management des entreprises · 2020. 11. 21. · prise, représentée par un manager dirigeant, doit...

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management des entreprises stratégie • structure organisation Richard Soparnot + de 60 cas d'entreprise commentés

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managementdes entreprises

strateacutegie bull structure organisation

Richard Soparnot

+ de 60 cas

dentreprise

commenteacutes

NordCompo
Piegravece jointe
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Management des entreprises

Management des entreprisesStrateacutegie bull Structure bull

Organisation

Richard Soparnot

copy Dunod Paris 2009

Conseiller eacuteditorial Olivier Meier

ISBN 978-2-10-054254-3

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Avant-propos 3

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise 7

Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lrsquoentreprise 81 Lrsquoanalyse externe 102 Lrsquoanalyse interne 233 Les choix strateacutegiques 30

Section 2 Les fonctions principales 461 La logistique 462 La production 493 Le marketing 52

Section 3 Les fonctions de soutien 601 Les services financiers 602 La gestion des ressources humaines 643 Le deacuteveloppement technologique 704 Les approvisionnements 745 Le deacuteveloppement durable 77

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Table des matiegraveres

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

VI

Les structures drsquoentreprises 89

Section 1 Les paramegravetres de structuration 901 La speacutecialisation 902 La coordination 933 La formalisation 964 La centralisation 985 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie

de la diffeacuterenciation-inteacutegration 99

Section 2 Les types de structures 1031 La structure fonctionnelle 1032 La structure divisionnelle 1073 La structure matricielle 1114 La structure en reacuteseau 1145 Les structures par projet 118

Section 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure 1211 La taille de lrsquoentreprise 1212 La technologie 1233 La strateacutegie 1254 Lrsquoenvironnement 1275 La culture nationale 1296 Lrsquoapproche configurationniste 131

Les comportements humains et le management des hommes 137

Section 1 Les comportements humains dans lrsquoorganisation 1381 La motivation et lrsquoimplication 1382 Les jeux de pouvoir 1443 Le stress 1474 La coopeacuteration interindividuelle 1505 Le rocircle du groupe 153

Section 2 Le management des personnes 1571 Le leader et le manager 1572 Les styles de management des personnes 1613 La deacutecision 1644 Le travail en eacutequipe 1695 La culture drsquoentreprise 172

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Table des matiegraveres

Le changement organisationnel 177

Section 1 Les dimensions du changement organisationnel 1781 Les facteurs de changement 1792 Les processus de changement 1833 Les types de changement 1854 La reacutesistance au changement 190

Section 2 La conduite du changement organisationnel 1931 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement 1932 Le paradigme complexe de la gestion du changement 2013 La capaciteacute organisationnelle de changement 206

Conclusion 215

Bibliographie 217

Cybergraphie 223

Index des thegravemes 225

Index des entreprises 229

Index des auteurs 231

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rsquoexprime mes sincegraveres remerciements agrave Ana Luiza Cicconi assistante derecherche agrave lrsquoESCEM pour sa contribution agrave la reacutedaction des exemples Son

deacutevouement son seacuterieux et la qualiteacute de son travail ont grandement contribueacute agrave lareacutealisation de cet ouvrage

Mes remerciements vont eacutegalement agrave Caroline mon eacutepouse pour sa compreacutehen-sion sa bonne humeur quotidienne et son soutien infaillible

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anagement des entreprises srsquoinscrit dans le prolongement drsquoun preacuteceacute-dent ouvrage intituleacute Organisation et gestion de lrsquoentreprise eacutegalement

eacutediteacute par les Eacuteditions Dunod Il srsquoen rapproche car la theacutematique geacuteneacuterale et la tramede lrsquoouvrage demeurent identiques et srsquoen distingue drsquoune part parce que denouveaux domaines sont abordeacutes (chaque chapitre est ainsi densifieacute au niveau theacuteo-rique) et drsquoautre part parce que les cas drsquoillustration sont plus nombreux et plusvolumineux Lrsquoesprit drsquoOrganisation et gestion de lrsquoentreprise est donc conserveacuteLes concepts sont preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique et sont systeacutematiquement illustreacutespar des exemples issus de lrsquoactualiteacute reacutecente de la vie des affaires

Le preacutesent ouvrage srsquoadresse principalement aux eacutetudiants des universiteacutes deseacutecoles drsquoingeacutenieur et de commerce suivant un cursus ou un cours deacutedieacute agrave lrsquoorganisa-tion et au management des entreprises Les cadres et dirigeants en exercice trouventeacutegalement un inteacuterecirct agrave lire cet ouvrage ils y deacutecouvrent de nombreuses cleacutes pourdeacutecrypter la vie des affaires dans laquelle ils sont immergeacutes et qursquoils contribuent agraveenrichir

Management des entreprises vise donc agrave comprendre les pheacutenomegravenes organisa-tionnels qui caracteacuterisent la vie drsquoune entreprise et des individus qui la composentAvec plus de trois millions drsquoentreprises seulement en France des PME (petites etmoyennes entreprises ndash le nombre de salarieacutes est compris entre 1 et 500) comme desGE (grandes entreprises ndash lrsquoeffectif deacutepasse 500 salarieacutes) eacutevoluant toutes dans dessecteurs tregraves diffeacuterents ndash il est drsquousage de distinguer les secteurs primaire (activiteacutesen relation avec la nature comme la pecircche lrsquoagriculturehellip) secondaire (activiteacutes detransformation comme lrsquoautomobile le bacirctimenthellip) et tertiaire (activiteacutes de service

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Avant-propos

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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comme la banque le tourismehellip) ndash la vie des entreprises est particuliegraverementcomplexe Deacutecrypter cette complexiteacute et faciliter la compreacutehension du monde desentreprises sont les objectifs du preacutesent opus

Posons drsquoembleacutee que lrsquoentreprise combine un ensemble de moyens humains tech-niques financiers et mateacuteriels afin de produire des biens et services et les commer-cialiser sur le marcheacute et qursquoelle se caracteacuterise par des finaliteacutes eacuteconomiques socialeset socieacutetales Eacuteconomique parce que lrsquoentreprise doit deacutegager les ressources finan-ciegraveres neacutecessaires agrave son deacuteveloppement et sa peacuterenniteacute Sociale parce qursquoelleemploie des individus et satisfait nombre de leurs besoins Socieacutetale car lrsquoactiviteacute delrsquoentreprise a une influence consideacuterable sur la socieacuteteacute (niveau de vie pauvreteacutechocircmagehellip) et lrsquoenvironnement eacutecologique (eacutemissions polluantes deacutechetshellip) Cecieacutetant poseacute nous proposons de consideacuterer le management et lrsquoorganisation des entre-prises autour de quatre grands domaines

Le premier concerne la strateacutegie de lrsquoentreprise et les fonctions qui la composentEn effet pour atteindre diffeacuterents objectifs (par exemple la croissance du chiffredrsquoaffaires lrsquoaugmentation des profits le versement de dividendes aux actionnaireslrsquoaccroissement de la reacutemuneacuteration des salarieacuteshellip) le manager geacuteneacuteral de lrsquoentre-prise analyse son environnement et son entreprise formule une strateacutegie et srsquoassurede la mise en œuvre Cette opeacuterationnalisation repose en partie sur lrsquoexpertise desdiffeacuterentes fonctions de lrsquoentreprise (marketing financiegravere gestion des ressourceshumaines recherche et deacuteveloppementhellip) Notons toutefois que le rocircle des mana-gers de fonctions ne se limite pas agrave un rocircle strict drsquoexeacutecution ils contribuent souventagrave lrsquoanalyse comme agrave la formulation strateacutegique

Le second domaine se reacutefegravere agrave la structure des entreprises En effet les deacutecisionset actions des acteurs situeacutes en diffeacuterents points de lrsquoentreprise doivent convergervers la reacutealisation des objectifs strateacutegiques Une mecircme entreprise peut ainsi conce-voir les produits en Europe et les fabriquer en Asie ce qui engendre un besoineacutevident de coordination Afin drsquoassurer cette conjonction une architecture geacuteneacuteraledoit exister Cette ossature (ou structure) permet donc de deacutecouper et reacutepartir letravail entre les entiteacutes de lrsquoentreprise et de coordonner leurs actions respectives

Le troisiegraveme domaine renvoie au comportement humain et au management desindividus En effet les entreprises sont avant tout des organisations humaines crsquoest-agrave-dire des systegravemes dont le fonctionnement est deacutetermineacute par les actes quotidiensdes individus qui les composent Il srsquoagit donc en premiegravere instance de comprendreles ressorts des comportements des personnes dans le contexte particulier de lrsquoentre-prise et en second lieu drsquoidentifier les moyens de les geacuterer

Enfin le quatriegraveme domaine traite du changement dans les entreprises En effetles entreprises font face agrave des eacutevolutions plus ou moins brutales radicales etfreacutequentes du milieu dans lequel elles opegraverent (arriveacutee drsquoun concurrent eacutemergencedrsquoune nouvelle technologiehellip) Le maintien de leur performance parfois mecircme leursurvie deacutepend de leur capaciteacute agrave saisir ces changements agrave les interpreacuteter convena-

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Avant-propos

blement et agrave adopter des reacuteponses approprieacutees (reacuteorientation strateacutegique reacutevolutionculturellehellip) Le thegraveme du changement organisationnel est ainsi au cœur du mana-gement des entreprises

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise la structure les comportementshumains et le management des personnes et enfin le changement organisationnelsont donc deacuteveloppeacutes dans ce qui suit Tels sont les domaines auxquels srsquointeacuteresseparticuliegraverement Management des entreprises

Nous vous en souhaitons bonne lecture

1Chapitre

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fin drsquoatteindre ses objectifs eacuteconomiques sociaux et socieacutetaux lrsquoentre-prise repreacutesenteacutee par un manager dirigeant doit eacutelaborer une strateacutegie

geacuteneacuterale Celle-ci fixe une ligne drsquohorizon un cap vers lequel elle srsquooriente et cons-titue agrave ce titre le fil conducteur des diffeacuterentes deacutecisions prises en son sein En cesens les activiteacutes drsquoachat de matiegraveres premiegraveres de fabrication des produits demarketing et de vente de lrsquooffre de recrutement de collaborateurshellip doivent ecirctre enphase avec la strateacutegie geacuteneacuterale de lrsquoentreprise Celle-ci constitue donc le cadre inteacute-grateur et de coheacuterence des missions de chaque fonction La premiegravere section lui estconsacreacutee Dans le prolongement il est important drsquoidentifier les fonctions quicomposent lrsquoentreprise leur peacuterimegravetre drsquoactions leurs objectifs prioritaires et leurstechniques et outils speacutecifiques Il est drsquousage de les regrouper en deux cateacutegoriesTandis que la seconde section srsquointeacuteresse aux fonctions principales la troisiegravemeanalyse les fonctions support

Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lrsquoentrepriseSection 2 Les fonctions principalesSection 3 Les fonctions de soutien

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

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LE MANAGER DIRIGEANT ET LA STRATEacuteGIEDE LrsquoENTREPRISE

Le domaine de la strateacutegie de lrsquoentreprise relegraveve du sommet de lrsquoentreprise Dansles grandes entreprises les questions strateacutegiques sont traiteacutees par le comiteacute dedirection un organe manageacuterial composeacute du dirigeant et drsquoune eacutequipe de cadressupeacuterieurs Pour autant le manager dirigeant y joue un rocircle central car il porte laresponsabiliteacute des succegraves et des eacutechecs de la firme Dans les PME cette personnali-sation est encore plus marqueacutee le dirigeant souvent proprieacutetaire intervient le plussouvent seul dans les deacutecisions strateacutegiques Le rocircle du manager dirigeant danslrsquoentreprise a ainsi eacuteteacute preacuteciseacute par certains travaux La plus ceacutelegravebre eacutetude est celle deMintzberg (1984) Elle nous donne lrsquooccasion de comprendre de faccedilon plus finequelles sont effectivement les missions du manager Apregraves une eacutetude minutieuse delrsquoactiviteacute reacuteelle drsquoun manager il identifie dix comportements qursquoil est possible deregrouper en trois rocircles principaux les rocircles interpersonnels (les activiteacutes relation-nelles) informationnels (la gestion de lrsquoinformation) et deacutecisionnels (la productionde deacutecisions) Preacutesentons-les de faccedilon syntheacutetique

Repreacutesentant lrsquoautoriteacute formelle dans lrsquoentreprise le manager entretient des rela-tions avec de nombreuses personnes subordonneacutes clients partenaires administra-teurs responsables drsquoorganisations professionnelleshellip Agrave ce titre il doit satisfaire agravedes obligations relationnelles (accueillir des personnaliteacutes se rendre agrave des ceacutereacutemo-nies assister agrave des confeacuterenceshellip) Lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeant dans une entre-prise se traduit ainsi par une premiegravere phase de rencontre des diffeacuterentes partiesprenantes Ces multiples contacts lui permettent de glaner de nombreuses informa-tions Sa position dans et agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoorganisation et son reacuteseau relationnel luiconfegraverent une place privileacutegieacutee pour obtenir une information riche et fiable Il endeacutecoule pour le manager un rocircle drsquoagent de liaison il va transfeacuterer ces informationsaux personnes influentes (directeurs geacuteneacuteraux actionnaireshellip) et ainsi asseoir saposition dans lrsquoorganisation Pour autant cette information lui sert eacutegalement agraveremplir une fonction tout aussi importante la prise de deacutecision En ce sens il cher-che agrave adapter son entreprise aux changements majeurs de lrsquoenvironnement agraveameacuteliorer les pratiques en place et agrave multiplier les projets (nouveaux produits etouproceacutedeacutes reacuteorganisation acquisitions drsquoentreprises ouverture drsquoune filiale agrave lrsquoeacutetran-gerhellip) Le manager doit aussi faire face agrave des perturbations freacutequentes et traiter desproblegravemes impreacutevus (la perte drsquoun gros client la deacutefaillance drsquoun fournisseur desproblegravemes de qualiteacutehellip) Toutes ces deacutecisions qursquoelles soient relatives agrave des projetsdrsquoenvergure etou agrave des problegravemes immeacutediats neacutecessitent des arbitrages quant auxressources agrave engager Le manager gegravere en effet des ressources de nature diverse(argent temps et personnes) Il veille ainsi agrave ce que les deacutecisions soient coheacuterentesles unes avec les autres srsquoassure de leur coucirct de leur acceptabiliteacute par les subordon-neacutes de leur faisabiliteacute et des deacutelais de reacutealisation Il reacutesulte de ce rocircle de reacutegulateurune mission drsquoexplicitation et de neacutegociation aupregraves des deacutetenteurs de ressources

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Repegraveres Carlos Ghosn un manager drsquoexception

Lrsquoentreprise japonaise Nissan a presque connu la faillite en 1999 date de son alliance avecRenault Son endettement srsquoeacutelevait alors agrave 22 milliards de dollars ses parts de marcheacute necessaient de diminuer les pertes eacutetaient constantes et par conseacutequent sa valeur boursiegraveresrsquoeffondrait Cependant entre les mains de Carlos Ghosn lrsquoentreprise srsquoest peu agrave peurenouveleacutee et a pu tel le pheacutenix renaicirctre de ses cendres La strateacutegie de Carlos Ghosn eacutetaitbaseacutee sur quatre principes lrsquoengagement sur les reacutesultats des mesures rapides des solu-tions trouveacutees en interne et le multiculturalisme Ces mesures permirent agrave Carlos Ghosnde remettre le constructeur automobile sur de bons rails Trois ans plus tard Nissan deacutega-geait des beacuteneacutefices et sa marge opeacuterationnelle srsquoeacutelevait agrave 79 du chiffre drsquoaffaires (le chif-fre le plus eacuteleveacute de lrsquohistoire de la firme) La dette fut eacutegalement reacuteduite de plus de 80 etles ventes avaient cesseacute de baisser Enfin la valeur des actions eacutetait remonteacutee agrave un niveausatisfaisant

Lrsquoengagement sur le reacutesultatCarlos Ghosn a pousseacute agrave lrsquoextrecircme la notion drsquoengagement chez Nissan Les managers enplace devaient srsquoengager agrave atteindre certains objectifs chiffreacutes Lui-mecircme srsquoeacutetait fixeacute desobjectifs ambitieux ses engagements eacutetaient degraves la premiegravere anneacutee le retour aux beacuteneacute-fices la reacuteduction de la moitieacute de la dette et une marge opeacuterationnelle supeacuterieure agrave 45 du chiffre drsquoaffaires Pour montrer le seacuterieux de son engagement Carlos Ghosn promit quesi ses objectifs nrsquoeacutetaient pas atteints les membres du comiteacute exeacutecutif et lui-mecircme deacutemis-sionneraient Avec une telle pression les managers nrsquoavaient drsquoautre choix que de faire lemaximum pour tenir les objectifs Les objectifs du laquo Nissan Revival Plan raquo furent finale-ment atteints en deux ans au lieu de trois

Des mesures rapidesPour Carlos Ghosn changer eacutetait neacutecessaire mais la vitesse du changement eacutetait plusimportante encore Il devait obtenir des reacutesultats rapidement pour susciter lrsquoimplicationdes managers et regagner la confiance des clients Son plan a drsquoailleurs eacuteteacute mis en pratiqueavant mecircme la signature de lrsquoalliance avec Renault Lrsquourgence du changement avait permisagrave Ghosn drsquoappliquer sa conception du travail Il fit prendre conscience agrave ses eacutequipes que laplanification eacutetait la tacircche la moins importante et que lrsquoaction devait preacutevaloir Crsquoeacutetait lecontraire qui preacutedominait agrave Nissan

Des solutions trouveacutees en interneCarlos Ghosn ne croyait pas aux recettes preacutefabriqueacutees des cabinets de conseils Pour lui lasolution au problegraveme de Nissan se trouvait au sein de lrsquoentreprise Il a donc visiteacute tous lessites de Nissan dans le monde de faccedilon agrave comprendre ce qui se passait exactement Decette faccedilon il a creacuteeacute des groupes de travail internes responsables drsquoune mission preacuteciseChaque groupe disposait drsquoune relative autonomie mais drsquoaucun pouvoir de deacutecision Lesgroupes devaient rendre compte de leur reacuteflexion directement au comiteacute exeacutecutif Cela amarqueacute les esprits des salarieacutes japonais qui nrsquoavaient jamais eacuteteacute habitueacutes agrave srsquoexprimer dela sorte

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Ces diffeacuterentes activiteacutes regroupeacutees autour des rocircles interpersonnels information-nels et deacutecisionnels sont eacutetroitement lieacutees Elles srsquoenrichissent mutuellement Inseacute-parables les unes des autres elles forment une Gestalt un tout inteacutegreacute et caracteacuterisele meacutetier de manager dirigeant

Cette description renvoie fondamentalement au rocircle de strategravege Parce que la stra-teacutegie est faite de deacutecisions qui assurent la compeacutetitiviteacute durable de lrsquoentreprise (rocircledeacutecisionnel) et parce qursquoelle naicirct des interactions entre lrsquoenvironnement et lrsquoorgani-sation (rocircles informationnel et relationnel) le manager dirigeant a pour responsabi-liteacute premiegravere la formulation de la strateacutegie de lrsquoentreprise Celle-ci se deacutefinit commelrsquoensemble des deacutecisions drsquoallocation de ressources par lesquelles lrsquoentreprisedomine ses concurrents crsquoest-agrave-dire construit et maintient un avantage concurren-tiel et se deacuteveloppe sur un ou plusieurs marcheacutes via un systegraveme drsquooffre (produitsetou services) De ce fait les deacutecisions strateacutegiques se caracteacuterisent par un niveaude risque eacuteleveacute ndash elles engagent lrsquoentreprise sur une longue peacuteriode ndash une grandeincertitude ndash de multiples eacutevegravenements peuvent survenir et remettre en question leurpertinence initiale ndash et une complexiteacute extrecircme ndash les deacutecisions se prennent en situa-tion informationnelle limiteacutee (Johnson et al 2008)

Lrsquoeacutelaboration drsquoune strateacutegie drsquoentreprise suppose une phase preacutealable drsquoanalyseCelle-ci est supposeacutee eacuteclairer le dirigeant sur les caracteacuteristiques de lrsquoenvironnementdans lequel opegravere lrsquoentreprise (analyse externe) et celles de la firme agrave proprementparler (analyse interne) Pour cela lrsquoanalyse strateacutegique repose sur une batterie detechniques et drsquooutils La synthegravese de cette double analyse permet drsquoeacutevaluer la capa-citeacute de lrsquoentreprise agrave reacutepondre favorablement aux enjeux de son environnement etdrsquoorienter le dirigeant quant aux choix strateacutegiques agrave retenir

1 Lrsquoanalyse externe

Pour mener le diagnostic externe nous proposons de concentrer notre attention surdeux meacutethodes compleacutementaires drsquoanalyse de la concurrence (modegravele des cinq

Le multiculturalismeCarlos Ghosn est connu pour son multiculturalisme Drsquoorigine franco-libano-breacutesiliennepolyglotte il a travailleacute sur quatre continents Mais avant de reprendre la direction deNissan il ne connaissait rien du Japon Ce qui importe pour ce manager nrsquoest pas deconnaicirctre les autres cultures mais de savoir les respecter Crsquoest de cette faccedilon qursquoil aconduit la transformation chez Nissan En consideacuterant les speacutecificiteacutes culturelles de lrsquoentre-prise et du pays dont elle est originaire Malgreacute cela Carlos Ghosn srsquoest eacuteloigneacute de certai-nes traditions japonaises Il a notamment proceacutedeacute au deacutemantegravelement du keiretsu dontNissan faisait partie (un conglomeacuterat drsquoentreprises) supprimeacute les postes de preacutesidentsreacutegionaux introduit une nouvelle forme de reacutemuneacuteration variable baseacutee sur la perfor-mancehellip Aujourdrsquohui la populariteacute de Carlos Ghosn au Japon est telle qursquoil est devenu leheacuteros drsquoun manga

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forces et des groupes strateacutegiques) et de conclure en traitant du concept de facteurscleacutes de succegraves

Le modegravele des cinq forces permet drsquoanalyser lrsquointensiteacute de la concurrence quisrsquoexerce dans une industrie et en conseacutequence drsquoeacutevaluer sa profitabiliteacute SelonPorter (1982) lrsquoanalyse concurrentielle ne se limite pas exclusivement au champ descompeacutetiteurs intervenant dans lrsquoindustrie Il convient alors drsquoeacutelargir le champconcurrentiel agrave lrsquoensemble des acteurs eacuteconomiques en transaction Un secteur quelqursquoil soit est donc inseacutereacute entre un ensemble de fournisseurs et de clients Ces deuxcateacutegories drsquoacteurs exercent sur les entreprises du secteur des pressions variables(en termes de prix de deacutelai de paiementhellip) De mecircme la concurrence agrave laquelle selivrent entre elles les entreprises constitue une troisiegraveme menace (crsquoest la rivaliteacuteintrasectorielle) Ensuite les acteurs situeacutes hors de lrsquoindustrie peuvent envisager dese diversifier et font peser une menace suppleacutementaire Enfin les produits ou techno-logies de substitution constituent une ultime menace concurrentielle Finalementlrsquointensiteacute concurrentielle drsquoun secteur est repreacutesenteacutee par cinq forces (figure 11)

Figure 11 mdash Le modegravele des 5 forces

Une industrie sera drsquoautant plus concurrentielle (donc peu profitable et risqueacuteepour les acteurs en place) que les menaces sont intenses Cette intensiteacute deacutepend elle-mecircme de critegraveres propres agrave chaque force

Ainsi pour eacutevaluer le danger que les fournisseurs et les clients repreacutesentent sur lesecteur il faut examiner le pouvoir relatif qursquoils deacutetiennent Celui-ci se manifeste

Entrants Potentiels

Entrants Substituts

Concurrents dusecteur

ClientsFournisseurs

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par une pression sur les prix une reacuteduction de la qualiteacutehellip Le pouvoir des fournis-seurs et des clients deacutepend notamment des conditions suivantes Tout drsquoabord laconcentration relative drsquoun secteur fait reacutefeacuterence agrave la reacutepartition des parts de marcheacutesur un nombre plus ou moins grand drsquoentreprises Certains secteurs sont tregraves concen-treacutes deux ou trois entreprises controcirclant 60 agrave 70 du marcheacute drsquoautres sont beau-coup plus atomiseacutes Une concentration supeacuterieure confegravere au secteur qui enbeacuteneacuteficie un pouvoir de neacutegociation plus important Ensuite la qualiteacute lieacutee signifieque la valeur du produit fabriqueacute (ou du service rendu) par un secteur est fortementdeacutetermineacutee par la qualiteacute de ce qui est acheteacute au fournisseur Si tel est le cas lesecteur fournisseur possegravede vis-agrave-vis du secteur client un pouvoir de neacutegociationimportant De mecircme la diffeacuterenciation des produits rend la substitution drsquoun produitagrave lrsquoautre tregraves difficile et confegravere un pouvoir au secteur fournisseur sur le secteurclient En revanche lorsque les produits sont banaliseacutes le pouvoir de marcheacute desfournisseurs est beaucoup plus faible Le coucirct de transfert constitue un quatriegravemecritegravere Il se mesure par les deacutepenses engendreacutees par un changement de fournisseurPlus le coucirct de transfert est eacuteleveacute plus le secteur client est lieacute agrave celui des fournis-seurs le pouvoir de ce dernier croicirct en conseacutequence Enfin la concentration deseacutechanges confegravere un pouvoir de neacutegociation important au secteur qui repreacutesentepour le secteur partenaire une part importante de ses deacuteboucheacutes Le risque drsquounetrop grande concentration des ventes sur un seul type de clientegravele est ainsi bienconnu

Lrsquoeacutevaluation des menaces externes est repreacutesenteacutee par lrsquoentreacutee dans un secteurdrsquoun nouveau concurrent (menace drsquoentrants potentiels) et lrsquoirruption de produits oude services de substitution Leurs effets sont soit de diminuer la demande disponiblesoit de reacuteduire la part absolue du marcheacute du produit ou service traditionnel Analy-sons tout drsquoabord la menace de nouveaux entrants

Cette derniegravere provient drsquoentreprises qui pourraient par creacuteation ou par rachat sepreacutesenter dans le secteur avec une offre compeacutetitive Une entreprise est ainsi suscep-tible de devenir un nouvel entrant si elle srsquoy trouve un inteacuterecirct Celui-ci varie notam-ment en fonction des conditions suivantes Lorsque lrsquoactiviteacute envisageacutee srsquoinsegraverefacilement dans les activiteacutes actuelles de lrsquoentreprise qui possegravede deacutejagrave les compeacuteten-ces requises la menace de nouveaux entrants srsquoaccentue De mecircme lorsque lesecteur cibleacute repreacutesente un potentiel de croissance et de rentabiliteacute inteacuteressant il estattractif pour les entrants potentiels Eacutegalement lorsque lrsquoentreacutee dans le secteurconvoiteacute ne repreacutesente pas un coucirct dissuasif la menace srsquointensifie En effet unnouveau concurrent ne peut srsquoimplanter dans un secteur qursquoagrave deux conditions quelrsquoaccegraves au secteur soit possible sur le plan financier technique juridique (en fonc-tion des barriegraveres agrave lrsquoentreacutee) et que les concurrents en place le laissent srsquoimplanter(en fonction de la capaciteacute de riposte) Eacutetudions plus en deacutetail ces deux dimensions

Les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee constituent des verrous qui limitent les possibiliteacutesdrsquoaccegraves au secteur et freinent lrsquointrusion de nouveaux concurrents Ces barriegraveresdeacutependent

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ndash des eacuteconomies drsquoeacutechelle Elles impliquent une taille minimale pour atteindre descoucircts compeacutetitifs et concernent toutes les fonctions de lrsquoentreprise production(capaciteacute minimale de lrsquooutil) marketing (taille minimale du budget de publiciteacute)recherche et deacuteveloppement (budget minimum)hellip

ndash de certains avantages de coucircts dont beacuteneacuteficient les acteurs en place Ils consti-tuent un obstacle deacuteterminant Lrsquoaccegraves agrave la technologie par exemple peut ecirctreproteacutegeacute par un brevet les matiegraveres premiegraveres peuvent ecirctre controcircleacutees par quel-ques producteurs ou lrsquoexpeacuterience accumuleacutee par les firmes dominantes est sou-vent difficile agrave rattraperhellip

ndash de lrsquoaccegraves aux circuits de distribution Il constitue parfois un frein majeur Lesdistributeurs entretiennent en effet avec les fabricants en place des relations plusou moins strictes organiseacutees autour de normes de qualiteacute de niveau de prix dedeacutelais de livraison et de service Or les surfaces de vente sont limiteacutees et y acceacute-der est souvent difficile

ndash de la diffeacuterenciation des produits Elle renforce les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee Ellereacutesulte des efforts meneacutes par les fabricants pour affirmer leur image de marque etrendre fiable leur service et se traduit par la fideacuteliteacute de la clientegravele et lrsquoimportancedes coucircts de transfert rendant ainsi difficile la peacuteneacutetration dans le secteur

ndash de la politique gouvernementale Elle reacuteglemente freacutequemment lrsquoentreacutee danscertains secteurs comme les services publics ou les industries strateacutegiques etfreine la sortie dans drsquoautres cas pour proteacuteger lrsquoemploi par exemple

Si les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee peuvent srsquoaveacuterer dissuasives pour les entrants potentielsla capaciteacute de riposte des acteurs en place joue un rocircle non neacutegligeable Elle estdrsquoautant plus importante que de faibles barriegraveres agrave lrsquoentreacutee laissent preacutesager unerelative permeacuteabiliteacute de la frontiegravere La capaciteacute drsquoune profession agrave deacutecourager rapi-dement le nouvel arrivant srsquoanalyse notamment agrave partir des facteurs suivants

ndash lrsquoexistence drsquoune tradition de relations professionnelles cordiales et freacutequentesCrsquoest le fait drsquoactiviteacutes anciennes bien structureacutees qui ont su mettre en place desmeacutecanismes de deacutefense efficaces et ougrave le nombre de concurrents en place estfaible Cela se traduit par des ententes implicites entre les acteurs rendant aleacutea-toire lrsquoexistence de deacuteboucheacutes pour lrsquooffre du nouvel entrant

ndash les ressources mobilisables par les entreprises Elles leur donnent une force defrappe instantaneacutee redoutable leur permettant drsquoannuler rapidement lrsquoavantageeacuteventuel sur lequel le nouvel entrant espeacuterait srsquoappuyer

ndash la structure des coucircts et les marges existantes Elles renforcent la capaciteacute des fir-mes en place agrave riposter ne serait-ce que par une baisse brutale des prix

ndash les obstacles agrave la sortie De natures eacuteconomiques (speacutecialisation des actifs ouimportance des coucircts fixes de sortie) strateacutegiques (inter-relations compleacutementa-riteacute avec drsquoautres domaines drsquoactiviteacute) et politiques et sociaux (interventionsgouvernementales ou syndicales pour empecirccher une entreprise drsquoabandonner unsecteur) ils deacuteterminent la capaciteacute de riposte Ainsi srsquoil est facile de sortir du

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secteur certaines firmes peuvent preacutefeacuterer cette eacutechappatoire plutocirct que drsquoengagerle combat avec le nouvel entrant

Analysons maintenant la menace de produits etou de services de substitution

La substitution consiste agrave remplacer un produit ou un service existant par un autreou plusieurs autres Les produits de substitution peuvent peser sur les prix du secteuret reacuteduire consideacuterablement la rentabiliteacute des entreprises en place En confisquantune partie plus ou moins importante de la demande ils peuvent acceacuteleacuterer le deacuteclindu secteur et conduire agrave une situation de surcapaciteacute Cette menace est drsquoautant plusforte que le produit etou le service remplit la mecircme fonction drsquousage agrave un coucirct pluscompeacutetitif voire une fonction plus large procurant ainsi agrave lrsquoutilisateur une utiliteacuteplus grande Les menaces de substitution sont agrave rechercher dans les nouvelles tech-nologies qui deacutejagrave mucircres dans des activiteacutes connexes voire eacuteloigneacutees peuventsrsquoappliquer dans lrsquoactiviteacute eacutetudieacutee et faire beacuteneacuteficier le consommateur drsquoun meilleurrapport qualiteacute-prix

Enfin le jeu concurrentiel intrasectoriel constitue la cinquiegraveme menace Il sereacutefegravere agrave la forme traditionnelle de concurrence repreacutesenteacutee par les compeacutetiteurs quisrsquoaffrontent sur le marcheacute Une forte concurrence directe se traduit par exemple parune baisse des prix une augmentation des coucircts publicitaires finalement par uneeacuterosion des margeshellip La rivaliteacute entre concurrents deacutepend notamment de la crois-sance de lrsquoactiviteacute Un marcheacute en forte croissance permet en effet agrave de tregraves nombreu-ses entreprises drsquoen tirer parti en termes de marges commerciales et de retour surinvestissement Agrave lrsquoopposeacute une faible croissance creacutee de fortes tensions en particu-lier en termes de prix De mecircme la diversiteacute des concurrents par leur origine tech-nologique ou sectorielle par leur taille ou leur implantation geacuteographique conduit agraveun morcellement du marcheacute et creacutee de seacuterieuses difficulteacutes agrave percevoir le ou lesconcurrents les plus dangereux En outre lrsquoabsence de source de diffeacuterenciationconduit chaque concurrent agrave devoir maicirctriser strictement les diffeacuterentes composantesde ses coucircts En effet face agrave lrsquoimpossibiliteacute de se diffeacuterencier les concurrents nrsquoontdrsquoautres choix que de lutter sur les prix Eacutegalement lrsquoimportance des coucircts fixespegravese sur la rentabiliteacute des entreprises car elle incite les firmes en place agrave augmenterleur capaciteacute de production quitte agrave faire des efforts sur les prix donc les margesEnfin lrsquoexistence drsquoobstacles agrave la sortie eacuteleveacutes rend difficile la diversification versdes marcheacutes moins concurrentiels et explique lrsquoentecirctement de certaines firmes agravedemeurer dans des secteurs ougrave la rentabiliteacute eacuteconomique est neacutegative et ougrave lesespoirs drsquoameacutelioration sont nuls Ainsi une forte speacutecialisation des actifs des coucirctsfixes de sortie des restrictions sociales ou des pressions gouvernementales condui-sent chaque concurrent agrave comparer le coucirct drsquoopportuniteacute drsquoune sortie agrave celui drsquouneriposte concurrentielle (reacuteduction des marges guerre des prix rachat de concur-rentshellip)

En conclusion lrsquoanalyse des cinq forces de la concurrence renseigne sur lrsquooriginede la concurrence comme sur le niveau de profitabiliteacute drsquoun secteur Elle reacutevegraveleeacutegalement les enjeux strateacutegiques pour chacune des entreprises preacutesentes comme les

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risques et opportuniteacutes de se maintenir dans un secteur etou de se deacutevelopper dansun autre

Repegraveres Lrsquoindustrie bancaire face agrave la concen-tration des sous-traitants

Aujourdrsquohui 80 des 45 milliards de chegraveques eacutemis chaque anneacutee en France sont sous-traiteacutes aupregraves de quatre entreprises par les eacutetablissements bancaires Atos Origin Expe-rian Safig et Tessi Cette strateacutegie drsquoexternalisation a eacuteteacute adopteacutee notamment par les plusanciennes et plus importantes banques du secteur BNP Paribas Socieacuteteacute Geacuteneacuterale etCreacutedit Lyonnais Les quatre sous-traitants assurent pour leur compte laquo la reacuteception despaquets de chegraveques leur transformation en fichiers et jusqursquoagrave lrsquoarchivage voire le traite-ment des impayeacutes raquo explique Daniel Mareacutechal responsable commercial grands compteschez Safig Le Britannique Experian a repris en mars 1998 la filiale speacutecialiseacutee du groupeSocieacuteteacute Geacuteneacuterale SG2 et gegravere environ 25 des chegraveques eacutemis en France Atos neacute en 1996du rapprochement drsquoAxim et de la filiale speacutecialiseacutee du Creacutedit Lyonnais Sligos repreacutesenteautour de 22 du marcheacute Tessi estime sa part agrave laquo 20 des chegraveques sous-traiteacutes et 15 du chiffre drsquoaffaires de lrsquoactiviteacute raquo selon Freacutedeacuteric Vacher directeur geacuteneacuteral de Tessi ChegravequeSafig deacutetient autour de 15 du marcheacute

Un secteur sinistreacute aux faibles perspectives drsquoavenirLrsquoactiviteacute connaicirct actuellement des difficulteacutes seacuterieuses Lrsquoorigine des maux de ces sous-traitants est le deacuteveloppement des cartes bancaires En effet le marcheacute du chegraveque connaicirctune reacutegression estimeacutee agrave 5 par an Surtout les marges reacutealiseacutees par les socieacuteteacutes speacuteciali-seacutees ont diminueacute Lrsquoactiviteacute est donc faiblement rentable pour les quatre principauxacteurs du marcheacute La raison en est la pression des banques qui tentent de rogner aumaximum sur un coucirct qursquoelles ne parviennent agrave refacturer ni agrave leurs clients ni ndash pour lemoment ndash aupregraves des distributeurs laquo Un chegraveque coucircte au total entre 11 centimes et15 centimes drsquoeuros La sous-traitance agrave elle seule repreacutesente 6 centimes drsquoeuros raquo indi-que un professionnel Ensuite la mise en place drsquoun nouveau systegraveme drsquoeacutechange imagechegraveque (EIC) a entraicircneacute de nombreuses difficulteacutes de traitement et des surcoucircts chez lesbanques comme chez leurs sous-traitants Agrave terme crsquoest une grande part des services deces derniers qui va disparaicirctre le nouveau systegraveme permettant de supprimer une partie deleur travail Lrsquoavenir est donc sombre pour les sous-traitants speacutecialiseacutes qui voient la tailledu marcheacute et leurs marges se reacuteduire inexorablement La recherche drsquoeacuteconomies drsquoeacutechelleseul moyen de retrouver de la marge dans ce secteur implique des mouvements de recom-position Ainsi lrsquoactiviteacute de sous-traitance de chegraveques drsquoAtos Origin va ecirctre reprise par lrsquounde ses concurrents Experian Ce rapprochement donnerait au premier acteur pregraves de50 de part de marcheacute alors que quatre entreprises sous-traitent 80 des chegraveques eacutemisen France

Un risque de remonteacutee des coucirctsLrsquoeacuteventualiteacute drsquoun tel rapprochement inquiegravete les banques Certaines le sont drsquoautant plusqursquoelles deacutependent de ces deux prestataires Crsquoest le cas de la Socieacuteteacute Geacuteneacuterale qui avaitjustement choisi Atos Origin et Experian comme seuls prestataires ou encore BNP Paribasmecircme si elle travaille eacutegalement avec Safig Diversifier ses prestataires eacutetait lrsquoassurance

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drsquoune mise en concurrence mais eacutegalement lrsquooccasion de ne pas deacutependre drsquoun des acteursdu marcheacute en situation oligopolistique Le risque est deacutesormais grand de voir les coucirctsremonter agrave plus ou moins bregraveve eacutecheacuteance Dans ce contexte les banques ont tout inteacuterecirct agravevoir augmenter le nombre drsquointervenants sur ce meacutetier Comment susciter lrsquoarriveacutee drsquounnouvel acteur alors que lrsquoactiviteacute est potentiellement peu rentable Cette interrogationdevient une probleacutematique drsquoenvergure pour les banquesLe constructeur et inteacutegrateur Unisys se dit inteacuteresseacute Pourtant cette activiteacute ne fait passpeacutecialement partie de son meacutetier Toutefois selon les dirigeants de lrsquoentreprise la gestiondu chegraveque qui devient de plus en plus technique peut lrsquointeacuteresser Pierre Peyruseigt direc-teur Europe du Sud et moyens de paiements drsquoUnisys eacutemet la condition suivante laquo Agravecondition que ce soit rentable raquo Crsquoest justement ce point qui pose problegraveme le secteurdevrait voir sa rentabiliteacute deacutecroicirctre agrave moyen terme nul ne peut srsquoengager sur la rentabiliteacutede lrsquoactiviteacute Pourquoi donc Unisys srsquoengagerait-il dans cette activiteacute

Unisys agrave la conquecircte du marcheacute franccedilais de lrsquoinfogeacuteranceUnisys a pour vocation de reacutepondre agrave des besoins de traitement de grands volumes dedonneacutees une de ses speacutecialiteacutes historiques Ainsi lrsquoentreprise a mis en place diffeacuterentsproduits systegraveme de reacuteservation aeacuterien collecte des impocircts suivi des dossiers drsquoassu-rancehellip Ses reacutealisations se basent sur des technologies NET de Microsoft ou WebSphere etMercury drsquoIBM avec une forte promesse de reacuteduction des coucircts pour les clients La missionde lrsquoentreprise est drsquoallier conseil et mise en place en liant les laquo proceacutedures aux logiciels etaux mateacuteriels qui les exeacutecutent raquo Mais elle rencontre des difficulteacutes pour srsquoimposer danslrsquoHexagone notamment dans le domaine de lrsquoinfogeacuterance devenu pourtant le relais decroissance pour les SSII en peacuteriode de conjoncture deacutefavorable laquo Nous devons opeacuterer unetransformation en France et accroicirctre notre preacutesence sur le secteur de lrsquoingeacutenierie raquo recon-naicirct Bernard Nivollet nouveau preacutesident France Il poursuit laquo Unisys France doit conti-nuer sa mutation et accroicirctre sa preacutesence sur le secteur des services notamment dans leconseil technologique et lrsquoingeacutenierie Notre strateacutegie consiste agrave rester un grand acteurmultispeacutecialiste sur nos marcheacutes cibles Certes nous nrsquoavons pas encore la notorieacuteteacuteescompteacutee raquoLa banque correspondrait donc agrave une strateacutegie de conquecircte du marcheacute franccedilais Unisysespeacuterant vendre un ensemble de solutions agrave ses clients tels que des systegravemes de deacutetectiondu blanchiment de lrsquoargent sale Seules les technologies informatiques principalementcelles venues de lrsquointelligence artificielle (IA) sont capables drsquoanalyser de tregraves grands volu-mes de donneacutees et drsquoy deacutetecter des scheacutemas atypiques laquo Toute opeacuteration isoleacutee est a priorinormale raquo remarque Pascal Bernegravede directeur de mission ETS Moyens de paiement chezUnisys laquo Crsquoest dans la reacutepeacutetition ou les liens entre les opeacuterations que le systegraveme doit deacutetec-ter lrsquoanormaliteacute drsquoun comportement raquo Et les logiciels font cela tregraves bien laquo La plupart desbanques franccedilaises sont eacutequipeacutees de solutions informatiques pour la deacutetection agrave la voleacuteede mouvements suspects crsquoest-agrave-dire vers des comptes deacutetenus par des personnes ditesexposeacutees ou dont le montant deacutepasse les plafonds fixeacutes raquo preacutecise Bertrand Le Bras respon-sable de la Practice Banking Operations de la branche Business Consulting Services (BCS)drsquoIBM laquo En revanche les logiciels drsquoanalyse comportementale en sont agrave leurs premiers pasIls permettent de deacutetecter un enchaicircnement drsquoeacuteveacutenements a priori anodins et drsquoy deacutecelerune opeacuteration frauduleuse raquo

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Le modegravele des cinq forces constitue une eacutetape primordiale du diagnostic externeUne analyse des groupes strateacutegiques permet ensuite drsquoaffiner la compreacutehension desforces concurrentielles

Le 21 janvier 2003 Unisys annonce son arriveacutee sur le marcheacute du traitement des chegravequesDe quatre acteurs majeurs le marcheacute du traitement des chegraveques est passeacute agrave troishellip puis estrepasseacute agrave quatre avec lrsquoarriveacutee drsquoUnisys dont lrsquoentreacutee est preacutevue agrave la fin du premier semes-tre 2003 laquo Nous commencerons agrave produire vers juin avec trois sites de traitement et cinqsites de capture numeacuterisation des chegraveques ainsi que via des partenariats avec des reacuteseauxbancaires disposant de leurs propres actifs raquo annonce Bruno Painvin directeur desmoyens de paiement pour lrsquoEurope du Sud chez Unisys laquo Nous ambitionnons une part demarcheacute de 20 agrave 25 drsquoici agrave 2004 et une marge nette agrave deux chiffres raquo laquo Le marcheacute dutraitement de chegraveques est dans une logique baissiegravere La consolidation est ineacutevitable poursrsquoy maintenir raquo dit Eacuteric Benolaut directeur des opeacuterations drsquoExperian laquo La croissanceexterne est un eacuteleacutement important pour maintenir sa compeacutetitiviteacute dans un contexte debaisse du volume des chegraveques raquo Gracircce agrave ce rachat la socieacuteteacute Experian deacutetient quant agraveelle de 30 agrave 35 du marcheacute franccedilais externaliseacute et elle reacutecupegravere notamment la gestiondes chegraveques du Creacutedit Lyonnais de la Banque de France de la Socieacuteteacute Geacuteneacuterale et du CCF(HSBC)En revanche lrsquoexternalisation du traitement de documents est en pleine explosion Neserait-ce que gracircce agrave la diversification des supports traiteacutes industriellement laquo Ce segmentde marcheacute est drsquoautant plus inteacuteressant qursquoil fait appel aux mecircmes technologies que cellesutiliseacutees dans le traitement de chegraveques raquo compare Eacuteric Benaulaut Autre diffeacuterence agravelrsquoinverse de celui du chegraveque ce secteur est constitueacute drsquoacteurs internationaux Lrsquoacquisitionde lrsquoactiviteacute drsquoAtos Origin marque ainsi la volonteacute de la SSII britannique de se positionnerface agrave des majors comme IBM Global Services ou Xerox Ainsi donc lrsquoannonce de lrsquoarriveacuteedrsquoUnisys sur ce marcheacute modifie la donne sur le degreacute de concentration du secteur Aveclrsquoacquisition drsquoAtos Origin Experian estime la part de marcheacute de sa future structure agrave 33 du marcheacute externaliseacute (75 des 45 milliards de chegraveques traiteacutes en France) tandis queSafig lrsquoautre acteur important du marcheacute avec Tessi la chiffre agrave plus de 50

Eacutepilogue le secteur srsquoest recomposeacuteLrsquoarriveacutee drsquoUnisys sur ce marcheacute a permis de deacutetendre lrsquooffre Fournisseur de solutions hard-ware et software sur le secteur doteacute drsquoune expeacuterience de production au Royaume-UniUnisys estime avoir laquo vocation raquo agrave faire de mecircme en France Dans le contexte drsquoune mise enplace difficile deacutebut 2002 du systegraveme drsquoeacutechange image chegraveque (EIC) laquo nous avons lesmateacuteriels les applicatifs et les hommes sans lrsquoheacuteritage social et technique des interve-nants anciens raquo note Bruno Painvin qui nrsquoexclut pas une opeacuteration de croissance externeet attend ses premiers contrats laquo courant feacutevrier et mars raquo Cocircteacute clients certaines banquesont anticipeacute la restructuration du secteur La Socieacuteteacute Geacuteneacuterale cliente drsquoExperian et drsquoAtosOrigin a lanceacute un appel drsquooffres en septembre pour ne pas travailler avec un seul presta-taire Un appel auquel Unisys a reacutepondu

Extrait de GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Lrsquoanalyse concurrentielle lrsquoeacutevolution de la relationfournisseurs-clients dans le secteur bancaire raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts et

cas en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005

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Lrsquoanalyse des groupes strateacutegiques suggegravere drsquoadopter un niveau drsquoanalyse plus finen vue de cerner la diversiteacute des concurrents en place et des strateacutegies adopteacuteesPorter (1982) fait en effet le constat que certaines entreprises parviennent agrave avoir unerentabiliteacute qui surpasse durablement celle de leurs concurrents Les pressions de laconcurrence ne srsquoexerceraient donc pas de la mecircme maniegravere sur les entreprises enpreacutesence Crsquoest pour mieux comprendre cette situation qursquoil preacuteconise de reacutealiserlrsquoanalyse des groupes strateacutegiques

Un groupe strateacutegique reacuteunit des entreprises qui dans un mecircme secteur adoptentdes strateacutegies identiques ou voisines Ces strateacutegies se caracteacuterisent notamment pardes choix en termes de speacutecialisation (eacutetendue de la gamme de produits de segmentsde clientegravele viseacutes de zones geacuteographiques servies) drsquointeacutegration verticale (degreacute dedeacutetention en propre des activiteacutes situeacutees en amont ou aval) de qualiteacute du produit(entreacutee bas ou haut de gamme) de leadership technologique (pionnier ou suiveur)de politique de prix (bas prix ou prix eacuteleveacute) de services (limiteacutes ou eacutetendus)hellip

La diversiteacute des choix opeacutereacutes par les firmes permet de dresser une carte des grou-pes strateacutegiques Celle-ci fait apparaicirctre des regroupements drsquoentreprises aux confi-gurations strateacutegiques diffeacuterentes caracteacuterisant une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute intergroupe maisagrave forte coheacuterence interne reacuteveacutelant une homogeacuteneacuteiteacute intragroupe Un groupe strateacutegi-que traduit donc un positionnement dans un espace concurrentiel La carte des grou-pes strateacutegiques peut finalement ecirctre repreacutesenteacutee comme suit (figure 12)

Figure 12 mdash Une carte des groupes strateacutegiques hypotheacutetique (Porter 1982)

Ce secteur fictif laisse apparaicirctre quatre groupes Chaque groupe traduit des choixstrateacutegiques speacutecifiques en matiegravere de speacutecialisation de lrsquooffre et drsquointeacutegration verti-

Inteacutegration verticale pousseacutee

Groupe AFaibles coucircts de production

Peu de serviceQualiteacute moyenne

INTEacuteGRATION VERTICALE

SPEacuteC

IALI

SATI

ON

Assemblage

GammeComplegravete

GammeEacutetroite

Groupe DAutomatisation

pousseacutee`Prix bas

Peu de service

Groupe CPrix moyens

Services multiplesQualiteacute meacutediocre

Groupe BPrix eacuteleveacutes

Technologie complexeQualiteacute supeacuterieure

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

cale Agrave titre drsquoexemple le groupe A reacuteunit des entreprises dont la strateacutegie se carac-teacuterise drsquoune part par une speacutecialisation faible (gamme complegravete) et une inteacutegrationverticale pousseacutee et drsquoautre part par lrsquoexistence de faibles coucircts de productionlrsquoabsence de services associeacutes au(x) produit(s) et une qualiteacute des produits moyenneCe groupe se caracteacuterise donc par une configuration strateacutegique coheacuterente et par unniveau de profitabiliteacute globale etou une part de marcheacute supeacuterieure agrave celui des troisautres groupes (la surface du cercle est la plus grande)

In fine les groupes strateacutegiques se caracteacuterisent par un niveau de profit potentielqui varie en fonction des effets qursquoont les cinq forces sur chacun drsquoentre eux (lespressions de la concurrence ne srsquoexercent pas de la mecircme maniegravere sur les groupes enpreacutesence) comme en fonction des speacutecificiteacutes des strateacutegies de lutte concurrentielleadopteacutees par les entreprises au sein drsquoun mecircme secteur Il est inteacuteressant drsquoajouterque le niveau de profit de chaque groupe peut dans certaines industries rester stablesur le long terme Pour Porter (1986) cette permanence srsquoexplique par lrsquoexistencedrsquoobstacles agrave la mobiliteacute De la mecircme maniegravere qursquoil existe un ensemble de facteursqui peuvent dissuader les entrants potentiels agrave peacuteneacutetrer un secteur il existe un grandnombre de facteurs qui empecircchent une firme de passer drsquoune position strateacutegique agraveune autre crsquoest-agrave-dire drsquoun groupe agrave un autre Ainsi les entreprises qui eacutevoluentdans un groupe dont les obstacles agrave la mobiliteacute sont eacuteleveacutes beacuteneacuteficient de perspecti-ves de profit supeacuterieures sur le long terme Cependant la structure des groupes stra-teacutegiques nrsquoest jamais totalement figeacutee et peut connaicirctre des changements deconfiguration

Repegraveres Les groupes strateacutegiques dans le secteur des jouets

Le marcheacute mondial du jouet est domineacute par des acteurs tregraves puissants comme Mattel(56 milliards de dollars de chiffre drsquoaffaires ndash CA) en 2006 Hasbro (32 milliards de dollarsde CA) Bandai Namco (23 milliards de dollars sur le secteur des jouets) Lego (15 milliarddrsquoeuros de CA)hellip Compte tenu du poids de la main-drsquoœuvre dans le coucirct de production drsquounjouet (60 agrave 70 ) ces entreprises produisent pour lrsquoessentiel en Asie notamment enChine Mecircme le Danois Lego srsquoest reacutesigneacute suite agrave des deacuteboires financiers importants agrave deacutelo-caliser sa production dans des pays agrave bas coucirct (low cost) (au Mexique et en Pologne) Enoutre la forte concurrence au sein du secteur et lrsquoimportance du pouvoir de neacutegociationdes distributeurs se traduisent par des investissements publicitaires colossaux et la neacuteces-siteacute drsquoobtenir des licences aupregraves des grands studios de cineacutema Ainsi on considegravere qursquouneentreprise doit consacrer agrave ces deacutepenses au moins 10 de son CA Agrave titre drsquoexemple lesdeacutepenses drsquoHasbro srsquoeacutelegravevent agrave 15 de son CA ce qui repreacutesente le chiffre drsquoaffaires cumuleacutedes trois premiegraveres entreprises franccedilaises du secteur Dans le secteur on trouve eacutegalementdrsquoanciens sous-traitants qui ont fait le choix de produire agrave leur propre compte Ces entrepri-ses parmi lesquelles on trouve V Tech Manley Playmateshellip sont devenues tregraves puissantesndash elles font deacutesormais partie des dix premiegraveres du secteur

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Si leur puissance publicitaire nrsquoest pas au mecircme niveau que Mattel Hasbro et BandaiNamco elles beacuteneacuteficient de coucircts de production tregraves bas compte tenu de la localisation deleurs sites de fabrication En Europe la situation des entreprises du jouet est deacutelicate Legodont les usines eacutetaient baseacutees en Europe et aux Etats-Unis a connu un deacuteclin de ses venteset des pertes constantes entre 2002 et 2004 En France Smoby Berchet (racheteacute parSmoby) et Clairbois des fabricants originaires du Jura tentent de tirer leur eacutepingle du jeuBien que supportant des coucircts de production largement supeacuterieurs agrave ceux de leurs concur-rents (le coucirct de la main-drsquoœuvre est 40 fois plus eacuteleveacute en France qursquoen Chine) elles misentsur lrsquoinnovation en renouvelant chaque anneacutee entre 25 et 35 de leur gamme (ce qui peutconduire au lancement de 350 nouveauteacutes par an) en produisant des jouets volumineuxen plastique (des cateacutegories de produits peu rentables pour les concurrents compte tenudes coucircts de transport) et en ameacuteliorant leur reacuteactiviteacute au marcheacute (la livraison en 15 joursdrsquoun produit complexe non disponible en stock) Les strateacutegies des laquo Jurassiens raquo ne leurpermettent pourtant pas drsquoafficher des performances exceptionnelles Berchet a connuentre 2000 et 2005 cinq anneacutees conseacutecutives de reacutesultats neacutegatifs pour finalement ecirctreracheteacutee par Smoby en 2005 De son cocircteacute Smoby a chercheacute agrave se diversifier dans le secteurdu conditionnement plastique (bidons et reacuteservoirs vendus sous la marque Mob) et a fina-lement annonceacute une perte de pregraves de 26 millions drsquoeuros en 2006 et surtout une dette de310 millions drsquoeuros pour 58 millions drsquoeuros de capitaux propresLes diffeacuterentes strateacutegies de lutte concurrentielle dans le secteur du jouet permettent fina-lement de rendre compte de trois positionnements principaux Ceux-ci sont repreacutesenteacutesdans la carte des groupes strateacutegiques suivante

Figure 13 ndash Les groupes strateacutegiques dans le secteur des jouets

Agrave partir de laquo Jurassic Toys raquo in JOHNSON G SCHOLES K WHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

Pays Low Cost

Groupe AMattel Hasbro Bandai Namo

Localisation de la production

Inve

stiss

emen

ts p

ublic

itaire

s

Pays High Cost

Eacuteleveacutes

Limiteacutes

Groupe BV Tech Playmates

Manley

Groupe CSmoby Clairbois

Berchet

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Finalement lrsquoenvironnement concurrentiel drsquoune firme se traduit par une concur-rence plus ou moins acharneacutee et lrsquoexistence de positionnements strateacutegiques varia-bles Les outils eacutetudieacutes permettent une analyse fine du milieu dans lequel opegravere lafirme Il est eacutegalement possible de proposer en compleacutement des deux analysespreacuteceacutedentes une synthegravese des caracteacuteristiques drsquoune industrie En effet les strateacutegiesadopteacutees par les concurrents drsquoun secteur aboutissent tregraves souvent agrave la formation deregravegles sectorielles traduisant le fonctionnement drsquoune industrie Ces regraveglesnommeacutees facteurs cleacutes de succegraves (FCS) ou facteurs strateacutegiques de lrsquoindustrie (FSS)doivent ecirctre consideacutereacutees comme des eacuteleacutements incontournables dans une industrieeacuteleacutements que les firmes doivent maicirctriser au risque de voir leur performance deacutecli-ner Lrsquoidentification des FCS (ou FSS) constitue donc lrsquoaboutissement de lrsquoanalyseexterne

Repegraveres Les facteurs cleacutes de succegraves de lrsquoindustrie pharmaceutique

Lrsquoindustrie pharmaceutique se caracteacuterise par certaines regravegles auxquelles les acteurs dusecteur doivent se conformer Ces regravegles sont qualifieacutees par les strategraveges de facteurs cleacutesde succegraves Dans le secteur pharmaceutique la taille constitue un impeacuteratif strateacutegiquepour les acteurs en preacutesence Une eacutetude publieacutee en 2006 par lrsquoagence de notation Stan-dard and Poors montre qursquoil existe une correacutelation forte entre la part de marcheacute caracteacute-riseacute par le chiffre drsquoaffaires et le niveau de marge brute drsquoexploitation Ainsi Pfizer lenumeacutero un mondial du secteur affichait en 2005 une part de marcheacute de 10 et unemarge de plus de 40 alors que les huit entreprises suivantes avaient une part demarcheacute oscillant entre 3 et 7 pour des marges comprises entre 30 et 35 Ce pheacutenomegravene srsquoexplique en premier lieu par le rocircle de lrsquoinnovation dans le secteur de lapharmacie Lrsquoinnovation est en effet consideacutereacutee comme lrsquoun des facteurs de compeacutetitiviteacuteles plus deacutecisifs la deacutecouverte de nouvelles moleacutecules permet de breveter et mettre sur lemarcheacute des meacutedicaments ineacutedits et exclusifs Et le monopole temporaire que procure lebrevet assure des gains financiers eacuteleveacutes Les brevets ont ainsi une importance fondamen-tale parce que contrairement agrave ce qui se passe dans drsquoautres domaines il est facile deprouver devant les tribunaux que la moleacutecule figure dans un meacutedicament concurrentCependant la dureacutee de vie du brevet est limiteacutee et les laboratoires doivent ensuite faireface agrave lrsquoarriveacutee de meacutedicaments geacuteneacuteriques Dans ce contexte un meacutedicament peut faire lafortune drsquoun groupe ou le conduire agrave sa perte Le retrait par Bayer du Baycol un meacutedica-ment anti-cholesterol fut agrave lrsquoorigine drsquoune crise profonde ayant conduit agrave une remise encause totale de la strateacutegie A contrario Pfizer a connu une croissance importante de sonchiffre drsquoaffaires et de ses profits depuis le lancement du Viagra On peut eacutegalement citerlrsquoanticoagulant Plavix le deuxiegraveme meacutedicament plus vendu au monde par Bristol-MyersSquibb et Sanofi-Aventis dont les ventes mondiales annuelles repreacutesentent plus de5 milliards de dollars

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In fine le diagnostic externe a fait lrsquoobjet de la preacutesentation de deux outils princi-paux le modegravele des cinq forces et lrsquoanalyse des groupes strateacutegiques Les reacutesultatsdu diagnostic externe se traduisent par lrsquoeacutevaluation de lrsquointensiteacute concurrentielle et

Pour soutenir une politique drsquoinnovation intensive les investissements en recherche etdeacuteveloppement (R amp D) constituent une prioriteacute des entreprises du secteur Ainsi pourmettre sur le marcheacute un meacutedicament blockbuster (un meacutedicament phare dont le chiffredrsquoaffaires annuel deacutepasse le milliard de dollars) les entreprises doivent investir dessommes gigantesques dans la deacutecouverte drsquoune nouvelle moleacutecule et le deacuteveloppementdu nouveau meacutedicament Lrsquoinvestissement moyen neacutecessaire pour la R amp D drsquoun meacutedica-ment deacutepasse aujourdrsquohui les 800 millions drsquoeuros Selon une eacutetude de 2003 du TuftCenter for the Study of Drug Development cet investissement en R amp D eacutetait de54 millions de dollars en 1979 et de 500 millions de dollars en 2000 Ces montants srsquoexpli-quent par les lourdes proceacutedures et eacutetapes qui ponctuent la conception et le deacuteveloppe-ment drsquoun nouveau meacutedicament (de nombreux tests cliniques sont exigeacutes par lesautoriteacutes du meacutedicament) Crsquoest ainsi que le deacutelai de lancement drsquoun meacutedicament varieentre 10 et 12 ans Parallegravelement les entreprises doivent preacuteparer la fin des monopoles devente dont elles disposent sur certains meacutedicaments afin drsquoeacutequilibrer leur portefeuille demeacutedicaments et srsquoassurer de revenus financiers reacuteguliers En effet le brevet qui permetune exploitation exclusive du meacutedicament ne dure que 8 ans ndash bien qursquoil puisse ecirctreprolongeacute par un certificat compleacutementaire de protection (CCP) de 5 ans Un laboratoirepharmaceutique doit donc investir en R amp D tant pour deacutecouvrir de nouvelles moleacuteculesque pour preacuteparer par la fin de ses brevets ce qui repreacutesente des budgets colossaux Agrave titredrsquoexemple le numeacutero un Pfizer investit chaque anneacutee plus de 7 milliards de dollars en Ramp DSi les capaciteacutes drsquoinvestissement en R amp D jouent un rocircle majeur les entreprises doiventeacutegalement exploiter toutes les opportuniteacutes commerciales pendant la dureacutee de vie dubrevet Pour cette raison les grandes entreprises pharmaceutiques sont doteacutees drsquoune puis-sance commerciale sans eacutequivalent leur permettant de distribuer leurs produits aupregraves duplus grand nombre de clients potentiels Le leader Pfizer possegravede ainsi pregraves de40 000 visiteurs meacutedicaux dans le monde Mais lrsquoexploitation commerciale mondiale dePfizer nrsquoest pas accessible agrave toutes les entreprises puisque les risques de procegraves augmen-tent et lrsquoentreprise doit avoir une capaciteacute financiegravere suffisante pour y faire faceIl reacutesulte de ces deux facteurs (investissement en R amp D et exploitation commercialemondiale) une grande importance de la taille critique Ainsi selon une eacutetude de 2005 ducabinet McKinsey les laboratoires ayant moins de 3 milliards drsquoeuros de chiffres drsquoaffairessont consideacutereacutes comme trop petits pour espeacuterer se deacutevelopper et survivre seuls dans cesecteur Les plus petits nrsquoont alors drsquoautres solutions que drsquoadopter des strateacutegies de focali-sation (se positionner sur des niches non exploiteacutees par les grands laboratoires) etou demultiplier les alliances avec des concurrents Cette course agrave la taille conduit finalement agraveune forte concentration du secteur pharmaceutique En effet pour survivre dans unsecteur ougrave lrsquoinvestissement massif en R amp D et la preacutesence sur un marcheacute mondial sont descaracteacuteristiques obligatoires les fusions et acquisitions se multiplient

Agrave partir de TELLIER A laquo Bayer quels remegravedes pour sauver la pharmacie raquo in JOFFRE OPLE L et SIMON E Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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des perspectives de rentabiliteacute de lrsquoindustrie lrsquoidentification des groupes strateacutegi-ques et le repeacuterage des facteurs cleacutes de succegraves (FCS) Agrave cette eacutetape du diagnosticstrateacutegique succegravede celle du diagnostic interne

2 Lrsquoanalyse interne

Deux principaux outils permettent de reacutealiser le diagnostic interne Ce sont lachaicircne de valeur et le modegravele des ressources et compeacutetences

Selon Porter (1986) la chaicircne de valeur deacutecrit les diffeacuterentes eacutetapes internes agravelrsquoentreprise de conception fabrication commercialisation distributionhellip de sonproduit lui permettant de geacuteneacuterer de la valeur pour ses clients Elle est agrave ce titre unoutil fondamental de lrsquoanalyse de lrsquoavantage concurrentiel drsquoune firme crsquoest-agrave-direde sa capaciteacute agrave disposer drsquoune avance sur ses concurrents et agrave la maintenir via unestructure de coucircts supeacuterieure (la domination par les coucircts) ou une offre diffeacuterencieacutee(la diffeacuterenciation) Pour conduire cette analyse Porter propose de deacutecomposerlrsquoentreprise en un ensemble drsquoactiviteacutes pertinentes assurant le fonctionnement delrsquoentreprise (conception fabricationhellip de lrsquooffre) Ainsi une firme dispose drsquounavantage concurrentiel degraves lors qursquoelle parvient agrave construire une chaicircne de valeur luipermettant drsquoexercer les activiteacutes (ou eacutetapes internes) agrave un coucirct infeacuterieur aux concur-rents ou mieux que ces derniers

Figure 14 mdash La chaicircne de valeur

Dans une chaicircne de valeur on distingue les activiteacutes principales celles quiconcourent immeacutediatement agrave la production et la vente de lrsquooffre de lrsquoentreprise et

Marge

Marge

Logistiqueinterne

Production Logistiqueexterne

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Infrastructure de la firme

Gestion des ressources humaines

Deacuteveloppement technologique

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les activiteacutes de soutien celles qui augmentent lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des fonc-tions principales crsquoest-agrave-dire ameacuteliorent et optimisent leur fonctionnement Enoutre les diffeacuterentes activiteacutes srsquoinsegraverent plus largement dans un systegraveme de valeurEn effet la chaicircne de valeur drsquoune entreprise est inteacutegreacutee agrave la chaicircne de valeur de sesfournisseurs comme agrave celle de ses clients Enfin lrsquoensemble des activiteacutes de lachaicircne de valeur drsquoune firme sont lieacutees entre elles et avec celles des chaicircnes de valeursitueacutees en amont et en aval Lrsquoanalyse pousseacutee de la chaicircne de valeur consiste donc agravecomprendre la reacutealisation des activiteacutes propres agrave lrsquoentreprise et lrsquoensemble desliaisons qui unit les activiteacutes internes et externes agrave la firme La figure ci-dessuspreacutesente une chaicircne de valeur geacuteneacuterique (les chaicircnes de valeur des fournisseurs etclients ne sont pas repreacutesenteacutees)

La chaicircne de valeur se compose donc de cinq activiteacutes principales ayant chacuneune fonction particuliegravere La logistique interne regroupe les activiteacutes lieacutees agrave la reacutecep-tion au stockage et agrave la distribution des matiegraveres premiegraveres des composants et desproduits finis Elle inclut la manutention la gestion des stocks le transport la livrai-son etc Dans le cas des services la logistique consiste agrave assurer la rencontre entrele client et lrsquooffre La production repreacutesente le processus de transformation desmoyens de production des matiegraveres premiegraveres et des composants en produits ouservices finis Elle comprend la transformation lrsquoassemblage lrsquoentretien des machi-nes lrsquoemballage le controcircle qualiteacute etc La logistique externe regroupe les activiteacutesdrsquoacheminement du produit vers les distributeurs ou clients finals La fonction demarketing-vente repreacutesente les processus permettant de proposer (vente et promo-tion) les produits ou services aux clients Cette activiteacute comprend la publiciteacute lapromotion la force de vente la seacutelection des circuits de distribution les relationsavec les distributeurs et la fixation des prix Les services apregraves vente incluent lesactiviteacutes qui accroissent ou maintiennent la valeur drsquoun bien ou drsquoun service commelrsquoinstallation la reacuteparation la formation lrsquoadaptation du produit et la fourniture depiegraveces deacutetacheacutees

Ces activiteacutes principales beacuteneacuteficient du support des activiteacutes de soutien Leur rocircleest drsquoaugmenter lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des fonctions principales Porter lesregroupe en quatre cateacutegories Les achats concernent les processus drsquoacquisition desressources neacutecessaires aux fonctions principales (achat de matiegraveres premiegraveresdrsquoeacutequipementshellip) Le deacuteveloppement technologique se reacutefegravere aux activiteacutes directe-ment lieacutees agrave la conception de nouveaux produits de brevets de techniques de fabri-cation ou drsquoutilisation de ressources particuliegraveres (par exemple lrsquointeacutegration dedeacutechets dans les processus de production) La gestion des ressources humainescomprend le recrutement la formation le deacuteveloppement des compeacutetences lagestion des carriegraveres et la reacutemuneacuteration des salarieacutes Lrsquoinfrastructure inclut les acti-viteacutes indispensables au bon fonctionnement de lrsquoensemble Cette cateacutegoriecomprend la direction geacuteneacuterale les systegravemes de planification de financement decontrocircle qualiteacute et drsquoinformation la comptabiliteacute le juridique les relations exteacuterieu-res etc Lrsquoinfrastructure inclut eacutegalement les routines et les processus qui sous-tendent la culture organisationnelle

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Cependant les activiteacutes principales et de soutien ne sont pas indeacutependantes lesunes des autres Ainsi lrsquoefficaciteacute de la chaicircne de valeur provient eacutegalement desliaisons entre les activiteacutes comme des liaisons entre la chaicircne de valeur de lrsquoentre-prise et celle de ses fournisseurs et clients (le systegraveme de valeur) Pour des raisons decommoditeacute nous qualifions les premiegraveres de liaisons internes et les secondes deliaisons externes Les liaisons internes renvoient aux dispositifs (souvent difficiles agravepercevoir) par lesquels les activiteacutes principales et de soutien srsquoinfluencent mutuelle-ment Par exemple une meacutethodologie de deacuteveloppement de nouveaux produitspreacutevoit lrsquointervention de plusieurs activiteacutes (production marketinghellip) et coordonneainsi leur contribution respective De mecircme un systegraveme drsquoinformation permet agraveplusieurs activiteacutes de fournir et partager un ensemble drsquoinformations conduisant agraveune optimisation de chaque activiteacute Les liaisons externes constituent lrsquoensemble desinteractions entre les activiteacutes drsquoune firme et celles de ses fournisseurs et clients Lesmeacutethodes de controcircle qualiteacute des produits des fournisseurs en sont un exemple ellesinfluencent les activiteacutes de production et permettent leur optimisation

Finalement les activiteacutes principales et de soutien et les liaisons concourent agravegeacuteneacuterer la marge de lrsquoentreprise (figure 14) Celle-ci correspond agrave la somme que lesclients sont precircts agrave payer pour acqueacuterir les produits etou services drsquoune entreprise(ce que Porter nomme la valeur) moins les coucircts supporteacutes pour reacutealiser lrsquooffre Pourecirctre rentable toute entreprise cherchera donc drsquoune part agrave deacutefinir une chaicircne drsquoacti-viteacutes lui permettant de creacuteer de la valeur au-delagrave de ses coucircts et drsquoautre part agraveameacuteliorer constamment sa chaicircne de valeur en identifiant de nouveaux gisements deproductiviteacute (afin de comprimer certains coucircts) et de nouvelles sources de diffeacuteren-ciation (afin drsquoaccroicirctre la valeur de son offre) Pour cela elle pourra comparercertaines de ses pratiques agrave celles drsquoentreprise faisant figure de reacutefeacuterence en lamatiegravere

In fine la chaicircne de valeur permet de comprendre comment une entreprise creacuteeplus de marge que ses concurrents La geacuteneacuteration drsquoune marge supeacuterieure agrave laconcurrence provient drsquoune chaicircne de valeur plus performante Cette performancesrsquoexplique de deux faccedilons Soit la configuration des activiteacutes de la firme lui permetune meilleure maicirctrise des coucircts que les concurrents (la domination par les coucircts)Soit elle rend possible la deacutelivrance drsquoune offre suffisamment originale et ineacuteditepar rapport agrave celle de ses rivaux (la diffeacuterenciation) Dans les deux cas la chaicircne devaleur est lrsquooutil privileacutegieacute pour comprendre les meacutecanismes de creacuteation et deconservation de lrsquoavantage concurrentiel drsquoune entreprise Nous proposons de lacompleacuteter en eacutetudiant le modegravele des ressources et des compeacutetences (MRC)

Le MRC srsquoinscrit dans une mouvance theacuteorique de grande ampleur la Resource-Based View (RBV) Il srsquointeacuteresse particuliegraverement au rocircle des ressources et descompeacutetences (ou capaciteacutes ndash nous utilisons indiffeacuteremment les trois termes dans cequi suit) dans le deacuteploiement des strateacutegies Selon Edith Penrose (1959) un auteurqui a joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de ce courant les firmes ne dispo-sent pas des mecircmes ressources et mecircme si crsquoeacutetait le cas elles nrsquoen feraient pas lemecircme usage Ce sont donc les ressources et la maniegravere dont une firme les exploite

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qui lui permettent de deacutefinir et mettre en œuvre une strateacutegie et ainsi de geacuteneacuterer etmaintenir une position privileacutegieacutee sur le long terme Alors que pour Porter (1986)lrsquouniteacute drsquoanalyse pertinente pour reacutealiser le diagnostic interne est lrsquoactiviteacute le MRCprivileacutegie les ressources et les capaciteacutes

En reacutefeacuterence aux textes fondateurs de Teece et al (1997) Wernerfelt (1984) etAmit et Shoemaker (1993) nous proposons drsquoidentifier trois cateacutegories drsquoactifs lesressources les capaciteacutes organisationnelles et les capaciteacutes dynamiques Lesressources sont des moyens que la firme possegravede et controcircle gracircce auxquels elleparvient agrave transformer ses intrants (la matiegravere premiegravere la main-drsquoœuvrehellip) enextrants (les produits etou les services) Il est drsquousage de distinguer les ressourcestangibles (ressources financiegraveres physiques technologiques et organisationnelles)et intangibles (culture relations reacuteputation leacutegitimiteacutehellip) Ces ressources peuventecirctre consideacutereacutees comme des actifs stockeacutes dont lrsquoaccumulation deacutepend des investis-sements reacutealiseacutes par la firme Ainsi les deacutepenses en recherche et deacuteveloppement enpubliciteacute en formation du personnelhellip viennent intensifier le stock de certainesressources comme les brevets la reacuteputationhellip Cependant les ressources ne sont pasproductives en elles-mecircmes elles ne repreacutesentent que des potentialiteacutes En effet sielles constituent des eacuteleacutements de base importants agrave la production des extrants(comme lrsquooffre drsquoune entreprise) elles sont une condition neacutecessaire mais non suffi-sante Ainsi les ressources ne deviennent veacuteritablement utiles qursquoagrave partir du momentougrave elles sont mobiliseacutees dans un processus pour remplir une fonction deacutetermineacuteeApparaicirct le concept de capaciteacute organisationnelle On peut deacutefinir une capaciteacutecomme lrsquohabileteacute drsquoune organisation agrave effectuer le deacuteploiement la combinaison et lacoordination de ressources au travers de processus drsquoactions pour atteindre desobjectifs strateacutegiques preacutealablement deacutefinis Une compeacutetence correspond donc agrave unagencement de ressources en vue de reacutealiser une activiteacute donneacutee

Repegraveres Les ressources et les compeacutetences laquo vertes raquo

laquo Nous sommes convaincus qursquoun groupe industriel comme le nocirctre ne peut srsquoinscrire dansla dureacutee que srsquoil sait srsquoinscrire dans la perspective du deacuteveloppement durable raquo selonB Collomb ancien PDG de Lafarge En srsquoengageant preacutecocement dans une telle politiqueLafarge srsquoest constitueacute un patrimoine de ressources Il srsquoagit par exemple de ressourcespartenariales Ainsi les relations privileacutegieacutees avec des ONG comme WWF et la FondationNicolas Hulot permettent au groupe de leacutegitimer ses actions On peut eacutegalement citerlrsquoadheacutesion au groupe des EPE (Entreprises pour lrsquoenvironnement) Ces partenariats contri-buent agrave forger des ressources identitaires les valeurs eacutecologique et sociale se diffusentdans lrsquoorganisation comme agrave lrsquoexteacuterieur creacuteant une reacuteputation drsquoentreprise responsableaupregraves des parties prenantes Ces ressources (et drsquoautres) participent au deacuteveloppementde certaines capaciteacutes Il srsquoagit par exemple de la reacuteduction des coucircts Celle-ci serait lieacutee agrave labaisse de la consommation de matiegraveres premiegraveres naturelles et de combustible Eacutegale-ment la diminution de la production de deacutechets et lrsquoutilisation de produits deacuteriveacutes (sous-

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produits) provenant drsquoautres industries permettent la reacuteduction des coucircts On peut eacutegale-ment citer la capaciteacute de management environnemental Ainsi la maicirctrise des processusde certification peut permettre de reacutepliquer la deacutemarche de certification sur les multiplessites exploiteacutes par le groupe agrave travers le monde La norme ISO 14001 tend en effet agrave deve-nir une caution indispensable pour lrsquoobtention drsquoautorisation drsquoexploitation de carriegravereselle participe eacutegalement de la leacutegitimiteacute du groupe face aux nouvelles normes sociales etdes affaires agrave travers le monde Parmi les capaciteacutes on trouve eacutegalement la capaciteacute dedeacuteveloppement de marcheacute Elle consiste en une capaciteacute agrave conqueacuterir de nouveauxmarcheacutes Car par ses engagements environnementaux et sociaux le groupe Lafarge peutdeacutesormais acceacuteder agrave des sites drsquoexploitation plus facilement que ses concurrents Les plansde gestion des carriegraveres de minerais sont un des exemples drsquoactions qui permettentdrsquoobtenir des zones drsquoexploitation que les concurrents se seraient vus refuser (du fait desreacuteticences des communauteacutes locales agrave lrsquoinstallation drsquoune exploitation sans garantie enretour)

Repegraveres Les capaciteacutes organisationnelles Internet

Zecircta est le nom fictif drsquoune firme canadienne speacutecialiseacutee dans le tourisme Cette entreprisese lance en 1998 dans une strateacutegie Internet En 2005 cette strateacutegie a connu deux phasesdeacutecisives La premiegravere peacuteriode (de 1995 agrave 2001) se caracteacuterise par la mise en œuvre drsquounestrateacutegie de commerce eacutelectronique drsquoentreprise agrave consommateurs reposant sur lrsquoexploita-tion de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega La seconde peacuteriode (de 2001 agrave 2005) setraduit par la mise en œuvre drsquoune strateacutegie de distribution de type multicanal afin queZecircta puisse beacuteneacuteficier des effets de synergie entre ses canaux de distribution physiqueeacutelectronique et son centre drsquoappelsDurant la premiegravere peacuteriode les capaciteacutes Internet vont ecirctre creacuteeacutees et deacuteveloppeacutees En effetavant la creacuteation de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega Zecircta nrsquoa aucune expeacuterience dansle domaine du commerce eacutelectronique elle ne possegravede pas de capaciteacutes Internet strateacutegi-que (deacutefinition des choix strateacutegiques) tactique (implantation des choix strateacutegiques) etopeacuterationnelle (exploitation du systegraveme) On remarque que lrsquoeacutevolution de ces capaciteacutesorganisationnelles Internet ne se fait pas de maniegravere synchroniseacutee Un eacutecart est constateacutedans les phases drsquoeacutevolution crsquoest-agrave-dire entre le laquo vouloir faire raquo et le laquo pouvoir faire raquo stra-teacutegiques Cet eacutecart exprime les difficulteacutes qui sont eacuteprouveacutees pour deacutevelopper lrsquoarchitec-ture technologique de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega Durant cette premiegraverepeacuteriode lrsquoorganisation a mis lrsquoaccent sur le deacuteveloppement de sa capaciteacute tactique Inter-net ce qui lui a permis de comprendre comment elle pouvait utiliser les technologies Inter-net La premiegravere peacuteriode est aussi lrsquooccasion de creacuteer de deacutevelopper et de renouveler lacapaciteacute opeacuterationnelle Internet de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega En effet dans unpremier temps la capaciteacute opeacuterationnelle Internet va ecirctre creacuteeacutee et deacuteveloppeacutee pour assu-rer le premier lancement officiel drsquoOmeacutega Cependant cette capaciteacute opeacuterationnelle Inter-net devra ecirctre renouveleacutee puisqursquoil faudra revoir entiegraverement lrsquoarchitecture technologique

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Quelle que soit leur nature qursquoelles soient vertes ou appliqueacutees aux strateacutegiesInternet les capaciteacutes doivent eacutevoluer pour srsquoadapter agrave lrsquoeacutevolution des caracteacuteristi-ques de lrsquoenvironnement Crsquoest ainsi que certaines firmes parviennent agrave surpasserleurs concurrents en deacutepit des mutations radicales de leur marcheacute Cette capaciteacute agravecreacuteer renouveler et reconfigurer les actifs pour les ajuster aux changements parfoisrapides et impreacutevisibles de lrsquoenvironnement est appeleacutee capaciteacute dynamique Ellecorrespond agrave la troisiegraveme cateacutegorie drsquoactifs Lrsquoinnovation est souvent consideacutereacuteecomme une capaciteacute dynamique car elle permet lrsquoajustement constant de lrsquooffre auxcaracteacuteristiques de la demande et lrsquoameacutelioration continue des processus internes agrave lafirme Ainsi quelle que soit lrsquoissue de lrsquoinnovation (succegraves ou eacutechec) elle geacutenegravere desconnaissances nouvelles dans les domaines technologique administratif marketingmanageacuterial relationnelhellip Il en est de mecircme pour lrsquoapprentissage organisationneldeacutefini comme laquo un pheacutenomegravene collectif drsquoacquisition et drsquoeacutelaboration de compeacuteten-ces qui plus ou moins profondeacutement plus ou moins durablement modifie la gestiondes situations et les situations elles-mecircmes raquo (Koenig 1994) Ainsi lorsqursquoune firmeapprend elle renouvelle son patrimoine de connaissances et drsquoaptitudes gracircceauxquelles elle reacutepond de faccedilon toujours plus efficace aux sollicitations de son envi-ronnement

Pour autant les ressources et les capaciteacutes drsquoune firme nrsquoont pas toutes le mecircmepotentiel Si certaines contribuent agrave assurer la survie de la firme (on parle de ressour-

du site Web transactionnel Drsquoautre part cette capaciteacute opeacuterationnelle est exploiteacutee locale-ment crsquoest-agrave-dire qursquoelle nrsquoa pas drsquoinfluence sur les autres capaciteacutes opeacuterationnelles quicomposent la chaicircne de valeur de ZecirctaDurant la deuxiegraveme peacuteriode Zecircta va transformer sa strateacutegie initiale de commerce eacutelectro-nique drsquoentreprise agrave consommateurs Elle devient progressivement une strateacutegie de distri-bution multicanal Cette peacuteriode est lrsquooccasion drsquoexploiter les retours drsquoexpeacuterience qui vontpermettre agrave la capaciteacute strateacutegique Internet drsquoatteindre progressivement la phase dematuriteacute Les principaux apprentissages sont reacutealiseacutes au niveau strateacutegique et vontpermettre agrave lrsquoorganisation de mieux positionner la strateacutegie de commerce eacutelectroniquedrsquoentreprise agrave consommateurs sur le marcheacute La capaciteacute tactique gagne elle aussi enmaturiteacute puisqursquoil srsquoagit de reacutepliquer lrsquoimplantation de sites Web transactionnels qui repo-sent sur les mecircmes architectures et infrastructures technologiques Zecircta mobilise eacutegale-ment la capaciteacute opeacuterationnelle Internet de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega En effetcette capaciteacute opeacuterationnelle Internet va ecirctre drsquoune part redeacuteployeacutee dans un nouveaucouple produit-marcheacute (lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega est transformeacutee en uneagence de voyages virtuelle vendant agrave rabais des produits touristiques de derniegravere minute)et drsquoautre part recombineacutee avec les ressources reacuteputationnelles (lrsquoimage de marque) dutransporteur aeacuterien des voyagistes et des reacuteseaux drsquoagences de Zecircta Lrsquoeacutevolution de lacapaciteacute opeacuterationnelle Internet va neacutecessiter lrsquoimpulsion drsquoun nouveau cycle drsquoapprentis-sage afin de lrsquoadapter agrave son nouveau contexte

Agrave partir de RENARD L et SOPARNOT R laquo Le cycle de vie des capaciteacutes organisationnellesdans le cadre du deacuteveloppement drsquoune strateacutegie Internet raquo

17e Congregraves de lrsquoAssociation internationale de management strateacutegique (AIMS) 2008

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ces etou compeacutetences seuil) drsquoautres sont veacuteritablement strateacutegiques (on parleindiffeacuteremment de ressources etou compeacutetences cleacutes ou cardinales ou distinctives)crsquoest-agrave-dire expliquent qursquoune firme est plus performante que ses concurrents Laquestion est alors drsquoidentifier les meacutecanismes par lesquelles les actifs produisentcette laquo sur-performance raquo ce qui revient agrave comprendre les sources de lrsquoavantageconcurrentiel Selon Barney (1991) un auteur de reacutefeacuterence de la RBV lrsquoavantageconcurrentiel srsquoexplique par les caracteacuteristiques particuliegraveres de certains actifs Danscette optique une ressource ou une capaciteacute soutient lrsquoavantage concurrentiel si elleremplit les conditions suivantes

Tout drsquoabord lrsquoactif doit avoir de la valeur pour la firme Il doit permettre de profi-ter drsquoopportuniteacutes de marcheacute ou de neutraliser une menace de lrsquoenvironnement Cetactif peut par exemple repreacutesenter une contribution significative agrave la valeur duproduit final pour le client permettre lrsquoaccegraves agrave certains marcheacuteshellip Ensuite lrsquoactifdoit ecirctre rare crsquoest-agrave-dire qursquoil doit ecirctre deacutetenu par un nombre limiteacute de firmes ideacutea-lement une seule En effet les ressources et capaciteacutes peuvent ne pas ecirctre disponi-bles sur le marcheacute des actifs ce qui rend alors impossible leur acquisition pardrsquoeacuteventuels concurrents La reacuteputation constitue par exemple une ressource pourlaquelle il nrsquoexiste pas de marcheacute Lrsquoactif doit eacutegalement ecirctre difficilement imitableLa difficulteacute de reacuteplication par les concurrents des facteurs de reacuteussite drsquoune firmepeut provenir du caractegravere difficilement identifiable des facteurs de performance(difficulteacute de retrouver les relations de cause agrave effet) du coucirct drsquoaccegraves agrave lrsquoactif de soncaractegravere tacitehellip Lrsquoactif doit aussi ecirctre durable crsquoest-agrave-dire qursquoil doit maintenirlrsquoavantage concurrentiel de la firme dans la dureacutee Cela renvoie agrave lrsquoeacuteventuelle obso-lescence drsquoune ressource et agrave son eacuterosion dans le temps De mecircme lrsquoactif doit ecirctrefaiblement substituable En drsquoautres termes pour conserver sa valeur la ressourcene doit pas avoir de substituts aiseacutement accessibles pour les concurrents Plus preacuteci-seacutement les services rendus par une ressource ne doivent pas pouvoir srsquoobtenir par lerecours agrave drsquoautres ressources Enfin lrsquoactif doit ecirctre approprieacute Cela signifie que lafirme doit organiser ses processus internes et sa structure de maniegravere agrave exploiter aumieux ses actifs et ainsi mateacuterialiser les potentialiteacutes de ses ressources

Finalement lrsquoanalyse interne via les ressources et les compeacutetences suggegravere lrsquoiden-tification des actifs deacutetenus par la firme (ressources compeacutetences organisationnelleset capaciteacutes dynamiques) ainsi que leur qualification (ressources et compeacutetencesstrateacutegiques ou seuil) Lrsquoenjeu est comme preacuteceacutedemment de mieux comprendre lesmeacutecanismes de creacuteation et de conservation de lrsquoavantage concurrentiel

Le diagnostic interne repose in fine sur deux meacutethodes compleacutementaires lachaicircne de valeur et le modegravele des ressources et des compeacutetences La premiegravere prendlrsquoactiviteacute comme uniteacute drsquoanalyse de reacutefeacuterence tandis que la seconde privileacutegie lesressources et les compeacutetences

Les sous-sections 1 et 2 ont permis de poser les bases de lrsquoanalyse strateacutegique Lesreacutesultats de ce double diagnostic permettent drsquoeacutevaluer la capaciteacute de la firme agrave faireface aux enjeux de son environnement Ainsi lorsque la firme est en mesure de saisirles enjeux notamment concurrentiels de son milieu plus geacuteneacuteralement les facteurs

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cleacutes de succegraves sectoriels les strategraveges considegraverent qursquoelle est aligneacutee Agrave lrsquoinverse ilest possible que lrsquoentreprise nrsquoait pas les capaciteacutes requises pour eacutevoluer dans sonenvironnement dans ce cas elle se trouve dans une situation dangereuse Quel quesoit le reacutesultat de cette mise en perspective le strategravege dispose drsquoune compreacutehensionaiguiseacutee de son secteur comme de son entreprise Ces informations lrsquoorientent et leguident dans lrsquoeacutelaboration des choix strateacutegiques

3 Les choix strateacutegiques

La formulation de la strateacutegie drsquoune entreprise repose sur trois questionnementschacun relevant de choix strateacutegiques interdeacutependants Le premier srsquointeacuteresse auxmanœuvres par lesquelles la firme entend dominer ses concurrents ndash il renvoie auxstrateacutegies concurrentielles ou compeacutetitives Le second traite des produits clients etmarcheacutes sur lesquels lrsquoentreprise souhaite fonder sa croissance ndash il se reacutefegravere aux stra-teacutegies de deacuteveloppement Enfin le troisiegraveme srsquoattache aux moyens qursquoil conviendrade mobiliser pour assurer le deacuteveloppement de lrsquoentreprise ndash il correspond auxmodaliteacutes strateacutegiques de deacuteveloppement Analysons-les successivement

31 Les strateacutegies concurrentielles

Pour Porter (1986) la maniegravere dont une firme se positionne dans un secteur crsquoest-agrave-dire face agrave ses concurrents deacutetermine sa rentabiliteacute En effet mecircme si lrsquoentrepriseeacutevolue dans un secteur agrave faible rentabiliteacute celle-ci peut espeacuterer obtenir une rentabi-liteacute supeacuterieure agrave la moyenne du secteur Pour cela elle doit fonder sa strateacutegie surlrsquoun des deux grands types drsquoavantage concurrentiel que sont la diffeacuterenciation et lescoucircts peu eacuteleveacutes Sur cette base Porter identifie trois strateacutegies concurrentielles ladiffeacuterenciation la domination par les coucircts et la concentration de lrsquoactiviteacute Celles-cise distinguent drsquoune part sur le critegravere de lrsquoavantage concurrentiel rechercheacute etdrsquoautre part sur le nombre de segments de marcheacute viseacutes

La strateacutegie de domination par les coucircts consiste pour une firme agrave se positionnercomme lrsquoentreprise de reacutefeacuterence en matiegravere de coucircts bas et agrave servir un vaste marcheacuteLrsquooffre de lrsquoentreprise est en outre conforme aux standards du marcheacute - les produitssont quasi-identiques aux autres ndash mais lrsquoentreprise les reacutealise agrave un coucirct infeacuterieur agravecelui des concurrents et peut alors les vendre agrave un prix plus bas donc plus attractifpour les clients Le maintien de cette strateacutegie passe par la recherche constante dessources de reacuteduction des coucircts afin drsquoameacuteliorer en continu la structure des coucircts delrsquoentreprise

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Repegraveres La strateacutegie de domination par les coucircts drsquoEasy Jet

Easy Jet est une compagnie drsquoaviation fondeacutee en 1995 par un entrepreneur britanniquedrsquoorigine grecque Stelios Haji-Ioannou Appartenant agrave Easy Group un groupe preacutesentdans diffeacuterents domaines drsquoactiviteacutes strateacutegique sous lrsquounique marque laquo Easy raquo Easy Jetest la division la plus rentable du groupe Consideacutereacutee degraves 1997 comme le rival de BritishAirlines Easy Jet a connu une croissance fulgurante une croissance lieacutee agrave une strateacutegie dedomination par les coucircts particuliegraverement bien maicirctriseacutee

La strateacutegie de domination par les coucircts drsquoEasy JetLa strateacutegie concurrentielle drsquoEasy Jet est qualifieacutee depuis sa creacuteation de strateacutegie agrave bascoucircts (low cost) une strateacutegie initieacutee par la compagnie ameacutericaine SouthWest AirlinesBien des aspects du management de lrsquoentreprise teacutemoignent de la strateacutegie drsquoabaisse-ment des coucircts Par exemple les slogans ont pour objectif de montrer aux consommateursqursquoils ont deacutesormais la possibiliteacute de voyager agrave prix casseacutes Lrsquoenjeu est de populariser lesvoyages en avion et drsquoen faire un moyen de transport commun afin drsquoaugmenter significa-tivement le nombre de voyageurs potentiels De mecircme la communication consiste agrave fairefigurer un numeacutero de teacuteleacutephone sur les avions permettant ainsi aux clients de reacuteserverleurs vols directement aupregraves de la compagnie Ces derniers peuvent eacutegalement les reacuteser-ver sur le site Internet de lrsquoentreprise Avec cette initiative lrsquoentreprise supprime la neacuteces-siteacute drsquoavoir un agent de voyage pour commercialiser ses vols En outre les billetseacutelectroniques drsquoEasy Jet limitent les frais drsquoimpression Aujourdrsquohui avec 95 des billetsacheteacutes par Internet Easy Jet est ainsi lrsquoun des plus grands deacutetaillants europeacuteens sur Inter-net Concernant lrsquooffre drsquoEasy Jet une caracteacuteristique de lrsquoentreprise est de standardiser aumaximum les produits Lrsquoentreprise ne dispose par exemple que drsquoune seule classe depassagers ce qui facilite le remplissage de chaque vol (le taux de remplissage des avionsavoisine les 90 ) et la vente des billets Les vols srsquoeffectuent eacutegalement dans des condi-tions de confort minimal (absence de siegraveges larges et spacieux et services agrave bord limiteacutes)Les voyageurs qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de services privileacutegieacutes comme lrsquoembarque-ment prioritaire le deacutepassement du poids des bagages et les repas pendant le voyagedoivent payer un montant additionnel (ce qui constitue une source de revenu suppleacutemen-taire pour lrsquoentreprise) Enfin Easy Jet cherche agrave optimiser la gestion de sa flotte drsquoavionsLrsquoentreprise ne propose aucune correspondance ce qui permet une utilisation maximaledes avions et reacuteduit le temps drsquoescale entre les vols ce qui compresse les taxes aeacuteropor-tuaires dont doivent srsquoacquitter les compagnies aeacuteriennesCette strateacutegie a permis agrave Easy Jet de connaicirctre un deacuteveloppement exceptionnel dunombre de ses passagers de son chiffre drsquoaffaires et de ses profits comme en teacutemoigne letableau page suivanteLe succegraves drsquoEasy Jet dans le secteur du transport aeacuterien a finalement fait naicirctre lrsquoopportu-niteacute drsquoeacutetendre lrsquoactiviteacute originelle en utilisant la marque laquo Easy raquo et le modegravele du bas coucirctLrsquoenjeu appliquer la recette low cost agrave drsquoautres activiteacutes

