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Dans quelle mesure et comment la médiation peut-elle favoriser de façon pertinente une bonne gestion d’une résidence d’habitat social ? Mémoire présenté par Simon Calis, sous la direction de Mme Dominique Naels Université Evry Val d ’Essonne UFR « Sciences Humaines et Sociales » - Département Sociologie Master 2 Ingénierie de Projet en Développement Social Urbain MEDIATION SOCIALE & RESIDENCE D’HABITAT SOCIAL Soutenance en Septembre 2013

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Dans quelle mesure et comment la médiation peut-elle

favoriser de façon pertinente une bonne gestion d’une résidence

d’habitat social ? Mémoire présenté par Simon Calis, sous la direction de Mme Dominique Naels

Université Evry Val d ’Essonne UFR « Sciences

Humaines et Sociales » - Département Sociologie

Master 2 Ingénierie de Projet en Développement

Social Urbain

MEDIATION SOCIALE & RESIDENCE

D’HABITAT SOCIAL

Soutenance en Septembre 2013

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Université Evry Val d ’Essonne

UFR « Sciences Humaines et Sociales » - Département Sociologie

Master 2 Ingénierie de Projet en Développement Social Urbain

Années universitaires 2012/2013

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Remerciements

Dans l’exercice de ce mémoire professionnel, ainsi que lors de mon année d’apprentissage

(octobre 2012/octobre 2013), j’ai eu le plaisir de rencontrer une multitude de professionnels

partageant un même point commun : celui d’œuvrer pour améliorer la qualité du cadre de vie

des résidences de bailleurs sociaux. Cet environnement de travail a été réellement bénéfique à

la réalisation de ce travail.

Je tiens à remercier tout particulièrement ma tutrice d’apprentissage Julia Chalmel-Meynet,

qui a œuvré pour que cette année d’alternance se passe le mieux possible à mon égard et

d’avoir veillée à faire dialoguer les conditions de travail universitaires et professionnelles tout

au long de cette année d’apprentissage.

Je tiens à remercier aussi l’ensemble des locataires que j’ai pu croiser lors de nos visites de

terrain, et plus particulièrement Mme De Andrade, Mme Nuguet et Mme Pelletier, locataires

du bailleur ICF Habitat La Sablière de Villeneuve-Saint-Georges, pour avoir répondu aux

questions de recherche de ce mémoire.

Je tiens également à remercier l’ensemble du personnel de direction ainsi de l’équipe local

du bailleur ICF Habitat La Sablière de Villeneuve-Saint-Georges ayant permis de faire

coïncider mes missions professionnelles aux leurs. Plus particulièrement, j’ai beaucoup

apprécié la dynamique d’équipe du bailleur afin de participer à l’étude de mon mémoire et

d’accepter de répondre à mes questions : Mr Salah Lounici, Mme Marie Henni, Mr François

Escande, Mme Rita Belize et Mr Abri Koré.

Pour finir, je remercie ma compagne Violaine Molinaro pour son soutien qui a toujours été

d’une très bonne aide et de très bons conseils.

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Sommaire

Remerciements ...................................................................................................................... 2  Sommaire ............................................................................................................................... 3  Avant-propos ......................................................................................................................... 4 Introduction ........................................................................................................................... 5 1.   Présentation du terrain d’étude et de la méthodologie employée. ............................. 13 2.   Pourquoi se pose-t-on aujourd’hui la question de la médiation sociale ? .................. 16 3.   De quelle manière les bailleurs gestionnaires œuvrent-ils pour améliorer la gestion de leurs résidences ? ............................................................................................................ 30 4.   Quelles sont les conditions préalables pour éveiller les habitants à la démarche de médiation? ........................................................................................................................... 48 5.   Dans quelle mesure la médiation sociale peut-elle favoriser une bonne gestion d'une résidence ? ........................................................................................................................... 62 Conclusion ........................................................................................................................... 77  Bibliographie ....................................................................................................................... 79  Annexes ............................................................................................................................... 82  Table des sigles .................................................................................................................. 116  Résumé & Abstract ............................................................................................................ 117  

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Avant-propos

L’exercice universitaire que représente la construction et la réalisation de ce mémoire

professionnel clôture, en mobilisant méthodologie et de réflexion l’ensemble des années

d’étude de mon cursus universitaire, qui m’ont permis d’approfondir les questions urbaines et

les questions sociales et de leur trouver des points d’appui commun.

Le choix du sujet abordé dans ce document est considéré par moi-même comme une

synthèse de mon processus de réflexion au sujet de la ville et de ses citadins. En effet,

l’approche micro locale que j’ai choisie pour traiter le sujet de la médiation sociale, dans les

quartiers d’habitat appartenant aux bailleurs sociaux, est le fruit de mes questionnements

personnels en termes d’efficacité et de pertinence d’action sur les territoires.

En d’autres termes, ce mémoire professionnel, comme son nom l’indique, fait figure de

réflexion sur le projet professionnel que je souhaite pouvoir développer à la suite du Master 2

Développement Social Urbain. J’ai ainsi pu saisir la chance de confronter le terrain de mon

année d’apprentissage avec une échelle et un angle de vue particulier, reposant sur mes

perspectives d’action dans le champ du travail social urbain. Ce travail m’a permis de

réfléchir au positionnement professionnel qu’il est bon d’adopter quand on intervient sur le

terrain, en lien direct avec les locataires et en relation de travail avec les collaborateurs du

logement social.

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Introduction

« J’ai vu le responsable de secteur du bailleur hier passer dans le quartier! Qu’est-ce

que vous voulez que je vous dise ? Il ne s’intéresse pas à ce que l’on vit. Il rentre chez lui le

soir et il oublie ! Mais nous, nous vivons ici ! ». Voici ce que j’ai pu relever du terrain et des

paroles des locataires lors de mon année d’apprentissage et de mes visites sur les résidences

d’habitat social à Villeneuve-Saint-Georges, Val-de-Marne. Premièrement, cette parole

interroge ce qui est de l’ordre du subjectif, du ressenti ou en tout cas de la perception de

l’habitant (« Il ne s’intéresse pas à ce que l’on vit. »). Deuxièmement, par ces paroles, on se

rend compte du décalage en terme d’intérêt et donc d’attentes entre les locataires et les

professionnels (« Il rentre chez lui le soir et il oublie ! Mais nous, nous vivons ici ! »). Par

contre, ce que nous avons en commun, c’est d’être tous humains, socialement construits, et de

fonctionner par ce qui structure notre vie à l’image de la pyramide des besoins d’Abraham

Maslow (se nourrir, se loger, travailler …) [Annexe 8] et d’avoir recours à des motivations

personnelles différentes selon la place que l’on occupe (être habitant ou être professionnel).

Dans cette dialectique-là, mon étude vérifiera la pertinence de la médiation sociale,

comme technique, démarche ou processus d’action. Je pose en préalable l’impact de deux

crises notables qui participent de la formalisation de ma problématique. D’un côté il y a la

crise des banlieues, agitant tous les jours le monde politico-médiatique [Stébé, 2010] et de

l’autre il y a celle de la représentation et de la place des citoyens à laquelle notre société

moderne doit faire face [Blondiaux, 2008]. Nous sommes actuellement en France devant des

responsabilités et des réflexions pour lesquelles les professionnels attachés de près ou de loin

à la vie de la cité doivent être les plus avertis et les plus précautionneux. De quelle manière,

nous les professionnels, est-il possible de mettre en œuvre une intervention efficace et

réellement intégrée aux difficultés des quartiers sensibles ?

Afin de réellement comprendre la spécificité des territoires d’habitat social collectif et

de ce qui fait sens à cette échelle en termes d’intervention, il est primordial de mettre en

lumière deux choses : l’histoire urbaine qui a structuré nos banlieues depuis ces soixante

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dernières années et la compréhension des postulats qui ont façonné les métiers de la ville, les

dispositifs qui mettent en lien les professionnels avec les habitants.

La ville et son cadre urbain sont en effet caractérisés par des zones urbanisées qui

accumulent une part non négligeable de problèmes socioéconomiques qui deviennent

structurels, et ont la particularité d’être prédominants au sein de notre société. Les termes qui

ont été rattachés à l’avènement de la politique de la ville (relégation, rénovation, exclusion,

termes faisant tous référence à un processus de rupture) depuis les années 1970 annoncent

lisiblement le décrochage de ces quartiers, majoritairement d’habitat social, avec l’ensemble

de l’agglomération à laquelle ces résidences sont reliées1. Il existe de nombreuses explications

pour rendre compte de cette désaffiliation. Au-delà de l’anecdote où « chacun pouvait « jeter

un coup d’œil » sur les enfants » dans les quartiers traditionnels ouvriers, Jean-Marc Stébé

met en lumière le mécanisme qui a vu « les banlieues ouvrières » passer « du lieu

d’intégration au lieu d’exclusion ». Alors que les structures intermédiaires s’affaiblissent à

l’instar des « syndicats de quartiers, associations, partis politiques, comités des fêtes qui

assuraient spontanément la médiation entre les citoyens et les institutions étatiques », une

dislocation de la composition sociale prend corps. Selon J-M Stébé, « un nouveau prolétariat

se constitue, marqué plus par la pauvreté, la marginalité et le repli sur soi, que par le désir

de transformation sociale ». Il ne serait pas honnête d’affirmer que l’ensemble de la

population de ces résidences ait connu un décrochage de cette sorte, mais les mécanismes du

processus de « disqualification sociale » évoqué par Serge Paugam sont néanmoins en

développement sur ces territoires. On parle ainsi du triptyque alliant la « fragilité » à la

« dépendance » amenant ensuite à la « rupture » [Paugam, 1997]. De surcroît, la

concentration des difficultés sociodémographiques entraîne un phénomène de relégation de

ces résidences vues « comme des espaces de « mal-vivre », des ghettos de la misère » [Stébé,

2010]. Les liens sociaux dans les résidences d’habitat social ne sont pourtant pas

concomitants avec un cadre urbain particulier (des problèmes similaires existent aussi par

ailleurs) mais « de nombreux paramètres, tels que les intentions initiales d’implantation, la

durée de résidence, ou encore l’importance du réseau associatif et de structures socio- 1 « L’enjeu : réduire les inégalités territoriales et agir pour les quartiers en difficulté ». Présentation et ligne de conduite sur le site du

Ministère délégué à la Ville (http://www.ville.gouv.fr/?l-essentiel-de-la-politique-de-la, consulté le 08/04/13).

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culturelles, agissent sur les formes d’appropriation de l’espace et sur les configurations

sociales » [Stébé, 2010]. Des études affirment même que les habitants des cités périurbaines

d’habitat collectif « ne s’ignorent nullement, ils tissent au contraire un réseau de surveillance

étroit basé sur les rumeurs, les ragots, sur une sociabilité de l’honneur » [Calogirou, 1989].

Cet aspect est un vecteur de projets et de vie sociale sur les quartiers. Néanmoins, le sentiment

relatif aux conditions de vie de la résidence n’est pas homogène avec « au contraire une

ambivalence des attitudes, faite à la fois du rejet de l’endroit […] et en même temps de

l’impression forte de l’incapacité de vivre ailleurs » [Stébé, 2010].

La réponse à ces constats, bien loin de ceux annoncées au milieu du 20ème siècle par

les signataires de la Charte d’Athènes sur les bienfaits des nouveaux espaces de vie en

bâtiment collectif, a été pilotée de façon centralisée par l’Etat, comme lors des opérations de

constructions massives d’après-guerre. En 1973, le premier programme à titre expérimental

« de revalorisation de 13 grands ensembles HLM dégradés » prend forme sous le nom

d’Habitat et Vie Sociale (HVS). A la suite des réalisations attendues, les Assises de l’habitat

social mentionnaient que « non seulement le traitement social n’a pratiquement pas été

réalisé dans ces opérations HVS, mais encore, on ne s’est pas soucié d’assurer la

participation des habitants, qui était pourtant considérée comme une des conditions

nécessaires pour la réussite de la réhabilitation ». On voit ainsi être mise en avant la notion

de participation dont le rapport Dubedout est la pierre angulaire. Derrière la crise du modèle

de vie en habitat collectif qui aurait permis l’apparition d’ « un homme moderne » selon la

Charte d’Athènes [Le Corbusier, 1954], se trouve la manière dont les habitants de ces

résidences font référence à leur voix, dans le sens démocratique du terme, et à la connaissance

et à l’usage qu’ils ont du territoire. Mais de quoi parle-t-on réellement quand on évoque la

démocratie participative et plus généralement l’implication des locataires dans les projets de

vie sociale ?

D’un point de vue philosophique et historique, la démocratie participative se distingue

de la démocratie représentative. Dans ses fondements du 18e siècle, l’idée d’une participation

active des citoyens est tout juste tolérée [Manin, 1995] dont les théoriciens de la démocratie

moderne (Séyiès en 1789) mentionnaient que la représentation est la condition sine qua non

de la légitimité démocratique [Rosanvallon, 1998]. A cette époque, le pouvoir au peuple se

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situait loin des fondamentaux de la démocratie athénienne d’une part et de la place de

l’Ecclesia dans la vie de la cité d’autre part. Il aura fallu attendre le « début du XXe siècle à

travers la médiation des partis politiques » [Blondiaux, 2008] et le début des années 1960

pour qu’elle soit vue par l’autorité politique gouvernante comme une « action continuelle du

citoyen » nécessitant à ce titre une « présence vigilante » [Mendès-France, 1987]. Les années

suivantes ont vu des expériences diverses et variées (Groupes d’action municipaux, Comité de

quartier, Atelier Populaire d’Urbanisme) ayant été « portée(s) par des mobilisations

associatives » [Blondiaux, 2008], issues d’un mouvement « ascendant » [Gontcharoff, 1999].

Mais lors des élections municipales de 1977, les communes de gauche ont eu la tentation

d’institutionnaliser ces pratiques, et le verdict s’est soldé par un échec [Dion, 1986]. Il faudra

attendre les lois fondamentales des politiques de la ville (Loi d’orientation pour la ville de

1991) pour qu’une volonté, cette fois-ci « descendant(e) » puisse spécifier « le principe d’une

concertation préalable avec les habitants pour toute action ou opération modifiant

substantiellement les conditions de vie dans les quartiers » [Blondiaux, 2008]. Depuis ces

années, les textes de loi votés imposent comme conditions d’éligibilité aux projets politique

de la ville, des processus de concertation et d’information, sous forme par exemple de

référence à des instances institutionnalisées (les conseils de quartier de la loi dite de

« démocratie de proximité » de 2002 par exemple). Malheureusement, les expériences

observées tel que « les conseils de jeunes ou de résidents étrangers » sont des échecs avec

un faible niveau de participation. Cela nous amène donc à la question « de savoir si ce ne sont

pas précisément les conditions dans lesquelles la participation est organisée et gérée qui

expliquent cette absence d’intérêt. » A cela s’ajoutent les questionnements suivants :

« Comment intéresser les citoyens ordinaires ? Comment les prendre au jeu ? » [Blondiaux,

2008]. Mais au regard de ces échecs partiels, qu’est-ce qui fait la force de cette démocratie

participative?

C’est dans cet esprit que Loïc Blondiaux recherche « un nouvel esprit, de nouveaux

fondements » afin de qualifier de manière positive la démocratie participative. Bien qu’elle ne

permette pas de dégager une définition claire et précise de ce que l’on attend d’elle, la

démocratie participative constitue une force liée précisément « à son indétermination, à sa

capacité à s’inscrire dans les stratégies et les registres de légitimation politique les plus

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disparates ». Il met un point d’honneur à ce que la capacité des citoyens « à se mobiliser, à

résister » dont «un droit à la reconnaissance et à la critique» soit revendiquée par des

« citoyens des démocraties contemporaines [qui] n’acceptent plus de se taire ». Ainsi, suite à

ces nuances importantes et à la difficulté de savoir sur quel pied danser quand on parle de

démocratie participative, il est central pour nous de questionner les modalités de mise en

œuvre de ce système politique dans les actuelles interventions sur les quartiers en relégation.

En effet, « les pratiques de participation ne sont pas univoques » et « il faudra se demander

sous quels formats, dans quelles conditions et à quels prix la démocratie participative […]

peut jouer le rôle que certains attendent d’elle » [Blondiaux, 2008]. Et dans la réalité, il faut

interroger ce sur quoi cette démocratie souhaite s’établir (à travers des outils d’information et

de communication allant jusqu’à des positions plus avancées amenant aux sphères de la

concertation et de l’implication).

Afin de mieux cerner les enjeux, il est primordial de comprendre précisément

comment le domaine du logement social est organisé. On observe, au-delà des services

classiques de gérance des bailleurs, des professionnels de gestion urbaine de proximité étant

de plus en plus déployés sur les sites d’habitat social. Mais pour y faire quoi au final ? A

l’image des missions confiées à la structure Couleurs d’Avenir dans laquelle j’effectue mon

contrat d’apprentissage, de nouveaux types de postes se sont réellement intégrés dans le

paysage institutionnel de la politique de la ville. Des agents de gestion locative facilitent « les

relations entre le bailleur et le locataire », des agents de médiation dont le positionnement se

situe « auprès des habitants » un peu de la même façon que les agents locaux de médiation

sociale « interviennent dans le cadre de conflits liés à la vie de quartier » [Stébé, 2010]. Ces

postes traduisent d’une certaine manière l’importance de la communication et de

l’accompagnement personnalisé dans les résidences. Cela rejoint les observations que j’ai pu

effectuer durant mon apprentissage alors que la communication entre l’organisme

gestionnaire (ICF Habitat La Sablière) et les locataires du patrimoine social ne passe pas

convenablement, créant des sentiments de frustration et de mésentente. En effet, on remarque

que la gestion locative au sens large nécessite des processus longs, souvent entravés par des

procédures opaques attachant le bailleur à des prestataires techniques extérieurs corrélées à

une participation faible des locataires aux conseils de leur résidence. La prégnance de ces

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métiers de médiation est-elle révélatrice d’un manque de communication repérée des

bailleurs envers leurs locataires ?

A ce niveau, on observe lisiblement les enjeux des démarches de participation. La

participation n’est ni une technique préconçue, ni une orientation d’action préfigurée. Elle

requiert un terreau favorable de la part des habitants. Comme nous l’avons évoqué, la

communication institutionnelle fait généralement défaut dans le monde du logement social.

Afin de rompre avec le traitement technique qu’exercent les bailleurs, on trouve ainsi le

médiateur qui emploie des compétences propres au champ de la pédagogie. Ce

positionnement apparaît stratégique dans le traitement du quotidien. Pour comprendre cette

stratégie, il est tentant de reprendre des préceptes qui ont été avancés lors de la modernisation

de la politique par Jean-Jacques Rousseau dans son ouvrage Emile. Ces préceptes annonçaient

l’arrivée de « la pédagogie nouvelle » [Ott, 2011], éloignées de la pédagogie traditionnelle.

Laurent Ott affirme dans ces termes que « la principale rupture provient du fait qu’on a le

temps » en se plaçant dans « une pédagogie du quotidien, du cheminement ». Ce sont « les

temps où on montre, où on révèle, où on explique » qui sont intéressants. C’est ainsi que le

parcours individualisé permet l’échange où « le maître, l’éducateur, le pédagogue ne sont

plus en face, mais à côté de leur bénéficiaire » [Ott, 2011]. Il y a donc une brèche dans

laquelle les professionnels ont la possibilité de s’engouffrer afin de « faire avec ». De cette

manière, le professionnel se retrouve en capacité d’être entendu, et de comprendre lui-même

les difficultés qui freinent l’engagement, ou en tout cas de saisir les obstacles des habitants à

s’investir dans le projet de vie de la résidence. Mais une fois que le locataire ne se retrouve

plus en situation de plainte, quelle est la logique de participation à déployer par les

professionnels pour passer de l’individu au collectif ?

L’objet de ce travail est donc d’étudier les effets positifs et les limites de la relation

bailleur/locataire car cette relation apparaît aujourd’hui comme un préalable incontournable

pour assurer la qualité de vie sur une résidence. La question centrale de mon mémoire est

donc : Dans quelle mesure et comment la médiation sociale peut-elle favoriser de façon

pertinente une bonne gestion d’une résidence ?

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L’étude nécessite de mettre en valeur les synergies potentielles de la relation de

confiance qui existe entre les habitants et les professionnels. Cette relation fait couramment

défaut et semble être vécue comme une négligence ou comme une difficulté de la part des

professionnels à répondre aux questions quotidiennes de la résidence. L’enjeu se situe dans le

fait que chaque locataire arrive à faire entendre sa voix, et que le recueil de ce message

subisse un traitement à la hauteur de la sollicitation.

En terme de médiation, le dictionnaire Larousse parle d’ « entremise, intervention

destinée à amener un accord » ou encore amène au « fait de servir d'intermédiaire, en

particulier dans la communication ». La racine latine « mediare » se rattache quant à elle au

fait de s’interposer. On voit bien ainsi le processus et l’outil de « la communication » est régi

par un but recherché : celui d’ « amener à un accord ». Au sein de cette recherche

consensuelle, les mécanismes vertueux qui nous amèneraient à apaiser des situations de

conflits seraient liés, sous forme d’hypothèse d’étude, aux mécanismes de la reconnaissance,

de l’interaction sociale, de la psychologie sociale ou tout naturellement du lien social et de la

communication.

Afin d’approfondir ces questionnements, nous allons mettre en perspective ce sujet en

cinq temps. En premier, d’une manière succincte, il s’agira de décrire le paysage d’étude dans

lequel ce mémoire s’est construit avec la présentation de Couleurs d’avenir et de ses

territoires d’action, ainsi qu’une explication de la méthode employée pour recueillir des

informations qui donneront du corps à cette étude.

En second lieu, il sera question de médiation sociale et de la place qu’elle occupe à

notre époque. On pourra ainsi revenir sur les notions de démocratie, d’égalité et

d’interventionnisme politique.

Ensuite, il sera nécessaire de se familiariser avec l’environnement professionnel du

logement social, notamment à travers les pratiques de gestion des sites d’habitat social et des

logiques internes propres aux bailleurs sociaux. Ce sera un temps d’expression des

professionnels quant à leur métier. Cela permettra de comprendre par une analyse macro les

enjeux institutionnels et techniques et dans une quatrième partie de les comparer avec les

mécanismes plus personnels des locataires, qui déterminent la participation des habitants à la

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vie de leur résidence. Ce sera le moment de dialoguer autour des notions de reconnaissance

sociale, de liens et de relations sociales en laissant des locataires s’exprimer sur leur vécu.

Avant de mettre un terme à cette étude, la dernière partie croisera les éléments de réponses

des parties précédentes au profit de la question de départ, à savoir le rôle de la médiation

sociale dans l’amélioration de la qualité de vie sur les résidences et de l’appropriation des

habitants de leur « cité », au sens politique du terme.

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1. Présentation du terrain d’étude et de la méthodologie

employée.

1.1 Structure d’alternance : Couleurs d’avenir

1.1.1 Une structure prestataire de développement social urbain

Depuis 2004, Couleurs d’avenir intervient au sein des territoires d’habitat social pour

favoriser l’amélioration de la qualité de la vie. Ses missions en termes de Développement

Social Urbain (DSU) tendent à harmoniser les interventions des acteurs du territoire et de

forger les bases d’une co-construction de la vie locale avec les habitants. Les interventions

que Couleurs d’avenir proposent sont décidées directement avec les directions DSU des

bailleurs sociaux, dont la majorité de ces opérateurs avec lesquels Couleurs d’avenir travaille

se situent en région Ile-de-France. L’équipe salariée de cette structure est composée d’une

dizaine de personnes, travaillant par secteur géographique : le secteur Nord pour les

départements de la Seine-Saint-Denis, du Val d’Oise et autres, et le secteur Sud pour les

départements du Val-de-Marne, de l’Essonne et de la Seine-et-Marne.

En six années d’existence, Couleurs d’Avenir a cumulé les expériences sur des quartiers et

patrimoines très distincts. Du diagnostic à l’enquête sociale, en passant par la concertation, la

mobilisation d’habitants, la médiation, la coordination d’acteurs locaux à la mise en pratique

d’animations, l’organisation d’événements, les actions de sensibilisation collective et

individuelle, Couleurs d’Avenir propose des missions à court, moyen et long terme afin de

mettre en adéquation les attentes des bailleurs sociaux avec les besoins des résidences. Elle

bénéficie également des subventions de la Politique de la Ville dans le cadre du Contrat

Urbain de Cohésion Sociale (CUCS) pour ses missions d’accompagnement envers des

associations locales et l’animation du réseau de partenaires sur certains quartiers.

1.1.2 Territoire d’étude : Villeneuve-Saint-Georges, Val-de-Marne

Couleurs d’avenir intervient depuis plusieurs années au sein des résidences du bailleur ICF

Habitat La Sablière présentes sur le territoire de Villeneuve-Saint-Georges dans le Val-de-

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Marne. Cette commune de 31 013 habitants2 en 2009 concentre l’ensemble des

problématiques que l’on retrouve dans les quartiers bénéficiant de subventions spécifiques de

la Politique de la ville. En effet, la population y est majoritairement jeune (46% des

villeneuvois a moins de 30ans en 2009), le niveau de qualification est faible avec taux de

chômage élevé (14,6% de chômage des 15 à 64 ans en 2009) ainsi qu’une surreprésentation

de logements sociaux soit 32,9% du parc immobilier de la commune. Le niveau de richesse

de Villeneuve-Saint-Georges (revenu net déclaré moyen par foyer fiscal) se situe en deçà des

moyennes départementales ce qui en fait une des communes les moins riches du Val-de-

Marne [INSEE, 2012].

Les résidences concernées par cette étude font partie des périmètres des Zones Urbaines

Sensibles (la ZUS du Bois-Matard/le Plateau) corrélées aux autres résidences hors-ZUS mais

intégrées aux dispositifs du CUCS (Quartier Nord). Sur ces sites, ICF Habitat La Sablière est

l’opérateur gestionnaire de 858 logements, à partir desquels la cellule de développement

social urbain conventionne des missions avec Couleurs d’avenir sur des thématiques de

propreté, de sensibilisation au respect des lieux et des équipements, à l’animation de la vie de

quartier et à l’accompagnement d’une association naissante impulsée par des jeunes des

résidences.

1.2 Une approche méthodologique en lien avec le terrain d’apprentissage

1.2.1 De la pratique à l’observation

Lors des premiers mois de présence sur le terrain, avec les locataires, avec les équipes

locales, ou lors des réunions de pilotage avec les directions de services des bailleurs sociaux,

j’ai pu appréhender d’un point de vue pratique et également théorique la gestion des

résidences sociales. Les entretiens exploratoires avec les collègues ou collaborateurs ont

contribué à construire mon cadre d’étude, ma problématique ainsi que l’hypothèse centrale sur

laquelle tient cette étude (qui se rattache aux mécanismes de la reconnaissance, de

l’interaction sociale, de la psychologie sociale, du lien social et de la communication). J’ai pu

2 Sources INSEE, Etat civil et estimations de population au 1er janvier 2009

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ainsi observé les composants pratiques de cet univers professionnel qui n’ont cessé

d’alimenter mon étude et son rapport avec le terrain. Ainsi, en complément des références

théoriques sur la démocratie participative, sur les pratiques actuelles d’amélioration de la

qualité de service et sur les dynamiques de relégation urbaine et sociale, les observations que

j’ai pu effectuer sur le terrain m’ont permis une prise de distance favorisant l’analyse critique

des processus de médiation à l’œuvre dans les quartiers sensibles.

1.2.2 Saisir les paroles et perceptions de chacun

Outre la position d’observation et de détachement du sujet d’étude, il s’est logiquement

dégagé l’idée de recueillir les paroles des professionnels ainsi que des locataires afin de faire

en sorte que l’étude soit illustrée dans ses représentations diverses. Ainsi les entretiens menés

à l’appui d’un cadre d’étude explicité mais dont les questions restent les plus ouvertes

possibles afin de laisser libre-court à l’expression des personnes interviewés ont permis de

croiser discours et réalité. J’ai donc choisi de réaliser des entretiens semi-directifs et de

solliciter l’ensemble des profils de professionnels participant à la question de la médiation

sociale dans leur résidence, en plus des locataires.

Suite à mes demandes d’entretien, j’ai obtenu des rendez-vous avec cinq professionnels et

trois locataires. Ma collègue et tutrice d’apprentissage Julia Chalmel et quatre personnes du

bailleur ICF Habitat La Sablière :

- Salah Lounici, directeur territorial pour le Val-de-Marne et l’Essonne

- Marie Henni, responsable du pôle « Développement Social Urbain »

- François Escande, responsable de site sur Epinay-sous-Sénart

- Abri Koré, gardien qualifié de Villeneuve-Saint-Georges

Mon étude croise ainsi l’ensemble des réponses, avis et représentation que ces

professionnels du logement social détiennent, comparé dans le même temps avec celles des

locataires investis dans la vie de leur résidence (Mme De Andrade, Mme Nuguet et Mme

Pelletier). Ce travail met en exergue, à partir d’une analyse sociologique, des points de

blocage, des potentialités, des recommandations qu’il faut avoir en tête quand on pense à la

médiation sociale dans les résidences d’habitat social.

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16

2. Pourquoi se pose-t-on aujourd’hui la question de la

médiation sociale ?

2.1 La société moderne : un demi-siècle de bouleversements

et de hiérarchisation démocratique

2.1.1 Hiérarchie démocratique et distance sociale

Pour étudier la médiation sociale, il est nécessaire de se référer aux vertus de la

démocratie. En effet, notre régime politique et institutionnel explique de manière significative

les modes de traitements de la vie des citoyens, et la reconnaissance civique que cela

implique. Avant de rentrer dans le cœur du sujet, il paraît important de revenir sur le

processus de gouvernance dominant (rattaché à notre fonctionnement administratif) : le

modèle vertical et hiérarchique, dit aussi agonistique qui est un équivalent de la logique top-

down américain [Bacqué, Rey, Sintomer, 2005]. La période de la reconstruction des trente

glorieuses et de l’histoire du logement social moderne en France, que l’on développe ci-après,

constitue un témoignage fort de la part de notre modèle interventionniste français, né des

ambitions du modèle de l’Etat-Providence français. Cette refonte de notre modèle public a

garanti des modifications importantes dans la relation que l’on exerce avec le territoire mais

elle a aussi occasionné une distanciation des liens entre les représentants et les représentés

(locataire et gestionnaire, relégation urbaine et augmentation de l’abstention). Julia Chalmel,

coordinatrice de projet développement social urbain pour Couleurs d’Avenir, revient sur ce

délitement des liens et du sentiment de confiance : « Historiquement, les locataires avec leurs

bailleurs sont très remontés et n'y croient plus. »

On comprend que c’est dans un souci d’équité que l’on hiérarchise les décisions mais le

positionnement vertical du pouvoir n’est pas sans danger. Des auteurs tels qu’Archong Fung

et Erik Olin Wright ont alimenté la critique du modèle de gestion pyramidale selon lequel

l’éloignement des décisions entraîne potentiellement des discordances avec la pratique. Le

suivi des actions est biaisé et la réalisation du service se retrouve le plus souvent inadaptée

aux bénéficiaires [Fung & Wright, 2005]. Il est vrai que la période de la reconstruction

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d’après-guerre n’aurait pas pu s’effectuer autrement qu’avec un volontarisme et un arbitrage

dans le pilotage des opérations de grande ampleur (logement, industrie, tourisme).

Néanmoins, cette volonté et ces directives descendantes du commissariat général au plan sont

en cause dans les situations de crise urbaine actuelle en particulier en ce qui concerne le

décrochage des grands ensembles d’habitat social. Pour autant, on observe que l’Etat a retenu

la leçon de la planification urbaine unilatérale puisqu’à partir des années 1970 de nouveaux

outils de gestion intégrée sont déployés pour faire face à des enjeux de plus en plus

complexes.

2.1.2 La politique interventionniste du logement lors des trente glorieuses

En effet, notre pays s’est retrouvé, à la suite de la seconde guerre mondiale, sous doté

en équipements, en logements et en industries. La période de reconstruction dans les années

1950, qui a été déterminante dans la composition de notre société contemporaine, a conduit la

France à entamer des politiques de planification majeures et à arbitrer de grands choix

d’aménagement. A la suite de politiques publiques laxistes en terme de construction de

logements et d’investissement des entrepreneurs privés pour loger leur propre main d’œuvre

ouvrière, l’Etat s’est retrouvé devant un impératif incommensurable : « un cinquième du parc

existant en 1939 est à reconstruire » [Stébé, 2010]. Ajouté à la vétusté des logements de

l’époque et du manque de raccordement aux commodités modernes, on se rend vite compte du

retard pris en la matière depuis les décennies précédant la guerre. L’essor démographique et

l’explosion urbaine restructurent totalement la composition de la population avec en trente ans

« un doublement de la concentration urbaine depuis 1945 ». Les banlieues sont directement

impactées par ce dynamisme, de cet appel d’air des aires urbaines vierges, ou en tout cas

vacants d’occupations au début des trente glorieuses. Cette urbanisation met de côté les

laissés pour compte, qui se retrouvent sans possibilité d’occuper un logement et donc

alimentent massivement les bidonvilles qui se déploient aux portes des grandes métropoles.

Malgré ces enjeux de peuplement, les pouvoirs tardent à réagir. Il faut attendre l’appel lancé

en 1954 par l’abbé Pierre en faveur des sans-abris pour voir l’Etat intervenir.

En réaction, l’Etat lance une politique de grands travaux avec pour colonne vertébrale la

constitution d’un « vaste réseau de sociétés de construction de logements locatifs aidés liées

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aux collectivités locales, aux entreprises publiques ou de statut privé » [Stébé, 2010]. En

parallèle, la planification est en œuvre, les Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP) sont lancées

avec la promotion unanime du modèle des grands ensembles par les décrets du 31 décembre

1958 (dont Charles-Édouard Jeanneret dit Le Corbusier a théorisé ses principes). D’un point

de vue de la maîtrise d’œuvre, ces opérations d’urbanisme préconisent un cahier des charges

avec un minimum de 500 logements à réaliser dans un court délai « tracés à l’équerre,

constitués pour l’essentiel de barres et de tours, nouveaux symboles de l’urbanité et de la

modernité » [Stébé, 2010].

2.1.3 Vers une intégration partenariale de la gestion urbaine

Loin des pensées libérales, l’Etat a besoin de se positionner à la pointe de la hiérarchie

pyramidale afin de dévoiler une politique interventionniste à la hauteur des enjeux auxquels il

lui revient de répondre. Au total, 195 ZUP seront construites, représentant 2,2 millions de

logements, pour l’essentiel de type Habitat à Loyer Modéré (HLM) locatif. Malheureusement,

il ne faut pas attendre longtemps pour voir apparaître un mécontentement de la part des

habitants au sujet de cités dortoirs qui ne voient pas d’équipements de proximité ouvrir en

pied d’immeuble et qui amplifient les nuisances de la cohabitation serrée avec le voisinage.

Un tournant est de mise dix ans après la signature de la programmation des ZUP, dont la

nouvelle loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 proclame une nouvelle procédure

d’urbanisme : les Zones d’Aménagement Concerté (ZAC). L’objectif de cette nouvelle

juridiction du code d’urbanisme « vise à réaliser une concertation entre l’Etat, les

collectivités locales, les organismes aménageurs et les propriétaires privés, et à instaurer une

grande souplesse dans la mise en œuvre d’opération dont l’objet ne serait plus exclusivement

l’habitat » [Merlin, Choay, 1996]. Néanmoins, même si on remarque que la volonté est

finalement à l’image des préconisations de notre époque « plus attentives à la mixité urbaine,

au cadre de vie, à la sociabilité », à la différence du modèle fonctionnaliste, on remarquera

que les problèmes se sont installés dans ces ensembles, mettant l’isolement et la relégation en

tête de gondole des banlieues métropolitaines françaises.

2.1.4 Le capital social comme levier

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Le principal enjeu est de penser les projets avec les acteurs du quotidien que

représentent les habitants. Cela amène ainsi à favoriser l’augmentation de leur capital social,

et notamment des plus défavorisés [Putman, 2000], afin de lutter contre la crise structurelle de

notre démocratie, qui est menacée par un délitement de la confiance dans nos institutions

représentatives. Cette revendication à la reconnaissance des dominés apparait comme un

élément de réponse stratégique pour directement redonner de la confiance à ceux « qui

subissent le plus frontalement les crises structurelles » et d’opter pour cela vers des mesures

d’inclusion pour remettre au centre des enjeux les catégories d’individus qui s’en retrouvent

écartées (« avec l’idée qu’il est nécessaire de les réintégrer dans le mainstream ») [Bacqué,

Rey, Sintomer, 2005]. Mais, dans les faits, on s’aperçoit que le modèle sur lequel notre

société moderne s’est développée a finalement usé d’une stratégie arbitraire et directive selon

une organisation pyramidale à l’image de notre modèle administratif, loin de tout traitement

spécifique pour les « oubliés de la démocratie » [Miquet-Marty, 2011].

2.2 Pour une égalité citoyenne et une gestion intégrée

démocratique

2.2.1 L’égalité au centre des revendications démocratiques

Dans une société post-moderne, on observe que le spectre des engagements

démocratiques et des avancées sociétales est en discussion et porte dorénavant sur les notions

d’égalité et d’inégalité sociale et démocratique. Pierre Rosanvalon témoigne des basculements

qui ont encore lieu dans notre société, en matière de traitement égalitaire des citoyens. Si la

valeur « égalité » est en constante évolution, c’est bien qu’elle s’inscrit en dépendance avec

son époque et conjointement contre les inégalités. Alors que les philosophes des Lumières ont

mis en avant le traitement libre de chaque individu et de leur libre conscience, désormais,

l’égalité se pense comme un accès paritaire et partagé entre tous, basée sur l’égalité des

chances. Pour autant, Pierre Rosanvalon ne manque pas de stipuler la complexification et

l’individualisation des droits et des devoirs. C’est dans les années 1990 qu’un basculement

prend forme, avec l’apparition d’un individualisme de la singularité, où chaque individu

désire être reconnu pour ses spécificités propres, en opposition avec les composants

solidaristes provenant d’un Etat-Nation fort dont la symbolique unifie les citoyens

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[Rosanvallon, 2011]. On est en droit ainsi de se poser la question qui relie les notions

d’égalité et celle de la capacité d’agir des citoyens dans le sens où l’on remarque que la

pression descendante nous unifie et nous solidarise alors que le mécanisme d’expression

ascendant libère les singularités et individualise les propos.

2.2.2 La reproduction sociale de la démocratie

Alors que l’égalité (vue comme traitement universel des individus) constitue encore une

question clé de nos sociétés post-modernes et démocratiques, il s’agit maintenant de

s’intéresser aux logiques de reproduction et d’influence qu’exerce un modèle démocratique

donné sur ses organes internes. Si on prend l’exemple de la France comme le figure Laurent

Gaxie à travers l’expression du « cens caché », on remarque qu’elle n’échappe pas à une

reproduction figée et inégalitaire des représentations citoyennes. On observe d’une part que

les classes minoritaires sont sous-représentées dans les instances délibératives et

représentatives du haut (objet d’étude des nombreux ouvrages des Charlot et Pinçon-

Charlot) et d’autre part, qu’il y a une sous-représentation des dominés dans les organes de

proximité. Cela est notamment vrai en France où les conseils de quartiers par exemple ne

constituent pas une opportunité d’expression pour les minorités ethniques, à l’instar du

modèle libéral des Etats-Unis où leurs paroles sont inscrites dans un patrimoine démocratique

plus dense (ce qui est à la base du modèle de l’empowerment et des leviers citoyens venant

par le bas).

Face à ces inerties démocratiques, l’anthropologue américain James Holston reprend, à

travers ses observations sur les mouvements citoyens contemporains au Brésil, les notions de

conflit et de nécessité comme moyens de contourner les logiques d’absence de représentation

démocratique, de monopole élitiste et d’inégalité de traitement des individus [Holston, 2008].

C’est notamment à travers le mouvement des Sans Terre mais également de l’insurrection

citoyenne des habitants des favelas appelés les Sans Toit que les revendications et les paroles

sont les plus entendues. Cette théorie est également alimentée par une étude réalisée par

Cécile Cuny dans les conseils d’habitants à Berlin qui distingue le savoir monotone dit

également standard essentiellement composé par la reproduction sociale, avec le savoir

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indexé sur l’imagination, par l’expérience et la prise de risque des protagonistes (théorisée

sous l’appellation « la pensée des cas » beaucoup plus créative et originale) [Cuny, 2013].

2.2.3 La nécessité de changer nos manières de faire et de fonctionner.

En parallèle du développement des démocraties et de la revendication à l’égalité, nous

sommes arrivés au début du vingt-et-unième siècle dans une société post-moderne de

l’interdépendance et surtout de l’incertain où les recherches sociologiques qui examinent nos

relations sociales n'ont jamais semblé aussi délicates, voire périlleuses [Kokoreff &

Rodriguez, 2004]. Les modes traditionnels de gestion et d’administration sont remis en cause

de manière permanente auxquels s’ajoute s’ajoutent des processus de décision complexes

favorisant des partenariats et des jeux d’acteurs de nature nouvelle (les partenariats

Public/Privé en sont un bon exemple en termes d’optimisation des ressources en baisse pour

les finances locales). L’innovation et l’adaptation semblent être les maîtres-mots de la réussite

et de l’efficacité. Il suffit d’observer la dynamique de mise en commun de nos communes

(association en intercommunalité) pour expliquer les performances de la mutualisation des

compétences et des moyens. Ainsi, les gestionnaires des finances publiques ont recours à la

péréquation afin d’équilibrer les ressources des territoires et d’assurer une solidarité.

