terrain. Les services

techniques, partenaires privilégiés des agences des Nations Unies, souffrent également d’un déficit de

légitimité pour remettre ces questions sur le devant de la scène, tant au niveau de leur administration qu’en

relation avec les Nations Unies. Pour tous, des problèmes plus urgents se posent sans cesse, problèmes

qui, cependant, ne peuvent trouver solution sans la prise en compte sérieuse de ces questions

environnementales.

Par ailleurs, un autre facteur important vient saper la mise en œuvre des activités de protection de

l’environnement, celui du manque de financement chronique des agences les plus engagées sur ces

39

questions. Ainsi, puisque ces problèmes sont principalement inscrits dans la composante « Sécurité

alimentaire », le P.A.M est l’agence responsable et le maître d’œuvre de plusieurs de ces produits

planifiés. Il s’agit, bien souvent, de réalisations concrètes, à la fois utiles immédiatement et appelées à

impulser par l’exemple des actions similaires ailleurs : réhabilitation de plantations agro-forestières,

plantations forestières permettant de lutter contre l’érosion de sols agricoles, restauration de la végétation

le long de cours d’eau d’irrigation, etc. Or ces activités, qui nécessitent l’implication et l’accord profond

des populations locales, fonctionnent souvent sur le mode « Vivres contre Travail ». Celui-ci présente

l’avantage de former une grande partie de la population à une occupation nouvelle, appelée à se pérenniser

afin de maintenir la viabilité de la réalisation. Lorsque le produit vise à lutter contre une pratique locale

néfaste à l’environnement, le « VCT » fonctionne également comme un système de compensation,

distribuant largement les vivres au sein de communautés souvent enthousiasmées. Mais les activités

réalisées en Vivres contre Travail sont également les premières à subir les retards et manques de

financement : en effet, une fois la saison dépassée, les populations se voient souvent démobilisées et

déçues, et le projet est reporté à l’année suivante. Le P.A.M a, pour l’année 2010, dû déprogrammer

l’ensemble des activités liées à l’environnement, puisque la quasi-totalité des lignes de financement en

VCT a été suspendue, puis annulée au second semestre. L’autre acteur du SNU significativement impliqué

dans la protection des ressources naturelles est le HCR, en raison de son fort enracinement dans la région

durant les années troublées de la dernière décennie, mais aussi parce que les mouvements de population

(réfugiés et déplacés internes) ont constitué durant toutes ces années une importante pression sur un

environnement déjà fragilisé. De nombreux projets visent ainsi, sous la responsabilité du HCR, à

réhabiliter les territoires affectés par l’implantation des camps de réfugiés, mais aussi à limiter l’impact de

l’établissement définitif de populations entières qui ont choisi de s’implanter durablement en Guinée. Or

les activités et les moyens du HCR, comme ceux du PAM, sont actuellement en réduction constante, à

mesure que l’urgence « humanitaire » fait place à l’impératif du « développement ». Le problème est

qu’aucune autre agence ne prend pour l’instant le relais de ces deux structures, peu enclins d’ailleurs à

prendre la responsabilité difficile, devant les bailleurs, d’assurer une protection des ressources naturelles

sans en avoir les moyens.

Un autre élément important expliquant la relégation au second plan de cette dimension voulue transversale

est le problème du renseignement des indicateurs prévus. Il est en effet très difficile d’établir une base et

une cible indiquant le degré de réalisation des activités planifiées. Cela renvoie clairement au problème

plus général du suivi-évaluation, qui souffre du manque de moyens humains, financier, et des lacunes du

système de coordination et de capitalisation des actions des différents acteurs du développement. Le

personnel suivi-évaluation, en effet, mobilisé par le Système Nations Unies, ne peut qu’assurer

l’élaboration d’un cadre de capitalisation, et dépend fortement de la capacité des acteurs (ONG ou services

techniques) à recueillir sur le terrain les informations renseignant les indicateurs. Mais, éléments intégrés

au financement global de chaque activités, ces financements sont souvent insuffisants, et ne permettent pas

un suivi effectif, tandis que les enquêtes de fond ou préliminaires, indispensables, manquent également

40

pour diagnostiquer la situation. La visibilité des enjeux et des impacts est donc faible, et la réalisation des

quelques activités programmées apparaît, en un sens, moins « gratifiante » que d’autres.

Si la question de la dégradation des ressources et de l’environnement trouve un important écho dans la

population, très consciente de la rapide dégradation en cours, les services techniques compétents s’avouent

tout à fait dépourvus des moyens élémentaires pour réguler une foule de problèmes qui s’avèrent

systémiques. Les entretiens, tant avec la population qu’avec les cadres techniques, indiquent que la

responsabilité incombe toujours à l’Etat, duquel on attend une politique claire et des moyens pour la

mettre en œuvre, notamment des solutions de remplacement aux pratiques néfastes, un contrôle de

l’exploitation massive des ressources, et une dissuasion réelle. Or tous ces éléments manquent

cruellement, ce qui renvoie une fois de plus au problème de la « Gouvernance », et, pour tout dire, au

problème politique de la Guinée. Tous les acteurs, de la population aux agences régionales et aux

bailleurs, semblent donc réduits à un attentisme silencieux, en attendant que des actions puissent

réellement être entreprises. L’enjeu d’une relance des activités liées à la protection de l’environnement est

énorme : au-delà de la dégradation en effet rapide des ressources de la région, il en va de la légitimité de

tous les partenaires du Développement, des structures de l’Etat à celles des Nations Unies et des ONG,

tant les populations sont demandeuses d’actions concrètes en la matière. En outre, une normalisation,

même relative, de la situation politique de la Guinée, induira, immanquablement, une ruée, de la part

d’entreprises étrangères, mixtes ou locales, sur les ressources stratégiques de la région ; des mouvements

de main d’œuvre significatifs sont également prévisibles. Le manque de préparation, intellectuelle aussi

bien qu’opérationnelle, peut donc à court terme s’avérer catastrophique et handicaper durablement les

possibilités de développement harmonieux de la région forestière. Le rapprochement, même ponctuel, de

partenaires (Nations Unies, ONG, associations) plus à même de formuler les besoins et les activités liées à

l’environnement et aux ressources naturelles pourrait en grande partie aider le Programme Conjoint à

développer une stratégie forte dans ce domaine essentiel du développement régional, et les moyens les

plus efficaces à mettre en œuvre sont un des objectifs importants de la Revue à mi-parcours.

3. Le défi majeur du transfert de compétence, de l’appropriation et de la viabilité

a) Des approches différentes de l’autonomie de développement

De telles institutions doivent cimenter une approche participative fondée sur le développement des

associations et groupements (de producteurs, de métier) déjà constitués.

Il convient de noter que les groupements sont très faciles à impulser, les bénéficiaires potentiels étant très

réactifs, et s’engageant massivement et de leur propre chef dans le processus associatif. En revanche, ces

groupements, entendus par les membres comme une réunion optimisant leur accès à des ressources

d’appui, ont du mal à survivre à un financement extérieur. Un groupement, même volontaire et

fonctionnel, est compris comme un rouage de valorisation d’une source de financement et d’appui

technique, et non comme une entité financièrement indépendante. Une fois lancé, le groupement ne peut

41

s’imaginer se passer d’un bailleur extérieur, ou de l’appui formel d’une institution de l’Etat. En découle

une incompréhension récurrente entre les acteurs du développement et les bénéficiaires organisés en

groupement, les premiers se déclarant déçus de la « mentalité d’assistés » des seconds, qui eux aussi

ressentent avec amertume ce qu’ils considèrent comme un retrait « injuste, alors que tout fonctionnait

bien ».

Chaque partenaire a une histoire, une « culture » (selon le terme propre de plusieurs responsables

d’agence), et donc une approche et des outils de suivi et d’évaluation qui lui sont propres. Concernant la

définition même du Programme conjoint, le consensus initial s’est fondé sur l’absence de définition stricte

des pratiques à mettre en œuvre par chacun. Exiger dès la conception du Programme une uniformisation

des pratiques serait certainement revenu à le condamner, tant les configurations de chaque partenaire des

Nations Unies (sans parler des autres partenaires régionaux) sont différentes. A titre d’illustration, la FAO,

qui est un acteur important, ne dispose pas de bureau régional dans la Région forestière. Comment, dès

lors, exiger d’elle le même niveau de suivi que pour le PNUD, le HCR ou l’UNICEF, alors fermement

implantés et impliqués dans la gestion et l’assistance aux réfugiés.

b) Un transfert forcé des compétences ?

Parallèlement, les agences du SNU et leurs partenaires internationaux cherchent à accélérer le transfert de

compétence, notamment en matière d’initiative et de gestion des actions engagées ou planifiées

conjointement. Mais elles se heurtent en cela constamment aux manques des autorités nationales et

locales, notamment en matières budgétaire, mais également en compétences administratives et

gestionnaires. Les services techniques eux-mêmes, lors des réunions des groupes thématiques auxquels ils

sont associés, insistent régulièrement sur la nécessité de ne pas transférer trop vite les compétences

assurées par l’Agence responsable du Programme conjoint à l’autorité régionale ou préfectorale légitime, à

laquelle ils appartiennent souvent. Ils disent en effet leur crainte que « si l’autorité décentralisée à

l’initiative, rien ne se fera », ou « plus rien ne marchera ». Jusqu’à présent, les agences ont tout de même

obtenu de se désengager, ne serait-ce que formellement, en assurant le « secrétariat », en sus du

financement, pour laisser aux représentants des autorités locales une présidence et quelques devoirs de

coordination qu’ils ne réclament pas vraiment. Ils assurent, pour leur part, qu’ils sont tout prêts à assumer

les responsabilités qui leur reviennent, mais qu’ils ne disposent pas du minimum financier, ni matériel,

pour s’en acquitter. Dans certains cas, ils prennent l’exemple simple de l’équipement informatique :

comment rédiger les ordres du jour ou les réponses aux appels d’offre des bailleurs, lorsque la section

régionale ne dispose que d’un ordinateur ? Comment envoyer à tous les services concernés les invitations

aux réunions sectorielles ou thématiques en l’absence de connexion Internet ? Le compromis dégagé

cosnitst donc à confier, durant une période de « transition », les tâches de secrétariat aux Agences des

Nations Unies, mais une responsabilité accrue des représentants régionaux, afin de les impliquer autant

que possible dans ces tâches de coordination, de gestion et de recherche de fonds qu’ils devront être

capables d’assurer eux-mêmes, avec le soutien des partenaires en développement, à la fin du Programme

42

conjoint, fin 201127

. L’incapacité avouée de l’Etat à assurer le relai de l’aide au développement force donc

les Nations Unies à se porter garant, en quelque sorte, de l’utilisation appropriée des fonds au niveau de la

région forestière. Nous verrons qu’une telle responsabilité est risquée, à la fois en terme de pertinence

(renversement de la logique d’impulsion des priorités du développement) et en terme de cohérence (les

populations faisant porter tous les défauts de l’intervention au Programme lui-même, qui ne prendrait pas

assez en compte l’expertise des spécialistes techniques et administratifs locaux), alors même que tant les

populations que les services techniques freinent le transfert de responsabilité par méfiance de l’Etat.

Le coordonnateur du PC : position clef du transfert de compétence et modèle d’appropriation

Le Coordonnateur du Programme Conjoint en Guinée forestière est le représentant de la partie « Etat »

dans le Programme, qu’il dirige aux côtés du Team Leader, qui, lui, est un fonctionnaire du PNUD. Il est

également Directeur Régional du Plan pour la Guinée forestière. Ce positionnement double est censé

garantir la jonction entre le Programme et les autorités nationales et régionales, et assurer l’harmonisation

des stratégies développées par l’Etat, la Région, les préfectures et les Nations Unies.

Il apparait donc comme une individu-clef du développement de la Guinée forestière. Son bureau

permanent est, en tant normal, situé au Gouvernorat de N’Zérékoré, à proximité de celui du Gouverneur.

Suite aux émeutes de 2007, le Gouvernorat, comme les commissariats ou le tribunal de la ville, a été

incendié par la population. Il est en cours de réhabilitation depuis lors, et le Programme Conjoint, c'est-à-

dire les bureaux du PNUD, a tout naturellement proposé au Coordonnateur, ainsi qu’à un certain nombre

de cadres liés aux activités du Programme, de s’installer provisoirement dans ses locaux. Ce

rapprochement physique au quotidien a fourni l’occasion d’un resserrement des liens professionnels et

individuels du Coordonnateur avec l’équipe des Nations Unies, un basculement, en quelque sorte, de sa

position « Directeur régional du Plan » vers celle de « Coordonnateur du PC ». Il m’a également permis de

m’entretenir à plusieurs reprises avec lui, de manière formelle comme informelle, sur l’évolution de son

rôle et sur sa vision du Développement régional, de la déconcentration et du Programme Conjoint.

A plusieurs reprises, M.Jacouba Bangoura a pris soin de réitérer publiquement sa fierté d’être à la tête des

« services techniques régionaux, qui ont réellement pris leur part dans les activités de développement et le

renforcement technique impulsé par le Programme Conjoint » ; il prend, quel que soit son interlocuteur,

systématiquement le soin de préciser que son action est guidée par « les intérêts de la Région forestière et

des forestiers », devant lesquels il est responsable (il est donc sous-entendu qu’il doit des comptes à la

Région forestière, c'est-à-dire, en premier lieu, au Gouverneur, avant d’en devoir aux Nations Unies ou à

son Ministère).

La problématique du transfert de compétences se transforme, dans son discours, en celle du « transfert de

responsabilité », terme qu’il préfère ostensiblement. L’accent est donc mis sur le fait qu’ « il s’agit

désormais d’asseoir le leadership des services techniques dans la conduite, à toutes les étapes, des projets,

27

Un engagement formel à s’impliquer de manière décisive a été pris par le Directeur de la Direction Régionale de l’Agriculture lors de la Réunion du Groupe thématique « Sécurité alimentaire » du 6 aout 2010

43

de la planification à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation », une manière de défendre les

compétences des cadres en question, dont le terme « transfert de compétences » peut laisser entendre

qu’elles souffrent d’insuffisances. Il considère, au contraire, que les cadres et les spécialistes dont dispose

la région sont très compétents, mais n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritent : « les Services techniques

sont au cœur du Développement, ils sont les plus compétents, les plus expérimentés, et les plus légitimes,

car la planification relève, par essence, des décisions et stratégiques prises par l’Etat, pour lequel

travaillent les services techniques ; en outre, ils sont les mieux à même de de faire la jonction entre l’Etat

et les collectivités locales : ils sont le lien entre la déconcentration et la décentralisation (…) Pour cela, il

faut leur confier le leadership, même si cela apparaît un peu prématuré, en accompagnant ce transfert

d’une responsabilisation systématique des résulats ».

Renversement de la relation hiérarchique entre les structures de l’Etat et des Nations Unies

A l’ouverture de toute réunion, compte-rendu public ou rapport d’activité, le Programme Conjoint prend

bien soin de rappeler le caractère « Conjoint » de son activité, en insistant non seulement sur l’interaction

entre les agences, mais aussi entre le SNU et les structures gouvernementales déconcentrées (Gouvernorat

de la Région forestière et Préfectures) ; le Gouverneur est officiellement le responsable de l’action du

Programme, et apparait comme un personnage clef de l’expérience. Il se doit d’être au courant de toutes

les activités, qu’il valide, et est le président du Comité de pilotage, organe exécutif du Programme. Il est

avant tout le garant politique du Programme, assurant l’harmonie des relations entre celui-ci et le pouvoir

exécutif présidentiel.

De même, M.Bangoura occupe une position de fusion du Programme Conjoint et de l’Etat : il est à la fois

Coordonnateur du Programme Conjoint de relance des dynamiques économiques et sociales en Guinée

forestière (REDYLO-GF) et Directeur régional du Plan, dépendant à ce titre du Ministère du Plan sous la

responsabilité directe du Gouverneur de la Guinée forestière.

Enfin, l’accent est systématiquement mis sur le rôle primordial des « services techniques » et

administratifs, étroitement associés aux activités de planification, mise en œuvre et suivi-évaluation, et

membres actifs des « groupes thématiques » associés à chaque effet recherché.

Mais cette primordialité affichée des agents politiques, administratifs et techniques guinéens ne doit pas

faire oublier l’importance des Agences des Nations Unies, qui sont les principales initiatrices de tout

projet, financent (ou servent de relais aux bailleurs) la quasi-totalité des dépenses, y compris pour des

postes qui incombent normalement au budget de l’Etat. Le fait que ce soutien financier, logistique et

organisationnel soit à ce point indispensable confère nécessairement au SNU un poids embarrassant qu’il

s’agit, dès lors, de minorer autant que faire se peut, à la fois pour des raisons de légitimité du Programme

conjoint, et dans une logique performative : c’est en confiant les responsabilités que l’on favorise

l’appropriation.