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Easy GroupLa strateacutegie de bas coucircts fut reacutepliqueacutee dans de multiples domaines drsquoactiviteacutes strateacutegi-ques La meacutethode est simple en apparence simplifier lrsquooffre et se concentrer sur lrsquoessen-tiel abaisser les coucircts proposer un prix de vente attractif servir un nombre de clientseacuteleveacutes et capitaliser sur la marque laquo Easy raquo Easy Group se compose ainsi drsquoentreprises agis-sant dans des domaines tregraves diffeacuterents Dans le domaine du transport et du tourisme EasyGroup est preacutesent outre le transport aeacuterien dans la location de voiture (avec Easy Car) letransport de voyageurs (Easy Bus relie Londres aux aeacuteroports voisins) lrsquoorganisation devoyages (Easy Cruiser vend des voyages organiseacutes en Gregravece et les icircles grecques) et lrsquohocirctelle-rie avec Easy Hotel Lrsquoentreprise srsquoest aussi deacuteveloppeacutee dans le domaine de lrsquoentertainmentavec Easy Internet Cafeacute Easy Music (vente de CD) et Easy Cineacutema (vente de DVD et infor-mation cineacutematographique) les services en ligne avec Easy Value (service de comparaisonde prix sur Internet) Easy Money (assurance voiture) Easy Job (service de recherchedrsquoemplois) la restauration avec Easy Pizza la location de bureaux eacutequipeacutes avec Easy Officela location de camionnettes avec Easy VanhellipLe deacuteveloppement rapide dans des domaines aussi varieacutes reflegravete parfaitement lrsquoambitiondu serial entrepreneur parvenir agrave peindre le monde en orange la couleur symbolique de lamarque laquo Easy raquo

Agrave partir de wwweasyjetfr et wwweasyjetcom

Tableau 11 mdash La croissance drsquoEasy Jet

Anneacutee Nombre de passagers

Chiffre drsquoaffaires en Livre Sterling

Profit en Livre Sterling

1995 30 000

1996 420 000

1997 1 140 000

1998 1 880 000 770 59

1999 3 670 000 1398 13

2000 5 996 000 2637 221

2001 7 664 000 3569 401

2002 11 400 000 5520 716

2003 20 300 000 9320 520

2004 24 300 000 1 0910 622

2005 29 558 000 1 3414 826

2006 32 953 000 1 6197 1292

2007 37 200 000 1 7970 2020

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La seconde strateacutegie concurrentielle est la strateacutegie de diffeacuterenciation Elleconsiste pour une firme agrave deacutelivrer agrave un nombre eacuteleveacute de segments du marcheacute uneoffre originale par rapport agrave celle des concurrents en place Pour ce faire lrsquoentreprisedoit repeacuterer les critegraveres de lrsquooffre valoriseacutee par les clients et non ou mal exploiteacutes parla concurrence Si par exemple les clients accordent une grande importance agravelrsquoimage du produit au designhellip et qursquoun nombre limiteacute de concurrents valorise leuroffre agrave partir de ces critegraveres alors la firme peut valoriser la sienne en la positionnantpar rapport agrave ces attraits Elle offre donc agrave ses clients des produits etou servicesperccedilus comme uniques ces derniers sont disposeacutes agrave payer plus cher une offredistincte de celle des autres entreprises Lrsquoexemple de LVMH (Louis Vuitton MoeumltHennessey) illustre bien la strateacutegie de diffeacuterenciation Fondeacutee en 1987 par BernardArnault LVMH est le leader mondial du luxe Le groupe possegravede un portefeuille decinquante marques prestigieuses Par exemple dans les vins et spiritueux LVMH estproprieacutetaire de Moeumlt et Chandon Dom Peacuterignon Chacircteau drsquoYquemhellip Dans lamode et la maroquinerie on trouve dans le giron LVMH les marques GivenchyKenzo Berluti Louis Vuittonhellip Dans les parfums et cosmeacutetiques Guerlain DiorhellipQuel que soit le secteur les produits LVMH sont positionneacutes haut de gamme et ontdes caracteacuteristiques uniques (composants image et notorieacuteteacute de la marque designqualiteacute intrinsegraveque packaging services offertshellip) qui les distinguent clairement deceux des concurrents et autorisent un surprix

Enfin la concentration des activiteacutes est la troisiegraveme strateacutegie concurrentielle possi-ble Dans ce type de strateacutegie lrsquoentreprise seacutelectionne un segment unique ou ungroupe limiteacute de segments du marcheacute et eacutelabore une offre particuliegraverement adapteacuteeau(x) segment(s) viseacute(s) Lrsquoobjectif est ici drsquoobtenir un avantage concurrentiel vala-ble dans le segment seacutelectionneacute et non pour lrsquoensemble du secteur ndash contrairementaux deux strateacutegies preacuteceacutedentes La concentration des activiteacutes peut prendre deuxformes Elle peut ecirctre fondeacutee sur les coucircts ou la diffeacuterenciation Dans le premier caslrsquoentreprise vise les coucircts ndash donc les prix ndash les plus bas dans le segment retenu Dansle second elle entend deacutelivrer au segment cibleacute une offre unique

In fine les strateacutegies concurrentielles sont au nombre de trois Lrsquoentreprise peutespeacuterer dominer ses concurrents et avoir des niveaux de profits supeacuterieurs agrave eux enrecourant soit agrave la domination par les coucircts soit agrave la diffeacuterenciation soit agrave la concen-tration des activiteacutes Selon Porter (1986) une entreprise courrait un risque importantsi elle srsquoengageait simultaneacutement dans les trois strateacutegies Elle srsquoenliserait alors dansla laquo voie meacutediane raquo et ce faisant elle aurait des profits infeacuterieurs agrave ceux qursquoelleobtiendrait en adoptant une strateacutegie concurrentielle unique Cela srsquoexplique notam-ment parce que les strateacutegies de domination par les coucircts et de diffeacuterenciation sontincompatibles ndash la diffeacuterenciation impose de construire une offre distincte de celledes concurrents et un accroissement des coucircts tandis que la domination par les coucirctsneacutecessite une normalisation de son offre et un abaissement des coucircts ndash et eacutegalementparce que la conquecircte et le maintien drsquoun avantage concurrentiel pour lrsquoune de cesstrateacutegies imposent une organisation et une chaicircne de valeur speacutecifiques

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Finalement les strateacutegies concurrentielles telles que Porter (1986) nous lespreacutesente partagent un point commun leur efficaciteacute reacuteside dans les caracteacuteristiquesdu secteur et le positionnement adopteacute par la firme En drsquoautres termes une analysetregraves pousseacutee de lrsquoindustrie et des concurrents en place conditionne le choix drsquoune destrois strateacutegies concurrentielles comme sa reacuteussite Cette perspective donne donc leprimat au milieu dans lequel opegravere la firme agrave la formulation de la strateacutegie Or ilexiste des situations ougrave certaines entreprises ont proceacutedeacute agrave de veacuteritables innovationsstrateacutegiques et sont parvenues agrave infleacutechir la structure du secteur et agrave en modifier lescaracteacuteristiques agrave leur avantage Si Porter (1986) eacutevoque cette possibiliteacute dans sestravaux il ne la deacuteveloppe pas veacuteritablement

Sur ce point les eacutetudes reacutealiseacutees par Kim et Mauborgne (2005) constituent uneavanceacutee significative Les auteurs montrent que les strateacutegies concurrentielles tradi-tionnelles sont dangereuses En effet en adoptant des strateacutegies laquo oceacuteans rouges raquo(terme utiliseacute par les auteurs pour qualifier les strateacutegies traditionnelles) les entre-prises deacutefinissent leur strateacutegie en se basant sur ce que font les concurrents Ces stra-teacutegies conduisent alors les firmes agrave se deacutemarquer soit par les prix soit par lescaracteacuteristiques de lrsquooffre (la diffeacuterenciation) En fin de course les acteurs se diffeacute-rencient de la mecircme maniegravere conduisant agrave la convergence de leur offre et sa banali-sation Et il en reacutesulte une deacutegradation geacuteneacuteraliseacutee de la performance eacuteconomiquedes firmes en preacutesence laquo Les eaux se teintent de sang raquo nous disent Kim et Maubor-gne (2005) afin drsquoexpliquer lrsquoapparition drsquoun laquo oceacutean rouge raquo Un oceacutean rouge estun espace concurrentiel caracteacuteriseacute par un niveau drsquoencombrement croissant condui-sant les entreprises agrave tenter de prendre lrsquoavantage sur leurs concurrents en cherchantagrave faire mieux qursquoeux En conseacutequence les entreprises se livrent une concurrenceacharneacutee ayant pour reacutesultat une reacuteduction des marges (par la baisse des prix etlrsquoaugmentation de la structure des coucircts) une baisse du chiffre drsquoaffaires et un risquede deacuteclin de la performance boursiegravere Face aux risques que repreacutesentent les strateacute-gies oceacutean rouge les auteurs suggegraverent lrsquoadoption drsquoune strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo(innovation strateacutegique) Celle-ci consiste agrave deacutevelopper lrsquoactiviteacute au sein drsquounespace de marcheacute inexploiteacute espace dans lequel la demande est agrave creacuteer en adoptantune vision laquo reconstructionniste raquo Celle-ci consiste agrave sortir de lrsquoalternative coucirct-valeur et agrave srsquointeacuteresser aux non-clients (les oceacuteans bleus peuvent se situer loin desfrontiegraveres des oceacuteans rouges ou sont parfois creacuteeacutes agrave proximiteacute) Une telle strateacutegiepreacutesente donc lrsquoavantage drsquoeacuteviter la concurrence directe le plus souvent drsquoalleacuteger lastructure des coucircts et de srsquoadresser agrave un marcheacute encore vierge susceptible de geacuteneacutererdes niveaux de croissance et de rentabiliteacute largement supeacuterieurs agrave ceux des oceacuteansrouges

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Repegraveres Nintendo adopte une strateacutegie subversive

En 2004 Nintendo bien que connu mondialement est un poids plume face aux poidslourds que sont Microsoft et Sony constructeurs respectifs de la Xbox et de la PlayStation(PS) Lrsquoeacutechec de la GameCube supposeacute concurrencer la Xbox et la PS a preacutecipiteacute les difficul-teacutes du fabricant japonais En 2004 Nintendo affiche un reacutesultat net en baisse de 50 parrapport agrave 2003 Sa surface financiegravere ne lui permet pas de rivaliser avec ses concurrentsnotamment sur le plan de la technologie (par le deacuteveloppement de consoles aussi puissan-tes et doteacutees de nombreuses fonctionnaliteacutes par la sophistication constante des jeux parleur qualiteacute graphiquehellip) Dans ce contexte difficile Saworu Iwata preacutesident de Nintendonommeacute en 2002 opte pour une strateacutegie de perturbation concurrentielle particuliegraverementrisqueacutee Une telle strateacutegie consiste pour une entreprise opeacuterant sur un marcheacute satureacute agravesrsquoaffranchir des contraintes de son marcheacute Un tel deacuteplacement strateacutegique est la voiesuivie par des socieacuteteacutes comme Apple ou Swatch ces entreprises ont conquis des espacesstrateacutegiques encore vierges et su creacuteer une demande entiegraverement nouvelle Maiscomment expliquer le revirement strateacutegique opeacutereacute par Nintendo

La strateacutegie de NintendoLe preacutesident de Nintendo est parti du constat que le marcheacute des jeux videacuteo saturait alorsque le taux drsquoeacutequipement nrsquoeacutetait pas si eacuteleveacute 35 en France 35 aux Etats-Unis et60 en Grande-Bretagne Il a fallu trouver un nouveau creacuteneau Saworu Iwata lrsquoa identifieacuteau niveau des joueurs occasionnels Jusqursquoagrave il y a peu la clientegravele viseacutee par les fabricants deconsoles et de jeux videacuteos eacutetait le joueur confirmeacute appeleacute eacutegalement laquo adulescent raquo ouencore le hardcore gamer (pour joueur intensif) Alors que les nouvelles geacuteneacuterations deconsoles (Xbox 360 et PS3) marquent un saut technologique Nintendo fait un pari diffeacute-rent avec le lancement de la Wii agrave la fin de lrsquoanneacutee 2006 un mouvement initieacute avec laconsole portable Nintendo DS apparue en 2004 Nintendo srsquoadresse deacutesormais agrave une cateacute-gorie de joueurs dits occasionnels Ceux-ci appreacutecient les jeux simples auxquels on peutconsacrer un minimum de temps Parmi ces jeux on peut citer les puzzles les diffeacuterentsjeux de cartes (dame de pique solitaire etc) le flipperhellip Et pour seacuteduire ces joueurs laconsole de jeux preacutesente des fonctionnaliteacutes limiteacutees elle promet simplement une expeacute-rience de jeu ineacutedite (le gameplay) alors que les consoles concurrentes permettent devisionner des films drsquoeacutecouter de la musique de regarder des photos de surfer sur le WebhellipSelon le preacutesident de Nintendo Satoru Iwata la Wii est le reacutesultat drsquoune longue reacuteflexionlaquo Il y a quatre ans nous avons fait le constat au Japon que le marcheacute des jeux saturaitNintendo se devait drsquoecirctre le premier agrave proposer une solution face agrave cette crise Nous avonsalors imagineacute des produits pour eacutelargir notre public Il ne srsquoagissait plus de faire des jeuxavec une grande richesse de contenus mais de les inteacutegrer dans la vie ordinaire Le lance-ment de la DS notre plate-forme portable munie drsquoun stylet et drsquoun eacutecran tactile a repreacute-senteacute la premiegravere eacutetape de notre strateacutegie de deacuteveloppement vers le grand public raquoLe pari de Saworu Iwata est gagneacute Nintendo croule rapidement sous les commandes etdoit augmenter ses capaciteacutes de production pour faire face agrave la demande mondiale La Wiia ainsi eacuteteacute vendue entre deacutecembre 2006 et avril 2008 agrave pregraves de 26 millions drsquoexemplairesLa part de marcheacute de la Wii sur le marcheacute des consoles de nouvelle geacuteneacuteration srsquoeacutetablit agrave

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43 en 2007 Au niveau financier lrsquoameacutelioration des reacutesultats provient en grande partiedu lancement de la Nintendo DS en novembre 2004 et de la Wii en novembre 2006 Lechiffre drsquoaffaires a eacuteteacute multiplieacute par trois en lrsquoespace de trois anneacutees et le beacuteneacutefice net croicirctde maniegravere spectaculaire Crsquoest ainsi qursquoen 2007 le chiffre drsquoaffaires a connu une hausseapproximative de 90 et le reacutesultat net de 77

Les caracteacuteristiques de la WiiPour qursquoune telle strateacutegie puisse srsquoaveacuterer gagnante lrsquoinnovation ne srsquoest pas limiteacutee auseul repositionnement de la console videacuteo aupregraves des joueurs occasionnelsConsole leacutegegravere agrave taille reacuteduite (44 x 157 x 2154 mm) blanche agrave lrsquoaspect eacuteleacutegant et tregraves facileagrave connecter agrave un teacuteleacuteviseur la Wii se diffeacuterencie des autres consoles par un mode de jeusensoriel baseacute sur la reconnaissance des mouvements Ainsi la teacuteleacutecommande sans fil seprend en main instinctivement et les mouvements pour controcircler les jeux reproduisent lesgestes des joueurs Au lieu du traditionnel joystick ou de la manette multitouchesexigeant une tregraves grande dexteacuteriteacute les joueurs ont agrave leur disposition une teacuteleacutecommandenommeacutee Wiimote eacutequipeacutee drsquoun acceacuteleacuteromegravetre Celui-ci permet de reproduire les mouve-ments dans lrsquoespace en interaction avec lrsquoeacutecran De plus la manette possegravede un vibrateursusceptible de simuler les diffeacuterentes reacuteactions Afin drsquoeacuteviter des lacirccheacutes intempestifs lamanette est retenue au poignet agrave lrsquoaide drsquoun lacet nommeacute dragonne Quelques mois apregravesle lancement de la Wii Nintendo a drsquoailleurs ducirc renforcer les dragonnes qui ne reacutesistaientpas agrave lrsquoenthousiasme des joueursCette manette srsquoaccompagne drsquoune gamme drsquoaccessoires dans lesquels on insegravere la teacuteleacute-commande On voit ainsi apparaicirctre des mini raquettes de tennis des reacutepliques de club degolf des revolvers des sabres laser des volants des cannes agrave pecircche et plus reacutecemment laWii balance board (un pegravese-personne) Ces accessoires accompagnent bien souvent lesnouveaux jeux tels que MarioKart et Wii Fit programme de remise en forme qui srsquoannoncecomme le succegraves de lrsquoanneacutee 2008Le succegraves deacutepend eacutegalement des innovations en termes de programmes la Wii beacuteneacuteficiede lrsquoexpeacuterience de la Nintendo DS Sont apparus des divertissements ludo-eacuteducatifsineacutedits sur console (comme English Training ou Sudoku Master) des jeux ceacutereacutebraux desti-neacutes agrave un public senior des chaicircnes Wiihellip le but eacutetant de proposer une gamme de jeux agrave unpublic diversifieacute Pour cela Nintendo conccediloit en interne une grande partie de ses jeux (lesoftware) Certains concepteurs de jeux comme Shigeru Miyamoto sont mecircme devenustregraves connus (il est notamment lrsquoinventeur de Mario Donkey Konghellip) Lrsquoentreprise fait aussiappel agrave des eacutediteurs de jeux Notons tout de mecircme le peu drsquoenthousiasme dont ont faitpreuve certains eacutediteurs de jeux au deacutebut de lrsquoaventure DSWii Ceux qui ont cru agrave lanouvelle console comme Ubisoft ont donneacute le sourire agrave leurs actionnairesEnfin le prix de la Wii est plus faible que celui des autres consoles 249 euros Lors de sonlancement la Xbox 360 coucirctait 299 euros tandis que le prix de la PS3 srsquoeacutetablissait agrave399 euros Microsoft a depuis baisseacute ses prixLe marketing et la communication de Nintendo ont eacutegalement eacuteteacute repenseacutes Aux tradi-tionnelles publiciteacutes preacutesentes dans la presse speacutecialiseacutee on retrouve des encarts publici-taires dans la presse feacuteminine et la presse pour seniors En France ougrave le groupe a choisilrsquoactrice Michegravele Laroque pour incarner les vertus du jeu drsquoentraicircnement ceacutereacutebral les inves-tissements en marketing et en communication atteignent plusieurs dizaines de millionsdrsquoeuros laquo Beaucoup de consommateurs sont sur le point de basculer mais ils ont besoin

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En synthegravese la formulation drsquoune strateacutegie concurrentielle ndash domination par lescoucircts diffeacuterenciation concentration et innovation strateacutegique ndash correspond agrave lapremiegravere phase de lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Elle laisse ensuite place agrave la deacutefini-tion drsquoune strateacutegie de deacuteveloppement

32 Les strateacutegies de deacuteveloppement

Les strateacutegies de deacuteveloppement se reacutefegraverent agrave lrsquoensemble des choix par lesquelsune entreprise parvient agrave assurer un niveau de croissance suffisant pour faire face agraveses engagements et peacuterenniser son activiteacute Elles renvoient donc aux deacutecisions rela-tives au systegraveme drsquooffre de la firme aux zones geacuteographiques dans lesquelles elleentend ecirctre preacutesente et aux types de clients auxquels elle souhaite commercialiserses produits La figure suivante identifie quatre strateacutegies de deacuteveloppement possi-bles

Le cadran A concerne les strateacutegies de confortement appeleacutee aussi speacutecialisationCette voie consiste pour lrsquoentreprise agrave capitaliser tant sur sa maicirctrise des ressourceset compeacutetences de fabrication et de commercialisation des produits que sur saconnaissance des besoins des clients et des marcheacutes geacuteographiques dans lesquels lafirme est preacutesente Cette strateacutegie vise lrsquoameacutelioration et la rationalisation de lrsquooffre(par lrsquoeacuteleacutevation de la qualiteacute et la compression des coucircts) en vue de consolider laposition actuelle Cette strateacutegie se concentre sur le maintien des parts de marcheacute etla fideacutelisation des clients Le confortement revecirct parfois une forme plus agressivepuisque certaines entreprises peuvent adopter une strateacutegie centreacutee sur la conquecirctedes clients des concurrents directs (proposant la mecircme offre sur les mecircmes

drsquoun deacuteclic suppleacutementaire et une personnaliteacute comme Michegravele Laroque qui figure parmile palmaregraves des personnaliteacutes feacuteminines preacutefeacutereacutees des Franccedilais est feacutedeacuteratrice raquo noteStephan Bole directeur geacuteneacuteral de Nintendo La Wii devient une console de jeu intergeacuteneacute-rations Il suffit pour srsquoen convaincre drsquoobserver la place de la Wii dans la maison alors queles consoles traditionnelles aux dimensions plus importantes sont situeacutees dans les cham-bres drsquoadolescents la Wii trouve sa place sous le teacuteleacuteviseur du salon Pregraves de 80 des utili-sateurs ont ainsi plus de 24 ans (lrsquohabituel cœur de cible est les joueurs acircgeacutes de 8 agrave 25 ans)et 50 sont des femmes Drsquoapregraves lrsquoAssociation ameacutericaine des logiciels de divertissementciteacutee par Challenges 24 des Ameacutericains de plus de 50 ans jouent deacutesormais aux jeuxvideacuteo alors qursquoils nrsquoeacutetaient que 9 en 1999 En France le marcheacute des jeux videacuteo aprogresseacute de 65 en 2007 On attribue la moitieacute de cette performance agrave la Wii deNintendo laquo Crsquoest une vraie rupture raquo affirme Stephan Bole laquo pendant vingt ans nousavons fait la course agrave la puissance pour attirer toujours plus de deacuteveloppeurs de jeux et declients et finalement nous nous sommes aperccedilus que pour beaucoup de personnes lesjeux proposeacutes restent complexes et encore trop anxiogegravenes raquo

Agrave partir de BONNEVEUX E LE SAOUT E et SOPARNOT R laquo La Wii sort Nintendodrsquoune impasse concurrentielle raquo 1e Journeacutee de cas peacutedagogique

Lrsquoinnovation dans les organisations Groupe ESCEM Tours novembre 2008

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marcheacutes) Cette strateacutegie est particuliegraverement pertinente lorsque le marcheacute est enphase de deacuteveloppement car la croissance permet agrave la firme drsquoameacuteliorer sa positionlaquo naturellement raquo En revanche lorsque le marcheacute deacutecline cette strateacutegie met lafirme en situation de plus grande vulneacuterabiliteacute

Figure 15 mdash Les orientations de deacuteveloppement

Le cadran B correspond agrave la strateacutegie de deacuteveloppement de produits etou de servi-ces Cette orientation consiste agrave faire eacutevoluer le portefeuille de produits de lrsquoentre-prise et agrave commercialiser ces nouveaux produitsservices aupregraves des mecircmes clientset dans les zones geacuteographiques dans lesquelles lrsquoentreprise opegravere deacutejagrave Cette strateacute-gie permet donc agrave lrsquoentreprise de mieux servir ses clients actuels et drsquoaccroicirctre lechiffre drsquoaffaires par client Cette strateacutegie se justifie notamment lorsque les clientsde lrsquoentreprise ont exprimeacute certaines insatisfactions lieacutees agrave lrsquooffre disponible LaLogan by Renault est une bonne illustration Si agrave lrsquoorigine ce veacutehicule drsquoentreacutee degamme eacutetait destineacute aux marcheacutes eacutemergents la Logan a eacutegalement seacuteduit les clientstraditionnels de Renault Ce nouveau produit a donc permis agrave Renault drsquoenrichir sonoffre

Le cadran C renvoie agrave la strateacutegie de deacuteveloppement de segments et de marcheacutesCette voie consiste agrave proposer lrsquooffre actuelle de lrsquoentreprise agrave de nouveauxsegments de clients ou agrave la commercialiser dans de nouveaux marcheacutes geacuteographi-ques (internationalisation) Cette strateacutegie preacutesente notamment lrsquointeacuterecirct drsquoexploiterla dureacutee de vie des diffeacuterents produits de lrsquoentreprise et drsquoaccroicirctre le chiffre drsquoaffai-res par produit Elle se justifie notamment lorsque les segments de clients ou leszones de commercialisation traditionnelles de lrsquoentreprise saturent lorsque denouveaux clients ou de nouvelles zones offrent des profits etou des perspectives decroissance supeacuterieurs

Produits

Marcheacutes

Existants

Existants

A

ConfortementSpeacutecialisation

B

Deacuteveloppement deproduitsservices

C

Nouveaux segmentsDeacuteveloppement de

marcheacuteInternationa-lisation

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Diversification relieacuteeDiversification non relieacutee

Nouveaux

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Repegraveres Les Grandes Eacutecoles franccedilaises srsquointernationalisent

Les grandes eacutecoles de gestion contribuent activement au processus de mondialisation delrsquoenseignement Elles ambitionnent en effet de figurer parmi les meilleures eacutecoles aumonde et de fournir au marcheacute des eacutetudiants au profil international Selon Pierre Tapiedirecteur de lrsquoESSEC laquo les entreprises doivent avoir la certitude de pouvoir recruter cheznous des profils reacuteellement internationaux capables par exemple de deacutevelopper des filia-les en Chine au Breacutesil ou partout dans le monde raquo Pour atteindre cet objectif les eacutecolescherchent agrave attirer les eacutelegraveves eacutetrangers agrave envoyer leurs eacutetudiants hors de leurs frontiegraveresdrsquoorigine et agrave recruter des professeurs capables drsquoenseigner dans des programmes interna-tionaux Petit tour drsquohorizon des pratiques drsquoeacuteducation internationale au managementDeux strateacutegies non exclusives eacutemergent La premiegravere concerne les eacutecoles les plus auda-cieuses Elles ouvrent leur propre campus agrave lrsquoeacutetranger et misent soit sur lrsquoAsie soit surlrsquoEurope et lrsquoAfrique Si lrsquoINSEAD a donneacute le ton avec lrsquoouverture il y a deacutejagrave longtemps drsquouncampus agrave Singapour des eacutecoles de moindre renommeacutee agrave lrsquointernational mais tregraves coteacuteesen France comme lrsquoEM Lyon (avec un campus agrave Shanghai et Genegraveve) lrsquoESSEC (avec uncampus agrave Singapour) lrsquoESCP-EAP (avec ses campus agrave Berlin Londres Madrid et Turin) luiemboicirctent le pas Des eacutecoles plus modestes adoptent une strateacutegie similaireLrsquoESC Toulouse a ainsi un campus agrave Barcelone et un autre agrave Casablanca lrsquoESSCA drsquoAngers agraveBudapest lrsquoEDHEC agrave Londreshellip En srsquoimplantant en Asie les eacutecoles visent un potentieldrsquoeacutetudiants tregraves vaste pour qui lrsquoeacuteducation repreacutesente beaucoup Une strateacutegie orienteacuteevers lrsquoEurope et lrsquoAfrique reacutepond agrave une logique de proximiteacute culturelle et geacuteographiqueDeux avantages agrave cela drsquoune part le public appreacutecie la culture franccedilaise et reconnaicirctlrsquoenseignement des eacutecoles franccedilaises et drsquoautre part le transfert des eacutetudiants et desprofesseurs srsquoavegravere plus aiseacute et moins coucircteux La seconde strateacutegie consiste agrave se deacutevelop-per agrave lrsquointernational en srsquoappuyant sur des partenaires reacuteputeacutees agrave lrsquoeacutetranger Ainsi leseacutecoles qui ne souhaitent pas supporter les risques drsquoune implantation srsquoadossent agrave deseacutecoles deacutejagrave preacutesentes sur le marcheacute viseacute Ces partenariats permettent drsquoenvoyer eacutetudiantset professeurs agrave lrsquoeacutetranger agrave moindre coucirct LrsquoESSEC a ainsi signeacute huit accords de doublesdiplocircmes avec des institutions de renom dans le monde tandis que lrsquoEM Grenoble deacuteloca-lise son MBA dans une demi-douzaine de pays dont la Russie et lrsquoAngleterre Cette strateacute-gie partenariale peut eacutegalement prendre la forme drsquoun consortium Crsquoest le cas deParis Tech qui regroupe neuf eacutecoles drsquoingeacutenieurs et HEC ParisMais lrsquointernationalisation des eacutecoles de gestion ne passe pas exclusivement par lrsquoimplan-tation de campus ou la creacuteation de partenariats elle consiste eacutegalement agrave ouvrir sesportes aux eacutetudiants eacutetrangers Pour cela les eacutecoles dispensent des cours en anglais etoffrent de multiples services aux jeunes arrivants (comme la recherche de logementshellip)afin drsquoaider les eacutetudiants agrave srsquoadapter au pays drsquoaccueil Ces eacutechanges sont le plus souventporteacutes par des accords entre eacutetablissements etou reacutealiseacutes dans le cadre de programmeseuropeacuteens (Erasmus) et international (Erasmus Mundus)Ce mouvement vers lrsquointernational srsquoest acceacuteleacutereacute vers la fin des anneacutees quatre-vingt-dixDeux raisons agrave cela les accreacuteditations et les classements Les accreacuteditations sont deacutelivreacuteespar des organismes speacutecialiseacutes et srsquoapparentent agrave des certifications qualiteacute Les trois plus

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Le cadran D correspond aux strateacutegies de diversification relieacutee et non relieacutee Cettevoie consiste agrave proposer de nouveaux produits et services agrave de nouveaux clientsetou zones geacuteographiques La diversification est relieacutee lorsque lrsquoentreprise se deacuteve-loppe vers une activiteacute qui entretient des points communs avec lrsquoactiviteacute initiale(partage de ressources et compeacutetences) La diversification est non relieacutee lorsque ledeacuteveloppement srsquoeffectue en direction drsquoactiviteacutes totalement nouvelles nrsquoentrete-nant aucune proximiteacute avec lrsquoactiviteacute drsquoorigine La diversification permet notam-ment agrave lrsquoentreprise drsquoaccroicirctre son pouvoir de marcheacute (elle peut chercher agrave obtenirdes conditions avantageuses aupregraves de ses fournisseurs et clients compte tenu de leurtaille) de reacutepartir les risques entre les activiteacutes (les activiteacutes fragiles peuvent ecirctrecompenseacutees par des activiteacutes plus solides financiegraverement) et de beacuteneacuteficier drsquoeacutecono-mie de champ (certaines ressources peuvent ecirctre utiliseacutees dans le cadre des diffeacuterentsproduits ou activiteacutes de lrsquoentreprise)

Ces quatre voies de deacuteveloppement ne sont eacutevidemment pas exclusives Une entre-prise peut ainsi assurer sa croissance agrave partir de plusieurs options Ensuite le choixdes orientations induit une reacuteflexion quant aux moyens neacutecessaires agrave leur mise enœuvre Agrave titre drsquoexemple la conquecircte drsquoun nouveau marcheacute impose lrsquoaccegraves agrave desressources et des compeacutetences la connaissance des reacuteseaux de distribution et desattentes des clients la reacuteglementation en vigueur dans le pays un reacuteseau de fournis-seurs locaux une structure administrative rompue aux regravegles du commerce exteacute-rieurhellip Ainsi quelle que soit la strateacutegie de deacuteveloppement adopteacutee il conviendraau manager de deacutefinir les modaliteacutes drsquoaccegraves aux actifs

33 Les modaliteacutes strateacutegiques du deacuteveloppement

Les modaliteacutes strateacutegiques concernent lrsquoaccegraves aux moyens neacutecessaires agrave la mise enœuvre drsquoune strateacutegie de deacuteveloppement Ce sont la croissance interne la croissanceexterne et la croissance partageacutee

importantes accreacuteditions dans lrsquounivers des eacutecoles de gestion sont le label Equis de lrsquoEuro-pean Foundation for Management Development (EFMD) celui de lrsquoAssociation to AdvanceCollegiate School of Business (AACSB) et celui de lrsquoAssociation of Master of Business Admi-nistration (AMBA) Ces accreacuteditations jouent un rocircle majeur agrave lrsquointernational Drsquoune partelles informent les eacutetablissements de la qualiteacute de leurs partenaires Et drsquoautre part ellessont une garantie de la qualiteacute de lrsquoenseignement qui sera deacutelivreacute aux eacutetudiants eacutetrangersLes classements quant agrave eux jouent un rocircle similaire ils informent les eacutetudiants poten-tiels les entrepriseshellip sur la renommeacutee drsquoune eacutecole et la qualiteacute des eacutetudiants qui en sontdiplocircmeacutes Au niveau international les classements les plus connus sont reacutealiseacutes par leFinancial Times et le Wall Street Journal

Agrave partir de laquo Les Grandes Eacutecoles agrave la conquecircte de la planegravete raquoLes Eacutechos 21 octobre 2008 et wwwambafranceorg

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

La croissance interne ou organique consiste pour une firme agrave assurer son deacutevelop-pement agrave partir des ressources et compeacutetences disponibles ou par creacuteation de celles-ci Ce mode de croissance permet agrave la firme de se construire un portefeuille deressources et de compeacutetences coheacuterent Lrsquoentreprise peut en effet se concentrer sur lacreacuteation drsquoactifs proches de son cœur de meacutetier Cependant ce mode de croissanceest lent ndash il est plus rapide drsquoacqueacuterir les actifs existants ndash ce qui peut faire obstacleagrave la vitesse que requiert parfois le deacuteploiement de la strateacutegie

La croissance externe consiste agrave acceacuteder aux ressources et compeacutetences drsquouneautre organisation Elle correspond aux strateacutegies drsquoacquisition gracircce agrave laquelle unefirme prend le controcircle drsquoune autre organisation et de fusion par laquelle deuxfirmes unissent leur destineacutee Ce mode de croissance permet agrave une firme drsquoaccroicirctreson pouvoir de marcheacute de contourner certaines barriegraveres agrave lrsquoentreacutee drsquoacceacuteder agrave desressources et des compeacutetences qursquoil aurait eacuteteacute impossible de deacutevelopper en interne(marque brevet technologiehellip) et drsquoen beacuteneacuteficier plus vite que si la firme avait ducircles creacuteer par elle-mecircme (points de vente usineshellip) De ce fait la firme acceacutelegravere sondeacuteveloppement strateacutegique agrave lrsquointernational par exemple Mais la croissance externeest susceptible de fragiliser la situation financiegravere de lrsquoentreprise ndash lorsque les acqui-sitions sont financeacutees par lrsquoendettement ndash et engendre des difficulteacutes drsquointeacutegration ndashil est question de mettre en contact des cultures des processus organisationnelshellipdiffeacuterents voire incompatibles

Repegraveres Sanyo une acquisition strateacutegique pour Panasonic

La concreacutetisation de lrsquooffre publique drsquoachat (OPA) de Panasonic sur Sanyo annoncerait lacreacuteation de la plus grande entreprise eacutelectronique du Japon Panasonic notammentconnue pour ses teacuteleacuteviseurs agrave eacutecran plasma ses cameacutescopes ses teacuteleacutephones et ses appa-reils photos pourrait prendre le controcircle de Sanyo le leader mondial dans la production debatteries rechargeables Cette acquisition permettrait ainsi agrave Panasonic de devenir leleader du secteur de lrsquoeacutelectronique grand public et professionnel devant Hitachi et SonyFondeacute en 1918 au Japon le groupe Panasonic Corporation est constitueacute de deux marquesphares Panasonic et Technics Son slogan laquo Ideas for Life raquo symbolise lrsquoesprit qui a toujoursanimeacute le groupe ameacuteliorer le bien-ecirctre de la socieacuteteacute et la qualiteacute de vie des citoyens dumonde Son fondateur Konoshue Matsushita reacutesume ainsi la philosophie de lrsquoentreprise laquo Reconnaissant nos responsabiliteacutes en tant qursquoindustriels nous nous deacutevouerons au deacuteve-loppement de la socieacuteteacute et au bien-ecirctre des gens gracircce agrave nos activiteacutes professionnellesameacuteliorant ainsi la qualiteacute de vie dans le monde raquo Cette vocation a conduit le groupe agravecontinuellement diversifier son offre Panasonic est ainsi preacutesent dans les domaines delrsquoaudiovisuel lrsquoeacutelectromeacutenager les eacutequipements domestiques les composants eacutelectroni-ques et les robots au travers de 600 entreprises

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Le projet de Panasonic drsquoacqueacuterir Sanyo srsquoinscrit dans la continuiteacute de la strateacutegie de diver-sification relieacutee du groupe Lrsquoenjeu est double renforcer les positions actuelles dans sesmarcheacutes historiques et surtout trouver de nouveaux relais de croissance dans des secteursproches de son meacutetier initial Et Sanyo est une cible ideacuteale Lrsquoentreprise est le leadermondial des batteries qui alimentent les veacutehicules hybrides et eacutelectriques les teacuteleacutephonesportables les ordinateurshellip Or ce sont des activiteacutes agrave fort potentiel Panasonic chercheraitdonc agrave srsquoimplanter dans le secteur prometteur des batteries Le cas des batteries pour veacutehi-cules hybrides et eacutelectriques est particuliegraverement reacuteveacutelateur Les analystes srsquoaccordent surle fait que ce marcheacute est promis agrave un bel avenir et Sanyo y occupe une position forte (elledeacuteveloppe deacutejagrave des batteries hybrides pour Ford Motors et Honda Motors) Panasonicpourrait donc prendre une longueur drsquoavance sur ses concurrents directs sur ce segmentdrsquoautant que Panasonic a creacuteeacute une co-entreprise avec Toyota Comme le souligne cetanalyste laquo quand la demande en veacutehicules hybrides et eacutelectriques deacutecollera Panasonic etSanyo seront loin devant tout le monde raquo Mais lrsquointeacuterecirct de Panasonic pour Sanyo provienteacutegalement de son expertise dans les domaines des cellules photovoltaiumlques un segmentde marcheacute consideacutereacute comme prometteur Sanyo y occupe la troisiegraveme place avec la produc-tion du monocristallin et affiche une preacutevision de croissance de 30 par anSi cette OPA venait agrave aboutir la marque Sanyo serait conserveacutee et lrsquoentreprise deviendraitune filiale de Panasonic Corporation Une fois les deux entreprises reacuteunies le groupe repreacute-senterait un chiffre drsquoaffaires de pregraves de 12 000 milliards de yens comme le montre letableau suivant

Cette OPA reste cependant conditionneacutee par lrsquoaccord des trois principaux actionnaires deSanyo les groupes financiers japonais Sumitomo Mitsui Banking Corporation et DaiwaSecurities SMBC ainsi que le groupe ameacutericain Goldman Sachs Leurs participations repreacute-sentent en effet pregraves de 70 du capital de Sanyo

Agrave partir de laquo Panasonic-Sanyo un rapprochement logique pour donnernaissance agrave un nouveau champion raquo Les Eacutechos 4 novembre 2008

wwwpanasonicfr wwwsanyofr et wwwsanyocom

Tableau 12 mdash Les chiffres clefs de Sanyo et de Panasonic(milliards de yens exercice clos au 31 mars 2008)

Sanyo Panasonic

Chiffre drsquoaffaires Chiffre drsquoaffaires

04-05 05-06 06-07 07-08 04-05 05-06 06-07 07-08

2 485 2 397 2 215 2 018 8 714 8 894 9 108 9 069

Reacutesultat net Reacutesultat net

04-05 05-06 06-07 07-08 04-05 05-06 06-07 07-08

(171) (206) (45) 29 58 154 217 282

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Enfin la croissance partageacutee ou conjointe deacutesigne une situation dans laquelle deuxou plusieurs entreprises mettent en commun certaines ressources et compeacutetences envue de se deacutevelopper respectivement Elle se concreacutetise par la formation drsquoalliancesstrateacutegiques entre concurrents ayant des inteacuterecircts communs agrave la reacuteussite drsquoun projet(lancement drsquoun nouveau produit implantation agrave lrsquoeacutetranger deacuteveloppement drsquounetechnologiehellip) Ce faisant la croissance conjointe permet notamment aux acteursconcerneacutes drsquoacceacuteder agrave des ressources et compeacutetences agrave moindre coucirct de partager lesinvestissements et de limiter les risques financiers lieacutes au projet parfois drsquoapprendrede son partenaire de contourner certaines barriegraveres agrave lrsquoentreacutee et de disposer drsquounecertaine souplesse de deacuteveloppement (lieacutee agrave la plus grande reacuteversibiliteacute des choix)Mais la croissance partageacutee preacutesente certaines difficulteacutes relatives aux modaliteacutes defonctionnement dans le cadre de lrsquoalliance ndash la reacutepartition des rocircles les processusdeacutecisionnels lrsquoeacutevolution de lrsquoalliance les modaliteacutes de sortiehellip constituent desaspects susceptibles drsquoengendrer lrsquoeacutechec de lrsquoalliance De mecircme les acteurs doiventse preacutemunir des risques de captation de certaines compeacutetences et drsquoasymeacutetriedrsquoapprentissage ndash lrsquoapprentissage peut ecirctre plus favorable agrave lrsquoun des partenaires

Repegraveres Lrsquoalliance entre PSA et Toyota

Agrave Kolin agrave une cinquantaine de kilomegravetres de Prague Toyota Peugeot Citroeumln Automobile(TPCA) inaugure au printemps 2005 une usine commune drsquoougrave sortent depuis 2006300 000 petites berlines par an des Peugeot 107 Citroeumln C1 et Toyota Aygo Les parte-naires se disent particuliegraverement satisfaits de cette collaboration entameacutee en 2000En effet lrsquoun des segments qui connaicirct la plus forte croissance dans le secteur automobileest celui des petites citadines bien qursquoil srsquoagisse drsquoun segment eacuteconomique pour lequel lesprix de vente doivent ecirctre bas ce qui entraicircne des marges faibles Le deacutefi qui se preacutesentealors aux constructeurs est de rendre profitable ces veacutehicules Ce pari est drsquoautant plusdifficile agrave relever que les consommateurs demandent le mecircme niveau de haute technolo-gie que pour les autres cateacutegories de veacutehicules Les constructeurs nrsquoont donc pas fait decompromis sur la qualiteacute de construction des composants ou sur la seacutecuriteacute ainsi quelrsquoatteste lrsquoobtention de quatre eacutetoiles au test Euro-NCAPAu regard de ces contraintes le premier levier de compression des coucircts est de choisir unlieu de production agrave faibles coucircts salariaux la Reacutepublique tchegraveque Le choix de Kolin nrsquoestpas le fruit du hasard ce pays reste empreint de sa tradition dans le secteur des fabrica-tions meacutecaniques dont Skoda fut lrsquoun des fleurons La disponibiliteacute de la main-drsquoœuvrerecruteacutee est apparue assez inteacuteressante pour prendre le risque de retrouver un savoir-fairegarantissant un niveau de qualiteacute reacutepondant aux critegraveres actuels de lrsquoindustrie automo-bile Les dirigeants de cette nouvelle usine lrsquoont compris et placent la barre assez haut enmatiegravere de formation Lrsquoautre facteur justifiant cette implantation est la localisationgeacuteographique au centre de lrsquoEurope ce qui permet de livrer efficacement lrsquoEurope delrsquoOuest et lrsquoEurope centrale

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Les objectifs des partenairesPSA est coutumier des alliances ponctuelles avec des concurrents Ford BMW pourlrsquoeacutelaboration de moteurs par exemple Il srsquoagit pour Jean-Martin Folz alors PDG de PSA delaquo deacutegager des formules qui apportent les volumes assurant la meilleure rentabiliteacute raquo Eneffet pour Denis Duchesne responsable du projet chez PSA laquo la taille critique pour uneuniteacute de production est aujourdrsquohui de 300 000 voitures par an raquo Sur le segment viseacute ditlaquo sub-B raquo laquo aucune marque ne peut preacutetendre eacutecouler plus de 150 000 exemplaires drsquoougravela neacutecessiteacute de se mettre agrave deux raquo En solitaire ce genre drsquoinvestissement aurait coucircteacute50 de plus Lrsquoinvestissement en recherche et deacuteveloppement et en implantation indus-trielle srsquoeacutelegraveve agrave 13 milliard drsquoeuros ce qui repreacutesente vraisemblablement une chargedrsquoamortissement tournant autour de 500 euros par voiture produite Cela permet deproposer les versions de base sous la barre des 9 000 euros Les analystes pensent que lespartenaires sont susceptibles de reacutealiser un profit opeacuterationnel de 3-4 pour leur veacutehiculeconstruit en commun agrave comparer avec la moyenne de leurs concurrents qui srsquoeacutetablit agrave 1-2 sur des modegraveles similairesPour Toyota lrsquoalliance est plus inhabituelle mais cette action commune srsquoavegravere avanta-geuse Pour Tetsuya Yamada un des cadres deacutetacheacutes en Reacutepublique tchegraveque par le cons-tructeur nippon laquo Nous deacutecouvrons beaucoup de choses sur le savoir-faire de lrsquoautre agravetravers cette coopeacuteration Toyota est toujours un acteur mineur en Europe et nous appre-nons agrave y deacutevelopper une activiteacute plus large raquo Cette implantation lui apporte des capaciteacutesde production qui lui permettront de reprendre pied sur le marcheacute des petites voituresEacutegalement cette action conforte la volonteacute du constructeur japonais de se donner unprofil europeacuteen Cette usine partageacutee avec PSA srsquoinscrit en effet dans une strateacutegiecommerciale et industrielle bien plus vaste que ce que peut repreacutesenter lrsquoAygo produite agraveKolin Elle srsquoajoute agrave ses installations britanniques dont sortent ses Avensis et ses Corollaaux installations franccedilaises avec lrsquousine de Valenciennes produisant les Yaris agrave son usineturque qui produit notamment des Verso ou encore agrave ses usines polonaises de moteurs etde transmissions Le tout eacutetant superviseacute par son eacutetat-major europeacuteen et par son centre derecherche et deacuteveloppement installeacutes en peacuteripheacuterie bruxelloisePartenaires les constructeurs nrsquoen demeurent pas moins concurrents Lrsquousine communeproduit les Peugeot 107 Citroeumln C1 et Toyota Aygo au rythme de 100 000 uniteacutes parmarque chacune ayant une totale autonomie quant agrave sa strateacutegie commerciale (prixservice apregraves-vente etc) Par exemple en France Toyota propose ses Aygo avec une garan-tie de 5 ans alors que les marques de PSA se contentent drsquooffrir 3 ans Les veacutehicules sontclairement similaires puisqursquoils partagent 90 des composants mais les constructeursont pris soin de styliser les veacutehicules afin qursquoils puissent ecirctre rattacheacutes par le consomma-teur agrave chacune des marques Les veacutehicules sont issus du mecircme programme de conceptionils sont techniquement identiques La planche de bord et les motorisations sont les mecircmes(1 l essence et 14 l diesel) Certaines parties du veacutehicule sont deacutecomposeacutees sous forme demodules indeacutependants Ainsi la deacutecoupe des portes arriegravere les feux le bouclier et la calan-dre sont produits sous forme de modules qui permettent de diffeacuterencier les veacutehicules aumoment de lrsquoassemblage final

La reacutepartition des tacircches au sein de lrsquoallianceApregraves bien des reacuteflexions au siegravege des deux constructeurs les deux parties ont eacutelaboreacute uncahier des charges qui fixe la reacutepartition des tacircches Toyota deacutefinissait la base de la voiture et

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

deacuteveloppait lrsquousine PSA eacutetait en charge du choix des fournisseurs PSA a utiliseacute son reacuteseaude fournisseurs europeacuteens et les a convaincus de srsquoimplanter agrave proximiteacute du site de KolinToyota recevait une reacutemuneacuteration de son partenaire franccedilais qui a consacreacute six fois moinsde moyens que lui en termes humains Les partenaires partageaient en revanche agrave 5050les travaux de conception et de deacuteveloppement du programme (700 agrave 750 millionsdrsquoeuros) de mecircme que le capital de la socieacuteteacute tchegraveque locale TPCA (agrave nouveau 700 millionsdrsquoeuros) Enfin PSA se reacuteserve la majoriteacute des voitures produites agrave Kolin (100 000 par anpour Peugeot et autant pour Citroeumln) les 100 000 exemplaires restants revenant agrave ToyotaMais au-delagrave de ces regravegles de lrsquoalliance laquo le pilotage des grands choix srsquoest fait encommun il nrsquoy a aucune caracteacuteristique fondamentale de cette voiture que nous nrsquoayonsdeacutecideacutee ensemble raquo estime Denis Duchesne La soixantaine drsquoingeacutenieurs PSA affecteacutes auprojet agrave Carriegraveres-sous-Poissy (Yvelines) a multiplieacute les eacutechanges avec leurs homologuesjaponais que ce soit les sept membres deacutetacheacutes en France par Toyota ou les eacutequipes dusiegravege pregraves de Nagoya joignables agrave tout moment par videacuteoconfeacuterence ou en se rendant surplace Si Denis Duchesne loue les qualiteacutes de ses partenaires asiatiques laquo des gens rigou-reux structureacutes de grands professionnels raquo il rappelle eacutegalement la faccedilon dont PSAconccediloit ses coopeacuterations limiteacutees agrave des projets preacutecis sans aucune vocation agrave deacuteboucher agraveterme sur de grands mariages laquo On ne travaille pas sur des affiniteacutes Ce sont des contratsLa force des coopeacuterations crsquoest de rester modeste raquo Malgreacute lrsquoeacutetroite imbrication des eacutequi-pes franccedilaises et japonaises chargeacutees du projet laquo B zeacutero raquo il est peu surprenant que PSA aitchoisi pour recevoir ses partenaires un bacirctiment agrave part clairement seacutepareacute des bureauxdrsquoeacutetudes ougrave srsquoeacutelaborent les autres voitures du groupe franccedilais

La recherche de lrsquoefficienceLrsquoinstallation de lrsquousine TPCA a entraicircneacute une augmentation significative du nombre defournisseurs en Reacutepublique tchegraveque 80 en volume et en valeur des composants estfabriqueacute en Reacutepublique tchegraveque Selon Masatake Enomoto preacutesident de TPCA laquo le plusgros avantage dont nous disposons ici est la base fournisseurs implanteacutee en Tcheacutequie raquoCette base permet agrave Toyota drsquoappliquer son systegraveme de lean production le laquo ToyotaProduction System (TPS) raquo agrave lrsquoorigine drsquoun haut niveau drsquoefficience des opeacuterations quiconduit agrave un temps de fabrication du veacutehicule de 10 heures Selon les analystes Kolin estune usine typiquement Toyota Les principes de production efficiente que Toyota a eacutetablisdepuis des anneacutees de pratiques ont eacuteteacute impleacutementeacutes entiegraverement agrave TPCA ce qui inclut leKaizen (ameacutelioration continue) le Jidoka (formulation de problegravemes et repeacuterage delrsquoendroit ougrave ils apparaissent) et la livraison en juste agrave temps De plus la plupart des eacutequipe-ments de fabrication proviennent du Japon Selon Toyota le temps de changement desoutils est un des plus rapides drsquoEurope Le site avanceacute fournisseur est particuliegraverement effi-cace lrsquoarchitecture ayant eacuteteacute penseacutee pour assurer lrsquointerconnexion entre le constructeur etles fournisseurs Ceci permet notamment drsquoappliquer les principes de juste agrave temps Envolume de production de croisiegravere 200 camions par jour livrent le site en composantsConformeacutement aux principes du Jidoka fixer les problegravemes lagrave ougrave ils apparaissent la lignede production est organiseacutee en petites aires indeacutependantes de sorte que si un opeacuterateurnote un problegraveme et est conduit agrave arrecircter la ligne de production cela nrsquoaffecte pas tout lesite de production

Extrait de GRANDVAL S et BUENO MEacuteRINO P laquo Les alliances coopeacutereravec la concurrence raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Management strateacutegique 2

concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Pour conclure le manager dirigeant a un rocircle de strategravege Il analyse le contexteconcurrentiel dans lequel opegravere la firme (modegraveles des cinq forces et des groupesstrateacutegiques) diagnostique les actifs et les meacutecanismes internes drsquoeacutelaboration delrsquooffre de lrsquoentreprise (chaicircne de valeur et approche par les ressources et compeacuteten-ces) deacutefinit une strateacutegie compeacutetitive de nature agrave surpasser la concurrence (domina-tion par les coucircts diffeacuterenciation concentration) et fixe les orientations(confortement deacuteveloppement de produitsservices deacuteveloppement de marcheacutesetou de clients et diversification relieacutee et non relieacutee) et les modaliteacutes de deacuteveloppe-ment (croissances interne externe et conjointe)

Il doit ensuite srsquoassurer de la mise en œuvre des choix strateacutegiques Pour mettre enœuvre le deacuteploiement les managers intermeacutediaires ayant la responsabiliteacute des diffeacute-rentes fonctions prennent le relais et assument la gestion opeacuterationnelle Si la strateacute-gie constitue le cadre inteacutegrateur chaque fonction contribue agrave sonopeacuterationnalisation Pour cette raison il est fondamental de comprendre quelles sontles missions essentielles de chaque fonction En reacutefeacuterence agrave la chaicircne de valeur(preacutesenteacutee plus haut) nous proceacutedons agrave leur analyse en distinguant les activiteacutes prin-cipales et les activiteacutes de soutien

LES FONCTIONS PRINCIPALES

Selon Porter (1986) une entreprise doit avant tout assurer un ensemble drsquoactiviteacutesprincipales comme la logistique la production et le marketing Ces fonctionspeuvent ecirctre consideacutereacutees comme des activiteacutes opeacuterationnelles car elles contribuentdirectement agrave la creacuteation mateacuterielle du produit sa vente et son transport jusqursquoauclient Agrave lrsquoeacutevidence cette typologie est agrave nuancer En effet elle peut ecirctre valablepour une entreprise industrielle mais ne lrsquoest plus pour une firme dont le meacutetier estpar exemple drsquoinventer et de commercialiser des brevets Dans ce cas la rechercheet le deacuteveloppement constituerait une activiteacute principale Dans ce qui suit nouspreacutesentons de faccedilon syntheacutetique les missions essentielles des fonctions logistiquemarketing et production

1 La logistique

La logistique consiste pour une firme agrave acheminer les produits (semi-finismatiegravere premiegravere) de ses fournisseurs vers ses sites de production (logistiqueamont) Une fois fabriqueacutes les produits doivent parvenir jusqursquoaux bases logistiqueset points de vente afin drsquoecirctre acheteacutes par les clients (logistique aval) Afin de limiterles coucircts de cette activiteacute drsquoobtenir les produits dans les deacutelais preacutevus en quantiteacute eten qualiteacute requise lrsquoentreprise doit parvenir agrave assurer une coordination optimaleentre les diffeacuterents acteurs (amont et aval) de sa chaicircne logistique Celle-ci consiste

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

donc agrave geacuterer des flux physiques et informationnels entre une entreprise et de multi-ples acteurs fournisseurs et clients Et lorsque lrsquoentreprise intervient sur le territoiremondial et compte plusieurs milliers de partenaires la logistique constitue une acti-viteacute deacutecisive pour la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise

Au cours des anneacutees le rocircle de la logistique dans lrsquoentreprise a consideacuterablementeacutevolueacute elle est devenue un facteur de diffeacuterenciation car elle peut permettre agrave uneentreprise de livrer ses clients dans des deacutelais infeacuterieurs agrave ceux de ses concurrentsde reacutepondre agrave une demande urgente de livrer un client situeacute dans une zone geacuteogra-phique lointainehellip De mecircme la maicirctrise de la logistique est eacutegalement source dedomination des coucircts Certaines entreprises peuvent abaisser le coucirct de leursproduits gracircce agrave des coucircts logistiques bien maicirctriseacutes Le projet Nouvelle Distributiondans lequel srsquoest engageacute Renault en 2000 en est un bon exemple En effet alors quele client devait patienter en moyenne entre six et huit semaines pour un veacutehiculeRenault srsquoengageait agrave livrer ses clients en quinze jours et ainsi devenir le seul cons-tructeur agrave proposer ce service Crsquoest aussi une source drsquoeacuteconomie puisque LouisSchweitzer preacutevoyait une eacuteconomie drsquoenviron 1 200 euros par voiture

En vue drsquoassurer une gestion des flux physiques et drsquoinformations visant agrave satis-faire aux exigences des clients et agrave en reacuteduire les coucircts le responsable de la logisti-que gegravere une chaicircne qui part des fournisseurs (amont) et srsquoeacutetend jusqursquoauxdistributeurs voire aux clients directs La politique logistique consiste donc enpremier lieu agrave deacutefinir le mode de transport des marchandises (train avion bateau etcamion) Ensuite elle vise agrave deacutefinir le niveau de stock rechercheacute (eacuteleveacute ou mini-mum) la localisation et le nombre des sites de production et drsquoentreposage et enfinlrsquoeacutequipement technologique et informatique Sur ce point les avanceacutees significativesdes technologies informatiques ont permis des progregraves consideacuterables de lrsquoefficaciteacutelogistique Agrave titre drsquoexemple lrsquoEDI (eacutechange de donneacutees informatiseacute) autorise latransmission de documents commerciaux (factures commandes avis de regraveglement)habituels dans un format standard drsquoun ordinateur agrave un autre Utiliseacute par exempledans la grande distribution il permet agrave un point de vente drsquoecirctre connecteacute agrave un four-nisseur Gracircce agrave ce systegraveme le client passe commande agrave son fournisseur qui peutconnaicirctre en temps reacuteel le niveau de stock de ses produits Il peut ainsi deacuteclencher lalivraison Cela limite le temps passeacute agrave effectuer les commandes reacuteduit les deacutelais depassation drsquoune commande eacutevite au distributeur de disposer de stock et reacuteduit lescoucircts de la logistique

Repegraveres La logistique au cœur du modegravele Zara

Zara est lrsquoune des entreprises de mode les plus performantes au monde En 2005 sesventes augmentaient de 21 permettant agrave lrsquoentreprise de reacutealiser un chiffre drsquoaffaires deplus de 8 milliards de dollars En 2000 Zara implantait un nouveau point de vente toutesles trois semaines Et ce alors que ses concurrents ndash notamment le sueacutedois H amp M ndash affi-chaient des performances leacutegegraverement moindres et se deacuteveloppaient agrave un rythme moinsrapide Zara est ainsi devenu en quelques anneacutees le premier groupe textile europeacuteen et le

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Dans lrsquoentreprise la fonction logistique srsquoavegravere eacutetroitement lieacutee agrave la productionEn effet les produits (matiegravere premiegravere et produits semi-finis) des fournisseurs sontachemineacutes vers les sites de production pour que soient livreacutes aux clients les produitsfinis de lrsquoentreprise La production se trouve donc agrave lrsquointersection de la logistiqueamont et aval Analysons en les caracteacuteristiques essentielles

second sur le plan mondial Creacuteeacutee en 1975 agrave La Corogne en Espagne par Amancio OrtegaZara est aujourdrsquohui une filiale du groupe Inditex groupe qui possegravede eacutegalement lesmarques Massimo Dutti Pull and Bear Stradivarius Oysho Zara Home Uterqueuml et Bers-hka Agrave lrsquoorigine fabricant de vecirctements et notamment de pyjama pour femme AmacioOrtega ouvre son premier magasin en 1975 Aujourdrsquohui Zara conccediloit fabrique et distribuedes vecirctements pour femmes hommes et enfants dans 72 pays et 1 530 magasins et srsquoestreacutecemment diversifieacute dans la deacutecoration drsquointeacuterieur avec Home ZaraLa strateacutegie principale de Zara repose sur le renouvellement des collections tous les quinzejours et ce alors que la plupart des concurrents creacuteent une collection par an Une tellecompeacutetence srsquoexplique notamment par une organisation logistique infaillible Et afindrsquooptimiser les processus logistiques Zara a fait le choix de construire une chaicircne de valeurinteacutegreacutee et de centraliser les activiteacutes de lrsquoentreprise autour du siegravege agrave la Corogne Ainsicrsquoest agrave la Corogne que travaille une eacutequipe de 120 stylistes en relation eacutetroite avec lrsquoeacutequipemarketing afin de concevoir les modegraveles de laquo demain raquo De mecircme alors que bien desconcurrents recourent agrave lrsquoexternalisation etou agrave la deacutelocalisation de la production Zarapossegravede ses propres usines de fabrication et fabrique agrave proximiteacute de ses bases Eacutegalementle centre logistique central de Zara est situeacute en Espagne ndash drsquoune surface de 400 000 m2crsquoest lrsquoun plus grand au monde On compte aussi deux centres logistiques suppleacutementairesagrave Arteixo et agrave Saragosse Plus de 120 millions drsquouniteacutes y sont expeacutedieacutees par camion et paravion chaque anneacutee vers les points de vente Ces plates-formes assurent eacutegalementlrsquoentreposage des matiegraveres premiegraveres et des prototypes le controcircle qualiteacute le repassagelrsquoemballage et lrsquoeacutetiquetage des produits Le succegraves de Zara provient enfin drsquoune communi-cation continue entre toutes les fonctions dans lrsquoentreprise ndash siegravege design usines et maga-sins ndash gracircce agrave un systegraveme drsquoinformation totalement informatiseacuteLa proximiteacute entre les sites et les liens informatiques assurent ainsi une reacuteelle efficaciteacutelogistique Celle-ci permet de suivre les tendances de la mode et drsquoecirctre constamment agravelrsquoaffucirct de nouvelles creacuteations et confegravere une flexibiliteacute en termes de conception et deproduction des vecirctements ndash par exemple lrsquoeacutequipe de design adapte les modegraveles en fonc-tion des ventes reacutealiseacutees et la production (teinture et impression) peut se faire au derniermoment selon les exigences changeantes de la clientegravele Elle rend eacutegalement possiblelrsquoapprovisionnement des points de vente dans des deacutelais tregraves courts et la livraison des lotsde vecirctements en petite quantiteacute permettant ainsi aux magasins de limiter leur stock etdisposer de davantage drsquoespace pour la preacutesentation et la mise en valeur des vecirctementspour lrsquoessayagehellip Enfin les produits invendus sont retourneacutes au siegravege agrave la Corogne qui lesreacuteexpeacutedie dans des pays ougrave ils sont plus susceptibles de se vendre

Agrave partir de wwwzaracom

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2 La production

La production repreacutesente le processus de transformation gracircce aux moyenshumains et techniques des matiegraveres premiegraveres et des composants en produits ouservices finis Elle a pour objectif de fabriquer des quantiteacutes variables de produitsetou services diffeacuterents (flexibiliteacute) agrave des coucircts les plus faibles possibles (producti-viteacute) dans des deacutelais rapides (reacuteactiviteacute) et agrave un niveau de qualiteacute optimal Ces diffeacute-rents impeacuteratifs sont cependant souvent difficiles agrave concilier Pour ce faire lafonction de production recouvre deux grandes techniques la meacutethode push et lameacutethode pull

21 La meacutethode push

Traditionnellement les entreprises fonctionnent selon la meacutethode push Lrsquoentre-prise planifie un volume de production annuel selon un preacutevisionnel de ventespreacutevoit de srsquoapprovisionner en ressources (matiegraveres premiegraveres machines et main-drsquoœuvre) assure le stockage des matiegraveres deacuteclenche la fabrication en veillant aurespect des meacutethodes et standards de production puis elle stocke et met sur lemarcheacute les produits fabriqueacutes Le systegraveme consiste agrave pousser le produit jusqursquoauclient Lrsquoefficaciteacute de cette deacutemarche reacuteside dans lrsquoanticipation des ventes et lrsquoopti-misation des ressources exploiteacutees pour reacuteduire les coucircts de stockage des marchan-dises et de main-drsquoœuvre La difficulteacute consiste agrave geacuterer les fluctuations du marcheacutecrsquoest-agrave-dire agrave faire varier les ressources de production (hommes et matiegraveres) Eneffet si les ventes sont mal anticipeacutees lrsquoentreprise va stocker et en supporter lescoucircts De mecircme elle ne pourra pas optimiser le besoin en personnel et devra recou-rir agrave lrsquointeacuterim ou agrave des CDD pour supporter les variations du marcheacute

Face aux difficulteacutes des systegravemes classiques (stocks eacuteleveacutes difficulteacutes de preacutevi-sionhellip) Toyota conseilleacutee par un ingeacutenieur Taiumlchi Ohno a inventeacute le systegraveme JIT(Just in Time) Celui-ci englobe de nombreuses dimensions qui en font une veacuteritablephilosophie de gestion de lrsquoentreprise dont les principales sont les flux tireacutes par lademande des tailles de lots reacuteduites des liens eacutetroits avec les fournisseurs unemaintenance preacuteventive la flexibiliteacute de la main-drsquoœuvre la recherche systeacutematiquede qualiteacutehellip Elle se traduit par une logique de production de type pull

22 La meacutethode pull

Au cœur du JIT se trouve le systegraveme agrave flux tendus ou tireacutes par la demande(meacutethode pull) Il consiste agrave inverser la logique de production Celle-ci nrsquoest deacuteclen-cheacutee que lorsque le produit est vendu ce qui permet drsquoeacuteviter la preacutevision des ventesde limiter tous les stocks en achetant les composants en quantiteacute utile et doncdrsquoameacuteliorer la productiviteacute Pour fonctionner efficacement le JIT impose cependantdes relations eacutetroites avec les fournisseurs Se nouent ainsi des accords de coopeacutera-

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tion dans le cadre desquels des engagements mutuels sont pris Les fournisseurssrsquoengagent agrave assurer des livraisons freacutequentes (parfois plusieurs fois par jour) unequaliteacute stable des deacutelais courts agrave reacuteduire les coucircts agrave ecirctre force de proposition agravesrsquoimplanter agrave proximiteacute des usines des clientshellip De son cocircteacute lrsquoentreprise srsquoengagesur des volumes annuels agrave prix constant Elle octroie aussi parfois des precircts et joueun rocircle de conseiller (technique organisationnelhellip) Ces engagements mutuelssupposent des relations durables remplaccedilant ainsi le systegraveme drsquointerchangeabiliteacutedes fournisseurs dans le cadre duquel les fournisseurs sont seacutelectionneacutes sur le critegravereexclusif du prix et pour une dureacutee limiteacutee agrave une commande

Repegraveres Le JIT de Dell

Dell Computer Corporation a eacuteteacute fondeacutee en 1984 par Michael Dell avec une ideacuteelaquo simple raquo vendre directement aux entreprises des PC des serveurs des ordinateursportables personnaliseacutes et plus reacutecemment des PDA des lecteurs MP3 des teacuteleacuteviseursLCDhellip Et ce concept a fait le succegraves de Dell et lrsquoa propulseacute au rang de numeacutero un mondialdes assembleurs de PC devant Hewlett Packard-Compaq IBM et Fujitsu-Siemens Dellreacutealise ainsi plus de un million de dollars de chiffre drsquoaffaires par jour obtient des margesbeacuteneacuteficiaires tregraves au-dessus de celles de ses concurrents et vend via son site Web plus de30 millions de produits par jour agrave des clients professionnels et particuliers du mondeentierLe succegraves de Dell tient agrave une offre personnaliseacutee et agrave des prix entre 10 et 15 infeacuterieurs agraveceux des concurrents Ainsi avant que Dell nrsquoentre sur le marcheacute informatique les consom-mateurs achetaient leurs eacutequipements dans des magasins ce qui leur permettait detoucher drsquoessayer et enfin de choisir leur PC Dell a mis fin agrave cette interaction physiqueentre les clients et les produits et leur a offert la possibiliteacute de personnaliser leurs eacutequipe-ments ndash les consommateurs disposent drsquoun vaste choix en termes de caracteacuteristiques etpeuvent acheter un ordinateur sur-mesure ndash et de les acqueacuterir agrave un prix tregraves attractifLa capaciteacute de lrsquoentreprise agrave personnaliser son offre et la vendre agrave un prix plus bas parrapport aux concurrents provient drsquoune organisation de la production en JIT (les produitsne sont assembleacutes qursquoagrave partir du moment ougrave ils sont commandeacutes) et drsquoune distributiondirecte via son site Web Ainsi agrave partir du moment ougrave un client passe commande drsquoun PCpersonnaliseacute via Internet il faut agrave peine 36 heures agrave Dell pour le fabriquer et le livrer Lemodegravele JIT de Dell rend possible la production de plus de 2 000 ordinateurs uniques etcustomiseacutes toutes les deux heures et permet eacutegalement de limiter le temps de stockageDrsquoailleurs le stock ne repreacutesente que 5 jours de vente (il est de 42 jours chez HewlettPackard-Compaq) ce qui constitue une eacuteconomie de coucircts et drsquoespace physique consideacutera-bleLe JIT repose sur une actualisation constante des ventes reacutealiseacutees via Internet et des rela-tions eacutetroites entre les sites drsquoassemblage de Dell et ses fournisseurs majeurs Ainsi les33 principaux fournisseurs ndash ils repreacutesentent 90 des achats de composants de Dell ndash ontaccegraves au site de Dell ce qui leur permet drsquoavoir une information continue des ventes et dereacuteassortir dans les meilleurs deacutelais De mecircme Dell impose que les composants des fournis-seurs soient entreposeacutes agrave moins de 15 minutes de route de ses usines drsquoassemblage ndash elles

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Au-delagrave des aspects techniques de production le systegraveme JIT repose sur unedimension plus philosophique la recherche constante de la qualiteacute Le TQM (TotalQuality Management) vise ainsi agrave diffuser une deacutemarche qualiteacute agrave lrsquoensemble delrsquoentreprise Lrsquoambition du TQM est lrsquoexcellence qualiteacute dans tous les domaines delrsquoentreprise Elle correspond aux fameux laquo 0 deacutefaut 0 deacutelai 0 stock 0 papier et0 retour raquo Son efficaciteacute repose sur lrsquoimplication de tous les salarieacutes et leur contri-bution systeacutematique agrave lrsquoameacutelioration continue Ainsi lorsque les acteurs inteacuteriori-sent le Kaizen (progregraves continu) ils le mettent en application quotidiennement

se situent agrave Austin (Texas) Limerick (Irlande) et Penang (Malaisie) ndash ce qui limite les tempsdrsquoassemblage des PC Dell entend ainsi que ses fournisseurs soient en mesure de livrer lescomposants en 90 minutes agrave partir du moment ougrave la commande est passeacutee Agrave titre decomparaison le reacuteassortiment des stocks srsquoeffectue en moyenne en 15 heures chezHewlett-Packard-Compaq et en 2 jours chez Gateway ou IBM Avec de tels deacutelais il sepasse agrave peine entre 4 et 6 heures entre lrsquoarriveacutee des composants et la sortie de lacommande de lrsquousine drsquoassemblageLe JIT fait deacutesormais partie des valeurs de Dell Il se concreacutetise par cinq principes reacuteguliegravere-ment rappeleacutes aux salarieacutes et aux fournisseurs laquo Pick Pack Press Place and Press raquo etlaquo Sort Set Shine Standardize and Sustain raquo

Agrave partir de wwwdellcom et wwwinformationweekcom

Repegraveres Kaizen et Ideacutees concregravetes de progregraves chez Renault

La regravegle du zeacutero deacutefaut et le Kaizen se sont imposeacutes progressivement chez Renault Lrsquointro-duction de la qualiteacute correspond pour les salarieacutes agrave une transformation importante tant auniveau des produits de leur travail que des meacutethodes de management En effet celacorrespond agrave une prise en compte de leurs ideacutees et de leur potentiel creacuteatif Raymond Leacutevysuccesseur de Georges Besse agrave la direction de Renault reacutesume ainsi la transition laquo Autrefois on disait agrave un ouvrier tu as une ideacutee Tais-toi ce nrsquoest pas ton meacutetier Main-tenant crsquoest le contraire tu as une ideacutee Laquelle Pourquoi as-tu cette ideacutee raquo (Loubet2001) Le personnel devient donc polyvalent laquo il doit assurer sur la chaicircne de montagedeux parfois trois tacircches diffeacuterentes Il doit srsquooccuper de la premiegravere maintenance Crsquoest luiqui entretient son outil le surveille Crsquoest lui qui deacutetecte les pannes simples parfois mecircmeles reacutepare raquo (Loubet 2000) Pour soutenir cet enrichissement du travail la formationdevient un investissement strateacutegique au cœur de cette modernisation Ainsi en 1989 leslaquo Accords agrave vivre raquo sont signeacutes Ces derniers formalisent un compromis social enlrsquoeacutechange de lrsquoimplication du personnel dans lrsquoameacutelioration des performances la directionsrsquoengage sur un enrichissement du travail une mise en place de carriegraveres ainsi qursquounpartage des profitsMais lrsquousine nrsquoest pas seule concerneacutee par cet inteacuterecirct nouveau pour la creacuteativiteacute tous lesniveaux de lrsquoorganisation sont mobiliseacutes Si lrsquoouvrier doit repeacuterer le deacutefaut et le corri-ger lrsquoensemble du personnel est eacutegalement inciteacute agrave proposer des axes de progression

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La fonction de production a donc pour mission drsquoassurer la mise sur le marcheacute desproduits et des services de haute qualiteacute dans des deacutelais reacuteduits et agrave des coucircts opti-mum Pourtant agrave quels clients les vendre Comment les seacuteduire Tels sont lesenjeux de la fonction marketing

3 Le marketing

Le marketing se deacutefinit comme un ensemble de techniques et drsquooutils permettantdrsquoidentifier les besoins actuels et futurs des clients et drsquoadapter en conseacutequencelrsquooffre de lrsquoentreprise Son rocircle est drsquoabord drsquoidentifier des cateacutegories de clientshomogegravenes ce qursquoon appelle des segments Lrsquoentreprise pourra alors choisir de seconcentrer (ou non) sur certains drsquoentre eux Ce faisant elle cible les couplesproduitsmarcheacute (CPM)

les Ideacutees concregravetes de progregraves (ICP) laquo Les ICP sont des actions de progregraves remarquablespour lrsquoinitiative ou la creacuteativiteacute mise en œuvre Ces actions de progregraves peuvent ecirctre le reacutesul-tat de ldquosuggestions spontaneacuteesrdquo de ldquochallengesrdquo lanceacutes au niveau local ou au niveau drsquoundeacutepartement drsquoune direction ou encore de reconnaissance a posteriori drsquoactions remar-quables Dans tous les cas les ldquoideacuteesrdquo sont appliqueacutees et valideacutees raquo (Rapport annuelRenault 2002) Les ICP sont donc la traduction du Kaizen (progregraves permanent) de lrsquousineElles concreacutetisent le sens de lrsquoinitiative et la creacuteativiteacute des membres de lrsquoentreprise Cettedynamique de progregraves et drsquoameacutelioration continue est geacuteneacuteraliseacutee aux eacutetablissementssusceptibles drsquoen tirer profit Ces suggestions sont reacutemuneacutereacutees et laquo les meilleures initiati-ves et innovations transfeacuterables sont capitaliseacutees raquo (Rapport annuel Renault 2000) Agravepropos des ICP Louis Schweitzer lors de la convention laquo Initiative et Creacuteativiteacute raquo enjuillet 2002 souligne laquo lrsquoanneacutee derniegravere nous avions conclu sur la neacutecessiteacute pour Renaultdrsquoecirctre dans tous les secteurs une entreprise apprenante et nous avions estimeacute qursquoil eacutetaitimportant de tirer parti de lrsquoexpeacuterience concregravete du terrain [hellip] parce que cette deacutemarche[hellip] est riche drsquoenseignements multiples La deacutemarche des ldquosuggestionsrdquo a eacuteteacute relanceacutee il ya douze ans maintenant pour promouvoir les capaciteacutes drsquoinitiative et de creacuteativiteacute person-nelles pour encourager lrsquoexpression des ideacutees pour faire de chaque homme et de chaquefemme de Renault un acteur creacuteatif de progregraves permanent de lrsquoentreprise raquo (Schweitzer inDocument interne Convention laquo Initiative et Creacuteativiteacute raquo 2002)Pour Schweitzer les ICP sont un vecteur drsquoapprentissage essentiel Elles permettent deprogresser en tirant des leccedilons de lrsquoexpeacuterience et des expeacuterimentations des laquo hommes deterrain raquo Pourtant lrsquointeacuterecirct des ICP est parfois contesteacute par les acteurs du terrain Les ICP(ou autres formes de Kaizen) ne sont en aucun cas la solution parfaite pour susciter lrsquoinitia-tive et la creacuteativiteacute

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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La strateacutegie marketing consiste donc agrave seacutelectionner des CPM puis agrave deacutefinir unmarketing mix adapteacute Celui-ci se compose de quatre dimensions le produit le prixla distribution et la publiciteacute

31 La politique du produit

La politique produit consiste drsquoabord agrave deacutefinir lrsquooffre Celle-ci concerne tant lesbiens tangibles (les produits) que les services La conception de lrsquooffre consiste leplus souvent agrave proposer agrave la clientegravele une combinaison de produits et de servicesCelle-ci peut ecirctre plus ou moins large (nombre de types de produits proposeacutes auxclients) profonde (nombre drsquoarticles offerts dans chaque gamme) et coheacuterente (lienentre les diffeacuterentes gammes quant agrave leur utilisation par les clients) Lrsquoassortimentdes produits nrsquoest toutefois jamais figeacute Lrsquoentreprise peut choisir de faire eacutevoluer sonoffre vers lrsquoentreacutee le milieu ou le haut de gamme Lrsquooffre doit ensuite ecirctre position-neacutee crsquoest-agrave-dire correspondre agrave une image dans lrsquoesprit du client Lrsquoentreprise doitcomprendre ce qursquoassocient les consommateurs aux produits concurrents pour srsquoendeacutemarquer Pour cela elle cherche agrave deacutefinir des eacuteleacutements de diffeacuterenciation commele service le conseil la formation le design la marquehellip

Repegraveres Zeebo la console de jeux videacuteo pour lespays eacutemergents

Tec Toy lrsquoex-leader du marcheacute des jeux videacuteo au Breacutesil a annonceacute le lancement de saconsole le Zeebo Les objectifs de Tec Toy sont drsquoune part de srsquoadresser agrave une clientegraveledont le niveau de revenu ne permet pas drsquoacheter les consoles de jeux des trois grandsacteurs que sont Sony Microsoft et Nintendo et drsquoautre part de neutraliser une pirateriegrandissante au Breacutesil Le Zeebo sera donc commercialiseacute deacutebut 2009 dans les pays eacutemer-gents avec la promesse de devenir le produit substitut des grands players du marcheacuteLrsquoentreprise espegravere ainsi retrouver son leadership au Breacutesil et conqueacuterir les pays eacutemergents

Tec ToyTec Toy eacutetait le leader du marcheacute des jeux videacuteos au Breacutesil durant la deacutecennie quatre-vingt-dix Lrsquoentreprise a connu des anneacutees prospegraveres avec des produits comme le Pense Bem unpetit jeu eacutelectronique de connaissances pour enfants et le Master System la console de jeuvideacuteo de Sega Lrsquoentreprise disposait drsquoailleurs drsquoune licence de distribution exclusive sur lemarcheacute Breacutesilien pour les produits de Seacutega Mais les difficulteacutes de lrsquoentreprise Sega ontpreacutecipiteacute celles de Tec Toy Sega a succombeacute aux innovations des concurrents et nrsquoa passuivi les deacuteveloppements techniques des nouvelles geacuteneacuterations de consoles Agrave la mecircmeeacutepoque le fondateur de Tec Toy deacuteceacutedait Srsquoest alors ouverte une egravere difficile pour Tec ToyEn 2003 le cours de son action chutait agrave 002 reais (la monnaie breacutesilienne ndash 1 euro vaut3 reacuteais) Il oscille aujourdrsquohui entre 014 et 020 reais ce qui sans ecirctre un cours exception-nel repreacutesente une croissance de plus 700 En 2007 lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeantFernando Fischer srsquoest traduite par une reacuteorganisation du portefeuille drsquoactiviteacute de lrsquoentre-prise et lrsquoouverture drsquoune usine aux Eacutetats-Unis Les efforts de restructuration ne se font pas

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Lrsquoentreprise doit aussi geacuterer la marque de ses produits La marque est ainsi lemoyen pour les consommateurs drsquoidentifier lrsquooffre drsquoune entreprise et de la diffeacuteren-cier de celle des concurrents Elle est un nom (Nike) une signature (Just Do Itpreacuteceacutedeacutee deacutesormais de I can) un logo (la virgule de Nike) ou une combinaison de

encore vraiment sentir en 2008 le reacutesultat net affichait une perte de 150 000 reais Maislrsquoanneacutee 2009 srsquoannonce prometteuse Le lancement du Zeebo devrait permettre de reposi-tionner Tec Toy sur le marcheacute des consoles de jeux

Le ZeeboLe projet Zeebo a coucircteacute 17 milliards de dollars Il a eacuteteacute financeacute par douze entreprises dontQualcomm une entreprise ameacutericaine Celle-ci dispose ainsi de 43 des actions de lafiliale de Tec Toy aux Eacutetats-Unis Zeebo Inc Crsquoest probablement le projet eacutelectronique leplus ambitieux reacutealiseacute hors du Japon puisqursquoil a eacuteteacute conccedilu en Californie et sera produit agraveSao Paulo au Breacutesil Lrsquoideacutee initiale consiste agrave proposer une console alternative aux consolesdes grands players (comme la Wii de Nintendo la PlayStation 3 de Sony ou la Xbox 360 deMicrosoft) Cette nouvelle console sera commercialiseacutee dans les marcheacutes eacutemergents auBreacutesil drsquoabord et ensuite en Ameacuterique du Sud et en Asie Avec plus drsquoun milliard drsquohabi-tants ces reacutegions sont consideacutereacutees comme de veacuteritables eldorados par Tec ToyLe Zeebo est une console de jeux videacuteo conccedilue pour les joueurs qui aimeraient avoir uneXbox ou une PlayStation mais qui nrsquoen ont les moyens financiers Zeebo srsquoadresse ainsi enprioriteacute aux enfants-adolescents acircgeacutes entre 10 agrave 13 ans des pays eacutemergents Cetteconsole aura des fonctionnaliteacutes similaires agrave une PlayStation 2 (ancienne geacuteneacuteration de laPlayStation) Son originaliteacute principale reacuteside dans lrsquoaccegraves aux jeux En effet les jeux pour-ront ecirctre teacuteleacutechargeacutes directement agrave partir de la console par le reacuteseau sans fil ZeeboNet 3GLe consommateur nrsquoaura ainsi pas besoin drsquoune connexion agrave Internet pour beacuteneacuteficier de ceservice Il lui faudra seulement connecter la console agrave la teacuteleacutevision et le Zeebo acceacutederaautomatiquement au reacuteseau ZeeboNet 3G Pour acheter les jeux le joueur devra cepen-dant avoir des Z-Credits la monnaie du Zeebo Z-Creacutedits qui seront laquo stockeacutes raquo dans laconsole Ces creacutedits peuvent ecirctre acheteacutes directement via la console ou sur le site Internetde lrsquoentreprise avec diffeacuterents moyens de paiement (carte bleue et cartes preacutepayeacutees) Cedispositif permet ainsi aux adolescents de choisir les jeux et aux parents de les payer letout du domicile Toutefois Zeebo installe gratuitement trois jeux sur la console et offretrois jeux suppleacutementaires disponibles sur le reacuteseau ZeeboNet 3G Parmi ces jeux gratuitson trouve notamment Need for Speed et Quake des classiques des anneacutees quatre-vingt-dix Les jeux proposeacutes par Zeebo sont deacuteveloppeacutes exclusivement pour cette plate-forme ndashles jeux de Zeebo ne peuvent ni ecirctre enregistreacutes ni transfeacutereacutes sur une autre console ce quidevrait neutraliser la piraterie ndash et sont vendus agrave un prix tregraves attractif 10 reais en moyenne(soit lrsquoeacutequivalent de 350 euros) Ces jeux seront tous en portugais Les deacuteveloppeurs dejeux ont fait savoir leur inteacuterecirct pour le projet et les jeux drsquoActivision Sega Namco CapcomEletronic Artshellip devraient enrichir la gamme La console quant agrave elle sera vendue agrave599 reais ou 200 euros un prix tregraves en deccedilagrave des consoles de jeux videacuteo laquo traditionnelles raquodisponibles actuellement au Breacutesil

Agrave partir de laquo Tec Toy mira Novo Mercado da Bovespa raquo Gazeta Mercantil13 juin 2008 wwwtectoycom et wwwzeebocom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

ces eacuteleacutements La marque ne se reacuteduit cependant pas agrave ces seuls eacuteleacutements car elle a uncontenu symbolique et eacutemotionnel La marque est un actif preacutecieux pour une entre-prise Elle peut avoir un capital de notorieacuteteacute (de nombreux consommateurs laconnaissent) et de valeur (les consommateurs lui associent des valeurs positives etdistinctives) Ce capital permet de fideacuteliser les clients et drsquoen attirer de nouveauxEnfin la politique produit doit se soucier du design et du conditionnement de lrsquooffrecar ils jouent un rocircle drsquoambassadeur du produit

32 La politique de prix

La politique de prix consiste agrave deacutefinir le prix lors du lancement du produit et agrave lemodifier au cours de sa vie Crsquoest une variable essentielle car elle deacutetermine les reve-nus de lrsquoentreprise

La fixation du prix peut se faire selon trois techniques principales La premiegravereconsiste pour lrsquoentreprise agrave connaicirctre parfaitement ses coucircts de revient pour fixer unprix qui permette de deacutegager une marge La seconde consiste agrave fixer le prix en fonc-tion drsquoun seuil psychologique En effet le consommateur va attribuer un rapportqualiteacute-prix et estimer le prix qursquoil est precirct agrave payer pour un produit En dessous drsquouncertain prix le produit sera consideacutereacute comme de mauvaise qualiteacute et au-delagrave commetrop cher Enfin la troisiegraveme technique consiste agrave connaicirctre les prix des produitsconcurrents afin de disposer drsquoune reacutefeacuterence

Les entreprises combinent geacuteneacuteralement les trois meacutethodes Pourtant lors dulancement drsquoun produit trois strateacutegies de prix sont possibles Elles correspondent agraveune anticipation sur la reacuteaction du marcheacute La strateacutegie de peacuteneacutetration consiste agravefixer un prix infeacuterieur agrave celui des concurrents Cette approche repose sur lrsquoideacutee queles clients achegraveteront en masse un produit dont les caracteacuteristiques sont similaires agravecelles des produits concurrents Le pari est de reacutealiser des marges unitaires faiblesmais un volume de vente important Ensuite la strateacutegie drsquoeacutecreacutemage consiste agrave fixerun prix supeacuterieur agrave celui des produits concurrents Lrsquoobjectif est de minimiser levolume de vente mais de le compenser par des marges unitaires eacuteleveacutees gracircce agrave uneoffre tregraves diffeacuterencieacutee La troisiegraveme strateacutegie de prix consiste agrave srsquoaligner sur lesconcurrents En fixant un prix identique lrsquoentreprise entend srsquoapproprier une partiede leurs clients et eacuteviter une lutte sur les prix

Cependant quelle que soit la strateacutegie adopteacutee le prix des produits eacutevolue Unehausse de prix peut se justifier lorsque le produit est relookeacute et que des innovationsont eacuteteacute apporteacutees ou en cas de forte hausse des coucircts Une baisse de prix est possibledans le cadre drsquoopeacuterations speacuteciales (promotions diverses client importanthellip) lors-que les concurrents ont des prix agressifs en cas de production exceacutedentaire ousimplement lorsque les coucircts de lrsquoentreprise sont plus faibles Toute modification deprix est agrave manier avec prudence car elle induit des reacuteactions parfois fortes en prove-nance des clients et des concurrents

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32 La politique de distribution

La politique de distribution consiste agrave choisir le circuit que suivra le produit pourparvenir au client Le circuit se reacutefegravere ainsi agrave lrsquoensemble des intervenants qui contri-buent agrave faire passer le produit de son eacutetat de production agrave celui de consommation Ilexiste trois sortes de circuits

ndash Le circuit direct il nrsquoy a aucun intermeacutediaire entre le producteur et le consomma-teur

ndash Le circuit court il nrsquoy a qursquoun seul intermeacutediaire entre le producteur et le con-sommateur

ndash Le circuit long il comporte au moins deux intermeacutediaires et souvent plus entre leproducteur et le consommateur

Le choix du circuit de distribution est dicteacute par des raisons de coucirct (chaque inter-meacutediaire prend une marge) de couverture geacuteographique de lois drsquoefficaciteacute (parexemple les marques prestigieuses veillent agrave ce que leurs distributeurs puissentveacutehiculer leur image de luxe) de cible de clientshellip

Repegraveres Casino srsquoaffranchit du monopole desconcessionnaires automobiles

La grande distribution srsquointeacuteresse depuis longtemps agrave la distribution automobile Elle usede toute son influence pour essayer de casser ce monopole Cependant seul Casino areacuteussi agrave vendre des voitures en hypermarcheacute avant la promulgation de la loi de 2003Voyons les conditions de cette transactionLe 9 juin 1999 Casino met en vente en hypermarcheacute 308 voitures Daewoo Nubira Cettevoiture est de piegravetre qualiteacute et est un modegravele ancien mais Casino le vend 30 moins cherqursquoen concession Cela provoque naturellement lrsquoire des concessionnaires qui ne compren-nent pas comment cela est possible dans la mesure ougrave eux-mecircmes sont incapables deproposer des prix approchants De plus ils se sentent trahis par Daewoo France qui auraitvendu ces 308 voitures agrave Casino agrave prix reacuteduit En reacutealiteacute il nrsquoy a pas eu trahison de la partde Daewoo Casino srsquoest procureacute ces voitures de maniegravere tregraves discregravete sachant queDaewoo nrsquoaurait pas accepteacute de les lui vendre Casino est donc passeacute par un intermeacutediaireun neacutegociant parisien qui commande agrave Daewoo 308 voitures officiellement pour eacutequiperune flotte de voitures drsquoentreprise Dans la mesure ougrave le modegravele se vend mal en Franceqursquoil est deacutepasseacute va bientocirct ecirctre remplaceacute et qursquoil srsquoagit drsquoun grand nombre de voituresDaewoo consent agrave accorder une importante remise Casino se trouve ainsi possesseur de308 voitures ne demandant qursquoagrave ecirctre vendues agrave bas prix Cette opeacuteration a eacuteteacute renduepossible par une clause du regraveglement 147595 qui indique que ni le constructeur ni ledistributeur ne peuvent restreindre laquo la liberteacute des utilisateurs finaux de revendre desproduits contractuels ou des produits correspondants pourvu que la vente ne soit pasreacutealiseacutee agrave des fins commerciales raquo Ainsi la flotte de voitures commandeacutees par une entre-prise peut ecirctre revendue immeacutediatement en preacutetextant que le but est drsquoeacutecouler les voitu-res plutocirct que de gagner de lrsquoargent en les revendant Eacutevidemment cela ne peut dans lecadre actuel se faire qursquoune seule fois pour rester dans un but non commercial

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Le choix du circuit laisse ensuite place agrave la deacutefinition drsquoune strateacutegie de distribu-tion Trois strateacutegies sont possibles La premiegravere la distribution intensive permet decommercialiser ses produits dans un grand nombre de points de vente de geacuteneacuterer unchiffre drsquoaffaires conseacutequent de faire du volume et de faire connaicirctre les produits agraveun grand nombre de consommateurs La seconde option la distribution seacutelectivepermet drsquoapprovisionner des revendeurs seacutelectionneacutes suivant des critegraveres de tailledrsquoimage de compeacutetencehellip Elle permet un controcircle qualitatif de la distribution et unebonne couverture geacuteographique Enfin la distribution exclusive consiste en laquo uneseacutelectiviteacute pousseacutee raquo En effet le nombre de distributeurs autoriseacutes agrave vendre lesproduits est encore plus limiteacute et le distributeur srsquoengage lui aussi agrave ecirctre exclusifcrsquoest-agrave-dire agrave ne pas vendre de produits directement concurrents Le controcircle quali-tatif de la distribution nrsquoen est que plus grand par contre la couverture geacuteographiquepeut ecirctre faible

Les voitures sont donc vendues en hypermarcheacute agrave prix reacuteduit Le client nrsquoa aucun choixpossible drsquooption pour personnaliser sa voiture mais les formaliteacutes administratives sonttregraves peu contraignantes Il doit seulement eacutetablir sa carte grise agrave la preacutefecture avant depouvoir repartir avec sa voiture Lrsquoentretien de la voiture est assureacute leacutegalement par lesconcessionnaires Ces derniers se plaignent consideacuterant inacceptable que Daewoo aitvendu 308 voitures agrave Casino En effet selon les termes du contrat Daewoo a interdictionformelle de vendre ses voitures ailleurs qursquoen concession Les concessionnaires menacentde poursuivre Daewoo en justice et annoncent alors qursquoils sont tenus leacutegalement de lesentretenir qursquoils traiteront ces voitures sans aucun zegravele et essayeront mecircme de ralentirtoute reacuteparation Daewoo craint pour son image de marqueDaewoo se voit obligeacute de jouer franc jeu Il explique aux concessionnaires le stratagegraveme deCasino et la maniegravere dont Daewoo srsquoest fait berner Daewoo eacutetait pourtant averti un peuavant cette vente que Casino voulait vendre ces voitures En effet 308 voitures repreacutesen-tent tout de mecircme un volume important facilement repeacuterable Se doutant des conseacute-quences facirccheuses de cette vente Daewoo essaye de lrsquoempecirccher en proposant de toutracheter Casino refuse car la logistique est deacutejagrave mise en place Casino a formeacute desvendeurs imprimeacute des tracts et commenceacute le lancement de lrsquoaffaire Daewoo tente decreacutedibiliser sa position de victime en envoyant des huissiers chez Casino il srsquoagit de veacuteri-fier que toutes les voitures vendues font bien partie du lot deacutetourneacute par Casino et neproviennent pas drsquoimportations parallegraveles Casino nrsquoaurait alors pas le droit de les vendreAucune infraction nrsquoest constateacutee Finalement devant la colegravere des concessionnaires precirctsagrave porter plainte contre Daewoo qui nrsquoa pas respecteacute son contrat la seule possibiliteacute resteun accord agrave lrsquoamiable Daewoo indemnise ses concessionnaires et promet drsquoecirctre plus vigi-lant deacutesormais