Malheureusement, malgré les avantages financiers que cela garantit, les arbitrages se

compliquent, les acteurs locaux sont de plus en plus interdépendants et gouvernent avec des

nouveaux partenaires. Deux spécialistes des sciences économiques comparent notre sphère

locale à un système ouvert sur des potentialités extérieures, afin de chercher des ressources

fiables et assurer un développement équilibré. Par l’implication de partenaires extérieurs, on

change donc nos manières de faire afin d’anticiper les difficultés à venir. [Guengant, Le Meur,

2009].

Ainsi, ces faits de société nous obligent à changer d’échelle et de centres d’intérêts.

Quand on évoque aujourd’hui les logiques de promotion de la gestion urbaine et sociale et de

la démocratie participative, on se rend compte qu’elles sont souvent dépassées par une échelle

toute autre qui n’est pas celle du local et du « faire avec ». Il semblerait donc que les

véritables enjeux soient ailleurs. Les organismes gestionnaires du logement social sont

également inclus dans ce schéma et ces contradictions d’échelles. En effet, comme le

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remarque Salah Lounici, directeur territorial à ICF Habitat la Sablière sur 50 communes du

Val-de-Marne et de l’Essonne, « un bailleur social, nous on construit mais c'est un pari sur

l'avenir. Quels sont les projets dans quatre ans, cinq ans? Dans cinquante ans, quel sera

l'environnement? On prend des paris ».

La question est désormais la suivante : comment faire en sorte que les centres d’intérêt

des habitants intègrent les enjeux des gestionnaires et des institutions ? Il est également

possible de poser la question d’une manière inversée : comment faire en sorte que les enjeux

des gestionnaires et des institutions soient compris par les habitants ?

2.2.4 La participation, un instrument de notre démocratie moderne

C’est dans cette progression de la notion d’égalité et de revendication des droits et

devoirs des citoyens que cette étude va poser son champ d’analyse. Si l’on s’attache à

l’histoire, on s’aperçoit qu’il y a eu des mutations majeures en ce qui concerne les théories de

la participation dans les années 1960 et 1970. En effet, une brèche s’est ouverte, qui a

réinterrogé les approches classiques de la participation. Auparavant, les champs de la

participation étaient retranchés soit dans une approche « spontanéiste » de la participation

(voir du militantisme), soit à travers une méthode « technocratique de la gestion » [Bacqué,

Rey, Sintomer, 2005]. Actuellement, l’écho des expériences de la participation dans les

dispositifs techniques affirme le bien-fondé de cette méthode. Dans la vitalisation

démocratique, l’essor de la participation est perçue comme un complément, un correctif ou un

substitut de l’ancien modèle technique, vertical et représentatif. On en retire une meilleure

efficacité des procédés quand les citoyens se trouvent intégrés aux dynamiques de

modernisation administrative, d’implication du savoir d’usage dans les processus de

concertation et la contre-expertise citoyenne face aux experts. La valeur ajoutée des citoyens

permet de fournir un contre-argumentaire face à la dimension technique et élitiste de notre

modèle démocratique au regard des thèses de la philosophie politique moderne. On recherche

ainsi à inscrire de nouvelles méthodes, dont les compétences sont au centre du débat, afin de

changer l’angle de vue des processus de démocratie locale. On prospecte ainsi classiquement

les savoirs d’usage des habitants c’est-à-dire les habitudes de vie qu’ils utilisent dans leur

résidence (les pratiques dans les ascenseurs, dans les halls d’immeuble et l’usage du

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digicode). Mais leur potentiel ne s’arrête pas là puisque leurs savoirs professionnels et experts

existent également et sont tout à fait valorisants, à l’image des savoirs politiques et militants

des acteurs locaux. Il apparait donc nécessaire de faire dialoguer ces compétences et ces

regards pour optimiser la concertation et enrichir les points de vue.

2.2.5 Les nouvelles voix(es) des expressions démocratiques

Si l’on dresse un portrait des nouvelles expressions démocratiques qui interviennent

dans divers pays, on s’aperçoit que ces changements sont des facteurs de modernisation de

l’action publique comme en Amérique du Nord et porteurs d’alternatives comme c’est le cas

au Brésil. Effectivement, dans les pays émergents, la participation et la montée en charge des

dispositifs divers et variés (l’avènement du budget participatif à Rio de Janeiro, par exemple)

constituent une alternative à la société productiviste qui coordonne le développement de

l’ensemble de ces pays. En effet, le mouvement d’institutionnalisation de la participation

citoyenne dans les politiques publiques est en forte progression. Cette méthode place les

citoyens en mouvement et au centre d’un processus de décision et d’arbitrage budgétaire,

secteur souvent réservé aux responsables locaux.

Ailleurs, la modernisation de l’action publique optimise les processus des prestations de

services et intègre les usagers à l’évaluation de la qualité de service. Cette méthode nord-

américaine de new public management est « censée être à la fois plus efficace en termes de

services rendus et plus dynamique du fait de la pression externe exercée par la société civile »

de manière à ce que les citoyens soient appelés à exercer une fonction de contrôle de l’action

publique [Bacqué et al, 2005]. Pour Marie Henni, responsable du pôle Développement Social

Urbain du bailleur ICF Habitat La Sablière Paris Ile-de-France, quand on lui pose la question

de leur collaboration avec les amicales des locataires, elle affirme qu’« il y a certainement

plein de chose à améliorer : de la confiance aussi de leur part mais aussi de laisser le temps

transformer nos habitudes de travail, notre organisation ». Ainsi, ce modèle est perçu comme

un moyen fiable qui favorise la transparence et lutte contre la logique de corruption et la force

de gestion clientéliste des administrations. Pour cela, les expériences nord-américaines se

réclament d’être en situation de responsiveness, qui vise à améliorer la réactivité de

l’administration. Ce positionnement des pouvoirs publics assure ainsi une mobilisation locale

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stable des citoyens, car ils sont considérés à travers ce schéma comme des acteurs à part-

entière de leur service et possède le bénéfice d’être rapidement entendu. Dans le même ordre,

on observe aussi en Amérique du nord une mise en situation relative à la responsabilisation

des prestataires de services via l’accountability. Il s’agit de mettre en lien étroit les acteurs

d’une relation marchande (fournisseurs et clients) via une participation active des usagers afin

que le fournisseur rende des comptes de manière constructive. On remarque donc que la

notion de compétence des citoyens, et notamment du savoir-usagers, constitue un des

prémices du mécanisme de responsabilisation et de l’intégration de l’individu dans un

système technocratique. Ces préceptes propres à l’idéologie de l’empowerment sont au cœur

de la pratique de la médiation au sein de dispositifs d’amélioration de la qualité de vie sur

certaines résidences sociales. La médiation, objet central de notre questionnement, détient des

spécificités qu’il sera utile de préciser afin de comprendre les mécanismes qui lui sont

attachés.

2.3 Les différentes approches de la médiation

2.3.1 Historique: de la médiation pénale à la médiation sociale

La médiation a une qualité commune, celle d’atteindre une situation de consensus. Par ce

processus, on attend du consensus qu’il amène à « un accord ou un consentement du plus

grand nombre, voire de l’opinion publique » (dictionnaire Larousse) dans une perspective

d’avancer sur une même voie. Le consensus est souvent un positionnement politique sur des

dossiers particulièrement controversés, qui détient l’avantage d’entendre des points de vue

divergents et d’essayer de mettre d’accord le plus grand nombre, la majorité démocratique.

Dans le cas présent, la médiation détient ces fondements mais sur le terrain de notre étude, les

résidences d’habitat social, on remarque que des spécificités juridiques et sociologiques ont

pris part à la question.

Ces dernières décennies, depuis notamment l’avènement de la Politique de la ville et de la

professionnalisation des acteurs de la gestion urbaine, la médiation a revêtu plusieurs formes

« en fonction des publics visés, des territoires et des champs d’action ». Les pouvoirs publics

en France ont inscrit juridiquement la médiation en tant que procédé pertinent à l’action et à la

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gestion des conflits. Dans un premier temps, la médiation a été portée au sein des hautes

instances publiques afin d’apporter un accompagnement à propos des contestations effectuées

par les citoyens à destination de l’administration française (le médiateur de la république,

créé en janvier 1973). Vingt ans plus tard, la médiation pénale est introduite dans le code de

procédure pénale afin de faciliter les démarches pour les petits conflits, et éviter ainsi des

procédures trop longues et des traumatismes personnels conséquents. Mais il faudra attendre

la loi du 1er août 2003 pour que soit mentionnée la médiation sociale dans la loi d’orientation

de la ville et de la rénovation urbaine qui est vue comme « un des instruments de la

tranquillité qui a prouvé sa capacité à restaurer la relation de proximité basée sur l’écoute, le

dialogue, la disponibilité, la responsabilisation et la réactivité à des problèmes liés au “vivre

ensemble”. » [Union Sociale pour l’Habitat, 2011]. Déjà en 2000, une définition

internationale de la médiation sociale avait été promulguée : « La médiation sociale est

définie comme un processus de création, de réparation du lien social, et des règlements des

conflits de la vie quotidienne dans lesquels un tiers impartial et indépendant tente, à travers

l’organisation d’échanges entre les personnes, entre les personnes et les institutions de les

aider à améliorer une relation ou à régler les conflits qui les opposent » [Rencontre nationale

des acteurs de la ville, 2000].

On observe clairement que le champ de la médiation s’est positionné à plusieurs

échelles d’intervention (Etat, justice et action sociale) dans une démarche d’accompagnement,

d’apaisement et de sortie de crise, notamment dans les relations avec les services publics.

Aujourd’hui, elle est inscrite dans différents dispositifs de terrain tels que les Contrats Urbains

de Cohésion Sociale (CUCS), les Contrat Locaux de Sécurité (CLS) ainsi qu’au sein de

pratiques hospitalières (les femmes-relais dans les hôpitaux de Milan en Italie). Ce processus

de la médiation est avantageux dans le sens où il est malléable, individuel et proche de la

réalité des situations. Les retours d’expériences fournissent des pratiques toujours plus

cohérentes, et offrent tout un panel d’intervention et d’accompagnement, à l’image d’une

boîte à outil bien équipée.

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2.3.2 La médiation sociale comme boite à outils adaptable (médiation préventive,

curative, réparatrice)

Dans le champ de l’intervention sociale, on dit souvent que les personnes suivies sont des

individus « pris en charge », et cela de la manière la plus globale possible. Plusieurs étapes de

la gestion des conflits sont repérées. En effet, le traitement du litige est au cœur du problème

et constitue le centre d’attention des travailleurs sociaux (troubles de voisinage, énervement et

frustration vis-à-vis de son bailleur …). Il apparait également nécessaire de s’occuper de la

situation en amont, c’est-à-dire d’une manière préventive. A contrario, à la suite d’une forte

crise, le suivi a aussi besoin d’être actif dans ses vertus réparatrices. C’est selon ces trois

étapes (prévention, gestion curative de la crise et réparation) que les médiations sociale et

pénale fonctionnent. Cela requiert des compétences et des techniques relationnelles

spécifiques pour le traitement de chacune de ces trois étapes.

En effet, lorsque le professionnel médiateur recherche à prévenir des risques (qu’il a

préalablement identifiés), il fait appel à sa capacité à « créer les conditions du respect mutuel

et du bien vivre dans les espaces résidentiels » notamment à travers « la confiance par

l’écoute, le respect et l’accompagnement des personnes » autrement dit, selon une présence

humaine et un dialogue constructif avec les habitants. Comme il est stipulé dans un des

Cahiers3 de l’Union Social pour l’Habitat (USH), ces valeurs du bien vivre ensemble peuvent

également être traduites dans « le bail, le règlement intérieur, voire le livret d’accueil ou dans

les chartes de bon voisinage. » [Union Sociale pour l’Habitat, 2011] Si la démarche de

prévention a échoué, dans le cadre d’un conflit de voisinage, le bailleur passe tout d’abord par

un règlement à l’amiable des litiges. Ce type de règlement réclame ainsi des capacités de

dialogue, de négociation, d’établir une meilleure compréhension réciproque et de détenir des

convictions pour persuader la personne afin que les arguments d’entente puissent être reçus

avec compréhension et cohérence. Cette phase d’argumentation et de recherche consensuelle

évite tout simplement le recours à la phase procédurale car « la médiation n’est pas pour

autant un substitutif de la justice » mais plutôt comme « un moyen complémentaire de la

juridiction pénale et un enrichissement de la réponse judiciaire.» [Union Sociale pour

3 « La médiation dans une politique de tranquillité résidentielle », Cahier USH n°142

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l’Habitat, 2011] En terme de réparation, l’enjeu est d’accompagner les personnes victimes

ayant subits des actes de malveillance, que ce soit les personnels de proximité (les gardiens et

employés d’immeubles) ou directement les locataires. En effet, les risques de représailles, ou

de repli sur soi peuvent aggraver les traumatismes ressentis ce qui nécessite une stratégie

globale de gestion des risques (comprenant la réparation et la prévention). A l’image du

bailleur, il s’agit d’éviter un abandon du quartier, que les victimes réclament une demande

mutation de logement et plus généralement une relégation du site à la marge des choix

d’implantation des individus. A ce propos, on retrouve ici le mécanisme néfaste des récentes

évolutions urbaines (ghettoïsation, décrochage social des quartiers sensibles) dont la gestion

des crises et la médiation sociale pourraient être une réponse particulièrement adaptée.

Comme nous venons de le signaler, le rôle de la médiation sociale est d’accompagner et

de réduire les inconvénients et les handicaps qu’une crise ou un conflit est capable

d’engendrer (expulsion de son logement, délinquance ou repli sur soi). Mais sa détermination

se situe également dans la transformation de la situation, en tirant les avantages du conflit au

profit de la ou des personnes préalablement victimes. Comme le stipule un support de

formation à destination des salariés qui se retrouvent en situation de gestion des risques4, « le

conflit est marqué par son caractère inéluctable, et par le fait qu’on ait parfois du mal à

évaluer ses conséquences. Les effets du conflit peuvent être perçus comme positifs ou négatifs,

mais quoi qu’il en soit, il y a toujours une leçon à tirer d’un conflit. » [Excellens Formation,

2012] En effet, passer du temps à essayer de dénouer une situation complexe et conflictuelle

apparaît comme stratégique pour enrayer des processus sociaux lourds de sens, dont le

défaitisme laisse à penser que c’est comme cela et pas autrement. Pourtant, il est possible de

renverser le rapport de force par l’intermédiaire d’une « résolution d’un nombre croissant de

conflits », notamment par un « rétablissement du lien entre les parties » et de « la

restauration de l’estime de soi » [Union Sociale pour l’Habitat, 2011]. Cette méthode est

particulièrement chronophage mais néanmoins elle s’intéresse aux points noirs de difficultés

sociales et redonne de la crédibilité pour les habitants désabusés vis-à-vis des agents locaux et

a posteriori des institutions.

4 Formation reçue lors de mon année d’apprentissage avec Couleurs d’Avenir, le 03 décembre 2012 à Saint-Denis.

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2.3.3 La médiation sociale comme maillon intermédiaire entre les gestionnaires de

services publics, usagers et professionnels

Outre les aspects techniques, la pratique de la médiation sociale est aussi synonyme de

synergie interpersonnelle, avec un objectif clairement identifié d’investir à chacun des

habitants son potentiel d’action pour agir sur la tranquillité de leurs lieux de vie. Cela passe

notamment par l’encouragement à prendre des initiatives (dialogue entre voisins, porte-à-

porte dans l’immeuble, lettre de pétition) mais aussi en faisant savoir les droits des locataires

pour plus de clarté et de légitimité d’action (engagements à la tranquillité, à la propreté et au

bien vivre ensemble inscrits dans le règlement intérieur des résidences). « Dans ce cadre, les

habitants sont acteurs de la tranquillité et n’ont pas seulement une posture de bénéficiaire-

consommateur d’un nouveau service. » [Union Sociale pour l’Habitat, 2011] et c’est cela qui

semble le plus important finalement. Cela fait écho avec les premières initiatives citoyennes

remarquées en France au début des années 1980. A titre d’exemple, le documentaire « Vaulx-

en-Velin, la cité retrouvée » affirme que les émeutes urbaines en 1990 ont été des événements

médiatiques propices à une forte mobilisation des acteurs locaux, des institutions et des

citoyens dans les quartiers pour améliorer ces dernières décennies la vie de leur territoire

[Bertrand, 2010]. De ce fait, les volontés politiques ont été coordonnées avec les initiatives

locales pour créer une synergie favorable et inscrire la Politique de la ville dans « une

démarche de projet de proximité » On aperçoit donc que « ces pratiques révèlent des besoins

importants d’intervention en amont et en complément de la régulation assurée par les

institutions régaliennes. » [Union Sociale pour l’Habitat, 2011].

Eric Lenoir, un chargé de mission à la Délégation interministérielle à la ville, annonçait

que « depuis les années 1980, de nombreuses initiatives ont été portées par les citoyens eux-

mêmes. Ainsi, il y a en France plus de 1000 femmes-relais dont l’intervention vise à faciliter

l’accès des publics à leurs droits et aux services publics et à favoriser leur intégration sociale

et culturelle. » Mais cette dynamique ne s’arrête pas là. « Ces initiatives ont d’abord reposé

sur une démarche citoyenne et bénévole, puis des emplois de vacataires, ou reposant sur des

emplois aidés, se sont créés. » [Rencontre nationale des acteurs de la ville, 2000]. On se rend

compte que la médiation sociale n’a pas été une mise en application d’une directive

ministérielle. Au contraire, elle est née à partir de pratiques citoyennes pour ensuite être

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formalisée à une échelle professionnelle et intégrée à des dispositifs de veille à la sécurité et à

la tranquillité publique. Dans les années 2000, des milliers d’emplois jeunes au sein du

programme « nouveaux services, nouveaux emplois » ont été mis en place suivis de la création

de 10 000 postes d’adultes-relais ce qui peut être vu comme une reconnaissance des premières

velléités citoyennes au sujet de métiers de médiation sociale et culturelle. Pour Eric Lenoir,

« ces mesures sont destinées à encourager le travail des associations qui reconstituent le lien

social, améliorent le dialogue et assurent une meilleure intercompréhension entre les usagers

et les institutions ». En complément, lors de l’entretien réalisé avec Marie Henni, responsable

du pôle Développement Social Urbain Paris Ile-de-France chez le bailleur social ICF Habitat

La Sablière, on examine clairement que l’intervention sociale des quartiers est effectivement

régie par la mise en synergie de moyens humains et concrets dans les quartiers. En effet, elle

affirme avoir « d'abord travaillé dans le milieu associatif dans les années 90 sur le dispositif

« emplois jeunes » en dirigeant une association qui avait recruté tout un tas de médiateurs,

partagés et mutualisés entre différents partenaires » [Annexe 1] avant de recourir à des postes

de direction et de responsabilité. On observe donc que la médiation sociale fait le lien entre le

terrain et les institutions pour que les deux sphères puissent s’emboîter voire s’influencer.

Pour lui, « la médiation ne doit pas faire écran entre les publics et l’institution, mais doit au

contraire faciliter l’adaptation et la modernisation de celles-ci. » [Rencontre nationale des

acteurs de la ville, 2000].

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3. De quelle manière les bailleurs gestionnaires œuvrent-ils

pour améliorer la gestion de leurs résidences ?

3.1 Porter le projet de la direction dans les résidences.

3.1.1 Une péréquation financière dans l'espace et dans le temps pour assurer le

développement de la société.

A l’image de la médiation sociale qui réclame une analyse sur plusieurs niveaux, le

monde du logement social se positionne également sur différentes échelles. Nous allons

passer en revue les enjeux qui intéressent directement les directions territoriales des

organismes gestionnaires afin de comprendre les tenants et les aboutissants du logement

social. Tout d’abord, il s’agit de mettre en perspective les objectifs recherchés par les filiales

HLM reconnues comme sociétés d’utilité publique, en dehors de leurs compétences de terrain

et leurs missions de proximité.

ICF Habitat est dirigé par une holding qui assure la cohérence de la stratégie de

l’ensemble de ses filiales ou de ses directions territoriales. Cette holding définit la politique du

groupe, fixe les objectifs, impulse les grands projets communs et favorise les échanges de

bonnes pratiques entre filiales. Ces filiales possèdent le statut juridique d’Entreprises Sociales

pour l’Habitat (ESH) et elles garantissent la proximité avec les partenaires et les résidents via

un réseau d’agences territoriales.

L’entreprise d’habitat social ICF Habitat La Sablière, filiale de la holding, est localisée

exclusivement sur la région Ile-de-France et représente 34 300 logements et 3 200 foyers ou

résidences sociales répartis sur quatre directions territoriales. Celle qui gère les logements de

Villeneuve-Saint-Georges est la direction territoriale du département de l’Essonne et du

département du Val-de-Marne, nouvellement fusionnée, dont le directeur territorial est Salah

Lounici. Il nous rappelle que son agenda, et les missions qui sont rattachées à son poste de

responsable territorial sont de « réfléchir et animer la stratégie de la société au niveau local

c'est-à-dire depuis la holding, notre maison mère située à Paris, dans sa filiale dans laquelle

je travaille, ICF Habitat La Sablière, et ensuite de décliner cette stratégie sur les

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territoires. ». Ainsi, on se rend compte que des enjeux descendants impliquent des choix et

des stratégies en interne de la société. Outre l’animation du réseau institutionnel pour financer

et localiser les prochaines opérations de constructions de logements sociaux (en lien avec les

collectivités, les maires, les présidents d'EPCI, les commissaires, ou encore les conseillers

généraux), Salah Lounici se doit de « donner la possibilité à la Sablière de continuer de se

développer sachant que l'objectif de développement pour le territoire sud, c'est construire

entre 200 et 250 logements par an. » En effet, pour que les bailleurs sociaux puissent suivre

des engagements politiques en termes de logement, les possibilités de financement passent

directement par les ressources propres de la société, le paiement des loyers par les locataires,

même si des dispositions extérieures aident au financement (notamment la participation des

employeurs à l’effort de construction (PEEC) appelé aussi le 1% logement). On parle ainsi de

« péréquation » dans la mesure où « les nouvelles constructions vivent et sont entretenues par

des résidences plus anciennes que l'on a fini d'amortir ou en fin d'amortissement. […] Toutes

les recettes servent à financer les programmes de constructions.» [Annexe 2]

Le bailleur social se différencie des promoteurs privés car le bailleur « ne construit pas

pour vendre au maximum avant la construction » alors que le promoteur, « avant l'année de

parfaite achèvement, revend et va sur un autre territoire » pour confier la problématique de

gestion à un tiers. Donc si l’on met de côté le volet construction et investissement du bailleur

social, et que l’on s’intéresse à l’entretien et à la gestion courante des sites (gardiennage,

nettoyage, travaux de remise aux normes …), on s’aperçoit que la logique de péréquation

entre les sites est également à l’œuvre. Depuis la réorganisation, et donc à la mutualisation des

moyens financiers entre deux départements, Salah Lounici affirme que « c'est plus facile de

faire des arbitrages financiers car j'ai une masse plus importante, ce qui veut dire que je peux

plus facilement faire des choix lors de difficultés techniques imprévues, une chaudière qui

casse par exemple ». L’idée est donc de pouvoir allouer des ressources financières

spécifiquement là où les besoins apparaissent les plus urgents. En effet, il s’agit selon lui de

« mettre en synergie les moyens nécessaires selon les endroits et de mettre en place des

dispositifs plus allégés. C'est ce que font les pouvoirs publics d’une certaine manière ».

[Annexe 2] Ainsi, la péréquation et l’économie d’échelle semblent être les modèles

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économiques choisis pour entretenir le patrimoine existant et de ses perspectives de

développement.

Salah Lounici revient même sur les impératifs et la vision qu’il s’est donné en tant que

gestionnaire patrimonial. Il explique l’enjeu d’entretenir le patrimoine sur le long-terme pour

que la société dans laquelle il travaille puisse pérenniser ses investissements et recueillir des

marges de développement suffisantes pour planifier l’avenir de la structure. « Moi j'ai

conscience de travailler pour mes successeurs, de la même façon que les programmes qui

sont en œuvre actuellement ont été initiés par mes prédécesseurs. J'aime bien cette idée de

chaîne, de transmission, de passage de témoin. » Comme le secteur du logement social est un

secteur marchand pour des biens immobiles (le logement), il affirme qu’il est important que

tous les bailleurs s’inscrivent « dans la continuité. […] Mon rôle à moi est de transmettre ce

patrimoine dans un meilleur état que je l'ai reçu, c'est mon idéal. Et si je ne pas l'atteindre, ne

pas l’atteindre dans un pire état que l'on ne me l'a donné. A minima, de conforter la qualité

de ce patrimoine. » [Annexe 2]

3.1.2 Une stratégie générale déployée en circuit-court sur les sites patrimoniaux

Malgré ces mécanismes techniques de prospectives économiques et d’équilibre financier,

le bailleur social recherche également une porosité avec son terrain de prédilection : les

résidences sociales. Ce qui est recherché, c’est que les informations transitent le plus

simplement à l’image des recommandations évoquées par Julia Chalmel : « le bailleur a

grandement intérêt à être présent sur le terrain, et à être dans la réactivité et dans la

communication de base (affichage, retours téléphoniques ...) » [Annexe 5]. En effet, la

communication, voici l’atout majeur pour une gestion de qualité des résidences. Comme

l’affirme un des théoriciens de « la nouvelle communication » Paul Watzlawick, « on ne peut

pas ne pas communiquer » [Watzlawick et al, 1972] car la communication est vue comme un

acte social, selon lequel deux interlocuteurs sont en relation d’échange et donc en interaction.

De plus, Jean-Claude Abric précise que « la communication ne repose pas bien entendu sur

la seule expression orale : elle est un système à canaux multiples. Les gestes, les mimiques, la

position corporelle, le silence lui-même sont des actes de communication : ils véhiculent en

effet une communication » [Abric, 2003]. En effet, au sein de la gestion d’un lieu de vie, le

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gardien et le locataire interagissent ensemble, ils sont dans une relation dynamique produisant

un échange d’information. Ce n’est pas un tel (l’émetteur) qui donne l’information à l’autre

(le récepteur) mais il faut comprendre le phénomène comme une dialogue. C’est dans ces

termes que va émerger une compréhension de la situation et un respect des règles établies.

C’est pour cela que la direction d’ICF Habitat La Sablière a choisi de bénéficier d’une

« structuration extrêmement courte ». Salah Lounici témoigne qu’ « on a allongé d'un cran

cette année mais on a mis des décideurs opérationnels sur les sites » afin que l’information

soit « transite entre les employés d'immeuble, les gardiens jusqu’aux responsables de site ».

En effet, François Escande, responsable de site à Epinay-sous-Sénart (département de

l’Essonne), revient sur la logique de cette réorganisation hiérarchique : « en agence, vous

aviez les chefs de secteur. L'inconvénient du chef de secteur était qu'il était assez loin des

réalités du terrain et loin des équipes aussi. Donc, pour un supplément de qualité de service,

et pour un management plus rapproché, plus efficace, on a mis ces responsables de site dans

les résidences ». [Annexe 2] Ainsi, outre un rapport avec son responsable hiérarchique,

l’enjeu est de rendre autonome les professionnels implantés sur les résidences, afin que

l’interaction et la communication avec les locataires apportent un plus en terme de qualité de

service. Salah Lounici formule clairement cette recherche d’autonomie de la part de ses

équipes locales : « cela fait partie de mon job, je pars du principe que j'ai confiance en mes

collaborateurs, et qu'ils appliquent localement ce qui a été décidé plus haut dans la société et

que je leur ai demandé d'appliquer […] Mais en cas d'urgence, il n'y a pas de hiérarchie. Il

faut que l'information passe le plus vite possible. J'ai des gardiens qui ont mon portable

comme moi j'ai le leur. On travaille dans la réciprocité. » [Annexe 2]. Seul problème, ce sont

les ajustements organisationnels importants à entreprendre et qui nuisent à la qualité de ce

rapprochement professionnel/locataire. Mr Escande regrette qu’« aujourd'hui on est pris dans

des tâches administratives beaucoup trop importantes. Ce n'est pas que moi qui le dis, mes

collègues l'affirment aussi, et je pense qu'il y a une prise de conscience. Le résultat, c'est que

moi, en tant que responsable de site, je vois moins mes gardiens qu'avant. Je passe mon temps

de travail à fabriquer des commandes. Là je dirais que le virage a été mal négocié » [Annexe

3]

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34

Cette démarche de proximité est aussi l’apanage des responsables de directions,

totalement détachés des sites en termes de locaux mais ils souhaitent être davantage sur le

terrain afin de mettre en place les actions et les projets dont ils ont la charge. Marie Henni,

responsable de la direction Développement Social Urbain, raconte que « l'idée n’est pas de

rester derrière notre bureau, c’est vraiment d'aller toujours sur le terrain, à la fois sur le

quartier pour vraiment s'imprégner du quotidien, de la vie de la résidence, être en contact

avec les gardiens, et de ce contact, avoir un état des lieux, savoir tous ce qui se passe en

permanence et puis faire passer un certain nombre de messages et de pratiques. Aussi être

auprès des équipes de proximité, des directions territoriales et des administratifs pour aussi

s'imprégner des problématiques en cours de manière à ce que l’on puisse proposer des

projets qui en terme de calendrier coïncident ». [Annexe 1]

3.1.3 Une gestion de projet au service du moyen-long terme

L’ambition managériale de rapprocher les effectifs sur le terrain est un point fort de la

structuration de travail d’un bailleur social. Néanmoins, en dehors de la stratégie de

développement de l’entreprise, de l’entretien des sites et d’un management plus rapproché, il

y a un point que nous n’avons pas encore abordé, celui de la gestion de projet. Dans le but

d’atteindre une qualité de service plus efficiente, le bailleur social met en jeu des actions et

des projets qui structurent ses objectifs (dont les principaux objectifs sont l’amélioration du

cadre de vie, les paiements des loyers, la diminution des actes de malveillance, le maintien

des populations au sein des résidences).

Ces aspects concernent en premier lieu les missions confiées à la direction

Développement Social Urbain des bailleurs sociaux dans le sens où leurs missions traitent de

sujets de fond, dans un souci de sensibiliser les populations résidentes aux respects des règles

de vie. C’est à travers un projet défini, construit en lien avec les locataires habitants, et vécu

de manière collégiale que le développement social urbain souhaite faire passer des messages

sur le bien vivre ensemble. C’est une approche qui se situe toujours dans l’interaction avec

l’autre mais plus particulièrement à travers des actions collectives, des réunions de

concertation afin que les locataires se sentent investis et donc moteurs dans les projets. Marie

Henni exprime parfaitement cette distinction de procédé et de temporalité par rapport à la

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gestion courante des résidences : « On ne réfléchit pas de la même manière quand on est en

gestion de projet qu’en gestion courante. […] Sur le terrain, on n’a pas toujours le temps de

réfléchir sur des aspects techniques et relationnels et on n’a pas forcément le temps et la

vision à long terme pour pouvoir le faire. Tandis que sur le développement social, on est

vraiment sur du projet. » D’ailleurs quand on lui pose la question de ses motivations

professionnelles, Marie Henni, qui vient du milieu associatif et de la médiation sociale,

prétend avoir voulu rechercher au sein d’un bailleur social des missions « transversales » à

partir des réalités de terrain en restant toujours sur le volet « accompagnement » des locataires

et en abandonnant la simple « vision de gestionnaire » exercée par les bailleurs sociaux

traditionnels. [Annexe 1] De ce point de vue, la gestion de projet recherche la mise en

cohérence de la politique du bailleur, en prenant comme socle de références les habitudes de

vie des locataires et les comportements à risque qui supposent être accompagnés.

Voici ce qui est possible dans la théorie mais malheureusement dans la pratique, la mise

en place de projet est très dépendante de l’ambition du gestionnaire et des budgets qui y sont

alloués. Notamment, puisque le bailleur ne détient pas toutes les ficelles et les compétences

pour mettre en œuvre ses principes d’actions, il choisit des structures prestataires et pilotera

avec celles-ci les opérations sur le terrain. Couleurs d’avenir est justement ce type de

structures opérationnelles qui aident à la mise en place d’actions. Selon les besoins, d’autres

structures partenaires intègrent le projet et il en va de composer avec les réalités de chacun.

Comme l’affirme Julia Chalmel, coordinatrice de projet : « Pour bien travailler sur un

territoire, cela dépend de la vision des acteurs sur les projets et que chaque partenaire y

mette du sien. Ce qui m'embête le plus dans ce travail, on perd en crédibilité. On vient avec

nos bonnes intentions mais cela ne suit pas toujours. Le rapport avec le bailleur peut être

compliqué s'il n'y a pas une réelle volonté derrière. » On s’aperçoit que le projet est

dépendant de la qualité d’investissement des partenaires mais aussi de la volonté et l’ambition

du bailleur social dès le départ. En effet, quand on lui demande comment elle juge l’efficacité

des bailleurs dans le cadre de la gestion de projet, elle répond : « Ça peut être parfois faussé,

parce que des bailleurs veulent avoir une réelle volonté d'améliorer les conditions de vie sur

leur résidence et de faire en sorte que les locataires vivent mieux, avec une vraie fibre

sociale. D'autres, c'est plus ou moins, je vais utiliser un mot un peu fort mais c'est d'être un

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peu hypocrite dans le sens où c'est surtout de désamorcer la bombe sans une réelle

considération des locataires. Ça dépend vraiment du site, de la politique du bailleur. »

[Annexe 5]

3.2 La gestion courante et les indicateurs de gestion

3.2.1 Le rôle central des indicateurs de gestion

Dans ce chapitre, nous évoquons le nerf de la guerre des bailleurs sociaux : les indicateurs

de gestion. Comme son nom le stipule, les indicateurs permettent de faire des comparatifs, de

quantifier des faits, de regarder l’état du patrimoine et de le comparer à ce qui a précédé. C’est

donc à travers une méthode très rationnelle que les bailleurs sociaux utilisent des instruments

de mesures à la hauteur de ce que les dégradations, et les actes de maintenance coûtent. Marie

Henni, présente le rôle des indicateurs de gestion de la manière suivante : « Notre cible, il n'y

a pas uniquement que la satisfaction des locataires mais c'est aussi pour nous un patrimoine

qui vit bien. » En effet, il faut comprendre ce raisonnement de la façon où un patrimoine

entretenu réclame un entretien actif et donc un respect des équipements de la part des

locataires. Lors de la livraison d’un chantier, les résidences sont propres, et une attention

particulière est apportée à ces espaces mais à l’inverse, un patrimoine ancien et délabré ne

réclame plus un respect sans faille de la propreté des locaux puisque chaque dégradation ou

saleté se remarque moins. Il y a donc tout intérêt pour les bailleurs sociaux de préserver la

qualité de leurs espaces communs afin d’éviter un délabrement avancé. Comme nous l’avons

précédemment vu, en termes de développement social urbain, les indicateurs de gestion sont

aussi au centre des critères pour déterminer oui ou non s’il est nécessaire d’investir de

manière plus approfondie le cadre de vie de certaines résidences. Pour Marie Henni, les « taux

des gestions qui ne sont pas satisfaisants (taux de vacances, d'impayés) sont des indicateurs

que l'on regarde pour la bonne gestion de notre patrimoine » et elle examine aussi les

« budgets d'entretiens courants qui sont plus importants que la moyenne du fait du

vandalisme, de l'insécurité et autres » afin de déterminer le cadre de son intervention. Selon

elle, l’enjeu de travailler sur les indicateurs de gestion est intéressant « de manière à voir à un

instant « t » où on se situe, l’année d’après on en est où, est-ce que la situation s'est

améliorée ou pas ? [...] Qu’on ait vraiment une lecture annuelle des principaux indicateurs

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nos activités. » Elle démontre dans le même temps que ces indicateurs peuvent s’améliorer si

et seulement si les locataires sont intégrés au projet d’amélioration du cadre de vie de leur

résidence, thématique centrale des projets de développement social urbain : « S'il y a une

bonne ambiance sur la résidence, que ça se passe bien, c'est forcément des budgets qui

dégonflent, moins de vandalisme, un patrimoine qui est mieux entretenu, des logements qu'on

n’a pas du mal à louer car commercialement ils sont intéressants. On a tout intérêt à ce que

les locataires prennent soin de la résidence et s'impliquent. C'est aussi une bonne gestion de

patrimoine pour nous ». [Annexe 1]

Afin que les indicateurs de gestion guident le travail des professionnels de proximité, des

objectifs clairement établis leur sont clairement communiqués. Voici donc un des modes de

réponse de la part de la direction. Ces objectifs sont tirés directement des bilans de l’année

précédente afin d’améliorer certains aspects. Abri Koré, gardien hautement qualifié sur une

résidence de Villeneuve-Saint-Georges, nous a affirmé que « la Sablière a mis en place une

prime variable pour encourager le gardien à atteindre ces objectifs. Il ne faut pas oublier que

le bailleur est une société. Il faut que les loyers rentrent. Aujourd’hui, mon objectif à moi, je

l'ai atteint parce que quand je suis arrivé, au début du mois, on avait 30% des loyers qui

étaient payés, maintenant on va jusqu'à 80%. Pour moi, c'est le premier de nos objectifs. Mais

on ne peut pas seulement rester là-dessus. Les gens payent leur loyer donc il faut un suivi de

qualité derrière. » [Annexe 4] En effet, l’encouragement passe par un avantage sur le salaire

des gardiens, à l’instar des procédés de management les plus répandus de nos jours. On peut

ainsi observer que le monde du logement social ne déroge pas à ces règles. Julia Chalmel, de

son côté, remarque que les missions pour lesquelles Couleurs d’avenir est missionnée

répondent à ces impératifs de gestion : « Pour les missions de types alimentaires avec juste de

tri sélectif, le premier but du bailleur, c'est simplement de faire en sorte que la résidence

fonctionne mieux au niveau des poubelles. Mais par contre, pour les projets un peu plus

longs, globalement ce que le gestionnaire veut voir en priorité, c'est l'amélioration de ces

indicateurs de gestion. [...] Les indicateurs de gestion, ça en fait partie puisque dedans il y a

le nombre de problèmes techniques relevés, les impayés, etc. .... Le bailleur, ce qui l'intéresse

aussi, c'est que l'argent y rentre, mine de rien. » [Annexe 5] Voici le deuxième type de

réponse que la direction semble apporter. Quant à Salah Lounici, il évoque les potentialités de

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péréquation et de répartition de l’encadrement humain pour redresser une situation

problématique, correspondant en quelque sorte à un troisième type de réponse que les

bailleurs sont en capacité de mettre en œuvre pour améliorer leur indicateurs de gestion : « Le

ratio est d'un gardien pour 100 logements. Et parfois c'est un peu moins. Après ça dépend. Il

y a des résidences où la rigueur on mettrait un gardien pour 300 logements, ça irait bien. Car

les gens sont plus attentifs à leur cadre de vie. Et puis, il y en a d'autres où il faudrait un

gardien pour 75 logements. Une fois que les choses sont redevenues au vert, les moyens

humains et financiers que l'on a consacrés, on peut les répartir sur des sites qui connaissent

aussi des difficultés similaires ». [Annexe 2]

3.2.2 Accueil des locataires et traitement des réclamations

Les loges de gardiens. Il apparait vraiment important sur un site d’avoir un relais ou un

interlocuteur rapidement à disposition quand un problème survient. Ce n’est pas anodin de

mettre l’importance à ce niveau car il existe des résidences, si nouvelles soient-elles, où le

gardien est seulement joignable par téléphone alors que sa présence physique est vivement

souhaitée par les locataires. Abri Koré évoque sa fonction de gardien comme un intermédiaire

qui fait « le lien entre les locataires et l'agence. Beaucoup de locataires viennent nous voir,

nous disent leurs problèmes et on essaie de faire le lien avec l'agence. » Ce qui est mis en

avant par la direction du bailleur : le gardien joue le rôle de premier interlocuteur du bailleur.

