Mars 2019 POINT DE VUE - Sofidy · smartphones et de la géolocalisation, les commerces physiques...

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Mars 2019 Comme pour tout concept physique, la structura- tion du commerce de centre-ville peut être analysée comme la résultante de la confrontation de forces antagonistes. Quatre couples de forces dynamiques modèlent aujourd’hui son avenir. Métropolisation contre dématérialisation Le premier couple de forces antagonistes agissant sur le commerce de centre-ville oppose la métropolisation et la dématérialisation. MÉTROPOLISATION L’urbanisation, avec aujourd’hui plus de 75% de la population européenne résidant dans les villes, profite du phénomène de métropolisation. Ce proces- sus socio-économique fait que dans le mouvement de globalisation de l’économie et des modes de vie conco- mitants, de très grandes villes concentrent de nom- breuses fonctions de commandement et donc une part croissante de la population d’un pays. En France, il s’agit bien évidemment de Paris, mais aussi de métropoles comme Lyon, Bordeaux, Nantes, Marseille ou Lille. Or, avec ce regroupement de popula- tion dans un environnement urbain très dense où il est souvent long et coûteux de se déplacer, la notion de « proximité », aussi bien en termes d’offre de produits que de services, devient essentielle. VENTE EN LIGNE À l’inverse, la dématérialisation de nos économies, née de la révolution digitale, agit comme une force antagoniste et dessert, via le développement du e-com- merce, le commerce physique, et donc de centre-ville. En France, où le taux d’équipement en smartphone est passé de 17% en 2011 à 73% 1 en 2017, 85% 2 des internautes achètent en ligne, avec une montée en puissance de la fréquence d’achat : 65% des e-ache- teurs ont réalisé des achats au moins une fois par mois. Une tendance encore plus prononcée parmi les 25-34 ans (74%), les CSP+ (74%), les Parisiens/Franciliens (68%). Le e-commerce représente déjà 8,5% 2 des ventes de détail de l’Hexagone et devrait poursuivre sa péné- tration. Le chiffre d’affaires du e-commerce a pro- gressé de 14% 2 en 2017 pour atteindre 82 milliards d’euros. Cette tendance est générale. Les ventes de détails dépassent aujourd’hui 10% dans certains pays d’Europe continentale ( Allemagne, Benelux) ainsi qu’au Royaume-Uni où plus de 40% des achats hors alimen- taires sont effectués sur internet. Livraison contre proximité Cette dualité « métropolisation-dématérialisation » fait apparaître un deuxième couple de forces anta- gonistes qui modèlent le commerce de centre-ville : la livraison contre la proximité… avec pour la première un effet même parfois bénéfique pour les surfaces de centre-ville. Quoiqu’il en soit, dans la confrontation de ces deux forces livraison contre proximité, la livraison se heurtera toujours au coût incompressible de 20€. Loin d’être sacrifié sur l’autel de la digitalisation et de la dématérialisa- tion, le commerce de centre-ville est soumis à des forces antagonistes capables de (ré)concilier e-commerce et commerce physique. POINT DE VUE Groupe SOFIDY 1. Credoc, Le baromètre du numérique 2017 2. Fevad, chiffres clés 2018 Le commerce de centre-ville : Un problème de physique gravitationnelle Jean-Marc PETER, Directeur Général, SOFIDY ÉPARGNE INVESTISSEMENT GESTION IMMOBILIÈRE GESTION PRIVÉE www.sofidy.com

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Mars 2019

Comme pour tout concept physique, la structura-tion du commerce de centre-ville peut être analysée comme la résultante de la confrontation de forces antagonistes. Quatre couples de forces dynamiques modèlent aujourd’hui son avenir.

Métropolisation contre dématérialisationLe premier couple de forces antagonistes agissant sur le commerce de centre-ville oppose la métropolisation et la dématérialisation.