44

Un autre facteur de légitimité de l’action du PC en Guinée forestière est le fait que ses activités, telles que

définies dans son cadre fondateur (juillet 2007), le cadre général d’activités révisé de mars 2008, et

planifiées dans les Plans de Travail Annuels (PTA), s’inscrivent effectivement dans les Objectifs du

Millénaire pour le Développement (OMD), le Bilan Commun de Pays de 2005, et le Plan-Cadre des

Nations-Unies pour l’Aide au Développement pour la Guinée (2007-2011), ces derniers documents faisant

explicitement référence aux Stratégies de Réduction de la Pauvreté définies aux niveaux national (DSRP)

et régional (DSRRP) par l’Etat. Les PTA sont donc supposés être l’application de décisions, et suivre les

orientations prises par les autorités nationales et régionales elles-mêmes. A ce titre, ils viennent appuyer le

Plan d’Actions Prioritaires (PAP) de la Région forestière, dont ils sont le reflet à l’échelle du Programme

conjoint.

Mais une telle présentation se veut performative, et, ce-faisant, mystifie le processus réel de

développement, opérant une véritable inversion de la hiérarchie logique de définition et d’impulsion de la

politique de développement en Guinée et en Région forestière. D’une part, les Documents stratégiques de

réduction de la pauvreté, censés constituer, fidèlement aux engagements pris pour l’atteinte des Objectifs

du Millénaire, le socle de la politique de développement de la Guinée, est le fruit de négociations,

difficiles, entre la Banque Mondiale, le FMI et les différents gouvernements en place durant la décennie

2000. La suspension et les menaces répétées de suspension des crédits accordés par ces bailleurs

témoignent du bras de fer engagé entre des institutions indispensables (ne serait-ce qu’au maintien d’un

pouvoir en place) et des dirigeants réfractaires à plus d’un titre aux exigences conditionnant les facilités. Il

apparaît donc qu’en situation de banqueroute virtuelle, ce sont bien les Institutions financières qui ont le

dernier mot sur la définition de ces documents, qu’aucun gouvernement ne peut se permettre de refuser.

Par ailleurs, dans la relation entre les Nations Unies et les autorités régionales et préfectorales, une

inversion similaire et plus visible encore, car actualisée au quotidien, est évidente : alors que le dirigeant

formel du Programme Conjoint est le Coordonnateur du PC-GF, son véritable dirigeant, et représentant,

apparaît être le Team Leader, un professionnel international (de nationalité tchadienne) du PNUD.

Directeur des opérations, superviseur de la coordination effective des différentes agences du SNU, relais

de référence avec les partenaires variés de celles-ci (Gouverneur, Préfets, ONG), sa position-clef fait de lui

le véritable directeur du Programme conjoint, tandis que le Coordonnateur, bien que compétent et

formellement associé à toutes les activités de supervision, a une fonction plus honorifique, outre sa tâche

de liaison administrative entre le SNU et la Région.

Aussi bien aux niveaux de la politique nationale de développement que dans l’impulsion, la

programmation, la mise en œuvre et le suivi-évaluation de la politique régionale et locale (aux niveaux des

Communautés Rurales de Développement -CRD), a donc lieu un renversement de la hiérarchie au profit

des Nations Unies et des Bailleurs internationaux (Banque Mondiale, FMI, UE, USAID principalement).

L’affirmation répétée de la direction par l’Etat guinéen et ses structures administratives et techniques

cherche ici à compenser cette anomalie. Celle-ci est d’ailleurs reconnue comme telle et dénoncée parfois

ouvertement lors des réunions et des revues, aussi bien par les services techniques que par les agents des

45

Nations Unies eux-mêmes. Mais le souci d’efficacité, l’urgence des actions à entreprendre selon des délais

serrés, prennent vite le pas sur ces considérations récurrentes, et le leadership des Agences est, chaque

fois, reconduit tacitement face aux lacunes béantes de l’Etat et de ses structures : absence de financement

(notamment absence totale des « Fonds de contrepartie » que l’Etat est censé verser à titre de participation

aux activités du Programme depuis 2007), manque de compétence des agents de l’Etat dans de nombreux

domaines du développement (notamment requêtes, réponse aux appels d’offre, formalisation des résultats

et du suivi-évaluation), etc. Il est significatif que les consultants de la Revue à mi-parcours eux-mêmes

reprochent au Programme conjoint de ne pas prendre en considération (et donc à sa charge) certains

aspects de fonctionnement des réalisations effectuées, tant est assimilé le fait que peu sera réalisé, en

matière de développement, de la part de l’Etat seul.

Tout cela explique le fait que, en dépit des incitations répétées des chefs d’agence en faveur d’un transfert

de compétences et de responsabilités en faveur de leurs partenaires étatiques locaux, ce sont les structures

de l’Etat qui viennent en appui aux équipes des Nations Unies plutôt que le contraire.

A l’évidence, puisque les exigences et les priorités sont les guides de la législation guinéenne, alors même

que les fonctionnaires des services techniques apparaissent comme les personnes ayant les connaissances

les plus précises des problèmes sur le terrain, les politiques de développement, à commencer par les

actions mises en œuvre par le Programme Conjoint en Guinée forestière, courent le risque de présenter

d’importants défauts en termes de pertinence. L’effet pervers constaté, en effet, est que l’injonction des

Agences, en tant que responsables formelles de la réalisation des effets, sous-effets et produits, aux

Services techniques de prendre en main la définition des priorités et le suivi des impacts reste pour une

bonne part lettre morte, car elle n’est pas appuyé par un rapport hiérarchique formel, mais simplement par

une légitimité fonctionnelle et son rôle de bailleur ou d’intermédiaire avec le bailleur : le SNU ne peut, ni

ne veut, se substituer aux autorités nationales et régionales, alors que l’architecture même de l’aide au

développement l’y positionne. Les partenaires techniques se trouvent donc souvent pris en tenaille dans

une contradiction majeure, d’autant plus significative que l’administration guinéenne reste fortement

imprégnée de l’expérience socialiste de la Première République, mais n’est pas exempte non plus des

traces laissées par les pratiques clientélistes et népotiques développées sous la dictature de Lansana Conté.

Le phénomène consistant à proposer des solutions en fonction des réponses jugées réalistes, et attendues,

souvent insuffisantes et focalisées sur l’urgence, se retrouve en quelque sorte au niveau des partenaires

gouvernementaux du Programme, qui, manquant de l’autonomie réelle que seules des ressources

budgétaires suffisantes pourrait améliorée, tendent à produire les propositions qui ont le plus de

« chances » d’être reçues favorablement par leurs partenaires des Nations Unies et les bailleurs. Sans

parler véritablement d’autocensure, un mécanisme vicieux de reproduction de la relation de dépendance,

limitant,au final, la créativité et l’efficacité des interventions, est à l’œuvre.

46

c) Les groupes thématiques comme outil de coordination et d’appropriation

Afin de faciliter le transfert de compétence, la responsabilisation et l’appropriation du Programme

Conjoint, dont les activités sont appelées à être directement et durablement gérées par les autorités,

communautés et l’ensemble des partenaires de développement, des groupes thématiques ont été formés et

mis en place pour chaque effet du Programme, regroupant l’ensemble des partenaires dont l’action porte

sur un volet majeur du Programme : agences des Nations Unies, autorités régionales et préfectorales,

ONG, associations locales, autres partenaires de développement. En outre, le recours à ce type de

« découpage » sur la base des spécialisations thématiques (clustering) est fréquent lorsqu’il s’agit de

piloter/réformer une machinerie imposante, et s’avère souvent efficace.

Ces groupes ouverts n’en sont pas moins responsables. En effet, ce sont eux qui sont chargés d’assurer le

pilotage et le suivi des activités de leur volet. Ainsi, lors de la revue semestrielle du Programme conjoint

tenue les 21-22 juillet 2010 à N’Zérékoré, ils étaient chargés de présenter les résultats obtenus à mi-

parcours, ainsi qu’en regard du PTA révisé en février 2010 (et adopté le 6 mai seulement par le Comité de

Pilotage). A cette occasion, un effort important a été fourni en matière de suivi-évaluation axés sur les

résultats : non seulement les groupes thématiques étaient responsables des réalisations, mais devaient

également justifier les non-réalisations, et, pour celles qui restaient programmées d’ici la fin de l’exercice

du PTA 2010, fournir un calendrier précis de activités nécessaires à la réalisation des produits planifiés. Le

message leur a été transmis avant la revue qu’il était souhaitable que chaque groupe thématique remplisse

une fiche renseignant l’état d’avancement du PTA dans leur domaine de responsabilité, et la communique

dès avant la revue à tous les autres partenaires, afin que chacun prenne connaissance de l’état

d’avancement et des activités à venir. Les groupes thématiques étaient donc enjoints à répondre au défi de

faire de la revue semestrielle une session de révision des activités non-réalisées réalisables, afin de ne pas

donner à tort une mauvaise image de l’efficacité du Programme au travers de taux de réalisation physique

et financière faibles lors de la session finale de décembre 2010.

Cependant, cette démarche, louable et de toute façon bénéfique, a été limitée par le fait que la fiche de

renseignement communiquée aux groupes thématiques ne prévoyait pas l’indication du/des bailleurs ; or,

bien souvent, les activités ne sont réalisées qu’à la condition d’un décaissement dans des délais permettant

l’exécution de la programmation. Si quelques activités restaient donc incertaines pour le second semestre,

plusieurs autres ont pu être déclarées « non-réalisables », faute de temps, ou, bien plus souvent, de

financement. D’un point de vue pédagogique, l’exercice a surtout permis de responsabiliser les membres

des groupes thématiques, en leur demandant de déterminer collectivement une replanification rapide des

seules actions réalisables, en se fixant des délais réalistes. La communication entre les groupes a

également été améliorée, puisqu’il était demandé à chacun de préciser si les activités « non-encore

réalisées » ne l’étaient pas par manque de ressources financières, ou pour d’autres raisons.

La communication entre les partenaires a aussi permis de rappeler que, si les agences régionales des

Nations Unies ont le mandat et la charge de soutenir les actions et la concertation, la responsabilité

47

première du fonctionnement de la coordination incombe aux services techniques, et relève du devoir

régalien.

Lors de cette revue réunissant tous les groupes thématiques, l’accent a également porté sur la nécessité de

responsabilisation des groupes thématiques. D’une part, les chefs des services régionaux (auxquels est

confié le leadership des groupes thématiques respectifs) ont souligné leur volonté de se souder derrière le

Programme Conjoint afin d’appuyer le plaidoyer pour son renouvellement en 2012. Leur responsabilité, à

la fois au sein des groupes et au sein du Programme Conjoint, en a ainsi été renforcée. D’autre part, il a été

reconnu souhaitable que les groupes thématiques soient consolidés, à la fois individuellement et comme

ensemble, par une autorité supérieure unique, responsable devant le gouverneur de la Région forestière.

Enfin, les groupes thématiques se sont vus confier la responsabilité de préparer dans leur domaine le

rapport de la revue, comprenant à la fois les réalisations, les replanifications, les difficultés majeures

rencontrées et la correction, le cas échéant, des erreurs et imprécisions.

Les groupes thématiques apparaissent aussi comme le lieu principal de la communication entre les acteurs

et des transferts de compétence et de responsabilité, en incluant également les entités décentralisées et les

représentants de certains groupements de bénéficiaires. Cependant, ces dynamiques de décentralisation et

de gouvernance en faveur d’une meilleure participation de la « base » sont limitées par les problèmes

chroniques de la faible formation de nombreux cadres, et par le taux d’analphabétisme important des

communautés, particulièrement rurales.

C’est au niveau de la mise en œuvre du Programme Conjoint que les groupes thématiques se sont affirmés

et consolidés : certaines activités (ou tâches) sont mises en œuvre par les services techniques, d’autres par

des ONG, tandis que certaines sont opérées directement au niveau communautaire (CRD). Dans ce

contexte, les groupes thématiques sont d’une précieuse flexibilité, et relaient le Comité Régional

d’approbation des Projets. Celui-ci, présidé par le Gouverneur de la Région, implique dans la prise de

décision le sous-préfet (impulsion du projet par la base), le préfet (chargé d’examiner le projet avec les

services techniques, afin de le valider ou de le réviser).

Les groupes thématiques apparaissent donc comme les structures de base du pilotage des différents projets

du Programme, et les principaux instruments de l’appropriation de ceux-ci, bien qu’ils soient encore

limités par l’absence d’un système de coordination au niveau préfectoral, et la faible participation des

niveaux préfectoraux aux réunions et au suivi, faute de financements suffisants.

Le problème est sérieux, car c’est au niveau préfectoral que doit, à terme, avoir lieu l’essentiel de la

coordination entre les partenaires de développement.

Les réunions trimestrielles régulièrement tenues sont en effet impératives pour maintenir une communauté

thématique entre des acteurs aux trajectoires et aux modes opératoires si variés. Si certains groupes

thématiques (sécurité alimentaire, santé par exemple) sont très actifs, ou si certains types de projet

facilitent la coopération entre les partenaires (c’est le cas, notamment, des activités d’aménagement

urbains), d’autres souffrent d’une régularité et d’une coordination beaucoup moins poussée.

48

Face à ce problème, la question est posée d’une volonté forte de la part de l’Etat à soutenir et signaler

l’importance de ces groupes. Cette manifestation est attendue sous deux angles : le versement des fonds de

contrepartie et le financement des activités de coordination de ses agents (régionaux et préfectoraux), et la

formalisation officielle des groupes thématiques en Comités de Coordination, Suivi et Evaluation

sectoriels.

Cet accent mis sur la coordination, le suivi et l’évaluation, au-delà de la seule mise en œuvre et expertise

des projets, est crucial. Il est à ce titre régulièrement rappelé aux groupes thématiques la nécessité de se

conformer à la gestion axée sur les résultats, notamment dans les plaidoyers et demandes de financements,

afin de proposer aux bailleurs des résultats précis plutôt que de demander un vague soutien à

l’amélioration d’un secteur. Par ailleurs, les Nations Unies cherchent à mobiliser les services techniques,

via les groupes thématiques, sur la question des statistiques, et donc du recueil des informations sur le

terrain, leur proposant un appui technique et financier, mais exigeant que l’impulsion soit de leur fait.

Enfin, c’est aux groupes thématiques que le travail de consolidation des résultats préalable à la Revue à

mi-parcours a été confié. Ils pouvaient en cela bénéficier de l’appui des agences régionales et du

Programme Conjoint, mais, en dernier recours, la responsabilité des résultats leur incombaient.

49

II. Les systèmes de Coordination et de Suivi-Evaluation au crible de la Revue à

mi-parcours 2010 du Programme Conjoint - Guinée Forestière

A. La Revue à mi-parcours (RMP) 2010 du PCGF

Le stage effectué au sein du Programme Conjoint en Guinée Forestière portait précisément sur la Revue à

mi-parcours prévue dès la mise en place et la validation du Programme. Son processus comportait

l’élaboration et la validation des termes de référence pour la consultation, le recrutement des consultants :

4 consultants nationaux (un expert par composante du Programme) bénéficiant de l’appui d’1 expert

international, chargé de la supervision de la revue, de la coordination des travaux et du rapport final et des

recommandations aux différentes parties prenantes.

Dans ce cadre, la fonction du stage était, notamment, de participer à la préparation des documents

nécessaires aux consultants durant la revue documentaire - dans ce cas précis, cela incluait une

consolidation fiable des résultats sur la période allant du début des activités du Programme conjoint (juillet

2007) à la session semestrielle portant sur les résultats au 30 juin 2010, puis de les assister dans

l’élaboration d’une méthodologie pertinente et dans la rédaction des rapports préliminaires, provisoires et

finaux.

1. Contexte, mise en oeuvre et objectifs de la Revue à mi-parcours (RMP) du Programme

Conjoint

a) Contexte et temporalité de la Revue

La Revue à mi-parcours du Programme ne fait pas suite à l’identification d’un besoin ou d’un problème

spécifique, elle est planifiée dès le stade d’élaboration du projet (2007).

Sa date, fixée très en amont conformément aux procédures de Suivi-évaluation préconisées par le PNUD,

est cependant apparut très problématique, et est en partie responsible des retards successifs de sa

réalisation.

En effet, suite aux troubles sociaux et économiques, le calendrier du Comité National pour le

Développement et la Démocratie (CNDD), criblé par les dérives autoritaires de son dirigeant le Capitaine

Moussa Dadis Camara, a été profondément bouleversé au cours du dernier trimestre 2009.