C’est-à-dire que bien qu’il y en ait d’autres, les premières réclamations transitent par le

gardien qui fera le nécessaire pour traiter la demande. A cette échelle de relais, il y a aussi

également différents niveaux de responsabilité : « Ici, il y a 311 logements. Aimé est

gardienne qualifiée et moi je suis hautement qualifié. Donc, on essaie d'organiser le boulot en

fonction. On a aussi des employés d'immeuble qui doivent gérer tout ça. Les 311 logements,

on les gère ensemble mais je m'adonne plutôt au côté technique et Aimé gère plutôt le volet

administratif. [...] Hautement qualifié, c'est un échelon au-dessus. Hautement qualifié peut

gérer une équipe. Moi, j'ai des employés d'immeuble, je peux leur donner des ordres. »

[Annexe 4] Pour les questions opérationnelles, les gardiens travaillent en corrélation directe

avec leur supérieur afin que le traitement des réclamations transite directement d’un poste à

un autre. François Escande explique que les gardiens ont besoin de « saisir des réclamations

dans un outil informatique qui s'appelle GDC (gestion des commandes), de me les

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transmettre, et donc je fais un bon de commande, que je transmettrai aux fournisseurs, qui

répondront plus ou moins bien. » [Annexe 3]

Alors que la recherche d’efficacité semble être mise en pratique, on se rend compte que le

temps du locataire n’est pas le temps du professionnel et que les réclamations dépassent les

possibilités d’agenda et d’organisation de travail des professionnels, du gardien aux cadres de

la société. Marie Henni a évoqué avec sincérité qu’ « on a des gens autour de nous qui

demandent beaucoup et nous, on n’a pas forcément le temps pour la gestion courante, la

gestion des incidents techniques. La qualité de service est toujours mise en avant, c'est positif

mais on n’a pas forcement de disponibilité de pouvoir répondre à l’appel de la journée, de

répondre un courrier du jour au lendemain. » [Annexe 1] Face à cette situation, Julia Chalmel

se souvient d’une expérience heureuse où la méthode de travail avait justement réussi à

contrer ces difficultés d’emploi du temps au bénéfice de la qualité de service du bailleur

social : « Le bailleur doit améliorer leur gestion au quotidien sur les aspects techniques et

doit communiquer bêtement sur tout ce qu'il fait. C’est d'avoir une transparence complète. Je

prends l'exemple de Quincy-sous-Sénart, où l'on a un responsable de site qui connaît tous les

locataires, et répond au plus vite sur toutes les difficultés. Leur système de gestion des

problèmes techniques, le locataire a un problème, il appelle et dans la semaine il reçoit une

réponse, positive ou négative. [...] Le bailleur est présent, à l'écoute, participe aux actions

etc.... [...] On sait que derrière les référents sont complétement en lien avec le bailleur, et ils

peuvent désormais continuer le travail avec les partenaires sans nous. Il fallait juste

reconnecter un peu tout cela. » [Annexe 5]

3.2.3 Le niveau de satisfaction des services et de la qualité des services rendues

Justement, en terme de qualité de service, même s’il n’est pas évident d’assurer une

présence, une réponse ou une réparation aussi simplement que les locataires le souhaiteraient,

il est difficile de reprocher les avantages qu’offre une institution reconnue d’utilité publique

tel qu’un bailleur social. Quand on pose la question à Mme De Andrade, locataire-référent

(nous préciserons ce terme dans les prochaines parties) comment elle juge sa nouvelle relation

avec le gestionnaire maintenant qu’elle est dans un logement public, elle répond : « Dans le

privé, on le voyait très peu, si ce n'est quand il y avait un problème, et encore ... Alors qu'ici,

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je pense que l'on peut mieux accéder au bailleur, quand même. Bien qu'ils soient des fois un

peu longs à répondre ou pas répondre du tout, on peut quand même discuter. » [Annexe 6] Il

y a donc un bénéfice à mettre en avant une qualité de service, encore plus dans la mesure où

les locataires attendent de ce fait davantage de leur gestionnaire. Salah Lounici parle même de

contrat moral qu’il partage avec chaque locataire afin de préciser l’enjeu que représente la

qualité de service pour lui : « On a donc besoin d'avoir des relais, idéalement dans chaque

logement, car j'ai un contrat avec chacun des locataires. C’est comme un mariage, c'est

ordonné. Ils doivent des choses, je dois des choses, tout est prévu. » Pour prévenir des

situations de malentendus, il affirme que « le client, le locataire s'inscrit dans l'immédiateté et

parfois on ne peut pas répondre. […] Il appartient à la Sablière, pour commencer à leur

premier interlocuteur qui est le gardien de dire au locataire qu'il y a des choses qui sont à

votre charge et puis il y a des choses qui sont de notre ressort. Quand c'est le cas, on le fait et

si on ne peut pas le faire tout de suite, il faut l'expliquer au locataire (problème d'appel

d'offre, de contrat, d'assurance ...). » [Annexe 2] Il apparait donc nécessaire d’expliquer l’état

de la situation avant que les locataires ne fassent remonter leurs frustrations. A ce sujet,

François Escande met en évidence les mécontentements des locataires dans le sens où les

mécanismes de résolution des problèmes sont à des moments inadaptés ou pas assez rapides :

« Il y a des enquêtes de satisfaction qui font ressortir que les locataires sont mécontents du

traitement de la réclamation. Et donc au fil des enquêtes, il ressort que la réclamation est mal

traitée, qu'elle n'est pas traitée de façon satisfaisante et en ressort également que les gens

sont moyennement satisfaits des prestations des entreprises. Le client n'influence pas, n'a rien

à dire sur la prestation. Il ne fait que subir. » Pour expliquer ces points de blocage, François

Escande revient sur le fonctionnement du bailleur social et des contrats qu’il partage avec les

entreprises techniques prestataires : « On a ce souci-là, des entreprises qui travaillent bien,

d'autres un peu moins d'où un rallongement des délais et donc le mécontentement du

locataire. » [Annexe 3]

En parallèle à ce problème, on s’aperçoit également que le métier de gardien s’est

aujourd’hui professionnalisé, cadré par la législation du travail comme un emploi en tant que

tel, avec des heures de travail bien définies, des jours de compensations et même des primes

de réussite. Auparavant, la fonction de gardien ne répondait pas aux mêmes principes, avec

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une part de bénévolat, d’investissement personnel et elle apparaissait comme une figure clé du

quartier. Ce constat n’est pas seulement l’affaire des gardiens d’immeuble, il l’est également

des médecins généralistes, ou même du postier. En d’autres termes, ce sont les métiers de

relations sociales qui changent, et ils sont désormais intégrés à des procédés davantage

technocratiques. Quand on pose la question de savoir comment se passait le gardiennage

auparavant à Mme Pelletier et Mme Nuguet, deux locataires-référents sur Villeneuve-Saint-

Georges, il n’est pas surprenant de les entendre dire ceci : « On avait deux bonnes gardiennes

quand même. […] C'étaient des gardiens qui étaient énergiques, qui se faisaient respecter.

Les locataires respectaient! Ils avaient un petit peu peur du gardien. Ca a changé depuis le

départ de la gardienne. » [Annexe 7] Mais ce récit n’est pas seulement prononcé par des

locataires qui regrettent le temps qui passe. Salah Lounici évoque pareillement cette

impression: « J’ai connu des résidences où c'était le gardien qui organisait la fête de sport, la

fête des voisins ... déjà c'étaient des gardiens qui s'investissaient directement sur des missions

à caractère social sur la résidence mais la nouvelle génération de gardien est un peu

différente. » [Annexe 2] La nouvelle génération de gardien est différente depuis que des

formations spécifiques existent, répondant à savoir gérer les critères prédominants du

logement social, à savoir les indicateurs de gestion. Abri Koré semble certain que ce sera de

cette manière que l’on améliorera l’accueil et la réactivité des professionnels de proximité :

« Maintenant, on voit de plus en plus de personnes qui viennent d'un CAP gardien

d'immeuble mais moi je ne connais pas. J'avais formé des stagiaires gardiens d'immeuble qui

sont passés par le CAP gardien d'immeuble mais je ne vois pas ce qu'ils ont fait de fabuleux

dans cette formation. Pour moi, c'est sur le tas qu'il faut apprendre. C'est vrai qu'au niveau

de la Sablière, je ne connais pas les autres bailleurs, mais il y a pas mal de formations,

parcours d'intégration sur un mois. Mais on apprend donc beaucoup plus sur le métier par le

terrain ». [Annexe 4]

3.3 Les missions du développement social du bailleur

3.3.1 Développement social urbain: une mission qui dépasse les compétences

classiques d'un bailleur

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En parallèle des mécanismes de gestion traditionnelle assurés par les équipes

opérationnelles des bailleurs sociaux, on s’aperçoit que le champ du social et du temps du

projet s’insèrent pas-à-pas dans la politique de gestion des résidences. Mais qu’est-ce que le

social ? Cette notion est largement utilisée à travers des champs d’application très variés (la

justice, la philosophie, la sociologie …) tout en étant communément l’expression de

l’existence de relations entre les vivants. Emile Durkheim, sociologie français et père

fondateur de la sociologie moderne, a théorisé le « fait social » comme un liant qui relie les

individus entre eux jusqu’à faire de la société et du collectif un noyau indivisible tant la

solidarité est importante au sein de cette société [Durkheim, 1900]. Il examine clairement ce

qui fait société, en tout cas, il questionne ce lien qui nous unit de la manière où nous avons

des bases référentielles en commun pour communiquer, se comprendre, et partager (codes

symboliques de ce qui est de l’ordre du bien ou du mal par exemple) dans un cadre

organisationnel précis (c’est-à-dire au moment où il est possible de s’exprimer, d’échanger et

de construire lors d’élection par exemple). [Durkheim, 1895] Cette vision sociologique

perdure encore de nos jours, notamment à travers le postulat que défend Jacques Donzelot

dans son ouvrage « Faire société, la politique de la ville aux Etats-Unis et en Europe » où

l’enjeu est de maintenir cette cohésion sociale entre tous les membres d’une nation afin que la

solidarité continue à perdurer. Par ailleurs, la notion du social est aussi perçue par d’autres

intellectuels comme un mot-valise où l’on accorde trop d’importance à la compréhension,

voire à l’empathie des actes. En effet, pour Friedrich Hayek « l'adjectif social est devenu un

mot qui ôte à toutes les expressions tout sens clair ». Il critique en particulier la

déresponsabilisation induite par l'utilisation à outrance du terme social, au détriment de la

responsabilité des individus libres [Hayek, 1957].

Ceci étant, le développement social urbain s’inscrit aujourd’hui davantage dans des

démarches de dynamiques collectives pour que les effets sur les résidences soient partagés et

compris par le plus grand nombre. Mais ce procédé est relativement nouveau. L’histoire du

logement social a tout juste un siècle (en prenant comme référence les Habitats bon marché

des années 1930) et ce n’est que récemment que des professionnels spécialisés dans

l’intervention sociale accordent de l’importance à investir les résidences d’habitat social.

D’ailleurs, le champ de social n’est pas isolé de ce point de vue puisque c’est l’ensemble des

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métiers du logement social qui se retrouve en mutation. Mme Nuguet se souvient à ce sujet de

la différence de régime entre notre époque et quelques décennies plus tôt : « Non, mais avant

les bailleurs, on ne les voyait pas! [...] Ca ne s'appelait pas "chef de secteur", c'est nouveau

ces noms-là. On ne voyait personne! » [Annexe 7] Une vision beaucoup plus intégrée des

résidences est maintenant affirmée. Marie Henni revient même sur les fondamentaux qui

sécurisent la vie des individus, dont le logement fait partie des besoins basiques de la

pyramide de Maslow [Annexe 8] : « On gère un évènement de leur vie qui est primordial,

c’est le logement. C'est un des piliers du développement personnel, du bien-être. Quand on

n’est pas bien chez soi pour un certain nombre de raisons (conflit de voisinage, gros

problèmes d'humidité) ça a des répercussions sur sa vie personnelle, sur sa vie

professionnelle. » Elle perçoit ainsi un glissement de procédé qu’il est important de rendre

compte, dont l’interpénétration des compétences dans les organismes de gestion semble être

davantage assurée : « Déjà, de bien gérer notre patrimoine, c'est la base mais aller au-delà de

notre métier, ce sont les missions du développement social qui se développent chez les

bailleurs » avec une importance accordée à la qualité de vie : « Et des indicateurs de qualité

de vie (sentiment d'insécurité, absence de lien social, isolement, difficultés psychologiques

détectées). » Comme on l’aperçoit, les champs d’intervention des bailleurs sociaux s’ouvrent,

recherchent une cohérence d’action et de prise en charge, afin de véhiculer des valeurs et des

modes de vie compatibles au bien vivre ensemble (à l’image, dans une moindre mesure, de

l’éducation nationale ou de la famille, deux instances de socialisation des individus). Selon

Marie Henni « les locataires et les municipalités attendent beaucoup de nous en tant

qu'acteurs de proximité. » [Annexe 1] Il est vrai qu’actuellement les bailleurs sociaux

partagent une responsabilité sociale avec d’autres acteurs de la vie locale ou d’autres

structures de soins et d’accompagnement où ils prennent en main « des dysfonctionnements

concernant la vie quotidienne des habitants, de la prévention de la délinquance, et de

problématiques spécifiques telles que les troubles psychiques, les handicaps ou le

vieillissement, aux côtés des collectivités locales, des acteurs locaux de la sécurité urbaine et

des gestionnaires de services urbains. » [Union Sociale pour l’Habitat, 2011]

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3.3.2 Diagnostic territorial: une connaissance des réalités sociodémographiques et

des acteurs du territoire

Pour assurer une intervention de qualité, il est important d’accorder d’un point de vue

méthodologique un temps à l’étude et à la connaissance du terrain. Les diagnostics

territoriaux sont caractéristiques des nouvelles actions sur les territoires afin de mesurer avec

justesse le niveau d’implication nécessaire. Pour les résidences d’habitat social, on parle

spécifiquement de diagnostic de vie locale puisque le lieu de vie regroupe un ensemble

d’acteurs qui contribuent à la vie de la cité. On évoque également des diagnostics

dynamiques, qui doivent être sans cesses réactualisés selon les nouveaux usages des

équipements de la part des locataires, et suivre ainsi le bon fonctionnement de la résidence. En

terme pratique, Marie Henni accorde une place centrale à l’élaboration de ces diagnostics par

l’équipe interne du bailleur puisque la connaissance des sites est la première condition de

toutes interventions : « Ce sont les chargés de développement qui sont chargés de faire le

diagnostic de territoire. [...] Le temps du diagnostic permet aussi de faire tout le travail

de « je m'intègre dans un territoire ». On fait connaissance des partenaires et autres. [...]

Pour moi le diagnostic, ça prend plusieurs mois et le temps qui est nécessaire pour le

produire, c'est autant de temps de gagné pour mettre en place des actions. » Corrélativement,

on pense le diagnostic comme une première étape dans la gestion de projet. La présentation de

sa structure, de son fonctionnement, des interlocuteurs clés et l’élargissement du réseau de

partenaires constituent des temps d’appropriation du terrain et du cadre de l’étude afin

d’opérer par la suite des actions les plus solides possibles. Marie Henni évoque ce phasage de

projet allant du diagnostic aux actions et perspectives du projet : « On est en train de faire les

premiers diagnostics et ils proposeront des actions à court terme, à moyen terme et à long

terme. Pourquoi pas aussi des visions de projet d'investissement longs urbains et du court

terme aussi pour petit à petit modifier les comportements. » [Annexe 1]

3.3.3 Le lien social et la convivialité, la clé des projets de développement social

« Moi je n'ai pas vocation à animer le quartier mais je sais que c'est un prétexte à une

rencontre avec les habitants. La fête des voisins, ce n'est pas moi qui l’aie inventé, mais c’est

notamment notre travail avec Couleurs d'Avenir. » [Annexe 2] Quand on écoute les propos de

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Salah Lounici, on est en droit de se demander pourquoi les fêtes de quartier, prétextes pour

recréer du lien social, ont le vent en poupe et sont perçues comme des prérogatives d’actions à

réaliser. Pour revenir aux fondements de ce que constitue le lien, il est nécessaire de percevoir

le glissement que nos sociétés modernes ont opéré sur le socle de la solidarité. Emile

Durkheim avait défini un entrelacs de solidarités entre celle appelée « organique » et celle

nommé « mécanique » [Durkheim, 1893]. De la famille à la société, ces deux sphères

expliquent comment on est passé de la société traditionnelle, de ses communautés locales, du

partage de valeurs communes et de règles collectives, à la société moderne. Aujourd’hui,

c’est majoritairement « la solidarité organique » qui oriente notre union à travers une

complémentarité et une interdépendance des individus et notamment une évolution des liens

sociaux dans un contexte d'individualisation croissant [Paugam, 2008]. Les liens sociaux sont

cassés dans la mesure où la famille n’effectue plus son rôle d’intégration comme auparavant,

laissant certains individus à la marge d’un marché du travail concurrentiel. En d’autre terme,

la solidarité est entachée et il semble important de renouer avec les liens de solidarité

interpersonnels suivant les principes de « la réciprocité bienveillante » de Pierre Rosanvallon

[Rosanvallon, 2011]. Norbert Elias utilise la métaphore du filet pour nous expliquer les enjeux

stratégiques qui se cachent derrière l’idée de faire du lien social : « Un filet est fait de

multiples fils reliés entre eux. Toutefois ni l'ensemble de ce réseau ni la forme qu'y prend

chacun des différents fils ne s'expliquent à partir d'un seul de ces fils, ni de tous les fils eux-

mêmes ; ils s'expliquent uniquement par leur association, leur relation entre eux. » [Elias,

1991]. On s’aperçoit ainsi que c’est par « la relation » que s’effectue le lien auquel les

évènements festifs ou les réunions de concertation contribuent.

D’une autre manière, bien qu’il soit rattaché indéniablement au principe du lien social, le

convivialisme d’Alain Caillé s’inscrit nettement dans le cadre des missions des bailleurs

sociaux évoquées précédemment. En réponse à un effondrement des repères du progrès

(croissance en berne et surtout une limitation des ressources énergétiques et de l’empreinte de

l’Homme sur la planète), Alain Caillé propose de procéder à une véritable « révolution

morale » c'est à dire de contribuer à la diffusion d'une nouvelle morale à vocation universelle.

Cette nouvelle morale (élément central de la recherche de la « vie bonne » qu'est le projet

« convivialiste ») contribuera à ce que les hommes renoncent à vouloir toujours plus

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matériellement et leur garantira, en contrepartie, de pouvoir bénéficier de la reconnaissance

minimale dont ils ont besoin pour donner un sens à leur vie [Caillé, 2011]. Ces propositions

sont d’une part très ambitieuses mais elles ne sont pas moins une ligne directrice ou un projet

de développement possible d’inscrire à l’échelle de la vie locale. C’est notamment ce qui est

recherché, à travers ce que dit Marie Henni, quand on invite les habitants à participer au projet

de leur résidence : « On va en effet rechercher la mobilisation d'autres habitants. La

mobilisation, ça peut être je prends une part active en réunion, je viens et je propose des

idées, [...] où ça peut être simplement de consommer entre guillemet les activités proposées

et de jouer le jeu du lien social. Notre objectif, c'est aussi de faire en sorte que les gens se

rencontrent et se parlent et ne soient pas isolés sur leur résidence. » [Annexe 1]

3.3.4 Les limites de l'intervention sociale du bailleur

Malheureusement, alors que le bailleur social est sollicité de toute part comme acteur

légitime pour intervenir sur ses résidences, améliorer les rapports entre les locataires et

organiser une gestion collective des sites, il n’est pas rare de voir se rompre les clés de cette

ambition. Comme le fait remarquer Salah Lounici, « nous sommes dans un environnement

juridique de plus en plus contraint mais j'allais dire que ce qui est le plus facile pour nous, ce

sont des réclamations plus faciles à traiter car il suffit de mobiliser de l'argent. Par contre, on

est sollicité pour des choses qui vont au-delà du métier du bailleur, et qui sont de garantir

une tranquillité, une jouissance paisible des lieux loués à nos locataires et puis la pérennité

de nos immeubles. Nous sommes sollicités pour des problèmes […] pour lesquels les outils

juridiques mis entre les mains du bailleur sont limités. » [Annexe 2] En dehors de ces outils

juridiques, on se rend bien compte que la participation ne se décrète pas, qu’elle se construit

pas à pas, avec des méthodes adaptées prenant en compte l'ensemble des personnes. Mais ce

désir nécessite du temps et des moyens humains afin de redonner de la confiance et de l’envie

chez les locataires. Marie Henni revient sur les difficultés qu’elle perçoit sur les sites en

termes de participation : « On n’habitue pas les gens à sortir de chez eux aussi facilement.

[...] Ce n’est pas évident de venir une heure sur une table à passer deux heures réunion de

pas maîtriser le vocabulaire, de maîtriser les tenants les aboutissants, des enjeux. C'est un

peu compliqué. » [Annexe 1] Mais d’un point de vue encore plus critique, ce qui fait défaut à

certain moment, c’est le niveau d’implication des acteurs jugé assez faible de la part de Julia

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Chalmel pour garantir des améliorations palpables : « Le monde des bailleurs m'a un peu

étonné. Pour moi, un bailleur social a une vocation sociale comme son nom l'indique que l'on

ne retrouve pas forcément chez tout le monde et l'approche n'est pas toujours la même selon

les bailleurs, selon les projets etc... [...] . Les bailleurs ont parfois un budget à attribuer à

certaines actions, des actions sociales. Il n'y a pas forcément de projet derrière. Ce côté-là,

me gênait un peu. Je ne vois pas forcément l'intérêt. » [Annexe 5]

A la suite de cette étude, nous observerons les réponses que l’on peut apporter pour

favoriser une gestion équilibrée et inclusive d’une résidence. Avant cela, nous allons nous

placer au cœur de la vision des locataires afin de comprendre ce qui les motive, ce sur quoi ils

adhérent dans la perspective de se rapprocher le plus possible de leurs attentes.

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4. Quelles sont les conditions préalables pour éveiller les

habitants à la démarche de médiation?

4.1 La proximité, les particularités & le lien social

4.1.1 Les attentes prioritaires des locataires: s'occuper de "chez moi, dans mon

logement"

Comme nous l’avons précédemment évoqué, le bailleur social met en place un système de

gestion des réclamations personnalisé pour que les problèmes soient traités le plus rapidement

possible. Cela fait partie de la qualité de service qui leur est demandée d’assurer. Mais d’une

certaine manière, il n’est pas aisé de concevoir le modèle de location sur lequel le bail

gestionnaire/locataire est défini. En effet, le locataire d’un logement social se retrouve à

devoir dialoguer avec un organisme moral et non pas simplement avec une personne

physique, comme c’est la majorité des cas dans la location privée. Pour réduire cette distance

et surtout ces freins d’entente entre les deux parties, on remarque qu’au moment de l’entrée

dans le logement, une personne chargée de l’accueil fait le premier lien avec les nouveaux

entrants pour expliquer comment fonctionne le gestionnaire ainsi que sa relation clientèle.

Mais cela ne résout pas moins le face-à-face préexistant entre la singularité d’une personne et

le fonctionnement administratif d’une société.

Ceci étant dit, les locataires se posent en majorité des questions qui ont trait à l’intérieur du

logement dans la mesure où il y a un certain nombre de règles réclamées par le bailleur à

devoir respecter (les droits et les devoirs des locataires) pour éviter des mauvaises surprises.

Pour faire simple, on retrouve des locataires qui sont dépossédés de moyens d’actions puisque

chaque travaux ou entretien demande un avis ou un accord de la part du bailleur. C’est dans

ce sens que le bailleur se retrouve confronté, dans la majorité des cas, à devoir répondre à des

problèmes individuels comme le fait remarquer François Escande : « La plupart du temps, on

vient nous voir pour des soucis techniques dans les appartements. Et dans une bien moindre

mesure, pour des troubles de voisinage. » [Annexe 3]. En effet, il y a une différence

d’appréciation de la part des habitants entre ce qui les concerne directement, leur problème de

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tous les jours et les sujets plus éloignés (par exemple les troubles de voisinage comme il est

évoqué plus haut, et d’une moindre mesure, leur implication au sein des projets

d’amélioration de la résidence). Une enquête de satisfaction des locataires de 2012 pour le

patrimoine ICF Habitat La Sablière du Val-de-Marne, affirme à propos des logements que

« les critères critiqués sont toujours les mêmes : le fonctionnement des équipements du

logement, l’état des sols, l’isolation phonique et thermique. » [INIT, 2012] A partir de là,

Julia Chalmel confirme que les locataires ont besoin d’avoir des réponses concrètes sur ce que

les concerne avant d’envisager un investissement plus approfondi : « Ce que je remarque, la

première chose, c'est que les locataires sont d'abord concernés par leurs problèmes

personnels. [ …] C’est tout de suite l'amélioration de vie "chez moi, dans mon logement".

Souvent la première chose, avant d'investir dans une action collective, d'investir dans la

gestion de la vie de la résidence, c'est "je veux une amélioration directe de mes conditions de

vie" et souvent les premières réclamations portent sur des problèmes techniques. » [Annexe

5]

4.1.2 Proximité géographique des responsables de site, et rôle social de l'institution

"office HLM" dans les quartiers

Il existe une forte corrélation entre la proximité des professionnels et la perception des

locataires sur la qualité de service. Et cet aspect, le bailleur social le comprend et œuvre pour

aller dans ce sens. Salah Lounici remarque le rôle central qu’occupe le bailleur dans des

quartiers où les services de proximité courants et les institutions ne sont plus présents: « Moi,

j'ai parfois l'impression que la dernière relation que détiennent certain locataires dans des

quartiers sensibles, c'est son gardien, c'est son bailleur. Moi j'ai le souvenir de la Seine-Saint-

Denis où la dernière institution présente dans un quartier, c'est le bailleur social. Et même

quand ça n'allait pas, nos bureaux d'accueil étaient encore ouverts. […] On était la dernière,

on va dire "institution", car on exerce un sous-contrôle de l'Etat. » Et cette présence réclame

des moyens, des compétences, du personnel formé pour répondre à des exigences de

locataires qui se retrouvent dans une détresse sociale. Il se souvient d’une anecdote au sujet

d’institutions de l’Etat sans moyens pour assurer un encadrement et une présence digne des

autorités publiques: « Je me souviens d'un discours à Drancy lors d'un CLSPD (Conseil Local

sur la Sécurité et la Prévention de la Délinquance), où la demande du commissaire, ce n'était

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pas d'avoir des policiers en plus, mais il voulait qu'on lui mette dans le commissariat des

conseillères sociales, des intervenants sociaux car il disait "moi, quand tous les services sont

fermés le week-end, le seul endroit d'ouvert est le commissariat". Il disait "moi j'ai des

personnes qui viennent, notamment le Samedi, et mes policiers ne sont pas formés à l'écoute."

On les forme à faire des procédures, à assurer la tranquillité publique mais on ne le forme

pas à entendre le discours de femmes battues ou de personnes complétement perdues devant

leurs papiers ». [Annexe 2] C’est donc aussi dans un cadre d’écoute et de veille sociale que

l’on attend la mise en place de services de proximité du bailleur.

En tout état de cause, les locataires utilisent les services mis à leur disposition comme le

fait remarquer à juste titre Abri Koré quand on lui pose la question de l’arrivée sur la

résidence du responsable de site : « L'arrivée du responsable de site sur la commune, c'est

important pour les locataires. Lorsqu'ils ont leurs doléances à faire, ils vont directement à la

loge centrale. Ils savent très bien qu'ils ont quelqu'un sur le site. C'est ça qui est très

important pour les locataires. Pour nous, les gardiens, ça ne change pas grand-chose. »

[Annexe 4] Et même si ce n’est pas directement sur place, les professionnels estiment qu’il est

important de maintenir une disponibilité d’écoute et de conseil si les demandes se font

directement par téléphone ou par courrier, comme le souligne Salah Lounici : « Les clients

quand ils écrivent, on part du principe qu’ils ne le font pas exprès. S'ils demandent un rendez-

vous chez le directeur, c'est qu'ils ont mal quelque part et il faut que je les écoute et que je me

rende disponible pour eux parce qu’ils ont des choses à dire. Peut-être ce qu'ils ont à évoquer

est rapide et simple, je leur expliquerai ce que le gardien aura sûrement dit dix fois. Mais si je

le fais, c'est que c'est important. » [Annexe 2]

4.1.3 A la rencontre de l'humain avant de réfléchir au projet

Ainsi face à cette attente, le locataire témoigne un besoin de reconnaissance de ses propres

réalités. Couleurs d’avenir est missionnée par les bailleurs sociaux pour effectuer un lien avec

les locataires à travers les visites conseils, ou plus simplement les visites de courtoisie. Ce qui

est fortement apprécié par les locataires, c’est que l’on vienne vers eux, via le porte-à-porte,

ce qui permet dans le même temps aux professionnels de la médiation d’échanger avec tout le

monde (notamment les personnes non captives, que l’on qualifie d’invisibles). Ce sont des

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moments privilégiés à créer pour que les paroles des locataires soient correctement entendues,

pour qu’ils soient mis dans une position de confiance (ça se passe chez eux, dans un

environnement dont ils ont la maîtrise). C’est en tout cas un des moyens les plus efficaces

comme l’affirme Julia Chalmel quand elle entreprend un rôle de médiation : « Un bureau,

c'est bien mais être en contact avec les habitants, c'est le plus important. [...] Ce contact avec

les habitants, au sein de leur habitat, de les rencontrer directement chez eux, je pense que

c'est une porte d'entrée pour pouvoir réussir dans nos projets parce que nous sommes

proches d'eux tout simplement, et que l'on est dans leur réalité, même si on n'y vit pas. »

[Annexe 5] C’est donc aussi un temps de veille sur ce qui se passe dans la résidence, afin de

compléter sa perception du site et de réactualiser de manière dynamique la vie locale.

Mais cette rencontre avec l’humain qui se cache derrière chaque locataire peut aussi être

effectuée en dehors des logements, notamment lors des réunions publiques ou des animations

festives. Le but de cette manœuvre est simplement de faire du lien, et une fois que ce lien est

créé, il faut réussir à l’investir et à le faire perdurer. D’un point de vue comique, Salah

Lounici se souvient des réunions de quartier dans lequel il s’est investi et à la suite desquelles

les locataires se souviennent de lui. Mais néanmoins, il remarque que ce n’est pas viable

d’intervenir de manière isolée comme lui-même le fait (suite à des contraintes de temps et de

lieu pour un directeur territorial) car derrière cela, la relation de confiance ne peut pas

fonctionner : « Ça me gêne parce que des fois on fait des réunions, on discute avec des gens

et quand j'y retourne un an après, les gens se rappellent de moi mais moi je ne me rappelle

plus d'eux. Je trouve cela un peu gênant car ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas cette

réciprocité-là. » [Annexe 2] Toutefois, les locataires savent réclamer mais ils apprécient les

efforts et le caractère privilégié que les professionnels font à leur égard comme le font

remarquer Mme Pelletier et Mme Nuguet : « On lui a demandé d'avoir une réunion avec lui

pour dire tout ce qui ne va pas. Il a mis du temps pour nous répondre mais il a décidé le jour

où il y avait la réunion au Sellier. Il est venu discuter avec nous […] Il s'est mis entre les

locataires et il s'est mis à parler avec nous… Il aurait pu se mettre avec les autres bailleurs

mais non, il est venu avec nous, j'ai trouvé ça sympa! » [Annexe 7]

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4.2 Fournir une réponse à la hauteur des attentes du bailleur

comme des locataires

4.2.1 La légitimité des locataires en tant que clients ayants-droit à une qualité de

service

Dans une relation marchande lambda, ce qui prévaut est majoritairement la satisfaction du

client. Il n’est pas rare de voir des locataires se plaindre de la qualité du service d’un bailleur

social, en comparant avec une autre société, là où ils ne jugeaient des dysfonctionnements

notoires. D’ailleurs, ce qui est important pour un bailleur pour juger de la qualité d’un site est

d’examiner le taux de rotation des logements. Comme pour la médecine, c’est une manière de

prendre la température d’un corps malade ou d’un corps sain. Comme le témoigne Marie

Henni, « c’est leur cadre de vie et ils y tiennent » et ils utilisent les moyens de pression qu’ils

ont à disposition. Il n’est pas rare d’entendre des locataires utiliser l’argument de leur

règlement des charges locatives (réservés essentiellement pour les services extérieurs, le

fonctionnement des équipements collectifs, maintien de la propreté et de la qualité du cadre de

vie) afin de réclamer leurs droits de bien vivre dans un environnement sain. En effet, comme

le confirme Abri Koré : « Les attentes des locataires sont principalement de vivre dans un

environnement sain. Ils mettent la pression sur la Sablière lorsque quelque chose ne va pas.

[…]. Les attentes des locataires, c'est qu'ils payent. Le problème c'est qu'ils ne sont pas

d'accord. Il faudrait que la Sablière fasse un certain nombre de travaux. Même si ce n'est pas

dans le logement, ne serait-ce que dans les parties communes. » [Annexe 4]

En tout état de cause, ce qui importe pour les locataires, c’est d’avoir devant eux des

professionnels efficaces et réactifs au moment où les réclamations sont annoncées. Quand on

leur pose la question, « en tant que locataire, qu'est-ce qui vous met en confiance de la part

d'un professionnel? », la plupart ont répondu l’efficacité, à l’image de Mme De Andrade :

« L'efficacité! Moi si je vois que j'ai signalé un problème et que trois ou quatre mois après, il

n'y a rien de fait, automatiquement la confiance ne s'installera pas. [...] Sur les diagnostics en

marchand par exemple, je veux bien que l'on prenne des notes mais il faut quelque chose

derrière. Il n'y a jamais rien eu. » La variable sur laquelle le bailleur semblerait devoir faire

attention est la temporalité d’exécution. Mme Nuguet et Mme Pelletier témoignent à ce sujet :

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« Quand on demande quelque chose, il faut attendre. […] Il ne faut jamais être pressé.

Jamais, jamais ... » [Annexe 7] Il y a donc une relation de cause à effet entre le temps de

traitement et le niveau de satisfaction des locataires dont certains d’entr’eux n’hésitent pas à

contourner la hiérarchie, à l’image de Mme De Andrade : « On nous dit qu'il faut passer par

le gardien, ce qui est tout à fait normal. Par contre, si je voyais que l'on demande quelque

chose et que ce n'est pas fait, ça c'est clair que j'irai directement plus haut. » [Annexe 6]

4.2.2 Une assise administrative efficace mise à disposition de l'équipe locale

Si les locataires jugent l’implication des bailleurs sociaux par leur efficacité, ce qui est tout

à fait normal par ailleurs, il est nécessaire de mettre en œuvre les moyens en conséquence.

Outre le rapprochement du responsable de site au sein de la résidence, selon un « managérial

rapproché », ce sont bien des formations et de l’organisation des loges de gardiens ainsi

qu’un meilleur échange de l’information qu’il s’agit pour améliorer le service. Ce que

remarque Julia Chalmel, c’est qu’il est vraiment important que le bailleur se montre proche et

à disposition des locataires : « Ce qui ressort souvent, c'est le problème de communication

avec le bailleur. Les locataires ne comprennent pas tout, ils ne sont pas informés de tout.

Même si le bailleur fait des choses, ils ne le savent pas ou ils ne le voient pas et ils demandent

un peu plus de proximité du bailleur sur la résidence. Plus d'implication, de considération de

leur gestionnaire. » [Annexe 5] A titre d’exemple, lors du rachat du site de la Sablière en

2011 à Epinay-sous-Sénart, l’environnement professionnel des gardiens n’était pas apte à

assurer une bonne gestion de la résidence. Une des gardiennes du site, Rita Belize, a félicité

cette nouvelle approche managériale avec la venue de François Escande sur son site : « C'est-

à-dire que Mr Escande est arrivé pile poil dans la mesure où c'est un rachat de la Sablière.

C’est un petit peu du bricolage. Maintenant qu'il est là, on a plus l'assise d'ICF, en tant que

responsable et intermédiaire ». [Annexe 3]

Cette présence sur le territoire demande néanmoins une connaissance particulière des

habitants et qu’il y ait un maintien de l’équipe locale dans la durée. Mme Pelletier évoque

cette succession du personnel : « On en a vu tellement des professionnels, gardiens et gérants

de site. Moi j'en ai vu défiler un paquet. » [Annexe 7] D’un côté, les mobilités

professionnelles sont de nos jours plus faciles, à l’avantage de l’épanouissement des

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personnes qui travaillent, mais d’un autre côté, ces changements pénalisent l’implication et le

suivi des dossiers. Mme De Andrade n’oublie pas de s’exprimer à ce propos : « Je ne sais pas

ce que vaut Mr Toumi (gardien) à l'heure actuelle. Honnêtement, avec Mme Dubois et

Monsieur Konieskny, on se laisse le temps de voir, même avec Mme Pelletier et les référents

d'en face, on se laisse le temps quand même de quelques mois pour voir s'il est efficace ou

pas. […] Ils changent de site, certes ça les change mais il n'y a pas besoin d'un an pour

prendre les marques. » Il y a donc un intérêt à ce que les gardiens les plus experts des sites

soient maintenus sur la même résidence afin de garantir une cohérence. Il serait à ce sujet

intéressant de réfléchir à des logiques de promotion professionnelle tout en gardant la

personne en question sur la résidence. Rita Belize parle de son collègue comme une personne

ressource pour le quartier puisqu’il a l’habitude de traiter avec les habitants : « Cette

expérience-là fait de lui un gardien bien qualifié parce que moi je connais quelques locataires

mais je ne suis pas encore enracinée, tandis que lui, il l'est vraiment. » [Annexe 6]

Par contre, en terme d’efficacité, la mise en place des procédures administratives peut

impacter négativement la rapidité et donc la qualité du travail des professionnels. Comme le

prétend François Escande, pendant le temps de traitement administratif, il n’est pas

opérationnel sur le terrain : « C'est cette lourdeur administrative. Moi je fais des commandes

... ça prend du temps, c'est l'utilisation d'un bordereau, d'un marché à bon de commande. Une

commande c'est aussi derrière une facture à traiter. Ca a quand même du coup réduit

l'impact intéressant que peuvent avoir les responsables de site qui travaillent à la loge des

gardiens. » Le locataire n’a pas clairement conscience de ces rouages et donc ils réclament un

intérêt et une disponibilité du personnel. Abri Koré évoque la qualité de son travail de gardien

de la manière suivante : « Tout simplement, dans mon expérience, je sais qu'un gardien est

bien vu lorsqu'il se déplace, lorsqu'il s'occupe des problèmes des locataires. Un gardien qui

reste à la loge, qui ne bouge pas, et qui dit "oui, j'ai compris" ... le locataire, lui il paye son

loyer donc pour lui, il réclame que ce soit fait derrière. Une fois que le problème est rentré

dans la GDC et que le bon de commande est envoyé, c'est à toi, gardien, de mettre la pression

sur la société pour que le problème soit traité le plus rapidement possible. » [Annexe 4] On

s’aperçoit donc que les professionnels doivent lutter contre les longueurs de traitement eux-

mêmes pour qu’ils aient rapidement réponse aux questions des locataires.

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4.2.3 Communication et transparence: savoir expliquer et mettre en perspective les

choix

En terme de communication, il est important de se rendre compte d’une chose, notamment

évoqué par Marie Henni : « le temps du professionnel n'est pas forcément le temps de

l'habitant. » [Annexe 1] A partir de cette juxtaposition temporelle, il est donc important de

réfléchir à ce qui assure tant bien que mal cette compréhension des attentes des uns (les

locataires) et les enjeux des autres (les professionnels). A ce propos, Salah Lounici propose

ceci: « A la rigueur, ce que l'on dit que l'on va faire, il faut le faire! La confiance, elle ne se

donne qu’une fois et quel que soit les métiers. Après, c'est aussi expliquer. Par pour se

dédouaner, mais simplement expliquer. » Justement, et si tout transitait clairement par

l’explication ? Et si l’explication et l’usage de la parole étaient délivrants ? Ce postulat, on

peut philosophiquement le rattacher à une citation de Francis Ponge : « il faut à chaque

instant se secouer de la suie des paroles [...]. Une seule issue : parler contre les paroles. »

[Ponge, 1948]. En réponse à ce point de vue, condamner la parole ne serait pas une solution

non plus, parce que condamner la parole, c'est condamner les rapports humains, donc

l'humanité (en tant que cohésion). Aussi faudrait-il travailler vers une réhabilitation de la

parole tout en ayant conscience des enjeux et dangers qu'elle représente. La réhabilitation de

cette parole créerait les conditions d’un véritable dialogue, au sens étymologique du Grec

ancien dia-logos : « la parole qui traverse ». C’est justement vers cette perspective de

transparence et de mouvement qu’il s’agit de s’orienter afin de mieux calibrer les

informations. Dans un certain sens, c’est par l’authenticité du propos que l’on peut arriver à

mieux communiquer. Salah Lounici semble œuvrer dans cette direction : « En tout cas, c'est

de dire que la parole des habitants, des locataires est importante, elle mérite d'être entendue.

