Management par la Valeur -...

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MANAGEMENT PAR LA VALEUR Javier Fernández Aguado MindValue [email protected] 1.- INTRODUCTION 2.- LE MANAGEMENT PAR LA VALEUR : UN BESOIN 2.1. Nécessité de nouvelles voies pour la motivation 2.1.1. L’homme en tant qu’être paradoxal 2.2. Qu’est-ce que le MPV ? 2.2.1. Leadership et MPV 2.2.2. Le MPV, à la base de l’ Empowerment 2.3. Quelles valeurs ? 2.3.1 Une entreprise n’est pas une famille 2.3.2. Quelques propositions 2.3.2.1. La récupération du concept de "service" 2.4. 25 Suggestions 2.5. Comment mettre en place un MPV ? 2.5.1. Audit des valeurs 2.5.2. Les niveaux des valeurs 2.5.3. La confiance et la transmission efficace des valeurs 2.5.4. La communication des valeurs 2.6. Le MPV est-il pleinement satisfaisant ? 2.6.1. Objections conceptuelles au MPV 2.6.2. Difficultés de mise en œuvre d’un MPV 3.- UN DÉFI POSTÉRIEUR : PROMOUVOIR DES HABITUDES OPÉRATIONNELLES : LE MPH 3.1. Du cercle vicieux au cercle vertueux

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MANAGEMENT PAR LA VALEUR Javier Fernández Aguado

MindValue

[email protected]

1.- INTRODUCTION

2.- LE MANAGEMENT PAR LA VALEUR : UN BESOIN

2.1. Nécessité de nouvelles voies pour la motivation

2.1.1. L’homme en tant qu’être paradoxal

2.2. Qu’est-ce que le MPV ?

2.2.1. Leadership et MPV

2.2.2. Le MPV, à la base de l’Empowerment

2.3. Quelles valeurs ?

2.3.1 Une entreprise n’est pas une famille

2.3.2. Quelques propositions

2.3.2.1. La récupération du concept de "service"

2.4. 25 Suggestions

2.5. Comment mettre en place un MPV ?

2.5.1. Audit des valeurs

2.5.2. Les niveaux des valeurs

2.5.3. La confiance et la transmission efficace des valeurs

2.5.4. La communication des valeurs

2.6. Le MPV est-il pleinement satisfaisant ?

2.6.1. Objections conceptuelles au MPV

2.6.2. Difficultés de mise en œuvre d’un MPV

3.- UN DÉFI POSTÉRIEUR : PROMOUVOIR DES HABITUDES

OPÉRATIONNELLES : LE MPH

3.1. Du cercle vicieux au cercle vertueux

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4.- CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS

BIBLIOGRAPHIE

1.- Introduction

Une entité commerciale a pour objectif principal sa rentabilité. Selon la capacité

stratégique du dirigeant, c’est-à-dire, selon sa préparation technique liée à sa perspicacité à

anticiper les variations prévisibles dans un environnement qui change rapidement, la

croissance et la permanence de l’entreprise seront possibles à court, moyen et/ou long terme.

Il n’est pas tout à fait juste d’affirmer que le but d’une compagnie est sa survie, si l’on entend

par cela sa permanence dans le temps. En effet, elle peut parfaitement être conçue, mise en

place et utilisée dans un horizon de temps clairement défini. Dans ce cas concret, certains

préfèrent le terme “affaire”.

La concurrence, si "civilisée" qu’elle puisse paraître, suppose (sauf exception, une fois

encore) une lutte. Dans un libre marché, il est difficile de découvrir entre concurrents directs,

des politiques (licites) de type win/win (gagnant/gagnant). En effet, le nombre de

consommateurs est limité et la situation de saturation survient tôt ou tard. On choisit alors de

vaincre l’ennemi ou bien de l’acheter.

Le cadre responsable ne cesse de scruter le moindre recoin, entre autres parce que la

Haute Direction (ou les actionnaires) a fixé le prix –sous forme de rémunération variable- des

succès dans les domaines à peine mentionnés et autres similaires.

Néanmoins, pendant bien longtemps, on a oublié –et nombreux sont ceux qui

continuent à l’ignorer malgré certaines déclarations- qu’il n’existe qu’un seul élément ayant

une capacité illimitée dans les organisations. Et il s’agit précisément des personnes. C’est chez

les personnes uniquement que l’on trouve une possibilité illimitée de croissance. La tâche du

dirigeant de l’entreprise est, en grande partie, projective : elle est tournée vers l’action et son

résultat, vers le calcul de conséquences, mais cela ne veut pas dire qu’il suffise que la personne

ait le regard sur l’avenir. Elle doit découvrir son implication personnelle et s’occuper de ce qui

lui arrive lorsqu’elle agit. Les comportements modifient dans un bon ou dans un mauvais sens -

3

en créant des habitudes bénéfiques ou nuisibles pour les dirigeants et les travailleurs-, les

comptes de résultats et la société dans son ensemble.

Les Compagnies sont essentiellement la somme des personnes qui la dirigent et de

celles qui y travaillent1. Ainsi, le travail des dirigeants est en partie de convertir la connaissance

-la formation, l’expérience, les valeurs...- en réalité productive : transformer le capital

intellectuel en atout pour les clients2. Si, comme il a été dit, le capital intellectuel est

«compétences x engagement” (ULRICH, 1998, p. 15), la promotion de valeurs concerne

surtout la deuxième partie de cette opération arithmétique. Dans la mesure où elles sont

stimulées -et assumées-, l’autre côté de l’équivalence s’améliorera et, par conséquent, la

qualité perçue par les clients.

Tout cela nous a amené, au cours des dernières décennies, à concevoir diverses

théories de la motivation humaine, en admettant qu’il s’agisse, d’après Ulrich (1998, p. 18),

de la capacité à capter l’attention et l’énergie émotionnelle des salariés. Le but de toute

théorie –et de toute pratique- de mobilisation sera de parvenir à ce que les gens veuillent faire

ce qu’ils ont à faire (FERNÁNDEZ AGUADO, 1999a). Même si cela n’apparaît pas

toujours de façon explicite, le nœud de la question se trouve dans la capacité de l’homme à

proposer aux organisations de nouveaux domaines de développement, alors que les autres

composants du système semblent avoir atteint leurs limites.

Parfois, de nouvelles méthodes apparemment motivantes ont été mises en œuvre. Ces

méthodes, au lieu d’avoir une vocation de permanence, ont usé plus qu’elles n’ont aidé ces

instruments : les personnes, et ce, parce qu’elles ont augmenté la pression externe sans

améliorer l’engagement intérieur. Une façon de "se rebeller" a été -et est encore- d’adopter

une modalité de grève du zèle, en contemplant l’entreprise avec un certain cynisme.

Réduire la personne à un moyen anonyme de la chaîne de production semble peu

satisfaisant, même si sa dextérité est récompensée économiquement ou si l’augmentation des

ventes est primée, et, à moyen et à court terme, l’employé finit par s’effondrer. L’individu seul

importe malheureusement peu aux responsables de l’entreprise mais ils se sentent obligés de

1 Ulrich (1998, p. 15) l’a exprimé ainsi : l’actif le plus important de l’entreprise ce sont les salariés suffisamment formés et engagés par rapport aux objectifs de l’entreprise. 2 Il existe plusieurs études empiriques à ce sujet. Par exemple, MACDUFFIE et KRAFCIK, 1992 ; et PFEFFER, 1994.

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lui prêter attention sinon –avec un pragmatisme capitaliste sans cœur –c’est le système lui-

même qui risque d’être touché.

La Direction Par la Valeur (ci-après, MPV) est un pas de plus dans la recherche de

moyens efficaces pour améliorer les organisations. Comme nous le verrons, cela a permis

d’approfondir davantage divers aspects conformant la personne. Avec ses clairs-obscurs, elle

est actuellement en suspens. Il est donc juste de lui consacrer un temps de réflexion. Il est de

plus en plus généralement admis que l’échec de nombreuses entreprises est dû, précisément,

au fait qu’elles ont oublié l’importance des valeurs qui la soutenaient (DEAL et KENNEDY,

1982 ; WEICK, 1985 ; DITOMASO, 1987). Niestzche affirmait que si l’on détient le

pourquoi, on trouve le comment. Parallèlement, le comment se dissout lorsqu’il manque le

pourquoi, c’est-à-dire les valeurs étayant les comportements.

Tout au long des réflexions qui vont suivre, le terme « formation » sera répété en tant

que composant irremplaçable d’un MPV. À noter que ce concept ne doit être confondu ni

avec celui de "données", ni avec celui d’ "information"3. La formation dont il est question ici est

la capacité de "recréer le monde" et de "se recréer soi-même". Il s’agit là de disposer des

éléments suffisants afin d’exposer un sens complet de la réalité. Cela a peu à voir –même si ce

n’est pas superflu- avec l’accumulation de références (FAHEY et PRUSAK, 1998, pp.

265-6).

Les entreprises doivent être des institutions au sein desquelles les membres peuvent

développer continuellement leurs aptitudes, créer les résultats, où l’on nourrit des modèles de

pensée nouveaux et stimulants, où les aspirations collectives et personnelles sont exprimées en

toute liberté et où les gens souhaitent apprendre autant que de le faire avec les autres

(SENGE, 1990). Le MPV stimule toutes ces caractéristiques si propres aux learning

organizations (MUMFORD, 1991).

2.- Le management par la valeur : une justification

3 Davis et Botkin (1994) proposèrent la transition des Data (les données "en brut"), à l’information (les mêmes, mais ordonnés), et le Knowledge, défini ici comme une nouvelle capacité d’appréhender la réalité. Si on ne connaît pas le pourquoi et bien que l’on ait le comment, on ne saura pas comment l’utiliser. Ce serait le cas pour un enfant ayant reçu des puissants outils : entre ses mains, ils représenteraient davantage un danger qu’une aide. Et plus l’appareil sera puissant, plus le danger sera grand.

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Il existe deux affluents se trouvant à l’origine d’une théorie telle que le Management

Par Objectifs (MPO, ou MBO : Management By Objectives). Le premier est le désir de

disposer de Ressources Humaines motivées, qui soient moteurs et non pas wagons. Le

second, même si cela est généralement moins évident, est le fait de reconnaître que les

entreprises doivent être des lieux de développement des personnes et non pas uniquement des

endroits où elles seront considérées comme des instruments non différenciés d’une chaîne

de production. On souhaite obtenir leur participation afin de fixer les objectifs pouvant être

atteints avec l’effort de tous.

On retrouve dans le MPV un autre facteur non sans importance : le besoin de disposer

de coordonnées -de points de repère- dans un monde dans lequel de nombreux critères que

l’on croyait fermement établis ont été mis en doute. Étant donné que, de toute façon, une

organisation –chacune des personnes- ne peut pas vivre sans certaines normes, lorsque

celles-ci disparaissent de nouvelles normes les remplacent, même si elles ne sont que

provisoires. En fait, une crise intellectuelle est une période durant laquelle des valeurs

jusqu’alors généralement admises ont été reléguées et n’ont pas encore été remplacées par

d’autres valeurs définitives.

Les valeurs provisoires sur lesquelles se développe en grande partie ce que nous

appelons la civilisation occidentale possèdent un caractère clairement mercantiliste. Dans cette

circonstance, et tel que Hegel l’a signalé à juste titre, la recherche a augmenté. Le penseur

allemand l’a ainsi exprimé : la chouette de Minerve ne prend son envol qu'à la tombée de

la nuit. Plus le tunnel paraît sombre, plus la pensée s’accélère dans son désir d’en trouver la

sortie.

De nombreux experts en stratégie d’organisation d’entreprise (KAPLAN et

NORTON, 1996, p. 75) consacrent une partie de leurs études et propositions à l’importance

d’investir dans des actifs intangibles plutôt que dans des actifs fixes4 ; et ce, dans un monde

agonisant dans lequel il semblerait que la nouvelle valeur généralement acceptée est

l’enrichissement, l’accumulation de moyens économiques... En effet, l’approfondissement de

4 Certains expriment ce besoin sur un ton presque apocalyptique. Par exemple : la maladie de la société moderne ne peut être guérie que par une révolution spirituelle des cœurs et des esprits des êtres humains. Les maux de la société ne se soignent pas avec des changements

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l’analyse, de la recherche et de la mise en œuvre de valeurs a quelque chose à voir, ne serait-

ce que tangentiellement, avec des questions de conscience (PAINE, 1994, p. 106) : c’est-à-

dire, avec le besoin d’orienter proactivement les tâches.

Le MPV se trouve au cœur de la vision, qui prétend ensuite fédérer autour de la

stratégie de l’organisation (PAINE, 1994). Le MPV envisage cet objectif sans contraintes.

L’unicité est la manifestation d’un manque de vitalité. La variété dans tout ce qui n’est pas

essentiel est signe de vie. Le MPV envisage d’introduire du mouvement dans les

organisations, en maintenant l’unité (un être humain en a besoin) et tout en encourageant la

diversité. Celle-ci représente une richesse parce qu’elle traduit l’intérêt des personnes

concernées vis-à-vis de l’épanouissement de l’entité.

Il existe trois objectifs fondamentaux d’un MPV :

1.- Un comportement plus satisfaisant des employés entre eux puis face à la direction,

ce qui augmentera la rentabilité ;

2.- Positionner les valeurs fondamentales au centre et par rapport à la définition de la

stratégie ;

3.- Collaborer à une certaine récupération éthique apportant de l’air pur aux entités

commerciales.

Dans les grandes lignes (BARLETT et GHOSHAL, 1997, pp. 92-93), nous

envisageons -et d’une certaine manière, nous contribuons- à la transition d’un modèle de

culture d’entreprise basé sur trois S (les principes Strategy, Structure et Systems), vers un

autre basé sur une triade de P : Purpose, Process et People. D’une façon ou d’une autre, ces

concepts témoignent du besoin de promouvoir les valeurs.

Cependant, comment peut-on décrire une valeur ? Selon Rokeach (1973, p. 5), nous

la définirons comme une croyance durable selon laquelle un mode de conduite ou un but de

l’existence est personnellement et/ou socialement préférable à un autre mode de conduite ou

but de l’existence opposé ou convergent.

