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Etudes Franco phones 70 « On connaît la chanson… » : le colonialisme français au Maghreb en chansons et en musique dans la bande dessinée Mark McKinney  Miami University, Ohio La chanson et la musique comme reliques et icônes Il est intéressant que le dessinateur français Jacques Tardi ait créé l’illustration de couverture du volume Quand on chantait les colonies : Colonisation et culture populaire de 1830 à nos jours , par les historiens Claude et Josette Liauzu (2002), et que cette image constitue une critique de l’orientalisme et du colonialisme français au Maghreb. Fig. 1 : Un dessin de Jacques Tardi fait allusion à la violence du colonialisme français et des chansons françaises qui le célébraient. Claude Liauzu et  Josette Liauzu.  Quand on chantait les colonies : Colonisation et culture populaire de 1830 à nos jours . (Paris : Syllepse, 2002. Couverture)

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Etudes Francophones 70

« On connaît la chanson… » : le colonialisme français au Maghreb en

chansons et en musique dans la bande dessinée

Mark McKinney  Miami University, Ohio

La chanson et la musique comme reliques et icônes

Il est intéressant que le dessinateur français Jacques Tardi ait créé l’illustration decouverture du volume Quand on chantait les colonies : Colonisation et culture populaire 

de 1830 à nos jours , par les historiens Claude et Josette Liauzu (2002), et que cette

image constitue une critique de l’orientalisme et du colonialisme français auMaghreb.

Fig. 1 : Un dessin de Jacques Tardi fait

allusion à la violence du colonialisme

français et des chansons françaises

qui le célébraient. Claude Liauzu et

  Josette Liauzu.  Quand on chantait les 

colonies : Colonisation et culture populaire 

de 1830 à nos jours . (Paris : Syllepse,

2002. Couverture)

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 Y figure un gramophone avec sa corne amplificatrice qui trône sur une tablette

en bois sculpté. A côté de ces objets apparaît une autre tablette ou escabeau, sur

lequel on a placé un plateau en métal couvert d’un narguilé, d’une bouteille avecun siphon en forme de poire, d’un verre et d’allumettes. Tout cela est situé devantun mur peint en bleu, blanc et rouge, et taché de sang, avec une mitraillette qui

pend à un clou. A l’arrière-plan, sur la gauche, on remarque un minaret et unpalmier qui se dressent au-dessus d’une haie. Dans l’introduction à leur étude,les Liauzu ont remarqué que, malgré sa richesse, la chanson a généralement éténégligée par les historiens, y compris ceux qui étudient le colonialisme.

Si l’écrit a été et demeure le document obligé de toute histoire, et de

celle de la colonisation en particulier, si l’iconographie est devenuerécemment indispensable, la chanson a été négligée jusqu’ici, malgré

quelques titres récents. Pourtant, elle associe trois types de matériauxnécessaires à une histoire qui se veut totale : le texte, le son et l’image(celle des illustrations hier, des clips aujourd’hui).

La chanson peut donc contribuer à renouveler les études dela colonisation, qui sont restées par trop convenues, qui se sont limitées

surtout à l’étude des idées, des doctrines, des débats idéologiques, desbatailles et des combats politiques. En effet, elle fournit un éclairage

irremplaçable des représentations, des mentalités populaires. (5)

Cet appel à examiner une forme multimédia de la culture populaire est d’autantplus convaincant que Claude Liauzu, né lui-même à Casablanca en 1940, était

un historien respecté du colonialisme et du Maghreb. Pour ceux qui étudientla bande dessinée, l’aspect le plus frappant de cette citation est que ses termess’appliquent presque mot pour mot à ce médium visuel-textuel, à l’exception dela référence au son, bien sûr. Pendant longtemps, mais encore aujourd’hui, la

bande dessinée a en effet été un médium populaire qui a illustré l’expansion et larétraction coloniales1. En cela, elle constitue une ressource riche et étonnammentpeu exploitée pour le critique culturel ou l’historien qui voudrait étudier lecolonialisme et ses représentations. Et malgré le caractère muet de leur médium

de prédilection, les dessinateurs emploient souvent ses ressources visuelles ettextuelles pour dépeindre la musique et le son, comme divers théoriciens tels queFrédéric Pomier (58-64),2 Benoît Peeters (145–7) et Thierry Groensteen (65–7)

l’ont démontré.

On constate que la représentation du Maghreb, et surtout de l’Algérie,forme l’un des chaînons les plus anciens de la représentation coloniale en bande

dessinée et de la caricature de langue française, qui remonte au moins jusqu’à laconquête de l’Algérie à partir de 1830. L’illustration de couverture du livre d’AlainRuscio, Que la France était belle au temps des colonies... : Anthologie de chansons coloniales et 

exotiques françaises (2001), publié un an avant l’étude des Liauzu, rappelle les débuts

de l’ère coloniale moderne et de l’évolution de la bande dessinée : c’est une image

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qui figurait sur la partition de la chanson lascive et militaire « La mouker », connue

aussi sous le nom de « Travadjar la mouker », créée vers 1850, dont le refrain reste

sans doute l’un des fragments les mieux connus de la chanson coloniale associéeà l’Afrique du Nord (Ruscio 8, 353–4 , 357–9 ; Bacri 127 ; Bouzard 394–5 ;Michallat 317).

Fig. 2 : L’image qui illustrait la partition de la chanson coloniale « La mouker » met enscène un fantasme colonial courant : le cocufiage du Maghrébin par le Français. Alain

Ruscio. Que la France était belle au temps des colonies... : Anthologie de chansons coloniales et exotiques 

 françaises . (Paris : Maisonneuve & Larose, 2001. Couverture).

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Cette illustration, fendue en deux cadres produisant ensemble une mini-

histoire, rappelle les images d’Epinal qui ont disséminé la geste coloniale française

et ont constitué un ancêtre de la bande dessinée moderne. Ici, il s’agit de laséduction d’une Maghrébine par un soldat colonial français, et donc du cocufiaged’un Maghrébin. Cette situation apparaît comme l’un des fantasmes coloniaux les

plus courants de la chanson française (Ruscio 354 ; Liauzu et Liauzu 99), de lacaricature coloniale remontant jusqu’à la conquête (Porterfield 138–41) et de labande dessinée (Basfao 226–7).

Historiquement donc, la bande dessinée, la chanson et la musique ont été

des média qui ont véhiculé l’idéologie et l’histoire coloniales pour un vaste publicpopulaire, mais aussi, dans une moindre mesure, un lieu où ces dernières ontété critiquées ou contestées. En analysant l’incorporation de la chanson et de la

musique dans des bandes dessinées (re)publiées depuis 1962 — surtout, mais nonseulement, dans des textes publiés en France par des artistes français (d’origines

différentes) — qui représentent la colonisation française du Maghreb et surtoutde l’Algérie, je propose ici de montrer comment des mémoires divergentes et

contradictoires se recréent et se transmettent dans la culture populaire. Mêmesi ma perspective ici est principalement socio-historique, je ne négligerai pascomplètement les aspects formels de la bande dessinée. A travers cet article jem’appuierai sur les analyses du colonialisme français dans la chanson française

qu’ont effectuées les Liauzu et Ruscio, mais aussi sur les analyses de la chansonalgérienne et française en Algérie coloniale développées par Nadya Bouzar-Kasbadji (1988, 1989).