Extrait de NICOLAS N et SOPARNOT R laquo Chaicircne de valeur et distributionquelle strateacutegie pour Renault raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts et cas

en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005 et GODLEWSKI N GRISEY E et MOULIN X laquo La distribution automobile raquo Cahier de recherche du CERNA 2000

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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33 La politique de communication

Enfin la politique de communication consiste agrave faire parvenir aux clients desmessages afin de faire connaicirctre le produit et le faire acheter

Apregraves avoir clairement identifieacute les reacutecepteurs du message (les clients actuels etpotentiels les revendeurs les prescripteurs les leaders drsquoopinionhellip) il convient dedeacutefinir les canaux de communication On distingue deux strateacutegies principales lacommunication meacutedias et la communication hors-meacutedias

La premiegravere consiste agrave diffuser son message par la voie des meacutedias On en identifietraditionnellement cinq la teacuteleacutevision le cineacutema la radio la presse et lrsquoaffichageChacun de ces meacutedias se compose de nombreux supports TF1 France 2 etFrance 3 Arte Comeacutedie Eurosporthellip sont des supports diffeacuterents drsquoun mecircmemeacutedia Il est donc question de choisir le ou les meacutedias et supports afin de bacirctir leplan meacutedias Il consiste pour un budget donneacute agrave trouver la meilleure combinaisonentre meacutedias et supports pour toucher le plus grand nombre de personnes apparte-nant agrave la cible (la couverture) afin qursquoelles soient exposeacutees le plus grand nombre defois au message (la freacutequence) et qursquoelles le meacutemorisent (lrsquoimpact)

Repegraveres La mesure des audiences des chaicircnesde la teacuteleacutevision par cacircble et satellite etdrsquoInternet par Meacutediameacutetrie

Institut de reacutefeacuterence de la mesure drsquoaudience Meacutediameacutetrie srsquoest imposeacute gracircce agrave un outiltechnologique incontournable dans la mesure de lrsquoaudience de la teacuteleacutevision le MeacutediamatAujourdrsquohui confronteacute agrave de nouveaux modes de consommation meacutedia (les meacutedias mobi-les) agrave la convergence teacuteleacutevision-Internet-teacuteleacutephone portable de plus en plus forte ainsiqursquoagrave une insatisfaction de la part du marcheacute publicitaire Meacutediameacutetrie a mis au point unoutil de mesure fiable de lrsquoaudience du cacircble et du satellite En effet la mesure de la teacuteleacutevi-sion hertzienne via le Meacutediamat ne srsquoest pas tout de suite geacuteneacuteraliseacutee aux chaicircnes du cacircbleet du satellite Audicacircble outil de mesure de leur audience fonctionne sur la base drsquouncarnet drsquoeacutecoute rempli agrave la main par les paneacutelistes En 1998 Meacutediameacutetrie lance sur lemecircme principe Audicabsat qui integravegre les abonneacutees des bouquets satellites CanalSat etTPS En 1998 Meacutediameacutetrie mesure lrsquoaudience des chaicircnes du cacircble et du satellite parextraction des paneacutelistes du Meacutediamat recevant ce type de chaicircne Ce nrsquoest qursquoen 2001 queMeacutediameacutetrie conccediloit Meacutediacabsat recueil audimeacutetrique et mesure drsquoaudience automati-seacutee du cacircble et du satellite conccedilu suivant le mecircme principe que le Meacutediamat En 2006Meacutediameacutetrie conclut un partenariat avec la socieacuteteacute Qosmos La mesure de lrsquoaudience de lateacuteleacutevision via lrsquoADSL se fonde sur la technologie de Qosmos qui analyse les flux transitantsur les reacuteseaux IP (Internet Protocol) des foyers Ce partenariat complegravete lrsquoalliance scelleacuteeentre Meacutediameacutetrie et France Teacuteleacutecom qui porte sur lrsquoeacutetude drsquoaudience des personnesappartenant au panel Meacutediamat et regardant la teacuteleacutevision gracircce au deacutecodeur France Teacuteleacute-com MaLigne TV En 2008 Meacutediameacutetrie creacutee Digitime filiale de Meacutediameacutetrie et deNetgem speacutecialiseacutee dans la mesure drsquousage de la teacuteleacutevision numeacuterique Les informationssur lrsquoaudience sont reacutecupeacutereacutees par les deacutecodeurs numeacuteriques notamment les terminauxNetgem et complegravetent les mesures drsquoaudience de Meacutediameacutetrie

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

La seconde strateacutegie qui nrsquoest pas exclusive de la premiegravere concerne le hors-meacutedias Elle inclut la promotion des ventes les relations publiques et le marketingdirect

La promotion des ventes vise agrave stimuler les ventes agrave court terme Elle consiste agraveinciter le consommateur (ou le distributeur) agrave acheter un produit donneacute Ces promo-tions prennent des formes multiples (reacuteduction de prix prime sur quantiteacute jeux etconcours remise drsquoeacutechantillonhellip) Elles visent plusieurs objectifs attirer desclients fidegraveles aux produits des concurrents faire tester le produit abaisser lesstockshellip Le risque majeur lieacute agrave une trop grande utilisation des promotions est lecomportement de report et la deacuteteacuterioration de lrsquoimage du produit ou de la marqueLes relations publiques (RP) consistent agrave geacuterer les relations avec les acteurs influentsen vue de creacuteer etou maintenir leur confiance et leurs eacutegards Ces acteurs serontalors dans leur sphegravere professionnelle respective des ambassadeurs de lrsquoentreprisedrsquoune marque ou drsquoun produit Enfin le marketing direct regroupe lrsquoensemble destechniques (publipostage messagerie eacutelectronique SMS teacuteleacutecopie teacuteleacutephone cata-loguehellip) qui permettent drsquoentrer en relation directe avec le client ou le prospectCette individualisation de la relation permet de connaicirctre avec preacutecision les caracteacute-ristiques (sexe acircge revenuhellip) des clients Le postulat est qursquoen personnalisant larelation le client deacuteveloppera un comportement plus favorable agrave lrsquoeacutegard du produitde la marque et de lrsquoentreprise

La mesure du trafic sur InternetEn 2000 Meacutediameacutetrie creacutee MeacutediameacutetrieeRatingscom filiale de Meacutediameacutetrie et de NetRa-tings socieacuteteacute commercialisant les reacutesultats du service NielsenNetRatings Lrsquoaudience de lapubliciteacute et du trafic sur Internet est drsquoabord eacutevalueacutee agrave partir drsquoun panel de 1 200 internau-tes Cet outil deacutenommeacute aujourdrsquohui MeacutediameacutetrieNetRatings se fonde sur 25 000 paneacute-listes dont lrsquoaudience est eacutetudieacutee agrave domicile sur leur lieu de travail ou dans lesbibliothegraveques les cybercafeacuteshellip Ils sont recruteacutes par teacuteleacutephone et sur Internet Ce type demesure est dit User-centric crsquoest-agrave-dire centreacute sur lrsquoutilisateur En 2003 Meacutediameacutetrie creacuteeMeacutediameacutetrie-eStat en partenariat avec la socieacuteteacute eStat Gracircce agrave la technologie du Tag(marqueur qui eacutevalue lrsquoaudience drsquoun site) Meacutediameacutetrie-eStat eacutevalue la puissance desprincipaux sites en nombre de visiteurs uniques et de pages vues Elle propose une gammedrsquooutils de mesure (Cyberstreaming Cyberpodcast) adapteacutee agrave la freacutequentation nouvelledrsquoInternet (Internet audio videacuteo mobilehellip) Crsquoest une mesure dite Site-centric crsquoest-agrave-direcentreacutee sur lrsquoeacutetude des sites En 2008 Meacutediameacutetrie lance Netsight un logiciel permettantde mesurer tous les usages drsquoInternet (surf audio videacuteo messagerie) Ce logiciel estinstalleacute chez les paneacutelistes de MeacutediameacutetrieNetratings et vise donc par une meilleureeacutevaluation des usages notamment ceux issus du Web 20 agrave rapprocher les donneacutees issuesdes mesures panel User-centric et des mesures de freacutequentation des sites dites Site-centric

Agrave partir de MERCANTI-GUEacuteRIN M laquo Peut-on innover sous pression Le cas Meacutediameacutetrie raquo 1re Journeacutee de cas peacutedagogique

Lrsquoinnovation dans les organisations Groupe ESCEM novembre 2008

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La connaissance des missions essentielles des fonctions principales (logistiqueproduction et marketing) par le manager doit ecirctre compleacuteteacutee par une compreacutehensionpousseacutee des fonctions de soutien

LES FONCTIONS DE SOUTIEN

Selon Porter (1986) les fonctions de soutien concernent les services financiers lagestion des ressources humaines (GRH) le deacuteveloppement technologique (recher-che et deacuteveloppement ou R amp D) et les approvisionnements Compte de la monteacuteeen puissance des enjeux responsables dans le management des entreprises allantparfois agrave la creacuteation drsquoun deacutepartement deacutedieacute nous proposons drsquoajouter la fonctionde deacuteveloppement durable (DD) Les fonctions de soutien doivent ecirctre analyseacuteescomme des activiteacutes non opeacuterationnelles dont la vocation est de permettre aux fonc-tions principales drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur efficience Plus concregravetementelles constituent un support au fonctionnement des activiteacutes opeacuterationnelles Dansce qui suit nous les analysons successivement

1 Les services financiers

La fonction financiegravere comprend la comptabiliteacute la finance et le controcircle degestion Son rocircle essentiel est drsquoassurer le financement de lrsquoactiviteacute et puis de veilleragrave la santeacute financiegravere de lrsquoentreprise Eacutetudions de faccedilon syntheacutetique cette premiegraveremission

11 Le financement de lrsquoactiviteacute

Le financement de lrsquoactiviteacute deacutecoule du fonctionnement de lrsquoentreprise En effetcelui-ci engendre des besoins de financement de deux types lieacutes agrave lrsquoinvestissementet lieacutes agrave lrsquoexploitation Les investissements (mateacuteriels) portent sur les eacutequipementsles installations les terrains les locaux mais eacutegalement les titres drsquoautres entrepri-ses les brevetshellip Comme ils visent agrave assurer le deacuteveloppement et la peacuterenniteacute delrsquoentreprise ils sont reacutecurrents Lrsquoentreprise engage donc des deacutepenses qui ne serontreacutecupeacutereacutees qursquoau bout de plusieurs anneacutees Pour cette raison elle immobilise desfonds qui sont indisponibles pour une longue peacuteriode Ces fonds sont reacutecupeacutereacutes defaccedilon progressive en fonction des amortissements pratiqueacutes des cessions drsquoactifshellipA contrario les deacutepenses lieacutees agrave lrsquoexploitation (reacutemuneacuteration de la main-drsquoœuvreachat de matiegraveres premiegravereshellip) sont reacutecupeacutereacutees lorsque lrsquoentreprise perccediloit les recet-tes de ses ventes On parle alors du cycle drsquoexploitation de lrsquoentreprise

Dans les deux cas il y a un deacutecalage (important pour les investissements et moin-dre pour lrsquoexploitation) entre les deacutepenses et les recettes Pour financer ce deacutecalage

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

(le besoin de financement de lrsquoexploitation) lrsquoentreprise mobilise des capitaux Lescapitaux neacutecessaires agrave lrsquoexploitation sont les actifs circulants (stock creacutedit clientcreacuteances clienthellip) et les dettes (creacutedit fournisseur deacutecouvert bancairehellip) Les capi-taux neacutecessaires agrave lrsquoinvestissement correspondent aux immobilisations

Pour autant lrsquoexigence de capitaux pour financer lrsquoexploitation et lrsquoinvestissementimpose de trouver des moyens ou sources de financement

Les sources de financement sont repreacutesenteacutees par des ressources stables crsquoest-agrave-dire durablement agrave disposition de lrsquoentreprise Elles sont de deux types les capitauxpropres apporteacutes par les associeacutes (capital social lieacute agrave la creacuteation de lrsquoentreprise etaugmentation de capital) ou accumuleacutes (autofinancement) et les capitaux emprunteacutesaupregraves drsquoinstitutions financiegraveres (banques marcheacutes financiers organismesprecircteurshellip) Il est fondamental pour une entreprise de disposer de capitaux proprescar cela deacutetermine sa capaciteacute drsquoemprunt Cependant un recours massif agrave lrsquoempruntpeut mettre en danger lrsquoentreprise comme lrsquoillustre lrsquoexemple suivant

Repegraveres Mecachrome est au bord du gouffre

Mecachrome fabriquant de piegraveces pour lrsquoindustrie automobile et le secteur aeacuteronautiqueest consideacutereacute comme un sous-traitant doteacute drsquoune veacuteritable expertise technique Lrsquoentre-prise fabrique ainsi pour le compte de clients prestigieux comme Airbus Boeing Renaultet Porsche des piegraveces strateacutegiques (comme des piegraveces pour les missiles nucleacuteaires desforces de dissuasion franccedilaises) Or lrsquoentreprise se retrouve aujourdrsquohui dans une situationde quasi-cessation de paiements Geacuterard Casella fils du fondateur Eugegravene Casella et PDGdu groupe depuis 1971 vient drsquoecirctre deacutebarqueacute de son poste par le conseil drsquoadministration etremplaceacute par le Belge Christian Jacqmin et ce malgreacute la deacutetention de 32 des parts et de82 des droits de vote La situation de Mecachrome marque certainement la fin de lrsquoegraverefamiliale le rachat de lrsquoentreprise menace de plus en plus Une situation preacuteoccupantepour les 2 000 employeacutes les clients et le gouvernement franccedilais

Mecachrome un fleuron de lrsquoindustrie franccedilaiseMecachrome est un groupe familial fondeacute il y a soixante-dix ans par Eugegravene CasellaDepuis 1971 le groupe est dirigeacute par son fils Geacuterard ndash un homme tregraves respecteacute par les sala-rieacutes de lrsquoentreprise Et sous sa direction lrsquoentreprise a connu une expansion singuliegravere Legroupe est devenu un sous-traitant de reacutefeacuterence dans trois activiteacutes lrsquoaeacuterospatial lrsquoauto-mobile et lrsquoeacutequipement industriel Dans le domaine aeacuterospatial (462 de son chiffredrsquoaffaires) Mecachrome participe agrave la conception et la fabrication drsquoensembles complexescomposeacutes de piegraveces critiques Ses principaux clients sont Airbus Boeing Canada Bombar-dier Dassault Embraer et Liehbherr et Rolls-Royce Pour le secteur automobile (453 deson chiffre drsquoaffaires) Mecachrome fournit les principaux constructeurs Audi Daimler-Chrysler Mercedes Porsche Renault Toyota et Volvo Lrsquoentreprise participe mecircme agrave lafabrication de Formules 1 elle intervient principalement au niveau de lrsquousinage et dumontage des moteurs Enfin dans le domaine de lrsquoeacutequipement industriel (85 de sonchiffre drsquoaffaires) Mecachrome fabrique des piegraveces de serrage des microturbines et desmoteurs

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Les sources de financement de lrsquoexploitation sont donc repreacutesenteacutees en partie pardes ressources stables et mais eacutegalement en partie par les dettes agrave court terme Cesderniegraveres correspondent au creacutedit fournisseur (deacutelai de paiement allant de 30 agrave90 jours) agrave lrsquoescompte bancaire des effets de commerce (les lettres de change etbillets agrave ordre sont payeacutes avant leur eacutecheacuteance par la banque en contrepartie drsquounesomme) au deacutecouvert bancaire (la banque autorise des deacutecalages entre deacutecaisse-ments et encaissements moyennant des inteacuterecircts calculeacutes en fonction du montant etde la dureacutee de la faciliteacute) et agrave lrsquoaffacturage (une socieacuteteacute priveacutee se substitue aux

Pourtant lrsquoexpertise et la renommeacutee de lrsquoentreprise nrsquoont pas suffi agrave atteacutenuer les conseacute-quences de deacutecisions particuliegraverement risqueacutees

Lrsquoaventure canadienneLes ennuis de lrsquoentreprise commencent en 2001 Pour faire fabriquer en zone dollars et serapprocher de Boeing le groupe srsquoimplante au Queacutebec Le site va connaicirctre une expansionexceptionnelle en sept ans Mecachrome Canada va atteindre la mecircme taille que Meca-chrome France ndash alors que la filiale franccedilaise avait mis soixante-dix ans pour atteindrecette taille En 2004 le siegravege est mecircme deacutemeacutenageacute au Canada Agrave lrsquoorigine de cette aventurela deacutecision drsquoun des fils de Geacuterard Casella marieacute agrave une Canadienne Nommeacute PDG de Meca-chrome en 2007 Guillaume Casella prend la nationaliteacute canadienne et implante une usineau Queacutebec (le second fils Arnaud preacuteside la filiale franccedilaise) Pour financer cette expan-sion Mecachrome ouvre son capital en octobre 2007 et en place 20 en Bourse 13 ducapital est deacutesormais deacutetenu par un fonds drsquoinvestissement semi-public le Fonds destravailleurs queacutebeacutecois (FTQ) Si lrsquoon ajoute agrave cela diffeacuterents emprunts lrsquoentreprise estparvenue agrave trouver quelque 150 millions drsquoeuros Malheureusement quelques eacutevegravene-ments du cocircteacute de ses clients ont eu des conseacutequences catastrophiques pour le groupe AuCanada des gregraveves chez Boeing ont retardeacute la construction du Boeing B787 pendant qursquoenEurope les retards du programme A400M et de lrsquoA380 ont plombeacute les comptes de Meca-chrome En outre un nouveau regraveglement en Formule 1 a reacuteduit de sept agrave deux le nombrede moteurs autoriseacutes pour chaque eacutecurie lors des Grands Prix et ce alors que le sport auto-mobile repreacutesente 45 du chiffre drsquoaffaires de MecachromeLe groupe devenu plus vulneacuterable sur le plan financier compte tenu drsquoune expansioncoucircteuse va payer le prix fort Les conseacutequences de ces eacutevegravenements dans lrsquoenvironnementde lrsquoentreprise sont un endettement cumuleacute de plus de 200 millions drsquoeuros et un besoinde treacutesorerie de 50 millions drsquoeuros Pour faire face agrave ses eacutecheacuteances lrsquoentreprise a eacuteteacutecontrainte en mai 2008 de reacutealiser un plan social conduisant au licenciement de 280 sala-rieacutes En aoucirct 2008 Geacuterard Casella a mecircme repris les recircnes de lrsquoentreprise pour tenter deredresser la situation Mais la graviteacute de la situation a conduit le conseil drsquoadministration agravelrsquoeacutevincer Et en novembre 2008 un fonds ameacutericain visitait les usines franccedilaises Et celapourrait se solder par un deacutemantegravelement du groupe laquo Un veacuteritable gacircchis raquo selon GeacuterardCasella Drsquoautant plus que le chiffre drsquoaffaires nrsquoa cesseacute de progresser en 2007 (il a atteint295 millions drsquoeuros affichant une hausse de 13 par rapport agrave 2006) et 2008 et que legroupe affiche un carnet de commandes drsquoun montant de 1 milliard drsquoeuros

Agrave partir de laquo Mecachrome un fleuron industriel au bord du gouffre raquoLes Eacutechos 19 novembre 2008 et wwwmecachromecom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

clients et regravegle le montant des factures et se charge moyennant une commission derecouvrer les creacuteances aupregraves des clients)

La seconde mission principale de la fonction services financiers est de veiller agrave lasanteacute financiegravere de lrsquoentreprise

12 La santeacute financiegravere de lrsquoentreprise

Le financement de lrsquoactiviteacute et du deacuteveloppement de lrsquoentreprise neacutecessite toute-fois une situation financiegravere saine Afin de lrsquoanalyser le bilan ainsi que le compte dereacutesultat apparaissent comme les instruments principaux

Le bilan fournit une photo du patrimoine de lrsquoentreprise Il dissocie le passif delrsquoactif Le passif correspond agrave ce que lrsquoentreprise doit (les ressources) Il se composedes capitaux propres et des dettes Lrsquoentreprise (comme personne morale) doit effec-tivement le capital social et les beacuteneacutefices non distribueacutes aux associeacutes et a des dettes agravelrsquoeacutegard des diffeacuterents precircteurs Lrsquoactif se reacutefegravere agrave ce que lrsquoentreprise possegravede (lesemplois) il se compose des biens et des creacuteances crsquoest-agrave-dire de lrsquoactif immobiliseacuteet de lrsquoactif circulant

Afin de disposer drsquoune photo la plus preacutecise possible du patrimoine de lrsquoentre-prise celle-ci doit construire un bilan financier et un bilan fonctionnel

Le bilan financier classe les ressources en fonction de leur exigibiliteacute et lesemplois en fonction de leur liquiditeacute Ainsi les ressources au passif sont agrave rembour-ser selon une eacutecheacuteance variable Lrsquoexigibiliteacute exprime donc la dureacutee pendantlaquelle lrsquoentreprise dispose de cette source de financement Les emplois agrave lrsquoactifont une liquiditeacute variable crsquoest-agrave-dire que lrsquoemploi ne devient monnaie qursquoagrave lrsquoissuedrsquoun deacutelai plus ou moins long Ideacutealement lrsquoentreprise cherche agrave faire correspondrelrsquoexigibiliteacute des dettes avec la liquiditeacute des actifs pour assurer lrsquoeacutequilibre financier

Enfin lrsquoentreprise construit un bilan fonctionnel crsquoest-agrave-dire un bilan qui tientcompte des cycles financiers de lrsquoentreprise (drsquoinvestissement et drsquoexploitation)Cela lui permet de deacutefinir son fonds de roulement (solde entre les ressources stableset les immobilisations) crsquoest-agrave-dire la ressource disponible pour financer lrsquoexploita-tion Le fonds de roulement doit donc ecirctre suffisant pour financer le besoin drsquoexploi-tation ou besoin en fonds de roulement (solde entre actif drsquoexploitation et besoindrsquoexploitation) Si tel est le cas lrsquoentreprise aura une treacutesorerie exceacutedentaire

Le second outil le compte de reacutesultat identifie lrsquoensemble des charges (les deacutepen-ses) et des produits (les recettes) de lrsquoentreprise On distingue les charges et lesproduits drsquoexploitation (lieacutes agrave lrsquoactiviteacute courante) exceptionnels (lieacutes agrave une activiteacuteexceptionnelle) et financiers (lieacutes agrave une activiteacute financiegravere) La diffeacuterence entre lescharges et les produits donne le reacutesultat de lrsquoentreprise qui peut ecirctre beacuteneacuteficiaire oudeacuteficitaire

In fine le bilan et le compte de reacutesultat permettent de diagnostiquer lrsquoentreprise agravepartir de critegraveres financiers Les principaux indicateurs de la santeacute financiegravere sont

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regroupeacutes sous le terme de SIG (soldes intermeacutediaires de gestion) On distinguenotamment la marge commerciale la valeur ajouteacutee lrsquoexceacutedent brut drsquoexploitationle reacutesultat drsquoexploitation et le reacutesultat de lrsquoexercice Afin drsquoassurer un reacutesultat positifla fonction de controcircle de gestion deacuteveloppeacutee dans la plupart des grandes entrepri-ses eacutetudie les coucircts de lrsquoensemble des fonctions de lrsquoentreprise En fonction descharges et produits preacutevisionnels elle assure le calcul du budget permettant agrave chaqueservice de disposer drsquoun budget de fonctionnement propre

Les services financiers ont donc un rocircle central ils sont les gardiens de la solvabi-liteacute de lrsquoindeacutependance et de la peacuterenniteacute financiegravere de lrsquoentreprise En ce sens lafonction de soutien est explicite Compleacutetons notre analyse par la fonction degestion des ressources humaines

2 La gestion des ressources humaines

La gestion des ressources humaines (GRH) comprend une seacuterie drsquoactiviteacutes quisuivent le laquo cycle de vie raquo du salarieacute Elle consiste donc agrave deacutefinir les besoins delrsquoentreprise en personnes et en compeacutetences agrave attirer les meilleurs candidats lesrecruter les inteacutegrer et geacuterer leurs carriegraveres en fonction des enjeux de lrsquoentreprise etde leur aspiration De mecircme elle veille agrave entretenir des conditions de travail satisfai-santes gegravere les relations avec les partenaires sociaux (notamment les syndicats) etle cas eacutecheacuteant se charge des licenciements Ces diffeacuterentes missions sont souventpartageacutees entre un service RH centraliseacute et les managers de premier niveau delrsquoensemble des fonctions (vente productionhellip) situeacutes dans des uniteacutes opeacuterationnel-les Ce sont eux qui compte tenu de leur proximiteacute avec les salarieacutes ont agrave geacuterer leurmotivation leur adaptation au poste leur aspiration professionnelle leur eacutevolutiondans la structurehellip

Afin de mieux comprendre la mission essentielle de la GRH nous lrsquoanalysonsselon trois axes principaux la gestion des besoins des carriegraveres et des relationssociales

21 La gestion des besoins anticipation recrutement et inteacutegration

La fonction RH doit anticiper les besoins en personnel et en compeacutetences delrsquoentreprise En effet lrsquoeacutevolution de la strateacutegie de lrsquoentreprise impose souvent demaicirctriser des compeacutetences nouvelles Lrsquoentreprise doit eacutegalement anticiper lesdeacuteparts agrave la retraite faire face aux deacuteparts volontaires agrave des personnes inadapteacuteeshellipPour preacutevoir au mieux les besoins futurs le service RH peut se doter drsquoun outil laGPEC (gestion preacutevisionnelle des emplois et des compeacutetences) Ce systegraveme consisteagrave anticiper les besoins en effectifs et en compeacutetences (qualification) Cet outilpermet de bacirctir une politique de recrutement processus souvent long et coucircteux

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Lrsquoentreprise peut pratiquer deux modes de recrutement lrsquointerne et lrsquoexterne Enrecrutant en interne lrsquoentreprise valorise la mobiliteacute des collaborateurs permet leseacutevolutions de carriegravere et reacuteduit les coucircts Le recrutement externe est consideacutereacutecomme plus coucircteux mais il permet de trouver des profils parfois inexistants eninterne et drsquoinsuffler des maniegraveres de penser et de travailler diffeacuterentes Quel que soitle mode de recrutement retenu la deacutemarche srsquoappuie sur la deacutefinition drsquoun profil deposte (compeacutetences requises) la prospection (en interne affichage intranet enexterne agence speacutecialiseacutee presse ANPE APEChellip) et lrsquoeacutevaluation des candidats agravepartir de multiples tests et drsquoentretiens visant agrave deacutetecter leur motivation et leuradeacutequation au poste

Repegraveres La gestion des besoins en personneldans une PME

Lrsquoentreprise Jeacuterocircme a eacuteteacute creacuteeacutee agrave Tours en 1933 par Pierre Jeacuterocircme Apregraves la Seconde Guerremondiale lrsquoentreprise participe agrave la reconstruction et intervient plus particuliegraverementdans la construction des infrastructures pour le transport de lrsquoeacutelectriciteacute En 2006 les acti-viteacutes commerciales de lrsquoentreprise Jeacuterocircme se situent dans trois domaines 1) lrsquoeau (cons-truction de stations de traitement et drsquoeacutepuration et reacutealisation de reacuteseaux drsquoeau potablepluviale ou drsquoeaux useacutees) 2) lrsquoeacutenergie (construction de postes de transformation eacutelectri-que reacuteseaux souterrains drsquoeacutelectriciteacute et de gaz de teacuteleacutecommunication drsquoeacuteclairage publicet de videacuteo communication) 3) le geacutenie civil industriel et agricole (construction de bacircti-ments techniques ou drsquoexploitation ameacutenagement des espaces verts ou de la voirie etreacutealisation de stabulation de fosses de deacutecantation et de bacirctiments drsquoeacutelevage) Cettedouble compeacutetence travaux de voirie et reacuteseaux divers (VRD) associeacutes au geacutenie civil luipermet de reacutepondre agrave des offres complegravetes comme celles du groupe EDF de la SNCF et duconseil reacutegional de la reacutegion Centre Lrsquoentreprise compte 180 salarieacutes reacutepartis en 22 eacutequi-pes 12 sont speacutecialiseacutees dans le geacutenie civil et 10 dans les travaux publics de reacuteseaux(reacuteseaux secs ou humides) Elle compte eacutegalement 25 conducteurs drsquoengins et 12 chauf-feurs Son chiffre drsquoaffaires atteint 18 millions drsquoeuros en 2006En 2000 lrsquoentreprise deacutecide de se doter drsquoune politique de gestion baseacutee sur les compeacuteten-ces de ses ressources humaines (ingeacutenierie de la formation parcours professionnels tuto-rat eacutevaluation des compeacutetences etc) Alors que le secteur du BTP fait encore largementappel agrave lrsquointeacuterim et agrave la sous-traitance Jean-Claude Brossier son actuel dirigeant refuse derecourir au travail inteacuterimaire qursquoil considegravere laquo deacutestructurant pour les salarieacutes qui peinentensuite agrave se reacuteinteacutegrer dans une entreprise raquo Il recrute plutocirct des personnes coopteacuteescrsquoest-agrave-dire recommandeacutees par des collegravegues Cette strateacutegie lui permet de trouver plusfacilement de la main-drsquoœuvre mais ne lui assure pas toujours de trouver du personnelqualifieacuteEn outre comme les candidatures aux diffeacuterents meacutetiers du bacirctiment (manœuvre chef dechantier conducteur de travaux et chargeacute drsquoeacutetudes) sont rarement diffuseacutees par la voietraditionnelle (ANPE agence drsquointeacuterim annonces) lrsquoentreprise Jeacuterocircme ne trouve pas direc-tement sur le marcheacute du travail la main-drsquoœuvre qualifieacutee dont elle a besoin Crsquoest pour-quoi son dirigeant a mis en place des formations internes personnaliseacutees et un systegraveme de

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Enfin lrsquointeacutegration du candidat est une eacutetape fondamentale Compte tenu descoucircts de recrutement et du deacutelai drsquoadaptation au poste lrsquoentreprise doit permettre aunouveau collaborateur de deacutecouvrir son entreprise (film livret drsquoaccueil visitehellip)ses futurs collegravegues et les regravegles de fonctionnement (repas horaires œuvres socia-leshellip) La phase drsquointeacutegration inclut parfois un temps de formation pour permettreau salarieacute drsquoecirctre opeacuterationnel agrave son nouveau poste

La seconde eacutetape du cycle de vie du salarieacute consiste agrave geacuterer sa carriegravere danslrsquoentreprise

22 La gestion des carriegraveres eacutevaluation et eacutevolution dans lrsquoentreprise

Lrsquoentretien annuel est lrsquooccasion de faire le point sur le parcours des salarieacutes danslrsquoentreprise le travail et les progregraves reacutealiseacutes lrsquoatteinte des objectifs le comporte-menthellip Il a aussi pour objectif de mieux connaicirctre leur projet afin de permettre agravelrsquoentreprise de geacuterer au mieux leur carriegravere La gestion des carriegraveres repose ainsi surtrois leviers principaux la reacutemuneacuteration la formation et la promotion

La reacutemuneacuteration initiale (salaire de base et avantages comme les chegraveques deacutejeunerle plan drsquoeacutepargne-entreprise les stocks options la voiture de fonctionhellip) lieacutee agrave laqualification et agrave lrsquoexpeacuterience du salarieacute peut eacutevoluer en fonction des performances

tutorat pour accompagner les jeunes dans leur professionnalisation Recruteacutes et mis souscontrat pour une dureacutee de trois mois les ouvriers sans qualification occupent le poste demanœuvre et sont eacutevalueacutes agrave la fin de cette peacuteriode avant drsquoecirctre deacutefinitivement inteacutegreacutesdans lrsquoentreprise Tout au long de leur contrat ils suivent des formations professionnelleslieacutees agrave leur futur meacutetier Agrave partir de 1999 Jean-Claude Brossier fait de la formation profes-sionnelle un pilier de sa strateacutegie de gestion des ressources humaines y consacrant 6 dela masse salariale en 2007 et ce alors que lrsquoobligation leacutegale pour une PME de plus de50 salarieacutes est de consacrer 16 de sa masse salariale agrave la formation et qursquoen moyenneles entreprises franccedilaises du bacirctiment y consacrent 35 de leur chiffre drsquoaffaires Ilsrsquoinvestit eacutegalement personnellement depuis la phase de recrutement jusqursquoagrave la gestionpreacutevisionnelle des emplois et des compeacutetencesLe roulement de la main-drsquoœuvre et lrsquoabsenteacuteisme ont fortement diminueacute faisant delrsquoentreprise une reacutefeacuterence sociale dans la reacutegion laquo Nous avons mecircme reacuteussi agrave traiter leproblegraveme de la pyramide des acircges en attirant des jeunes et en ramenant la moyenne drsquoacircgedu personnel agrave 38 ans raquo ajoute Jean-Claude Brossier (la moyenne drsquoacircge est de 391 anspour le secteur du bacirctiment franccedilais) En 2006 lrsquoentreprise voit sa politique de gestionpreacutevisionnelle des emplois et des compeacutetences reacutecompenseacutee par le Prix speacutecial de la cham-bre de commerce et drsquoindustrie (CCI) de Touraine et le Tropheacutee national du Moniteur duBTP

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo La mise en œuvredrsquoune GRH responsable ou comment une PME devient une reacutefeacuterence sociale raquo

in RAUFFLET E et BATELLIER P Responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise Enjeux de gestionet cas peacutedagogiques Eacutedition Presses Internationales Polytechniques 2008

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individuelle et collective Les primes et augmentations individuelles (appeleacuteessalaire de performance) sont verseacutees lorsque le salarieacute a atteint voire deacutepasseacute lesobjectifs fixeacutes lrsquoanneacutee preacuteceacutedente Lorsque lrsquoentreprise a atteint ses propres objectifs(de vente de reacutesultathellip) lrsquoensemble des salarieacutes beacuteneacuteficie drsquoun suppleacutement au titrede lrsquointeacuteressement (non obligatoire) et de la participation (obligatoire pour les entre-prises de plus de 50 salarieacutes) aux reacutesultats de lrsquoentreprise Il faut noter lrsquoutilisationplus systeacutematique du salaire de performance En effet lrsquoindividualisation du salaireprocure deux avantages souplesse et maicirctrise de la masse salariale

Le second levier est celui de la formation Compte tenu des eacutevolutions auxquellesdoivent faire face les entreprises (concurrence internationale deacuteveloppement tech-nologiquehellip) leurs salarieacutes sont ameneacutes agrave adapter leurs compeacutetences La formationest aussi un moyen de rendre les collaborateurs plus performants Enfin elle produitdes effets positifs sur la satisfaction degraves lors qursquoelle correspond agrave un projet reacuteel dusalarieacute Le leacutegislateur a ainsi deacuteveloppeacute une seacuterie de dispositifs qui preacutevoient lrsquoallo-cation par les entreprises de ressources deacutedieacutees agrave la formation continue des salarieacutes(congeacute individuel de formationhellip)

Le troisiegraveme levier concerne la promotion Lrsquoaccegraves agrave de nouvelles fonctions etresponsabiliteacutes constitue un puissant levier de la gestion des carriegraveres Les possibili-teacutes de mobiliteacute dans une entreprise attirent ainsi les meilleurs potentiels et permet-tent de les fideacuteliser La mobiliteacute peut prendre des formes multiples elle peut ecirctrefonctionnelle (nouveau poste) geacuteographique (nouveau lieu de travail) etou hieacuterar-chique (nouvelle responsabiliteacute) Lrsquoobtention drsquoune mobiliteacute est conditionneacutee agrave demultiples facteurs ancienneteacute expeacuterience diplocircmes poste vacanthellip Ces regraveglessont agrave deacutefinir avec preacutecision car elles doivent permettre au salarieacute de connaicirctre lesconditions drsquoeacutevolution dans lrsquoentreprise

Enfin toujours en reacutefeacuterence au cycle de vie du salarieacute le service RH peut ecirctreameneacute agrave licencier du personnel Cet enjeu au mecircme titre que drsquoautres explique lagestion des relations sociales

23 La gestion des relations sociales conflit et neacutegociation

La gestion des relations sociales est essentiellement une activiteacute des RH dans lesentreprises drsquoau moins 50 salarieacutes La RH doit y geacuterer les relations avec plusieurspartenaires sociaux les IRP ou instances de repreacutesentation du personnel Ce sont lecomiteacute drsquoentreprise (CE) le ou les deacuteleacutegueacutes du personnel (DP) le comiteacute drsquohygiegravenede seacutecuriteacute et des conditions de travail (CHSCT) et les sections syndicales repreacutesen-teacutees par un deacuteleacutegueacute syndical Les IRP ont pour rocircle de deacutefendre les inteacuterecircts des sala-rieacutes veiller au respect des lois et ameacuteliorer les conditions de travail Les acteurs lesplus importants sont les syndicats (Confeacutedeacuteration geacuteneacuterale des travailleurs Confeacute-deacuteration franccedilaise deacutemocratique du travail Force ouvriegraverehellip) qui peuvent avoir unerepreacutesentation locale (les sections) et nationale Les instances nationales tentent

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drsquoinfluencer par la neacutegociation lrsquoEacutetat dans lrsquoeacutelaboration des lois Les instanceslocales se font les relais en entreprise des instances nationales

Le rocircle de la RH est donc de geacuterer les eacuteventuels conflits et les neacutegociations avec lesIRP Le temps de travail les augmentations de salaire les licenciements les condi-tions de travail les fermetures de siteshellip constituent autant drsquooccasions de neacutegocieravec les IRP Il est geacuteneacuteralement conseilleacute au dirigeant et au DRH drsquoadopter une atti-tude de coopeacuteration Elle consiste agrave reconnaicirctre la leacutegitimiteacute des actions des IRP et agravevaloriser lrsquoexpression des salarieacutes Les maicirctres mots sont la concertation et la parti-cipation afin drsquoeacuteviter des conflits trop durs et trop coucircteux

Repegraveres Vallourec une reacutefeacuterence en matiegravere deGRH

Lrsquoentreprise Vallourec a eacuteteacute fondeacutee il y a 109 ans Elle est deacutesormais le numeacutero un mondialdes tubes drsquoacier sans soudure En un siegravecle cette entreprise est devenue un groupe inter-national avec 40 implantations dans 10 pays (Chine Breacutesil Allemagne Francehellip) et uneveacuteritable star du Cac 40 La croissance de Vallourec srsquoest particuliegraverement accentueacuteedepuis le rapprochement avec lrsquoAllemand Mannesmannroumlhren-Werke en 1997 En teacutemoi-gne la hausse constante de son chiffre drsquoaffaires entre 2000 et 2007

Tableau 13 mdash Quelques donneacutees sur Vallourec

AnneacuteeChiffres

drsquoaffaires (en milliard

drsquoeuros)

Deacuteboucheacutes commerciaux

Reacutepartition du chiffre drsquoaffaires

Pays ciblesReacutepartition du chiffre drsquoaffaires

2007 614 Eacutenergie eacutelectrique

182 Asie et Moyen-Orient

209

2006 554 Meacutecanique 115 France 73

2005 431 Peacutetrole et Gaz

461 Allemagne 179

2004 303 Peacutetrochimie 102 Ameacuterique du Nord

186

2003 238 Automobile 84 Ameacuterique du Sud

128

2002 256 Autres 56 Autres Union europeacuteenne

143

2001 250 Reste du monde

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2000 220

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Le deacuteveloppement des activiteacutes de Vallourec srsquoest principalement opeacutereacute par croissanceexterne (fusion et acquisition) et par croissance conjointe (creacuteation de co-entreprises) Legroupe compte ainsi plusieurs dizaines de filiales reacuteparties selon les marcheacutes (eacutenergie eacutelec-trique peacutetrole et gaz automobilehellip) et lrsquoactiviteacute principale (production vente et services)Un tel ensemble (de nombreuses filiales reacuteparties sur lrsquoensemble du territoire mondial) etune croissance aussi rapide et importante preacutesentent une difficulteacute majeure la gestiondes ressources humaines (GRH) Lrsquoenjeu est lrsquooptimisation en termes de coucircts et drsquoefficaciteacutedes actions de GRH dans une structure fortement eacuteclateacutee sur le plan geacuteographique Ainsisrsquoexprimait un haut cadre de lrsquoentreprise laquo si la reacutemuneacuteration la gestion des carriegraveres oules aspects juridiques doivent ecirctre geacutereacutes au niveau local les procegraves lrsquoorganisation ou le rocircledes fonctions support (comme la GRH) relegravevent drsquoune logique globale lieacutee au savoir-fairede lrsquoentreprise raquo Et Vallourec fait figure de reacutefeacuterence en matiegravere de GRHVoici quelques-uns des eacuteleacutements phares de sa politique de GRH Le thegraveme du recrutementy est central Drsquoune part parce que le deacuteveloppement de lrsquoentreprise srsquoest accompagneacute de laneacutecessiteacute de recruter des profils expeacuterimenteacutes Et drsquoautre part parce qursquoil existe une peacutenu-rie de talents dans les meacutetiers techniques Ces enjeux ont donneacute lieu agrave lrsquoeacutetablissement derelations teacutenues avec certaines grandes eacutecoles scientifiques et agrave la constitution drsquoun veacuterita-ble laquo vivier de ressources raquo composeacute de salarieacutes susceptibles de remplacer les trois centsfonctions les plus importantes du groupe Le processus de recrutement a en outre eacuteteacuteformaliseacute ce qui a conduit agrave srsquointeacuteresser agrave des individus ayant acquis une expeacuterience dansdrsquoautres industries Concernant le thegraveme de la reacutemuneacuteration Vallourec a une politiqueassez agressive puisque les salaires y sont supeacuterieurs agrave la moyenne du secteur En outrepour srsquoassurer la fideacuteliteacute des collaborateurs lrsquoentreprise consacre 60 de ses deacutepensessociales aux systegravemes compleacutementaires drsquoassurance-maladie et de retraite Elle a eacutegale-ment lanceacute un plan drsquoactionnariat qui pourrait concerner 98 des effectifs aboutissant audeacuteblocage de 750 000 actions Srsquoagissant du dialogue social thegraveme sensible dans uneentreprise coteacutee en bourse le preacutesident du directoire et le directeur de ressources humai-nes rencontrent deux fois par an en seacuteance pleacuteniegravere un comiteacute de repreacutesentants syndicauxEacutegalement pour motiver les eacutequipes sur la dureacutee la promotion des carriegraveres repose sur lamobiliteacute interne et geacuteographique Pour cela un comiteacute de carriegravere formeacute par deuxmembres de la direction et des responsables de zone ou drsquoactiviteacute se reacuteunit chaque trimes-tre pour eacutetudier le parcours des hauts potentiels Les opeacuterateurs en usine ont quant agrave euxdes entretiens de carriegravere tous les cinq ans et les cadres tous les trois ans Chaque salarieacute aainsi la possibiliteacute de se projeter au sein de lrsquoentreprise Enfin la formation est un domainecentral de la GRH de Vallourec Les 18 000 salarieacutes ont ainsi beacuteneacuteficieacute de 342 000 heuresde formation en 2007Agrave plus long terme lrsquoenjeu de Vallourec est de bacirctir une culture drsquoentreprise forte ce quinrsquoest guegravere aiseacute dans une entreprise internationale qui srsquoest construite au fil de nombreu-ses acquisitions Pour ce faire sont organiseacutes des seacuteminaires drsquointeacutegration pour les cadresqui viennent drsquoecirctre recruteacutes Est eacutegalement publieacute un magazine Vallourec Info afin drsquoinfor-mer lrsquoensemble des salarieacutes des grandes orientations du groupe Enfin un intranet a eacuteteacutedeacuteveloppeacute reacutecemment Ce systegraveme permet aux salarieacutes du monde entier drsquoeacutechanger desinformations des conseils et de partager les bonnes pratiques Cet outil baptiseacutelaquo Sharemind raquo nrsquoest pas seulement consideacutereacute comme une bibliothegraveque de savoirs maisaussi comme un acceacuteleacuterateur de performance En effet un problegraveme survenu dans une

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In fine en jouant les rocircles que nous venons de deacutecrire la GRH se positionne expli-citement comme une fonction support Il en est de mecircme pour lrsquoactiviteacute de deacutevelop-pement technologique

3 Le deacuteveloppement technologique

Les technologies contribuent agrave la conception et au deacuteveloppement de produits etde proceacutedeacutes de production drsquoorganisation de ventehellip Elles influencent la perfor-mance des fonctions principales et plus globalement la compeacutetitiviteacute de lrsquoentrepriseLrsquoactiviteacute de deacuteveloppement technologique correspond au sein des entreprises audeacutepartement recherche et deacuteveloppement (R amp D)

La gestion de la technologie est complexe Drsquoune part elle neacutecessite des investis-sements consideacuterables Ainsi seules les grandes entreprises internalisent la recher-che fondamentale (la deacutecouverte de lois scientifiques geacuteneacuterales) Elle est le plussouvent reacutealiseacutee par les laboratoires et instituts publics (CNRS Inrahellip) Et elle estsoutenue par des organismes drsquoEacutetat (Anvarhellip) Drsquoautre part ces investissementssont aleacuteatoires et rentables agrave long terme Ainsi lorsque la firme deacuteveloppe une acti-viteacute de recherche fondamentale elle peut nrsquoobtenir aucun reacutesultat les investisse-ments sont alors pure perte Ensuite ces deacutecouvertes (ou inventions) doivent fairelrsquoobjet drsquoapplications de projets de deacuteveloppements (technologie inseacutereacutee dans desproduits ou des proceacutedeacutes de productionhellip) qui seront rentables agrave terme pour lrsquoentre-prise En drsquoautres mots les inventions doivent devenir des innovations crsquoest-agrave-direprendre une forme commercialisable Et de lrsquoinvention agrave lrsquoinnovation du labora-toire au marcheacute le retour sur investissement est souvent long Pour ces raisonsbeaucoup drsquoentreprises ne deacuteveloppent qursquoune activiteacute de recherche appliqueacutee ellesutilisent les reacutesultats de la recherche fondamentale dans le cadre de projets applica-tifs speacutecifiques

La gestion de la R amp D soulegraveve donc plusieurs questions quels avantages procureagrave lrsquoentreprise lrsquointernalisation de la recherche Quelles sont les diffeacuterentes formesdrsquoinnovations possibles et comment les diffuser Ces questions sont traiteacutees dans cequi suit

filiale peut ecirctre communiqueacute aux autres ce qui limite la reproduction des erreurs et faciliteleur reacutesolution Les employeacutes semblent ainsi comprendre lrsquointeacuterecirct de lrsquointranet et lrsquoutilisenteacutegalement pour creacuteer des communauteacutes afin de discuter de projets ponctuels Actuelle-ment il existe 37 communauteacutes pour 1 650 membres avec 6 800 connexions mensuel-les Progressivement la culture drsquoentreprise prend forme

Agrave partir de laquo Vallourec reacuteinvente sa pratique sociale raquoLes Eacutechos 4 novembre 2008 et wwwvalloureccom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

31 Lrsquointernalisation de la recherche

Lrsquointernalisation de la recherche repreacutesente un coucirct eacuteleveacute qui peut affaiblir lacompeacutetitiviteacute agrave court terme de lrsquoentreprise (parce que le retour sur investissementest long et les reacutesultats aleacuteatoires) Cependant certaines entreprises font le choixdrsquoune strateacutegie pionniegravere qui consiste agrave devancer au niveau technologique lesconcurrents Lrsquointeacuterecirct est de capter les premiers clients de creacuteer une image de pion-nier de beacuteneacuteficier de marges eacuteleveacutees (possibles par la diffeacuterenciation ou la domina-tion par les coucircts) et de dicter les regravegles du jeu concurrentiel Cette strateacutegie estreacuteellement pertinente lorsque la technologie est essentielle agrave lrsquoavantage concurren-tiel Lrsquoentreprise qui internalise la R amp D veille donc agrave proteacuteger ses innovations afinque ses concurrents ne puissent se les approprier et agrave les renouveler reacuteguliegraverement

Dans certaines conditions de marcheacute (manque de ressources financiegraveres faiblecontribution de la technologie agrave lrsquoavantage concurrentiel strateacutegie de suiveur tech-nologie tregraves complexehellip) il peut ecirctre plus inteacuteressant drsquoacqueacuterir la technologie oudrsquoen partager le deacuteveloppement (alliance) En effet il est possible drsquoexploiter unetechnologie deacuteveloppeacutee par drsquoautres Lrsquoacquisition se fait alors par le moyen delicence Par ce principe lrsquoentreprise qui est proprieacutetaire drsquoun brevet et dispose drsquounmonopole drsquoexploitation peut conceacuteder agrave une ou plusieurs firmes le droit delrsquoexploiter Lrsquoentreprise peut aussi acqueacuterir un brevet voire acheter des entreprisesinnovantes Cette option srsquoavegravere moins coucircteuse et limite les risques de deacuteveloppe-ment en interne de la R amp D Mais alors la firme est souvent deacutependante et joue lerocircle de suiveur Une alternative consiste agrave srsquoallier avec une ou plusieurs entreprisespour deacutevelopper en commun une technologie Ces alliances technologiques permet-tent de partager les coucircts de la recherche et drsquoen limiter les risques

Lrsquoarbitrage entre deacuteveloppement interne acquisition ou alliance en matiegravere tech-nologique est donc fonction de nombreux facteurs La strateacutegie R amp D aboutit agravediffeacuterents types drsquoinnovations dont il convient drsquoassurer la diffusion en vue de renta-biliser les investissements consentis

32 Les formes drsquoinnovation et leur diffusion

Les innovations srsquoanalysent principalement selon deux axes leur nature et leurimpact

Srsquoagissant de leur nature les innovations peuvent porter sur les produits les servi-ces et les proceacutedeacutes (de production drsquoorganisation de distributionhellip) Lrsquoinnovationde produit consiste agrave modifier ou eacutetendre les attributs et les fonctionnaliteacutes drsquounproduit pour en ameacuteliorer lrsquousage par les clients Lrsquoexemple des teacuteleacutephones portablesest reacuteveacutelateur Alors que leur fonction de deacutepart eacutetait simplement de teacuteleacutephoner leursattributs se sont deacuteveloppeacutes permettant aux clients drsquoeacutecouter de la musique deconsulter Internet de prendre des photos drsquoenregistrer des videacuteos de regarder lateacuteleacutevisionhellip Lrsquoinnovation de service se reacutefegravere agrave une modification des modaliteacutes de

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production et de deacutelivrance de prestations immateacuterielles (comme le conseil) etoudrsquooffres combinant produits et services (comme le tourisme) Ainsi le self-scanningconstitue une innovation de services en ce sens que les clients des supermarcheacutes ethypermarcheacutes peuvent deacutesormais scanner eux-mecircmes leurs achats et payer agrave uneborne avec une intervention limiteacutee du personnel Enfin lrsquoinnovation de proceacutedeacutesconsiste agrave adopter de nouvelles meacutethodes de conception de production et de distri-bution de lrsquooffre ou agrave ameacuteliorer les meacutethodes existantes Ainsi lrsquoarriveacutee des techno-logies de lrsquoInternet a consideacuterablement modifieacute les proceacutedeacutes de vente desentreprises Amazon a ainsi eacuteteacute un preacutecurseur en matiegravere de vente par Internet

Ensuite lrsquoinnovation srsquoanalyse selon son impact On identifie ainsi les innovationsincreacutementales et radicales Les innovations increacutementales consistent en unelaquo simple raquo ameacutelioration du produit du service etou du proceacutedeacute existant et ont deseffets limiteacutes sur lrsquoentreprise et le marcheacute Chaque nouvelle version du systegravemedrsquoexploitation Windows (XP Vistahellip) constitue une innovation increacutementale en cesens qursquoelle ne srsquoeacuteloigne que partiellement de la version preacuteceacutedente Les innovationsradicales (ou de rupture) se caracteacuterisent par lrsquoemploi de proceacutedeacutes de conception deproduction etou de distribution totalement ineacutedits et deacutebouchant sur des offresparfaitement originales pour les clients potentiels

Repegraveres La Prius de Toyota une innovationradicale

Avec la Prius Toyota est la premiegravere entreprise agrave avoir deacuteveloppeacute une voiture agrave motorisa-tion hybride produit en seacuterie et commercialiseacute degraves 1997 un veacutehicule totalement eacutecologi-que Ce veacutehicule preacutesente la caracteacuteristique majeure de consommer jusqursquoagrave 40 drsquoessence en moins (par rapport agrave un veacutehicule de mecircme gabarit) et de rejeter moins de CO2(104 gkm) Drsquoabord lanceacutee au Japon en 1997 la Prius est vendue aux Eacutetats-Unis et enEurope agrave partir de 2000 Si les ventes de cette version sont resteacutees modestes les premiegraveresanneacutees elles se sont progressivement deacuteveloppeacutees notamment avec lrsquoarriveacutee de ladeuxiegraveme geacuteneacuteration de la PriusLa Prius de deuxiegraveme geacuteneacuteration est apparue fin 2003 aux Eacutetats-Unis et au Japon Elle faitson entreacutee sur le marcheacute europeacuteen agrave partir de lrsquoanneacutee 2004 Elle est aujourdrsquohui disponibledans le monde entier La nouvelle version plus performante avec une ligne plus seacutedui-sante des dimensions plus geacuteneacutereuses et un tarif moins prohibitif a connu un reacuteel succegravesEacutelue voiture de lrsquoanneacutee par un jury de 58 journalistes europeacuteens loin devant la Citroeumln C4et la Ford Focus la Prius II est sans nul doute la voiture qui offre le plus drsquoinnovations tech-niques et surtout repose sur une technologie reacutesolument tourneacutee vers lrsquoavenir La Prius IIdispose ainsi drsquoun nouveau systegraveme hybride deacuteveloppeacute selon le concept reacutevolutionnairebaptiseacute Hybrid Synergie Drive Alors que les hybrides de geacuteneacuteration actuelle laissent aumoteur agrave essence le soin drsquoassurer les performances essentielles ndash le moteur eacutelectriqueservant drsquoauxiliaire ndash dans un systegraveme Hybrid Synergie Drive le moteur eacutelectriqueacquiert un rocircle beaucoup plus important eacutegalement axeacute sur les performances Ainsidans les phases ougrave le moteur thermique se reacutevegravele insuffisamment eacuteconomique le veacutehiculetire uniquement sa puissance du moteur eacutelectrique En conditions normales le moteur agrave

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Ensuite quels que soient sa nature et son impact lrsquoinnovation doit ecirctre diffuseacuteeafin que ses destinataires lrsquoadoptent Cela consiste donc en la confrontation delrsquoinnovation au marcheacute La diffusion des innovations srsquoeffectue selon deux logiquesprincipales la premiegravere met lrsquoaccent sur le rocircle des caracteacuteristiques intrinsegraveques delrsquoinnovation tandis que la seconde reacutevegravele lrsquoinfluence joueacutee en amont du processuspar les acteurs du reacuteseau socio-eacuteconomique

Selon la premiegravere approche les qualiteacutes de lrsquoinnovation deacuteterminent sa propaga-tion sur le marcheacute Selon Rogers (1962) ces qualiteacutes sont au nombre de cinq Toutdrsquoabord lrsquoinnovation doit preacutesenter un avantage relatif par rapport au produit ou latechnologie qursquoelle remplace Cet avantage peut notamment se mateacuterialiser par uneameacutelioration des fonctionnaliteacutes un gain eacuteconomiquehellip Le second critegravere concernela compatibiliteacute Lrsquoinnovation doit en effet ecirctre coheacuterente avec les valeurs les atten-tes et les expeacuteriences du consommateur Plus cette compatibiliteacute est grande pluslrsquoinnovation est perccedilue comme leacutegitime Ensuite la complexiteacute renvoie au degreacute dedifficulteacute de compreacutehension et drsquoutilisation drsquoune innovation Toutefois si lrsquoexcegraves decomplexiteacute tend agrave engendrer le rejet des clients lrsquoinsuffisance de complexiteacute limitelrsquoattrait pour lrsquoinnovation Le quatriegraveme critegravere concerne lrsquoessayabiliteacute Plus lrsquoinno-vation sera facile agrave expeacuterimenter plus elle se diffusera aiseacutement Enfin lrsquoobservabi-liteacute traduit la visibiliteacute des reacutesultats de lrsquoinnovation Plus les consommateurs peuvent

essence et le moteur eacutelectrique entraicircnent tous les deux les roues Pour cela le systegravemeseacutelectionne une plage de fonctionnement efficace pour que le moteur thermique puisseentraicircner les roues et controcircle en continu la reacutepartition et la distribution de la puissanceLrsquoameacutelioration du rendement du moteur eacutelectrique a ainsi permis drsquoeacutelargir sa plage defonctionnement si bien que le moteur eacutelectrique peut ecirctre complegravetement coupeacute lorsqursquoilsrsquoavegravere moins rentableLrsquoanneacutee 2007 marque le dixiegraveme anniversaire du lancement de la premiegravere voiture hybridede seacuterie ainsi que le leadership de Toyota sur le marcheacute des voitures eacutecologiques Apregravesavoir vendu plus drsquoun million de veacutehicules hybrides dans le monde dont plus de 100 000en Europe Toyota vise agrave preacutesent des ventes annuelles drsquoun million degraves 2010 dans le mondePour atteindre de tels objectifs Toyota propose aujourdrsquohui via sa marque de luxe Lexusdiffeacuterentes voitures hybrides du grand 4x4 routier (le R400 et le Highlander) agrave la limou-sine de grand luxe et enrichit la gamme de marque Toyota (notamment avec la Camrylanceacutee en 2006) Drsquoici 2010 lrsquoambition du groupe est drsquoeacutequiper une quinzaine de modegravelesdrsquoune motorisation hybride Toyota est eacutegalement preacutesent sur le marcheacute des poids lourds elle commercialise depuis 2003 au Japon une version hybride drsquoun modegravele de petit camionLa Prius de Toyota constitue une veacuteritable innovation radicale elle se caracteacuterise parlrsquoemploi drsquoune technologie inconnue jusqursquoalors (la motorisation hybride) deacutebouche surune offre ineacutedite (le premier veacutehicule eacutecologique) et est aussi agrave lrsquoorigine de la creacuteation drsquounsegment de produit nouveau dans le secteur

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produitet strateacutegie de premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance

avec la Prius raquo Atelier de cas peacutedagogique Cas en management strateacutegiqueCNAM Paris mars 2008

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percevoir les performances de lrsquoinnovation plus celle-ci pourra seacuteduire Ainsi lors-que lrsquoinnovation se conforme agrave ces critegraveres les chances de srsquoimposer face aux eacuteven-tuels projets concurrents augmentent

La seconde approche deacuteveloppeacutee par Akrich Callon et Latour (1988) pose quelrsquoadoption drsquoune innovation deacutepend en fait du soutien que lui apportent les acteursdu reacuteseau socio-eacuteconomique (fabricants de produits lieacutes fournisseurs distributeursprescripteurs acheteurs potentiels experts communauteacutes scientifiques organismesde financementhellip) En effet la diffusion de lrsquoinnovation provient des confrontationscompromis neacutegociations et conflits entre diffeacuterents acteurs concerneacutes par lrsquoinnova-tion Crsquoest ainsi qursquoune innovation se trouve confronteacutee tregraves tocirct agrave un ensembledrsquoallieacutes (ceux qui ont inteacuterecirct agrave sa diffusion) mais eacutegalement drsquoennemis (ceux pourqui la diffusion drsquoune innovation constitue une menace) Elle sera donc une reacuteussitelorsqursquoelle inteacuteressera un nombre drsquoacteurs eacuteleveacutes et aura reacutesisteacute aux critiques desopposants A contrario elle eacutechouera lorsque le reacuteseau des opposants aura eacuteteacute plusconvaincant que celui des deacutefenseurs En conseacutequence il srsquoagira pour le responsabledu projet de tisser des liens avec les acteurs susceptibles drsquoecirctre concerneacutes par lrsquoinno-vation (fournisseurs concurrents fabricants de produits compleacutementaires organis-mes clients experts prescripteurshellip) Ces derniers en fonction de leurs inteacuterecirctsrespectifs vont infleacutechir lrsquoinnovation en cours et geacuteneacuterer des adaptations Lrsquoentre-prise peut parfois mecircme modifier ses choix initiaux En fin de course lrsquoinnovationde lrsquoentreprise sera ajusteacutee aux contraintes et enjeux des acteurs du reacuteseau Lrsquoinnova-tion va donc prendre sa forme deacutefinitive au fil des interactions sociales entre acteursDegraves lors elle pourra leur servir dans le cadre de projets et drsquoopportuniteacutes qui leursont propres Et pour cette raison ils lui fourniront le soutien neacutecessaire agrave sa diffu-sion Ils en sont devenus les sponsors La diffusion drsquoun standard technologique(norme de compatibiliteacute entre des produits compleacutementaires) illustre le rocircle desallieacutes Ainsi dans le secteur de la photographie le standard APS est le reacutesultat drsquounaccord entre drsquoune part les geacuteants de la pellicule photographique (Kodak et Fuji) etdrsquoautre part les fabricants drsquoappareils photographiques (Canon Nikon et Minolta)Cette entente annonceacutee avant le lancement des produits a permis (voire contraint) laconstitution drsquoun reacuteseau drsquoallieacutes (les distributeurs les prescripteurshellip) qui ont ainsiassureacute la diffusion du standard

In fine lrsquoeacutetude des missions de la R amp D a permis de reacuteveacuteler lrsquointeacuterecirct de lrsquointerna-lisation des activiteacutes de recherche les types drsquoinnovation et les modaliteacutes de la diffu-sion Son rocircle de soutien au marketing (nouveau produit) agrave la production (proceacutedeacuteplus performant)hellip est donc fondamental Poursuivons notre analyse des fonctionsde soutien avec lrsquoapprovisionnement

4 Les approvisionnements

Les approvisionnements concernent les processus drsquoacquisition des ressourcesneacutecessaires au fonctionnement des activiteacutes principales (achat de matiegraveres premiegrave-

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res drsquoeacutequipements de production de prestations de conseil et de formationhellip) Ilsont une influence directe sur la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise En effet la politiquedrsquoapprovisionnement doit assurer la fourniture en qualiteacute et en quantiteacute optimales etau moindre coucirct des matiegraveres mateacuteriaux et services dont lrsquoentreprise a besoin Souslrsquoeffet de lrsquoexternalisation massive de nombreuses activiteacutes les achats ont progressi-vement acquis une dimension strateacutegique

Face agrave de tels enjeux la politique drsquoapprovisionnement srsquoanalyse en deux eacutetapesLa premiegravere srsquointeacuteresse aux types drsquoachat tandis que la seconde porte sur la seacutelectiondes fournisseurs et la deacutefinition drsquoun horizon de coopeacuteration

41 La typologie des achats

On ne bacirctit pas une politique drsquoachat identique pour lrsquoensemble des achats Il esten effet classique de distinguer les achats routiniers (dont lrsquoentreprise a besoin defaccedilon reacuteguliegravere) des achats exceptionnels de mecircme qursquoon eacutetablit une diffeacuterence entreles achats agrave forte valeur ajouteacutee (qui deacutetermine la creacuteation de valeur pour le clientetou influence la rentabiliteacute de lrsquoentreprise) et ceux agrave faible valeur ajouteacutee

Les achats routiniers et exceptionnels agrave faible valeur ajouteacutee (par exemple lapapeterie pour une PME speacutecialiseacutee dans le bacirctiment) ne neacutecessitent pas une politi-que drsquoapprovisionnement tregraves eacutelaboreacutee car le risque sur lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise estmoindre Les achats routiniers agrave plus forte valeur ajouteacutee (comme les matiegraverespremiegraveres comme le plastique pour un fabricant de jouet) doivent faire lrsquoobjet drsquouneattention particuliegravere En effet lrsquoentreprise doit seacutecuriser ses approvisionnementspour eacuteviter toute rupture de sa production Elle doit eacutegalement veiller agrave la qualiteacute desmatiegraveres livreacutees car elle peut influencer la qualiteacute de son propre produit Les achatsexceptionnels agrave plus forte valeur ajouteacutee (comme lrsquoeacutequipement de production pourun industriel) doivent eacutegalement faire lrsquoobjet drsquoun processus rigoureux car le coucirct delrsquoachat et son impact sur lrsquoactiviteacute le justifient Cette typologie est eacutevidemmentvariable drsquoune entreprise agrave une autre Une PME et une grande entreprise ne situentpas au mecircme niveau tant le caractegravere reacutepeacutetitif drsquoun achat que sa valeur ajouteacutee Il estalors de la responsabiliteacute de lrsquoentreprise de deacutefinir les seuils agrave partir desquels srsquoopegraverela classification Celle-ci permettra alors de bacirctir une politique drsquoachat adapteacutee et unmode relationnel avec les fournisseurs

42 La seacutelection des fournisseurs lrsquohorizon de coopeacuteration

Pendant longtemps les politiques drsquoapprovisionnement privileacutegiaient le prix Lesfournisseurs les moins-disants eacutetaient preacutefeacutereacutes De telles politiques consistaient agravemettre constamment en concurrence un grand nombre de fournisseurs et ce quel quesoit le type drsquoachat Avec lrsquoeacutevolution des meacutethodes de production et de logistique(notamment le JIT) les meacutethodes drsquoapprovisionnement se modifient elles devien-nent moins axeacutees sur le prix et le court terme Crsquoest particuliegraverement le cas pour les

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achats routiniers agrave forte valeur ajouteacutee Lrsquoideacutee est que les relations de long termeentre entreprises favorisent les gains mutuels Les entreprises nouent alors avec unnombre limiteacute de fournisseurs des relations durables Ces derniers disposent de cefait drsquoune plus grande visibiliteacute sur leur carnet de commandes et peuvent optimiserleur fonctionnement (en logistique production et approvisionnement) Les clientspeuvent fiabiliser et fideacuteliser leurs prestataires et beacuteneacuteficier de leurs ameacuteliorations entermes de coucircts drsquoinnovationhellip Cependant les relations partenariales entre entre-prises ne signifient pas lrsquoabsence de mise en concurrence et de controcircle

Repegraveres Lrsquoapprovisionnement drsquoIkeacutea

Reacuteputeacute pour ses meubles au design original fonctionnels faciles agrave monter immeacutediate-ment disponibles et peu chers le groupe sueacutedois Ikeacutea a notamment fondeacute son succegraves surune politique drsquoapprovisionnement global Afin de garantir des prix bas agrave ses clients Ikeacuteasrsquoest organiseacute de maniegravere agrave pouvoir acheter au meilleur prix Lrsquoentreprise dispose ainsi detrente bureaux drsquoachats reacutepartis sur le territoire mondial Leurs missions sont de trouverdes fournisseurs potentiels et de seacutelectionner ceux qui satisfont le plus aux critegraveres de coucirctet de faciliteacute de fabrication Ikeacutea gegravere ainsi pregraves de 1 800 fournisseurs dans 45 pays Etmalgreacute des proceacutedures de reacutefeacuterencement rigoureuses les fournisseurs se sont toujoursmontreacutes inteacuteresseacutes En effet en devenant fournisseur Ikeacutea ils avaient accegraves agrave un marcheacuteglobal et pouvaient beacuteneacuteficier des conseils et de lrsquoexpertise drsquoIkeacutea pour hisser leur produc-tion au niveau des standards internationauxDurant les anneacutees quatre-vingt-dix Ikeacutea soucieuse de son image drsquoentreprise responsablea peu agrave peu inteacutegreacute les dimensions environnementales agrave son management opeacuterationnelEn effet la principale matiegravere premiegravere eacutetant le bois Ikeacutea devait srsquoassurer que ses meublesnrsquoeacutetaient pas fabriqueacutes agrave partir de bois provenant drsquoune deacuteforestation par exemple Celapouvait alors nuire agrave son image de marque Ikeacutea devait donc parvenir agrave controcircler sa chaicircnede fournisseurs et srsquoassurer que les produits eacutetaient fabriqueacutes de maniegravere responsableCela srsquoest traduit par lrsquoeacutelaboration drsquoun code de conduite en matiegravere drsquoachat de produitspour lrsquoameacutenagement de la maisonLe code de conduite Ikeacutea se compose drsquoun ensemble de regravegles aux niveaux social et envi-ronnemental Au niveau social les fournisseurs sont tenus de respecter les lois et reacutegle-mentations nationales ainsi que les conventions internationales en matiegravere de conditionsde travail et de travail des enfants Plus speacutecifiquement les fournisseurs sont inciteacutes agraverespecter les Droits de lrsquohomme et agrave traiter leurs employeacutes eacutequitablement et avec respectCela se concreacutetise par certaines obligations comme de fournir un environnement de travailsain et sucircr de payer le salaire minimum leacutegal et drsquoindemniser les heures suppleacutementairesde ne pas faire appel au travail des enfants ou de ne pas recourir au travail forceacute ou agravelrsquoesclavage Sur le plan environnemental Ikeacutea srsquoefforce de reacuteduire au maximum tout effetneacutefaste sur lrsquoenvironnement qui puisse reacutesulter de ses activiteacutes et incite ses fournisseurs agraveen faire de mecircme Leurs obligations portent sur la reacuteduction des deacutechets et des eacutemissionsdans lrsquoair le sol et lrsquoeau la contribution au recyclage et la reacuteutilisation des mateacuteriaux etproduits usageacutes Ils doivent eacutegalement utiliser du bois provenant de zones identifieacutees etdans la mesure du possible de zones forestiegraveres bien geacutereacutees et de preacutefeacuterence certifieacuteescomme telles par un organisme indeacutependant

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Lrsquoeacutevolution des politiques drsquoapprovisionnement ne doit pas faire perdre de vue ladifficulteacute drsquoidentifier de nouveaux fournisseurs et la neacutecessiteacute de les eacutevaluer Eneffet la reacuteduction du nombre de fournisseurs induite par les relations durablesaugmente la vulneacuterabiliteacute La recherche de fournisseurs est alors une maniegravere de sepreacutemunir de la deacutefaillance des prestataires actuels et de faire peser sur eux unemenace La seacutelection drsquoun prestataire est un exercice difficile Son eacutevaluation peut sefaire sur des critegraveres classiques (reacutefeacuterences qualiteacute services fiabiliteacute prix capaciteacutedrsquoinnovation connaissances du secteur maicirctrise des problegravemes du client soliditeacutefinanciegravere deacutelaishellip) mais ce dernier peut toujours faire miroiter des compeacutetencesqursquoil ne maicirctrise pas prendre des engagements qursquoil est incapable de tenir et mettreson client en difficulteacute

Pour beacuteneacuteficier des avantages de la coopeacuteration tout en maintenant une certaineconcurrence certaines entreprises partagent ainsi leur volume entre plusieurs entre-prises On distingue geacuteneacuteralement un fournisseur principal qui beacuteneacuteficie de lrsquoessen-tiel du volume du client et des fournisseurs secondaires Le fournisseur principal estdonc motiveacute agrave maintenir sa position tandis que les fournisseurs secondaires tententde srsquoaccaparer une fraction plus importante du volume Dans certains cas il estpossible de reacutefeacuterencer des fournisseurs potentiels qui pourront ecirctre activeacutes en cas dedeacutefaillance des prestataires Lrsquoentreprise parvient ainsi agrave concilier les avantages de lacoopeacuteration et les beacuteneacutefices de la concurrence entre fournisseurs

Aux fonctions de soutien preacuteceacutedemment eacutetudieacutees nous ajoutons le deacuteveloppementdurable (DD) En effet sous lrsquoeffet de nombreuses eacutevolutions (loi NRE criseseacutecologiques scandales financiershellip) les questions de responsabiliteacute des entreprisessont devenues cruciales Et de nombreuses entreprises ont ajouteacute le DD agrave leurs acti-viteacutes traditionnelles ndash ou lrsquoont inteacutegreacute agrave celles-ci ndash allant parfois jusqursquoagrave creacuteer unservice du deacuteveloppement durable

5 Le deacuteveloppement durable

En 1987 la commission de lrsquoONU preacutesideacutee par Gro Harlem Brundtland deacutefinit lanotion de deacuteveloppement durable (DD) comme un laquo mode de deacuteveloppement quireacutepond aux besoins du preacutesent sans compromettre la capaciteacute des geacuteneacuterations futuresde reacutepondre aux leurs raquo Depuis lors les preacuteoccupations de la socieacuteteacute dans son

Ikeacutea cherche agrave diffuser cette politique sur lrsquoensemble de la filiegravere Lrsquoentreprise indique eneffet agrave ses fournisseurs qursquoils doivent communiquer le contenu de laquo la politique de Ikeacutea enmatiegravere drsquoachats de produits pour lrsquoameacutenagement de la maison raquo agrave leurs propres fournis-seurs Mais le code de conduite Ikeacutea nrsquoest pas qursquoune liste de regravegles sans controcircle Lesbureaux drsquoachats drsquoIkeacutea ont la responsabiliteacute directe drsquoapporter leur soutien aux fournis-seurs et de les controcircler afin drsquoassurer le suivi de ce qui est fait au niveau global

Agrave partir de wwwikeacom

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ensemble agrave lrsquoeacutegard des questions de responsabiliteacutes sociales socieacutetales et environne-mentales nrsquoont cesseacute de srsquointensifier ndash de nombreux eacutevegravenements ponctuent lrsquohistoiredu DD (sommet de Rio en 1992 sommet de Johannesbourg en 2002hellip) Et si lesenjeux du DD concernent tous les acteurs de la socieacuteteacute du cocircteacute des entreprises ilconvient drsquoobserver une inteacutegration progressive des questions de durabiliteacute dans leurmanagement se traduisant par lrsquoadoption de politique de RSE (responsabiliteacute socialedes entreprises) Nous analysons successivement les principaux facteurs qui en sontagrave lrsquoorigine comme les modaliteacutes de ces engagements

51 Les facteurs explicatifs de la RSE le rocircle des parties prenantes (PP)

Depuis plusieurs anneacutees maintenant il convient drsquoobserver un changement desregravegles dans la conduite des affaires Celui-ci srsquoexplique notamment par les effetsconjoints de crises eacutecologiques (Erika Exxon Valdeshellip) et socio-eacuteconomiques(Enron Parmalathellip) de menaces environnementales (pluies acides deacuteforestationeffet de serrehellip) et du pouvoir de pression grandissant des parties prenantes Eneffet la responsabiliteacute de certaines firmes dans ces crises eacutetant aveacutereacutee elles ont faitlrsquoobjet de nombreuses critiques dont les meacutedias les associations de citoyens lesONG (comme Greenpeace)hellip se sont faits les relais Il srsquoen est suivi des mouve-ments drsquoopinion des contre-compagnes publicitaires des appels au boycotthellip auxconseacutequences reacuteelles sur la performance de ces firmes Nike a ainsi fait lrsquoobjetentre 1997 et 2000 de contre-campagnes de publiciteacute sur les pratiques socialesdouteuses de ses sous-traitants dont la conseacutequence fucirct une chute de son titre de76 dollars agrave moins de 28 dollars Selon Freeman (1984) un preacutecurseur de la RSE cetype de mouvements traduit un affaiblissement de lrsquoapproche de la shareholdervalue accordant aux actionnaires un rocircle preacutepondeacuterant dans la deacutefinition des orien-tations strateacutegiques et une accentuation de lrsquoapproche de la stakeholder value pourlaquelle la diversiteacute ainsi que lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des requecirctes des diffeacuterentes partiesprenantes conduisent agrave reconsideacuterer la place et le rocircle de la firme dans la socieacuteteacute eta fortiori son management strateacutegique

Constitue selon Freeman (1984) une PP laquo tout groupe ou individu qui peut affec-ter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de lrsquoentreprise raquo Finale-ment tout individu ou groupe ayant un inteacuterecirct dans et pour lrsquoorganisation doit ecirctreconsideacutereacute comme une PP Le tableau suivant propose une synthegravese des principalesPP et de leur(s) inteacuterecirct(s) respectif(s)

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Tableau 14 mdash Les PP et leurs inteacuterecircts respectifs

Source adapteacute du guide SD 21000 de lrsquoAfnor 2003

Parties prenantes

InteacuterecirctsEacuteconomique Social Environnemental

Actionnaires et proprieacutetaires

Reacutesultats financiers Eacutethique maicirctrise des risques anticipation et transparence

Maicirctrise des risques lieacutes agrave lrsquoimage anticipation et gestion de crise

Pouvoirs publics Contribution agrave la richesse nationale et locale

Respect de la reacuteglementation en matiegravere de droit du travail

Respect de la reacuteglementation

Banques Peacuterenniteacute eacuteconomique Anticipation sur les besoins de reclassement afin drsquoen limiter les coucircts

Maicirctrise des risques environnementaux et de leurs impacts financiers

Employeacutes Eacutequiteacute sociale reacutemuneacuteration

Motivation consultation interne formation professionnelle deacuteveloppement employabiliteacute

Respect de lrsquoenvironnement local

Clients Politiques tarifaires qualiteacute des produits

Eacutethique commerce eacutequitable

Consommation de ressources

Fournisseurs Relations de partenariat agrave long terme

Formalisation des exigences eacutethiques et deacuteontologiques

Formalisation des speacutecifications techniques

Sous-traitants Reacutemuneacuteration eacutequitable information des perspectives de deacuteveloppement et peacuterenniteacute de la collaboration

Formalisation des exigences en matiegravere de conditions de production et des modes de controcircle et drsquoaudit

Deacutefinition claire des exigences environnementales sur les produits et les processus

Consommateurs Juste prix Respect du droit social Respect de lrsquoenvironnement et information

Concurrents Comparaison de pratiques

Respect du droit de la concurrence eacutethique absence de dumping social

Respect des regravegles de protection

Communauteacutes locales et territoriales

Peacuterenniteacute de lrsquoentreprise Prise en compte des attentes locales participation agrave la vie locale acteur du bassin drsquoemploi

Information et transparence reacuteduction des nuisances

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Repegraveres Les reacuteactions des parties prenanteslors de la privatisation de GDF

GDF Gaz de France est une entreprise publique speacutecialiseacutee dans la distribution de gaznaturel aux particuliers aux collectiviteacutes territoriales et aux industriels GDF a des activiteacutesdans plus de trente pays et emploie 50 244 collaborateurs Disposant jusque reacutecemmentdrsquoun monopole dans lrsquoindustrie du gaz naturel lrsquoentreprise a ducirc srsquoadapter En effet unedirective de la Commission europeacuteenne en 1996 preacutevoyait de promouvoir la concurrenceau sein du secteur de lrsquoeacutenergie et la transposition de cette directive dans la leacutegislationnationale srsquoest traduite par une privatisation du groupe Lrsquoannonce de cette nouvelle auxparties prenantes de lrsquoentreprise nrsquoa pas eacuteteacute favorablement accueillie Malgreacute de nombreu-ses protestations la directive de Bruxelles a eacuteteacute adopteacutee et en 2004 tous les clients indus-triels et les collectiviteacutes territoriales pouvaient choisir librement leur fournisseur de gaznaturel et cela a eacuteteacute eacutetendu aux clients particuliers le 1er juillet 2007 Depuis lors GDF estconfronteacutee agrave lrsquoouverture totale de son marcheacute donc agrave une concurrence europeacuteenne vive etdynamique

Les reacuteactions des parties prenantes agrave lrsquoannonce de la privatisationLrsquoEacutetat initialement lrsquoEacutetat franccedilais nrsquoeacutetait pas favorable agrave la transposition de la directivebruxelloise au droit franccedilais Mais les pressions en provenance de Bruxelles et de certainsEacutetats membres lrsquoont contraint agrave revoir ses positions et srsquoouvrir aux neacutegociationsLes salarieacutes avant que les neacutegociations sur la privatisation ne commencent nombre desalarieacutes avaient montreacute leur indignation en manifestant devant le siegravege parisien du Partisocialiste dans le cadre drsquoune journeacutee nationale drsquoaction pour la deacutefense du service publicCette journeacutee avait eacuteteacute marqueacutee par des arrecircts de travail des baisses de charge et descoupures drsquoeacutelectriciteacuteLa chaicircne gaziegravere la libeacuteralisation du marcheacute a signifieacute la seacuteparation des meacutetiers degestionnaires de reacuteseaux et ceux de distributeurs GDF a ainsi creacuteeacute deux entiteacutes distinctes une pour la commercialisation du gaz et une autre chargeacutee de la gestion des reacuteseauxLes entiteacutes de reacutegulation pour assurer le bon fonctionnement de la nouvelle organisationde la chaicircne gaziegravere et veiller au respect de la concurrence dans le secteur la CRE Commis-sion de reacutegulation de lrsquoeacutenergie a eacuteteacute deacutesigneacutee comme autoriteacute de reacutegulation du secteurLes clients mecircme si la concurrence devait avoir des effets positifs ndash pour les deacutefenseurs delrsquoouverture du marcheacute eacutenergeacutetique cela se traduirait par des offres plus attractives pourclients ndash les associations de consommateurs ont craint le contraire Ils pensaient que lesprix augmenteraient et que la qualiteacute de services allait se deacutegrader Lrsquoentreprise pour nepas perdre ses clients au 1er juillet de 2007 avait notamment annonceacute que les clients quiquittaient GDF ne pourraient plus beacuteneacuteficier des tarifs neacutegocieacutes par lrsquoEacutetatLes associations de protection de lrsquoenvironnement ces derniegraveres comme Greenpeace crai-gnaient que la privatisation ne se traduise par une baisse de la protection environnemen-tale Une nouvelle manifestation contre la privatisation fut organiseacutee le 10 mai 2007 parles salarieacutes quelques militants politiques et une partie de lrsquoopinion publique

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Cependant srsquoil existe de nombreuses PP et de multiples attentes toutes les PPnrsquoexercent pas des pressions de mecircme importance Mitchell et al (1997) proposentainsi une typologie des PP en fonction du nombre drsquoattributs qursquoelles possegravedent(tableau 15) Ce sont le pouvoir la leacutegitimiteacute et lrsquourgence

Les actionnaires pour GDF entreprise publique depuis 1946 lrsquoouverture du marcheacute srsquoestconcreacutetiseacutee par le passage en socieacuteteacute anonyme en 2004 LrsquoEacutetat eacutetait pourtant encorelrsquoactionnaire majoritaire En termes financiers cette ouverture du capital a eacuteteacute un succegravespuisque plus de 3 millions de particuliers et plus de 70 000 salarieacutes actifs et retraiteacutes sontdevenus actionnaires de GDF Ces mecircmes salarieacutes actionnaires proposaient qursquoen 2007 lesdividendes de cette anneacutee ne deacutepassent pas ceux de lrsquoanneacutee preacuteceacutedente afin que lrsquoentre-prise puisse investir plus Si cette initiative nrsquoa pas eacuteteacute suivie par tous elle deacutemontre lrsquoimpli-cation des nouveaux actionnaires dans lrsquoavenir du groupeLes collectiviteacutes territoriales avec la privatisation les collectiviteacutes territoriales sont deve-nues proprieacutetaires du reacuteseau de distribution du gaz et avaient le pouvoir de conceacuteder ounon lrsquoexploitation des reacuteseaux agrave GDF ou agrave drsquoautres entreprises Cette fragmentation dureacuteseau serait alors selon ses deacutetracteurs responsable de la deacutegradation de la qualiteacute deservice et de la seacutecuriteacute des approvisionnements Les deacutefenseurs de cette ideacutee ont pu fairevaloir leurs arguments lorsqursquoen aoucirct 2005 le prix du peacutetrole a augmenteacute tregraves rapidementEn effet afin de maintenir leur rentabiliteacute les producteurs de gaz ont proceacutedeacute agrave desaugmentations de prix et par conseacutequent GDF a eacuteteacute contraint de demander agrave lrsquoEacutetat uneautorisation drsquoaugmentation de 12 de ses tarifs degraves 2005 Apregraves neacutegociation GDF a eacuteteacuteautoriseacutee agrave augmenter ses tarifs de 12 agrave partir du 1er novembre 2005 Mais pour atteacute-nuer cet impact lrsquoentreprise a ducirc accorder agrave ses clients une remise commerciale de 44 du montant de lrsquoabonnement pendant les cinq mois drsquohiver Cet eacutepisode a marqueacute lrsquoimpor-tance de lrsquointervention de lrsquoEacutetatLes concurrents face aux contestations lieacutees agrave la privatisation GDF a essayeacute de maintenirune offre de qualiteacute et des prix concurrentiels Cependant lrsquoisolement de lrsquoentreprise fran-ccedilaise vis-agrave-vis des autres concurrents eacutetait perccedilu comme une menace pour GDF Pourcontrer cela lrsquoentreprise a chercheacute un allieacute comme Suez Drsquoautres ideacutees ont eacuteteacute eacutevoqueacuteescomme un rapprochement avec EDF Drsquoautres pistes sont envisageacutees comme la creacuteationdrsquoun pole public de lrsquoeacutenergie ou un rapprochement avec un gros producteur de gaz euro-peacuteen ou avec un eacutenergeacuteticien europeacuteen (le distributeur espagnol Gas Natural)

Agrave partir de MARAIS M et REYNAUD E laquo GDF quand le secteur gazier se diviseles acteurs srsquoorganisent raquo in JOFFRE O PLE L et SIMON E

Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacuteditions EMS 2007

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Tableau 15 mdash Les types des PP selon leurs attributs

Selon Mitchell et al (1997) le pouvoir traduit la capaciteacute drsquoinfluence du processusdeacutecisionnel il est donc fonction des ressources qursquoune PP procure agrave lrsquoentreprise Laleacutegitimiteacute est reconnue aux acteurs qui sont accepteacutes dans la socieacuteteacute Le contrat ledroit moral et le risque geacuteneacutereacute par les entreprises sont les fondements de cette leacutegiti-miteacute Enfin lrsquourgence deacutesigne lrsquoimmeacutediateteacute drsquoattention requise par les PP Lecaractegravere temporel des droits que les PP peuvent exercer sur lrsquoentreprise deacutefinit ledeacutelai de reacuteaction de cette derniegravere Le nombre drsquoattributs deacutetenus permet alorsdrsquoidentifier trois types de PP Les stakeholders latents ne deacutetiennent qursquoun seul attri-but Ce sont ceux qui srsquointeacuteressent le moins agrave lrsquoorganisation et auxquels les diri-geants accordent peu drsquoimportance Les stakeholders vigilants possegravedent deuxattributs et ont une influence modeacutereacutee sur la gouvernance de lrsquoorganisation Lesstakeholders deacutefinitifs possegravedent les trois attributs et sont les plus impliqueacutes dans lefonctionnement de lrsquoorganisation

Les combinaisons des trois attributs permettent donc de deacutefinir sept sous-ensem-bles de PP Cette cateacutegorisation des PP aide les dirigeants agrave identifier celles auxquel-les ils doivent accorder davantage drsquoimportance dans la formulation des strateacutegiesCependant les dirigeants doivent ecirctre vigilants drsquoune part parce que leur perceptionpeut conduire agrave une qualification erroneacutee des PP et agrave une hieacuterarchisation discutablede leurs attentes notamment lorsque celles-ci sont contradictoires (la rationaliteacute desdirigeants est en effet limiteacutee par lrsquourgence des problegravemes par les pressions qursquoilssubissent et par les systegravemes drsquoinformations dont ils disposent) et drsquoautre part parceque les attributs sont susceptibles de varier dans le temps (un stakeholder latent peutdevenir vigilant)

In fine lrsquoentreprise se trouve encastreacutee au sein drsquoun reacuteseau drsquoacteurs les PP dontlrsquoinfluence srsquoest accrue au point de peser sur son devenir et ses choix strateacutegiques

TypesAttributs Pouvoir Leacutegitimiteacute Urgence

Stakeholder latent

Dormant Pouvoir

Discreacutetionnaire Leacutegitimiteacute

Revendiquant Urgence

Stakeholder vigilant

Dominant Pouvoir Leacutegitimiteacute

Deacutependant Leacutegitimiteacute Urgence

Dangereux Pouvoir Urgence

Stakeholder deacutefinitif Pouvoir Leacutegitimiteacute Urgence

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Parce que lrsquoentreprise a besoin des ressources que lui procurent les PP elle doit leacutegi-timer ses actions vis-agrave-vis drsquoelles Cela se traduit par une implication grandissantedes firmes dans les questions eacutecologiques sociales et socieacutetales et lrsquoadoption depolitiques de RSE

52 Les modaliteacutes de la RSE

La RSE recouvre lrsquoensemble des actions drsquoune entreprise dans les domainessocial socieacutetal et eacutecologique La Commission des communauteacutes europeacuteennes en2002 deacutefinit ainsi la RSE comme laquo lrsquointeacutegration volontaire par les entreprises depreacuteoccupations sociales environnementales agrave leurs activiteacutes commerciales et leursrelations avec les parties prenantes Ecirctre socialement responsable signifie non seule-ment satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables mais aussi allerau-delagrave et investir dans le capital humain lrsquoenvironnement et les relations avec lesparties prenantes raquo Adopter une politique RSE implique donc de reacuteviser les modesde penseacutee et de mettre en œuvre une strateacutegie multidimensionnelle visant agrave la fois laperformance eacuteconomique sociale socieacutetale et eacutecologique ndash dans la continuiteacute destrois P People Planet Profits

Plus concregravetement la RSE se traduit par des actions aux niveaux social socieacutetal eteacutecologique Ainsi sur le plan social la RSE se concreacutetise notamment par des actionsrelatives agrave lrsquoautodiagnostic des besoins de formation la mobilisation des initiativesdu personnel la diminution des risques sociaux (maladies professionnellesstresshellip) la formation du personnel le recrutement des personnes handicapeacutees lareacutedaction de chartes eacutethiques lrsquoameacutelioration des conditions de travailhellip Au niveausocieacutetal lrsquoengagement responsable peut se traduire par le financement de program-mes de recherche contre certaines maladies la lutte pour lrsquoalphabeacutetisation lecombat contre le surendettement des meacutenages lrsquoinsertion des chocircmeurs de longuedureacutee le combat contre le travail des enfantshellip Enfin au niveau eacutecologique la RSEpeut se concreacutetiser par des programmes de reacuteduction et de recyclage des deacutechets delutte contre le reacutechauffement de la planegravete la reacuteduction des eacutemissions polluanteshellipPour autant quel que soit le contenu du programme RSE de lrsquoentreprise celui setraduit par des actions susceptibles drsquointervenir agrave tous les stades de la chaicircne devaleur et de la filiegravere

Force est pourtant de reconnaicirctre que le niveau drsquoengagement des firmes enmatiegravere de RSE varie En effet toutes les entreprises preacutetendant adopter une politi-que de RSE ne peuvent ecirctre qualifieacutees drsquoentreprise responsable au sens de la deacutefini-tion preacuteceacutedente ndash elles ne vont pas toutes au-delagrave des obligations juridiques Ilconvient ainsi drsquoobserver une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute certaine en matiegravere de comportementsresponsables ces derniers oscillant entre lrsquoabsence de reacuteponse et lrsquoattitude proactiveNous proposons de preacutesenter deux logiques dominantes en matiegravere drsquoappropriationde la RSE lrsquoeacuteco-deacutefense et lrsquoeacuteco-sensibiliteacute

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Lrsquoeacuteco-deacutefense se mesure agrave la nature des arbitrages opeacutereacutes entre le social lrsquoeacutecologi-que et lrsquoeacuteconomique La recherche exclusive de profit et de rendements eacuteconomi-ques immeacutediats conduit agrave penser les investissements eacutecologiques et sociaux commedes coucircts inutiles agrave limiter voire antagonistes avec la dimension eacuteconomique

Repegraveres Carrefour repense les relations avec ses fournisseurs

Le groupe Carrefour a progressivement inteacutegreacute les dimensions environnementales socia-les et socieacutetales agrave sa strateacutegie Crsquoest ainsi que lrsquoentreprise propose aux clients qui srsquoenga-gent dans les valeurs du DD agrave travers leurs consommations une offre speacutecifique Lesproduits Carrefour Agir font lrsquoobjet drsquoune certification systeacutematique sur chaque gamme Agir Bio Agir Solidaire Agir Eacutecoplanegravete et Agir Nutrition Mais la proposition de valeurdurable srsquoadresse eacutegalement aux clients moins engageacutes Crsquoest ainsi que Carrefour deacuteve-loppe des gammes de produits respectueux de lrsquoenvironnement Agrave titre drsquoexemple a eacuteteacutemise sur les marcheacutes franccedilais et belges une gamme de produits de la mer laquo pecirccheresponsable raquo ainsi qursquoune gamme de produits Bio De mecircme en 2005 un nouveausystegraveme drsquoeacutetiquetage nutritionnel a eacuteteacute mis en place sur les produits de marque CarrefourIl vise agrave assurer une preacutesentation plus accessible et peacutedagogique de lrsquoinformation nutri-tionnelle Dans la continuiteacute lrsquoinformation qualiteacute des produits non alimentaires agrave marqueCarrefour a eacuteteacute ameacutelioreacutee Deacutesormais quatre critegraveres symboliseacutes par des pictogrammesfont ressortir lrsquousage la seacutecuriteacute la santeacute et les conditions environnementales et socialesde fabrication Sont concerneacutes une gamme de 60 agrave 70 produits dans les peintures lessenteurs les sacs agrave dos et les jouetsMais la leacutegitimiteacute de Carrefour en matiegravere de responsabiliteacute ne saurait se limiter agrave inteacutegrerdes produits laquo verts raquo dans son offre La mise en œuvre de la strateacutegie DD de Carrefourpasse eacutegalement par un reacuteameacutenagement des relations avec ses fournisseurs Lrsquoentreprisedoit srsquoassurer qursquoils se comporteront de faccedilon responsable agrave lrsquoeacutegard de leurs partiesprenantes Carrefour srsquoest ainsi engageacute dans une ambitieuse politique agrave travers le mondevisant agrave garantir le respect des Droits de lrsquohomme dans la chaicircne drsquoapprovisionnement deses produits et agrave favoriser la traccedilabiliteacute et lrsquoachat eacutethique Le groupe qui compte entre4 000 et 15 000 fournisseurs par pays et plus de 40 000 producteurs Filiegraveres QualiteacuteCarrefour dans le monde a deacuteveloppeacute un reacutefeacuterentiel et une meacutethodologie drsquoaudit social(charte sociale) et de seacutecuriteacute alimentaire pour suivre le parc de fournisseurs Concernantlrsquoaudit social Carrefour a eacutetabli un partenariat avec la FIDH (Feacutedeacuteration internationale desligues des Droits de lrsquohomme) dans le cadre duquel la feacutedeacuteration peut proceacuteder agrave descontrocircles inopineacutes Sur le plan de la seacutecuriteacute alimentaire les fournisseurs des produits agravemarque propre se soumettent agrave des audits sur les conditions drsquohygiegravene et de seacutecuriteacute lamaicirctrise des risques la traccedilabiliteacutehellip En 2005 Carrefour a proceacutedeacute agrave 474 audits sociaux dansdix pays dont 23 (soit 106) sont des reacute-audits Les reacutesultats montrent que 46 desusines se sont ameacutelioreacutees entre lrsquoaudit initial et le reacute-audit