MÉTROPOLISATION

L’urbanisation, avec aujourd’hui plus de 75% de la population européenne résidant dans les villes, profite du phénomène de métropolisation. Ce proces-sus socio-économique fait que dans le mouvement de globalisation de l’économie et des modes de vie conco-mitants, de très grandes villes concentrent de nom-breuses fonctions de commandement et donc une part croissante de la population d’un pays.

En France, il s’agit bien évidemment de Paris, mais aussi de métropoles comme Lyon, Bordeaux, Nantes, Marseille ou Lille. Or, avec ce regroupement de popula-tion dans un environnement urbain très dense où il est souvent long et coûteux de se déplacer, la notion de « proximité », aussi bien en termes d’offre de produits que de services, devient essentielle.

VENTE EN LIGNE

À l’inverse, la dématérialisation de nos économies, née de la révolution digitale, agit comme une force antagoniste et dessert, via le développement du e-com-merce, le commerce physique, et donc de centre-ville. En France, où le taux d’équipement en smartphone est passé de 17% en 2011 à 73%1 en 2017, 85%2 des internautes achètent en ligne, avec une montée en puissance de la fréquence d’achat : 65% des e-ache-teurs ont réalisé des achats au moins une fois par mois. Une tendance encore plus prononcée parmi les 25-34 ans (74%), les CSP+ (74%), les Parisiens/Franciliens (68%).

Le e-commerce représente déjà 8,5%2 des ventes de détail de l’Hexagone et devrait poursuivre sa péné-tration. Le chiffre d’affaires du e-commerce a pro-gressé de 14%2 en 2017 pour atteindre 82 milliards d’euros. Cette tendance est générale. Les ventes de détails dépassent aujourd’hui 10% dans certains pays d’Europe continentale (Allemagne, Benelux) ainsi qu’au Royaume-Uni où plus de 40% des achats hors alimen-taires sont effectués sur internet.

Livraison contre proximitéCette dualité « métropolisation-dématérialisation » fait apparaître un deuxième couple de forces anta-gonistes qui modèlent le commerce de centre-ville : la livraison contre la proximité… avec pour la première un effet même parfois bénéfique pour les surfaces de centre-ville. Quoiqu’il en soit, dans la confrontation de ces deux forces livraison contre proximité, la livraison se heurtera toujours au coût incompressible de 20€.

Loin d’être sacrifié sur l’autel de la digitalisation et de la dématérialisa-tion, le commerce de centre-ville est soumis à des forces antagonistes capables de (ré)concilier e-commerce et commerce physique.

POINT DE VUE Groupe SOFIDY

1. Credoc, Le baromètre du numérique 20172. Fevad, chiffres clés 2018

Le commerce de centre-ville : Un problème de physique gravitationnelle

Jean-Marc PETER, Directeur Général, SOFIDY

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DRIVE PIÉTONLa croissance forte du e-commerce s’accompagne d’un développement tout aussi important de la livrai-son. Pas moins de 505 millions1 de colis ont été livrés en 2017 en France. Or, avec un délai de livraison 24/48h érigé comme standard et sa qualité devenue le critère numéro un de satisfaction des e-acheteurs, la livraison dite « du dernier kilomètre » est devenu un enjeu pour les acteurs du e-commerce. Et ce d’autant plus que ce dernier maillon de la chaine de livraison est le plus coûteux puisque qu’il représente 25% à 30% du coût de livraison, et qui plus est incompressible.

Pour répondre à ce challenge, l’emplacement devient le nerf de la guerre avec la recherche de surface au plus près des clients à livrer. A tel point qu’apparaît un nouveau concept : le « drive piéton ». A travers cet oxymore, le citadin fait ses courses en ligne mais vient les récupérer à pied dans un point de retrait. Ce local prévu à cet effet vient donc s’ajouter aux autres formes de commerces de centre-ville déjà existants.

Ce nouveau concept, déjà déployé par plusieurs grandes enseignes, répond directement aux besoins de populations urbaines (étudiants, retraités, jeunes actifs) qui n’ont pas toujours le temps, la possibilité ou la volonté de faire leurs courses dans l’hyper ou au drive de l’enseigne, situés en périphérie.

