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JANVIER 2017 — N° 5 MÉDECIN ET AUTEUR-PHOTOGRAPHE de Paris à Bello-Tounga DÉBAT TÉLÉCONSULTATION Progrès ou dérive ? MÉDECINE DANS LE MONDE DÉPENDANCES Takiwi DOSSIER FEMMES Dans le camp de Grande Synthe Ce magazine vous est présenté par

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MÉDECIN ET AUTEUR-PHOTOGRAPHEde Paris à Bello-Tounga

DÉBAT

TÉLÉCONSULTATION Progrès ou dérive ?

MÉDECINE DANS LE MONDE

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DOSSIER

FEMMES Dans le camp de Grande Synthe

Ce magazine vous est présenté par

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Éditeur : La Mutuelle du Médecin/Groupe Pasteur Mutualité. Création : Mediapilote (02 41 20 94 26). Rédaction : Laëtitia Colonna, Virginie Leroy et Nathalie Strauch. Crédits photos : © Olivier Pain, reporter photographe indépendant, GSF, Agnès Giannotti, iStock. Parution : décembre 2016.

Femmes-médecinsle mag pratique dédié aux médecins mais surtout aux femmes

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Femmes-médecinsle mag pratique dédié aux médecins mais surtout aux femmes

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NEWS TENDANCES04

DÉBATTHÈSE-ANTITHÈSE

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À TABLE SIMPLE ET SAIN32

TALENTS AFTERWORK12

DOSSIER SOCIÉTÉ18

MÉDECINE DANS LE MONDE PORTFOLIO

24 J’AIME QUARTIER LIBRE34

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É D I T O

Mesdames, Messieurs, chères consœurs et chers confrères.

La Mutuelle du Médecin est heureuse de vous présenter, ce nouveau numéro de notre magazine Femmes-médecins.

J’ai le plaisir et l’honneur de vous annoncer mon élection à la présidence de La Mutuelle du Médecin, succédant ainsi au Docteur Jean-Pierre HAMELIN, qui était arrivé au terme de son mandat, après avoir consacré beaucoup de temps et d’énergie au pilotage de notre Mutuelle.

Dans ce numéro, des articles vous sont proposés, sur des sujets divers et variés, mais pouvant concerner également l’exercice de la médecine.

En espérant que cette lecture soit pour vous un moment d’intérêt et de détente, recevez, Mesdames, Messieurs, chères consœurs et chers confrères, mes confraternelles salutations.

Docteur Arnault OLIVIER, Président de La Mutuelle du Médecin

POUR ALLER PLUS LOIN

Témoignages, informations professionnelles ou pratiques, propositions culturelles, voyages… Tout ce que vous rêviez de trouver dans un magazine vous est offert ici. Alors n’attendez plus, connectez-vous !

Cet espace est une mine d’informations pour vous, femmes médecins : quizz, expériences, informations… Contenu riche et ton ludique : essayez cette page, vous serez fan !

WWW.FEMMES-MEDECINS.COM : LE WEBZINE

Femmes-médecins, au-delà de notre rendez-vous trimestriel, c’est également un ensemble de supports digitaux, qui vous accompagnent au quotidien :

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JEUX VIDÉOLA SANTÉ EN S’AMUSANT

O.ZEN d’UBISOFT est le 1er jeu vidéo du marché, qui, par la pratique de la cohérence cardiaque, aide à gérer son stress et (re)trouver le calme intérieur. Grâce à une interface ludique, des exercices amusants et une bande son planante signée AIR, le jeu invite les plus récalcitrants à prendre le temps de se poser. O.ZEN a pour but de stimuler le système nerveux parasympathique, il s’agit de ralentir la fréquence cardiaque en ralentissant/contrôlant sa respiration. Ce faisant, le “joueur” va influer sur le message envoyé au système nerveux et lui proposer une nouvelle option : le calme. Par le biais d’un avatar, votre mission ne consistera pas à éliminer un tas d’ennemis, mais à maintenir un petit poisson dans une certaine zone via un capteur placé sur le doigt, mesurant la fréquence cardiaque et ce qui vous permettra de reprendre le contrôle de vos émotions.La détente en s’amusant pour petits et grands, une vraie révolution !

Pour en savoir plus :www.coherencecardiaque.orgDr. David O’Hare, Cohérence cardiaque 365, Éditions Thierry SouccarDr. David Servan-Schreiber, Guérir, Édition Pocket Application Respirelax sur App Store

NEWStendances

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LUTTE CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE

UNE AUTRE PÉDAGOGIE

Chaque année, l’Éducation Nationale laisse sur le bord du chemin près de 140 000 enfants qui quittent ses bancs sans aucun diplôme en poche...Véritable cercle vicieux, l’échec scolaire est un mal qui touche toutes les classes d’âge et entraîne troubles du comportement, dévalorisation de soi, agressivité... dans une spirale infernale aux conséquences lourdes pour l’individu et la société.L’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage, elle est aussi et surtout un lieu social, où l’enfant met en place sa personnalité et ses conditions d’échange avec les autres. Les écoles Steiner et Montessori proposent depuis plus de 100 ans un autre modèle. Leurs pédagogies sont basées sur l’autonomie comme vecteur de liberté et donc de bonheur. L’autonomie pour un enfant est à l’origine du fondement de l’estime de soi. Il n’est pas trop tard pour mettre en place un cercle vertueux, dans lequel chaque enfant sera l’artisan d’une société nouvelle.

Pour en savoir plus :www.montessori france.asso.frwww.steiner waldorf.orgAntonella Verdiani, Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, Édition Actes Sud.

OBJETS CONNECTÉS

QUEL BÉNÉFICE POUR LA MÉDECINE

Les objets connectés sont aujourd’hui une réalité et constituent un marché en plein essor. L’engouement pour ces technologies est si important aux USA qu’un tiers de la population y suit sa santé par le biais d’appareils connectés.En France, ils se démocratisent un peu plus chaque année et les ventes ne cessent de progresser. Plus qu’un effet de mode il s’agit d’une pratique répondant à l’esprit du temps : avoir le souci de soi pour rester en pleine santé car l’objet connecté permet littéralement d’être «à l’écoute de soi». Cette tendance a déjà un nom : le Quantified Self. Mesurer et garder en mémoire tout ce qu’un appareil est capable de capter dans notre corps. Jusqu’à présent nous ne pouvions que formuler subjectivement notre état physique général. Désormais, il ne s’agit plus simplement de savoir si nous nous sentons bien ou mal mais de passer d’une évaluation qualitative subjective à une mesure quantitative objective. La révolution numérique modifie à coup sûr le rapport que nous entretenons avec notre propre corps. Pour le meilleur ?

Pour en savoir plus :www.guide-sante-connectee.fr/objets-connectes-et-dispositifs-medicaux

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DÉBATThèse – Antithèse

Un centre médical entièrement assuré par téléconsultation vient d’ouvrir ses portes dans un village alsacien, pour pallier l’absence de médecin. Si certains, sans envisager cette alternative comme une solution, y voient un moyen de tendre vers plus d’égalité face à l’accès aux soins, d’autres s’en inquiètent. Que penser de ce dispositif ? Les Docteurs Ghislaine Auguier et Corinne Delavet nous éclairent de leur point de vue sur le principe de la téléconsultation.

La Rédaction de Femmes- médecins : Comme dans de nombreuses zones rurales, la désertification médicale produit son effet. Ici, pour pallier l’absence de médecin dans la commune, a été mis en place le projet de ce cabinet médical par téléconsultation. Pensez-vous que cette alternative

puisse être une réponse pour ces régions peu (ou pas) dotées en médecins ?Ghislaine Augier : La désertification médicale est un phénomène qui va de pair, dans les petites communes et les zones rurales étendues, avec la disparition des autres professions et services tels que les établissements scolaires, les commerces,

les services divers (poste, banques, etc.) et l’accès aux loisirs courants (cinéma, restaurants, installations sportives...) . Il est donc inéluctable que les médecins ne soient pas attirés, de façon pérenne, par ces zones où leur conjoint et leurs enfants ne peuvent avoir accès au travail, à l’éducation et à la vie courante qu’ils au-raient s’ils habitaient en agglomération.

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La téléconsultation, PROGRÈS OU DÉRIVE ?