Le 28 septembre 2009, des mouvements civils organisent une manifestation pacifique pour demander à

Dadis Camara de respecter sa parole et de ne pas se présenter aux présidentielles. La foule de plusieurs

dizaines de milliers de personnes est canalisée par l'armée vers le stade du 28 septembre de Conakry, puis

à la surprise générale les militaires ouvrent le feu sur les manifestants ainsi bloqués dans le stade sans

possibilité de fuite. Ce massacre délibéré et manifestement planifié fait plusieurs centaines de morts. De

50

plus, les militaires violent et enlèvent plusieurs dizaines de jeunes femmes, dont certaines seront libérées

quelques jours plus tard après avoir subi des viols à répétition, tandis que d'autres disparaissent sans laisser

de trace.13

Suite au tollé international soulevé par cet évènement, des dissensions apparaissent au sein du CNDD14 et

le 3 décembre 2009, alors que Sékouba Konaté est en voyage au Liban, le président est grièvement blessé

par son aide de camp Aboubacar Sidiki Diakité - ce dernier était mis en cause explicitement par les

diplomates étrangers pour son rôle dans le massacre du 28 septembre, et craignait d'être livré à la justice.

Dadis Camara est hospitalisé au Maroc le 4, et Sékouba Konaté rentre au pays pour assurer l'intérim

Le 15 janvier, un accord sera trouvé entre Dadis et Sékouba pour que ce dernier soit reconnu Président de

la transition. Cet accord stipule qu’un premier ministre issu des Forces Vives (Partis d’opposition,

syndicats, société civile) soit nommé dans le but de former un gouvernement d’Union nationale et de

conduire le pays vers des élections dans les six mois. Le 16 janvier, Dadis, dans une allocution à partir du

palais présidentiel burkinabé, dit que la question de sa candidature est définitivement réglée, ainsi que

celle des autres membres de la junte. Jean-Marie Doré, doyen de l’opposition, est nommé Premier

Ministre, Chef du gouvernement d’Union Nationale chargé d’organiser les futures élections

présidentielles.

Le 7 mars 2010, Sékouba Konaté fixe par décret la date du premier tour de l'élection présidentielle au 27

juin 2010. Le second tour des élections présidentielles devait se tenir le 19 septembre 2010 avant d’être de

nouveau reporté au 24 octobre 2010. L’incertitude et la longueur de cet entre-deux tours de l’élection

présidentielle bloque les activités économiques et est source d’inquiétude et de tensions sociales et

ethniques. Les projets de développement eux-mêmes apparaissent figés dans l’attente, ce qui n’engage pas

le processus de revue de terrain sous les meilleurs auspices.

D’une part, il doit être réalisé alors même que les Nations Unies recommandent d’éviter, aux approches du

scrutin comme de la proclamation des résultats, à la fois les déplacements et les activités, pour des raisons

de sécurité et plus encore afin d’éviter les amalgames malvenus entre les activités des Nations Unies

(notamment celles comprenant des réunions publiques ou communautaires) et les activités de la campagne

électorale.

En outre, cette période correspond à la rédaction du nouvel UNDAF, qui constitue la matrice de l’action

des Nations Unies en Guinée, et dans lequel s’insère le Programme conjoint. Le processus d’élaboration

de l’UNDAF est lui-même frappé d’incertitude : si son élaboration et sa signature sont, en septembre

2010, jugés « techniquement possibles », la question de sa signature et de la prise de responsabilité d’un

gouvernement encore inconnu d’ici la fin de l’année est posée, et la solution consistant en sa prolongation

artificielle pour un an est sérieusement envisagée.

Une telle évolution serait fortement préjudiciable à la portée et à l’intérêt de la Revue à mi-parcours,

puisque les termes de références de celle-ci précisent que les consultants doivent notamment évaluer la

pertinence des activités du Programme en fonction des stratégies et priorités du gouvernement et des

Nations Unies à l’échelle du pays. La Revue est donc supposée estimer et recommander en fonction du

51

nouvel UNDAF. Ce travail d’actualisation apparaît difficile actuellement, puisque le nouvel UNDAF n’est

pas adopté, ni même tout à fait formulé en l’absence d’interlocuteur stable.

Enfin, comme il a été souligné à la suite d’un atelier organisé à ce sujet en septembre 2010, le processus

de rédaction, dans ces conditions, du nouvel UNDAF est la priorité des membres du Groupe

d’Harmonisation des Programmes (GHP), qui, en conséquence, n’est pas apte à suivre de près la Revue à

mi-parcours du Programme conjoint.

Pour toutes ces raisons, le travail des consultants nationaux (un expert par composante du Programme, soit

4 consultants au total) n’a pu débuté que les premiers jours d’octobre 2010, et leur travail de terrain en

Guinée forestière que fin octobre, puisque leur voyage durant le second tour des élections présidentielles

pose un problème technique (les consultants doivent pouvoir exercer leur droit de vote) en même temps

que sécuritaire. Ce dernier point pèse également sur leur travail de terrain proprement dit, puisque les

déplacements nécessaires à l’évaluation des réalisations du Programmes au niveau de la région sera

conditionné par les conditions sécuritaires prévalant dans la région suite au second tour et à la

proclamation (dont la date est encore inconnue) des résultats provisoires puis définitifs. La situation

sociale, ethnique et politique de la Guinée forestière étant particulièrement incertaine, il est impossible de

garantir que les travaux planifiés par les consultants seront effectivement réalisables.

En outre, prévue initialement au printemps 2010, avant la saison des pluies, la revue, afin de respecter le

calendrier du Programme et produire un rapport final apte à inspirer une gestion d’évaluation dont

l’équipe puisse rendre compte avant la fin de l’exercice 2010, doit nécessairement avoir lieu en octobre, et

se prolonger en novembre, c'est-à-dire à la fin de la saison des pluies (le climat de la région forestière

comprend une saison des pluies de 10 mois sur 12), lorsque les pistes ne sont plus praticables, période qui

correspond aussi à la fin de la période de soudure et aux travaux de récolte rizicole ; outre les

conséquences évidentes de difficulté d’accès et de peu de disponibilité de la plupart des bénéficiaires, ces

facteurs renforcent encore les problèmes liés à la sécurité, puisque les prix des denrées de base augmentent

fortement durant cette période, même en l’absence de l’attentisme actuel lié aux élections.

Un tel contexte force nécessairement la considération aussi bien de l’équipe du Programme conjoint

(Système des Nations Unies, autorités locales) que celle des consultants dans l’élaboration de leur

méthodologie et dans la planification des travaux de terrain de l’évaluation.

b) Objectifs et enjeux de la Revue à mi-parcours (RMP) du Programme Conjoint

Le processus de la Revue à mi-parcours est décrit, dans ses grandes lignes, dans les Termes de Référence

(ToR) de recrutement des consultants chargés de ce travail, dont la dernière version (le chronogramme a

été modifié à plusieurs reprises) est présentée en annexe. Plutôt que de répéter cette mise en forme des

objectifs et produits attendus de cet exercice d’évaluation externe, il semble, dans le cadre de ce mémoire,

plus pertinent de pointer quelques aspects pertinents quant à la conduite effective de la revue, afin de

comprendre par quel processus sont construits les outils qui feront émerger de manière sélective les

problèmes, et les recommandations contenues dans le rapport provisoire puis final.

52

Lors de la Revue semestrielle du Programme Conjoint tenue à N’Zérékoré les 21-22 juillet 2010, et à

laquelle ont participé l’ensemble des partenaires et des groupes thématiques, le Team Leader du

Programme a présenté les objectifs et enjeux de la Revue, et précisé les tâches de chacun en ces termes :

« Comme vous le savez, une Revue à mi-parcours du Programme Conjoint est prévue. Elle aura lieu au

terme de trois ans de Programme, puisque celui-ci a été lancé en juillet 2007. Il s’agit d’évaluer le chemin

parcouru, les progrès accomplis vers les objectifs fixés, mais aussi la coordination entre tous les

partenaires. Elle donnera aussi des éléments de réponse aux questions telles que « les objectifs sont-ils

toujours aussi pertinents, les priorités régionales ont-elles changé depuis 2007 ? ». Le rapport d’évaluation

et les recommandations seront donc utiles pour nous aider à trouver les réponses, orienter les prochaines

activités, et envisager la suite à donner au Programme Conjoint. Cela est d’autant plus important qu’a lieu

actuellement le lancement du processus d’élaboration du nouveau Plan-cadre de l’Aide au Développement

(PNUAD) en Guinée. Dans ce contexte, l’évaluation pourrait fournir une base solide à un plaidoyer en

faveur d’un « second » Programme Conjoint. Pour l’heure, les TdR sont adoptés, le Comité technique va

être mis en place par le Gouverneur [de la Région Forestière], et 4 consultants nationaux, un expert par

composante, sont en cours de recrutement. Cette équipe sera renforcée par un appui régional désigné par le

Bureau régional de Dakar. Cette équipe va fournir, sur la base de la revue documentaire, un rapport

préliminaire validé au cours d’un atelier. Puis aura lieu un travail de recueil et de vérification des

informations sur le terrain.

Les acteurs et responsabilités sont les suivantes :

Le Groupe d’Harmonisatin des Programmes (GHP) valide la note d’orientation, recrute les consultants,

examine et valide la méthodologie, ainsi que le rapport final.

Les groupes thématiques et les agences sont chargées de :

- consolider les informations du Programme sur la période 2007-2009 par sous-effets ;

- Rendre disponibles les « preuves » (rapports de mission, de formation, questionnaires, documents,

etc.) des réalisations ;

- Analyser les progrès, les difficultés majeures et les leçons apprises ;

- Analyser la pertinence des produits, sous-effets, et effets par rapport aux objectifs fixés et au

contexte actuel ;

- Nous devons tous faire preuve, en un mot, d’autocritique afin de nous auto-évaluer, et d’optimiser

cette Revue.

- L’équipe de consultants nationaux doit, de son côté, établir un bilan des résultats obtenus et

apprécier :

- les progrès vers l’atteinte des objectifs ; sur ce point, nous devrions éviter un commentaire du

type « Programme en danger » ;

- Evaluer les stratégies de mise en œuvre ;

53

- Evaluer la pertinence des activités ;

- Apprécier les modalités de gestion, les mécanismes de coordination et de suivi-évaluation

- Evaluer la pertinence des résultats stratégiques (effets) du Programme, et estimer s’ils sont

réalistes

- Les consultants doivent enfin partager les produits décrits dans les termes de référence,

notamment une note détaillée sur la méthodologie adoptée, et les rapports assortis de

recommandations claires. Le rapport final peut être espéré fin septembre ».28

Comme nous l’avons mentionné, les effets du programme conjoint cadrent strictement avec les

changements attendus dans le cadre de l’UNDAF pour l’atteinte des OMD. Une évaluation du Programme

conjoint doit donc s’attacher à estimer dans quelle mesure le Programme conjoint concoure à l’effort en

faveur des OMD fixés par et pour la Guinée sur l’espace de la Guinée forestière.

Une telle approche, centrée sur les résultats, et notamment les résultats en regard des objectifs, effets et

sous-effets du Programme, est d’ailleurs conforme à la Gestion axée sur les résultats de développement

(GAR) adoptée et promue par le PNUD qui est responsable de la Coordination, du Suivi et de l’Evaluation

du Programme.

En outre, une difficulté rencontrée par les acteurs est celui du cadrage avec les OMD : même si les

activités sont menées conformément au plan de travail, c'est-à-dire que les cibles sont atteintes ou

approchées, les effets eux-mêmes sont rarement évalués. Et, lorsqu’ils le sont, directement ou non (au

cours d’une enquête extérieure ou transversale par exemple), les niveaux de réalisation des effets se

révèlent modestes. Ces effets, correspondant aux changements attendus dans le cadre de l’UNDAF pour

l’atteinte des OMD, présentent donc des cibles régionales pour l’atteinte des OMD. Or, ces cibles ne sont

non seulement pas atteintes, mais s’éloignent même durant l’exercice du Programme conjoint : les

indicateurs de pauvreté augmentent, les taux d’infection et de prévalence du VIH/Sida et ceux de la

mortalité maternelle et infantile aussi, etc. Cette difficile réalité peut, à terme, mettre en doute la légitimité

de l’approche conjointe, et, plus généralement, des agences des Nations Unies à appuyer l’effort d’atteinte

des OMD. L’enjeu est, notamment, le sort réservé à l’expérience du Programme conjoint à la fin de son

exercice (en 2011), mais aussi la mise en œuvre d’un second programme conjoint dans une autre région

particulièrement vulnérable de Guinée, la Haute-Guinée, sur le modèle amélioré de l’expérience de la

Guinée forestière. Comme le remarque un membre de l’équipe-pays, « si ce second programme se conclut

lui-aussi par une aggravation des problèmes qu’il s’était proposé de contribuer à résoudre, la légitimité

même de l’expérience conjointe au niveau régional dans le cadre de la Réforme des Nations Unies sera

mise en cause ». La gestion axée sur les résultats pose donc une question importante aux planificateurs du

Programme conjoint : si les activités et les produits sont réalisés, mais que les effets et les objectifs ne le

28

Présentation du Team Leader du Programme Conjoint, Gédéon Behiguim, sur le processus de la RMP à l’ensemble des partenaires du Programme Conjoint, lors de Revue semestrielle du Programme Conjoint tenue à l’Ecole Normale des Instituteurs (ENI) de N’Zérékoré, le 22 juillet 2010

54

sont pas, n’est-ce pas la planification elle-même, à commencer par le cadre logique et des résultats, qu’il

faut revoir ? La première réaction des consultants (rapport préliminaire) a été de suggérer une révision du

cadre logique « de manière à proposer des objectifs réalistes et des activités qui sont en harmonie avec les

indicateurs définis pour permettre de juger aisément des tendances de réalisation de l’effet sur

l’amélioration de [l’objectif] »29

Il s’agirait donc de lier plus étroitement les indicateurs aux effets, et de

déterminer activités et produits en conséquence. Cette lecture littérale de la gestion axée sur les résultats

risquerait de déplacer le déséquilibre : les activités seraient donc délaissées de tout suivi redevable et

laissées à la seule appréciation des opérateurs et de l’organisation responsable. Les consultants cherchent,

plus vraisemblablement, à attirer l’attention sur l’importance de faire cadrer les indicateurs en premier lieu

avec les effets plutôt qu’avec les activités et les produits.

L’autre interprétation qui semble se dégager de la Revue en l’état actuel de son avancement se rapporte

plus volontiers au volume de l’aide, forcément insuffisant au regard de l’ampleur des objectifs du

millénaire, au contexte instable et difficile de la situation politique et économique du pays, et, plus

spécifiquement, à la question de la coordination et de l’articulation des interventions entre les partenaires

du Programmes, et notamment entre les agences des Nations Unies et leurs partenaires des services

déconcentrés ou décentralisés.

Selon de nombreux responsables des Nations Unies, si, malgré les moyens importants engagés, les effets

escomptés ne sont pas réalisés, c’est du côté de l’Etat qu’il faut chercher le « chaînon essentiel manquant »

(selon l’expression de l’un d’eux). Ce serait donc au niveau de l’appropriation réelle, c'est-à-dire aussi à

celui de la participation humaine, financière, etc. effective de l’Etat que se situerait le principal obstacle à

la réalisation des OMD. Si la question des conditionnalités est apparue, parmi mes collègues, taboue,

incompatible avec l’esprit de collaboration caractérisant les Nations Unies, et sans doute aussi par crainte

de fragiliser une confiance tissée difficilement avec leurs partenaires locaux, la problématique de la « mal-

gouvernance », comme on dit en Guinée, est bien présente. Les structures déconcentrées de l’Etat sont des

partenaires centraux du Programme, et sont associées à tous les niveaux ; il est répété régulièrement que

les Nations Unies ne sont pas appelées à remplacer l’Etat, car elles n’en ont ni la légitimité, ni la volonté,

ni la compétence : elles ne peuvent qu’accompagner, et, bien souvent, impulser, les efforts déployés en

fonction des priorités et des stratégies définies par l’Etat. Nous verrons que cette position normative est à

relativiser au regard des distorsions communément observées dans les contextes caractérisés par la

faiblesse de l’autorité et/ou des capacités de l’Etat appuyé.