Élevée

Faible

Principaux équipements

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Source : BDCOM 2017.

1. Fevad, chiffres clés 2018

Densité commerciale en 2017

surfaces de vente cumulées de commerces, services commerciaux et cafés-restaurants (hors hébergement)

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SERVICES NON « DÉLOCALISABLES »

Issu du e-commerce, cette nouvelle façon de faire ses courses s’inscrit dans un ensemble de nouvelles valeurs et habitudes de consommation qui concur-rent à l’attractivité des commerces de centre-ville, au premier rang desquelles la proximité. Dans un pays caractérisé par le vieillissement de sa population, les consommateurs âgés acceptent de payer plus chers des biens et des services proches de leur domicile. L’augmentation du prix des transports et la conscience écologique incitent aussi les consommateurs à utili-ser de moins en moins leur voiture dans les grandes agglomérations. Les grandes enseignes alimentaires ont ainsi déployé une stratégie de reconquête des centres-villes au travers de formats de proximité au-jourd’hui très prisés des citadins.

Sans oublier les biens et services non « délocalisables » qui auront toujours besoin de surfaces de centre-ville, qu’ils soient traditionnels (coiffeur, boulangerie, boucherie, pressing, cordonnerie, presse…) ou plus récents comme le développement de l’offre de soins du corps (instituts de beauté, centres de remise en forme). En France, 1ère destination touristique mondiale avec plus de 90 millions de visiteurs par an, le tourisme participe aussi à renforcer l’attractivité du commerce de centre-ville dans les grandes agglomérations les plus visitées.

Réseaux sociaux contre convivialitéLe troisième couple de forces antagonistes sur lequel il convient de s’interroger oppose les réseaux sociaux à la recherche de convivialité.

DE L’ÉCHANGE VIRTUEL… Il est indéniable que la révolution digitale et le déve-loppement concomitant des réseaux sociaux ont trans-formé la manière de faire des achats mais aussi le lien social. Facebook, Instagram, Snapchat… autant d’ou-tils que les « digital natives1 » et générations suivantes utilisent pour découvrir des produits, recueillir de l’in-formation sur un produit, trouver leurs inspirations en matière de mode et de culture.

La communauté et les influenceurs (youtubeurs, blog-geurs, vloggeurs…) jouent un rôle fort dans les motiva-tions d’achat. Ces réseaux sociaux sont aussi valorisés comme « lieu » d’expression personnelle, de commu-nication et de partage d’expériences, avec des mul-tiples échanges chacun chez soi.

… AU LIEU DE VIE ET DE PARTAGEPourtant, parallèlement, le contact physique reste primordial et le besoin de convivialité toujours bien ancré dans le mode de vie des citadins. Le maga-sin reste un lieu privilégié pour faire du shopping. Le produit peut être vu, touché ; le besoin d’instan-tanéité ou d’impulsion d’un acte d’achat assouvi. Le magasin physique permet aussi de conforter immé-diatement le consommateur dans ses choix. Il de-vient aussi un lieu de vie propice aux « expériences », terme très en vogue auprès des « digital natives ».

Des espaces de détente, de restauration, voire ludiques, aménagés à l’intérieur même du magasin permet à une marque de créer une atmosphère cha-leureuse, propre à son univers. Par ailleurs, souvent dans une réaction face à un excès de réseaux sociaux, une autre dimension du besoin de convivialité se maté-rialise dans la croissance du nombre de bars et cafés dans les grandes agglomérations, lieux toujours privi-légiés pour se retrouver, échanger. À Paris, pas moins de 652 nouveaux bars/restaurants2 ont vu le jour de 2014 à 2017, soit une hausse de 5%.

Ce besoin de convivialité participe donc à l’attractivité du commerce de centre-ville malgré la concurrence des réseaux sociaux.