Agrave partir de GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Inteacutegrer le deacuteveloppementdurable au business model de lrsquoentreprise raquo in DION M et WOLF D

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Lrsquoeacuteco-deacutefense conduit agrave deux types de comportements Le premier consiste agrave main-tenir les pratiques actuelles sans inteacutegrer la donneacutee eacutecologique (au risque de se trou-ver hors la loi) Ce comportement est de moins en moins freacutequent car les risquesencourus (peacutecuniaires ou non) en cas drsquoinfractions aux reacuteglementations sonttoujours plus importants Le second qualifieacute drsquoadaptatif se conforme aux reacuteglemen-tations respecte les normes sans les deacutepasser et limite ainsi les risques drsquoinfractionsencourus en cas de non-respect des lois en vigueur (crsquoest lrsquoeacuteco-conformiteacute) Il cher-che agrave minimiser les investissements en respectant au minimum les normes leacutegalesLrsquoobjectif prioritaire de ce type de comportement reacuteside dans le maintien du profitoptimal via la preacuteservation de la leacutegitimiteacute des activiteacutes de la firme vis-agrave-vis desparties prenantes Les efforts responsables sont perccedilus comme une assurance deminimisation des dommages geacuteneacutereacutes par lrsquoactiviteacute Ce type de comportement setraduit au niveau organisationnel par une remise en question limiteacutee des pratiquesexistantes En effet lrsquoeacuteco-conforme ne bouleverse pas les processus de deacutecisionstraditionnels Lrsquoambition de se conformer consiste exclusivement agrave inteacutegrer descritegraveres nouveaux au processus deacutecisionnel mais en aucun cas agrave en modifier la logi-que profonde

Agrave lrsquoopposeacute lrsquoeacuteco-sensible ne privileacutegie pas la rentabiliteacute financiegravere immeacutediate les investissements sociaux et eacutecologiques doivent produire des effets agrave plus longterme Ces entreprises perccediloivent les investissements eacutecologiques et sociaux commerentables agrave plus ou moins longue eacutecheacuteance Le plus souvent elles vont au-delagrave desnormes imposeacutees par la reacuteglementation Parallegravelement elles nrsquoattendent pas lapromulgation de lois pour inteacutegrer les donneacutees environnementales et sociales dansleur management Les questions de responsabiliteacute sont consideacutereacutees comme deseacuteleacutements cleacutes de la peacuterenniteacute de lrsquoentreprise et sont placeacutees au cœur de sa strateacutegieLrsquoobjectif est double Drsquoune part le deacuteveloppement durable geacutenegravere des beacuteneacutefices quise situent aux niveaux des coucircts (reacuteduction des coucircts de production) de la leacutegitimiteacute(image veacutehiculeacutee aux parties prenantes culture de lrsquoentreprisehellip) et de la diffeacuteren-ciation (qualiteacute des produits labellisationhellip) Drsquoautre part lrsquoentreprise agit dans lebut drsquoinfluencer les autres opeacuterateurs de la filiegravere Elle tente de peser sur les regraveglesdes affaires pour eacutevoluer dans un jeu qui lui convienne en termes eacutethiques maiseacutegalement eacuteconomiques Eacutedicter les regravegles du jeu et contraindre les concurrents agravejouer un jeu qursquoils maicirctrisent moins bien est lrsquoun des objectifs de la proactionresponsable Ce type de comportement se traduit au niveau organisationnel par uneremise en question reacuteelle des pratiques existantes En effet lrsquoentreprise eacuteco-sensibleadopte une deacutemarche par laquelle lrsquointeacutegration des questions environnementalesmodifie en profondeur le processus de deacutecision En effet la volonteacute drsquoinfluencer lesregravegles du jeu en faisant de la responsabiliteacute un enjeu concurrentiel impose de repen-ser les logiques qui preacutevalaient dans lrsquoentreprise Il nrsquoest plus question drsquoajouter descritegraveres mais de repenser lrsquoideacuteologie dominante de la firme

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Repegraveres Le business du recyclage des matiegraveresplastiques

Avec le soutien drsquoEacuteco-Emballages et de Valorplast des entreprises ont commenceacute agrave utiliserle plastique recycleacute pour fabriquer des tuyaux des palettes des meubles de jardin desbidons des pieux de vigne des mousses drsquoisolation tandis que les bouteilles drsquoeau ou desoda en PET transformeacutees en fibres permettent de rembourrer les couettes de faire de lamoquette ou de fabriquer des vecirctements en laquo laine raquo polaire Fondateur de lrsquoentreprisecalifornienne de vecirctements de sport Patagonia le montagnard eacutecologiste Yvon Chouinarda eacuteteacute pionnier Pour la fabrication de ses vestes polaires degraves 1993 il a preacutefeacutereacute la fibre issuede bouteilles recycleacutees au polyester vierge Lrsquoan dernier la socieacuteteacute a lanceacute son laquo InfurnoJacket raquo anorak entiegraverement reacutealiseacute en fibres recycleacutees gracircce agrave un proceacutedeacute japonais Agrave lamecircme eacutepoque lrsquoentreprise ameacutericaine Wellman Inc un des premiers fabricantsmondiaux de fibres polyester srsquoest aussi lanceacutee dans le recyclage En Europe elle produitdans son usine irlandaise 80 000 tonnes de fibres par an dont la moitieacute agrave partir de vieillesbouteilles En France elle a creacuteeacute en 1996 une filiale qui traite actuellement 28 000 tonnesde bouteilles et emploie 43 personnes Les initiatives se sont multiplieacutees Pregraves de BeauneAmcor tente le pari du recyclage en boucle fabriquer de nouvelles bouteilles en PET agravepartir des anciennes Il a investi pour cela 18 millions drsquoeuroslaquo Le mouvement est deacutesormais lanceacute des fabricants drsquohorizons divers se mettent agrave inteacute-grer dans leur processus de production du plastique recycleacute Lrsquoavantage Seacutecuriser agravemoyen terme lrsquoapprovisionnement agrave un prix stable agrave lrsquoabri des aleacuteas des cours des matiegrave-res vierges En 2000 un cap deacutecisif a eacuteteacute franchi la tonne de plastique recycleacute a acquis unevaleur positive Deacutesormais une tonne de paillettes de PET recycleacutee se commercialiseautour de 550 euros Selon les cours de la matiegravere vierge nous sommes plus ou moinscompeacutetitifs mais sur le moyen terme nous sommes tregraves inteacuteressants raquo affirme ClaudeMarchal directeur geacuteneacuteral de Wellman France Recyclage Au total il aura fallu 10 millionsdrsquoeuros de recherche et deacuteveloppement pour enclencher le recyclage des bouteilles eacutevaluePierre Villate En amont le systegraveme reste largement subventionneacute puisque la collecte et letri sont agrave la charge des collectiviteacutes locales avec lrsquoappui drsquoEco-Emballages Mais en aval lafiliegravere peut deacutesormais fonctionner sur des critegraveres eacuteconomiquesDans les deacutechets industriels aussi des recherches ont eacuteteacute lanceacutees et un marcheacute est en trainde se deacutevelopper Lrsquoenjeu essentiel de la nouvelle directive sur les veacutehicules hors drsquousageconcerne le recyclage des plastiques (environ 15 du poids drsquoun veacutehicule) puisque la reacutecu-peacuteration des piegraveces meacutetalliques (75 du poids) se pratique depuis longtemps Crsquoest pour-quoi le speacutecialiste de la collecte et du traitement des meacutetaux CFF Recycling srsquoest associeacuteavec lrsquoeacutequipementier automobile Plastic Omnium pour creacuteer une socieacuteteacute commune consa-creacutee au recyclage laquo Jusqursquoagrave maintenant une fois les carcasses de voitures reacutecupeacutereacutees nousavions lrsquohabitude drsquoenvoyer le reste en deacutecharge pare-chocs mousses piegraveces diversesexplique-t-on chez CFF Recycling Nous disposons des stocks tandis que Plastic Omniumqui recycle deacutejagrave 8 000 tonnes de matiegraveres plastiques par an deacutetient le savoir-faire Tregravesvite nous espeacuterons doubler le volume du recyclage raquo Directeur de lrsquoinnovation chez PlasticOmnium Jean-Louis Vaysse souligne aussi que les choses avancent vite laquo Ce qursquoon croyaitencore impossible il y a quelques anneacutees est deacutesormais reacutealisable Dans la nouvelleMeacutegane de Renault sur les 10 kg de piegraveces en plastique que nous fournissons 30 pro-

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

En somme la RSE constitue un veacuteritable enjeu pour lrsquoentreprise Sous lrsquoeffet demultiples facteurs elle est devenue un impeacuteratif dans la plupart des industries etpour nombre de firmes Si toutes ne srsquoy engagent pas avec la mecircme intensiteacute elle setraduit par des programmes drsquoactions susceptibles de concerner lrsquoensemble de lachaicircne de valeur de lrsquoentreprise Ainsi au mecircme titre que lrsquoapprovisionnement lafonction financiegravere la gestion des ressources humaines la recherche et deacuteveloppe-ment le deacuteveloppement durable (ou la RSE) se compose drsquoun ensemble de missionsqui deacuteterminent lrsquoefficaciteacute et agrave lrsquoefficience des fonctions principales

viennent de plastiques recycleacutes Tout lrsquoenjeu porte sur la collecte plus on aura de matiegraveresagrave recycler plus le coucirct du traitement baissera les deacuteboucheacutes vont srsquoimposer et le recyclagedeviendra compeacutetitif par rapport agrave la mise en deacutecharge raquo

Agrave partir de laquo Plastiques une vie apregraves la poubelle raquo Les Eacutechos 16 mars 2004 GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Inteacutegrer le deacuteveloppement durable au business model

de lrsquoentreprise raquo in DION M et WOLF D Le deacuteveloppement durable theacuteorieset applications au management raquo Dunod coll laquo Gestion Sup raquo 2008

LrsquoessentielCe premier chapitre a permis de mieux comprendre quelle eacutetait la veacuteritable mission drsquounmanager dirigeant et de deacutecouvrir les outils neacutecessaires agrave lrsquoeacutelaboration des diagnosticsstrateacutegiques externe et interne et agrave la formulation des choix strateacutegiques De mecircme tant lesfonctions principales (logistique production et marketing) que de soutien (finance gestiondes ressources humaines deacuteveloppement technologique approvisionnement et deacuteveloppe-ment durable) ont eacuteteacute eacutetudieacutes afin de mieux saisir leurs missions et responsabiliteacutes dans lamise en œuvre de la strateacutegie de la firme Cependant lrsquoefficaciteacute de la contribution dechaque fonction au projet strateacutegique deacutepend fondamentalement de la maniegravere dont estorganiseacute le travail en leur sein et reacuteparti entre elles Ce domaine du management est abordeacutedans le chapitre qui suit

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outes les activiteacutes de la firme qursquoelles soient lieacutees aux fonctions principalesou de soutien sont reacutealiseacutees au sein de diffeacuterents services La diversiteacute de

leurs missions et des individus qui les exeacutecutent rend neacutecessaire la deacutefinition drsquouneorganisation pour lrsquoentreprise - ce que lrsquoon nomme la structure Selon Mintzberg(1982) la structure correspond agrave laquo la somme totale des moyens employeacutes pour divi-ser le travail en tacircches distinctes et pour ensuite assurer la coordination neacutecessaireentre ces tacircches raquo Elle deacutesigne donc lrsquoarchitecture geacuteneacuterale de lrsquoentreprise sonossature Elle assure lrsquoagencement et lrsquoarticulation entre les diffeacuterents services etoriente les comportements des individus

Sa repreacutesentation graphique la plus courante est lrsquoorganigramme Celui-ci met eneacutevidence la seacuteparation technique des domaines de compeacutetences (division du travailen tacircches distinctes) les responsabiliteacutes respectives les relations entre les compo-sants de la structure et le positionnement des membres sur lrsquoeacutechelle hieacuterarchiqueBien qursquoindispensable lrsquoorganigramme seul ne permet pas de saisir la complexiteacutedes relations entre les services et les individus En effet il ne repreacutesente pas les liensinformels que nouent les acteurs entre eux et qui jouent un rocircle essentiel dans lefonctionnement organisationnel La structure reacuteelle est finalement une combinaisonentre un design formel (repreacutesenteacute par lrsquoorganigramme) et des relations informelles

La conception de la structure est donc un exercice complexe Son influence sur lamise en œuvre de la strateacutegie et lrsquoatteinte des objectifs eacuteconomiques sociaux socieacute-taux et eacutecologiques en font une mission relevant de la direction geacuteneacuterale ndash mecircme siles managers intermeacutediaires jouent un rocircle deacutecisif dans le fonctionnement quotidiende lrsquoentreprise La conception de la structure repose sur un ensemble de paramegravetresqui permettent de deacutefinir la forme drsquoorganisation la plus adeacutequate compte tenu des

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Les structures drsquoentreprises

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caracteacuteristiques de lrsquoentreprise et de lrsquoenvironnement Ce sera lrsquoobjet de la premiegraveresection La seconde section preacutesente les principaux types de structure leurs avanta-ges et inconveacutenients respectifs Enfin la derniegravere section de ce chapitre traite desfacteurs qui influencent les formes structurelles

Section 1 Les paramegravetres de structurationSection 2 Les types de structuresSection 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure

LES PARAMEgraveTRES DE STRUCTURATION

La conception drsquoune structure impose tout drsquoabord drsquoen identifier les composantsChaque fonction correspond agrave un organe de lrsquoentreprise doteacute drsquoune mission preacuteciseCelle-ci peut ecirctre opeacuterationnelle ou fonctionnelle Les organes opeacuterationnels corres-pondent aux fonctions principales ils participent directement agrave lrsquoeacutelaboration delrsquooffre de lrsquoentreprise (production ventehellip) Les organes fonctionnels correspon-dent aux fonctions de soutien ils permettent aux organes opeacuterationnels drsquoecirctre agrave lafois plus efficace et plus efficient (GRH R amp D DDhellip)

Et puisque la mission drsquoun organe influence celle drsquoun autre il faut donc deacutefinirdes modes drsquoorganisation qui assurent la coordination de lrsquoensemble Les lienscorrespondent donc agrave un premier niveau de choix structurel (la structure de lrsquoentre-prise) Cependant chaque organe peut deacutefinir des modes drsquoorganisation internesspeacutecifiques Le service commercial peut par exemple fonctionner selon des modesdrsquoorganisation diffeacuterents du service production Le fonctionnement interne des orga-nes correspond agrave un second niveau de choix structurel (la structure de lrsquoorgane)

La conception drsquoune structure porte donc au niveau de lrsquoentreprise et des fonctionsqui la composent Quatre paramegravetres principaux permettent drsquoen deacutefinir le fonction-nement Ce sont la speacutecialisation la coordination la formalisation et la centralisa-tion

1 La speacutecialisation

Lorsque le dirigeant est seul il assure lrsquoensemble des missions (geacuteneacuteralement lavente la production et la gestion administrative) Mais degraves que lrsquoentreprise se deacuteve-loppe il doit faire face agrave une charge de travail plus importante et peut ecirctre confronteacuteagrave de nouvelles activiteacutes (comme les relations avec les fournisseurs le lancement denouveaux produitshellip) Il est donc ameneacute agrave creacuteer de nouveaux deacutepartements et agraverecruter des collaborateurs Ces derniers se verront confieacutes des missions speacutecifiquesCette division du travail entre diffeacuterents services renvoie au paramegravetre de la speacuteciali-

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sation Celle-ci se deacutefinit donc comme les modaliteacutes par lesquelles on divise letravail dans lrsquoentreprise

La speacutecialisation srsquoanalyse selon deux critegraveres essentiels lrsquointensiteacute (ou le degreacute)et le mode Lrsquointensiteacute se reacutefegravere agrave la concentration des missions au sein drsquoune mecircmeentiteacute ou personne Ainsi une forte speacutecialisation du travail aboutit agrave limiter lrsquoeacuteven-tail des tacircches qui sont confieacutees agrave un deacutepartement ou un individu LrsquoOST (organisa-tion scientifique du travail) en est un bon exemple Elle consiste agrave deacutecouper le fluxde travail en de multiples tacircches et agrave confier aux ouvriers des tacircches tregraves speacutecialiseacuteesndash lrsquoindividu exeacutecute une tacircche exclusive Les programmes drsquoenrichissement dutravail consistent au contraire agrave atteacutenuer la speacutecialisation du travail ndash par exemplelrsquoouvrier reacutealise lui-mecircme le controcircle de la qualiteacute Le mode de speacutecialisationrenvoie aux critegraveres de deacutecoupage des activiteacutes La speacutecialisation peut ainsi srsquoeffec-tuer par fonction par zone geacuteographique par marque par domaine drsquoactiviteacutes stra-teacutegiques par projet par cateacutegorie de clients par technologiehellip Ces critegraveres despeacutecialisation ne sont cependant pas exclusifs et au sein drsquoune entreprise il estfreacutequent que coexistent plusieurs modes de speacutecialisation Dans ce cas la hieacuterarchiedes critegraveres de speacutecialisation deacutepend de nombreux facteurs (environnement taillestrateacutegiehellip)

Les choix opeacutereacutes en matiegravere de speacutecialisation preacutesentent certains avantages etinconveacutenients Ainsi une speacutecialisation intense preacutesente lrsquoavantage principal delrsquoexpertise Que la speacutecialisation se fasse par fonction par reacutegion par type declientshellip on permet agrave lrsquoentiteacute ou lrsquoindividu drsquoen deacutevelopper une connaissanceapprofondie et drsquoen maicirctriser les speacutecificiteacutes Cette expertise engendre souvent uneproductiviteacute supeacuterieure dans la reacutealisation des tacircches La forte speacutecialisation occa-sionne cependant une certaine reacutepeacutetitiviteacute dans les missions Cette monotonie dansle travail peut se manifester par un affaiblissement de lrsquoengagement des collabora-teurs par une reacuteduction de leur polyvalence et donc une atteacutenuation de la flexibiliteacuteinterne (les individus sont peu aptes agrave srsquoadapter agrave de nouvelles missions)

Repegraveres Les reacuteorganisations structurelles de General Motors une succession de modes de speacutecialisation

General Motors Corp (GM) lrsquoun des plus grands fabricants drsquoautomobiles au monde a eacuteteacutefondeacutee en 1908 Fabriquant ses voitures et camions dans 34 pays GM les commercialisedans 140 pays En 2008 GM a vendu 835 millions de voitures et camions sur lrsquoensemblede ses marques Buick Cadillac Chevrolet GMC GM Daewoo Holden Hummer OpelPontiac Saab Saturn Vauxhall et WulingAu cours de son histoire GM a connu plusieurs modifications de sa structure En 1981 alorsque Roger B Smith devenait preacutesident de GM la performance du geacuteant ameacutericain sur lemarcheacute automobile se deacutegradait et lrsquoentreprise connaissait son premier deacuteficit depuis 1921Pour faire face agrave cette situation Smith constituait un groupe de travail composeacute de dixcadres Leur objectif eacutetudier une reacuteorganisation massive drsquoune structure qui existaitdepuis des deacutecennies

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Au cours de son histoire GM a connu plusieurs modifications de sa structure En 1981 alorsque Roger B Smith devenait preacutesident de GM la performance du geacuteant ameacutericain sur lemarcheacute automobile se deacutegradait et lrsquoentreprise connaissait son premier deacuteficit depuis 1921Pour faire face agrave cette situation Smith constituait un groupe de travail composeacute de dixcadres Leur objectif eacutetudier une reacuteorganisation massive drsquoune structure qui existaitdepuis des deacutecenniesAgrave cette eacutepoque la structure de lrsquoentreprise consistait en deux grands fiefs Fisher Body etGeneral Motors Assembly Division (GMAD) et cinq divisions speacutecialiseacutees par marque(Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac) Avec la centralisation du design delrsquoingeacutenierie et de la production toutes les voitures de GM commenccedilaient agrave se ressemblerLrsquoidentiteacute des marques disparaissait peu agrave peu La situation eacutetait devenue si probleacutematiqueque la division Lincoln-Mercury de Ford obtenait de tregraves bons reacutesultats gracircce notamment agravedes publiciteacutes qui raillaient les proprieacutetaires de voitures de luxe de GM essayant de choisirleur voiture dans un parc de voitures identiques Parallegravelement GM eacutetait critiqueacutee pourson incapaciteacute agrave deacutevelopper une gamme de petites voitures populaires Enfin la structurede lrsquoentreprise ne permettait pas une bonne deacutetermination des responsabiliteacutes et lesuniteacutes organisationnelles manquaient de reacuteactiviteacute Smith voulait donc bacirctir une structurequi permettrait agrave GM de reacutepondre rapidement au marcheacute et de mesurer plus facilement laperformance des principales uniteacutes opeacuterationnellesApregraves quinze mois de reacuteflexion la plus grande entreprise du monde (la premiegravere agrave deacutepas-ser 100 milliards de dollars de ventes) entamait une importante modernisation de sastructure une refonte qui devait durer plusieurs anneacutees compte tenu de la taille de GM Laprincipale reacuteorganisation a consisteacute agrave creacuteer deux divisions reacuteunissant les marques BOCpour les marques Buick Oldsmobile et Cadillac et CPC pour Chevrolet Pontiac et GM ofCanada La division BOC devait se concentrer sur le segment des grosses voitures tandisque la division CPC se chargeait des petites voitures Chaque groupe disposait de sespropres ressources en design ingeacutenierie et production ce qui aboutit finalement agrave ladissolution de Fisher Body et GMADLrsquoambition de Smith eacutetait de permettre agrave GM drsquoaffronter les enjeux du XXIe siegravecle Malheu-reusement la reacuteorganisation prit plus de temps que preacutevu La part de marcheacute de GM quieacutetait drsquoenviron 45 lorsque Smith devint preacutesident nrsquoeacutetait plus que de 35 en 1990 aumoment ougrave Smith pricirct sa retraite Son successeur Robert C Stempel devait affronter unesituation redoutable Pour faire face agrave une perte record de 445 milliards de dollars en 1991Stempel deacuteclara que lrsquoentreprise allait licencier 74 000 employeacutes et fermer 21 de sesusines de production Ces difficulteacutes ont finalement conduit la direction de GM agrave rempla-cer Stempel par John F Smith ancien directeur des opeacuterations europeacuteennesJohn Smith a rapidement annonceacute une reacuteorganisation Les activiteacutes de design et deproduction des deux grandes divisions BOC et CPC ont eacuteteacute unifieacutees au sein drsquoune entiteacuteunique la North American Passenger Car Platforms En outre toutes les activiteacutes de venteet de marketing des voitures ont eacuteteacute regroupeacutees au sein de la North American VehiclesSales and Marketing Les directeurs de ces deux entiteacutes reacutepondaient directement agrave Smithce qui permettait drsquoeacuteliminer une strate de management et drsquoopeacuterer des changementsprofonds afin de reacuteduire les coucircts plus rapidement Apregraves quelques mois GM annonccedilaiteacutegalement un plan de reacuteduction du personnel au siegravege Plus tard Smith subdivisait lesplates-formes du groupe en trois segments camions voitures moyennesvoitures de luxeet petites voitures Apregraves quelques anneacutees Smith initiait une nouvelle reacuteorganisation afindrsquoacceacuteleacuterer le deacuteveloppement des nouveaux veacutehicules et mieux geacuterer les marques de GM

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In fine la speacutecialisation est fondamentalement lieacutee agrave la diversiteacute agrave laquelle estconfronteacutee lrsquoentreprise Plus ses clients ses marcheacutes geacuteographiques ses produitsses technologieshellip sont diverses plus la speacutecialisation srsquoimpose Celle-ci apparaicirctdonc comme une neacutecessaire inteacutegration des contraintes de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute dans lefonctionnement de lrsquoentreprise

2 La coordination

Sous lrsquoinfluence drsquoune forte speacutecialisation de la structure les entiteacutes se deacutemulti-plient Se pose la question de leur coordination pour preacuteserver la coheacuterence delrsquoensemble Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise deacutepend en effet beaucoup plus des liaisonscommunicationnelles et opeacuterationnelles entre les entiteacutes que de leur efficaciteacuteinterne En effet une entiteacute ne fonctionne jamais totalement indeacutependamment desautres ndash elle a besoin des contributions des autres deacutepartements Le maintien de lacoheacuterence globale est drsquoautant plus difficile que les entiteacutes ont parfois des inteacuterecirctsdivergents et ne fonctionnent pas sur les mecircmes registres cognitifs compte tenu desspeacutecificiteacutes de parcours de cultures professionnelles de croyanceshellip Il en reacutesultedes antagonismes qursquoil faut parvenir agrave contenir Crsquoest le rocircle des meacutecanismes decoordination

Selon Mintzberg (1982) lrsquoajustement mutuel la supervision directe et la standar-disation du travail constituent les principaux modes de coordination Lrsquoajustementmutuel est la situation dans laquelle les collaborateurs se consultent et deacutecidentdrsquoune conduite en dehors de ce qui est preacutevu par lrsquoorganisation Cet ajustement sefait geacuteneacuteralement par le moyen drsquoune communication informelle et directe entre lesacteurs (mails teacuteleacutephone rencontrehellip) Ce mode drsquoajustement preacutesente lrsquoavantagede la simpliciteacute et de la rapiditeacute Elle suppose cependant une volonteacute commune desacteurs de traiter lrsquoobjet de la coordination La supervision directe correspond agrave lamodaliteacute de coordination par la hieacuterarchie Elle repose sur lrsquoinstruction (ou lrsquoordre)et le controcircle de son exeacutecution Cependant lorsque le nombre et la diversiteacute desoccasions de coordination augmentent cela peut avoir pour conseacutequence la satura-tion du responsable hieacuterarchique qui devient alors rapidement incapable drsquoassumerson rocircle Lorsqursquoil estime ne pas ecirctre compeacutetent et leacutegitime pour deacutecider sur certains

La reacuteorganisation aboutit agrave la creacuteation de 16 directeurs de produit responsables de la coor-dination des designers ingeacutenieurs directeurs de production et de marketing Lrsquoambitioneacutetait de produire de nouveaux modegraveles de voitures plus vite et plus efficacement La reacuteor-ganisation a aussi abouti agrave la nomination de 30 directeurs de marques un pour chaquemarque principale La creacuteation de postes de directeurs de marques avait pour but drsquoasso-cier plus clairement des produits agrave des segments speacutecifiques de consommateurs agrave creacuteer dela valeur pour les clients et une image de long terme pour les marques de GM

Agrave partir de wwwgmcom et BARTOL K et MARTIN D C laquo Teaching an Eleacutephantto Dance ndash GM Reorganizes raquo Management Irwin McGraw-Hill 2000

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sujets il tend agrave remonter au niveau supeacuterieur Le deacutelai pour atteindre le laquo bon raquoresponsable peut dans certains cas ecirctre source de difficulteacutes (longueur dans la prisede deacutecision inertie de lrsquoorganisationhellip) Afin de solliciter la hieacuterarchie de faccedilonexceptionnelle ce mode de coordination est compleacuteteacute par la standardisation dutravail Celle-ci consiste agrave rationaliser lrsquoorganisation en faisant reposer la coordina-tion sur des standards Elle revecirct quatre formes Tout drsquoabord la standardisation desproceacutedeacutes (comme des proceacutedures des reacuteunions reacuteguliegraveres des comiteacutes la produc-tion de documents interneshellip) permet de clarifier et de normaliser la conduite desopeacuterations routiniegraveres et le comportement agrave adopter dans telle ou telle situationEnsuite la coordination peut srsquoeffectuer en standardisant les reacutesultats Ici les acteurssrsquoajustent en fonction drsquoun cahier des charges par exemple ou drsquoobjectifs agrave attein-dre Ils sont plus autonomes et leurs relations sont gouverneacutees par le reacutesultat Dansun troisiegraveme temps on trouve la standardisation des qualifications Lrsquoeacutelaboration dessavoir-faire et le recours agrave des personnes qualifieacutees facilitent la coordination Enfinla standardisation des valeurs est le meacutecanisme par lequel lrsquoorganisation eacutedicte desvaleurs qui doivent constituer le socle commun des comportements Ici lrsquoadheacutesiondes acteurs agrave ces valeurs rend plus aiseacutee leurs ajustements Aux trois modes de coor-dination il est possible drsquoajouter les agents inteacutegrateurs Ceux-ci ont pour rocircleunique drsquoassurer la liaison entre diffeacuterentes entiteacutes Par exemple un chef de produitassure la jonction entre toutes les activiteacutes relatives au produit (les achats les eacutetudesde marcheacutes la promotion les venteshellip) De mecircme un chef de projet veille agravelrsquoatteinte des objectifs du projet en faisant travailler entre eux des acteurs provenantde diffeacuterents meacutetiers

Repegraveres La coordination dans le cadre de la gestion des projets automobiles de lastandardisation des proceacutedeacutes agrave lrsquoajustement mutuel

Pour faire face agrave un marcheacute atone et agrave une concurrence plus forte les constructeurs auto-mobiles renouvellent leur strateacutegie drsquooffre Ainsi selon Jean-Martin Folz ex-preacutesidentdirecteur geacuteneacuteral de PSA le facteur cleacute de reacuteussite dans ce meacutetier laquo nrsquoest pas de produiredes millions de veacutehicules identiques mais drsquoecirctre capable de produire des voitures tregravesvarieacutees de sortir ses nouveaux modegraveles les uns apregraves les autres et de le faire au prix lesplus faibles possible raquo De mecircme Carlos Ghosn lorsqursquoil succegravede agrave Louis Schweitzerannonce que Renault mettra sur le marcheacute 26 nouveaux modegraveles drsquoici 2012 Lrsquoenjeu estclairement de creacuteer une dynamique de vente la nouveauteacute devenant un eacuteleacutement deacutetermi-nant de la stimulation du marcheacute Agrave partir des anneacutees soixante-dix le secteur automobileentre de plain-pied dans lrsquoegravere du multimodeacutelisme et du renouvellement rapide de lrsquooffreVarieacuteteacute et raccourcissement du cycle drsquoinnovation sont devenus les nouveaux impeacuteratifsde compeacutetitiviteacute Dans cette perspective la maniegravere de geacuterer les deacuteveloppements denouveaux veacutehicules constitue un enjeu concurrentielDe profondes reacuteformes de lrsquoorganisation et des meacutethodes de conception des veacutehicules sontalors engageacutees par les constructeurs et notamment chez Renault Lrsquoenjeu est de repenserle deacuteveloppement drsquoun projet automobile afin de reacuteduire le temps (et les coucircts) de mise sur

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le marcheacute (conception et industrialisation) des nouveaux veacutehicules Les pratiques de laconception automobile eacutevoluent consideacuterablement la gestion de projet devient simulta-neacutee alors qursquoelle eacutetait seacutequentielleLa deacutemarche seacutequentielle se caracteacuterise par lrsquointervention successive des diffeacuterentsmeacutetiers dans les projets automobiles laquo Dans ce scheacutema chaque projet traverse lrsquoorganisa-tion Les acteurs interviennent seacutequentiellement en agissant sur les seules variables dontils ont la charge et selon lrsquooptique fonctionnelle qui est la leur Lorsqursquoils ont termineacute ilsabandonnent le projet agrave lrsquoacteur qui les suit dans la seacutequence de conception et srsquoattaquentau suivant raquo (Midler 1989) Mais cette organisation souvent qualifieacutee drsquoartisanale allongele temps de deacuteveloppement et en augmente les coucircts En effet lorsque les points de vuedes diffeacuterents meacutetiers ne sont pas inteacutegreacutes au projet laquo le risque est qursquoun meacutetier deacutecou-vrant le projet pour la premiegravere fois remette en cause les solutions adopteacutees par leurspreacutedeacutecesseurs raquo (Garel 1993) Il nrsquoeacutetait ainsi pas rare qursquoun projet fasse des allers-retoursentre les diffeacuterentes fonctions De mecircme les hommes des usines ne deacutecouvraient souventun veacutehicule que le jour de leur mise en seacuterie Cette logique de deacuteveloppement preacutesente desinconveacutenients majeurs lorsque la pression sur les deacutelais et les coucircts se fait plus forteChez Renault le projet X06 ou Twingo va marquer lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon deconcevoir des voitures Reacuteussite exemplaire sur le plan commercial et veacuteritable reacutevolutionen matiegravere de management de projet le projet X06 constitue un moment fort danslrsquohistoire de Renault Lrsquoeacutevolution consiste drsquoabord agrave rendre le projet plus autonome entermes de prise de deacutecisions Avec un responsable et une eacutequipe deacutedieacutes le projet prend lepas sur lrsquoorganisation par meacutetiers Les fonctions deviennent progressivement des reacuteser-voirs drsquoexpertise qui precirctent leurs ressources aux projets en cours Lrsquoautonomisation desprojets srsquoaccompagne eacutegalement drsquoune deacutemarche nouvelle la concourance Pour Midler(1993) laquo tous les meacutetiers du deacuteveloppement interviennent non pas seacutequentiellementmais ensemble tout au long du projet raquo Les interventions des expertises meacutetiers ne sontplus limiteacutees agrave une phase du processus mais srsquoeffectuent tout au long de celui-ci Au cœurde la gestion concourante se trouve le dispositif du plateau Le projet se voit doteacute drsquoun lieugeacuteographique dans lequel sont localiseacutes les membres de lrsquoeacutequipe Pour Garel (1993) laquo leplateau est le lieu de passage et de rencontre des diffeacuterents meacutetiers (produitprocess)internes et externes agrave lrsquoentreprise en amont au projet Degraves les phases de designmarke-ting des repreacutesentants des meacutethodes et du bureau drsquoeacutetudes sont associeacutes raquo Si le plateauest un moyen de stimuler les eacutechanges entre les membres du projet il est encore plus unemaniegravere drsquoassurer la convergence de savoirs compleacutementaires En effet les meacutetiersconfrontent leurs points de vue quelle que soit la phase du processus Par exemple uningeacutenieur des meacutethodes peut ecirctre ameneacute agrave eacutemettre une opinion sur des choix de marke-ting et inversement Cette convergence preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord enmultipliant les avis elle stimule la creacuteativiteacute et donc lrsquoinnovation du produit Ensuite ellereacuteduit les temps de traitement des conflits car les acteurs entretiennent des contactsdirects ce qui limite la circulation de lrsquoinformation Enfin le nombre des conflits srsquoatteacutenuecar les acteurs sont plus enclins agrave faire des compromis lorsqursquoils sont reacuteguliegraverement aucontact drsquoexpertises multiples

Agrave partir de R Soparnot laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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Les meacutecanismes de coordination jouent un rocircle primordial Sans eux lrsquoentreprisedevient une collection drsquoentiteacutes sans relation entre elles voire en conflit Elle risquealors de devenir le theacuteacirctre de nombreux dysfonctionnements internes qui peuventaffaiblir lrsquoefficaciteacute globale de lrsquoentreprise comme se reacutepercuter sur la qualiteacute de sonoffre et la satisfaction de ses clients

3 La formalisation

La speacutecialisation et la coordination peuvent faire lrsquoobjet drsquoune description plus oumoins preacutecise de leurs caracteacuteristiques crsquoest-agrave-dire drsquoune formalisation variable Unhaut degreacute de formalisation se caracteacuterise par une abondance de regravegles et de proceacute-dures eacutecrites sur ce qursquoil convient de faire et de ne pas faire sur les eacutetapes agrave respecterpour exeacutecuter telle ou telle tache sur la maniegravere de traiter tel ou tel problegraveme sur lesinformations agrave transmettrehellip Au contraire une faible formalisation se traduit parlrsquoabsence de lignes de conduite de regravegles eacutecrites quant aux modaliteacutes drsquoexeacutecutiondes missionshellip Dans la reacutealiteacute la formalisation varie selon le domaine concerneacute Parexemple les objectifs agrave atteindre pour les entiteacutes et les individus peuvent ecirctre forma-liseacutes alors que les missions responsabiliteacutes et les tacircches des collaborateurs le serontmoins Dans ce cas les acteurs disposent drsquoune autonomie sur la maniegravere drsquoatteindreles objectifs Globalement la formalisation intensive (elle concerne lrsquoensemble desdimensions de la structure) limite les possibiliteacutes drsquointerpreacutetation des situations parles acteurs et leur marge de manœuvre pour les traiter Elle fixe et fige les attribu-tions de chacun La formalisation srsquoexplique par la volonteacute de controcircler et de maicirctri-ser le fonctionnement organisationnel Elle apparaicirct comme un moyen de limiter lesincertitudes internes En limitant le cadre drsquoaction et de reacuteflexion des acteurs on sepreacutemunit drsquoun comportement deacutefaillant Cette formalisation se justifie dans certainscas Dans des activiteacutes agrave risque la formalisation est indispensable (comme les proceacute-dures de seacutecuriteacute dans les usines nucleacuteaireshellip) Lorsque les activiteacutes sont tregraves reacutepeacuteti-tives et peu soumises agrave fluctuations (les preacutefectures les usineshellip) la formalisationpermet lrsquoeacuteconomie de reacuteflexion sur ce qursquoil convient de faire La regravegle agit en lieu etplace de lrsquoesprit lrsquoacteur applique Dans certains cas la formalisation nrsquoest pasrecommandeacutee Ainsi dans les activiteacutes creacuteatives (comme la recherche la publi-citeacutehellip) lrsquoabsence de regravegles est une condition de la stimulation intellectuelleEnsuite lorsque lrsquoenvironnement est changeant un haut degreacute de formalisation tendagrave limiter la capaciteacute drsquoadaptation de lrsquoentreprise Les acteurs ont deacuteveloppeacute descomportements stables qui leur procurent une certaine seacutecuriteacute et les rassurent

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Repegraveres Celestial Seasonings les risques de laformalisation

Lrsquoorigine de Celestial Seasoning un producteur de theacute aux herbes remonte agrave 1970 quandMo Siegel et son ami Wyck Hay cueillaient des herbes dans les montagnes du Colorado etreacutealisaient leur premier meacutelange de theacute aux herbes Puis ils ont mis leur mixture dans dessacs de mousseline cousus agrave la main et ont commenceacute agrave les vendre agrave des magasins locauxdrsquoalimentation naturelleCelestial Seasonings doit son nom au surnom de la petite amie drsquoun des premiers investis-seurs Les noms des theacutes (comme Morsquos 24 Herb Tea Red Zinger Herb Tea et Morning Thun-der Tea) eacutetaient ainsi choisis de maniegravere informelle par les amis de Mo et par les membresde lrsquoentreprise Les conditionnements eacutetaient eacutegalement innovants agrave lrsquoimage du fonda-teur Le theacute eacutetait en effet conditionneacute dans des boicirctes recyclables aux couleurs vivespreacutesentant des scegravenes idylliques Agrave cette eacutepoque le theacute eacutetait majoritairement utiliseacute pourdes raisons meacutedicales et avait donc un goucirct amer La jeune entreprise eacutetait parvenue agravechanger ce mode de consommation gracircce agrave des creacuteations savoureuses et originales De cefait les produits Celestial Seasonings commenccedilaient agrave ecirctre vendus dans les rayons dessupermarcheacutesAgrave ses deacutebuts lrsquoentreprise fonctionnait de faccedilon informelle et encourageait la participationdes employeacutes dans les prises de deacutecision Au cours des premiegraveres anneacutees les deacutecisionsimportantes eacutetaient prises pendant des reacuteunions avec lrsquoensemble du personnel de lrsquoentre-prise et cela durait des heures Agrave cette eacutepoque les cadres jouaient au volley-ball pendantles horaires de deacutejeuner et il nrsquoeacutetait pas rare de retrouver leurs enfants en train de srsquoamuserdans le bureau de Mo Cependant avec la croissance de Celestial Seasonings lrsquoentreprise arecruteacute des managers qui venaient de grandes corporations comme Pepsi Coca-ColaSmuckers et Lipton et a commenceacute agrave perdre lrsquoeacutetat drsquoesprit drsquoune petite entreprise Demecircme lrsquoautomatisation est devenue une neacutecessiteacute ndash la quantiteacute de theacute meacutelangeacutee par joureacutetait proche de 8 tonnes Malgreacute cela lrsquoentreprise faisait des efforts pour maintenir leurfonctionnement informel Elle encourageait les nouvelles ideacutees des employeacutees principale-ment pour trouver de nouveaux moyens drsquoautomatiser la production de nouvelles recet-tes de theacute et des noms pour les nouvelles saveursLe succegraves de cette entreprise innovante a susciteacute la convoitise de gros industriels Crsquoestainsi qursquoen 1984 Celestial Seasonings eacutetait racheteacutee par Kraft Inc pour 40 millions dedollars Et Kraft srsquoengageait agrave laisser Celestial Seasonings poursuivre sa croissance de faccedilonindeacutependante Mais sous la pression du preacutesident de lrsquoeacutepoque Barnet Feinblum bienqursquoautonome Celestial devait respecter la politique de Kraft par exemple en matiegravere depolitique de gestion du personnel drsquoachat drsquoeacutequipementhellip Progressivement CelestialSeasonings pouvait devenir une copie de Kraft En 1989 Kraft deacutecidait drsquoabandonner lebusiness des boissons et eacutetait sur le point de vendre Celestial Seasonings agrave lrsquoentreprise detheacute rivale Thomas J Lipton Inc Mais un procegraves antitrust agrave la demande de R C Bige-low Inc un petit concurrent sur le marcheacute du theacute aux herbes a bloqueacute la vente Kraft aalors accepteacute de vendre Celestial Seasonings agrave sa direction et agrave une firme de capital risqueCelestial Seasonings redevenait indeacutependante Agrave cette eacutepoque Kraft avait doubleacute lebudget de publiciteacute de Celestial et les ventes srsquoapprochaient de 50 millions de dollars

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4 La centralisation

Enfin la centralisation se reacutefegravere au degreacute de conservation du pouvoir de deacutecisionpar la direction geacuteneacuterale ou une direction fonctionnelle Une structure centraliseacutee secaracteacuterise par une direction omnipotente qui garde entre ses mains le pouvoirdeacutecisionnel Agrave lrsquoopposeacute la deacutecentralisation consiste agrave diluer et propager le pouvoirformel dans la structure certaines entiteacutes et personnes se voient confier une autono-mie et une responsabiliteacute deacutecisionnelles Degraves que la taille de lrsquoentreprise augmenteque ses missions se complexifienthellip la deacutecentralisation devient souvent ineacuteluctable

La centralisation preacutesente donc lrsquoavantage majeur de la reacuteduction des coucircts Eneffet elle permet drsquoeacuteviter de deacutemultiplier les responsabiliteacutes Agrave titre drsquoexemple lacentralisation des achats drsquoune chaicircne de magasins empecircche de doter chaque pointde vente drsquoune fonction achat Elle permet eacutegalement de procurer une perspectiveglobale aux deacutecisions et de srsquoassurer drsquoune plus grande coheacuterence entre elles Eneffet seule la direction geacuteneacuterale ou les cadres supeacuterieurs ont une vue de lrsquoensemblede lrsquoorganisation et des enjeux futurs ce qui permet de prendre des deacutecisions plus enphase avec les objectifs de deacuteveloppement agrave long terme de lrsquoentreprise et de veiller agraveune meilleure convergence des deacutecisions

La deacutecentralisation preacutesente donc trois avantages majeurs Le premier est lieacute agrave laqualiteacute des deacutecisions prises Tout drsquoabord les deacutecisions sont prises par des acteursqui ont une connaissance pousseacutee du problegraveme De mecircme en raccourcissant lecircuit deacutecisionnel les deacutecisions sont prises plus rapidement ndash ce qui peut ecirctre consi-deacutereacute comme un facteur de qualiteacute Le second avantage est que la deacutecentralisation estun levier de lrsquoengagement des acteurs Lrsquoautonomie et la responsabiliteacute deacutecisionnel-les sont un facteur drsquoenrichissement du travail et de valorisation des personnesEnfin la deacutecentralisation eacutevite que la direction geacuteneacuterale soit absorbeacutee par desproblegravemes opeacuterationnels et lui octroie plus de possibiliteacutes pour se consacrer auxquestions vitales de strateacutegie drsquoentreprise

Finalement rares sont les entreprises dont la structure est totalement centraliseacuteeou totalement deacutecentraliseacutee En effet le degreacute de centralisation deacutepend des sujets agravetraiter et des opeacuterations agrave geacuterer Plus concregravetement il conviendra de deacutecentraliser lesfonctions et les missions pour lesquelles lrsquoautonomie deacutecisionnelle est neacutecessaire agravelrsquoefficaciteacute de lrsquoensemble et de centraliser les fonctions et les domaines transversaux

Aujourdrsquohui Celestial Seasonings sert plus de 16 milliard de verres de theacute chaque anneacutee etest consideacutereacutee comme le plus grand producteur de theacute aux Eacutetats-Unis Parmi ses produitslrsquoentreprise offre le Sleepytime le theacute aux herbes le plus vendu aux Eacutetats-Unis et plus decent saveurs de theacutes via des supermarcheacutes et des magasins drsquoalimentation naturelle dansplus de cinquante pays dans le monde

Agrave partir de wwwcelestialseasoningscom et BARTOL K M et MARTIN D C laquo CelestialSeasonings Retains its Innovative Flair raquo Management Irwin McGraw-Hill 2000

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par nature Ainsi une entreprise internationale implanteacutee dans plusieurs pays peutavoir inteacuterecirct agrave deacutecentraliser le marketing car les deacutecisions lieacutees aux produits impo-sent une proximiteacute avec le marcheacute et une bonne connaissance des clients desproduits concurrents des attentes des distributeurshellip En revanche la fonction derecherche et deacuteveloppement peut ecirctre centraliseacutee car les activiteacutes de recherchefondamentale et appliqueacutee imposent une concentration des moyens sont communesagrave lrsquoensemble des pays et ne contribuent pas directement agrave lrsquoefficaciteacute opeacuterationnellelocale En reacutealiteacute le niveau de raisonnement le plus pertinent devrait ecirctre celui desmissions de chaque fonction Ainsi si nous prenons lrsquoexemple de la GRH drsquouneentreprise speacutecialiseacutee par marque la reacutealisation des contrats peut facilement ecirctrecentraliseacutee parce que ces derniers sont identiques quelle que soit la marque Enrevanche le recrutement des personnels sera plus logiquement deacutecentraliseacute car lesdivisions propres agrave chaque marque peuvent neacutecessiter des compeacutetences qui nepeuvent ecirctre eacutevalueacutees qursquoagrave leur niveau Finalement lrsquoarbitrage entre centralisation etdeacutecentralisation srsquoeffectue aux niveaux des fonctions et de leurs activiteacutes et deacutependde nombreux facteurs (taille de lrsquoentreprise implantation diversiteacute des produitsstabiliteacute et preacutevisibiliteacute de lrsquoenvironnementhellip)

Les quatre critegraveres preacuteceacutedemment eacutetudieacutes (speacutecialisation coordination formalisa-tion et centralisation) permettent de bacirctir le design formel de lrsquoorganisation et defixer son architecture La combinaison de ces paramegravetres met en eacutevidence un conti-nuum de formes structurelles geacuteneacuteriques aux extreacutemiteacutes duquel se trouvent lesformes meacutecaniste et organique

5 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration

Une structure drsquoentreprise peut ecirctre positionneacutee sur un continuum selon ses carac-teacuteristiques en termes de speacutecialisation coordination formalisation et centralisationPour Burns et Stalker (1961) les formes meacutecaniste et organique correspondent agrave desmodegraveles structurels geacuteneacuteriques

La forme meacutecaniste se traduit par une speacutecialisation intense (forte division dutravail) et essentiellement fonctionnelle (par meacutetier) une emprise de la coordinationpar la hieacuterarchie un degreacute eacuteleveacute de formalisation (poids des regravegles eacutecrites) et unecentralisation pousseacutee (le pouvoir de deacutecision est faiblement dilueacute) Cette formedrsquoorganisation est efficace lorsque le travail agrave effectuer est simple et reacutepeacutetitif et quelrsquoenvironnement est stable Elle correspond notamment agrave lrsquoentreprise fordienne et agravela bureaucratie de Weber dans lesquelles lrsquoefficaciteacute de la structure est lieacutee agrave la reacutegu-lariteacute et la preacutevisibiliteacute des comportements Par exemple une preacutefecture adopteraune organisation proche de la forme meacutecaniste car ses missions nrsquoeacutevoluent pas tregravesrapidement et sont peu soumises agrave des changements de lrsquoenvironnement

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La forme organique se traduit par une speacutecialisation moins pousseacutee une coordina-tion multiforme (comiteacute ajustement mutuelhellip) une formalisation reacuteduite et uneplus grande deacutecentralisation du pouvoir Cette forme souple et leacutegegravere srsquoavegravere plusadapteacutee agrave un travail plus complexe et moins routinier et aux environnements turbu-lents qui imposent des changements organisationnels Elle correspond aux organisa-tions flexibles et innovantes lrsquoefficaciteacute de cette structure provient du flou et de ladiversiteacute organisationnels qui ont pour effet la mobiliteacute et lrsquoadaptation comporte-mentales la creacuteativiteacute et lrsquoinitiative des individus Une agence de publiciteacute adopteraune organisation proche de la forme organique car elle doit inventer des campagnespublicitaires speacutecifiques agrave chaque client en imaginer reacuteguliegraverement de nouvelleshellipEt cela neacutecessite de laisser une grande liberteacute aux salarieacutes et notamment aux creacuteatifsafin de ne pas faire obstacle agrave leur imagination

Toutefois la reacutealiteacute des formes structurelles meacuterite quelques nuances En effet sila structure globale drsquoune entreprise peut se rapprocher de lrsquoune de ces formes ilconvient de noter qursquoelles peuvent (et mecircme doivent) coexister au sein drsquoune mecircmefirme (les services sont organiseacutes soit de faccedilon meacutecaniste soit de faccedilon organique)Lrsquoexistence simultaneacutee de formes structurelles diffeacuterentes renvoie aux travaux deLawrence et Lorsch (1973) et agrave la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration

Ces auteurs cherchant agrave expliquer la performance de la structure mettent eneacutevidence qursquoelle deacutepend du niveau de diffeacuterenciation interne et drsquointeacutegration Ilsreacutevegravelent la neacutecessiteacute drsquointroduire une diffeacuterenciation suffisante entre les entiteacutes quisera compenseacutee par des meacutecanismes inteacutegrateurs

La diffeacuterenciation interne provient du fractionnement de lrsquoentreprise en entiteacutesdistinctes (les services finance production marketinghellip) et de leur autonomie struc-turelle Elle reacutesulte de trois facteurs les relations avec des acteurs speacutecifiques desmissions et des objectifs particuliers Les deacutepartements entretiennent en effet avecleur environnement immeacutediat des relations privileacutegieacutees Agrave titre drsquoexemple le servicefinancier est en relation directe avec les institutions financiegraveres le service commer-cial avec les clients la R amp D avec le monde scientifique En outre chaque servicese voit confieacutee par la direction geacuteneacuterale des missions et des objectifs qui lui sontpropres Par exemple le deacutepartement controcircle de gestion a une mission et des objec-tifs lieacutes agrave au traitement de donneacutees financiegraveres la production drsquoinformations fiablessur la rentabiliteacute des produits lrsquoanalyse des eacutecarts la preacutevision budgeacutetairehellip alorsque le service commercial se concentre sur le deacuteveloppement du chiffre drsquoaffaires laconquecircte la satisfaction et la fideacutelisation des clientshellip Il reacutesulte de ces trois facteursque lrsquoefficaciteacute de chaque entiteacute deacutepend de lrsquoadaptation de son fonctionnement auxparticulariteacutes de son sous-environnement de ses missions et de ses objectifs Cettediffeacuterenciation interne se manifeste par des comportements (comme le langage lesvaleurshellip) des meacutethodes de travail des reacutefeacuterentiels mentaux et des horizons tempo-rels propres Ainsi un commercial parle chiffre drsquoaffaires concurrence et clientegravelealors qursquoun comptable parle normes IFRS compte de reacutesultat et bilan Les premierssont tregraves attacheacutes au service aux clients alors que les seconds privileacutegient la fiabiliteacutedes comptes De mecircme les meacutethodes de travail du service comptable sont plus

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formaliseacutees que celles du service de recherche et deacuteveloppement Eacutegalement lesreacutefeacuterentiels mentaux drsquoun chercheur peuvent graviter autour des relations entre leniveau drsquoeacutequipements du laboratoire et la deacutecouverte drsquoune technologie drsquoavenirtandis que ceux drsquoun commercial eacutetabliront des liens entre la diffeacuterenciation duproduit par rapport agrave la concurrence et lrsquoaugmentation des ventes Enfin les preacuteoc-cupations du service R amp D sont tourneacutees vers le long terme alors que celles dudeacutepartement marketing seront plus orienteacutees vers le court terme

In fine lrsquoefficaciteacute de la structure deacutepend de la diffeacuterenciation interne La directiondoit donc valoriser la diffeacuterenciation interne plutocirct que de chercher agrave homogeacuteneacuteiserlrsquoensemble Cependant la diffeacuterenciation geacutenegravere des forces centrifuges qui peuventengendrer des dysfonctionnements majeurs Elle tend en effet agrave provoquer despheacutenomegravenes de balkanisation chaque entiteacute se referme sur elle-mecircme et privileacutegieses propres objectifs et inteacuterecircts Il en reacutesulte des difficulteacutes de communication decompreacutehension et de coopeacuteration ainsi que des conflits reacutecurrents Et plus la diffeacute-renciation est pousseacutee plus ces problegravemes srsquoaccentuent Or lrsquoentreprise doit faireface agrave des problegravemes strateacutegiques dominants (deacutevelopper un nouveau produit acceacute-der agrave de nouvelles technologieshellip) qui exigent une reacuteelle collaboration entre lesentiteacutes Afin drsquoeacuteviter lrsquoeacuteclatement et le cloisonnement de lrsquoentreprise de feacutedeacuterer lesentiteacutes et de rendre leurs actions plus coheacuterentes entre elles la diffeacuterenciation doitecirctre compenseacutee par des meacutecanismes inteacutegrateurs jouant le rocircle de forces centripegravetesAinsi plus la diffeacuterenciation est forte et plus doit lrsquoecirctre lrsquointeacutegration

Repegraveres La diffeacuterenciation au sein des structures hospitaliegraveres

Les eacutetablissements de soins sont des lieux ougrave se cocirctoient en permanence diffeacuterentes cateacute-gories de professionnels meacutedecins infirmiegraveres aides-soignantes gestionnaireshellip Et lestensions sont reacuteelles entre les diffeacuterentes cateacutegories de professions meacutedicales et entre lesmeacutedecins et les gestionnaires Et cela rend drsquoautant plus difficile la coheacutesion globale delrsquoorganisationLes professions de santeacute sont ainsi fortement diffeacuterencieacutees tant au niveau des culturesdes meacutethodes et des conditions de travail Les statuts privilegraveges et pouvoirs sont tregravesineacutegaux agrave lrsquointeacuterieur des eacutetablissements Lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute professionnelle est une marquedistinctive alors que paradoxalement la compleacutementariteacute professionnelle les fait seretrouver agrave lrsquointeacuterieur des mecircmes lieux organisationnels Un professionnel de santeacute secaracteacuterise par un engagement prioritaire envers le patient (le professionnel est libre dechoisir ce qui convient le mieux pour son client avec le moins de contraintes institution-nelles ou eacuteconomiques il est fortement autonome dans le processus de soins) De mecircmeil a acquis des connaissances et un savoir gracircce agrave une formation de haut niveau (ougrave la prati-que occupe une large place) par un controcircle vigilant agrave lrsquoentreacutee dans la profession par sespairs par un code drsquoeacutethique Enfin il a un engagement marqueacute envers la profession(souvent plus grand qursquoenvers lrsquoorganisation ougrave il travaille) Chaque cateacutegorie possegravededonc des caracteacuteristiques propres et deacuteveloppe une identiteacute speacutecifique

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Afin de contrebalancer les effets de la diffeacuterenciation on distingue plusieursmeacutecanismes inteacutegrateurs Tout drsquoabord lrsquoentreprise peut demander agrave des membresde lrsquoentreprise drsquoassumer ce rocircle Ces individus inteacutegrateurs (chef de produit chefde projet responsable de marquehellip) assurent les liaisons entre les diffeacuterentes entiteacuteset tentent de trouver des axes de travail communs Ensuite lrsquoentreprise peut multi-plier les groupes de travail (projets comiteacuteshellip) Ces groupes temporaires sontcomposeacutes de personnes appartenant agrave diffeacuterentes entiteacutes En travaillant ensemble lessalarieacutes apprennent agrave partager leurs ideacutees De mecircme la culture drsquoentreprise en deacuteve-loppant des valeurs globales minimise les diffeacuterences internes La formation peutaussi ecirctre un moyen de veacutehiculer des reacutefeacuterentiels mentaux Eacutegalement lorsque lesobjectifs sont communs agrave diffeacuterentes entiteacutes les diffeacuterences srsquoestompent Enfinlrsquoentreprise peut relier les entiteacutes par des systegravemes de planification de controcircle etdrsquoinformation afin de formaliser leur coordination Les technologies de lrsquoinforma-tion et de communication (TIC) exercent une influence significative sur la coordina-tion entre les individus et lrsquouniteacute de lrsquoentreprise

Le dirigeant doit donc assurer lrsquoeacutequilibre entre diffeacuterenciation et inteacutegration Cedosage est difficile agrave trouver lrsquoexcegraves de diffeacuterenciation provoque la balkanisationtandis que lrsquoexcegraves drsquointeacutegration affaiblit lrsquoefficaciteacute des entiteacutes Au sein de lrsquoentre-prise il fait varier les formes organisationnelles les faisant osciller entre les formes

De mecircme une organisation de soins est partageacutee entre une vocation meacutedicale et unecontrainte eacuteconomique Les hocircpitaux et cliniques doivent apporter des soins aux patientsdans le cadre drsquoune conception ideacuteologique lrsquoeacutegaliteacute face agrave la maladie et la couverturefinanciegravere pour tous Mais cette activiteacute possegravede un coucirct Srsquoagissant drsquoun hocircpital ellesrsquoinscrit dans une enveloppe budgeacutetaire Pour une clinique commerciale srsquoy ajoute le soucide reacutealiser un beacuteneacutefice Cette tension entre les logiques meacutedicale et eacuteconomique est uneconstante des organisations de prise en charge autant qursquoune source de conflits pour lesacteurs Elle oppose les professionnels producteurs de soins (les meacutedecins en situation deservice) aux gestionnaires laquo rationnalisateurs raquo (les directeurs en situation de gestion)En effet les deux logiques sont conflictuelles et engendrent des contradictions et desoppositions multiples La contrainte eacuteconomique des eacutetablissements met en relation desquestions de financement peu relieacutees au laquo monde raquo des meacutedecins Lrsquoeacutethique meacutedicalerelegravegue en effet geacuteneacuteralement au second plan les contraintes financiegraveres Il en est demecircme pour les questions purement lieacutees agrave lrsquohocirctellerie Les services hocircteliers (cuisine linge-riehellip) sont placeacutes sous la responsabiliteacute du directeur qui poursuit des objectifs quantitatifsde rentabiliteacute ou de minimisation des coucircts de fonctionnement de ces services Quant auxpraticiens de la meacutedecine ils se deacutesinteacuteressent geacuteneacuteralement de la gestion de lrsquohocirctellerieau profit de la logistique technique qui conditionne la performance et le confort de leuractiviteacute professionnelle Si le gestionnaire accorde de lrsquoimportance aux montants desinvestissements lieacutes agrave lrsquohocirctellerie les meacutedecins sont plus sensibles agrave la qualiteacute des servicesque ces investissements rendront

Agrave partir de SAULQUIN J-Y laquo Difficulteacutes lieacutees agrave un eacutetat de diffeacuterenciation eacuteleveacute le cas des hocircpitaux du Val de Loire raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts

et cas en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005

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meacutecaniste et organique Pour cela il se reacutefegravere aux quatre paramegravetres de structurationeacutetudieacutes plus haut Ceux-ci lui permettent de faccedilonner une structure Il est ainsi possi-ble drsquoidentifier des structures type

LES TYPES DE STRUCTURES

Il est possible de dresser une typologie des structures mais celle-ci ne doit pascacher une immense varieacuteteacute de configurations Si dans la reacutealiteacute les structures sontsouvent des hybridations celles-ci se reacutefegraverent neacuteanmoins agrave un ideacuteal type une formestructurelle dominante Notre typologie est donc constitueacutee de cinq structures princi-pales

ndash la structure fonctionnelle

ndash la structure divisionnelle

ndash la structure matricielle

ndash la structure en reacuteseau

ndash les structures par projets

1 La structure fonctionnelle

La structure fonctionnelle (figure 21) est construite comme son nom lrsquoindique agravepartir des fonctions telles que la production le marketing la financehellip Les opeacutera-tions neacutecessaires agrave lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise srsquoorganisent selon une logique de meacutetierEn effet chaque entiteacute (ou fonction) apporte une expertise une compeacutetence speacutecifi-que qui seacutequence le flux opeacuterationnel de travail dans lrsquoentreprise Dans ce type destructure la coordination srsquoeffectue essentiellement par ajustement mutuel (contactsdirects) et par supervision directe Les collaborateurs se voient confier des missionspreacutecises en relation avec leur domaine de connaissances principal

Figure 21 mdash La structure fonctionnelle

Section 2

Direction geacuteneacuterale

DirectionProduction

Direction desRessourcesHumaines

DirectionFinance et

Comptabiliteacute

DirectionMarketing

Vente

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Repegraveres La structure fonctionnelle de MMA

MMA est un groupe drsquoassurance mutuelle multispeacutecialiste qui srsquoadresse agrave la fois auxparticuliers aux professionnels aux entreprises aux collectiviteacutes et aux associations Ilcompte plus de 13 000 collaborateurs 1 500 agents geacuteneacuteraux et 2 000 points de venteen charge de la relation client MMA est le troisiegraveme reacuteseau drsquoagents geacuteneacuteraux en biens etresponsabiliteacutes avec plus de trois millions de clients Creacuteeacutee en 1828 MMA a la caracteacuteristi-que drsquoecirctre un mutualiste Cela signifie qursquoune assembleacutee geacuteneacuterale de repreacutesentants eacuteluspar des clients socieacutetaires a pour rocircle de nommer le conseil drsquoadministration drsquoapprouverles comptes et de valider les grandes orientations de la mutuelle Gracircce agrave ce fonctionne-ment MMA est consideacutereacute comme un acteur de lrsquoeacuteconomie sociale ce qui se traduit autravers de deux caracteacuteristiques fondatrices La premiegravere est la solidariteacute crsquoest-agrave-dire lepartage et la mutualisation des risques la primauteacute du collectif associeacutee au souci desrsquoadresser agrave tous La deuxiegraveme est lrsquohumanisme crsquoest-agrave-dire la volonteacute de placer lrsquohommeau centre de toutes les actions et de srsquoappuyer sur les notions de respect de toleacuterance etdrsquoeacutecoute Cette origine se retrouve dans le deacutesormais ceacutelegravebre slogan de MMA laquo Zeacutero tracaszeacutero bla-bla MMA crsquoest le bonheur assureacute raquo slogan qui communique le dynamisme lacreacuteativiteacute la simpliciteacute le bonheur la proximiteacute et lrsquoefficaciteacute autant de valeurs que lemutualiste promet agrave ses clients

La creacuteation et la structure de la MMALe groupe naicirct en 1828 quand lrsquoavocat Louis Basse futur maire du Mans et deacuteputeacute de laSarthe creacutee la Mutuelle immobiliegravere du Mans avec une ideacutee simple drsquoassurer contre le feutous les biens immobiliers En 1842 il poursuit son ideacutee et creacutee une seconde socieacuteteacute laMutuelle mobiliegravere du Mans Lrsquounion avec la Mutuelle geacuteneacuterale franccedilaise accidents creacuteeacuteeen 1883 par Jean-Marie Leliegravevre (qui srsquoeacutetait vu refuser la prise en charge de dossiers contrele risque drsquoincendie) constitue la premiegravere eacutetape drsquoune seacuterie de rapprochements qui toutau long des anneacutees 1900 vont progressivement donner naissance agrave la MMAAujourdrsquohui le groupe est un vaste ensemble porteacute par une structure fonctionnelle Ledeacutecoupage des activiteacutes est reacutealiseacute sur le critegravere du meacutetier Chaque deacutepartement est eacutegale-ment composeacute drsquoun ensemble de sous-fonction correspondant chacune agrave des domainesdrsquoexpertise particuliers et placeacutes sous lrsquoautoriteacute drsquoun responsable De cette faccedilon le direc-teur geacuteneacuteral peut avoir une vision globale sur les opeacuterations et exercer un controcircle rigou-reux sur lrsquoactiviteacute des diffeacuterentes fonctions

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Figure 22 ndash Lrsquoorganigramme geacuteneacuteral de MMAAgrave partir de wwwmmafr

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MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Ce type de structure preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord le directeurgeacuteneacuteral a une vision globale il peut suivre toutes les opeacuterations et exercer uncontrocircle rigoureux sur lrsquoactiviteacute des diffeacuterentes fonctions Pour cela il srsquoappuie surdes compeacutetences tregraves pousseacutees dans chaque meacutetier En effet cette structure reposesur une forte speacutecialisation fonctionnelle Elle facilite le deacuteveloppement de lrsquoexcel-lence technique des gestionnaires car les responsabiliteacutes qui leur incombent sontlieacutees agrave leur domaine de compeacutetence Cette speacutecialisation par le meacutetier nrsquoest pasneacutegligeable elle limite les besoins de managers geacuteneacuteralistes facilite le recrutementet la formation du personnel et accroicirct lrsquoefficience et lrsquoefficaciteacute lieacutees agrave la reacutealisationdes missions Second avantage cette structure srsquoappuie sur un deacutecoupage simple etlogique des tacircches il en deacutecoule une deacutefinition claire des responsabiliteacutes respectivesLes modes de fonctionnement sont plus aiseacutes agrave comprendre pour les individusChaque membre de lrsquoorganisation appartient en effet agrave une fonction agrave laquelleincombent des missions preacutecises On note ainsi peu de risques de conflits lieacutes agravedrsquoeacuteventuels recoupements des tacircches Les relations entre les entiteacutes srsquoen trouventeacutegalement clarifieacutees Enfin les coucircts de fonctionnement sont moins eacuteleveacutes que dansles autres structures En effet les gestionnaires ont souvent la responsabiliteacute de leurfonction sur lrsquoensemble de lrsquoactiviteacute (qui peut couvrir plusieurs marques types declientshellip) Lrsquoeacutequipe fonctionnelle peut srsquoeacutetoffer mais le nombre de personnesdemeurera toujours moins eacuteleveacute que dans la structure divisionnelle

Cependant la structure fonctionnelle preacutesente quelques inconveacutenients La fortespeacutecialisation et lrsquoexcellence technique peuvent avoir des conseacutequences neacutegativessur lrsquoefficaciteacute de fonctionnement de cette structure

Tout drsquoabord les dirigeants sont souvent accapareacutes par des problegravemes routiniers(deacutecisions opeacuterationnelles) et neacutegligent par conseacutequent les problegravemes strateacutegiquesEn effet eacutetant les seuls agrave avoir une vue suffisamment globale du fonctionnement delrsquoentreprise ils se trouvent submergeacutes par des questions relevant du quotidien queles acteurs ne peuvent reacutesoudre compte tenu de leur trop grande speacutecialisation Etlorsque la centralisation est forte il peut en reacutesulter une lenteur des prises de deacuteci-sions le dirigeant eacutetant submergeacute par les sujets agrave traiter De mecircme personne agrave partle directeur geacuteneacuteral nrsquoa la responsabiliteacute de lrsquointeacutegraliteacute drsquoun produit ou drsquoungroupe de clients Le travail des individus est planifieacute autour de processus speacutecialiseacuteset indeacutependants En se speacutecialisant autant les salarieacutes peuvent eacuteprouver de grandesdifficulteacutes agrave coordonner leur travail En effet ne connaissant pas les contraintes desautres expertises ils focalisent sur les leurs Ces comportements rendent probleacutema-tiques la coordination et la coopeacuteration entre les fonctions Or ce besoin augmenteavec le volume drsquoactiviteacutes Il en reacutesulte des blocages des problegravemes de communica-tion des incompreacutehensions et des difficulteacutes agrave reacutesoudre les problegravemes transversauxEnfin cette structure se caracteacuterise par une grande rigiditeacute et une incapaciteacute agravesrsquoadapter aux changements En effet le cloisonnement par meacutetier peut avoir pourconseacutequence la valorisation des inteacuterecircts de la fonction au deacutetriment de ceux delrsquoentreprise dans sa globaliteacute Si la reacutealisation des objectifs fonctionnels prime alorslrsquoentreprise risque une grande inertie et une forte reacutesistance au changement

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In fine la structure fonctionnelle est particuliegraverement adapteacutee aux entreprisesmono-activiteacute et de petite taille (par exemple une PME) Mais degraves que le nombre deproduits de clients de marques drsquoactiviteacutes et de personneshellip augmente les incon-veacutenients supplantent les avantages Il devient alors plus judicieux drsquoadopter unestructure divisionnelle

2 La structure divisionnelle

Degraves que lrsquoentreprise se deacuteveloppe et que les nouvelles activiteacutes connaissent lesuccegraves il est fondamental de respecter la diversiteacute et de deacutefinir une structure quiintegravegre lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute La speacutecialisation par fonction laisse alors place agrave un ouplusieurs modes de deacutecoupage nouveaux (le produit le client la marque le projet lazone geacuteographiquehellip) Par exemple une entreprise qui adopte une strateacutegie interna-tionale doit affronter une tregraves grande varieacuteteacute chaque zone geacuteographique (un paysun continenthellip) se caracteacuterise par des besoins et des clients diffeacuterents une reacutegle-mentation propre des caracteacuteristiques geacuteopolitiques speacutecifiques des concurrentsdiffeacuterentshellip Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise deacutepend de sa capaciteacute agrave inteacutegrer cette heacuteteacutero-geacuteneacuteiteacute dans sa structure Degraves lors il devient plus pertinent drsquoadopter un deacutecoupagepar marcheacute geacuteographique

La structure divisionnelle (figure 23) consiste donc agrave faire coexister plusieurs fluxinteacutegreacutes distincts les uns des autres Lrsquoorgane de reacutefeacuterence nrsquoest plus la fonction maisla division crsquoest-agrave-dire la zone geacuteographique la marque le type de clients leproduit le projethellip Il nrsquoest pas rare que le deacutecoupage soit multidivisionnel (parexemple la zone geacuteographique puis le type de clienthellip) Eacutevidemment une structuredivisionnelle ne signifie la disparition des meacutetiers - il convient souvent de conserverune speacutecialisation fonctionnelle Dans ce cas les deacutepartements fonctionnels nrsquoappa-raissent qursquoagrave un niveau infeacuterieur

Figure 23 mdash La structure divisionnelle

Servicescentraux

(ex finance)

Division A Division B Division C

Fonctions Fonctions Fonctions

Siegravege

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Lrsquoentreprise srsquoorganise donc en un ensemble de divisions (ou business unit) ausein desquelles on retrouve les fonctions opeacuterationnelles les plus utiles au respectdes speacutecificiteacutes Ainsi si nous reprenons lrsquoexemple drsquoune structure par zone geacuteogra-phique la fonction marketing sera deacutecentraliseacutee (chaque division a un servicemarketing) car il est neacutecessaire drsquoeacutelaborer une politique marketing speacutecifique agravechaque zone compte tenu des diffeacuterences de comportement drsquoachat de sensibiliteacute agravela qualiteacute et au prix des particulariteacutes des circuits de distributionhellip Par contre lafonction financiegravere pourra ecirctre centraliseacutee et unique elle ne deacutetermine pas lrsquoeffica-citeacute opeacuterationnelle de la division On notera que de faccedilon geacuteneacuterale les fonctionssupport (ou de soutien) sont rattacheacutees au siegravege

La structure divisionnelle apparaicirct alors comme une juxtaposition drsquoentreprisesresponsables de leurs reacutesultats et de leurs moyens humains techniques et financierset autonomes dans les domaines opeacuterationnels cleacutes (strateacutegie de marcheacute et deproduits vente marketinghellip) Cette indeacutependance manageacuteriale est la conditionessentielle de son efficaciteacute

Repegraveres La structure divisionnelle drsquoEADS

Le groupe EADS est neacute en 2000 de la fusion des socieacuteteacutes allemande DaimlerChrysler Aeros-pace AG franccedilaise Aeacuterospatiale-Matra et espagnole CASA Renommeacute mondialementEADS est preacutesent dans les secteurs de lrsquoaeacuterospatial de la deacutefense et des services associeacutesReacutealisant un chiffre drsquoaffaires de pregraves de 40 milliards drsquoeuros le groupe emploie environ116 000 personnes reacuteparties sur plus de 70 sites principalement en France en Allemagneau Royaume-Uni en Espagne aux Eacutetats-Unis et en Australie EADS abrite notammentlrsquoavionneur Airbus Eurocopter le plus grand heacutelicopteacuteriste au niveau mondial et est leleader europeacuteen des programmes spatiaux (comme Ariane ou Galileo) via EADS AstriumEADS est eacutegalement un partenaire majeur du consortium Eurofighter (lrsquoavion de combat leplus moderne en construction) et deacutetient une partie du capital de la joint-venture MBDA leleader mondial des systegravemes de missiles Ces diffeacuterentes activiteacutes ont eacuteteacute regroupeacuteesautour de cinq divisions principales Airbus Eurocopter Astrium Avions de transport mili-taire Deacutefense et SeacutecuriteacuteAirbus est un des leaders de lrsquoaeacuteronautique mondiale Concurrent principal de Boeing pourla vente drsquoavions civils aupregraves des compagnies aeacuteriennes la gamme Airbus comptequatorze modegraveles depuis le monocouloir A318 de 100 siegraveges jusqursquoau tregraves gros porteurA380 de 525 siegraveges le plus grand avion de ligne au monde Airbus emporte entre 40 et60 de lrsquoensemble des commandes drsquoappareils de plus de 100 siegraveges Eurocopter est lepremier constructeur drsquoheacutelicoptegraveres militaires et civils au monde Cette division afficheune part de marcheacute supeacuterieure agrave 50 Astrium est le principal groupe spatial europeacuteen etle troisiegraveme mondial Leader dans la fourniture de satellites de lanceurs et de servicesspatiaux cette division joue un rocircle phare dans les programmes spatiaux institutionnels etmilitaires en Europe La division Avions de transport militaire conccediloit fabrique et commer-cialise des avions pour des missions militaires etou de seacutecuriteacute (telles que le ravitaillementen vol la surveillance maritimehellip) La gamme de produits de cette division comprend desappareils de transport lourds moyens et leacutegers ainsi que des deacuteriveacutes drsquoAirbus qui beacuteneacute-ficient de toutes les performances des avions commerciaux Enfin la division Deacutefense amp

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Seacutecuriteacute constitue le pocircle des activiteacutes de deacutefense et de seacutecuriteacute drsquoEADS Elle offre des solu-tions technologiques permettant de combiner les aeacuteronefs militaires les systegravemes demissile les systegravemes de deacutefense et de communication lrsquoeacutelectronique de deacutefense et lesservices associeacutes afin de garantir lrsquointeropeacuterabiliteacute interarmes et interallieacutes Elle jouenotamment un rocircle deacutecisif dans le programme Eurofighter le systegraveme de combat aeacuterien leplus sophistiqueacute au monde Ce systegraveme conjugue un radar multimode avanceacute et une suitecomplegravete de senseurs et de contre-mesures eacutelectroniquesComme le montre lrsquoorganigramme ci-dessous les divisions sont autonomes et responsa-bles de leur performance Elles sont placeacutees sous la responsabiliteacute drsquoun dirigeant lui-mecircme placeacute sous la tutelle de Louis Gallois On peut donc qualifier lrsquoorganisation drsquoEADSde structure divisionnelle On constate eacutegalement que certaines fonctions transverses(comme la strateacutegie le marketing et la finance) sont en relation directe avec la directiongeacuteneacuterale

Figure 24 mdash Lrsquoorganigramme geacuteneacuteral drsquoEADS

Agrave partir de wwweadscom

Board of Directors

Rolf BartkeJuan Manuel Eguiagaray UcelayArnaud LagardegravereLakshmi N MittalMichel Peacutebereau

Dominique DrsquoHinninLouis GalloisHermann-Josef LambertiSir John ParkerBodo Uebber

bull Marwan Lahoud

Dr Ruumldiger GrubeChairman

Chief Strategy andMarketing Officer

Executive Comittee

Chief Executive Officer (CEO)

bull Dr Thomas Endersbull Fabrice Breacutegier(COO)

Airbus Division

bull Carlos D Suarez

Military TransportAircraft Division

bull Ralph D Crosby Jr

EADS North America

bull Jussi Itaumlvuori

Human resources

bull Jean J Botti

Chief TechnicalOfficer

bull Franccedilois Auque

Astrium Division

bull Dr Lutz bertling

Eurocopter Division

bull Dr Stefan Zoller

Defence amp SecurityDivision

bull Hans Peter Ring

Chief Financial Officer

Responsible as Executive Committee member of a permanent group-vide mission to ensure EADS enhanced operational performanceas of October 22 2007

bull Louis Gallois

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Cette forme structurelle preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord la respon-sabiliteacute des divisions quant aux moyens et aux reacutesultats insuffle une culture de laperformance eacuteconomique Chaque business unit devient un centre de profit dont lesreacutesultats sont compareacutes avec ceux des autres entiteacutes du groupe Cette compeacutetitioninterne stimule et responsabilise les membres de la division quant agrave lrsquoatteinte desobjectifs fixeacutes par le siegravege (profit deacutegageacute marge contributive rentabiliteacute des capi-taux investishellip) Le dirigeant drsquoune division se trouve donc agrave la tecircte laquo drsquoune entre-prise dans lrsquoentreprise raquo dont le budget deacutepend souvent de sa capaciteacute agrave atteindre lesobjectifs Degraves lors la direction geacuteneacuterale du siegravege se trouve deacutetacheacutee des questionsopeacuterationnelles Son rocircle devient plus strateacutegique elle doit deacutetecter des opportuni-teacutes drsquoaffaires veiller agrave la performance de lrsquoensemble des divisions et envisager desdeacutesengagements des activiteacutes les moins profitables et dont les perspectives de deacuteve-loppement sont limiteacutees Elle assure aussi la coordination entre les divisions lorsquecelles-ci entretiennent des relations de marcheacute Elle joue eacutegalement via les fonc-tions support le rocircle de soutien aux business unit Toutefois plus les divisions sontnombreuses et plus la coordination et le soutien deviennent complexes Le rocircle dusiegravege peut alors se rapprocher de celui drsquoune holding ou drsquoun conglomeacuterat assurerla gestion des investissements (allocation des ressources) et des deacutesinvestissementsDans ce cas les services centraux tendent agrave disparaicirctre au profit drsquoune fonctionfinanciegravere dominante Enfin la structure divisionnelle confegravere une reacuteactiviteacute plusgrande agrave lrsquoentreprise Lrsquoautonomie deacutecisionnelle dont sont doteacutees les divisions leurpermet de mieux faire face agrave lrsquoincertitude et agrave la complexiteacute de leur environnementEacutetant plus proches des changements (en termes de leacutegislation de technologie deconcurrence de produits nouveauxhellip) les responsables de divisions les perccediloiventplus rapidement et ont la capaciteacute drsquoy faire face dans des deacutelais plus courts Cettemarge de manœuvre est le facteur preacutedominant de la rapiditeacute de changement

Malgreacute ces avantages la structure divisionnelle preacutesente trois inconveacutenients prin-cipaux Tout drsquoabord crsquoest une structure coucircteuse car les fonctions opeacuterationnellesse reacutepartissent au sein des business unit Ainsi une entreprise multidivisionnelle nepeut escompter reacutealiser des eacuteconomies drsquoeacutechelle consideacuterables chaque division estdoteacutee de moyens humains et techniques propres (plusieurs installations de produc-tion et eacutequipes de ventehellip) Cet eacutecueil est parfois contrebalanceacute par la centralisationde certaines fonctions Crsquoest cependant un dosage difficile car les synergies (et labaisse des coucircts de structure) induites par le partage de fonctions de support risquentde peser sur les avantages de lrsquoautonomie manageacuteriale des divisions Le secondinconveacutenient concerne le deacuteveloppement de lrsquoexcellence fonctionnelle dans lrsquoentre-prise Lrsquoexpertise nrsquoest pas la prioriteacute de cette structure Or en accordant une placepreacutepondeacuterante au reacutesultat cela peut rejaillir de faccedilon neacutegative sur la maicirctrise etlrsquoeacutevolution de certaines compeacutetences En effet les reacuteponses rapides aux eacutevolutionsdu marcheacute sont privileacutegieacutees au deacutetriment drsquoefforts plus incertains en termes techno-logiques par exemple De mecircme les divisions eacutetant en compeacutetition entre elles lepartage de compeacutetences est difficile agrave organiser Les uniteacutes se concentrent surlrsquoatteinte de leurs objectifs et ont peu drsquointeacuterecirct agrave coopeacuterer entre elles Les ameacuteliora-tions fonctionnelles qursquoelles reacutealisent tendent agrave demeurer au sein de la division et

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Les structures drsquoentreprises

crsquoest la dynamique drsquoapprentissage de lrsquoentreprise dans sa globaliteacute qui est affec-teacutee Le dernier inconveacutenient est relatif aux ressources humaines Lrsquoentreprise multi-divisionnelle doit disposer drsquoun vivier de cadres geacuteneacuteralistes capables drsquoacceacuteder agravedes postes de responsables de division Les qualiteacutes drsquoun directeur de divisions sontbien diffeacuterentes de celles drsquoun directeur de fonction Les entreprises en business unitdeacuteveloppent donc le plus souvent des programmes de formation de haut niveau pourse doter de personnels aptes agrave assumer ces responsabiliteacutes

Pour conclure la structure divisionnelle est adapteacutee aux entreprises diversifieacutees entermes de produits de marques drsquoactiviteacutes de projets de clients et de marcheacutesgeacuteographiques Pourtant si son efficaciteacute reacuteside dans lrsquoindeacutependance des divisionscela fait peser le risque drsquoeacuteclatement de lrsquoorganisation et tend agrave accroicirctre consideacutera-blement les coucircts de structure Le partage de certaines fonctions rattacheacutees au siegravegetend agrave les abaisser mais risque alors drsquoaffaiblir lrsquoautonomie des uniteacutes Crsquoest pourconcilier des exigences contradictoires que certaines entreprises ont adopteacute unestructure matricielle

3 La structure matricielle

La structure matricielle (figure 25) deacutesigne la superposition des structures fonc-tionnelle et divisionnelle Pour maintenir leurs avantages respectifs en en effaccedilantles inconveacutenients elle conjoint des deacutepartements (qui assurent le deacuteveloppement delrsquoexpertise et compressent les coucircts de structure) et des divisions (qui se concentrentsur le reacutesultat et lrsquoadeacutequation au marcheacute) Les deacutepartements gegraverent les ressourceshumaines financiegraveres et techniques pour lrsquoensemble des divisions tandis que cesderniegraveres ont pour mission principale la gestion opeacuterationnelle et lrsquoatteinte drsquoobjec-tifs commerciaux

Figure 25 mdash La structure matricielle

La structure matricielle repose donc sur une double coordination horizontale etverticale La premiegravere est assureacutee par le responsable de division (ici une zonegeacuteographique) elle consiste agrave assurer le bon enchaicircnement des contributions fonc-

DeacutepartementGRH

Europe

Asie

Ameacuterique

DeacutepartementFinance

DeacutepartementMarketing

DeacutepartementLogistique

Responsables des deacutepartements

Directeursde zones

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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tionnelles inscrites dans un flux drsquoopeacuterations Lrsquoobjectif est drsquoen assurer la qualiteacuteglobale selon une logique drsquoefficaciteacute La seconde est assureacutee par le responsable dedeacutepartement elle consiste agrave allouer les ressources entre les divisions Lrsquoobjectif estdrsquooptimiser les moyens disponibles selon une logique drsquoefficience Il y a donc poten-tiellement divergence drsquointeacuterecircts entre les deux pocircles le responsable de division tendagrave maximiser les moyens pour permettre agrave sa division de se deacutevelopper alors que leresponsable de fonction tend agrave les minimiser pour pouvoir les allouer agrave lrsquoensembledes divisions

Les deux modes de coordination (horizontale et verticale) sont interdeacutependants ilsrsquoagit drsquoassurer un compromis entre les logiques drsquoefficaciteacute et drsquoefficience Endrsquoautres termes le fonctionnement drsquoune structure matricielle deacutepend de la qualiteacutede la collaboration entre les responsables de fonction et de division La preacutesence demeacutecanismes inteacutegrateurs est souvent neacutecessaire pour compenser la diffeacuterenciationengendreacutee par la matrice Par exemple des agents situeacutes agrave lrsquointersection entre lesfonctions et les divisions tentent de concilier les objectifs et les contraintes des eacutequi-pes respectives assumant le rocircle de coordinateur

Repegraveres Orange adopte une structure matricielle pour porter sa strateacutegie

Orange est la principale marque du groupe France Teacuteleacutecom lrsquoun des principaux opeacuterateursde teacuteleacutecommunications dans le monde Le groupe sert ainsi plus de 177 millions de clientssur les cinq continents dont les deux tiers sont clients de la marque Orange En 2005 legroupe lance le programme NExT (Nouvelle Expeacuterience des teacuteleacutecommunications) creacuteeacutedans le but de permettre France Teacuteleacutecom de passer drsquoun simple fournisseur drsquoaccegraves agrave unveacuteritable fournisseur de services Lrsquoobjectif de lrsquoopeacuterateur est drsquointeacutegrer les activiteacutes defournitures de services afin drsquooffrir agrave ses clients une nouvelle geacuteneacuteration de services En2006 Orange est ainsi devenue la marque unique du groupe pour lrsquoInternet ADSL la teacuteleacute-vision et le mobile Pour soutenir cette strateacutegie le groupe srsquoest engageacute dans une refontede sa structure et a adopteacute une structure matricielle

Le programme NExTNExT repose sur une volonteacute celle drsquooffrir aux clients une nouvelle expeacuterience des teacuteleacute-communications en leur donnant accegraves agrave un nouveau monde de services agrave une nouvellegeacuteneacuteration de services numeacuteriques (Internet teacuteleacutevisionhellip) et une ambition celle de devenirle fournisseur de services teacuteleacutecoms de reacutefeacuterence en Europe en matiegravere drsquoinnovation dequaliteacute de services et de performance eacuteconomiqueEn 2006 le programme NExT se concreacutetise par la mise en place drsquoune nouvelle organisa-tion baseacutee sur ces deux principes placer le client au centre des prioriteacutes de chacun etaccroicirctre lrsquoefficaciteacute du groupe gracircce agrave lrsquoadoption drsquoune structure matricielle Pour attein-dre ces objectifs le groupe a repenseacute lrsquoorganisation des directions opeacuterationnelles desdeacutepartements secteurs drsquoactiviteacute et des fonctions de groupe Les directions opeacuterationnel-les sont responsables des zones geacuteographiques (France Royaume-Uni Espagne Polo-gne Europe Moyen-Orient et Caraiumlbes Afrique Moyen-Orient et Asie) Les deacutepartements

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Les structures drsquoentreprises

La structure matricielle est conccedilue pour preacutesenter les avantages des formes preacuteceacute-demment eacutetudieacutees excellence technique coucircts de structure optimiseacutes reacuteactiviteacute aumarcheacute logique de reacutesultat et eacutequipe de direction deacutedieacutee au deacuteveloppement delrsquoentreprise

Ces gains doivent ecirctre relativiseacutes par deux inconveacutenients Le premier est lieacute aufonctionnement hieacuterarchique En effet les individus doivent assumer une doubleappartenance hieacuterarchique au service fonctionnel qui attend une forte compeacutetencetechnique et agrave lrsquoeacutequipe divisionnelle soucieuse de lrsquoimplication dans le reacutesultatdrsquoensemble Il en reacutesulte parfois pour les acteurs une ambiguiumlteacute un stress et uneconfusion quant aux objectifs prioritaires et aux meacutethodes de travail qui se traduisentpar un engagement et une efficaciteacute professionnelle plus faibles Le second est lieacute agravela multiplication des conflits En effet les fonctions et les divisions ont des objectifsantagonistes Les premiers valorisent lrsquoefficience alors que les seconds font primerlrsquoefficaciteacute Cette divergence drsquointeacuterecircts peut donner lieu agrave des conflits dont la reacutecur-rence et lrsquointensiteacute bloquent le fonctionnement de la structure Les jeux de pouvoirse trouvent ainsi stimuleacutes par lrsquoorganisation matricielle Si tel est le cas la directiongeacuteneacuterale se trouve submergeacutee par des arbitrages agrave effectuer et ce au deacutetriment de saveacuteritable mission Il est eacutegalement courant drsquoobserver une tendance agrave lalaquo reacuteunionite raquo pour faire face aux difficulteacutes de la coordination

Pour conclure la structure matricielle repose fondamentalement sur la qualiteacute dela collaboration entre les deacutepartements et les divisions sur les aptitudes relationnel-les de leurs membres Elle bouleverse la hieacuterarchie comme mode dominant de coor-dination au profit de lrsquoajustement mutuel et suppose que les individus quelle quesoit leur entiteacute drsquoappartenance integravegrent les exigences de leurs collegravegues En

secteurs drsquoactiviteacute ont la responsabiliteacute des meacutetiers du groupe (services de communicationpersonnels services de communication reacutesidentiels et services de communication entre-prise) Enfin les fonctions groupe sont chargeacutees de deacutefinir la politique globale agrave lrsquoeacutechelle dugroupe et drsquoen assurer le pilotage pour chaque domaine Ces fonctions transverses sont lemarketing strateacutegique la finance les ressources humaines la communication et marquehellipLrsquoensemble de ces diffeacuterents deacutepartements fonctionne deacutesormais en transversal en vuedrsquoassurer une plus grande convergence des actions Ainsi ce fonctionnement croiseacute desentiteacutes de la structure permet par exemple la convergence commerciale (facture etcontrat unique) la convergence des services (services accessibles par nrsquoimporte quelmoyen de communication) et la convergence technologique (inteacutegration des reacuteseaux dusystegraveme drsquoinformation et des plateformes de services) Lrsquoenjeu ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute duservice rendu aux clients et optimiser les ressources deacutedieacutees au fonctionnement de lastructureIn fine le programme NExT nrsquoa pas seulement eu pour effet de modifier la structure delrsquoentreprise Il a eacutegalement permis le renforcement de lrsquoinnovation pour offrir le meilleur dela technologie agrave ses clients A ainsi eacuteteacute creacuteeacutee une entiteacute autonome le technocentre dont laprincipale mission est drsquoindustrialiser le lancement de services innovants

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drsquoautres termes la performance collective doit prendre le pas sur la performanceindividuelle Si ces nouvelles regravegles du jeu ne sont pas inteacuterioriseacutees par tous lesacteurs les gains de fonctionnement ne se reacutealisent pas et les difficulteacutes surgissent Ilnrsquoest drsquoailleurs pas rare que lrsquoune des entiteacutes prenne le dessus sur lrsquoautre Si lesdeacutepartements ont le pouvoir alors la structure devient plutocirct fonctionnelle Elle seraplutocirct divisionnelle si les activiteacutes (ou les produits les projets les zoneshellip) gouver-nent la structure

Les trois structures preacuteceacutedemment eacutetudieacutees (fonctionnelle divisionnelle et matri-cielle) preacutesentent une limite commune leur faible flexibiliteacute Crsquoest pour mieuxabsorber les chocs geacuteneacutereacutes par des changements externes que certaines entreprisesont chercheacute agrave rendre leur structure plus souple et flexible Les structures en reacuteseauconstituent ainsi une avanceacutee significative compte tenu de leur capaciteacute agrave absorber lacomplexiteacute et lrsquoincertitude interne et externe

4 La structure en reacuteseau

Pour mieux faire face aux changements rapides de lrsquoenvironnement agrave sacomplexiteacute croissante et agrave lrsquoimpreacutevisibiliteacute qui en reacutesulte les structures doiventdevenir plus agiles crsquoest-agrave-dire ecirctre capables drsquoabsorber les multiples variations queleur inflige le milieu Lrsquoorganisation en reacuteseau (un ensemble drsquoeacuteleacutements relieacutes entreeux formant une supra-organisation) constitue le mode de structuration le plusavanceacute pour geacuterer ces sources drsquoincertitude Elle se divise en deux formes structurel-les distinctes lrsquoentreprise en reacuteseau et le reacuteseau drsquoentreprises

La premiegravere (appeleacutee aussi reacuteseau interne) consiste agrave organiser lrsquoentreprise en unensemble de cellules fonctionnant comme des PME Chaque uniteacute (ou pocircle) est depetite taille parfaitement autonome sur le plan deacutecisionnel et entretient des liens demarcheacute limiteacutes avec drsquoautres uniteacutes Au niveau des pocircles la structure valorise lrsquoajus-tement mutuel (la communication) la limitation des proceacutedures le faible controcirclehieacuterarchique et le travail en eacutequipe ce qui lui confegravere un caractegravere organique Cetalleacutegement de la structure permet agrave lrsquoentreprise en reacuteseau de gagner en reacuteactiviteacute eten innovation car elle est organiseacutee de maniegravere agrave stimuler les initiatives et agrave promou-voir les compeacutetences et lrsquoautonomie des acteurs Pour illustrer lrsquoentreprise en reacuteseauon peut se reacutefeacuterer au reacuteseau bancaire agrave celui des agences drsquointeacuterimhellip dont lrsquoancragelocal permet de saisir les speacutecificiteacutes drsquoune zone geacuteographique en termes de prati-ques commerciales et drsquoexigences client Lrsquoeacutetablissement de relations privileacutegieacuteesavec les clients permet eacutegalement de maintenir la clientegravele captive Enfin la proxi-miteacute avec le marcheacute confegravere une rapiditeacute de reacuteaction en cas drsquoagression concurren-tielle ou de modification du jeu commercial