3 QUESTIONS À GHISLAINE AUGUIERMédecin généraliste à Paris

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Un centre de téléconsultation me paraît une excellente solution pour plusieurs raisons.En premier lieu, il a une vertu « républi-caine » qui rétablit l’égalité des chances et d’accès aux soins, qui crée un lien humain et rassure les habitants sur leur possibilité d’être entendus dans leurs plaintes, leurs craintes et leurs souffrances, leur capacité à obtenir un avis médical et être conseillés et orientés en cas de besoin. Il est impor-tant que ces populations ne se sentent isolées et laissées pour compte, et que l’on minimise, autant que faire se peut, les inégalités d’accès aux soins qui sont par-fois criantes. Faire bénéficier ces patients des meilleures technologies d’examen à distance est une belle démonstration des prouesses des nouveaux moyens de communication et de leurs vertus.En second lieu, ce modèle a des chances d’être pérenne et efficient car les interve-nants à distance vont pouvoir se relayer et assurer un vrai service et un suivi régulier : une relation « face to face » via un écran va créer un lien et cette médecine n’est pas dématérialisée, elle est basée sur une médiation humaine et technologique pour recueillir toutes les informations nécessaires au diagnostic. La présence d’un(e) infirmier(e) sur place permet de faire, si besoin, des prélèvements qui seront analysés en ville, et des explorations d’imagerie simples, comme l’échographie. Ainsi, cette consultation peut s’avérer plus complète et satisfai-sante que celle d’un médecin installé seul sur la commune, sans laboratoire d’analyse ni matériel sophistiqué adéquat à sa disposition.Et en troisième lieu, c’est un investisse-ment tout à fait raisonnable pour une

petite commune (ou des communes regroupées) en comparaison des frais qu’engagent, de façon plus aléatoire, les municipalités optant pour l’élabora-tion d’un offre attractive pour inciter un médecin à s’installer sur la commune (gratuité d’un logement et d’un cabi-net, de leur entretien, exonérations de charges, rémunération fixe ou prime). On a vu qu’il n’est pas rare que le médecin, fraîchement installé, déserte au bout d’un an ou deux la commune rurale. Car, outre les inconvénients cités plus haut concernant sa famille, l’accès aux services courants et d’éventuelles difficultés d’intégration, le médecin se trouve confronté à un manque criant de moyens médicaux courants, comme les examens biologiques et l’imagerie pour n’en citer que deux.

R.F.M. : Quelles sont les conditions nécessaires au bon fonctionnement de ce système ?G.A. : Moyens humains : il faut des infirmiers itinérants formés à ces

technologies pour être des relais/médiateurs efficaces, car ils sont véritablement au centre du dispositif ! Un modèle similaire existe déjà de longue date pour la psychiatrie, où les infirmiers hospitaliers du secteur concerné rendent visite à domicile aux ex-patients hospitalisés pour s’assurer de leur état, les examiner et avoir un entretien avec eux. Le besoin infirmier est à évaluer selon la population à couvrir. Le niveau de nos infirmier(e)s en France est excellent et nul doute qu’ils sont assez compétents pour être des relais efficients. Et il faut des médecins qui s’engagent à s’occuper d’une ou plusieurs communes

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Une vertu « républicaine » qui rétablit l’égalité des chances et d’accès aux soins.

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sur des plages fixes de leur cabinet de ville, sur le modèle d’une vraie clientèle en assurant le suivi à la façon du médecin traitant. La durée de la consultation doit permettre de voir 3 à 4 patients par heure maximum, sauf à ce que l’infirmier fasse un tri préalable des pathologies saisonnières communes (5-6 patients à l’heure pour les gastro-entérites ou viroses saisonnières) d’un côté, et des pathologies potentielles plus sérieuses (cardiovasculaires, psychiatriques, métaboliques..)Moyens matériels : le cabinet alsacien cité semble un bel exemple de technologie intégrée. La palpation, l’inspection, la mesure des paramètres hémodynamiques et l’auscultation sont au cœur de l’examen : si les technologies permettent à distance d’effectuer ces

gestes fondamentaux, même de façon imparfaite, la qualité du diagnostic s’en trouve indéniablement renforcée. À affiner selon les besoins et l’âge des populations. S’ajoutent à cela les rémunérations spécifiques des actes médicaux et infirmiers suffisamment attractives avec des primes pour stabiliser l’activité dans le temps et lui trouver une vitesse de croisière. Des moyens d’information destinés aux populations pour les familiariser avec cette approche doivent aussi être budgétisés. Des traitements d’urgence à administrer en première intention peuvent aussi être prévus pour les poussées d’hypertension, l’asthme, les allergies, les douleurs, etc. avant que le patient ne puisse se procurer en ville le traitement prescrit.

R.F.M. : Peut-on imaginer que, malgré le niveau de sophistication de cette télé-médecine (accueil par une infirmière, plateforme permettant l’inspection, la plapation, l’auscultation...), il puisse y avoir un risque d’erreur de diagnostic et qu’il vaille mieux, parfois, inciter les patients à se rendre dans la ville la plus proche pour une consultation classique ?G.A. : Il est certain que lorsque le médecin va constater un trouble du rythme, suspecter une possible embolie ou coronaropathie ou appendicite, il va immédiatement orienter le patient en ville vers la structure adaptée pour l’accueil et l’exploration. Il est par ailleurs toujours possible de méconnaître un diagnostic, en cabinet comme en télé-médecine. Mais je pense qu’un médecin expérimenté peut assurer résoudre 95% des cas en télé-médecine dans la configuration citée, en une ou plusieurs consultations. Car même les somatisations parfois déroutantes d’un patient en souffrance morale peuvent être diagnostiquées par l’échange verbal via l’écran, d’emblée ou au bout de 2-3 consultations. Je suis beaucoup plus circonspecte sur la télé-médecine par téléphone, car je pense (et beaucoup de mes confrères praticiens

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Orienter le patient en ville vers une structure adaptée pour l’accueil et l’exploration.

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seront d’accord) qu’on fait souvent inconsciemment plus de 50% du vrai diagnostic quand le patient entre dans le bureau, qu’on le regarde, qu’on le salue et qu’il commence à parler (lire BLINK de Malcolm Gladwell, the power of thinking without thinking). Donc l’idée est moins de craindre l’erreur médicale (toujours possible) que d’orienter à bon escient le patient vers un spécialiste de ville quand on suspecte une pathologie spécifique relevant de ce dernier.Pour le succès de ce modèle, il ne faut pas méconnaître toutes les facettes de la médecine générale, et le travail considérable de « tri » qui est fait par les praticiens de terrain pour n’orienter vers

la médecine spécialisée qu’une minime proportion de patients pour lesquels une solution thérapeutique satisfaisante ne peut être mise en œuvre sans exploration ni avis spécialisé « en ville ». N’oublions pas que, quand un ou une patient(e) dit : « Docteur j’ai mal au cœur », il(elle) peut avoir une angine de poitrine, un reflux gastro-œsophagien, une gastro-entérite, une dépression, un hématome cérébral, un infarctus du myocarde, un ulcère d’estomac, des calculs vésiculaires, une grossesse (extra-utérine ou pas), une intoxication, une tumeur du cerveau, une hépatite mais aussi une contrariété, un chagrin, un deuil, une séparation, une déception, un traumatisme psychique,

une anxiété profonde, un mal de vivre ou un lourd secret...Tout ce qui pourra amener du lien, de la présence, de l’interaction, de l’écoute bienveillante et des moyens d’examens adaptés sera une excellente chose pour les habitants des petites communes non médicalisées. Donnons leur la possibilité de dire « Docteur j’ai mal au cœur. »

3 QUESTIONS À CORINNE DELAVETMédecin généraliste, Maine-et-Loire

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Donnons leur la possibilité de dire «Docteur j’ai mal au coeur».

La Rédaction de Femmes-médecins : Pensez-vous que la téléconsultation, dans des situations de désertification médicale, puisse représenter une alternative pour ces régions peu (ou pas) dotées en médecins ?Corinne Delavet : Je parlerai plutôt d’une solution d’urgence ou de dépannage. Elle est déjà très largement utilisée lors des permanences de régulation en médecine rurale ou semi-rurale (à l’exception de la webcam). Son objectif est alors de déceler certains critères

d’urgence qui doivent donner lieu à un avis médical spécialisé dans les structures d’urgences adaptées. D’autre part, le conseil téléphonique est quelque chose de bien connu par les médecins généralistes qui le prodiguent déjà très régulièrement auprès de leurs patients et cela grâce au lien très privilégié qui les unit jusqu’ici. Cela ne remplace bien entendu pas une « vraie » consultation, qui devra souvent être programmée dans les jours suivants. Ce qui fait la singularité d’une consultation entre un médecin et son

patient c’est d’abord la confidentialité, la confiance, voire l’intimité qui se créent entre ces deux personnes.La téléconsultation représente pour moi une nouvelle facette de la médecine qu’il faut peut-être accompagner et encourager , mais qui doit être réservée à des circonstances très particulières.