En un mot : il ne suffit pas d’avoir une bonne intelligence. Il faut avant tout l’utiliser

correctement. Les valeurs contribueront précisément à utiliser les compétences techniques de

organisationnels ; toutes les tentatives dans ce sens sont superficielles. La seule guérison efficace a un caractère spirituel (TOYNBEE et IKEDA, 1987, p. 129).

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façon appropriée. Car tout ce qui peut être fait ne doit pas forcément être fait. Autrement dit :

les limites de l’éthique ne sont pas les mêmes que celles de la technique. Il existe des repères

qui limiteront (même si, en réalité, ils finissent par élargir) les possibilités de réalisation de la

personne. En effet, les valeurs ne limitent pas nos aptitudes, elles contribuent à nous libérer de

nous-mêmes et à augmenter les perspectives, ce qui est vrai aussi pour les compétences

techniques.

Une précision : le MPV n’a rien à voir, malgré les termes apparemment semblables,

avec la Value Based Management-VBM, utilisée par Bannister et Jesuthasan (1997), et dont

le principe est basé sur la notion suivante : l’objectif principal de toute entité commerciale est

d’optimiser le bénéfice des actionnaires.

2.1. Nécessité de nouvelles voies pour la motivation

Le MPV représente un progrès dans la pensée se trouvant à la base du système

d’entreprises qui s’est imposé dans la plupart des pays développés5. Ce que l’on demandait

jusqu’à présent au travailleur, et à tous, au sein d’une économie à caractère capitaliste (si on

me permet de généraliser), c’était un comportement de minimums (FERNÁNDEZ

AGUADO, 1998). En effet, on demande surtout à la personne de :

1.- Satisfaire à ses obligations de travail ;

2.- D’assumer ses responsabilités contractuelles ;

3.- Cohabiter en paix avec les personnes de son entourage.

Le MPV révèle de nouveaux enjeux. Il ne s’agit plus d’obtenir uniquement ce qui est

indispensable, c’est-à-dire une simple convivialité non belliciste. L’objectif actuel –la

tendance tout au moins- est d’augmenter la rentabilité d’une compagnie tout en permettant à

ceux qui y travaillent d’être davantage des personnes, assumant dans leurs vies certaines

valeurs explicites. En principe, toutes ces valeurs renforcent leur personnalité et on poursuit

des maximums.

Le MPV regroupe plusieurs perspectives complémentaires, depuis les valeurs les plus

appropriées à leur définition et mise en place. Un MPV n’est pas un instrument de

5 Ceux qui basent la motivation sur la rémunération oublient que l’excès d’argent peut avoir les effets contraires (AMABILE, 1998, p. 79).

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management isolé. Il intervient plutôt en complément d’autres instruments. Il s’agit même,

jusqu’à un certain point, d’une “philosophie” qui renferme le pourquoi de beaucoup d’autres

décisions.

L’économie en général, celle de l’entreprise en particulier et surtout le management de

Ressources Humaines, ont davantage à voir avec l’art qu’avec la science. La science est le fait

de savoir que la « vérité » se trouve, d’une certaine manière, au commencement. Par exemple,

en situation normale, nous savons qu’avec la combinaison acide + base on obtient sel + eau. Il

en a toujours été ainsi et cela se produira autant de fois que l’on répètera l’expérience. La

science admet la répétition de phénomènes, parce que sa vérité n’a rien à voir avec ceux qui

"la réalisent". La technique peut et doit tendre à une perfection systématique. Ainsi, certains

systèmes de contrôle d’inspiration tayloriste vont dans ce sens : ils concernent des variables

quantitatives.

Le management des personnes implique le discernement -si possible explicite- de ces

réalités. On connaît la vérité de la personne au fur et à mesure de son façonnement. Personne

n’est “vérité” –au sens employé ici- si ce n’est à la fin de la courbe de son existence. Il en est

ainsi du point de vue vital autant que du point de vue de l’entreprise. Dans tout processus vital

–et d’investissement- la fin est pratiquement imprévisible lorsque l’on en est au début.

À la base de toute théorie de la motivation on trouve un courant philosophique

déterminé (OSTERAKER, 1999, p. 104-5). Ce n’est pas en vain que l’on dit des grands

penseurs qu’ils sont comme les montagnes enneigées qui, lors du dégel, portent leurs fruits

dans les vallées aux alentours.

2.1.1. L’homme en tant qu’être paradoxal

La personne est une réalité “fragile”, aussi bien du point de vue physique que

psychologique, donnant lieu à une “structuration paradoxale” d’un bon nombre de ses

comportements et réactions (FERNÁNDEZ AGUADO, 1992). Il faut donc être attentif afin

de maintenir son harmonie en équilibre. À la différence des animaux, l’homme ne naît pas

entier, il se complète peu à peu. Et même si cela est surprenant, il est capable de se construire

autant que de s’autodétruire. Afin d’éviter cela, il devra apprendre des personnes qu’il côtoie

mais aussi du passé : l’histoire ne sert à rien mais celui qui ne connaît pas l’histoire ne

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sait rien. Parallèlement, il faut « se laisser surprendre ». Celui qui pense qu’il a tout vu, qu’il

n’apprendra rien de ceux avec qui il travaille, passera à côté de ce qu’il y a de mieux. "Miser"

sur les gens implique le risque de perdre, mais permettra de "gagner". C’est là le risque de

s’autoriser à être libre et de permettre que les autres le soient aussi.

Une proposition intéressante, le Management by walking around (ou, d’après H-P,

MBWA : Management By Wandering Around), concerne la disposition à "perdre du temps"

pour que les collaborateurs et subordonnés "laissent de côté la peur" de faire des suggestions.

Celui qui a tout décidé, qui ne se laisse pas aborder par les propositions des autres membres

de l’organisation, obtiendra des félicitations extérieures mais jamais de propositions originales.

En effet, son désir de domination l’empêchera de voir ce qui il a de meilleur chez les autres.

Car l’homme n’est pas un élément simple. Le système communiste et le système

libéral ont plus de points communs que de différences qui, apparemment, les séparent. En ce

qui nous concerne ici et maintenant, il faut signaler que les deux modèles visent à "cataloguer"

la personne, à la "réduire" à un seul schéma, à la comprendre comme un « fournisseur » de

plus –dans ce cas de flux de travail (manpower)-, permettant le fonctionnement de

l’entreprise. Leur erreur est apparue clairement suite à l’effondrement des systèmes

écomiques-politiques-sociaux d’inspiration marxiste, mais aussi par l’insatisfaction dans

laquelle vit une partie de la population dans les pays où le libéralisme règne.

L’homme est un être complexe, paradoxal comme nous l’avons dit, aussi bien dans

son existence que dans ses manifestations et, en ce qui nous concerne ici, dans le travail. Un

élément essentiel de ce paradoxe est peut-être la perplexité face à lui-même, qui n’est

objectivée – partiellement tout au moins- qu’à travers sa relation avec les autres. La personne

n’est ni aussi bonne ni aussi mauvaise qu’elle se pense successivement elle-même. Elle

renferme des tendances et des tensions contradictoires, exprimées à travers l’expérience

personnelle ainsi que celle des autres et, si besoin est, à travers la littérature : des tragédies de

Sophocle aux narrations d’Allan Poe, en passant par les tragédies de Shakespeare ou les

comédies de Muñoz Seca.

Pénétrer dans l’esprit des hommes est un exercice passionnant et indispensable dans le

cas de managers. En effet, se limiter au niveau épidermique empêche de concevoir des plans

de carrière pleinement adaptés. Il serait puéril de s´étonner face à des comportements

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« déconcertants » que l’on aurait pu prévoir si l’on avait fait preuve d’un peu plus de

perspicacité. Cette perspicacité n’est d’ailleurs pas un plus "optionnel" pour les conceptions

stratégiques d’entreprise mais un élément fondamental de ces conceptions.

On trouve chez l’homme des habiletés, des qualités, des expériences, des émotions,

des réactions, des aspirations, des désirs continuellement entremêlés (GULLIFORD, 1992, p.

70) et il lui est donc difficile de vivre harmonieusement, de "mettre d’accord" ce qui bout en

lui. Une des responsabilités du manager est d’aider les gens à reconnaître leurs aptitudes et

d’éviter qu’elles ne demeurent latentes : cela nuirait autant à l’organisation qu’à l’individu. Si

chacun d’entre nous représente les vers d’un poème (qui serait l’organisation), le plein essor

des aptitudes de chacun n’est pas un caprice mais un besoin indispensable -exigible- de la

personne6, pour son bien et pour celui de l’entreprise.

Une des contradictions les plus remarquables de la personne du point de vue

institutionnel est que moins la motivation intérieure est forte, plus les besoins de contrôle

externe sont importants. Plus l’intérêt à promouvoir ou à manifester des valeurs est faible, plus

la nécessité de lois coercitives obligeant à respecter certaines limites se fait sentir.

Accepter le caractère paradoxal de l’homme nous amène, entre autres, aux

conclusions suivantes :

1.- La création de perspectives est fondamentale mais elle a ses limites, car les

déceptions se jouent en fonction des espoirs. Les promesses démesurées finissent par se

retourner contre celui qui les formule.

2.- Différencier le facteur N (McCLELLAND, 1961) apparent et le facteur réel. Dans

le souci de connaître quelle sera la future superpuissance, McClelland avança que l’une des

raisons poussant au développement -ou à l’atrophie- d’un groupe ou d’une personne est ce

qu’il appela need for achievement. C’est une autre façon de dire que chacun parvient, en

lignes générales, à être ce qu’il veut être. Dans ce cas, l’auteur constate que certaines

personnes sont davantage capables que d’autres à atteindre le plein développement. Partant

des mêmes “aptitudes” –et même inférieures-, ce sont les “attitudes” qui permettent le plein

accomplissement.

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3.- L’erreur, conséquence de la créativité, ne doit pas être condamnée : elle doit être

utilisée pour apprendre. Bien trop longtemps, les responsables des organisations ont été

démesurément attentifs à pénaliser les erreurs. Ainsi, les personnes concernées ont limité leur

capacité d’initiative ou, plus généralement, l’ont réorientée vers d’autres domaines

d’autosatisfaction. La liberté que l’on encourage et qui renforce la créativité ne mobilise que

tant qu’il n’y a pas de réprimande pour les écarts. Les commentaires des managers doivent

être stimulants et non pas se limiter à signaler ce qui est mal fait ; ils doivent « tirer » vers le

haut, à partir des aspects positifs.

Personne ne vit sans s’autoaffirmer, c’est-à-dire, sans manifester son existence auprès

des autres et envers soi-même comme quelqu’un de différent et, tout au moins en ce qui

concerne certains aspects, de meilleur. Lorsque l’institution dans laquelle on travaille adopte

une position répressive, la personne préfère soit changer d’entité, soit, si cela n’est pas viable,

s’inhiber face aux attitudes qu’elle considère comme omnipotentes.

Il semble donc paradoxal que, bien souvent, plus la supervision est importante, plus

les "surveillés" ont envie d’esquiver les systèmes. Les tentatives pour remplacer la motivation

interne par des barrières diminuent la production, si ce n’est à court terme, tout au moins à

moyen et à long terme.

4.- Le repos accroît le rendement. Le besoin de repos n’est pas un caprice. Ceux qui

se considèrent infatigables et ne s’arrêtent pas en période de loisir intelligent (non pas comme

une absence immédiate d’occupation obligeant à une réponse mais plutôt comme un temps

d’autodécouverte et d’enrichissement personnel), finissent presque toujours par se rompre.

Lorsque cela se produit, leur hyperactivité apparente nuit à leur entourage et nuit à eux-mêmes

et, bien souvent, ils n’en sont même pas conscients.

D’autre part, les loisirs n’étant pas seulement un moment mais une forme de dignité

personnelle (les Grecs appelaient nég-oce ce qu’il fallait réaliser lorsqu’ils ne pouvaient pas

s’enrichir intérieurement par des lectures, en parlant avec les amis…), le paradoxe -ou, mieux

encore dans ce cas, le défi- serait de transformer le travail en modalité de loisir, de jeu.

Dans cette situation idéale, les personnes,

6 Dans une étude de Badaracco y Ellsworth (1992), une enquête a été élaborée puis répondue par sept haut responsables. Ils firent tous allusion au besoin d’augmenter les valeurs comme

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a.- Respecteront tous leurs engagements ;

b.- Les achèveront en toute responsabilité ;

c.- Au moindre coût pour l’entreprise ;

d.- Sans utiliser le travail comme une façon d’échapper à eux-mêmes.

5.- Ne pas cataloguer, redécouvrir la valeur de la différence. Presque toujours, la

rigidité dans les décisions de gouvernement provient non pas de la sécurité mais de

l’inconsistance. On pallie le doute par des attitudes hautaines. Ces démarches nuisent au

système et aux personnes qui y travaillent. La contemplation, de la part du manager, d’une

réalité monochrome, paralyse le bon développement. Paradoxalement, plus il tente de

s’assurer de tout, plus les exécutants trouvent des échappatoires pour faire ce dont ils ont

envie face à des impositions qu’ils jugent démesurées, injustes ou maladroites.

6.- La fausse transigeance est liée à la fragilité existentielle. La proclamation de la

valeur de la tolérance est à la mode. Il s’agit là encore un paradoxe. Nombreux sont ceux qui

considèrent que cela suppose une prédisposition à pactiser avec tout principe. Il s’agit

cependant, au sens strict, de tout le contraire. Tolérer, partant du fait qu’il existe des

coordonnées incontournables, c’est accepter que certaines personnes ne soient pas en mesure

de les assumer. Elles ne devront pas pour autant être rejetées ou maltraitées, mais on ne

cédera pas non plus sur les indicateurs clés.