Comme beaucoup d’autres documents visuels et textuels de l’époquecoloniale reproduits ou cités dans la bande dessinée contemporaine, les chansonscoloniales fonctionnent souvent comme des fragments récupérés du passé etenchâssés dans le présent, comme des reliques d’une histoire et d’un tissu culturel

en voie de disparition dans un monde que de nouvelles formes d’impérialisme etde résistance sont en train de refaçonner d’une manière accélérée. J’emprunte icile terme « relique » à Michel de Certeau (266–8), qui s’en est servi pour décrire lamanière dont les immigrés et leur progéniture s’acharnent à préserver les fragments

d’une culture minoritaire, dont le cadre général et les pratiques s’affaiblissent etdisparaissent sous les effets corrosifs de l’assimilation. On verra que la naturemétonymique de la bande dessinée (Miller 78) se prête à ce genre d’activité. On

trouve en effet souvent ce travail d’enchâssement de reliques du monde (pré-)colonial dans des bandes dessinées réalisées par des dessinateurs français d’originealgérienne ou pied-noire et par des dessinateurs situés au Maghreb. Parmi les

raisons de cette activité, on peut en outre identifier les idéologies nationalistesfrançaises ou maghrébines, ainsi que l’extrême violence de la dé/colonisation.Le fait que des dessinateurs d’origines ethniques ou nationales diverses, et deperspectives politiques différentes, travaillent souvent les mêmes chansons et

traditions musicales, témoigne d’un héritage culturel commun, en partie, mais

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infléchi différemment. Dans le reste de cet article, j’examinerai trois groupes de

références musico-culturelles dans un corpus de bandes dessinées sur le Maghreb :

la musique militaire, les chants patriotiques, et la nostalgie coloniale en chansons ; lefolklore et l’orientalisme dans la musique et la danse traditionnelles ; et le métissagefranco-algérien, le conflit culturel et la chanson.3 Mon analyse de ces références

doit beaucoup à celle en contrepoint d’Edward Said dans Culture et impérialisme  

(2000), et à sa critique de l’orientalisme (1994).

« Je ne regrette rien » : musique militaire, chansons patriotiques et nostalgie

coloniale en chansons

On trouve la chanson militaire française la mieux connue en ce qui concerne la

conquête du Maghreb dans L’ogre du djebel (1986), d’Annie Goetzinger (dessin) etde Victor Mora (scénario), qui a pour cadre le Maroc. L’arrivée des légionnaires

y est annoncée par « La casquette du Père Bugeaud », chantée par ces derniers(38)4. Pour Liauzu et Liauzu, l’énorme popularité de cette chanson est « un succès

de propagande, ainsi qu’un témoignage de la présence que l’Algérie conquiertprogressivement dans la culture populaire » de la France (22 ; cf. Ruscio 50)5.

Fig. 3 : Une image d’Epinal célèbre la conquête française de l’Algérie à travers la chansonmilitaire « La casquette du père Bugeaud ». Collection de l’auteur. (Mark McKinney)

D’après Bouzar-Kasbadji (  Marseillaise 243), on chantait cet air dans les écolesfrançaises d’Algérie, et dans l’Armée d’Afrique6. Dans l’album, la nature collective

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du chant est indiquée par les multiples queues attachées à la bulle contenant les

paroles.

Effectivement, parmi les genres musicaux les plus répandus dans lesbandes dessinées sur le colonialisme français au Maghreb, on trouve les chantsde marche et les autres airs des unités militaires coloniales : elles forment

notamment une composante importante de l’« Histoire de la Légion étrangère »,une série composée de quatre tomes, célébrant la Légion. Publiés de 2002 à 2005par les Editions du Triomphe, un éditeur Catholique traditionaliste associé auFront National (FN) français, ces albums présentent chacun en fin de volume

un appendice rassemblant les paroles des chants de guerre et de marche desdifférentes unités de la Légion, ainsi que d’autres chansons qui lui sont associées.Plusieurs morceaux sont issus de la conquête et de la colonisation du Maghreb :

« Adieu, vieille Europe » ( Légion 1 46) ; « Sous le soleil brûlant d’Afrique » ( Légion 2  

45) ; « Le fanion de la Légion » ( Légion 2 46) ; « En Algérie » ( Légion 3 47) ; « Adieu,

adieu (chant du 1e RE) » , « Soldats de la Légion étrangère (DLEM – 2e REC) » et« C’est le ‘4’ (chant du 4e RE) » ( Légion  4 43–5)7. Rappelons que la Légion, l’unité

coloniale française par excellence, fut créée par décret le 9 mars 1831, soit l’annéesuivant la prise d’Alger (Liauzu et Liauzu 23). La Légion est sans doute aussi lecorps militaire français le plus fréquemment cité dans les bandes dessinées ayantpour thème la colonisation française de l’Algérie, et surtout la guerre d’Algérie.

Dans cette série, les pages couleur sépia et les illustrations qui les accompagnent visent à inspirer la nostalgie et le respect pour les Légionnaires et leurs prouesses,accomplies sans doute au son de ces mêmes chansons. Il est cependant un peu

étonnant de ne trouver que peu de mention de ces chansons au sein même durécit hagiographique en bande dessinée, dont les personnages ne chantent point.

On trouve dans une autre bande dessinée hagiographique un exemple demusique muette : C’est nous les Africains... : L’Algérie de 1880 à 1920 de Joyaux-Brédy 

et Joux (53), le quatrième tome d’une série — publiée par le Cercle algérianiste,une association pied-noire militante et conservatrice — qui en comporte cinq et qui commémore la colonisation française de l’Algérie. La contribution descolonies françaises à l’effort militaire de la métropole durant la Grande Guerre

est illustrée par deux vignettes où des unités coloniales s’embarquent au rythmede la musique jouée par un orchestre militaire. Mais la musique elle-même n’estpas représentée par des notes dessinées, et l’on n’en connaît ni les paroles ni le

titre. En revanche, le titre de l’album vient du refrain de l’une des chansons lesplus connues qui soient associées à la colonisation du Maghreb, « Les Africains ».Cependant, les auteurs notent sur la page de titre que « Le chant des Africains

auquel est emprunté ce titre a sans doute été créé en 1941 mais il nous a semblécorrespondre à la réalité de 1914 / 1918 ». C’est ainsi qu’ils déplacent la chansonde la période de Vichy, où elle a été (ré)écrite, à la première guerre mondiale,pour caractériser l’effort militaire conjoint des Algériens et des colons, dans un

contingent militaire multi-ethnique, venu à la défense de la France métropolitaine.