R.F.M. : Quelles sont vos réserves ?C.D. : Dans ce dispositif de téléconsul-tation le patient doit subir un premier questionnaire type (qui peut être modu-lable), puis un examen médical type, qui

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devra être réalisé par une infirmière. Tout cela semble très protocolisé et assez loin de ma pratique quotidienne en cabinet libéral où chaque consultation est un cas particulier.D’autre part, je suis assez perplexe face à ce système qui place l’infirmière en 1ère

ligne au chevet du malade. C’est une profession certes très dévouée et très compétente, mais l’examen clinique du malade ne relève pas à ce jour des compé-tences infirmières et il ne me semble pas qu’elles soient formées à cela. Enfin, ce fonctionnement ressemble à s’y méprendre aux dispensaires de soins que l’on peut rencontrer dans d’autres pays qui ne sont pas toujours montrés en exemple pour les résultats obtenus par leur système de santé. Ce système repose sur l’existence de protocoles pré- établis afin de correspondre au plus grand nombre, et qui permettent ensuite de classer les patients dans des « cases » et de leur proposer un traitement lui aussi protocolisé et le plus approprié. On s’éloigne bien entendu de la relation privilégiée qui existe entre le patient et son médecin. Comme tout spécialiste, le généraliste a une place particulière qui apparaît de plus en plus centrale dans le système de santé actuel. Son rôle clé repose sur l’échange (verbal ou non) en toute confidentialité, l’observation

et l’examen de son patient, mais aussi le ressenti du professionnel face aux données multiples dont il a connaissance. Sa position centrale lui permet de mettre à profit les différentes informations qu’il a en sa possession (souvent obtenues après de nombreuses consultations) concernant la situation de famille, la profession, l’état psychologique de son patient. Riche de ses éléments, connus souvent de lui seul, le médecin généraliste a un rôle social qui n’est pas négligeable, et qui est même parfois essentiel. Il est donc indispensable de faire la part des choses entre l’aspect technique proposé par la téléconsultation et la relation humaine à la base de toute consultation médicale. Les deux situations ne répondent pas

aux mêmes objectifs et ne travaillent pas avec les mêmes outils. Il ne semble pas possible de les substituer l’une à l’autre.

R.F.M. : Cette forme sophistiquée de télémédecine va au-delà de ce qui a été pratiqué jusqu’à présent. Le patient est accueilli par une infirmière et « analysé » par une plateforme sophistiquée. Malgré cela, il vous semble que cette pratique est problématique ? Ne vaut-il pas mieux un médecin par télé-médecine que pas de médecin du tout ?C.D. : En fait le problème est plus important qu’il n’y paraît et la mise en place de ce système de téléconsultation

C’est une solution d’urgence ou de dépannage.

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résulte de l’absence d’anticipation de nos autorités de santé. Il y a 20 ans, lorsque je terminais mes études de médecine, nous savions tous, futurs professionnels de santé, que 20 ans après nous connaitrions une pénurie de médecins. Pour autant rien n’a été mis en place et aujourd’hui la société semble découvrir qu’il n’y a pas assez de médecins...Un autre élément important est la dévalorisation répétée du médecin généraliste, à la fois décrié pour sa res-ponsabilité dans les déficits des caisses, puis sous-rémunéré par rapport aux autres spécialités. Il n’est plus le médecin de famille avec son statut privilégié mais un simple pion dans un service de santé étatisé. Dans ce contexte, il semble effecti-vement difficile de motiver de jeunes étu-diants à faire un métier où ils n’auront plus qu’à appliquer des protocoles pré-établis, dans des régions rurales, où ils ne bénéfi-cieront pas des avantages que des emplois salariés de ville pourront leur offrir. Ma crainte essentielle est l’arrivée pro-gressive d’une médecine à deux vitesses, comme elle existe déjà dans de nombreux pays. Dans les grandes agglomérations, les populations pourront encore choi-sir, en fonction leur statut social, entre une grande diversité de professionnels de santé, pour la plupart fonctionnant avec des dépassements d’honoraires, et des dispensaires de « tri » subvention-nés par les autorités de santé, où les situations complexes, hors protocoles ou trop onéreuses ne pourront pas être prises en charge. Dans les zones rurales ou semi-rurales l’offre de base sera assu-rée par les centres de soins, mais seules les classes de population les plus aisées pourront choisir leur praticien.

Une médecine telle qu’on la pra-tique aujourd’hui et que les patients la connaissent restera sans doute présente, mais probablement réservée à une cer-taine « élite » pouvant s’offrir les services d’un professionnel de santé, hors dispen-saire, dans un vrai face-à-face, qui ne sera probablement plus pris en charge par les autorités de santé.Enfin, j’ai conscience que mon analyse est un peu pessimiste, mais l’évolution actuelle du système de santé nous laisse présager d’une dégradation de la qua-lité des soins apportés à nos patients et non pas craindre une altération de nos conditions de travail comme on l’entend parfois. L’intérêt premier du médecin (comme en témoigne le serment d’Hippocrate) est d’apporter le

meilleur soin possible à son patient, or, l’analyse actuelle purement budgétaire de la médecine semble très éloignée de cet objectif.

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La mise en place de ce système de téléconsultation résulte de l’absence d’anticipation de nos autorités de santé.

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TALENTSAfterwork

Interview d’Agnès Giannotti, médecin généraliste, Paris 18e.

AGNÈS, MÉDECIN ET AUTEUR-PHOTOGRAPHE.

La démarche interculturelle qu’Agnès Giannotti adopte naturellement dans son cabinet de la Goutte d’Or, à Paris, ainsi que l’écriture de livres directement inspirés d’éléments recueillis au fin fond du Sahel dans une Afrique rurale, font toute la singularité de ce médecin-écrivain-photographe. Femme-médecin ouverte sur le monde et la nature, Agnès répond à nos questions.

DE PARIS À BELLO-TOUNGA

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La Rédaction de Femmes-médecins : Quel est votre parcours, comment êtes-vous venue à la médecine ?Agnès Gianotti : Dans un premier temps je me destinais plutôt aux sciences de la nature, j’ai commencé par une classe préparatoire en agronomie. Puis, j’ai mis de côté ce domaine, du moins provisoirement, le destin m’a conduit vers la médecine. Immédiatement j’ai choisi d’être médecin généraliste car c’est l’approche globale qui m’intéresse. J’ai, par ailleurs, réalisé la moitié de mes stages en psychiatrie.

R.F.M. : Vous exercez à Paris, au cœur de la Goutte d’Or et vous publiez des livres sur l’Afrique, d’où vient cette vocation ?A.G. : J’ai d’abord exercé au Cameroun. Ce faisant, je me suis rendue à l’évidence : les pathologies ou troubles psychologiques ne s’y soignent pas de la même manière. Il n’y avait pas de connexion possible entre la médecine telle que je l’avais apprise en France et les besoins des patients, avec des problématiques de possessions par exemple. De retour en France, je me suis donc intéressée de près à la Tradi-médecine, notamment avec le Dr Moussa Maman Bello. Le couplage de la médecine traditionnelle africaine et de la psychanalyse permet de tisser un lien entre les deux cultures, africaine et française. Dans le cadre du suivi psychiatrique de patients atteints du sida, par exemple, nous avons fait intervenir des guérisseurs africains pour une prise en charge conjointe du patient, associant les deux cadres thérapeutiques

en prenant en compte les codes liés à la culture africaine, tout en utilisant les outils offerts par la médecine occidentale, un échange d’une grande richesse pour les deux partis. Cette approche m’a permis de progresser et d’enrichir ma pratique et la façon d’aborder mes patients. Dans mon cabinet, au cœur du quartier africain de Paris, je mets tout en œuvre pour que mes patients se sentent « chez eux », qu’ils ne ressentent pas d’étrangeté liée à la différence de leur culture, ils ne doivent pas se sentir « bizarres ». Les consultations sont sans rendez-vous, pour faciliter l’accès aux soins pour tous et les horaires sont adaptés à cette patientèle. Le guérisseur, ou médecin, a une place particulière, il doit y avoir un rapport de proximité, de confiance mutuelle, il faut pouvoir se dire les choses. C’est ce rapport que je cultive avec les patients, je leur demande des nouvelles de leur famille, je m’intéresse à eux, je ris avec eux,...