Il existe des valeurs inaliénables. Même si lorsque c’est nous qui les utilisons elles ne

sont pas considérées comme des contre-valeurs, nous les définissons ainsi si quelqu’un les

utilise à notre désavantage. Nous pouvons mentir pour atteindre un objectif et nous ne verrons

pas ce comportement comme une contre-valeur, mais si quelqu’un nous trompe, nous

affirmerons qu’il s’agit d’un mal objectif. Quelqu’un peut voler et considérer qu’il s’agit d’une

valeur. Mais lorsque c’est lui que l’on agresse, il dénoncera cette conduite comme une attaque

aux valeurs. Il en est de même avec la mort : personne ne veut être assassiné, même si l’on

pense qu’un autre doit l’être à un moment donné.

7.- Le moteur le plus puissant de la personne n’est pas un moteur externe mais bien

interne. Les théories d’inspiration mécaniciste portent leurs fruits à court terme : ils augmentent

les résultats et, grâce à cela, les facturations. À moyen terme, l’intérêt diminue. Ce n’est plus la

élément fondamental de toute entité commerciale ayant des perspectives d’avenir.

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stimulation du contrôle qui fonctionnera alors mais celle de la rémunération économique. D’où

l’intérêt de développer des systèmes de rémunération variable et par objectifs. Mais la

permanence d’une tension saine à long terme est plus difficile à obtenir. C’est là qu’intervient

le MPV.

8.- Dans la société à "accélération technologique" dans laquelle nous vivons, il

semblerait que l’homme en sait plus sur tout : en effet, tout le monde peut aujourd’hui, en lisant

un journal, avoir plus de données que ses ancêtres tout au long de leur existence.

Paradoxalement, l’accumulation de données n’a pas été compensée par une interprétation

juste de celles-ci. La capacité d’abstraction semble avoir diminué, comme si la plupart des

gens étaient restés "collés aux sens".

Dans ces circonstances, l’homme exprime un besoin péremptoire de « sortir de lui-

même », de s’aliéner. Malheureusement, il ne le fait pas toujours de la façon la plus

appropriée –à travers la relation avec les autres, la musique ou autres manifestations

artistiques, par exemple-, mais par la drogue, l’alcool ou le travail.… Le besoin d’être

quelqu’un d’autre n’a pas disparu mais les réponses données ne sont pas toujours les plus

opportunes. Il faut donc un processus d’ "objectivation", il nous faut sortir de nous-mêmes et

nous contempler pour offrir une réponse objective concernant notre être.

9.- La gestion du temps apparaît comme un autre facteur de perplexité. Le présent

dans lequel nous nous trouvons n’est autre que la transition entre deux "moments" : le passé et

le futur. Apprendre à "gérer" le temps n’est pas simple. Au sens strict, il n’y a que deux façons

de le faire. En ce qui concerne le passé, c’est le pardon qui est approprié ici : en demandant

des excuses pour les erreurs commises ou en les acceptant pour les offenses reçues et/ou

perçues. Dans le cas contraire, la personne traîne des ressentiments qui paralysent et qui la

maintiennent dans un état de méfiance permanent face à toute nouvelle relation qui s’établit

(ARENDT, 1993). La mauvaise gestion des évènements du passé conduit à des

raisonnements paralysants.

Quant au futur, seule la valeur de la fidélité permet de l’affronter sans frayeur. Ce n’est

que lorsque nous savons qu’autrui tiendra parole et que nous ferons également tout pour cela

que des pactes s’établissent –mercantiles aussi – avec une promesse de stabilité. Le service

14

aux clients ne pourra s’établir de façon durable que s’il est basé sur ce sens de fidélité à des

principes (FAHEY et PRUSAK, 1998, p. 271).

10.- La personne est la combinaison d’au moins trois éléments : la vie personnelle, la

vie professionnelle et la vie sociale. Aujourd’hui, les gens sont bien trop souvent jugés pour ce

qu’ils gagnent (ou pour ce qu’ils ont accumulé ou hérité) que pour ce qu’ils sont. Il est

déconcertant de voir un homme perdre ce qu’il avait ou dont les revenus diminuent car le

changement de perception des gens les amène à penser qu’il est moins parce qu’il a moins. Il

faut sortir de ce paradoxe et considérer l’être de la personne et non pas son héritage, ses

rentrées d’argent ou ce qu’il peut accumuler.

11.- Remarquons, finalement, le caractère contradictoire de certains éléments que le

MPV souhaite aussi faire intervenir : les sentiments. Cette partie de la structure de la personne

a un caractère illogique. La volonté n’est pas un astéroïde, c’est-à-dire qu’elle a une finalité et

qu’elle peut –et doit- être réglée : il s’agit forcément d’une volonté-intelligente. Mais les

sentiments, même s’ils admettent non sans effort les rênes de la raison, sont de nature

irrationnelle et leur comportement est illogique, non linéaire. Ils résistent à l’encadrement : on

achète des présences mais pas des loyautés ni des sourires. Il faut mériter ces valeurs. Cela

dépend en grande mesure de la façon dont les managers assument les valeurs qu’ils proposent.

Ce serait une erreur que de considérer la personne comme un élément simple

(VITEN, 1992, p. 24). Être excellent n’est pas quelque chose d'abouti, car on ne vit pas au

milieu du chaos indépendamment de celui-ci, mais "on Chaos" (c’est-à-dire, absolument

"impliqués"). Bien souvent, on n’a pas su répondre aux besoins de la personne, à ses

immenses possibilités (ILES, 1993, p. 65). Le MPV est une nouvelle tentative.

2.2. Qu’est-ce que le MPV ?

Pour élucider cette question, il est bon de répondre d’abord à celle-ci : qu’est-ce que

la Direction Par la Valeur n’est pas ? Eh bien, ce n’est pas un bon souhait. C’est-à-dire qu’il

ne s’agit pas de définir de bonnes intentions. Pour être véritablement fructueux, le MPV doit

être un instrument efficace, même s’il n’est pas strictement quantifiable, apportant des

avantages de compétitivité aux organisations dans lesquelles il est mis en place.

15

Le MPV est également, mais pas seulement, une procédure de motivation d’entreprise

qui vise, de la façon la plus scientifique possible, la promotion et le maintien des valeurs en

améliorant la rentabilité de l’entreprise et le degré d’intégration de ses employés. C’est

précisément sur cette amélioration que l’on compte pour que ces derniers envisagent de

continuer à apporter le meilleur d’eux-mêmes pour le bien de l’entité, parvenant ainsi à

formuler un cercle vertueux (3.1) qui bénéficie aussi bien la Compagnie que les Ressources

Humaines.

Comme il a été signalé (CHRISTOPHER, 1980), les valeurs déterminent les besoins

et les besoins déterminent les actes. Les valeurs indiquent d’une certaine manière la bonne voie

pour que les employés trouvent des raisons à un effort supplémentaire : lorsque l’on y parvient,

celui-ci se transformera en travail acharné. La définition de valeurs fait partie du dossier de

possibilités de recherche d’un avantage compétitif (GLUCKSMAN et MORECROFT, 1998,

p. 128) : c’est un de ses éléments irremplaçables.

Le MPV doit tenir compte du fait que les besoins de la personne sont très semblables

tout au long de l’histoire. C’est pourquoi il est spécialement intéressant d’accumuler des

expériences qui enrichissent les décisions. Chaque fois que l’on découvrira une valeur

permanente, il faudra la défendre parce qu’elle servira de paradigme. Approfondir la vérité

n’est pas le fruit d’un travail individuel, même pas d’une seule époque. Cela fait partie du

processus de découverte constante dans laquelle toute l’humanité est impliquée.

Le MPV, de même que la récente notion d’organisations d’apprentissage, n’est

autre qu’une forme d’anthropomorphisme de l’entreprise. Ceux qui se mobilisent pour les

valeurs sont les personnes et non pas les organisations ; ceux qui apprennent sont les hommes

et non pas les institutions (TANNENBAUM, 1997, p. 437). Ce sont les personnes qui,

finalement, gèrent la connaissance...

Un MPV requiert une disposition au changement. Comme Burke (1995, p. 166) l’a

signalé en ce qui concerne l’Action Learning, il faudra combiner le fait de résoudre les

problèmes actuels de l’organisation et le fait d’apprendre comment améliorer le futur, afin de

surmonter les obstacles au mieux. Tout cela est lié au besoin d’améliorer le processus

d’apprentissage en général ou, ce qui revient au même, renforcer le désir d’apprendre à

apprendre.

16

2.2.1. Leadership et MPV

Parmi les particularités propres au MPV il y en a une qui est incontournable :

l’engagement de la part des responsables qui tiennent le gouvernail, qu’ils s’agissent des

membres de la Haute Direction ou des échelons intermédiaires. Et ce, pour une raison

fondamentale : puisque l’on exige une implication personnelle des employés, les

comportements montrant la « défense » d’anti-valeurs seront l’excuse « idéale » pour que les

travailleurs se sentent exemptés. Si prêcher par l’exemple ("leading by example") est toujours

la meilleure des solutions, cela l’est encore davantage lorsque l’objet du suivi et de

l’amélioration sont des « intangibles ». La crédibilité ne surgit pas sans engagement

(CONGER, 1998).

Le leadership exige un certain taux d’ "immolation volontaire". Dans ce sens, ceux qui

prêchent sont ceux qui affirment qu’ils se consacrent à la politique au service des citoyens :

malheureusement, leur entêtement à servir « surprend » parfois, surtout lorsque peu après on

apprend leurs manigances profitant de leur parcelle de pouvoir. En tout cas, ce serait une

grave erreur que de mépriser les autres : ce serait une façon d’encourager le manque d’intérêt

pour ce qui serait proposé ensuite. On dit qu’il y a deux manières d’arriver à être grand en

gouvernant. La première est de “faire l’éloge” de ceux qui nous entourent. La seconde est de

leur marcher dessus, de les rabaisser. Cette dernière formule n’est pas durable. Elle engendre

plutôt des désirs de revanche.

Le management de personnes exige le respect des normes. Dans un État de Droit, les

gens savent à quoi s’attendre et ce qu’ils doivent respecter est juste. Parallèlement, dans une

organisation, encourager le respect envers une culture permettant le développement de la

dignité des personnes demande de s’incliner d’une certaine manière devant la vérité de

l’institution. Si ceux qui sont à la tête de l’organisation ne vénèrent pas cette “vérité”, ils se

feront difficilement respecter.

La promotion de valeurs exige d’exercer le leadership. Dans ce sens, il ne s’agit pas

tant de "ce que l’on fait" mais plutôt de "comment on influence". Le leader, pour parvenir à

l’être, devra illustrer certaines valeurs (FERNÁNDEZ AGUADO, 1999b) : être juste, discret,

17

ouvert7, honnête (TREVELYAN, 1998, p. 39). Entre autres façons d’agir, le népotisme –

imposer des candidats non pas pour leur mérite mais pour la relation familiale avec un des

membres de l’entreprise – détruit le leader, parce qu’il brise précisément les liens avec les

valeurs considérées essentielles pour celui qui doit porter le drapeau des idéaux de

l’organisation : à savoir, la recherche de l’excellence et non pas de l’intérêt égoïste ou de la

parentèle. Il devient nécessaire de réaliser, finalement, ce que l’on appelle to walk the talk.

Le leadership se manifestera davantage par des indications non formelles que par des

expressions verbales. Ce ne sont pas les mots mais les signes –le langage non parlé- qui

indiqueront souvent clairement qui exerce le bon gouvernement et jusqu’à quel point.

Les leaders devront exprimer clairement des valeurs attirantes, démontrables,

cohérentes, opportunes8 et fondées9, car les subordonnés réclament de la solidité chez ceux

qui les gouvernent. Les valeurs, pour le leader ou pour toute autre personne, doivent donc être

assumées personnellement et devenir des habitudes opérationnelles pour pouvoir être

considérées pleinement comme telles. Une valeur n’en serait pas une si elle se limitait à être un

simple objet de contemplation, un motivant externe. Elle doit être une réalité produisant un

mouvement de la volonté.

Le leader doit être en mesure de transmettre les valeurs. En fait, on ne maîtrise que ce

que l’on sait enseigner et on ne communique que ce qui a été vitalement assumé. On ne

transmet donc vraiment que les valeurs que l’on apprécie parce qu’elles finissent par

correspondre à celles que l’on assimile. Cela ne signifie pas que les leaders doivent être

parfaits (HUNT et LAIN, 1997, p. 32). Toutefois, leurs erreurs ne doivent pas affecter

directement leurs compétences en tant que gouvernants. Les excès commis par certaines

7 Il faut éviter de mépriser le NIH : Not Invented Here, ou la bunker mentality : ce que je fais est bien et tous les autres se trompent. 8 Dans toute organisation, les valeurs seront différentes et celles dont le leader a besoin aussi. Le leadership (BARLETT et GHOSHAL, 1997, pp. 92-93) n’est pas la reproduction de quelque chose de déjà vu. Le leader doit être original, non pas par extravagance, mais parce qu’il est innovateur. 9 Hunt et Lain (1997, p. 32) : Les leaders effectifs exposent un ensemble clair de valeurs démontrées, articulées (cohérentes) et répétées.

18

organisations dans leur acharnement à « créer » des mythes de leurs dirigeants (ou le cas

échéant, de leurs fondateurs) fait que lorsque l’on découvre la réalité, le rejet est assuré10.

La fonction du leader serait de :

1.- Faire.

2.- Laisser faire.

3.- Faire faire.

4.- Donner à faire.

5.- Écouter celui qui fait11.

Le leadership parle –en termes de Droit Romain : l’auctoritas- de la vénération

volontaire envers quelqu’un qui est, d’une certaine manière, supérieur. La potestas est

l’exercice du pouvoir lié à une fonction.

En découvrant ce que les autres ne sont pas capables de voir, le leader détecte des

avantages pour son organisation. Créer des organisations qui poussent à des conduites

exemplaires est une bonne façon d’éviter des dommages ultérieurs (PAINE, 1994, p. 117). Il

faudra semer en permanence des valeurs même s’il semble, à un moment donné, que l’on ne

reçoit pas en échange tout ce qu’il faudrait. Semer signifie : 1.- Donner du sens au travail des

autres ; 2.- Ne pas mépriser ; 3.- Encourager les initiatives ; 4.- Permettre le développement

des employés (BARLETT et GHOSHAL, 1994, p. 87).