Mais c'est aussi notre travail à nous de dire "ah bah non, ça ce n’est pas à nous de le faire

...." Car nous, on vient nous voir, et on doit régler tous les problèmes. » Cette parole peut

être vraiment la raison de mettre tous les éléments d’information en relief, de faire

comprendre ce qui se joue et de les impliquer au sein des tenants et des aboutissants de la

gestion d’une résidence : « Il y a des locataires qui vont dire qu'ils n'ont rien à faire des

autres résidences, je les comprends....Je sais que vous n'entendez pas le discours mais votre

cage d'escalier, je ne vous dis pas que l'on va jamais la faire, mais qu'elle n'est pas prioritaire

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par rapport à ce que je connais moi de la situation du patrimoine d'aujourd'hui mais sur le

budget de l'année prochaine, on va l'inscrire et je m'engage à ce que ça passe en priorité sur

le budget de l'année suivante. » [Annexe 2] Ce procédé met donc en avant une meilleure

compréhension des évènements, et semble correspondre directement aux attentes des

locataires, comme le fait remarquer Julia Chalmel : « Ce que le locataire apprécie, c'est une

présence directe, qu'il y ait quelque chose qui se passe. Concernant ses problèmes

particuliers, ce qu'il attend ce sont des réponses. Pas forcément toujours des réponses

positives et qu’il ait ce lien qui se créé. Souvent, il n'a pas toujours les réponses et qu'il est

assez souvent dans la frustration. C'est ce lien avec le bailleur qu'il demande. Il attend

forcément de la disponibilité, des réponses à ses questions. » [Annexe 5]

Par contre, ce procédé d’explication n’est pas sans faille. Encore faut-il que les éléments

d’information désirés soient communiqués régulièrement ? Il s’agit aussi de partir sur des

bonnes bases, où l’ensemble connaisse bien le cadre de la discussion et de l’échange. Les

locataires ont un lien avec le bailleur, sous la forme d’un contrat moral bilatéral qui explique

les engagements, les droits et les devoirs de chacun. Pour que l’échange fonctionne, il faut

que tout le monde joue le jeu. Abri Koré n’hésite pas à parler d’ « assistanat » pour décrire

l’environnement de travail et de respect de ces règles : « L'assistanat, c'est au niveau de la

répartition des droits et des devoirs des locataires. On essaie d'expliquer au locataire "telle

chose à votre charge, telle chose à la Sablière". Ce n'est pas tout le temps évident. Ils savent

très bien que c'est à eux de le faire mais ils souhaitent faire intervenir la Sablière. Pour moi,

c'est ça l'assistanat. » [Annexe 4] Pour éviter ces dérives, il faudrait pouvoir impliquer les

habitants directement dans les projets et les dossiers d’investissement de la résidence à

l’image des comités de résidence que Couleurs d’avenir met en place (détaillé dans la partie

suivante). Mme De Andrade réclame ce type de rendez-vous, ne serait-ce pour se sentir

entendue et reconnue comme habitante : « Mais, quand même, ça serait bien, une fois par an,

mettons, qu'il vienne voir, en fonction des travaux qui ont été faits. Moi je trouve que ça serait

dans son rôle. » [Annexe 6]

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4.3 Se reconnaitre comme habitant, non pas simplement locataire

4.3.1 Un déficit d'appropriation des espaces de vie, à l'image des cités dortoirs

Les résidences sociales comme nous l’avons remarqué ne sont pas propices à des

investissements personnels de la part des locataires. Cela s’explique notamment par des

changements de locataires importants d’un côté (le logement social est seulement perçu

comme un logement de transit) et de la consternation de la situation des résidences de la part

des locataires plus anciens. Mme De Andrade confirme cette situation : « On a l'impression

que les gens ne se bougent pas! Les gens ne se bougent pas, alors peut-être parce qu'il n'y a

pas de propositions non plus. […] Alors que c'est vrai que les nouveaux n'ont pas forcément

envie de s'investir avec le voisin. » [Annexe 6]. Les résidences d’habitat social, à l’image des

cités dortoirs ou même des cités de transits des années 1970, sont-elles vouées à cet échec ? Il

n’est pas clairement établi, sauf si une étude le confirme, que les liens sociaux soient plus

intenses dans les autres typologies de logements, notamment dans le privatif ou dans la

copropriété. Au contraire, historiquement c’est dans les quartiers les plus populaires que l’on

retrouvait le plus de liens et de solidarité. Depuis le début de cette étude, l’idée principale qui

est véhiculée est justement de faire du lien pour que les sites soient mieux appropriés par les

habitants. Malheureusement, le constat est amer quand on entend François Escande au sujet

du site d’Epinay-sous-Sénart : « Pour la partie relationnelle, ce que l'on peut quand même

noter, c'est le désintérêt des habitants pour la vie des immeubles. Il y a quand même une

grosse indifférence. On n'a pas du tout l'impression que les gens se soient appropriés leur lieu

de vie. Donc, il y a Couleurs d’avenir qui est là pour essayer d'un petit peu de faire du lien,

etc .... Mais je pense que nous sommes loin du compte. » Il explique même la relation de

causalité qui existe entre le manque d’appropriation des lieux de vie et le niveau de

délabrement des sites : « J'ai le sentiment que quand on va dans des sites comme ça difficiles,

le désintérêt est en rapport avec la difficulté du site. Finalement, les personnes ne se plaisent

pas dans l'immeuble, ont envie de partir et finalement elles ne vont pas s'engager et s'investir

dans la vie des immeubles. » [Annexe 3].

Les avancées de notre modèle de société déconcertent de plus en plus les habitants de

leur lieu de résidence. Non pas que l’intérêt de se sentir bien quelques part est moins fort,

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mais une des explications réside plutôt dans le fait que l’on a élargi les points d’intérêts dans

une société de plus en plus mobile, dont l’espace de vie n’est pas au centre de toutes les

attentions. Il y a un désintérêt pour des choses que l’on ne pense même pas nous appartenir.

L’enjeu est de taille pour renverser la vapeur comme l’évoque aisément Salah Lounici : «Les

anciens disent "avant, c'était mieux, tout le monde était respectueux", le gardien avait une

autorité, ce n'est plus le cas car nous sommes dans une société qui a évolué par certains

côtés, avec un côté individualiste, un peu de "je m'en foutisme". Lorsque l'on discute avec

certains locataires nous disent "je jette les ordures, ça fera travailler votre gardien", c'est un

raccourci. Il y a un côté qui est un peu irrationnel. […] Je pense que c'est assez frustrant

d'intervenir sur les résidences alors que les habitants prennent très peu en considération le

travail accompli par le collaborateur concerné. » [Annexe 2]. A l’inverse, il existe des

locataires qui ne désarment pas, comme Mme De Andrade qui explique sur un ton comique :

« Avec Joselyne, on se dit même que le week-end on va mettre une casquette de flic. On

inspecte tout. » [Annexe 6]. En effet, Salah Lounici met en avant les responsabilités que

chacun se doit de tenir face à leurs propres réclamations : « Les locataires veulent des choses,

mais moi aussi je veux des choses. La question est: qu'est-ce que l'on fait pour cela? Ils

veulent de la tranquillité. Qu'est-ce que eux ils veulent faire pour assurer cette tranquillité?

Je rappelle que moi je ne vis pas dans la cage d'escalier, ni mon gardien, c'est rare. Il faut

qu'ils soient acteurs et c'est pour cela que depuis je vous le disais, moi plus que des

locataires, je recherche des citoyens. » [Annexe 2]

Cette idée du citoyen dont parle Salah Lounici est analogue à la fonction que Couleurs

d’avenir donne aux locataires-référents sur les résidences. Le principe qui a été retenu à ce

sujet est de trouver des personnes ressources, qui connaissent bien le quartier et les voisins

dans le but d’effectuer un relais entre les attentes des locataires et les processus de décision et

de suivi de dossiers des bailleurs sociaux. En d’autres termes, en étant des locataires référents

ont redevient délégué de classe. Mme De Andrade en fait partie : « nous, en tant que référent,

on a vraiment envie de s'investir pour que la résidence soit agréable, mignonne et que l’on

n’ait pas de problèmes. » Elle a choisi cette fonction car elle le dit : « J’aime assez jouer sur

le terrain de vie. J'aime assez m'occuper des autres […] si je peux aider quelqu'un, j'aime

assez le faire. » Ce qui est également recherché est de préserver une richesse de lien dans les

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halls d’immeuble, que la vie d’un tel ne passe pas inaperçue afin que les voisins ne tombent

pas dans l’oubli : « Moi quand je vois un autre problème dans l'autre immeuble, tout de suite

je vais faire le lien. Mais je reconnais que je m'occupe plus particulièrement de mon

immeuble. » [Annexe 6]

4.3.2 Favoriser une prise de conscience citoyenne afin d'être acteur de son quotidien

Comme nous l’avons déjà entrevu, la participation et l’investissement personnel ne se

décrètent pas. Par contre, créer les conditions pour leur avènement est quelque chose de plus

probable. Salah Lounici est d’une certaine manière le chef d’orchestre pour près des 10 000

logements dont il a la charge. Pour cela, il souhaite investir les habitants d’une fonction

citoyenne comme le maire d’une commune réclame un investissement et une participation de

la part de ses électeurs. Cela n’est pas le plus facile à obtenir selon lui : « Mais plus que ce

patrimoine, entretenir de la technique c'est facile. C'est plus entretenir la relation avec les

habitants. On parle de médiation parce que moi j'ai conscience que l'on a des locataires alors

que moi je voudrais retrouver des citoyens. » Salah Lounici ne souhaite pas en effet tout

résoudre par des finances et du budget (bien qu’il faut encore en avoir les moyens). Il

recherche activement des forces vives pour que les problèmes n’appellent pas d’autres

problèmes mais au contraire, mettre en place un cercle vertueux d’appréciation des lieux et

d’investissement personnel : « Et les choses à faire, ce n'est pas seulement en répondant par

la politique du chéquier, je vous ai dit que c'est simple de faire un chèque, mais il faut aussi

avoir conscience que toutes ces dépenses sont payées par le locataires et que l'on peut mettre

en difficultés un certain nombre d'entr’eux, surtout dans cette période de crise, et donc de

travailler à rappeler à chacun de nos clients qu'avant d’être des locataires, ce sont avant tout

des citoyens. Qu'ils sont acteurs de leur propreté au quotidien, acteur de leur tranquillité au

quotidien. » [Annexe 2].

Il est important pour lui de créer les conditions de la participation en mettant sur un même

pied d’égalité le locataire et le professionnel car ce qui les lie est tout simplement un contrat

de bail signé, basé sur la confiance mutuelle : « Dans la confiance, il faut aussi rappeler

qu'avec le locataire, on est des partenaires. Il y en a, ils vont être des partenaires pendant

quelque mois, d'autres pendant des années. » Son expérience dans ce domaine d’activité, qui

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est de loger des gens à des prix défiant toute concurrence, n’est pas basé sur le conflit ou sur

des points de blocage. Au contraire, le nécessité d’être dans l’argumentation oblige à écouter

l’autre et à dépasser des situations problématiques : « Je n'ai pas d'adversaire, je n'ai pas

d'ennemis, après on peut avec avoir des atomes, on peut sympathiser, avoir de l'empathie etc.

... par contre, je n'ai pas d'adversaire. » [Annexe 2].

4.3.3 Proposer un cadre de dialogue incitatif pour l'ensemble des locataires

Dans une résidence sociale, une diversité de locataires vit ensemble, avec des points de

vue et surtout des manières de communiquer bien différents (que ce soit par la langue parlée

ou par la perception des éléments d’information). Cette diversité constitue un frein à la

participation de chacun des locataires. Mais avant de vouloir que les personnes s’expriment, il

semble logique que d’abord les professionnels les écoutent de manière physique d’une part

(ce à quoi servent les visites conseils) mais aussi de manière physiologique d’autre part (les

capacités, les rythmes, les cadences) pour que l’ensemble soit rassuré. C’est ce que met en

avant Julia Chalmel lors de ses conceptions de projets et d’activités avec des publics variés :

« Cette relation de confiance va se créer aussi à travers l'écoute des différentes particularités

de chacun. Je pense au groupe de séniors que l'on peut les fidéliser si on s'adapte à leur

rythme de vie et une proposition d'activités en lien avec leurs exigences et leurs besoins. »

[Annexe 5] Il s’agit aussi de déplacer le point de vue du professionnel, de passer d’une

relation de « face à face » à une relation de « côte à côte » avec les habitants. Cette capacité

très « orientale » à se déplacer vers l’univers de l’autre porte en Chine le nom de « Zou ». Elle

repose sur un effort et un « lâcher-prise », c'est-à-dire un abandon de ses propres

préoccupations pour s’ouvrir à celles de l’autre. [Nantes habitat, 2011]

Lors des réunions de concertation, on a bien vu également que des locataires ne sont pas

encouragés à venir y assister du fait du manque d’assurance et de maîtrise des outils de

langage que cela nécessite. Comme le stipulait Marie Henni, il suffit de « jouer le jeu du lien

social » pour que le processus soit amorcé. Néanmoins, cela ne suffit pas à faire venir les

personnes les plus réfractaires à cette idée de se mélanger, de sociabiliser et de témoigner.

Mme De Andrade détient dans sa vie privée les deux facettes des locataires : d’un côté, elle-

même locataire-référent bavarde avec son képi de gendarme, de l’autre côté, son mari qui

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pense ne pas maîtriser le français (alors qu’en réalité ce n’est pas le cas) et qui s’occupe des

affaires de la résidence dans l’ombre : « Mon mari, ce n'est pas qu’il ne s’en intéresse pas. Je

lui fais un compte-rendu de ce qui se dit. Bien qu'il parle et comprenne très bien français,

pour lui, c'est quand même une barrière. Mon mari part toujours du principe "toi, tu parles

bien français!" [...] Par contre, il me donne des idées en fonction des sujets abordés. Il aime

bien s'investir mais qu'avec moi. Il aime bien avoir une résidence bien propre. Il est le

premier à râler dès qu'il trouve quelque chose qui ne va pas. Mais aller en réunion, ça sera

plus compliqué pour lui. » [Annexe 1]. C’est donc justement dans ce cas de figure précis que

l’on peut avoir recours à des personnes relais qui témoignent à la place des autres dans une

relation de confiance mutuelle.

Ainsi, à la suite de ces monographies, entre les professionnels gestionnaires et les habitants

locataires, la partie suivante va permettre de mettre en relation ces deux catégories d’acteurs

afin d’enrichir les méthodes d’intervention des médiateurs sociaux au sein des quartiers et

d’évoquer l’environnement institutionnel qui les structure.

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5. Dans quelle mesure la médiation sociale peut-elle favoriser

une bonne gestion d'une résidence ?

5.1 Les interlocuteurs incontournables à la médiation

5.1.1 Dépasser les points de blocage avec les associations de locataires

Les responsables de bailleurs sociaux vivent généralement une situation ambiguë quand il

s’agit de prendre en considération les volontés des locataires, notamment celles stipulées par

les structures d’amicales des locataires. Comme le précise Marie Henni, les amicales des

locataires sont légitimes à prendre la parole et le bailleur social a tout intérêt à instaurer un

dialogue constructif avec eux : « Les amicales, pour nous, c’est vraiment un interlocuteur

incontournable. S’il y a une amicale, on est vraiment obligé de rentrer en contact avec elle.

Représentative ou pas, on a en face de nous des personnes qui ont envie de s'investir sur la

résidence. » Elle souhaite que les relations avec les structures des quartiers fasse même

évoluer les manières de faire des professionnels, pour que la médiation soit effective à ce

niveau : « Il y a certainement plein de chose à améliorer : de la confiance aussi de leur part

mais aussi de laisser le temps transformer nos habitudes de travail, notre organisation. »

[Annexe 1]. Julia Chalmel y trouve un intérêt car en tant que prestataire, quand elle arrive sur

de nouveaux sites, il est agréable de trouver des structures déjà bien organisées et qui suit la

gestion de la résidence : « Les amicales de locataires, dans ce cas, cela dépend de leur

position car elles peuvent être assez réfractaires à toutes nos activités, mais en même temps

très bien s'impliquer. Ça peut vraiment être un véritable appui, si elles sont actives, pour les

concertations des habitants. Elles ont un vécu, une connaissance vue comme des ressources. »

[Annexe 5]. Leur expérience et leur légitimité impliquent une relation partenariale avec eux.

D’un point de vue juridique, une amicale de locataire est une association qui a pour objet de

représenter et de défendre l’intérêt des locataires auprès de différents interlocuteurs :

propriétaires, gestionnaires, commissions de concertation, préfectures, mairies, etc… Lors des

assemblées générales de copropriété par exemple, les représentants peuvent y assister et

formuler des observations sur les questions inscrites à l'ordre du jour, ils ont accès aux

différents documents concernant la détermination et l'évolution des charges locatives et

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suivent les différents aspects de la gestion de l'immeuble ou du groupe d'immeubles via une

consultation du bailleur ou de l'administrateur de la copropriété. [Service-Public.fr, 2011] Les

amicales des locataires sont des associations structurées qui dépendent majoritairement d’un

réseau de fédérations pour faciliter leur fonction de représentation des locataires (la

Confédération Nationale pour le Logement - CNL)

Par contre, les professionnels du logement social se retrouvent aussi fréquemment en

confrontation avec ce type de structure d’association de locataire. Ils affirment que la relation

est biaisée car pour eux le lien qu’ils ont avec une association de locataires est rapidement

biaisée sur le conflit. En guise de comparaison, les amicales de locataires exerceraient un rôle

de contre-pouvoir au sein des affaires de la résidence et perdraient ainsi en crédibilité. Le

sentiment de méfiance à leur égard est donc très répandu comme le signifie Abri Koré : « Je

ne suis pas pro-amicale. Quand on observe les amicales, elles s'affrontent, elles n'ont pas la

même parole que les locataires. Ils se dirigent vers l'amicale le plus souvent lorsque la

Sablière n'arrive pas à résoudre leur problème. Je n'aime pas l'amicale car ça tape sur tout,

sur tous les employés. » [Annexe 4] Julia Chalmel affirme que les associations de locataires

peuvent également s’enfermer dans un rôle non-productif et juste être « dans une démarche

de revendications par rapport au bailleur. » [Annexe 5]. Pour revenir à ce qu’affirmait

Salah Lounici, il est important que chaque locataire soit considéré comme un partenaire à part

entière. Ce qu’il a à dire est aussi important que le reste. Néanmoins, Salah Lounici réclame

que l’échange soit constructif, ce qu’il ne retrouve pas souvent dans ses expériences avec les

amicales de locataires : « Avec les amicales des locataires, on est partenaires mais aussi

adversaires. J'ai connu des situations où l'amicale stipulait "on veut, on veut, on veut ..." et

puis vous "on ne vous doit, on ne vous doit pas". Une fois que l'on a dit ça, il faut que l'on

avance. » [Annexe 2]. Ce qui est reproché d’une certaine manière pour ce type

d’interlocuteur, c’est que les professionnels des bailleurs sociaux réclament avoir en face

d’eux des locataires ressources, des personnes investies qui savent représenter la résidence et

ses habitants. A ce sujet, François Escande perçoit un manque d’intérêt de leur part: « Pour

améliorer un site tel qu'il se trouve ici, c'est de trouver des locataires que l'on appelle

ressources, hors ici on ne les a pas trouvés. Pour moi, on ne peut compter sur personne ici,

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véritablement. A commencer par l'amicale. Dès que l'on veut faire quelque chose, elle n'a

qu'une hâte, c'est de se dérober. [...] Ce n'est pas un relais » [Annexe 3].

5.1.2 Structurer les bonnes initiatives et les dispositions de chacun

A partir du moment où l’information ne passe plus sur une résidence, il faut réfléchir à

l’instauration d’une nouvelle relation de confiance avec les locataires. Comme l’envisage

Julia Chalmel, il faut vraiment conjuguer avec les positions de chaque partenaire, les amicales

de locataires en premier lieu, et essayer de dénouer les nœuds. Si la corde semble vraiment

emmêlée, il s’agit donc de redonner une impulsion, une dynamique à cet investissement des

locataires, notamment en essayant de repérer les personnes ressources du lieu et de structurer

leur investissement pour que cela ne soit pas simplement velléitaire. L’occasion de la

rencontre est donnée au moment des comités de résident ou des réunions publiques de quartier

afin que soit repérés les portes paroles, les personnes dynamiques et investies à la vie locale.

Julia Chalmel revient sur ce processus de mise en place des locataires-référents : « Parmi ces

locataires que l'on rencontre, on essaie d'identifier quelques personnes ressources qui seront

capables par la suite d'être référents, d’être témoins de ce qui se passe dans leur immeuble

pour que l'on puisse effectuer un suivi et en même temps de proposer des réunions avec le

bailleur, pour qu'ils puissent être témoins de ce qui se passe lors de ces réunions et qu'ils

dialoguent en direct avec la bailleur. » [Annexe 5]. Salah Lounici ressent qu’il y a du

potentiel chez certains locataires (disponibilité, sociabilité, altérité, sens de l’engagement …)

car l’enjeu est de cerner des personnes moteurs qui puissent véhiculer une dynamique positive

à leur entourage de palier : « Il y a énormément de personnes qui ne travaillent pas sur la

résidence soit parce qu'ils sont retraités, soit parce qu'ils travaillent à temps partiels, soit

parce qu’ils sont entre deux emplois, soit parce qu'ils sont en RTT ... Je pense qu'il y a des

gens qui peuvent consacrer quelques heures à leur espace et leur résidence. Il ne faudrait pas

que ce soit un peu toujours les mêmes, on se rend compte que c'est toujours un peu les

même. » Pour que l’on puisse structurer un groupe et lancer une dynamique, il faut d’une

certaine façon essaimer, c’est-à-dire partir d’une base restreinte pour que la dynamique ait le

temps de s’installer, et pourquoi pas animer la conviction personnelle d’autres locataires de

s’occuper de leur immeuble. Pour Salah Lounici, il est nécessaire donc de repérer, puis de

structurer ces volontés afin de faire perdurer leurs engagements dans le temps : « J'avais trois

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ou quatre personnes, au moins j’ai cela. Alors faisons le travail ensemble mais simplement

Couleurs d'Avenir c'était un pont vers cette structure. Son travail à l'origine est de susciter les

bonnes volontés existantes dans chacun de nos bâtiments. L'idée de départ est celle des

référents et voyons si on peut aider à les structurer en association, en amicale etc. .... mais

c'était dire, on les aide, il faut que l'on puisse les identifier, que l'on puisse les aider à porter

des projets et ensuite qu'ils prennent leur émancipation. » [Annexe 2] Pour assurer cette

longévité d’engagement, la recette selon Julia Chalmel serait de les impliquer, de les engager

un maximum et de spécifier que leur investissement ait un intérêt pour eux comme pour le

bailleur : « On va cibler avec eux les thèmes, ça va être co-construit avec eux. Ils peuvent

s'investir dans le montage de projet et ne pas simplement être passifs, consommateurs. Là

c'est intéressant parce que l'on crée une relation de confiance, il y a un suivi avec eux, ils sont

vraiment acteurs du projet. » [Annexe 5].

5.1.3 De l'usage à l'implication: agir sur son lieu de vie

D’une manière générale, lors de la réfection d’une résidence, le bailleur social est dans

l’obligation de faire appel à l’usager final (le locataire) pour répondre à une exigence

d’interpénétration entre les conseils et avis des habitants et la conception du projet. Cette

ambition a été juridiquement mise en place par la loi MOP du 12 juillet 1985 relative à la

maîtrise d’ouvrage publique. Cette considération des usagers dans le phasage du projet date

d’environ trente ans, seulement il est rare de voir des habitants ou usagers être réellement

entendus lorsque des corps d’état divers et variés travaillent au sein d’un même projet (maitre

d’ouvrage, maître d’œuvre, entreprises prestataires …). Hors, les experts du terrain ne sont ni

les professionnels techniques ni les travailleurs sociaux. Les experts du terrain, comme ils

sont en droit d’être appelés ainsi dans une société où l’on accorde beaucoup de place à la

parole de l’expert, sont tout simplement les habitants. Mais en quoi sont-ils experts ? Il faut

s’intéresser à une approche par les usages pour comprendre le niveau de savoir que les

habitants ont sur leur lieu de vie. « Comment vit-on aujourd’hui dans un logement, dans un

immeuble, à ses abords ? » Voici par exemple les questions que se pose le bailleur Nantes

Habitat pour que ses projets soient pensés d’une manière plus intégrée avec l’habitant. Selon

eux, « le domaine des usages présente plusieurs avantages : il se nourrit de l’expérience des

habitants, c’est une part du quotidien où l’imaginaire de chacun peut s’investir et il est

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largement produit par les habitants. » [Nantes habitat, 2011]. Cette projection d’une nouvelle

place donnée à l’habitant peut se traduire par « la maîtrise d’usage » dans le sens où les

décideurs ont leurs compétences et leurs pouvoirs (maîtrise d’ouvrage) et les entreprises leur

technicité (maitrise d’œuvre). Or, les habitants ont une place singulière dans ce partage de

compétences et de savoir. C’est de cette manière qu’il est convié de parler désormais de

maitrise d’usage [Annexe]. A ce sujet, on peut mettre en place des chartes de réhabilitation,

des chartes d’amélioration de l’habitat, mais Julia Chalmel explique qu’il est possible de

reprendre cette même méthode et de l’appliquer aux questions de conflits de voisinage par

exemple : « J'ai oublié de parler des chartes de bon voisinage où on essaie de mettre en place

des engagements mutuels entre les locataires et le bailleur, où il y a un échange pour

réévaluer si des points ont été retravaillés. Entre temps, on va mettre en place des actions

pour essayer d'améliorer les choses dans les deux sens, et c'est vrai que ça peut

progressivement améliorer le cadre de vie. Surtout, on rend acteurs les locataires, ça permet

qu'ils s'approprient tout cela et puis on peut leur donner des outils pour ensuite que ce soit

eux-mêmes qui soient en contact avec le bailleur, qu'ils proposent des choses. » [Annexe 5]

Dans ce registre, il ne faut pas avoir peur de dépasser des limites, ou en tout cas cela

nécessite un cadre de confiance bien établi entre les demandeurs (le gestionnaire) et les

experts (les locataires). Salah Lounici souhaite en effet mettre un point d’honneur pour ce

type de pratiques de concertation dans la mesure où elle laisserait les habitants s’exprimer

librement avec l’assurance de ne pas les décevoir : « On a le droit d'inventer des projets et

c'est pour cela que je crois beaucoup à des projets co-construits avec le locataire et les

habitants. Moi je ne suis qu'un visiteur. Si on améliore le cadre de vie et que je demande aux

habitants de s'y intéresser, il faut aussi qu'ils soient partis aux choix. Soit pour les processus

techniques, soit pour les matériaux mais au moins, sur l'esthétique de dire ce qu'ils pensent.

Après, c'est à nous de rectifier en fonction des usages et des caractéristiques

d'aménagements... mais tout cela on l'explique. » Il est important pour lui de ne pas trahir

l’investissement des locataires, de leur donner des gages de sécurité afin qu’un dossier pensé

en commun soit prioritaire sur la liste des aménagements à effectuer : « Je privilégie les

projets qui ont été votés par des amicales de locataires par rapport à des demandes

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individuelles. Ils sont prioritaires par rapport à des travaux que j'avais moi-même engagés.

Cela fait partie du lien de confiance. » [Annexe 2]

Le seul bémol qu’il est possible d’apporter est que le savoir d’usage n’est pas une notion

pure, mais remplie de subjectivité et composée d’idéaux types en terme de représentation

sociale et de communication. De manière générale, tous les savoirs sont hybrides, ils se

constituent de mille et une manières en fonction de la subjectivité de l’individu. Du fait que le

savoir n’est jamais socialement désincarné, il est important de noter que la démarche de

maîtrise d’usage doit s’inscrire dans le temps pour que ces représentations puissent être

enrichies de l’expérience des autres, déconstruites et reconstruites derrière. La relation avec

les habitants doit donc s’instaurer avant, pendant et après les projets et cela de manière

répétée. [Nantes habitat, 2011]

5.2 Les prestataires de service et d'aide à la médiation

5.2.1 Assurer une offre de services complémentaires et indépendante de celle des

bailleurs

Ce n’est pas isolé, les prestataires de services aujourd’hui pullulent dans notre économie

du fait que l’on préfère déléguer sur un moment court plutôt que d’assumer la charge sur un

temps long. Dans le monde du logement social, le bailleur ne déroge pas à cette règle. Les

compétences techniques au sein des logements sont assurées par des entreprises prestataires

travaillant sur la base de contrat annuel de prestations de services. Dans le domaine du social

et de l’intervention humaine, c’est le même schéma qui est reproduit. Couleurs d’avenir est

une structure prestataire qui offre ses services d’aide à la médiation, au montage de projet et

aux actions de proximité pour les bailleurs sociaux. D’autres structures de même nature

existent et les bailleurs sociaux ainsi que les entreprises de services urbains les sollicitent

fréquemment (Voisin Malin ; Partenariat Emploi Ville Médiation etc …). Marie Henni

remarque la valeur ajoutée qu’offre ce type de structures prestataires : « Nous n'avons pas

forcément la disponibilité de temps ni humaine. […] Il y a des résidences où ce n’est pas

nécessaire car il y a des gardiens qui ont avec le temps développé un relationnel avec les

habitants mais avoir quelqu'un qui s'investisse sur la résidence et qui est là en permanence en

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plus du gardien et du responsable du site, cela nous permet de montrer aux locataires qu’on

s'intéresse à la résidence, qu'on n’est pas complètement loin et éloigné et eux ils nous font

remonter des observations de terrain. » [Annexe 1] Outre ce rôle de messager, les structures

prestataires ont aussi l’avantage d’agir de manière indépendante et autonome en plus d’être

complémentaires avec les offres de services des bailleurs sociaux. Même si se pose la

question du doublon avec le rôle du gardien, Salah Lounici défend l’idée de recourir à des

prestataires de services extérieurs dans la mesure où, par ce principe, les locataires

s’exprimeraient de manière différente : « Couleurs d'Avenir, j'avais demandé à ce qu'ils

travaillent sur Villeneuve-Saint-Georges parce que je n'avais pas assez d'effectifs pour

occuper le terrain. Et que c'était bien d'avoir un partenaire qui ne soit pas la parole

institutionnelle d'un bailleur, pas la parole du locataire mais qui est capable de faire du lien

et de prendre de la distance, chose que l'on ne peut pas faire nous car j'ai un gardien qui est

impliqué dans les problématiques de propreté, d'impayés, dans les problématiques de

voisinage et des fois ça fait un peu trop. Nous sommes un peu juge et parti. » [Annexe 2]. Il

est donc important d’apporter une vision et une manière de faire différente sur le plan de la

méthode. Arbri Koré, en tant que gardien, se rend compte que son action auprès des locataires

est limitée par ses horaires de travail alors qu’une structure plus flexible comme Couleurs

d’avenir apporte une souplesse à la prise en charge et au travail de terrain : « C'est pour cela

que j'apprécie le rôle de Couleurs d'avenir et de certaines associations. Car eux, ils vont au-

devant des choses, dire aux locataires ce que nous, gardiens, nous n'avons pas la possibilité

de faire. C'est pourquoi j'apprécie cette aide. [...] . Couleurs d'avenir intervenait à des

horaires où nous ne sommes plus là. A partir de 18h, je voyais Couleurs d'avenir qui toquait

aux portes et de continuait de faire le lien avec les locataires. Ça, c'est vraiment très

intéressant. » [Annexe 4]

Malgré cela, il faut que le bailleur social garde la main mise sur la communication de ses

interventions et qu’il sache assurer le suivi et la gestion des problèmes aux moments

opportuns. Selon Marie Henni « ce que veut voir surtout le locataire c'est son bailleur et pas

forcément un intermédiaire, donc à chaque fois qu'il y a une intervention de cet

intermédiaire-là, il doit y avoir la présence d'un représentant du bailleur. » De plus « c'est

aussi lui qui prend la décision, c’est lui l’interlocuteur » [Annexe 1] donc il faut pouvoir

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limiter l’usage de prestataires et revenir à un traitement plus direct. En effet, faire appel aux

services d’une entreprise extérieure pour s’occuper des affaires de gestion d’un bailleur

implique un partage d’informations rapide ainsi qu’une mise en cohérence de moyens

financiers entre les deux structures pour que le service soit efficace. Comme l’admet Abri

Koré, « sur des problèmes et des réparations dans les parties communes, Couleurs d'avenir

propose certaines choses et c'est à la Sablière de suivre. Mais ce n'est pas toujours le cas.

Dommage! Ça dépend du budget, donc ça met du temps à se mettre en place. » [Annexe 4].

Ce schéma met souvent en branle la qualité de la prestation comme le faisait remarquer

précédemment Julia Chalmel, puisque les projets discutés sont majoritairement en attente de

validation par la direction. En effet, la place et la liberté délivrées à Couleurs d’avenir sont

confortables pour coller au plus près des envies des habitants mais ces espoirs ne

fonctionneront si, et seulement si, ce qui a été discuté est décidé et engagé. C’est finalement le

malaise que connaissent les intermédiaires de médiation en général. Pour Marie Henni, il est

important d’impliquer ce type de structures professionnelles de manière ponctuelle sur des

grands projets de résidence afin d’équilibrer les aspects positifs et négatifs de ce partenariat

ou de simplement travailler avec une association locale : « On doit essayer de trouver quelque

chose qui pour moi doit rester temporaire avec un partenaire extérieur professionnalisé qui

vient s'intégrer dans la résidence. Normalement, après le but est que l’habitant se prenne en

charge mais il faut cinq à dix ans. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. […] Evidemment

ce qui est le mieux, c'est d'avoir une association locale avec des bénévoles locaux et

éventuellement des salariés liés à différents dispositifs qui connaissent bien le tissu local, qui

connaissent bien les habitants et qui leur proposent des choses présentes en permanence mais

des fois on n'a pas cette ressource-là. » [Annexe 1]

5.2.2 Assurer un accompagnement adapté des publics et des équipes locales

Une fois qu’une structure prestataire se retrouve sur le terrain, il faut avoir la méthode

d’élaboration du projet. Il y a d’une certaine manière deux portes d’entrées : celle qui

s’intéresse en premier lieu à l’individualité de la personne afin de mieux rentrer en contact

avec elle et celle qui fédère pour ensuite mettre en confiance. Le choix entre ces deux

procédés dépend du contexte, de ce qu’il est possible d’effectuer mais ce qui semble central,

c’est de coller au plus près des spécificités des locataires et de proposer des solutions

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adaptées. En tout cas Julia Chalmel possède cette expérience d’adaptation : « Globalement, il

y a deux manières. Soit sur de l'individuel, avec des visites à domicile sur des thèmes bien

particuliers pour aller rencontrer les locataires, les sensibiliser ou prendre leur avis sur leur

mode de vie dans le logement. [...] C'est une porte d'entrée individuelle qui n'est pas toujours

celle utilisée, puisque l'on a aussi les portes d'entrée collectives. On rencontre les locataires

directement en pied d'immeuble pour faire ce que l'on appelle les comités de résidence. C'est-

à-dire que l'on arrive sur un territoire, on va rencontrer les locataires dans leur immeuble, et

on voit avec eux "Qu'est-ce qui va? Qu’est-ce qui ne va pas? Qu'est-ce qu'il faudrait

améliorer?". » Finalement, selon elle, il y aurait un processus logique à l’investigation des

locataires à la vie de leur résidence. L’approche humaine est la plus particulière et la plus

singulière possible pour pouvoir rentrer en contact avec l’autre. Une fois que ce lien de

confiance est assuré, le médiateur est plus enclin à ouvrir l’intérêt des habitants : « Pour

revenir sur les visites à domicile, ça peut être une bonne chose car on rentre en contact avec

le locataire directement chez lui, on prend le temps d'écouter ses remarques, ses questions, on

peut essayer de régler des problèmes au cas par cas, instaurer un climat de confiance. Par la

suite, proposer des actions plus collectives qui peuvent aboutir sur des choses constructives.

Une fois que l'on a pris contact avec les gens qui nous connaissent, que l'on a traité des

problèmes personnels, particuliers, on sait qu'ils sont plus aptes à participer à des actions

collectives. » [Annexe 5]

Conjointement, le reste de la méthode consiste à être attentif aux rythmes des participants,

dans un cadre où tous les types de publics sont amenés à cohabiter (enfants, jeunes, adultes,

parents, séniors) dont les spécificités des âges ne demandent pas un traitement identique et

une même attention. En effet, entre l’âge de l’apprentissage (enfants et jeunes), l’âge de la

production (adulte) et l’âge de la transmission (sénior), les activités et les centres d’intérêts

divergent. Comme le défend Julia, « il faut savoir aussi s'adapter à tous les publics (enfants,

séniors, jeunes, des professionnels). Il faut cette faculté d'adaptation, d'écoute de chaque

public. » Par contre quand le médiateur est spectateur ou récepteur des pratiques non

conformes au maintien de la qualité de vie sur la résidence, en plus de la capacité d’écoute, il

faut aussi savoir rappeler les règles de vie et donc être plus intransigeants. C’est notamment le

contrat que les prestataires possèdent avec le bailleur social de faire respecter les règles de

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base de la vie en communauté comme en témoigne Julia: « Il faut coller aux besoins des

locataires, il faut être à l'écoute, il faut répondre et être patient. De l'autre côté, il faut aussi

être assez carré, assez professionnel avec le bailleur puisqu'il a des exigences également. Les

deux manières de fonctionner sont complètement différentes donc il faut savoir se caler sur

les deux. On ne parle pas de la même manière. Notre rôle est aussi d'amener le bailleur à se

rendre compte de certaines choses par rapport aux locataires et inversement expliquer aux

locataires le fonctionnement du bailleur pour communiquer. » De plus, il faut savoir passer le

relais à des structures spécialisées au moment où ce n’est plus du ressort de la médiation

humaine, notamment en cas de problèmes sociaux forts des locataires (troubles

psychologiques importants, alcoolisme …) ou de situations alarmantes (impayés, dépendance,

isolement, violences conjugales …), ce qui nécessite des compétences et des moyens

autres comme en parle Julia Chalmel : « Savoir apporter des réponses ou savoir où on peut

les trouver. On n’est pas des assistants sociaux ou des conseillers juridiques, donc il est

important de savoir les orienter. » [Annexe 5]. L’enjeu qui peut aussi se cacher derrière cette

proximité avec les personnes est de justement pourvoir répondre à des situations d’isolement

provoquant un malaise social et une invisibilité de soi-même pour les professionnels comme

pour ses propres voisins. En effet, comme l’affirme Guillaume le Blanc, « la visibilité sociale

a rapport avec la capacité de faire œuvre tandis que l’invisibilité sociale entérine un

processus mortifère de désœuvrement, source de tristesse » dont la méthode qu’il réclame est

de prendre à « rebours les discours de la normalité sociale, et de révéler les assises sociales

des vies ordinaires » c’est-à-dire bousculer la vie des personnes pour que l’on se rende

compte de leur situation. D’après lui, il y aurait trois facteurs qui expliqueraient l’invisibilité

sociale : le fait de se sentir « être marginal », de n’ « être personne », le fait d’ « être sans

qualité ». [Le Blanc, 2009] L’enjeu réside donc à repérer ces personnes et de trouver les

procédés les plus adaptés pour arrêter l’engrenage de la perte d’estime de soi.

Par ailleurs, comme il a déjà été évoqué, la médiation est intéressante aussi quand

l’échange d’informations transite directement à l’équipe locale et pour des cas particuliers aux

responsables. Si cela ne passe pas directement par l’intermédiaire des locataires-référents,

c’est bien au médiateur d’effectuer cette passerelle. De cette manière, il sera beaucoup facile

de garantir une cohérence de services entre le médiateur et l’opérateur (le gardien) et aussi

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d’assurer une veille permanente sur les évolutions de vie du site. Comme le fait remarquer

Julia Chalmel : « Il faut impliquer les équipes locales dans la démarche. S'ils restent en

dehors de toutes les actions, ils vivront mal notre travail et le leur également. C'est très

important d'être en lien avec eux [...] Au niveau des responsables, c'est différent. Ils ont

besoin d'un retour assez bref sur nos activités. Ils savent venir quand c'est important »

[Annexe 5]

5.2.3 La médiation sociale, une démarche sur le long terme.

Comme nous l’avons mis en valeur, la médiation n’est pas l’affaire d’action isolée dans le

temps. Elle a besoin de s’inscrire, de s’établir sur une résidence pour que les médiateurs soient

reconnus par les locataires. Il y a donc une vision à long terme derrière cette approche.

Comme le stipule Salah Lounici, c’est « la construction sur le temps » qui prévaut à la qualité

de l’intervention et à l’amélioration des indicateurs de gestion : « Le projet, c'était d’amorcer,

de mettre en route un projet pour que les locataires se prennent en charge par l'intermédiaire

d'associations, de ce que l'on veut. » [Annexe 2]. François Escande implore que des moyens

importants soient alloués à des actions de fond, pour que lui et son équipe puissent bénéficier

petit à petit des effets positifs de l’intervention : « Si ici, véritablement, on voudrait faire du

lien social, il faudrait mettre les moyens. Il faudrait que l'assoc' soit vraiment là. Au regard

de la mission que l'on a donné à Couleurs d'avenir, ici ils ne peuvent pas faire leur boulot,

c'est impossible. Pour moi, il faut qu'ils soient beaucoup présents. Donc moi ce que je dis

c'est que les moyens ne sont pas véritablement donnés au responsable de site pour faire en

sorte qu'il y ait plus de lien social ici. » [Annexe 3]. Julia Chalmel recommande justement

que les comités de résidence soient un outil d’inscription dans le temps, pour que les éléments

puissent être évalués sur le long terme, pour que les améliorations puissent être apprécié à leur

juste valeur : « Les comités de résidence créent une dynamique assez importante puisqu'à

partir du moment où l'on a fidélisé des référents, on peut à la fois gérer les aspects techniques

avec le bailleur et essayer de mettre en place des réunions régulières avec un suivi et

améliorer point par point et mettre en place, par exemple, des programmes d'amélioration. »

[Annexe 5].

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Toutefois, ce qui fait la spécificité d’une structure comme Couleurs d’avenir, d’aider là où

les problèmes persistent ou en tout cas, là où l’implication des habitants est jugée déficitaire

par rapport à la qualité des liens entre voisins que cela suppose. Une fois que l’impulsion est

lancée, que des locataires se sentent investis de manière collective, voire qu’ils se sont

regroupés en association d’amicale de locataires ou autres, la valeur-ajouté de Couleurs

d’avenir n’a plus besoin d’être à cet endroit. Comme l’affirme clairement Julia Chalmel :

« On n’est pas voué de rester sur un quartier. Le but c'est de lancer une dynamique et de ne

pas rester tout le temps pour qu'ils vivent sans nous. ». [Annexe 5]

5.3 La médiation, instrument de la politique de la ville

5.3.1 Faire ensemble, avec les acteurs enracinés sur le territoire

Au regard de ces constats, et des méthodes d’intervention spécifiques à la médiation

sociale dans les quartiers d’habitat sensible, il y a un point qui semble particulièrement

important à évoquer : le faire ensemble. En effet, il n’y a pas d’action réussie qui se réalise en

totale autonomie, surtout au sein de projet de résidence où un ensemble d’acteurs coexiste en

termes de gestion. Salah Lounici revient sur une citation d’un personnage historique pour

illustrer cette idée : « C'est le maréchal Liautey qui disait "L'homme seul est voué à l'échec",

et je pense que c'est vrai. Je pense que sans les autres on ne fait rien. » [Annexe 2]. C’est

notamment vrai que la médiation sociale s’inscrit dans les thématiques d’actions de la

Politique de la ville et que celle-ci tire sa richesse de l’approche inter partenariale qu’elle met

en place. En effet, « la politique de la ville désigne la politique mise en place par les

pouvoirs publics afin de revaloriser les zones urbaines en difficulté et réduire les inégalités

entre les territoires » et pour cela elle « repose plus largement sur la mobilisation des

organismes publics, bailleurs sociaux, caisses d’allocations familiales, associations, monde

économique... et sur la participation des habitants de ces quartiers. » [Ville.gouv.fr, 2011].