R.F.M. : Votre connaissance et votre passion pour l’Afrique vous ont permis de réaliser quelques jolis ouvrages, à commencer par ©

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un livre de contes, Moi, Inoussa écogarde au Bénin, puis un livre sur les oiseaux d’Afrique comment avez-vous procédé ?A.G. : J’ai pris racine dans un petit village de pêcheurs du fleuve Niger depuis plus de trente ans. Accompagnée de mon ami, Inoussa, garde forestier j’ai parcouru les abords du fleuve Niger et le parc du W du Bénin. Ce recueil de nouvelles, je l’ai écrit à partir des histoires tirées de la vie quotidienne en Afrique de l’Ouest, qu’Inoussa me racontait le soir. Elles s’adressent à la fois aux enfants et aux adultes et sont imprégnées de traditions, de légendes, d’informations sur la nature : la savane, les oiseaux, les arbres, la saison des pluies..., tous ces sujets qui font la richesse du métier d’Inoussa.Inoussa me confiait récits, anecdotes, ressentis, moi je mettais tout cela en forme pour les transformer en petites histoires. Mon « rêve » : que ces petits livres soient un jour diffusés dans les

écoles du Sahel, ce pourrait être un angle intéressant pour aborder des thèmes comme la déforestation, et tout simplement la nature en général.Pour ce qui est du livre sur les oiseaux d’Afrique : « Oiseaux d’Afrique : les plus belles histoires », il m’a fallu treize ans pour le réaliser, à raison de deux séjours par an en Afrique : à la saison sèche, en début d’année, puis à la saison des pluies, en été. Sans compter le temps passé à Paris, à compiler, trier, retoucher les photos. J’ai commencé simplement par regarder les oiseaux autour du village béninois où je séjournais, Bello-Tounga, puis je les ai pris en photo, grâce au zoom je voyais des oiseaux que je n’avais jamais vus avant, j’étais comme un chasseur à l’affût ! Au départ, aux abords du fleuve Niger, puis de plus en plus loin, j’ai rencontré une multitude d’espèces. J’ai interrogé les gens du village : les chefs du village, les enfants. Ils me racontaient les traditions et croyances autour des différentes

espèces, et cela me donnait de la matière pour confronter ces histoires aux informations purement scientifiques. Même si les traditions se perdent, les gens du village vivent avec la nature et font donc perdurer ce rapport étroit à travers leur regard, leurs croyances.

R.F.M. : Quels sont vos prochains projets ?A.G. : Un projet de livre (photos et récits) autour des arbres : comment les

Grâce au zoom je voyais des oiseaux que je n’avais jamais vus avant, j’étais comme un chasseur à l’affût !

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guérisseurs les utilisent en tradi-médecine, recettes, mythologie... Chaque arbre a une personnalité, j’aimerais raconter l’esprit des arbres à partir des croyances et légendes collectées auprès des villageois et retranscrites sous la forme de petites nouvelles inventées. Par exemple, on dit du nénuphar qu’il représente la déesse de l’eau et que sa grande feuille en forme de nénuphar est son parapluie, j’aimerai tisser des fictions à partir de ce type de symboles, glaner des informations pour faire des nouvelles illustrées et partager encore une fois la tradition africaine via la nature. Ce livre est en cours de construction.

R.F.M. : Pourriez-vous nous conseiller des références, auteurs

ou autres pistes pour découvrir la culture africaine ?A.G. : Je n’ai qu’un conseil : allez-y ! Pour rencontrer l’Afrique, il faut y aller ! Il faut vivre avec les gens, parler avec son voisin. Il n’y a que comme ça que l’on apprend. Il faut regarder, observer, rester ouvert. En Afrique, les gens posent peu de questions, ils observent. Pour accéder à cette culture, comme d’ailleurs à toutes les cultures, il faut vivre avec, partager, observer, prendre le temps. Il ne s’agit pas de croire ou ne pas croire, par exemple les danses de possession, savoir si cela est « vrai » ou pas, nous devons faire attention à ne pas mettre dans des cases, juste accepter. Les africains parlent d’esprits, là où nous

parlons d’inconscient. Chaque culture a ses référents.

R.F.M. : Merci Agnès pour cette invitation au voyage...

Vous êtes une femme-médecin et souhaitez partager votre passion, n’hésitez pas à nous contacter au : 02 41 20 94 26 ou par mail : [email protected] et soyez le « Talent » de notre prochain numéro !

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DOSSIERSociété

Sur l’autoroute qui mène à Grande Synthe, à quelques kilomètres de la mer, un homme marche sur la bande d’arrêt d’urgence, un sac plastique à la main. D’où vient-il ? Depuis combien de temps est-il en route ? Qui est cet homme qui marche vers la terre promise, avec pour tout bagage le rêve de monter dans un camion qui fera la traversée ce soir ?L’Angleterre est toute proche, il le sait. On peut presque la voir, droit devant au loin. En contrebas, à peine franchie la sortie 54, se dessine sur le ciel blanc du Nord, l’alignement des cabanes en pin du premier camp humanitaire de France.

Un camp humanitaire sur le territoire françaisCet hiver, des bénévoles ont sonné l’alerte : si on ne fait rien, un drame ne tardera pas à se produire. Un enfant est né sur le terrain marécageux où les

migrants ont élu domicile. Tout près, il y a une station service et la chance peut-être de monter dans un camion. Chaque jour, la boue avale les abris et les tentes alors que le froid et l’humidité pénètrent plus profond dans les os.

Parmi les réfugiés, des femmes et des enfants. Ils représentent environ 10%, mais impossible de donner des chiffres précis. Ce ne sont que des ombres qui passent et essayent de reprendre leur souffle après des mois de trajet à travers

Femmes dans le camp de Grande Synthe

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l’Europe. Maintenant ils sont là, bloqués sur les côtes françaises. Chaque nuit, leur inaccessible but devant les yeux et la police aux trousses, ils tentent de devenir les passagers clandestins des camions et des trains de marchandises, en partance pour l’Angleterre.

Damien Carême, le maire Europe Écologie Les Verts (EELV) de Grande Synthe (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) refuse d’assister, impuissant, à ce qu’il est temps d’appeler un drame humani-taire. Sans structure d’accueil prévue, ni par la France, ni par l’Angleterre, hommes, femmes et enfants, s’entassent

et piétinent sur la dernière marche de leur périple, depuis près de 10 ans dans une indifférence quasi générale.

Avec la guerre en Syrie, l’afflux de ré-fugiés a considérablement augmenté, et ce sont plus de 10% de Kurdes qui errent désormais sur la commune de 25 000 habitants. Début mars, soutenu par Médecins Sans Frontière, le maire impose, contre l’avis de la préfecture,

un camp aux normes du HCR sur sa commune. 377 baraques en bois, des sanitaires, un centre médical, le camp de Grande Synthe est né. 2 000 personnes sont accueillies et trouvent enfin un lieu pour se poser après des mois d’errance. Principalement Kurdes, ce sont des hommes surtout mais aussi des familles, des enfants et quelques femmes isolées.

Un refuge dans l’exilCela fait près d’un an qu’ils marchent, qu’ils fuient les zones de combat et tra-versent les frontières. Tous ne sont pas arrivés jusque-là.