Assimiler des valeurs, ne « crée » pas des leaders, mais leur permet de se différencier

des simples managers. Comme l’indiquent Hamel et Prahalad (1994), beaucoup

d’entreprises sont trop contrôlées et trop peu dirigées.

L’avenir des personnes au sein de l’entreprise, et l’avenir de l’entreprise en général,

passe par la conception d’un leadership bench attirant. Quelles sont donc les compétences

qu’un dirigeant devra posséder à l’avenir, que ce soit en tant que membre de la Haute

10 Celui qui exerce le leadership doit faire en sorte qu’il soit basé sur des principes plutôt que sur lui-même : c’est là la limite propre au leadership. 11 En plus d’autres valeurs, il en existe deux fondamentales pour le leader : la capacité d’écoute et la ponctualité. En ce qui concerne la première, trop de subordonnés seraient d’accord sur l’expression recueillie par Hunt et Lain, 1997, p. 39 : il/elle donne l’impression d’avoir en tête un emploi du temps différent, privé et secret, alors qu’il/elle devrait écouter. Quant au manque de ponctualité, Aristote affirmait dans la Rhétorique : "l’oubli semble être un témoignage de peu d’estime car il est issu de la négligence et le manque d’attention est un certain manque d’estime".

19

Direction ou de l’encadrement, pour transmettre des valeurs mobilisant les énergies “cachées”

de ses fidèles ?

2.2.2. Le MPV, à la base de l’Empowerment

Parfois, on parle des normes de gouvernement comme si les managers se trouvaient

au milieu entre les objectifs finals et les employés. Si l’on envisage ainsi la réalité, les

dirigeants courent le risque de devenir un obstacle plutôt qu’un soutien. La bonne position

serait soit celle du berger marchant devant le “troupeau” et défrichant le terrain, soit, mieux

encore, la position de celui qui fournit les moyens permettant de surmonter les obstacles qui

finiront toujours par apparaître. C’est ce que l’on appelle empowerment. Si l’on parvient à ce

que les gens veuillent faire ce qu’ils ont à faire, ils continueront à s’efforcer même lorsqu’ils n’y

seront plus poussés, ce qui sera un succès pour le dirigeant qui aura su former son

environnement.

L’empowerment dote les employés d’une capacité de décision suffisante afin qu’ils

puissent agir sans compter sur les approbations préalables et explicites. Il vise à accroître la

responsabilité des employés et ce renforcement est fondamental (RIPLEY et RIPLEY, 1992,

p. 21). En effet, le contraire provoquerait le retrait, si ce n’est des actes, tout au moins des

"pensées".

Les raisons communément proposées pour promouvoir l’empowerment sont les

suivantes :

1.- Il motive pour réduire les erreurs.

2.- Il renforce le désir de créativité et d’innovation.

3.- Il facilite l’amélioration des processus, produits et services.

4.- Il améliore la satisfaction du client car il permet à l’employé une prise de décision

immédiate.

5.- Il renforce la loyauté des employés et réduit l’absentéisme, les fausses maladies et

la rotation non nécessaire.

6.- Il augmente la productivité car il renforce l’autosatisfaction, l’autoréalisation et la

fierté des travailleurs.

7.- Les collègues deviennent des motivants.

20

8.- Il évite que les dirigeants ne deviennent des bouledogues.

9.- Il réduit les pertes de temps et de qualité.

10.- Il permet aux dirigeants de se pencher sur des sujets stratégiques.

11.- Il réduit le besoin d’avocats, de procès, etc.

12.- Il accroît la concurrence.

Il faut éviter que ce processus de formation ne soit un simple « entraînement » et

essayer plutôt d’inculquer les valeurs. Pour cela, on énoncera celles qui sont à la base de la

culture de l’organisation. Sans la mise en place d’un MPV –ne serait-ce qu’implicite-, il est

impossible d’implanter un empowerment capable de durer dans le temps. Il est en effet

difficile de maintenir le comment sans le pourquoi.

2.3. Quelles valeurs ?

Étant donné la diversité des mentalités et des idiosyncrasies, il est difficile de proposer

une liste universellement acceptable de valeurs. Certaines ont déjà été spécifiées pour les

leaders. Un grand nombre de ces valeurs devrait être assumé également par tout employé,

indépendamment de son niveau hiérarchique. En Annexe, nous reprenons une étude empirique

dirigée par le rédacteur du présent document et réalisée par quarante-deux professionnels. Il

s’agit ici de considérations plus génériques. La première d’entre elles est que toutes les valeurs

sont liées les unes aux autres. Mépriser une réalité acceptée en tant que valeur a une influence

négative et immédiate.

Nous avons déjà signalé que l’un des aspects clé de tout MPV consiste à énoncer

clairement les valeurs qui seront le point de repère et selon lesquelles certaines politiques de

ressources humaines seront mises en oeuvre. Il faut tenir compte du fait que, bien que les

objectifs soient clairement quantifiables, les valeurs ne le sont pas (pas au même niveau en tout

cas). Promouvoir les valeurs est laborieux mais en même temps captivant, car elles se

rapprochent de l’intériorité de la personne. En reprenant un apport de la pensée hindoue, une

indication générique initiale serait le renfort des valeurs défendant davantage la shreya (ce qui

est bon, correct) que la preya (ce qui est simplement plaisant).

Les valeurs ne sont pas quantifiables en termes chrématistiques mais leur simple

« connaissance » intellectuelle ne suffit pas non plus. Il faut exercer une volonté (volonté-

21

intelligente) qui les assume. Le MPV, par rapport au MPO (Management Par Objectifs),

concerne davantage la volonté et les sentiments que les capacités rationnelles. Les valeurs ont

plus à voir avec la qualité et, en ce sens, le degré selon lequel elles sont atteintes est moins

"quantifiable". Certains auteurs nous surprennent lorsqu’ils réduisent, en simplifiant, les thèmes

de motivation à des questions strictement « intellectuelles » –par exemple, Argyris (1998, p.

99) : “l’engagement fait référence à la production d’énergie humaine et à l’activation de l’esprit

humain”-, sauf s’ils emploient le concept “human mind” non pas au sens restrictif mais au sens

inclusif.

Cet aspect est important. Après l’échec de plusieurs générations de penseurs à

caractère rationaliste (Kant, Hegel, Engels...), qui ont exercé une influence décisive sur des

économistes et/ou chefs d’entreprise tels que Fayol ou Hayek, la rupture de ce qui était

"intellectuel" a fait place à ce que j’ai appelé dans d’autres travaux "sentimentalisme ou

romantisme déconcerté" (FERNÁNDEZ AGUADO, 1999a et 1999b). Le MPV a assumé le

principe, très étendu aujourd’hui, selon lequel pour connaître quelqu’un il n’est pas nécessaire

de lui demander ce qu’il sait mais plutôt ce qu’il veut, ce qu’il ambitionne...

Les valeurs exigent de l’intériorisation. Le degré de développement des possibilités

techniques dépendra, en grande mesure, de la façon dont elles seront assumées et de la

capacité à peser sur les décisions prises ultérieurement. Si on n’ouvre pas la "porte de la

volonté" (les attitudes), le développement des aptitudes sera moins consciencieux. Ou bien,

même si on l’ouvre, elles ne seront pas appliquées avec tout le sérieux et toute la profondeur

nécessaires.

Les habiletés font référence proprement dit à l’entraînement (les techniques), alors

que les valeurs se réfèrent exclusivement à la formation : une fois de plus, à la possibilité de

réinterpréter -réinventer- la réalité. Face à la répétition d’actes récompensés par une

rémunération plus ou moins satisfaisante, les valeurs n’ont pas de limite, n’ont pas de « prix »

et ne peuvent en avoir. Il ne s’agit pas ici de promouvoir la désindustrialisation en défendant

les valeurs, mais de promouvoir une croissance ne se pliant pas de façon absolue et radicale

au mercantilisme.

Il ne s’agit pas non plus de ce que certains auteurs (COLLINS et PORRAS, 1996)

ont défini comme étant les BHAGs (Big, Hairy, Audacious Goals : les grands objectifs,

22

stimulants et audacieux, d’une organisation). Les valeurs ne sont pas la même chose que les

ambitions et ne sont pas non plus de simples croyances ou désirs (STAJKOVIC et

LUTHANS, 1997, p. 17).

En tout cas, les valeurs doivent toucher positivement toutes les personnes concernées

par l’organisation, c’est-à-dire, les stakeholders12. Ce serait un tort que d’accepter en tant

que telle une valeur dont certains bénéficient et qui nuit explicitement à d’autres. Les valeurs

assumées maintiendront entre elles un équilibre harmonieux et seront tournées vers la

recherche du Bien, de la Vérité et de la Beauté.

2.3.1. Une entreprise n’est pas une famille

Afin de « filtrer » certains apports, il est bon de rappeler une vérité de La Palisse que

l’on oublie parfois (LIEDTKA et autres, 1997, p. 58) : les entreprises ne sont pas des

familles. Par conséquent, de nombreuses façons de « fonctionner » dans un domaine ne sont

pas applicables à l’autre, sauf au risque de commettre des erreurs. Les valeurs des unes et des

autres ne sont pas échangeables :

1.- La principale fonction d’une entreprise est de "gérer le triomphe". Ses résultats

économiques déterminent sa survie. Ainsi, de même que le médecin ne peut pas et ne doit pas

être en permanence attentif à la douleur qu’il produit à son patient s’il souhaite le soigner, le

chef d’entreprise –ou le cadre supérieur- sera prêt à prendre des mesures, parfois

douloureuses, pour le bien des organisations. Cela ne veut pas dire agir sans pitié : on évitera

de tomber dans l’extrême inverse et de considérer les personnes comme des pions. Il faudra

trouver les décisions les plus justes et les plus honnêtes.

2.- Les familles gèrent surtout de la "fragilité". Dit d’une façon ironique : "il est sot

mais c’est mon fils". Dans les entreprises, s’il est sot, il sera mis à la porte.

3.- On peut rester dans les entreprises ou ne pas y rester. Arrêter de travailler pour un

entité donnée ne devrait pas être traumatisant (il en est ainsi cependant pour certaines cultures,

12 Sans vouloir entrer dans cette discussion, rappelons que Kay (1997) place sous ce terme les investisseurs, les employés, les fournisseurs, les clients et les dirigeants. Daling (1997) différencie entre primaires –investisseurs, employés, dirigeants- et secondaires –fournisseurs, clients et voisins-. La classification la plus ample a été réalisée par Nuti (1995). Celle -ci comprenait les employés, les dirigeants, les fournisseurs (y compris les créanciers), les clients (y compris les débiteurs), les concurrents, les autorités locales, l’état et tout autre sujet économique

23

telle que la japonaise par exemple, pour lesquelles la compagnie est une valeur universellement

proclamée). Lorsque, en Occident, d’autres intérêts apparaissent –de la part de l’entreprise

ou du travailleur- la dissolution du contrat ne devrait pas supposer de grandes ruptures

(évidemment, le problème en situation de crise économique est qu’il n’est pas simple de

chercher un autre travail dans un court laps de temps, et encore moins à un certain âge).

4.- Dans les familles, surtout dans la relation parents-enfants et pour de nombreuses

cultures la relation femme-mari également, la dissolution n’existe pas. Chacun est enfant

permanent de ses parents même si la relation à un moment donné n’est pas optimale.

5.- On "sélectionne » l’entreprise (ou on est choisi par elle).

6.- La famille n’est pas choisie. On en fait partie indépendamment de la propre

volonté.

Il existe cependant un sens correct de l’expression « cette entreprise est comme une

famille ». Elle ne pourra pas l’être, comme nous venons de le voir, au sens ontologique, mais

cela indique que les responsables de l’entreprise souhaitent bien établir des relations plutôt

cordiales entre les membres de l’entité. Cela aidera à éviter des tensions et il s’agira alors d’un

élément de motivation. De plus, certains aspects, quoique partiels, pourront être transférés

d’un milieu à l’autre. Par exemple, la capacité d’apprendre à partir des échecs

(REICHHELD, 1996). Celui qui n’accepte pas l’existence des erreurs risquera davantage de

les répéter. En revanche, celui qui les assumera sera en mesure de les éviter. Il est donc

essentiel d’écouter celui qui critique et d’éviter d’adopter des postures de fière indépendance.

Avoir en tête les différences et les nuances signalées ici évite des malentendus, source

de souffrance pour celui qui n’a pas su distinguer ces deux réalités. En tout cas, l’humanisation

des relations commerciales est un stimulant permanent.

2.3.2. Quelques propositions

De nombreuses tentatives afin d’élaborer une liste acceptable et acceptée de valeurs

ont été faites. Matsushita Electric Co. (PASCALE et ATHOS, 1982, p. 51), par exemple,

propose la liste suivante à ses employés :

1.- Service à la Nation par l’intermédiaire de l’Industrie ;

exposé avantageusement ou non aux activités directes ou indirectes liées à la Compagnie, y compris les effets sur l’environnement.

24

2.- Justice ;

3.- Harmonie et Coopération ;

4.- Effort d’amélioration ;

5.- Courtoisie et humilité ;

6.- Adaptation et assimilation ; puis

7.- Gratitude.

Peters et Waterman (1982, p. 285) reprennent l’option suivante :

1.- Croire être les meilleurs ;

2.- Croire à l’importance du moindre détail ;

3.- Croire à l’individualité des personnes ;

4.- Croire à la possibilité d’une meilleure qualité et d’un meilleur service ;

5.- Croire que la plupart des membres de l’organisation peuvent être innovateurs13;

6.- Croire à l’importance des relations non officielles pour une bonne communication ;

puis

7.- Croyance explicite et reconnaissance de l’importance de la croissance économique

et des bénéfices.

2.3.2.1. La récupération de la notion de "service"

Si la diffusion de valeurs, et la motivation en général, est un travail ardu dans les

compagnies à capital privé, cela l’est plus encore dans les organisations dont les employés ne

craignent pas d’être expulsés, telles que les institutions où l’on parvient à être fonctionnaire,

par exemple. Que se passe-t-il avec les fonctionnaires ?