Pour garantir une coopération efficace entre ces différents services, et entre les différents

ministères qui font redescendre leur choix via des directives, un Comité interministériel à la

ville a vu le jour en 1988 ainsi que la mise en place d’un document de politique transversale

(DPT) qui recense l’ensemble des programmes et des moyens des autres ministères et qui

concourent à cette politique. Il y a donc un véritable enjeu à ce que les projets soient

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pluridisciplinaires et que l’ensemble des acteurs ait un droit de regard sur les actions en

général. Pour l’échelle d’un quartier, ou d’une résidence, cela fonctionne de la même manière.

Les collectivités territoriales (la mairie) est l’opérateur de la Politique de la ville à l’échelle

locale en lien avec les Préfets. Les actions qu’elle souhaite mener sur la thématique de

l’habitat, du cadre de vie, de la sécurité, de la prévention de la délinquance … doivent au

préalable être concertées avec les bailleurs sociaux. Comme le rappelle Marie Henni, « la

Politique de la ville, ça ne date pas d'hier. Il y a toute une organisation, un suivi. Tout cela est

déjà organisé, c'est à nous de nous insérer dans le tissu local. » [Annexe 1]. De ce point de

vue, l’approche partenariale constitue même la première étape quand une structure de

médiation arrive sur un territoire. Cela permet de gagner du temps, de s’inspirer des éléments

qui fonctionnent sur les sites et surtout de comprendre les antécédents pour éviter de faire des

erreurs similaires. Une structure apporte son aide et son savoir-faire à l’intérieur d’un

écosystème d’acteurs dont le but est de s’intégrer et de se situer convenablement. Julia

Chalmel revient sur cette méthode de travail partenarial : « Je pense que c'est très important

de rencontrer tous les partenaires (politiques, associatifs ....). Quand on arrive, il y a des

choses sur les territoires. Il va falloir composer avec tout cela, pour ne pas faire doublon.

Expliciter tout simplement la démarche. On travaille en partenariat à chaque fois. Si des

acteurs souhaitent s'inscrire dans un projet, il faut que ça se passe dès le départ sinon cela

engendre des frustrations. [...] Il faut venir expliquer la démarche pour donner de la place

aux partenaires, de les impliquer et ne pas les mettre à l'écart. » [Annexe 5]

5.3.2 Le partage des champs de compétences pour accéder à une dynamique

collective

Les ressources avec lesquelles il est possible d’œuvrer se situent principalement sur le

territoire, soit en terme de locataires ressources, d’associations locales bien ancrées sur le

quartier ou de dispositifs de travail mis en place par les acteurs de la Politique de la ville.

Ainsi, pour que les projets avancent, une fois que les présentations aient été faites, il s’agit de

solliciter les ressources des uns et des autres pour installer une synergie de projet. Les

premières rencontres aident, notamment avec les acteurs incontournables de la Politique de la

ville comme en témoigne Marie Henni : « Les communes font partie des interlocuteurs que

l’on rencontre en premier, parce qu’ils ont déjà une connaissance du territoire qui nous

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permet de gagner du temps, de mettre en lien et en connaissance avec les associations, les

entreprises d'insertion, les partenaires avec lesquels on pourrait monter des actions. »

[Annexe 1]. Cela permet de gagner du temps mais aussi de faciliter les démarches et les

prises de contacts. En effet, il y a des habitants ressources qui trouvent un point d’appui au

sein d’association locales et les professionnels relais qui y travaillent ont une grande

connaissance de l’ensemble de ces personnes. Ce sont donc des associations qui font leviers

pour impulser des dynamiques, et travailler en partenariat avec eux facilite les démarches de

prospectives, comme en témoigne Julia Chalmel : « Les associations brassent un public

important, elles captent des éléments importants. Il s'agit de les impliquer directement, selon

le type d'action. Elles connaissent souvent des personnes que l’on n’arrive pas à capter et

donc on peut utiliser cette porte d'entrée associative pour prendre contact avec certains

locataires. A Villeneuve-Saint-Georges, l'association de quartier est très impliquée, c'est un

allié pour tous les jours. Nous sommes constamment en lien avec eux. » [Annexe 5].

Par contre, cette synergie peut ne pas exister sur un site et cela est logiquement ressenti

sur le long terme. Que ce soit à la base un manque de volonté politique, un manque de

moyens humains et financiers ou un manque de coordination entre les acteurs opérationnels,

les effets de cette coupure peuvent être réellement problématiques comme en témoigne

François Escande qui se retrouve désarmer face à la situation d’Epinay-sous-Sénart : « Ici,

c'est quelque chose qui me frappe, il n'y a rien. Vous pouvez sortir, tirer des coups de feu en

l'air, rentrer chez vous, il n'y en a pas un qui va broncher. Enfin, j'exagère un peu mais à

peine, à peine. […]Là, j'ai pris des dispositions pour contrer ces jeunes qui m'embêtent. Mais,

quand il faut appeler la police, il n'y a plus personne, avec une voiture de service sur toute la

commune. » [Annexe 3]

5.3.3 Inscription dans des dispositifs interbailleurs

En termes d’intervention, on peut aussi noter la problématique des partages juridiques

entre les opérateurs urbains qui se découpent le territoire. Les dispositifs de sécurité tels que

le Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP) ou le Contrat Local de Sécurité (CLS) nécessitent une

concertation de la part de l’ensemble des acteurs qui interviennent pour préserver la

tranquillité des sites. En effet, pour que les équipes de secours ou la police nationale puissent

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accéder au sein des résidences (accès pour les véhicules motorisés, à l’intérieur des

immeubles …), des conventions sont signées entre les autorités. Ainsi, des dispositifs inter-

bailleurs répondent à ces besoins spécifiques locaux, en articulation avec les villes et les

forces de l’ordre. L’idée principale est de mener des actions préventives par rapport à des

publics spécifiques ou de prolonger au-delà des horaires de présence des agents des différents

services des bailleurs. Ces dispositifs permettent d’assurer généralement deux fonctions : une

veille technique notamment en situation d’urgence, et une veille sociale par la présence de

médiateurs sociaux sur les espaces collectifs pour assurer la tranquillité résidentielle. [Union

sociale pour l’habitat, 2011] Ces échanges d’information se regroupent généralement au sein

d’instances annuelles pour que les sujets sensibles puissent être opérés de manière cohérente

et organisé (CLSPD - les Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance) au

sein desquelles les médiateurs sociaux sont partie prenante.

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Conclusion

Notre société aujourd’hui est une société de l’ère post-moderne. Des tendances de fond

peuvent être observées, ou en tout cas hypothétiquement avancées, pour rendre compte que

l’ère post-moderne ne facilite pas autant les échanges entre les hommes que l’on aurait pu le

croire (par la téléphonie mobile instantanée par exemple). Auparavant, le modernisme avait

apporté à l’ensemble des concitoyens une exploration des droits dans le champ de la liberté et

de l’égalité, une amélioration de la qualité de vie (notamment dans les conditions de

logement), l’avènement d’une sécurité sociale et universelle … Ces progrès sont l’apanage de

la science, de la croissance économique, de la société consumériste en général. Mais a

contrario ces avancées s’accompagnent d’effets pervers. Nous nous retrouvons dans une

période qui succède à ces prouesses techniques et sociales de notre société moderne. L’enjeu

est d’arriver à réfléchir à faire différemment, à dépasser les travers de ce que nous avons

construit. Une réflexion a été menée à ce sujet qui affirme que « la configuration postmoderne

des échanges sociaux ne semble pas s’inscrire dans la rupture, mais dans la continuité de la

configuration moderne, dans une hyper-individuation et un paroxysme de la différenciation

des sphères d’activités humaines » (« La société postmoderne, une configuration sociale

stressante») dont l’enjeu est d’éviter de se retrouver nous-même emprisonnés dans les propres

outils que l’on crée [Dieu, Dubois, 2012]. C’est d’une certaine manière l’objectif de cette

étude, que de réfléchir aux moyens simples dont l’être humain dispose pour pouvoir renouer

avec les liens interpersonnels, apaiser des tensions, redonner du sens à la vie en collectivité

quand les personnes se retranchent derrière l’isolement … A ce sujet, des théories ont mis au

goût du jour la défense des droits civiques notamment aux Etats-Unis qui ont développé de

nouvelles méthodes : celle de l’empowerment, ou en français, de la capacitation qui affirment

cette force d’engagement que les habitants ont en eux pour mettre en cohérence des projets

avec leur volonté. Ainsi, le rapport de force que les individus peuvent avoir avec quelconque

autorité ou institution peut être solutionné à travers un rapport de médiation, une restauration

de la parole, un lien social, une visibilité sociale sans que les moyens techniques soient les

plus importants. Mais il faut aussi réfléchir à l’entente, à l’unité pour que ces ambitions

trouvent un écho chez chacun des acteurs. On a pu voir que le bailleur social évalue ses

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interventions à partir d’indicateurs de gestion ce qui peut sembler rigide. Seulement, il y a une

réalité financière derrière chaque engagement, et donc ce qui paraît le plus important, c’est de

fournir des explications, revenir à cette fameuse parole pour que les individus se sentent

écoutés et aient en face d’eux un discours argumenté (à l’image de la méthode

l’accountability que nous avons entrevue dans la deuxième partie de cette étude et qui

réclame un droit de regard sur la qualité d’un service).

Nous sommes dans un monde où l’ensemble est système. On ne peut pas traiter du sujet de

la participation citoyenne et de la médiation sociale sans parler de mécanismes socio-

économiques, de management d’entreprise, de psycho-sociologie, de gestion de projet …

L’ambition de ce mémoire était effectivement de creuser le sujet de l’amélioration de la

gestion des résidences d’habitat social en ouvrant le sujet le plus possible afin de cerner les

facteurs les plus pertinents qui contribuent au bon fonctionnement de celles-ci.

On dit souvent que pour un mémoire, il convient d’explorer toutes les questions qui

relèvent de la problématique. De ce point de vue, au-delà de la stricte relation

locataire/bailleur, j’ai tenté d’ouvrir mes interrogations à l’ensemble des « petits riens » et des

préoccupations qui font la vie quotidienne des habitants. L’interpellation du bailleur sur ces

« petits riens » et préoccupations, à travers la médiation sociale comme outil privilégié, peut

sans doute permettre, au bénéfice de tous et de la vie du quartier, une meilleure

compréhension des enjeux du territoire et une relation plus apaisée entre bailleur et locataire.

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Annexes

Annexe 1

Retranscription de l’entretien avec Marie Henni, responsable du pôle Développement Social Urbain du bailleur ICF Habitat La Sablière Paris Ile-de-France, le 12 juin 2013 dans ses bureaux à Paris 13e. Elle coordonne et dirige les chargés de mission territoriaux DSU affectés sur l’ensemble de la région.

L’étudiant : Premièrement je vais vous poser la question sur la thématique de votre métier au regard de la gestion de la résidence, comment pouvez-vous qualifier votre poste professionnel?

Marie Henni : On accompagne toutes les équipes de gestion locatives et de gestion courantes de la résidence sur des sites qui sont vraiment prioritaires et sur lesquels nous ne sommes pas trop nombreux à s'investir pour essayer de trouver des solutions aux constats et observations que l'on fait qui sont des taux des gestions qui ne sont pas satisfaisants (taux de vacances, d'impayés) qui sont des indicateurs que l'on regarde pour la bonne gestion de notre patrimoine. Des budgets d'entretiens courants qui sont plus importants que la moyenne du fait du vandalisme, de l'insécurité et autres. Et des indicateurs de qualité de vie (sentiment d'insécurité, absence de lien social, isolement, difficultés psychologique détecté). Tout un tas de chose qui font qu'aujourd'hui la vie sur ces résidences ne se fait pas simplement, et donc on est en alerte sur ces résidences-là. On travaille vraiment sur ses sites prioritaires là même s'il y a tout un tas d'autres résidences sur lesquels du travail type développement social susciterait d’être mis en place et ne suscite pas seulement l'accompagnement méthodologique plus poussé, nécessitant la présence d'intervenants extérieurs donc nous vraiment on est en appui avec des équipes et des directions territoriales à la Sablière qui interviennent les résidences.

L’étudiant : Quelle a été votre motivation initiale pour choisir ce métier-là ?

Marie Henni : Personnellement, je pense ce que c'est le hasard des choses et que je suis que je suis arrivée là. J'ai d'abord travaillé dans le milieu associatif dans les années 90 sur le dispositif « emplois jeunes » en dirigeant une association qui avait recruté tout un tas de de médiateurs, partagés et mutualisés entre différents partenaires. J'ai eu l'occasion de pouvoir postuler chez « Immobilière 3F ». Dans les années 2000, je suis rentrée chez ce bailleur social entant que chargée de développement social urbain et donc j’ai travaillé sur différents résidences. C’est un gros bailleur « Immobilière 3F », on a était très présent sur un certain nombre de communes et il nous arrivé d’avoir plus de 2000 logements. C’est un acteur de proximité très important pour ces communes-là. Au bout de sept ans, j'ai souhaité occuper un poste qui était le cœur de métier du bailleur social, c’est-à-dire je gérer du patrimoine sur Paris notamment la gestion courante avec les équipes de gardien, des chefs de secteur, gérer du patrimoine sur l’arc nord de Paris ce qui est vraiment le cœur de métier du bailleur. J'avais vraiment envie de confronter ce que je faisais moi qui étais plus en transversale et un accompagnement et d'avoir moins de vision de gestionnaire. C’était mes interlocuteurs. Je pensais, puisque je les côtoyer depuis sept ans, bien connaitre les métiers et les difficultés donc là j'ai vraiment découvert tout un pan de missions qu’ils avaient des responsabilités qui n'était vraiment pas simple. Quand j'ai décidé après cette expérience de quatre ans de revenir au développement social, c'est vraiment enrichi de cette expérience là que je me repositionne dans ce métier-là. On ne réfléchit pas de la même manière quand on est en gestion de projet qu’en gestion courante. On ne sait pas comment va se passer la journée. Les années sont aussi très rythmées. On n’a pas le temps toujours de réfléchir sur des aspects techniques et relationnel et on n’a pas forcément le temps et la vision à long temps pour pouvoir le faire. Tandis que sur le développement social, on est vraiment sur du projet. Moi au jour d'aujourd'hui, c’est dans ce sens qu’on les accompagne, on va essayer de les aider à faire en sorte qu’il y a des projets qui se mettent en place et dans une contrainte temps et méthodologiques qui n’est pas forcément évidente à se côtoyer.

L’étudiant : Vous avez parlé du rythme important en fonction de l'année. Est-ce que vous pouvez me décrire votre environnement professionnel habituel ? En plus de votre environnement temporel, qu'est-ce qui rythme vos semaines de travail et aussi quel est votre environnement physique ?

Marie Henni : En gestion, on est rythmé par les prévisions de charges, le contrôle de charges, la renégociation des contrats, l’assemblée générale des copropriétés, l’établissement des budgets … Il y a des choses qui reviennent tous les ans. Tandis que nous, à notre niveau, on est moins dans ce rythme-là, on est presque plus rythmé par le timing des autres et par l'année, c’est à dire que notre objectif est aussi de faire du lien social. Il y a beaucoup d'activités qui se font en extérieur donc forcément c'est plus au printemps et l’été que les choses se font. Après on est aussi au rythme des projets urbains qui peuvent se mettre en place. Là aussi tout démarre en fin d'année mais généralement mais ça peut démarrer à n'importe quel moment. Si on fait de la concertation, de l'accompagnement avec des comités des résidents comme à Villeneuve-la-Garenne avec

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Couleurs d’avenir, on est aussi tributaire du rythme d'un chantier, mais là ça dure dix-huit mois. Je n’ai pas trouvé de régularité en dehors du fait qu’il y a un tas d’activités qu'on me propose qui se font en période printanière et estivale. Après, notre environnement de travail est assez différent. L'idée c'est de ne pas rester derrière notre bureau, c’est vraiment d'aller toujours sur le terrain, à la fois sur le quartier pour vraiment s'imprégner du quotidien, de la vie de la résidence, être en contact avec les gardiens, et de ce contact, avoir un état des lieux, savoir tous ce qui se passe en permanence et puis faire passer un certain nombre de messages et de pratiques. Aussi être auprès des équipes de proximité, des directions territoriales et des administratifs pour aussi s'imprégner des problématiques en cours de manière à ce que l’on puisse proposer des projets qui en terme de calendrier coïncident… par exemple si on arrive avec des projets et des activités en extérieur au moment où ils sont sur leur budget prévisionnel et leur contrôle de charge, c’est sûr qu’ils n’ont pas de disponibilités à ce moment-là pour pouvoir intégrer quelque chose ….. C’est de moins en moins, ils considèrent comme une cerise sur le gâteau d’avoir quelque chose en plus qui vient de leur métier alors que ça devrait aussi à part entière.

L’étudiant : Vous êtes vraiment dans l’entre-deux, entre le terrain et le bureau ….

Marie Henni : Oui, je dis aux filles que je ne veux pas vous voir au bureau même si on a beaucoup de rédactionnel, des mails, des bilans à faire, des dossiers de financement à déposer. En plus, on est dans un métier où il a beaucoup de réunions et vis-à-vis des partenaires, il faut qu'on soit présent par rapport à leur projet.

L’étudiant : Justement en parlant du terrain, quelles sont les attentes des locataires en général que vous relevez au terme de la gestion quotidienne d’un site ?

Marie Henni : Bien entendu, ils veulent une résidence qui soit bien tenue, dans laquelle il n’y a pas de soucis pour inviter leur famille le week-end, car ils n’en ont pas honte. Il n’y a pas de réunions dans les escaliers et que la porte est cassée pour la énième fois, parce-qu’ il y a une bande qui insécure en bas. Qu’il y ait une réactivité, un bon entretien du logement. Il y a certaines résidences sur les parties communes où on a lâché l'affaire mais le bon entretien de logement avec des prestataires de bonnes qualités, qui soient pertinents et efficaces et autres … On travaille dans une démarche d'amélioration de la satisfaction et de la qualité des locataires et de la qualité de services. On va travailler aussi au plus proche, à associer les habitants et les amicales des locataires à l'élaboration des contrats de qualité que l’on souhaiterait mettre en place. Il y en a déjà mais ça serait pas mal de pouvoir les travailler avec les amicales … se caler sur leurs besoins afin qu’ils connaissent le prestataire, qu’ils connaissent le cadre contractuel que l’on passe avec les plombiers, les ascensoristes. Ça fait partie des choses sur lesquelles on devra travailler sur les prochaines années. Après le bailleur, il le voit tous les jours. On est là en permanence avec le gardien et puis on gère un évènement de leur vie qui est primordial, c’est le logement. C'est un des piliers du développement personnel, du bien-être. Quand on n’est pas bien chez soi pour un certain nombre de raison (conflit de voisinage, gros problèmes d'humidité) ça a des répercussions sur sa vie personnelle, sur sa vie professionnelle. Ils attendent beaucoup de nous en tant qu'acteur de proximité, du coup les collectivités locales nous demandent de prendre parti et d’être acteurs au développement du lien social sur les quartiers. Déjà, de bien gérer notre patrimoine, c'est la base mais aller au-delà de notre métier, c'est les missions du développement social qui se développent chez les bailleurs. Si il y a une bonne ambiance sur la résidence, que ça se passe bien, c'est forcément des budgets qui dégonflent, moins de vandalisme, un patrimoine qui est mieux entretenu, des logements qu'on n’a pas du mal à louer car commercialement ils sont intéressants. On n’a tout intérêt à ce que les locataires prennent soin de la résidence et s'impliquent. C'est aussi une bonne gestion de patrimoine pour nous. On ne fait pas simplement ça pour faire le plaisir. On a une vision aussi de notre rôle sociétal mais notre idée derrière la tête, c’est de bien gérer notre patrimoine et notre budget de fonctionnement.

L’étudiant : Est-ce que vous êtes évaluée pour votre poste ?

Marie Henni : Non. A titre individuel, on a nos entretiens d'évaluation. Aujourd'hui, ça fait partie des objectifs de travailler sur des critères d'évaluation de projets à savoir si ça a bien fonctionné, si on a du monde où il y a eu une satisfaction si ça a bien fonctionné les critères d'évaluation d’activité en DSU, ça fait longtemps qu'on en parle. Aujourd'hui, on va travailler vraiment sur des indicateurs pour réellement suivre les résidences sur lesquelles on travaille de manière à voir à un instant « t » où on se situe, l’année d’après on en est où, est-ce que la situation s'est améliorée ou pas ? Ça fait partie des critères et des missions en tout cas que je me suis donné pour les prochains mois. Qu’on ait vraiment une lecture annuelle des principaux indicateurs nos activités.

L’étudiant : Tout à l'heure vous parliez des amicales des locataires pour parler de la gestion de la résidence. Est-ce que vous avez à disposition d'autres moyens pour répondre aux attentes des locataires ? Il y a forcément un travail partenarial avec les locataires et les amicales en premier lieu ?

Marie Henni : En premier lieu, les amicales. Pour nous, c’est vraiment un interlocuteur incontournable. S’il y a une amicale, on est vraiment obligé de rentrer en contact avec elle. Représentative ou pas, on a en face de nous des personnes qui ont envie de s'investir sur la résidence. On n’a pas forcément un relationnel toujours simple qui peuvent s’expliquer une bonne raison ou de mauvaises raisons de part et d’autres, des rôles et des histoires qui ne sont pas de forcement tous comparables. Mais par contre il ne faut pas que nous on s’arrête qu'aux amicales. On va en effet rechercher la mobilisation

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d'autres habitants. La mobilisation, ça peut être je prends une part active en réunion, je viens et je propose des idées, je suis présent au moment des animations et puis il y a les groupes de travail sur le projet urbain où ça peut être simplement de consommer entre guillemet les activités proposées et de jouer le jeu du lien social. Notre objectif, c'est aussi de faire en sorte que les gens se rencontrent et se parlent et ne soient pas isolés sur leur résidence.

L’étudiant : Est-ce que vous estimez que ces moyens-là sont suffisants pour répondre aux attentes des locataires ? un effet a-t-il été remarqué ?

Marie Henni : Il y a un effet qui a été remarqué mais ça prend du temps. On n’habitue pas les gens à sortir de chez eux aussi facilement. Ce n'est pas facile de les faire participer à des réunions de travail qu'il soit actif pour des raisons de disponibilité qui n'est pas évidente. Ce n’est pas évident de venir une heure sur une table à passer deux heures réunion de pas maîtriser le vocabulaire, de maîtriser les tenants les aboutissants, des enjeux. C'est un peu compliqué. Par contre, avec l'expérience, on a en tête des projets sur lesquels il y a une transformation de la relation qui s'est instaurée. Mais le temps du professionnel n'est pas forcément le temps de l'habitant. Les amicales sont souvent principalement des retraités dont c'est une activité professionnelle de substitution, et donc ils ont du temps, ils s'investissent beaucoup. C’est leur cadre de vie, ils y tiennent. Il peut y avoir un jeu de pouvoir et une satisfaction d'avoir du pouvoir aussi à titre individuel. Il y a tout cela qui rentre en jeux. On a des gens autour de nous qui demandent beaucoup et nous on a pas forcément le temps, la gestion courante, la gestion des incidents techniques. On a pas forcement de disponibilité de pouvoir répondre à l’appel de la journée, de répondre un courrier ce n'est pas du jour au lendemain. On a une sollicitation qui est trop fort de la part des amicales et des locataires. Parce-que la qualité de service est toujours mis en avant et c'est bien. Ça nous fait améliorer, jamais se dire qu'on arrivera jamais… Mais il faut aussi qu’il y ait du respect, que ça se passe dans de bonnes relations, mais ça avec le temps on voit qu'on arrive aussi à expliquer à l’amicale des locataires et que l’on s’améliore. Il y a certainement plein de chose à améliorer : de la confiance aussi de leur part mais aussi de laisser le temps transformer nos habitudes de travail, notre organisation.

L’étudiant : Comment vous comment vous percevez les structures de médiation, d'accompagnement et de gestion des locataires qui interviennent sur votre patrimoine en tant que prestataire qui sont dans ce lien de proximité ?

Marie Henni : C'est bien parce que nous n'avons pas forcément la disponibilité de temps ni humaine. Il y a des résidences où se ne s’est pas nécessaire car il y a des gardiens qui ont avec le temps de développer un relationnel avec les habitants qui suffit qu'ils disent des choses pour que les informations passent. Il y a des résidences où ce n'est pas comme ça et donc avoir quelqu'un qui s'investissent sur la résidence et qui est là en permanence en plus du gardien et du responsable du site, cela nous permet de montrer aux locataires que on s'intéresse à la résidence, qu'on est pas complètement loin et éloigné et eux ils nous font remarquer des observations de terrain. Maintenant, ce que veulent voir surtout le locataire c'est leur bailleur et pas forcément un intermédiaire, donc à chaque fois qu'il y a une intervention de cet intermédiaire-là, il doit y avoir la présence d'un représentant du bailleur car c'est aussi lui qui prend la décision, c’est lui l’interlocuteur ça fait partie de la contrainte. On n’a pas le temps de faire la mobilisation de terrain, d’être présent à différents moment de la journée, sur différents lieux et on ne pas forcément la disponibilité terrain, éventuellement de faire du porte-à-porte. C'est bien du coup d'avoir une présence terrain. Nous, même si les chargés de développement sont sur le terrain, sur les résidences, on a pas la capacité à être vraiment à temps-plein sur une commune. Ce n’est pas encore économiquement possible, c’est bien d’avoir des relais. Ça facilite quand même les choses.

L’étudiant : Est-ce que vous pensez à des évolutions particulières de partenariat avec les structures de proximité ?

Marie Henni : On travaille avec plein de structures. Juste avant, j'étais avec l’AFEV qui travaille pour nous sur plusieurs résidences et les jeunes étudiants sont présents sur les résidences en week-end, en semaine et proposent des activités, des ateliers les mercredis après-midis, en soirée. L'accompagnement à la scolarité, on va mettre ça en place. On développe mais avec l'entrée étudiant. C'est aussi notre biais. On peut aussi avoir des prestataires qui sont des professionnels, mais il y a vraiment des étudiants. On a une autre vision, une autre perception de la part des habitants sur le service et l'offre et de liens qui leur sont proposés. C'est intéressant en tout cas. Ça permet de varier. Je dirais qu’en fonction des résidences, il n'y a pas forcément une méthode évidente sinon ça serait trop facile. Mais en fonction du contexte et autres, c'est bien de varier les partenaires avec lesquels on travaille. Evidemment ce qui est le mieux, c'est d'avoir une association locale avec des bénévoles locaux et éventuellement des salariés liés à différents dispositifs qui connaissent bien le tissu local, qui connaissent bien les habitants et qui leur proposent des choses présents en permanence mais des fois on a pas cette ressource-là. On doit essayer de trouver quelque chose qui pour moi doit rester temporaire avec un partenaire extérieur professionnalisé qui vient s'intégrer dans la résidence. Normalement, après le but est que l’habitant se prenne en charge mais il faut cinq à dix ans. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

L’étudiant : Justement sur cette question de temporalité tout à l'heure vous parlez de gestion courante et de temporalité de projet. Est-ce que vous pouvez aller un peu plus loin sur la notion de projet ? De quelle manière vous le mettez en place bien que chaque projet soit spécifique ?

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Marie Henni : Oui, chaque projet n'est pas forcément dupliqué. Il y en a qui sont faut dupliqués mais par contre, en effet, c'est toujours la conséquence d'un diagnostic de terrain en fonction des dysfonctionnements qu'on constate sur la résidence et des partenaires locaux que l'on peut mobiliser. Il y a des résidences où il y a un centre social ou une mairie qui s’impliquent. D’autre, la mairie ne veut pas s’intégrer sur le quartier. On est obligé de trouver d'autres relais. On a des gardiens qui sont supers impliqués et d'autres ce n’est pas possible. Si on a imaginé faire une action sur le « vivre ensemble » avec les écoles ou autres, ce n'est pas forcément … ce n'est pas à un chargé de développement d'y aller, mais c'est vraiment le personnel de proximité. C’est son image que l'on essaye de modifier, son rôle. S’il ne se sent pas prêt à y aller, c'est sûr qu’on ne va pas proposer tel ou tel projet. Forcément, on est obligé de partager le diagnostic et de prévoir un plan d'action qui sera adapté au territoire. Chacun sa responsabilité et son pilotage.

L’étudiant : Est-ce que est-ce qu'il est conçu sur une année et est-ce renouvelable ?

Marie Henni : On est en train de faire le premier diagnostic. Pour l'instant, on a souvent fait faire des diagnostics par des prestataires extérieurs mais là on met en place le premier diagnostic interne. Ce sont les chargés de développement qui sont chargés de faire le diagnostic de territoire. C'est vraiment quelque chose que l'on s'approprie, que l’on partage avec nos propres collaborateurs. Le temps du diagnostic permet aussi de faire tout le travail de « je m'intégrer dans un territoire ». On fait connaissance des partenaires et autres. On ne délègue pas ça à un prestataire extérieur qui va nous sortir quelque chose. Pour moi le diagnostic, ça prend plusieurs mois et le temps qui est nécessaire pour le produire, c'est autant de temps de gagné pour mettre en place des actions. On est en train de faire les premiers pour pouvoir en sortir deux d'ici la fin de l'année et forcément ils proposeront des actions à court-terme, à moyen-terme et à long terme. Pourquoi pas aussi des visions de projet d'investissement longs urbains et du court terme aussi pour petit à petit modifier les comportements, modifier le partenariat local pour faire en sorte qu'il soit utile sur la résidence et de faire des améliorations auprès des habitants sur la résidence. Ils répondent à certaines demandes qui sont préoccupantes et urgentes entre le bon vouloir et voir comment installer un sentiment de confiance avec eux si ce lien de confiance n'existe pas.

L’étudiant : Justement, dans le cadre de ce diagnostic, la cible est-elle forcément le locataire ?

Marie Henni : Oui, la cible sont la résidence, les indicateurs de gestion ou les indicateurs de qualité de vie sont dans la moyenne et plutôt bon. Notre cible, il n'y a pas uniquement que la satisfaction des locataires mais c'est aussi pour nous un patrimoine qui vit bien.

L’étudiant : Justement, comment les locataires intègrent-ils l'analyse du diagnostic ?

Téléphone

Marie Henni : On peut avoir différentes approches et différentes méthodes. Forcément, des rencontres avec des locataires nous permettent de faire des diagnostics, c'est évident. Après, cela se fait en fonction des cas. Soit on fait une grande concertation bien organiser logiquement, très posé, de manière à pouvoir se baser sur des propositions que nous on fait des locataires ou des professionnels avec différentes méthodologies. Ou alors, on fait déjà un premier diagnostic. On part de zéro et la première étape de notre plan d'action, c'est vraiment de faire parler les gens, de les faire se connaître, de créer des interactions entre la mairie, les services, les associations, les habitants. A partir de là, il y aura des idées qui vont émettre. Cela dépend vraiment du contexte dans lequel on intervient

L’étudiant : Vous parliez de mairie et de services de quartiers prioritaires. Comment travaillez-vous avec les chefs de projets CUCS ?

Marie Henni : Tous nos sites prioritaires ne sont pas forcément en ZUS. Ce ne sont pas forcément des critères de sélection de nos sites sur lesquels le DSU intervient. On est forcément partenaire, pas quotidien, mais c'est en tout cas nos homologues en mairie donc on est obligé de travailler avec eux. On recherche les mêmes objectifs. Les chargés de développement nous connaissent bien. En tout cas ça fait partie des interlocuteurs que l’on rencontre en premier, parce qu’ils ont déjà une connaissance du territoire qui nous permet de gagner du temps, de mettre en lien et en connaissance avec les associations, les entreprises d'insertion, les partenaires avec lesquels on pourrait monter des actions. On est obligé de travailler mains dans la main avec la mairie. Ce n'est pas forcément facile car des fois, il y a des mairies qui n'ont pas envie de s'investir dans la résidence HLM, qui sont en opposition. Il y a encore de mairie qui n’ont pas de service jeunesse ou tout juste l’ouverture d'un centre social en 2013 sur des quartiers où on sait comment ça vie mal. On se demande comment c’est encore possible mais ça existe encore que l’on n’a pas forcément un CUCS en face. La Politique de la ville, ça ne date pas d'hier. Il y a toute une organisation, un suivi. Tout cela est déjà organisé, c'est à nous de nous insérer dans le tissu local.

Fin de l’entretien

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Annexe 2

Mr Lounici occupe depuis peu le poste de directeur territorial. Il a suivi de près ou de loin les dossiers de Villeneuve-Saint-Georges depuis plusieurs années et explique clairement les enjeux de la direction sur la gestion patrimoniale des résidences sociales du bailleur. Entretien réalisé le 9 juillet à l’agence territoriale ICF Habitat La Sablière de Maison Alfort.

L’étudiant : Pouvez-vous me décrire assez brièvement votre poste?

Mr Lounici : Je suis directeur territorial à ICF Habitat la Sablière et j'ai la responsabilité de 9500 logements qui sont répartis sur 50 communes du Val-de-Marne et de l'Essonne. Je suis en charge de cette entité depuis le 1er janvier 2013. Cela représente 110 collaborateurs, une équipe de collaborateurs dit administratifs, c'est-à-dire que l'on travaille essentiellement depuis la direction territoriale (accueil, travailleurs sociaux, contentieux, attribution, gestionnaire clientèle ...) et différents personnels encadrants qui représentent une équipe de 40 collaborateurs. Le reste étant déployé sur le terrain (employés d'immeuble, gardien, responsable de site).

L’étudiant : Quelle a été votre motivation initiale pour accéder à ce poste? Quel parcours résume votre ascension à ce poste-là?

Mr Lounici : Je suis rentré dans le logement social un peu par hasard. Beaucoup de mes confrères vous le diront. J'ai toujours eu de la chance d'avoir eu un parcours ascendant dans la société. Je suis rentré en 1999 sur un secteur difficile dans le département de la Seine-Saint-Denis, c'était Villetaneuse et Drancy. Deux ans et demi après, j'ai été nommé dans le Val-de-Marne, sur à l'époque un gros secteur de 2 400 logements. Deux ans après, j'ai été nommé directeur d'agence du Val-d'Oise et de l'Oise qui représentait 1000 logements de plus. J'y suis resté deux ans et je suis directeur d'agence dans le Val-de-Marne depuis Octobre 2010 et je suis devenu directeur territorial lorsque l'on a fusionné les agences du Val-de-Marne et de l'Essonne. Une agence par département francilien, et quatre territoires et donc j'ai de la chance d'être nommé directeur territorial.

L’étudiant : Pouvez-vous me décrire votre environnement professionnel habituel ? Qu'est-ce qui rythme votre agenda?

Mr Lounici : L'agenda d'un directeur territorial découle du fait que l'on est censé réfléchir et animer la stratégie de la société au niveau local c'est-à-dire depuis la holding, notre maison mère située à Paris, dans sa filiale dans laquelle je travaille, ICF Habitat La Sablière, et ensuite décliner cette stratégie sur les territoires. Donc beaucoup de temps à consacrer à nos partenaires les collectivités, les maires, les présidents d'EPCI, les commissariats, les conseils généraux. L'idée, c'est d'animer le réseau pour densifier le partenariat et donner la possibilité à la Sablière de continuer de se développer sachant que l'objectif de développement pour le territoire sud, c'est construire entre 200 et 250 logements par an. Donc il faut trouver les terrains, il ne suffit pas juste de ça, il faut une relation de confiance avec le partenaire local, dont le premier d'entre-eux est le maire qui a des pouvoirs importants, on pourrait dire exorbitant en matière d'urbanisme en France, et ensuite il nous faut encore entre deux ou trois ans pour que la construction s'élève. On installe un partenariat de longue durée dans le temps, sachant que le patrimoine que l'on construit ou que l'on achète on va le gérer pendant des années. On s'installe sur un territoire de manière durable. Le bailleur social, contrairement à un bailleur privé, on ne construit pas pour vendre au maximum avant la construction, en tout cas, avant l'année de parfaite achèvement où il ira ensuite sur un autre territoire. La problématique de gestion, il va les confier à un tiers. Un bailleur social, nous on construit mais c'est un pari sur l'avenir. Quels sont les projets dans 4ans, 5ans? Dans cinquante ans, quel sera l'environnement? On prend des paries. Le travail que l'on fait ... on a des cycles de constructions assez longs, entre trois et quatre ans quand tout vas bien, pour construire. Moi j'ai conscience de travailler pour les successeurs, de la même façon, les programmes qui sont en œuvre actuellement ont été initiés par mes prédécesseurs. J'aime bien cette idée de chaîne, de transmission, de passage de témoin ... C'est un repère fondamental de notre organisme qui est propre à tous les bailleurs qu'il s'agit d'inscrire dans la continuité. La Sablière et le groupe ICF ont fêté leur 80ans donc je suis dépositaire d'un patrimoine qui a été pensé, géré et entretenu par d'autres. Mon rôle à moi est de transmettre ce patrimoine dans un meilleur état que je l'ai reçu, c'est mon idéal. Et si je ne pas l'atteindre, ne pas le rendre dans un pire état que l'on me l'a donné. A minima, de conforter la qualité de ce patrimoine. Mais plus que ce patrimoine, entretenir de la technique c'est facile. C'est plus entretenir la relation avec les habitants. On parle de médiation parce-que moi j'ai conscience que l'on a des locataires alors que moi je voudrais retrouver des citoyens.

L’étudiant : Justement, en termes de citoyenneté, quelles sont les attentes des locataires et quelle est la qualité de leurs sollicitations?

Mr Lounici : On est sollicité essentiellement pour des thématiques techniques. "J'ai une fuite d'eau", "j'ai un interrupteur cassé", "j'ai ceci-cela" et le client, le locataire s'inscrit dans l'immédiateté et parfois on ne peut pas répondre. Et encore, on est sollicité sur des domaines qui sont en rapport avec nos responsabilités sachant qu'il appartient à la Sablière, à commencer à leur premier interlocuteurs qui est le gardien de dire au locataire qu'il y a des choses qui sont à votre charge et puis il y a des

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choses qui sont de notre ressort. Quand c'est le cas, on le fait et si on ne peut pas le faire tout de suite, il faut l'expliquer au locataire (problème d'appel d'offre, de contrat, d'assurance ...). Nous sommes dans un environnement juridique de plus en plus contraint mais j'allais dire que c'est plus facile pour nous, ce sont des réclamations plus faciles à traiter car il suffit de mobiliser de l'argent. Par contre, on est sollicité pour des choses qui vont au-delà du métier du bailleur, et qui sont de garantir une tranquillité, une jouissance paisible des lieux loués à nos locataires et puis la pérennité de nos immeubles. Nous sommes sollicités pour des problèmes relatifs à des violences, à de l'incivisme, heureusement plus d'incivisme que de violence et pour lesquels les outils juridiques mis entre les mains du bailleur sont limités. Lorsque l'on est confronté à des situations de violence, des dégradations perpétuelles (non pas le fait que l'on casse quelque chose mais que des collaborateurs doivent ramasser tout le temps le même type de saleté qui n'ont rien à faire dans nos parties communes et dans nos espaces verts), c'est un peu lacent .... Ça c'est lié aux comportements de nos locataires ou de tiers. C’est là, où on ne peut pas apporté de réponse immédiate car on n’a pas les moyens. On n'a pas la possibilité de mettre dix gardiens par résidence. Ca résoudrait une grande partie de nos difficultés. Simplement, l'intégralité des salaires sont payés par nos locataires. Forcément il y a un impact. Ça serait donc plus de services et de disponibilités mais ces services ont un coût que pour l'instant on ne peut pas demander à nos locataires d'assumer sachant que les anciens disent "avant, c'était mieux, tout le monde était respectueux", que le gardien avait une autorité, ce n'est plus le cas car nous sommes dans une société qui a évalué par certains côtés, avec un côté individualiste, un peu de "je m'enfoutisme". Lorsque l'on discute avec certains locataires que nous disent "je jette les ordures, ça fera travailler votre gardien", c'est un raccourcie. Il y a un côté qui est un peu irrationnel. La difficulté au quotidien, plus pour mon équipe locale que pour moi, vous comprenez que forcément il y a une distance et un rang qui font que les difficultés soient amorties, mais je pense que c'est assez frustrants d'intervenir sur les résidences alors que les habitants prennent très peu en considération le travail accompli par le collaborateur concerné. Une fois que l'on a dit ça, soit je change de métier soit il y a des choses à faire. Et les choses à faire, ce n'est pas seulement en répondant par la politique du chéquier, je vous ai dit que c'est simple de faire un chèque, mais il faut aussi avoir conscience que toutes ces dépenses sont payées par le locataires et que l'on peut mettre en difficultés un certain nombre d'entre-eux, surtout dans cette période de crise, et donc de travailler à rappeler à chacun de nos clients qu'avant être des locataires, ce sont avant tout des citoyens. Qu’ils sont acteurs de leur propreté au quotidien, qui acteur de leur tranquillité au quotidien. On peut demander beaucoup de chose au bailleur, on peut tout demander d'ailleurs. Il y a des choses que je dois faire, c'est mon métier. Il y a des choses que je ne dois pas mais que je peux faire et ça aussi j'en étudie la possibilité mais il y a des choses que je voudrais faire mais que je ne peux pas faire. Je n'ai pas le pouvoir de police, et je n'ai pas la possibilité moi de mettre un gardien dans chaque hall ou dans chaque logement. On fait des arbitrages, souvent douloureux, mais je suis tenu à cette réalité sociale et financière.