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L’ironie, dans cet aveu d’anachronisme, c’est que « Les Africains » constituait

déjà une réécriture de la « Marche des Marocains », écrite en 1914 pour célébrer

le sacrifice des troupes coloniales marocaines dans l’armée française durantla Grande Guerre (Ruscio 190–1, 205–6, 219–21 ; cf. Bouzard 373–5). PourBouzar-Kasbadji, cette chanson était dégradante pour les colonisés :

Pure création coloniale, le texte de « C’est nous les Africains qui

arrivons de loin » exprime implicitement l’infantilisme présumé destroupes « indigènes » s’offrant sur l’autel de la Mère-Patrie : « Venantdes colonies (...) nous voulons porter haut et fier le beau drapeau de

notre France (...) Pour la patrie, mourir au loin ». (  Marseillaise 243)

L’adoption du chant comme titre dans C’est nous les Africains... : L’Algérie 

de 1880 à 1920 correspond essentiellement à un geste colonialiste, car les (ex-)

colonisateurs s’approprient ainsi l’identité du colonisé. Mais ce choix répond enoutre à une seconde motivation idéologique :

Le patriotisme affiché par les pieds noirs au lendemain de la deuxièmeguerre [mondiale] , qui masque mal leurs sympathies antérieures envers

 Vichy, est à l’origine de la captation du Chant des Africains , captation siréussie qu’on jurerait qu’il s’agit d’un hymne pied noir. Cette marche a

été composée en réalité par Félix Boyer – par ailleurs auteur du léger

Boire un petit coup –, et les paroles par Reyjade. Envoyé par Vichy en

 Afrique en 1942, Félix Boyer rallie les gaullistes, et son chant est adoptépar les militaires des Forces Françaises Libres. (Liauzu et Liauzu 123–4; cf. Rioux 260)

Les rivages amers : L’Algérie – 1920–1962  (Joyaux-Brédy et Joux 36–56) , le tomesuivant de la série , confirme le désir des auteurs d’évacuer la réalité historique

décrite par les Liauzu , c’est-à-dire le fait que les Pieds-Noirs avaient majoritairementsoutenu le régime de Vichy.

Mes trois derniers exemples de chants militaires dans les bandes dessinées

sont plus intéressants en des termes politiques et artistiques. Dans Algérie française ! , 

par Denis Mérezette et Dumenil (35–7) , c’est encore une chanson de marche quisert cette fois d’arrière-fond à la torture d’Ahmed, un Algérien qui vient de faireexploser une bombe dans un hôtel français :

Sous les pins de la « BA »

Branle-bas de combat

La « Quatre » s’en vaCrane rasé et gueule de bois

Cette fois c’est du vrai car le convoi démarre

Salut les filles, n’ayez pas le cafard

Sur la piste et les sentiers , l’oeil aux aguets

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Et les fellaghas ne pourront résisterDevant l’assaut de la « Quatre » au paquet8

Fig. 4 : La torture d’un Algérien par des soldats français est mise en parallèle avec un

chant militaire qui vient masquer les cris de la victime. Denis Mérezette et Dumenil.

 Algérie française ! . (Bruxelles : Michel Deligne , 1985. 42. Denis Mérezette , Dumenil et les

Editions Michel Deligne)

Le récit alterne ici entre un terrain de défilé militaire et la pièce à côté où l’on torture.Les bulles avec paroles et notes musicales — qui nous signalent que le morceau estchanté — grandissent progressivement et envahissent les vignettes de la torture,

tandis que les images opèrent un effet de zoom sur les figures des soldats françaisqui défilent. La séquence multi-cadre (Groensteen 121–69) qui occupe le haut de

la page culmine quand les tortionnaires réussissent à briser la résistance d’Ahmed.La fanfaronnade du chant se confirmerait par cette conclusion (provisoire), si la

torture constituait une lutte à armes égales. Le fait que la bulle qui contient lesdernières paroles de la chanson masque en partie la confession de l’Algérien,souligne le fait que la torture constitue une forme de combat illégal et illégitime,

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qu’on doit cacher. Par ailleurs, dans les récits qui racontent la torture pendant

la guerre d’Algérie, on trouve mention du fait que les tortionnaires pouvaient

faire jouer de la musique populaire française à haut volume pour masquer les crisdes victimes (Alleg 50). Ici, même si au moins l’un des auteurs (Mérezette) estd’origine pied-noire, le chant militaire ne fonctionne pas comme une relique (au

contraire de l’usage des « Africains » dans l’album C’est nous les Africains  ), mais sertplutôt d’outil critique pour mettre à jour la violence cachée de l’Algérie françaiseet du « maintien de l’ordre » par l’armée d’occupation.

On trouve un emploi similaire d’un chant militaire et de ballons dans Une 

éducation algérienne (1982), par Guy Vidal (scénario) et Alain Bignon (dessin), dansun autre album qui — avec Algérie française ! — a été l’une des premières bandesdessinées françaises sur la guerre d’Algérie. Sa première page (une « splash page »

en anglais) ouvre l’histoire par l’image d’une colonne de soldats qui chante enrentrant à sa base :

Les cavaliers partent pour l’aventureIls s’en vont sur la terre d’Algérie

Sur les pas de leurs aînésEt s’il le faut, ils donneront

Leur vie pour leur patrie bien-aimée9

La bulle contenant les paroles de la chanson et des notes de musiqueemblématiques se fond dans celle du soldat qui mène le groupe — suggérantainsi une simultanéité des sons — même si les deux se distinguent par la taille desbulles, l’orientation du texte et la typographie. La chanson de marche introduit

un thème qui parcourt toute l’histoire : l’idée que la guerre d’Algérie constitue le

dernier chapitre dans l’aventure impériale de la France. Effectivement, dans labande dessinée, le colonialisme français a été souvent dépeint comme une grande

aventure pour garçons et hommes. Néanmoins, deux bulles émanant des casernesfont surgir une idée contradictoire, celle que l’aventure impériale n’est plus qu’unefarce : « A8. A toi, Albert », « Coulé ! T’as gagné ». On peut donc déjà tracer uneévolution sur cette page, de l’idée romantique de cavaliers montés, à l’ « Armée

blindée cavalerie » annoncée par le panneau d’entrée de la base, jusqu’au jeu decombat naval sur papier auquel Albert, un conscrit, et son camarade, sont en trainde jouer, qui constitue manifestement une parodie d’un idéal héroïque dégradé. A ce moment-ci, la fin de la guerre se profile, et même si des soldats français

continuent à mourir, leur mort a perdu sa signification préalable de sacrificesuprême pour la patrie, proclamé par la chanson. La préoccupation principalede la plupart des soldats français de l’album est de tromper l’ennui et de tenir le

coup jusqu’à la fin de leur service réglementaire. Cette page et la suivante, où nous voyons qu’il s’agissait bien d’un jeu, satirisent le récit impérial français (Vidal etBignon 3–4).

En 1981, l’année avant la sortie en album de L’éducation algérienne , le

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dessinateur algérien Mustapha Tenani a publié De nos montagnes , dont le titre vient

d’une chanson patriotique algérienne, « Min Djibelina » (« De nos montagnes »).