Le nom même de ceux qui travaillent dans l’administration semble inexact : un

fonctionnaire serait quelqu’un qui remplit une fonction. À tout moment, du point de vue

étymologique tout au moins, il semble que quiconque pourrait réaliser cette tâche sans que le

système ne soit perturbé. La terminologie anglo-saxonne est plus précise : civil servant ou

public servant, en disent beaucoup plus.

L’étymologie nous aide également : ad-ministrare signifie littéralement pour-servir.

Face aux nombreux comportements abusifs ou despotiques auxquels les contribuables sont

confrontés dans leur relation avec l’administration, cette dernière devrait adopter une attitude

13 Nous dirions aujourd’hui intra-entrepreneurs.

25

d’aide, de création de supports contribuant à une bonne qualité de vie. Bien souvent, les

serviteurs publics oublient que leur fonction est précisément la suivante : promouvoir les

conditions de possibilité d’une existence honorable pour les citoyens. C’est justement pour

réaliser ce travail qu’ils sont rémunérés grâce aux impôts des contribuables.

Il est urgent pour beaucoup d’entre eux de récupérer le sens premier de leur travail.

Et, en tout cas, celui de service et d’une façon toute spéciale ici : les citoyens devraient être

considérés et traités par l’administration publique comme des clients à qui on offre une bonne

prestation.

Dans ces entités, et dans toutes les entités, la valeur service permettrait non pas

d’atteindre des minimums –par exemple, ne pas perdre de clients-, mais d’aller au-delà des

besoins de ces derniers. Si une personne se sent convenablement valorisée, si l’on s’occupe

bien d’elle, elle revient. En revanche, lorsque les rapports s’établissent dans le domaine du

simple échange, la fidélisation est improbable. Dans le cas qui nous intéresse, une façon de

démontrer le désagrément sera de ne pas payer d’impôts si l'on ne perçoit pas, de la part des

pouvoirs publics14, de compensation pour ces déboursements.

Un des moyens pouvant contribuer à améliorer et promouvoir cette valeur serait un

processus d’amincissement. C’est seulement lorsque les postes sont denses, c’est-à-dire,

lorsqu’il y a une saturation raisonnable –le travail de chacun devient indispensable-, que l’on

redouble d’effort. Lorsque rien ne peut être changé, lorsque l’on ne perçoit pas les fruits de la

propre exigence, personne ne voit le besoin de se battre.

L’Université est un autre domaine dans lequel cette même notion devrait être remise à

la mode. Les professeurs devraient être conscients de leur responsabilité de service aux élèves

(leurs clients). Pour ce faire, il ne suffit plus de répéter les mêmes notions chaque année. Aller

au-delà des besoins des clients suppose d’être à jour, de s’enthousiasmer pour les matières

14 En 1948, lors d’un Congrès d’experts en droit fiscal, on affirmait ainsi que : “L’activité de l’Etat... proférée bien souvent par des idéologies fausses ou malsaines, fait de la politique financière et tout particulièrement de la politique fiscale, un instrument au service de préoccupations d’un genre totalement différent... C’est ce que l’on observe aujourd’hui dans de nombreux domaines de la vie publique : un stratagème (sic) habile et audacieux de systèmes et procédures, mais sans ressort interne, sans vie” (Voir à ce sujet FERNÁNDEZ AGUADO, 1994).

26

que l’on transmet15... La terminologie même devrait être changée. On ne parlerait plus de

professeurs et d’étudiants mais tout au plus de professeurs et d’élèves car le plus grand

étudiant devrait précisément être le formateur. Le professeur ne s’instruisant pas ne parviendra

pas à être un maître et seuls les maîtres servent efficacement.

Le service est bien souvent la cause de la matérialisation de la fidélité des clients,

même si les produits, eux, sont pratiquement les mêmes (KANDAMPOLLY et DUDDY,

1999, p. 51). Par exemple, on a calculé que la valeur (économique) de la fidélité d’un

consommateur de pizza est de 8.000 dollars (HESKETT et autres, 1994, p. 165). Il ne sera

pas toujours facile de quantifier ces faits mais il faudrait essayer de le faire car ces données

aident à évaluer l’ « efficacité » des attitudes.

La fidélité, de même que le service et autres valeurs, n’a jamais le sens d’une réalité

aboutie. La racine se trouve plutôt dans un sens verbal, de mouvement. Il ne s’agit pas de

quelque chose d’acquis mais de quelque chose qui devient, qui se développe (ou qui au

contraire disparaît).

Heskett et d’autres (1994) ont évoqué la « chaîne de service » dans laquelle quelques

modifications ont été introduites :

1.- Qualité humaine et professionnelle des dirigeants, se traduisant par une approche

rassurante et encourageante.

2.- Satisfaction de l’employé, produisant

a) Le désir de rester dans la Compagnie ;

b) L’augmentation de la productivité comme moyen inconscient (ou conscient)

de gratitude.

3.- Désir de bien faire en ce qui concerne le service externe, ce qui engendre :

4.- Satisfaction du client ;

5.- Fidélité du client qui conduit à :

a) Augmentation de la facturation ;

b) Augmentation du bénéfice.

Les bonnes marges, correctement employées, permettent au cycle de recommencer,

stimulant les travailleurs avec des rémunérations justes.

15 Selon l’expression anglaise : "Everything worth doing is worth overdoing”.

27

D’autre part, les clients doivent être ceux qui intéressent l’entreprise et non pas

n’importe quel type de client : “les accepter” sans discrimination d’aucune sorte reviendrait à

perdre le public cible. Le processus énoncé ici évite l’apparition du mécontentement qui crée

un certain prosélytisme à l’encontre de la Compagnie : suite à la mauvaise expérience vécue,

le client en dira du mal et découragera d’éventuels consommateurs. C’est exactement le

contraire qui se passe lorsque les transactions produisent de l’agrément. Les clients deviennent

le meilleur instrument de marketing de la Compagnie.

2.4. Est-il possible d’envisager une proposition de consensus ?

Une fois que l’on a accepté l’importance d’un MPV pour une direction stratégique et

en complément de celle-ci, il est inévitable de se redemander pourquoi les valeurs doivent faire

l’objet d’une saine tension (tension qui doit être établie dans les organisations et chez les

personnes qui en font partie) entre leur « être » et leur « devoir être ». C’est-à-dire, entre ce

que nous détectons empiriquement et ce que nous souhaiterions atteindre avec le temps. Voici

quelques orientations :

1.- Des valeurs comme l’humilité, la solidarité et la gratitude, si propres aux

civilisations orientales, seront considérées dans certaines entités commerciales occidentales

presque comme des contre-valeurs. Certains pensent (HAYEK, 1991) que les appliquer

supposerait la rupture de l’ordre économique capitaliste. Cette erreur de jugement a été mise

en évidence à plusieurs reprises (FERNÁNDEZ AGUADO, 1999a).

2.- Il est impossible de proposer des valeurs universellement valides : c’est une grave

erreur que de penser que les organisations sont homogènes (GOFEE et JONES, 1996, p.

136).

3.- La succession d’étapes dans la vie des organisations (mais surtout des personnes

qui y travaillent et qui la dirigent) suppose la "promotion" de valeurs différentes. Il ne sera pas

aisé d’accepter ces "nuances" sans tomber dans la rigidité. Un exemple : un malade de

Workaholic.

4.- Certaines valeurs –surtout lorsqu’elles sont soupçonnées de fomenter un surcroît

de travail- seront d’emblée rapidement rejetées par les personnes concernées. C’est ce qui

s’est passé, par exemple, dans le cas de l’unification allemande, lorsque la plupart des

28

travailleurs tournèrent le dos à des notions telles que l’empowerment car ils n’y virent qu’un

danger d'accroissement de l’exigence (ARGYRIS, 1998, p. 103).

5.- L’optimisme tout comme le pessimisme doivent être modérés. Citons, par

exemple, les propos tenus par Tannenbaum et Davis (1967) afin d’expliquer, d’après eux, une

certaine transition de valeurs aux États Unis.

D’un autre côté, Chakraborty (1991, p. 17) affirme que la réalité change à une vitesse

telle que peu sont ceux qui savent où ils vont.

Pour une définition des valeurs propres à toute organisation, il sera indispensable de

définir l’harmonie entre elles. En renforcer une de façon excessive, sans le contrepoids

correspondant, la convertirait en contre-valeur. Par exemple, définir la nécessité de l’éducation

ou de l’amitié et oublier que l’organisation a un engagement vis à vis de la rentabilité nuira en

réalité à l’éducation et à l’amitié, qui s’effriteront dans la mesure où le compte de résultats

dégringole.

L’efficacité, l’obtention de résultats, deviennent des contre-valeurs lorsqu’elles ne sont

pas nivelées par un but approprié. Faire pour dire de faire est fruit et cause de déséquilibre

et survient généralement parce que l’on prétend manifester aux autres la propre capacité

d’ « agir », ce qui revient à vivre pour la galerie. Cependant, il n’est pas aussi important de

faire beaucoup de choses que de terminer correctement celles que nous sommes en train de

faire. Sinon, on tombe dans la vaine gloire de vivre à toute vitesse. La discrétion sera une

valeur complémentaire. Le meilleur des fruits de chacun –non seulement parce qu’ils suscitent

la jalousie mais aussi pour la stabilité même de la personne concernée-, ne devrait pas être

divulgué au-delà du cercle familial ou amical (et parfois même pas à ces derniers).

6.- Le goût pour le travail est une valeur, non seulement dans sa dimension objective,

mais surtout dans sa dimension subjective16. Il sera indispensable –pour qu’elle ne devienne

pas une contre-valeur- de modérer le travail et de ne pas se laisser dominer par celui-ci. De

même que la liberté peut s’autodétruire, le travail, qui devrait renforcer la personne, court le

risque de fausser les relations et même de devenir une menace pour la propre existence

(LIEBLIC, 1994).

16 Nous analyserons cette différence lors de l’étude des habitudes opérationnelles.

29

7.- Défendre les valeurs personnelles –se consacrer à la famille, prêter attention aux

amis, aux loisirs, etc.- lorsque le travail semble pouvoir les menacer.

8.- Faire la différence entre valeurs émergentes (solidarités, globalisation, tolérance,

écologie, liberté, sincérité, spontanéité...) et valeurs délibérées (loyauté, respect de la vérité...).

Parmi les premières, il y en a beaucoup qui doivent être assumées ; d’autres, en revanche, ne

seront admises que lorsque le creuset du temps aura assuré leur valeur.

9.- De même que les entreprises ont pour objectif principal de porter le succès, la

personne apportera des valeurs qui la rendront capables de gérer l’échec. Celui qui ne fait que

triompher finit par être déconcerté (WILLIAMS, 1984, pp, 84, 126). Ceux qui se sont

retrouvés en bas réagissent normalement mieux que ceux qui n’ont savouré que le triomphe.

Parallèlement, ceux qui se sont retrouvés en haut savent ce que l’on y ressent et savent

comment y retourner (si cela est possible et si on le souhaite).

10.- La tranquillité est primordiale face à l’apparition d’obstacles significatifs. Celui qui

contemple la réalité dans un contexte historico-spatial plus ample relativisera les vicissitudes

de la période précédente.

11.- Les bonnes manières sont importantes, car il s’agit de manifestations du fond.

Même dans le pire des cas il ne faudrait pas oublier que l'hypocrisie est un hommage que le

vice rend à la vertu. La cordialité envers les créanciers est également une valeur.

12.- -Transmettre l’enthousiasme face aux défis car, comme l’affirmait George

Bernard Shaw : A good battle cry is half the battle.

13.- Rapidité des réponses, car si on ne profite pas prestement des opportunités elles

deviennent des menaces (SORRELL, 1997, p. 19). Cependant, il sera parfois urgent

d’attendre. La précipitation coûte très cher (NUTT, 1997, et FERNÁNDEZ AGUADO,

1999a et 1999b).

14.- Les valeurs doivent être praticables, et non pas des utopies. On raconte que lors

d’une réunion pendant la Seconde Guerre Mondiale, un membre du Haut État Major annonça

:

-J’ai découvert le système pour que les sous-marins n’attaquent pas les bateaux qui

nous ravitaillent.

Le silence se fit, dans l’attente de plus de détails.

30

-Il s’agit -poursuivit-il- de réchauffer la mer pour les faire sortir à la surface. Dans

cette situation, nous les obligerons à se rendre.

Un des assistants à la réunion lui demanda :

-Comment réchaufferons-nous l’océan ?

-Ah, répondit le premier, ça c’est un problème technique...

Or, un management par valeurs doit tenir compte de ces « aspects techniques » sans

quoi elles ne serviraient pas à grand chose. Cela ne signifie pas que son mode de « mesure »

soit le même que celui d’une opération financière (PFEFFER, 1997, p. 357-8) : même si

c’était le cas, il ne serait pas bon de le faire car il faut « apporter de l’oxygène » à la créativité.

Mais, d’une certaine façon, il faut fournir des indicateurs permettant de savoir si le système de

valeurs fonctionne ou pas.

15.- L’autocritique précise est soutenue par l’évaluation 360º (CHEUNG, 1999, pp.

112 et 116-117).

16.- L’initiative et la créativité sont complétées par l’audace et la prudence.

17.- Optimisme : oui, c’est possible. Face à des formes révolues d’approche de la

réalité, la vision positive des évènements est en soi une valeur attirante.

18.- La circonspection excessive fait rire. Il n’est pas bon de se prendre trop au

sérieux.

19.- Être capables de rectifier, d’admettre les erreurs. Demander pardon n’est pas

une déclaration d’échec mais au contraire de triomphe sur des situations changeantes.

20.- Il n’y a pas une culture mais de nombreuses sous-cultures et il faut faire en sorte

qu’elles respectent les coordonnées fondamentales (MORGAN, 1986 ; SACKMANN,

1992).

21.- L’âge a une influence considérable sur l’appréciation des valeurs, et non pas tant

l’âge chronologique que l’âge mental : le désir de changements rapides et radicaux tendent à

se transformer, avec le temps, en propositions plus mûres.