Mais la logique du Programme conjoint n’en est pas moins que chaque partenaire est responsable et a son

rôle à jouer : c’est de la synergie des activités et des produits dont chacun est acteur et/ou responsable que

se réalisent les effets et que la région se rapproche des OMD. Un exemple souvent évoqué est celui de la

scolarisation : face au faible taux d’alphabétisation et aux difficultés insolubles provoquées par le faible

niveau de formation, l’objectif de l’amélioration du taux de scolarisation a été retenu, et fait partie des

29

Système des Nations Unies en Guinée, Programme conjoint pour la Relance des Dynamiques locales de Développement en Guinée forestière, Evaluation à mi-parcours, Rapport Préliminaire (Draft 0), octobre 2010, p.9

55

priorités de l’Etat guinéen. Le Programme conjoint, conformément à l’UNDAF, a planifé l’Effet 5.

suivant : « La scolarisation et la rétention au primaire et l’éducation non formelle sont améliorées, en

particulier pour les filles » décliné en quatre sous-effets : S-E.5.1 : « Au moins 80% des enfants en âge

scolaire en particulier les filles sont inscrits et suivent régulièrement les cours » ; S6E.5.2 : « Un personnel

formé et une administration efficace en nombre suffisant sont disponibles dans la région » ; S-E.

5.3 : « Développer l’éducation non formelle dans la zone du Programme » ; S-E.5.4 : « Impliquer les CRD

dans la gestion des écoles, l’appui aux APEAE pour l’inscription et le maintien à l’école des filles et dans

la prise en charge financière des éducatrices des CEC et des moniteurs des Centres NAFA ».

Dans ce cadre, l’Etat a inscrit comme priorité le financement de nouvelles écoles ; si l’UNICEF s’est

engagée à prendre en charge la construction des nouveaux bâtiments (300 classes au total), le PAM assure,

par le biais de distributions alimentaires généralisées à tous les établissements de la région, et ciblées sur

les élèves-filles, une meilleure fréquentation ; mais ce sera à l’Etat de prendre en charge l’essentiel du coût

d’une telle mesure, c'est-à-dire la formation et le recrutement des professeurs et de l’encadrement scolaire.

C’est à ce niveau, celui de la « contrepartie » de l’Etat à la plupart des effets, que les agents des Nations

Unies situent le problème principal : difficultés financières, matérielles, logistiques, absence de continuité

de l’action des services en raison notamment de la forte mobilité du personnel et de la rétention de

l’information forment la nébuleuse de la « mauvaise gouvernance » qui caractérise l’action de l’Etat et des

collectivités, dont la contribution à la réalisation des effets est toujours soumise à caution.

L’Etat, de son côté, s’il reconnaît ses faiblesses, fait remarquer que son incapacité profonde et chronique

est datée des Plans d’Ajustement Structurels (PAS) qui lui ont été imposés par le FMI et la Banque

mondiale avec l’agrément moral du Système des Nations Unies : comment demander à l’Etat de recruter

massivement des enseignants tout en exigeant une diminution drastique des dépenses budgétaires ?

Cet exemple renvoie également à une difficulté régulièrement rencontrée dans le cadre du suivi-

évaluation, et soulignée par les consultants de la Revue à mi-parcours, celle consistant à évaluer la

contribution exacte des partenaires, et significativement de l’Etat, aux objectifs, tant la frontière est floue,

parfois poreuse, entre les activités relevant ou non du Programme conjoint. Bien souvent, si l’impulsion et

les fondements d’un changement sont fournis par le Programme, le suivi et la gestion dans le temps des

institutions ou projets est confiée à des autorités démunies, soutenues ponctuellement et sur certains

aspects seulement par le Programme.

En tout état de cause, c’est bien le problème de l’appropriation et du transfert de compétence que l’on

retrouve ici ; les liens de dépendance des institutions envers les bailleurs de fonds via le Programme

conjoint sont profonds, tant les ressources financières et organisationnelles de l’Etat sont minces. Dans ce

contexte, on observe un basculement progressif du Programme sur les appuis institutionnels et la

composante IV., « Gouvernance et décentralisation », et le transfert de compétence apparaît comme un

objet majeur d’évaluation de la Revue à mi-parcours.

56

2. Emergence d’une méthodologie en fonction des priorités de la Réforme : une focalisation

sur la Coordination, le Suivi et l’Evaluation axés sur les résultats

a) Le processus de la Revue à mi-parcours et sa préparation

Il est intéressant de retracer dans ses grandes lignes le processus réel d’élaboration de la méthodologie

d’une Revue des Nations Unies. Il apparaît en effet qu’il est le fruit d’un consensus entre les différents

acteurs de la Revue : Programme Conjoint, Equipe pays et Directions des Agences-pays, Consultants

nationaux et Consultant international.

Le consultant international était déterminé préalablement à mon arrivée. Il s’agit d’une fonctionnaire des

Nations Unies, en charge de la Coordination régionale (Coordination résidente) à Dakar. Elle a reçu en

amont de la revue à proprement parler les documents de consolidation établis par les soins du bureau de

Suivi-évaluation du Programme conjoint, au fur et à mesure de leur amélioration durant l’été. Elle a pu

s’entretenir de la qualité de leur contenu avec le Team Leader du Programme conjoint lors de son passage

à Dakar durant ses congés, en aout. Les consultants nationaux, en revanche, ont fait l’objet d’un long

processus de recrutement, qui a pris beaucoup de retard, et s’est achevé la dernière semaine de septembre

2010 seulement. En effet, alors qu’une liste d’experts ayant déjà travaillé avec les Nations Unies

(notamment en tant que consultants pour la Revue à Mi-parcours de l’UNDAF en 2010) avait été établie à

partir des candidatures déposées en juin 2010, la Coordinateur Résident des Nations Unies à Conakry a

tenu à ce que les procédures de recrutement soient strictement respectées, ce qui impliquait une série

d’entretiens supplémentaires. Les auteurs de la liste initiale, quant à eux, jugeaient que ces entretiens

n’étaient pas nécessaires, et retardaient encore dangereusement le processus de la revue. Finalement, les

entretiens ont eu lieu, et la liste initiale a été validée. Les consultants une fois réunis à Conakry, ils ont été

reçus par le Directeur-Pays du PNUD, et une courte réunion a permis de les présenter au Chargé du

Programme Conjoint (Team Leader) ainsi qu’au représentant PNUD au sein du Programme, tous deux en

mission à Conakry. Ces derniers ont, en premier lieu, remis l’ensemble des documents (rapports,

présentations, documents de consolidation, etc.) nécessaires à la revue documentaire. Les enjeux du

Programme et de la Revue leur ont également été présentés, et il leur a été demandé de fournir très

rapidement une méthodologie et un chronogramme de leur travail. La réunion en question a eu lieu un

vendredi, les missionnaires rentraient à N’Zérékoré le dimanche dans l’après-midi, et les consultants se

sont engagés à envoyer par voie électronique ces documents la journée du lundi, ce qu’ils ont fait. En

place d’une réelle méthodologie, il s’agissait plutôt d’une description du déroulement de la Revue,

mentionnant les grandes étapes de leur mission. Cette feuille de route était assortie d’un chronogramme

par semaines correspondant. Le déroulement prévu était le suivant : revue documentaire, rapport

préliminaire « ayant tous les contours d’un rapport provisoire », validation par le Comité technique (mis

en place au niveau de la région forestière) et le Groupe d’Harmonisation des Programmes (GHP) de la

méthodologie envisagée pour la collecte des données sur le terrain, collecte des données sur le terrain (par

entretiens semi-directifs avec les personnes ressources, focus groups et enquêtes spécifiques), rapport

57

provisoire, atelier de validation de ce rapport et rédaction du rapport final30

. Ce plan de travail a fait l’objet

d’une note, rédigée le jour même, contenant les remarques du Programme conjoint (Team Leader et Suivi-

évaluation) :

-Rappel du caractère décentralisé du Programme conjoint, et, en conséquence, rééquilibrage des entretiens

avec les personnes ressources en faveur de celles présentes en région forestières, et donc des durées

respectives de mission à Conakry et en Guinée forestière.

-Formulation d’une méthodologie globale de la Revue dès avant de commencer la revue documentaire et

les entretiens avec les personnes ressources à Conakry.

-Critique d’un rapport préliminaire « ayant tous les contours d’un rapport provisoire » avant même de

s’être rendu en région forestière ; par ailleurs, puisque la méthodologie doit être façonnée dès le début de

la Revue, inutilité de la semaine de validation du rapport préliminaire par le Comité technique et le GHP,

ce qui ferait gagner du temps consacré à la mission en Guinée forestière.

-Doutes sur le caractère réaliste d’enquêtes spécifiques sur des sujets précis « comportant échantillonnage

des ménages, études par grappes, etc. », auxquelles des entretiens semi-directifs ciblés et des focus groups

sembleraient préférables

-Besoin de recentrer l’évaluation elle-même, au-delà des seuls résultats des activités planifiées, sur les

objectifs et effets recherchés eux-mêmes, sur les impacts (recherchés ou induits, positifs ou négatifs), et

sur les indicateurs du Programme.

-Besoin exprimé par le Programme conjoint de recommandations éclairées sur le système d’indicateurs

-Accent mis sur les mécanismes de responsabilisation et, plus globalement, de transfert de compétences en

faveur des services techniques et administratifs locaux.

Les consultants ont répondu dès le lendemain par la formulation d’un plan détaillé du rapport tenant

compte des remarques qui leur avaient été envoyées par le Programme conjoint.31

Enfin, ce fut au tour de

la consultante internationale, alors localisée au Maghreb, d’exprimer ses remarques, qui s’apparentaient à

des précisions et un affinage du processus d’émergence déjà bien avancé. Son message insistait sur les

points suivants :

1) Importance de l’analyse de la pertinence des stratégies par rapport aux nouvelles priorités nationales

(mentionnées dans le SRP intérimaire) et les priorités émergentes de l’UNDAF suite à la RMP

2) Analyser le niveau de réalisation des indicateurs et des progrès réalisés pour l’atteinte des résultats

escomptés, plutôt que le niveau de réalisation des activités planifiées

3) Formuler des recommandations pour le PC, y compris s’il le faut recentrer des produits, stratégies,

indicateurs.

La revue à mi-parcours étant prévue dès l’élaboration du Programme conjoint durant l’été 2010, il parut

impossible de revenir sérieusement sur les indicateurs, ce qui aurait supposé un fort investissement de

30

Cf. Plan de Travail en Annexes 31

Cf. Plan détaillé en Annexes

58

l’ensemble des acteurs, et une coordination déjà solide, et il fut donc décidé de dresser le plus fidèlement

possible les résultats dans chaque composante et pour chaque produit, sans plus se soucier des indicateurs

prévus, et d’utiliser, précisément, la revue pour engager une véritable reformulation des indicateurs

cible/base, et une restructuration des méthodes de suivi et de capitalisation. Le problème est que la Revue,

pour susciter de telles orientations, doit pouvoir disposer d’assez d’éléments pour permettre aux

Consultants de diagnostiquer les faiblesses, les incohérences, et de proposer des solutions en réponse à ces

lacunes, en très peu de temps, puisque la revue documentaire et de terrain n’est prévue sur une période que

de 3 semaines. Une partie importante du stage a donc été d’aider, en amont même de la revue à

proprement parler, au recueil des indicateurs, à l’élaboration d’un document synthétique de consolidation

des résultats par OMD, effet, sous-effet, produits et indicateurs (Cibles, bases, sur l’ensemble du

programme et à l’intérieur de chaque exécution annuelle), et à l’exploitation de celui-ci, ne serait-ce qu’en

signalant les incohérences du cadre logique, et les défauts des indicateurs. Chaque fois qu’une solution ou

une correction possible se présentait, elle faisait d’emblée l’objet d’une proposition ; mais dans la plupart

des cas, une concertation était nécessaire pour harmoniser entre plusieurs acteurs, et, à ce titre, la revue

devait permettre de jeter les bases d’un cadre de concertation, voire d’arbitrage, utile à la fin de

l’exécution du Programme conjoint, mais aussi aux actions conjointes menées par la suite, en Guinée

forestière, dans le reste du pays, ou ailleurs.

Lors des réunions des chefs des sous-bureaux régionaux participant au Programme Conjoint se tenaient

sur une base régulière (environ tous les 10 jours), et auxquelles je participais et intervenais, notamment à

propos du travail concernant la préparation de la Revue à mi-parcours, ont été définis les besoins

spécifiques auxquels devrait répondre cette dernière. Il a d’abord été rappelé qu’il était essentiel que tous

les partenaires du Programme adoptent une démarche de transparence à l’égard des consultants, et même

entreprennent, au sein de chaque agence et de chaque groupe thématique, une « auto-critique » afin

d’identifier les difficultés et de les présenter à l’équipe de consultants dès que celle-ci serait connue, pour

tenter de trouver ensemble les solutions. Les questions des indicateurs qualitatifs à créer/renseigner, et

particulièrement ceux qui concernent l’appropriation et le transfert de compétence, ont par exemple d’un

commun accord été jugés problématiques, et les réponses que la RMP peut aider à formuler urgentes.

D’autres défis, liés aux financements, à la coordination ou le caractère trop ambitieux de certains objectifs

et cibles, ont également été explicités. En revanche, s’il a été décidé à l’unanimité de mettre en lumière les

problèmes et les difficultés, il ne doit pas non plus être question de s’auto flageller, et de donner de

manière injustifiée une image trop négative de l’expérience conjointe que représente le Programme

Conjoint. C’est pourquoi les difficultés contextuelles spécifiques au Programme : conception et mise en

œuvre urgente, absence de cadre logique conjoint jusqu’en 2008, répercussions des faiblesses identifiées

dans l’UNDAF durant la récente RMP sur le Programme Conjoint qui se doit de s’insérer dans le Plan

Cadre de l’Aide au Développement du pays, retards de décaissement des financements parallèles,

contrainte des périodicités différentes de chaque agence, instabilité politique et caractère particulièrement

59

sensible de la Région forestière, etc. devaient aussi être clairement établies et communiquées aux

consultants dès avant le commencement de la Revue.

b) Consensus sur la priorité donnée à l’évaluation des résultats stratégiques

Les parties prenantes du Programme conjoint ont, dès la première prise de contact avec les consultants

nouvellement recrutés pour la Revue à mi-parcours, insisté sur l’importance de s’attacher avant tout à

l’évaluation de la contribution du Programme aux effets (et sous-effets), la réalisation des activités y

concourant n’étant que secondaire, à valeur quasi-documentaire. En tout état de cause, il est de toute façon

impossible aux consultants de vérifier l’ensemble des données de suivi consignées dans les documents

soumis à leur examen. Tout au plus pourront-ils « tester » un certain nombre d’entre elles, au fil des visites

de terrain, des entretiens, focus groups ou parce qu’elles leur semblent imprécises. Il leur est explicitement

demandé de se concentrer sur la planification elle-même durant la phase documentaire, afin de traquer les

faiblesses de celle-ci, notamment en matière d’indicateurs ou de coordination de la mise en œuvre et du

suivi, et surtout sur l’évaluation de la pertinence, de l’efficacité et de l’efficience du Programme dans

l’atteinte des OMD.

On peut considérer que si les questions à renseigner sont fixes, les indicateurs, eux, doivent être capables

de plus de souplesse, et peuvent aisément être modifiés en cours de Programme si le besoin s’en fait sentir.

Cela suppose néanmoins un travail de concertation et de formulation important entre tous les acteurs et

partenaires, c’est pourquoi une étape telle que la Revue à mi-parcours doit être saisie comme une occasion

d’impulser un tel chantier. La sanction et la sévérité de l’évaluation, assorties de recommandations claires

jetant les bases ou éclairant la voie des transformations à effectuer, sont nécessaires à la mise en œuvre

d’une telle restructuration des mécanismes, des outils et des termes du suivi-évaluation. Contrairement à

ce que sont tentés de croire certains acteurs, c’est justement ces critiques qui font d’une telle revue une

réussite. La contradiction entre deux fonctions conjointes de la revue est ici évidente : il s’agit tout à la

fois de mettre en lumière les défauts et les manques, parfois lourds, dont souffre le Programme Conjoint,

et de valider des réussites indéniables qui serviront de faire-valoir (à la fois en termes de carrière que pour

le Programme lui-même) auprès de la hiérarchie de chaque agence, et des bailleurs extérieurs, dont le

financement est sans cesse plus recherché.

Les questions de planification, de suivi et d’évaluation, et particulièrement celle des indicateurs (données

de référence et cibles planifiées comprises) sont évidemment essentielles à la coordination effective d’un

programme aussi ambitieux que le PC-GF. Elles sont donc au cœur des préoccupations de la revue à mi-

parcours, et figurent explicitement dans les ToR de celle-ci.

Avant même le début du travail de consolidation et de préparation de la revue, des entretiens multiples et

répétés avec différents responsables, agents et partenaires du Programmes ont souligné l’attention

particulière à attacher aux questions de la coordination, du suivi, et, spécifiquement, aux indicateurs, qui

font figure de point faible de la programmation du Programme. C’est en effet à leur niveau que se reflètent

60

les problèmes de coordination et d’harmonisation entre les différents acteurs, si bien que les indicateurs

renseignent précieusement le niveau de coordination atteint au sein du Programme.