La seconde forme le reacuteseau drsquoentreprises (ou reacuteseau externe) se caracteacuterise parlrsquoexistence de relations commerciales denses entre des entreprises indeacutependantes surle plan patrimonial eacutechappant ainsi agrave lrsquouniteacute de commandement confeacutereacutee par laproprieacuteteacute du capital Ainsi un reacuteseau externe rassemble des structures juridiquement

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indeacutependantes au sein drsquoune mecircme chaicircne de valeur Chacune se speacutecialise sur sescompeacutetences fondamentales et srsquoinsegravere dans des seacuteries de transactions reacutecurrentesavec les autres structures Cette organisation est souvent qualifieacutee drsquoentreprisevirtuelle En effet les frontiegraveres de la firme sont plus difficiles agrave deacutelimiter puisquetoutes les entreprises concourent au sein drsquoune mecircme chaicircne de valeur agrave proposerun systegraveme drsquooffre unique Toyota constitue un exemple saisissant de feacutedeacuterationdrsquoentreprises Lrsquoentreprise a bacircti son succegraves gracircce agrave la sous-traitance organiseacuteeToyota fait ainsi fabriquer agrave lrsquoexteacuterieur 70 de la valeur totale des veacutehiculesvendus Lrsquoessentiel de sa chaicircne de valeur est externaliseacute aupregraves drsquoentreprises parte-naires qui elles-mecircmes recourent agrave des sous-traitants Les fournisseurs de rang unsont donc inviteacutes agrave srsquoorganiser comme leur donneur drsquoordre et ainsi de suite Leconstructeur compte 171 fournisseurs attitreacutes (de premier rang) dont seulement37 pour lesquelles Toyota est le premier actionnaire Si on ajoute les fournisseurs dedeuxiegraveme et troisiegraveme rangs on compte au total 36 000 sous-traitants soit trois foisplus que General Motors qui nrsquoen compte laquo que raquo 12 500

Repegraveres Les districts industriels une formedrsquoorganisation en reacuteseau

Le district industriel est neacute en Italie dans les anneacutees quatre-vingt il srsquoagit drsquoun regroupe-ment de petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans un mecircme domaine (les chaus-sures le textile les meubleshellip) Le Japon est eacutegalement repreacutesentatif de concentrationsindustrielles dans des districts Selon des donneacutees officielles on compte jusqursquoagrave550 districts industriels La caracteacuteristique essentielle de ces districts est leur organisationen reacuteseau et leur agiliteacute

Le district industriel de KyriuKyriu est lrsquoun des districts industriels les plus anciens et traditionnels du Japon Agrave lrsquoorigineson activiteacute eacutetait lieacutee agrave lrsquoindustrie textile Ce district est particuliegraverement connu pour laproduction drsquoun tissu le jacquard Cependant le district assure eacutegalement la productiondes tissus utiliseacutes pour la fabrication de kimonos et de poupeacutees traditionnellesAujourdrsquohui le district est reacuteputeacute pour pouvoir produire nrsquoimporte quel tissu Lrsquoouverturedu Japon agrave lrsquoexteacuterieur a eu pour effet lrsquointroduction de vecirctements occidentaux dans le payset lrsquoutilisation moindre des vecirctements traditionnels Le district a donc suivi ces eacutevolutionset fabrique des tissus tregraves diffeacuterents utiliseacutes notamment dans la deacutecoration et la fabrica-tion de vecirctements occidentauxCe district est composeacute de 400 entreprises hautement speacutecialiseacutees majoritairement desPME qui emploient moins de trente personnes La plupart sont des entreprises familialesqui existent depuis plusieurs geacuteneacuterations Toutes les entreprises sont speacutecialiseacutees dans undomaine comme la production du fil ou la coloration du tissu Leurs clients sont principa-lement des marques drsquohabillement qui vendent du textile mais ne le produisent pas Cesderniers passent par des grossistes appeleacutes Tonya qui coordonnent la production Parfoiscompte tenu des marges importantes que prennent les grossistes certains producteurscoordonnent directement lrsquoorganisation de la production Actuellement le deacutefi du district

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de Kyriu est de faire face agrave la deacutelocalisation de plusieurs fabricants en Chine Coreacutee etTaiumlwan en raison de coucircts de production beaucoup moins eacuteleveacutes Et ces deacutelocalisations ontpour conseacutequences la fermeture certaines usines et la diminution du volume de produc-tion pour drsquoautres Les entreprises du district modifient donc leur strateacutegie elles contri-buent aux eacutetudes de marcheacute reacutealiseacutees par les marques reacuteduisent le nombredrsquointermeacutediaires (notamment les Tonya) et se rapprochent des tendances de la mode Ellesdeacuteveloppent progressivement des compeacutetences nouvelles dans les domaines du marke-ting de la creacuteation et de la commercialisation

Le district industriel de Suwa-OkayaCe district est installeacute dans la preacutefecture de Nagano au centre de Honshu la plus grandeicircle du Japon Les habitants ont deacuteveloppeacute un esprit entrepreneurial et se sont engageacutesdans lrsquoartisanat Ils ont commenceacute agrave produire des tissus mais se sont reacuteorienteacutes vers laproduction de composants industriels Crsquoest apregraves la Deuxiegraveme Guerre mondiale quelrsquoindustrie de meacutecanique de preacutecision a commenceacute agrave se deacutevelopper Seiko lrsquoune des entre-prises du district srsquoest alors associeacute agrave de nombreuses PME pour produire des montres etdes horloges Elle a par la suite deacuteveloppeacute des montres digitales et a notamment fourni leseacutequipements de mesure pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 Dans les anneacuteesquatre-vingt lorsque la production des montres agrave bas coucirct a eacuteteacute transfeacutereacutee vers HongKong certains sous-traitants ont cesseacute la fabrication de piegraveces pour les montres et se sontreacuteorienteacutes principalement vers les domaines de lrsquoinformatique La creacuteation drsquoEpson parSeiko une entreprise speacutecialiseacutee dans les imprimantes a contribueacute agrave ce changementCe district est composeacute de 4 000 entreprises manufacturiegraveres La moitieacute a moins dequatre employeacutes et la plupart des entreprises de petite taille sont des sous-traitants quiont plusieurs clients agrave lrsquoexteacuterieur et agrave lrsquointeacuterieur du district Ce district compte eacutegalementun centre de soutien creacuteeacute par la preacutefecture de Nagano dont lrsquoobjectif est de promouvoir lacoopeacuteration tripartite entre les universiteacutes les industriels et les autoriteacutes gouvernementa-les Comme les autres districts japonais Suwa-Okaya souffre de la deacutelocalisation indus-trielle Si certaines entreprises ont eacuteteacute contraintes de licencier de restructurer etdrsquoabandonner leur activiteacute drsquoautres ont investi dans la R amp D surtout dans le domaine desnanotechnologies

Le district industriel de Higashi-OsakaComme la plupart des districts industriels du Japon Higashi-Osaka a aussi commenceacute avecle tissu Mais il a eacutevolueacute jusqursquoagrave arriver agrave la production de meacutetal de machines de produitseacutelectroniques ou de plastique La diffeacuterence entre ce district industriel et drsquoautres tient aufait que les PME travaillent pour plusieurs clients en mecircme temps Les entreprises se sontaussi speacutecialiseacutees dans des tacircches speacutecifiques mais elles coopegraverent activement Cettecoopeacuteration est telle qursquoelles ont des sites internet communs ou partagent un mecircme standdans les salons Par exemple le G7rsquos Meeting est un groupement de dix entreprises donttrois agissent comme coordinateurs du travail et engagent des efforts de R amp D dans desdomaines prometteurs comme les nanotechnologies ou les biotechnologies Un autregroupement drsquoune quarantaine drsquoentreprises srsquoest lanceacute dans le deacuteveloppement drsquoun satel-lite et est parvenu agrave convaincre les autoriteacutes locales et nationales de la faisabiliteacute de ceprojet Cependant comme les autres districts industriels japonais le district de Higashi-Osaka souffre de la deacutelocalisation des industries vers lrsquoAsie du Sud-Est

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Dans sa forme la plus courante le reacuteseau externe est domineacute par une firmecentrale le donneur drsquoordres (Hitachi dans lrsquoencadreacute) Il est alors la reacutesultante drsquounrecours intensif agrave lrsquoexternalisation la firme centrale se concentre sur un nombrelimiteacute de maillons de sa chaicircne de valeur pour en confier le plus grand nombre agrave despartenaires Cette structure lui procure des avantages non neacutegligeables adaptabiliteacuteissue drsquoune taille plus petite flexibiliteacute car les sous-traitants supportent les variationsde la demande variabilisation des coucircts fixes car lrsquoentreprise ne paye que ce qursquoellevend accegraves aux compeacutetences des fournisseurs speacutecialistes et agrave leurs innovations etgains financiers induits par leur expertise et leur volume drsquoaffaires

Ces avantages sont contrebalanceacutes par deux risques majeurs lrsquoopportunisme etles coucircts pour le combattre En effet lrsquoindeacutependance des partenaires rend la firmecentrale plus vulneacuterable Indeacutependants sur le plan capitalistique et donc manageacuterialles fournisseurs peuvent se montrer opportunistes (privileacutegier un client plus reacutemuneacute-rateur ecirctre deacutefaillant sur les deacutelais et la qualiteacute devenir concurrent de son clienthellip)Nike a ainsi eacuteteacute laquo trahi raquo par Kolon lrsquoun de ses sous-traitants qui a mis sur lemarcheacute des chaussures aux caracteacuteristiques similaires sous la marque laquo Activ raquo Lesfournisseurs privileacutegient alors leurs inteacuterecircts immeacutediats au deacutetriment de ceux dudonneur drsquoordres qui peut ecirctre peacutenaliseacute par de tels comportements Cette absence degarantie sur la loyauteacute contraint le donneur drsquoordres agrave adopter des dispositifs de

Le district industriel de HitachiCe district situeacute sur lrsquooceacutean pacifique au nord de Tokyo se diffeacuterencie des autres par sacomposition Appeleacute joka machi qui veut dire ville chacircteau il se caracteacuterise par la preacutesencedrsquoune entreprise dominante qui en influence tous les aspects de la vie Crsquoest durant lapeacuteriode drsquoouverture du Japon agrave lrsquoexteacuterieur que lrsquoentreprise Hitachi Manufacturing Co a eacuteteacutecreacuteeacutee Apregraves la Deuxiegraveme Guerre mondiale la ville srsquoest deacuteveloppeacutee autour drsquoHitachi Co etlrsquoentreprise a pu deacutevelopper diffeacuterentes activiteacutes dans les domaines de lrsquoeacutelectronique despiegraveces automobiles et des centrales eacutenergeacutetiques Chaque usine drsquoHitachi eacutetait speacutecialiseacuteedans lrsquoun de ces domaines et avait ses propres sous-traitants Lrsquoentreprise eacutetait si impor-tante dans la ville qursquoelle posseacutedait des hocircpitaux des supermarcheacuteshellip Certains disentmecircme que la ville est un territoire priveacute drsquoHitachi Co Jusqursquoagrave reacutecemment les PMEtravaillaient exclusivement pour Hitachi elles ne se sont jamais preacuteoccupeacutees de deacutevelop-per de nouvelles compeacutetences et se contentaient drsquohonorer les commandes drsquoHitachi Celasrsquoexplique par le fait qursquoHitachi nrsquoexternalisait que les opeacuterations simples AinsilorsqursquoHitachi a deacutelocaliseacute sa production en Asie du Sud-Est lrsquoimpact pour les PME a eacuteteacuteconsideacuterable Hitachi eacutetait leur seul client et de nombreuses entreprises ont ducirc fermerleurs portes En reacuteponse un centre de soutien a eacuteteacute creacuteeacute en 1999 pour assister les PME dansleurs efforts de reacuteorganisation de restructuration et de revitalisation Avec lrsquoaide du centrede soutien un reacuteseau de neuf entreprises a produit le Bioclean un reacuteacteur biologique quitransforme les ordures meacutenagegraveres en liquide Lrsquoentrepreneur agrave lrsquoorigine de cette ideacutee avaitcomplegravetement arrecircteacute de travailler pour Hitachi quelques anneacutees auparavant

Agrave partir de COLOVIC A et CARTIER M laquo Kiryu Suwa-Okaya Higashi Osaka et Hitachi quatre districts industriels japonais face agrave la concurrence raquo in JOFFRE O PLE L et SIMON E

Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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controcircle Ceux-ci geacutenegraverent des coucircts de structure agrave ne pas neacutegliger Pour Freacutery(1997) ces dispositifs srsquoapparentent agrave des meacutecanismes drsquointeacutegration Ce sont lesinteacutegrations logistiques meacutediatiques et culturelles

Tout drsquoabord la firme centrale peut controcircler les flux en inteacutegrant les partenaires agraveson reacuteseau logistique Le prestataire qui a adopteacute (financeacute) les outils technologiquesdu donneur drsquoordre nrsquoa aucun inteacuterecirct agrave rompre la collaboration En outre lrsquointeacutegra-tion logistique permet une forme laquo drsquoingeacuterence raquo dans les pratiques du prestataireDans le cas de lrsquointeacutegration meacutediatique lrsquointermeacutediation est justifieacutee par la notorieacuteteacutede la marque de la firme feacutedeacuteratrice Elle est une ressource strateacutegique qui repreacutesenteune part essentielle de la valeur des produits ou services vendus Le prestataire nedispose pas drsquoune marque aussi prestigieuse et peut donc difficilement vendre sansla structure agrave laquelle il appartient Selon nous lrsquointeacutegration meacutediatique peut ecirctreeacutetendue agrave tout type drsquoactif dont la privation limite les deacuteboucheacutes des fournisseurs (unreacuteseau de distribution une infrastructure technologiquehellip) Dans le cas de lrsquointeacutegra-tion culturelle le gain financier issu drsquoune laquo trahison raquo est peu attractif face agrave laperte affective psychologique et sociale occasionneacutee par celle-ci Un tel comporte-ment signifierait une exclusion de la communauteacute drsquoappartenance En effet lesmembres du reacuteseau entretiennent des relations de confiance fortes et non exclusive-ment eacuteconomiques qui garantissent une grande solidariteacute

Pour conclure la structure en reacuteseau (interne et externe) correspond agrave la formedrsquoorganisation la plus reacutecente Sa diffusion est lieacutee agrave la neacutecessiteacute pour les entreprisesdrsquoacqueacuterir une plus grande capaciteacute de changement

Enfin la multiplication des projets dans les entreprises conduit agrave des ameacutenage-ments structurels afin de les inteacutegrer au fonctionnement organisationnel Les projetsinfluencent plus ou moins fortement les structures drsquoentreprises

5 Les structures par projet

Mettre en place un systegraveme drsquoinformation deacutevelopper un nouveau veacutehiculeeacutedifier un bacirctiment industrielhellip sont des projets communs agrave nombre drsquoorganisationsIls se deacuteclinent deacutesormais agrave tous les niveaux de lrsquoorganisation jusqursquoagrave former unveacuteritable paradigme de management Selon Aureacutegan et Joffre (2004) lrsquoon assiste agraveune veacuteritable laquo projectisation raquo de lrsquoentreprise

Cependant la gestion de projet reacutepond agrave certaines speacutecificiteacutes En effet un projetse caracteacuterise par son uniciteacute son horizon temporel et sa nouveauteacute Il se caracteacuterisetout drsquoabord par une finaliteacute propre (le deacuteveloppement de la Twingo est diffeacuterent decelui de la Twingo de deuxiegraveme geacuteneacuteration) Il est eacutegalement limiteacute dans le temps il a une date de deacutebut et de fin Enfin il srsquoinscrit en rupture par rapport agrave la gestionpermanente de lrsquoentreprise Un projet correspond donc agrave un sous-systegraveme de mana-gement temporaire qui srsquoappuie sur un processus planifieacute allant de la deacutefinition desobjectifs du projet agrave son eacutevaluation en termes de qualiteacute coucircts et deacutelais

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Selon Zannad (1998) la gestion drsquoun projet laquo correspond agrave un mode de manage-ment dans lequel une eacutequipe projet composeacutee des repreacutesentants des diffeacuterentesfonctions de lrsquoentreprise et piloteacutee par un directeur de projet fait appel aux ressour-ces des structures ldquomeacutetierrdquo afin drsquoatteindre des objectifs de performance qualiteacute-coucircts-deacutelais raquo Cette deacutefinition souligne le problegraveme de lrsquointeacutegration des projets

Repegraveres Les projets de creacuteation et de deacutevelop-pement des systegravemes drsquoessais chezRenault

Jusqursquoau milieu du siegravecle les essais automobiles se faisaient sur route mais les progregravestechnologiques lrsquoimpeacuteratif de qualiteacute et les contraintes de coucircts ont conduit agrave reacuteduire lesessais sur piste et agrave les reacutealiser gracircce agrave des moyens de simulation Les essais ont un carac-tegravere particuliegraverement strateacutegique En effet lrsquoambition de Renault est de concevoir desmoteurs capables drsquoatteindre 300 000 kilomegravetres sans intervention Une telle ambitionimplique de reacutealiser des essais de haute qualiteacute en terme de fiabiliteacute des mesures et desreacutesultats agrave des coucircts les plus bas possibles En outre le raccourcissement des cycles de viedes veacutehicules impose de renouveler rapidement les gammes Il srsquoagit pour les construc-teurs de concevoir et mettre sur le marcheacute des veacutehicules dans des deacutelais reacuteduits (la cible estagrave 24 mois) Les essais jouent lagrave aussi un rocircle primordial car ils sont attendus par les eacutequipesde conception du produitCes essais sont reacutealiseacutes gracircce agrave des moyens de simulation ou systegraveme drsquoessais Celui-cicherche agrave reproduire les conditions drsquoutilisation reacuteelles des composants drsquoun veacutehicule parles clients Ainsi lrsquoeacutetude drsquoun composant veacutehicule appeleacute speacutecimen consiste agrave lui fairesubir des sollicitations au sein drsquoun environnement qui va lui-mecircme influencer lrsquoessai Lespeacutecimen va donner des laquo reacuteponses raquo que le client interne (ingeacutenierie veacutehicules et ingeacutenie-rie meacutecanique) doit inteacutegrer La reacutealisation drsquoun essai neacutecessite donc une meacutethode rigou-reuse de reproduction des conditions drsquoutilisation des veacutehicules Il srsquoagit en fait drsquounprotocole de reacutealisation de lrsquoessai Au niveau opeacuterationnel un systegraveme drsquoessais mobilisetrois ressources des moyens techniques des moyens humains et une organisation Laconjonction de ces trois ressources permet de concevoir des systegravemes drsquoessais fiables et dereacutealiser les essais demandeacutes par les clients internes dans le respect des critegraveres de qualiteacutecoucircts et deacutelaisLes systegravemes drsquoessais sont conccedilus maintenus et deacuteveloppeacutes par un deacutepartement composeacutede 160 personnes lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais (ISE) LrsquoISE doit donc fournir et main-tenir les systegravemes drsquoessais pour lrsquoingeacutenierie veacutehicules et lrsquoingeacutenierie meacutecanique Sa missionintervient en aval de la conception drsquoun veacutehicule et en amont de sa mise en fabricationLrsquoISE gegravere ainsi pregraves de 200 projets par an de nature (eacutevolution ou deacuteveloppement drsquounsystegraveme drsquoessais) et drsquoampleur (budget et dureacutee du projet) variables De mecircme la domi-nante technique est souvent speacutecifique (hydraulique informatique eacutelectroniquehellip) Enfinil est courant de distinguer les petits projets (budget infeacuterieur agrave 150 000 euros et agrave dureacuteelimiteacutee agrave un an) et les grands projets

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Typologie des projets et gestion des contributionsdes acteurs raquo Vie et sciences eacuteconomiques ndeg 168-169 2005

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dans la structure de lrsquoentreprise Et il convient de distinguer trois modes principauxdrsquointeacutegration organisationnelle des projets (figure 26) Chacun varie quant aux agrave laplace laisseacutee au projet et aux modaliteacutes de coordination des acteurs impliqueacutes dansle projet

Source Adapteacute de Midler (1993) in Soparnot et Stevens (2007)

Figure 26 mdash Les types drsquointeacutegration organisationnelle des projets

Lrsquoorganisation fonctionnelle consiste agrave geacuterer le projet sans modifier lrsquoorganisationen place Le projet repose donc sur lrsquoimplication des membres en fonction desmeacutetiers requis Ceux-ci restent neacuteanmoins rattacheacutes agrave leur deacutepartement fonctionnelLa coordination entre les membres se fait de faccedilon informelle sans qursquoun responsa-ble du projet ait autoriteacute sur eux ou de faccedilon plus formelle en nommant un coordina-teur projet Ce mode drsquoorganisation preacutesente lrsquoavantage de la leacutegegravereteacute des moyensdeacutedieacutes Il preacutesente cependant de grandes difficulteacutes degraves lors qursquoun arbitrage entredeux fonctions doit ecirctre rendu Pour des projets lourds impliquant un grand nombredrsquoacteurs cette structure srsquoavegravere bien souvent insuffisante pour garantir une coordi-nation optimum entre les fonctions

Lrsquoorganisation matricielle se caracteacuterise par la creacuteation drsquoune fonction de respon-sable de projet qui a autoriteacute hieacuterarchique sur chacun des meacutetiers solliciteacutes dans lecadre du projet La fonction creacuteeacutee est donc responsable des choix de deacuteveloppementainsi que des budgets qui lui sont consacreacutes Un tel choix augmente le coucirct du projet

Organisation fonctionnelle

Organisation matricielle

Organisation en eacutequipe projet

Sous-traitantsfournisseurs

clients hellip

Sous-traitantsfournisseurs

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Directions meacutetiers

Acteurs meacutetierssur le projet

Limites drsquointerventiondu directeur de projetDirecteur de projet

Directeur de projet

Acteur projet ouchef projet meacutetier

Eacutequipe projet

Acteur projet ouchef projet meacutetier

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Cependant dans les projets complexes ou demandant une grande coordination entreles fonctions il permet de gagner en efficaciteacute En outre la capaciteacute du chef deprojet agrave faire des arbitrages entre les fonctions deacutepend de sa leacutegitimiteacute etou dusoutien explicite des directions geacuteneacuterales

Lrsquoorganisation en eacutequipes projet correspond agrave la creacuteation drsquoune eacutequipe deacutedieacuteeComposeacutee des meacutetiers requis pour le deacuteroulement du projet une telle eacutequipepreacutesente des qualiteacutes drsquoautonomie de fonctionnement et drsquoefficaciteacute opeacuterationnelleLrsquoimplication de ses membres permet une communication rapide et intense et faci-lite les apprentissages partageacutes Une telle structure est adapteacutee agrave des projets lourds ettregraves innovants mais requiert en contrepartie un engagement financier plus importantAgrave titre drsquoillustration le deacuteveloppement drsquoun projet automobile fait lrsquoobjet drsquouneeacutequipe projet dont la mission est entiegraverement concentreacutee au deacuteveloppement dunouveau veacutehicule

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents types de structure (fonctionnelle divisionnelle matricielleen reacuteseau et par projet) de leurs avantages et inconveacutenients respectifs a permis deposer les bases drsquoune theacuteorie de la structure Compte tenu de la complexiteacute des struc-tures reacuteellement adopteacutees par les entreprises cette typologie preacutesente des ideacuteauxtypes La grande diversiteacute des structures conduit enfin agrave se demander srsquoil nrsquoexisteraitpas une structure ideacuteale qui surpasserait les autres Existe-t-il un one best way Cequestionnement conduit agrave aborder le courant theacuteorique de la contingence et agrave srsquointeacute-resser aux facteurs drsquoinfluence de la structure

LES FACTEURS DrsquoINFLUENCE DE LA STRUCTURE

Agrave la suite des travaux reacutealiseacutes par les tenants de la theacuteorie de la contingence il estpossible drsquoaffirmer qursquoil nrsquoexiste pas de structure supeacuterieure agrave toutes les autres Enfait on trouve des entreprises performantes dans toutes les familles de structureCela deacutemontre drsquoune part que la structure nrsquoinfluence pas seule la performance desfirmes et drsquoautre part que la quecircte drsquoune structure ideacuteale est illusoire La theacuteorie dela contingence souligne qursquoil est par contre leacutegitime drsquoidentifier les conditions danslesquelles une structure est supeacuterieure agrave une autre Lrsquoexamen de ces circonstancesrevient agrave identifier les facteurs qui deacuteterminent lrsquoeacutevolution des formes structurellesSelon la theacuteorie de la contingence la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironne-ment et la culture drsquoorigine influencent la structure

1 La taille de lrsquoentreprise

Lorsque lrsquoentreprise se deacuteveloppe elle fait face agrave des contraintes drsquoorganisation agravela fois plus importantes et nouvelles La masse de travail augmente et la diversiteacute desmissions srsquoaccentue En conseacutequence le nombre de salarieacutes de mecircme que les actifs

Section 3

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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de la firme croissent et avec eux la neacutecessiteacute de structurer lrsquoensemble Ainsi agrave lanaissance de lrsquoentreprise le fondateur assume seul lrsquoensemble des missions Laspeacutecialisation est donc limiteacutee le besoin de coordination inexistant la formalisationreacuteduite et la centralisation totale Mais le deacuteveloppement de lrsquoentreprise a pourconseacutequence lrsquoimpossibiliteacute pour le dirigeant drsquoassumer seul lrsquoensemble des respon-sabiliteacutes Il va le plus souvent recruter des responsables fonctionnels qursquoil va chargerde lrsquoexeacutecution opeacuterationnelle et ainsi speacutecialiser la structure de lrsquoentreprise La coor-dination se fera alors le plus souvent par ajustement mutuel entre lui et ses collabo-rateurs La formalisation des rocircles devient deacutesormais neacutecessaire afin de clarifier lepeacuterimegravetre de chacun et la centralisation diminue progressivement les responsablesayant une certaine autonomie deacutecisionnelle

Le deacuteveloppement de la taille de lrsquoentreprise srsquoaccompagne sans conteste drsquounesophistication de sa structure Cela signifie une speacutecialisation supeacuterieure (des divi-sions etou services nouveaux sont creacuteeacutes) une formalisation des meacutethodes de travail(poids des regravegles et proceacutedures) une augmentation de la standardisation pour assu-rer la coordination des services et une augmentation du nombre de responsableshieacuterarchiques Degraves lors agrave chaque stade de deacuteveloppement de lrsquoentreprise doit corres-pondre une structure adeacutequate Si tel nrsquoest pas le cas la performance de lrsquoentreprisedeacutecline et aboutit agrave une efficaciteacute moindre dans la reacutealisation de ses missions (baissede la qualiteacute du travail accumulation du travail surcharge des collaborateursstresshellip) etou agrave une augmentation significative des coucircts de fonctionnement de lastructure Ainsi comme le montre la figure ci-dessous une augmentation non maicirctri-seacutee de la taille peut se traduire par une bureaucratisation de lrsquoentreprise

Source Strategor 2005

Figure 27 mdash Le risque de bureaucratisation de la structure

Diffeacuterenciationdes fonctions

Accroissement dela speacutecialisation

Plus de besoin de coordination intrainter uniteacutes

Plus de personneldrsquoeacutetat-major

Plus de personneladministratif

Plus de formalisation de lrsquoorganisation et des systegravemes de gestion

Multiplication des niveaux hieacuterarchiques

TAILLE

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Le dirigeant doit donc veiller agrave lrsquoadeacutequation de la structure avec la taille de lrsquoentre-prise De mecircme la technologie constitue un deacuteterminant de lrsquoeacutevolution drsquoune struc-ture

2 La technologie

La technologie se reacutefegravere agrave lrsquoensemble des opeacuterations pour transformer des intrantsen produits ou services commercialisables Il peut donc srsquoagir de la technologiemobiliseacutee pour fabriquer un meuble pour traiter un dossier de reacuteclamation pourlaquo produire raquo un voyagehellip Or il semble que les diffeacuterences de technologies utiliseacuteespar les entreprises expliquent les diffeacuterences de leur structure Pour mieux compren-dre les caracteacuteristiques de cette influence Woodward (1965) distingue trois modesde production industrielle Tout drsquoabord la production agrave lrsquouniteacute concerne la fabrica-tion de produits uniques ou de petites seacuteries Ensuite la production en masse sereacutefegravere agrave la fabrication de produits standardiseacutes et en grandes quantiteacutes Enfin laproduction en continu correspond agrave la fabrication de produits speacutecifiques (gaz eacutelec-triciteacutehellip) qui exige une activiteacute automatique et continue Ces trois technologiesinfluencent la complexiteacute technique la preacutevisibiliteacute des opeacuterations et le besoin decontrocircle sur lrsquoactiviteacute

Woodward montre que chaque technologie neacutecessite des ajustements structurelspour permettre agrave lrsquoentreprise drsquoecirctre efficace Plus la technologie se complexifie etplus le nombre de niveaux hieacuterarchiques et la proportion de personnel administratifaugmentent Cependant le nombre de salarieacutes sous la responsabiliteacute drsquoun individu(eacuteventail de subordination) est plus eacuteleveacute pour le cas de la production en masse Ensynthegravese Woodward met en eacutevidence que les entreprises agrave faible complexiteacute techno-logique (production agrave lrsquouniteacute) possegravedent les attributs structurels de la forme organi-que et que celles dont la complexiteacute technologique est plus forte (production encontinu) ont les attributs de la forme meacutecaniste Prenons le cas drsquoun artisan doreurdont le meacutetier consiste agrave appliquer des feuilles drsquoor sur diffeacuterents types de support(cadres escaliers vitrines mobiliers bouteille monumentshellip) Chaque reacutealisationest particuliegravere la technologie se rapproche de la production agrave lrsquouniteacute La naturespeacutecifique du travail limite les possibiliteacutes de standardisation des proceacutedeacutes et deformalisation du travail Lrsquoouvrier est qualifieacute et autonome ce qui reacuteduit le besoin decontrocircle hieacuterarchique Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise artisanale deacutepend donc drsquouneadeacutequation entre sa structure (organique) et sa technologie dominante (production agravelrsquouniteacute)

Les travaux de Perrow (1970) fournissent un second eacuteclairage des relations tech-nologie-structure Lrsquoauteur montre que lrsquoinfluence de la technologie srsquoanalyse agravepartir de deux dimensions La premiegravere concerne la variabiliteacute des activiteacutes deproduction elle-mecircme eacutevalueacutee en fonction des degreacutes de standardisation des mateacute-riaux utiliseacutes de la simpliciteacute des eacutequipements et de la preacutevisibiliteacute des incidents Laseconde correspond agrave la formalisation des activiteacutes de production elle-mecircme analy-

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seacutee agrave partir des possibiliteacutes de prescription du travail crsquoest-agrave-dire que le processusest routinier et rationnel ou au contraire innovant et intuitif Lrsquoauteur identifie finale-ment quatre types de technologies auxquelles correspondent quatre formes structu-relles Comme le montre la figure suivante cette classification permet de deacutepasser ladualiteacute des formes meacutecanistes (rigides et centraliseacutees) et organiques (souples etdeacutecentraliseacutees)

Figure 28 mdash Lrsquoadeacutequation technologie-structure selon Perrow (1970)

Lorsque la technologie mobiliseacutee est peu variable et peu formalisable (le travail agraveeffectuer preacutesente peu drsquoexception et un niveau de complexiteacute eacuteleveacute) lrsquoorganisationest de type artisanal crsquoest-agrave-dire rigide et deacutecentraliseacutee Ainsi la fabrication surcommandes de produits complexes exige que les artisans suivent des principes defabrication qursquoils sont neacuteanmoins seuls compte tenu de lrsquoexpertise requise agravepouvoir appliquer Lorsque la technologie est peu variable et fortement formalisable(le travail agrave effectuer preacutesente peu drsquoexception et un niveau de complexiteacute limiteacute)lrsquoorganisation est routiniegravere crsquoest-agrave-dire rigide et centraliseacutee Crsquoest le cas des usinesde production automobile sur le modegravele Taylorien-Fordien ougrave les ouvriers doiventexeacutecuter des tacircches reacutepeacutetitives dont les caracteacuteristiques ont eacuteteacute deacutefinies par unbureau des meacutethodes Lorsque la technologie mobiliseacutee est fortement variable etfaiblement formalisable (le travail agrave reacutealiser preacutesente de multiples exceptions et unniveau de complexiteacute eacuteleveacutee) lrsquoorganisation est de type innovatrice crsquoest-agrave-diresouple et deacutecentraliseacutee Les laboratoires de recherche en sont une illustration possi-ble Les chercheurs doivent faire preuve drsquoune grande compeacutetence drsquoautonomie etde creacuteativiteacute pour reacutesoudre des problegravemes toujours uniques Enfin lorsque la techno-logie est agrave la fois fortement variable et formalisable (le travail preacutesente de nombreu-

Degreacute de variabiliteacute des activiteacutes

Degreacute de formalisation des activiteacutes

Faible

Faible

Organisationartisanale (rigide et

deacutecentraliseacutee)

Organisationroutiniegravere(rigide et

centraliseacutee)

Organisationinnovatrice (souple et

deacutecentraliseacutee)

Organisationingeacutenierique

(souple etcentraliseacutee)

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ses drsquoexception et un niveau de complexiteacute faible) lrsquoorganisation est de typeingeacutenierique crsquoest-agrave-dire souple et centraliseacutee Crsquoest par exemple le cas drsquoune entre-prise de certification qui doit respecter certaines regravegles et proceacutedures lieacutees agrave laconduite de lrsquoaudit mais dont lrsquoaction se reacutealise dans des organisations tregraves diffeacuteren-tes les unes des autres

In fine les travaux de Woodward et Perrow deacutemontrent le rocircle de la technologiemobiliseacutee dans lrsquoentreprise sur sa structure Dans le prolongement drsquoautres auteurssoulignent les relations drsquoinfluence reacuteciproque entre la strateacutegie et la forme organisa-tionnelle

3 La strateacutegie

La strateacutegie de lrsquoentreprise et la structure entretiennent des relations drsquointerdeacutepen-dance Chandler (1972) un historien des affaires montre que le deacuteveloppement delrsquoentreprise en termes de produits et de marcheacutes provoque des modifications de lastructure Pour lrsquoauteur les entreprises connaissent au cours de leur vie deux stadesde croissance Au cours drsquoune premiegravere phase lrsquoentreprise vend des produits peudiffeacuterencieacutes sur des marcheacutes aux caracteacuteristiques similaires (strateacutegie de speacutecialisa-tion) Pour opeacuterer efficacement elle adopte une structure de type fonctionnel Chan-dler la qualifie de forme U pour son caractegravere unifieacute Au cours drsquoune seconde phaselrsquoentreprise diversifie ses produits et ses marcheacutes (strateacutegie de diversification) lrsquoadoption drsquoune structure divisionnelle est neacutecessaire au respect les speacutecificiteacutes dechaque gamme de produits et de chaque marcheacute Chandler la qualifie de forme M(pour multidivisionnelle) Ces divisions forment des quasi-firmes Le cas de lrsquoentre-prise DuPont analyseacutee par Chandler est reacuteveacutelateur DuPont est avant la PremiegravereGuerre mondiale le plus gros fabricant mondial drsquoexplosifs agrave usage militaire Antici-pant la paix le groupe se diversifie dans les domaines civils en commercialisant dela peinture et des plastiques Agrave la fin de la guerre DuPont fit face agrave une crisemajeure seule lrsquoactiviteacute drsquoexplosifs eacutetait rentable Ces difficulteacutes provenaient dufait que les activiteacutes eacutetaient geacutereacutees par la structure initiale de type fonctionnel Parceque la structure nrsquoavait pas suivi lrsquoeacutevolution de la strateacutegie elle eacutetait agrave lrsquoorigine descontre performances des autres activiteacutes La deacutecentralisation des deacutecisions marke-ting et production via la creacuteation de divisions deacutedieacutees agrave chaque activiteacute permit agraveDuPont de renouer avec le succegraves

Chandler deacutemontre ainsi que la structure suit la strateacutegie et que si tel nrsquoest pas lecas lrsquoentreprise voit sa performance deacutecliner Lrsquoauteur preacutecise que lrsquoentreprise nereacutevise pas sa structure tant que les mauvaises performances ne srsquoaccumulent pasque le changement de structure coiumlncide avec lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeant etenfin que la nouvelle strateacutegie nrsquoest pas toujours le reacutesultat drsquoune intention claire-ment formuleacutee par la direction geacuteneacuterale

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Repegraveres Strateacutegie drsquoexternalisation et structureen reacuteseau chez Renault

laquo Fin 1984 la reacutegie compte 57 milliards de dettes soit la moitieacute de son chiffre drsquoaffaires Lesfrais financiers atteignent 7 milliards de francs lrsquoentreprise perd sur lrsquoanneacutee plus drsquounmilliard par mois Autant dire qursquoelle est en situation de faillite raquo (Loubet 2001) Cettesituation conduit agrave lrsquoeacuteviction de Bernard Hanon et agrave la nomination de Georges Besse en1985 Outre des restructurations historiques Besse adopte une strateacutegie de recentrage surle meacutetier de base Alors que lrsquoentreprise eacutetait fortement inteacutegreacutee elle externalise toutes lesfonctions eacuteloigneacutees du meacutetier de base Renault srsquoengage alors dans une strateacutegie partena-riale avec ses fournisseurs Ce changement progressif srsquoarticule autour de quelques princi-pes cleacutes seacutelection des fournisseurs directs inculcation de meacutethodes communes ettransfert de responsabiliteacutes avec en contrepartie des marcheacutes agrave plus long terme Poursrsquoassurer de la laquo fideacuteliteacute raquo de ses eacutequipementiers le groupe seacutelectionne les fournisseurssur des critegraveres stricts les hieacuterarchise et en reacuteduit le nombre (de 1 800 en 1980 agrave 700 en1993) leur confie la fabrication de composants (fonctions globales ou modules) ainsi queleur eacutevolution (innovation) et organise un reacuteseau coheacuterent de fournisseurs ayant la mecircmedeacutemarche utilisant un langage et des outils communs Pour cela Renault va deacuteployer desoutils de seacutelection et drsquoeacutevaluation des fournisseurs (norme AQF) Lrsquoensemble de la filiegraveresrsquoengage ainsi dans des certifications qualiteacuteLa prise en compte de la qualiteacute dans le choix du fournisseur se manifeste essentiellementpar lrsquoaccroissement des exigences techniques agrave chaque renouvellement de gamme Ainsiles constructeurs effectuent des visites dans les ateliers des fournisseurs pour observerleurs moyens de production Progressivement certaines usines ont deacuteleacutegation decontrocircle leurs produits ne font plus lrsquoobjet de controcircle reacuteception Agrave partir de 1985 PSA etRenault commencent agrave travailler sur un document lrsquoAssurance Qualiteacute Fournisseurs quideacutefinit cinq eacutetapes de laquo mise en place de proceacutedures aboutissant agrave la responsabiliteacute totaledu fournisseur en matiegravere de qualiteacute raquo Cette norme appeleacutee laquo Eacutevaluation QualiteacuteFournisseurs raquo permet de ne retenir que les entreprises laquo performantes raquo et de leur deacuteleacute-guer la responsabiliteacute totale de la qualiteacute du composant Ces fournisseurs deviennent four-nisseurs de premier rang et responsables de la qualiteacute de leurs propres fournisseurs Cesderniers sont inciteacutes agrave postuler agrave la norme AQF Lrsquoeacutevolution de cette norme traduit unemonteacutee en puissance des exigences et une accentuation de lrsquoengagement des fournisseurssur le deacuteveloppement des composants La version 1992 stipule qursquoils doivent porter lesefforts sur lrsquoimplication plus en amont dans lrsquoeacutetude et la conception des produits et va plusloin que la version 1987 qui insistait sur la qualiteacute la fiabiliteacute la productiviteacute la reacuteductiondes stocks et lrsquoapprovisionnement en flux tendus Au fur et agrave mesure les exigences duconstructeur integravegrent des critegraveres nouveaux la capaciteacute internationale la capaciteacute agraveparticiper au codeacuteveloppement la capaciteacute de flux synchrone (exigence de juste agrave temps)qui impose une implantation agrave proximiteacute des usines de montage du constructeurhellipRenault est peu agrave peu devenu un donneur drsquoordre qui feacutedegravere une multitude de fournis-seurs directs et indirects et acquiert une organisation flexible (en reacuteseau) moins sensibleaux aleacuteas conjoncturels du marcheacute tout en gardant la maicirctrise du comportement desfournisseurs par un processus de seacutelection et de deacuteleacutegation baseacute sur le respect de la norme

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Certains auteurs ont cependant contesteacute cette relation unidirectionnelle (la struc-ture suit la strateacutegie) et postuleacute que la structure influenccedilait eacutegalement la strateacutegie(notons que Chandler nrsquoa jamais vraiment consideacutereacute que la relation fucirct strictementunidirectionnelle) Celle-ci serait eacutegalement le produit drsquoune structure qui luipreacuteexiste Dans cette perspective le type de structure conditionne la strateacutegie agrave troiseacutegards Tout drsquoabord elle influence la perception des changements de lrsquoenvironne-ment les opportuniteacutes comme les menaces Ainsi une structure de type organique apour effet drsquoimpulser des comportements manageacuteriaux drsquoouverture et de sensibiliteacuteaux eacutevolutions des affaires Ensuite elle oriente les choix strateacutegiques Une structuredivisionnelle facilite lrsquoadoption de strateacutegies de diversification de produits et demarcheacutes Enfin elle exerce une influence sur les changements strateacutegiques Unestructure meacutecaniste deacuteveloppe des capaciteacutes drsquoadaptation plus limiteacutees qursquoune struc-ture organique

Burgelman (1991) eacutetudiant les processus strateacutegiques crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutemergencedes strateacutegies montre que la relation strateacutegie-structure est en reacutealiteacute bidirection-nelle La strateacutegie et la structure srsquoinfluencent reacuteciproquement Au cours drsquoune eacutetudesur le deacuteveloppement de projets innovants lrsquoauteur reacutevegravele que lrsquoactiviteacute strateacutegiqueest le reacutesultat de comportements agrave la fois induits et autonomes Le processus strateacute-gique induit reacutesulte drsquoinitiatives qui se trouvent dans le champ de la strateacutegiecourante de lrsquoorganisation et se construisent sur les connaissances et lrsquoapprentissageorganisationnel existant Le processus strateacutegique autonome correspond aux initiati-ves qui eacutemergent en dehors du champ de reacutefeacuterence strateacutegique et permettent dedeacutevelopper une nouvelle forme drsquoapprentissage et de connaissances au sein delrsquoorganisation

Si la strateacutegie influence la structure (comme la structure conditionne la strateacutegie)lrsquoenvironnement dans lequel eacutevolue la firme deacutetermine les choix structurels

4 Lrsquoenvironnement

Les caracteacuteristiques de lrsquoenvironnement influencent consideacuterablement la structurede lrsquoentreprise Elles sont de trois types La munificence se reacutefegravere au potentiel delrsquoenvironnement et agrave sa capaciteacute agrave offrir aux firmes une croissance reacuteguliegravere et soute-nue Les entreprises se deacuteveloppent sans contrainte de marcheacute la demande est suffi-samment eacuteleveacutee pour ne pas se soucier de leur structure Agrave lrsquoopposeacute lesrestructurations se multiplient lorsque les conditions du marcheacute se durcissent La

qualiteacute (AQF) garantissant ainsi un niveau drsquoengagement eacuteleveacute sur les plans de la qualiteacutedes deacutelais des coucircts et de lrsquoinnovation

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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complexiteacute renvoie agrave lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du milieu crsquoest-agrave-dire que les regravegles qui reacutegis-sent son fonctionnement ne peuvent pas ecirctre appreacutehendeacutees ou tregraves difficilement parles managers Enfin lrsquoincertitude correspond au dynamisme environnemental Lafreacutequence des changements rend alors quasi-impossible la preacutevision de lrsquoeacutevolutiondu milieu Les deux derniegraveres caracteacuteristiques sont souvent les plus consideacutereacutees parles auteurs pour saisir les liens entre environnement et structure

Burns et Stalker (1961) soulignent que les structures organiques (par oppositionaux structures meacutecanistes) sont particuliegraverement adapteacutees agrave des environnementsexterne et interne dont le degreacute de complexiteacute et drsquoincertitude est eacuteleveacute (marcheacutedynamique forte concurrence changements technologiques freacutequents conceptionde nouveaux produits activiteacute interne creacuteativehellip) Ce type de structure se caracteacuterisepar la polyvalence des missions des personnes la deacutecentralisation du pouvoir laresponsabilisation des acteurs (autocontrocircle) la reacuteduction des niveaux hieacuterarchi-ques le fonctionnement participatif et la faible formalisation du travail (poids reacuteduitdes regravegles eacutecrites) Ces caracteacuteristiques se traduisent par une autonomie plus grandedes acteurs dans lrsquoexercice de leur travail Elles leur confegraverent certaines marges deliberteacute gracircce auxquelles ils vont pouvoir explorer des nouvelles solutions Ce type destructure permet donc une plus grande flexibiliteacute des rocircles et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute descomportements Elle eacutevite de cadenasser les acteurs dans des registres comporte-mentaux routiniers et valorise les interactions sociales Et ces eacuteleacutements sont sourcesdrsquoune plus capaciteacute drsquoadaptation organisationnelle La creacuteation des uniteacutes eacuteleacutementai-res de travail (UET) chez Renault en 1991 illustre une volonteacute de rendre plus organi-que la structure Le principe consiste agrave creacuteer des entiteacutes autonomes de petitesentreprises qui travaillent les unes pour les autres Chacune achegravete laquo en amont raquo letravail drsquoune UET et vend laquo en aval raquo le sien Se creacuteent le principe du client interneet une interdeacutependance entre les UET Par ce mode drsquoorganisation les acteurs sontresponsabiliseacutes sur la qualiteacute du travail fourni leur qualiteacute affecte celle de lrsquoUETlaquo acheteuse raquo et inciteacutes agrave faire preuve drsquoinitiative la reacuteduction de la distance hieacuterar-chique permet des deacutecisions plus proches du laquo terrain raquo

A contrario les structures meacutecanistes sont plus adapteacutees aux environnementsexterne et interne dont le degreacute de complexiteacute et drsquoincertitude est limiteacute (marcheacutestable concurrence limiteacutee changements technologiques rareshellip) Ce type de struc-ture se caracteacuterise en effet par une speacutecialisation eacuteleveacutee des tacircches une coordinationhieacuterarchique une centralisation du pouvoir de deacutecision et une formalisation explicitedes rocircles et des tacircches Cela se traduit par un haut niveau drsquoefficience interne car lareacutepeacutetition des tacircches confegravere aux acteurs une grande expertise dans lrsquoexeacutecution dutravail Mais ces derniers tendent agrave deacutevelopper des comportements routiniers quirendent difficile la mise en œuvre de changements organisationnels

Dans le prolongement Lawrence et Lorsch (1973) ont souligneacute lrsquoimportance deconcevoir des structures diffeacuterencieacutees Crsquoest ainsi que le deacutepartement comptable nedoit pas ecirctre structureacute comme le service commercial parce que leurs environnementsnrsquoont pas le mecircme degreacute de complexiteacute et drsquoinstabiliteacute Leur apport est donc de

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montrer qursquoune entreprise doit faire coexister les formes meacutecaniste et organique enson sein Leurs apports ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes plus haut

Lrsquoentreprise doit donc ajuster sa structure en fonction de son environnementCelle-ci doit permettre drsquoabsorber les changements du milieu pour adapter son fonc-tionnement en conseacutequence Si tel nrsquoest le cas la firme prend le risque de voir saperformance deacutecliner Enfin la culture nationale est preacutesenteacutee comme un facteurexplicatif majeur des formes structurelles

5 La culture nationale

La culture socieacutetale du pays dans lequel est implanteacutee lrsquoentreprise agit sur sa struc-ture Celle-ci nrsquoest pas neutre en termes de valeurs et drsquoideacuteaux car elle est avant toutun groupe drsquoindividus dont les valeurs ont eacuteteacute forgeacutees dans un milieu social notam-ment le pays Lrsquoentreprise ne peut donc srsquoabstraire de cet heacuteritage culturel et doit entenir compte dans sa maniegravere de structurer lrsquoentreprise Cela signifie qursquoune entre-prise franccedilaise implanteacutee dans diffeacuterents pays ne peut imposer un mode de structura-tion indiffeacuteremment des valeurs que partagent les salarieacutes drsquoun pays Sa structuredoit au contraire inteacutegrer les diffeacuterences culturelles et srsquoadapter agrave celles-ci pour ecirctreefficace

Hofstede et Bollinger (1987) identifient quatre dimensions permettant de caracteacute-riser les cultures nationales Tout drsquoabord le degreacute drsquoindividualisme se reacutefegravere auxrelations plus ou moins fortes qursquoentretiennent les individus Ensuite la distancehieacuterarchique renvoie agrave lrsquoaccommodation aux diffeacuterences statutaires Le controcircle delrsquoincertitude correspond agrave lrsquoacceptation du risque et agrave la toleacuterance au non maicirctrisa-ble Enfin la masculiniteacutefeacuteminiteacute caracteacuterise la division du rocircle social des sexes Lamasculiniteacute valorise cette division et accorde de lrsquoimportance aux valeurs de domi-nation et de reacuteussite La feacuteminiteacute ne valorise pas cette division et soutient lrsquoaidemutuelle et la qualiteacute de vie

Ces dimensions se combinent pour former des maniegraveres de penser et drsquoagir varia-bles et deacuteterminent des attitudes et des comportements propres agrave chaque groupe depays Toutefois le second et le troisiegraveme critegravere semblent ecirctre les plus influents surla structure En France la forme bureaucratique coiumlncide avec la grande distancehieacuterarchique (accentuation des ineacutegaliteacutes statutaires) et le fort controcircle de lrsquoincerti-tude (faible toleacuterance au risque et volonteacute forte de maicirctrise) Il y a donc une multipli-cation des niveaux hieacuterarchiques afin de mieux controcircler les agissements despersonnes et ainsi limiter les risques En revanche aux Eacutetats-Unis la forme division-nelle (en Business Unit autonome) est adapteacutee agrave la recherche de succegraves individuel lacompeacutetition entre les collaborateurs et la forte toleacuterance au risque En Allemagne lafaible distance hieacuterarchique et le fort controcircle de lrsquoincertitude conduisent agrave uneformalisation marqueacutee des structures De nombreuses regravegles reacutegissent le fonctionne-ment de lrsquoentreprise et lrsquoexercice du pouvoir personnel est deacutelicat

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En conclusion une structure nrsquoest pas efficace de faccedilon absolue Sa performancedeacutepend de son adeacutequation aux critegraveres de taille de technologie de strateacutegie drsquoenvi-ronnement et de culture Nous pouvons finalement retenir des travaux des theacuteori-ciens de la contingence qursquoils eacutetablissent une relation entre la forme structurelle et

Repegraveres La colleacutegialiteacute des entreprises allemandes

Aux Eacutetats-Unis les managers dirigeants ont les pleins pouvoirs tant qursquoils atteignent leursobjectifs Il en va diffeacuteremment en Allemagne Et certains dirigeants ont appris agrave leursdeacutepens qursquoun style de management baseacute sur des principes anglo-saxons pouvait conduireagrave leur eacuteviction Ron Sommer chez Deutsche Telekom Thomas Middelfoff chez Bertels-mann Ulrich Schumacher chez Infineon Wolfgang Bernhard chez Mercedes ont ainsi eacuteteacutedeacutebarqueacutes de leur poste pour nrsquoavoir pas respecteacute pleinement le principe de colleacutegialiteacute quifonde le systegraveme capitaliste allemand Le fonctionnement des entreprises est reacutegi par desregravegles heacuteriteacutees de la culture germanique baseacutee sur le consensus la colleacutegialiteacute le partagedes responsabiliteacutes le long terme et les relations durables entre les salarieacutes et lrsquoentrepriseDrsquoaucuns considegraverent que ces principes ont permis agrave lrsquoAllemagne de se reconstruire apregravesla Seconde Guerre mondiale et de faire face aux deacutefis de la reacuteunification Ainsi une entre-prise allemande est dirigeacutee par lrsquoensemble des membres du directoire ndash les salarieacutes sontsouvent associeacutes via les syndicats agrave la bonne marche des entreprises ndash et les deacutecisionsimportantes sont prises de concert Crsquoest ainsi que le dirigeant dans ses relations avec lesparties prenantes parle au nom des membres du directoire comme le ferait un porte-parole Il doit donc avant toute chose susciter le deacutebat dialoguer ecirctre agrave lrsquoeacutecoute adopterun style de direction colleacutegial et parfois renoncer agrave certains choix Crsquoest ainsi que JurgenSchrempp preacutesident du directoire de Daimler-Chrysler a ducirc faire machine arriegravere lorsqueles membres de son directoire se sont opposeacutes agrave ce que soient injecteacutes plusieurs milliardsvisant agrave remettre Mitsubishi sur de bons rails De mecircme il nrsquoa pas pu srsquoimposer contre ladeacutecision drsquoeacutevincer lrsquoun de ses proteacutegeacutes agrave la tecircte de Mercedes Wolfgang Bernhard Cedernier a en effet eacuteteacute mis en difficulteacute pour avoir tenteacute drsquoimposer des choix strateacutegiquescontraires agrave certains accords passeacutes entre le comiteacute drsquoentreprise et lrsquoeacutequipe de direction (il yavait consensus sur le fait que Mercedes continuerait de produire ses voitures en Allema-gne)Crsquoest bien parce que Jurgen Schrempp a su partager le pouvoir et obtenu lrsquoappui decertains membres de son directoire qursquoil srsquoest maintenu en place Il a notamment lesoutien de la Deutsche Bank et de lrsquoEacutetat du Koweiumlt deux actionnaires importants dugroupe ndash ils controcirclent 19 du capital Il a eacutegalement toujours bien traiteacute les membres duconseil de surveillance dont la moitieacute des siegraveges est occupeacutee par les repreacutesentants des sala-rieacutes ndash ces derniers travaillent chez Mercedes la marque forte du groupe Et cette habileteacutelui a valu de se maintenir malgreacute des deacutecisions strateacutegiques laquo hasardeuses raquo Rappelonsque lrsquoacquisition de Fokker en 1993 srsquoest soldeacutee par une perte de 22 milliards drsquoeuros et quela fusion avec Chrysler srsquoest faicircte dans la douleur

Agrave partir de LEBEAUX L laquo Influence des cultures sur les organisations Deutsche Telekom et Daimler-Chrysler raquo in KALIKA M HELFER J-P et ORSONI J

Management cas et application Vuibert 2005

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les circonstances internes (taille technologie et strateacutegie) et externes (environne-ment et culture nationale) Il nrsquoy a donc pas de structure ideacuteale mais une structureadapteacutee agrave un ensemble de caracteacuteristiques Finalement ces reacuteflexions aident lesdirections geacuteneacuterales agrave concevoir le design de leur organisation Toutefois deux criti-ques sont geacuteneacuteralement formuleacutees agrave la theacuteorie de la contingence La premiegravere souli-gne que la contingence srsquoinscrit dans une perspective deacuteterministe crsquoest-agrave-dire quelrsquoorganisation est perccedilue comme une entiteacute incapable drsquoagir sur les conditions Cettecritique vise agrave reacutehabiliter lrsquoaction volontariste des managers Pour les tenants duvolontarisme ces conditions nrsquoont pas drsquoexistence objective qui en ferait des objetsconcrets Ce sont des objets construits sur la base des interpreacutetations des acteurs Laseconde critique renvoie agrave la capaciteacute de la theacuteorie agrave assurer lrsquointeacutegration desfacteurs contextuels La theacuteorie traite de lrsquoinfluence de chaque facteur mais pas delrsquoinfluence de lrsquoensemble des facteurs Il est leacutegitime pour le dirigeant de se deman-der quelle est la forme la plus adapteacutee en fonction des caracteacuteristiques agrave la fois rela-tives agrave la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironnement et la culture Faisant leconstat de cette faiblesse certains auteurs ont deacuteveloppeacute une approche alternativeconsistant agrave combiner lrsquoensemble des facteurs

6 Lrsquoapproche configurationniste

Pour lrsquoapproche configurationniste la theacuteorie de la contingence eacutechoue sur lecritegravere de lrsquoagencement des diffeacuterents facteurs Lrsquoapproche des structures par laconfiguration tente au contraire de les inteacutegrer dans des ensembles coheacuterentsLrsquoanalyse est multidimensionnelle elle consiste agrave consideacuterer la structure commeune constellation de composantes formant une Gestalt ou un archeacutetype

Mintzberg (1982) a ainsi eacutelaboreacute une seacuterie drsquoensembles harmonieux La configu-ration se preacutesente donc comme une forme structurelle typique une combinaisondrsquoattributs organisationnels adapteacutee aux caracteacuteristiques des environnementsinterne (taille technologie pouvoirhellip) et externe (environnementhellip) Afin de bacirctircette typologie lrsquoauteur pose drsquoembleacutee que toute organisation se compose de cinqeacuteleacutements (figure 29) Le centre opeacuterationnel se compose des individus dont letravail est lieacute agrave la production des biens etou des services Le sommet strateacutegique esten charge de lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie des relations avec lrsquoenvironnement et de lasupervision des activiteacutes La ligne hieacuterarchique sert de relais entre les deux organesLa technostructure a pour rocircle de concevoir les proceacutedeacutes et meacutethodes de travail deplanifier et de controcircler les opeacuterations Enfin le support logistique a pour mission defournir les services utiles agrave la reacutealisation de lrsquoactiviteacute premiegravere de lrsquoentreprise Lacoordination entre ces organes est assureacutee par cinq meacutecanismes (vus plus haut) lrsquoajustement mutuel la supervision directe la standardisation des proceacutedeacutes detravail des reacutesultats et des qualifications

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Figure 29 mdash Les composants de la structure (Mintzberg 1982)

De lagrave Mintzberg identifie cinq configurations structurelles qursquoil qualifie delaquo combinaison theacuteoriquement coheacuterente des paramegravetres de contingence et destructure raquo Ce sont la structure simple la bureaucratie meacutecaniste la bureaucratieprofessionnelle la structure divisionnaliseacutee et lrsquoadhocratie Chacune est repreacutesenteacuteepar une figure qui en reacutevegravele les principales caracteacuteristiques quant agrave lrsquoimportance deseacuteleacutements qui la composent

La structure simple est peu eacutelaboreacutee (figure 210) Elle est organiseacutee autour dudirigeant qui prend les deacutecisions importantes et des exeacutecutants qui srsquooccupent desactiviteacutes opeacuterationnelles La technostructure la ligne hieacuterarchique et les fonctions desupport sont quasi inexistantes La supervision directe est le meacutecanisme de coordi-nation privileacutegieacute Cette structure correspond aux entreprises jeunes de petite taille agravetechnologie peu sophistiqueacutee et dont lrsquoenvironnement est simple et dynamique Surce dernier point la simpliciteacute du milieu permet au dirigeant seul de le comprendre etde le maicirctriser De mecircme le caractegravere peu formaliseacute de la structure lui confegravere desproprieacuteteacutes organiques permettant de faire face agrave la dynamique environnementaleUne PME familiale dans laquelle le fondateur et dirigeant est omnipreacutesent constitueune bonne illustration de la structure simple

Sommet Strateacutegique

Centre Opeacuterationnel

TechnostructureFonctions de

support logistique

Lignehieacuterarchique

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Les structures drsquoentreprises

Figure 210 mdash La structure simple (Mintzberg 1982)

La bureaucratie meacutecaniste (figure 211) valorise la standardisation des proceacutedeacutes dutravail pour coordonner les composants de lrsquoorganisation Le fonctionnement desuniteacutes est reacuteguleacute par une multitude de regravegles et de proceacutedures leur comportement esttregraves formaliseacute Les tacircches des opeacuterateurs sont routiniegraveres et speacutecialiseacutees La technos-tructure est donc lrsquoorgane central agrave qui incombe la responsabiliteacute de planifier letravail drsquoeacutelaborer les meacutethodes et drsquoen assurer le controcircle Cette structure est reacutegleacuteepour reacutepeacuteter les mecircmes opeacuterations En outre le fonctionnement de cette organisationdeacutepend des fonctions de support logistiques Elle est adapteacutee aux organisations degrande taille agrave technologie simple (des volumes eacuteleveacutes de produits peu diffeacuterencieacutes)et dont lrsquoenvironnement est peu complexe et stable Une preacutefecture est un bon exem-ple de bureaucratie meacutecaniste

Figure 211 mdash La bureaucratie meacutecaniste (Mintzberg 1982)

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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La bureaucratie professionnelle (figure 212) privileacutegie la standardisation desqualifications comme mode de coordination Le centre opeacuterationnel prime il estcomposeacute de speacutecialistes recruteacutes sur la base de leur expertise Ces derniers disposentdrsquoune grande autonomie dans leur travail Bien qursquoils travaillent selon des regraveglespreacutecises ils sont les seuls agrave les maicirctriser La technostructure voit donc son rocirclequasiment disparaicirctre Cette structure est aussi deacutecentraliseacutee le pouvoir de deacutecisioneacutechappe agrave la ligne hieacuterarchique Les fonctions de support logistiques bien queminces sont lagrave pour accompagner le centre opeacuterationnel La bureaucratie profes-sionnelle est particuliegraverement adapteacutee aux entreprises dont la technologie et lrsquoenvi-ronnement sont complexes Un hocircpital est un bon exemple de bureaucratieprofessionnelle

Figure 212 mdash La bureaucratie professionnelle (Mintzberg 1982)

La structure divisionnaliseacutee (figure 213) privileacutegie la standardisation des reacutesultatscomme mode de coordination Chaque division se voit doteacutee drsquoune autonomie dansla reacutealisation de ses missions Le pouvoir y est donc deacutecentraliseacute car le sommet stra-teacutegique se contente de controcircler leur performance et nrsquointervient pas ou peu dans lagestion courante Le centre opeacuterationnel se compose de petites structures autonomesayant leur propre fonctionnement Cette structure se justifie lorsque les environne-ments dans lesquels eacutevoluent les divisions sont tregraves speacutecifiques Les groupes dont lesactiviteacutes sont diversifieacutees adoptent des structures de ce type

Figure 213 mdash La structure divisionnaliseacutee (Mintzberg 1982)

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Les structures drsquoentreprises

Lrsquoadhocratie (figure 214) est la structure des organisations innovantes La missiondrsquoinnovation suppose de coordonner une varieacuteteacute drsquoexpertises situeacutees dans lrsquoensem-ble de la structure Pour cela lrsquoadhocratie valorise lrsquoajustement mutuel et valorise lecentre opeacuterationnel Mintzberg eacutevoque lrsquoadhocratie opeacuterationnelle lorsque lrsquoentre-prise reacuteunit des expertises au profit de projets reacutealiseacutes pour le compte de clients Ilparle drsquoadhocratie administrative lorsque lrsquoentreprise entreprend des projets degrande ampleur pour son propre compte Cette structure est particuliegraverement adapteacutee

Repegraveres Diversification conglomeacuterale et struc-ture divisionnaliseacutee chez Virgin

Le groupe Virgin est une entreprise britannique preacutesente dans des activiteacutes aussi diversesque la teacuteleacutephonie mobile le transport aeacuterien le soda la banque et lrsquoassurance et plusreacutecemment le tourisme spatialhellip Au total Virgin compte 63 activiteacutes Agrave lrsquoorigine Virgin estune entreprise de vente de disques par correspondance qui srsquoest progressivement deacutevelop-peacutee dans lrsquoeacutedition et la distribution musicale Les diversifications vers des activiteacutes si eacuteloi-gneacutees du meacutetier drsquoorigine sont fondamentalement lieacutees agrave la personnaliteacute de sonfondateur Richard Branson Homme de deacutefi il estime que Virgin a vocation agrave se deacutevelop-per dans nrsquoimporte quelles industries Eacutevoquant la creacuteation de Virgin Fuels une entreprisefabricant des carburants agrave base drsquoeacutethanol il dit que laquo Virgin est une entreprise assez inha-bituelle nous allons vers des industries dans lesquelles nous ne savons rien et danslesquelles nous nous immergeons raquo De ce fait Branson estime que Virgin a vocation agraveeacutebranler les marcheacutes institutionnaliseacutes crsquoest-agrave-dire laquo des secteurs empacircteacutes et vaniteux raquodomineacutes par quelques concurrents qui ne creacuteent pas assez de valeur pour leurs clientsPour porter sa croissance Virgin a adopteacute un mode de deacuteveloppement particulier Laplupart des diversifications donnent lieu agrave la creacuteation drsquoune co-entreprise dans laquelleVirgin apporte son actif principal la marque La majoriteacute du capital est alors deacutetenue parles partenaires financiers Le groupe est ainsi compareacute agrave un Keiretsu japonais La structurerassemble des uniteacutes autonomes dirigeacutees par des eacutequipes indeacutependantes nrsquoayant encommun que leur marque Chaque activiteacute est eacutegalement isoleacutee des autres ce qui empecirc-che un creacuteancier drsquoune filiale drsquoavoir les moindres droits sur une autre Le groupe Virginpreacutesente une autre particulariteacute il nrsquoest pas cocircteacute en Bourse Richard Branson estime eneffet que les obligations des socieacuteteacutes coteacutees en bourse (profit agrave court terme communica-tion aupregraves des analystes financiers actionnaires et gestionnaires de fondhellip) ne permet-tent pas le deacuteveloppement de lrsquoentreprise En revanche un conglomeacuterat non coteacute permetaux proprieacutetaires de pouvoir reacuteinvestir les profits en vue drsquoassurer le succegraves agrave long termedes activiteacutes En outre les managers des filiales disposent drsquoune grande liberteacute drsquoactions le pouvoir de deacutecision est totalement deacutecentraliseacuteBranson qualifiait Virgin drsquoune laquo socieacuteteacute de capital risque avec une marque raquo Avec sa garderapprocheacutee drsquoune trentaine de personnes Branson eacutetudie ainsi pregraves de cinquante proposi-tions drsquoinvestissement par semaine Lrsquoeacutevaluation drsquoune opportuniteacute se fait selon les critegraveresde globaliteacute de renforcement de la marque et de retour sur investissement

Agrave partir de laquo Virgin un conglomeacuterat coheacuterent raquo in JOHNSON G SCHOLES KWHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

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lorsque la technologie est complexe et lrsquoenvironnement dynamique Les cabinets deconseil adoptent ce type de structure

Figure 214 mdash Lrsquoadhocratie (Mintzberg 1982)

Les diffeacuterentes configurations structurelles tentent de conjoindre les facteurs decontingence et les paramegravetres de structuration pour faire eacutemerger des ensemblesharmonieux La logique configurationniste montre clairement lrsquoabsence drsquoune struc-ture ideacuteale au profit de formes adapteacutees agrave des circonstances internes et externes

LrsquoessentielLe second chapitre a poseacute les bases de lrsquoanalyse et de la conception de la structure desorganisations Celles-ci se fondent sur quatre paramegravetres essentiels que sont la speacutecialisa-tion la coordination la formalisation et la centralisation Leur combinaison fait eacutemergerdeux structures dominantes les formes meacutecaniste et organique En regard de la theacuteorie dela diffeacuterenciation-inteacutegration ces formes doivent coexister au sein drsquoune mecircme organisa-tion pour garantir son efficaciteacute Une analyse plus fouilleacutee a permis drsquoidentifier une diver-siteacute plus grande de structures drsquoentreprises (fonctionnelle divisionnelle matricielle enreacuteseau et par projet) Enfin il a eacuteteacute mis en eacutevidence lrsquoinexistence drsquoune structure ideacutealesupeacuterieure agrave toutes les autres Lrsquoefficaciteacute drsquoune structure deacutepend au contraire selonlrsquoapproche de la theacuteorie de la contingence de lrsquoadeacutequation entre ses caracteacuteristiques et unensemble de critegraveres (la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironnement et la culturenationale) La combinaison de lrsquoensemble des critegraveres au sein de configurations types estreacutealiseacutee par Mintzberg (1982) Elle conduit agrave identifier cinq configurations structurelles (lastructure simple la bureaucratie meacutecaniste la bureaucratie professionnelle la structuredivisionnaliseacutee et lrsquoadhocratie)Pourtant si la structuration de lrsquoentreprise a une influence majeure sur son fonctionnementet son efficaciteacute ses membres jouent un rocircle significatif Ils deacuteterminent la reacuteussite deschoix strateacutegiques et opeacuterationnels en eacutetant les acteurs de leur mise en œuvre Ils ne sontpas des objets passifs et soumis agrave leur direction mais des sujets libres capables drsquoexercerune influence positive ou neacutegative sur la performance de lrsquoentreprise Pour cette raison lemanager dirigeant et les managers intermeacutediaires doivent comprendre les ressorts descomportements des individus dans les organisations Ils seront alors plus agrave mecircme de geacutererles aspects humains de lrsquoentreprise Ces points sont deacuteveloppeacutes dans le chapitre suivant

3Chapitre

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ans lrsquoentreprise le rocircle drsquoun manager dirigeant comme drsquoun manager inter-meacutediaire ne consiste pas qursquoagrave fixer des objectifs coordonner le travail et en

controcircler lrsquoexeacutecution Il doit avant toute chose geacuterer des individus Pour cela il cher-che agrave influencer leur comportement Il tente drsquoagir sur leur engagement leur motiva-tion et leur adheacutesion aux valeurs et aux objectifs de lrsquoentreprise Cette mission estsouvent complexe parce que les individus sont des ecirctres libres et autonomes ilsnrsquoacceptent jamais drsquoecirctre les instruments de lrsquoentreprise Eacutegalement ces personnessont speacutecifiques elles ont un parcours et une histoire particuliegraveres partagent desvaleurs diffeacuterentes nrsquoont pas la mecircme formation les mecircmes responsabiliteacutes ni lesmecircmes objectifs professionnelshellip En un mot le corps social drsquoune entreprise esttregraves heacuteteacuterogegravene ce qui accroicirct le risque de conflit et les difficulteacutes manageacuteriales

La liberteacute et la diversiteacute sociale creacuteent une incertitude interne forte Le managerdoit srsquoefforcer drsquoen tenir compte Lrsquoefficaciteacute de son management deacutepend donc de sacapaciteacute agrave comprendre le comportement des individus et agrave en expliquer les manifes-tations Nous verrons dans ce chapitre les facettes essentielles du comportementhumain au travail ainsi que les theacuteories qui les sous-tendent La premiegravere section luiest deacutedieacutee Ces fondements conceptuels fournissent au manager des leviers drsquoactionpour geacuterer les personnes Nous les analysons dans une seconde section

Section 1 Les comportements humains dans lrsquoorganisationSection 2 Le management des personnes

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Les comportements humains et le management des hommes

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LES COMPORTEMENTS HUMAINS DANS LrsquoORGANISATION

Le comportement humain varie en fonction de lrsquoenvironnement social dans lequelse trouve lrsquoindividu En famille il ne se comporte pas exactement comme en entre-prise bien qursquoil srsquoagisse de la mecircme personne Pour cette raison srsquoest deacuteveloppeacuteedans le domaine du management une discipline particuliegravere qui puise ses connais-sances dans les diffeacuterentes sciences humaines (sociologie psychologie ethnologiephilosophiehellip) Lrsquoobservation et lrsquoanalyse des comportements individuels et collec-tifs dans le contexte speacutecifique des entreprises et plus largement des organisations(syndicats associations eacutetablissements drsquoenseignementhellip) srsquoappellent lrsquoOrganiza-tional Behavior (OB) Crsquoest agrave cette discipline que nous nous reacutefeacuterons pour traiter lesthegravemes de la motivation et de lrsquoimplication des jeux de pouvoir des situations destress de la coopeacuteration interindividuelle et enfin de lrsquoinfluence du groupe

1 La motivation et lrsquoimplication

La motivation est le thegraveme favori des dirigeants Face aux problegravemes humainsrencontreacutes dans leur entreprise ces derniers eacutevoquent souvent le manque de motiva-tion de leur personnel Selon leur dire la motivation serait un trait de personnaliteacute etdonc un pheacutenomegravene assez stable dans le temps Derriegravere ces propos se cache unemeacuteconnaissance de la motivation En effet personne ne naicirct pas motiveacute ou deacutemotiveacute(ce serait une approche inneacuteiste de la nature humaine) Les individus sont tous moti-veacutes mais pas de la mecircme maniegravere et pas par les mecircmes choses En drsquoautres termesla motivation varie drsquoun individu agrave lrsquoautre et pour un mecircme individu drsquoune peacuteriodeagrave lrsquoautre drsquoune mission agrave lrsquoautre drsquoun contexte agrave lrsquoautrehellip Ainsi une assistante dedirection peut ecirctre motiveacutee par lrsquoorganisation drsquoun congregraves parce qursquoelle y voit lesigne drsquoune reconnaissance par sa direction qursquoelle travaille en totale autonomie etqursquoelle voit ses responsabiliteacutes srsquoeacutetendre Mais elle sera peut-ecirctre moins encline agravefaire du classement de dossiers et agrave geacuterer lrsquoagenda de son directeur parce qursquoelleestime ces tacircches peu valorisantes et terriblement fastidieuses

De tregraves nombreuses deacutefinitions de la motivation ont eacuteteacute proposeacutees Nous propo-sons de retenir que la motivation est lrsquoensemble des eacutenergies qui sous-tendentlrsquoorientation (nature de lrsquoeffort) la persistance (dureacutee de lrsquoeffort) et lrsquointensiteacute(quantiteacute drsquoeacutenergie deacuteployeacutee) des efforts qursquoun individu consacre agrave son travail Lamotivation pourrait donc expliquer les performances exceptionnelles de certainssalarieacutes au travail La question est deacutesormais de mieux comprendre ce qui deacuteterminela motivation drsquoun individu Comment naicirct-elle Comment se deacuteveloppe-t-elle Deux approches theacuteoriques sont geacuteneacuteralement preacutesenteacutees pour comprendre les sour-ces de la motivation Ce sont les theacuteories du contenu et du processus

Section 1

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11 Les theacuteories du contenu

Pour les tenants de cette approche la motivation est deacutetermineacutee par la satisfactionde besoins Le plus embleacutematique repreacutesentant de ces theacuteories est Maslow (1943)Lrsquoauteur propose une hieacuterarchie universelle des besoins humains Le premier niveauconcerne les besoins physiologiques (se nourrir se reproduirehellip) Le second sereacutefegravere aux besoins de seacutecuriteacute (se vecirctir avoir un toithellip) Le troisiegraveme renvoie auxbesoins drsquoappartenance (ecirctre membre drsquoun groupe) Le quatriegraveme concerne lesbesoins drsquoestime de soi (la reconnaissance par les autres) Enfin le dernier porte surlrsquoautoreacutealisation (faire quelque chose de sa vie) Selon Maslow un besoin nesrsquoexprime que lorsque le besoin de niveau infeacuterieur est satisfait Crsquoest le principe desaturation successive Selon cette theacuteorie le manager doit identifier les besoins noncombleacutes et agir sur ce levier pour obtenir la motivation des employeacutes Et lorsque cebesoin sera satisfait le manager devra agir sur le besoin de niveau supeacuterieur

Cette grille drsquoanalyse des motivations connaicirct encore aujourdrsquohui un reacuteel succegravesprobablement gracircce agrave sa simpliciteacute On peut neacuteanmoins lui reprocher une vision tropmeacutecaniste (et universelle) de la motivation En drsquoautres termes les individus ne sontpas sensibles aux mecircmes besoins et cette sensibiliteacute varie en fonction des eacutetapes dela carriegravere professionnelle de la situation familialehellip

Dans le prolongement de Maslow Herzberg (1966) a deacuteveloppeacute la theacuteorie bifacto-rielle Lrsquoauteur propose une distinction quant agrave la nature des besoins et agrave leurs effetssur lrsquoindividu Il existe selon lui des facteurs drsquohygiegravene (relatifs agrave lrsquoenvironnementde travail comme le salaire la politique de lrsquoentreprise la qualiteacute de lrsquoencadrementles relations avec les pairshellip) et des facteurs moteurs (relatifs au travail lui-mecircmecomme le contenu des tacircches les responsabiliteacutes lrsquoautonomie lrsquoavancementhellip) Lasatisfaction des facteurs drsquohygiegravene nrsquoengendre pas la motivation elle provoqueuniquement des sentiments positifs agrave lrsquoeacutegard de la situation de travail Pour Herz-berg seule la satisfaction des facteurs moteurs entraicircne la motivation Pour la stimu-ler le levier drsquoaction du manager est le contenu intrinsegraveque du travail Herzbergdisait drsquoailleurs laquo Si vous voulez que les gens fassent du bon travail donnez-leurun bon travail agrave faire raquo Drsquoautres auteurs comme Alderfer (theacuteorie ERD) etMc Celland (theacuteorie des besoins acquis) ont contribueacute agrave enrichir les theacuteories ducontenu Leurs contributions sont toutefois tregraves inspireacutees des travaux de Maslow etHerzberg

Au plan manageacuterial cette approche de la motivation preacuteconise la satisfaction desbesoins humains afin de deacuteclencher la motivation des individus Cela peut se traduirepar des programmes drsquoenrichissement des tacircches des incitations financiegraveres desresponsabiliteacutes accrues des reconnaissances reacuteguliegraveres (sous forme de feed-backhellip) lrsquoameacutelioration des conditions de travail la participation agrave des groupes dereacuteflexions une politique de formation et de promotion intensivehellip

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Repegraveres Le programme de motivation chez LeviStrauss

Levi Strauss amp Co est une entreprise ameacutericaine acircgeacutee de plus de 150 ans et proprieacutetaire delrsquoune des marques les prestigieuses au monde Preacutesente dans plus de 110 pays etemployant environ 10 000 personnes ses produits sont vendus dans le monde entiersous les marques Levirsquos Dockers et Levi Strauss Signature Fondeacutee en 1853 par un immi-grant bavarois appeleacute Levi Strauss ce nrsquoest qursquoen 1873 avec un tailleur du Nevada appeleacuteJacob Davis que cet entrepreneur a deacuteposeacute le brevet consistant agrave mettre des rivets dans lespantalons pour les rendre plus reacutesistants Ainsi est neacute le premier jean du mondeNeacuteanmoins Levi Strauss nrsquoest pas seulement connu pour ses jeans Lrsquoentreprise a la reacuteputa-tion drsquoecirctre socialement engageacutee et soucieuse de ses employeacutes Aujourdrsquohui lrsquoentreprise estcontrocircleacutee par les descendants de la famille de Levi Strauss et est dirigeacutee par John AndersonMais crsquoest sous la direction de lrsquoancien PDG Robert D Haas un membre de la familleStrauss que les valeurs de lrsquoentreprise ont eacuteteacute le plus fortement insuffleacutees dans lrsquoorganisa-tion contribuant agrave instaurer des conditions de travail propices agrave la motivation desemployeacutesDurant les anneacutees 1970 et 1980 la strateacutegie de lrsquoentreprise mettait lrsquoaccent sur la diversifi-cation Il fallait acqueacuterir de nouvelles compagnies et creacuteer de nouvelles marques SelonHaas agrave cette eacutepoque le personnel faisait ce qursquoil devait mais la motivation nrsquoeacutetait pas aurendez-vous La direction a alors commenceacute agrave mieux eacutecouter ses fournisseurs ses consom-mateurs et ses employeacutes Cela a abouti agrave une redeacutefinition de leur strateacutegie et agrave un recen-trage sur des produits phares En outre pour permettre aux salarieacutes de mieux cerner lesvaleurs de lrsquoentreprise Haas a initieacute la creacuteation du Levi Strauss Aspiration Statements Cettedeacuteclaration preacutesente une seacuterie de valeurs partageacutees qui guident les actions de la directionet des employeacutes vers la construction de leur avenir et celui de lrsquoentreprise Crsquoest agrave traverscette deacuteclaration que Levirsquos affirme que ses employeacutes seront fiers et engageacutes gracircce agravelrsquoopportuniteacute qui leur est donneacutee de contribuer apprendre grandir et avancer par leurmeacuterite De cette faccedilon Haas voulait que ses employeacutes se sentent respecteacutes et eacutecouteacutes etsoient traiteacutes de faccedilon honnecircte Le PDG visait avant tout la satisfaction de ses salarieacutes enleur permettant drsquoeacutequilibrer vie personnelle et vie professionnelle Cette deacuteclaration expli-que eacutegalement comment transformer ces valeurs et aspirations en reacutealiteacute Par exemple ladeacuteclaration procircne une main-drsquoœuvre diversifieacutee la reconnaissance des contributions indi-viduelles et collectives et le respect drsquoun comportement eacutethique La deacuteclaration met aussilrsquoaccent sur lrsquoempowerment par lequel la prise de deacutecisions revient au collaborateur qui estle plus proche du produit et du consommateur Haas souligne drsquoailleurs que lrsquoapproche ducontrocircle et de la hieacuterarchique traditionnelle nrsquoest plus efficace aujourdrsquohui Lrsquoenvironne-ment actuel impose de changer rapidement et lrsquoempowerment permet drsquoanticiper et dereacutepondre adeacutequatement aux modifications des besoins des consommateurs et aux chan-gements du marcheacute Selon lui laquo les personnes doivent prendre des responsabiliteacutes exercerleur sens de lrsquoinitiative et ecirctre responsable de leurs propres succegraves raquo

Agrave partir de wwwlevistrausscom et BARTOL K M et MARTIN D C laquo Aspiration Motivateat Levi Strauss raquo Management Eacutedition Irwin McGraw-Hill 2000

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Neacuteanmoins les theacuteories du contenu souffrent drsquoune lacune seacuterieuse elles appro-chent la motivation sous lrsquoangle exclusif de ce qui motive (le quoi) et eacutevacuent lamaniegravere dont se deacuteroule le processus (le comment) Ce que deacuteveloppent les theacuteoriesdu processus

12 Les theacuteories du processus

En se concentrant sur la question de savoir comment se deacuteploie la motivation lestheacuteories du processus montrent qursquoelle fluctue constamment elle est en perpeacutetuelrenouvellement En effet selon Vroom (1964) auteur de la theacuteorie des attenteslrsquoindividu ajuste agrave chaque choix ses efforts en fonction drsquoun calcul Preacuteciseacutement samotivation deacutepend de la conviction que les efforts deacuteployeacutes dans lrsquoexeacutecution drsquounetacircche se traduiront en un niveau donneacute de performance (les attentes) que la reacutecom-pense sera proportionnelle au rendement donneacute (lrsquoinstrumentaliteacute) et de la valeuraccordeacutee agrave la reacutecompense (la valence) En drsquoautres termes la motivation est influen-ceacutee par la combinaison dynamique de trois facteurs les attentes lrsquoinstrumentaliteacute etla valence Elle correspond donc agrave lrsquoeacutequation (M = A x I x V) Si lrsquoune de ces troisvariables tend vers zeacutero la motivation deacutecroicirct en conseacutequence

Drsquoun point de vue manageacuterial cette approche souligne en premier lieu la neacutecessiteacutede seacutelectionner des individus compeacutetents pour une mission donneacutee de les former deleur fournir les moyens neacutecessaires agrave sa reacutealisation et de leur fixer des objectifsclairs Ces eacuteleacutements permettent alors aux individus de satisfaire au premier critegravere(les attentes) Ensuite srsquoagissant de lrsquoinstrumentaliteacute les managers doivent eacutenonceravec preacutecision les reacutecompenses associeacutees agrave lrsquoatteinte des objectifs et agrave les ajuster enfonction des rendements obtenus Enfin concernant la valence les managersdevront ecirctre attentifs aux besoins effectifs des collaborateurs afin de deacuteterminer lareacutecompense en fonction de ces besoins

Les theacuteories du processus dont la plus repreacutesentative est celle de Vroom souli-gnent plus que ne le font les theacuteories du contenu le caractegravere individuel (propre agravechacun) de la motivation En conseacutequence il faut souligner comme le fait Theacutevenet(1992) lrsquoinfluence toute relative de lrsquoaction de motiver Drsquoune part il est difficiledans une entreprise compte tenu de la contrainte drsquoeacutequiteacute de concevoir des reacutecom-penses adapteacutees agrave chaque individu Et drsquoautre part il conviendrait drsquoeacutetablir le profilmotivationnel des acteurs pour influencer leur motivation Finalement les managersne motivent pas les individus ceux-ci se motivent seuls Ils sont seuls maicirctres deleurs actions Le travail des managers doit alors ecirctre orienteacute vers la creacuteation desconditions propices qui permettront aux individus de trouver en eux les ressorts deleur motivation Car finalement la motivation srsquointeacuteresse aux relations entre unemission une tacircche speacutecifique et lrsquoindividu et pas veacuteritablement aux liens entrelrsquoindividu et lrsquoorganisation et entre lrsquoindividu et son travail au sens large

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13 Lrsquoimplication

Ce sont ces relations qursquoexplore le concept drsquoimplication Ainsi lorsque les mana-gers disent rechercher des collaborateurs motiveacutes en reacutealiteacute ils souhaitent recruter ettravailler avec des individus impliqueacutes Lrsquoimplication apparaicirct en effet comme untrait de personnaliteacute elle se deacutefinit comme lrsquoidentification du salarieacute agrave son travailetou agrave son entreprise Theacutevenet (2002) preacutecise que lrsquoimplication prend en fait cinqformes principales La premiegravere facette de lrsquoimplication concerne la valeur travail (letravail est en soi une expeacuterience comparable agrave celles que procurent la vie de familleles loisirshellip) La seconde facette renvoie agrave lrsquoenvironnement de travail et concerne lesrelations professionnelles de proximiteacute (le cadre de travail comme lrsquoeacutequipe danslequel eacutevolue la personne est source drsquoimplication) La troisiegraveme forme de lrsquoimplica-tion correspond au produit ou agrave lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise (certains secteurs confegraverentune visibiliteacute sociale aux individus et sont consideacutereacutes comme nobles agrave leurs yeux)La quatriegraveme forme concerne le meacutetier agrave proprement parler (certaines professions etlrsquoexpertise qui leur est associeacutee sont sources drsquoimplication) Enfin lrsquoentreprisecompte tenu de ses valeurs de ses codes de ses missions de sa culturehellip constitueune ultime facette de lrsquoimplication

Lrsquoimplication reflegravete donc la place qursquooccupe la vie professionnelle par rapportaux autres sphegraveres de la vie (comme la famille) et se traduit par lrsquoacceptation desbuts et valeurs de lrsquoorganisation par la volonteacute drsquoy exercer des efforts consideacuterableset par une forte intention de continuer agrave y appartenir Crsquoest ainsi qursquoun individuimpliqueacute consacre beaucoup drsquoeacutenergie agrave son travail passe beaucoup de temps dansson entreprise srsquoinvestit parfois au point drsquoen souffrirhellip

Au niveau manageacuterial comme pour la motivation les individus sont maicirctres deleur comportement Theacutevenet (2002) souligne ainsi agrave quel point lrsquoimplication despersonnes trouve son origine dans leur trajectoire personnelle Les ressorts profon-deacutement individuels de lrsquoimplication font qursquoil est illusoire de vouloir la creacuteer et qursquoilest plus reacutealiste de creacuteer des conditions favorables agrave son expression Theacutevenet (2002)suggegravere trois conditions que les managers doivent reacuteunir Tout drsquoabord les politi-ques de management doivent ecirctre connues des personnes afin qursquoils comprennent ceqursquoils font et la maniegravere dont ils contribuent agrave faire avancer lrsquoentreprise Les salarieacutesdoivent donc connaicirctre quelles sont les strateacutegies en place quelles en sont les finali-teacutes et quel est le sens de leur action Ensuite les individus ne sont agrave mecircme desrsquoimpliquer que si lrsquoentreprise srsquoimplique vis-agrave-vis drsquoeux Les politiques de manage-ment doivent donc faire parvenir aux salarieacutes des signaux drsquoengagement reacuteciproqueCela passe par des reacutetributions financiegraveres mais eacutegalement par des signes de recon-naissance des informations sur le travail accomplihellip Enfin lrsquoentreprise doit permet-tre aux individus de rester maicirctre de leur destin drsquoeacuteprouver un sentiment de controcirclefort sur leurs actes et leurs deacutecisionshellip Pour autant si lrsquoimplication drsquoun individuquelle qursquoen soit la forme (cf les cinq formes) est proche de zeacutero mecircme des condi-tions exceptionnelles ne suffiront pas agrave pour qursquoil srsquoimplique davantage

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Les comportements humains et le management des hommes

Repegraveres Kaka ne quitte pas lrsquoAC Milan

Le club de football italien lrsquoAC Milan a eacuteteacute fondeacute en 1899 sous le nom de Milan Cricket andFootball Club Mais le football est devenu la mission principale et le terme laquo Cricket raquo futretireacute du nom Dans les anneacutees 1940 lrsquoeacutequipe a pris le nom deacutefinitif drsquoAssociazione CalcioMilan Mais ce nrsquoest que la deacutecennie suivante que lrsquoeacutequipe a acquis sa notorieacuteteacute gracircce agrave laparticipation de grands noms du football comme Liedhol Gren et Nordahl Lrsquohistoire decette eacutequipe est ainsi faite de succegraves et drsquoeacutechecs Toutefois depuis son rachat par SilvioBerlusconi la notorieacuteteacute et les performances du club nrsquoont cesseacute de progresser Il estdrsquoailleurs consideacutereacute comme celui qui a bacircti lrsquoune des eacutequipes les plus prospegraveres du footballinternationalCrsquoest agrave lrsquoAC Milan qursquoeacutevolue lrsquoun des joueurs les plus connus et payeacutes au monde Kaka unjoueur breacutesilien vendu au Milan en 2003 par une eacutequipe de football breacutesilienne le SatildeoPaulo Futebol Clube Kaka est un joueur de renommeacutee mondiale sa technique horsnorme et sa personnaliteacute tranquille et religieuse le distinguent de la plupart des joueurs defootball Kaka est natif de Brasiacutelia et a eacuteteacute eacuteleveacute dans un milieu aiseacute (son pegravere est ingeacutenieuret sa megravere enseignante) Contrairement au steacutereacuteotype du joueur breacutesilien qui a grandidans les quartiers difficiles sa reacuteussite nrsquoa pas changeacute son style de vie Il megravene une viedrsquoascegravete et fuit les mondaniteacutes Sa carriegravere est ponctueacutee de nombreuses victoires notam-ment la Coupe du Monde et la Super Coupe de 2002 le Championnat drsquoItalie en 2004 laSuper Coupe drsquoEurope en 2003 et en 2007 la Ligue des Champions en 2007 En 2007 il areccedilu la reconnaissance suprecircme le Ballon drsquoOr Organiseacute par la revue France Footballdepuis 1956 et attribueacute par un jury international composeacute de journalistes speacutecialiseacutes crsquoestlrsquoun des prix les plus significatifs et priseacutes dans le monde du footballSon prestige et ses qualiteacutes sur et hors du terrain ont susciteacute lrsquointeacuterecirct de nombreusesautres eacutequipes principalement des eacutequipes europeacuteennes Ainsi deacutebut 2008 lrsquoeacutequipeanglaise de Manchester City a offert agrave lrsquoeacutequipe italienne la somme de 150 millions drsquoeurospour recruter le joueur Cette offre est consideacutereacutee comme un record record qui appartenaitauparavant agrave Zineacutedine Zidane pour un transfert de la Juventus de Turin vers le Real deMadrid pour 75 millions drsquoeuros Contrairement aux preacuteceacutedentes fois (lrsquoAC Milan avait reccediludes offres de Chelsea ou du Real Madrid) le club a accepteacute lrsquooffre (120 millions drsquoeuros luirevenaient directement) Si Kaka acceptait agrave son tour son salaire srsquoeacutelegraveverait alors agrave550 000 euros net par semaineKaka agrave la grande surprise des supporters de lrsquoAC Milan nrsquoa pas accepteacute lrsquooffre du Manches-ter City Ces derniers ont joueacute un rocircle important dans la deacutecision du joueur ils ont exerceacuteune pression consideacuterable pour que Kaka nrsquoabandonne pas lrsquoeacutequipe Si certains journalistesfont valoir que le refus de Kaka srsquoexplique par la faible reconnaissance de lrsquoeacutequipe anglaiseface agrave lrsquoAC Milan ce qui pourrait priver le joueur des compeacutetitions les plus importantes dumonde du football Kaka eacutevoque son amour de lrsquoeacutequipe italienne et lrsquoattachement auxsupporters Apregraves cette deacutecision historique Kaka a deacuteclareacute laquo Si je dois quitter le Milan unjour ce sera parce que mes buts nrsquoauront plus la mecircme signification pour le club raquo

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Si les effets de la motivation et de lrsquoimplication sont voisins la diffeacuterence entre lesdeux concepts nrsquoest pas agrave neacutegliger La motivation la force qui pousse agrave agir est lieacuteeagrave lrsquoindividu en situation de travail tandis que lrsquoimplication deacutepend de lrsquoindividu lui-mecircme crsquoest-agrave-dire de sa personnaliteacute Lrsquoimplication guide donc lrsquoaction des indivi-dus en lui donnant une orientation ndash elle a un caractegravere stable ndash alors que la motiva-tion est une force motrice orienteacutee vers la reacutealisation drsquoune mission donneacutee ndash elle aun caractegravere ponctuel

Toutefois la motivation et lrsquoimplication nrsquoeacuteclairent pas le manager sur certainesfacettes des comportements humains En effet les individus agissent parfois auservice de leurs propres fins et ce au deacutetriment de lrsquoentreprise agrave laquelle ils appar-tiennent Les inteacuterecircts personnels prennent souvent le dessus sur les inteacuterecircts collec-tifs Lrsquoentreprise srsquoapparente alors agrave une aregravene politique dans laquelle lescomportements humains sont avant tout lrsquoexpression de jeux de pouvoir

2 Les jeux de pouvoir

Crsquoest sous lrsquoimpulsion de Crozier et Friedberg (1977) que srsquoest deacuteveloppeacuteelrsquoanalyse strateacutegique des organisations Cette eacutecole se fonde sur trois postulats Toutdrsquoabord les individus nrsquoacceptent jamais drsquoecirctre traiteacutes comme des moyens auservice des buts des organisateurs Ils ont leurs propres objectifs qui peuvent diver-ger de ceux des managers Ensuite les organisations ne sont pas des systegravemes sansfaille Les individus disposent drsquoune liberteacute qursquoils peuvent (ou non) exploiter Enfinles acteurs sont rationnels mais cette rationaliteacute est limiteacutee par leurs valeurs person-nelles leurs preacutefeacuterences et les contraintes du systegraveme (temps et informations dispo-nibleshellip) Il en reacutesulte que leurs deacutecisions ne sont jamais optimales Lrsquoindividuchoisit lrsquooption la plus satisfaisante pour lui