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Dans la salle d’accueil qui jouxte le cabinet de Gynécologie Sans Frontière, une consultation psychologique est menée par Médecins du Monde. La femme qui se confie est enceinte. Sur la route, elle a perdu son fils et son mari. C’est une Kurde d’Iraq. Marie, Camille et Anne-France, les trois sages-femmes de Gynécologie Sans Frontière, présentes bénévolement sur le camp, viennent de lui faire une échographie. Elle a vu son bébé. « Avoir des enfants c’est continuer à vivre, » précise Camille, « ces femmes se doivent d’être dans la résilience, elles n’ont pas le choix. Bien sûr cela peut paraître fou, pour nous oc-cidentales, d’avoir des enfants dans des conditions pareilles, mais pour elles c’est la vie. »

Il est midi et les consultations com-mencent à se succéder dans le centre médical. Jusque-là le camp dormait. Toute la nuit, ils ont essayé de passer. Doucement, l’activité reprend et la maison médicale se remplit.70 bénévoles sont présents sur le site et plus de 45 consultations sont don-nées chaque jour par Médecins Sans Frontière, Médecins du Monde et Gynécologie Sans Frontière. Seules, entre copines ou accompagnées de leurs maris, elles viennent voir leur bébé sur l’écran de l’échographe installé dans le cabinet. « On essaye de faire un suivi » explique Camille, « mais c’est impossible, on ne sait même pas combien elles sont sur le camp. Les chiffres disent qu’il y a environ 10% de femmes, cela me semble

juste. Elles viennent et disparaissent. On imagine alors qu’elles ont réussi à pas-ser. Pour nous, tous ces examens ne sont qu’une trace de leur passage, pour elles un peu de joie en sachant que leur bébé va bien. » L’association est présente sur le camp depuis son ouverture. « Avant on faisait surtout ce qu’on appelle de la maraude, » détaille Marie, « c’est encore le cas sur le camp de Calais. On essaye d’aller à la rencontre des femmes, de leur faire savoir qu’on est là, qu’il existe un lieu rien que pour elles. Ici, les conditions sont bien meilleures et on espère tous que ça va avoir un effet sur le suivi des femmes que l’on voit en consultation. À Calais, les conditions sont vraiment mauvaises et en même temps les soins pour ces femmes sont absolument nécessaires. Ce n’est pas

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toujours facile de les trouver, d’établir le contact.»Le cabinet tenu par Gynécologie Sans Frontière est au deuxième étage du centre médical. Un vieux bâtiment remis à neuf qui regroupe Médecins Sans Frontière, Médecins du Monde et Gynécologie Sans Frontière. L’endroit est lumineux, propre, calme. Tout le monde se tutoie, médecins, infir-mières, sages-femmes, tous partagent la même bienveillance et l’envie d’aider. « On voit toutes les sortes de pathologies gynécologiques mais comme les condi-tions d’hygiène sont déplorables, tout est amplifié. À Grande Synthe, au moins il y a des sanitaires. Le camp n’a que deux mois, il est encore difficile d’en tirer une expérience en ce qui concerne le suivi des

femmes mais il est évident que, quand les conditions sont meilleures pour nous, elles le sont aussi pour celles qui viennent nous voir et que ça va les inciter à venir consulter. »

Anne-France ou le cœur des ch’timis« Beaucoup de ces femmes n’existent que par la grossesse. Nous ne sommes pas là pour les juger. On veut juste les aider. C’est difficile de faire du lien. Heureu-sement, sur le camp il y a des interprètes femmes qui font un boulot remarquable d’ailleurs. Si elles ont quelque chose à nous dire, on est là mais on ne leur pose jamais de questions. Elles ont subi beau-coup de douleurs. Beaucoup sont enceintes et ce ne sont que rarement des enfants

désirés, on le sait bien. La violence est présente, il ne faut pas se faire d’illusion. Être une femme et une migrante, c’est su-bir une double peine, sans parler de tout ce qu’elles ont déjà traversé pour arriver jusque-là.» précise Anne-France, sage-femme bénévole qui consacre ses jours de RTT à aider les femmes du camp. « J’ai élevé seule mes enfants, et je travaille à la PMI. J’en ai vu dans ma carrière. Ces femmes sont d’une autre trempe. Elles savent comment faire, elles savent les mettre au monde et savent les nourrir. La nuit, elles tentent de grimper sur des camions alors qu’elles sont enceintes de 7 mois ! À nous, on nous dit de ne pas porter de charges lourdes ! On surmédi-calise la grossesse dans notre société. Ça fait du bien de voir que, pour elles, avoir des bébés c’est naturel ! On n’est pas sur le même plan, leurs priorités ne sont pas les nôtres. Rien ne doit les empêcher d’avan-cer. Elles sont dans une logique de fuite, de survie immédiate. Beaucoup viennent de zones de combat, elles ont une volonté d’avancer qui m’impressionne ! Un enfant à naître c’est toujours un espoir pour de-main et dans notre confort, on a un peu tendance à l’oublier. »

Beaucoup de ces femmes n’existent que par la grossesse. Nous ne sommes pas là pour les juger. On veut juste les aider.

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Sarah, psychologue pour Médecins du Monde, essaye de les faire venir à la parole : « Maintenant que ce camp est ouvert et que nous avons des conditions décentes de travail, on espère qu’elles se confieront plus sereinement. Les couches de traumas sont multiples. Les échecs qu’elles subissent se répètent sans fin. Nous essayons de les aider à verbaliser, à exprimer les violences dont elles ont été victimes. Elles doivent faire le deuil d’une multitude de choses en plus des deuils physiques qu’elles ont pu subir. Il y a le deuil de leur pays, de leur maison, de leur statut social... À cela s’ajoutent les violences dont elles ont été victimes. Dans leur pays d’abord, puis sur la route où les violences policières sont une réalité, tout comme les violences masculines et conjugales. Être arrivé ici et rester bloqué là c’est à devenir fou. Les hommes aus-si souffrent et ce sont les femmes qui en payent les conséquences. » À les voir pas-ser et venir, sortir des consultations le sourire aux lèvres, on prend conscience de la richesse que sont tous ces béné-

voles du Nord de la France qui affluent chaque jour dans l’espoir d’offrir des conditions d’accueil dignes de la Ré-publique. On se prend alors à rêver de l’ouverture prochaine d’autres camps ou mieux, de voir enfin ces migrants demander l’asile en France…

Mais si près du but, comment renoncer ?À l’étage une femme vient d’arriver. Dans un couffin, son bébé de trois semaines a bien grossi. Marie qui vient de le peser partage avec elle la bonne nouvelle. À la fin de la consultation, elle repartira dans sa cabane de 7 m2 avec son nouveau né et ses 4 autres enfants. Une famille d’accueil a bien été trouvée, des habitants de Grande Synthe souhaitaient les accueillir dans leur foyer. Mais les femmes présentes sur le camp n’ont qu’un seul but : traverser la mer. Lorsque l’on essaye de leur parler, les maris qui patientent dans la salle d’attente répondent à leur place. « Pourquoi rester en France ? »

explique l’un d’entre eux, « Ne voyez-vous pas comment ce pays nous accueille ! Bien sûr ce camp c’est mieux que ce que j’ai connu jusque-là mais vous ne pouvez même pas imaginer comment c’était avant ! J’ai passé trois mois dans la boue et le froid ! Les Français ne veulent pas de nous ! » Pourtant le bébé qu’elle tient dans ses bras est français. Elle ne le sait même pas et quand on le lui dit, cela n’a pas l’air d’avoir de l’importance. «  En Angleterre, nous avons de la

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377 baraques en bois de 7 m2

1 centre médical70 bénévoles45 consultations par jour

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famille, » précise-t-il encore, « là-bas on aura la chance de gagner notre vie, on pourra travailler. »Il faut dire que la loi française, qui conditionne l’obtention d’un emploi à la possession de carte de séjour, n’est pas faite pour inciter à rester. En Angleterre, c’est le travail qui permet l’obtention d’autorisation de séjour. Tous le savent et comptent sur le réseau familial pour trouver un emploi et avoir des papiers. En France, les réfugiés n’ont pas le droit de travailler alors à quoi bon faire une demande d’asile. Reste que c’est à la France désormais de faire le tri et d’in-terdire le passage à ceux qui ne disposent pas d’un visa pour l’Angleterre… Car depuis le démantèlement de Sangatte et la signature des accords franco- britanniques du Touquet en 2003, les frontières anglaises sont à Calais !

À Grande Synthe : contre mauvaise fortune, bon coeurSur le camp la vie s’organise. Géré par UTOPIA 56, le site a des allures de festival altermondialiste. Sympathiques et détendus, migrants et bénévoles offrent un visage souriant sous le faible soleil de printemps qui peine à réchauffer l’atmosphère. Ici, un barbecue s’improvise, plus loin une école de fortune sonne le rappel des enfants qui s’amusent à dévaler les talus en vélo.« Bien sûr tout est mieux sur ce camp, » explique un bénévole anglais, « tous les jours les enfants viennent apprendre l’anglais et un peu de français mais il ne faut pas non plus s’imaginer que tout est rose. Il y a également des mineurs isolés sur le camp. Ces derniers jours, nous avons vu deux jeunes filles d’environ 15 ans. Elles

viennent à l’école pour trouver refuge. Sur un camp, être une fille si jeune c’est extrêmement dangereux. Ce sont des proies faciles et elles le savent. Nous ne pouvons pas faire grand chose, elles disparaissent comme elles sont apparues. Elles errent de camps en camps. Nous n’avons aucun suivi. » Impossible de récolter leur témoignage, elles s’évanouissent dans la foule qui commence à grossir dans les allées du camp.L’Association l’Auberge des Migrants a installé un food truck qui sert des repas chauds à tous ceux qui le demandent. Juste à côté se dresse le café de l’amitié où l’on sert thé et café. Les hommes se regroupent, discutent et fument dans la bonne humeur. Pourtant, hors du centre médical, à de très rares exceptions, les seules femmes que l’on croise sont des bénévoles, et lorsque l’on s’approche de la cabane d’un réfugié vietnamien dont la femme enceinte a été signalée, impossible de s’en approcher. Elle restera cachée au fond de la cabane. Un voisin Kurde s’improvise traducteur : il y a bien une femme enceinte mais elle n’ira pas voir les médecins, son mari ne veut pas.