Comme avertissait justement un responsable du PNUD ayant participé à sa conception dès 2007, le

caractère conjoint du Programme en Guinée forestière est un processus, une construction, qui ne « coule

pas de source » pour les agences participantes. En effet, chaque agence a sa propre « culture de travail »,

ses propres priorités, manière de planifier et de mettre en œuvre, et donc, également, manière de suivre et

d’évaluer ses propres réalisations et contributions. Si bien que le conseil de cet expert, concernant mon

travail au sein du Programme, fut d’abord de ne jamais perdre de vue la question suivante : « Que suit-

on ? » ou, mieux, « Qui suit quoi ? ». S’agit-il de suivre simplement les activités mises en œuvre -ce que

font très bien la plupart des agences au quotidien- afin de restituer les résultats atteints dans les revues

(annuelles, semestrielles, thématiques ou non) et les rapports successifs, ou bien se propose-t’on de suivre

et d’évaluer les niveaux de réalisation des effets, des objectifs et des indicateurs eux-mêmes ? Car, si les

activités, même lorsque leur mise en œuvre est conjointe, sont relativement faciles à suivre, de même que

les produits eux-mêmes, les résultats aux niveaux des sous-effets, effets et objectifs sont, eux, beaucoup

plus difficiles à appréhender, car ils demandent un effort conjoint de suivi et de réflexion peu habituel.

Axer la planification et le suivi sur les résultats de manière conjointe apparaît effectivement exiger le

développement de nouvelles pratiques de travail en commun, pratiques qui exigent beaucoup de temps et

de disponibilité, ce qui est difficilement conciliable avec les autres activités ordinaires de chaque agence,

généralement traitées dans l’urgence.

Dans le cas où ce travail n’est pas ou insuffisamment effectué, il revient à la seule cellule du Suivi-

évaluation du Programme conjoint de tenter de collecter, consigner et concilier les informations reçues de

l’ensemble des partenaires, en fonction du cadre logique ou du Plan de travail annuel adoptés. Les risques

de déformation ou d’imprécision se multiplient si le chargé de suivi-évaluation se trouve dès lors dans

l’obligation de créer les indicateurs ad hoc, en aval, afin de renseigner au mieux le niveau de réalisation

des projets. Le temps passé ensuite à vérifier la qualité des renseignements fournis par les indicateurs, au

niveau de chaque agence, sera bien plus important que celui que chacune aurait dû accorder à l’élaboration

commune des outils de suivi adéquats.

B. La Coordination, le Suivi et l’Evaluation : une cinquième composante invisible et

problématique

61

1. Des indicateurs de S&E harmonisés pour mieux planifier et coordonner

1.

Outre les 4 composantes mentionnées, le Programme Conjoint en comporte une cinquième,

spécifiquement dédiée à la coordination, au suivi et à l’évaluation, eux-aussi programmés dans les cadres

(logiques, Plans de travail annuel), souvent de manière beaucoup plus discrète que les activités concourant

à la réalisation des Effets et à l’atteinte des Objectifs.

Il figure dans la rubrique « Opportunités » de la première présentation annuelle des résultats (décembre

2007) : « La mise en place d’un mécanisme de suivi et évaluation au niveau décentralisé dans le cadre du

processus de régionalisation des OMD facilitera le suivi du PC ». L’espoir suscité par la création d’un

mécanisme de suivi évaluation répondant à l’idéal de régionalisation des OMD est réel, comme l’indique

le processus de recrutement/détachement d’un chargé de suivi-évaluation à cet effet. Au terme de ces

quelques mois d’exercice du Programme Conjoint en Guinée forestière, il s’explique par le fait qu’il vient

confirmer et parachever le caractère conjoint et régional d’un Programme alors jeune, et fier de son

caractère novateur. Cependant, il est significatif que dès l’année suivante, et les années qui suivront, le

suivi-évaluation, lors des présentations et rapports annuels, ne figure plus dans la rubrique conclusive

« opportunités », mais « points faibles », ou « défis ». Les défis en matière de suivi-évaluation sont en

effet immenses, et les divers efforts, tentatives et ajustements successifs les ont relevé avec plus ou moins

de bonheur. En terme d’expérimentation, et sur une si courte période (si l’on prend en compte l’instabilité

du poste de chargé de suivi évaluation jusqu’en 2009), le mécanisme modelé au fil du temps est très

instructif, même s’il révèle encore d’importantes insuffisances, soulignées et précisées par la Revue à mi-

parcours.

En outre, la qualité des indicateurs retenus - et effectivement renseignés - conditionne non seulement

l’évaluation des actions, conformément aux méthodes préconisées par la gestion axée sur les résultats,

mais aussi la programmation elle-même, les choix stratégiques en matière de priorité, de modes

opératoires et de partenaires. Les indicateurs, à cette fin, ne doivent pas seulement être de qualité, mais

aussi, dans une certaine mesure, qualitatifs, ou bien complétés d’études qualitatives et d’enquêtes

spécifiques.

C’est pourtant ce prix, qui n’est pas négligeable - ni financièrement, ni en savoir-faire - que semblent

exiger les objectifs ambitieux du Programme Conjoint, notamment en matière de transfert de compétence

et de développement durable à caractère participatif large.

a) Les efforts du Programme pour des outils de planification et des indicateurs efficaces

Avant de recenser les anomalies ou imperfections dans la planification du Programme conjoint - et leurs

conséquences ou relation avec les indicateurs -, il convient de souligner la forte cohérence d’ensemble des

activités et des produits avec les effets stratégiques et les objectifs de développement visés. Concernant le

volet « Sécurité alimentaire », les consultants notent par exemple : « Les produits escomptés

62

correspondent aux besoins et aux attentes des producteurs, de leurs organisations (groupements, Unions,

ONG), même s’ils sont formulés de manière imprécise sans rapport, pour certains, avec les indicateurs

définis. Ils sont (…) en parfaite cohérence avec la nouvelle lettre de politique de développement agricole

(2007), la stratégie nationale de sécurité alimentaire (2003) et tout récemment le programme national

d’investissement agricole (2010). Tous ces produits s’inscrivent aussi et surtout dans le cadre stratégique

de réduction de la pauvreté. »32

La cohérence, à la fois logique et avec les cadres de développement globaux et nationaux, n’est donc pas

en question, et le programme « fonctionne ».

Nous nous attacherons plutôt ici à envisager les difficultés, qui se rapportent aux outils de suivi et

d’évaluation dans un contexte « conjoint », donc complexe et inédit, et dont la solution permettrait au

Programme de fonctionner « mieux ».

Les indicateurs de suivi ont heureusement beaucoup évolué au cours de l’exécution du Programme : alors

que celui-ci n’en disposait d’aucun spécifique à son lancement en 2007 (il n’y avait pas non plus de cadre

logique ou des résultats, ni même de « produits »), les outils de suivi-évaluation ont été créés dans les

conditions les plus difficiles, c'est-à-dire en cours de route, « à chaud », essentiellement par le chargé de

suivi-évaluation actuel, qui fut recruté en urgence en 2009 après qu’un premier agent ait posé quelques

fondements en 2008 avant de laisser le poste vacant durant plusieurs mois.

Une fois ces outils créés et acceptés collectivement par les partenaires chargés de les renseigner

(principalement les agences régionales des Nations Unies, ainsi que les autorités régionales/préfectorales),

il restait encore à systématiser leur utilisation par chacun. Ce travail n’est pas achevé, mais a beaucoup

progressé, à la fois par un plaidoyer interne itératif, et par une modification progressive des canevas

fournis par le chargé de suivi-évaluation pour chaque restitution de résultats aux différentes agences. Les

cadres proposés aux agences et partenaires (cadres qu’elles sont libres de suivre ou non, mais dont elles

tendent à s’inspirer par économie de temps) mettent en effet progressivement en regard de manière de plus

en plus stricte les effets avec les sous-effets, les produits et les indicateurs prévus, de manière à ce que le

non-renseignement d’un indicateur apparaisse comme un vide dans le cadre communiqué aux bailleurs,

responsables et partenaires du Programme. Ils constituent ainsi de puissants outils normatifs et

pédagogiques à l’intention des divers partenaires chargés de mettre en forme le suivi du Programme.

Cette rigueur vise précisément à faire ressortir les erreurs de planification et d’indicateurs, parfois de

cohérence entre les activités, les produits et les effets, afin de préparer chaque partenaire à accepter une

remise en question de ses propres pratiques de suivi et d’action.

En effet, lorsqu’une activité ou un produit prévus ne sont pas du tout documentés, cela signifie

généralement qu’ils ne sont pas réalisés. Cela découle du fait que les rapports annuels et bases de données

du Programme se fondent essentiellement sur les présentations des revues annuelles, semestrielles et

thématiques, au cours desquelles les groupes thématiques présentent leurs réalisations et activités en cours,

32

Système des Nations Unies en Guinée, Programme conjoint pour la Relance des Dynamiques locales de Développement en Guinée forestière, Evaluation à mi-parcours, Rapport Préliminaire (Draft 0), octobre 2010, p.8

63

sans systématiquement les mettre en regard avec les réalisations attendues. Bien que la direction et le

chargé de suivi-évaluation du Programme déploient beaucoup d’effort pour que les présentations soient

celles des résultats atteints par rapport à ceux attendus, les habitudes sont tenaces, et bien souvent les

groupes détaillent les réalisations et se contentent de mentionner que telle autre activité « est non-

réalisée », parfois précisé « par manque de financement ». De manière générale, il est en tout cas

préférable d’expliciter et d’expliquer les résultats atteints en regard des produits et des cibles planifiées

dans une logique de Gestion axée sur les résultats, plutôt que de ne citer que les réussites du Programme,

ce qui entretient l’opacité et freine le partage de l’information entre les partenaires locaux au

développement, favorisant finalement les rumeurs et inexactitudes.

Face à ces défis, la revue à mi-parcours a donc été un moment privilégié pour mettre en lumière, recenser

et appeler les acteurs à une réponse vigoureuse.

Le travail de consolidation effectué durant le stage, en étroite collaboration avec le chargé de suivi-

évaluation du Programme et les chefs d’agences régionales, ainsi que la revue documentaire, effectuée par

les consultants de la Revue à mi-parcours, de l’ensemble des documents produits au cours des 3 premières

années du programme, ont mis en évidence de nombreuses imperfections, incohérences et lacunes au

niveau de la planification et des indicateurs (formulation, base de référence et cibles inclues) façonnés afin

de permettre le suivi et l’évaluation de l’intervention du programme. Ces problèmes logiques et pratiques

sont à la fois source et reflet des difficultés rencontrées par le programme. Ils sont de natures différentes,

mais leur identification, et le travail d’amendement qu’ils appellent, sont en eux-mêmes susceptibles

d’impulser de fructueuses réflexions collectives et une auto-critique saine, apte à améliorer réellement la

coordination au sein du SNU et entre le SNU et ses partenaires du Programme.

Nous nous proposons ici de recenser (de manière non exhaustive) les faiblesses identifiées. Une telle tâche

permet également de confirmer et de préciser la valeur de la gestion axée sur les résultats en matière de

planification, suivi et évaluation conjoints, mais aussi, spécifiquement, de rééquilibrer l’arsenal d’outils de

suivi en faveur d’un recueil de données plus qualitatives.

b) Insuffisance et imprécision des indicateurs retenus et de la planification logique

En premier lieu, et de manière générale, les documents produits par le Programme conjoint, notamment

jusqu’en 2009, reflètent les conditions d’urgence de son élaboration et de sa mise en œuvre : si les grandes

lignes logiques sont solides, car elles ont pu bénéficié de la connaissance et de l’expertise des agences

préalablement ancrées dans la région, la formulation de la planification et les outils de suivi sont souvent

flous ou inadéquats.

D’une part, il apparaît en comparant les PTA et les rapports (annuels, semestriels, thématiques) ou

présentations (au Comité de pilotage par exemple) que les activités réalisées ne cadrent pas toujours avec

celles qui ont été planifiées. Elles concourent néanmoins généralement (mais pas toujours) à certains

produits attendus ; dans ce cas, elles correspondent simplement à un manque de planification assez

64

détaillée. Mais il se trouve quelques activités qui ne semblent pas directement produire un produit planifié,

tout en concourrant vraisemblablement à un sous-effet ou effet du Programme (il en est ainsi, par exemple,

des distributions de vivres effectuées chaque année par le PAM aux populations ou localités vulnérables,

qui, sans rentrer dans aucun produit planifié, concourent sans conteste à la sécurité alimentaire dans la

région).

Ces défauts dans la planification ont été mis en lumière par le document de consolidation produit durant le

stage au sein du Programme : en réorganisant l’ensemble des résultats sur une seule ligne par composante,

effets, sous-effets, produits, activités et indicateurs, sur les 4 années du Programme, toute activité ne

correspondant pas à un produit (ou même à un indicateur) ne pouvait trouver place dans le cadre. Il fallut

donc créer, sous chaque effet/sous-effet, une ligne supplémentaire nommée « Autres résultats »,

stigmatisant en quelque sorte ces imprécisions. Si un certain nombre de ces réalisations ont pu, en

collaboration avec les agences responsables et les groupes thématiques concernés, être reformulées et

réintroduites dans le cadre des résultats, certaines restent inclassables, et sont restées dans la ligne « Autres

résultats » sur le document de consolidation confié à l’équipe de consultants. L’existence de produits

« fourre-tout » indique avant tout que des activités, souvent nécessaires et pertinentes, n’ont pu être

placées logiquement dans le cadre : ce dernier est donc soit imparfait, soit trop rigide pour accueillir en

cours d’exercice de nouvelles activités nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés.

En ce qui concerne les résultats qui correspondent clairement à un produit, mais non à un des indicateurs

proposés pour ce produit, ils ont simplement été soulignés en couleur, afin de signaler l’erreur. Le même

travail de consolidation collective a été effectué, afin de reformuler, chaque fois que cela était possible, le

résultat en fonction des indicateurs. Mais, dans certains cas, les données nécessaires étant indisponibles, le

résultat a été laissé en regard d’un indicateur incohérent à l’appréciation des consultants. Ceux-ci

pouvaient ainsi immédiatement souligner l’incohérence de certains indicateurs, alors même que les

produits et les activités sont jugés pertinents et le taux de réalisation physique important. Ce travail de

consolidation visait ainsi à mettre en évidence les erreurs qui n’ont pu être corrigées, afin de mettre à

contribution les consultants dans la correction globale des outils logiques du Programme.

Par ailleurs, une difficulté importante rencontrée par les consultants durant la phase documentaire de la

revue a été le manque de base de référence, de niveau de réalisation et/ou de cibles attachés aux

indicateurs. Cette lacune, en effet, leur interdit parfois d’estimer correctement l’évolution des indicateurs

de mesure des produits et des effets, et donc d’évaluer l’efficacité de certains projets du Programme

conjoint. Ils précisent ainsi dans leur rapport préliminaire, concernant la composante « Sécurité

alimentaire » : « Pour l’instant, de nombreux indicateurs mesurables ont été produits, mais il est difficile

d’en déterminer le pourcentage de réalisation car il n’était pas indiqué d’objectifs physiques initiaux »33

33

Système des Nations Unies en Guinée, Programme conjoint pour la Relance des Dynamiques locales de Développement en Guinée forestière, Evaluation à mi-parcours, Rapport Préliminaire (Draft 0), octobre 2010, p.6

65

De même, dans la composante 2. « VIH/Sida », le produit 2.1.2 : « Connaissances exactes sur les moyens

de prévenir les risques de transmission sexuelle des IST/VIH accrues chez les personnes vulnérables », est

évalué à l’aide de l’indicateur 2.1.2.1 : « Pourcentage de personnes vulnérables ayant des connaissances

exactes sur les moyens de prévenir les risques de transmission sexuelle des IST/VIH et qui rejettent les

principales idées fausses concernant la transmission du virus ». Cet indicateur doit donc permettre

d’évaluer à quel point est réalisé le sous-effet 2.1 : « Les services de prévention des IST/VIH et les

stratégies de communication pour le changement de comportement sont développés et opérationnels ».

Mais cet indicateur n’est renseigné que de l’estimation du nombre de personnes, directement ou

indirectement renseignées par les activités d’information et de prévention, sans préciser ni base ni cible à

atteindre. Dans ce cas, qui en illustre de nombreux autres, les consultants sont contraints, afin d’évaluer la

contribution à l’effet, de rechercher par eux-mêmes les bases de références et cibles manquantes. Il est

donc indiqué en rouge dans le rapport préliminaire : « résultats à rechercher sur le terrain par un

dépouillement de données dans les registres et rapports ».