L’étudiant : Comment se passent les ajustements entre les équipes locales et l'organisation territoriale? Est-ce que vous vous adaptez au rythme des résidences dans une recherche de réactivité?

Mr Lounici : On a une structuration extrêmement courte. On l'a allongé d'un cran cette année. On a mis des décideurs opérationnels sur les sites. L’information est transite employé d'immeuble, gardien, au responsable de site. Ce dernier est le premier cap on va dire. Ensuite, il y a le responsable d 'UGT (Unité de Gestion Territoriale) et le responsable territorial. On a donc une échelle extrêmement courte. En cas d'urgence, moi il n'y a pas de hiérarchie. Il faut que l'information passe le plus vite possible. J'ai des gardiens qui ont mon portable comme moi j'ai le leur. On travaille dans la réciprocité. Ils ont des emails. Ils peuvent m'appeler, idem pour les responsables de site. Lorsqu'il y a une urgence, il faut se tenir disponible. C'est comme moi, j'ai des supérieurs hiérarchiques. Que mon patron soit là quand ça ne va pas, ça m'énerverait un peu. Par contre, j'aimerai qu'il soit là quand ça ne va pas. J'ai par exemple à gérer des patrimoines vieux de 100ans, notamment à Villeneuve-Saint-Georges, les bâtiments connaissent leurs troisième ou plus opérations de réhabilitation. Ces logements sont encore là, demandent un entretien soutenu de manière récurrente mais en dehors de ça, on doit faire face à des situations plus urgentes. Hors routine, il faut que les équipes tel qu’elles soient se rendent disponibles. C'est la réactivité. Mais tout ne nous remonte pas. Je peux estimer que quelques choses ne soient pas importants et urgent, du fait mon expérience mais ce que j'exige d'entendre c'est que le collaborateur a à dire si pour lui il estime que c'est grave. Si mon collaborateur m'appelle car il dit "si je vous appelle, c'est que c'est important pour moi", comme pour les locataires. Les clients quand ils écrivent, on part du principe qu’ils ne le font pas exprès. S'ils demandent un rendez-vous chez le directeur, c'est qu'ils ont mal quelques part et il faut que je les écoute et que je me rende disponible pour eux parce-qu'ils ont des choses à dire. Peut-être ce qu'ils ont à évoquer est rapide et simple, je leur expliquerai ce que le gardien aura surement dit dix fois. Mais si je le fais, c'est que c'est important.

L’étudiant : A part cette disponibilité et cette réactivité, qu'est-ce qui importe selon vous afin d'assurer la confiance du locataire? Quelles compétences soient détenues par un professionnel pour que le sentiment de confiance soit garanti?

Mr Lounici : A la rigueur, ce que l'on dit que l'on va faire, il faut le faire! La confiance, elle ne se donne qu’une fois et quel que soit les métiers. Après, c'est aussi expliquer. Par pour se dédouaner, mais expliquer. On est des équipes. 9 500 logements, je gère une petite ville entre 30 000 et 35 000 habitants, simplement ils sont répartis sur deux départements. Malgré ma volonté, je ne peux pas me téléporter à plusieurs endroits en même temps. C'est donc une grande confiance et une grande autonomie que l'on donne au collaborateur de terrain. Encore une fois, une forte confiance et une forte autonomie qui est accordée au gardien. Après cela implique des relations de confiance. C'est celui qui est sur le site qui est en charge de recueillir la difficulté, la demande du locataire et la transmettre. Après, il peut y avoir des point de blocages, personne n'est

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parfait et on n'attend pas à ce qu'ils le soient. Après, pour améliorer cette relation, je crois que c'est un travail d'identification de l'équipe locale déployée sur le site. Moi, je ne suis pas souvent pas là, des personnes sont d'ailleurs là pour garantir ce lien de confiance. Moi, on me voit quand ça ne va pas. Par contre, si quelqu'un doit se faire engueuler, c'est plutôt moi que mon gardien. Même si je sais qu'au quotidien c'est l'inverse. Mais, s'il y a une convocation en mairie, je suis le premier qui doit se faire sermonner. Cela fait partie de mon job, je pars du principe que j'ai confiance en mes collaborateurs, et qu'ils appliquent localement ce qui a été décidé plus haut dans la société et que je leur ai demandé d'appliquer.

L’étudiant : Si je comprends, en résumé, c'est être cohérent, savoir expliquer, être identifier, exercer ses responsabilités et être confiant de ses équipes pour les rendre autonomes.

Mr Lounici : Dans la confiance, il faut aussi rappeler qu'avec le locataire, on est des partenaires. Il y en a, ils vont être des partenaires pendant que quelque mois, d'autre pendant des années. Moi j'ai des résidences, où par l'intermédiaire du droit de suite, un dispositif du logement social, où on retrouve deux générations dans le même logement, ce qui signifie que les gens y sont attachés. Il y a une espèce de continuité. Les locataires veulent des choses, mais moi aussi je veux des choses. La question est: qu'est-ce que l'on fait pour cela? Ils veulent de la tranquillité. Qu'est-ce que eux ils veulent faire pour assurer cette tranquillité? Je rappelle que moi je ne vis pas dans la cage d'escalier, ni mon gardien, c'est rare. Je ne sais pas ce qui s'y passe le soir. Je ne patrouille pas à moto avec douze de mes compagnons dans nos résidences. Il faut qu'ils soient acteurs et c'est pour cela que depuis je vous le disais, moi plus que des locataires, je recherche des citoyens.

L’étudiant : Finalement les compétences que l'on réclame chez les professionnels, on demande aussi de les retrouver chez les locataires ...Avoir la responsabilité de ce que l'on fait, être reconnu en tant que locataire acteur, être mis en confiance par rapport à sa propre parole .... C'est un peu les mêmes champs de compétences

Mr Lounici : Oui, cela me fait penser à une phrase de Coluche "En France, on peut tout obtenir à condition de le demander gentiment!". Alors après, oui les plus virulents obtiennent plus facilement les choses, les casse-pieds malheureusement que ce soit chez nous, à la Poste ou dans les réunions de quartiers etc. .... mais l'idée qu'avec le même pied, pas d'égalité, mais même égalité de traitement que tout le monde. Un traitement équitable, différencié de manière positive. Des fois, on prend des décisions on va dire à caractère social car ce sont des choses que l'on ne doit pas faire (pour des personnes âgées ou des situations de handicap et autres) mais on considère que c'est à la société de se substituer à lui et de faire des choses que je ne devrais pas faire mais je le fais car il y une justification particulière, si pour moi motive un accompagnement particulier même si pour moi il n'y a pas d'obligation. Or pour la majorité d'entre-eux, sur les 9500 logements, je ne les verrais jamais. D'ailleurs, ça me gêne parce-que des fois on fait des réunions, on discute avec des gens et que quand j'y retourne un an après, les gens se rappelle de moi mais moi je ne me rappelle plus d'eux. Je trouve cela un peu gênant car ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas cette réciprocité-là. En tout cas, je sais que quand on intervient, c'est suffisamment important pour que les locataires s'en souviennent des années après. En tout cas, c'est de dire que la parole des habitants, des locataires est importante, elle mérite d'être entendu. Mais c'est aussi notre travail à nous de dire "ah bah non, ça ce n’est pas à nous de le faire ...." Car nous, on vient nous voir, et doit régler tous les problèmes. Il faudrait que je trouve une place dans un lycée, un travail ou que je règle un certain nombre de difficultés. Malheureusement, pour nos locataires les plus fragiles, nos conseillères sociales sont amenées à entrer dans cette intimité-là. Moi, j'ai parfois l'impression que la dernière relation que détienne certain locataires dans des quartiers sensibles, c'est son gardien, c'est son bailleur. Moi j'ai le souvenir de la Seine-Saint-Denis où la dernière institution présente dans un quartier, c'est le bailleur social. Il y avait encore ses collaborateurs. Et même quand ça n'allait pas, nos bureaux d'accueil étaient encore ouverts. On était sur des quartiers où la poste était partie, où il n'y avait plus rien. Il ne restait que nous. On allait voir les jeunes en disant "écoutez les gars, ce n’est pas bien". On n'était pas toujours entendu mais souvent on était la dernière, on va dire "institution", car on exerce un sous-contrôle de l'Etat.

L’étudiant : Car vous, vous êtes sur un lieu de vie ...

Mr Lounici : C'est ça, et je trouve que c'est important. Le premier réceptacle de la demande, on va dire "citoyenne", liée au logement ou pas, souvent c'est le gardien ou le bailleur. Et parfois on fait de la réorientation. Je me souviens d'un discours à Drancy lors d'un CLSPD, où la demande du commissaire, ce n'était pas d'avoir des policiers en plus, mais il voulait qu'il lui mette dans le commissariat des conseillères sociales, des intervenants sociaux car il disait "moi, quand tous les services sont fermés le week-end, le seul endroit d'ouvert est le commissariat". Il disait "moi j'ai des personnes qui viennent, notamment le Samedi, et mes policiers ne sont pas formés à l'écoute." On les forme à faire des procédures, à assurer la tranquillité publique mais on le forme pas à entendre le discours de femme battue ou de personnes complétement perdues devant leurs papiers. On a aussi besoin de ça. Moi je me rends compte que le bailleur intervient de plus en plus sur des champs qui sont parallèles à notre activité, par exemple, l'animation de quartier. Moi je n'ai pas vocation à animer le quartier mais je sais que c'est un prétexte à une rencontre avec les habitants. La fête des voisins, ce n'est pas moi qui l’aie inventé, notamment notre travail avec Couleurs d'Avenir. Couleurs d'Avenir, j'avais demandé à ce qu'il travaille sur Villeneuve-Saint-Georges parce-que je n'avais pas assez d'effectif pour occuper le terrain. Et que c'était bien d'avoir un partenaire qui ne soit pas la parole institutionnelle d'un bailleur, pas la parole du locataire mais qui est capable de faire du lien et de prendre de la distance, chose que l'on ne peut pas faire nous car j'ai un gardien qui est impliqué dans les problématiques de propreté, d'impayés, dans les

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problématiques de voisinage et des fois ça fait un peu trop. Nous sommes un peu jugés partis. C'est bien d'avoir des fois un pont, de tracer des Passerelle, car je n'avais pas le temps au quotidien d'aller voir les locataires. Je sais que quand moi je viens, on arrive à trouver des solutions mais ça doit aussi être possible à un niveau plus bas. Je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas possible, à condition que ces choses soient dues. Après, pour tout le reste, on a le droit d'inventer des projets et c'est pour cela que je crois beaucoup à des projets co-construits avec le locataire et les habitants. Comme je le disais tout à l'heure, moi ce sont des résidences où je n'y vit pas. On va repeindre la cage d'escalier. Pour choisir la couleur, moi je m'en moque, ce n'est pas à moi de choisir. On vous propose de mettre de la peinture, vous voulez quoi? Car c'est leur cadre de vie à eux, ce n'est pas le mien. Moi je ne suis qu'un visiteur. Si on améliore le cadre de vie et que je demande aux habitants de s'y intéresser, il faut aussi qu'ils soient aussi partis aux choix. Soit pour les processus techniques, soit pour les matériaux mais au moins, sur l'esthétique de dire ce qu'il pense. Après, c'est à nous de rectifier en fonctions des usages et des caractéristiques d'aménagements... mais tout cela on l'explique. Je trouve que c'est intéressant comme démarche. Je prends l'exemple sur un choix de couleurs mais je pourrais le faire que la conception d'aires de jeux, sur des principes d'animation. Il y a énormément de personnes qui ne travaillent pas sur la résidence soit parce-qu'ils sont retraités, soit parce-qu'ils travaillent à temps partiels, soit parce-qu-ils sont entre deux emplois, soit parce-qu'ils sont en RTT ... Je pense qu'il y a des gens qui peuvent consacrés quelques heures à leur espace et leur résidence. Il ne faudrait pas que ce soit un peut toujours les mêmes, on se rend compte que c'est toujours un peu les même .... Mais il faut que l'on retombe dans cette stratégie-là. Avant, lorsqu'il avait un gardien qui tenait la résidence, aujourd'hui ce n'est plus pareil. J’ai connu des résidences où c'était le gardien qui organisait la fête de sport, la fête des voisins ... déjà c'était des gardiens qui s'investissaient directement sur des missions à caractère social sur la résidence mais la nouvelle génération de gardien est un peu différente. On a donc besoin d'avoir des relais, idéalement dans chaque logement, car j'ai un contrat avec chacun des locataires. C’est comme un mariage, c'est ordonné. Ils doivent des choses, je dois des choses, tout est prévu. Parfois, j'ai des liens plus faciles avec certains, d'autres plus distendus. Une majorité des locataires occupent leur bail dans la résidence, je ne vais pas en entendre parler. D'autres, je vais en entendre parler plutôt en bien car ils s'investissent et d'autres plutôt en mal. Ça fait partie de la vie de toute communauté.

L’étudiant : Est-ce que vous percevez d'autres structures intermédiaires dans une logique de médiation? Je pense notamment aux amicales des locataires. Quelles expériences avez-vous de la mise en avant de la maitrise d'usage des locataires?

Mr Lounici : J'ai des retours positifs, notamment des amicales de locataires dans lesquelles les membres s'investissent. A Villeneuve-Saint-Georges, il n'y avait pas d'investissement. Il y avait des groupes souvent, souvent, si j'étais extrêmement regroupé, ils ne représentaient pas la majorité, ils étaient trois ou quatre. Mais moi, je voulais dépasser ça. J'avais trois ou quatre personnes, au moins je les ai cela. Alors faisons le travail ensemble mais simplement Couleurs d'Avenir s'était un pont vers cette structure. Son travaille à l'origine est de susciter les bonnes volontés existantes dans chacun de nos bâtiments. L'idée de départ est celle des référents et voyons si on peut aider à les structurer en association, en amicale etc. .... mais c'était dire, on les aide, il faut que l'on puisse les identifier, que l'on puisse les aider à porter des projets et ensuite qu'ils prennent leur émancipation. En s'émancipant de Couleurs d'Avenir et du bailleur. Avec les amicales des locataires, on est partenaires mais aussi adversaires. J'ai connu des situations où l'amicale stipulait "on veut, on veut, on veut ..." et puis vous "on ne vous doit, on ne vous doit pas". Une fois que l'on a dit ça, il faut que l'on avance. L'idée est que l'on travaille ensemble, cela permet de multiplier les synergies et de démultiplier l'efficacité des uns des autres. Alors c'est le maréchal Liautey qui disait "L'homme seul est voué à l'échec", et je pense que c'est vrai. Je pense que sans les autres on ne fait rien. Même si je suis directeur, si je suis tout seul, je n'ai pas de bras. Je suis comme Astérix, au plutôt Abraraccourcix. Je sais ce qu'il faut faire mais je n'ai pas assez de bras pour le faire partout et j'ai besoin d'Astérix, d'Obélix et de Panoramix dans toutes les résidences.

L’étudiant : Par rapport à une situation de point de blocage, en lien avec les locataires, quelle est la marge de manœuvre qui pourrait jouer en faveur du travail collectif et de ses synergies?

Mr Lounici : Pour moi, les points de blocages, je vous dis que ça n'existe pas. Lorsque l'on a affaire à des individus normaux. Moi je n'ai pas d'adversaires. Les amicales de locataires, ceux ne sont pas des adversaires pour moi. Quelques soit une association, un tiers ou un élu ....

Mr Lounici répond au téléphone ....

L’étudiant : Je vais vous poser une dernière question. Tout à l'heure, vous parliez d'affectation. L'argent prélevé depuis les locataires est-il réaffecté sur le site même?

Mr Lounici : Non c'est de la péréquation. On prélève tout l'argent des locataires et ensuite c'est reparti. Une grande partir sert à l'entretien des résidences, d'autres aux fonctionnements, les honoraires et rémunérations de Couleurs d'Avenir .... Excusez-moi.

Mr Lounici répond à nouveau au téléphone ....

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Mr Lounici : Oui, il y a une péréquation et cela sert aussi à acquérir du patrimoine. Il y a une péréquation au niveau de la société. Encore heureux, quand on achète du patrimoine, on l'achète pour cinquante ans, quarante ans le bâti, cinquante ans le terrain. On perd de l'argent durant les premiers cinquante ans parce-que l’on intègre dans les vingt-cinq premières années les opérations de réhabilitation. Toutes les recettes servent à financer les programmes de constructions, même s'il y a différentes subventions, des garanties par les collectivités locales, notamment les mairies mais pour l'instant c'est à l'équilibre. Parfois, il y a 1 ou 2% d'excédant. Moi, j'achète un bâtiment, qu'est-ce qui va se passer dans la résidence en terme de vacances, en terme d'impayé dans dix, dans quinze ans ? Et pourtant je prends la décision maintenant. Ces constructions-là, elles vivent, elles sont entretenues par des résidences plus anciennes que l'on a fini d'amortir ou en fin d'amortissement. En tout cas, tous les résultats sont excédentaires et permettent de réhabiliter ou d'entretenir des résidences qui ne sont pas encore parvenues à être à l'équilibre.

L’étudiant : Concernant les moyens qui sont disposés sur les résidences, notamment en terme de gardiennage, quelle est la moyenne de logement?

Mr Lounici : C'est un pour 100 logements. Et parfois c'est un peu moins. Après ça dépend. Il y a des résidences où la rigueur on mettrait un gardien pour 300 logements, ça irait bien. Car les gens sont plus attentifs à leur cadre de vie. Et puis, il y en a d'autres où il faudrait un gardien pour 75 logements. Toutes les choses ne sont pas éternels, il y a des résidences où ça vaut le coup d'être un peu plus présent pendant deux ou trois ans, le temps de redresser la situation, de renouer un lien de confiance avec les habitants, de leur dire que l'on peut faire des choses ensemble. Ça devient du possible. Une fois que les choses sont redevenues au vert, les moyens humains et financiers que l'on a consacré, on peut les répartir sur des sites qui connaissent aussi des difficultés similaires. Pour moi, c'est plutôt de mettre une synergie et des moyens nécessaires selon les endroits et d'autres de mettre en place des dispositifs plus allégés. C'est ce que font les pouvoirs publics. Sur Villeneuve-Saint-Georges, on est à un gardien pour moins de 100 logements et moi je dirais que ça ne suffit pas. Et pourtant les ratios sont dans les normes. Mais non, moi je considère que je n'ai pas assez de monde et c'est à moi de justifier par une argumentation en disant qu'il faut peut-être 10% ou 20% de personnes en plus que je vais prendre ailleurs. L'argent, c'est l'argent de nos locataires, je suis aussi garant de ces dépenses là et pour produire tel résultat pour revenir à un ratio et un effectif un peu plus normal.

L’étudiant : Pour conclure, concernant la fusion récente des deux entités territoriales, Essonne et Val-de-Marne, est-ce que ça facilite cette mise en moyen au regard des enjeux des diagnostics territoriaux des résidences?

Mr Lounici : C'est plus facile de faire des arbitrages financiers car j'ai une masse plus importante, ce qui veut dire que je peux plus facilement faire des choix lors de difficultés techniques imprévues, une chaudière qui casse. On fait de la péréquation. Plus le territoire est grand, plus c'est facile d'agir. Un peu comme une petite commune seule qui a du mal à entretenir les routes, alors qu'en communauté de communes, c'est un peu plus facile. Et puis on fait des choix plus judicieux. Avant chaque commune voulait sa piscine, son terrain de football, de basket, de tennis. Maintenant, on va regrouper pour rendre plus facile à entretenir, à gardienner.... On est au tout début de cette réorganisation, et on doit faire avec l'ensemble des aspirations collaborateurs, notamment la clause d'immobilité pour leur vie familiale... On met quelques choses en place, il faut faire l'ensemble des collaborateurs. Je vais revenir sur un point car on a été interrompu, c'est pour dire qu'il n'y a pas de point de blocage. Après, je n'ai pas d'adversaire, je n'ai pas d'ennemis, après on peut avec avoir des atomes, on peut sympathiser, avoir de l'empathie etc. ... par contre, je n'ai pas d'adversaire. Le locataire qui dit, "moi je veux ça, je veux ça", il a le droit de le demander gentiment, de manière posé ou pas. C'est sa demande. Des fois, c'est recevable, je l’entends et je la traite. Des fois elle est recevable, je l’entends mais je ne la traite pas et je lui dis pourquoi. Et après, des fois il y a des choses qui sont bien, que l'on peut faire mais je ne peux pas le faire sur la même temporalité que vous. Ça, on peut le faire tout de suite, c'est de l'urgence. ca il me faut six mois. Ça, il va falloir prévoir des travaux pendant deux ou trois ans. Il y a des projets qui aboutissent au bout de trois ans parce-que je n'ai pas une planche à billet qui peut sortir 100 000€ comme cela. Et même 100 000€, j'ai des procédures, des appels d'offres à effectuer ... et puis il y a la demande des locataires qui est très urgente demandé par un groupe. Sauf que j'ai plusieurs demandes de ces types-là. Mon devoir est donc de différer ou non l'urgence pour certain cas. Il y a peut-être ... Entre réparer une toiture ou mettre en peinture une cage d'escalier, je répare la toiture.

L’étudiant : Le but, c'est mettre donc en perspective aux yeux des locataires la réalité de la gestion de l'ensemble des résidences ...

Mr Lounici : Oui, mais il y a des locataires qui vont dire qu'ils n'ont rien à faire des autres résidences, je les comprends....Je sais que vous n'entendez pas le discours mais votre cage d'escalier, je ne vous dit pas que l'on va jamais la faire, mais qu'elle n'est pas prioritaire par rapport à ce que je connais moi de la situation du patrimoine d'aujourd'hui mais sur le budget de l'année prochaine, on va l'inscrire et je m'engage à ce que ça passe en priorité sur le budget de l'année suivante. Après il y a d'autres choses, "j'ai une chaudière qui casse ou une canalisation qui a cassé", je traite! Par contre, il y a des travaux sur lesquels mes équipes se sont engagées, et alors on dit, "non, on ne peut pas. On est obligé de faire des choix financiers, comme vous!". Moi je fais ces choix-là, je fais de l'arbitrage assez régulièrement, pas tous les jours. Par contre, je privilégie les projets qui ont été voté par des amicales de locataires par rapport à des demandes individuelles. Ils sont

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prioritaires par rapport à des travaux que j'avais moi-même engagé. Cela fait partie du lien de confiance. L'idée est de se dire, on s'est engagé pour faire ces travaux et de les répartir sur plusieurs années s'il le faut.

Fin de l’entretien

Annexe 3

François Escande a occupé pendant plusieurs années le poste de chef de secteur sur Villeneuve-Saint-Georges et autres commune …. Il est désormais responsable de site sur les résidences d’Epinay-sous-Sénart et revient sur ses années d’expériences au niveau de la commune de Villeneuve-Saint-Georges et de l’évolution de l’organisation de la direction. Entretien réalisé le 25 juin 2013 dans la loge centrale d’Epinay-sous-Sénart.

François Escande : Le responsable de site existe depuis la mi-janvier mais on n'a pas suffisamment de recul pour livrer des analyses, cela reste prématuré. Par le passé j'étais chef de secteur, faire un métier bien différent de celui que je fais aujourd'hui. La finalité est de se rapprocher du locataire, de mieux le servir et d'assurer une qualité de service.

Etudiant : je vais vous poser une question très générale, quelle est votre motivation initiale ?

François Escande : Pour ma part ... Je ne sais pas si je suis la meilleure personne pour vous en parler. Pour ma part, il m'a été imposé ce poste qui, de faite, est une rétrogradation. A partir de là, je ne suis pas sûr d'être la personne qui puisse en parler le mieux en terme de motivation. Vous voyez ce que je veux dire ...

Etudiant : En dehors de motivation, vous avez un regard puisque ça fait un certain temps que vous travaillez à la Sablière et que vous avez eu différentes casquettes. Vous avez un regard différent, pluriel?

François Escande : Préciser votre question ....

Etudiant : La question était, quelle a été votre motivation initiale ?

François Escande : La motivation, encore une fois je ne suis pas la meilleure personne pour vous en parler ... Pour moi, ça m'a été imposé. J'étais auparavant chef de secteur ... J'étais pour le moins quand même désabusé ...

Etudiant : Maintenant, vous êtes responsable de site. Explicitez, s'il vous plait, le choix de la Sablière à vouloir rapprocher ces métiers sur les résidences?

François Escande : En agence, vous aviez les chefs de secteur. L'inconvénient du chef de secteur était qu'il était assez loin des réalités du terrain. Il était loin des réalités du terrain, il était loin des équipes aussi. Donc, pour un supplément de qualité de service, et pour un management plus rapproché, plus efficace, on a mis ces responsables de site dans les résidences.

Etudiant : Est-ce donc par nécessité?

François Escande : Il fallait quelqu'un qui soit sur le terrain et les chefs de secteurs, de par l'éventail des taches, il ne pouvait pas, il avait énormément de chose à faire, il ne pouvait pas raisonnablement être auprès des gardiens et puis répondre à tous les clients.

Etudiant : En tant que responsable de site, est-ce que vous pouvez me décrire le quotidien de votre de travail?

François Escande : Pour ma part ... j'ai été muté à un nouveau poste avec des ajustements à faire car aujourd'hui on est pris dans des tâches administratives beaucoup trop importantes. Ce n'est pas que moi qui le dis, mes collègues l'affirment aussi, et je pense qu'il y a une prise de conscience. Le résultat, c'est que moi, en tant que responsable de site, je vois moins mes gardiens qu'avant. Je passe mon temps de travail à fabriquer des commandes. Là je dirais que le virage a été mal négocié. Je sais que la direction essai de trouver des petites choses pour soulager la partie administrative. A la base, l'objectif était d'être un peu plus sur le terrain, proche des gens. Moi pour ma part, l'essentiel, encore une fois je suis pris par la fabrication de bon de commande. Ca avant, je le faisais faire. Maintenant, c'est à moi de le faire et donc ça m'occupe avec la messagerie, avec les mails, le traitement des factures ça m'occupe la moitié du temps, enfin 60% du temps. Le restant est consacré à aller voir les gardiens, à aller voir les clients. Les déplacements, j'en fais 3 ou 4 par semaines.

Etudiant : Quand vous dites les clients, vous parlez des locataires?

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François Escande : Oui, c'est ça!

Etudiant : Quelles sont les attentes des locataires, ce sur quoi ils vous sollicitent le plus?

François Escande : La plupart du temps, on vient nous voir pour des soucis techniques dans les appartements. Et dans une bien moindre mesure, pour des troubles de voisinage. Ici à Epinay-sous-Sénart, nous sommes à l'endroit difficiles de la résidence. A côté il y a un point de fixation des jeunes, où on a une occupation des halls tous les jours donc ils viennent aussi nous voir pour cette raison. Ça ne me trouble pas plus que ça car j'ai l'habitude des sites sensibles. J'ai sur Villeneuve-Saint-Georges et également de Savigny près de Saint-Martin avec des situations qui posaient des problèmes. Les gens viennent me voir pour demander: comment se fait-il? Qu'est-ce que vous faites? Des questions auxquelles on n’a pas toujours réponses en fait.

Etudiant : En termes de soucis techniques, ça occupe la majorité ...

François Escande : Pour la plupart, ils viennent pour des problèmes techniques. Le premier filtre, c'est le gardien. C'est le premier interlocuteur du locataire. Le gardien sait répondre ou ne sait pas, auquel cas, il vient me voir et ça arrive de temps en temps ici même. Moi je reçois les locataires, éventuellement je me déplace pour voir de quoi ça découle, de voir comment solutionner la demande. A titre d'exemple, hier j'étais chez un locataire qui subit des infiltrations.

Etudiant : D'un point de vue pratico-pratique, le fait que vous soyez sur le site et que vous pouvez vous déplacez facilement en fonction des disponibilités des locataires, est-ce que ça facilite l'intervention par rapport à avant?

François Escande : Oui, avec un bémol cependant, c'est cette lourdeur administrative. Moi je fais des commandes ... ça prend du temps, c'est l'utilisation d'un bordereau, d'un marché à bon de commande. Une commande c'est aussi derrière une facture à traiter. Ca a quand même du coup réduit l'impact intéressant que peuvent avoir les responsables de site qui travaillent à la loge des gardiens.

Etudiant : Justement, comment vous percevez la formalisation professionnelle ? Vous avez des compétences techniques, il y a aussi des compétences relationnelles à avoir avec les locataires, pour désamorcer le conflit. Est-ce que vous et les gardiens êtes sur ces deux registres là? Comment pouvez-vous expliquer la répartition de ces compétences?

François Escande : Je dirais que l'un ne va pas sans l’autre. On passe notre temps à faire du relationnel. Quand quelqu'un vient nous voir ...

Etudiant : Est-ce que le relationnel est prévu dans les formations en interne?

François Escande : Nous ce que l'on a ... Oui c'est prévu dans les formations en interne, notamment les formations à destination des gardiens. Il y a des formations gardiens qui s'orientent vers la gestion des relations avec la clientèle, de désamorcer les conflits, les troubles de voisinages également. Ça, on a pas mal de point de formation là-dessus.

Rita, la gardienne du site entre dans la pièce de l'entretien et propose ses services pour un éventuel entretien ....

François Escande : ici on a un gardien également et deux employés d'immeubles.

Rita (gardienne du site) : Deux gardiens. Un gardien hautement qualifié, moi je suis moyennement qualifié et puis deux employés.

Etudiant : Justement, qu'est-ce qui vous différencie?

Rita (gardienne du site) : Les expériences sur le site comme il connait mieux le site, ainsi que les locataires; Cette expérience-là fait de lui un gardien bien qualifié parce-que moi je connais quelques locataires mais je ne suis pas encore enracinée, tandis que lui, il l'est vraiment.

Etudiant : Ça fait combien de temps?

Rita (gardienne du site) : Ca fait une dizaine d'années qu'il est sur le site. 8ans, voilà sur le site. Et moi je viens d'arriver depuis un an et demi et ça va.

François Escande : La question que je posais à Mr Escande était de savoir les sollicitations majoritaires des locataires?

François Escande : Moi je me suis déjà exprimé et donc à toi, vas-y ...

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Rita (gardienne du site) : D'accord. Donc en général, c'est surtout pour les problèmes de fuites ... enfin, voilà ... et après c'est surtout sur le social.

François Escande : Après, ce sont des troubles de voisinage

Rita (gardienne du site) : Beaucoup de troubles de voisinage ...

François Escande : ce sont aussi des gens qui viennent nous voir pour nous parler des problèmes d'occupation des halls...

Rita (gardienne du site) : Oui, exactement .... C’est tout ce qu'il a dit. Ca résume, tout ça que vous avez dit c'est ça. Mais je vais peut-être détailler plus ou moins…

François Escande : Effectivement, ce qui se passe, c'est que nous on ne répond pas à la partie facturation, charges etc ...qui est quand même un gros sujet.

Rita (gardienne du site) : Oui, un gros sujet ...

François Escande : Mais nous on n'est pas compétent pour ça, on renvoi sur l'agence.

Rita (gardienne du site) : C'est-à-dire que Mr Escande est arrivé pile poil dans la mesure où c'est un rachat de la Sablière. C’est un petit peu de bricolage. Maintenant qu'il est là, on a plus l'assise d'ICF, en tant que responsable et d'intermédiaire pour nous que ne le connaissait pas. Le gardien hautement qualifié a été aussi racheté. Avec Mr Escande, on met en place l'assise d'ICF plus ce que l'on a connu entre temps une situation particulière qui ne permettait pas de développer la gestion du site.

François Escande : OK Rita, merci ...

Rita (gardienne du site) : Merci ... (rire)

François Escande : Je ferme la porte!

Etudiant : Ca combien de temps qu'ICF à racheter le site?

François Escande : En 2011 ...

Etudiant : D'accord, donc ça fait 3ans. Es-ce que vous pouvez m'en dire plus sur la formation des gardiens pour gérer la relation avec la clientèle, gérer les conflits?

François Escande : La gestion des conflits et les troubles de voisinage sont des points clés qui existent depuis fort longtemps à la Sablière et effectivement font partie du relationnel. On peut dire ça comme ça. Quant à moi, je n'ai pas suivi de formation particulière, à tort ou à raison, je n'en ai pas ressenti le besoin. Maintenant, pour la partie relationnelle, ici, ce que l'on peut quand même noter c'est le désintérêt des habitants pour la vie des immeubles. Il y a quand même une grosse indifférence. On n'a pas du tout l'impression que les gens se sont approprié leur lieu de vie. Donc, il y a Couleurs d’avenir qui est là pour essayer d'un petit peu de faire du lien, etc .... Mais je pense que nous sommes loin du compte.

Etudiant : Est-ce que ce constat est général sur les sites d'habitat social? Est-ce que c'est propre à un site qui a été mis de côté?

François Escande : Pour moi, avec du recul je me dis que finalement ... j'ai le sentiment que quand on va dans des sites comme ça difficiles, le désintérêt est en rapport avec la difficulté du site. Finalement, les personnes ne se plaisent pas dans l'immeuble, on envie de partir et finalement elles ne vont pas s'engager, s'investir dans la vie des immeubles.

Etudiant : La question, après je parlerai de Couleurs d'Avenir, est : comment œuvrer pour que les personnes se sentent mieux chez eux? Et améliorer un site tel qu'il se trouve ici?

François Escande : Déjà, trouver des locataires que l'on appelle ressources, hors ici on ne les a pas trouvés. Pour moi, on ne peut compter sur personne ici, véritablement. A commencer par l'amicale. Dès que l'on veut faire quelque chose, elle n'a qu'une hâte, c'est de se dérober. Le meilleur exemple, ce vendredi on a une réunion avec les prestataires Sablière qui présenteront les contrats et leur travail etc.... Le responsable de l'amicale est venu me voir hier, on lui avait donné des affiches, il m'a rendu toutes les affiches en disant "moi je ne peux pas", "je n’ai pas le temps" ... donc à partir de là ...

Etudiant : Cette réunion était avec les prestataires...

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François Escande : Couleurs d'avenir, Faustine Aupaix ...

Etudiant : Et c'était des affiches pour inviter ...

François Escande : Oui pour informer les habitants. Moi ce que je lui ai demandé était de mettre les affiches dans les panneaux d'affichage ... Il est venu là me rendre les affiches en me disant "ce n'est pas moi, faut voir avec mon collègue, je ne pourrai pas, je te l'ais dit ... ". Le résultat c'est quelqu'un ... ce n'est pas un relais.

Etudiant : Et la place de Couleurs d'Avenir est dans ce champs de relation, personnes ressources, vous m'avez dit qu'il n'y en a pas beaucoup, mais ce qui est important c’est ce maillage de liens sur le quartier. Est-ce que qu'il y a d'autres volets sur lesquels Couleurs d'Avenir intervient?

François Escande : Ce que je pense c'est de trouver quelques personnes sur lesquelles on peut s'appuyer notamment pour la fête des voisins ... pour aussi évoquer les problèmes. Or, quand ils viennent me voir pour parler, j'ai le droit à des réactions épidermiques... Je les écoute. On sait très bien que quand on les écoute, on règle la moitié du problème mais voilà c'est tout. Après, il n'y a rien.

Etudiant : Justement, comment gérez-vous le sentiment de frustration?

François Escande : Il faut se rappeler quand même que moi mon métier, c'est de loger les gens. Après, moi j'agis sur le bâti. Là, j'ai pris des dispositions pour contrer ces jeunes qui m'embêtent. Au quotidien, j'ai un employé d'immeuble qui tous les jours me ramène à cette réalité. C'est insupportable, c'est insupportable! Je peux vous montrer le hall, de rentrer là-dedans, vous êtes pris à la gorge. Donc voilà! A partir de là, ceci étant dit, moi effectivement, je compte davantage sur des associations comme Couleurs d'Avenir. J'essaie de trouver quelques personnes de bonne volonté, je n'ai pas réussi à le faire. Quand il faut appeler la police, il n'y a plus personne. Il y a aussi cet aspect-là, où les gens ont les pétoches. Notamment quand on voit le responsable de la police, qui s'occupe du quartier dit "moi je suis tranquille, je n'ai jamais eu de plainte".

Etudiant : C'est généralisé ça.

François Escande : Est-ce que c'est vrai ça? Je n'en sais rien. Et puis les locataires qui disent qu'ils ont appelé la police mais que ça ne sert à rien, qu'ils ne viennent pas. Et puis une voiture pour une commune. Voilà!

Etudiant : Quelle aide est apportée par l'agence, par la Sablière? Si vous n'avez pas d'autres moyens de directement sur place de pallier à des difficultés, est-ce que vous trouvez de l'aide, des réponses à vous questions provenant du haut?

François Escande : Si ici, véritablement, on voudrait faire du lien social, il faudrait, à l'instar de Villeneuve-Saint-Georges, il faudrait mettre les moyens. Il faudrait que l'assoc' soit vraiment là. Au regard de la mission que l'on a donné à Couleurs, ici ils ne peuvent faire leur boulot, c'est impossible. Pour moi. Il faut qu'ils soient beaucoup présents. Donc moi ce que je dis c'est que les moyens ne sont pas véritablement donné au responsable de site pour faire en sorte qu'il y ait plus de lien social ici.

Etudiant : Bien que ce soit l'idée de départ.

François Escande : Oui, c'est l'idée de départ. Ce n'est pas gratuit. Pourquoi on fait ça? Parce-que, c'est pour éviter la casse, éviter que des gens s'en aillent, qu'ils partent.

Etudiant : A partir de votre expérience, comment distinguez-vous le travail de projet, puisque quand vous étiez chef de secteur, vous aviez surement en charge des missions de moyens-longs termes, au regard du traitement au cas par cas?

François Escande : Pour moi, la construction sur le temps, c'était un travail à l'image des actions sur Villeneuve-Saint-Georges avec Couleurs pour amorcer quelque chose en fait. C'était ça le projet. C'était d’amorcer, de mettre en route un projet pour que les locataires se prennent en charge par l'intermédiaire d'associations, de ce que l'on veut. Mais que l'on ait un écho. Ici, c'est quelques choses qui me frappent, il n'y a rien. Vous pouvez sortir, tirer des coups de feu en l'air, rentrer chez vous, il n'y en a pas un qui va broncher. Enfin, j'exagère un peu mais à peine, à peine. Donc, ça c'est un aspect. Puis nous, le projet, si on parle de projet, pour moi, je prends l'exemple que je connais sur Villeneuve-Saint-Georges, c'est aussi de travailler sur le bâti comme on a pu le faire sur la rue Guynemer. C'est démarquer la propriété de la Sablière de la voie publique, c'est créer des aménagements, des aires de jeux ... de la gestion des ordures ménagères. Voilà!

Etudiant : Comment sont pensés ses projets là? Suite à des travaux, est-ce que le suivi est assuré?

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François Escande : Nous, on a été largement associé au départ du projet avec le montage du dossier technique. Et puis, ça s’est traduit aussi par une intervention renforcée de Couleurs d'Avenir dans la résidence. Et puis après, charge aux responsables de sites, à mon collègue, d'aussi veiller à garder en bon état ce qui a été refait.

Etudiant : Concernant le nouveau responsable de site, de quelle manière vous êtes-vous passés la main?

François Escande : Ça c'est fait un petit peu à l'arrache. On a mis sur les sites, on a mis la charrue avant les bœufs. On nous a mis là.... Je n’avais pas de véhicule, pas de matériel informatique, je n'avais rien. Zéro... Donc, je vous dis ça pour que vous compreniez qu'il n'y a pas eu d'échange quelconque ... ça c'est clair. Moi, quand je suis arrivé là, mon démarrage consistait à faire le pompier. Aller là, à courir partout, n'importe quoi.

Etudiant : Du fait de votre arrivée assez récente ici, comment s'est passé l'organisation du travail avec les gardiens? Est-ce qu'il a fallu des semaines, des mois de travail pour assurer un travail collectif?

François Escande : Moi déjà, je les réuni pour leur donner la marche à suivre, j'ai fait aussi des plannings de ménages. Et puis, on a des équipes hétéroclites. Sur un gros site, j'ai quand même une personne à contrat à durée déterminée depuis janvier. Vous vous représentez le souci en termes de suivi des affaires. Après, étape par étape, on a Rita la gardienne qui n'est pas du tout du même niveau que son collègue. Certains sont en mesure de faire certaines tâches, et d'autres pas du tout. Ce qui suppose aussi un accompagnement individualisé. Hier, j'ai demandé à mon gardien de Vigneux-sur-Seine d'aller voir celui de Brunoy pour qui lui montrer de savoir gérer les réclamations sur notre outil qui s'appelle GDC parce-que l'on a un outil qui est dédié à la gestion des réclamations.

Etudiant : C'est donc une formation continue d'être gardien.

François Escande : Oui, c'est une formation continue.

Etudiant : Pour être opérationnel sur le terrain, il faut aussi être opérationnel sur les outils administratifs ...

François Escande : Oui, tout à fait. En fait, on a cet outil qui s'appelle GDC et qui permet la traçabilité aussi de la réclamation. Donc ça veut dire que concrètement, le client quand il vient se plaindre, le gardien saisit la réclamation, il me l'envoi pour traitement, pour que je lance une commande ...