Statu quo et défaitisme contre créativitéLa mort du commerce de centre-ville n’est donc pas pour demain ! D’autant qu’un quatrième couple de forces antagonistes est à prendre en compte : le défaitisme versus la créativité. Certains sont ten-tés de conclure que la croissance exponentielle du e-commerce et l’influence grandissante des réseaux sociaux ont fait émerger une « nouvelle donne » irréversible qui fait que les parts de marché gagnées par le e-commerce sont définitivement perdues par le commerce physique.

C’est sans compter sur la créativité et le dyna-misme du commerce physique qui parti-cipent à son maintien comme canal commer-cial incontournable.

La mort du commerce de centre-ville n’est pas pour demain !D’autant qu’un 4ème

couple de forces antagonistes est à prendre en compte :le défaitisme vs la créativité

1. Génération des 18-35 ans appelée aussi « Millenials » ou « Génération Y ».2. APUR, L’évolution des commerces à Paris, inventaire des commerces 2017

et évolutions 2014-2017.

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De nouveaux concepts et de nouvelles enseignes, que personne n’avait imaginés il y a quelques an-nées, émergent régulièrement (bars coloristes, cigarettes électroniques, Nespresso, M&Ms store, Apple Store…). C’est également le cas pour des for-mats innovants comme les pop-up stores de marque ou les boutiques « éphémères » autour d’une marque. De nouvelles créations/concepts vont invariablement encore apparaître dans les prochaines années. Or, seules des surfaces « physiques », notamment sur les artères principales des centres-villes des grandes agglomérations, assurent la visibilité nécessaire au lancement de ces nouvelles offres.

Vers le magasin connectéUn grand nombre de facteurs concourent donc à asseoir l’attractivité du centre-ville comme outil com-mercial. L’analyse de différents couples de forces antagonistes fait ainsi émerger un phénomène gravi-tationnel qui fait que le e-commerce et le commerce physique s’attirent vers un point d’équilibre qui émerge progressivement : le magasin connecté comme nou-velle vitrine dans les centres-villes.

Avec la montée en puissance des réseaux sociaux, des smartphones et de la géolocalisation, les commerces physiques de centre-ville s’emparent des outils numé-riques de fidélisation développés par les acteurs du e-commerce, et ce à la lumière des nouvelles habi-tudes de shopping. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à suivre une marque, un magasin sur les réseaux. Les vidéos postées par les magasins deviennent une source d’information.

RÉENCHANTER L’ ACTE D’ACHAT

Le smartphone n’est plus uniquement un support pour le e-commerce. Les consommateurs l’utilisent dans un point de vente pour se renseigner sur un produit, comparer les prix, partager des informations, des pho-tos avec leurs proches. Accessoire devenu essentiel pour le consommateur, il fait progressivement dispa-raître les frontières entre le e-commerce et le com-merce physique.

Le smartphone, et plus généralement les objets connectés, pourront permettre aux marques/en-seignes de communiquer intelligemment avec les clients afin de développer des services numériques très personnalisés transmis en temps réel sur les lieux de shopping afin d’augmenter la fréquentation dans les magasins, améliorer « l’expérience client » et donc accroître leur activité. A proximité d’une bou-tique, le client potentiel pourra ainsi se voir proposer par voie électronique une offre commerciale person-nalisée. Une fois à l’intérieur du magasin, les nou-velles technologies permettront également de per-sonnaliser le parcours du client, avec, par exemple, des conseils adaptés. Utilisée à bon escient et conformément à la législation, la connaissance du client acquise par sa navigation sur internet via son smartphone pourra donc réenchanter l’acte d’achat.

LE MEILLEUR DES DEUX MONDES

Avec cette nouvelle force « phygitale », l’écosys-tème commercial pourrait connaître une révolu-tion copernicienne où le commerce de centre-ville émergera comme centre de gravité. Faisons le pari qu’il deviendra le canal incontournable proposant le meilleur des deux mondes pour répondre à l’évolu-tion des modes de vie et de consommation.

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