Agrave partir de ces trois postulats les auteurs soulignent que les individus quelle quesoit leur position hieacuterarchique cherchent agrave deacutefendre etou faire valoir leurs inteacuterecirctspersonnels (meilleurs revenus position sociale plus eacuteleveacutee plusmoins de responsa-biliteacutes autonomie horaires plus commodes meilleur confort de travailhellip) Pourcela ils deacuteveloppent une strateacutegie qui leur est propre (elle est le reacutesultat de la ratio-naliteacute limiteacutee) se comportent en acteurs et utilisent lrsquoorganisation commelaquo carburant raquo au service de leurs objectifs On distingue ainsi deux strateacutegies geacuteneacuteri-ques Une strateacutegie offensive consiste pour un acteur agrave tenter de contraindre lesautres membres de lrsquoorganisation pour satisfaire ses propres objectifs Une strateacutegiedeacutefensive consiste a contrario agrave tenter drsquoeacutechapper agrave ces contraintes en vue de proteacute-ger ses propres marges de liberteacute et de manœuvre Le deacuteploiement des strateacutegiesdeacutepend du pouvoir que les acteurs sont parvenus agrave se constituer

Pour cette approche le pouvoir nrsquoest pas lieacute agrave la position hieacuterarchique Lrsquoouvrierau plus bas de la chaicircne peut srsquoecirctre constitueacute un pouvoir (par exemple il peut fairebien ou mal une piegravece gracircce agrave un reacuteglage speacutecifique qursquoil est peut-ecirctre le seul agraveconnaicirctre) Pour Crozier et Friedberg (1977) le pouvoir provient de la possibiliteacute de

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maicirctriser les zones drsquoincertitude En effet toutes les situations drsquoorganisation secaracteacuterisent par un degreacute drsquoincertitude Ces incertitudes peuvent provenir de turbu-lences environnementales (changement des techniques de production ou de commu-nication eacutevolution des marcheacutes recrutement de nouveaux membreshellip) Il existeainsi toujours des zones floues dans les organisations que certains acteurs peuventcontrocircler les incertitudes constituant finalement pour les acteurs des opportuniteacutes oudes contraintes

La possibiliteacute de maicirctriser les zones drsquoincertitudes deacutecoule de quatre sourcesappeleacutees les sources de pouvoir Tout drsquoabord la possession drsquoune compeacutetence oudrsquoune speacutecialisation fonctionnelle difficilement remplaccedilable permet de combler uneincertitude organisationnelle crsquoest-agrave-dire de reacutesoudre des problegravemes cruciaux pourles organisations Ensuite la maicirctrise des relations avec lrsquoenvironnement permet decontrocircler les incertitudes externes (marcheacute clientshellip) En effet lrsquoenvironnementprocure des ressources indispensables agrave la peacuterenniteacute drsquoune entreprise Eacutegalement lapossession drsquoinformations et drsquoun reacuteseau de communication permet drsquoexploiter et detransmettre lrsquoinformation de maniegravere strateacutegique Cela nrsquoest pas sans conseacutequencesur la capaciteacute drsquoinfleacutechissement de deacutecisions importantes Enfin la connaissancedes regravegles organisationnelles permet de srsquoinseacuterer plus habilement dans le systegraveme etde lrsquoinfluencer Par exemple les regravegles drsquoavancement dans la fonction publique nevisent pas seulement agrave lutter contre lrsquoarbitraire des supeacuterieurs elles servent ceux quiles ont apprises et en ont fait lrsquoexpeacuterience car ils peuvent les utiliser mieux que ceuxqui les connaissent moins

Cependant malgreacute la maicirctrise des sources de pouvoir les strateacutegies des individuspeuvent srsquoaveacuterer insuffisantesinefficaces pour atteindre leurs objectifs En effet lesystegraveme organisationnel est porteur de contraintes les individus luttent pour laconquecircte du pouvoir car les ressources ne sont pas infinies Les acteurs vont doncsrsquoaffronter chercher des appuis et seacuteduire Les autres acteurs pourront alors consti-tuer des allieacutes de circonstance qui verront eux-mecircmes une opportuniteacute de servir leurpropre inteacuterecirct Ainsi se font et se deacutefont les alliances au greacute des objectifs respectifset des mouvements de lrsquoorganisation Le pouvoir joue donc le rocircle de reacutegulateur etdrsquoarbitre des strateacutegies Il convient de parler de jeux de pouvoir ou de jeux pour laconquecircte du pouvoir Et ces jeux peuvent se manifester de diverses faccedilons (la seacuteduc-tion la reacutetention drsquoinformations lrsquoomnipreacutesencehellip)

Dans cette perspective le pouvoir est donc bien la capaciteacute de A drsquoobtenir quedans sa relation avec B les termes de lrsquoeacutechange lui soient profitables Le pouvoirnrsquoest donc pas un attribut il est une relation Car si A peut contraindre B agrave agir Bpeut exeacutecuter cette action de multiples maniegraveres Il peut obeacuteir avec zegravele ou en traicirc-nant les pieds mettre lrsquoaccent sur tel aspect de sa mission plutocirct que sur tel autrePlus preacuteciseacutement une relation de pouvoir se caracteacuterise de trois faccedilons Il srsquoagitdrsquoune relation de deacutependance car A a du pouvoir sur B si B a besoin de A pour attein-dre ses objectifs de reacuteciprociteacute car A a du pouvoir sur B mais B a aussi du pouvoirsur A (puisqursquoil peut permettre agrave A drsquoatteindre ses objectifs) et drsquoune relation deacuteseacute-

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quilibreacutee car le pouvoir de A sur B peut ecirctre supeacuterieur agrave celui de B sur A (les cartesen main varient pour le jeu dans lrsquoorganisation)

Repegraveres Les jeux de pouvoir dans les projets desystegravemes drsquoessais

Un systegraveme drsquoessai cherche agrave reproduire les conditions drsquoutilisation reacuteelles des composantsdrsquoun veacutehicule par les clients Ainsi lrsquoeacutetude drsquoun composant (appeleacute speacutecimen) consiste agrave luifaire subir des sollicitations au sein drsquoun environnement qui simule les pires conditionsdrsquoutilisation du veacutehicule (pluie tropicale route paveacuteehellip) Chez Renault les systegravemes drsquoessaissont conccedilus maintenus et deacuteveloppeacutes par un deacutepartement composeacute de 160 personnes lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais (ISE)Sur un plan opeacuterationnel lrsquoISE doit deacutefinir et deacuteployer une strateacutegie des systegravemes drsquoessaispermettant de reacutepondre agrave la strateacutegie produit en termes de validation des prestationsattendues Dans cette optique la conception et lrsquoeacutevolution des systegravemes drsquoessais sontdeacuteterminantes Drsquoune part il faut anticiper les systegravemes drsquoessais agrave faire eacutevoluer ou agrave deacuteve-lopper compte tenu des capacitaires actuels des besoins en essais exprimeacutes par les clientsinternes et des eacutevolutions produits (veacutehicules hybrides moteur hydrogegravenehellip) en vuedrsquoassurer une coheacuterence des systegravemes drsquoessais Drsquoautre part il faut deacutevelopper les systegrave-mes drsquoessais dans le respect des critegraveres de qualiteacute de coucircts et de deacutelais (QCD)Lrsquoefficaciteacute des projets deacutepend du niveau de coopeacuteration entre les participants En effet lesphases du projet allant de sa naissance jusqursquoagrave sa mise en œuvre et son eacutevaluation sontassureacutees de faccedilon quasi-simultaneacutee par les diffeacuterents acteurs Et cela doit permettre deprofiter des expertises et des expeacuteriences multiples pour ameacuteliorer la gestion du projetPrenons un exemple la deacutetermination des solutions techniques exige une coopeacuterationentre les diffeacuterents acteurs afin drsquoassurer la qualiteacute technique la conformiteacute aux besoinsactuels et futurs (lrsquoeacutevolutiviteacute) la maintenabiliteacute du moyen drsquoessais et le respect des coucirctsinheacuterents agrave des choix techniques La mobilisation des diffeacuterentes expertises srsquoavegraverecruciale le chef de projet mobilise son expeacuterience pour eacutevaluer la qualiteacute de la solutiontechnique en termes de reacutesultats attendus (fonctionnement du banc et reacuteponse auxbesoins du client interne) le maintenancier apporte son analyse des problegravemes rencontreacutesdans lrsquoexploitation et le maintien du banc lrsquoexpert dispose de solutions eacuteprouveacutees dansdes situations similaires Toute lrsquoexpeacuterience des acteurs est indispensable agrave la bonnemarche du projet et ce drsquoautant plus que la post-eacutevaluation des projets est rarement capi-taliseacutee Crsquoest donc la confrontation de contributions et de compeacutetences heacuteteacuterogegravenes quiest susceptible drsquoameacuteliorer le respect des critegraveres QCD du projet En conclusion une coopeacute-ration eacuteleveacutee est neacutecessaire afin drsquoobtenir une efficaciteacute et une efficience plus grandes desdeacuteveloppements des systegravemes drsquoessais Or comprendre cette coopeacuteration supposedrsquoanalyser les inteacuterecircts des participantsLes managers des systegravemes drsquoessais (service strateacutegie et performance) cherchent agrave initierun projet en adeacutequation avec la strateacutegie deacutefinie en amont (strateacutegie produit) et agrave fixer descritegraveres QCD laquo reacutealistes raquo en vue de faire la preuve de leur compeacutetence de faire reacutefeacuterence etde devenir creacutedible lorsqursquoils seront agrave lrsquoorigine de nouveaux projets

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Lrsquoanalyse des jeux de pouvoir conduit agrave postuler qursquoune organisation est unsystegraveme drsquoaction concret crsquoest-agrave-dire un modegravele de relations creacuteeacutees entretenues etrenouveleacutees en fonction des inteacuterecircts des acteurs des contraintes et des opportuniteacutesdu systegraveme Ce modegravele de relations permet de faire face aux mouvements de lrsquoorga-nisation et en assure le fonctionnement quotidien Prenons un exemple Un ouvrierspeacutecialiseacute effectue des reacuteglages sur sa machine alors que crsquoest normalement unepreacuterogative du reacutegleur Crsquoest pour lrsquoouvrier un moyen de mieux connaicirctre samachine drsquoenrichir son travail de se conformer au groupehellip Le reacutegleur peut toleacuterercette situation car cela lui permet de se concentrer sur des reacuteglages plus complexeset plus nobles de se reposerhellip Le chef drsquoeacutequipe peut ecirctre au fait de la situation etlrsquoaccepter parce que les personnels en tirent satisfaction le rendement est bonhellip Lesacteurs ont construit un systegraveme drsquoaction concret dans lequel ils acceptent par inteacute-recirct les comportements des autres Et ce systegraveme reacutegit le fonctionnement de lrsquoatelier

In fine le comportement des individus est avant tout lrsquoexpression drsquoun jeuLrsquoacteur est ici un animal politique qui utilise lrsquoorganisation au service de ses objec-tifs Crozier et Friedberg (1977) considegraverent ainsi que mecircme les individus les moinspolitiques sont contraints de le devenir pour se proteacuteger des autres Cette situationpeut pour certains devenir insupportable Plus geacuteneacuteralement la vie professionnelleconduit parfois les salarieacutes agrave eacuteprouver une veacuteritable souffrance au travail

3 Le stress

Le stress au travail est une reacuteelle preacuteoccupation gouvernementale De nombreuxpays se sont doteacutes drsquoune loi en la matiegravere En France la loi de modernisation sociale

Les chefs de projet (service deacuteveloppement des systegravemes drsquoessais) entendent conduire leprojet dans le respect des critegraveres QCD et eacuteviter tout deacutepassement pour devenir ceux agrave quion confiera des projets agrave forts enjeux pour lrsquoISE Ils cherchent eacutegalement agrave ecirctre solliciteacutes surdes projets laquo agrave problegravemes raquo en vue de devenir incontournableLes experts techniques (service expertise et politique technique) cherchent agrave fiabiliser leschoix techniques afin que la qualiteacute agrave la livraison du systegraveme soit atteinte En assurant lafiabiliteacute technique les experts accroissent leur influence lors de lrsquoadoption de nouvellessolutions (cette fiabilisation deacutecoule de choix techniques expeacuterimenteacutes) De mecircme ilspeuvent se concentrer sur le test de nouvelles solutions consideacutereacutees comme plus valorisan-tesLes maintenanciers (service expertise et politique technique) entendent faire vivre le bancen limitant la maintenance curative gracircce agrave des solutions techniques expeacuterimenteacutees Celapermet drsquoatteacutenuer la charge de travail et de se concentrer sur des activiteacutes de maintenanceplus nobles (maintenance preacuteventive)

Agrave partir de SOPARNOT R laquo La coopeacuteration interindividus le cas de la gestion de projetdans le secteur automobile raquo 27e Congregraves de lrsquoAssociation

des sciences administratives du Canada (ASAC) 2006

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de 2002 eacutetend la responsabiliteacute de lrsquoemployeur agrave la preacutevention de la santeacute physiquemais aussi mentale de ses salarieacutes Plus reacutecemment en 2004 un accord-cadre euro-peacuteen a eacuteteacute signeacute par quatre organisations europeacuteennes repreacutesentatives des partenairessociaux Il vise agrave renforcer aupregraves des employeurs et des employeacutes la prise de cons-cience concernant le stress au travail Ces impulsions eacutetatiques doivent se traduirepar des actes concrets au niveau de lrsquoentreprise

Le stress se deacutefinit comme un eacutetat de tension psychologique Srsquoil a chez certainespersonnes et dans certaines situations des effets beacuteneacutefiques (le deacutepassement de soila stimulation de la creacuteativiteacutehellip) il engendre souvent des effets neacutegatifs Il se mani-feste alors par des pathologies physiques (mal de dos troubles gastriqueshellip) etpsychiques (anxieacuteteacute insomnie deacutepression nerveusehellip) qui ultimement se tradui-sent par un absenteacuteisme eacuteleveacute Le stress serait ainsi la quatriegraveme cause drsquoincapaciteacutede travail il touche plusieurs millions de personnes dans les entreprises europeacuteen-nes

Repegraveres Le stress des caissiegraveres drsquoun Super U

Les symptocircmes de stress sont tregraves freacutequents parmi les employeacutes qui sont en contact directavec des sommes importantes Ils doivent en effet assumer de lourdes responsabiliteacutesCrsquoest agrave cette situation qursquoa eacuteteacute confronteacute le supermarcheacute Super U drsquoune petite communeappeleacutee Herbignac Les cinquante caissiegraveres supportaient mal de surveiller la caisse toutela journeacutee et de la veacuterifier le soir Cela constituait une source de tension pour elles De cefait les caissiegraveres eacutetaient tregraves meacutefiantes et sur leur garde toute la journeacutee Elles enoubliaient de regarder le client et par conseacutequent de lrsquoaccueillir chaleureusement Crsquoest ungestionnaire du magasin qui a remarqueacute que 90 du stress des caissiegraveres provenait desregraveglements en liquide Mecircme si selon le directeur de lrsquoeacutetablissement les montants enespegraveces ne repreacutesentent que 19 du chiffre drsquoaffaires les tensions eacutetaient reacuteellesAfin drsquoatteacutenuer cette source de stress la solution a consisteacute en lrsquoinstallation drsquoun systegravemeineacutedit de gestion informatiseacutee des espegraveces Gracircce agrave ce dispositif les clients insegraverent leursbillets et piegraveces dans une machine qui leur rend automatiquement la monnaie Ainsilrsquohocirctesse nrsquoa qursquoagrave se preacuteoccuper de la gestion des chegraveques des cartes bancaires et des bonsde reacuteduction Cela reacuteduit consideacuterablement le risque drsquoerreur durant les transactions etatteacutenue les sources de stress Selon les utilisateurs ce systegraveme geacutenegravere drsquoautres avantagesLa machine assure un gain de temps de 23 minutes en moyenne par jours ce qui permetaux caissiegraveres de passer plus de temps avec chaque client et drsquoameacuteliorer la qualiteacute deserviceSelon le fabricant lrsquoinstallation de cet appareil dans un supermarcheacute est une opeacuterationunique en Europe Le coucirct pour la direction du magasin srsquoest eacuteleveacute agrave 400 000 euros maisles reacutesultats sont significatifs Le niveau de stress des caissiegraveres a eacuteteacute consideacuterablementabaisseacute et elles peuvent aujourdrsquohui se concentrer agrave leur mission drsquoaccueil des clients

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Le stress est souvent imputeacute agrave lrsquoindividu ce qui renvoie agrave son incapaciteacute agrave geacuterer lesexigences de son travail Le stress comme reacutesultat de lrsquoincapaciteacute de la personneapparaicirct comme une caracteacuteristique individuelle Il y aurait ainsi des salarieacutes plusfragiles que drsquoautres et plus susceptibles de connaicirctre un eacutetat de stress Cependantune conception du stress strictement focaliseacutee sur lrsquoindividu est reacuteductrice car elleatteacutenue le rocircle des facteurs de stress Relatifs au contenu du travail (surcharge ousous charge complexiteacute ou reacutepeacutetitiviteacute pression temporellehellip) aux conditions detravail (bruit eacuteclairage ergonomie des posteshellip) agrave lrsquoorganisation du travail (horai-res seacutecuriteacute flexibiliteacute preacutecariteacute style de managementhellip) et aux relations sociales(soutien des collegravegues et des supeacuterieurs reconnaissancehellip) ils influencent active-ment la manifestation du stress Le stress est donc agrave analyser comme le reacutesultat desinteractions entre des stresseurs (facteurs de stress) plus ou moins intenses et descaracteacuteristiques individuelles (implication au travail degreacute de maicirctrise des eacutevegravene-ments estime de soihellip) Pour ecirctre plus preacutecis encore le stress est agrave analyser dansune perspective transactionnelle En effet les facteurs de stress sont interpreacuteteacutes parlrsquoindividu qui peut y voir une opportuniteacute ou une menace et qui en conseacutequence vadeacuteployer une strateacutegie drsquoajustement en fonction de ses caracteacuteristiques et de sesressources On distingue deux strateacutegies drsquoajustement Drsquoune part il peut agir sur leseacutemotions en reacuteduisanteacuteliminant ou en accentuant la deacutetresse eacutemotionnelle issue dela situation (eacuteviter minimiser prendre ses distances intensifier les sentimentshellip)Drsquoautre part srsquoil en a les ressources lrsquoindividu peut faire face au problegraveme en lereacutesolvant

Le stress au travail nrsquoest donc lieacute ni exclusivement agrave lrsquoindividu ni exclusivementaux conditions Il se manifeste dans une interaction plus encore dans une transac-tion entre la personne et les exigences de la situation

Au plan manageacuterial la gestion du stress peut passer par plusieurs deacutemarches Lesentreprises peuvent limiter les sources de stress en ameacuteliorant les conditions detravail (salle de sport cregraveche restaurant poste ergonomiquehellip) Il convient neacutean-moins drsquoadmettre qursquoune affectation plus judicieuse des personnels la fixationdrsquoobjectifs plus reacutealistes la communication ascendante et descendante la clarifica-tion des modes de fonctionnement interne une autonomie plus grande des missionsplus valorisanteshellip reacuteduisent consideacuterablement les sources de tensions au travailLes entreprises peuvent eacutegalement aider les individus agrave mieux geacuterer leur proprestress Des formations sont ainsi dispenseacutees afin drsquoaider lrsquoindividu agrave srsquoadapter auxconditions stressantes (deacuteveloppement des compeacutetences individuelles coachinggestion du tempshellip) Certaines entreprises donnent eacutegalement lrsquoopportuniteacute agrave leurssalarieacutes drsquoapprendre des techniques de relaxation

Lrsquoeacutetude du stress nous propose une analyse de la souffrance au travail Lrsquoindividunrsquoest alors plus en mesure drsquoassumer son rocircle dans lrsquoentreprise Si cet aspect ducomportement ne doit pas ecirctre neacutegligeacute le salarieacute agit parfois de concert avecdrsquoautres pour jouer un rocircle actif dans lrsquoentreprise Eacutemerge le thegraveme de la coopeacuterationinterindividuelle

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4 La coopeacuteration interindividuelle

La coopeacuteration des personnes est lrsquoessence mecircme de lrsquoaction collective Elle cons-titue un enjeu pour les managers dont le rocircle est de feacutedeacuterer les eacutenergies et les actionsdes membres drsquoune eacutequipe pour lrsquoatteinte drsquoobjectifs collectifs Elle est eacutegalementindispensable pour reacutealiser les missions de lrsquoentreprise La coopeacuteration consiste agraveagir ensemble agrave unir ses forces pour atteindre un objectif et se caracteacuterise par lavolonteacute commune de construire quelque chose Se situant dans le registre de la bien-veillance elle se distingue de la coordination qui renvoie aux dispositifs formaliseacutesdrsquoajustements des contributions des individus Degraves lors la coopeacuteration est aleacuteatoireElle nrsquoexiste que parce que les individus lrsquoinstituent de leur propre greacute Il convientdonc se demander ce qui pousse les personnes agrave coopeacuterer Deux raisons principalessont avanceacutees par Dameron (2004) La premiegravere voit lrsquoaction de coopeacuteration commeun calcul visant lrsquoaccegraves agrave des ressources (coopeacuteration calculatoire) La seconde yvoit la manifestation de lrsquoappartenance agrave un groupe social (coopeacuteration communau-taire)

La coopeacuteration calculatoire srsquoinspire des reacuteflexions conduites par Crozier et Fried-berg (1977) sur le thegraveme de lrsquoaction collective Ces auteurs se demandent commentse reacutealise lrsquoarticulation entre la liberteacute des acteurs et lrsquoexistence de systegravemes organi-seacutes Reacutefutant les theacuteories pour lesquelles les individus adoptent un comportementrationnel cette approche postule que lrsquoindividu-acteur agit selon une strateacutegie elle-mecircme caleacutee en fonction de contraintes lieacutees au contexte de lrsquoorganisation De ce faitla coopeacuteration interindividuelle srsquoapparente agrave un calcul qui permettra lrsquoobtentiondrsquoun gain Elle reacutesulte donc de la convergence au moins momentaneacutee drsquointeacuterecirctscommuns Coopeacuterer avec autrui est un moyen drsquoacceacuteder agrave des ressources qui serontutiles agrave la conduite de strateacutegies personnelles La coopeacuteration provient donc delrsquoopportunisme politique des acteurs

Cependant le lien politique ne suffit pas agrave expliquer la coopeacuteration Il doit ecirctrecompleacuteteacute par un lien drsquoaffect reacuteveacutelant une conception communautaire de la coopeacute-ration Les travaux de Hawthorne ont deacutejagrave souligneacute lrsquoimportance du groupe commefacteur de socialisation de lrsquoindividu (Mayo 1933) Ce dernier affirme en effet sonidentiteacute au travers des relations entretenues avec les membres du groupe auquel ilappartient Et agrave la question laquo qui suis-je raquo lrsquoindividu reacutepond en se reacutefeacuterant auxgroupes dont il est ou se sent membre Lrsquoappartenance se situe ainsi au cœur desmeacutecanismes drsquoidentification des individus Crsquoest la perspective deacuteveloppeacutee par latheacuteorie de lrsquoidentiteacute sociale Selon cette derniegravere le sentiment drsquoappartenir agrave ungroupe social (groupe professionnel groupe drsquoacircgehellip) ou de ne faire qursquoun avec cedernier forge lrsquoidentiteacute de lrsquoindividu Ainsi le processus identitaire reacutevegravele troispheacutenomegravenes Lrsquoindividu se considegravere comme membre se conforme auxtraitssteacutereacuteotypes qui caracteacuterisent le groupe et agit de maniegravere agrave marquer la diffeacute-rence avec les autres groupes De ce fait la coopeacuteration correspond agrave la manifesta-tion drsquoune identiteacute commune Crsquoest par le partage drsquoobjectifs et lrsquointeraction avec lesmembres que les individus deacuteveloppent et preacuteservent une identiteacute commune Coopeacute-

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rer est un moyen drsquoecirctre reconnu comme membre drsquoun clan La coopeacuteration est alorsagrave concevoir non plus comme reacutesultant de lrsquoopportunisme de lrsquoacteur mais commereacutesultat de valeurs normes et regravegles communes Leur existence leur deacuteveloppementet leur maintien deacutependent donc de la coopeacuteration interindividuelle

Repegraveres La coopeacuteration interindividuelle au sein drsquoune communauteacute drsquoagglomeacuteration

La communauteacute drsquoagglomeacuteration (CA) est une structure intercommunale ndash plusieurscommunes se reacuteunissent pour geacuterer ensemble des services ndash organiseacutee selon la loi du12 juillet 1999 dite loi Chevegravenement Ce texte preacutecise des compeacutetences obligatoires (deacuteve-loppement eacuteconomique ameacutenagement de lrsquoespace eacutequilibre social de lrsquohabitat politiquede la villehellip) et optionnelles (assainissement culture ameacutenagement et entretien desvoiries eau lutte contre les nuisances sonores construction ameacutenagement entretien etgestion des eacutequipements sportifs et culturels) Deux ou trois de ces compeacutetences peuventecirctre choisies par les eacutelus de lrsquointercommunaliteacute Pour se constituer en communauteacutedrsquoagglomeacuteration une agglomeacuteration doit ecirctre peupleacutee drsquoau moins 50 000 habitants unecommune devant en compter agrave elle seule au minimum 15 000La CA de Saint-Quentin-en-Yvelines regroupe sept communes et gegravere 150 millions drsquoeurosprovenant de la taxe professionnelle (qui constitue quasiment son unique ressource)28 millions drsquoeuros sont redistribueacutes chaque anneacutee aux sept communes la structurecommunautaire reacutealisant par ailleurs 50 millions drsquoinvestissements pour le compte descommunes Cette agglomeacuteration de 150 000 habitants avec ses 5 370 eacutetablissementspour 94 000 emplois constitue lrsquoun des pocircles eacuteconomiques majeurs de lrsquoIle-de-FrancePour comprendre lrsquoideacutee-force de lrsquointercommunaliteacute on peut analyser le leitmotiv delrsquoactuel preacutesident de la CA de Saint-Quentin laquo au plus pregraves on gegravere mieux et ensemble onfait plus raquo Par exemple en matiegravere drsquoemploi si la CA nrsquoa pas la leacutegitimiteacute pour creacuteer unservice emploi qui lui soit propre ndash cela nrsquoaurait drsquoailleurs pas grand inteacuterecirct dans la mesureougrave crsquoest la proximiteacute des communes avec leurs habitants qui fait que ces derniers vontdirectement srsquoadresser aux communes plutocirct qursquoagrave la CA ndash elle a la leacutegitimiteacute pour organi-ser une semaine de lrsquoemploi et de la formation Crsquoest cette logique de mise en reacuteseau qui apreacutesideacute agrave la creacuteation de la Maison de lrsquoentreprise Creacuteer son entreprise eacutetait un vrai parcoursdu combattant pour le jeune entrepreneur La CA a donc mis en reacuteseau dans cette Maisonde lrsquoentreprise des professions libeacuterales (avocats experts comptableshellip) les chambresconsulaires les associations les banques agents immobiliers etc Elle srsquoest donc proposeacuteedrsquoecirctre lrsquounique point drsquoentreacutee pour lrsquoentrepreneur Il vient rencontrer ces diffeacuterents acteursndash gratuitement ndash et il voit ce dont il a besoin Apregraves le travail de la CA est termineacute crsquoest agravelrsquoentrepreneur de voir srsquoil veut un business plan auquel cas il prendra contact avec les inter-locuteurs adeacutequats

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In fine la coopeacuteration reacutevegravele comment naissent et tiennent les comportementscollectifs Lrsquouniteacute drsquoobservation nrsquoest plus la personne mais un ensemble drsquoindivi-dus Le groupe forme ainsi une entiteacute agrave part entiegravere distincte des membres qui lecomposent Il est donc inteacuteressant de mieux comprendre lrsquoinfluence du groupe surles comportements humains

Cependant une des principales limites que les eacutelus de lrsquoopposition reprochent agrave lrsquoagglomeacute-ration crsquoest que les communes sont soumises au bon vouloir de lrsquoagglomeacuteration Et pourcontourner une gestion parfois trop pyramidale sur certains sujets de lrsquoagglomeacuteration ona vu se deacutevelopper des sortes de laquo projets intercommunaux de communes agrave communes raquoLe succegraves de ces coopeacuterations de commune agrave commune repose beaucoup sur les affiniteacutespersonnelles et non politiques Lrsquoexemple suivant le reacutevegravele Le maire de Trappes (une descommunes les plus en difficulteacute de la communauteacute drsquoagglomeacuteration) et le maire deVoisins-le-Bretonneux (ville qui avec ses nombreuses zones pavillonnaires et ses 38 decadres contre 74 pour Trappes est consideacutereacutee comme lrsquoune dont la population est desplus aiseacutee) nrsquoont pas forceacutement les mecircmes enjeux et ce pour deux raisons la premiegraveretient agrave la configuration des communes qursquoils dirigent la seconde au fait qursquoils ne sont pasdu mecircme bord politique Il nrsquoempecircche que lors drsquoun conseil communautaire alors qursquoondoit voter une deacutecision neacutecessitant un vote agrave la majoriteacute qualifieacutee (majoriteacute des deux tiers)par exemple ces deux maires ont coaliseacute et uni leurs forces Soit parce qursquoils partagent surce point preacutecis la mecircme vision soit parce qursquoils se sont laquo entendus raquo sur une autre deacutecisionagrave venir ou que lrsquoun a promis agrave lrsquoautre un laquo retour drsquoascenseur raquo en cas drsquoappui Un maireexpliquait ainsi que laquo les nouvelles geacuteneacuterations de maires sont moins bloqueacutees quant aufait de devoir coopeacuterer mecircme lorsqursquoon est de sensibiliteacutes politiques diffeacuterentes Nousavons parfois entre certaines communes et sur certains projets des initiatives personnel-les qui reposent quasi exclusivement sur la qualiteacute de nos relations interpersonnelles etbien sucircr sur la pertinence du projet au regard des inteacuterecircts communs de nos habitantsNous avons par exemple un projet de centre aquatique avec une commune voisine et sapertinence a fait que la CA est venue ndash apregraves coup ndash nous apporter un financement agravehauteur de 50 hellip raquoVoyons eacutegalement lrsquoexemple du deacuteveloppement du centre de Saint-Quentin Le quartier deSaint-Quentin repreacutesente le cœur de la ville crsquoest un lieu strateacutegique central pour le terri-toire Des entreprises et des zones drsquoactiviteacutes srsquoy installent Le dernier exemple en date estlrsquoimplantation drsquoun deuxiegraveme centre commercial du nom de laquo Sqy Ouest raquo Voilagrave un sujetsur lequel lrsquointercommunaliteacute communique fortement aupregraves du grand public avec unjournal local Le petit Quentin et aupregraves du monde eacuteconomique agrave travers un autresupport Sqy Entreprises laquo Lagrave il y a un double discours qui est tenu et il faut veiller agrave ce qursquoilne soit pas totalement contradictoire Il y a de la part de la commune sur laquelle se trouveSqy Ouest ndash tentation et mecircme passage agrave lrsquoacte tregraves clair ndash de revendiquer ce site commefaisant partie du patrimoine communal et non communautaire Pour Montigny Sqy Ouestse trouve sur le territoire de Montigny donc ccedila appartient agrave Montigny pour la CA ccedila setrouve sur le territoire communautaire qui plus est sur un lieu agrave forte centraliteacute donc stra-teacutegique ccedila appartient donc agrave lrsquoagglomeacuteration raquo Degraves lors il y a ici conflit drsquointeacuterecircts

Extrait de GAYE B et SOPARNOT R laquo La coopeacuteration interindividuellele cas des communauteacutes drsquoagglomeacuteration raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R

Le management strateacutegique 2 concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

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5 Le rocircle du groupe

Lrsquoindividu dans lrsquoentreprise appartient le plus souvent agrave un ou plusieurs groupesLe groupe est une uniteacute sociale composeacutee drsquoindividus interdeacutependants et dont lesrocircles et les statuts sont deacutefinis On eacutetablit une double distinction entre groupesformel et informel et groupes drsquoappartenance et de reacutefeacuterence Le groupe formel secaracteacuterise par son statut de groupe prescrit et orchestreacute par la structure et les regraveglesorganisationnelles (comiteacute de direction eacutequipe projet cercles de qualiteacutehellip) Sonexistence est preacutevue et officielle Ce nrsquoest pas le cas du groupe informel qui eacutemergede la vie de lrsquoentreprise Il se creacutee de faccedilon inattendue et aleacuteatoire (une eacutequipecomposeacutee de quelques salarieacutes qui travaillent sur un projethellip) Le groupe drsquoapparte-nance est celui auquel lrsquoindividu est membre de fait (une faculteacute pour les professeursdrsquoune grande eacutecolehellip) Le groupe de reacutefeacuterence est celui auquel lrsquoindividu se reacutefegraveredans le cadre drsquointeractions sociales Il peut chez certaines personnes ecirctre imaginaireet refleacuteter une ambition sociale (un comiteacute de direction pour un cadre ayant cetteambitionhellip) Le tableau suivant propose de recouper ces distinctions et identifiequatre types de groupes

Tableau 31 mdash Typologie des groupes dans les organisations

Groupe formel Groupe informel

Groupe drsquoappartenance Groupe formel drsquoappartenance Groupe informel drsquoappartenance

Groupe de reacutefeacuterence Groupe formel de reacutefeacuterence Groupe informel de reacutefeacuterence

Repegraveres Les groupes de travail chez Monsanto

Monsanto est une entreprise agricole dont la mission est de soutenir les agriculteurs dumonde entier agrave produire sans endommager lrsquoenvironnement Fondeacutee en 1901 par JohnF Queeny Monsanto doit son nom au nom de famille de lrsquoeacutepouse du fondateur Agrave lrsquoorigineMonsanto commercialisait de la saccharine et dans les anneacutees qui ont suivi la creacuteation lagamme de produits srsquoest diversifieacutee Degraves 1945 lrsquoentreprise commercialisait des produitschimiques pour lrsquoagriculture Ses activiteacutes se sont ainsi progressivement eacutetendues agrave labiotechnologie la chimie industrielle et les fibresCrsquoest agrave Monsanto durant les anneacutees quatre-vingt que les directeurs du complexe chimi-que et de nylon situeacute agrave lrsquoest de Pensacola ont remis en question une conviction manageacute-riale ancreacutee Selon celle-ci le travail des employeacutes devait se limiter agrave exeacutecuter les ordres deleurs supeacuterieurs Ils ont alors opteacute pour la creacuteation de groupes de travail dont la fonctioneacutetait de conduire des reacuteflexions et de prendre des deacutecisions dans les domaines importantscomme le recrutement les achats lrsquoorganisation du travail et la production

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Quelle que soit la nature du groupe ses membres poursuivent geacuteneacuteralement desobjectifs communs et ont des missions souvent diffeacuterencieacutees Chacun joue un rocirclespeacutecifique qui lui permet drsquoecirctre reconnu comme membre du groupe Crsquoest ainsi quele statut de membre a une incidence forte sur les comportements des individus Cesderniers agissent sous lrsquoinfluence du ou des groupes auxquels ils appartiennent

Lrsquoideacutee de constituer des eacutequipes est neacutee dans un contexte difficile En effet lrsquousine danslaquelle Monsanto avait investi 1 milliard de dollars sur trois deacutecennies commenccedilait agraveperdre de lrsquoargent Afin de compresser les coucircts Monsanto a ducirc supprimer les opeacuterationsnon rentables et presque un tiers des emplois Plus de la moitieacute des superviseurs depremier niveau ont eacuteteacute mis en retraite anticipeacutee Et au lieu de nommer de nouveaux super-viseurs aux quelques postes disponibles les directeurs ont consideacutereacute que cette situationeacutetait une opportuniteacute ideacuteale pour constituer des eacutequipes autogeacutereacutees Ils ont ainsi reacuteduit desept agrave quatre le nombre de niveaux hieacuterarchiques Finalement ils ont regroupeacute lesemployeacutes dans des eacutequipes drsquoenviron 10 agrave 12 personnesCes groupes avaient la responsabiliteacute de fonctions autrefois confieacutees agrave des directeurs Parexemple les eacutequipes deacutecidaient quel meacutelange chimique allait ecirctre appliqueacute dans laproduction de fibres de nylon Elles eacutetaient eacutegalement autoriseacutees agrave arrecircter la productionpour des raisons de qualiteacute ou de seacutecuriteacute Par exemple lors drsquoun orage une eacutequipe adeacutecideacute de recourir aux geacuteneacuterateurs immeacutediatement au lieu drsquoattendre une probable pannedrsquoeacutelectriciteacute due agrave une tempecircte Ils ont ainsi permis une eacuteconomie de centaines de milliersde dollars causeacutee par un arrecirct de la production En effet cette nuit une panne drsquoeacutelectriciteacuteest survenue De mecircme lorsque les machines ou les eacutequipements neacutecessitaient des reacutepa-rations les eacutequipes se rendaient directement au magasin de maintenance ou chez les four-nisseurs pour obtenir lrsquoassistance neacutecessaire Eacutegalement lors des recrutements leseacutequipes conduisaient les entretiens des candidats et les classaient selon leur qualificationpour le poste Les directeurs eacutecoutaient avec attention les recommandations drsquoembauchereacutealiseacutees par les eacutequipes En fait personne nrsquoavait jamais eacuteteacute recruteacute sans ecirctre recom-mandeacute par une eacutequipeLrsquoorganisation des eacutequipes permit ainsi agrave lrsquoentreprise des gains consideacuterables Lrsquousine aobtenu les plus hauts niveaux de seacutecuriteacute et de profits de toute son histoire Les eacutequipeseacutetaient en outre reacutecompenseacutees et des programmes de partage des profits avaient eacuteteacuteimagineacutes afin de gratifier les eacutequipes selon leurs performances Et cette gestion par lesgroupes de travail eacutetait si efficace que les directeurs envisageaient drsquoeacuteliminer une couchesuppleacutementaire de managementMalgreacute ce succegraves dans lrsquousine de Pensacola il y avait encore des domaines dans lesquels leseacutequipes pouvaient progresser Ainsi elles ne communiquaient que peu entre elles et lrsquoonpouvait craindre la creacuteation de baronnies De mecircme certains employeacutes heacutesitaient agrave initierdes ameacuteliorations ils nrsquoavaient pas toujours lrsquoassurance que lrsquoeacutequipe serait reacutecompenseacuteepour les reacuteussites Enfin certains membres eacutetaient peu enthousiastes pour assumer desresponsabiliteacutes nouvelles et ce alors que leurs compeacutetences leur auraient permis de deve-nir des directeurs efficaces

Agrave partir de BARTOL K M et MARTIN D C laquo Teamwork Pays off at Monsanto raquoManagement Eacuteditions Irwin McGraw-Hill 2000 et wwwmonsantocom

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Lrsquoappartenance reacuteelle ou voulue agrave un groupe remplit ainsi trois fonctions principa-les Tout drsquoabord au sein drsquoun groupe les membres construisent des liens affectifsforts gracircce auxquels ils se forgent une identiteacute personnelle et collective Chaquemembre existe en tant qursquoindividu dans le groupe (identiteacute personnelle) de mecircmeque le groupe existe pour chaque individu-membre (identiteacute collective) La fonctionidentitaire est centrale lrsquoindividu srsquoil est membre drsquoun groupe ou aspire agrave le deve-nir srsquoy reacutefegravere reacuteguliegraverement dans le cadre drsquointeractions sociales Le groupe est doncun moyen drsquoaffirmation de soi et une source de satisfaction Sur ce point la TCS(theacuteorie de la cateacutegorisation sociale) apporte un eacuteclairage inteacuteressant en expliquantcomment les individus construisent des frontiegraveres entre les groupes (il y a uningroup et un outgroup) Selon la TCS lrsquoindividu va agrave partir de ses self concepts (laperception qursquoil a de soi) passer en revue les diffeacuterents groupes sociaux leur attri-buer des traits saillants et srsquoidentifier agrave ceux (ou celui) dont le prototype en termes devaleurs regravegles et normes est le plus proche de ses self concepts En ce sens ilsrsquoeacutecarte des groupes dont les traits saillants sont trop eacuteloigneacutes de ses self conceptsLa TCS souligne eacutegalement que dans certains cas lrsquoindividu peut ameacutenager ses selfconcepts afin de mieux correspondre et ressembler au prototype drsquoun groupe socialEn un mot lrsquoidentification sociale de lrsquoindividu repose sur la perception des traitssaillants des groupes (les cateacutegories) et de lrsquoadeacutequation avec ses propres traits (selfconcepts) La seconde fonction est normative Le groupe se caracteacuterise par desregravegles de fonctionnement des modes de penser et drsquoagir communs des valeurspartageacutees mecircme un style vestimentaire et un langage speacutecifiqueshellip formant ce queles speacutecialistes appellent des normes Les membres drsquoun groupe adopteront descomportements conformes agrave ces normes marquant ainsi leur appartenance Lespersonnes aspirant agrave un groupe se comporteront de sorte de se rapprocher desnormes et se faire accepter In fine en recherchant lrsquoharmonie avec le groupe lesindividus se soumettent aux normes et subissent plus ou moins consciemment leurinfluence Le refus de conformiteacute aux normes leur transgression signifie souventlrsquoexclusion du groupe Enfin la troisiegraveme fonction est protectrice Le groupe consti-tue une sphegravere sociale agrave lrsquointeacuterieur de laquelle les comportements sont preacutevisiblesEn proteacutegeant les membres des incertitudes et des pressions exteacuterieures le groupeleur procure une stabiliteacute rassurante

Le groupe doit ecirctre consideacutereacute comme une uniteacute sociale distincte des membres quile composent Il est doteacute de sa propre laquo psychologie raquo Ses normes constituent lesfondements de son fonctionnement et les sources de lrsquoinfluence sociale Il estdrsquoailleurs souvent impressionnant de voir agrave quel point lrsquoindividu endosse le rocircleqursquoil perccediloit devoir jouer dans un groupe - mecircme si nous devons avoir conscienceque des comportements deacuteviants sont possibles Lrsquoexpeacuterience meneacutee par le psycho-logue Zimbardo est eacutedifiante

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Au plan pratique les managers doivent identifier les groupes existants dans lrsquoorga-nisation et srsquoy reacutefeacuterer pour appreacutehender le comportement des personnes Ainsi lelevier drsquoaction des managers doit parfois ecirctre le groupe Il doit cerner les normes lescomprendre en profondeur et les respecter pour modifier la dynamique drsquoun groupeSur ce point lrsquoexpeacuterience meneacutee par Lewin est reacuteveacutelatrice Il est question drsquoinciterles meacutenagegraveres ameacutericaines agrave modifier leur consommation drsquoabats Deux groupessont constitueacutes Dans le premier un speacutecialiste de la nutrition expose les vertus de laconsommation drsquoabats Les meacutenagegraveres restent passives et eacutecoutent les arguments dumeacutedecin Le passage agrave lrsquoacte est de lrsquoordre de 3 Dans le second les psychologuesorganisent une discussion entre les meacutenagegraveres sur le thegraveme de la consommationdrsquoabats Les eacutechanges sont vifs et les arguments des unes et des autres sont avanceacutesCette fois les meacutenagegraveres ont eacuteteacute actives Le passage agrave lrsquoacte est de lrsquoordre de 30

Repegraveres Lrsquoexpeacuterience de Zimbardo

Le psychologue Philipp Zimbardo et ses collegravegues de lrsquoUniversiteacute de Stanford ont meneacute uneexpeacuterience drsquoune dureacutee de quinze jours afin de mieux comprendre lrsquoimportance du rocircledans les groupes Ils ont creacuteeacute une laquo fausse raquo prison et ont seacutelectionneacute des eacutetudiants eacutequili-breacutes psychologiquement Ces derniers se sont vus assigneacutes des rocircles Soit ils eacutetaientgardiens soit ils eacutetaient prisonniers Pour rendre lrsquoexpeacuterience plus reacutealiste encoreZimbardo obtint le concours de la police locale Ainsi les futurs laquo prisonniers raquo furentembarqueacutes menotteacutes et emmeneacutes au poste devant tout le voisinage Ils restaient jour etnuit dans leur cellule nrsquoen sortaient que pour les repas lrsquoexercice physiquehellip et avaientdroit agrave des visites de leurs proches Les laquo gardiens raquo quant agrave eux devaient simplementfaire reacutegner la loi et lrsquoordre dans la prison et rester indiffeacuterent aux demandes eacuteventuellesdes prisonniers Ils avaient lrsquoobligation de faire les trois huitLe deuxiegraveme jour une reacutebellion eacuteclatait mais celle-ci fut contenue par les gardiens Apregravescela les prisonniers devenaient de plus en plus dociles Malgreacute les remarques que leurfaisaient les gardiens ils encaissaient sans rien dire Ils commenccedilaient agrave se croirelaquo reacuteellement raquo impuissants et infeacuterieurs tant ils eacutetaient sommeacutes par leurs gardiens de secomporter comme tels De leur cocircteacute les gardiens ont tous agrave un moment de lrsquoexpeacuterienceadopteacute un comportement autoritaire Certains avouent avoir exigeacute aux prisonniers qursquoilsnettoient les toilettes agrave mains nues srsquoecirctre plaints de lrsquoodeur qursquoils deacutegageaienthellip Lrsquoendosse-ment des rocircles eacutetait tel que lrsquoexpeacuterience fucirct interrompue au bout de six jours Les eacutetudiantsavaient trop parfaitement inteacutegreacute les steacutereacuteotypes lieacutes agrave leur rocircle malgreacute leur personnaliteacuteet il devenait dangereux pour la santeacute psychologique des eacutetudiants de poursuivre lrsquoexpeacute-rienceForce est de constater qursquoagrave aucun moment les prisonniers nrsquoont exprimeacute agrave leurs collegravegueseacutetudiants que cela nrsquoeacutetait qursquoune expeacuterience et qursquoils devaient adopter un comportementmoins autoritaire De mecircme les gardiens nrsquoont jamais dit agrave leurs prisonniers qursquoilsnrsquoeacutetaient pas tenus de se comporter de maniegravere si docile et drsquoaccepter certaineslaquo humiliations raquo

Agrave partir de ROBBINS S JUDGE T et GABILLIET P Comportements organisationnelsPearson Eacuteducation 2006

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Lewin explique cette diffeacuterence significative par le fait que les meacutenagegraveres du secondgroupe ont pu deacutebattre discuter des normes de consommation et ont permis de lesremettre en cause Lrsquoimplication des meacutenagegraveres et leurs interactions ont finalementaccru leur compreacutehension des raisons de non-consommation drsquoabats et aideacute lepassage agrave lrsquoacte

In fine lrsquoanalyse de la motivation et de lrsquoimplication des jeux de pouvoir dustress de la coopeacuteration interindividuelle et de lrsquoinfluence du groupe fournit desbases conceptuelles pour comprendre certaines dimensions du comportement orga-nisationnel Le manager peut les exploiter pour parfaire le management de ses eacutequi-pes Dans ce qui suit nous abordons certaines dimensions de la gestion despersonnes

LE MANAGEMENT DES PERSONNES

Les connaissances du manager en matiegravere drsquoOB (organizational behavior)lrsquoaident agrave analyser preacutevoir et influencer les comportements des individus en situa-tion professionnelle Son rocircle est de veiller agrave la bonne reacutealisation des missions dechacun Il peut de ce fait tenter drsquoinfluer sur lrsquoengagement des personnes afindrsquoaccroicirctre la productiviteacute (le rendement des employeacutes) de limiter lrsquoabsenteacuteisme etle turnover de stimuler lrsquoesprit drsquoentreprise (lrsquointrapreneuriat) drsquoaugmenter letemps passeacute sur le lieu professionnel et drsquoameacuteliorer la qualiteacute du travail Face agrave cesenjeux les dirigeants ne sont pas eacutegaux et il est courant de distinguer deux profilsde dirigeants ou de cadres les leaders et les managers Nous preacutesentons ensuite lesdiffeacuterents styles de management (de commandement des eacutequipes) la deacutecision letravail en eacutequipe ainsi que la culture drsquoentreprise

1 Le leader et le manager

La position hieacuterarchique drsquoun individu dans une entreprise qursquoil soit dirigeantcadre supeacuterieur ou cadre intermeacutediaire lui confegravere un pouvoir formel (recruterpromouvoir sanctionnerhellip) Celui-ci provient des regravegles qui reacutegissent le fonctionne-ment des entreprises Le pouvoir formel est donc un ensemble de ressources dontdispose une personne (statut expertisehellip) et qui lui donne les moyens drsquoagir surautrui Pourtant les personnes en situation de manager nrsquoutilisent pas ce pouvoirformel de la mecircme maniegravere Pour certains le pouvoir se confond avec lrsquoautoriteacutePour drsquoautres seule lrsquoinfluence compte Elle est lrsquoascendant que prend une personnesur une autre par sa capaciteacute agrave faire face aux situations complexes Crsquoest ainsiqursquoeacutemergent deux maniegraveres drsquoexercer le pouvoir lrsquoautoriteacute et lrsquoinfluence Lrsquoautoriteacutecorrespond agrave une maniegravere drsquoexprimer son pouvoir avec laquo brutaliteacute raquo ndash elle srsquoinscrit

Section 2

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dans une relation de domination Lrsquoinfluence quant agrave elle reacutevegravele une utilisationlaquo douce raquo du pouvoir ndash elle reflegravete une relation de seacuteduction

Cette distinction conduit agrave identifier deux profils de dirigeants le manager et leleader Le manager est un gestionnaire il preacutevoit planifie administre eacutetablit desbudgets eacutevalue les investissements structure formalise les processus controcircle lesreacutesultats mesure et redresse les eacutecarts En organisant lrsquoaction collective le managerreacutepond aux questions du comment Pour geacuterer les hommes il use du pouvoir formeldont il est investi Agrave lrsquoopposeacute le leader est qualifieacute de meneur drsquohommes il eacutetablitune vision et donne un souffle pilote avec souplesse organise la culture motiveinspire les personnes et les pousse agrave lrsquoautocontrocircle En donnant du sens pourlrsquoaction le leader reacutepond aux questions du pourquoi Il mise sur son influence pourfaire que ses collaborateurs accentuent leur effort au travail In fine le dirigeant ideacutealdevrait posseacuteder les qualiteacutes drsquoorganisation et de planification des managers ainsique les capaciteacutes de mobilisation des eacutenergies humaines des leaders

Neacuteanmoins Bennis et Nanus (1987) montrent que les leaders ont laquo un plus raquo quileur permet drsquoinsuffler une eacutenergie agrave lrsquoentreprise Celle-ci disposerait alors drsquouneaptitude supeacuterieure au changement et ferait mieux face aux eacutevolutions environne-mentales Crsquoest laquo ce plus raquo qursquoil est inteacuteressant de comprendre

Pour Bennis et Nanus (1987) il reacuteside drsquoabord dans le ralliement par la vision Lavision est une repreacutesentation intellectuelle de la strateacutegie imagineacutee par le dirigeantElle deacutetermine un avenir reacutealiste creacutedible attirant pour lrsquoorganisation une situationmeilleure agrave maints eacutegards que celle qui preacutevaut Elle est donc un ideacuteal et portetoujours sur une situation future qui nrsquoexiste pas encore et qui nrsquoa jamais existeacuteauparavant Par la vision le dirigeant jette un pont entre le preacutesent et lrsquoavenir delrsquoorganisation Elle est une cible vers laquelle lrsquoentreprise entiegravere va se diriger Cettevision sert alors agrave la fois drsquoinspiration et de guide pour lrsquoaction collective Prenonspour exemple ST Micro Entreprise franco-italienne qui fabrique et commercialisedes semi-conducteurs ST Micro deacuteveloppe des produits qui integravegrent les teacuteleacutephonesportables les organiseurshellip Il y a plus de dix ans son dirigeant formulait une visionpour son groupe celle de devenir lrsquoentreprise de reacutefeacuterence dans les domaines eacutecolo-giques et sociaux Si au deacutepart les cadres ont eacuteteacute deacutecontenanceacutes par cette vision stra-teacutegique lrsquoardeur du dirigeant agrave la deacutefendre les a progressivement ameneacutes agrave lasoutenir La vision se fonde donc sur une double dimension Tout drsquoabord externe lavision est une projection de lrsquoavenir de lrsquoentreprise et de la place de ses produits surle marcheacute et repose sur un pari relatif agrave lrsquoeacutevolution drsquoune industrie drsquoun secteurdrsquoactiviteacute drsquoun marcheacutehellip Ensuite interne la vision renvoie au type drsquoorganisation agraveconstruire pour parvenir agrave occuper cette position dans le futur Avec la vision il estquestion drsquoaligner les environnements inteacuterieur et exteacuterieur de lrsquoorganisation dans letemps et dans lrsquoespace La vision reflegravete donc une intention strateacutegique Mais le diri-geant visionnaire nrsquoa rien du devin il est seulement doteacute drsquoune volonteacute celle demettre tous les moyens en œuvre pour concreacutetiser son projet Crsquoest son eacutenergie et saperspicaciteacute qui lui permettent de rendre sa vision effective Par son acception proac-tive la vision exprime la volonteacute de transformer le marcheacute plutocirct que de le subir

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Les comportements humains et le management des hommes

Ensuite si la vision donne le sens elle donne aussi du sens Lorsque lrsquoorganisationa un sens clair de sa finaliteacute de son orientation et de la situation future viseacutee et quecette image est partageacutee les individus sont en mesure de cerner leurs propres rocirclesIls se considegraverent comme des membres drsquoune entreprise valable Leur travailacquiert de lrsquoimportance au fur et agrave mesure que leurs actes deviennent ceux drsquoecirctreshumains engageacutes dans une aventure creacuteative et collective Lorsque les individussentent qursquoils peuvent ameacuteliorer la socieacuteteacute dans laquelle ils vivent ils sont beaucoupplus enclins agrave mettre de la vigueur et de lrsquoenthousiasme dans leurs actes Dans cesconditions la somme des eacutenergies humaines se met au service drsquoun objectifcommun En canalisant lrsquoattention sur une vision le leader exploite les ressourceseacutemotionnelles des collaborateurs leurs valeurs et leurs aspirations

Enfin cette capaciteacute agrave inspirer les personnes deacutepend des liens qui unissent leleader agrave ses collaborateurs Ces liens correspondent agrave ce que lrsquoon nomme laconfiance Elle est un actif relationnel qui se deacutefinit selon Bidault et Jarillo (1995)comme laquo la preacutesomption que en situation drsquoincertitude lrsquoautre partie va agir ycompris face agrave des circonstances impreacutevues en fonction de regravegles de comporte-ments que nous trouvons acceptables raquo Finalement selon Usunier (2000) laquo faireconfiance crsquoest fondamentalement se rendre vulneacuterable agrave lrsquoautre pour pouvoir reacuteali-ser quelque chose de bien avec lui ou elle raquo Ces deacutefinitions soulignent deux dimen-sions du concept la confiance comme sentiment ou reacutealiteacute subjective (avoirconfiance) et la confiance comme comportement ou pheacutenomegravene objectif (faireconfiance) La confiance comme sentiment est une probabiliteacute qursquoune autrepersonne puisse ecirctre digne de confiance Nous sommes ici dans le registre delrsquoimpression positive drsquoune preacutedisposition favorable envers une personne Laconfiance comme comportement consiste agir avec autrui engager des ressources(donc prendre des risques) et se fier agrave lui en vue drsquoatteindre un but deacutefini Noussommes ici dans le registre de lrsquoaction de faire confiance par laquelle lrsquoindividu serend vulneacuterable Toutefois ces deux dimensions de la confiance entretiennent desliens forts La confiance-sentiment est un preacutealable agrave la confiance-comportementmais elle en est aussi un reacutesultat En effet les individus ne sont precircts agrave faireconfiance qursquoagrave la condition drsquoune part que lrsquoautre semble fiable (confiance-senti-ment) et drsquoautre part que lrsquoun et lrsquoautre se soient prouveacutes que cette confiance nrsquoestpas usurpeacutee La confiance est donc une impression comme une mise agrave lrsquoeacutepreuve (ellese gagne) Et cet actif mysteacuterieux et intangible est fondamental pour que se creacutee lasymbiose entre celui qui formule la vision et ceux qui lui donnent une reacutealiteacute

Repegraveres Un leader agrave la tecircte de Nokia

Le groupe Nokia a eacuteteacute fondeacute en 1865 dans une ville situeacutee agrave 100 kilomegravetres au norddrsquoHelsinki Lrsquoentreprise nrsquoa pas toujours eacuteteacute une reacutefeacuterence de lrsquoeacutelectronique Aujourdrsquohuiencore certains Finlandais associent le nom de Nokia aux bottes de caoutchouc qursquoilsutilisaient quand ils eacutetaient enfants Actuellement Nokia est le leader sur le marcheacute des

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teacuteleacutephones portables et lrsquoun des principaux constructeurs de reacuteseaux de teacuteleacutephoniemobile En 2007 Nokia a annonceacute une croissance de ses ventes pour un chiffre drsquoaffaires de511 milliards drsquoeuros et un beacuteneacutefice opeacuterationnel de 8 milliards drsquoeurosAvant de conqueacuterir la place de leader Nokia eacutetait preacutesideacutee par Jorma Ollila un ancienbanquier Pour Jorma Ollila les initiatives du personnel sont neacutecessaires agrave assurer la surviede lrsquoentreprise Avec cette conception du management au deacutebut des anneacutees 1990 alorsqursquoil eacutetait un CEO sans expeacuterience il est parvenu agrave bacirctir un veacuteritable conglomeacuterat finlandaisdu teacuteleacutephone portable en deacutefiant des concurrents comme Motorola Inc et L M EricssonLrsquoentreprise finlandaise est parvenue agrave surpasser ses concurrents gracircce agrave sa rapiditeacute dedeacuteveloppement de nouveaux produits et ses efforts dans le design Crsquoest ainsi que Nokia estdevenu lrsquoacteur plus profitable de lrsquoindustrie Le leadership de Nokia a ainsi marqueacute lrsquoavegravene-ment drsquoune nouvelle star de la technologie des terminaux de teacuteleacutephonie mobileCependant cette reacuteussite nrsquoaurait pas eu lieu sans la vision de Jorma Ollila Il a imposeacute uneautre maniegravere de geacuterer le deacuteveloppement technologique et de lrsquoinseacuterer au teacuteleacutephoneportable Alors que tous les fabricants se preacutecipitaient vers les clusters de haute technolo-gie (comme la Silicon Valley) Ollila a creacuteeacute son propre cluster (centre de recherche) dans unereacutegion peu peupleacutee En outre pour imposer des technologies (notamment Internet) auxterminaux mobiles (format de poche) Ollila srsquoest rapprocheacute des grands acteurs de lrsquoeacutecono-mie high-tech ameacutericaine car des entreprises comme Microsoft ou 3Com voulaient pren-dre part agrave ce business Dans le passeacute peu de ces organisations eacutetaient reacuteellementconvaincues que cette nouvelle reacutevolution allait ecirctre conduite agrave partir des teacuteleacutephonesportables Peu pensaient que les internautes utiliseraient des Palms avec des puces de teacuteleacute-phones Nonobstant ces obstacles le PDG de Nokia a preacutepareacute lrsquoentreprise pour la meacuteta-morphose vers la nouvelle geacuteneacuteration de teacuteleacutephone portable (les portables avec Internet)Nokia a ainsi pour ambition de connecter les deux milliards drsquoindividus qui le font deacutejagrave auxquatre milliards qui ne le font pas La technologie doit servir agrave ameacuteliorer la communicationentre les personnesIl est eacutegalement inteacuteressant de comprendre comment le dirigeant a mis en œuvre savision Selon lui lrsquoapprentissage par lrsquoerreur est fondamental au deacuteveloppement de lrsquoentre-prise et des salarieacutes Il estime aussi que tous ses cadres supeacuterieurs sont precircts agrave assumer unnouveau travail En conseacutequence il eacutevitait que ses employeacutes ne tombent dans une zone deconfort Ainsi il changeait reacuteguliegraverement ses cadres supeacuterieurs de fonction Le directeur dumarketing devenait directeur de la logistique et ainsi de suite Il eacutetait aussi deacutetermineacute agravepreacuteserver la culture organisationnelle de son entreprise Et pour maintenir la satisfactiondes employeacutes le secret eacutetait de donner de lrsquoautonomie aux nouveaux recruteacutes et de leslaisser grandir Ils pourraient ainsi faire carriegravere chez Nokia Enfin Jorma Ollila traitait sonpersonnel avec eacuteleacutegance et respect Jorma Ollila est resteacute agrave la tecircte de Nokia jusqursquoen 2006et en a fait une entreprise drsquoexceptionAujourdrsquohui Olli-Pekka Kallasvuo dirige Nokia tandis que Jorma Ollila est preacutesident duconseil de surveillance Les objectifs strateacutegiques de la nouvelle direction de Nokia sont ledeacuteveloppement de nouveaux terminaux lrsquoeacutelaboration de services Internet pour les clientsparticuliers la conception de solutions pour les entreprises la construction de reacuteseaux agravegrande eacutechelle et lrsquoextension des services Pour cela Nokia entend miser sur sa marque ledesign la connaissance des clients la technologie et lrsquoarchitecture

Agrave partir de PEARCE J A et ROBINSON R B laquo Leadership and Culture Shape Successat Finlandrsquos Nokia raquo Strategic Management formulation implementation and control

McGraw-Hill International Editions 2003 et wwwnokiacom

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Ce laquo plus raquo dont parlent Bennis et Nanus explique la capaciteacute des leaders agrave mobi-liser les individus de lrsquoentreprise autour drsquoun objectif commun Pourtant commentles dirigeants et cadres quels que soient leur profil et leur position dans lrsquoentreprisegegraverent-ils leurs collaborateurs Certains styles de management des personnes sont-ils plus efficaces que drsquoautres

2 Les styles de management des personnes

Lrsquoeacutetude des styles de management consiste agrave analyser lrsquoinfluence du comporte-ment des dirigeants et cadres sur celui de leurs collaborateurs De nombreux travauxmontrent que le comportement des responsables hieacuterarchiques (nous utilisons deacutesor-mais le terme de manager sans reacutefeacuterence agrave la distinction manager-leader) peut ecirctreanalyseacute selon deux axes soit il est orienteacute vers lrsquoorganisation et le travail agrave accom-plir (approche technique) soit il est orienteacute vers la personne (approche humaine)Pour lrsquoapproche technique les preacuteoccupations du manager sont relatives agrave lrsquoatteintedes objectifs au respect des standards et des meacutethodes de travail et agrave lrsquoeacutevaluation desreacutesultats Pour lrsquoapproche humaine le style de management est centreacute sur le bienecirctre des personnes le soutien et lrsquoaide dans le travail lrsquoameacutelioration des relationssociales la reacutesolution des conflits et la coheacutesion de lrsquoeacutequipe Ces deux approches nesrsquoopposent pas neacutecessairement un manager peut ecirctre bon (ou mauvais) sur les deuxdimensions Mais demandons-nous comment agissent les dirigeants les plus perfor-mants

Pour MacGregor (1966) un manager eacutemet une hypothegravese quant au profil des sala-rieacutes et au comportement agrave adopter en conseacutequence Il peut ecirctre partisan de la theacuteo-rie X ou de la theacuteorie Y Dans la theacuteorie X le manager estime que lrsquoecirctre humaindeacuteteste le travail a peu drsquoambition fuit les responsabiliteacutes et preacutefegravere ecirctre controcircleacuteDegraves lors il convient drsquoadopter un comportement autoritaire face agrave ces personnesdrsquoecirctre directif quant aux meacutethodes de travail drsquouser de la reacutecompense et de la sanc-tion et de controcircler le travail accompli Dans la theacuteorie Y le dirigeant eacutemet une toutautre hypothegravese lrsquoecirctre humain voit dans le travail un effort naturel est ambitieuxrecherche les responsabiliteacutes et lrsquoautonomie et nrsquoa pas besoin drsquoecirctre controcircleacute Enconseacutequence le dirigeant adopte un comportement plus participatif Il encourage laresponsabiliteacute et lrsquoautonomie des salarieacutes dans lrsquoexeacutecution et le controcircle du travailles implique dans certaines deacutecisions et suscite leurs initiatives pour ameacuteliorer lasituation Pour MacGregor le comportement des individus au travail relegraveve plutocirct dela theacuteorie Y mais lrsquohypothegravese fausse de certains dirigeants (theacuteorie X) les enfermedans des registres comportementaux contraires agrave leurs aspirations Aussi pourlrsquoauteur la theacuteorie Y donne des reacutesultats meilleurs en termes de qualiteacute du climatsocial de satisfaction des employeacutes et drsquoengagement au travail Lrsquoauteur preacuteconisedonc un style de management orienteacute vers les individus

Lrsquoeacutetude meneacutee plus tocirct par Lewin sur une population drsquoenfants aboutit agrave des reacutesul-tats voisins Lewin repegravere trois maniegraveres drsquoexercer le commandement et se demande

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laquelle donne de meilleurs reacutesultats Le premier style est qualifieacute drsquoautoritaire Ilconsiste agrave se tenir agrave distance du groupe et agrave donner des ordres pour lrsquoexeacutecution drsquountravail Le second style est de type deacutemocratique Cette fois il est question de susci-ter la participation des membres du groupe et drsquoencourager leurs propositions pourdeacutefinir des modaliteacutes drsquoexeacutecution du travail Enfin le dernier style est de typelaquo laisser-faire raquo Il se caracteacuterise par une absence drsquoimplication dans la vie dugroupe Trois groupes sont constitueacutes avec agrave chaque fois un style de commandementdiffeacuterent et chaque groupe doit accomplir un travail Lrsquoeacutetude reacutevegravele que le premiergroupe (style autoritaire) est plus efficace que tous les autres mais lrsquoattitude desenfants traduit une ambiance et un climat de travail tendus Le second groupe (styledeacutemocratique) se caracteacuterise par des relations chaleureuses entre les membres parti-cipe activement apregraves un temps drsquoapprentissage des regravegles de fonctionnement et faitpreuve drsquoautonomie Enfin le dernier groupe est inefficace et les membres sont enattente de consignes Cette eacutetude deacutemontre la supeacuterioriteacute du style deacutemocratique surle moyen terme Mecircme si les limites de cette recherche ne sont pas agrave neacutegliger (lesgroupes sont composeacutes drsquoenfants et non drsquoadultes et le travail agrave accomplir nrsquoest pascomparable agrave celui que les salarieacutes doivent faire dans leur entreprise) elle offre despistes de reacuteflexion inteacuteressantes sur lrsquoefficaciteacute des styles de commandement

Blake et Mouton (1972) vont aboutir agrave des reacutesultats quelque peu diffeacuterents Lesauteurs montrent au contraire que les dirigeants les plus efficaces orientent leurmanagement sur les personnes et lrsquoorganisation Ils parviennent agrave concilier lrsquoatten-tion porteacutee aux individus et celle porteacutee aux contraintes drsquoefficaciteacute de lrsquoorganisa-tion Cet inteacutegrateur comme les auteurs le nomment reacuteussit agrave susciter lrsquoengagementdes employeacutes pour reacutealiser les objectifs de lrsquoorganisation Pour cela il implique lessalarieacutes dans les deacutecisions relatives aux objectifs aux meacutethodes et au controcircle desreacutesultats leur fait confiance et les responsabilise

Un autre courant de recherche va srsquoopposer agrave ces reacutesultats et montrer que lrsquoeffica-citeacute des personnes au travail nrsquoest pas seulement lieacutee au style de management desdirigeants mais eacutegalement aux caracteacuteristiques de la situation Cela signifie alorsqursquoaucun style nrsquoest supeacuterieur agrave un autre lrsquoefficaciteacute drsquoun style de managementdeacutepend de la situation dans laquelle il est employeacute Pour Hersey et Blanchard(1977) le style de management agrave adopter deacutepend de la maturiteacute professionnelle(compeacutetence motivation et volonteacute drsquoacceacuteder agrave des responsabiliteacutes) et psychologi-que (amour-propre et confiance en soi) des collaborateurs Ainsi lorsque les colla-borateurs ont une maturiteacute faible (peu compeacutetent faiblement motiveacute et peu sucircrdrsquoeux) le dirigeant devra adopter un style autoritaire (fixe les directives et controcircleles reacutesultats) Agrave lrsquoopposeacute lorsque les collaborateurs sont compeacutetents motiveacutes et sucircrsdrsquoeux le dirigeant devra adopter un style de deacuteleacutegation (laisse les individus autono-mes et responsables des reacutesultats) Aussi le dirigeant doit modifier son style en fonc-tion de lrsquoeacutevolution de la maturiteacute des employeacutes

Les tenants de cette approche ne srsquoentendent pas toujours sur ce qui caracteacuterise lasituation Agrave la maturiteacute des salarieacutes peut par exemple srsquoajouter la complexiteacute dutravail agrave accomplir Cependant le leadership situationnel est probablement le plus

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convaincant Le dirigeant doit donc devenir cameacuteleacuteon il doit ecirctre capable de fairevarier son style en fonction des situations Si la plupart des dirigeants srsquoaccordent agravereconnaicirctre cette laquo eacutevidence raquo peu drsquoentre eux sont aptes agrave la mettre en pratique Ilssont dans lrsquoensemble enfermeacutes dans un style dominant Il est agrave cet eacutegard inteacuteressantde comprendre la dimension personnelle du style de management Comment expli-quer qursquoun dirigeant soit plutocirct autoritaire ou plutocirct participatif

Certains travaux ont proposeacute une analyse psychologique des dirigeants postulantque leur profil srsquoexpliquait par leur laquo theacuteacirctre inteacuterieur raquo lui-mecircme structureacute parlrsquohistoire personnelle (et notamment la petite enfance) Kets de Vries et Miller(1984) ont mecircme proposeacute une typologie drsquoorganisations dont les pathologies eacutetaientlieacutees agrave celles du dirigeant Mobilisant la theacuteorie psychanalytique ce courant chercheagrave comprendre le style de management en fonction des caracteacuteristiques psychiques dela personne En particulier la nature des relations que lrsquoindividu entretient avec lui-mecircme et avec les autres est au cœur de lrsquoanalyse Il est ainsi possible drsquoidentifierquatre types de leaders Le leader narcissique (relation de lui agrave lui) est centreacute sur laconservation de son Moi Il se sent invulneacuterable immortel et precirct agrave accomplir degrandes choses Les autres ne sont lagrave que pour servir ses ambitions et ses projets Leleader seacuteducteur (relation de lui aux autres pour les seacuteduire) veut aimer et ecirctre aimeacuteSon action est tourneacutee vers les relations affectives Il cherche agrave seacuteduire et agrave fascineren reacuteactivant chez les autres des meacutecanismes drsquoidentification Ils doivent lrsquoadmirerpour ce qursquoil est et ce qursquoil fait Le leader possessif (relation de lui aux autres pourposseacuteder) a besoin drsquoavoir Il cherche agrave dominer les autres par la force Il veut endisposer comme bon lui semble et devenir leur maicirctre Ils ne sont pour lui que desobjets que lrsquoon peut manipuler et jeter Enfin le leader sage (relation de lui auxautres) est un ecirctre accompli qui maicirctrise ses pulsions Il est lrsquoeacutegal des autres qursquoilconsidegravere comme un autre lui Il est bienveillant juste et seacutevegravere Il respecte les autrespour ce qursquoils sont des ecirctres humains avec leurs qualiteacutes et leurs deacutefauts

Repegraveres Deux profils de managers H Geneenet K Matsushita

H Geneen a preacutesideacute aux destineacutees drsquoITT (International Telephone and Telegraph) Il avait lareacuteputation drsquoun homme tregraves travailleur et doteacute drsquoune meacutemoire exceptionnelle des chiffreset des faits Mais son comportement avait creacuteeacute un eacutetat de tension consideacuterable dans seseacutequipes et insuffleacute un veacuteritable esprit de compeacutetition entre les cadres En effet Geneenfaisait en sorte que chacun sache qursquoil eacutetait le patron Il appelait ses collaborateurs agravenrsquoimporte quelle heure les interrompait reacuteguliegraverement mecircme srsquoils eacutetaient en pleinepreacutesentation et ne pouvait srsquoempecirccher de les humilier Geneen pensait eacutegalement que lesreacuteunions eacutetaient une bonne maniegravere drsquoexercer une pression sur les eacutequipes Ces reacuteunionseacutetaient de veacuteritables interrogatoires et faisaient lrsquoobjet drsquoune mise en scegravene (par exempleles cadres parlaient dans un microhellip) La moindre meacuteconnaissance drsquoun dossier pouvaitdonner lieu agrave une humiliation publique Geneen srsquoassurait ainsi que ses collaborateurseacutetaient parfaitement preacutepareacutes

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Lrsquoeacutetude des styles de management souligne lrsquoabsence drsquoun style qui dominerait lesautres Le leadership situationnel valorise les qualiteacutes drsquoadaptation du dirigeantCette aptitude nrsquoest toutefois pas aiseacutee agrave deacutevelopper compte tenu de leur profilpsychologique Au-delagrave de la gestion des personnes lrsquoactiviteacute essentielle drsquoun cadreet plus encore drsquoun dirigeant est de prendre des deacutecisions

3 La deacutecision

Lrsquoactiviteacute de management est une activiteacute de production de deacutecisions Ainsi lemanager quelle que soit sa position dans la structure doit faire des choix commeceux de lancer une OPA de se deacutevelopper dans une nouvelle activiteacute de srsquoallier avecun concurrent de mettre sur le marcheacute un nouveau produit de recruter unepersonne drsquoacqueacuterir un eacutequipement de production de changer de fournisseurshellipPour autant ces deacutecisions ne sont pas toutes de mecircme nature lancer une OPA surun concurrent nrsquoaura pas les mecircmes incidences sur lrsquoentreprise que recruter un colla-borateur plutocirct qursquoun autre Il existe donc dans les organisations une grande varieacuteteacutede deacutecisions Nous suggeacuterons drsquoanalyser cette diversiteacute en fonction de deux critegrave-res le niveau hieacuterarchique et le risque associeacute En reacutefeacuterence agrave Ansoff (1968) celaconduit agrave retenir trois types de deacutecisions les deacutecisions strateacutegiques tactiques etopeacuterationnelles

Les deacutecisions strateacutegiques sont prises au niveau de la direction geacuteneacuterale de lrsquoentre-prise Elles se caracteacuterisent par un niveau de risque maximum car les enjeux sontcruciaux (aux plans financiers de lrsquoimage de marque de lrsquooffrehellip) le contexte deacuteci-sionnel fortement incertain (compte du caractegravere ineacutedit du choix les donneacutees duproblegraveme et les conseacutequences des choix sont mal connues) et la reacuteversibiliteacute tregravesfaible Les dirigeants ont donc une maicirctrise tregraves limiteacutee de ce type de deacutecisions

K Matsushita a fondeacute la Matsushita Electric Company Il avait de reacuteelles qualiteacutes drsquoadapta-tion Il eacutetait capable drsquoecirctre actif et impliqueacute lorsque la situation lrsquoexigeait et parfois plusdistant et agrave lrsquoeacutecart Selon Matsushita le comportement drsquoun dirigeant est tregraves important Ilveacutehicule un ensemble de messages fortement symboliques aux salarieacutes comme fairecomprendre ce qui est reacuteellement important Il avait eacutegalement une aptitude agrave communi-quer avec tous ses salarieacutes et eacutetait capable de leur insuffler une eacutenergie Il savait eacutegale-ment valoriser ses eacutequipes Ainsi lorsqursquoil faisait visiter ses usines il pouvait deacutesigner unouvrier au hasard et le preacutesenter comme son meilleur gestionnaire Il croyait eacutegalementbeaucoup au potentiel drsquoenrichissement des collaborateurs Il les sollicitait freacutequemmentet pensait fermement que la somme de laquo petits cerveaux raquo vaut plus que quelques laquo groscerveaux raquo Il pouvait eacutegalement se montrer dur avec les salarieacutes en situation drsquoeacutechec Maismecircme avec eux il srsquoassurait qursquoils tirent des enseignements de leur eacutechec Sa sagesse eacutetaittelle qursquoon le preacutesente parfois comme lrsquoun des plus grands managers du siegravecle

Agrave partir de AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H et MICHEL SManagement aspects humains et organisationnels Eacutedition PUF 1999

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Crsquoest le cas drsquoun rachat drsquoentreprise Eacutetudieacutee par la direction geacuteneacuterale cette deacutecisionest risqueacutee compte tenu des enjeux financiers des implications sur le long terme desincertitudes lieacutees au projet (le dirigeant nrsquoa souvent qursquoune connaissance exteacuterieurede lrsquoentreprise cible et il nrsquoa pas forceacutement accumuleacute une grande expeacuterience en lamatiegravere) et de la faible reacuteversibiliteacute du choix (la revente eacuteventuelle nrsquoest pas aiseacutee)

Les deacutecisions tactiques sont prises par les managers intermeacutediaires Elles se carac-teacuterisent par un niveau de risque moyen Drsquoune part parce que les enjeux sont moin-dres par rapport aux deacutecisions strateacutegiques drsquoautre part parce que le contextedeacutecisionnel est moins incertain (compte tenu drsquoune freacutequence plus eacuteleveacutee de cessituations les connaissances lieacutees au problegraveme et aux conseacutequences du choix sontsatisfaisantes) et enfin parce que la reacuteversibiliteacute est possible Les managers ont doncun niveau de maicirctrise plus grand de ce type de deacutecisions Ainsi le recrutement drsquouncollaborateur se fait geacuteneacuteralement au niveau des cadres intermeacutediaires (sauf dans lesPME ougrave les dirigeants sont souvent des omni-deacutecideurs) En outre le risque associeacuteagrave un recrutement est plus faible car les enjeux sont importants sans ecirctre cruciaux lamultiplication des entretiens permet drsquoaccroicirctre le niveau drsquoinformations permettantde choisir les responsables sont reacuteguliegraverement confronteacutes agrave ce type de deacutecision et ilest en outre possible de faire marche arriegravere les contrats preacutevoyant une peacuteriodedrsquoobservation

Enfin les deacutecisions opeacuterationnelles sont prises par les acteurs de terrain (le centreopeacuterationnel) Le niveau de risque de ce type de deacutecision est faible En effet lesenjeux sont limiteacutes le contexte fortement certain (la reacutepeacutetition confegravere une bonneconnaissance du problegraveme et des conseacutequences associeacutees agrave un choix) et la reacuteversibi-liteacute souvent totale La maicirctrise lieacutee agrave ces deacutecisions est donc maximale Ainsi la cons-truction drsquoun programme de cours par un enseignant du supeacuterieur correspond agrave unedeacutecision opeacuterationnelle Le niveau de risque est tregraves reacuteduit car les enjeux sont tregravesfaibles pour son institution (la deacutecision de traiter tel thegraveme plutocirct que tel autre nrsquoaguegravere drsquoincidences financiegravereshellip) la freacutequence de conception drsquoun cours par leprofesseur lui confegravere une bonne connaissance du problegraveme et des conseacutequenceslieacutees au choix drsquoun cours et la possibiliteacute de changer un thegraveme par un autre peut sefaire agrave tout moment

Repegraveres Ecirctre pionnier une deacutecision strateacutegi-que pour Ikeacutea

Ingvar Kamprad le fondateur drsquoIkeacutea a toujours consideacutereacute que lrsquoinnovation eacutetait essentielleau deacuteveloppement strateacutegique de lrsquoentreprise En dix ans Ikeacutea a quasiment multiplieacute parquatre son chiffre drsquoaffaires et est en passe de devenir le leader franccedilais sur le marcheacute dujeune habitat Avec pour objectif une reacuteduction constante des prix Ikeacutea innove agrave diffeacuterentsniveaux innovation architecturale innovation de produits et innovation de services

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Ikeacutea srsquoest rapidement deacutemarqueacute en devenant le roi du meuble en kit En 1955 douze ansapregraves la creacuteation de lrsquoenseigne un des employeacutes a la brillante ideacutee de deacutemonter les piedsdrsquoune table pour la transporter sans dommage dans la voiture Sans le savoir lrsquoemployeacutevenait de deacutefinir lrsquoun des attributs phares des produits de la marque Ikeacutea Cette maniegravere deproceacuteder est radicalement diffeacuterente de ce qui existait auparavant Ikeacutea a donc agi en pion-nier Ikeacutea a commenceacute agrave penser au design en tenant compte drsquoun conditionnement enpaquets plats les meubles en paquets plats eacutetant plus faciles agrave fabriquer et moinscoucircteux agrave transporter et agrave stocker Pour les clients cela veut dire des prix encore plus bas etdes achats plus faciles agrave transporter agrave leur domicile Ces prix sont drsquoautant reacuteduits que lesclients se servent eux-mecircmes Ikeacutea a donc reacutevolutionneacute le commerce du meuble en creacuteantdes grandes surfaces vendant des meubles agrave emporter Outre le conditionnement enpaquets plats les consommateurs sont eacutegalement attireacutes par ce qursquoIkeacutea considegravere commele laquo design deacutemocratique raquo Apregraves une dizaine drsquoanneacutees drsquoexistence la pression des concur-rents est telle qursquoIkeacutea se deacutecide agrave deacutevelopper ses propres modegraveles Depuis lors Ikeacutea estdevenu creacuteateur de modegraveles au design innovant Lrsquoenseigne sueacutedoise dispose drsquoune entiteacutejuridique pour creacuteer ses modegraveles en interne et a parfois recours agrave des cabinets de desi-gners Afin de faire respecter sa politique globale du prix Ikeacutea implique degraves les premiegraveresesquisses de produit lrsquoensemble des services du groupe agrave savoir les designers et deacuteve-loppeurs de produits les services mateacuteriaux et la logistique De cette maniegravere chaquepartie travaille de maniegravere agrave respecter le prix deacutetermineacute pour chaque produit Les desi-gners travaillent eacutegalement en eacutetroite collaboration avec les fabricants afin de trouver desmeacutethodes de production ingeacutenieuses compte tenu des processus de fabrication existantsIkeacutea a ainsi structureacute les attentes des consommateurs Ainsi si dans les anneacutees 1980 lrsquointeacute-rieur des Franccedilais est plutocirct traditionnel aujourdrsquohui il est plutocirct jeune et design Ikeacutea a sueacutegalement deacutevelopper un avantage concurrentiel au niveau de lrsquointerface consommateurDegraves les anneacutees 1950 Ikeacutea a offert agrave ses clients de voir et toucher les meubles avant de lesacheter Agrave son arriveacutee en France lrsquoagencement des magasins Ikeacutea est un concept inno-vant il est penseacute autour drsquoun parcours imposeacute Le client deacutebute la visite par le salon et vade piegravece en piegravece pour finir par les articles de cuisine de deacutecoration les bougies ou lesplantes Cela a eacuteteacute vraiment veacutecu comme une innovation par les clients franccedilais Rien nepouvait leur eacutechapperIn fine le comportement pionnier drsquoIkeacutea reacuteside dans lrsquooriginaliteacute de son offre en termes deproduits (meuble en kit conditionneacute agrave plats au design brancheacute agrave prix accessible) et eacutegale-ment dans son organisation industrielle et commerciale (parcours du client preacutesentationdes produits en univers conception modulaire des produitshellip) Ces innovations bien quecopieacutees en France par Fly permettent agrave Ikeacutea de disposer drsquoune longueur drsquoavance Troisraisons expliquent la domination drsquoIkeacutea sur le marcheacute franccedilais du jeune habitatTout drsquoabord Ikeacutea deacutetient un leadership technologique en matiegravere de design de meublesde deacuteveloppement de services et drsquoorganisation commerciale Par exemple en internali-sant lrsquoactiviteacute de design lrsquoentreprise a deacuteveloppeacute une expertise qursquoil est difficile drsquoimiterDeacutesigner de nouveaux produits en conservant le conditionnement agrave plat et le kit est unecompeacutetence complexe Cette maicirctrise est telle qursquoIkeacutea est toujours en avance sur sesconcurrents Cela lui permet de srsquoengager dans une strateacutegie drsquoinnovation perpeacutetuelle Enfaisant se succeacuteder les innovations agrave un rythme eacuteleveacute lrsquoentreprise renouvelle reacuteguliegravere-ment les gammes de produits et maintient lrsquoattractiviteacute de lrsquoenseigne aupregraves de ses clientsEnsuite Ikeacutea a preacuteempteacute certains actifs Ainsi les designers de meubles sont des personnes

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La typologie des deacutecisions permet de mesurer la diversiteacute comme les difficulteacutesinheacuterentes aux choix auxquels les managers sont confronteacutes Cependant la deacutecisionne peut ecirctre exclusivement abordeacutee sous lrsquoangle du choix elle est aussi un chemine-ment une succession drsquoeacutetapes En drsquoautres termes il convient drsquoanalyser les eacutetapesqui composent le processus deacutecisionnel

Si lrsquoon pose que la deacutecision consiste en un problegraveme (dont les composants sontplus ou moins connus) des options (dont la pertinence deacutepend de la capaciteacute agrave traiterle problegraveme et des critegraveres retenus) des conseacutequences attacheacutees aux diffeacuterentesalternatives un choix une eacutevaluation et un apprentissage il semble possible de deacuteci-der de faccedilon rationnelle Dans ce cas le deacutecideur doit proceacuteder agrave une analyse appro-fondie des composants du problegraveme identifier les diffeacuterentes solutions possibles eteacutevaluer les conseacutequences qui reacutesulteraient des diffeacuterents choix possibles Srsquoilprocegravede ainsi il sera en mesure de prendre la deacutecision optimale (la meilleure deacuteci-sion) et pourra finalement eacutevaluer les effets de sa deacutecision et en tirer des enseigne-ments Crsquoest ainsi qursquoune bonne deacutecision peut ecirctre consideacutereacutee comme une deacutecisionprise selon un processus rationnel

Or selon Simon (1983) laquo pour lrsquoindividu comme pour lrsquoorganisation prendre desdeacutecisions consiste presque toujours agrave chercher et agrave adopter des solutions satisfaisan-tes Ce nrsquoest qursquoexceptionnellement que la prise de deacutecision consiste agrave deacutecouvrir etagrave adopter des solutions optimales raquo Ainsi lrsquoimprobabiliteacute drsquoadopter un processus dedeacutecision rationnel provient selon Simon de trois principaux facteurs La rationaliteacutedu deacutecideur est limiteacutee par ses capaciteacutes cognitives par ses valeurs et ses motiva-tions et par lrsquoinformation mobiliseacutee dans le processus

En effet les capaciteacutes cognitives (de traitement de lrsquoinformation) du deacutecideur limi-tent lrsquoanalyse de lrsquoensemble des dimensions qui composent un problegraveme et nepermettent pas drsquoentrevoir lrsquoensemble des solutions possibles Par exemple face agraveun problegraveme donneacute les speacutecialistes fonctionnels tendent agrave lrsquoanalyser sous lrsquoangle deleur expertise (le problegraveme relegraveve plutocirct de la finance pour les financiershellip) Il

tregraves qualifieacutees dont la valeur sur le marcheacute du travail est eacuteleveacutee Agrave ce titre les designersconstituent des ressources rares qursquoIkeacutea srsquoest en partie approprieacutees Eacutevidemment il estpossible de trouver des designers sur le marcheacute du travail mais ceux-ci nrsquoont peut-ecirctre pasle talent et la creacuteativiteacute de ceux qui travaillent pour Ikeacutea Les emplacements geacuteographiquesconstituent eacutegalement des ressources rares Ikeacutea a positionneacute ses magasins dans les zonesde chalandise les plus denses limitant ainsi le risque de concurrence locale Enfin Ikeacutea parson image drsquoentreprise pionniegravere est devenue une reacutefeacuterence pour les consommateurs Cesderniers associent immeacutediatement le nom de lrsquoenseigne agrave des produits drsquoameublementoriginaux et accessibles agrave des points de vente agreacuteable agrave fort contenu en termes de servi-ces (restauration garderiehellip) En cela Ikeacutea structure faccedilonne les attentes des consomma-teurs et dicte les regravegles ce qui constitue une force redoutable dans un marcheacute drsquooffre

Extrait de RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation et comportement strateacutegiquele cas du couple Ikeacutea-Fly raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Le management strateacutegique 2

Concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

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reacutesulte de cette limitation cognitive des effets de simplification qui conduisent agraveadopter des deacutecisions deacutejagrave expeacuterimenteacutees par le passeacute Ainsi les managers recourentagrave leur expeacuterience pour analyser les problegravemes Ce faisant ils identifient de faussessimilariteacutes entre les situations passeacutees et actuelles et puisent dans leur portefeuille deproblegravemes et de solutions laquo precirctes agrave lrsquousage raquo pour un problegraveme en reacutealiteacute ineacuteditEnsuite la rationaliteacute est limiteacutee par les valeurs et les motivations fluctuantes dudeacutecideur Mecircme si le deacutecideur nrsquoen a pas conscience elles influencent son processusde deacutecision Ainsi les managers peuvent valoriser des informations confirmatoiressur la base de nombreux critegraveres plus ou moins valables et justifieacutees (faciliteacute de miseen œuvre gains personnels valeurs moraleshellip) et eacuteliminer des informations contra-dictoires Enfin la rationaliteacute est limiteacutee par la disponibiliteacute et le coucirct de lrsquoinforma-tion En effet si la reacutesolution drsquoun problegraveme neacutecessite une activiteacute intense decollecte de traitement et drsquoanalyse de lrsquoinformation il ne faut pas exclure que ledeacutecideur nrsquoait pas accegraves agrave lrsquoinformation soit parce qursquoelle nrsquoexiste tout simplementpas soit parce qursquoelle est trop coucircteusehellip

In fine le processus de deacutecision du manager est rarement rationnel Celui-ci est unideacuteal plus qursquoune reacutealiteacute Crsquoest ainsi que bien des managers deacutecident de faccedilon intui-tive se reacutefeacuterant agrave leur clairvoyance leur flair leur preacutemonition voire leur instinctLrsquointuition permettrait de voir au-delagrave des faits correspondrait agrave une sorte desixiegraveme sens qui permettrait drsquoavoir une connaissance preacutealable des eacutevegravenementsfuturs (par exemple lrsquoeacutemergence drsquoun marcheacute agrave fort potentiel) Bertrand Collombqui a preacutesideacute aux destineacutees de Lafarge a ainsi expliqueacute dans un entretien que la deacuteci-sion drsquoacheter une usine en Allemagne de lrsquoEst srsquoest faite de maniegravere intuitive Alorsque ses eacutequipes ne parvenaient pas agrave identifier les bons interlocuteurs qursquoelles nesavaient pas comment les choses allaient se deacuterouler et qui avait le pouvoir BertrandCollomb a reacutepondu laquo ils auront toujours besoin de ciment On devrait quand mecircmeessayer mecircme si on ne sait pas agrave qui on parle raquo Ainsi selon Shapiro et Spence(1997) lrsquointuition est laquo un processus holistique non conscient dans lequel les juge-ments sont porteacutes sans compreacutehension des regravegles ou du savoir mobiliseacute pour lrsquoinfeacute-rer et qui peut entraicircner un sentiment de certitude malgreacute lrsquoimpossibiliteacute drsquoenjustifier la raison raquo En drsquoautres termes la deacutecision intuitive se caracteacuterise par troisdimensions la vitesse drsquoexeacutecution (par opposition aux deacutecisions agrave fort contenuanalytique) lrsquoinconscience (par opposition aux deacutecisions dont les structures sous-jacentes apparaissent logiques pour le sujet) et la confiance dans la deacutecision (issuedrsquoun sentiment de certitude tregraves fort quant agrave lrsquooccurrence de lrsquoeacutevegravenement qui la justi-fie)

La deacutecision est donc au cœur de lrsquoactiviteacute du manager Pour autant elle est rare-ment un processus strictement individuel Et il est freacutequent que les collaborateurssoient ameneacutes agrave travailler collectivement pour aider lrsquoeacutequipe dirigeante agrave prendredes deacutecisions Le travail en eacutequipe constitue ainsi un levier manageacuterial agrave ne pas sous-estimer

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4 Le travail en eacutequipe

Le travail en eacutequipe peut constituer une veacuteritable technique de management Srsquoilpermet de stimuler lrsquoengagement des employeacutes drsquoenrichir leur travail et de susciterleur creacuteativiteacute il est aussi un moyen de faire travailler ensemble des personnes defonctions de niveaux hieacuterarchiques drsquoexpeacuteriences et de formations diffeacuterents Lesbeacuteneacutefices de cette transversaliteacute verticale et horizontale sont multiples une plusforte coheacutesion dans lrsquoentreprise lrsquoameacutelioration de la coopeacuteration lrsquoenrichissementdes connaissances respectiveshellip Il en reacutesulte un ultime avantage la synergie crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutequipe est capable drsquoobtenir des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux qursquoauraient puobtenir les membres isoleacutement

Les eacutequipes de travail doivent ecirctre assimileacutees agrave des groupes formels temporaires(ils se dissolvent agrave lrsquoissue de leur mandat) etou continus (ils existent de faccedilonpermanente et relegravevent de la structure de lrsquoentreprise) Elles reacuteunissent des individuslieacutes par un objectif commun qui collaborent pour lrsquoatteindre et en assument laresponsabiliteacute En constituant des eacutequipes semi-autonomes lrsquoentreprise valoriselrsquoautocontrocircle lrsquoautonomie des deacutecisions et la responsabilisation

Repegraveres Lrsquoexemple des eacutequipes de travailvirtuelles

Le deacuteveloppement des systegravemes drsquoinformation et lrsquointensification des strateacutegies drsquointerna-tionalisation des entreprises ont acceacuteleacutereacute la laquo virtualisation raquo du travail Ainsi les eacutequipesvirtuelles se caracteacuterisent notamment par leur dispersion geacuteographique (les individus sonteacuteparpilleacutes partout dans le monde) Et cela procure certains avantages non neacutegligeables Auniveau organisationnel la virtualiteacute permet drsquoassurer la proximiteacute des clients au niveaulocal et lrsquooptimisation des compeacutetences au niveau global Au niveau humain les individusappreacutecient lrsquoautonomie les responsabiliteacutes les initiatives la liberteacute et lrsquoenrichissement queconfegravere la virtualiteacute Malgreacute ces avantages la distance physique est susceptible drsquoengen-drer lrsquoinsatisfaction et un certain stress des membres compte tenu des difficulteacutes de circu-lation drsquoinformations des horaires de travail parfois deacutecaleacutes du relatif flou dans lefonctionnement organisationnelhellip Les membres ont aussi parfois le sentiment de laquo courirapregraves les informations raquo que tous ne sont pas au mecircme niveau de connaissanceshellip Enoutre la distance physique qui seacutepare les acteurs creacutee souvent un problegraveme de socialisa-tion Les discussions informelles et les interactions sociales classiques (comme les eacutechan-ges lors de la pause-cafeacute dans les couloirs etc) sont en effet quasiment inexistantesLrsquoabsence de socialisation peut donc engendrer un sentiment drsquoisolementDans un tel contexte de travail les enjeux de management sont consideacuterables Favier etCoat (2002) suggegraverent un management agrave distance articuleacute autour de trois axes les indivi-dus lrsquoobjet et les liens Tout drsquoabord les membres des eacutequipes virtuelles doivent posseacutedercertaines qualiteacutes professionnelles La premiegravere est lrsquoindeacutependance car les acteurstravaillent le plus souvent en autonomie ndash ce qui suppose une certaine maturiteacute profes-sionnelle Ils doivent eacutegalement avoir acquis une compeacutetence et une expertise solides et