Cet album offre un exemple des bandes dessinées nationalistes sur la guerred’Algérie que les maisons d’édition de l’état algérien publiaient pendant les années1980 (cf. McKinney, La frontière et l’affrontière  ). La chanson ne figure pas à l’intérieur

de l’album, mais Henri Alleg en cite une strophe à la fin de La question , son récitde la torture qu’il a subie aux mains des parachutistes français en Algérie pendantla guerre :

De nos montagnes

La voix des hommes libres s’est élevée:

Elle clame l’indépendanceDe la patrie.

 Je te donne tout ce que j’aime, Je te donne ma vie,

O mon pays... O mon pays. (111–12)

Dans La question , des Algériennes emprisonnées chantent cet hymne lorsque trois Algériens sont guillotinés par les Français. A cet endroit du récit, par contraste

avec l’emploi antérieur de la chanson (les paras faisant jouer des chansonspopulaires pour couvrir les cris des victimes), la chanson sert à fortifier la volontédes condamnés qui montent à l’échafaud.10

Plusieurs chansons qui paraissent dans les bandes dessinées sur le Maghreb

ne sont pas spécifiquement coloniales, mais elle servent souvent à renforcer uneatmosphère nostalgique ou rétro. C’est le cas, par exemple, d’O.A.S. Aïscha de

 Joos et Yann , où une chanson de 1963 aide à ancrer l’histoire dans l’époque et

à conclure l’album (44). La réaction verbale à la chanson (« Coupe ça !... Y faitchier, Alain Barrière ! ») et le geste anticipé, (éteindre la radio) clôturent l’histoiresur une note ironique, car le lecteur comprend le sens caché qu’a cette chansonpour le personnage principal, un marin français qui a couché avec une harka et

dont il est sans doute tombé amoureux. La case finale suggère simultanément unenostalgie pour le passé colonial et son rejet. On trouve dans Une éducation algérienne  

une manière similaire de produire et de saper la nostalgie, lorsqu’un autre soldatfrançais proteste quand Albert ne cesse de refaire jouer des chansons nostalgiques

de Charles Trenet, notamment « Que reste-t-il de nos amours ? » (9).L’un des exemples historiques les mieux connus d’une chanson populaire

française qui a servi dans un contexte colonial se retrouve dans deux bandes

dessinées qui commémorent de manière hagiographique l’Algérie française et

l’armée coloniale : les soldats français qui ont participé au putsch manqué d’avril1961 en Algérie ont adopté « Je ne regrette rien » (Horne 460, 561), la célèbrechanson enregistrée par Edith Piaf en 1960. Le troisième volume de la série « La

Légion » et Les rivages amers dépeignent le Régiment Etranger de Parachutistesquittant sa base de Zéralda, avant d’être dissous pour son rôle dans le putsch des

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généraux d’avril 1961. Alors que La Légion : Histoire de la Légion étrangère, 1946–62 : 

Diên Biên Phu ( Légion 3 37 ; cf. 42) montre les soldats en train de chanter dans

les camions qui s’en vont, les auteurs des Rivages amers (Joyaux-Brédy et Joux 70)ont plutôt choisi dans le livre de l’ancien dirigeant OAS Pierre Sergent (qui portele même titre, Je ne regrette rien  ) l’image des paras qui font le bras d’honneur aux

policiers et aux soldats chargés de les surveiller. Cette mise en scène hagiographiquefait partie d’une histoire sacrée du colonialisme, qui a ses martyrs, ses hymnes etses reliques.

Le folklore et l’orientalisme dans la danse et la musique traditionnelles

Pour les dessinateurs européens, la musique traditionnelle du Maghreb

évoque presque inévitablement des images d’une danse du ventre aux sonsd’instruments folkloriques. La culture traditionnelle et les fantasmes orientalistes

sont étroitement liés dans de telles scènes, que l’on trouve à travers toute la bandedessinée moderne qui touche à l’Afrique du Nord. Dans les premières pages de  

Carnets d’Orient , le volume inaugural de la série éponyme de Jacques Ferrandez(1994) et l’un des albums les plus connus sur l’Algérie française, le lecteur trouveune scène de bordel située à Alger en 1832 (5), que Ferrandez a construite enmélangeant des éléments visuels puisés dans l’imagerie coloniale et exotique, mais

dont le scénario et le texte ont été empruntés presque tels quels à la descriptionautobiographique que Gustave Flaubert a donnée de sa rencontre avec Kuchuk Hanem, une prostituée et danseuse égyptienne ( Voyage en Egypte 281–8, cf. 70–7,

362–3, 366 ; Flaubert in Egypt 113–19 ; cf. Said 1994 : 6, 186–7, 207–8 ; McKinney 2001 : 45–7). Dans le récit de Flaubert, la femme exécute une danse sur l’air dedeux musiciens. Dans Carnets d’Orient , les musiciens et leur musique grinçanteservent de repoussoir à la prostituée séduisante, transformée par Ferrandez en

 Algérienne, mais le striptease de Hanem — la danse de l’abeille — a été remplacépar une séquence de cases qui remplit la même fonction : le corps morcelé de laprostituée est dévoilé petit à petit sur la planche.

On trouve une imagerie similaire dans un album par deux artistes belges,

dont le récit se situe au Maroc un siècle plus tard : La kermesse ensablée , de JanBucquoy (scénario) et de Daniel Hulet (dessin) (1990), le tome trois de la série« Les chemins de la gloire ». Ces titres sont ironiques, car il s’agit de la déchéance

d’un boxeur ayant dû s’engager dans la Légion étrangère. On y voit, dos à dos,un diptyque de scènes : dans la première, le boxeur-légionnaire couche avec uneMarocaine, habitante d’un village montagnard, qui l’y invite en remerciement

de son aide pour avoir sauvé un enfant tombé dans une crevasse ; la deuxièmeraconte une confrontation avec des rebelles marocains ayant réussi à coincer les

légionnaires dans un canyon désertique. Une scène de nuit représente les guerriersmarocains qui font la fête avec une danseuse devant un feu de joie : la femme fait

un striptease pour narguer les légionnaires, pendant que les rebelles chantent et

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l’applaudissent. Comme la séquence du bordel chez Ferrandez, ce passage met

en scène un kitsch orientaliste, mais avec une opposition manichéenne entre la

Marocaine accueillante et la Marocaine dangereuse (cf. Basfao 226–7). L’idéologiecolonialiste et sexiste de ces scènes chez Bucquoy et Hulet n’est en rien infléchipar leur dénigrement anarchiste de la hiérarchie de l’armée coloniale française,

ni par une scène dans l’album suivant, La valse à l’envers  (38), qui constitue une version homo-érotique et orientaliste de la danse maghrébine, cette fois-ci par unNord Africain pour son amant légionnaire et les camarades de ce dernier.