Et demain ?Grande Synthe, c’est le meilleur du pire. Tous s’accordent à le dire. Et, alors qu’on s’extasie sur la propreté du camp en repensant aux images de la jungle de Calais, on réalise d’un coup que ces cabanes ne sont finalement, elles aussi, que des abris de fortune, à peine plus grandes que les abris de jardin des zones pavillonnaires qui jouxtent le camp. Que les familles qui s’y entassent partagent à peine 7 m2 alors que la France est la

6e puissance mondiale…Comment ces femmes et ces hommes vont-ils pouvoir s’intégrer, trouver leur place dans la société occidentale après une expérience pareille ? L’expérience de l’Occident sera-t-elle à jamais l’expérience du rejet ? Qu’est-ce que l’Angleterre va pouvoir leur offrir ?Finalement ce qui reste de tous les témoignages recueillis, c’est l’impossibilité d’établir un suivi, quel qu’il soit, de savoir qui ils sont afin de leur rendre leur identité. Ils passent et on ne sait même pas comment les nommer. Sont-ils des migrants ou des réfugiés ? Peut-être ne sont-ils ni l’un ni l’autre, juste des exilés. D’eux, on ne connaîtra que l’envie de quitter ces lieux, coûte que coûte. L’exilé en Latin, c’est celui qui est seul. L’étymologie ne ment pas ; au contraire, elle fait toujours la lumière sur les zones d’obscurité du langage. Espérons que le camp de Grande Synthe leur permettra enfin de se sentir comme des migrants réfugiés en France.

Cet article a été écrit antérieurement à la date de parution du magazine, la situation a donc évolué entre temps.

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MÉDECINE DANS LE MONDEPortfolio

Takiwasi est légalement reconnu par le ministère de la santé péruvienne et, si des fonds européens et français ont participé à son lancement dans les années 90, aujourd’hui le centre vise l’auto-suffisance même si un tiers du budget dépend encore de dons. Les résultats qui y sont obtenus en ma-tière de lutte contre les dépendances sont tout à fait étonnants. En Occident, la consommation de drogue est consi-dérée comme une maladie chronique. En tant que telle, elle implique un traitement continu sur le long terme. Pour le Docteur Mabit il existe d’autres solutions et, en matière de dépendance, le fatalisme ne fera jamais loi.

De l’utilité d’une prise en charge globaleLa prise en charge psychologique est la partie la plus sensible et la plus compli-quée du traitement des toxicomanies.La désintoxication n’est qu’une étape sur le chemin, semé d’embûches, qui permet de se libérer de la consomma-tion. Pourtant, en Europe, on a souvent l’impression que le débat se cantonne à l’utilité/toxicité des traitements de substitutions.À Takiwasi, le traitement de la toxico-manie est holistique. La signification de ce mot a malheureusement glissé vers le syncrétisme New-Age qui di-lue les notions au point de leur ôter

toute signification et saveur. Il faut bien sûr l’entendre au sens premier : il s’agit de considérer la toxicomanie comme une totalité pathologique tou-chant aussi bien le corps que l’esprit. Dans le centre du Docteur Mabit, les

En Occident, la consommation de drogue est considérée comme une maladie chronique.

Dans le Nord du Pérou, à la lisière de la forêt amazonienne, sur les bords du fleuve Shilcayo se trouve la ville de Tarapoto. Depuis 1992, le médecin français Jacques Mabit et son équipe y soignent, dans le centre Takiwasi, toutes sortes de dépendances (drogues, sexe, jeu...).L’établissement s’articule autour des deux activités principales : le traitement des toxicomanies et la recherche sur les médecines traditionnelles.

DÉPENDANCESTAKIWASI OU LE SALUT SOUS LE SOLEIL

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patients sont pris en charge dans leurs trois dimensions : physique, psycholo-gique et spirituelle.Les cures durent entre 9 à 12 mois et les patients sont choisis en fonction de leur motivation, le centre étant ouvert et ne recourant à aucune méthode coer-citive. Ils sont en général une quinzaine en résidence permanente au centre où le traitement associe de manière quo-tidienne, prise de plantes issues de la médecine traditionnelle amazonienne, suivi psychothérapeutique et tâches quotidiennes. Dans la médecine ama-zonienne il n’y a pas de rupture corps/esprit. On peut toucher l’esprit par le corps et réciproquement. La thérapeu-

tique s’articule autour des plantes de purge, de diète et de modification de l’état de conscience.Toutes sont d’égale importance et leur rôle est double : nettoyage et recons-truction, aussi bien sur le plan physique que psychologique.Les prises d’Ayahuasca1 (selon des règles strictes, toujours de manière collective, en présence de guérisseurs et de méde-cins) permettent de susciter des états modifiés de conscience qui ont pour but d’aider le patient à accéder à son univers intérieur. Le Docteur Jacques Mabit de préciser : « Le maître guérisseur induit des modi-fications contrôlées de la conscience. Il

nous guide vers l’autre monde où nous pouvons aller chercher l’information qui est nécessaire à notre évolution/ libération. Le processus de l’Ayahuasca est un processus à la fois cathartique et de profonde introspection dont le but ultime est de nous permettre d’expéri-menter la transcendance. Sans analyse ni travail psychothérapeutique ultérieurs de discernement et d’intégration, la prise d’Ayahuasca n’a pas de sens et peut même s’avérer contre-productive. On ne peut ni sauter ni dissocier les étapes.»

Pablo a 19 ans et Juan 24. Tous deux sont péruviens. Tous les deux sont pen-sionnaires du centre.« Ici je me nettoie, je parviens enfin à exprimer mes émotions, » précise Pablo qui a arrêté l’école à 14 ans. « Je réalise enfin que je peux apprendre. En fait je m’aperçois que je peux faire beaucoup de choses. La limite ce n’est que moi. »Juan, quant à lui, visualise son futur à travers l’Ayahuasca et comprend qu’il en a un, lui qui a dû suspendre ses études de médecine à Lima à cause de sa dépendance. Tous deux disent avoir enfin confiance en eux et en la vie. Ils ont des projets pour le futur, l’envie d’apprendre un métier, la volonté de l’exercer. Que dire de plus...

Je m’aperçois que je peux faire beaucoup de choses. La limite ce n’est que moi.

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La rencontre des médecines traditionnelles et occidentalesEn Occident, la consommation de drogue est un tabou absolu. Inutile de rappeler les tollés suscités par les ouver-tures de salle de shoot ou les centres de prises en charge. Pourtant ce n’est qu’un tabou sociétal.Les chiffres de la consommation sont là pour nous mettre face à une réalité tout autre : 550 000 personnes fument chaque jour du cannabis et 13,8 mil-lions de personnes sont des fumeurs occasionnels. Avant 17 ans, 60% des jeunes se sont déjà saoulés et la cocaïne est consommée par 400 000 personnes au moins une fois dans l’année, l’hé-roïne en touche 500 000...Pour Jacques Mabit, « la consommation de drogue est souvent une étape initiatique pour les jeunes. Cette étape n’est pas vide de sens. Bien au contraire. L’adolescent a besoin d’expérimentations pour se structurer. Dans toutes les sociétés existaient des rites de passage à l’âge adulte. La plupart des civilisations ont fait un usage religieux, initiatique et thérapeutique de substances psychoactives ou visionnaires. J’insiste sur le fait que je parle au passé. Nous nous sommes détournés de nos traditions, nous les avons perdues alors qu’elles ont un sens, une fonction nécessaire pour les individus.Aujourd’hui, le toxicomane est face à une initiation solitaire qui ne peut qu’être mal conduite puisqu’elle est faite sans guide. Le toxicomane, frustré socialement, cherche intuitivement des réponses exis-tentielles dans le monde invisible. Seul il ne peut le trouver, il tâtonne à l’aveugle, essaye toutes sortes de substances et se perd en chemin jusqu’à n’être plus capable de