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De multiples sujets de reacuteflexion dans lrsquoentreprise (le lancement drsquoun produitlrsquoeacutelaboration drsquoune charte lrsquoameacutelioration des processus drsquoorganisation la certifica-tion qualiteacute le traitement drsquoune crisehellip) peuvent donner lieu agrave la constitution degroupes (ou eacutequipes) de travail Ceux-ci se voient alors attribuer la responsabiliteacutedrsquoun projet Trois principaux modes de gestion des eacutequipes de travail existent Cesont les modegraveles de coordination drsquointeacutegration et de coopeacuteration

Dans le premier modegravele les individus interviennent de faccedilon isoleacutee et leur contri-bution est faiblement deacutependante de celle des autres (figure 31)

Figure 31 mdash Le modegravele de coordination

Ce modegravele se caracteacuterise par une deacutemarche seacutequentielle car les eacutequipes se succegrave-dent Le projet ressemble agrave une course de relais ougrave les fonctions se passent leteacutemoin Dans ce mode de gestion lrsquoeacutequipe de travail reste limiteacutee aux membresdrsquoune mecircme fonction Ainsi le deacuteveloppement drsquoune nouvelle offre suppose lrsquointer-vention de plusieurs eacutequipes Le projet exige plusieurs expertises compleacutementaires(ingeacutenierie production marketing distributionhellip) Suivant cette logique de fonc-tionnement chacun contribue au projet selon son domaine de compeacutetence et ceindeacutependamment des autres

reconnues au niveau organisationnel Ces deux qualiteacutes leur permettent de jouer un rocirclesocial et eacuteconomique au sein de lrsquoeacutequipe Ensuite lrsquoobjet de lrsquoeacutequipe constitue un facteurunificateur Comme dans des groupes classiques la deacutefinition de la mission et des tacircchesrespectives constituent des facteurs de motivation du groupe Lrsquoobjet repreacutesente donclrsquoeacuteleacutement structurant de lrsquoeacutequipe (car les eacutequipes virtuelles eacutechappent parfois aux normesaux regravegles et aux ajustements de leur organisation du fait de leur eacuteloignement) Crsquoestpourquoi il se deacutecline par une mission claire et partageacutee qui se reacutealise par des tacircches inter-deacutependantes et produit des reacutesultats concrets qui marquent le terme du processus Enfindans ce modegravele les liens ou les interactions entre les membres drsquoeacutequipes se font agrave lrsquoaide delrsquoenvironnement technologique Des moyens de teacuteleacutecommunications plus ou moinssophistiqueacutes doivent ecirctre mis en place (messagerie instantaneacutee courriel ou videacuteoconfeacute-rence) afin de faciliter la communication et la circulation des informations entre lesmembres de lrsquoeacutequipe virtuelle

Agrave partir de KARJALAINEN H et SOPARNOT R laquo Geacuterer les eacutequipes virtuelleset multiculturelles quel rocircle pour le manager raquo 30e Congregraves de lrsquoAssociation

des sciences administratives du Canada (ASAC) 2009

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Le modegravele de lrsquointeacutegration permet une plus forte coopeacuteration En effet les experti-ses respectives sont inteacutegreacutees et combineacutees dans le cadre du deacuteroulement du projet(figure 32)

Figure 32 mdash Le modegravele drsquointeacutegration

Il y a ici une plus grande interdeacutependance des compeacutetences car de cette combinai-son deacutecoule la reacuteussite du projet Lrsquointeacutegration est assureacutee par un chef de projet ilest le garant de la bonne gestion des compeacutetences Pour cela il utilise et gegravere unreacuteservoir drsquoexpertises Par exemple placeacutee sous la responsabiliteacute drsquoun animateur lacreacuteation drsquoune charte des valeurs peut mobiliser des individus en provenance deplusieurs deacutepartements de lrsquoentreprise

Enfin le modegravele de la coopeacuteration impose aux acteurs de travailler ensemble surles diffeacuterents aspects du projet ils le co-construisent au fil de leurs interactions(figure 33)

Figure 33 mdash Le modegravele de coopeacuteration

Dans ce mode drsquoorganisation les acteurs repreacutesentent des champs drsquoexpertisespeacutecifique mais la confrontation des reacuteflexions conduit agrave lrsquoameacutelioration du projet en

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termes de qualiteacute coucirct et deacutelais comme agrave une plus grande intercompreacutehension Dansce modegravele la coopeacuteration entre les acteurs est indispensable En effet chaque expertdoit deacutepasser son champ de perception du projet (problegravemes potentiels solutionspossibles objectifs agrave poursuivrehellip) pour appreacutehender et prendre en consideacuterationcelles des autres membres du groupe Les eacutequipes constitueacutees sont ici interfonction-nelles Citons pour exemple le deacuteveloppement de lrsquooffre i-Mode par Bouygues Teacuteleacute-com Celui-ci a conduit agrave la creacuteation drsquoun plateau projet isoleacute du reste delrsquoorganisation et reacuteunissant plusieurs expertises (marketing distribution ingeacutenierieeacutedition de contenu Internet fabrication de terminaux mobiles qualiteacutehellip) Quelleque soit la phase du projet chaque meacutetier eacutetait solliciteacute indeacutependamment de sonexpertise Ainsi un ingeacutenieur avait son mot agrave dire sur des choix de marketing etinversement

Afin drsquoaccroicirctre lrsquoefficaciteacute du fonctionnement de lrsquoentreprise le manager peutenvisager le travail en eacutequipe et constituer des groupes projets Il pourra le faire defaccedilon occasionnelle en fonction des reacuteflexions en cours ou instituer ce mode drsquoorga-nisation (cf les structures par projet) Dans lrsquooptique drsquoune gestion collective despersonnes le dirigeant peut eacutegalement agir sur le registre symbolique et construireun reacutefeacuterentiel de valeurs partageacutees

5 La culture drsquoentreprise

Toute entreprise revecirct une dimension symbolique qui lui est propre et la diffeacuteren-cie des autres Ces symboles forment la culture de lrsquoentreprise deacutefinie commelrsquoensemble des valeurs gracircce auxquelles les membres drsquoune organisation acquiegraverentune identiteacute collective La culture nrsquoexiste donc pas en dehors des individus autre-ment dit ceux-ci inteacuteriorisent les valeurs (ils en ont plus ou moins conscience) et lespartagent Et crsquoest cela qui les unit Ainsi pour Theacutevenet (1993) la culture laquo est unensemble drsquohypothegraveses de base et drsquoeacutevidences partageacutees par les membres drsquouneorganisation opeacuterant parfois de faccedilon inconsciente construites au cours de lrsquohistoirepour faire face aux problegravemes rencontreacutes par lrsquoentreprise raquo

Dans cette optique lrsquoentreprise forme une communauteacute un clan Pour ecirctre pluspreacutecis elle est en fait une mosaiumlque culturelle car elle heacuterite de valeurs provenant dela culture nationale et des cultures professionnelles (ingeacutenieurs technicienscommerciaux creacuteatifshellip) Cet heacuteritage contribue agrave faccedilonner la culture organisation-nelle dont les composantes sont multiples Il est courant de distinguer les signescrsquoest-agrave-dire les manifestations de la culture et les valeurs qui en sont les fonde-ments Les signes renvoient au code vestimentaire au vocabulaire agrave lrsquoameacutenagementdes bureaux (comme la direction aux eacutetages supeacuterieurs) agrave une charte interne(comme les engagements envers les clients) agrave un style architectural (comme unsiegravege social dont lrsquoarchitecture correspond agrave une pyramide inverseacutee)hellip Tous ceseacuteleacutements ne sont pas neutres ils expriment la volonteacute manageacuteriale de montrer lesparticulariteacutes de lrsquoorganisation Pour autant ces signes ne sont qursquoun reflet imparfait

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de la culture drsquoune entreprise car ils reposent sur des valeurs Celles-ci se situentdonc agrave un niveau plus profond de la culture Bien qursquoelles ne soient pas immeacutediate-ment visibles elles sont repeacuterables dans le discours des membres de lrsquoentrepriseLeur rocircle est central En reacuteduisant lrsquoincertitude et la complexiteacute de la reacutealiteacute ellesfournissent aux individus des informations geacuteneacuterales quant agrave la maniegravere de raison-ner drsquointerpreacuteter les situations de les juger et drsquoy faire face Dans les cultures forteset coheacutesives ces valeurs sont tellement inteacuterioriseacutees qursquoelles forment des eacutevidencesparfois une veacuteritable ideacuteologie Aussi trouvent-elles leur origine dans les mythes lesrites et les tabous Les mythes sont des reacutecits eacuterigeacutes en leacutegende ils se reacutefegraverentsouvent agrave lrsquohistoire de lrsquoentreprise agrave sa creacuteation et aux actes de ses heacuteros La leacutegendede Francis Bouygues qui a fondeacute un empire en partant de rien en est un exempleDe mecircme le refus drsquoun portier de laisser rentrer le preacutesident drsquoIBM ThomasWatson J-R car il nrsquoavait pas son badge est censeacute montrer que la regravegle est la mecircmepour tous Les rites sont des pratiques qui permettent agrave un individu drsquointeacutegrer lacommunauteacute ou drsquoen sortir Ils servent agrave affirmer lrsquoexistence du clan sa coheacutesion etson uniteacute aux yeux de ses membres Enfin les tabous renvoient agrave ce que chacun saitmais dont il ne faut pas parler Ces tabous sont refouleacutes car ils mettent en danger lesvaleurs fondatrices de lrsquoentreprise

Repegraveres Les fondements culturels de la Compa-gnie des services peacutetroliers (CSP)

La CSP est une socieacuteteacute indeacutependante speacutecialiseacutee dans les services drsquoexploration et drsquoexploi-tation peacutetroliegravere (la reacutealisation drsquoeacutetudes visant agrave identifier des reacuteserves en hydrocarbure surterre ou en mer et la fabrication de mateacuteriels eacutelectroniques et eacutelectromeacutecaniques) Ellecompte aujourdrsquohui 3 500 personnes pour un chiffre drsquoaffaires drsquoenviron 500 millionsdrsquoeuros Ses principaux clients sont les compagnies peacutetroliegraveres du monde entier De ce faitla CSP est implanteacutee internationalement agrave travers un reacuteseau drsquoagences locales qui ont laresponsabiliteacute de conduire les laquo missions raquo (se rendre sur le terrain pour reacutealiser les eacutetudes)et a son siegravege en reacutegion parisienne La conduite des missions drsquoeacutetude sur le terrain esteffectueacutee par une cateacutegorie de personnel particulier agrave la CSP les laquo prospecteurs raquo Cesderniers beacuteneacuteficient drsquoune reacuteelle reconnaissance en interne On impute ainsi la perfor-mance de la CSP (une entreprise franccedilaise indeacutependante face aux geacuteants ameacutericains dusecteur qui a en outre reacutesisteacute aux crises qui secouent reacuteguliegraverement le secteur) agrave lrsquoexcel-lence technique de ses prospecteursEcirctre prospecteur agrave la CSP est un passage quasi-obligeacute pour les ingeacutenieurs et les techni-ciens Drsquoailleurs la plupart des directeurs ont commenceacute comme prospecteur Car crsquoest surle terrain qursquoon repegravere les meilleurs collaborateurs Sur le terrain le travail technique dansdes zones difficiles et les conditions parfois rudes forgent le caractegravere les qualiteacutes humai-nes et lrsquoexpertise technique des prospecteurs Ainsi un prospecteur peut ecirctre envoyeacute dujour au lendemain drsquoun bout agrave lrsquoautre du monde pour une mission Ce propos le souligneexplicitement laquo Un prospecteur qui est en mission en Indoneacutesie le lundi on lui dit jeudivous serez en Alaska Il prend son avion il va en Alaskahellip Un autre qui est en deacutetente au

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La culture drsquoentreprise est donc un cadre symbolique agrave partir duquel peuvent secomprendre le niveau drsquoimplication des acteurs et leur attachement agrave lrsquoorganisationLorsqursquoelle est partageacutee par les employeacutes lrsquoentreprise deacuteveloppe sa propre logiqueses propres modes de penseacutee et drsquoaction Johnson (1988) considegravere que lrsquoentreprisese dote ainsi drsquoun veacuteritable paradigme cognitif Celui-ci se deacutefinit commelaquo lrsquoensemble des croyances et des hypothegraveses relativement communeacutement reacutepan-dues dans lrsquoorganisation consideacutereacutees comme allant de soi et perceptibles dans leshistoires et explications des managers qui joue un rocircle central dans lrsquointerpreacutetationdes stimuli environnementaux et dans la configuration des reacuteponses strateacutegiquesorganisationnellement pertinentes raquo (Johnson in Laroche et Nioche 1998)

milieu de sa deacutetente on lui dit deacutesoleacute faut que vous soyez agrave telle date agrave tel endroit Ilprend sa valise et il y va en ronchonnant de temps en temps mais il y va La Compagniedoit beaucoup agrave ce personnel qui est souvent tregraves attacheacute agrave la Compagnie raquo Le rite dupassage sur le terrain marque donc lrsquoappartenance au clan CSP et srsquoentoure drsquoune certainemythologie (lrsquoaventure la camaraderie la viriliteacute lrsquoaudace la deacutebrouillardise lrsquoadapta-tionhellip) Et crsquoest en mission sur le terrain qursquoon y acquiert lrsquoesprit CSP et que srsquoinculquent lesvaleurs fondatrices de solidariteacute de modestie et de disponibiliteacuteEt cette culture se traduit dans les pratiques manageacuteriales de lrsquoentreprise Le personnel eststable et lrsquoessentiel des salarieacutes fait toute sa carriegravere agrave la CSP (il nrsquoy a drsquoailleurs pas beau-coup drsquoopportuniteacutes en France et en Europe pour les prospecteurs) La reacutemuneacuteration estplus faible qursquoagrave la concurrence et eacutevolue selon lrsquoancienneteacute Mais la progression de carriegravereest assureacutee apregraves un passage en mission le prospecteur accegravede agrave un poste fonctionnelfixe au siegravege Les licenciements collectifs sont tregraves exceptionnels (on preacutefegravere demander dessacrifices temporaires au personnel) La hieacuterarchie est peu pesante et les systegravemes decontrocircle limiteacutes ce qui confegravere une grande autonomie au personnel La communication esteacutegalement essentiellement informelle et orale

Agrave partir de AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H et MICHEL S Management aspectshumains et organisationnels Eacutedition PUF 1999 et de laquo La CSP face au changement raquo

in JOHNSON G SCHOLES K WHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

Repegraveres La crise reacutevegravele les croyances profondesdes entreprises

Nul ne conteste que la crise eacuteconomique frappe durement les entreprises Tenons pourpreuve les deacutecisions drastiques prises par des dirigeants dont lrsquoentreprise affichait desperformances en hausse constante depuis plusieurs anneacutees Ainsi Sony qui depuisquatorze ans nrsquoa jamais perdu le moindre yen vient drsquoannoncer pour lrsquoexercice fiscal 2008-2009 une perte significative conduisant agrave lrsquoadoption drsquoun plan de reacuteduction des coucircts ndashplan qui devrait permettre drsquoeacuteconomiser 2 milliards drsquoeuros par an Et pour cela Sonypreacutevoit un vaste programme de preacuteretraites des licenciements en masse une baisse desprimes pour les administrateurshellip Prenons un autre exemple Microsoft qui depuis sa creacutea-tion en 1975 nrsquoavait jamais pris de mesures radicales sur lrsquoemploi srsquoest engageacute en janvier

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Dans les entreprises agrave culture drsquoentreprise fortement coheacutesive les individusdeviennent comme prisonniers tant leur investissement psychique est intenseLrsquoorganisation leur procure en effet des sentiments et des eacutemotions tregraves forts(lrsquoamour la haine le bonheur la tristessehellip) qui structurent leur ecirctre lrsquoidentiteacute delrsquoindividu puise en partie sa source dans celle de lrsquoentreprise Agrave travers les meacutecanis-

dernier agrave reacuteduire ses deacutepenses opeacuterationnelles de 15 milliard de dollars pour lrsquoanneacutee agravevenir Concregravetement cela signifie la suppression de 5 000 postes drsquoici 2010 soit 5 de seseffectifs mondiaux Agrave nrsquoen pas douter cette crise sans preacuteceacutedent conduit les entreprises agravereacuteviser en profondeur leur plan de deacuteveloppement et leur strateacutegie agrave long terme Et ceschangements de trajectoires sont parfois salutairesEn effet parfois et alors que manifestement tous les signaux reacutevegravelent lrsquoimpasse danslaquelle se trouvent certaines entreprises elles maintiennent le mecircme cap Cette inertiesrsquoexplique de multiples faccedilons les actifs sont trop speacutecialiseacutes et faiblement redeacuteployablesles qualifications et le potentiel des eacutequipes rendent difficile la mise en œuvre de nouvellesstrateacutegies des barriegraveres agrave la sortie font obstacle au redeacuteploiement de lrsquoentreprisehellip Maisbien souvent ce sont de mauvais raisonnements lieacutes agrave des croyances profondeacutementancreacutees dans lrsquoorganisation qui sont agrave lrsquoorigine de cette inertie Les dirigeants peuvent eneffet ne pas percevoir certains signaux en provenance de leur environnement (commelrsquoeacutemergence drsquoune nouvelle technologie lrsquoarriveacutee drsquoun concurrent avec une offre inno-vantehellip) les ignorer les sous-estimer et mecircme les interpreacuteter de maniegravere erroneacutee La situa-tion de quasi-faillite dans laquelle se trouvent les constructeurs ameacutericains ndash Ford Chrysleret Geacuteneacuteral Motors ndash en constitue une illustration parfaite Les Big Three ont connu desanneacutees prospegraveres en commercialisant sur leur marcheacute drsquoorigine des veacutehicules de grosgabarit (4x4 pick-up et grosse berline) rustiques et tregraves consommateurs drsquoessence Porteacutespar un creacutedit facile et un prix de lrsquoessence faible les acheteurs eacutetaient nombreux pour cesveacutehicules Mais ce succegraves les a conduits agrave leur perte Deux des Big Three ndash essentiellementGeacuteneacuteral Motors et Chrysler ndash se sont ainsi limiteacutes au marcheacute ameacutericain (Chrysler reacutealise90 de son activiteacute aux Eacutetats-Unis) et nrsquoont deacuteveloppeacute aucune reacuteelle compeacutetence enmatiegravere de conception et de fabrication de veacutehicules de petit gabarit agrave motorisation peupolluante et eacuteconomique en termes de consommation de carburant Et de lagrave vient leurvulneacuterabiliteacute Car lrsquoaugmentation progressive du prix de lrsquoessence et le resserrement ducreacutedit ont eu pour conseacutequence un ralentissement du marcheacute ameacutericain ndash il srsquoeacutelevaitapproximativement agrave 16 millions de veacutehicules en 2006 eacutetait de 132 millions en 2006 etdrsquoenviron 10 millions en 2008 ndash et une monteacutee en puissance non neacutegligeable de lademande ameacutericaine de veacutehicules de petit gabarit Prisonnier drsquoune expertise en concep-tion et fabrication de gros veacutehicules et quasi-absent des marcheacutes eacutetrangers Chrysler etGeacuteneacuteral Motors ne doivent leur survie qursquoagrave un precirct de 134 milliards de dollars par laMaison Blanche Mais cette somme ne leur permettra pas de survivre apregraves mars 2009Leur salut passe deacutesormais par une remise en cause radicale de leur strateacutegie une remiseen cause que seule une crise de cette ampleur rend possibleCette crise est eacutevidemment redoutable les entreprises y reacuteagissent agrave court terme enreacuteduisant leur structure de coucirct Mais elle est salutaire au moins sur un point elle acceacute-legravere la prise de conscience que les strateacutegies ne sont pas immuables et que les succegravespasseacutes ne conditionnent pas ceux de demain

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Le salut vient de la crise raquo ESCEM News mars 2009

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mes de lrsquoidentification (il fait partie drsquoelle) et de lrsquointrojection (elle fait partie de lui)la culture devient un ciment organisationnel qui maintient la coheacuterence interne etdiffuse des programmes mentaux comme des guides pour lrsquoaction

De ce fait la culture apparaicirct comme un levier de management Le dirigeant cher-che alors agrave faccedilonner les composants de la culture pour la rendre plus conforme agrave lastrateacutegie de lrsquoentreprisehellip il agit sur les signes et tente drsquoinfluer sur les valeursCertains dirigeants eacuteprouvent par exemple souvent le besoin de reacutediger une charteun projet drsquoentreprise afin de diffuser certaines valeurs fortes donc des programmesdrsquointerpreacutetation et drsquoaction (penser et agir conformeacutement aux valeurs) En lamatiegravere la prudence doit ecirctre de rigueur car lrsquoentreprise nrsquoest pas un laquo Lego raquo ellenrsquoest pas malleacuteable agrave souhait En effet la culture se forme et eacutevolue de faccedilonlaquo naturelle raquo selon des processus longs et aleacuteatoires Elle nrsquoobeacuteit agrave aucune loi et nese deacutetermine pas Les dirigeants qui pensent maicirctriser la culture de leur entreprise etla deacutefinir de faccedilon deacutelibeacutereacutee se trompent Crsquoest ainsi qursquoil convient drsquoeacutetablir unediffeacuterence entre la culture voulue (les signes et les valeurs promulgueacutees par la direc-tion) et la culture reacuteelle (les valeurs que partagent reacuteellement les salarieacutes) Il estcependant possible qursquoelles se confondent il nrsquoy aura alors pas de deacutecalage entre lareacutealiteacute et la volonteacute culturelles

In fine la culture de lrsquoentreprise repose sur un ensemble de signes et de valeurs quifont sa singulariteacute Elle constitue alors un meacutecanisme puissant drsquounification dessalarieacutes comme un moyen de guider leurs interpreacutetations et leurs deacutecisions Pourautant la culture ne se manipule pas aussi aiseacutement qursquoun outil et ne saurait agrave cetitre ecirctre un objet de la rationaliteacute manageacuteriale

LrsquoessentielLe troisiegraveme chapitre a permis tout drsquoabord lrsquoanalyse des facettes essentielles du compor-tement humain dans lrsquoentreprise La motivation et lrsquoimplication les jeux de pouvoir lestress au travail la coopeacuteration interindividuelle et lrsquoinfluence du groupe constituent desdimensions comportementales qursquoaucun manager drsquoeacutequipe ne saurait neacutegliger Ensuite ledomaine du management des personnes a eacuteteacute eacutetudieacute Ont eacuteteacute preacutesenteacutes les deux grandsprofils de dirigeant (le manager et le leader) les styles de commandement des eacutequipes laprise de deacutecision le travail en eacutequipe et la culture drsquoentreprise Les thegravemes abordeacutes dansce chapitre constituent finalement des points drsquoancrage pour une meilleure compreacutehensiondes comportements humains dans les organisations comme pour une meilleure gestion deseacutequipes et des personnes en situation de travailToutefois la vie des entreprises se caracteacuterise par des peacuteriodes de turbulence plus ou moinsfortes Toute entreprise est ainsi ameneacutee agrave un moment de son histoire agrave faire face agrave destransformations plus ou moins radicales de son environnement et agrave srsquoengager dans deschangements plus ou moins drastiques de ses caracteacuteristiques Ces changements organisa-tionnels preacutesentent certaines singulariteacutes qui sont traiteacutees dans un ultime chapitre

4Chapitre

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e changement des entreprises et dans les entreprises est un domaine drsquoactioncrucial pour les dirigeants et les managers intermeacutediaires En effet leur rocircle

est de maintenir une adeacutequation constante entre les caracteacuteristiques de lrsquoenvironne-ment et les capaciteacutes de lrsquoentreprise Or cet alignement devient plus difficileaujourdrsquohui car les ruptures externes se multiplient et srsquoacceacutelegraverent la globalisationdes marcheacutes lrsquointensification de la concurrence le deacuteveloppement des technolo-gieshellip ont pour effet de provoquer des renouvellements rapides et freacutequents descaracteacuteristiques environnementales et concurrentielles En contexte de turbulenceles managers sont donc freacutequemment ameneacutes agrave faire eacutevoluer la strateacutegie de lrsquoentre-prise la structure la culture les pratiques organisationnelles les outils et techniquesutiliseacuteshellip pour srsquoadapter en continu aux eacutevolutions du milieu et assurer la compeacuteti-tiviteacute de la firme sur le long terme Cependant le management du changement est unexercice deacutelicat (70 des programmes de changement se soldent par un eacutechec) etun moment fortement redouteacute par nombre de dirigeants

Cette moindre performance srsquoexplique drsquoune part par la grande complexiteacute quicaracteacuterise le pheacutenomegravene de changement dans les organisations et drsquoautre part parles difficulteacutes qursquoengendre sa gestion Lrsquoobjet de la premiegravere section est donc drsquoiden-tifier les diffeacuterentes dimensions du changement La seconde se consacre agrave lrsquoeacutetudedes diffeacuterentes approches en matiegravere de conduite du changement organisationnel

Section 1 Les dimensions du changement organisationnelSection 2 La conduite du changement organisationnel

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Le changement organisationnel

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LES DIMENSIONS DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Les multiples dimensions du changement organisationnel imposent drsquoen deacutefinirles angles drsquoanalyse possible Afin drsquoen saisir les singulariteacutes Pettigrew (1985)propose un modegravele triadique (figure 41) pour lequel la dynamique du changementorganisationnel doit ecirctre comprise agrave partir de trois dimensions le contexte leprocessus et le contenu

Figure 41 mdash Le modegravele triadique du changement organisationnel

Le contexte correspond agrave lrsquoensemble des facteurs susceptibles drsquoinfluencer la deacuteci-sion de changement Il srsquoanalyse en deux temps Il caracteacuterise lrsquoenvironnement sur leplan eacuteconomique reacuteglementaire concurrentielhellip et lrsquoorganisation aux niveauxculturel structurel de la reacutepartition du pouvoirhellip Le processus caracteacuterise la vieconcregravete du changement Il reacutesulte des interactions (souvent politiques) entre lesacteurs concerneacutes par le pheacutenomegravene ceux-ci pouvant ecirctre membres ou non delrsquoorganisation Enfin le contenu concerne la nature du changement Ainsi la strateacute-gie la structure le systegraveme sociotechnique la culturehellip sont susceptibles drsquoecirctremodifieacutes Cette section traite de ces trois dimensions et aborde eacutegalement le thegravemede la reacutesistance au changement

Section 1

Actions reacuteactions et interpreacutetations entre les diffeacuterentes parties concerneacuteespar la transformation

Environnement social eacuteconomique commercial et politique dans lequel lrsquoentreprise opegravere

Structure culture organisationnelle et configuration des pouvoirs

Domaines soumis agrave transformation

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Le changement organisationnel

1 Les facteurs de changement

Selon March (1981) laquo ce que nous appelons changements organisationnels est unensemble de reacuteponses concordantes par diverses parties de lrsquoorganisation agrave diversesparties interconnecteacutees de lrsquoenvironnement raquo Ainsi le changement correspond aupassage drsquoun eacutetat actuel agrave un eacutetat deacutesireacute drsquoune situation originale jugeacutee inadeacutequateagrave une autre consideacutereacutee comme eacutetant plus adapteacutee qui reacutepond mieux aux exigencesdu milieu ou aux nouvelles aspirations des dirigeants Le changement trouve donc sasource dans lrsquoenvironnement (contexte externe) comme au sein de lrsquoentreprise(contexte interne)

Chandler (1972) a montreacute que le changement avait souvent pour origine lrsquoenviron-nement En effet les crises constituent des points de rupture obligeant lrsquoentreprise agraveajuster sa strateacutegie comme sa structure Ces facteurs drsquoeacutevolution sont multiples Ilpeut srsquoagir des innovations technologiques de la mondialisation des marcheacutes desdeacutereacuteglementationshellip Portons notre attention sur ces trois facteurs

Les technologies reacutegissent le fonctionnement de nombreux aspects des entrepri-ses les techniques de production la nature de lrsquooffre les meacutethodes drsquoorganisationet de communicationhellip Les innovations technologiques provoquent deux effetsimportants elles rendent obsolegravetes les technologies en place et permettentdrsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des processus des firmes Pour ces raisons cesderniegraveres doivent souvent acceacuteder aux nouvelles technologies au risque de se fairedeacutepasser par leurs concurrents Leur adoption impose alors de conduire des change-ments lieacutes agrave leur inteacutegration dans le systegraveme drsquoorganisation existant

La mondialisation des marcheacutes se reacutefegravere agrave la geacuteographie de la vie des affairesLrsquoabaissement des barriegraveres douaniegraveres lrsquoeacutemergence de zones eacuteconomiques eacutelargies(ALENA UE APEChellip)hellip ont pour effet de modifier le terrain de jeu des entrepri-ses Il est courant drsquoeacutevoquer le village mondial pour le qualifier Si cela signifie queles entreprises voient leur nombre de clients potentiels augmenter substantiellementil en est de mecircme pour leurs concurrents Sous lrsquoeffet drsquoune concurrence deacutesormaisinternationale les entreprises modifient le plus souvent leur strateacutegie compeacutetitiveleur systegraveme drsquooffre leur structurehellip

Les deacutereacuteglementations se reacutefegraverent agrave la limitation de lrsquointervention de lrsquoeacutetat dans lavie eacuteconomique LrsquoUnion europeacuteenne a ainsi promulgueacute de nombreuses lois qui ontdeacutereacuteglementeacute certains secteurs comme la teacuteleacutephonie la distribution des eacutenergies letransport aeacuterienhellip Ces deacutecisions incitent les entreprises agrave renouveler leur strateacutegie etleur organisation car des concurrents et des produits nouveaux apparaissent desguerres de prix se deacuteclenchent des rapprochements srsquoopegraverenthellip

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Repegraveres Reacuteglementation automobile en matiegravere environnementale et deacutevelop-pement des technologies eacutecologiques

Au niveau mondial les pays signataires du protocole de Kyoto ouvert agrave ratification en1998 se sont engageacutes agrave reacuteduire drsquoici 2010 leurs eacutemissions de CO2 de 8 par rapport agrave leurniveau de 1990 Dans le cadre de ce protocole la France srsquoest engageacutee agrave lrsquohorizon 2010 agrave nepas eacutemettre plus de gaz agrave effet de serre (GES) qursquoelle nrsquoen eacutemettait en 1990 Une des priori-teacutes porte sur le secteur des transports la voiture individuelle totalisant la moitieacute deseacutemissions du secteur Au niveau europeacuteen degraves 1992 des normes drsquoeacutemission de polluantssont instaureacutees fixant les limites maximales de rejets polluants pour les veacutehicules neufsConsciente que les veacutehicules particuliers sont responsables drsquoune quantiteacute importante deseacutemissions de CO2 dans lrsquoUnion europeacuteenne (UE) lrsquoAssociation des constructeurs automobi-les europeacuteens (ACAE) a conclu en 1998 avec lrsquoUE un accord volontaire de reacuteduction deseacutemissions de CO2 des veacutehicules Lrsquoaccord vise agrave reacuteduire les eacutemissions de 25 en 2008 parrapport au niveau constateacute en 1995 soit 140 grammes par kilomegravetre (gkm) contre186 gkm en 1995 et preacutevoit mecircme une nouvelle eacutetape en 2012 avec une diminution de35 suppleacutementaire (120 gkm) En 1999 lrsquoinitiative de lrsquoACAE a eacuteteacute suivie par les cons-tructeurs automobiles japonais et coreacuteens regroupeacutes respectivement au sein de la JAMA etla KAMA deux associations de constructeurs automobiles Ainsi la monteacutee en puissancedes enjeux environnementaux dans le secteur automobile srsquoest traduite par lrsquoeacutemergencede plusieurs technologies eacutecologiquesAvant lrsquoarriveacutee de la technologie hybride se sont deacuteveloppeacutees certaines filiegraveres de substitu-tion Le GNV (gaz naturel pour veacutehicule) et le GPL (gaz peacutetrole liqueacutefieacute) ont ainsi capteacutelrsquoattention de quelques constructeurs Si ces carburants alternatifs connaissent un reacuteelsuccegraves dans certains pays (Italie Argentine Turquie et Pays-Bas avec environ 1 milliondrsquoutilisateurs par pays) ils demeurent minoritaires en France Ainsi malgreacute les effortsdrsquoeacutequipement de stations en GPL le reacuteseau est largement surdimensionneacute compte tenudes 180 000 convertis Toutefois la technologie la plus mucircre et la plus aboutieaujourdrsquohui est probablement la technologie hybrideUn veacutehicule hybride associe un moteur agrave essence classique (thermique) et un moteur eacutelec-trique Le veacutehicule alterne des phases de conduite purement eacutelectrique et des phases deconduite purement thermique En fait le moteur thermique nrsquoest pas utiliseacute lorsqursquoil setrouve en condition de faible rendement notamment dans la phase de deacutemarrage En villeet agrave vitesse reacuteduite le moteur eacutelectrique est actionneacute et degraves que la voiture acceacutelegravere lemoteur agrave essence prend le relais En usage hybride il faut environ 1 000 km pour vider lereacuteservoir Enfin les moteurs hybrides permettent geacuteneacuteralement de reacutecupeacuterer lrsquoeacutenergienotamment lors du freinage ou en descente (le moteur eacutelectrique se transforme alors engeacuteneacuterateur) Lrsquointeacuterecirct de la technologie hybride est double Drsquoune part le systegraveme geacutenegravereune faible consommation de carburant et drsquoautre part il est plus respectueux de lrsquoenviron-nement (les eacutemissions de CO2 sont infeacuterieures agrave tout autre veacutehicule de la mecircme cateacutegorie)La motorisation hybride ne fait cependant pas lrsquounanimiteacute chez les constructeurs automo-biles et plusieurs options technologiques ont eacuteteacute (et sont) expeacuterimenteacutees par ces derniersTout drsquoabord on trouve la motorisation hybride diesel-eacutelectrique Fonctionnant sur le

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Toutefois les facteurs externes seuls ne suffisent pas agrave expliquer lrsquoimpulsion deschangements En effet le contexte interne composeacute de la structure la culture et lesrelations de pouvoir joue un rocircle deacuteterminant dans la perception et lrsquointerpreacutetationdes facteurs externes Si tel nrsquoeacutetait pas le cas les entreprises adopteraient des chan-gements similaires ndash ce qui nrsquoest pas toujours le cas Autrement dit lrsquoorigine duchangement ne peut ecirctre attribueacutee de faccedilon exclusive agrave des facteurs externes car lesmanagers sont ceux qui en derniegravere instance et sous lrsquoinfluence du contexte interneinterpregravetent les eacutevegravenements leur accordent ou non de lrsquoimportance et opegraverent unchoix

mecircme principe que lrsquohybride essence-eacutelectrique elle est largement favoriseacutee par les cons-tructeurs europeacuteens le diesel eacutetant plus reacutepandu en Europe Le biocarburant est eacutegale-ment une technologie eacutecologique alternative Il se preacutesente sous plusieurs formes tellesque les huiles veacutegeacutetales le biodiesel au colza ou lrsquoeacutethanol Il existe deux maniegraveres drsquoutiliserle biocarburant dans les moteurs soit on adapte le biocarburant au moteur soit lemoteur est configureacute de maniegravere agrave accepter le biocarburant Lrsquoune des contraintes est quele biocarburant est encore rare dans les circuits de distribution Un autre moyen de roulerde maniegravere eacutecologique est drsquoutiliser un systegraveme flexible qui combine essence et biocarbu-rant Enfin lrsquohydrogegravene peut ecirctre utiliseacute soit en tant que carburant soit en tant que vecteurdrsquoeacutenergie dans une pile agrave combustible Agrave long terme tous les constructeurs srsquoaccordent agravedire que la pile agrave combustible sera la meilleure technologie eacutecologique pour reacutepondre auxcontraintes environnementales Enfin nrsquooublions pas la motorisation totalement eacutelectri-que qui bien qursquoancienne demeure une technologie prometteuse pour certains Ainsi lesgroupes Bolloreacute et Dassault travaillent sur des batteries qui devraient permettre une auto-nomie plus grande du veacutehicule (entre 250 et 500 kilomegravetres) et une puissance du moteursupeacuterieure ( jusqursquoagrave 130 kmheure) agrave ce qui srsquoest fait jusque-lagrave

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produit et strateacutegiede premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance avec la Prius raquo

Atelier de cas peacutedagogique Cas en management strateacutegique CNAM Paris mars 2008

Repegraveres Les strateacutegies de Honda et PSA sur lesegment des voitures eacutecologiques

Lrsquoanneacutee 2007 marque le dixiegraveme anniversaire du lancement de la premiegravere voiture hybridede seacuterie ainsi que le leadership de Toyota sur le marcheacute des voitures eacutecologiques Apregravesavoir vendu plus drsquoun million de veacutehicules hybrides dans le monde dont plus de 100 000en Europe Toyota vise agrave preacutesent des ventes annuelles drsquoun million degraves 2010 dans le mondeEn deacuteveloppant la Prius Toyota a creacuteeacute un nouveau segment de veacutehicules Face agrave cette inno-vation la vitesse de reacuteaction des concurrents a eacuteteacute variable Si certains ont rapidementengageacute des ressources pour imiter Toyota drsquoautres ont preacutefeacutereacute attendre que le marcheacute desvoitures eacutecologiques prenne veacuteritablement son envol

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Honda srsquoest rapidement lanceacute sur le marcheacute des voitures hybrides Le modegravele Honda Insi-ght est le premier modegravele hybride de la marque fabriqueacute en seacuterie et commercialiseacute auxEacutetats-Unis degraves 1999 Mais crsquoest avec la Honda Civic Hybrid que le constructeur offre uneveacuteritable alternative agrave la Prius de Toyota Ce modegravele a drsquoabord eacuteteacute introduit en deacutecem-bre 2001 au Japon puis au printemps 2002 aux Eacutetats-Unis Ce nrsquoest qursquoen 2004 qursquoil estcommercialiseacute sur le continent europeacuteen et en 2006 en France Mecircme si les deux modegravelessont diffeacuterents dans la ligne le confort et la seacutecuriteacute ils entretiennent une similariteacute lieacutee agravela technologie eacutecologique dont ils sont pourvus Ils sont tous deux doteacutes drsquoun moteur eacutelec-trique-thermique dont la recharge srsquoeffectue inteacutegralement en interne Le moteur accu-mule de lrsquoeacutenergie degraves qursquoon acceacutelegravere ou deacuteceacutelegravere ce qui maintient le niveau de charge Agrave ladiffeacuterence de la Prius de Toyota la Honda Civic Hybrid est eacutequipeacutee du systegravemelaquo AutoStop raquo Il permet agrave la voiture de couper son moteur degraves qursquoelle est immobiliseacutee Ilsuffit drsquoun coup sur lrsquoacceacuteleacuterateur pour repartir Les deux voitures rejettent la mecircme quan-titeacute de CO2 agrave savoir 104 gkm et preacutesentent toutes deux un bon rapport qualiteacuteprixParallegravelement Honda commercialise en Ameacuterique du Nord le modegravele Accor Hybrid unevoiture familiale Ce modegravele nrsquoayant pas reacuteussi agrave srsquoimposer (Honda Accord Hybrid ne srsquoestvendu qursquoagrave 25 000 exemplaires depuis son lancement en 2004) Honda a ducirc en stopper laproduction Malgreacute ces mauvais reacutesultats Honda poursuit sa strateacutegie eacutecologique enpreacutesentant deux nouveaux veacutehicules La Honda CR-Z (Compact Renaissance Zero) est unconcept car (un prototype) hybride essence-eacutelectrique sportif qui a eacuteteacute preacutesenteacute au 40e

salon de lrsquoautomobile agrave Tokyo en novembre 2007 Ce modegravele hybride preacutefigure le prochainqui sera adapteacute aux besoins des familles Sa sortie est preacutevue pour 2009 Enfin Hondaassure pouvoir commercialiser pour lrsquoeacuteteacute 2008 aux Eacutetats-Unis un veacutehicule agrave pile agrave combus-tible (utilisant lrsquohydrogegravene et ne rejetant que de lrsquoeau) sous le nom de FCX Clarity Cemodegravele reacuteunit de nombreuses ameacuteliorations dans lrsquoautonomie de la voiture une puissancesignificative tout en ayant une ligne raffineacutee Le FCX Clarity sera dans un premier tempsloueacute agrave un nombre reacuteduit de consommateurs dans le sud de la Californie Si Honda a reacuteagitregraves promptement agrave lrsquoinnovation de produit de Toyota PSA a opteacute pour une strateacutegie alter-nativeEntre 2004 et 2008 le groupe PSA (Peugeot-Citroeumln) a vendu plus de 110 000 veacutehicules agravetregraves faible consommation et eacutemission de CO2 en Europe Le groupe affiche ainsi un taux depeacuteneacutetration de 30 sur le segment des veacutehicules de moins de 120 gkm (eacutemissions deCO2) et de 60 sur celui des veacutehicules de 110 gkm et moins Pour atteindre ces reacutesultatsCitroeumln a doteacute ses deux modegraveles C2 et C3 du systegraveme laquo Stop and Start raquo Cette technologie(un alterno-deacutemarreur) coupe automatiquement le moteur agrave lrsquoarrecirct (au feu rouge notam-ment) et le redeacutemarre degraves que le conducteur relacircche la peacutedale de frein Avec ce systegraveme lesvoitures sont moins gourmandes et moins polluantes Le groupe se concentre eacutegalementaujourdrsquohui selon les marcheacutes sur les veacutehicules fonctionnant aux biocarburants (eacutethanolet biodiesel) La C4 bioflex utilisant du bioeacutethanol en est un exemple avec toutefois deuxreacuteserves il nrsquoest pas eacutevident de se procurer du bioeacutethanol agrave lrsquoinverse de lrsquoessence ou dudiesel et ce modegravele nrsquoest pas eacutequipeacute du systegraveme laquo Stop and Start raquo Lrsquoambition de Citroeumlnreste cependant drsquoeacutequiper 1 million de veacutehicules du systegraveme laquo Stop and Start raquo dont laC4 bioflex ce qui repreacutesenterait le tiers des voitures fabriqueacutees Concernant la technologiehybride essence-eacutelectrique PSA ne semble pas convaincue par cette technologie jugeacuteepeu compeacutetitive eacuteconomiquement En revanche PSA deacutefend vivement lrsquointeacuterecirct de lrsquohybrideHDi (diesel-eacutelectrique) notamment sur le marcheacute europeacuteen ougrave le diesel est fortement

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Le changement organisationnel

Lrsquoorigine des reacuteorientations ne relegraveve donc pas seulement des eacuteveacutenements eacutecono-miques politiques ou juridiques les processus de perception de choix et drsquoactionpropres agrave lrsquoorganisation influencent la lecture et lrsquointerpreacutetation des faits Au-delagrave delrsquoanalyse de lrsquoinfluence du contexte sur le changement organisationnel le modegravelecontextualiste de Pettigrew preacuteconise drsquoen cerner la dimension processuelle

2 Les processus de changement

Lrsquoanalyse du processus de changement srsquoattache agrave identifier les diffeacuterentes eacutetapesqui en ponctuent la trajectoire Ainsi selon Lewin (1951) tout processus de change-ment se compose de trois phases principales

La premiegravere est dite de deacutegel ou de deacutecristallisation Elle correspond agrave lrsquoeacutetape aucours de laquelle les individus prennent conscience du besoin de changement Lespratiques actuelles (normes de fonctionnement) sont alors jugeacutees peu satisfaisantesLa seconde est qualifieacutee de mouvement ou de deacuteplacement Elle se reacutefegravere au change-ment agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire agrave la modification effective des normes defonctionnement La troisiegraveme est dite de gel ou de cristallisation Elle traduit ladisparition des anciennes normes de fonctionnement au profit des nouvelles prati-ques Un deacutecoupage similaire est utiliseacute par Vandangeon-Derumez (1998) pouranalyser le processus de changement Pour lrsquoauteur il se compose des eacutetapes dematuration de deacuteracinement et drsquoenracinement La maturation est la peacuteriode aucours de laquelle laquo le leader etou les actionnaires [hellip] prennent conscience de laneacutecessiteacute de changer et eacutelaborent un projet de changement raquo Le deacuteracinement

implanteacute (en Europe 50 des voitures neuves roulent au diesel ndash en France ce chiffreatteint 70 ) Un choix drsquoautant plus creacutedible que le groupe est peu preacutesent aux Eacutetats-Unis actuellement le principal marcheacute pour les veacutehicules hybrides et que son expertise surla technologie diesel est aveacutereacutee PSA agrave lrsquooccasion de divers salons automobiles a ainsipreacutesenteacute quelques modegraveles La C-Cactus concept car de Citroeumln est doteacutee drsquoun moteurdiesel HDi et drsquoun moteur eacutelectrique De mecircme le groupe mise sur la Peugeot 307 et la C4des veacutehicules hybrides HDi utilisant du carburant B30 (meacutelange de gazole et de 30 debiodiesel) et eacutegalement eacutequipeacutes du systegraveme laquo Stop and Start raquo Mais la mise sur le marcheacutegrand public (preacutevue en 2010) de ces veacutehicules reste probleacutematique pour le constructeur les coucircts de deacuteveloppement et de production de veacutehicules hybrides diesel-eacutelectriqueneacutecessitent soit drsquoaccepter agrave lrsquoinstar de Toyota de vendre agrave perte les premiegraveres anneacutees enattendant une monteacutee en cadence soit de reacutepercuter le surcoucirct sur les clients (environ4 000 euros) Dans les deux cas lrsquoeacutequation eacuteconomique est difficile agrave reacutesoudre Pour lelong terme PSA travaille au deacuteveloppement de la technologie GENEPAC (geacuteneacuterateur eacutelec-trique agrave pile agrave combustible) Cette technologie semble avoir les faveurs du groupepuisqursquoelle eacutequipe le concept car 207 Epure preacutesenteacute au mondial 2006

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produit et strateacutegiede premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance avec la Prius raquo Atelier

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correspond laquo agrave la communication et agrave la mise en œuvre du projet de changement raquoEnfin lrsquoenracinement traduit laquo lrsquoancrage du changement au niveau de lrsquoactiviteacutequotidienne de lrsquoentreprise Le changement nrsquoest plus un projet ni un eacutetat drsquoesprit ildevient une reacutealiteacute concregravete appliqueacutee par tous raquo (Vandangeon-Derumez 1998)

Si cette analyse preacutesente le processus de changement elle lrsquoeacutetudie en dehors delrsquoorganisation En conseacutequence elle meacuterite drsquoecirctre compleacuteteacutee par une analyse duprocessus de diffusion du changement crsquoest-agrave-dire de son mode de propagation danslrsquoorganisation Ainsi Mintzberg et al (1999) soulignent que les changementspeuvent reacutesulter de trois processus diffeacuterents Ils identifient les processus de change-ment planifieacutes conduits et spontaneacutes

Selon les auteurs laquo le changement planifieacute est programmatique il existe unsystegraveme ou un ensemble de proceacutedures qursquoil faut suivre raquo Le processus planifieacutecaracteacuterise donc un changement hautement rationnel qui aboutit agrave formuler des stra-teacutegies et des programmes explicites La transformation est alors piloteacutee par un ouplusieurs acteur(s) chargeacute(s) de lrsquoimplanter selon des modaliteacutes deacutefinies preacutealable-ment Le processus de changement conduit se distingue du preacuteceacutedent en regard desmodaliteacutes de mise en œuvre Il consiste en la formulation drsquoune vision par un diri-geant sur lrsquoavenir drsquoune entreprise agrave laquelle les acteurs vont donner vie Ici lesdeacutetails drsquoopeacuterationnalisation du changement ne sont pas deacutefinis preacutealablement et cedernier se construit dans et par lrsquoaction Ce changement reacutesulte donc des contribu-tions des acteurs leur autonomie et leurs compeacutetences sont reconnues La distinc-tion entre les processus planifieacutes et conduit rappelle celle de Vandangeon-Derumezndash lrsquoauteur parle des processus de changement prescrit et construit

Source Vandangeon-Derumez (1998)

Figure 42 mdash Les processus de changement prescrit et construit

Changement prescrit

Une vision claire de lrsquoavenirUne deacutefinition preacutecise des eacuteleacutements de lrsquoorganisation agrave changer pour atteindre cette visionDes acteurs cleacutes (laquo leader raquo et direction geacuteneacuterale) prenantdes deacutecisions qursquoils imposent ensuiteLa creacuteation drsquoune logique drsquoaction induisant le comportement des autres acteursUn changement brutal

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Changement construit

Une vision floue de lrsquoavenirUne deacutemarche agrave suivre pour effectivement changerUne volonteacute de faire eacutemergerlrsquoorganisation de demainUne grande liberteacute drsquoaction laisseacutee aux acteurs delrsquoorganisation pour favoriser la creacuteativiteacute de chacun et les comportements autonomesUn changement progressif

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Le changement prescrit se laquo fonde sur une vision claire de lrsquoavenir et deacutetermineavec preacutecision les eacuteleacutements de lrsquoorganisation actuelle qursquoil faut changer pour attein-dre cette vision raquo et le changement construit laquo se fonde sur une deacutemarche agrave suivrepour effectivement changer sans preacuteciser dans quelle direction raquo (Vandangeon-Derumez 1998) La figure preacuteceacutedente identifie les caracteacuteristiques de ces deuxprocessus de changement

Enfin le processus de changement spontaneacute eacutemerge de lrsquoorganisation et est detype intrapreneurial Le changement reacutesulte des initiatives des acteurs de terrainCelles-ci peuvent rester localiseacutees dans des espaces organisationnels deacutefinis ou sepropager dans la globaliteacute de lrsquoorganisation lorsque les initiatives sont deacutetecteacutees etreconnues par le sommet strateacutegique

Afin de prolonger lrsquoapproche contextualiste de Pettigrew lrsquoeacutetude des processus dechangement (deacutegel-mouvement-gel) et de diffusion du changement dans lrsquoorganisa-tion (planifieacute conduit et spontaneacute) doit deacutesormais ecirctre compleacuteteacutee par celle ducontenu du changement ndash ce qui correspond agrave lrsquoidentification des types de change-ment organisationnel

3 Les types de changement

Le contenu du changement se reacutefegravere agrave ce qui change effectivement dans lrsquoorgani-sation Or lrsquoobservation de la reacutealiteacute des entreprises met en eacutevidence une grandediversiteacute de changements Ceux-ci peuvent porter sur les produits le personnel lesoutils de gestion la structure la culture la strateacutegiehellip Nous proposons drsquoanalyser

Repegraveres La renaissance drsquoIntel

Fondeacutee en 1968 Intel produit des meacutemoires DRAM (Dynamic Random Access Memory)pour ordinateurs Son avance technologique lui permet en 1974 de devenir leader avec80 du marcheacute Mais balayeacute par ses concurrents japonais gracircce agrave des coucircts de productionet des prix plus bas la part de marcheacute drsquoIntel chute pour atteindre 2 en 1984 Les diri-geants refusent drsquoabandonner lrsquoactiviteacute historique pour des raisons ideacuteologiques Lrsquoundrsquoeux dira en substance que si Intel abandonnait les meacutemoires DRAM ce serait comme siFord arrecirctait de produire des voitures Ce sont finalement les routines internes qui vontpermettre un changement de meacutetier Le premier microprocesseur (le 4004) est deacuteveloppeacuteen 1974 par un ingeacutenieur pour reacutepondre agrave la demande drsquoun client La direction tolegravere cetteinitiative sans croire agrave lrsquoavenir de ce produit Pourtant il assure le renouveau du groupeIntel En effet dans le systegraveme Intel les diffeacuterents produits sont en compeacutetition pourlrsquooctroi de capaciteacute de production Sont lanceacutes en prioriteacute les produits qui maximisent lamarge par plaquette de silicium Les meacutemoires agrave faible marge sont systeacutematiquementdeacutepasseacutees par les microprocesseurs Le changement de meacutetier se fera progressivementsous lrsquoeffet drsquoinitiatives locales dans un processus largement eacutemergent ayant conduit agraveune transformation de la strateacutegie

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cette diversiteacute agrave partir de deux critegraveres lrsquoampleur et la profondeur Ils caracteacuterisentrespectivement lrsquointensiteacute du changement crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecart preacutevalant entre lasituation anteacuterieure et la situation posteacuterieure (le changement est radical ou increacute-mental) et sa surface crsquoest-agrave-dire le peacuterimegravetre organisationnel affecteacute par le change-ment (il est global ou local) Sur la base de ces critegraveres Watzlawick (1975) met eneacutevidence trois niveaux de changement

Lrsquoauteur psychologue social dont la classification est transposeacutee aux sciences degestion met en eacutevidence trois niveaux de changement Le niveau 0 est celui ougrave rienne change crsquoest la continuiteacute lrsquoimmobiliteacute Le systegraveme se situe dans un mouvementgeacuteneacuteral Le changement drsquoordre 1 est correctif mineur et permet agrave lrsquoorganisation demaintenir son eacutequilibre Le mouvement prend place agrave lrsquointeacuterieur du systegraveme sans lemodifier Il srsquoagit par exemple pour une entreprise de modifier le systegraveme informa-tique du service de comptabiliteacute Ce projet intervient dans le systegraveme et ne modifiepas sa logique Le changement de niveau 2 vise agrave transformer complegravetement lrsquoentre-prise ses valeurs ses regravegles et agrave meacutetamorphoser le comportement des salarieacutes Ilsrsquoagit drsquoun changement de logique qui modifie le systegraveme en profondeur Watz-lawick (1975) le deacutefinit comme le niveau laquo meacuteta raquo qui fait passer le systegraveme agrave unniveau supeacuterieur en modifiant la norme actuelle

Repegraveres Le changement strateacutegique du groupeBayer

En 2001 la strateacutegie du groupe allemand Bayer eacutetait qualifieacutee par les dirigeants de strateacute-gie des quatre piliers Le groupe eacutetait en effet diviseacute en quatre grandes activiteacutes pharma-cie (32 du chiffre drsquoaffaires ndash CA) agrochimie (14 du CA) polymegraveres (37 du CA) etchimie (17 du CA) Cette strateacutegie permettait ainsi de reacutepartir les risques entre les diffeacute-rentes activiteacutes du groupe mais un eacutevegravenement inattendu a contraint Bayer agrave repensercette strateacutegie et agrave remettre en question lrsquoapproche des quatre piliersBaycol un meacutedicament anticolestherol qui devait ecirctre un blockbuster (un meacutedicamentphare dont le chiffre drsquoaffaires annuel deacutepasse le milliard de dollars) a ducirc ecirctre brutalementretireacute du marcheacute La moleacutecule de base de ce meacutedicament la cerivastatine serait en effet agravelrsquoorigine de 31 deacutecegraves selon la Food and Drug Administration lrsquoadministration ameacutericainedu meacutedicament Le retrait de ce meacutedicament en 2001 vient accentuer une situation eacutecono-mique deacutejagrave difficile La production drsquoautres meacutedicaments avait ducirc ecirctre stoppeacutee et desmeacutedicaments agrave succegraves allaient tomber dans le domaine public La perte du Baycol consti-tuait pourtant le problegraveme le plus deacutelicat agrave surmonter En 2000 ce meacutedicament avaitconnu une croissance extraordinaire avec un chiffre drsquoaffaires en hausse de 80 et Bayerespeacuterait atteindre 1 milliard drsquoeuros de ventes en 2001 soit 16 du chiffre drsquoaffaires de labranche pharmacie En outre le beacuteneacutefice du groupe avait eacuteteacute amputeacute drsquoenviron650 millions drsquoeuros agrave cause de ce retrait Cette deacuteteacuterioration des reacutesultats financiers avaiteu pour conseacutequence la plus forte baisse du titre Bayer sur les marcheacutes financiers depuisdix ans Quelques analystes financiers avaient mecircme pronostiqueacute qursquoil faudrait cinqanneacutees agrave Bayer pour que sa branche pharmacie retrouve une situation financiegravere identiqueagrave ce qursquoelle eacutetait avant lrsquoaffaire Baycol

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Dans le prolongement Mintzberg et al (1999) distinguent les microchangementsdes macrochangements Le microchangement ne concerne qursquoun espace restreint delrsquoentreprise (ampleur) et est concret (profondeur) alors que le macrochangement laconcerne dans toutes ses dimensions et est abstrait Les auteurs proposent de situerles changements au sein drsquoun cube (figure 43)

La reacuteaction du groupe fut immeacutediate lrsquoentreprise engagea un vaste programme derestructuration dont lrsquoobjectif eacutetait drsquoeacuteconomiser 15 milliard drsquoeuros par an jusqursquoen 2005Pour cela 15 sites de productions furent fermeacutes et 5 000 emplois supprimeacutes danslrsquoensemble du groupe Toutes les divisions eacutetaient toucheacutees Seule lrsquoagrochimie eacutetait eacutepar-gneacutee Il srsquoagissait drsquoune profonde remise en cause de la strateacutegie des quatre piliers

Un changement strateacutegique radicalManfred Schneider le patron de Bayer reacuteeacutevalue la strateacutegie de quatre piliers par laquelle legroupe assurait son indeacutependance et lrsquoeacutequilibre de son portefeuille drsquoactiviteacutes Il envisagede concentrer Bayer sur une activiteacute principale lrsquoagrochimie Il est alors question de seacutepa-rer les activiteacutes pharmaceutiques et drsquoagrochimie en les inteacutegrant dans des structures juri-diques distinctes La vente de la branche pharmacie ou la recherche drsquoun allieacute apparaissentalors comme des options de plus en plus probables compte tenu des difficulteacutes actuellesde Bayer des risques drsquoindemnisation des plaignants et des exigences financiegraveres lieacutees agrave laconcurrence dans cette activiteacute Devant les difficulteacutes pour trouver un acheteur ou un allieacuteBayer semble se concentrer sur la branche agrochimie Le groupe procegravede au rachat deCropScience une filiale drsquoAventis renforccedilant ainsi sa branche agrochimie et devenantnumeacutero un mondial du secteur Si le sceacutenario de deacutesengagement de la branche pharmaciedevient toujours plus imminent des eacutevegravenements vont sortir Bayer de lrsquoimpasse danslaquelle le Baycol lrsquoavait plongeacute En 2003 le groupe gagne ses premiers procegraves lieacutes auBaycol Et cela eacutevite au groupe de payer des indemnisations substantielles ndash rien qursquoauxEacutetats-Unis 700 000 personnes avaient utiliseacute le meacutedicament et on parle de 6 millions depersonnes dans le mondeLes reacutesultats de la branche pharmacie seront finalement largement positifs Et le nouveaupatron Werner Wenning annonce que le groupe se concentrera deacutesormais sur les sciencesde la vie et se consacrera agrave trois meacutetiers la santeacute (Bayer HealthCare) lrsquoagrochimie (BayerCropScience) et les mateacuteriaux de haute performance (MaterialScience) La branche santeacuteconstitue finalement une activiteacute phare du groupe En 2004 Bayer achegravete lrsquoactiviteacutelaquo automeacutedication raquo de Roche En 2006 le groupe acquiert plus de 88 des actions deSchering une entreprise speacutecialiseacutee dans la contraception et la scleacuterose en plaques La stra-teacutegie R amp D est eacutegalement repenseacutee le groupe abandonne les recherches sur les maladiesinfectieuses et urinaires pour se concentrer sur les programmes contre le cancer et lacardiologie Lrsquoobjectif est clair ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute de la branche pharmacie agrave moyentermeCette succession de reacuteorientations strateacutegiques se concreacutetise finalement en 2005 par unchiffre drsquoaffaires de 298 milliards drsquoeuros et un beacuteneacutefice de 600 millions drsquoeuros alors quelrsquoanneacutee 2003 avait eacuteteacute marqueacutee par une perte historique de 136 milliard drsquoeuros La bran-che santeacute repreacutesente aujourdrsquohui presque la moitieacute de son chiffre drsquoaffairesAgrave partir de TELLIER A laquo Bayer quels remegravedes pour sauver la pharmacie raquo in JOFFRE O PLE

L et SIMON E Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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Figure 43 mdash Le cube du changement

Le cube du changement montre deux dimensions indissociables des changements lrsquoorientation et lrsquoabstraction Drsquoune part les changements axeacutes sur la strateacutegieconcernent la direction vers laquelle lrsquoentreprise srsquooriente et ceux axeacutes sur lrsquoorgani-sation portent sur lrsquoeacutetat actuel Et drsquoautre part les types de changements ont desdegreacutes drsquoabstraction variables (de concret agrave conceptuel) Ainsi les changements devision et culturels sont conceptuels et globaux (macrochangement) tandis que leschangements de produits ou de personnels sont concrets et locaux (microchange-ment) En mettant lrsquoaccent sur le caractegravere plus ou moins conceptuel des change-ments les auteurs soulignent lrsquoimportance de lrsquointerpreacutetation comme composant dela profondeur et de lrsquoampleur La classification de Laughlin (1991) est agrave cet eacutegardparticuliegraverement reacuteveacutelatrice Lrsquoauteur repegravere deux formes de changements depremier ordre (le refus et la reacuteorientation) ndash ils maintiennent la structure profonde delrsquoorganisation et ne modifient pas les scheacutemas interpreacutetatifs ndash et deux formes dechangements de second ordre (la colonisation et lrsquoeacutevolution) ndash ce sont des transfor-mations radicales contraintes ou deacutelibeacutereacutees impliquant un changement des scheacutemasinterpreacutetatifs

Repegraveres Un macrochangement chez Renault

laquo Fin 1984 la reacutegie compte 57 milliards de dettes soit la moitieacute de son chiffre drsquoaffaires Lesfrais financiers atteignent 7 milliards de francs lrsquoentreprise perd sur lrsquoanneacutee plus drsquounmilliard par mois Autant dire qursquoelle est en situation de faillite raquo (Loubet 2001) Cette crisea beaucoup marqueacute les esprits les changements qui suivent marquent une rupture avecle passeacute social de Renault Cette transition est brutale et douloureuse Renault doit srsquoenga-ger dans une profonde remise en cause de sa strateacutegie et conduire des restructurations

Informel

Conceptuel

Strateacutegie

VisionPositionsProgrammesProduits

Organisation

CultureStructureSystegravemesPersonnel

Concret

Formel

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Le changement organisationnel

In fine lrsquoanalyse du contenu du changement (en reacutefeacuterence agrave lrsquoapproche contextua-liste) reacutevegravele la grande diversiteacute des formes que peut revecirctir le pheacutenomegravene Cepen-dant quelles qursquoen soient les caracteacuteristiques rares sont les changements qui sedeacuteroulent sans difficulteacute Le processus ne se laisse pas maicirctriser aiseacutement il est aleacutea-toire et il y a fort agrave parier que le changement en fin de course ne soit pas parfaite-ment conforme au projet initial La cause la plus freacutequemment eacutevoqueacutee est celle dela reacutesistance au changement

importantes Mais Bernard Hanon alors agrave la tecircte de lrsquoentreprise ne parviendra pas agravemener cette mutation limiteacute dans ses actions par lrsquoEacutetat Cette situation conduira agrave soneacuteviction et agrave la nomination de Georges Besse en 1985 Ce dernier va conduire la restructu-ration afin de rendre lrsquoentreprise rentable et symboliser une transition sans preacuteceacutedent laquo Samission est drsquoentamer un nouveau chapitre de lrsquohistoire de Renault [hellip] et drsquoengagerRenault dans une profonde remise en cause de ses principes Agrave partir de 1985 la reacutegieRenault se transforme raquo (Loubet 2000)Besse libre de ses mouvements annonce 15 000 puis 20 000 emplois exceacutedentaires Ildira qursquolaquo il ne servirait agrave rien drsquoameacuteliorer la productiviteacute de nos usines si lrsquoon devait dans lemecircme temps consommer toute la productiviteacute ainsi gagneacutee dans un matelas bureaucrati-quehellip il faut partout reacuteduire nos structures diminuer les niveaux hieacuterarchiques raquo (Loubet2000) En cinq ans 22 000 emplois sont supprimeacutes dont 15 000 dans la branche automo-bile Ce laquo coup de tonnerre raquo marque une egravere nouvelle laquo lrsquoemploi agrave vie nrsquoest plus garantichez Renault La rupture avec le passeacute est profondehellip raquo (Loubet 2000) La politique drsquoausteacute-riteacute se poursuit Selon Leacutevy le successeur de Besse agrave la direction de lrsquoentreprise en 1986laquo pour reacutetablir lrsquoeacutequilibre de la reacutegie nous devons continuer la reacuteduction drsquoeffectifs lrsquoausteacute-riteacute et la vente drsquoactifs raquo (Loubet 2000) Mais les conseacutequences sociales et syndicales sontfortes En particulier lrsquoeacutepisode historique de lrsquoicircle Seguin aboutira agrave des prises drsquootages Lescadres seront mecircme menaceacutes drsquoecirctre jeteacutes agrave lrsquoeau Pour eacuteviter cette fermeture la CGT vaessayer de montrer que laquo lrsquousine peut tourner sans patron raquo La Neutral un veacutehicule popu-laire qui doit replacer Renault dans la voie de la croissance et donner du travail auxouvriers de Billancourt est inventeacute par le syndicat Le veacutehicule srsquoil ne deacutepasse pas le stadedu prototype traduit lrsquoattachement du personnel aux petites voitures et aux valeurssociale et culturelle de la marque (Loubet 2000 2001) Pour Leacutevy le plus grand change-ment est culturel laquo Ce que jrsquoai veacutecu crsquoest le bouleversement de lrsquoideacutee du fonctionnementdrsquoune entreprise Une entreprise ne peut pas ecirctre une vitrine sociale Elle doit ecirctre drsquoabordune vitrine de ses produitshellip Lrsquoobjectif de lrsquoentreprise ce nrsquoest pas son personnelhellip lapremiegravere chose ce sont ses clients raquo (Loubet 2000)Malgreacute les difficulteacutes pour opeacuterer ce changement les faits sont lagrave alors que Renaultperdait 125 milliards de francs en 1984 avec 2 millions de veacutehicules le groupe affichequelques anneacutees plus tard pour le mecircme volume de production un reacutesultat positif de9 milliards de francs

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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4 La reacutesistance au changement

La reacutesistance au changement traduit la capaciteacute des individus drsquoentraver le projetde reacuteforme Elle est largement eacutevoqueacutee par les managers comme eacutetant le principalfrein au processus de changement Ces derniers eacutevoquent mecircme lrsquoideacutee que leshommes nrsquoaiment pas le changement Ce qursquoil faut comprendre ici crsquoest quelrsquohomme par nature reacutesiste Cette affirmation est fortement critiquable car ellesuggegravere qursquoil srsquoagirait lagrave drsquoun invariant anthropologique (tous les individus seraientreacutesistants au changement) Or certains individus ont une surprenante propensionaux reacuteformes et les reacuteclament parfois activement En reacutealiteacute face au changement lescomportements sont multiples Selon nous il est possible drsquoen identifier quatre Ilssrsquoanalysent en fonction du degreacute drsquoengagement dans la reacuteforme (le comportementest plus ou moins positif vis-agrave-vis du projet) et du degreacute drsquoactivisme (le comporte-ment est plus ou moins visible) (figure 44)

Figure 44 mdash Les comportements face au changement

Les laquo opportunistes raquo sont les supporters du projet de changement Parce qursquoilsperccediloivent des beacuteneacutefices personnels ils soutiennent le projet et srsquoen font les promo-teurs Les laquo conformistes raquo adoptent une position laquo bof raquo Ils ne font pas obstacle auprocessus et adoptent les comportements requis Cependant ils sont assez indiffeacute-rents agrave la reacuteforme et ne la deacutefendent pas Les laquo observateurs raquo ne srsquoengagent pasdans le changement Ils sont en situation drsquoattente et de neutraliteacute Ils aligneront leurcomportement sur celui des opportunistes si le changement est un succegraves ou surcelui des laquo combattants raquo srsquoil eacutechoue Ces derniers adoptent une position de remiseen cause Ils srsquoengagent contre le projet et leur comportement est orienteacute vers lemaintien du statu quo

Drsquoun point de vue manageacuterial cette classification est drsquoun reacuteel inteacuterecirct Elle permetde positionner les individus de lrsquoorganisation dans des cateacutegories drsquoidentifier les

EngagementReacutesistance

Passiviteacute

Activisme

Observateur

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Le changement organisationnel

poches de reacutesistance potentielles et drsquoinitier des actions manageacuteriales adapteacutees agravechaque cible En effet les reacuteformateurs ont besoin drsquoindividus qui se font les deacutefen-seurs du changement en font la promotion et en sont les ambassadeurs dans lrsquoentre-prise Lrsquoenjeu est drsquoobtenir un effet de masse critique En effet lorsque le nombre desupporters augmente cela produit un effet de contamination sur les autres cateacutego-ries notamment les observateurs Il en reacutesulte une marginalisation des comporte-ments de reacutesistance le changement peut alors devenir reacutealiteacute

Finalement seuls les opportunistes portent le projet Ils nrsquoappartiennent donc pasagrave la cateacutegorie des reacutesistants A contrario les trois autres groupes lrsquointegravegrent Mecircmesi seuls les combattants sont des reacutesistants laquo purs raquo les observateurs et les confor-mistes ne se comportent pas en agents du changement crsquoest-agrave-dire en faveur de sadiffusion Il est donc impeacuteratif de comprendre quelles sont les causes de cette reacutesis-tance pour lrsquoatteacutenuer ndash mecircme si elle nrsquoest de mecircme importance selon les cateacutegoriesSix facteurs de la reacutesistance au changement peuvent ecirctre repeacutereacutes

Le premier est lieacute agrave lrsquoanxieacuteteacute provoqueacutee par la reacuteforme En drsquoautres termes cenrsquoest pas tant le changement qui provoque lrsquoanxieacuteteacute que lrsquoinconnu qui lrsquoaccompa-gne Celui-ci remet en question des repegraveres qui offraient une stabiliteacute psychologiquerassurante Crsquoest ainsi qursquoen situation drsquoanxieacuteteacute lrsquoindividu procegravede agrave de multiplesrationalisations qui font parti de son arsenal deacutefensif Il eacutelabore des scenarii incroya-bles (de licenciements de flicage de disparition des acquis sociauxhellip) souventinfondeacutes Cette fertiliteacute imaginaire est un moyen de restaurer un eacutequilibre psycholo-gique fragiliseacute Le second facteur renvoie agrave la remise en cause identitaire En effetlrsquoorganisation nourrit lrsquoindividu en termes de repreacutesentation de lui-mecircme Il cons-truit son identiteacute et existe socialement agrave travers son travail son appartenance agrave unmonde (un service un meacutetier) et agrave une entreprise Le changement peut donc provo-quer une remise en cause profonde de lrsquoidentiteacute de la personne en modifiant la naturede la relation qui la lie agrave lrsquoorganisation Le troisiegraveme facteur relegraveve du pouvoir Lesindividus ne sont pas aussi hostiles agrave rompre leurs habitudes pourvu que le change-ment leur soit profitable Neacuteanmoins ils y perccediloivent parfois un danger car celui-cimet ineacutevitablement en cause les conditions de leur jeu leurs sources de pouvoir etleurs liberteacutes drsquoaction en modifiant ou en faisant apparaicirctre les zones drsquoincertitudeqursquoils controcirclent Le quatriegraveme facteur relegraveve de lrsquoinfluence du groupe Le compor-tement drsquoun acteur agrave lrsquoeacutegard du changement doit ecirctre appreacutehendeacute par rapport ausystegraveme social dans lequel il srsquoinsegravere Or le groupe fonctionne selon des regravegles(normes rites) eacutetablies Leur inteacuteriorisation est forte les membres laquo achegravetent raquo leurinteacutegration en se conformant Puisque le groupe deacutetermine chez lrsquoindividu ce qui estbien et mal ce qui est souhaitable et non souhaitable le changement peut se heurteragrave ce systegraveme et briser lrsquoeacutequilibre creacuteeacute par les normes Le cinquiegraveme facteur est lieacute agravela culture drsquoentreprise Celle-ci conditionne et homogeacuteneacuteise les attitudes et lescomportements des acteurs en forgeant leurs repreacutesentations crsquoest-agrave-dire la maniegraveredont ils signifient les situations et les actions Or crsquoest en fonction de ces significa-tions qursquoils vont agir Le changement veacutehicule parfois des valeurs qui divergent aveccelles de lrsquoorganisation Les individus peuvent alors combattre ce qui met en danger

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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ce en quoi ils croient profondeacutement Le sixiegraveme facteur concerne la connaissance etla compeacutetence des individus Le changement impose de faire un apprentissage detechniques et de meacutethodes Or les acteurs nrsquoont parfois pas les qualifications et lescompeacutetences pour effectuer ce qui leur est demandeacute

Repegraveres La reacutesistance au changement agrave VVF

Le groupe VVF (Village Vacances Famille) entreprend une reacuteforme majeure en 1997Lrsquoabandon du statut associatif aboutit agrave la creacuteation drsquoune socieacuteteacute anonyme (SA) chargeacutee dela gestion de ses activiteacutes commerciales et drsquoexploitation laquo Ce changement est dicteacute par laneacutecessiteacute drsquoinstaller le groupe VVF dans un cadre leacutegislatif et fiscal adapteacute agrave sa taille raquocommente Edmond Maire ancien secreacutetaire geacuteneacuteral de la CFDT et preacutesident de VVFPour faire face aux pressions financiegraveres lieacutees agrave ce nouveau statut (reacutegime de droitcommun incluant TVA taxe professionnelle et impocircts sur les socieacuteteacutes) et agrave une concur-rence plus vive VVF modifie ses approches commerciales sur les plateaux teacuteleacutephoniquesApparaissent progressivement des meacutethodes de controcircle de la performance des opeacutera-teurs Cette mesure de lrsquoefficaciteacute porte sur des critegraveres comme la qualiteacute de lrsquoaccueil auteacuteleacutephone lrsquoattitude commerciale lrsquoefficaciteacute et la rapiditeacute du traitement des demandesLes opeacuterateurs doivent deacutesormais atteindre leur objectif de reacuteservation (obligation delaquo creuser les appels raquo pour conclure la vente) obtenir le maximum de confirmations etavoir un taux de prise drsquoappels eacuteleveacute (avoir le souci de reacutepondre au teacuteleacutephone et de traiterson appel au plus vite) Ils doivent eacutegalement prospecter pour atteindre les objectifs fixeacutesFace agrave ce changement quelques opeacuterateurs adoptent des comportements drsquoindiffeacuterencelaquo Les objectifs jrsquoy pense le moins possible ccedila me stresse et je me sens mieux maintenantIl faut eacuteviter de se stresser pour les objectifs raquo Pour drsquoautres acteurs crsquoest lrsquoangoisse etlrsquoinquieacutetude qui dominent laquo il faut augmenter la prise drsquoappels on se deacutepecircche on neconcreacutetise pas alors comment on fait raquo laquo ils vont nous rabacirccher les chiffres toute lajourneacutee raquo De mecircme certains acteurs estiment qursquolaquo avec la SA ils peuvent faire ce qursquoilsveulent ils vont nous faire travailler le dimanche la nuit Ils vont mettre en place lrsquoannuali-sation du temps de travail et alors lagrave on peut srsquoattendre agrave tout raquo Des craintes sur la dispari-tion des acquis sociaux srsquoexpriment laquo la SA ccedila veut dire plus de flexibiliteacute ccedila va remettreen cause tous nos acquis le treiziegraveme mois il y aura moins drsquoaffectif de la guerre lacompeacutetition raquo laquo lrsquoaugmentation des objectifs va deacuteteacuteriorer lrsquoambiance de travail ccedila va ecirctrela compeacutetition raquo Le taux de prise drsquoappels est la source de reacuteactions virulentes laquo Crsquoestimpossible de faire vite et bien on ne peut pas rassurer un client pour qursquoil confirme etacceacuteleacuterer la conversation raquo Certains opeacuterateurs reacuteagissent de maniegravere affective laquo VVF aun passeacute derriegravere elle et on ne peut pas lrsquooublier comme ccedila raquo laquo la question financiegravere larentabiliteacute ce nrsquoest pas lrsquoavenir je crois que ce nrsquoest pas la bonne voie On perd tous nosclients drsquoavant ceux qui nrsquoeacutetaient pas trop argenteacutes raquo laquo VVF crsquoest gracircce agrave nos anciensclients et on leur ferme la porte crsquoest lamentable on est en dessous de tout raquoSur le plateau les conflits se multiplient en particulier entre les opeacuterateurs les animatriceset la responsable du plateau Les animatrices jugent leur responsable incompeacutetente laquo onest obligeacute de faire son travail avec le nocirctre ccedila devient impossible raquo selon lrsquoune drsquoellesLe deacutepart de la responsable du plateau est exigeacute aupregraves de la direction commerciale

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Le changement organisationnel

En synthegravese les dimensions du changement organisationnel sont multiples Enaccord avec lrsquoapproche contextualiste elles concernent le contexte le processus et lecontenu Nous y avons ajouteacute la reacutesistance afin de mieux cerner la capaciteacute des indi-vidus agrave faire obstacle au deacuteroulement du projet Cette eacutetape laisse deacutesormais place agraveune analyse des modegraveles de conduite du changement

LA CONDUITE DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

La reacuteussite des entreprises en matiegravere de changements organisationnels deacutepend engrande partie de la maniegravere dont ils ont eacuteteacute piloteacutes Et il existe une multitude demodegraveles afin drsquoaider les dirigeants et managers agrave conduire leurs projets de change-ment creacuteant de fait une confusion certaine Nous proposons donc de regrouper cesmodegraveles au sein de deux cateacutegories geacuteneacuteriques que nous nommons les paradigmesde gestion du changement chacun reposant sur une certaine conception de lrsquoactionmanageacuteriale Tandis que le paradigme gestionnaire met lrsquoaccent sur la neacutecessiteacute dedeacuteployer une strateacutegie de gestion du changement le paradigme complexe insiste surle rocircle des conditions initiales propres agrave lrsquoorganisation Bien qursquoils puissent ecirctreopposeacutes nous proposons de les combiner au sein drsquoun modegravele plus geacuteneacuteral dit de lacapaciteacute organisationnelle de changement Dans ce qui suit nous deacutevelopponssuccessivement les paradigmes gestionnaire et complexe de la gestion du change-ment et concluons en analysant le concept de capaciteacute organisationnelle de change-ment

1 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement

Le paradigme gestionnaire srsquoinspire de la penseacutee carteacutesienne Pour celle-cilrsquohomme en tant que laquo maicirctre et possesseur de la nature raquo selon lrsquoexpression deDescartes doit chercher agrave controcircler et maicirctriser le reacuteel En ce sens le paradigmegestionnaire met lrsquoaccent sur la dimension instrumentale de lrsquoaction manageacuteriale Leprocessus de changement est donc consideacutereacute comme un pheacutenomegravene maicirctrisable

Parallegravelement on assiste agrave un affrontement entre les animatrices et les opeacuterateurs Enfinlrsquoadoption des outils drsquoeacutevaluation de lrsquoefficaciteacute commerciale des opeacuterateurs sembleproduire des effets inverses la performance commerciale se deacutegrade les objectifs delrsquoanneacutee sont en passe de nrsquoecirctre pas atteints le comportement des opeacuterateurs devientinquieacutetant Les clients insatisfaits le font savoir ils se plaignent de lrsquoimpolitesse de leursinterlocuteurs Certains avouent mecircme faire laquo semblant drsquoappeler des clients raquo laquo On vaminer VVF de lrsquointeacuterieur on va couler la baraque raquo conclut cet opeacuterateur

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Chronique drsquoune transformation agrave VVF comment diagnostiquer et surmonter la reacutesistance au changement raquo CCMP 2005

Section 2

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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mecircme srsquoil est susceptible drsquoecirctre freineacute par les reacutesistances des acteurs Aussi selon ceparadigme le management du changement repose sur le deacuteploiement de strateacutegiesgestionnaires Celles-ci peuvent ecirctre regroupeacutees autour de cinq modegraveles geacuteneacuteriques(des ideacuteaux types) Le tableau suivant preacutesente chaque modegravele leurs principalesrecommandations ainsi que leurs preacutesupposeacutes sur le fonctionnement de lrsquoorganisa-tion

Tableau 42 mdash Les modegraveles de gestion du changement

Analysons chacun de ces modegraveles et eacutetudions leurs recommandations leur preacutesup-poseacute organisationnel leurs limites et apports principaux

11 Le modegravele hieacuterarchique

Le modegravele hieacuterarchique correspond agrave une conception du changement imposeacute etplanifieacute Il sous-tend une vision interventionniste permettant le passage entre un eacutetatconstateacute et un futur deacutesireacute Selon cette approche le projet est conccedilu par les seulsmembres de la direction qui en ont une vision claire puis est pousseacute dans lrsquoorgani-sation Les acteurs supposeacutes mettre en œuvre les nouvelles orientations ne sont niconsulteacutes ni inciteacutes Le changement est abordeacute selon une perspective techniquecomme une succession drsquoeacutetapes (identification du problegraveme deacutetermination desoptions choix de la meilleure solution information mise en œuvre des actions etcontrocircle des reacutesultats) qui si elles sont bien planifieacutees font le succegraves de lrsquoopeacuteration

Lrsquoorganisation est vue ici comme un systegraveme meacutecaniste une entiteacute malleacuteable danslaquelle les individus adoptent les comportements qui leur sont prescrits Ce modegravele

Modegraveles de changementet modes drsquoimpleacutementation Conception de lrsquoorganisation

Modegravele hieacuterarchiquePlanification des eacutetapes du changement

Organisation laquo machine raquo les individus adoptent le changement sans lui reacutesister

Modegravele du deacuteveloppement organisationnelDispositif de soutien et drsquoaccompagnement des salarieacutes participation communication formation et incitation

Organisation laquo humaniste raquo les comportements sont reacutegis par les eacutemotions

Modegravele politiqueDispositif de neacutegociation pour assurer la convergence des inteacuterecirctsLeacutegitimiteacute des reacuteformateurs et appuis politiques

Organisation laquo aregravene politique raquo les comportements sont guideacutes par la satisfaction des inteacuterecircts personnels

Modegravele increacutementielAppui sur les routines existantes pour un changement increacutementiel

Organisation laquo contexte raquo les routines servent de guide comportemental

Modegravele symboliqueGestion symbolique du changement afin drsquoagir sur le sens

Organisation laquo sens raquo les significations partageacutees servent de base drsquointerpreacutetation des eacutevegravenements

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Le changement organisationnel

drsquoinspiration rationaliste voit le comportement humain comme une variable drsquoajus-tement (les individus partagent les mecircmes valeurs et objectifs) et ne lui attribueqursquoun faible pouvoir de blocage Degraves lors le changement est supposeacute suivre unetrajectoire en tout point conforme au projet initial

La deacutemarche coercitive preacutesente lrsquoavantage de la simpliciteacute et de la vitesse quant agravela conception du projet et agrave sa mise en œuvre Elle est drsquoailleurs conseilleacutee en cas decrise Par contre lrsquoeacutequipe reacuteformatrice nrsquoest pas omnisciente elle peut adopter unedeacutecision de changement peu approprieacutee comme elle peut deacutefinir une planificationinadeacutequate De mecircme en adoptant une vision strictement technique ce modegravelesous-estime la capaciteacute des acteurs de terrain (comme la hieacuterarchie intermeacutediaire) defreiner le projet drsquoen modifier la nature voire drsquoen provoquer lrsquoeacutechec Agrave lrsquoopposeacutele modegravele du deacuteveloppement organisationnel (DO) accorde une grande importance agravela dimension humaine

12 Le modegravele du deacuteveloppement organisationnel

Le DO focalise son analyse sur la dimension humaine Ses preacuteconisations sontqursquoun style de management axeacute sur les attitudes et les comportements permet deminimiser les reacutesistances Le succegraves du changement repose sur des mesuresdrsquoaccompagnement telles une politique drsquoinformation et de communication unsystegraveme de reacutecompenses et un dispositif de concertation Pour le DO en inteacutegrantles acteurs au projet en leur en communiquant les motifs et en les motivant ils semobiliseront pour le changement En un mot le consensus est la piegravece maicirctresse dumodegravele

Repegraveres Le changement participatif agrave HarwoodManufacturing Company

Harwood est une usine de pyjamas installeacutee agrave la campagne dans une petite ville appeleacuteeMarion en Virginie Dans cette usine les employeacutes sont pour la plupart de jeunes femmespeu instruites et recruteacutees parmi les habitants de la ville Des changements reacuteguliers sontintroduits et ces derniers sont toujours imposeacutes aux salarieacutes ndash les deacutecisions sont prises defaccedilon autocratique et le personnel est convoqueacute agrave des reacuteunions au cours desquelles leursont annonceacutees les modifications agrave opeacuterer Et les changements ne se font jamais aiseacutementAinsi mecircme srsquoil ne srsquoagit que de changements mineurs (comme plier les vestes et lespantalons de travail au lieu de ne plier que les vestes) des comportements de reacutesistance semanifestent On observe des plaintes des refus drsquoexeacutecution ce qui se traduit ineacutevitable-ment par une deacutegradation de la production et une augmentation de lrsquoabsenteacuteisme et duturnoverCrsquoest pour limiter la reacutesistance au changement que les managers aideacutes de consultantsmirent au point une expeacuterience Celle-ci consistait agrave deacutefinir trois groupes dont chacunferait lrsquoobjet drsquoun style de changement particulier Le premier groupe eacutetait le groupe de

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Le DO voit lrsquoorganisation comme un systegraveme affectif une entiteacute reacutegie par lessentiments Pour le DO qui est une deacutemarche drsquoinspiration humaniste le comporte-ment des individus est laquo facile agrave influencer raquo pourvu que ceux-ci soient associeacutes auprocessus et reacutecompenseacutes pour cela Le changement est alors perccedilu comme uneopportuniteacute drsquoameacuteliorer la performance de lrsquoorganisation gracircce agrave lrsquoeacutepanouissementdes individus En ce sens le DO est plus qursquoune deacutemarche de changement crsquoest unephilosophie de management

Le DO preacutesente lrsquoavantage de consideacuterer le changement sous un angle social etnon plus exclusivement technique Pourtant on peut reprocher au DO son ideacutealismeLrsquohomme serait fondamentalement bon Or lrsquoindividu ne lrsquoest pas toujours et sonaction peut ne pas aller dans le sens de lrsquointeacuterecirct collectif Il adopte des comporte-ments qui parfois nuisent agrave lrsquoefficaciteacute organisationnelle En postulant que les affectssont au cœur des comportements le DO sous-estime le rocircle des inteacuterecircts individuelsainsi que les jeux politiques

13 Le modegravele politique

Le modegravele politique met lrsquoaccent sur la pluraliteacute des acteurs et la divergence desinteacuterecircts Lrsquoadoption et lrsquoimplantation drsquoune reacuteforme reacuteveillent etou accentuent lesjeux de pouvoir Dans ces conditions la reacuteussite de lrsquoopeacuteration deacutepend du degreacute deconvergence entre les inteacuterecircts des acteurs et les finaliteacutes du projet Il est questionpour le manager de jouer le rocircle de facilitateur et de neacutegociateur en mettant en

controcircle le changement eacutetait imposeacute de maniegravere autocratique par la direction Le secondse caracteacuterisait par une deacutemarche plus deacutemocratique les salarieacutes choisissaient des repreacute-sentants qui discutaient des deacutetails du changement avec la direction envisageaient denouvelles meacutethodes et formaient ensuite leurs collegravegues Enfin dans le troisiegraveme groupela deacutemarche de changement eacutetait participative crsquoest-agrave-dire que tous les employeacutes eacutetaientassocieacutes agrave la deacutemarche de changement et les deacutecisions eacutetaient prises en eacutetroite collabora-tion avec les managersAgrave lrsquoissue des quarante jours de lrsquoexpeacuterience les consultants remarquegraverent que lorsque lesemployeacutes eacutetaient inteacutegreacutes agrave la deacutemarche de changement la productiviteacute augmentaitDans le groupe de controcircle les reacutesistances demeuraient vivaces et lrsquoabsenteacuteisme se main-tenait agrave un niveau eacuteleveacute Dans les deuxiegraveme et troisiegraveme groupes les reacutesistances se reacutedui-saient et lrsquoabsenteacuteisme et le turnover avaient quasiment totalement disparus En outre lesreacutesultats de production srsquoeacutetaient significativement ameacutelioreacutes Si le premier groupe produi-sait 48 uniteacutes agrave lrsquoheure (et se situait en dessous de la moyenne de 60 uniteacutes) le deuxiegravemegroupe produisait 68 uniteacutes agrave lrsquoheure et le troisiegraveme 73 uniteacutes agrave lrsquoheure Il eacutetait donc possi-ble drsquoeacutetablir une relation de cause agrave effet entre degreacute de participation aux deacutemarches dechangement productiviteacute et reacutesistance

Agrave partir de COCH L et FRENCH J R P laquo Overcoming Resistance to Change raquoHuman Relations vol 1 ndeg 4 1948 et AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H

et MICHEL S Management aspects humains et organisationnels Eacutedition PUF 1999

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eacutevidence les avantages que le changement procure aux individus tout en en atteacutenuantles inconveacutenients Mais son action doit viser les cateacutegories drsquoacteurs internes (sala-rieacutes comiteacute drsquoentreprise deacuteleacutegueacute du personnelhellip) comme externes (syndicatsactionnaireshellip) car tous sont en mesure drsquoinfleacutechir le processus Pour ce modegravele lechangement ne reacuteussira que si une masse critique drsquoindividus est convaincue de soninteacuterecirct Alors elle se fera lrsquoambassadeur du projet et en assurera la diffusion Lepilote du changement doit donc acqueacuterir une leacutegitimiteacute politique afin de trouver desallieacutes et les convaincre des avantages qursquoils pourront retirer du changement Par sonhabileteacute il utilise les subtiliteacutes du pouvoir pour manœuvrer

Ce modegravele voit lrsquoorganisation comme une aregravene politique dans laquelle les rela-tions de pouvoir reacutegulent le systegraveme social Chaque joueur est doteacute drsquoobjectifspropres et controcircle diffeacuterentes ressources des affrontements plus ou moins ouvertspour le maintien ou lrsquoacquisition des pouvoirs caracteacuterisent la vie de lrsquoorganisationEt le comportement des individus est exclusivement domineacute par leurs inteacuterecirctspersonnels

Ce modegravele srsquoavegravere donc plus reacutealiste il souligne la neacutecessiteacute pour le reacuteformateurde se construire une leacutegitimiteacute politique pour agir sur lrsquoorganisation Pour autantcela suppose un reacuteformateur particuliegraverement habile car il doit drsquoune part bien iden-tifier qui sont les acteurs influents et drsquoautre part srsquoen faire des allieacutes Toutefois cemodegravele (comme les deux preacuteceacutedents) tend agrave neacutegliger le rocircle du passeacute dans lamaniegravere de conduire le changement

14 Le modegravele increacutementiel

Le modegravele increacutementiel met en eacutevidence le poids des deacutecisions passeacutees de laculture de la structure et des routines organisationnelles dans le processus de chan-gement Autrement dit ces eacuteleacutements drsquoheacutereacutediteacute modegravelent la situation nouvelle surlrsquoancienne Le changement est ainsi toujours le produit de lrsquohistoire de lrsquoorganisa-tion Il subit des contraintes anteacuterieures mais en contribuant agrave la faccedilonner il creacutee descontraintes ulteacuterieures Le changement ne se deacutemarque donc jamais totalement descaracteacuteristiques de lrsquoentreprise les deacutecisions drsquohier faccedilonnent celles drsquoaujourdrsquohuiDans ces conditions la gestion du changement consiste agrave ne pas neacutegliger les traitsorganisationnels existants et agrave laisser le contexte local construire le changementavant qursquoil ne prenne sa forme globale Selon cette approche il nrsquoest pas question deplaquer une forme deacutetermineacutee Le changement se construit progressivement par desprocessus drsquoadaptations locales et drsquoappropriations individuelles et collectives Il estquestion de prendre appui sur le contexte pour srsquoen deacutemarquer progressivement

Ce modegravele voit lrsquoorganisation comme le produit drsquoune histoire dont il est difficilede se deacutefaire Les caracteacuteristiques de lrsquoentreprise sont stables par nature et elleslrsquoenracinent Les comportements des acteurs srsquoanalysent alors en reacutefeacuterence agrave cettehistoire Ils en reacutesultent comme ils contribuent agrave la construire

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Lrsquointeacuterecirct de cette approche est de souligner les difficulteacutes de lrsquoaction intention-nelle Srsquoil veut que le changement reacuteussisse le reacuteformateur doit permettre auxacteurs de srsquoemparer partiellement du projet En participant agrave sa conception lesreacuteformeacutes se construisent des repegraveres nouveaux sans se deacutetacher totalement desanciens Pour ce modegravele le reacuteformateur doit dans une certaine mesure accepter devoir le projet lui eacutechapper et se modifier en dehors de son controcircle Il ne peut agirque de maniegravere increacutementale