Les albums de Bucquoy et Hulet, publiés dans la collection « Vécu » chez

Glénat, et la série de Ferrandez font partie du genre analysé par Pierre Fresnault-Deruelle (1979) dans son article sur « l’effet d’histoire » dans la bande dessinée :dans de tels récits, certaines références historiques et culturelles — dont, ici,

des éléments censés représenter la musique, la chanson et la danse maghrébinesauthentiques à l’époque coloniale — ajoutent de la couleur locale et aident ainsi

à créer un effet de réel et d’histoire. Le paradoxe est que ces mêmes élémentsd’ordre mimétique contribuent fortement à produire une version orientaliste

et mythologisante des sociétés nord-africaines, et de ce fait, font écho à unequantité non négligeable de chansons coloniales, dont celles qui ont pour objetles colonisées, représentées principalement comme les jouets sexuels des Français(Ruscio 350–99 ; Liauzu et Liauzu 98–111). On en trouve une parodie bien ciblée

dans L’empire , tome deux (2007) d’une géniale « Petite histoire des coloniesfrançaises », par Grégory Jarry (scénario) et Otto T. (dessin). Le premier chapitredu volume se termine par une satire de la vision occidentale de la musique, de la

chanson et de la danse orientales : le dey d’Alger chante et se livre à une dansedisco avec une danseuse du ventre. Dans cet album, la célèbre scène du coupd’éventail que le dey aurait infligé à Pierre Deval, le consul français, qui est entréedans le récit colonial épique comme l’événement ayant déclenché la prise d’Alger,

nécessaire pour laver l’honneur de la France, devient un pot pourri de stéréotypesorientalistes : derrière le dey, lors de sa confrontation avec Deval, se trouvent,parmi d’autres, un homme qui fume un narguilé, une danseuse du ventre, et desmusiciens qui jouent du tambour, de l’oud et de la flûte. Dans une scène ultérieure,

nous voyons une parodie de la danse homo-érotique des légionnaires, qui rappellecelle de Valse à l’envers  : dans le désert, Abdelkader et ses hommes tombent surdes soldats français assis autour d’un des leurs, voilé, qui leur fait la danse du

 ventre. Le contraste ironique entre la version pince-sans-rire du passé donnée parle narrateur (Charles de Gaulle) dans le récitatif, et les actions des personnages,par moments violentes ou ridicules, dessinés dans un style à bâtonnets, satirise

non seulement l’histoire coloniale française, mais aussi les fantasmes orientalisteset le style de dessin réaliste des bandes dessinées historiques qu’on vient de voir.

Ces exemples suggèrent que la bande dessinée adulte d’aujourd’hui prendsouvent la musique et la danse nord-africaines comme prétexte à l’érotisme ou à la

pornographie coloniaux. De telles scènes ont néanmoins un lien de parenté avec la

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bande dessinée française et belge pour enfants d’avant 1962. Celle-ci, même si elle

est généralement exempte d’allusions sexuelles, représente souvent les conquêtes

et la colonisation coloniales sur un mode folklorique et dépolitisé. C’est le cas, parexemple, du Trésor de la vallée perdue , un épisode de « Yann le vaillant », par JacquesConoan (scénario) et Noël Gloesner (dessin), qui a été publié en feuilleton dans

la revue catholique pour enfants Coeurs vaillants , en 1952–3, et republié en albumpar les Editions du Triomphe en 2004. Située principalement dans les montagnesde l’Atlas, l’intrigue est typiquement colonialiste : une communauté de Berbèresmusulmans, dont les ancêtres étaient chrétiens à l’époque romaine, habitent dans

une cité perdue. Celle-ci est en guerre contre une tribu rivale pour le contrôlede l’eau, ressource vitale et rare dans ce cadre semi-désertique. Avec l’aided’une technologie moderne, militaire et française, dont des talkie-walkies et un

hélicoptère, les protagonistes catholiques, dirigés par Yann, réussissent à résoudrela dispute en faisant ouvrir un vieux coffre laissé par les ancêtres christianisés,

qui contient un manuscrit. On y trouve le message évangélique d’amour fraternelécrit en latin. La dernière image nous montre les deux tribus, enfin réconciliés et

ayant décidé de partager l’eau, qui jouent une chanson berbère pour célébrer cetévénement : « les deux tribus, fraternellement réunies, célèbrent l’eau maternellepar un ‘haïdous’ d’allégresse » (36). Ici, le rapport colonial est scellé par une formede métissage, l’union physique du colonisateur et du colonisé : au cours de l’album

on apprend que l’un des garçons français est en fait le fils d’une mère françaisemais aussi d’un père berbère, et qu’il est donc le petit-fils du cheikh berbère quirègne sur la cité perdue (33).

Une rencontre chaste mais sexuée (« gendered ») entre Touaregs etcolonisateurs français s’exprime en termes musicaux dans Charles de Foucauld: 

Conquérant pacifique du Sahara , une hagiographie colonialiste et catholiquedessinée par l’artiste belge Jijé (Joseph Gillain), qui a été prépubliée dans Spirou  

magazine, du 9 avril au 10 septembre 1959, c’est-à-dire en pleine guerre d’Algérie(et récemment rééditée, elle aussi, par les Editions du Triomphe). Peu avant lemartyre du prêtre catholique, un médecin militaire protestant arrive à la missiondu Hoggar afin de vacciner les Touaregs. Alors que le père catholique ne réussit

pas à convaincre Dassine, une poète et musicienne majestueuse, d’accepter lamédecine occidentale, le docteur, lui-même musicien amateur, parvient à séduirecertains des membres de la tribu, dont surtout la matriarche (qui sait jouer de

l’amzad, un instrument indigène), en jouant du violoncelle. Le lendemain,Dassine accepte de se faire vacciner par le médecin, donnant ainsi l’exemple àsa tribu. Le récit de Jijé dissout la violence coloniale de l’occupation française du

Maroc profond pour la remplacer par une compétition paisible et symboliqueentre les musiques Touareg et occidentale. C’est cette dernière qui l’emporte etpermet ainsi à la médecine occidentale, apportée par un représentant chrétiende l’armée française, de triompher de la résistance indigène et musulmane. Un  

tel exemple constitue une version emblématique de l’idéologie coloniale et de sa

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soi-disant mission civilisatrice : il s’agirait surtout de porter un secours physique

aux indigènes démunis.

Par contraste, dans la série récente, « Le chat du rabbin », de Joann Sfar,un dessinateur français qui est aussi musicien, le thème du concours musicaljoue un rôle très différent : celui de symboliser la parenté fondamentale entre

les Musulmans et les Juifs en Algérie coloniale. Quand, dans Le Malka des lions  

(34–9), le rabbin Abraham Sfar quitte Alger pour aller se recueillir sur la tombe deson ancêtre, Messaoud Sfar, il rencontre son ami le cheikh Mohammed Sfar, unmusicien arabe qui est son lointain parent, car le Musulman et le Juif partagent ce

même ancêtre. Les deux dansent, chantent et jouent de la musique ensemble, afinde symboliser une origine et une tradition musicale nord-africaine communes.11

La représentation de la musique nord-africaine traditionnelle dans les

albums d’artistes maghrébins ou d’artistes français d’origine maghrébine peutdiverger des tropes cultivés par la tradition franco-belge, et suggérer, par exemple,

une autonomie et une authenticité culturelles pré-coloniales, comme dans L’émir Ben Abdelkrim , de Mohammed Nadrani (16–18), où un jeune berger berbère jouant

de la flûte doit s’enfuir quand une attaque est lancée contre son village pendantla guerre du Rif, dans les années 1920. Le texte du récitatif et les notes musicalesdes barres qui ondulent à travers le ciel dans les deux premières cases de la pageinvitent à la contemplation, en synchronie avec la scène pastorale idyllique (cf.