Cette démarche même pose un véritable problème, car il est manifeste que les consultants ne pourront, en

deux semaines de revue de terrain, effectuer de si lourdes recherches dans des documents qu’ils auront à

demander, en l’occurrence, à la Direction régionale de la Santé, l’OMS et UNFPA. De toute évidence, de

nombreux produits ne pourront donc être évalués dans leur contribution au sous-effet, à l’effet ni à

l’objectif recherchés.

Enfin, certaines cibles apparaissent périmées et/ou nulles et non-avenues (l’une d’elle prévoit par exemple

une valeur en relation avec les « élections communautaires », qui n’ont plus lieu depuis longtemps),

prouvant ainsi le manque d’actualisation des outils de suivi.

Le non-renseignement de certains indicateurs, dont les données sont apparues trop difficiles à collecter,

constitue une difficulté, souvent liée à la précédente, pour l’évaluation des réalisations et l’identification

des difficultés. Ainsi, le Programme comportant, dans la composante « Sécurité alimentaire », un projet de

distribution de semences améliorées afin d’ « améliorer les capacités de production vivrières » (Sous-effet

1.2), un des indicateurs prévus est « % des besoins en semence couverts ». Un tel indicateur renseignerait

en effet utilement le niveau de réalisation, mais est très difficile à renseigner en l’absence de critère

permettant de définir ce que sont réellement les besoins régionaux en matière de semences améliorées.

Tout au plus les consultants peuvent-ils, sur le terrain, par la mise en place d’une méthode de

questionnaires par échantillonage, constater que la dépendance aux intrants (semences et produits

phytosanitaires) reste prégnante.

La formulation inappropriée ou imprécise des indicateurs est régulièrement source d’erreur. A ce

propos, il est à noter que le travail de planification et de coordination, à l’image des activités menées par

toutes les administrations guinéennes, est entièrement réalisé en français, langue inégalement maîtrisée par

les agents.

66

Les approximations sont donc courantes, surtout lorsque les documents doivent être finalisés dans

l’urgence (ce qui est la règle), et il n’est pas rare que les données renseignant un indicateurs soient

inappropriées, et que l’erreur reste inaperçue un certain temps.

La confusion entre institutions et bénéficiaires, et entre taux et nombre, notamment, est courante. Elle se

traduit couramment par le fait que certains produits, différents, présentent les mêmes indicateurs, aux

formulations très proches : dans le domaine de la protection des personnes vulnérables, les produits 6.2.3

et 6.3.3 sont évalués, respectivement, par le « % des enfants et des femmes identifiés et pris en charge » et

par le « nombre d’enfants et de femmes pris en charge ». Cumulés, ces types d’erreurs renseignent par

exemple l’indicateur « taux d’écoles de la région disposant d’une cantine » par le nombre d’élèves

bénéficiant d’une cantine dans la région.

Dans quelques autres cas, les indicateurs sont apparus mal-formulés, leur cible faisant référence de

manière incorrecte à un groupe de bénéficiaires ou une zone plus large que ce qui a été effectivement

réalisé. Ce type d’erreur, plus pernicieuse (car pouvant passer inaperçue et induire en erreur les

responsables de la Revue et les autres partenaires), doit être soigneusement soulignée et renseignée par les

responsables, au risque de faire peser sur l’ensemble du Programme des soupçons de laxisme, voire de

malhonnêteté.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, une critique courante à l’encontre suivi des projets mis en

œuvre au sein du Programme conjoint porte sur l’absence ou le manque de suivi de la fonctionnalité de

certaines activités, notamment lorsqu’il s’agit d’un appui en équipement sous forme de dons de véhicules

(motos, motopompes, ambulances, etc.) ou d’équipements informatiques (ordinateurs, scanners,

imprimantes, etc.) sans s’assurer que les bénéficiaires bénéficieront des ressources pour les utiliser

(respectivement essence, électricité, papier, etc.)

Ces faiblesses, détectées, et, pour certaines, corrigées au cours du processus de Revue à mi-parcours,

soulignent les difficultés en matière de planification conjointe, et notamment la difficulté d’établir des

mécanismes de suivi-évaluation harmonisés auxquels l’ensemble des participants soient prêts à adhérer et

à contribuer. Ils nécessitent en effet, pour être efficaces, une coordination poussée qu’ils nourrissent en

retour.

En outre, la préparation de la Revue et la Revue documentaire elle-même ont mis en lumière certains

manques au niveau des indicateurs formulés pour renseigner, conformément aux méthodologies de suivi-

évaluation axées sur les résultats, les niveaux de progression vers les changements recherchés et les

objectifs fixés, tant il est vrai que la programmation, le suivi, l’évaluation et la coordination sont les quatre

faces intégrées, pourrait-on dire, d’un même cube, la gestion ou la planification globale, et se renforcent

mutuellement.

2. Evaluation d’une action régionale conjointe axée sur les résultats

a)

67

a) Dégager du cadre logique des résultats les outils d’un suivi de la qualité

De manière générale, une gestion du suivi-évaluation axée sur les résultats requiert des outils spécifiques.

Outre le fait que les indicateurs doivent directement permettre de renseigner la contribution des activités et

produits aux effets, c'est-à-dire aux transformations permettant de se rapprocher des OMD, il semble

inévitable de compléter le jeu des indicateurs par des indicateurs et éventuellement d’autres formats

d’information, renseignant plus directement la qualité et l’impact des produits, appuis et services

introduits.

Comme le remarque l’un des consultants de la revue, cette remarque ne concerne pas seulement la

formulation des indicateurs du Programme conjoint, mais est beaucoup plus générale, les formulations de

l’UNDAF, et, au-delà, des OMD pêchant elles-aussi par leur caractère souvent strictement quantitatif. La

cible de l’OMD 2. est ainsi : «D'ici à 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le

monde, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires », un seul des trois indicateurs

renseignant la qualité du résultat : « Taux d’alphabétisation d’hommes et de femmes de 15 à 24 ans » (les

deux autres ne renseignent que la mise en œuvre).

De même, l’effet 5. du Programme conjoint concerne l’universalisation de la scolarisation universelle

(avec un accent sur le genre), et sur la rétention des élèves à l’école (« Offrir à chaque enfant un cycle

complet d’études primaires »). La qualité de cette scolarisation n’est pas abordée : formation pédagogique

des maîtres, supports pédagogiques, ratio d’élèves par classe, etc. peuvent apparaître comme indicateurs

d’autres produits, mais ne sont pas explicitement mis en regard de celui-ci. Pourtant, c’est à ce niveau de

la qualité de l’enseignement que se situe un des « nœuds » du problème : les études soulignent en effet

qu’il est fréquent, en Guinée, que l’amélioration du taux de scolarisation soit déconnectée de celle du taux

d’alphabétisation. L’acquisition de compétence, la pertinence de l’enseignement en fonction des besoin

des élèves, etc. sont généralement laissés de côté, comme si l’objectif n’était pas d’améliorer les

connaissances et compétences de la population, mais simplement de « mettre les enfants à l’école ». Le

niveau très faible de nombreux élèves est pourtant un facteur important du faible taux de scolarisation, de

fréquentation et de rétention : « A quoi bon envoyer les enfants à l’école ? »

Dans ce cas précis, les produits sont pertinents (construction de classe, recyclage des enseignants,

fourniture de matériel et de livres scolaires, etc.), mais les indicateurs strictement limités à la mesure

quantitative. Les consultants recommandent donc une reformulation à la fois des indicateurs, et, s’il le

faut, des produits et des sous-effets, c’est-à-dire une transformation relativement profonde des cadres de

planification logiques : ils suggèrent par exemple de déplacer certains produits logés ailleurs au niveau de

ce sous-effet (« Recrutement de nouveaux enseignants en respectant les critères minima de compétence »),

et de ne pas hésiter à scinder les sous-effets afin d’expliciter des transformations strictement qualitatives :

« un personnel formé et une administration efficace sont disponibles ». Dans la même logique de mise en

valeur des aspects qualitatifs des cibles et réalisations, de telles modifications du cadre logique des

résultats du Programme s’accompagneraient aussi d’une reformulation de certains produits en sous-effets

dotés eux-mêmes de nouveaux produits et indicateurs plus axés sur le résultat et la qualité.

68

La méthode préconisée consiste donc à « forcer » la production d’un suivi axé sur les résultats qualitatifs

par la modification morphologique du cadre logique des résultats du Programme.

b) Nécessité de croiser les données et de réinterroger les indicateurs de résultats à plusieurs

niveaux

Les indicateurs prévus dans le cadre de résultats sont généralement multiples. Le bien-fondé de cette

précaution est confirmé à plusieurs reprises : en effet, même lorsque les indicateurs relatifs aux effets sont

« mauvais », les progrès peuvent être importants, et correspondre à une réalisation aboutie des activités et

produits y concourant. Dans de tels cas, les indicateurs croisés permettent souvent, sinon de déduire le

problème, du moins d’en préciser les contours, facilitant ainsi la recherche de solution rapide et efficiente.

Ainsi, les données régionales disponibles indiquent une baisse du taux de scolarisation de plus de 6 points

durant l’exercice du programme, alors même que l’effet n°5 porte précisément sur l’amélioration de

l’éducation et de la formation. Les cibles en matière de classes construites sont pourtant atteintes (300

classes construites dans la région). Après examen approfondi, deux déductions peuvent être tirées de cette

apparente contradiction :

1. Si l’on ajoute à ces deux données le facteur démographique (la population scolarisable est passée sur

la même période de 339 750 enfants à 390 139 enfants, soit une augmentation de 15%), on peut conclure

qu’en réalité les constructions de nouvelles classes, aussi rapides soient-elles, n’ont pu suivre

l’augmentation importante de la population scolarisable, ce qui fait chuter le taux de scolarisation malgré

un taux de réalisation élevé du produit planifié.

a) Avant de critiquer le programme à la seule lecture de l’indicateur d’effet (taux brut de scolarisation

de la région sur la période), il convient de se représenter ce que serait la situation de l’éducation sans

l’intervention du Programme conjoint34

b) Le croisement de plusieurs indicateurs permet d’interroger très rapidement la cible fixée par le

Programme : n’aurait il pas été possible/souhaitable de basculer certaines ressources dans la ligne de la

construction des salles de classe, afin d’en construire encore plus, en tenant compte de l’augmentation

rapide des besoins liée aux transformations démographiques de la région ?

2. Le fait de disposer de plusieurs indicateurs et types de données permet de les croiser afin de :

a) mettre en lumière les problèmes et les identifier plus rapidement

b) faire du suivi un véritable outil de planification, permettant de corriger en cours de route les lacunes

inévitables de la planification initiale du programme

c) les « doublons » (indicateurs similaires pour deux produits différents placés sous la responsabilité

de deux agences différentes) sont plus facilement repérés et éliminés, allégeant les coûts de suivi du

Programme.

34

Dans la même logique, cf. Pines, Burton Yale, ed., A world without the U.N.: what would happen if the U.N. shut

down?, Whasington, D.C., : The Heritage Foundation, 1984, xix, 176 p.

69

c) Révision stratégique des cibles

Dans certains cas, les cibles apparaissent inadéquates car trop ambitieuses : elles correspondent bien plus à

une projection normative de la part des partenaires (« Quelle cible faudrait-il atteindre pour avoir une

chance de s’approcher de l’OMD auquel l’activité concourt ? ») qu’à une véritable cible que le

Programme se fixe d’ici 2011. Ce genre d’ « erreur » est néanmoins intéressante, car elle indique que

l’ambition de l’OMD est trop importante, ou bien que la région, qui connaît des difficultés spécifiques,

accuse dans le domaine concerné un « retard » par rapport au reste du pays. Cependant, les consultants

recommandent de réviser à la baisse ces cibles afin de ne pas mépriser injustement de bons résultats en

regard des moyens alloués et de la base de référence. Il existe en effet un lien entre le non-renseignement

des indicateurs et des cibles d’une part, et le soupçon d’une ambition excessive des objectifs : un

consultant inscrit par exemple en note, dans le rapport préliminaire : « Le produit relatif à la sensibilisation

des collectivités pour la mise en place de dispositif de participation de femmes aux prises de décisions

peut effectivement contribuer à l’atteinte de l’effet. Il serait encore plus pertinent si les cibles annuelles de

réalisations étaient déterminées et que des activités hors domaine n’étaient pas exécutées. Dans

l’ensemble, les indicateurs n’ont pas été utilisés. Des objectifs trop ambitieux au regard des ressources et

des capacités d’intervention ? »35

La première réaction des consultants, et de tout lecteur des résultats, est

de considérer qu’un indicateur non renseigné est le signe que l’objectif était trop ambitieux, et qu’il a été

jugé préférable de ne pas préciser l’indicateur, ce qui n’est pas le cas : bien souvent, les résultats sont à la

hauteur des cibles, mais sont simplement mal renseignés.

Elargissement d’une cible

En revanche, il arrive également que se présente le cas où l’indicateur renseigne de manière incorrecte la

réalisation d’un produit car la cible (population bénéficiaire par exemple) a, en regard de la formulation du

produit, été élargie. Il ne s’agit pas d’une malhonnêteté de la part des partenaires, mais d’une modification,

« à vue » de la couverture prévue initialement dans le cadre de programmation, modification généralement

justifiée et pertinente en fonction du contexte changeant. Mais le fait de renseigner incorrectement une

réalisation peut avoir des incidences sur l’évaluation des actions et l’allocation des ressources par les

consultants ; de telles imprécisions témoignent en tout état de cause d’un manque de souplesse des cadres

utilisés.

Par ailleurs, une dépendance trop marquée de certaines réalisations importantes au financement de l’un

des partenaires (généralement l’agence responsable) n’est pas sans risque : en cas de difficultés

budgétaires, ce sont des sous-effets entiers qui peuvent être amputés ou reportés sur le PTA suivant, ce qui

déséquilibre, voire remet en cause la réalisation de l’effet escompté. C’est le cas par exemple du sous-effet

1.5 : « Les zones de production sont désenclavées et les forêts dégradées sont restaurées ». En 2010, faute

35

Système des Nations Unies en Guinée, Programme conjoint pour la Relance des Dynamiques locales de Développement en Guinée forestière, Evaluation à mi-parcours, Rapport Préliminaire (Draft 0), octobre 2010, p.48

70

de financement suffisant de la part du PAM, qui en est le responsable, l’ensemble des activités (prévues en

« Vivres contre travail ») ont dû être reportées, et des produits aussi importants que la réhabilitation de

pistes rurales, la capitalisation des études et recherches sur la dégradation des ressources naturelles, le

recensement des zones dégradées ou la restauration des forêts n’ont pu être réalisés, ce qui peut donner

l’impression, au niveau local et régional, d’un choix stratégique du Programme, et accroître l’impression

d’abandon de certaines communautés enclavées ; cela peut parfois même être perçu comme un « feu vert »

pour une aggravation de la pression sur les ressources naturelles.

d) Préciser pour responsabiliser : délimitation des projets et des compétences, actualisation

des cadres de planification et affinage des délais d’exécution

Dans le cadre d’une action conjointe large, toute imprécision sur les responsabilités de chacun concernant

les projets est susceptible de poser des problèmes de mise en œuvre et de suivi/rapportage. Mais ici se

pose aussi le problème de la délimitation de ce qui relève réellement du Programme Conjoint ou non.

Une action conjointe exige une coordination solide et quasi-quotidienne aux différents niveaux de la prise

de décision et de la mise en œuvre, y compris du suivi et de l’évaluation. Afin de simplifier le schéma

d’action, il est apparu indispensable, dès la conception du projet, de nommer une agence (ou un

partenaire) responsable de chaque composante, effet (ou sous-effet) ou produit. Le responsable en

question l’est non seulement de la réalisation, mais aussi du suivi : il est, sur ce dernier point, chargé de

collecter les données recueillies ou produites par les partenaires de terrain, et/ou par les groupes

thématiques concernés, et dont il assure en quelque sorte le secrétariat (contact commun, organisation des

réunions sur une base régulière, répartition des tâches au sein du groupe thématique, etc.)

Son rôle est également très important dans la planification, tant initiale qu’annuelle (Plan de travail

annuel), puisque le responsable est souvent aussi un des principaux canaux de financement des produits

concernés.