22.- La mise en place des valeurs n’a pas lieu une fois pour toutes, c’est également le

fruit d’un certain apprentissage (BASS et VAUGHAN, 1966, p. 8) : cela doit provenir d’un

learning climate, dans lequel chacun est prêt à progresser.

31

23.- La "loyauté" de l’organisation envers les faibles est irremplaçable car lorsque les

gens sont abandonnés à leur sort, les autres essayent de se protéger en restant fidèles à eux-

mêmes plutôt qu’à l’organisation.

24.- Toujours compter sur les gens car les décisions formulées par un deus ex

machina ne sont pas reçues de façon positive. Une attitude participative pour établir un MPV

est la première des valeurs.

25.- Gagliardi (1986) signalait que les valeurs profondes constituent la culture des

organisations et il est vraiment difficile de les changer. Dans certains cas –voir les pays de

l’Europe de l’Est- cela demandera même une génération. Les habitudes personnelles, et plus

encore celles des organisations, ne changent pas de façon immédiate.

2.5. Comment mettre en place un MPV ?

Il faut tout d’abord "croire" à son efficacité pour l’entreprise. Développer la capacité

d’apprentissage et de travail en équipe –et donc de gérer la connaissance et d’encourager les

relations interpersonnelles – est à la base des avantages concurrentiels (LIEDTKA et autres,

1997). Être prêt à apprendre et avoir du goût pour le travail représente déjà une valeur et une

source d’acquisition d’autres valeurs.

La "magie" des entreprises qui réussissent est due, non pas au fait qu’elles se penchent

sur ce qu’elles font, mais plutôt sur ce qu’elles sont, où elles veulent aller et comment elles

souhaitent le faire. De plus, si une organisation a des valeurs, son « prix » augmente, ne serait-

ce que par la confiance qu’elle engendre.

Il est bien plus difficile de mettre en place le MPV dans une organisation qui fonctionne

depuis longtemps que dans une organisation créée récemment. En effet, il sera beaucoup plus

laborieux de convaincre les personnes concernées des avantages d’un effort pour améliorer

l’ « ambiance » interne et les relations avec les fournisseurs et les clients. Chaque Compagnie

devra analyser quel est le meilleur système. Voici quelques considérations pour la mise en

place d’un MPV :

1.- Être cohérents. La contradiction interne conduit à la dialectique ordre-contrordre-

désordre.

32

2.- Les valeurs doivent être communiquées de façon explicite. On ne peut pas

demander aux employés d’être devins car ce n’est pas leur fonction. Parallèlement, il ne faudra

pas non plus fournir toutes les données comme si les gens à qui on s’adresse n’étaient pas

intelligents. Une fois de plus, il s’agit d’une question d’équilibre entre l’information que l’on

apporte et la liberté que l’on donne pour que chacun les mette en oeuvre.

3.- Être crédibles. Les valeurs doivent être stimulantes mais faisables. Les

caractéristiques de la viabilité seraient :

a) Peu nombreuses ;

b) Concrètes ;

c) "Faciles" à réaliser mais exigeant quand même un engagement.

4.- Les dirigeants doivent assumer les valeurs établies : non seulement la Haute

Direction mais aussi ceux qui sont sur le terrain ;

5.- Intégrées dans le fonctionnement habituel de l’organisation ;

6.- Les encouragements renforceront les valeurs spécifiées.

Des valeurs explicites permettent de décider de l’opportunité –et de la viabilité-

d’Alliances Stratégiques (KANTER, 1994, p. 99), car leur aboutissement dépendra surtout

de la participation aux valeurs. Les choses sont apparemment froides mais, en réalité, le

succès dans les relations entre entreprises dépend presque toujours de la création et du

maintien d’affinités aimables et plaisantes entre les dirigeants qui décideront (KANTER, 1994,

p. 99). L’intégrité doit toujours être considérée comme une valeur (IDEM, p. 100) : les

interlocuteurs établissent des relations plus stables dans la mesure où il existe une confiance

mutuelle et solide. L’intégrité aide aussi à respecter la différence, grâce à une saine disposition

à apprendre, rejetant les piédestaux, car cela déforme.

2.5.1. Audit des valeurs

L’audit de valeurs visera à promouvoir et à maintenir une organisation pilotée par des

valeurs. Il sera nécessaire –comme cela a déjà été signalé- d’analyser quel est le point de

départ (à l’aide de l’étude opportune), mais aussi de savoir où souhaite-t-on aller. Il faudra

échelonner les objectifs car on ne peut pas tout proposer à la fois, ni même tout réussir. Pour

fixer ce point de repère vers lequel tendre, voici quelques indicateurs :

33

1.- Quel est le profil du client fidèle ?

2.- Pourquoi cessent-ils de l’être ?

3.- Dispose-t-on d’un système de feed back de la perception des clients ?

4.- Comment remonte-t-on cette information ?

5.- Comment est-elle communiquée aux employés ?

6.- Comment s’occupe-t-on du service ?

7.- Quels sont les instruments servant à corriger les erreurs ?

8.- Quelles sont les ratios de productivité par travailleur ?

9.- Quels instruments y-a-t-il pour renforcer la fidélité des employés ?

10.- Quels sont les critères suivis pour détecter les valeurs des personnes souhaitant entrer

dans la Compagnie ?

11.- Existe-t-il une définition scientifique de la cible ?

12.- La culture d’entreprise est-elle correctement diffusée parmi les stakeholders ?

13.- Quels sont les critères suivis pour introduire des modifications dans la culture ?

14.- Comment encourage-t-on les employés conformément à la « chaîne » de service ?

2.5.2. Les niveaux des valeurs

Il existe plusieurs strates au sein du vaste concept de « valeurs » formant la culture

d’une entreprise. Tout d’abord, on trouve dans toute organisation une Core Purpose –qui

n’est pas forcément une valeur quoiqu’elle puisse en être une-, des Core Values et des

Around Values, qui seront modifiées avec le temps, au fil des changements dans le

gouvernement de la Compagnie, par exemple (CICMIL, 1999, p. 121).

Les Core Purposes d’une Compagnie conforment sa raison d’être. Normalement,

elles sont exprimées de façon concise et se limitent bien souvent à une espèce de bon vœu qui

servirait de peu s’il n’était pas matérialisé de façon plus précise et "vivable" par les membres

de la corporation. Voici la Core Purpose (COLLINS et PORRAS, 1996) de quelques

grandes entités :

3M : Résoudre de façon innovatrice les problèmes non résolus.

Cargill : Améliorer les standards vitaux partout dans le monde.

34

Fannie Mae : Renforcer la structure sociale en rendant possible l’accès à la propriété du

logement.

Hewlett-Packard : Réaliser des contributions techniques pour le développement et le bien-

être de l’humanité.

Lost Arrow Corporation : Devenir un modèle et un instrument du changement social.

Pacific Theatres : Mettre à disposition des gens un espace pour se développer et améliorer

la communauté.

Mary Kay Cosmetics : Offrir des possibilités illimitées aux femmes.

McKinsey&Company : Aider les corporations leaders et les gouvernements à augmenter leur

succès.

Merck : Préserver et améliorer la vie humaine.

Nike : Ressentir l’émotion de la compétition, en gagnant et en battant les adversaires.

Sony : Sentir la joie d’avancer et d’appliquer la technologie au profit du public.

Telecare Corporation : Aider les personnes handicapées psychiques à se rendre compte de

leur grand potentiel.

Wal-Mart : Donner aux gens normaux la possibilité de s’acheter les mêmes choses que les

riches.

Walt-Disney : Apporter de la joie aux gens.

Les Core Values sont des références essentielles et durables d’une entité (COLLINS

et PORRAS, 1996), elles ne nécessitent aucune explication conceptuelle postérieure car elles

revêtent une importance spécifique pour tous les membres de l’organisation. En citer plus de

quatre ou cinq risquerait de les confondre avec d’autres réalités telles que, par exemple, des

pratiques habituelles pour opérer ou la stratégie de l’affaire ou encore des normes culturelles.

Dans ce second niveau, les Compagnies sont plus ouvertes à des modifications.

Quelques exemples :

Merck

1.- Responsabilité sociale corporative.

2.- Excellence non-équivoque pour tous les aspects de l’entreprise.

3.- Innovation basée sur la technologie.

4.- Honnêteté et intégrité.

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5.- Bénéfices issus d’un travail au profit de l’humanité.

Norstrom :

1.- Service aux clients avant tout autre principe.

2.- Travail courageux et productivité individuelle.

3.- Ne jamais être satisfaits.

4.- Réputation d’excellence lorsque l’on sent que l’on fait partie d’une organisation spéciale.

Walt Disney :

1.- Refuser le cynisme.

2.- Alimenter et promulguer les valeurs américaines.

3.- Créativité, rêve et imagination.

4.- Soin fanatique apporté au sérieux et aux détails.

5.- Préserver et contrôler la "magie Disney".

Sur un troisième niveau, on trouverait les Around Values : celles qui sont proposées

par les dirigeants pour tous les membres de l’organisation. D’après leurs créateurs, la « qualité

de vie » des employés ainsi qu’un meilleur avenir pour l’entreprise dépendraient de leur

réalisation.

Il faudra, pour qu’il s’agisse réellement de valeurs et non pas de feux de Bengale,

qu’elles aient une certaine permanence. Si elles manquent de stabilité, elles perdront une

certaine crédibilité : il faut qu’elles aient quelque chose à voir avec le fameux making change

last : faire en sorte que les changements soient durables (ULRICH, 1998, p. 132), même en

ces temps d’ "eaux rapides" dans lesquelles évoluent les organisations. Les valeurs de la

corporation ne seront généralement pas les mêmes que celles de la personne. Cet effort de

synergie entre la volonté de l’employé et les intérêts de l’entreprise représente le « cœur » de

l’action dirigeante. Finalement, il existe des réalités qui font un grand bien aux personnes, telles

que ressentir de la douleur ou essuyer un échec, mais il serait « audacieux » de les qualifier

comme des valeurs.

Les valeurs du quotidien seront assimilées et appliquées dans la mesure où il existe un

humus favorable chez la personne et dans l’organisation. Autrement dit, si l’on ne dispose pas

du cadre approprié, on ne parviendra pas à situer les nouvelles connaissances ou

36

conditionnements. Si on ne forme pas des sentiments et des désirs, les nouvelles valeurs que

l’on souhaite « promouvoir » ne seront pas effectives.

2.5.3. La confiance et la transmission efficace des valeurs

Parmi les valeurs, il y en a une extrêmement importante dans le milieu mercantile, et

plus encore lorsque les circonstances indiquent que les "coordonnées à la mode" sont celles

qui concernent la simple apparence : il s’agit de la confiance. Il faut que les employés se

sentent « couverts ». Savoir que les dirigeants n’abandonneront pas au mauvais moment est

essentiel pour pouvoir aller de l’avant. Sinon, on regardera sans cesse à droite et à gauche,

plus inquiet de savoir d’où peuvent venir les attaques que de ce qu’il faut réaliser au sein de

l’unité d’affaire17.

La méfiance que de nombreuses personnes éprouvent vis à vis de l’entreprise

(MANLEY, 1992, p. 1) est une des racines du manque de valeurs (ou de réponse à celles-

ci). Le flux de confiance des dirigeants envers les employés et des employés envers les clients

est la base de tout négoce durable. Bill Hewlett, un des fondateurs de Hewlett-Packard,

l’exprimait ainsi : j’estime que le Chemin HP est un chemin de politiques et d’actions

issues de notre croyance en ce que les hommes et les femmes souhaitent faire du bon

travail, du travail créatif et qu’ils le feront si nous leur offrons une ambiance appropriée

(MANLEY, 1992, p. 14).

C’est la confiance qui est derrière toute transmission efficace de culture d’entreprise

(STREBEL, 1996). La façon dont commence la variation de valeurs puis leur transmission

sont des éléments essentiels pour qu’elles soient acceptées. Cette mise en place de

communication des nouvelles valeurs exige que les membres de la direction soient prêts, non

seulement à proclamer, mais aussi à se comporter conformément à ce qu’ils proposent et à

encourager l’acceptation des membres de l’organisation.

Mais en quoi consiste la confiance ? Comment peut-on la faire jaillir ? Comment la

maintenir ? La première définition de la confiance, d’après le Dictionnaire de l’Académie

17 D’après Kumar (1996), dans les affaires, ce qui différencie les relations basées sur la confiance de celles qui sont basées sur le soupçon, c’est la capacité des parties à réaliser un acte de foi : croire que le bien des autres intéresse tout le monde et que personne n’agira sans tenir compte tout d’abord des répercussions de ses actes pour les autres.

37

Royale de la Langue Espagnole, est “espérance ferme que l’on a envers quelque chose ou

envers quelqu’un”. En qui ou en quoi espère-t-on fermement ? Généralement, on se fie aux

personnes ou aux réalités dont on estime qu’elles ne changeront pas avec le temps. En ce qui

concerne les choses, on a foi en celles que l’on considère inaltérables. Quant aux personnes,

on fait confiance à celles qui, pense-t-on, ne modifieront pas leur conduite de façon arbitraire,

c’est-à-dire, celles qui sont véritablement libres : une conduite humaine est imprévisible si elle

est capricieuse et il en est ainsi lorsque le comportement est déterminé du dehors. La liberté,

au contraire, c’est la capacité d’autodétermination.

La liberté ne signifie pas faire « ce dont on a envie » : cela supposerait que la personne

est soumise au caprice. L’exercice de la liberté implique la capacité de se fixer des objectifs.

Celui qui ne sait pas où il va ne sera jamais capable de trouver la bonne voie. Comment serait-

il possible, par exemple, de continuer à fournir des informations personnelles, et donc

confidentielles, à quelqu’un qui n’est pas discret ? Le dirigeant doit être profondément

respectueux des données qui lui sont confiées. En effet, il suffirait de percevoir un manque

d’égards de sa part vis à vis d’un historique qui lui a été confié en toute franchise pour qu’il

soit discrédité. Finalement, qui donnerait des nouvelles personnelles à quelqu’un

émotionnellement instable ou soumis à tout autre esclavage l’amenant à être infidèle à lui-même

et aux secrets ?