Groensteen 65–7). Cette harmonie édénique est brutalement violée par les avionsmilitaires espagnols qui lâchent des bombes et mitraillent les paysans marocainssans défense. L’auteur, qui a appris à dessiner pendant son séjour dans les geôles

marocaines (1977–84), conçoit son album comme une révision nécessaire de cetépisode de l’histoire nationale, qui a longtemps été occulté par le pouvoir colonialfrançais et le régime marocain qui l’a remplacé: « L’histoire du héros du Rif, dontje suis originaire, a été, pour des raisons politiques, occultée durant presque un

siècle » (  Mohammed Nadrani, le dessin ou la folie  ).

Pareillement, dans La rupture , le deuxième volume des Contes du djinn: Hadj 

 Moussa (2008), Farid Boudjellal et Leïla Leïz incorporent la musique et la dansealgériennes traditionnelles dans le récit d’une manière qui célèbre l’authenticité

culturelle algérienne durant la période coloniale : les yous-yous des Algériennesaccompagnent la musique traditionnelle lors d’un mariage, fêté au début de laGrande Guerre (28–31).

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Fig. 5 : La musique traditionnelle et l’ululation égaient un mariage algérien célébré à

Constantine pendant la Grande Guerre. Farid Boudjellal (scénario), et Leïla Leïz (dessinet couleur). Les contes du djinn, Hadj Moussa . Tome 2 : La rupture . (Toulon : Soleil, 2008. 31.Farid Boudjellal, Leïla Leïz et M.C. Productions)

Nejma porte successivement six robes de mariage représentant la diversitérégionale algérienne (Constantine, le Chaouïa, Tlemcen, Alger, la Kabylie, etOran), quand elle danse pour Moussa.

Leur mariage fait suite à la rupture des fiançailles entre Moussa(qui s’appelle aussi Maurice), un jeune évolué , et Catherine, une Française.L’impossibilité du couple mixte, que les préjugés coloniaux de la famille française

séparent, symbolise les limites de l’assimilation algérienne à la société colonialefrançaise, tandis que la musique, la danse et les robes au mariage de Moussa et

de Nejma célèbrent plutôt l’identité algérienne. La manière dont Boudjellal etLeïz dépeignent la musique et la danse traditionnelles semble donc aux antipodes

de ce que nous avons vu dans les albums de Ferrandez, Bucquoy et Hulet. La 

rupture  représente la pré-histoire d’une autre série de Boudjellal, qui raconte la vie de la famille Slimani en France, des années 1950 jusqu’au présent. Vus sous

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cette optique, les albums de Hadj Moussa fonctionnent un peu aussi, malgré tout,

comme les « Carnets d’Orient » de Ferrandez, dans la mesure où ils récupèrent et

préservent des reliques culturelles de l’Algérie colonisée, même si leur traitementest sensiblement différent.

Fig. 6 : Un djinn exhauce le voeu de Moussa, qui peut ainsi complimenter en penséeNejma, sa nouvelle épouse, sur les six robes traditionelles qu’elle porte lors de leur mariage.

Le couple effectue donc une danse virtuelle, aux sons de la musique traditionelle. FaridBoudjellal (scénario), et Leïla Leïz (dessin et couleur). Les contes du djinn, Hadj Moussa . Tome

2 : La rupture . (Toulon: Soleil, 2008. 30. Farid Boudjellal, Leïla Leïz et M.C. Productions)

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La chanson franc’arabe: le métissage, le conflit culturel et la chanson

Dans L’exode , le troisième tome de sa série « Le chat du rabbin » (2003), Sfarse sert de la musique algérienne pour figurer le métissage interculturel, d’unemanière encore plus complexe que dans le duo musical composé par Abraham et

Mohammed Sfar. Quand Abraham voyage pour la première fois d’Alger à Paris,pour faire connaissance avec les beaux-parents de sa fille, nous rencontrons sonneveu, Raymond Rebibo, connu aussi comme El Rebibo, en raison de sa maîtrisede la musique maalouf. Ensemble, dans la mansarde que partagent Raymond

et sa compagne catholique française, l’oncle et le neveu jouent du maalouf ensemble. Le dessinateur rend la musique obsédante comme des coulées de notes

et d’indices de mouvement ondoyants sur les murs de la chambre, baignée dans la

lumière pâle de Paris qui passe à travers la lucarne. Les notes, groupées par deuxou trois et courbées par le style tremblotant de Sfar, ressemblent presque à des

lettres hébraïques. Dans une case elles semblent émerger de deux bouilloirs quisourient et rappellent ainsi les bandes dessinées de Calvo, ou Fantasia , le dessin

animé de Disney.

Pour gagner sa vie, Raymond travaille comme musicien de rue, maisd’une manière insolite, car il s’habille en Arabe et chante une chanson burlesqueet érotique pour des Parisiens faisant la queue devant le Théâtre du Grand

Guignol (22–6). Les contorsions anguleuses du corps de Raymond, lorsqu’ildanse en faisant tourner le pompon de son fez, font écho aux paroles grotesquesde sa chanson, ainsi qu’aux images macabres des affiches de spectacles de théâtre.

Quand Abraham lui demande, « Mais pourquoi tu fais semblant d’être un Arabe ? »,  

Raymond lui explique: « Parce que pour faire le juif, il faut l’accent polonais,et je sais pas le faire. Oui, parce que juif du Maghreb, ça ne les intéresse pastrop, les gens, ça leur complique » (26). C’est ainsi que le dessinateur satirise à

la fois l’orientalisme colonial et l’ignorance des Français métropolitains quantaux complexités de l’identité juive. Mais, en même temps, Sfar relègue une autreportion de l’histoire musicale algérienne à une note, où il reconnaît avoir empruntéles paroles de Raymond à une chanson intitulée « Arrouah, j’t’y cire », chantée by 

 Aïssa (25) et sortie sur un compact disc, Algérie: Fantaisistes des années 1930.12 Claude

et Josette Liauzu (154–5) suggèrent qu’il ne faudrait pas se hâter de reléguer leschansons qui « relèvent d’un genre ‘franc’arabe’ dont la trivialité apparente ne doit

pas cacher qu’il exprime les métissages culturels » à la catégorie « des chansonsprolongeant le comique raciste » (  Marseillaise 245). Cependant, la séparation entrede telles catégories n’est peut-être pas absolue, dans la mesure où des publics

différents pourraient réagir différemment à la même chanson. Les chansonsd’Aïssa réunies sur cette compilation mélangent des stéréotypes coloniaux sur les vendeurs de tapis et les cireurs nords-africains à un langage sexuel suggestif sur letourisme français au Maghreb et l’émigration maghrébine vers la France (Ruscio

417–18, 421–3).13 On retrouve ces mêmes personnages sur des cartes postales

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coloniales recopiées par Ferrandez dans ses albums, parfois avec une inflexion

critique. Raymond finit par se faire embaucher pour jouer le même genre de

musique dans un théâtre parisien géré par Ventura, un personnage qui ressemblephysiquement à l’acteur Lino Ventura ( Exode 32–8). Raymond Rebibo, lui aussi,a été clairement calqué sur un personnage célèbre : Raymond Leyris, connu aussi

sous le nom de Cheikh Leyris, un maître renommé de la musique maalouf quiétait un Juif originaire de Constantine. Beau-père du chanteur pied-noir EnricoMacias (né Gaston Ghrenassia), Leyris a été assassiné le 22 juin 1961, pendant laguerre d’Algérie (Liauzu et Liauzu 172–4 ; Stora 288, 305, 314–16).