Etudiant : Justement, sur le volet, quelles sont les temporalités entre les professionnels et les locataires qui jugent l'intervention par son efficacité? Qu'est-ce qui pourrait expliquer les temps de projet et de traitement qui sont sources à des réactions d'incompréhension des locataires?

François Escande : Il faut bien comprendre que le locataire doit faire remonter sa réclamation mais que lui il ne pourra pas faire le nécessaire de son côté.

Julia Chalmel entre dans la pièce .... Francois Escande invite Julia à rester dans la pièce.

Reprise

François Escande : Donc, on a besoin de saisir cela dans un outil informatique qui s'appelle GDC de me la transmettre, et donc à partir de là, moi je fais un bon de commande, que je transmettrai aux fournisseurs, qui répondra plus ou moins bien. On a ce souci-là, des entreprises qui travaillent bien, d'autres un peu moins d'où un rallongement des délais et donc le mécontentement du locataire.

Etudiant : Comment les locataires ont un droit de regard sur l'efficacité des entreprises à ce stade là que exige une qualité de service?

François Escande : Notre organisation ne nous le permet pas. C'est vrai qu'il y a des enquêtes de satisfactions qui font ressortir que les locataires sont mécontents du traitement de la réclamation. Ça, c'est récurrent. Je ne sais pas si toi tu as connaissance de ces enquêtes. Et donc au fil des enquêtes, il ressort que la réclamation est mal traitée, qu'elle n'est pas traitée de façon satisfaisante et en ressort également que les gens sont moyennement satisfait des prestations des entreprises. Le client n'influence pas, n'a rien dire sur la prestation. Il ne fait que subir.

Etudiant : C'est donc juste une prise d'opinion mais pas de véritablement d'action en lien avec les locataires?

François Escande : Voilà, c'est ça. Oui. Après tout, on pourrait décider que l'on questionne quand on répond aux appels d'offre mais ce n'est pas le cas. On interroge dans le cadre d'une enquête satisfaction, savoir ce qu'ils pensent de la prestation des entreprises, mais c'est tout.

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Annexe 4

Abri Koré est un gardien récemment muté sur la résidence Kennedy de 311 logements. Il est très bien impliqué dans la société La Sablière, il a vécu les changements d’organisation de direction et il a l’expérience de la collaboration avec Couleurs d’avenir. Entretien réalisé le 13 juillet 2013 au sein la loge centrale de la résidence.

L’étudiant : Pouvez-vous me décrire votre poste (gardien sur la résidence Kennedy) et quelle a été la motivation initiale pour ce métier?

Mr Koré : Je n'étais pas arrivé là pour être gardien. J'étais au départ là pour être employé d'immeuble et j'ai exercé ce métier pendant trois ou quatre mois. Sur le secteur de la Passerelle, on m'a proposé d'être gardien sur la loge centrale. Je ne savais ce que c'était d'être gardien. Et puis on me la proposé et j'ai toujours soutenu cette idée. J'étais dans une équipe, on était six, ça c'est bien passé. C'est sur le tas que j'ai appris ce métier, les collègues sur ce poste m'ont vraiment soutenu. Alors pour moi, ce métier consiste à faire le lien entre les locataires et l'agence. Beaucoup de locataires viennent nous voir, nous disent leurs problèmes et on essaie de faire le lien avec l'agence. Avec tout ce que l'on a comme la GDC (Gestion des Contacts) c'est-à-dire créer des dossiers de suivi. Et donc on transmet à l'agence qui essaie de faire un bon de commande derrière ou aussi la gestion locative (le payement des loyers). C'est le lien entre l'agence et le locataire. La base de ce métier c'est ça. Et tout ce qui est nettoyage ....

L’étudiant : Est-ce que vous pouvez me décrire votre environnement professionnel au quotidien?

Mr Koré : C'est un peu tout le temps la même chose. Sur un site comme ici par exemple, au quotidien, c'est être attentif à tout ce qui se passe. Essayer de faire en sorte que les locataires ... en fait, c'est être présent. Les sites ne sont pas du tout pareil en fait. Je prends l'exemple du site de la Passerelle, les locataires ne sont pas pareils. Ici, c'est plus de l'assistanat. On essaie de faire en sorte qu'ils se prennent en charge. Depuis que je suis arrivé, ça commence à changer. Lorsque je suis arrivé ici, je voyais du monde à la loge. On les voit à la fin du mois amener leur chèque.

L’étudiant : Quelles sont les attentes principales des locataires?

Mr Koré : Les attentes des locataires sont principalement de vivre dans un environnement sain. De mettre la pression sur la Sablière lorsque quelque chose ne va pas. Le problème c'est que tous ne vivent pas de la même façon. Aujourd'hui, on voit des portes qui sont brisées et des locataires qui tirent sur les portes et d'autres qui sont contre. Les attentes des locataires, c'est qu'ils payent. Le problème c'est qu'ils ne sont pas d'accord. Il faudrait que la Sablière fasse un certain nombre de travaux. Même si ce n'est pas dans le logement, ne serait-ce que dans les parties communes.

L’étudiant : Quels moyens la Sablière possède pour répondre à ces demandes? Vous m'avez parlé de la GDC, de ce traitement administratif, est-ce suffisant?

Mr Koré : Les moyens sont suffisants mais le problème, et c'est ce que je disais tout à l'heure, c'est au locataire de respecter ce que la Sablière fait. On essai au maximum, s'il y a des réparations à effectuer, de les réparer. C'est la manière de se comporter de certains locataires que je mets plus ou moins en cause. Les enfants cassent tout. Lorsque l'on a le temps de parler aux enfants, il faut le faire. Mais c'est aux parents de payer derrière. Au niveau de la Sablière, les moyens sont suffisants. Le plus souvent, on va leur en parler un peu plus tard ... c'est pour cela que j'apprécie le rôle de Couleurs d'avenir et de certaines associations. Car eux, ils vont au-devant des choses, de dire aux locataires ce que nous, gardiens, nous n'avons pas la possibilité de faire en fait. C'est pourquoi j'apprécie cette aide.

L’étudiant : Quand vous dites que vous n'avez pas les moyens, est-ce en termes de temps, de disponibilité de faire du cas-par-cas, du conseil individuel ou en termes de formation?

Mr Koré : Non, en termes de formation, la Sablière nous le permet. Mais c'est plutôt en termes de disponibilité. On n'est pas vraiment disponible pour parler à tout le monde. Couleurs d'avenir, lorsque j'étais en bas, intervenait à des horaires où nous sommes plus là et donc ça c'est bien. A partir de 18h, je voyais Couleurs d'avenir qui toquait aux portes et de continuer de faire le lien avec les locataires. Ça, c'est vraiment très intéressant.

L’étudiant : Quels sont les retours de ces relations directes de la part des locataires? Et quels impacts cela produit?

Mr Koré : Ils ne font surement pas de retours. C'est là le problème. Pour les locataires, Couleurs d'avenir, c'est la Sablière. Ils ne viennent pas nous voir à ce niveau. Derrière, sur des problèmes et des réparations dans les parties communes, Couleurs d'avenir propose certaines choses et c'est à la Sablière de suivre. Mais ce n'est pas toujours le cas. Dommage! Donc, ça met du temps. Ça dépend du budget, donc ça met du temps à se mettre en place.

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L’étudiant : Vous parliez d'assistanat. Pour enrayer ces comportements, on peut évoquer les notions de dialogue, de transparence dans le fait d'expliquer au locataire. Quelle est votre manière de faire pour changer cette situation?

Mr Koré : L'assistanat, c'est au niveau de la répartition des droits et des devoirs des locataires. On essaie d'expliquer au locataire "telle chose à votre charge, telle chose à la Sablière". Ce n'est pas tout le temps évident. Ils savent très bien que c'est à eux de le faire mais ils souhaitent faire intervenir la Sablière. Pour moi, c'est ça l'assistanat.

L’étudiant : Ceux sont les droits et les devoirs qui sont un final mal compris ...

Mr Koré : Qui sont mal compris! Sur ce site, c'est ça qui pose problème. Néanmoins, ce que je trouve intéressant ici, c'est qu’ils s'expriment, ils viennent. Même si ce n'est pas toujours compris, s'ils ne savent pas que c'est de leurs devoirs, ils viennent. On leur explique et ils savent.

L’étudiant : Qu'est-ce qui pourrait expliquer que sur la résidence Kennedy se soit différent qu'ailleurs? L'historique du quartier, le type de population ... ?

Mr Koré : C'est plus le type de population. Moi qui ai travaillé en bas, ça n’à rien avoir avec ici. C'était une cité SNCF. Apparemment, ça se passe bien mais ce n'est plus ça. La population a changé. Ce n'est pas le même type de population.

L’étudiant : Pour revenir à une question de départ, combien de logements vous sont attribués? Comment vous répartissez-vous le travail d'équipe avec Aimé?

Mr Koré : Ici, il y a 311 logements. Aimé est gardienne qualifiée et moi je suis hautement qualifié. Donc, on essaie d'organiser le boulot en fonction. On a aussi des employés d'immeuble qui doivent gérer tout ça. Les 311 logements, on les gère ensemble mais je m'adonne plutôt au côté technique et Aimé gère plutôt le volet administratif.

L’étudiant : Quelle est la différence entre hautement qualifié et qualifié?

Mr Koré : Hautement qualifié ... si vous voulez, hautement qualifié, c'est un échelon au-dessus. Hautement qualifié peut gérer une équipe. Moi, j'ai des employés d'immeuble, je peux leur donner des ordres.

L’étudiant : C'est donc l'échelon et la responsabilité ...

Mr Koré : C'est la responsabilité! La raison pour laquelle j'ai voulu venir ici. En bas, j'étais gardien qualifié et moi je voulais évoluer.

L’étudiant : Outre la perspective d'une promotion professionnelle, qu'est-ce qui explique ce changement d'échelon? L'expérience, des formations validées en interne?

Mr Koré : La formation, tout le monde le fait, tous les gardiens. C'est plutôt mon expérience je dirais. J'aimais bien gérer en bas et donc ils m'ont transféré ici. Si j'étais promu à Kennedy, c'est que tu es en capacité de gérer ce site. Donc pour moi c'est l'expérience et la manière de travailler.

L’étudiant : En quoi consiste la formation gardien en interne?

Mr Koré : La formation gardien en interne? Est-ce qu'il y a une formation gardien en interne? Je ne sais pas. Moi, je n'ai jamais fait de formation. C'est sur le tas. Maintenant, on voit de plus en plus de personnes qui viennent d'un CAP gardien d'immeuble mais moi je ne connais pas. J'avais formé des stagiaires gardiens d'immeuble qui sont passé par le CAP gardien d'immeuble mais je ne vois ce qu'ils ont fait de fabuleux dans cette formation. Pour moi, c'est sur le tas qu'il faut apprendre. C'est vrai qu'au niveau de la Sablière, je ne connais pas les autres bailleurs, mais il y a pas mal de formation, parcours d'intégration que la Sablière sur un mois. On apprend donc beaucoup plus sur le métier.

L’étudiant : En termes de compétences, qu'est-ce qui apporte la confiance du locataire envers son gardien? De quelle manière un gardien doit se présenter devant les locataires?

Mr Koré : Un gardien, c'est celui qui sert d’interlocuteur entre le locataire et l'agence. Tout simplement, dans mon expérience, je sais qu'un gardien est bien vu lorsqu'il se déplace, lorsqu'il s'occupe des problèmes des locataires. Un gardien qui reste à la loge, qui ne bouge pas, et qui dit "oui, j'ai compris" ... le locataire, lui il paye son loyer donc pour lui, il réclame que ce soit fait derrière. Une fois que le problème est rentré dans la GDC et que le bon de commande est envoyé, c'est à toi, gardien, de mettre la pression sur la société pour que le problème soit traité le plus rapidement possible. C’est ça pour moi, c'est le gardien qui se déplace lorsqu’il y a une fuite et que les travaux sont réalisés en temps et en heure.

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L’étudiant : Comment s'effectue la relation avec l'agence? Comment distinguez-vous les objectifs d'amélioration de la qualité de service (propreté, relation de voisinage, réduction des taux d'impayé ...) et le traitement au cas par cas?

Mr Koré : Ce sont des choses que l'on ne peut pas faire tout seul. C'est pourquoi j'admire beaucoup des associations comme Couleurs d'avenir et que l'on soit épauler par nos supérieurs (les chefs de sites, les responsables ...). Il y a des choses où on ne peut pas tout faire. Il y a des objectifs, il faut les atteindre. La Sablière a mis en place une prime variable pour encourager le gardien à atteindre ces objectifs. Il ne faut pas oublier que le bailleur est une société. Il faut que les loyers rentrent. Aujourd’hui, mon objectif à moi, je l'ai atteint parce-que quand je suis arrivé, au début du mois, on avait 30% des loyers qui étaient payés, maintenant on va jusqu'à 80%. Pour moi, c'est le premier de nos objectifs. Mais on ne peut pas seulement rester là-dessus. Les gens payent leur loyer donc il faut un suivi de qualité derrière.

L’étudiant : Les relations avec les collègues et les responsables, comment cela se passe avec la loge centrale et aussi avec la direction territoriale?

Mr Koré : C'est toute une équipe, il faudrait que les relations soient bonnes. Avec l'agence, ça se passe bien. Les chargés de clientèle, il faut que les relations soient bonnes parce-que lorsque vous transmettez des choses, il faut que ça suive. La loge centrale, c'est un lieu que je connais bien. Avec le responsable de site, ça se passe très bien. S'il y a une défaillance, on le ressent dans notre travail. Il faut que ça se passe bien.

L’étudiant : Quels changements ont été apportés à l'arrivée du responsable de site sur la commune?

Mr Koré : Au niveau de Villeneuve-Saint-Georges, je ne vois pas de changement. Franchement, parce-que moi j'ai toujours été autonome. Je travaille toujours de la même façon comme s'il était à Maison Alfort. Je lui transmets mes demandes de travaux. C'est pour les locataires en fait. Lorsqu'ils ont leurs doléances à faire, ils vont directement à la loge centrale. Ils savent très bien qu'ils ont quelqu'un sur le site. C'est ça qui est très important pour les locataires. Pour nous, les gardiens, ça ne change pas grand-chose. Sauf que, maintenant, on sait que l'on a un supérieur hiérarchique à proximité. Mais lorsque ça se passe bien avec les locataires, ce changement n'apporte rien. Les locataires, s'ils ne sont pas contents, ils viennent, on s'explique. S'ils continuent à ne pas être contents, je transmets au chef de site. A ce niveau pour moi, il n'y pas tellement de changement.

L’étudiant : Pour revenir à l'investissement des locataires dans leur résidence, ici il y a une amicale des locataires qui existe. En quoi cette amicale facilite-t-elle la parole? Qu'est-ce que favorise en général cette parole des habitants?

Mr Koré : Je ne suis pas pro-amical. Quand on observe les amicales, ils s'affrontent, ils n'ont pas la même parole que les locataires. Les locataires se dirigent vers l'amicale le plus souvent lorsque la Sablière n'arrive pas à résoudre leur problème. Je n'aime pas l'amicale car ça tape sur tout, sur tous les employés. Il faut avoir le temps pour le faire. Le plus souvent pour moi c'est un truc de retraité.

L’étudiant : Comme vous avez suivi l'opération de réhabilitation de la résidence Guynemer, comment s'est passée cette période particulière avec les locataires?

Mr Koré : C'est une gestion particulière. La rue Guynemer, avant la réhabilitation, ils étaient tous d'accord pour effectuer les travaux mais certains ne savaient pas en quoi ça consistait. Lorsque ça a démarré, beaucoup on dit qu'ils ne peuvent pas vivre dans la poussière. Dans la représentation de certain, la réhabilitation ne doit pas se passer comme ça. Il y a eu pas mal de problèmes qui ont été créés ... Par logement, ça ne s'est pas bien passé. Ceux qui ont vécu déjà une réhabilitation s'attendaient à ça, pour eux ça s'est bien passé. Quand je suis arrivé à la rue Guynemer, en hiver, des locataires venaient pour se plaindre du froid mas l'hiver dernier, ça c'est bien passé. C'est l'essentiel.

Fin de l'entretien

Annexe 5

Julia Chalmel a été ma tutrice d’apprentissage chez Couleurs d’avenir. Elle reprend à travers cet entretien l’ensemble des aspects qui ont nourri mon année d’alternance, relevant de la réalité de terrain et de la méthodologie de projet. Entretien réalisé à son domicile, Savigny-sur-Orge, le 08 août 2013.

L’étudiant : Peux-tu nous décrire ton poste et ta motivation initiale au choix de ce métier?

Julia Chalmel : Mon poste est aujourd'hui « coordinatrice de projet de développement social urbain ». Je suis au sein d'une association qui s'appelle Couleurs d'Avenir. J'y suis arrivée à l'époque où j'étais en alternance. Donc, ce qui m'a poussé

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à prendre ce poste en alternance c'est que cette structure permet d'être en lien avec des institutions, des professionnels (puisque l'on rencontre tous les professionnels d'un territoire) et à la fois d'être en lien sur le terrain avec les habitants. Donc cette approche me paraissait pertinente pour le montage de projet etc. ... Ceci dit, ce qui est bien ... La comparaison avec une mairie ou autres, ce qui était intéressant, c'est que le projet était multiple, indépendant politiquement et que l'on pouvait toucher à beaucoup de sujets différents, sur différents territoires avec énormément de partenaires. Pour moi, une structure plus fermée, c'est souvent un projet sur un territoire, supervisé par des personnes. Une autonomie et une liberté d'action qui était assez intéressante que j'ai connu en formation. J'y suis resté puisque j'ai été embauché derrière. Ça m'a plu, j'ai trouvé que l'approche était pas mal même il y a eu des choses où j'ai un peu plus de mal. Notamment, ce qui m'a surpris, c'est ce rapport ... je ne connaissais pas du tout le monde des bailleurs, car nous sommes missionnés par des bailleurs sociaux, aussi par des communes ou autres structures mais souvent par des bailleurs ... Le monde des bailleurs m'a un peu étonné. Pour moi, un bailleur social à une vocation sociale comme son nom l'indique que l'on ne retrouve pas forcément chez tout le monde et l'approche n'est pas toujours la même selon les bailleurs, selon les projets etc... L'autre point qui m'a un peu gêné, c'est que ça va un peu avec le fait que, comme nous sommes une structure associative aussi, c'est le côté un peu alimentaire de certaines missions, c'est-à-dire que l'on fait ce métier pour une raison, par conviction bien souvent, et il y a des fois des missions où il n'y a pas de travail de fond mais il faut les faire quand même. Les bailleurs ont parfois un budget à attribuer à certaines actions, des actions sociales. C'est un peu alimentaire, il n'y a pas forcément de projet derrière. Ce côté-là, me gênait un peu. Je ne vois pas forcément l'intérêt.

L’étudiant : Dans l'interaction dont tu parlais entre cadrer des projets et d'être en même temps sur le terrain, qu'est-ce qui rythme ton quotidien?

Julia Chalmel : Mon quotidien ... déjà, je n'ai pas de bureau, donc mon quotidien c'est de bosser à la maison pour tout ce qui est administratif. Généralement, le matin c'est plutôt travail à la maison, et l'après-midi terrain. C'est énormément de présence sur les quartiers... je ne sais pas si j'ai répondu à ta question ... Si?

L’étudiant : Finalement, qu'est-ce que tu apportes pour que cela fonctionne? A quel rythme faut-il que tu impulse les projets?

Julia Chalmel : Pour que les choses fonctionnent, c'est simple, c'est le rapport de terrain. Oui, d'ailleurs j'ai oublié de préciser dans la première question c'était le terrain justement. Un bureau, c'est bien mais être en contact avec les habitants, c'est le plus important. C'est ce rapport-là qui est intéressant et de toute façon, dans les projets. Ce contact avec les habitants, au sein de leur habitat, de les rencontrer directement chez eux, je pense que c'est une porte d'entrée pour pouvoir réussir dans nos projets parce-que nous sommes proches d'eux tout simplement, et que l'on est dans leur réalité, même si on n'y vit pas.

L’étudiant : Sur le terrain, justement, qu'est-ce que le locataire réclame de la part des professionnels?

Julia Chalmel : Ca dépend des projets. Ce que je ressens sur ce que j'ai eu à faire dans mes projets ... j'ai eu des projets assez longs, avec une présence sur des territoires à l'année donc effectivement ce que l'on remarque pour les attentes c'est du point de vue du bailleur. C'est une amélioration du cadre de vie, et aussi ce qui est très personnel de prime abord. C’est toute suite l'amélioration de vie "chez moi, dans mon logement". Souvent la première chose, avant d'investir dans une action collective, d'investir dans la gestion de la vie de la résidence, c'est "je veux amélioration directe de mes conditions de vie" et souvent les premières réclamations portent sur des problèmes techniques. D'ailleurs, l'une des premières portes d'entrée que l'on utilise, en tout cas sur les quartiers sur lesquels j'ai travaillé car encore une fois cela dépend des projets, on arrivait avec des réunions par immeubles en posant la question: "Qu'est-ce qui va? Qu’est-ce qui ne va pas avec votre bailleur?". La commande est souvent celle-ci, c'est de décanter un petit peu, de venir désamorcer des situations sur des quartiers qui vivent mal. Qui n'ont parfois pas de politiques sociales entre guillemets pendant des années, et qui ne vivent pas bien. Et donc, il faut rattraper un peu tout cela, et venir, améliorer pas à pas les choses. Donc ça va être les premières attentes: ma porte, mon chauffage, mes charges et puis la propreté dans mon immeuble ... Ça va être vraiment des choses très individuels, dans le logement ou des attentes par rapport au bailleur, et des attentes surtout de communication. Ce qui ressort souvent, c'est le problème de communication avec le bailleur. Les locataires ne comprennent pas tout, ils ne sont pas informés de tout. Même si le bailleur fait des choses, ils ne le savent pas ou ils ne le voient pas et ils demandent un peu plus de proximité du bailleur sur la résidence. Plus d'implication, de considération de leur gestionnaire.

L’étudiant : Inversement, qu'est-ce que le bailleur attend des locataires pour qu'il puisse garantir une gestion à leur image?

Julia Chalmel : Encore une fois, ça dépend des projets. Pour les missions de types alimentaires avec juste de tri sélectif, le premier but du bailleur, c'est simplement de faire en sorte que la résidence fonctionne mieux au niveau des poubelles. Mais par-contre, pour les projets un peu plus longs, globalement ce que le gestionnaire veut voir en priorité, c'est l'amélioration de ces indicateurs de gestion. C'est l'amélioration de la vie dans la résidence, et du cadre de vie également. Ça se recoupe avec les attentes des locataires. Au niveau même de l'ambiance sur le territoire, c'est une sorte d'apaisement et quand même un contentement des locataires. Ça peut être parfois faussé, parce-que des bailleurs veulent avoir une réelle volonté d'améliorer

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les conditions de vie sur leur résidence et de faire en sorte que les locataires vivent mieux, avec une vraie fibre sociale. D'autres, c'est plus ou moins, je vais utiliser un mot un peu fort mais c'est d'être un hypocrite dans le sens où c'est surtout de désamorcer la bombe sans une réelle considération des locataires. Ca dépend vraiment du site, de la politique du bailleur. Globalement, à la base, c'est de faire en sorte que ça vive bien, et que les locataires se sentent bien. Eviter qu'il y ait trop de dégradations, que les problèmes soient réglés. Les indicateurs de gestion, ça en fait partie puisque dedans il y a le nombre de problèmes techniques relevés, les impayés, etc. .... Le bailleur, ce qui l'intéresse aussi, c'est que l'argent y rentre, mine de rien.

L’étudiant : Quel est le champ d'intervention d'une structure telle que Couleurs d'avenir, qui a pour vocation d'être un appui, une aide à la médiation sociale, entre le locataire et le bailleur? Je vais coupler cette question avec les portes d'entrée qui semblent intéressantes justement pour favoriser cette médiation ...

Julia Chalmel : Nous, on intervient dans beaucoup de domaines. Quand ce sont des choses très ponctuelles, les champs d'intervention peuvent être simplement une action de sensibilisation en pied d'immeuble. Alors déjà il y a le collectif et l'individuel. Je fais la liste de tout ce que l'on fait?

L’étudiant : Plutôt de regrouper en thèmes ...

Julia Chalmel : Il y a des actions collectives en pied d'immeuble qui peuvent être des actions de sensibilisation. Ça peut être des actions de convivialité, de développement de la solidarité également ....

Interruption (le téléphone professionnel de Julia sonne ....)

Reprise

L’étudiant : La question était de cibler les champs d'intervention qui paraissent intéressants pour capter le public, les locataires? Et au sein de ces champs d'intervention, quelles portes d'entrée que cela nécessite? Là où les locataires sont les plus réceptifs avec une efficacité remarquée.

Julia Chalmel : Comme je le disais, il y a plusieurs champs d'intervention, plusieurs manières d'arriver sur un territoire et selon les projets, il y a différentes manières de rentrer en contact avec les locataires. Globalement, il y a deux manières. Soit sur de l'individuel, avec des visites à domicile sur des thèmes bien particuliers pour aller rencontrer les locataires, les sensibiliser ou prendre leur avis sur leur mode de vie dans le logement. Ça peut être de la sensibilisation en porte-à-porte, sur un thème particulier, le tri sélectif, la propreté ou alors pour une enquête en leur posant des questions pour essayer de voir leur ressenti sur la résidence etc. ... ou des visites conseils où on va les rencontrer. On aborde à la fois des sujets qui les concernent, et même on leur apporte des éléments d'information. C'est une porte d'entrée individuelle qui n'est pas toujours celles utilisées, puisque l'on a aussi les portes d'entrée collectives. On a des actions collectives, ça peut simplement être de la sensibilisation ou alors de la concertation.... [...] Pour les actions collectives de concertation. On rencontre les locataires directement en pied d'immeuble pour faire ce que l'on appelle les comités de résidence. C'est-à-dire que l'on arrive sur un territoire, on va rencontrer les locataires dans leur immeuble, et on voit avec eux "Qu'est-ce qui va? Qu’est-ce qui ne va pas? Qu'est-ce qu'il faudrait améliorer?". Parmi ces locataires que l'on rencontre, on essaie d'identifier quelques personnes ressources qui seront capables par la suite d'être référents, d’être témoins de ce qui se passe dans leur immeuble pour que l'on puisse effectuer un suivi et en même temps de proposer des réunions avec le bailleur pour qu'ils puissent être témoin de ce qui se passe lors de ces réunions et qu'ils dialoguent en direct avec la bailleur. Je trouve que c'est une porte d'entrée qui est assez intéressante, puisque l'on arrive sur du collectif pour ensuite cibler des difficultés et pouvoir monter et mettre en place, avec les habitants, des actions, des projets et décanter les problèmes un par un. Après, sur les champs d'intervention, c'est très vaste. On peut être sur tout ce qui touche aux économies d'énergie, au cadre de vie en général. On peut aller sur un territoire pour simplement renforcer la convivialité et le rapport entre les habitants etc. ... Ça peut être aussi "comment essayer de monter des actions festives?".

L’étudiant : As-tu en tête des actions on va dire exemplaires qui ont permis de créer une dynamique?

Julia Chalmel : Les comités de résidence créent une dynamique assez importante puisqu'à partir du moment où l'on a fidélisé des référents, on peut à la fois gérer les aspects techniques avec le bailleur et essayer de mettre en place des réunions régulières avec un suivi et améliorer point par point et mettre en place, par exemple, des programmes d'amélioration. En même temps, on peut préparer des aspects un peu plus différents qui rentrent dans le rapport avec le voisinage, et monter des actions plus vastes. Ça peut être de cibler des thèmes et de décider ensemble si on fait des actions de sensibilisation, ou s'il y a besoin de mettre en place une fête de quartier. On va cibler avec eux les thèmes, ça va être co-construit avec eux. Ils peuvent s'investir dans le montage de projet et de ne pas simplement être passifs, consommateurs. Là c'est intéressant parce-que l'on créé une relation de confiance, il y a un suivi avec eux, ils sont vraiment acteur du projet. J'ai oublié de parler des chartes de bon voisinage où on essaie de mettre en place des engagements mutuels entre les locataires et le bailleur, où il y a un échange pour réévaluer si des points ont été retravaillés. Entre temps, on va mettre en place actions pour essayer d'améliorer les choses dans les deux sens, et c'est vrai que ça peut progressivement améliorer le cadre de vie. Surtout, on rend

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acteur les locataires, ça permet qu'ils s'approprient tout cela et puis on peut leur donner des outils pour ensuite ce soit eux-mêmes qui soient en contact avec le bailleur, qu'ils proposent des choses. On n’est pas voué de rester sur un quartier. Le but c'est de lancer une dynamique et de ne pas rester tout le temps pour qu'il vive sans nous. Il y a d'autres actions collectives, notamment je pensais à l'appartement pédagogique où la démarche est intéressante. On propose une concertation avec les habitants, les équipes locales, le bailleur sur le thème important à travailler. On vient directement sur le quartier et met un espace à disposition, souvent dans un appartement, dans lequel on propose des activités, des animations, ateliers d'informations ou de pratiques sur les thèmes du quotidien et on amène les partenaires sur le territoire, pas forcément facile à voir. On a un espace d'échange, de travail. Ça nous fait remonter des difficultés, et on peut travailler avec eux sur les perspectives d'amélioration du cadre de vie. C'est assez intéressant, car c'est plus un travail de fond. Pour revenir sur les visites à domicile, ça peut être une bonne chose car on rentre en contact avec le locataire directement chez lui, on prend le temps d'écouter ses remarques, ses questions, on peut essayer de régler des problèmes au cas par cas, instaurer un climat de confiance. Par la suite, proposer des actions plus collectives qui peuvent aboutir sur des choses constructives. Une fois que l'on a pris contact avec les gens qui nous connaissent, que l'on a traité des problèmes personnels, particuliers, on sait qu'ils sont plus aptes à participer à des actions collectives. Ce que je remarque, la première chose, c'est que les locataires sont d'abord concernés par leurs problèmes personnels. Après, ils peuvent s'investir dans des actions collectives moins centrées sur des problèmes personnels.

L’étudiant : En terme professionnel, quelles sont les compétences humaines et techniques pour acquérir la confiance des locataires?

Julia Chalmel : Ce qu'il faut surtout, c'est d'être à l'écoute de leur difficulté qui s'accompagne de compétences techniques car il faut savoir répondre à certaines choses mais cela s'acquiert par la pratique ou alors dire "je ne sais pas, je vais me renseigner". Il faut être assez ouvert, aussi méthodique, convaincant ....

L’étudiant : Un locataire face à un professionnel, quelles attentes recherche-t-il?

Julia Chalmel : Ce que le locataire apprécie, c'est une présence directe, qu'il y ait quelque chose qui se passe. Concernant ses problèmes particuliers, ce qu'il attend ce sont des réponses. Pas forcément toujours des réponses positives et qu’il ait ce lien qui se créé. Souvent, il n'a pas toujours les réponses et qu'il est assez souvent dans la frustration. C'est ce lien avec le bailleur qu'il demande. Il attend forcément de la disponibilité, des réponses à ces questions. Derrière, sur des actions plus collectives, les locataires recherchent à ce que ça se passe bien sur leur résidence, les aspects de sécurité et de solidarité entre voisins. Une bonne ambiance sur un territoire et que on les accompagne pour ça. J'ai du mal à répondre à cette question. Techniquement, oui, déjà la méthodologie de projet, savoir y aller pas à pas, s'adapter à leur rythme, ainsi que connaitre tous les aspects du logement (contrat d'entretien, de bail ...). Savoir apporter des réponses ou savoir où on peut les trouver. On n’est pas des assistants sociaux ou des conseillers juridiques, donc il est important de savoir les orienter. Il faut savoir aussi s'adapter à tous les publics (enfants, séniors, jeunes, des professionnels). Il faut cette faculté d'adaptation, d'écoute de chaque public. Selon les publics, il va y avoir des attentes différentes. Cette relation de confiance va se créer aussi à travers l'écoute des différentes particularités de chacun. Je pense au groupe de séniors où l'on peut les fidéliser si on s'adapte à leur rythme de vie et une proposition d'activités en lien avec leurs exigences et leurs besoins. Il faut coller aux besoins des locataires, il faut être à l'écoute, il faut répondre et être patient. De l'autre côté, il faut aussi être assez carré, assez professionnel avec le bailleur puisqu'il a des exigences également. Les deux manières de fonctionner sont complétement différentes donc il faut savoir se caler sur les deux. On ne parle pas de la même manière. Notre rôle est aussi d'amener le bailleur à se rendre compte de certaines choses par rapport aux locataires et inversement expliquer aux locataires le fonctionnement du bailleur pour communiquer.

L’étudiant : Comment se passe le travail avec l'équipe locale?

Julia Chalmel : Pour les professionnels, chacun fonctionne différemment. Pour ma part, je pense que c'est toujours important d'être en lien avec eux car ils nous missionnent sur un territoire et ils ont besoin d'avoir un suivi. Il y a des bailleurs qui vont avoir besoin ou pas mais on tend justement vers un truc un peu plus cadrer où il faut être en contact avec l'équipe locale régulièrement, ne serait-ce que pour passer dire bonjour, se tenir au courant etc. ... Il faut les impliquer aussi dans la démarche. S'ils restent en dehors de toutes les actions, ils vivront mal notre travail et le leur également. C'est très important d'être en lien avec eux. Au niveau des responsables, c'est différent. Ils ont besoin d'un retour assez bref sur nos activités. Les chefs de site, les responsables territoriaux, ils savent venir quand c'est important, donc il faut les tenir au courant de notre programme d'actions. Le plus important, c'est le suivi et de les impliquer dans toutes nos actions. Le travail ne se fait pas sans eux.

L’étudiant : Comment se passe le partenariat avec les associations ressources de quartier, et les regroupements de locataires?

Julia Chalmel : Pour ma part, je pense que c'est très important de rencontrer tous les partenaires (politiques, associatifs ....). Quand on arrive, il y a des choses sur les territoires. Il va falloir composer avec tout cela, pour ne pas faire doublon.

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Expliciter tout simplement la démarche. On travaille en partenariat à chaque fois. Si des acteurs souhaitent s'inscrire dans un projet, il faut que ça se passe dès le départ sinon cela engendre des frustrations. Les amicales de locataires, dans ce cas, cela dépend de leur position car ils peuvent être assez réfractaires à toutes nos activités, mais en même temps très bien s'impliquer. Ça peut vraiment être un véritable appui, s'ils sont actifs, pour les concertations des habitants. Ils ont un vécu, une connaissance vue comme des ressources. Les associations brassent un public important, ils captent des éléments importants. Il s'agit de les impliquer directement, selon le type d'action. Ils connaissent souvent des personnes que l’on n’arrive pas à capter et donc on peut utiliser cette porte d'entrée associative pour prendre contact avec certains locataires. A Villeneuve-Saint-Georges, l'association de quartier est très impliquée, c'est un allié pour tous les jours. Nous sommes constamment en lien avec eux.

L’étudiant : En termes de frustration, comment une structure intermédiaire peut gérer ces situations-là?

Julia Chalmel : Cela dépend. Quand il y a de la frustration entre différents partenaires qui existent depuis des années, c'est compliqué d'intervenir. On peut toujours essayer de rassembler les gens autour de projets communs et d'essayer de voir comment on peut faire. Quand la frustration vient de nous, quand on arrive à des endroits où l'on missionne d'autres structures que la nôtre, on ne comprend pas bien non plus. Il faut venir expliquer la démarche pour donner de la place aux partenaires, de les impliquer et de ne pas les mettre à l'écart. [...] Il y a des amicales de locataires avec lesquelles on ne pourra jamais travailler car ils sont dans une démarche de revendications par rapport au bailleur. A Quincy, la démarche n'a pas été clairement expliquer parce-que le bailleur qui nous missionne, ne fait pas forcément le travail d'informations avec les partenaires. On est donc en doublon, on n’est pas forcément bien reçu "ils ne vont pas venir empiéter sur nos plates-bandes !!".

L’étudiant : Concernant la frustration des locataires?

Julia Chalmel : On en revient à ce que j'ai dit au début. Cela dépend des bailleurs et de leur volonté. Pour bien travailler sur un territoire, cela dépend de la vision des acteurs sur les projets et que chaque partenaire y mette du sien. Ce qui m'embête le plus dans ce travail, on perd en crédibilité. On vient avec nos bonnes intentions mais cela ne suit pas toujours. Le rapport avec le bailleur peut être compliqué s'il n'y a pas une réelle volonté derrière. Les locataires ne sont pas dans la même temporalité aussi. Il faut les comprendre si les problèmes perdurent depuis des années. Des problèmes de confiance en nous, ce n’est pas forcément le cas, mais envers le bailleur, oui ! Historiquement, les locataires avec leurs bailleurs sont très remontés et n'y croient plus. Il faut avoir une réelle volonté qui n'est pas toujours celle attendue par les locataires. Le bailleur perd en crédibilité et notre action sur le terrain avec !! Cela empêche les locataires de s'investir dans les actions collectives ensuite. Il faut bouger quoi!

L’étudiant : Quelles sont les pistes d'améliorations à recommander pour une meilleure communication entre l'ensemble des partis-prenants?

Julia Chalmel : D'une manière générale, le bailleur doit améliorer leur gestion au quotidien sur les aspects techniques et doit communiquer bêtement sur tout ce qu'il fait. C’est d'avoir une transparence complète. Je prends l'exemple de Quincy-sous-Sénart, où l'on a un responsable de site qui connait tous les locataires, et répond au plus vite sur toutes les difficultés. Leur système de gestion des problèmes techniques, le locataire a un problème, il appelle et dans la semaine il reçoit une réponse, positive ou négative. Là, il y a un aller-retour qui correspond aux attentes du locataire, avec sa temporalité assez réduite et une véritable présence du bailleur sur le quartier. Le bailleur est présent, à l'écoute, participe aux actions etc.... on a accompagné sur ce territoire la création des comités de résidents et des référents mais on sait que derrière les référents sont complétement en lien avec le bailleur, et ils peuvent désormais continuer le travail avec les partenaires sans nous. Il fallait juste reconnecter un peu tout cela. Le bailleur a grandement intérêt à être présent sur le terrain, et à être dans la réactivité et dans la communication de base (affichage, retours téléphoniques ...).

Fin de l’entretien

Annexe 6

Mme De Andrade est une locataire référent sur la résidence de la rue de Paris à Villeneuve-Saint-Georges. Lors de l’introduction de l’entretien, Mme De Andrade et Mr Henriquez (son mari) se retrouvent dans la même pièce et commencent directement a évoqué des situations de vie de la résidence.

Mme De Andrade : Le voisin d'en dessous vient me voir dès qu'il a un problème de télé parce-qu'il sait que nous sommes référents. Mr Escande n'avait pas voulu justement que l'on mette notre nom et en tant que référent pour justement que l'on ne soit pas embêté. Donc certains locataires savent que l'on est référent. Moi dans l'immeuble, tout le monde sait que je suis référent mais je veux qu'il n'y a pas notre nom d'affiché pour pas non plus que l'on vienne sonner chez nous. Ce monsieur,

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compte-tenu qu'une ou deux fois je lui ai donné des petits conseils, maintenant, sa télé ne marche pas, il vient sonner à ma porte.

Interaction avec le mari de Mme De Andrade.

Mme De Andrade : Même quand il n'y a un orage, dès fois il a des problèmes avec sa télé il vient me voir je lui dis d'aller voir le gardien ou d'appeler un dépanneur. Il ne faut pas que l'on me mette dans des problèmes là. Il y a des choses où nous on peut effectivement faire le lien avec le gardien. D'autres j'estime que c'est au locataire de faire le nécessaire.

L’étudiant : Vous n'êtes pas des gardiens bis

Mme De Andrade : Oui, tout à fait, nous avons des fonctions limitées, il faut s'en tenir à nos fonctions. Moi c'est comme ça que nous on le ressent, avec Joselyne ou avec Mr Koneskny.

L’étudiant : Quelles sont pour vous les fonctions en tant que référents?

Mme De Andrade : Nous, ce que l'on prend surtout comme fonction à cœur, Je ne veux pas m'impliquer dans des problèmes qui sont liés aux locataires parce que ça j'estime que chaque locataire est bien assez grand. Maintenant, il y a le numéro du gardien qui est affiché. Chaque locataire est assez grand pour prendre le téléphone et appeler le locataire. Il y a deux trois jours, j'ai rencontré une autre dame ....

Le mari de Mme De Andrade quitte la pièce en nous saluant.

Mme De Andrade : Oui une locataire qui a des problèmes avec sa porte de garage. Effectivement, plusieurs fois je l'ai vu qu'elle met son pied sur le pan de mur du garage pour tirer donc je lui en ai parlé l'autre fois. Elle avait appelé la Sablière je pense à Maison Alfort et on lui avait dit que c'était à sa charge. Joselyne, à qui ont changé la porte de garage n'a rien payé. Moi je lui dis non, ce n'est pas au locataire de changer une porte de garage. Je lui dis la semaine dernière que l'on a rendez-vous avec Monsieur Pertuc et je vais lui poser la question. Comme il l'a dit au gardien, il faut que cette dame contacte le gardien, prenne un rendez-vous car il y a quand même certaine chose qui incombe aux locataires malgré tout. Donc il faut que le gardien vienne constater ce qu'il y a. J'ai donné la réponse à la locataire, après elle se débrouille. Ce n'est pas moi qui vais prendre un rendez-vous avec le gardien, quand même. Des petites choses comme ça, moi je veux bien le faire. Pour autant, quand ce sont des choses qui sont propres à l'appartement, j'estime que c'est au locataire de le faire.

L’étudiant : Est-ce que les gardiens ont facilement l'information qui permette de vous aider?