Les personnes qui inspirent confiance sont celles qui ont une maîtrise suffisante d’elles-

mêmes et qui peuvent donc offrir une certitude raisonnable qu’elles ne se laisseront pas

emporter par le vent de la frivolité, comme s’il s’agissait de girouettes. Les classiques parlent

de l’importance de prendre des mesures pour renforcer cette liberté qui facilite l’automaîtrise.

Inspirer une véritable confiance passe par le renforcement de la volonté, afin qu’elle

ne soit pas soumise aux aléas du quotidien, à l’influence d’une certaine naïveté... La force

permet d’avancer fermement vers l’accomplissement du projet prévu, sans se laisser tromper

ni retarder par ceux qui attaquent toujours quiconque sort de la médiocrité.

Certains (HAMEL, 1996) pensent que toute transformation de valeurs doit supposer

une révolution. Entendant par cela une rupture radicale avec le passé, on peut affirmer qu’il

est peu fréquent que les organisations aient besoin de révolutions. Il faudra plus fréquemment

s’occuper de l’orientation du gouvernail pour ne pas perdre le cap vers le but recherché.

38

Quelques petites "touches" sur le volant éviteront des bouleversements dans l’organisation.

Si l’entreprise est bien dirigée, il ne sera pas nécessaire d’envisager des transitions

traumatisantes, pour lesquelles de nombreuses personnes se sont pas préparées. Faire

retomber sur le dos des subordonnés certaines situations difficiles est une solution de facilité,

une sorte d’autocomplaisance non légitime : ils ne disposeront pas de la capacité et/ou des

instruments pour trouver des solutions. Il serait injuste et démesuré de leur faire assumer des

fonctions et/ou des responsabilités qui ne leur appartiennent pas, surtout si on ne leur a pas

fourni l’ empowerment approprié.

Les révolutions silencieuses sont plus efficaces lorsque les intra-entrepreneurs –

insatisfaits du status quo- proposent, en toute connaissance de cause, des solutions

alternatives. Il faudra bien souvent de nouvelles valeurs. Le fait qu’elles proviennent de la

racine en facilitera la mise en place. Un certain nombre de dirigeants, soucieux de leur

avancement, ont perdu le contact avec la vraie-réalité. Les propositions des employés, plus

terre à terre, auront plus de chances de succès. Il suffira d’être attentif au murmure créateur

des subordonnés. Lorsque l’on établit des instruments de communication, on parvient à

canaliser la rumeur quasiment depuis la source.

Bien trop souvent, les annonces de changements spectaculaires ne sont autre que des

démarches visant la restructuration et les licenciements (HAMEL, 1996), c’est-à-dire, visant à

nuire aux personnes de l’organisation. D’où la crainte, dans de nombreuses organisations,

face à l’annonce de changements de culture.

Il arrive aussi parfois que les personnes concernées ne veulent pas ou ne peuvent pas

écouter. Comme il a été signalé par le penseur allemand Guardini (1998), il y a quelquefois

des réalités ou des circonstances « impossibles à transmettre » étant donné le manque de

« jugeote » des personnes concernées. Il ne s’agit pas ici de mauvaise volonté mais d’une

impossibilité presque physique. Un exemple : il sera pratiquement impossible qu’un jeune

cadre qui n’a pas eu l’occasion –la chance- de se heurter à un échec comprenne que la valeur

du service est supérieure à celle du triomphe personnel. Il est bon d’avoir été atteint de la

maladie du succès à tout prix. Malheureusement, certains couvent cette maladie pendant bien

longtemps, généralement jusqu’à ce qu’ils aient la chance d’échouer. Dans ces circonstances,

ils pourront mieux comprendre que la valeur gloire qu’ils ont adorée était une contre-valeur.

39

Lorsque quelqu’un est directement concerné par cette difficulté à comprendre ce que

les personnes soucieuses de son bien lui répètent sans cesse, il faudra faire un « acte de foi » :

même si à ce moment précis on n’est pas capable de se rendre compte de l’erreur indiquée.

Cela fait partie de la confiance : cum-fiducia (avec foi).

Le dirigeant fera un effort d’écoute (ROWE et BAKER, 1984, 127), et, comme

toujours, il visera le bon équilibre afin de ne pas ignorer ce qui lui est dit et de ne pas se laisser

influencer non plus par le dernier qu’il a écouté. Il évitera également les attitudes paternalistes

qui empêchent les subordonnés de grandir. Il faut renforcer la liberté, apprendre à

"fonctionner tout seul".

L’équilibre dont doit témoigner le dirigeant n’est pas facile. Il se trouve à la base du

JITM : Just in time management. Il ne faut pas « exagérer » le gouvernement, mais il ne faut

pas non plus en faire trop peu. Il faut savoir quand on doit intervenir et de quelle façon. Si le

dirigeant s’immisce dans une affaire, les gens s’abstiennent ; s’il ne le fait jamais ou s’il le fait

alors qu’il devrait s’abstenir, les gens ne le respecteront plus intérieurement même si, afin de

conserver leur poste de travail, ils ne le montreront pas. La devise latine : de minimis pretor

non curat rappelle que le leader ne doit pas s’occuper des petites choses.

La transmission des valeurs ne peut pas être simplement ponctuelle. Comme pour

toute gestion de la connaissance, il n’y a là rien de statique, il s’agit plus d’un processus que

d’une réalité achevée. D’une certaine manière, on ne détient pas les valeurs, on les atteint peu

à peu (FAHEY et PRUSAK, 1998, pp. 266-267). Il faudra accumuler, puis ajouter. La

vérité des valeurs se trouve –comme nous l’avons expliqué dans les pages précédentes- dans

la construction de la personne, il s’agit davantage d’une tâche que d’un but atteint.

Pour ne pas se retrouver sans réserves, il est nécessaire d’apporter une nouvelle

« quantité » de valeurs. La tendance à l’ "embourgeoisement" est telle qu’il faut sans cesse

mobiliser les ressources –désirs, passions, illusions, sentiments...- de la personne.

Comme dans tout processus de communication, ce qui est important c’est surtout ce

que l’on communique. Ne rien avoir à transmettre signifie assurément l’échec. Ensuite, il faudra

adapter les formes au fond de la communication. En ce qui concerne la discussion sur le fond

et la forme de la communication, je tiens à répéter que la forme est bien souvent comprise

dans le fond et qu’ils ne doivent pas –et ne peuvent pas - être séparés artificiellement.

40

Les valeurs ne peuvent être limitées à des réalités admirées mais non intégrées. La

définition de valeurs exige toujours un changement. Même si cela semble ironique, la définition

de valeurs pour une collectivité suppose généralement l’obligation d’une transformation

personnelle chez les membres de la direction (WALDROOP et BUTLER, 1996, p. 114),

semblable ou même plus importante que celle demandée aux autres.

2.6. Le MPV est-il pleinement satisfaisant ?

Le MPV contient d’indéniables contributions aux théories du Management, mais il est

nécessaire d’en signaler les contraintes. Nous nous y prendrons en deux phases : tout d’abord,

les contraintes de type théorique, incontournables même si elles paraissent obscures. Ensuite,

nous analyserons d’autres obstacles d’ordre plutôt pratique.

2.6.1. Objections conceptuelles au MPV

Du point de vue conceptuel, la civilisation occidentale, après le fiasco de l’homme

projeteur, exerçant une volonté universelle défendue par les nihilistes de la fin du XIXème, a

placé sa confiance dans d’autres réalités que l’on trouve chez la personne et offrant un

caractère préréflexif, non programmé. De nombreux théoriciens du management sont tombés

du rationalisme dans un romantisme désorienté, qui tente de trouver des points de repère pour

l’Action Dirigeante.

Certains penseurs contemporains ont étudié en détail la généalogie du manque

d’idéaux qui a engendré tant d’insatisfaction dans le monde du travail. On peut signaler, entre

autres, le manque de respect des besoins les plus profonds de l’homme, ce qui entraîne son

avilissement puis son acceptation du travail comme un moindre mal, par lequel on obtient

uniquement la subsistance (y compris les biens, même s’ils sont ostentatoires). On trouve

parfois également un certain degré d’autoaffirmation personnelle, conséquence de tout

l’attirail qui entoure certains postes : même si ce n’est que temporairement, cela étouffe

d’autres demandes. S’il n’y a pas d’autres motivations, on cherche alors des gains permettant

de s’élever dans la pyramide sociale.

Suite aux échecs plus ou moins retentissants d’autres théories de la motivation, le

MPV jugea que la formation de l’entreprise devait offrir aux employés un certain degré de

bonheur que l’on atteint lorsque ce qui est proposé est positif. Parallèlement, on insiste sur

41

l’accablement que peut produire le fait d’assumer une valeur négative. La MPV est

significative quant à ce qu’elle affirme, mais est insuffisante pour ce qu’elle ignore. Il manque

quelque chose : mettre chaque personne face à face avec son être (Sein) et avec sa valeur en

tant que personne (Wertsein), et non pas par rapport à une autre ou à d’autres.

La personne n’est pas motivable en permanence par des valeurs a priori : même si

elles provoquent de l’enthousiasme, elles ont un aspect clairement subjectiviste. De plus, la

valeur se situe, en tout cas, en dehors de la personne. Le MPV n’est pas une mauvaise chose,

mais c’est très peu, parce qu’il ne tient pas suffisamment compte du fait que l’homme est,

pour lui-même, une cause efficiente de son autoréalisation ou de son autodestruction.

Les valeurs proposées dans le MPV sont exclusivement des contenus de la

conscience et, par conséquent, elles n’améliorent pas la personne intérieurement. Même si un

travailleur se sent volontairement enclin à la réalisation d’une valeur, cela ne signifie pas qu’elle

le perfectionne réellement. Le MPV indique le besoin de réalisation –d’arriver à être ce que

l’on doit être- qui existe chez tout travailleur, mais il ne définit pas un système motivateur

ayant des aspirations de permanence (une fois de plus et en aucun cas, d’exclusivité). Pour les

moins avertis, il est important de signaler que les habitudes n’ont rien à voir avec une courtoisie

niaise de bourgeois aisé, mais qu’elles font parties au contraire du zénith de la créature.

Assumer des habitudes opérationnelles ne signifie pas forcément avoir un esprit vif ou

une capacité technique pour le développement de certains travaux. Il s’agit plutôt de parvenir

à des façons d’agir et de comprendre la réalité qui non seulement facilitent le travail, mais

donne du sens également à l’effort.

2.6.2. Difficultés pour la mise en place d’un MPV

En plus des objections conceptuelles brièvement évoquées, il existe des obstacles

opérationnels pour la mise en place d’un MPV. Les principaux obstacles sont dus à une

société dont le point de repère maximum est monétaire. Bien trop souvent, on estime les

personnes pour ce qu’elles ont. Dans ces circonstances, des valeurs telles que la loyauté, la

fidélité, le renoncement aux projets personnels en faveur d’autrui, etc., sont négligées, voire

explicitement rejetées.

La mise en œuvre effective d’un MPV passera par une définition graduelle et

systématique des valeurs que l’on considère primordiales. Après avoir été assumées par la

42

Haute Direction, aussi bien au niveau théorique que dans les applications pratiques, elles

devront être proposées à l’encadrement. En cascade, ils devront les proposer –avec les

modifications ou adaptations opportunes – à leurs subordonnés afin d’étendre le rayon

d’action à tous les membres de la Compagnie.

Il ne suffira pas d’énoncer les valeurs. Il faudra les promouvoir efficacement, en leur

donnant de l’importance à l’aide de signes extérieurs. Par exemple, en récompensant certains

comportements et en pénalisant ceux correspondant à des contre-valeurs.

Les principaux problèmes rencontrés pour atteindre les objectifs fixés par un MPV

seront :

1.- Que tous les membres de l’entreprise partagent les valeurs définies comme étant

les mieux adaptées : il n’est pas étrange qu’il y ait des « rebelles » qui considèrent qu’il existe

d’autres valeurs plus opportunes ;

2.- L’inertie, car ce qui a été réalisé jusqu’alors suppose un poids (pas forcément un

poids mort car il est parfois “propulseur”) lorsqu’il s’agit d’indiquer de nouveaux objectifs ;

3.- La crainte que les nouvelles valeurs ne modifient le statu quo ;

4.- La paresse, car face à toute nouveauté il est nécessaire de surmonter des obstacles

;

5.- L’ironie de ceux qui, intellectuellement vieux, considèrent que rien ne peut être

changé ; et

6.- La pression du quotidien, qui use les meilleures énergies, limitant le soin et le temps

réel consacrés aux nouvelles propositions.

Ces quelques lignes ne visent pas l’application pratique d’un MPV –elles portent

davantage sur sa définition théorique-, mais nous estimons qu’il faudra, pour toute entreprise,

définir de façon spécifique les leviers les plus appropriés : il est difficile de donner des recettes

à ce sujet.

3.- Un défi postérieur : la promotion d’Habitudes Opérationnelles : le MPH

Face au MPV, plutôt lié à une perception purement subjectiviste du travail, le

Management Par Habitudes (MPH) offre une vision globale du sacrifice que suppose le travail

et de la personne qui le réalise. Ainsi, le MPH, en plus des fruits du travail que plusieurs

43

auteurs centre-européens dénomment travail objectif (les fruits externes du travail :

l’automobile construite, le livre écrit, la maison bâtie, etc.), étudie et tente de perfectionner

conjointement le travail subjectif : ce qui demeure chez l’homme après avoir réalisé son travail,

ce qui lui arrive dans son intimité, dans sa mêmeté.

Le travail subjectif est précisément ce qui revient au travailleur comme fruit de son

comportement. Même lorsque nous ne travaillons pas, ni physiquement, ni psychiquement, il

existe un travail subjectif, car nous sommes les enfants de nos œuvres mais aussi de notre

passivité. C’est précisément dans les loisirs que notre comportement est remarquable car,

dans ces circonstances où rien de l’extérieur ne force notre volonté, nous nous manifestons

clairement, sans intermédiaires déformant la racine de notre être. Les loisirs sont une bonne

chose car il est important d’avoir l’esprit "alerte". Cependant, des loisirs mal compris mènent à

la fainéantise et celle-ci nuit aux meilleures énergies.