De ce mécanisme découle un risque, qui semblait préoccuper certains des consultants, celui d’un biais

dans la planification et la réalisation des projets en faveur des réalisations intéressant en premier chef

l’Agence responsable. Il est vrai que la dépendance est réelle, puisque bien souvent les ordres du jour et

les projets sont impulsés par l’organisation responsable, qui les soumet à discussion au sein du groupe

thématique concerné. Il en est ainsi, dans le volet « Education », de la construction de salles de classe, de

la fourniture de matériel et de livres scolaires, ou encore de la formation des enseignants et éducateurs :

alors que les produits correspondant ne précisent aucune limite géographique de compétence (et

s’appliquent donc à la région administrative forestière plus la préfecture de Kissidougou, également placée

dans l’aire de compétence du Programme conjoint), les consultants soupçonnent, d’après leurs premières

sources, que l’essentiel des activités n’aient été concentrées sur les zones frontalières, et significativement

sur les écoles ALF, qui certes rentrent bien dans les priorités du Programme conjoint, mais aussi dans

celles, propres, de l’UNICEF, responsable du volet. La frontière est inévitablement mince entre ce qui

relève ou non du Programme conjoint spécifiquement : puisqu’il s’agit de jouer sur les synergies entre les

71

interventions et les acteurs, en mettant en commun les compétences développées par chacun d’entre eux,

une concentration de l’UNICEF sur les zones où elles développent d’autres projets liés semble légitime ;

mais le risque d’un déséquilibre involontaire entre les districts et les préfectures est réel, et une

concentration sur un type de territoire (les zones frontalières), fondée par ailleurs, mérite en effet d’être

mieux explicitée dans le PTA.

Il est apparu que les cadres produits pour la planification manquaient parfois de souplesse dans un

contexte aux rapides changements de contexte politique et socioculturels. A titre d’exemple, certains

produits ont pu être développés avec succès en cours d’exercice du Programme, comme les plates-formes

multifonctionnelles, centres de machines combinées à un générateur d’électricité et confiés à des

groupements féminins. Si leur pertinence justifie leur introduction dans les communautés rurales de la

région, aucun indicateur n’a pu, à ce jour, être produit. Cependant, la tenue, depuis un an, de « revues

semestrielles » du Programme, en addition des revues annuelles, devrait permettre l’assouplissement des

cadres de planification, et permettre la révision du Plan de travail annuel à mi-parcours, y compris des

outils de suivi-évaluation.

Une autre observation importante porte sur la capacité des indicateurs et outils de suivi à suivre la

progression des activités vers les résultats attendus. Cela tient notamment du fait qu’il n’y a pas encore de

répartition annuelle des cibles, bien que le chargé de suivi-évaluation introduise graduellement, à chaque

étape-clef (revues semestrielles, annuelles, réunions des groupes thématiques, etc.) les canevas exigeant

une planification et un suivi beaucoup plus détaillés et encadrés dans le temps des produits et résultats.

Tant que cette discipline n’est pas systématisée par les partenaires et groupes thématiques eux-mêmes, il

est difficile d’estimer réellement la progression, la contribution des différentes composantes du

Programme aux effets recherchés tels que définis dans le Plan cadre des Nations Unies pour l’Aide au

Développement (PNUAD), et donc de corriger les déséquilibres, notamment en matière d’allocation des

ressources disponibles.

Si les indicateurs retenus sont dans leur large majorité façonnés de manière à renseigner quantitativement

plutôt que qualitativement, cela reflète aussi une tendance lourde à adopter des stratégies articulées autour

d’une augmentation quantitative de l’offre, en négligeant les aspects en rapport avec la qualité.

Une fois cette remarque faite, les consultants suggèrent que « c’est sans doute pourquoi les objectifs

affichés semblent trop ambitieux au regard des capacités nationales d’intervention (…) Il est important

d’ajouter combien l’absence de données de base (études de référence) gène la compréhension et la mesure

des changements survenus auxquels la mise en œuvre du PCGF aurait contribué ». Cette formulation,

extraite de la conclusion du chapitre III de leur rapport préliminaire d’évaluation, fait apparaître en

filigrane l’essentiel des difficultés auxquelles l’approche conjointe a à faire face : gestion axée sur les

résultats gênée par le manque d’informations qualitatives, tendance à favoriser les activités à fort taux de

réalisation physique, manque d’attention dans le suivi et l’évaluation des contributions aux effets

72

recherchés et objectifs visés, capacités limitées des partenaires gouvernementaux et difficultés

conséquentes de la coordination et de l’appropriation locale.

3. Un besoin de suivi qualitatif pour une véritable Gestion axée sur les Résultats et une

meilleure implication des populations

a) Lacune des indicateurs et informations qualitatives

Un profond besoin d’enquêtes qualitatives, sociologiques ou anthropologiques

Le Système des Nations Unies est assez riche de ressources humaines et techniques pour produire les

enquêtes et lancer les consultations les plus variées et les plus pointues lorsque le besoin s’en fait sentir au

sein d’une agence ou d’un programme, voire même dans le cadre d’un simple projet.

Cependant, le revers de cette facilité du recours à une expertise extérieure de qualité est le fait que

l’approche qualitative, la démarche de recherche, c'est-à-dire de compréhension en profondeur des

phénomènes, notamment des causes sous-jacentes de comportements itératifs mal maîtrisés, n’est pas du

tout intégrée au système de gestion ni de suivi-évaluation du Système au niveau d’un programme, pourtant

largement décentralisé, tel que le Programme Conjoint.

Le suivi se contente donc, au niveau de chaque agence, de tenir à jour les « exécutions financières » et les

« exécutions physiques », allant souvent jusqu’à chiffrer ces niveaux d’avancement sous forme de taux.

Cette approche extrêmement quantitative s’appuie souvent, en guise de contrepoids, sur la narration,

parfois illustrée, des réalisations, éventuellement assortie de témoignages de bénéficiaires ou de cadres

techniques ou administratifs, dans les quelques documents les plus soignés destinés à la communication.

Pourtant, comme le remarque le PNUD dans le Guide de la Planification, du Suivi et de l’Evaluation axés

sur les résultats de développement : « L’un des défauts fréquents de l’élaboration des indicateurs est la

tendance à recourir à des mesures générales et purement quantitatives, qui évaluent le nombre ou le

pourcentage d’un phénomène donné, par exemple le « nombre de nouvelles politiques adoptées ». Ces

indicateurs sont souvent peu efficaces car ils communiquent uniquement un événement, sans préciser si

cette évolution constitue une mesure importante de l’objectif. Ainsi, si un rapport d’audit identifie 10

défauts dans une unité commerciale, dont 3 sont considérés comme sérieux et les 7 autres comme

habituels, et que ces 7 problèmes ont été résolus, un indicateur qui mesurerait la performance comme le «

nombre ou le pourcentage de recommandations suivies d’actions » pourrait signaler que des mesures ont

bel et bien été prises, mais sans pouvoir préciser si ces mesures ont été importantes ».36

Le Suivi-Evaluation du Programme Conjoint, quant à lui, a la charge de collecter ces données, de les

consolider et de les synthétiser au niveau de tout le Programme. Si des tendances sont naturellement

dégagées et font l’objet d’analyses et d’interprétations souvent pertinentes, ces dernières ne remplacent

36 PNUD, Guide de la Planification, du Suivi et de l’Evaluation axés sur les Résultats du Développement, New-York,

2009, p.62

73

nullement les acquis potentiels d’une approche qualitative, l’élargissement et l’approfondissement du

champ de compréhension, et la finesse des informations certes singulières, mais souvent éloquentes, et en

tout cas utiles à une compréhension globale. Les enquêtes ad hoc commandées par les agences

(individuellement ou par le biais du Programme lorsque le fruit de l’enquête renseigne une composante

intéressant plusieurs agences et intégrée au Plan de Travail du Programme) sont ponctuelles, thématiques,

s’apparentent à des expertises, et sont généralement peu diffusées, même au sein du Système local des

Nations Unies. Ces enquêtes, souvent très approfondies, intéressent peu d’agents directement, et sont

destinées principalement aux directions des agences concernées et aux principaux partenaires. A titre

d’exemple, une enquête commandée par l’UNICEF-N’Zérékoré en mai 2010 sur la situation des ex-

volontaires dans la région n’a été conservée au niveau local que par deux acteurs régionaux : l’UNICEF

commanditaire, et le CICR, partenaire du Programme Conjoint, et particulièrement intéressé par le sujet

en question.

Aucun système intégré de recueil des informations qualitatives n’est donc prévu au niveau du Programme

Conjoint. Bien que les termes de référence du contrat du Chargé de Suivi-Evaluation du Programme

comprennent le recueil régulier d’informations qualitatives par le biais de questionnaires, entretiens

directifs et semi-directifs, etc., celui-ci est en réalité trop absorbé par les tâches de collecte des données

brutes, ainsi que par les sollicitations ininterrompues de tous ordres (participation aux missions conjointes,

plaidoyers, demandes de financement, etc.) pour se consacrer à de telles activités. En outre, statisticien de

formation, le chargé suivi et évaluation est bien plus à l’aise avec les chiffres et les tableaux qu’avec les

subtilités et les biais des entretiens. Enfin, sous contrat avec l’UNFPA, il n’est détaché qu’à 50% de son

temps de travail par le bureau régional de ce fond auprès du Programme Conjoint, et doit faire face au

quotidien aux feux croisés des urgences attachées à cette double responsabilité.

Dans le rapport préliminaire de l’équipe de consultants de la RMP (draft 0), il est ainsi préconisé de

« vérifier sur le terrain le dispositif de collecte et de fonctionnement du système de suivi et

d’évaluation »37

, et cela est mis en valeur par une coloration magenta. L’absence de données qualitatives

leur interdit en effet souvent de comprendre la tendance ou la dynamique de certains projets ou activités,

et donc l’efficacité et l’efficience de ceux-ci.

Ce virage qualitatif semble indispensable à une véritable approche du suivi-évaluation axée sur les

résultats. Pour illustrer ce propos d’un exemple, la réalisation physique du produit 2.1.4 (« Supports d’IEC

/CCC sur les IST, le VIH et le SIDA élaborés/adaptés ») est, en regard de l’indicateur retenu (« Nombre

de supports d’IEC /CCC élaborés et distribués »), considérable. Mais, comme le font fort justement

remarquer les consultants, la pertinence des messages et leur impact reste à vérifier sur le terrain afin

d’évaluer le changement réel auquel le produit contribue, c'est-à-dire « l’opérationnabilité des services de

prévention ». Dans le même ordre d’idée et le même effet, ils précisent que l’indicateur de l’accessibilité

37

Système des Nations Unies en Guinée, Programme conjoint pour la Relance des Dynamiques locales de Développement en Guinée forestière, Evaluation à mi-parcours, Rapport Préliminaire (Draft 0), octobre 2010, p.4

74

et de la disponibilité des préservatifs masculins (produit 2.1.5) informerait beaucoup mieux sur la

contribution réelle à l’effet recherché s’il portait sur le « nombre de préservatifs masculins utilisés » plutôt

que sur le « nombre de préservatifs masculins distribués ». Ce dernier exemple illustre particulièrement

nettement la transformation que chaque acteur doit être prêt à assumer dans le suivi et la fabrication des

indicateurs pour basculer l’information des simples activités (distribuer) au résultat (faire utiliser). Un

autre exemple de ce besoin d’enquêtes renseignant des indicateurs chiffrés mais qualitatifs est celui de la

pratique du lavage des mains dans le volet « Eau-Hygiène-Assainissement » de la composante « Services

sociaux de Base » : afin de renseigner les résultats plutôt que les activités, il s’agirait dans ce cas de

mesurer le pourcentage d’enfants utilisant les dispositifs de lavage des mains dans les écoles de la région

plutôt que le « nombre de dispositifs de lavage des mains installés et opérationnels dans les écoles de la

région ».

Il s’agit en quelque sorte d’apprendre à porter son regard sur l’extérieur, sur l’action en contexte plutôt que

sur l’action comme tâche interne.

L’assurance d’un meilleur suivi axé sur les résultats semble donc bien reposer sur la nécessité de produire

et de renseigner plusieurs indicateurs qualitatifs, non seulement sur la réalisation stricte de l’activité, mais

aussi sur la réalisation de l’activité dans un contexte complexe, où plusieurs autres facteurs non prévus,

parfois non prévisibles, et souvent non contrôlables, sont en jeu. Une telle démarche appelle des enquêtes

de terrain, ponctuelles mais fines, et donc un coût important (contractuel s’il est fait appel à une expertise

extérieure, ou de formation s’il est choisi de mobiliser des partenaires déjà engagés dans le suivi des

activités du Programme). Les budgets actuels ne permettent certainement qu’une pratique très limitée d’un

suivi axé sur les résultats avec recueil de données qualitatives. Mais il convient de garder à l’esprit qu’une

telle approche est inscrite au cœur de la Réforme des Nations Unies, indispensable à une gestion axée sur

les résultats effective, et surtout qu’elle apparaît justifiée en regard des pertes (budgétaires, en temps, en

efficacité et en efficience) qu’elle éviterait et des bénéfices que chacun pourrait en tirer, à condition que la

capitalisation des résultats soit elle aussi efficacement effectuée.

Une autre remarque militant en faveur d’un recours plus large aux enquêtes, ou en tout cas à un suivi plus

qualitatif, est que les produits connaissant les taux de réalisation physique et financière les plus élevés, a

priori aussi les plus efficaces et efficients en regard des effets recherchés, sont souvent ceux qui sont

réalisés par le biais de campagnes massives, dont un cas typique est celui des vaccinations ; en revanche,

les produits et effets nécessitant un suivi et une action prolongée dans le temps connaissent une réalisation

plus difficile à apprécier, vraisemblablement moindre, car ils nécessitent un effort constant et coûteux de

la part des partenaires (souvent les services techniques régionaux et préfectoraux). C’est donc sur ce type

de produits qualitatifs que le Programme conjoint est appelé à concentrer les enquêtes sous forme d’appui

aux services techniques, souvent démunis des moyens nécessaires à la production de telles données.

Les enquêtes sont également requises pour une meilleure appréciation des impacts au niveau local. Un

exemple parmi d’autres est celui de l’introduction des PTF (plates-formes multifonctionnelles)

75

mentionnées plus haut. Confiées à des groupements exclusivement féminins dans de relativement

modestes communautés rurales, leur impact, de par la production d’électricité dans des localités où les

générateurs sont rares, sera vraisemblablement bénéfique certes, mais important. Afin de prévenir les

effets non intentionnels, notamment les conflits (culturels et/ou d’intérêt), mais aussi d’optimiser

l’implantation des PTF (par exemple en les reliant avec l’éducation non formelle et la formation

professionnelle des groupes vulnérables), des études qualitatives d’impact sont souhaitables.

Enfin, des « enquêtes parallèles » spécifiques aux projets pilotes mis en œuvres par le Programme sont

apparues fortement souhaitables : des évaluations séparées additionnelles sont préconisées pour des projets

pilotes expérimentés localement en vue d’une potentielle adaptation et généralisation au niveau régional,

puis au-delà par une pratique bien documentée de capitalisation ; cette capitalisation est d’autant plus

importante que ces projets pilotes sont, a priori, enthousiasmants, leurs taux de réalisation dépassant

généralement les 100% : ils sont la preuve que la concentration des moyens catalyse les efforts de tous les

partenaires, et que l’approche conjointe est pertinente à condition de financer à hauteur de l’ambition des

objectifs. Des enquêtes permettraient donc une diffusion de ces réussites, et alimenteraient les plaidoyers

auprès de l’Etat et des bailleurs de fonds.

Comme le souligne un Consultant du PNUD à la longue expérience du recueil et de l’exploitation de

l’information, « Ces enquêtes doivent porter à la fois sur la base de départ, sur la situation présente et

estimer la pertinence de la cible fixée en fonction du chronogramme et des contraintes réelles de

financement, c'est-à-dire qu’elles doivent être directement utiles aux équipes en charge sur le terrain et

mobilisables rapidement ».38

b) Un effort qualitatif pour assurer une approche participative, l’appropriation et la viabilité

des interventions en Développement

Institutionnalisation et appropriation locale de la coordination et du suivi-évaluation

Les groupes thématiques (un par effet du Programme conjoint : Sécurité alimentaire, VIH/Sida, Eau

Hygiène assainissement, Santé, Education, Protection, Gouvernance et décentralisation) constituent, nous

l’avons vu, l’ossature du Programme conjoint : ils en assurent à la fois le caractère véritablement conjoint,

facilitent le transfert de compétence et les relations entre des acteurs différents (Nations Unies,

Organisations internationales, Autorités et services techniques régionaux et préfectoraux, ONG, etc.) C’est

pourquoi ils sont théoriquement, et de plus en plus systématiquement, présidés par un représentant de

l’autorité locale compétente.