Mme De Andrade : Ça, ça je n'en sais rien. Moi je pars du principe à partir du moment, où moi je suis allé voir le gardien ou pris le renseignement, après c'est à eux de se débrouiller. Maintenant, si le gardien ne fait pas bien son travail. Je ne sais pas ce que vaut Mr Toumi à l'heure actuelle. Honnêtement, avec Mme DuBois et Monsieur Konieskny, on se laisse le temps de voir, même avec Mme Pelletier et les référents d'en face, on se laisse le temps quand même de quelques mois pour voir s'il est efficace ou pas.

L’étudiant : Est-ce que cela nécessiterait des rencontres entre référents et gardiens, voir avec les responsables de site, pour mettre au clair des situations et que vous soyez un peu plus à même à répondre ...

Mme De Andrade : Tout à fait. Oui, ça serait nécessaire.

L’étudiant : Notamment pour permettre de faciliter la circulation de l'information.

Mme De Andrade : Oui, ça serait nécessaire. Après, je sais bien qu'avec Mr Pertuc, que l'on va peut-être revoir en septembre, il est pris aussi, il n'y a pas que lui non plus. On en a conscience. Mais il faudrait quand même des rendez-vous beaucoup plus fréquents.

L’étudiant : Est-ce que vous pouvez me décrire en quelques mots la vie sur la résidence?

Mme De Andrade : Honnêtement, très peu de relations. Bon nous, ça va faire dix ans que nous sommes là. Très bonne relation avec l'immeuble, ça c'est clair. Avec certains locataires, le 336 et le 338, aucune relation. D'ailleurs il n'y a pas de référents. Je ne sais pas si c'est ça. On va dire qu'au 336, à part 2 ou 3 locataires, il n'y a pas beaucoup de relations.

L’étudiant : Est-ce que ça peut être expliqué du faut que ce soit de nouvelles personnes sur la résidence?

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Mme De Andrade : Oui, ça joue. Certainement que ça doit jouer. Il y a énormément de .... Pas forcément au 330, ni même 332 ou 334, mais c'est toujours ces deux bâtiments du bout, je ne sais d'ailleurs pas pourquoi, où il y a toujours des changements de locataires. Alors que c'est vrai que les nouveaux n'ont pas forcément envie de s'investir avec le voisin.

L’étudiant : Quelle a été votre expérience de lieu de résidence et d'environnement de vie auparavant?

Mme De Andrade : Non, avant on habitait dans le privé. C'était bien différent.

L’étudiant : Qu'est-ce qui vous a amené à devenir référent? Et qu'est-ce que ça disait de vous-même de devenir référent?

Mme De Andrade : C'est Mr Escande. Honnêtement, j'aime assez jouer sur le terrain de vie. J'aime assez m'occuper des autres. Peut-être trop des fois, au dire de mon mari. Ce n'est pas qu'il me critique, c'est que des fois il me dit "laisse tombé", mais il est comme moi. Quelqu'un lui demande un service, il va être le premier à courir. Mais j'aime assez m'occuper justement de ce genre de chose que l'on fait là en tant que référent et si je peux aider quelqu'un, j'aime assez le faire.

L’étudiant : Vu l'expérience que vous avez maintenant dans le locatif, par rapport à votre période dans le privé, qu'est-ce qu'il y a de différent?

Mme De Andrade : Dans le privé, il n'y avait rien. C'était un petit immeuble de deux étages, même pas... Bon entre les voisins, c'était bonjour bonsoir, ça s'arrêter là. Il n'y avait aucun lien, beaucoup mois de lien qu'il peut y avoir quand même ici avec certain locataire. Même s'il on se côtoie pas, on se rencontre au parking, on va papoter dix minutes un quart d'heure. Il y un côté sympa, qu'il n'y avait pas avant.

L’étudiant : Et la relation avec le propriétaire qui est maintenant pour vous un gestionnaire?

Mme De Andrade : Dans le privé, on le voyait très peu, si ce n'est quand il y avait un problème, et encore ... Alors qu'ici, je pense que l'on peut mieux accéder au bailleur, quand même. Bien qu'ils sont des fois un peu longs à répondre ou pas répondre du tout, mais avec Mr Lounici, on peut quand même discuter. Je parle de la fête du quartier de samedi dernier. Le pauvre, il venait simplement pour venir voir la fête de quartier, tout le monde lui a sauté dessus. Ce n'est quand même pas évidemment pour lui. Il avait son petit carnet et ses notes... Encore une fois, a quand même conscience qu'il n'a pas que nous non plus. Mais c'est dommage qu'il ne vienne plus en réunion. Bon c'est vrai qu'il a délégué ses pouvoirs. Ça serait bien qu'il vienne une fois de temps en temps quand même.

L’étudiant : Est-ce que c'est en fonction des besoins ou que ce soit régulier?

Mme De Andrade : Régulier, on ne va quand même pas aller jusque-là. Régulier, ça ne se fera pas tout d'abord et je le comprends très bien. Il a d'autres sites, il a son boulot. Régulier, on va dire que ce n'est pas possible. Je dirais au moins deux fois par an, même si on pas de problème. On va dire que lui, il peut très bien nous donner comme réponse, vu que vous n'avez pas de problème, ça ne sert à rien que je vienne. Et je peux la comprendre. Mais, quand même, ça serait bien, une fois par an, mettons, qu'il vienne voir, en fonction des travaux qui ont été fait, il vient voir ce que ça donne. Moi je trouve que ça serait dans son rôle.

L’étudiant : Est-ce que vous trouvez que l'information passe assez bien entre les différents services du bailleur?

Mme De Andrade : Appeler l'agence? Non, moi depuis que Mr Toumi a pris ses fonctions, j'ai toujours eu à faire avec lui parce-que on nous dit qu'il faut passer par le gardien, ce qui est tout à fait normal. Par contre, si je voyais que l'on demande quelque chose et que ce n'est pas fait, ça c'est clair que j'irai directement plus haut. Mais, il y a aussi Mr Bouayoun avant d'en arriver à Maison-Alfort.

L’étudiant : Est-ce que ça facilite?

Mme De Andrade : Non, parce-que Mr Toumi et Mr Bouayoun étant nouveaux, on n'a pas encore assez de recul pour voir, excusez-moi l'expression, ce qu'ils valent. Donc moi, je demande à voir un peu dans le temps, d'avoir un petit peu plus de recul. Comme on nous a dit de les laissé prendre leurs marques, ce qui est tout à fait normal, ils viennent d'arriver sur un site, il faut qu'ils prennent leurs marques mais il ne faut pas non plus que cela prenne un an parce-que j'estime que Mr Toumi a été gardien pendant dans les bâtiments là-haut sur le plateau de Villeneuve-Saint-Georges. M Benaoun, là-dessus je ne sais pas bien mais a priori avait des fonctions similaires ailleurs aussi. Ils changent de site, certes ça les change mais il n'y a pas besoin d'un an pour prendre les marques.

L’étudiant : Qu'est qui est important selon vous dans la relation de confiance avec les professionnels?

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Mme De Andrade : L'efficacité, l'efficacité. Moi si je vois que j'ai signalé un problème et que trois ou quatre mois après, il n'y a rien de fait, automatiquement la confiance ne s'installera pas.

L’étudiant : Donc l'efficacité dans le temps! Est-ce pour vous une question de temporalité? Et est-ce que le temps du locataire et le même que celui du locataire?

Mme De Andrade : En tant que référent, on n’est pas bête, on sait très bien que quand demande des travaux ça ne va pas être fait dans les 15jours. On sait très bien aussi que tout à un coût. On a demandé la fermeture du ….

Le téléphone sonne…

Mme De Andrade : C’est Monsieur et Madame Farrugia que vous connaissez. Oui, on parlait avec Mr Pertuc de la fermeture par exemple du parking. On sait très bien que c'est une chose qui ne va pas se faire dans les 15jours car Mr Pertuc doit le signaler un peu plus haut. On sait très bien que ça a un coût. Ça coûte relativement chers donc on sait très bien que tout ne peut pas se faire rapidement. Par-contre, pour des choses beaucoup plus importantes, au 330, il y a carreau qui est toujours tombé par la même famille. Le carreau a été posé au niveau des boites aux lettres. Mercredi dernier, Mr Pertuc a dit au gardien « il faut enlever ce carreau car c'est dangereux ». Effectivement! Le carreau est toujours là. J'estime que ça demande de l'efficacité sans attendre. Que ça peut être fait le lendemain. Sur des choses comme ça, je ne passe pas. Sur les travaux, on sait très bien qu'il faut contacter des entreprises, commander des devis, comparer, on n'est pas bête.

L’étudiant : Concernant le diagnostic en marchand ...

Mme De Andrade : Oui, on l'a fait!

L’étudiant : Il y a un an à peu près?

Mme De Andrade : On l'a refait, il y a un an et mercredi dernier, les caves et tout.

L’étudiant : En quoi ce type d'exercice est-ce positif et en quoi cela créée des frustrations?

Mme De Andrade : Du temps de Mr Escande. Là, encore une fois, Mr Pertuc, on lui laisse le temps, il est nouveau. Mais avec Mr Escande, combien de fois on a fait le tour de la résidence. Pour prendre des notes, oui. Moi je veux bien que l'on prenne des notes mais il faut quelque chose derrière. Il n'y a jamais rien eu. On a mis quand même deux ans et demi pour obtenir les portes à code, et en bagarrant parce-que on estimait qu'il y avait du danger (on est quand même sur la route). Maintenant sur tous les immeubles il y a des portes à code. Il y avait des gens qui venaient squatter. J'estime que c'était quand même important. On a mis deux ans et demi. Là aussi, il y a un coût, on le sait très bien. Ce petit parcours, c'est très positif. On a fait les caves, quand même. Là aussi, juste avant que Mr Escande parte, je me rappelle très bien de ses paroles: "Mme De Andrade, ne vous inquiétez pas, première quinzaine du mois de janvier, les caves sont nettoyées". Ça n'a jamais été fait! Les vider c'est une chose mais après il faut les fermer. Bénéfice net, ces caves-là ont été vidées, et maintenant il y a des gens qui ont remis des cochonneries dedans, donc il faut refaire le boulot.

L’étudiant : D'un point de vue des moyens financiers sur une résidence, qu'est-ce que vous savez de la répartition des charges et qu'est-ce que ça vous coûte les travaux? Avez-vous un regard là-dessus?

Mme De Andrade : Non! On sait très bien que si on fait fermer le parking, on risque de se heurter à certain locataires car ça sera impacté dans les charges. Certains locataires peuvent répondre "Oui mais nous nous n'avons pas de voiture, pourquoi on nous les incombe dans les charges?". Je peux comprendre ces locataires mais comment pourrait-on faire autrement? Tous les travaux que l'on entamera dans la résidence, il y aura des répercussions sur les charges. Il y aura des locataires qui ne seront pas content. Je prends l'exemple de Mme Jacquemin que vous connaissez et de l'entrée de derrière que l'on envisage de fermer, elle nous dit qu'il ne faut pas fermer et nous demande « comment vont faire les dames qui portent les poussettes ?». Les dames qui ont des poussettes peuvent passer sur les trottoirs.

L’étudiant : Mais justement, Mme Jacquemin connait très bien la résidence puisqu'elle a été gardienne pendant des années.

Mme De Andrade : Elle est très Sablière Mme Jacquemin dans le sens où si la Sablière ne fait pas, c'est très bien. Elle ne veut pas faire les choses pour l'amélioration.

Le téléphone sonne…

L’étudiant : Vous qui avez un regard sur les ficelles que vous pouvez tirer dans des situations particulières, l'action de Couleurs d'avenir est-elle adaptée? Avez-vous d'autres recommandations, d'autres pistes d'idées? Comme tout à l'heure nous

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parlions de rencontres entre référents, gardiens et responsables de site pour que l'information circule mieux, sur quel champs d'action semble-t-il important de mettre l'accent?

Mme De Andrade : Moi ce que j'aimerai bien, pour que ce soit suivi, c'est de faire des rencontres entre locataires et gardien, éventuellement les responsables de site pour que les locataires s'impliquent un peu plus ce qui permettrait à eux aussi d'apporter des idées nouvelles. Nous, en tant que référent, on a nos propres idées et ce n'est pas une obligation que cela plaisent au voisin d'à côté. On a l'impression que les gens ne se bougent pas! Les gens ne se bougent pas, alors peut-être parce-qu'il n'y a pas de propositions non plus.

L’étudiant : Il faut donc assurer une confrontation des points de vue pour que ce soit constructif ...

Mme De Andrade : Tout à fait! Avec des rencontres, quelques choses comme ça. Moi je trouve que ça serait bien entre locataires. Locataires et Couleurs d'Avenir, pourquoi pas!

L’étudiant : A votre sens, qu'est-ce qui freine ce type d'initiatives? Est-ce parce-qu'il n'y a pas de locaux, parce-qu'il n'y a pas d'esprit d'appartenance à la résidence venant des locataires, ou que le bailleur ne suit pas?

Mme De Andrade : Il y a un peu de ça mais je pense qu'au départ c'est parce-que les locataires ne veulent pas s'investir et je crois que la plupart des locataires s'en foutent un peu. Au tant que nous, en tant que référent, on a vraiment envie de s'investir pour que la résidence soit agréable, mignonne et que l’on n’ait pas de problèmes. Il y a beaucoup de locataires ici, ils rentrent chez eux, ils ferment leur porte, point barre. Peut-être aussi parce-que on ne les incite pas à plus de rencontres, peut-être aussi.

L’étudiant : Nous, nous organisons des rencontres en pied d'immeuble, c'est pour nous un moyen pour rencontrer du monde.

Mme De Andrade : Oui, mais regardez quand vous en avez fait, il n'y a eu personne qui est venue.

L’étudiant : Quel moment serait-il le plus adapté pour ce type de rencontres? Ma question derrière est de mettre en avant le fait que les personnes assez souvent n'ont pas envie de se mélanger. Comment dépasser cela?

Mme De Andrade : Oui, il faut le dépasser.

L’étudiant : Ce n'est pas une situation figée.

Mme De Andrade : Oui, ce n'est pas parce-que on a eu un petit conflit de voisinage qu'il faut en rester à ce stade-là. Moi j'ai eu un conflit avec une jeune femme du 330. Une jeune fille qui est seule avec son petit garçon. Un jour, Julia avait fait une réunion derrière, elle est passée, elle a regardé les affiches. C'est une jeune, au début quand elle a emménagé, tous les week-ends il y avait la bamboula chez elle. Les locataires en ont eu marre à un moment, il fallait aller la voir. Donc le jour, où elle s'est présentée derrière, je ne sais plus comment la discussion est venue là-dessus et moi je lui ais balancé "c'est comme les fêtes que vous faites et qui enquiquinent pas mal de locataires!". Elle l'a très mal prise, elle m'a traité de directrice, et je lui ai dit "je ne suis pas la directrice, éventuellement le directeur est la personne qui est là. Si vous avez quelques chose à nous dire, c'est à ce monsieur". Elle m'a fait la gueule. Avec ce genre de gamine là, la relation sera de toute façon difficile. Jeunes, vieux, on a le droit de s'amuser mais il y a des limites. Ces gens, pour avoir une discussion intéressante avec eux, il y aura du boulot.

L’étudiant : Il y aura toujours le vilain petit canard, mais pour les autres personnes, avez-vous l'expérience d'une situation où vous avez réussi à dépasser un problème relationnel?

Mme De Andrade : Mouefff ... oui le voisin du dessus qui écoute assez fort et souvent de la musique tard le soir. En fin de compte, quand il est venu s'excuser un jour où ça nous avait bien agacé. On a réussi à dépasser la relation tendue et maintenant on se parle très bien.

L’étudiant : C'est situation un peu comique alors.

Mme De Andrade : Oui, avec l'humour, je le prends comme ça, et ça passe tout seul ensuite. Tant que ça ne va pas plus loin.

L’étudiant : L'exemple de votre mari est le locataire qui n'a pas de temps. Quelle serait la pilule miracle pour qu'il vienne assister à une réunion avec Mr Pertuc, pour qu'il s'intéresse à la vie de la résidence, en dehors des simples conflits de voisinage?

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Mme De Andrade : Ce n'est pas qu’il ne s’en intéresse pas. Je lui fais un compte-rendu de ce qui se dit. Bien qu'il parle et comprenne très bien français, pour lui, c'est quand même une barrière. Mon mari part toujours su principe "toi, tu parles bien français!" ce qui est normal puisque je suis française. Il va hésiter à s'investir là-dedans. Par contre, il me donne des idées en fonction des sujets abordés. Il aime bien s'investir mais qu'avec moi. Il aime bien avoir une résidence bien propre. Il est le premier à râler dès qu'il trouve quelque chose qui ne va pas. Mais aller en réunion, ça sera plus compliqué pour lui.

L’étudiant : Il lui faut donc un porte-parole! Et s'il vient en réunion, pourrait-il finalement se sentir à l'aise pour prendre la parole?

Mme De Andrade : Non, il sera de toute façon à l'aise car il connait les autres référents très bien mais de là à prendre la parole, je ne sais pas. Il n'a pas la facilité de parole comme moi je peux l'avoir.

L’étudiant : Il y a donc une nécessité d'avoir des porte-parole, rien que pour dépasser des barrières de langage chez les locataires.

Mme De Andrade : Tout à fait mais sur la totalité des appartements, je pense qu'il y aurait plus de locataires qui pourraient s'investir.

L’étudiant : Ce n'est pas un problème majeur?

Mme De Andrade : Il y a beaucoup d'étrangers, on ne peut pas le nier mais qui parlent quand même le français.

L’étudiant : En quoi la fonction d'être référent est-elle efficace? De combien de personnes, jugez-vous être représentatives? Sur un escalier ou sur l'ensemble de la résidence pour que cela fonctionne bien?

Mme De Andrade : Il faudrait que ce soit sur l'ensemble de la résidence. Moi quand je vois un autre problème dans l'autre immeuble, tout de suite je vais faire le lien. Mais je reconnais que je m'occupe plus particulièrement de mon immeuble, c'est clair. Joselyne avait vu un problème d'accès à sa porte d'accès, elle n'a pas pu voir le gardien le soir même, je lui ai proposé d'en parler le lendemain pour elle. On se débrouille à peu près comme ça.

L’étudiant : Finalement, on pourrait résumer à ce que chaque référent s'occupe de son immeuble, de le gestion courante et qu'il y ait une concertation sur les aspects et aménagements extérieurs.

Mme De Andrade : Oui, bien sûr. Je ne vois ce qui se passe dans les autres halls mais je sais ce qui se passe derrière et devant la résidence. Avec Joselyne, on se dit même que le week-end on va mettre une casquette de flic. On inspecte tout. C'est comme ça, que l'on voit le problème des chiens.

L’étudiant : Merci beaucoup!

Fin de l'entretien

Annexe 7

Mme Pelletier nous reçoit chez elle avec sa voisine et collaboratrice référent Mme Nuguet. La complémentarité ainsi que l’histoire en commun sur la résidence de ces deux locataires expliquent la réalisation de ce double entretien, réalisé le 24 juin 2013.

L’étudiant : Pouvez-vous me décrire la vie du quartier (relation de voisinage, ancienneté des habitants)?

MME NUGUET: Moi je suis rentrée en 1976. Oui, il y a encore des anciens locataires. Certains locataires sont un peu dépendants, un peu malades. On s'est toujours bien entendu. On se rend service.

L’étudiant : Et votre la relation avec les nouveaux voisins?

MME PELLETIER : Il n'y en a pas beaucoup.

MME NUGUET: On se parle quand même. On n’est pas souvent les uns chez les autres. On se dit bonjour.

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MME PELLETIER : S’ils ont besoin de quelques choses, ils sont là.

MME NUGUET: Je pense que l'on est la montée d'escalier la plus calme. Bien qu'il y ait des problèmes avec ceux du quatrième, ça recommence!

L’étudiant : Comment avez-vous échos de ce qui se passe ailleurs?

MME NUGUET: C'est-à-dire que l'on est une montée d'escalier où il n'y a pas beaucoup d'enfants de bas âge. [...] La voisine du troisième n'est pas contente car ils donnent les codes aux copains, ils l'ont insultés.

MME PELLETIER : Ils ont encore cassé la clé dans la cave, quand ils rentrent, ils font pipi dans la cage d'escalier. C'est une puanteur.

L’étudiant : Les relations avec les autres voisins des autres escaliers?

MME NUGUET: On n’en connait pas beaucoup. C'est "bonjour/bonsoir" et puis pas avec tous.

MME PELLETIER : Il n'y en a pas beaucoup qui restent. Et puis le reste, moi je ne connais pas!

L’étudiant : De manière générale, comment vivez-vous sur cette résidence?

MME PELLETIER : On ne peut pas dire que l'on est bien ou pas mal. Enfin bon, les logements sont pas mal.

MME NUGUET : On est bien une fois que l'on est chez soi!

L’étudiant : Quel logement occupiez-vous avant de venir vous installer sur cette résidence?

MME PELLETIER : Moi, j'étais là-haut à la cité SNCF où ils ont refait les logements. Je suis arrivée là-haut en 1973 et ici en 1989. Il y avait que des cheminots.

L’étudiant : Comme vous êtes des locataires référents, à quel moment avez-vous eu la sollicitation pour occuper cette fonction?

MME NUGUET : La Sablière nous a envoyé des lettres, avec nos noms et la montée d'escalier.

L’étudiant : Ça a été discuté ou est-ce que ça a été choisi arbitrairement ?

MME NUGUET : Pour être référent? On a eu une réunion à la cité Gravier avec Mr Escande et peut-être bien Julia. On était une poignée de cerises. Comme d'habitude! Ils nous ont tous mis référents. Vous serez référent et puis voilà. "On vous met et si vous ne voulez pas, vous vous enlèverez."

L’étudiant : Donc, c'était de faire d'abord votre expérience.

MME PELLETIER : Ils ne regardaient pas ceux qui se mettaient et ceux qui ne se mettaient pas.

MME NUGUET : Ils nous ont mis d'office si vous voulez.

MME PELLETIER : On était bien une dizaine de référents quand même. [...]

L’étudiant : A l'heure actuelle vous être donc toujours référents. Qu'est-ce qui vous plait dans cette fonction?

MME NUGUET : C'est parce-que l'on a des contacts avec vous et avec la Sablière.

MME PELLETIER : Quand on a besoin de quelques choses, on voit que cela ne va pas, on se le demande entre nous.

L’étudiant : Est-ce qu'être référent aurait, pour vous, facilité la relation avec les autres?

MME NUGUET : Non, personne n'est venu nous dire ou demander quelques choses. Même pendant les travaux.

MME PELLETIER : C'est pour nous et puis pour les gens, si c'est fait, c'est fait, si ce n'est pas fait, ce n'est pas fait.

L’étudiant : Etes-vous satisfait du lien que vous entretenez avec votre bailleur?

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MME PELLETIER : Il y a beaucoup qui est dit et qu'ils ne font pas. Ils laissent quand-même aller.

L’étudiant : Quand "ils ne font pas" comme vous dites, est-ce que c'est sur le moment, ils ne font pas du tout, ou vous devez toujours les relancer?

MME PELLETIER : Il faut beaucoup les relancer.

MME NUGUET : Non, mais avant les bailleurs, on ne les voyait pas! [...] Ca ne s'appelait pas "chef de secteur", c'est nouveau ces noms-là. On ne voyait personne!

L’étudiant : Quand vous dites "avant", précisez s’il vous plait...

MME NUGUET : Mettons en 1976, voilà. Il y avait juste des gardiens. Ils venaient peut-être sur le site, voir les gardiens mais ils ne venaient pas voir les locataires.

MME PELLETIER : On avait deux bonnes gardiennes quand même.

MME NUGUET : C'était des gardiens qui étaient énergiques, qui se faisaient respecter. Les locataires respectaient! Ils avaient un petit peu peur du gardien. Ca a changé depuis le départ de la gardienne. Ils faisaient du VTT sur les pelouses.

L’étudiant : Maintenant, il y a des interlocuteurs. En quoi cette réorganisation modifie-t-elle la vie de la résidence? Est-ce toujours la même chose?

MME PELLETIER : Moi je ne vois pas beaucoup de différence.

MME NUGUET : Ça facilite quand même parce-que l'on a des contacts avec eux. On peut dire ce qui ne va pas. Comme avant, on en n'avait pas, on ne pouvait pas dire quoique ce soit. Mais les gens respectaient mieux que maintenant.

L’étudiant : Ce que je comprends, c'est majoritairement l'affaire de l'ensemble des locataires. Plus que celle du bailleur ....Si l'on veut maintenir une qualité de vie sur la résidence.

MME PELLETIER : Ils ne respectent pas, les locataires.

MME NUGUET : On a plus de contact avec les représentants de la Sablière.

MME PELLETIER : On en a vue tellement des professionnels, gardiens et gérants de site. Moi j'en ai vu défilé un paquet.

L’étudiant : Quelles sont vos attentes au sujet du temps de réaction du bailleur? De quelle manière jugez-vous l'efficacité du bailleur?

MME NUGUET : Je ne sais pas.

MME PELLETIER : Ce n'est pas pour critiquer mais la Sablière, il y a beaucoup de choses qu'ils promettent et qu'ils ne font pas.

MME NUGUET : Il y a eu des lettres. La Sablière a envoyé des lettres aux locataires en parlant des sacs poubelles, de l'employé d'immeuble ... Sans critiquer, ils ne savent pas tous lire le français. La voisine du dessous, elle a mis des mots. Mais elle m'a dit que les gens ne comprenaient pas. Il faudrait l'écrire en plusieurs langues...

L’étudiant : Ca permettrait de faciliter l'accès à l'information.

MME NUGUET : Mr Daddi, ça fait longtemps qu'il est là, il ne comprend pas tout. Mais il parle français. [...] Les gens ne les lisent pas les mots à côté des boîtes aux lettres. [...]

L’étudiant : Quels sont, selon vous, les moyens mis en place par le bailleur pour assurer le dialogue? Couleurs d'avenir, nous sommes là ....

MME NUGUET : Et vous tapez aux portes.

L’étudiant : Avez-vous d'autres exemples? Vous rencontrez le chef de secteur la semaine prochaine n’est-ce pas?

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MME PELLETIER : On l'a demandé ça.

L’étudiant : Justement, comment cela se passe pour les solliciter?

MME PELLETIER : On sentait qu'il y avait du laissé-allé depuis le mois de Janvier et puis on a eu aucune nouvelle. Vous allez voir le gardien il dit "je ne suis pas au courant", vous allez là "je ne suis pas au courant". [...] On lui a demandé d'avoir une réunion avec lui pour lui dire tout ce qui ne va pas. Il a mis du temps pour nous répondre mais il a décidé le jour où il y avait la réunion au Sellier. Il est venu discuter avec nous ...

MME NUGUET : Il s'est mis entre les locataires et il s'est mis à parler.... Il aurait pu se mettre avec les autres bailleurs mais non, il est venu avec nous, j'ai trouvé ça sympa!

L’étudiant : Donc, c'est d'avoir un petit off ...

MME PELLETIER : Pour savoir ce qui ne va pas. On a le problème des voitures ...

L’étudiant : Comment allez-vous procéder pour spécifier ce qui ne va pas?

MME PELLETIER : On fera le tour, en prenant son temps. Pour le lampadaire, ça fait un an et demi qu'il manque une ampoule ....

L’étudiant : De quelle manière allez-vous lister ces points d'amélioration?

MME PELLETIER : Je vais prendre un carnet, le jour où il est venu. Ce sera Juillet ou Aout, on ne pourra pas obtenir ce que l'on veut. Mais au mois de Septembre, on les relancera! Il y a beaucoup de gens qui disent qu'ils veulent payer leur loyer mais ne pas payer les charges. Pour le moment, les charges, il n'y a pas de problème, c'est bloqué! Ce qui nous attend, on ne sait pas.

MME NUGUET : C'est bloqué, pas vraiment. C'est que les charges n'ont pas été validées. Il y a déjà eu une note d'eau importante que l'on a dû payer. On a râlé!

MME PELLETIER : Quand on avait monté une amicale, il y avait Mr Beaujour ...

L’étudiant : Une amicale?

MME PELLETIER : On a en avait trois mais c'est fini.

L’étudiant : Il y avait donc quelques choses?

MME PELLETIER : Oui mais les amicales ... un qui est parti avec la caisse. [...]

L’étudiant : L'argent, il venait d'où et à quoi servait-il?

MME PELLETIER : Il provenait des locataires, il fallait payer des cotisations.

MME NUGUET : L'association servait à défendre les locataires. Il y avait un monsieur, qui s'occuper des affaires des locataires. Il avait son livre. Il savait les droits des locataires, les droits des bailleurs. Pour curer les bouches d’égout, ce n'est pas aux locataires de payer mais c'est à la charge du bailleur. Apparemment, la Sablière nous faisait payer. Il avait son livre, il savait.

L’étudiant : C'est donc quelqu'un qui avait connaissance de la législation, des droits et devoirs des locataires ... est-ce que ça vous aidez?

MME NUGUET : Quand il n'y a pas d'amicale, la Sablière n'est pas tenu de vous donner toutes les informations des charges. Quand il y a une amicale, elle se doit de dévoiler le détail des charges.

Le mari de Mme Pelletier et son petit-fils rentre dans le logement.

L’étudiant : La résidence a fait l'objet d'une réhabilitation. Quelles relations avez-vous eu avec les entreprises prestataires?

MME PELLETIER : Alors Brezillon, je ne veux pas en parler.

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L’étudiant : C'est une situation où il y a le bailleur, l'entreprise, les locataires .... Où plusieurs professionnels interviennent sur votre résidence. Quel est votre sentiment au sujet de l'organisation de ces travaux?

MME PELLETIER : On ne peut pas dire que les travaux ont été mal faits mais il aura fallu quand même se chipoter. Je ne repasserai pas ce que j'ai passé pendant six mois et la Sablière n'a rien fait pour les locataires. On n'est d'ailleurs encore au tribunal. La Sablière et Brezillon devait venir, personne n'est venu. Mais je m'occupe du dossier directement avec Brezillon.

L’étudiant : En tant que locataire, qu'est-ce qui vous met en confiance de la part d'un professionnel?

MME PELLETIER : Ce que je reproche ...

L’étudiant : Je ne vous demande pas ce que vous reprochez, mais ce qui vous met en confiance?

MME PELLETIER : Ce qui me met en confiance? Ce que je vois, je dis, sinon je ne dis rien.

MME NUGUET : Quand on demande quelques choses, il faut attendre.

MME PELLETIER : Il ne faut jamais être pressé. Jamais, jamais ...

MME NUGUET : Quand il y a des problèmes avec l'ascenseur, c'est réparer en peu de temps.

MME PELLETIER : S'il y a des problèmes d'ascenseur, j'appelle. Je ne passe pas par le gardien, ce n'est pas le peine. Le chauffage, j'ai directement les numéros de téléphones.

L’étudiant : Est-ce que c'était comme cela avant?

MME PELLETIER : Non. Je vous dis franchement, quand on allait voir le gardien, les bons étaient directement sur le tiroir.

L’étudiant : En dehors des affaires de gestion courante, qui est le porte-parole des situations conflictuelles? Est-ce vous, locataires, ou vous, avec votre casquette de référent?

MME NUGUET : C'est nous, avec Mme Pelletier.

MME PELLETIER : En tant que locataires, pas trop mais en tant que réfèrent, on est plus appuyé ... Je lui dis au gardien qui sont les référents.

L’étudiant : Selon vous, qu'est-ce qui pourrait être intéressant pour clarifier cette relation gardien-référent? Peut-être une réunion entre les référents et les responsables de site?

MME PELLETIER : C'est que l'on a demandé. Ça serait bien de faire une réunion, pas tous les mois, mais tous les deux mois avec les référents et grouper les habitants. Vous avez vu le nombre de personne qui viennent lors des animations. Ils ne viennent pas. Moi je me permets d'aller voir les responsables, car en tant que référent, on se le permet beaucoup plus que juste locataire. Mais je vais vous dire franchement, que je ne me suis jamais gêné. Quand j'ai quelque chose à dire, je le dis.

L’étudiant : Vous avez un avis à donner, en contact avec les autres locataires, non ?

MME NUGUET : On n'en a pas des contacts avec les autres locataires.

MME PELLETIER : Le référent de l'escalier 1, on ne la voit plus. D'autres se reculent. On est trois référents maintenant. Les gens sont partis.

L’étudiant : Qu'est-ce qui pourrait favoriser une entente plus constructive avec vos voisins?

MME PELLETIER : Vous avez vu la fête? Je ne vois pas trop. Les gens, par devant, ça rouspète. Les gens, quand ils vous voient, "patati patata". Non!

Fin de l’entretien

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Annexe 8

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Table des matières Remerciements ..................................................................................................................... 2  Sommaire .............................................................................................................................. 3  Avant-propos ........................................................................................................................ 4  Introduction ......................................................................................................................... 5  1.   Présentation du terrain d’étude et de la méthodologie employée. ...................... 13  

1.1   Structure d’alternance : Couleurs d’avenir ............................................................ 13  1.1.1   Une structure prestataire de développement social urbain ............................. 13  1.1.2   Territoire d’étude : Villeneuve-Saint-Georges, Val-de-Marne ...................... 13  

1.2   Une approche méthodologique en lien avec le terrain d’apprentissage ................. 14  1.2.1   De la pratique à l’observation ......................................................................... 14  1.2.2   Saisir les paroles et perceptions de chacun ..................................................... 15  

2.   Pourquoi se pose-t-on aujourd’hui la question de la médiation sociale ? .......... 16  2.1   La société moderne : un demi-siècle de bouleversements et de hiérarchisation

démocratique ......................................................................................................................... 16  2.1.1   Hiérarchie démocratique et distance sociale ................................................... 16  2.1.2   La politique interventionniste du logement lors des trente glorieuses .......... 17  2.1.3   Vers une intégration partenariale de la gestion urbaine .................................. 18  2.1.4   Le capital social comme levier ....................................................................... 18  

2.2 Pour une égalité citoyenne et une gestion intégrée démocratique ............................ 19  2.2.1   L’égalité au centre des revendications démocratiques ................................... 19  2.2.2   La reproduction sociale de la démocratie ....................................................... 20  2.2.3   La nécessité de changer nos manières de faire et de fonctionner. .................. 21  2.2.4   La participation, un instrument de notre démocratie moderne ....................... 22  2.2.5   Les nouvelles voix(es) des expressions démocratiques .................................. 23  

2.3   Les différentes approches de la médiation ............................................................. 24  2.3.1   Historique: de la médiation pénale à la médiation sociale ............................ 24  2.3.2   La médiation sociale comme boite à outils adaptable (médiation préventive,

curative, réparatrice) ......................................................................................................... 26  2.3.3   La médiation sociale comme maillon intermédiaire entre les gestionnaires de

services publics, usagers et professionnels ....................................................................... 28  3.   De quelle manière les bailleurs gestionnaires œuvrent-ils pour améliorer la

gestion de leurs résidences ? .................................................................................................. 30  3.1   Porter le projet de la direction dans les résidences. ............................................... 30  

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3.1.1   Une péréquation financière dans l'espace et dans le temps pour assurer le développement de la société. ............................................................................................ 30  

3.1.2   Une stratégie générale déployée en circuit-court sur les sites patrimoniaux .. 32  3.1.3   Une gestion de projet au service du moyen-long terme ................................. 34  

3.2   La gestion courante et les indicateurs de gestion ................................................... 36  3.2.1   Le rôle central des indicateurs de gestion ....................................................... 36  3.2.2   Accueil des locataires et traitement des réclamations .................................... 38  3.2.3   Le niveau de satisfaction des services et de la qualité des services rendues .. 39  

3.3   Les missions du développement social du bailleur ................................................ 41  3.3.1   Développement social urbain: une mission qui dépasse les compétences

classiques d'un bailleur ..................................................................................................... 41  3.3.2   Diagnostic territorial: une connaissance des réalités sociodémographiques et

des acteurs du territoire ..................................................................................................... 44  3.3.3   Le lien social et la convivialité, la clé des projets de développement social .. 44  3.3.4   Les limites de l'intervention sociale du bailleur ............................................. 46  

4.   Quelles sont les conditions préalables pour éveiller les habitants à la démarche de médiation? .......................................................................................................................... 48  

4.1   La proximité, les particularités & le lien social ..................................................... 48  4.1.1   Les attentes prioritaires des locataires: s'occuper de "chez moi, dans mon

logement" ……………………………………………………………………………….48  4.1.2   Proximité géographique des responsables de site, et rôle social de l'institution

"office HLM" dans les quartiers ....................................................................................... 49  4.1.3   A la rencontre de l'humain avant de réfléchir au projet .................................. 50  

4.2   Fournir une réponse à la hauteur des attentes du bailleur comme des locataires ... 52  4.2.1   La légitimité des locataires en tant que clients ayants-droit à une qualité de

service ……………………………………………………………………………….52  4.2.2   Une assise administrative efficace mise à disposition de l'équipe locale ....... 53  4.2.3   Communication et transparence: savoir expliquer et mettre en perspective les

choix ……………………………………………………………………………….55  4.3   Se reconnaitre comme habitant, non pas simplement locataire ............................. 57  

4.3.1   Un déficit d'appropriation des espaces de vie, à l'image des cités dortoirs .... 57  4.3.2   Favoriser une prise de conscience citoyenne afin d'être acteur de son

quotidien ……………………………………………………………………………….59  4.3.3   Proposer un cadre de dialogue incitatif pour l'ensemble des locataires ......... 60  

5.   Dans quelle mesure la médiation sociale peut-elle favoriser une bonne gestion d'une résidence ? .................................................................................................................... 62  

5.1   Les interlocuteurs incontournables à la médiation ................................................. 62  

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5.1.1   Dépasser les points de blocage avec les associations de locataires ................ 62  5.1.2   Structurer les bonnes initiatives et les dispositions de chacun ....................... 64  5.1.3   De l'usage à l'implication: agir sur son lieu de vie ......................................... 65  

5.2   Les prestataires de service et d'aide à la médiation ................................................ 67  5.2.1   Assurer une offre de services complémentaires et indépendante de celle des

bailleurs ……………………………………………………………………………….67  5.2.2   Assurer un accompagnement adapté des publics et des équipes locales ........ 69  5.2.3   La médiation sociale, une démarche sur le long terme. .................................. 72  

5.3   La médiation, instrument de la politique de la ville ............................................... 73  5.3.1   Faire ensemble, avec les acteurs enracinés sur le territoire ............................ 73  5.3.2   Le partage des champs de compétences pour accéder à une dynamique

collective ……………………………………………………………………………….74  5.3.3   Inscription dans des dispositifs interbailleurs ................................................. 75  

Conclusion .......................................................................................................................... 77  Bibliographie ...................................................................................................................... 79  Annexes ............................................................................................................................... 82  

Annexe 1 .......................................................................................................................... 82  Annexe 2 .......................................................................................................................... 86  Annexe 3 .......................................................................................................................... 91  Annexe 4 .......................................................................................................................... 96  Annexe 5 .......................................................................................................................... 98  Annexe 6 ........................................................................................................................ 102  Annexe 7 ........................................................................................................................ 107  Annexe 8 ........................................................................................................................ 112  

Table des sigles ................................................................................................................. 116  Résumé & Abstract ......................................................................................................... 117  

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Table des sigles

CLS : Contrat Locaux de Sécurité

CLSPD : Conseil Local sur la Sécurité et la Prévention de la Délinquance

CNL : Confédération Nationale pour le Logement

CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale

DSU : Développement Social Urbain

EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale

ESH : Entreprises Sociales pour l’Habitat

GDC : Gestion des Commandes

HLM : Habitat à Loyer Modéré

HVS : Habitat et Vie Sociale

PEEC : Participation des Employeurs à l’Effort de Construction

USH : Union Social pour l’Habitat

ZAC : Zones d’Aménagement Concerté

ZSP : Zone de Sécurité Prioritaire

ZUP : Zones à Urbaniser en Priorité

ZUS : Zones Urbaines Sensibles

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Résumé & Abstract

Ce mémoire professionnel de fin d’étude prépare aux métiers du développement social

urbain et questionne tout particulièrement les façons de faire des professionnels de la politique

de la ville et du logement social. C’est à travers l’approche relationnelle et humaine que cette

étude interroge le champ de la médiation sociale, vu comme un processus vertueux de mise en

confiance et d’adaptation de l’ensemble des publics qui vivent et agissent dans les résidences

d’habitat social. Cette étude prend appui sur des témoignages de professionnels du logement

social (directeur d’agence, responsable de site, gardien, coordinateur de projet …) ainsi que

sur la parole de locataires investis au sein de la vie de leur résidence. La finalité de ce travail

est de trouver une méthodologie de travail assez solide pour répondre aux sollicitations

individuelles des locataires et en parallèle d’assurer les enjeux de gestion des sites appartenant

aux bailleurs sociaux.

This professional dissertation study prepares students for careers in urban social

development and particularly questions the ways of doing professional urban policy and

social housing. It is through the social and human approach that this study questions the

social mediation, seen as a virtuous process of confidence building and adaptation of all

groups who live and work in the homes of social housing. This study builds on evidence of

professional social housing (branch manager, site manager, caretaker, project coordinator

...) as well as the word of tenants invested in the life of their area. The purpose of this work is

to find a working methodology strong enough to respond to individual requests in parallel

and ensure issues management sites owned by social landlords.

Référence bibliographique :

Calis Simon, « Dans quelle mesure et comment la médiation sociale peut-elle favoriser une bonne

gestion d'une résidence ? », Mémoire de Master, Université d’Evry-Val-d’Essonne, 2013, 113p.