Karl Marx faisait référence au concept de travail subjectif lorsqu’il parlait de la plus-

value dont l’ouvrier était dépossédé par le bourgeois. Il ne se référait pas ici à une quantité

d’argent que les propriétaires volent aux employés. Si cela avait été le cas, il aurait été aisé de

démonter le marxisme. Le sujet abordé était plus profond : la plus-value renvoyait à ce qui

reste du travailleur dans le fruit même de son travail et qui répond à une sorte d’essence volée.

Le travail subjectif forme ou défigure la personne. Soit nous nous renforçons, soit

nous nous autoanéantissons. Toute action nous raffermit ou nous enfonce. Avec la particularité

que tant que nous sommes vivants, il est possible de rectifier ce qui a été fait. La seule limite à

la croissance continue de la personne c’est la frontière de son existence. Parallèlement, et

forcément, notre comportement nous rend coresponsables de la façon d’agir de ceux qui nous

entourent. La personne n’est pas un îlot -Robinson Crusoé n’existe pas !-, et chacune de nos

actions fait appel à la motivation de l’entourage, en stimulant sa créativité, ou la freine.

La personne doit devenir un moteur d’initiatives, en évitant de tomber dans le piège de

se transformer en une source de pensées paralysantes. On sème des actes et on recueille des

habitudes ; on agit et on crée –ou on détruit- en soi-même ou dans l’environnement. Ceci est

important car chaque exemple –ou le cas échéant chaque contre-exemple- a un poids

déterminant sur les comportements à venir qui, à leur tour, auront un impact sur d’autres, bien

souvent distants dans l’espace et dans le temps. La proposition faite par la théorie du chaos

44

s’accomplit alors : une agitation apparemment accidentelle quelque part sur la planète

engendre de graves dégâts ou, pour d’autres, des avantages impressionnants.

La conception des valeurs est alors clairement nuancée. Définir quelles sont les valeurs

pourra aider ou nuire, à court, à moyen ou à long terme, à beaucoup d’autres.

Il ne sera pas simple de promouvoir le désir d’une croissance illimitée. Mais il faudra

également s’arrêter sur la conception des moyens rendant cet objectif compatible avec des

décisions ennuyeuses concernant le quotidien de l’entreprise. Il semble plus simple de relever

ces défis dans le cadre des ONG's, mais –bien qu’on ne puisse pas généraliser – les situations

d’exigence qui se produisent dans de nombreuses entreprises finissent par avoir une grande

valeur de formation plus difficile à obtenir lorsque l’exigence –délais, objectifs, flux de travail,

etc.- est moindre. L’enjeu est donc de concilier les intérêts des personnes et ceux des

institutions pour lesquelles elles travaillent. Cela se produit surtout lorsque les exigences des

organisations sont claires, comme la rentabilité pour les entités commerciales par exemple.

L’équilibre entre le bénéfice des uns ou des autres ne sera jamais facile à obtenir. D’une part,

de nombreux employés aspireront à une qualité de vie toujours plus grande. D’autre part, les

entreprises souhaiteront que leurs employés se consacrent davantage à l’entreprise et y

consacrent plus d’heures. Il incombe aux dirigeants de découvrir une harmonie au sein de cette

tension.

Diriger signifie en grande partie découvrir et maintenir cette situation d’équilibre

(TREVELYAN, 1998, p. 37) entre les objectifs de la compagnie et optimiser les capacités du

personnel. Il faut être promoteur d’initiatives mais aussi « être présent », avec prudence. Il faut

veiller à l’empowerment du personnel, mais il ne faut lâcher les rênes (ARGYRIS, 1998, p.

105) à aucun moment : pousser le cheval à galoper rapidement, mais ne pas en tomber...

Si cette approche ne se produit pas, les personnes auront tendance à se réfugier dans

les difficultés externes afin de ne pas répondre aux nouvelles exigences. Les membres de la

direction, quant à eux -si la capacité d’empathie est défaillante- ne motiveront qu’avec des

éléments de rétribution qui n’atteindront jamais les ressorts profonds. On arrivera bien à

acheter la présence physique et même un sourire forcé mais on n’achètera jamais la loyauté ni

la disposition généreuse à apporter les capacités personnelles pour que l’entreprise aille de

l’avant.

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Vivre des habitudes est bien plus exigeant que d’accepter des valeurs. Tout au moins

lorsqu’ elles ne sont pas assumées avec le désir clair de les assimiler. Le MPV peut

représenter une bonne étape intermédiaire vers de nouveaux outils performants pour la

Politique et la Direction des Ressources Humaines.

Le MPH établit que la source de la véritable valeur du travail subjectif est le

perfectionnement même de la personne. Cela se produit par voie causale et non pas

émotionnelle, ni par rétribution. Il arrive que chacun s’autoréalise, s’autoperfectionne, en

fonction de ses actes : les sentiments contribuent plus ou moins au fait d’agir mais ne sont pas

définitoires.

Indiquer la bonne orientation de ces actes pour qu’ils deviennent des habitudes revient

à aider les travailleurs sur leur chemin vers le bonheur. La technique trouve toujours une

réponse si nous savons clairement ce qu’il y a de mieux pour l’homme. Pour y parvenir, il faut

rappeler que la raison et la volonté collaborent de façon étroite. Comme le disaient les

classiques : utraque ad actum alterius operatur : la volonté souhaite que la raison parvienne

à connaître, la raison comprend que la volonté veuille et comprend également ce qu’elle veut.

De cette façon, la vérité et le bien s’engagent mutuellement.

Les enjeux du MPH sont au nombre de deux : définir quelles sont les habitudes qui

conviennent à la personne et montrer le chemin à suivre pour y parvenir. Au sens strict, le

travail -la vie, en général- consiste en ce que la personne parvienne à la vérité d’elle-même

dans toutes ses actions et, parallèlement, atteigne le bien absolu pour elle-même, par sa

conduite. En définitive : vivre la vérité quant au bien réalisé dans chaque acte, puis la réalisation

du bien lié à la vérité sur son être.

Quelles sont les habitudes que la personne devrait exercer dans son travail ? Pour en

signaler quelques-unes : loyauté, sincérité, ponctualité, goût pour le travail, vigueur, prudence,

savoir-être, bon goût, responsabilité, gaieté, naturel, simplicité, générosité, magnanimité,

justice, compréhension, patience, audace, amitié, courage, bonne humeur, gratitude...

Comment y parvenir ? En voulant les assumer ! La volonté s’améliore ou empire –

s’autoréalise ou s’autodétruit- dans chacun de ses actes et, de plus, chaque action la

prédétermine pour l’avenir. Dans la mesure où la personne approfondit sa connaissance du

monde, elle peut plus adroitement soumettre ses activités à l’obtention de son bien le plus

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absolu. Un plus grand approfondissement quant au sens de son existence permet à l’homme

d’apprécier et de développer au mieux ses aptitudes, ses compétences, en tirant davantage

de profit de lui-même.

La mise en place du MPH doit tenir compte des efforts des générations sortantes

autant que de celles qui entrent fougueusement dans le monde du travail. Comme le signalait un

penseur espagnol du siècle dernier, le jeune manque de prudence, le vieux manque de

force. Unissez-les et vous aurez les deux choses en chacun d’entre eux.

Chaque personne –en évitant les réductionnismes de certains déterminismes- se

perçoit elle-même comme origine de son bien et de son mal : le MPH signale les sentiers à

suivre pour dépasser les limites susceptibles d’être surmontées. Mettre en œuvre un MPH est

quelque chose d’exigeant car cela demande de dépasser des concepts très enracinés tels que

celui de stricte justice. Celui qui ne sera pas capable de s’en éloigner s’efforcera de

maintenir les distances, ne serait-ce que de façon artificielle, forcée et antinaturelle. Dans le

MPH, il faut surmonter cette rigidité et se tourner vers des relations de travail dans lesquelles il

n’y ait pas de comptes à régler, mais les meilleurs souhaits pour les autres. Les habitudes

opérationnelles livrent le meilleur et le plus noble des personnes et nous place aux antipodes

d’un utilitarisme menant au désenchantement.

Il ne suffit pas que les valeurs « soient là », devant nous. Il faut aussi les assumer. Cela

développera précisément les habitudes opérationnelles qui dureront même lorsque la personne

ne travaillera plus pour l’entité dans laquelle ces valeurs sont promues. Les valeurs concernent,

comme nous l’avons déjà signalé, les attitudes. Personne ne devrait être critiqué pour un

manque d’aptitude (ou de qualité : par exemple, une fille parce qu’elle est laide), mais on

pourrait critiquer quelqu’un qui ne met pas en place les moyens pour améliorer ses attitudes,

autrement dit, pour assumer certaines valeurs lui permettant d’améliorer sa seconde nature.

Face à ce qu’indiquent certains auteurs (NELSON et WINTER, 1982), les habitudes

sont quelque chose de plus que de simples routines. Entre autres, parce que les valeurs

impliquent un développement permanent, alors que les routines sont une répétition de

comportements mais n’exigent aucun engagement.

Les véritables valeurs n’exhortent pas à la répétition d’actes répondant à un

"dressage". Le processus d’intériorisation est, en quelque sorte, ce qui manque au MPV. Une

47

routine sera du ressort de certaines technologies. Au sens strict, un dressage n’exige qu’un

certain degré d’accomplissement. En revanche, l’assimilation consciente et pleine de valeurs,

devenant des habitudes opérationnelles, énonce une créativité permanente. Il est toujours

possible de découvrir de nouveaux moyens de s’améliorer, grâce à la capacité toute spéciale

de croissance illimitée de l’être humain.

Aujourd’hui, après avoir démontré un grand intérêt pour le développement d’aptitudes

techniques, il est nécessaire de travailler afin de renforcer les attitudes qui rendent le travail

plus humain. Ceux qui considèrent la formation du caractère comme un aspect (TEAL, 1998,

pp. 36-7) fondamental de la préparation des dirigeants sont de plus en plus nombreux car les

habiletés techniques sont considérées comme étant « assurées » d’avance.

3.1. Du cercle vicieux au cercle vertueux

La bonne mise en œuvre d’un MPV conduira à ce que nous pourrions appeler un

cercle vertueux. Et ce, sur deux niveaux : un niveau personnel puis institutionnel. Au premier

niveau, parce que la formation de cette seconde nature dont nous avons parlé, qui soutient et

donne de la consistance à la « première » nature, est continuellement renforcée par

l’acquisition de nouvelles habitudes.

C’est également ce qui se passe pour les institutions. Elles établissent des systèmes

pour créer de la valeur. En adaptant la proposition de Liedtka et autres (1997), on pourrait

affirmer que la meilleure façon d’y parvenir serait de suivre le schéma suivant :

1.- Sélectionner les meilleurs.

2.- Développer leur potentiel et ce, en « poussant » vers le haut leurs meilleures

compétences plutôt qu’en insistant sur leurs faiblesses.

3.- Éviter qu’un brain scape ou un values scape ne se produisent, en offrant aux

meilleurs d’entre eux des conditions économiques et de reconnaissance institutionnelle

alléchantes.

4.- Renforcer les capacités de ces personnes à résoudre les problèmes, qui seront

complexes.

5.- Concevoir des propositions positives.

6.- Procurer de la valeur ajoutée aux clients afin de les fidéliser.

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7.- Retenir les meilleurs : ceux qui offrent le plus de valeur ajoutée pour l’organisation.

8.- Dans chaque phase, éliminer du système les éléments indésirables, qu’il s’agisse de

membres de l’organisation ou qu’il s’agisse de clients.

Tout cela exigera, entre autres, de perfectionner chacune des étapes de recrutement

dans l’organisation, mais il faudra également analyser avec soin pourquoi certains –employés,

dirigeants, clients, actionnaires...- abandonnent. Il y en aura toujours un pourcentage

raisonnable, mais lorsque le nombre de défections se multiplie, quelque chose va mal. Des

valeurs attirent des valeurs et des contre-valeurs attirent des contre-valeurs. Le phénomène du

halo n’est jamais un phénomène extérieur : l’ambiance dans laquelle se développent les

personnes et les organisations représente un poids important.

Pour détecter les problèmes, il faudra bien souvent disposer de "conseillers" extérieurs

qui lèveront le lièvre quant au pourquoi de certains problèmes. Il s’agira parfois de simples

routines admises. Dans ce mécanisme, l’explication ultime n’est jamais le conflit comme

certains, aveuglés par le système hégélien qui s’est si souvent avéré inexact, le prétendraient.

4.- Conclusions et propositions

Il serait naïf de penser que la mise en place de MPV's dans les entreprises et, le cas

échéant, de MPH's, mènerait à un développement de l’entreprise sans problèmes ou à des

relations entre les Ressources Humaines sans aucune "épineux". Cela n’est pas possible.

Bien trop souvent, les affrontements sont issus du désir démesuré de biens tangibles.

Le but serait d’essayer de créer les conditions favorables à ce que la plupart des personnes

puissent mener, au sein des organisations d’entreprises, une vie digne. Le MPV (et le MPH)

devrait rechercher, plus que l’inexistence de problèmes, les instruments permettant de

résoudre ces problèmes.

Remarquons également que l’intériorisation des valeurs entraîne une économie

importante. Dans la mesure où l’on parvient à ce que chacun veuille faire ce qu’il a à faire, le

nombre de contrôles diminue. Les mesures de pression –qui supposent toujours un

investissement économique – diminuent dans la mesure où ceux qui travaillent dans

l’organisation ont assumé les valeurs dont nous avons parlé.

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La dernière question à se poser sera la suivante : qu’avons-nous tenté de faire, avant

de quitter l’organisation (ou, en termes plus apocalyptiques, ce monde), pour qu’elle soit un

peu meilleure que lorsque nous sommes arrivés ?

Répondre de façon responsable à cette question est déjà une valeur en soi et

entraînera l'acquisition de valeurs. Les comptes d’exploitation en bénéficieront également.

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