revenir à lui. La médecine traditionnelle amazonienne encore très active et présente au Pérou nous enseigne que la prise de cer-taines plantes, notamment psychotropes, nous permet d’avoir accès à l’esprit par le corps au moyen d’une initiation contrôlée. Encore une fois cela ne se fait pas sans guide (curanderos comme on les appelle en espagnol), sans préparation, sans res-pecter des règles très strictes, sans suivi thérapeutique.»Le traitement suit plusieurs étapes.La désintoxication du corps et de l’es-prit s’articule autour de nombreuses purges à base de plantes tradition-nelles prises en commun. Les plantes sont avant tout dépuratives. Elles ne seront visionnaires (comme l’Ayahuasca qui est aussi purgative) qu’après avoir suivi les étapes nécessaires à la désin-toxication. Une plante, la Yawar Panga (Aristolochia didyma) permet de sevrer les toxicomanes de manière extrême-ment rapide. Avec elle, les symptômes de manque disparaissent beaucoup plus rapidement. Sa sève rouge caractéris-

tique purifie le sang et réactive l’énergie du foie.La purge est dure et douloureuse. La médecine traditionnelle amazonienne ne donne rien gratuitement. Tout se mérite. Il y a des étapes à franchir, des démons à affronter. Le monde a un ordre et des règles qu’il va falloir réap-prendre. Les patients sont réunis pour la prise de plantes. Ils participent tous aux mêmes rituels. Ils sont solidaires dans les épreuves à traverser.

Réintégrer la vie socialeCar la prise de plantes, et entre autres d’Ayahuasca, n’est qu’une étape vers la guérison. Fabienne Bâcle, psychothéra-peute au centre insiste : « Á l’origine de la toxicomanie, il y a presque toujours un

La purge est dure et douloureuse.

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père absent et une mère surprotectrice. La mère n’a pas laissé le père jouer son rôle structurant et le père n’a pas joué le rôle de tiers entre la mère et l’enfant, permettant à l’enfant de s’individuer, de se dissocier de la maman et d’aller vers le monde. Attention je ne dis pas que cette struc-ture est prédictive, je constate juste par expérience qu’on la retrouve de manière quasi systématique dans les dépendances aux drogues quelles qu’elles soient. Nous accueillons des patients pour tous types de dépendance, ils sont de toutes

origines sociales et géographiques. Notre thérapeutique est la même pour tous : travail avec les plantes, suivi médico- psychologique et réapprentissage de la vie quotidienne. C’est l’intérêt des mé-decines traditionnelles : elles s’adaptent à tous les contextes culturels et sociaux. Elles touchent des invariants universels, transculturels. Comme l’on a l’habitude de dire ici : pour mettre de l’ordre dans ta tête, range d’abord ton armoire ! »Or c’est bien le désordre l’origine du problème. Le désordre n’est pas simple-ment le manque d’ordre mais aussi, et surtout, le dérèglement, la confusion de l’esprit et du corps. Il est intéressant de remarquer que ce mot s’employait en médecine pour signifier à la fois les troubles de l’âme et des intestins. Il a donc tout autant une dimension psy-chique que physique.Il caractérise aussi bien celui dont le corps dysfonctionne que celui qui est sorti du chemin, du groupe humain

dans lequel il doit évoluer. Comprendre n’importe quelle forme de dépendance suppose que l’on prenne la mesure de ce double dérèglement. Le toxicomane dérègle son corps en même temps qu’il dérègle son rapport aux autres.L’idée n’est pas nouvelle. Aristote affirmait déjà que l’homme a deux dimensions : animale et politique, organique et sociale. Cela permet à la fois de définir la médecine comme restauration de l’harmonie du corps et de penser la politique comme mise en place des conditions du vivre ensemble.Ce qui est nouveau à Takiwasi c’est l’idée d’aborder la toxicomanie sous cette double perspective. Cela permet de mesurer très rigoureusement le ca-ractère transgressif de la dépendance car la toxicomanie est toujours une trans-gression. À l’ordre et aux règles de la société et du vivre ensemble, à l’ordre de la nature et de la prise de plantes.Pour les sociétés amazoniennes, la feuille de coca et le tabac sont des plantes médicinales et sacrées. La co-caïne est le résultat d’une manipulation de la feuille de coca. Le tabac médicinal doit être ingéré sous forme liquide, in-fusion ou décoction, et avec des règles et dosages très précis. Il n’y a aucune dépendance au tabac ingéré sous cette forme ni aux feuilles de coca mâchées ou ingérées en extraits frais.Aucune des deux plantes ne peut donc être considérée en soi comme une drogue. C’est leur détournement utilitariste, désacralisé, qui génère la dépendance.Les addictions résultent d’un usage dévoyé de leurs qualités. Autant dire que pour les guérisseurs péruviens, cette

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profanation de la sacralité de ces plantes constitue la transgression ultime. Et elle se paie cher.

Le rôle du sacré« Je pratique une médecine du Cœur et de l’Esprit, » explique Jacques Mabit, « je suis pour ma part catholique mais je ne cherche pas à faire de prosélytisme. Le fait que je sois catholique donne les contours de mon discours. C’est mon cadre et j’y accueille toutes les religions. C’est le sacré de la vie qu’il importe de réapprendre à célébrer. Cela passe aussi par l’impor-tance des rituels. Ces derniers structurent

la pensée et la vie en collectivité. Ils parti-cipent activement de la guérison. »Il n’y a pas d’identité sans culture.Dans notre monde où l’individualisme prévaut sur toutes les valeurs, nous avons tendance à oublier que l’identité de l’individu n’est qu’une construction sociétale, héritière d’une éducation, d’une culture et d’une lignée familiale. Autant d’éléments qui doivent nous permettre d’assimiler règles et rites.Sans reconnaissance de notre culture et de ses lois, nous restons en périphérie du sens. Le rite est la voie royale pour accé-der au sacré, comme le corps à l’esprit.

La médecine amazonienne n’a de cesse de nous le rappeler.Malheureusement l’individualisme occidental va de pair avec la raréfaction du sacré. Sans communauté comment l’exercer, comment y participer, comment trouver sa place ?« Notre culture est le socle de nos existences. Il n’y a pas de table rase possible. Même pas avec l’aide de la drogue, » précise encore le docteur Mabit. « Toutes les traditions médicales ancestrales partagent les mêmes valeurs de base. Toutes, avant l’avènement de la médecine occidentale, avaient pour but d’accéder à l’esprit par l’entremise du corps. Elles connaissaient la modification induite de la conscience, avec ou sans plantes, mais pas de phénomène massif d’addiction qui est une caractéristique de la culture occidentale de ces derniers siècles avec une explosion dans la moitié du XXème. L’augmentation exponentielle des toxicomanies dans nos sociétés nous rappelle amèrement que toute transgression se paie le prix fort, pour l’individu et pour son groupe. Elle nous rappelle également que les sociétés humaines obéissent à des règles, exprimées par des rites, qui structurent le vivre ensemble et en assurent la pérennité ».Takiwasi veut redonner réalité aux rites pour établir à nouveau la jonction entre les mondes.

Le corps garde toutes les traces de notre histoire, personnelle et ancestrale.

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Médicale bien sûr, en permettant aux médecines occidentales et amazoniennes de se nourrir l’une l’autre et de s’enrichir en permanence de ces échanges. Géographique aussi : installé en zone périurbaine, le centre est un lien physique entre la forêt et les limites de la ville où errent consommateurs et vendeurs. Culturelle encore, en nous invitant à prendre la mesure de l’interpénétration des cultures indiennes et hispaniques. Les rituels, chants et prières des guérisseurs mêlent continuellement tradition indienne et chrétienne. Entre le sacré et le profane enfin, en permettant à chacun de se réinscrire dans le rite, de rétablir une passerelle entre le monde manifesté et visible de la création et le monde invisible des profondeurs de la psyché et des forces spirituelles transcendantes.Pour guérir il faut trouver sa place, son

assiette comme dirait l’ancien français.Le corps garde toutes les traces de notre histoire, personnelle et ancestrale. Il est en soi, la trace de la trace. Les plantes ont pour fonction de nous apprendre à lire ces traces, déchiffrer nos mémoires somatiques.Dans un monde sacré tout est signi-fiant. À la tombée de la nuit, dans les jardins de Takiwasi, les cigales font un bruit assourdissant. On croit entendre le sifflement strident d’un train. Celui de la vie sûrement.