Trente ans après l’histoire de L’exode , pendant la guerre d’Algérie, lachanson « Mustapha » représentait le métissage franco-algérien, d’après Liauzuet Liauzu (154–5 ; cf. Rioux 261). Créée par le Juif algérien Bob Azzam et par

Eddy Barclay, elle a connu un succès en France en 1960. Elle paraît dans deuxdes bandes dessinées les plus intéressantes sur la guerre : Une éducation algérienne  

(Vidal et Bignon 11) et Rue de la bombe  (Ferrandez 32). Dans le premier, lesdessinateurs juxtaposent de manière satirique le cri d’un Algérien, qui appelle sa

mère parce qu’on le torture, aux paroles de cette chanson, remplies d’allusionssexuelles (« Tu m’as allumé avec une allumette... »). Plusieurs cases montrent desconscrits français qui dansent un slow sur « Mustapha », suggérant en cela qu’uncommentaire qui se réfère ostensiblement à la torture (« Pierrot les passe à la

casserole ») est en fait plus ambigu: il connote à la fois la torture et le plaisir(de la nourriture et du sexe), la torture comme une source de plaisir pervers.Les artistes ajoutent une critique politique et historique supplémentaire au thème

homo-érotique quand Albert, l’anti-héros de l’album, fait allusion à la décadencede l’empire romain. A ce moment-ci, très proche de la fin de la guerre, il constateque l’empire français décline, comme l’avait fait l’empire romain plusieurs sièclesauparavant. Cette comparaison ironique nous rappelle que l’idéologie coloniale

proclamait les Français les héritiers de l’impérialisme romain en Afrique duNord, comme nous l’avons vu en filigrane dans Le trésor de la vallée perdue . La crise

politique et nationale ainsi créée par la chute de l’Algérie française (après la pertede l’Indochine) a provoqué une crise de la masculinité hétérosexuelle, incarnée

par le soldat colonial français, qui fut pendant longtemps une figure encensée parla bande dessinée et qui l’est parfois encore aujourd’hui, comme dans la série sur« La Légion ». Une éducation algérienne joue manifestement sur cette fissure que la

décolonisation a créée dans ce rôle héroïque traditionnel.Dans Rue de la bombe (2004), publié plus de vingt ans plus tard, Ferrandez

insère un autre fragment de « Mustapha » dans une scène située dans la casbah

d’Alger, après que l’armée française a brisé la grève générale pendant la batailled’Alger en 1957.14 Ici, la légèreté des paroles (« Chéri je t’aime, chéri je t’adore »)fait un contraste ironique avec la violence d’un « bleu de chauffe », c’est à dire unagent algérien travaillant pour les services secrets de l’armée française. La peur

exprimée par les civils algériens dans cette scène suggère à quel point la guerre

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a réussi à rendre impensable le métissage franco-algérien, que Liauzu et Liauzu

 voient comme le sujet et la condition de possibilité de « Mustapha » et les autres

chansons « franc’arabes » de la musique populaire. Le fait que ces deux bandesdessinées ne citent que les paroles françaises de cette chanson, et non pas lesparoles arabes, est intéressant et sans doute révélateur des limites de la mixité

culturelle.

Conclusion : métissages franco-maghrébins post-coloniaux dans la bande

dessinée

On trouve des perspectives nouvelles chez Slim, le dessinateur algérien, etchez Farid Boudjellal et Larbi Mechkour, deux artistes français d’origine algérienne,

même quand il s’agit de jeter un regard vers le passé colonial. Slim, célèbre pourl’humour multilingue de ses bandes dessinées, se sert de chansons françaises à

connotations (post-)coloniales dans « Le coup de l’éventail », un album inéditqui raconte la prise d’Alger sur un mode parodique et anachronique. Ainsi les

janissaires chantent-ils « Tiens, voilà du merguèze, voilà du merguèze », puisqu’ilsconstitueraient « une sorte de Légion étrangère composée essentiellement dechrétiens convertis à l’islam depuis leur jeune âge » (2).

Fig. 7 : Une parodie du chant de la Légion, chantée par les janissaires du dey d’Alger à

l’époque de la prise d’Alger. Slim. « Le coup de l’éventail » Album non publié. 2. (Slim)

 A deux reprises, Slim détourne des chansons d’Enrico Macias : lors despréparatifs français pour l’expédition d’Alger en 1830, les Algérois, insouciants,

chantent « Ah qu’elles sont jolies les filles de mon pays ! Lay, lay, lay » (36) ;et quand le dey part en exil, il chante « J’ai quitté mon pays » (41). On pourraitinterpréter ce geste comme une forme de rapatriement de ces chansons de l’exil.

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Fig. 8 : La reprise anachronique d’une chanson pied-noir : lors de son départ en exil, aprèsla prise d’Alger par les Français, le dey d’Alger chante une chanson d’Enrico Macias. Slim.

« Le coup de l’éventail » Album non publié. 41. (Slim)

Fig. 9 : Le métissage musical franco-maghrébin entre dans la bande dessinée: le rockabilly est transformé en « rock Kabylie » par de jeunes personnages franco-maghrébins. Larbi

Mechkour (dessin), and Farid Boudjellal (scénario). Black Blanc Beur: Les folles années de 

l’intégration . Textes des chansons d’André Igwal. Préf. Martine Lagardette. (Cachan:

  Tartamudo, 2004. 11. Larbi Mechkour, Farid Boudjellal, Editions Tartamudo, 2004 ;

http://www.tartamudo.fr/)

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Dans Les Beurs , de Larbi Mechkour et de Farid Boudjellal (1985), les

artistes célèbrent la musique franco-maghrébine et thématisent les possibilités

et les limites de la mixité culturelle dans la France des années 1980. Par exemple,des groupes de musique fictifs — Jambon-Beur (préfigurant le titre d’un albumultérieur de Boudjellal) et Cap’tain Mohamed et ses Mohamedettes — donnent

un concert gratuit. Les artistes mélangent joyeusement le rockabilly (devenu le« Rock-Kabylie »), remis à la mode vers cette époque par les Stray Cats et d’autresgroupes, ainsi que des références au pop français et à ses origines africaine-américaines (Claude François et les Clodettes ; Ray Charles et les Raelettes).

Les paroles célèbrent la consommation hédoniste de la drogue pour faireface au mal-être, tout en détournant la terminologie raciste d’origine coloniale :« Si t’as les boules, petit bougnoule, bourre ton sandouiche plein de hashiche...