Leur développement les a amenés à une nouvelle étape, nécessitant leur reconnaissance officielle par

l’Etat guinéen ; ainsi, leur transformation en Comités sectoriels de Coordination, suivi et évaluation est en

cours, et une requête a été récemment signée pour la mise en place d’une cellule régionale de suivi-

évaluation et de coordination intersectorielle. Cette institutionnalisation devrait permettre d’accélérer

38

Entretien avec Aboubacar Dia, Consultant, 4 août 2010

76

l’appropriation des projets et des activités de coordination et de suivi par les cadres et les responsables des

autorités partenaires, puisqu’ils seront responsables à la fois devant leurs partenaires du Programme

conjoint, et devant leurs propres hiérarchies administratives, elles-aussi directement impliquées. Une

limite importante, cependant, à cette dynamique positive est la faible participation des partenaires

techniques et administratifs des niveaux préfectoraux. Formellement associés aux groupes thématiques,

leur participation effective est conditionnée au financement de leur déplacement à N’Zérékoré, long et

coûteux en raison de l’état des pistes. Jusqu’à présent, aucune solution financière n’a pu être trouvée, et les

cadres ne participent donc en personne qu’épisodiquement aux réunions, lorsqu’un déplacement annexe

leur permet d’être présents. Néanmoins, les comptes-rendus de séances, et l’ensemble des dispositions et

discussions de leurs groupes sont désormais systématiquement transmises, au moins par voie électronique,

à une personne-référente des services préfectoraux (les préfectures n’ayant dans la plupart des cas qu’un

accès très limité à l’énergie, et a fortiori à Internet).

Lors des réunions des chefs de bureaux régionaux, il fut plusieurs fois questions de la question du transfert

de compétence, qui devait impérativement être traitée en profondeur par les consultants de la Revue à mi-

parcours, et des indicateurs à utiliser pour renseigner le niveau d’appropriation par les partenaires locaux

des produits du Programme et des initiatives de développement. Une question soulevée était notamment la

difficulté de renseigner les indicateurs correspondant à un produit qualitatif tel que « 100% des services

techniques maîtrisent les outils de gestion » ; l’identification d’indicateurs de référence et des cibles n’est

pas la moindre des difficultés. Plus globalement, cette question de l’appropriation et du transfert de

compétence rentre dans le champ de l’amélioration de la coordination, et de l’étude des impacts du

Programme Conjoint en Guinée Forestière, laquelle, si elle ne peut être à proprement parler effectuée par

les consultants recrutés pour la RMP, doit au moins bénéficier dès à présent de jalons et de pistes au

travers de leurs recommandations.

Le pilotage du Programme Conjoint par le Gouverneur de la Région témoigne de l’importance accordée à

l’implication des autorités locales, et des efforts déployés en faveur de l’appropriation, et de la prise de

responsabilité des partenaires locaux dans toutes les activités et les dimensions du Programme Conjoint.

On peut noter que ce lien, certes rare et précieux, a, paradoxalement, un revers : il est parfois jugé, sur le

terrain, trop étroit, notamment entre le SNU local et l’autorité régionale. La présence marquée du

Programme conjoint dans la région forestière, son siège dans la capitale N’Zérékoré, à proximité du

Gouvernorat régional, la double fonction du Coordinateur du Programme conjoint, qui est en même temps

le Directeur régional du Plan, le fait enfin que, depuis les émeutes de 2007, durant lesquelles le

gouvernorat a été incendié par la foule, les locaux du Programme conjoint accueillent le bureau du

Coordinateur et soit devenu un espace de travail ouvert aux cadres régionaux, tout cela concoure au risque

de discréditer son action auprès de certaines organisations ou populations ne prêtant plus allégeance, ou du

moins refusant leur confiance, aux autorités relevant de l’Etat (régionales, préfectorales) ou même

décentralisées (Communautés rurales de Développement, CRD). Dans certains domaines du Programme,

77

touchant notamment à la Protection des femmes et enfants, une telle proximité et le consensus affiché

portent en eux-mêmes les limites de la pertinence et de l’efficacité des interventions réalisées.

c) Approfondir et élargir une approche participative timide

Un entretien avec le Coordinateur du Programme Conjoint sur les questions de l’appropriation, de la

responsabilisation et de l’approche participative du Programme Conjoint permis d’appréhender plus

finement ce à quoi ce dernier visait au niveau de la coordination locale. Il entend édifier une « structure de

gouvernance » hiérarchisée au sein de laquelle chaque administration déconcentrée (aux niveaux

préfectoral et régional) serait responsable des activités menées dans son secteur (élevage, irrigation, santé,

etc.) Le responsable de l’agence responsable prendrait alors exclusivement en charge les activités qui

seraient évaluées systématiquement et régulièrement de l’extérieur. Les cadres sont, dans une telle

configuration, promus moteur d’un édifice où l’Etat, par le biais de ses structures déconcentrées,

reprendrait, appuyé en cela (notamment financièrement et pour la formation aux méthodes de Suivi-

Evaluation) par les Nations Unies et les bailleurs de fonds ; le contrôle du budget et la supervision d’un

développement local trouveraient leur essence au niveau des préfectures et des Communautés Rurales de

Développement (CRD, décentralisées), sous la conduite ou avec l’appui des cadres régionaux et

préfectoraux.

Une telle structure de développement est en quelque sorte à la fois héritière de l’expérience coloniale, de

la planification d’inspiration socialiste de la Ière République, et d’une longue pratique de coopération avec

le Système des Nations Unies. A tous les niveaux en effet, les « spécialistes » et les cadres seraient les

courroies et les artisans principaux du Développement local.

Le caractère « participatif » n’est pas pour autant oublié, mais il ne s’affirme qu’au niveau de la CRD,

considérée comme base : les interlocuteurs de la base seraient donc essentiellement les chefs de CRD, aux

côtés des autres figures coutumières de l’autorité locale (sages notamment). La notion de participation

n’est pour l’instant pas interrogée plus finement en fonction des différents stades des projets et des

rapports de forces spécifiques locaux (groupes vulnérables tels que les femmes, jeunes, pauvres, minorités,

etc.) ; le pouvoir des cadres des services techniques est donc important, d’autant plus que la connaissance

de l’environnement local des projets, essentielle à la définition de priorités et à une évaluation fiable et

complète, repose essentiellement sur leur appréciation, celle des élites locales, et sur les statistiques

produites par eux.

On peut ainsi conclure qu’il existe un lien fort entre une telle approche de la dimension participative du

développement et d’autres problèmes clefs auxquels le Programme est confronté, et que nous avons

envisagé, tels que l’appropriation ou le manque d’informations et d’indicateurs qualitatifs dynamiques.

En effet, la collecte des informations de terrain est essentiellement effectuée par les cadres techniques et

les membres eux-mêmes des agences, de manière nécessairement épisodique. La stratégie consistant à

renforcer en premier lieu les cadres des services techniques et l’implication des autorités locales est certes

pertinente, mais elle fait peser sur leurs épaules la tâche importante de l’essentiel de la collecte des

78

informations de contexte et de suivi. Le risque est alors que la participation réelle, consciente et durable

des groupes bénéficiaires, et l’information à caractère qualitatif des réalisations sur le terrain, restent très

limitées. Sans un contre-regard extérieur de contrôle, le danger existe que des biais dans le processus de

développement (impulsions générées effectivement par les agences du SNU, mise en œuvre et suivi par les

cadres techniques, adoption par l’Etat de stratégies décidées en fonction des ressources potentielles et du

cadre fourni par les partenaires de développement, etc.) restent tus, perdurent, et ne s’expriment qu’au

travers de l’aggravation constante des indicateurs de pauvreté, de santé et d’inégalité.

Face à cela, la stratégie pour l’instant développée par le Programme Conjoint se veut pragmatique et

réaliste : plutôt que de développer des dispositifs participatifs plus ambitieux, auxquels seraient associés

des campagnes d’enquêtes différenciées, sectorielles et trans-sectorielles, il s’agit de renforcer les

capacités et l’autonomie des cadres régionaux, et, plus encore des cadres préfectoraux, ces derniers étant

mieux à même d’assurer un contact réel avec les communautés de base et les groupes bénéficiaires. Cette

médiation recherchée par les cadres répond à deux contraintes : celle de ne pas « court-circuiter » l’Etat,

qui tient légitimement à contrôler les dynamiques de développement au niveau de la région notamment, et

celle du coût important que représenterait une approche participative systématique, coût encore alourdi par

les difficultés inhérentes aux très forts taux d’analphabétisme prévalant en Guinée forestière.

Le Coordinateur a joué un rôle primordial en ce sens, en obtenant la formalisation des groupes

thématiques du Programme en Cellules de coordination, suivi et évaluation sectorielles : une requête,

travaillée conjointement au sein des groupes thématiques, a été signée par le Gouverneur de la Région

forestière en septembre 2010, officialisant l’existence et la fonction stratégique des cellules, appelées non

seulement à faciliter, mais aussi à piloter le transfert de compétences et l’appropriation des acteurs du

développement local et régional.

Dans ce contexte de transfert difficile de compétences et d’appropriation contrariée par les faibles

ressources organisationnelles et financières mises à la disposition des services techniques et administratifs

déconcentrés et décentralisés, les relations entre les Nations Unies et les structures étatiques guinéennes

sont au centre de l’attention, et font partie intégrante de la stratégie et de la planification du Programme

conjoint.

Un des responsables nationaux du PNUD souligne que, malgré la modestie, au final, des ressources

allouées par le biais du Programme (en regard de l’ambition des objectifs), les relations entre les Nations

Unies et l’Etat guinéen restent saines et précieuses : les partenaires gouvernementaux font désormais

confiance aux experts des agences, partagent plus facilement les problèmes rencontrés, et les réflexions

sont menées en commun, si bien qu’une véritable communauté existe, au-delà même des relations inter-

individuelles tissées au fil du temps. Les Nations Unies disposent donc en Guinée d’une « culture

d’organisation et de partenariat » qui ancre leur légitimité et l’efficacité des actions auxquelles elles

participent. La responsabilité du Programme Conjoint n’en est que plus grande.

79

80

Conclusion

Si la nécessité d’engager une vaste réforme des Nations Unies afin d’adapter l’organisation au

nouveau contexte global est reconnue de tous, les débats sur la portée et le contenu d’une telle réforme

touchent à de nombreux thèmes sensibles. Si la « Cohérence » a d’abord été retenue comme point focal de

la réforme en matière de coopération au Développement, c’est sur l’approche « One U.N » qu’un

consensus véritable a pu être trouvé : tout en répondant aux inquiétudes des Pays en développement,

soucieux de conserver la maîtrise de leur développement, et de maintenir le rôle central des Nations Unies

dans l’effort de coordination de l’aide pour l’atteinte des objectifs de développement, les Pays développés

y ont, eux, vu un outil de promotion de l’efficacité de l’aide, et de la responsabilisation effective de leurs

partenaires locaux ; les secrétariats internationaux, enfin, conscients des effets délétères de la

fragmentation sur leur potentialité d’intervention et sur leur crédibilité, ont en quelque sorte « cédé » aux

pressions centripètes de leurs agences pays et régionales.

On peut, avec certains auteurs (et professionnels des Nations Unies) regretter que les Etats membres de

l’ONU cherchent trop souvent à appliquer des outils institutionnels en réponse à des dysfonctionnements

qui sont en réalité de nature politique. Cette remarque pourrait d’ailleurs s’appliquer à de nombreux

niveaux et aspects de l’action de développement des Nations Unies, qui, de par leur nature multilatérale,

sont particulièrement sensibles, poreuses et réactives à toute transformation de la configuration

internationale, qui constitue à la fois son essence et son environnement, c’est-à-dire son contexte direct

d’intervention.

Sans doute dans l’espoir de renforcer la stabilité des Nations Unies, et de protéger ses capacités

opérationnelles dans un contexte de globalisation changeant, les tentatives ont été multipliées ces deux

dernières décennies de « déconnecter » les fonctions liées à la Paix, à la Sécurité collective, de celles

associées aux Développement économique et social, oubliant que le fondement même des Nations Unies

repose sur l’affirmation que ces deux pôles d’intervention sont les deux faces d’une même pièce, le

Progrès humain.39

39

Comme l’écrivent Victor-Yves Ghebali et Manuela Tortora : “(…) development (together with human rights) is “another word for peace””, in “In Quest for UN System-Wide Coherence, op. cité, p.25

81

Dans le cadre de la Réforme engagée par les Nations Unies, les questions de la Coordination et du Suivi-

évaluation sont centrales. Si la première est explicite, directement liée au terme focal de « Cohérence », la

seconde est également cruciale, puisqu’il s’agit à terme de mettre en place un mécanisme global de Suivi-

Evaluation de tous les Programmes des Nations Unies et de leurs partenaires, l’enjeu étant de maintenir les

Nations Unies au centre de la gouvernance économique et sociale mondiale. A l’heure où les agences sont

contraintes de recourir de manière de plus en plus régulière et massive aux fonds extra-budgétaires,

souvent « liés » aux exigences des bailleurs bilatéraux, et alors que les débats sur le développement se

multiplient hors des Forums des Nations Unies, chacun sent l’urgence d’une réforme efficace. Aux yeux

de nombreux Etats du Sud, les Nations Unies restent les garantes de la recherche d’un équilibre entre

globalisation économique et développement humain. Cette précieuse légitimité, un des seuls liens

multilatéraux maintenus par-delà les multiples fractures Nord/Sud, mérite certainement les efforts

déployés à tous les niveaux pour que la réforme engagée aboutisse.

L’expérience originale de décentralisation du Programme Conjoint y contribue, prouvant par son action au

niveau de la Région que les efforts combinés entre tous les partenaires, s’ils sont conséquents et bien

répartis, permettent un développement, parfois inattendu, des synergies, des dynamiques locales, et une

amélioration réelle des niveaux économiques et sociaux des populations.

Le Sommet sur les OMD, qui a eu lieu en septembre 2010, et la 65ème

session de l’Assemblée générale des

Nations Unies, viennent conforter les conseils et recommandations issus de la Revue à mi-parcours,

insistant sur la nécessité pour chaque agence, en raison de la baisse sensible des financements dans le

sillage de la crise mondiale, de se recentrer sur ses priorités et mandats exclusifs tout en renforçant

systématiquement les partenariats d’exécution et les synergies (notamment pour toutes les activités extra-

budgétaires), et appelant plus vivement que jamais au renforcement de l’harmonisation des pratiques de

gestion (common services), notamment en matière de coordination, de suivi et d’évaluation.

C’est, nous l’avons vu, sur ces derniers points que s’est concentrée la Revue à mi-parcours du Programme

Conjoint. Les défis de cette expérience inédite en Guinée de régionalisation des OMD, de déconcentration

de l’action de développement des Nations Unies et de pilotage commun de la transition d’une situation de

fort investissement humanitaire à celle d’un développement stable associant les autorités locales, les

services techniques et les populations, sont en effet nombreux. Ils se reflètent dans les problèmes et

insuffisances relevés en matière de cohérence des cadres de planification et de programmation, de

définition et de renseignement des indicateurs. Ils correspondent aux difficultés inhérentes à une approche

conjointe, notamment en matière de coordination et d’harmonisation des pratiques de mise en œuvre et de

suivi d’acteurs très différents tentant de travailler conjointement. C’est pourquoi la réponse apportée par

l’ensemble des partenaires sera décisive : si la question du financement reste majeure et pressante, elle est

liée à celle de l’efficacité et de l’efficience du Programme. Il est apparu qu’une harmonisation des

pratiques de suivi-évaluation axée sur les résultats restait un défi. La production d’indicateurs qualitatifs,

notamment, semble incontournable, à la fois afin de faciliter une prise de décision pertinente à tous les

82

niveaux d’une action de développement, mais aussi pour estimer le plus justement et rapidement possible

les difficultés et les réalisations, en regard avec les changements (Effets) recherchés et les objectifs fixés.

Une approche mieux centrée sur les résultats et les impacts réels de l’intervention de développement

faciliterait l’appropriation de celle-ci et l’autonomisation des autorités et services techniques, et, d’un

même mouvement, améliorerait l’approche participative large qui constitue un des fondements légitimants

du Programme Conjoint régional.

De telles améliorations ont naturellement un coût, mais c’est à ce prix, d’ailleurs fortement réduit par une

capitalisation efficiente des expériences ainsi recueillies, que seront réellement optimisées les synergies

effectivement mises en œuvre en Guinée Forestière. Nul doute que « [l’amélioration véritable des]

conditions de vie des populations ainsi que les choix et possibilités qui s’offrent à elles »40

en vaut la

peine, ni que le Programme Conjoint dans son ensemble y concoure depuis 2007 avec un engagement sans

doute renouvelé par la récente Revue.

40

PNUD, « Plan stratégique du PNUD pour 2008-2011 : Progresser plus rapidement sur la voie du développement humain », document du Conseil d’administration DP/2007/43, (conformément au DP/2007/32), janvier 2008.

83

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ANNEXES