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1Ce fameux mélange de deux plantes (Banisteriopsis caapi et Psychotria viridis) constitue un axe central des médecines traditionnelles amazoniennes. Ses effets visionnaires puissants (« hallucinogènes » en termes médicaux) l’ont fait interdire uniquement en France (2005) tandis que son usage demeure légal selon les termes de la Convention Internationale sur les Stupéfiants (1971). De nombreuses études scientifiques ont corroboré régulièrement ses effets anti-dépresseurs (famille des IMAO), la stimulation des zones limbique (amygdale - souvenirs chargés émotionnellement) et préfrontale (réflexivité et discrimination), et son innocuité lorsqu’il est utilisé de façon correcte et contrôlée.

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Figure majeure de la philosophie moderne, Hannah Arendt est née à Hanovre le 14 Octobre 1906. Exilée en France peu avant le début de la guerre, elle échappe de peu à l’avancée des nazis. Internée au camp de Gurs en 1940, libérée dans le désordre de l’armistice, elle parvient à rejoindre les États-Unis où elle mourra en 1975.

Hannah ArendtPHILOSOPHE AU FÉMININ

Vie et œuvre confonduesNée dans une famille juive, Hannah Arendt est l’incarnation de cette culture au nom de laquelle les nazis vont persécuter les juifs. Libre et cultivée, elle est l’élève de Heidegger, Husserl et Jonas. De son exil, elle tirera une philosophie dont le principal objectif est d’essayer de penser l’horreur du totalitarisme. « Le fil de la tradition est rompu » écrit-elle pour qualifier l’effondrement de la civilisation sous les doubles coups du nazisme et du

stalinisme.Totalitarisme et humanismeHannah Arendt ne se contente pas de diagnostiquer le mal. Elle propose des solutions. S’interrogant sur les moyens de se préserver contre la tentation totalitaire, elle élabore une philosophie qui entend renouer le fil de la tradi-tion afin de s’ancrer dans l’humanisme.

D’un côté, elle s’efforce de regarder en face la banalité du mal en analysant la figure d’Eichmann : comment une petit fonctionnaire médiocre mais conscien-cieux peut-il être devenu le pire des génocidaires ?

De l’autre, elle propose de revenir aux origines de la Démocratie : Athènes et Rome. Pour résumer en une phrase toute la pensée d’Hannah Arendt, on peut rappeler sa citation préférée de Cicéron, tirée des Tusculanes : « Je préfère au nom du ciel m’égarer avec Platon plutôt que voir juste avec ses adversaires. » Le jugement et le goût se doivent d’être au-delà de toute contrainte. Ne pas subir le poids des jugements, être libre à tous points de vue, Hannah Arendt l’aura été jusque dans sa vie privée.

Vie privée et féminitéPour la philosophe, la pluralité est une nécessité, la garantie d’un monde libre. Elle s’est penchée avec attention sur la différence homme/femme, la « petite différence » ainsi que l’appelait Rosa Luxembourg, un petit rien qui donne toute sa valeur au fait d’être femme. Consciente de l’utilité et de l’importance des luttes féministes, Hannah Arendt n’a pourtant jamais

adhéré à aucun mouvement. Elle leur reproche d’enfermer les femmes dans un ghetto qui les coupe du monde et des luttes alors que sa pensée insiste sur la nécessité de prendre part à la vie de la cité et du foyer.« Elle était beaucoup trop féminine pour être féministe, » aimait à dire son ami, le philosophe Hans Jonas. « Elle aimait recevoir des fleurs, être accompagnée... jouir des attentions que les hommes réservent aux femmes. Elle était aussi une femme belle, douée de magnétisme et de la capacité infaillible de distinguer entre amitié féminine et amitié virile. »Au bout du compte, sa féminité aura été l’affirmation d’une totale liberté.

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La philosophe ne se contente pas de diagnostiquer le mal. Elle propose des solutions.

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Ingrédients (Pour 6 personnes)

InstructionsÉtape 1Pelez deux oranges à vif et séparez les quartiers. Ébouillantez les courgettes taillées en rubans ; égouttez, puis mélangez-les avec 1 cuillère d’huile ; réservez-les au chaud.

Étape 2Cuisez les échalotes avec le vin, jus et zestes d’une orange jusqu’à évaporation. Versez la crème, chauffez pendant 2 minutes. Incorporez le beurre froid, salez et poivrez. Mixez. Réservez au chaud.

Étape 3Poêlez les filets de Saint-Pierre sur chaque face dans 2 cuillères d’huile et parsemez de thym. Mettez-les dans un plat, arrosez d’huile de cuisson et enfournez pendant 5 minutes à Th 6/7 (200°C).

Étape 4 Servez les filets nappés de sauce, entourés de courgettes et de quartiers d’orange. Décorez d’un brin de thym.

BON APPÉTIT !

RECETTE

À TABLESimple & sain

20 min.15 min.

Approuvé

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pressées !

FILETS DE SAINT-PIERRE AU BEURRE D’ORANGE

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- 6 filets de Saint-Pierre- 3 oranges- 3 échalotes- 2 courgettes- 15 cl de vin blanc doux

(type Côteaux du Layon)

- 15 cl de crème liquide- 200 g de beurre- 5 brins de thym frais- 2 cuillères à soupe

d’huile d’olive- Sel, poivre du moulin

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Ingrédients (Pour 6 personnes)

InstructionsÉtape 1Préchauffez le four à 210°C (thermostat 7). Disposez une pâte dans un moule à tarte.

Étape 2 Mélangez les ingrédients : la poudre d’amandes, le sucre, l’oeuf, le beurre mou et l’extrait d’amande amère.

Étape 3Étalez la préparation sur la pâte et cahez-y la fève.

Étape 4Refermez la galette avec la seconde pâte et soudez bien les bords. À l’aide d’un couteau, décorez la pâte en y traçant des dessins et dorez au jaune d’oeuf (dilué dans un peu d’eau). Percez le dessus de petits trous pour laisser l’air s’échapper.

Étape 5 Enfournez pendant 30 minutes environ.

BON APPÉTIT !

15 min.30 min.

GALETTE DES ROIS

- 2 pâtes feuilletées- 100 g de poudre d’amandes- 75 g de sucre semoule- 1 oeuf- 50 g de beurre mou

- Quelques gouttes d’extrait d’amande amère- 1 jaune d’oeuf pour dorer- 1 fève

RECETTE

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J’AIMEQuartier libre

QUOI ? Le Grand Orchestre des AnimauxOÙ ? PARISC’EST COMMENT ? Intense

Bernie Krause, musicien et bio-acousticien américain à l’origine de cette exposition, se passionne depuis près de cinquante ans pour la « nature sauvage ». Il nous invite, au travers des voix animales, à une expérience sonore intense, où chaque espèce possède sa propre signature acoustique qui vient s’inscrire avec précision dans le paysage sonore de l’écosystème où elle vit. Une initiation à « l’art d’écouter de tout notre être ».

Pour en savoir plus :www.fondationcartier.com

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UNE HISTOIRE D’ART

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QUOI ? Examens d’empathieQUI ? Leslie JamisonC’EST COMMENT ? Généreux

Un voyage au cœur de la souffrance de l’autre, c’est la pro-position de l’auteure américaine Leslie Jamison dans son recueil d’essais. Dans le premier des onze récits, « Examens d’empathie », la journaliste raconte son expérience de « pa-tient acteur », un rôle qui consiste à simuler des maladies devant les étudiants en médecine, pour qu’ils identifient les pathologies. Face à l’identification froide et distante de l’examen médical, Leslie Jamison oppose une réflexion sur la notion d’empathie : « une pénétration, une sorte de voyage. Cela suggère que l’on s’introduise dans la souffrance d’autrui comme on entrerait dans un pays étranger... ». Une auscultation du monde avec douceur pour nourrir la réflexion morale sur le corps souffrant.

QUOI ? Réparer les vivantsDE QUI ? Katell QuillévéréC’EST COMMENT ? Liant

Tiré du roman de Maylis de Kerangal, ce récit est porté à l’écran par Katell Quillévéré. L’histoire : un accident de van, après une virée en surf, a laissé un jeune homme mort sur le bitume. Il gît désormais dans une salle de réanimation, suspendu aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Mais la vie peut palpiter de mille façons. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle qui pourra prolonger sa vie…

LE COIN DES LIBRAIRES

GRAND ÉCRAN

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