Bourre ta chéchia plein de chicha... » (n.p.).

Fig. 10 : Cap’tain Mohamed et ses Mohamedettes se mettent à chanter lors d’unebagarre entre des Franco-Maghrébins et des skins. Le tout est finalement interrompu par

l’écroulement du squatt voisin. Larbi Mechkour (dessin), and Farid Boudjellal (scénario).

Black Blanc Beur: Les folles années de l’intégration . Textes des chansons d’André Igwal. Préf.Martine Lagardette. (Cachan: Tartamudo, 2004. 12. Larbi Mechkour, Farid Boudjellal et

Editions Tartamudo, 2004 ; http://www.tartamudo.fr/)

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Mais le concert, qui se termine par une bastonnade entre skinheads fascistes

et jeunes Maghrébins de France, ne donne pas envie à ces derniers, blessés,

de repartir le lendemain au concert de Couscous-Cassoulet à Belleville ; ils luipréfèrent l’isolement du café maghrébin, avec ses jeux de dominos. Ailleurs, lesartistes font allusion à de vrais artistes franco-maghrébins de l’époque — dont

Karim Kacel et son hit « Banlieue », Rockin’ Babouches, et Carte de Séjour avecsa chanson « Rhorhomanie » (dont les paroles en arabe et français célèbrent lesinfluences culturelles diverses, allant d’Oum Kelthoum à Jimmy Cliff, et de JamesBrown à Jimmy Hendrix) — et à l’initiative anti-raciste, Rock against Police15. Des

« you-yous » joyeux rythment cet album, ainsi que certaines chansons qu’ils citent.Ce livre nous rappelle que ce n’est pas un hasard si le retour à l’époque colonialedans la bande dessinée européenne de langue française dans les années 1980 a

coïncidé avec l’effervescence culturelle du mouvement Beur.

Notes

1. L’image de Tardi est aussi à sa place sur la couverture de cette étude parce quel’artiste a donné une représentation critique du colonialisme dans plusieurs de sesbandes dessinées, notamment sur l’exploitation des colonisés comme soldats lorsde la Grande Guerre.

  Je remercie vivement les auteurs et les éditeurs des bandes dessinées de leurgénéreux accord pour la reproduction des illustrations dans cet article.2. Je remercie Pascal Lefèvre de m’avoir fait connaître cet article.

3. J’ai dû mettre de côté bien des exemples dans d’autres bandes dessinées, fautede place.4. Je donne la numérotation manuscrite de l’artiste quand elle existe ; sinon, ils’agit de celle, imprimée, de l’éditeur.

5. Même si cette chanson ne figure plus au programme scolaire, on peut consulterune leçon sur ce sujet, tirée d’un livre de classe de 1955, sur le site de la Liguedes Droits de l’Homme de Toulon (www.ldh-toulon.net/spip.php?article490 ;consulté le 17 octobre 2009).

6. Bouzard (376) raconte l’histoire légendaire derrière la chanson, ancrée dans lecombat de Bugeaud contre Abdelkader.7. Plusieurs de ces chansons sont reproduites chez Bouzard.

8. Cf. Bouzard (193–4) et http://www.rcp1.terre.defense.gouv.fr/index.php?css=wai.css&centre=coeur_regiment/organisation/2cie.html (consulté le 8novembre 2009).

9. Cf. « Les commandos » (chanson du « 11e choc » de Paul Aussaresses), quicommence par la phrase « Les commandos partent pour l’aventure » (Bouzard187–8).10. Kateb Yacine la cite dans un passage de Nedjma (227) qui raconte le soulèvement

et la répression de 1945 à Sétif (et à Guelma). Sur l’importance du mouvement

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des scouts et de cette chanson dans le mouvement national algérien, cf. Nadya

Bouzar-Kasbadji (  Marseillaise 249).

11. Abraham et Mohammed se rencontrent de nouveau et rejouent de la musiqueensemble dans le cinquième tome de Sfar (2006).

12. Ce disque est disponible à l’achat sous forme digitale chez Amazon.com.

Les notes discographiques, obtenues par prêt inter-bibliothécaire, ne disent quepeu de chose sur l’artiste : « Aïssa, autre comique de renom, figure égalementdans cette anthologie. Son style est plus populaire — voire plus facile — que lesprécédents. On peut même parler d’humour gras. Les titres parlent d’eux-mêmes:

‘Qui veut des tapis,’ ou encore ‘Arrouah j’t’y cire’ ».13. Sur ce milieu à Paris dans les années 1930, cf. Blanchard, Deroo, El Yazami,Fournié et Manceron (surtout 104–5) ; et sur la musique algérienne en Algérie

pendant cette même période, cf. Bouzar-Kasbadji ( Emergence   ). Je n’ai trouvéaucune mention d’Aïssa dans ces deux ouvrages.

14. Cette utilisation de la chanson semble donc anachronique.15. « Rhorhomanie » figure sur l’album Ramsa (une réimpression pour le marché

export), chez Piranha (PIR 6). Sur tout ce milieu musical, voir Moreira (1987).Une version légèrement remaniée de l’album Les Beurs se trouve dans Mechkour

et Boudjellal (2004).

Bandes Dessinées Citées

Boudjellal, Farid (scénario), et Leïla Leïz (dessin). Les contes du djinn, Hadj Moussa .

 Tome 2 : La rupture . Toulon: Soleil, 2008.Bucquoy, Jan (scénario), et Daniel Hulet (dessin). Les chemins de la gloire . Tome 3 :

La kermesse ensablée . Grenoble: Glénat, 1990.Conoan, Jacques (scénario), et Noël Gloesner (dessin). Le trésor de la vallée perdue .

Paris: Editions du Triomphe, 2004.Ferrandez, Jacques. Carnets d’Orient . Tome 1. Tournai: Casterman, 1994. [ensuite

publié sous le titre Djemilah  ] ––. Carnets d’Orient . Tome 7 : Rue de la bombe . Préf. Bruno Etienne. Tournai:

Casterman, 2004.Glogowski, Philippe (dessin), et Marien Puisaye [Lehideux, Guy] (scénario). La 

Légion : Histoire de la Légion étrangère, 1831–1918 . Tome 1 : Camerone . Préf. Yann

Péron. Paris: Editions du Triomphe, 2002. ––. La Légion : Histoire de la Légion étrangère, 1919–45 . Tome 2 : Bir-Hakeim . Préf.

Pierre Messmer. Paris: Editions du Triomphe, 2003.

 ––. La Légion : Histoire de la Légion étrangère, 1946–62 . Tome 3 : Diên Biên Phu . Préf.Hélie de Saint-Marc. Paris: Editions du Triomphe, 2004.

 ––. La Légion : Histoire de la Légion étrangère, 1963 à demain . Tome 4 : Kolwezi . Préf.Bruno Dary. Paris: Editions du Triomphe, 2005.

Hulet, Daniel. Les chemins de la gloire . Tome 4 : La valse à l’envers . Grenoble: Glénat,

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1994.

  Jarry, Grégory (scénario), et Otto T. (dessin). Petite histoire des colonies françaises .

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