Repegraveres Le passeacute social de VVF pegravese sur sonavenir

Creacuteeacutee dans les anneacutees cinquante VVF (Village Vacances Famille) reacutepond aux objectifs delrsquoeacutepoque deacutemocratiser les vacances Le gouvernement avait mis en place une politiquesociale des vacances afin de permettre aux familles agrave revenus modestes de partir en vacan-ces Crsquoest sur ce projet ambitieux et geacuteneacutereux laquo les vacances pour tous raquo que VVF est bacirctiPourtant en septembre 1998 VVF deacutecide un plan social touchant 140 personnes (lesplateaux teacuteleacutephoniques sont fermeacutes drsquoabord celui de Lyon puis celui de Dourdan)Edmond Maire son preacutesident appelle agrave une laquo veacuteritable conversion mentale raquo et agrave laquo uneattitude et des pratiques radicalement diffeacuterentes de celles qui ont preacutevalu ces derniegraveresanneacutees raquo Lrsquoancien secreacutetaire geacuteneacuteral de la CFDT affirme que VVF a laquo un gros problegravemeculturel agrave fortes retombeacutees eacuteconomiques neacutegatives la tendance agrave ameacuteliorer les presta-tions agrave creacuteer des emplois pour y faire face passe avant les eacutequilibres eacuteconomiques avantlrsquoameacutelioration des salaires avec une apparente acceptation passive du personnel [hellip]Lrsquoavenir de lrsquoentreprise appelle des changements importants la recherche du rendementde la rentabiliteacute doit deacutesormais ecirctre un preacutealable agrave chacun de nos actes [hellip] VVF vit au-dessus de ses moyens et nrsquoest pas lanceacute dans la bataille de la productiviteacute raquo Ce plan socialbaptiseacute laquo plan drsquoaction raquo vise notamment agrave ameacuteliorer la productiviteacute du groupe en reacutedui-sant ses charges fixes Cette deacutecision difficile pour lrsquoex-leader de la CFDT doit normale-ment assainir la situation financiegravere de VVF Malgreacute une croissance de 5 en 1998 legroupe affiche pour la deuxiegraveme anneacutee conseacutecutive un reacutesultat neacutegatif Agrave lrsquoannonce de ceplan social qui devait aboutir agrave la suppression de laquo seulement raquo 40 emplois (le restefaisant lrsquoobjet de reclassement) les syndicats reacuteagirent brutalement Ainsi selon cettedeacuteleacutegueacutee CFDT laquo parler de mobiliteacute et de projets professionnels agrave des smicards on sait quecrsquoest utopique En dehors du plan social de nombreux saisonniers vont perdre des mois decontrat ni vu ni connu Nous sommes plus qursquoinquiets eacutecœureacutes raquo Lrsquointersyndicale de VVFa ducirc mal agrave avaler la couleuvre laquo VVF Vacances se deacuteveloppe se restructurehellip et licencie raquolit-on en tecircte de son communiqueacute Et les inquieacutetudes srsquoaccentuent lorsqursquoen avril PatriceGarnier le preacutesident de C3D branche de la Caisse des deacutepocircts et consignations annonceque son entreprise se preacutepare agrave augmenter jusqursquoagrave 80 sa participation au capital de lasocieacuteteacute VVF Vacances et signifie clairement que celle-ci doit accroicirctre sa rentabiliteacute CFDTCGT CFTC et FO supportent difficilement le message laquo Deacutesormais les mentaliteacutes vontchanger raquo remarque Madeleine Talagrand repreacutesentante de la CFDT laquo Il va falloir reacutemuneacute-rer les actionnaires et lrsquoargent investi Crsquoest la privatisation drsquoun investissement social deplus de quarante ans qui srsquoest construit gracircce agrave la Caisse des deacutepocircts et aux subventions delrsquoEacutetat agrave travers le statut associatif raquo laquo Crsquoest de lrsquoescroquerie agrave tous les niveaux raquo srsquoexclameJean-Franccedilois Chierbert de la CGT

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Enfin le modegravele symbolique propose une analyse centreacutee sur la production desens

Quelques mois plus tard le preacutesident Maire annonce qursquoil quitte la direction drsquoun groupeqursquoil a preacutesideacute durant dix ans il prend le rocircle honorifique (et nrsquoexercera aucune responsabi-liteacute opeacuterationnelle) de preacutesident de lrsquoassociation VVF qui deacutetient 51 du groupe VVFSocieacuteteacute Anonyme Son deacutepart est preacutevu pour avril 1999 Crsquoest Olivier Colcombet entreacute il y aun an transfuge des Galeries Lafayette qui est introniseacute nouveau numeacutero un du groupeLes ambitions du nouveau directeur exeacutecutif sont drsquoabord de restaurer la profitabiliteacute dugroupe pour atteindre un reacutesultat net positif de 5 millions drsquoeuros (seuil de lrsquoautonomiefinanciegravere)Pour atteindre cet objectif Olivier Colcombet fixe cinq actions principales bull la mise en œuvre du laquo plan drsquoaction raquo afin de reacuteduire de 3 millions drsquoeuros les chargesfixes de lrsquoentreprise bull le renforcement de la capaciteacute drsquoaccueil par lrsquoextension de 7 villages (sur les 130 quecompte le groupe) et la construction de 400 appartements chalets bull lrsquoaugmentation du chiffre drsquoaffaires en basse saison bull lrsquoouverture de trois ou quatre gros villages (1 000 appartements) repreacutesentant plusieurscentaines de millions drsquoinvestissements bull le renforcement de lrsquoimage de VVF avec notamment la creacuteation de veacuteritables boutiquesde ventes dans les grandes villes pour mieux lutter contre ses concurrents Pierre et Vacan-ces ou le Club MedSelon Olivier Colcombet ces actions sont ineacutevitables et indispensables car VVF est deacutesor-mais devenu laquo une entreprise comme les autres raquo qui ne beacuteneacuteficie plus des aides de lrsquoEacutetatUn discours drsquoentrepreneur partageacute agrave 100 par Edmond Maire Signe symbolique de cettemutation le groupe VVF Vacances abandonne en juillet 2002 son siegravege historique de laVillette pour celui de Gentilly dans le Val de Marne Selon lrsquoactuel preacutesident laquo ce travail dereconstruction de lrsquoentreprise eacutetait indispensable Ne rien faire crsquoeacutetait prendre un risque Ilfallait donner de la valeur agrave une entreprise qui perdait de lrsquoargent raquo Le temps de lrsquoassocia-tion est deacutesormais reacutevolu VVF est controcircleacute agrave 80 par la C3D laquo bras armeacute raquo et filialedrsquoinvestissement de la Caisse des deacutepocircts et consignations et est entreacute de plain-pied dans lesecteur concurrentiel Autre signe la refonte des structures centrales preacutevoit la suppres-sion de 150 postes et la creacuteation de 70 autres agrave laquo haute valeur ajouteacutee raquo La strateacutegie dedeacuteveloppement est clairement afficheacutee positionner lrsquooffre laquo un produit confortable agrave untarif bien positionneacute agrave porteacutee de voiture raquo reacutenover les uniteacutes vieillissantes et investir 100 agrave200 millions drsquoeuros au cours des quatre prochaines anneacutees et conqueacuterir lrsquoeacutetranger pourlimiter lrsquoeacuterosion des ventes sur le territoire national

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Chronique drsquoune transformation agrave VVF comment diagnostiquer et surmonter la reacutesistance au changement raquo CCMP 2005

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15 Le modegravele symbolique

Ce modegravele met lrsquoaccent sur le rocircle du sens et des significations dans le processusde changement En effet selon Weick (1979) le changement attire lrsquoattention desacteurs de lrsquoentreprise parce qursquoil est dissemblable de ce qursquoils ont connu aupara-vant Ces derniers vont lui donner un sens (crsquoest-agrave-dire le rendre intelligible) agrave partirde lrsquoopeacuteration mentale appeleacutee enactment Lrsquoenactement (ou mise en scegravene de lareacutealiteacute) doit permettre de renouveler les scheacutemas drsquointerpreacutetation pour que soitrendue intelligible la nouvelle situation Mais cette mise en acte mentale nrsquoopegravere pasen toutes circonstances Les individus peuvent davantage ecirctre tenteacutes drsquoopeacuterer uneseacutelection crsquoest-agrave-dire de produire des significations agrave partir des anciens scheacutemasdrsquointerpreacutetation Cette confirmation leur permet en effet drsquoaccroicirctre lrsquointelligibiliteacutedes situations car ils choisissent les explications qui viennent confirmer les ancien-nes pratiques drsquointerpreacutetation Celles-ci sont en effet stockeacutees selon un processusde reacutetention crsquoest-agrave-dire de meacutemorisation des modes de penseacutee En mettantlrsquoemphase sur lrsquoattribution de sens ce modegravele preacuteconise que la conduite du change-ment soit fondeacutee sur la production de sens En effet la signification que les reacutefor-meacutes donnent au projet conditionne leur interpreacutetation et leur engagement Lereacuteformateur doit permettre que srsquoopegravere la mise en scegravene mentale et limiter les inter-preacutetations sur la base des anciens scheacutemas Agrave cet eacutegard le rocircle des leaders transfor-mationnels est souvent eacutevoqueacute En situation de changement donc drsquoincertitude leleader est celui qui par ses caracteacuteristiques personnelles emporte lrsquoadheacutesion etmobilise pour lrsquoaction Le leader transformationnel incarne le changement et endevient la figure embleacutematique il marque la volonteacute de mouvement en portant et endiffusant une nouvelle vision de lrsquoentreprise Par sa vision il agit sur les interpreacuteta-tions son action identitaire produit du sens Il est celui qui porte et assume lrsquoeacutevolu-tion identitaire de lrsquoorganisation Figure deacutemiurgique le leader transformationnelest lrsquoarchitecte social du changement

Cette approche conduit agrave consideacuterer lrsquoorganisation comme un systegraveme social bacirctisur des significations Toute action dans lrsquoorganisation produit du sens et le change-ment plus que toute autre intention manageacuteriale accentue les processus de creacuteationde sens Les comportements sont donc agrave analyser comme le produit de cette activiteacutementale les actes sont guideacutes par lrsquointelligibiliteacute que les individus ont (et fabri-quent) des situations

Le modegravele interpreacutetativiste donne aux repreacutesentations un rocircle central Il integravegreune dimension nouvelle dans la conduite des changements celle de la reacutegeacuteneacuterationdes repreacutesentations afin drsquoaider lrsquoenactment Pour autant cela suppose un reacuteforma-teur doteacute drsquoaptitudes transformationnelles capable drsquoincarner la transition identi-taire

Ces diffeacuterents modegraveles offrent incontestablement une vision eacuteclairante de laconduite du changement Ils veacutehiculent cependant une conception trop speacutecifique etfragmenteacutee de lrsquoaction manageacuteriale de transformation Si collectivement leur apportest reacuteel en termes de compreacutehension du pheacutenomegravene individuellement leur pouvoir

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normatif est relativement faible car la conception de lrsquoorganisation et du processusde changement sur laquelle repose leur prescription est partielle Nombre drsquoauteursont ainsi souligneacute la neacutecessiteacute de conduire le changement dans une perspectivemultidimensionnelle Il est donc peu pertinent de consideacuterer ces modegraveles commeuniversels car leur validiteacute deacutepend du contexte organisationnel et du type de change-ment On peut par exemple leacutegitimement penser que le modegravele hieacuterarchique estparticuliegraverement adapteacute agrave un microchangement mais qursquoil est peu approprieacute pour unchangement culturel Finalement ces modegraveles sont agrave appreacutehender dans une perspec-tive contingente

Pour autant ces approches si elles varient quant agrave leurs prescriptions reposent surun postulat commun le changement se gegravere Bon greacute mal greacute le reacuteformateurparviendra agrave changer la situation de lrsquoorganisation Certains auteurs se sont eacuteleveacutescontre cette conception fortement empreinte de rationalisme et ont souligneacute les limi-tes drsquoune telle conception de lrsquoaction manageacuteriale Clemer (1995) postule ainsi quelaquo le concept de gestion du changement repose sur le mecircme raisonnement dangereu-sement seacuteduisant que celui sur lequel repose le concept de planification strateacutegique[hellip] Le changement ne peut ecirctre geacutereacute On peut lrsquoignorer lui reacutesister le creacuteer ou entirer partie mais on ne peut pas le geacuterer ou le faire avancer au moyen drsquoun quelcon-que processus ordonneacute raquo (in Mintzberg et al 1999) Eacutemerge ce que nous nommonsle paradigme complexe de la gestion du changement

2 Le paradigme complexe de la gestion du changement

Pour ce paradigme les logiques du changement ne respectent pas celles delrsquoaction intentionnelle En drsquoautres termes le changement subit des distorsions quialtegraverent sa trajectoire et la rendent aleacuteatoire Ainsi lrsquointention de changement nepeut srsquoabstraire de la complexiteacute organisationnelle pour laquelle les conseacutequencesdes actions initieacutees sont impreacutevisibles Lrsquoaction intentionnelle de changement peutalors mener agrave des effets inattendus voire contraires agrave lrsquointention initiale Commelrsquoexplique Thieacutetart (2001) laquo la notion de complexiteacute implique celle drsquoeacutemergencepossible du nouveau raquo Il en reacutesulte en fin de course une impossibiliteacute de maicirctriser leprocessus de changement

Cela provient selon la theacuteorie de la complexiteacute du fait que les organisations sontdes systegravemes non lineacuteaires dynamiques Ils se caracteacuterisent par un comportementimpreacutevisible un grand nombre drsquoentiteacutes en interaction une initiative deacutecentraliseacuteeet une deacutecomposition impossible La non-preacutevisibiliteacute reacutesulte de lrsquoimpossibiliteacute deretracer le cheminement des effets des variables Peuvent se produire des comporte-ments laquo acausaux raquo conseacutequence du nombre illimiteacute drsquointeractions et de boucles dereacutetro et proaction Cette impreacutevisibiliteacute est renforceacutee par la deacutecentralisation desinitiatives Il est en effet impossible drsquoidentifier les actions geacuteneacutereacutees et a fortiorileurs effets sur le comportement du systegraveme Il en deacutecoule enfin une irreacuteductibiliteacutede lrsquoorganisation celle-ci ne pouvant ecirctre appreacutehendeacutee agrave partir des actions de ses

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membres Il en reacutesulte que les organisations ne sauraient obeacuteir agrave quelconque loielles sont gouverneacutees par une grande incertitude Aussi comme le fait remarquerThieacutetart (2001) laquo le rationnel le lineacuteaire et le planifieacute ougrave le risque est mesureacuteeacutevalueacute assumeacute par un acteur unique est meacutelangeacute agrave lrsquointuition et au hasard [hellip]Lrsquoeacutelaboration de seacutequences drsquoaction preacutedeacutetermineacutees semble degraves lors voueacutee agravelrsquoeacutechechellip raquo En conseacutequence de ces limites le paradigme complexe souligne lasensibiliteacute de lrsquoorganisation aux conditions initiales

Repegraveres Le rocircle des conditions initiales laTwingo naicirct du projet IRIS

Le projet IRIS naicirct lorsque Bernard Hanon estimant que le bureau drsquoeacutetude nrsquoest pas suffi-samment inventif en creacutee un second le BEREX (bureau drsquoeacutetude et de recherche explora-toire) Le rocircle de la nouvelle entiteacute est laquo drsquoaller plus vite que lrsquoorganisation Renault etsurtout drsquoinnover raquo et ce dans les eacutetudes de petites seacuteries et la recherche avanceacutee Le projetIRIS initieacute par le BEREX amorce laquo une reacutevolution culturelle raquo Renault qui doit apprendrela productiviteacute srsquointerroge sur la conception drsquoune usine de montage aussi productive queles usines japonaises ainsi que sur lrsquoinvention drsquoun petit veacutehicule Pour conduire cettereacuteflexion les ingeacutenieurs eacutetudes et meacutethodes et une douzaine drsquoeacutequipementiers sontreacuteunis pour la premiegravere fois dans un lieu commun le plateau-projet IRIS aboutit agravelrsquoentreacutee en scegravene des concepteurs socio-organisationnels Ceux-ci doivent faciliter la coor-dination entre les uniteacutes fonctionnelles et favoriser la transversaliteacute La reacuteflexion engageacuteepermet de rendre explicite des hypothegraveses de fonctionnement de lrsquousine qui eacutetaientjusqursquoalors resteacutees implicites primauteacute des fonctions techniques stabiliteacute du produit etdu process structure cloisonneacuteehellip En ce sens le projet IRIS interroge lrsquoorganisation geacuteneacute-rale de lrsquoentreprise et sa capaciteacute agrave construire des usines hyperproductives Il met eacutegale-ment en eacutevidence que les caracteacuteristiques structurelles et culturelles de Renault rendentquasi-impossible la construction drsquousines aussi performantes que celles des constructeursjaponaisSi IRIS se solde par un eacutechec le projet produit un apprentissage pour Renault Drsquoune part ilsrsquoagit de la premiegravere collaboration sur un mecircme plateau-projet entre les ingeacutenieursdrsquoeacutetudes et des meacutethodes sur un projet agrave orientation industrielle Les reacutesultats en termesde raccourcissement des deacutelais et drsquoameacutelioration des niveaux de productiviteacute (atteignantceux des meilleurs concurrents) vont convaincre le comiteacute de direction de lrsquointeacuterecirct de cedispositif Drsquoautre part la reacuteflexion entameacutee avec IRIS conduit agrave remettre en cause desmodes de raisonnement profondeacutement ancreacutes dans les scheacutemas cognitifs (lrsquoimportancedes fonctions techniques et le cloisonnement des meacutetiers) IRIS deacutemontre ainsi qursquounprojet automobile doit mobiliser une plus grande diversiteacute de points de vue la prise encompte de la complexiteacute industrielle et technique ne peut ecirctre distincte des preacuteoccupa-tions sociales et marketing De mecircme la proximiteacute permet de mobiliser les acteurs autourde projets agrave forts enjeux et drsquoobtenir un soutien sans faille Avec IRIS Renault laquo invente raquodonc une nouvelle faccedilon de concevoir des voitures Lrsquoinnovation automobile qursquoest laTwingo en sera le symbole Elle viendra laquo reacuteveiller raquo les repreacutesentations et connaissancesgeacuteneacutereacutees dans le cadre du projet IRIS

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Appliqueacute agrave la gestion de changement ce paradigme suggegravere que plutocirct que dechercher agrave maicirctriser le processus de changement en le pilotant il convient de creacuteerles conditions organisationnelles qui le faciliteront Cette approche preacuteconise doncdrsquoinstitutionnaliser le changement de le rendre permanent et continu afin qursquoildevienne une routine une aptitude enracineacutee dans les processus de lrsquoentreprise Cetencastrement est la voie exploreacutee par lrsquoapprentissage organisationnel Voyons dansquelle mesure lrsquoapprentissage est susceptible de faire du changement un eacutetat perma-nent de lrsquoentreprise

Selon March (1991) la reacuteponse reacuteside dans le deacuteploiement des processusdrsquoexploitation et drsquoexploration Car comme le souligne Weick (1977) laquo faire ce quelrsquoon a toujours fait est neacutecessaire dans lrsquoadaptation agrave court terme Faire ce que lrsquoonnrsquoa jamais fait est neacutecessaire dans lrsquoadaptation agrave long terme et les deux sont neacuteces-saires simultaneacutement raquo (Thieacutetart et Forgues 1993) Reprenons chaque modaliteacute etexpliquons en quoi elles transcendent le changement

Lrsquoexploitation se reacutefegravere agrave lrsquoaccumulation drsquoexpeacuterience Ainsi lorsqursquoune pratiquede gestion est agrave lrsquoœuvre dans une organisation et se reacutepegravete reacuteguliegraverement les acteursaccordent une attention particuliegravere aux reacutesultats obtenus Lorsque ceux-ci srsquoeacuteloi-gnent des objectifs attendus ils en analysent les raisons et laquo corrigent le tir raquo Cettereacuteflexion sur lrsquoaction aboutit donc le plus souvent agrave une ameacutelioration des modes degestion Crsquoest ainsi que les pratiques en vigueur dans une organisation se perfection-nent sous lrsquoeffet de leur reacutepeacutetition En ce sens lrsquoapprentissage par lrsquoexploitationconduit lrsquoentreprise agrave introduire des changements mineurs incessants des ajuste-ments constants Les individus sont alors pris dans un mouvement continu en reacutevi-sant reacuteguliegraverement leurs faccedilons de travailler ils deacuteveloppent des capaciteacutesdrsquoapprentissage Pour eux la constante nrsquoest plus la stabiliteacute mais le changement

Le projet X06 ou Twingo va ainsi marquer lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon de concevoirdes voitures Reacuteussite exemplaire sur le plan commercial et veacuteritable reacutevolution en matiegraverede management de projet le projet X06 constitue un moment fort dans lrsquohistoire deRenault Lrsquoeacutevolution consiste drsquoabord agrave rendre le projet plus autonome en termes de prisede deacutecisions Avec un responsable et une eacutequipe deacutedieacutes le projet prend le pas sur lrsquoorgani-sation par meacutetiers Les fonctions deviennent progressivement des reacuteservoirs drsquoexpertisequi precirctent leurs ressources aux projets en cours Lrsquoautonomisation des projets srsquoaccompa-gne eacutegalement drsquoune deacutemarche nouvelle la concourance Pour Midler (1993) laquo tous lesmeacutetiers du deacuteveloppement interviennent non pas seacutequentiellement mais ensemble toutau long du projet raquo Les interventions des expertises meacutetiers ne sont plus limiteacutees agrave unephase du processus mais srsquoeffectuent tout au long de celui-ci

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Gestion du changement et apprentissage organisationnel raquoin MEIER O Gestion du changement Dunod Coll laquo Gestion Sup raquo 2007 et SOPARNOT R

laquo De la capaciteacute de gestion du changement agrave la gestion de la capaciteacute de changement le concept de capaciteacute organisationnelle de changement raquo

Habilitation agrave diriger des recherches Universiteacute de Rennes 1 2008

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Lrsquoexploration consiste agrave renouveler les pratiques organisationnelles Il est questionde srsquoeacuteloigner de ce qui existe deacutejagrave dans lrsquoorganisation de faire ce qui nrsquoa jamais eacuteteacutefait drsquoinventer et drsquoexpeacuterimenter des pratiques totalement ineacutedites Pour celalrsquoentreprise doit questionner ses modes drsquointerpreacutetation des situations afin drsquoimagi-ner des faccedilons nouvelles de faire les choses En ce sens lrsquoapprentissage par explora-tion transcende le changement organisationnel Lrsquoentreprise parvient drsquoune part agraveinstiller une culture du changement et drsquoautre part agrave se doter drsquoun reacuteservoir de solu-tions potentielles Ainsi lorsque des reacuteformes importantes seront neacutecessaires lessalarieacutes seront plus enclins agrave soutenir et adopter des nouveauteacutes pour lesquelles ilsont eacuteteacute en quelque sorte preacutepareacutes De la mecircme maniegravere les solutions eacutelaboreacutees parle biais des expeacuterimentations font partie du patrimoine de lrsquoentreprise Elles consti-tuent des reacuteponses possibles agrave des eacutevolutions environnementales ulteacuterieures Commelrsquoexpliquent Thieacutetart et Forgues (1993) laquo lrsquoexpeacuterimentation de nouveaux paradig-mes organisationnels permet le deacuteveloppement de catalogues de configurations danslesquels lrsquoorganisation peut puiser lorsque les forces de changement lrsquoemportent surla viscositeacute et les reacutesistances de cette derniegravere raquo

Repegraveres La discussion experte agrave Intel

Intel est une socieacuteteacute ameacutericaine speacutecialiseacutee dans la fabrication de circuits inteacutegreacutes Elle aeacuteteacute fondeacutee par Gordon Moore Robert Noyce et Andrew Groove alors qursquoils venaient dequitter la Fairchild Semiconductor une socieacuteteacute de conception et de fabrication de circuitsinteacutegreacutes Quelques anneacutees plus tard les entrepreneurs inventent le microprocesseur lrsquoinnovation est baptiseacutee Intel 4004 Cette reacutevolution technologique et celles qui ont suiviexpliquent la position drsquoIntel de premier fabricant mondial de semi-conducteurs et demicroprocesseurs En 2008 lrsquoentreprise a reacutealiseacute un chiffre drsquoaffaires de 376 milliards dedollarsLe succegraves drsquoIntel vient aussi de la faccedilon dont lrsquoentreprise gegravere ses eacutequipes en privileacutegiantlrsquointeacutegration des employeacutes Agrave Intel lrsquoapprentissage organisationnel est une reacutealiteacute et ilrepose en partie sur la technique de la discussion experte Celle-ci est expeacuterimenteacutee danslrsquoentreprise fin 1992 lorsque le directeur de lrsquouniteacute drsquoassemblage et de semi-conducteursdrsquoArizona Ed Carpenter srsquoaperccediloit de la neacutecessiteacute drsquointeacutegrer une vision partageacutee au travailquotidien des collaborateurs Il remarque qursquoIntel accorde beaucoup de valeur au travaildrsquoeacutequipe et veut diffuser une vision commune au sein de son uniteacute Pour ce faire le direc-teur se rend au Centre drsquoapprentissage organisationnel du MIT dont lrsquoentreprise estmembre Et crsquoest lagrave que Peter Senge lui indique Rick Ross Ce dernier va lrsquoaider agrave deacutevelopperla pratique reacuteguliegravere de la discussion experte chez IntelLa pratique de la discussion experte deacutebute lorsque le directeur de lrsquousine eacutevoque le thegravemedu travail en eacutequipe et dit agrave ses collaborateurs qursquoil estime que son uniteacute ne travaille pas eneacutequipe En fait il voulait dire que les individus ne srsquointeacuteressaient pas aux autres et quelrsquoindividualisme preacutevalait parmi les membres de lrsquoeacutequipe de direction ce qui ne contribuaiten rien au deacuteveloppement global de lrsquoentreprise Cependant comme le directeur nrsquoeacutetaitpas habitueacute agrave ce type de discussions il nrsquoa pas vraiment expliqueacute ce qursquoil y avait derriegravereson discours sur le travail en eacutequipe Malgreacute cela sa deacuteclaration permit drsquoouvrir le sujet et

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Le changement organisationnel

In fine lrsquoapprentissage organisationnel provenant de comportements drsquoexplora-tion et drsquoexploitation permet de construire un ensemble de conditions initiales dontles caracteacuteristiques sont de nature agrave faciliter les changements ulteacuterieurs Selon leparadigme complexe les individus deviennent les veacuteritables agents du changementIls nrsquoen sont plus les destinataires Ce sont eux qui par des comportements drsquoimpro-visation rechercheacutes et valoriseacutes par le sommet enclenchent en continu des change-ments organisationnels Ils sont en effet ameneacutes au quotidien agrave faire face agrave desopportuniteacutes des eacutevegravenements inattendus pour lesquels ils improvisent des reacuteponsesEt cela ameacuteliore la reacuteceptiviteacute de lrsquoentreprise aux reacuteformes futures

suscitait des reacuteflexions chez chaque employeacute En fait pour eux le travail en eacutequipe existaitmas ils croyaient que le fait de faire ce que leur eacutetait demandeacute eacutetait lrsquoideacuteal Et crsquoest pourcela qursquoils ne mettaient pas en cause la faccedilon dont le travail eacutetait fait Ce problegraveme estfreacutequent dans les organisations surtout lorsque les individus ne reccediloivent aucun feedbacksur leur travail et nrsquoont pas drsquoobjectifs deacutefinis Ils font ce qui leur semble ecirctre le mieux poureux ce qui peut ne pas lrsquoecirctre pour la direction Durant les sessions suivantes le directeurremarquait que ses employeacutes aussi avaient des attentes par rapport agrave lui et qursquoils nesavaient pas les exprimer Alors que le directeur attendait de ses collaborateurs qursquoilstravaillent en groupe pour lrsquoaider agrave construire le futur de lrsquoentreprise les employeacutes atten-daient de lui qursquoil leur explique comment srsquoy prendre En fait ils attendaient qursquoon leurexplique comment travailler en eacutequipe Les attentes eacutetaient donc contradictoiresRick Ross fit comprendre agrave Ed Carpenter que les leaders eacutetaient souvent confronteacutes agrave cegenre drsquoambiguiumlteacutes Mais cette constatation comme le souligne le directeur a eacuteteacute consideacute-rable sur le deacuteveloppement des employeacutes Selon lui les heures de discussion experte quiont suivi ont permis des progregraves bien plus importants que ceux reacutealiseacutes durant les moispreacuteceacutedents Le directeur a en effet reacuteveacuteleacute qursquoil attendait drsquoeux qursquoils se comportent en veacuteri-tables leaders qursquoils responsabilisent leurs propres collaborateurshellip Or en attendant desconsignes sur comment travailler en eacutequipe ils avaient montreacute qursquoils nrsquoen eacutetaient pas et ilsen avaient pris conscience Et les discussions ne se sont pas arrecircteacutees au thegraveme du travailen eacutequipe Les groupes qui participaient aux reacuteunions ont commenceacute agrave discuter desproblegravemes de lrsquoentreprise et de la maniegravere de les reacutesoudre Des discussions sur le mode deproduction de lrsquoentreprise ont ainsi eacuteteacute abordeacutees et ont permis des reacutesultats positifs pourlrsquoentreprise Sans srsquoen apercevoir il srsquoagissait deacutejagrave drsquoun travail en eacutequipe Par exemple il yavait une eacutequipe dans lrsquoentreprise avec laquelle personne ne voulait avoir de contact agravecause de leur hostiliteacute mais en reacutealiteacute les propres membres de cette eacutequipe nrsquoeacutetaient pasau courant de lrsquoimpression qursquoils transmettaient et avaient le sentiment de faire du bontravail en lrsquoabsence de signaux contraires La prise de conscience de ces impressions permitdrsquoameacuteliorer les relations entre cette eacutequipe et toutes les autresGracircce aux seacuteances de discussion experte Carpenter a pu identifier les facteurs importantspour la reacuteussite de ce type de technique lrsquoimplication du leader une masse critique depersonnes engageacutees un climat de confiance un esprit drsquoeacutegaliteacute lrsquoeacutevocation de questionssans reacuteponse ferme ou deacutefinitive pour provoquer la participation des employeacuteshellip

Agrave partir de SENGE P La cinquiegraveme discipline Eacutedition First 1991

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En synthegravese nous suggeacuterons de consideacuterer les modegraveles de conduite du change-ment comme relevant soit du paradigme gestionnaire soit du paradigme complexeLa figure suivante rappelle leurs caracteacuteristiques respectives (figure 45)

Figure 45 mdash Les paradigmes de la gestion du changement organisationnel

De reacutecents travaux meneacutes sur la maicirctrise du changement organisationnel suggegraverentque ces deux paradigmes sont en fait compleacutementaires Ainsi selon Soparnot (20042006) puis Klarner et al (2007 2008) il convient drsquoouvrir la boicircte noire de lrsquoorga-nisation pour mieux comprendre les ressorts et les meacutecanismes de la maicirctrise duchangement Ce faisant ils montrent que lrsquoaptitude de lrsquoentreprise agrave mener avecsuccegraves une multitude de changements provient de ce qursquoils nomment la capaciteacuteorganisationnelle de changement Et celle-ci se compose drsquoun ensemble drsquoattributsarticuleacutes en trois dimensions (contextuelle processuelle et structurante) quisrsquoinscrivent dans les deux paradigmes de la gestion du changement Dans ce qui suitnous analysons les eacuteleacutements constitutifs de cette capaciteacute

3 La capaciteacute organisationnelle de changement

La capaciteacute organisationnelle de changement se deacutefinit comme lrsquoaptitude delrsquoentreprise agrave produire de faccedilon reacutepeacuteteacutee (sur le long terme) des reacuteponses concordan-

Les modegraveles de gestion du changement

Le paradigme gestionnaire

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Modegravelehieacuterarchique

Modegravele du DO

Modegravelepolitique

Modegraveleincreacutementiel

Modegravelesymbolique

Le paradigme complexe

Le processus de changement est aleacuteatoire

Modegravele de lrsquoapprentissageorganisationnel

Creacutee les conditions

initiales

Enracine le changement

Institutionnalise le changement

dans les pratiques routiniegraveres

Le changement ne se m

anage pas

Les modaliteacutes de gestion

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Le changement organisationnel

tes varieacutees (diffeacuterents types de changement) agrave des eacutevolutions environnementales(contexte externe) etou organisationnelles (contexte interne) et agrave rendre effective ausein de lrsquoentreprise la transition induite par ces derniegraveres Elle se compose drsquounensemble des attributs regroupeacutes en trois dimensions (figure 46)

Source Soparnot (2004 2006) Klarner et al (2007 2008)

Figure 46 mdash Les dimensions et attributs de la capaciteacute organisationnellede changement

Les attributs contextuels se reacutefegraverent aux caracteacuteristiques initiales de lrsquoorganisa-tion ils jouent un rocircle de modulateur des changements Lorsqursquoils sont reacuteunis ilssupportent et influencent positivement les processus de transition de lrsquoorganisationIls caracteacuterisent des entreprises pour lesquelles lrsquoinnovation et le changement cons-tituent des valeurs fortes (valeur du changement) De mecircme leur structure se carac-teacuterise par une certaine flexibiliteacute (le plus souvent elle est de type organique) Ensuiteleur culture est tregraves coheacutesive et le sentiment drsquoappartenance fort Il existe eacutegalementune relation de confiance entre les acteurs et les managers intermeacutediaires et supeacute-rieurs Ce sont en outre des entreprises dans lesquelles ont eacuteteacute institutionnaliseacutees lareacutesolution collective des problegravemes et les pratiques participatives Enfin ces organi-

Le leadershiptransformationnel

Dimensionprocessuelle

Dimensionstructurante

Dimensioncontextuelle

La leacutegitimiteacute perccediluedu changement

Les capaciteacutes drsquoapprentissageindividuelles

Lrsquoameacutelioration parlrsquoexpeacuterience

Le renouvellement parlrsquoexpeacuterimentation

La diffusion des connaissances etpratiques organisationnelles

La co-constructiondu changement

Le deacuteploiement increacutemental

La creacuteation de visibiliteacute

La confiance

La convergence culturelle

La valeur du changement

La flexibiliteacute structurelle

Les pratiques de consensus

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sations investissent activement dans la formation et la mobiliteacute du personnelhellip afindrsquoaccentuer les capaciteacutes drsquoapprentissage des collaborateurs

Agrave la dimension contextuelle de la capaciteacute de changement srsquoajoute la dimensionprocessuelle

Les attributs processuels se reacutefegraverent au pilotage du projet ils deacuteterminent eacutegale-ment la reacuteussite des changements Le respect de ces principes confegravere en effet unpotentiel de succegraves supeacuterieur dans la conduite des transformations de lrsquoentrepriseLes attributs processuels caracteacuterisent des entreprises qui mettent drsquoabord lrsquoaccent

Repegraveres Lrsquoabsence des attributs contextuels agravelrsquoOMS

En mai 2003 le docteur Lee Jong-Wook est eacutelu agrave la tecircte de lrsquoOrganisation mondiale de lasanteacute (OMS) Lrsquoorganisation fait alors face agrave plusieurs changements environnementauxDrsquoune part de nouveaux risques sanitaires apparaissent (SRAS obeacutesiteacutehellip) Et drsquoautre partla pression financiegravere srsquoaccentue sous lrsquoeffet drsquoun changement de politique de santeacute desEacutetats les conduisant agrave reacuteduire leur soutien financier et drsquoune compeacutetition plus grande pourlrsquoobtention de fonds Au niveau interne le nouveau preacutesident constate la preacutesence demultiples clans qui nrsquoeacutechangent pas leurs informations et savoirs sur les projets en cours Ilobserve eacutegalement une lenteur dans les prises de deacutecisions qursquoil explique par la tropgrande centralisation de la structure et la deacutemotivation des collaborateursLe docteur Lee Jong-Wook engage alors lrsquoOMS dans un projet de changement ambitieux il veut transformer lrsquoOMS en une organisation flexible orienteacutee vers le reacutesultat Pour cefaire il agit sur les ressources humaines et les infrastructures technologiques Il eacutetablitdrsquoabord des profils de compeacutetence et met en place la rotation obligatoire des postes Auniveau technologique il deacuteploie un systegraveme drsquoinformations dont la vocation est drsquoencoura-ger les eacutechanges de savoirs drsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute administrative et de promouvoir ladeacutecentralisation des ressources agrave lrsquoeacutechelle des reacutegions et des pays Il instaure enfin unsystegraveme de mesure de la performance afin de faire preuve de plus de transparence sur lesdeacutepenses et reacutesultats vis-agrave-vis des parties prenantesCe changement va connaicirctre nombre de problegravemes les acteurs de terrain eacuteprouveront degrandes difficulteacutes agrave srsquoinitier aux nouvelles technologies promues par le projet agrave alimenterles bases de donneacutees et agrave les exploiter de mecircme qursquoils adheacutereront difficilement agrave la rota-tion des postes et agrave la mobiliteacute interpays Lrsquoanalyse de ces difficulteacutes met en avant lrsquoinexis-tence de capaciteacutes individuelles drsquoapprentissage Celles-ci nrsquoont jamais eacuteteacute consideacutereacuteescomme centrales par la direction preacuteceacutedente de lrsquoOMS ndash par exemple peu drsquoinformationsprovenant du siegravege eacutetaient communiqueacutees aux diffeacuterents bureaux situeacutes dans les pays ndashles formations eacutetaient eacutegalement rares En conseacutequence les changements en termes degestion des ressources humaines et drsquoinfrastructure technologique ndash qui imposentdrsquoacqueacuterir de nouvelles aptitudes agrave titre individuel ndash nrsquoont pas eacuteteacute adopteacutes aiseacutement par lesacteurs de terrain

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Le changement organisationnel

sur le leadership Les changements de premier ordre sont en effet piloteacutes par desleaders transformationnels des individus capables drsquoinsuffler une eacutenergie consideacutera-ble au projet De mecircme la leacutegitimiteacute de la reacuteforme est placeacutee au cœur des dispositifsde pilotage Lrsquoenjeu est de permettre la prise de conscience par les acteurs de laneacutecessiteacute de changer Ensuite le mode drsquoimpleacutementation du changement accordeune place centrale agrave la construction collective du projet et agrave une mise en œuvreprogressive Enfin la communication tout au long du processus est consideacutereacuteecomme impeacuterative

Enfin la capaciteacute de changement se compose de la dimension structurante Sesattributs nrsquoinfluencent pas directement le processus de changement ils agissent au

Repegraveres La strateacutegie de changement agrave VVF

En 1997 le statut associatif de VVF (Village Vacances Famille) laisse place agrave un statut dedroit priveacute la socieacuteteacute anonyme Trois facteurs principaux imposent agrave Edmond Maire sonpreacutesident de mettre en chantier ce changement Le premier eacuteleacutement est la remise encause par le ministegravere du Budget et les services fiscaux des avantages dont beacuteneacuteficient lesassociations de tourisme ayant une activiteacute agrave caractegravere eacuteconomique dans un secteurconcurrentiel Ces associations seront donc soumises agrave un reacutegime de droit commun VVF laplus grosse de ces associations est en premiegravere ligne En second lieu le cadre juridique lieacuteau statut associatif ne permet pas le deacuteveloppement en grand drsquoactions commerciales Laloi autorise une association agrave ne vendre ses prestations qursquoagrave ses adheacuterents et limite touteaction publicitaire ou promotionnelle VVF ne peut plus agir avec de telles contraintes et abesoin dans un contexte concurrentiel fort de disposer de marges de manœuvre pourgagner de nouvelles parts de marcheacute Le dernier facteur est drsquoordre financier Lrsquoentreprise abesoin drsquoinvestir pour reacutenover son parc immobilier Le recours au financement paremprunts bancaires impose des critegraveres de santeacute financiegravere Parallegravelement lrsquoapparition denouvelles prioriteacutes sociales a conduit les partenaires de VVF agrave se deacutesengager contraignantlrsquoentreprise agrave ameacuteliorer sa rentabiliteacute et financer seule ses investissementsPour mettre en œuvre le changement la direction reacutedige agrave lrsquointention de lrsquoensemble dupersonnel une note dans la lettre du groupe indiquant que VVF serait degraves le premiernovembre 1997 une SA Le document eacutevoque les raisons de ce changement de statut et lesconseacutequences pour lrsquoentreprise (paiement de la TVA taxe professionnelle et impocirctsocieacuteteacute) affirme que le personnel est maintenu et que lrsquoentreprise conserve sa vocationsociale Les syndicats et les salarieacutes reacuteagissent brutalement agrave un changement qursquoils perccediloi-vent comme totalement imposeacuteLrsquoabsence de leadership (Edmond Maire incarne les valeurs sociales) une reacuteforme preacutepareacuteeen comiteacute restreint (le comiteacute drsquoentreprise les syndicats et les salarieacutes nrsquoont agrave aucunmoment eacuteteacute associeacutes au projet) une communication trop limiteacutee (les lettres drsquoinformationempecircchent tout eacutechange)hellip caracteacuterisent un mode de pilotage du changement tregraves eacuteloi-gneacute des attributs processuels de la capaciteacute de changement

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niveau des dimensions contextuelle et processuelle en permettant lrsquoacquisition et ledeacuteveloppement de leurs attributs Ils caracteacuterisent des entreprises qui possegravedent troisproprieacuteteacutes reacutegeacuteneacuteratrices autrement dit trois types drsquoaptitudes agrave lrsquoapprentissageorganisationnel Tout drsquoabord elles apprennent au travers du fonctionnement organi-sationnel reacutegulier Ensuite elles enrichissent leur savoir en srsquoeacuteloignant de ce quiexiste dans lrsquoorganisation en faisant ce qui nrsquoa jamais eacuteteacute fait et en expeacuterimentantdes pratiques totalement ineacutedites Enfin elles consacrent des ressources consideacutera-bles afin drsquoassurer le transfert des connaissances et des pratiques dans drsquoautres espa-ces de lrsquoorganisation (pays deacutepartement sitehellip)

Repegraveres La diffusion drsquoune nouvelle deacutemarchede gestion de projet chez Renault

Chez Renault le projet X06 (ou Twingo) marque lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon deconcevoir des voitures Au cœur de ce changement des meacutethodes de gestion de projet (laconcourance) se trouve le dispositif du plateau Le plateau-projet est un lieu physique danslequel sont reacuteunis les membres de lrsquoeacutequipe Si le plateau est un moyen de stimuler leseacutechanges entre les membres du projet il est encore plus une maniegravere drsquoassurer la conver-gence de savoirs compleacutementaires Par exemple un ingeacutenieur des meacutethodes peut ecirctreameneacute agrave eacutemettre une opinion sur des choix de marketing et inversement Cette conver-gence preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord en multipliant les avis elle stimulela creacuteativiteacute et donc lrsquoinnovation du produit Ensuite elle reacuteduit les temps de traitementdes conflits car les acteurs entretiennent des contacts directs ce qui limite la circulation delrsquoinformation Enfin le nombre des conflits srsquoatteacutenue car les acteurs sont plus enclins agravefaire des compromis lorsqursquoils sont reacuteguliegraverement au contact drsquoexpertises multiplesCet outil va progressivement se diffuser au sein de lrsquoentreprise et permettre la creacuteation decertains attributs de la capaciteacute de changement La propagation du plateau-projet vadrsquoabord srsquoopeacuterer en direction des services chargeacutes de deacutevelopper les eacuteleacutements meacutecaniques(moteurs boicirctes de vitesse et poids lourds) puis srsquoeacutetendre agrave drsquoautres entiteacutes de lrsquoentreprisenotamment agrave lrsquoISE (lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais est le deacutepartement en charge dudeacuteveloppement des moyens drsquoessais) Cette diffusion srsquoexplique par le fait que les meacutetho-des de gestion de projet expeacuterimenteacutees lors du projet Twingo ont eacuteteacute codifieacutees stockeacuteesdans des bases de connaissances internes et exploiteacutees par les responsables de lrsquoISELrsquoadoption de ce changement sera une reacuteussite cela srsquoexplique par deux raisons principa-les La premiegravere tient au fait que la direction de Renault a prolongeacute les beacuteneacutefices du chan-gement en les transformant en savoirs et en assurant leur diffusion Drsquoune part lesbeacuteneacutefices ont fait lrsquoobjet drsquoun travail de codification et de transformation en bonnes prati-ques Drsquoautre part celles-ci sont diffuseacutees par des agents au travers de club drsquoeacutechanges(Club de Montreacuteal Groupe Deltahellip) Et cela permet lrsquoameacutelioration des capaciteacutes drsquoappren-tissage individuelles La seconde raison tient agrave la reacuteussite exemplaire sur le plan commer-cial de la Twingo En effet la construction et la diffusion des savoirs se fondent sur unereacuteussite indeacuteniable qui justifie que soient geacuteneacuteraliseacutees les pratiques deacuteployeacutees lors de ceprojet Cela renforce la leacutegitimiteacute du changement

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Le changement organisationnel

In fine la capaciteacute de changement se compose de quatorze attributs inteacutegreacutes agrave troisdimensions Celles-ci remplissent une fonction speacutecifique Si la dimension contex-tuelle module les changements la dimension processuelle pegravese plus directement surla reacuteussite du processus enclencheacute Quant agrave la dimension structurante elle agit sur lelong terme En permettant la creacuteation et le deacuteveloppement des attributs contextuelset processuels elle confegravere agrave la firme des qualiteacutes de reacutegeacuteneacuteration

Figure 47 mdash Le management renouveleacute du changement organisationnel

Approcher la conduite du changement organisationnel sous lrsquoangle de la capaciteacutede changement impose aux managers de repenser leur maniegravere de geacuterer cesmoments de la vie des entreprises En effet la gestion du changement ne laquo peut raquo

Diagnostic des attributs de la capaciteacute de changement

Position favorable

Eacutevaluation descaracteacuteristiques du

changement et de la deacutemarche

drsquoaccompagnement

Conduite duchangement

Peacuterennisation du changement Maintien de la dynamiqueProcessus drsquoapprentissage

Position deacutefavorable

Phase drsquoeacutevaluationPhase

drsquoacquisitionPhase de

preacuteparationPhase de

changement

Phasedrsquoactivation

Action de changementpreacuteparatoire drsquoacquisition

des attributs

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plus se limiter agrave lrsquoapplication de principes exclusivement lieacutes agrave son implantationCette approche veacutehiculerait une vision simplifieacutee du changement qui ne tiendraitcompte que de la dimension processuelle et neacutegligerait le rocircle de la dimensioncontextuelle Dans cette optique nous proposons un modegravele renouveleacute de gestion duchangement organiseacute en cinq phases (figure 47)

La premiegravere eacutetape (phase drsquoeacutevaluation) consiste agrave deacutefinir le profil de capaciteacute dechangement de lrsquoentreprise Elle vise agrave identifier quels attributs lrsquoorganisationdeacutetient et quel est le degreacute de maicirctrise de chacun drsquoentre eux Cette eacutetape permet uneeacutevaluation preacutecise du degreacute de maicirctrise globale de la capaciteacute Ce profil permet auxmanagers drsquoeacutevaluer les probabiliteacutes de reacuteussite des changements futurs et leurniveau de risque La position de lrsquoentreprise pourra donc ecirctre plus ou moins favora-ble La seconde eacutetape (phase drsquoacquisition) consiste donc agrave faccedilonner la capaciteacute dechangement de lrsquoentreprise avant drsquoengager une reacuteforme profonde en tentant deconstruire les attributs non maicirctriseacutes Le manager peut agrave cet effet impulser certainsajustements (comme des investissements drsquoapprentissage) qui visent agrave preacuteparer lecontexte agrave mieux toleacuterer les changements agrave venir Ce faisant ils geacutenegraverent et cultiventles ressources dont srsquoalimente la capaciteacute de changement Et la maicirctrise de ces attri-buts permettra de limiter les risques drsquoenlisement et drsquoeacutechec des changementsauxquels lrsquoentreprise devra faire face au cours de son deacuteveloppement

Ces deux premiegraveres phases suggegraverent une gestion intemporelle du management duchangement Il nrsquoest en effet plus question drsquoattendre le moment du changementpour le geacuterer car cela reviendrait agrave se limiter exclusivement agrave la dimension proces-suelle de la capaciteacute Il srsquoagit deacutesormais drsquoun exercice permanent les peacuteriodesstables dans la vie de lrsquoentreprise deviennent des phases de preacuteparation des reacuteformesdurant lesquelles lrsquoorganisation reacutealise des investissements drsquoapprentissage luipermettant de structurer le contexte dans lequel les changements futurs serontimplanteacutes Se construit ainsi un contexte favorable (les attributs de la dimensioncontextuelle) qui permet de contracter le temps de deacuteploiement des projets etdrsquoaugmenter les chances de succegraves

Pour autant les managers ne doivent pas neacutegliger les meacutethodes plus traditionnellesde gestion du changement crsquoest-agrave-dire le pilotage agrave proprement parler du processusEn effet lorsque lrsquoorganisation est en passe de srsquoengager dans un changement lesmanagers doivent deacutevelopper une meacutethodologie de pilotage adeacutequate Celle-cisrsquoarticule autour de trois phases succeacutedant aux deux eacutetapes preacuteceacutedentes

La troisiegraveme eacutetape (phase de preacuteparation) consiste agrave se concentrer sur le type dechangement et agrave en eacutevaluer les caracteacuteristiques Il srsquoensuit la preacuteparation drsquounemeacutethodologie drsquoaccompagnement adapteacutee Afin drsquoorienter favorablement le deacuterou-lement du projet celle-ci srsquoinspirera des attributs de la dimension processuelle Laquatriegraveme eacutetape (phase de changement) porte sur la mise en œuvre effective duchangement Le rocircle du manager est alors drsquoassurer la conduite du processus enveillant au respect des grandes lignes du plan drsquoactions deacutefinies lors de lrsquoeacutetapepreacuteceacutedente Enfin la derniegravere eacutetape (phase drsquoactivation) vise agrave profiter de la dynami-que dans laquelle se trouve lrsquoorganisation Le rocircle du manager est alors de peacuterenni-

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Le changement organisationnel

ser le changement de le prolonger et drsquoen tirer des enseignements Lrsquoenjeu de cettephase est drsquoentretenir etou drsquoacqueacuterir les attributs des dimensions contextuelle etprocessuelle et de preacuteparer lrsquoorganisation agrave mieux absorber les chocs qursquoelle srsquoinfli-gera ou que son milieu lui fera subir agrave terme

LrsquoessentielLe quatriegraveme et ultime chapitre de cet ouvrage srsquoest inteacuteresseacute au thegraveme du changementorganisationnel Nous lrsquoavons drsquoabord preacutesenteacute agrave partir de quatre dimensions En mobili-sant lrsquoapproche contextualiste deacuteveloppeacutee par Pettigrew (1985) ont successivement eacuteteacuteeacutetudieacutes le contexte les processus le contenu et la reacutesistance au changement Ensuite ledomaine de la conduite du changement organisationnel a eacuteteacute analyseacute Compte tenu de ladiversiteacute des approches en la matiegravere celles-ci ont eacuteteacute inteacutegreacutees au sein des paradigmesgestionnaire et complexe de la gestion du changement Un modegravele inteacutegrateur dit de lacapaciteacute organisationnelle de changement a conclu le chapitre Finalement ce chapitrepermet une compreacutehension en profondeur des meacutecanismes du changement organisationnelet de son management

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anagement des entreprises strateacutegie structure organisation a permisdrsquoaborder quatre dimensions deacutecisives de la vie des organisations Pour

chacune ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes les concepts cleacutes des thegravemes retenus et de nombreusesillustrations

Le premier chapitre srsquoest inteacuteresseacute aux thegravemes du meacutetier du manager dirigeant etde la strateacutegie drsquoentreprise Il a traiteacute des questions suivantes quelles sont lesmissions veacuteritables du manager dirigeant Comment conduire lrsquoanalysestrateacutegique Quelles orientations strateacutegiques permettent-elles drsquoassurer le deacutevelop-pement de lrsquoentreprise Quelles fonctions assurent-elles la mise en œuvre des choixstrateacutegiques et quels sont leurs rocircles respectifs

Le second chapitre aborde le domaine de la structure drsquoentreprise Il srsquoest concen-treacute sur les questions suivantes comment concevoir la structure drsquoune organisationou drsquoun deacutepartement Quelles sont les principales formes structurelles Existe-t-ildes structures plus performantes que drsquoautres et quels facteurs influencent-ils lastructure de lrsquoentreprise

Le troisiegraveme chapitre a deacuteveloppeacute les aspects humains du fonctionnement desentreprises Il a abordeacute les questions suivantes comment expliquer certains aspectsdes comportements humains dans les organisations En particulier comment carac-teacuteriser la motivation lrsquoimplication la coopeacuteration et lrsquoinfluence du groupe En cesens comment les managers peuvent-ils agir pour geacuterer leurs eacutequipes

Enfin le quatriegraveme chapitre de cet ouvrage srsquoest inteacuteresseacute au changement organi-sationnel Les questions suivantes ont eacuteteacute abordeacutees comment analyser une situation

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Conclusion

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de changement Quels facteurs poussent-ils les entreprises agrave initier deschangements Ces derniers sont-ils de mecircme nature Comment les geacuterer

Si cet ouvrage a proposeacute de nombreux eacuteleacutements de reacuteponse agrave ces multiplesquestions ceux-ci ne sont en rien deacutefinitifs Ils sont susceptibles drsquoeacutevoluer aurythme des travaux meneacutes sur le sujet et des eacutevegravenements qui ponctuent la vie desaffaires Une discipline complexe eacutevolutive et ineacutepuisable voilagrave ce qursquoest lemanagement des entreprises

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GRANDVAL S SOPARNOT R laquo Lrsquoanalyse concurrentielle lrsquoeacutevolution de la relation fournis-seurs-clients dans le secteur bancaire raquo in GRANDVAL S SOPARNOT R Concepts et casen management strateacutegique Eacuteditions Hermegraves Science 2005

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wwwacmilancomwwwambafranceorgwwwcapitalfrwwwcelestialseasoningscomwwwdellcomwwweadscomwwweasyjetcomwwweasyjetfrwwwelwatancomwwwgmcomwwwikeacomwwwinformationweekcomwwwlequipefr

wwwlevistrausscomwwwmecachromecomwwwmmafrwwwmonsantocomwwwnokiacomwwworangefrwwwpanasonicfrwwwsanyocomwwwsanyofrwwwtectoycomwwwvalloureccomwwwzaracomwwwzeebocom

Cybergraphie

225

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acquisition 41

adhocratie 135

alliances 71

alliances strateacutegiques 43

analyse 11

apprentissage organisationnel 28 203

approvisionnements 74

autoriteacute 157

avantage concurrentiel 23 29 30

bilan 63

bureaucratie meacutecaniste 133

bureaucratie professionnelle 134

capaciteacute 25

capaciteacute dynamique 26

capaciteacute organisationnelle 26 193

centralisation 98

chaicircne de valeur 23 48 115

changement organisationnel 100 128 177

compeacutetences 29

complexiteacute (theacuteorie de la )201

comportement 138

compte de reacutesultat 63

concentration (strateacutegie de) 30 33

concurrence 11

confiance 159

configuration 131

contingence 121

coopeacuteration 75 150

coordination 46 93 131

croissance conjointe 69

croissance externe 40 69

croissance interne 40

croissance partageacutee 40

culture drsquoentreprise 172 191

cultures nationales 129

deacutecision 98 164

deacuteveloppement 70

deacuteveloppement durable 26 77

deacuteveloppement organisationnel 195

diffeacuterenciation 23 25 30 33 47

A

B

C D

Index des thegravemes

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

226

diffeacuterenciation-inteacutegration 100

diffusion 73

distinctives 29

district industriel 115

diversification 40 42 125 135

domination par les coucircts (strateacutegie de) 23 25 30 47

EDI 47

entreprise 89

environnement 127

eacutequipe 169

eacutequipes virtuelles 169

externalisation 117 126

facteurs cleacutes de succegraves (FCS) 21

facteurs de changement 179

financement 60

fonctions de soutien 60 90

fonctions principales 46 90

formalisation 96

fusion 41

fusion et acquisition 69

gestion des ressources humaines 64

gestion du changement 193

groupe 153 191

groupes strateacutegiques 18

identiteacute 155 172 175 191

implication 142

influence 157

innovation 28 71 73 135

innovation strateacutegique 34

innovations (increacutementalesradicales) 72

internationalisation 38

intuition 168

JIT (JAT ndash Juste agrave temps) 49

Kaizen 51

leader 158 163 200

logistique 46

manager 8 137 158

marketing 52

marketing mix 53

marque (image de) 31 54 59

meacutecaniste 99 123

motivation 138

organigramme 89

organique 99 114 123

parties prenantes 26 78

politique de communication 58

politique de distribution 56

politique de prix 55

politique produit 53

pouvoir 144 157 191 196

proceacutedeacutes 71

processus de changement 183

production 49

produits 71

projet 118 146 170

rationaliteacute limiteacutee 167

recherche et deacuteveloppement 70

reacuteseau drsquoentreprises 114

E

F

G

I

J

K

L

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R

227

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Index des thegravemes

reacutesistance au changement 106 190responsabiliteacute sociale des entreprises (RSE) 78 83ressources 25

services 71speacutecialisation 37 90 125strateacutegie 10 125strateacutegies de deacuteveloppement 37stress 147structure 89 99 114structure divisionnelle 107structure en reacuteseau 114structure fonctionnelle 103

structure matricielle 111

structures meacutecanistes 128

structures organiques 128

structures par projet 118

styles de management 161

technologie 123 179

TQM 51

types de changement 185

valeur 25 172

vision 158

ST

V

229

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AC Milan 143

Airbus 61 108

Amcor 86

Bayer 21-22 186-187

Bouygues Teacuteleacutecom 172

Carrefour 84

Casino 56-57

Celestial Seasonings 97

Chrysler 175

Communauteacute drsquoagglomeacuteration de Saint-Quentin-en-Yvelines 151

Compagnie des services peacutetroliers 173

Daewoo 56-57 91

Daimler-Chrysler 61 130

Dell 50

DuPont 125

EADS 108-109

Easy Group 31-32

Easy Jet 31-32

ESSEC 39

Experian 15 17

Ford 42 44 72 92 185

France Teacuteleacutecom 58 112

GDF 80-81

General Motors 91 115

Harwood Manufacturing Company 195

Hasbro 19

HEC 39

Hitachi 41 117

Honda 42 182

A

B

C

D

E

F

G

H

Index des entreprises

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

230

Ikeacutea 76-77 165-166INSEAD 39Intel 185 204ITT 163

Lafarge 26 168Lego 19 176Levi Strauss amp Co 140LVMH 33

Matsushita Electric Company 164Mattel 19-20Mecachrome 61-62Meacutediameacutetrie 58-59Microsoft 16 35-36 53-54 174MMA 104-105

Nike 54 78 117Nintendo 35-37 53-54Nissan 9-10Nokia 159-160

Orange 112Organisation mondiale de la santeacute 208

Panasonic 41-42

Patagonia 86

Pfizer 21-22

PSA (Peugeot Citroeumln) 43-45 94 126 181-182

Renault 9 38 47 51-52 57 61 86 94 119 126 128 146 188-189 202 210

Sanyo 42

Smoby 20

Sony 35 41 53 174

ST Micro 158

Super U 148

Tec Toy 53-54

Toyota 42-45 49 61 72-73 115 181 183

Unisys 16-17

Vallourec 68-70

Virgin 135 195

VVF (Village Vacances Famille) 192-193 198-199 209

Zara 47 48

I

L

M

N

O

P

R

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Z

231

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Akrich M 74

Amit R 26

Ansoff I 164

Aureacutegan P 118

Barney J B 29

Bennis W 158 161

Bidault F 159

Blake R 162

Blanchard K H 162

Bollinger D 129

Burgelman R A 127

Burns T 99 128

Callon M 74

Chandler A D 125 127 179

Clemer J 201

Crozier M 144 147 150

Dameron S 150

Forgues B 203-204

Freeman E 78

Freacutery F 20 118 135 174

Friedberg E 144 147 150

Garel G 95

Hersey P 162

Herzberg H 139

Hofstede G 129

Jarillo J C 159

Joffre P 118

Johnson G 10 20 135 174

Kets De Vries M 163

Kim W C 34

A

B

C

D

F

G

H

J

K

Index des auteurs

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

232

Klarner P 206-207Koenig G 28

Latour M 74Laughlin R C 188Lawrence P R 100 128Lewin K 156-157 161 183Lorsch J W 100 128

MacGregor D 161March J G 86 179 203Maslow A 139Mauborgne R 34Mayo E 150Midler C 95 120 203Miller D 163Mintzberg H 8 89 93 131-136 184 187 201Mitchell R K 81-82Mouton J 162

Nanus B 158 161

Penrose E 25Perrow C B 123-125Porter M 11 18-19 23-26 30 33-34 46 60

Rogers E 73

Scholes K 20 135 174

Shapiro S 168

Simon H 167

Soparnot R 17 28 37 45 52 57 66 73 84 95 102 119-120 127 147 152 167 170 175 181 189 193 199 203 206-210

Spence M T 168

Stalker G M 99 128

Teece D J 26

Theacutevenet M 141-142 172

Thieacutetart R-A 201 203-204

Usunier J C 159

Vandangeon-Derumez I 183-185

Vroom V 141

Watzlawick P 186

Weick K E 200 203

Wernerfelt B 26

Woodward J 123 125

Zannad H 119

L

M

N

P

R

S

T

U

V

W

Z

wwwdunodcom

GeStIoN SupStrateacutegie bull Politique drsquoentreprise

RICHARD SopARNot

professeur de management strateacutegique au Groupe eSCeM et directeur de lrsquoaxe laquo entrepreneuriat et strateacutegies drsquoinnovation raquo du CReSCeM Docteur et Habiliteacute agrave diriger des recherches en sciences de gestion ses travaux portent sur lrsquoinnovation le changement et lrsquoapprentissage dans les organisations Il megravene eacutegalement des missions de conseils dans des entreprises de toute taille

Lrsquoobjectif de cet ouvrage est de faciliter la compreacutehension de lrsquoorganisation et du fonctionnement des entreprises Il met lrsquoaccent sur quatre grands domaines

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise bull rocircles des managers missions des fonctions principales et de soutien outils de diagnostics formulation des choix strateacutegiquesLes structures drsquoentreprise bull paramegravetres de structuration (speacutecialisation coordination formalisation et centralisation) typologie (fonctionnelle matricielle en reacuteseauhellip) et critegraveres drsquoefficaciteacuteLes comportements humains et le management des bullindividus dimensions comportementales (motivation jeux de pouvoir stress coopeacuterationhellip) leviers drsquoaction (styles de commandement travail en eacutequipe culture drsquoentreprisehellip)Le changement organisationnel bull angles drsquoanalyse (contexte processus contenu et reacutesistance) modegraveles de conduite du changement

Les concepts preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique sont illustreacutes par plus de soixante cas drsquoentreprise commenteacutes issus de lrsquoactualiteacute eacuteconomique

Public Eacutetudiants en Licence 3 et Master des universiteacutes))

Eacutetudiants des eacutecoles de commerce et drsquoingeacutenieur))

Cadres et dirigeants drsquoentreprise))

ManageMent des entrePrisesStrateacutegie bull Structure bull Organisation

Richard Soparnot

ManageMent ressources huMaines

Marketing coMMunication

finance coMptabiliteacute

ManageMent industriel

strateacutegie politique drsquoentreprise

aide agrave la deacutecision

ISBN 978-2-10-054254-3

  • Table des Matiegraveres
    • Remerciements
    • Avant-propos
    • 113La strateacutegie et les fonctions de lentreprise
      • Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lentreprise
        • 1 Lanalyse externe
        • 2 Lanalyse interne
        • 3 Les choix strateacutegiques
          • Section 2 Les fonctions principales
            • 1 La logistique
            • 2 La production
            • 3 Le marketing
              • Section 3 Les fonctions de soutien
                • 1 Les services financiers
                • 2 La gestion des ressources humaines
                • 3 Le deacuteveloppement technologique
                • 4 Les approvisionnements
                • 5 Le deacuteveloppement durable
                    • 213Les structures dentreprises
                      • Section 113Les paramegravetres de structuration
                        • 1 La speacutecialisation
                        • 2 La coordination
                        • 3 La formalisation
                        • 4 La centralisation
                        • 5 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration
                          • Section 2 Les types de structures13
                            • 1 La structure fonctionnelle
                            • 2 La structure divisionnelle
                            • 3 La structure matricielle
                            • 4 La structure en reacuteseau
                            • 5 Les structures par projet
                              • Section 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure13
                                • 1 La taille de lentreprise
                                • 2 La technologie
                                • 3 La strateacutegie
                                • 4 Lenvironnement
                                • 5 La culture nationale
                                • 6 Lapproche configurationniste
                                    • 313Les comportements humains et le management des hommes
                                      • Section 113Les comportements humains dans lrsquoorganisation
                                        • 1 La motivation et limplication
                                        • 2 Les jeux de pouvoir
                                        • 3 Le stress
                                        • 4 La coopeacuteration interindividuelle
                                        • 5 Le rocircle du groupe
                                          • Section 2 Le management des personnes13
                                            • 1 Le leader et le manager
                                            • 2 Les styles de management des personnes
                                            • 3 La deacutecision
                                            • 4 Le travail en eacutequipe
                                            • 5 La culture dentreprise
                                                • 413Le changement organisationnel
                                                  • Section 1 Les dimensions du changement organisationnel
                                                    • 1 Les facteurs de changement
                                                    • 2 Les processus de changement
                                                    • 3 Les types de changement
                                                    • 4 La reacutesistance au changement
                                                      • Section 2 La conduite du changement organisationnel
                                                        • 1 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement
                                                        • 2 Le paradigme complexe de la gestion du changement
                                                        • 3 La capaciteacute organisationnelle de changement
                                                            • Conclusion
                                                            • Bibliographie
                                                            • Cybergraphie
                                                              • Index des thegravemes13
                                                              • Index des entreprises13
                                                              • Index des auteurs13
Page 2: management des entreprises · 2020. 11. 21. · prise, représentée par un manager dirigeant, doit élaborer une stratégie générale. Celle-ci fixe une ligne d’horizon, un cap

Management des entreprises

Management des entreprisesStrateacutegie bull Structure bull

Organisation

Richard Soparnot

copy Dunod Paris 2009

Conseiller eacuteditorial Olivier Meier

ISBN 978-2-10-054254-3

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Avant-propos 3

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise 7

Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lrsquoentreprise 81 Lrsquoanalyse externe 102 Lrsquoanalyse interne 233 Les choix strateacutegiques 30

Section 2 Les fonctions principales 461 La logistique 462 La production 493 Le marketing 52

Section 3 Les fonctions de soutien 601 Les services financiers 602 La gestion des ressources humaines 643 Le deacuteveloppement technologique 704 Les approvisionnements 745 Le deacuteveloppement durable 77

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Table des matiegraveres

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

VI

Les structures drsquoentreprises 89

Section 1 Les paramegravetres de structuration 901 La speacutecialisation 902 La coordination 933 La formalisation 964 La centralisation 985 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie

de la diffeacuterenciation-inteacutegration 99

Section 2 Les types de structures 1031 La structure fonctionnelle 1032 La structure divisionnelle 1073 La structure matricielle 1114 La structure en reacuteseau 1145 Les structures par projet 118

Section 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure 1211 La taille de lrsquoentreprise 1212 La technologie 1233 La strateacutegie 1254 Lrsquoenvironnement 1275 La culture nationale 1296 Lrsquoapproche configurationniste 131

Les comportements humains et le management des hommes 137

Section 1 Les comportements humains dans lrsquoorganisation 1381 La motivation et lrsquoimplication 1382 Les jeux de pouvoir 1443 Le stress 1474 La coopeacuteration interindividuelle 1505 Le rocircle du groupe 153

Section 2 Le management des personnes 1571 Le leader et le manager 1572 Les styles de management des personnes 1613 La deacutecision 1644 Le travail en eacutequipe 1695 La culture drsquoentreprise 172

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Table des matiegraveres

Le changement organisationnel 177

Section 1 Les dimensions du changement organisationnel 1781 Les facteurs de changement 1792 Les processus de changement 1833 Les types de changement 1854 La reacutesistance au changement 190

Section 2 La conduite du changement organisationnel 1931 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement 1932 Le paradigme complexe de la gestion du changement 2013 La capaciteacute organisationnelle de changement 206

Conclusion 215

Bibliographie 217

Cybergraphie 223

Index des thegravemes 225

Index des entreprises 229

Index des auteurs 231

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rsquoexprime mes sincegraveres remerciements agrave Ana Luiza Cicconi assistante derecherche agrave lrsquoESCEM pour sa contribution agrave la reacutedaction des exemples Son

deacutevouement son seacuterieux et la qualiteacute de son travail ont grandement contribueacute agrave lareacutealisation de cet ouvrage

Mes remerciements vont eacutegalement agrave Caroline mon eacutepouse pour sa compreacutehen-sion sa bonne humeur quotidienne et son soutien infaillible

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anagement des entreprises srsquoinscrit dans le prolongement drsquoun preacuteceacute-dent ouvrage intituleacute Organisation et gestion de lrsquoentreprise eacutegalement

eacutediteacute par les Eacuteditions Dunod Il srsquoen rapproche car la theacutematique geacuteneacuterale et la tramede lrsquoouvrage demeurent identiques et srsquoen distingue drsquoune part parce que denouveaux domaines sont abordeacutes (chaque chapitre est ainsi densifieacute au niveau theacuteo-rique) et drsquoautre part parce que les cas drsquoillustration sont plus nombreux et plusvolumineux Lrsquoesprit drsquoOrganisation et gestion de lrsquoentreprise est donc conserveacuteLes concepts sont preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique et sont systeacutematiquement illustreacutespar des exemples issus de lrsquoactualiteacute reacutecente de la vie des affaires

Le preacutesent ouvrage srsquoadresse principalement aux eacutetudiants des universiteacutes deseacutecoles drsquoingeacutenieur et de commerce suivant un cursus ou un cours deacutedieacute agrave lrsquoorganisa-tion et au management des entreprises Les cadres et dirigeants en exercice trouventeacutegalement un inteacuterecirct agrave lire cet ouvrage ils y deacutecouvrent de nombreuses cleacutes pourdeacutecrypter la vie des affaires dans laquelle ils sont immergeacutes et qursquoils contribuent agraveenrichir

Management des entreprises vise donc agrave comprendre les pheacutenomegravenes organisa-tionnels qui caracteacuterisent la vie drsquoune entreprise et des individus qui la composentAvec plus de trois millions drsquoentreprises seulement en France des PME (petites etmoyennes entreprises ndash le nombre de salarieacutes est compris entre 1 et 500) comme desGE (grandes entreprises ndash lrsquoeffectif deacutepasse 500 salarieacutes) eacutevoluant toutes dans dessecteurs tregraves diffeacuterents ndash il est drsquousage de distinguer les secteurs primaire (activiteacutesen relation avec la nature comme la pecircche lrsquoagriculturehellip) secondaire (activiteacutes detransformation comme lrsquoautomobile le bacirctimenthellip) et tertiaire (activiteacutes de service

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Avant-propos

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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comme la banque le tourismehellip) ndash la vie des entreprises est particuliegraverementcomplexe Deacutecrypter cette complexiteacute et faciliter la compreacutehension du monde desentreprises sont les objectifs du preacutesent opus

Posons drsquoembleacutee que lrsquoentreprise combine un ensemble de moyens humains tech-niques financiers et mateacuteriels afin de produire des biens et services et les commer-cialiser sur le marcheacute et qursquoelle se caracteacuterise par des finaliteacutes eacuteconomiques socialeset socieacutetales Eacuteconomique parce que lrsquoentreprise doit deacutegager les ressources finan-ciegraveres neacutecessaires agrave son deacuteveloppement et sa peacuterenniteacute Sociale parce qursquoelleemploie des individus et satisfait nombre de leurs besoins Socieacutetale car lrsquoactiviteacute delrsquoentreprise a une influence consideacuterable sur la socieacuteteacute (niveau de vie pauvreteacutechocircmagehellip) et lrsquoenvironnement eacutecologique (eacutemissions polluantes deacutechetshellip) Cecieacutetant poseacute nous proposons de consideacuterer le management et lrsquoorganisation des entre-prises autour de quatre grands domaines

Le premier concerne la strateacutegie de lrsquoentreprise et les fonctions qui la composentEn effet pour atteindre diffeacuterents objectifs (par exemple la croissance du chiffredrsquoaffaires lrsquoaugmentation des profits le versement de dividendes aux actionnaireslrsquoaccroissement de la reacutemuneacuteration des salarieacuteshellip) le manager geacuteneacuteral de lrsquoentre-prise analyse son environnement et son entreprise formule une strateacutegie et srsquoassurede la mise en œuvre Cette opeacuterationnalisation repose en partie sur lrsquoexpertise desdiffeacuterentes fonctions de lrsquoentreprise (marketing financiegravere gestion des ressourceshumaines recherche et deacuteveloppementhellip) Notons toutefois que le rocircle des mana-gers de fonctions ne se limite pas agrave un rocircle strict drsquoexeacutecution ils contribuent souventagrave lrsquoanalyse comme agrave la formulation strateacutegique

Le second domaine se reacutefegravere agrave la structure des entreprises En effet les deacutecisionset actions des acteurs situeacutes en diffeacuterents points de lrsquoentreprise doivent convergervers la reacutealisation des objectifs strateacutegiques Une mecircme entreprise peut ainsi conce-voir les produits en Europe et les fabriquer en Asie ce qui engendre un besoineacutevident de coordination Afin drsquoassurer cette conjonction une architecture geacuteneacuteraledoit exister Cette ossature (ou structure) permet donc de deacutecouper et reacutepartir letravail entre les entiteacutes de lrsquoentreprise et de coordonner leurs actions respectives

Le troisiegraveme domaine renvoie au comportement humain et au management desindividus En effet les entreprises sont avant tout des organisations humaines crsquoest-agrave-dire des systegravemes dont le fonctionnement est deacutetermineacute par les actes quotidiensdes individus qui les composent Il srsquoagit donc en premiegravere instance de comprendreles ressorts des comportements des personnes dans le contexte particulier de lrsquoentre-prise et en second lieu drsquoidentifier les moyens de les geacuterer

Enfin le quatriegraveme domaine traite du changement dans les entreprises En effetles entreprises font face agrave des eacutevolutions plus ou moins brutales radicales etfreacutequentes du milieu dans lequel elles opegraverent (arriveacutee drsquoun concurrent eacutemergencedrsquoune nouvelle technologiehellip) Le maintien de leur performance parfois mecircme leursurvie deacutepend de leur capaciteacute agrave saisir ces changements agrave les interpreacuteter convena-

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Avant-propos

blement et agrave adopter des reacuteponses approprieacutees (reacuteorientation strateacutegique reacutevolutionculturellehellip) Le thegraveme du changement organisationnel est ainsi au cœur du mana-gement des entreprises

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise la structure les comportementshumains et le management des personnes et enfin le changement organisationnelsont donc deacuteveloppeacutes dans ce qui suit Tels sont les domaines auxquels srsquointeacuteresseparticuliegraverement Management des entreprises

Nous vous en souhaitons bonne lecture

1Chapitre

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fin drsquoatteindre ses objectifs eacuteconomiques sociaux et socieacutetaux lrsquoentre-prise repreacutesenteacutee par un manager dirigeant doit eacutelaborer une strateacutegie

geacuteneacuterale Celle-ci fixe une ligne drsquohorizon un cap vers lequel elle srsquooriente et cons-titue agrave ce titre le fil conducteur des diffeacuterentes deacutecisions prises en son sein En cesens les activiteacutes drsquoachat de matiegraveres premiegraveres de fabrication des produits demarketing et de vente de lrsquooffre de recrutement de collaborateurshellip doivent ecirctre enphase avec la strateacutegie geacuteneacuterale de lrsquoentreprise Celle-ci constitue donc le cadre inteacute-grateur et de coheacuterence des missions de chaque fonction La premiegravere section lui estconsacreacutee Dans le prolongement il est important drsquoidentifier les fonctions quicomposent lrsquoentreprise leur peacuterimegravetre drsquoactions leurs objectifs prioritaires et leurstechniques et outils speacutecifiques Il est drsquousage de les regrouper en deux cateacutegoriesTandis que la seconde section srsquointeacuteresse aux fonctions principales la troisiegravemeanalyse les fonctions support

Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lrsquoentrepriseSection 2 Les fonctions principalesSection 3 Les fonctions de soutien

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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LE MANAGER DIRIGEANT ET LA STRATEacuteGIEDE LrsquoENTREPRISE

Le domaine de la strateacutegie de lrsquoentreprise relegraveve du sommet de lrsquoentreprise Dansles grandes entreprises les questions strateacutegiques sont traiteacutees par le comiteacute dedirection un organe manageacuterial composeacute du dirigeant et drsquoune eacutequipe de cadressupeacuterieurs Pour autant le manager dirigeant y joue un rocircle central car il porte laresponsabiliteacute des succegraves et des eacutechecs de la firme Dans les PME cette personnali-sation est encore plus marqueacutee le dirigeant souvent proprieacutetaire intervient le plussouvent seul dans les deacutecisions strateacutegiques Le rocircle du manager dirigeant danslrsquoentreprise a ainsi eacuteteacute preacuteciseacute par certains travaux La plus ceacutelegravebre eacutetude est celle deMintzberg (1984) Elle nous donne lrsquooccasion de comprendre de faccedilon plus finequelles sont effectivement les missions du manager Apregraves une eacutetude minutieuse delrsquoactiviteacute reacuteelle drsquoun manager il identifie dix comportements qursquoil est possible deregrouper en trois rocircles principaux les rocircles interpersonnels (les activiteacutes relation-nelles) informationnels (la gestion de lrsquoinformation) et deacutecisionnels (la productionde deacutecisions) Preacutesentons-les de faccedilon syntheacutetique

Repreacutesentant lrsquoautoriteacute formelle dans lrsquoentreprise le manager entretient des rela-tions avec de nombreuses personnes subordonneacutes clients partenaires administra-teurs responsables drsquoorganisations professionnelleshellip Agrave ce titre il doit satisfaire agravedes obligations relationnelles (accueillir des personnaliteacutes se rendre agrave des ceacutereacutemo-nies assister agrave des confeacuterenceshellip) Lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeant dans une entre-prise se traduit ainsi par une premiegravere phase de rencontre des diffeacuterentes partiesprenantes Ces multiples contacts lui permettent de glaner de nombreuses informa-tions Sa position dans et agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoorganisation et son reacuteseau relationnel luiconfegraverent une place privileacutegieacutee pour obtenir une information riche et fiable Il endeacutecoule pour le manager un rocircle drsquoagent de liaison il va transfeacuterer ces informationsaux personnes influentes (directeurs geacuteneacuteraux actionnaireshellip) et ainsi asseoir saposition dans lrsquoorganisation Pour autant cette information lui sert eacutegalement agraveremplir une fonction tout aussi importante la prise de deacutecision En ce sens il cher-che agrave adapter son entreprise aux changements majeurs de lrsquoenvironnement agraveameacuteliorer les pratiques en place et agrave multiplier les projets (nouveaux produits etouproceacutedeacutes reacuteorganisation acquisitions drsquoentreprises ouverture drsquoune filiale agrave lrsquoeacutetran-gerhellip) Le manager doit aussi faire face agrave des perturbations freacutequentes et traiter desproblegravemes impreacutevus (la perte drsquoun gros client la deacutefaillance drsquoun fournisseur desproblegravemes de qualiteacutehellip) Toutes ces deacutecisions qursquoelles soient relatives agrave des projetsdrsquoenvergure etou agrave des problegravemes immeacutediats neacutecessitent des arbitrages quant auxressources agrave engager Le manager gegravere en effet des ressources de nature diverse(argent temps et personnes) Il veille ainsi agrave ce que les deacutecisions soient coheacuterentesles unes avec les autres srsquoassure de leur coucirct de leur acceptabiliteacute par les subordon-neacutes de leur faisabiliteacute et des deacutelais de reacutealisation Il reacutesulte de ce rocircle de reacutegulateurune mission drsquoexplicitation et de neacutegociation aupregraves des deacutetenteurs de ressources

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Repegraveres Carlos Ghosn un manager drsquoexception

Lrsquoentreprise japonaise Nissan a presque connu la faillite en 1999 date de son alliance avecRenault Son endettement srsquoeacutelevait alors agrave 22 milliards de dollars ses parts de marcheacute necessaient de diminuer les pertes eacutetaient constantes et par conseacutequent sa valeur boursiegraveresrsquoeffondrait Cependant entre les mains de Carlos Ghosn lrsquoentreprise srsquoest peu agrave peurenouveleacutee et a pu tel le pheacutenix renaicirctre de ses cendres La strateacutegie de Carlos Ghosn eacutetaitbaseacutee sur quatre principes lrsquoengagement sur les reacutesultats des mesures rapides des solu-tions trouveacutees en interne et le multiculturalisme Ces mesures permirent agrave Carlos Ghosnde remettre le constructeur automobile sur de bons rails Trois ans plus tard Nissan deacutega-geait des beacuteneacutefices et sa marge opeacuterationnelle srsquoeacutelevait agrave 79 du chiffre drsquoaffaires (le chif-fre le plus eacuteleveacute de lrsquohistoire de la firme) La dette fut eacutegalement reacuteduite de plus de 80 etles ventes avaient cesseacute de baisser Enfin la valeur des actions eacutetait remonteacutee agrave un niveausatisfaisant

Lrsquoengagement sur le reacutesultatCarlos Ghosn a pousseacute agrave lrsquoextrecircme la notion drsquoengagement chez Nissan Les managers enplace devaient srsquoengager agrave atteindre certains objectifs chiffreacutes Lui-mecircme srsquoeacutetait fixeacute desobjectifs ambitieux ses engagements eacutetaient degraves la premiegravere anneacutee le retour aux beacuteneacute-fices la reacuteduction de la moitieacute de la dette et une marge opeacuterationnelle supeacuterieure agrave 45 du chiffre drsquoaffaires Pour montrer le seacuterieux de son engagement Carlos Ghosn promit quesi ses objectifs nrsquoeacutetaient pas atteints les membres du comiteacute exeacutecutif et lui-mecircme deacutemis-sionneraient Avec une telle pression les managers nrsquoavaient drsquoautre choix que de faire lemaximum pour tenir les objectifs Les objectifs du laquo Nissan Revival Plan raquo furent finale-ment atteints en deux ans au lieu de trois

Des mesures rapidesPour Carlos Ghosn changer eacutetait neacutecessaire mais la vitesse du changement eacutetait plusimportante encore Il devait obtenir des reacutesultats rapidement pour susciter lrsquoimplicationdes managers et regagner la confiance des clients Son plan a drsquoailleurs eacuteteacute mis en pratiqueavant mecircme la signature de lrsquoalliance avec Renault Lrsquourgence du changement avait permisagrave Ghosn drsquoappliquer sa conception du travail Il fit prendre conscience agrave ses eacutequipes que laplanification eacutetait la tacircche la moins importante et que lrsquoaction devait preacutevaloir Crsquoeacutetait lecontraire qui preacutedominait agrave Nissan

Des solutions trouveacutees en interneCarlos Ghosn ne croyait pas aux recettes preacutefabriqueacutees des cabinets de conseils Pour lui lasolution au problegraveme de Nissan se trouvait au sein de lrsquoentreprise Il a donc visiteacute tous lessites de Nissan dans le monde de faccedilon agrave comprendre ce qui se passait exactement Decette faccedilon il a creacuteeacute des groupes de travail internes responsables drsquoune mission preacuteciseChaque groupe disposait drsquoune relative autonomie mais drsquoaucun pouvoir de deacutecision Lesgroupes devaient rendre compte de leur reacuteflexion directement au comiteacute exeacutecutif Cela amarqueacute les esprits des salarieacutes japonais qui nrsquoavaient jamais eacuteteacute habitueacutes agrave srsquoexprimer dela sorte

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Ces diffeacuterentes activiteacutes regroupeacutees autour des rocircles interpersonnels information-nels et deacutecisionnels sont eacutetroitement lieacutees Elles srsquoenrichissent mutuellement Inseacute-parables les unes des autres elles forment une Gestalt un tout inteacutegreacute et caracteacuterisele meacutetier de manager dirigeant

Cette description renvoie fondamentalement au rocircle de strategravege Parce que la stra-teacutegie est faite de deacutecisions qui assurent la compeacutetitiviteacute durable de lrsquoentreprise (rocircledeacutecisionnel) et parce qursquoelle naicirct des interactions entre lrsquoenvironnement et lrsquoorgani-sation (rocircles informationnel et relationnel) le manager dirigeant a pour responsabi-liteacute premiegravere la formulation de la strateacutegie de lrsquoentreprise Celle-ci se deacutefinit commelrsquoensemble des deacutecisions drsquoallocation de ressources par lesquelles lrsquoentreprisedomine ses concurrents crsquoest-agrave-dire construit et maintient un avantage concurren-tiel et se deacuteveloppe sur un ou plusieurs marcheacutes via un systegraveme drsquooffre (produitsetou services) De ce fait les deacutecisions strateacutegiques se caracteacuterisent par un niveaude risque eacuteleveacute ndash elles engagent lrsquoentreprise sur une longue peacuteriode ndash une grandeincertitude ndash de multiples eacutevegravenements peuvent survenir et remettre en question leurpertinence initiale ndash et une complexiteacute extrecircme ndash les deacutecisions se prennent en situa-tion informationnelle limiteacutee (Johnson et al 2008)

Lrsquoeacutelaboration drsquoune strateacutegie drsquoentreprise suppose une phase preacutealable drsquoanalyseCelle-ci est supposeacutee eacuteclairer le dirigeant sur les caracteacuteristiques de lrsquoenvironnementdans lequel opegravere lrsquoentreprise (analyse externe) et celles de la firme agrave proprementparler (analyse interne) Pour cela lrsquoanalyse strateacutegique repose sur une batterie detechniques et drsquooutils La synthegravese de cette double analyse permet drsquoeacutevaluer la capa-citeacute de lrsquoentreprise agrave reacutepondre favorablement aux enjeux de son environnement etdrsquoorienter le dirigeant quant aux choix strateacutegiques agrave retenir

1 Lrsquoanalyse externe

Pour mener le diagnostic externe nous proposons de concentrer notre attention surdeux meacutethodes compleacutementaires drsquoanalyse de la concurrence (modegravele des cinq

Le multiculturalismeCarlos Ghosn est connu pour son multiculturalisme Drsquoorigine franco-libano-breacutesiliennepolyglotte il a travailleacute sur quatre continents Mais avant de reprendre la direction deNissan il ne connaissait rien du Japon Ce qui importe pour ce manager nrsquoest pas deconnaicirctre les autres cultures mais de savoir les respecter Crsquoest de cette faccedilon qursquoil aconduit la transformation chez Nissan En consideacuterant les speacutecificiteacutes culturelles de lrsquoentre-prise et du pays dont elle est originaire Malgreacute cela Carlos Ghosn srsquoest eacuteloigneacute de certai-nes traditions japonaises Il a notamment proceacutedeacute au deacutemantegravelement du keiretsu dontNissan faisait partie (un conglomeacuterat drsquoentreprises) supprimeacute les postes de preacutesidentsreacutegionaux introduit une nouvelle forme de reacutemuneacuteration variable baseacutee sur la perfor-mancehellip Aujourdrsquohui la populariteacute de Carlos Ghosn au Japon est telle qursquoil est devenu leheacuteros drsquoun manga

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

forces et des groupes strateacutegiques) et de conclure en traitant du concept de facteurscleacutes de succegraves

Le modegravele des cinq forces permet drsquoanalyser lrsquointensiteacute de la concurrence quisrsquoexerce dans une industrie et en conseacutequence drsquoeacutevaluer sa profitabiliteacute SelonPorter (1982) lrsquoanalyse concurrentielle ne se limite pas exclusivement au champ descompeacutetiteurs intervenant dans lrsquoindustrie Il convient alors drsquoeacutelargir le champconcurrentiel agrave lrsquoensemble des acteurs eacuteconomiques en transaction Un secteur quelqursquoil soit est donc inseacutereacute entre un ensemble de fournisseurs et de clients Ces deuxcateacutegories drsquoacteurs exercent sur les entreprises du secteur des pressions variables(en termes de prix de deacutelai de paiementhellip) De mecircme la concurrence agrave laquelle selivrent entre elles les entreprises constitue une troisiegraveme menace (crsquoest la rivaliteacuteintrasectorielle) Ensuite les acteurs situeacutes hors de lrsquoindustrie peuvent envisager dese diversifier et font peser une menace suppleacutementaire Enfin les produits ou techno-logies de substitution constituent une ultime menace concurrentielle Finalementlrsquointensiteacute concurrentielle drsquoun secteur est repreacutesenteacutee par cinq forces (figure 11)

Figure 11 mdash Le modegravele des 5 forces

Une industrie sera drsquoautant plus concurrentielle (donc peu profitable et risqueacuteepour les acteurs en place) que les menaces sont intenses Cette intensiteacute deacutepend elle-mecircme de critegraveres propres agrave chaque force

Ainsi pour eacutevaluer le danger que les fournisseurs et les clients repreacutesentent sur lesecteur il faut examiner le pouvoir relatif qursquoils deacutetiennent Celui-ci se manifeste

Entrants Potentiels

Entrants Substituts

Concurrents dusecteur

ClientsFournisseurs

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par une pression sur les prix une reacuteduction de la qualiteacutehellip Le pouvoir des fournis-seurs et des clients deacutepend notamment des conditions suivantes Tout drsquoabord laconcentration relative drsquoun secteur fait reacutefeacuterence agrave la reacutepartition des parts de marcheacutesur un nombre plus ou moins grand drsquoentreprises Certains secteurs sont tregraves concen-treacutes deux ou trois entreprises controcirclant 60 agrave 70 du marcheacute drsquoautres sont beau-coup plus atomiseacutes Une concentration supeacuterieure confegravere au secteur qui enbeacuteneacuteficie un pouvoir de neacutegociation plus important Ensuite la qualiteacute lieacutee signifieque la valeur du produit fabriqueacute (ou du service rendu) par un secteur est fortementdeacutetermineacutee par la qualiteacute de ce qui est acheteacute au fournisseur Si tel est le cas lesecteur fournisseur possegravede vis-agrave-vis du secteur client un pouvoir de neacutegociationimportant De mecircme la diffeacuterenciation des produits rend la substitution drsquoun produitagrave lrsquoautre tregraves difficile et confegravere un pouvoir au secteur fournisseur sur le secteurclient En revanche lorsque les produits sont banaliseacutes le pouvoir de marcheacute desfournisseurs est beaucoup plus faible Le coucirct de transfert constitue un quatriegravemecritegravere Il se mesure par les deacutepenses engendreacutees par un changement de fournisseurPlus le coucirct de transfert est eacuteleveacute plus le secteur client est lieacute agrave celui des fournis-seurs le pouvoir de ce dernier croicirct en conseacutequence Enfin la concentration deseacutechanges confegravere un pouvoir de neacutegociation important au secteur qui repreacutesentepour le secteur partenaire une part importante de ses deacuteboucheacutes Le risque drsquounetrop grande concentration des ventes sur un seul type de clientegravele est ainsi bienconnu

Lrsquoeacutevaluation des menaces externes est repreacutesenteacutee par lrsquoentreacutee dans un secteurdrsquoun nouveau concurrent (menace drsquoentrants potentiels) et lrsquoirruption de produits oude services de substitution Leurs effets sont soit de diminuer la demande disponiblesoit de reacuteduire la part absolue du marcheacute du produit ou service traditionnel Analy-sons tout drsquoabord la menace de nouveaux entrants

Cette derniegravere provient drsquoentreprises qui pourraient par creacuteation ou par rachat sepreacutesenter dans le secteur avec une offre compeacutetitive Une entreprise est ainsi suscep-tible de devenir un nouvel entrant si elle srsquoy trouve un inteacuterecirct Celui-ci varie notam-ment en fonction des conditions suivantes Lorsque lrsquoactiviteacute envisageacutee srsquoinsegraverefacilement dans les activiteacutes actuelles de lrsquoentreprise qui possegravede deacutejagrave les compeacuteten-ces requises la menace de nouveaux entrants srsquoaccentue De mecircme lorsque lesecteur cibleacute repreacutesente un potentiel de croissance et de rentabiliteacute inteacuteressant il estattractif pour les entrants potentiels Eacutegalement lorsque lrsquoentreacutee dans le secteurconvoiteacute ne repreacutesente pas un coucirct dissuasif la menace srsquointensifie En effet unnouveau concurrent ne peut srsquoimplanter dans un secteur qursquoagrave deux conditions quelrsquoaccegraves au secteur soit possible sur le plan financier technique juridique (en fonc-tion des barriegraveres agrave lrsquoentreacutee) et que les concurrents en place le laissent srsquoimplanter(en fonction de la capaciteacute de riposte) Eacutetudions plus en deacutetail ces deux dimensions

Les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee constituent des verrous qui limitent les possibiliteacutesdrsquoaccegraves au secteur et freinent lrsquointrusion de nouveaux concurrents Ces barriegraveresdeacutependent

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ndash des eacuteconomies drsquoeacutechelle Elles impliquent une taille minimale pour atteindre descoucircts compeacutetitifs et concernent toutes les fonctions de lrsquoentreprise production(capaciteacute minimale de lrsquooutil) marketing (taille minimale du budget de publiciteacute)recherche et deacuteveloppement (budget minimum)hellip

ndash de certains avantages de coucircts dont beacuteneacuteficient les acteurs en place Ils consti-tuent un obstacle deacuteterminant Lrsquoaccegraves agrave la technologie par exemple peut ecirctreproteacutegeacute par un brevet les matiegraveres premiegraveres peuvent ecirctre controcircleacutees par quel-ques producteurs ou lrsquoexpeacuterience accumuleacutee par les firmes dominantes est sou-vent difficile agrave rattraperhellip

ndash de lrsquoaccegraves aux circuits de distribution Il constitue parfois un frein majeur Lesdistributeurs entretiennent en effet avec les fabricants en place des relations plusou moins strictes organiseacutees autour de normes de qualiteacute de niveau de prix dedeacutelais de livraison et de service Or les surfaces de vente sont limiteacutees et y acceacute-der est souvent difficile

ndash de la diffeacuterenciation des produits Elle renforce les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee Ellereacutesulte des efforts meneacutes par les fabricants pour affirmer leur image de marque etrendre fiable leur service et se traduit par la fideacuteliteacute de la clientegravele et lrsquoimportancedes coucircts de transfert rendant ainsi difficile la peacuteneacutetration dans le secteur

ndash de la politique gouvernementale Elle reacuteglemente freacutequemment lrsquoentreacutee danscertains secteurs comme les services publics ou les industries strateacutegiques etfreine la sortie dans drsquoautres cas pour proteacuteger lrsquoemploi par exemple

Si les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee peuvent srsquoaveacuterer dissuasives pour les entrants potentielsla capaciteacute de riposte des acteurs en place joue un rocircle non neacutegligeable Elle estdrsquoautant plus importante que de faibles barriegraveres agrave lrsquoentreacutee laissent preacutesager unerelative permeacuteabiliteacute de la frontiegravere La capaciteacute drsquoune profession agrave deacutecourager rapi-dement le nouvel arrivant srsquoanalyse notamment agrave partir des facteurs suivants

ndash lrsquoexistence drsquoune tradition de relations professionnelles cordiales et freacutequentesCrsquoest le fait drsquoactiviteacutes anciennes bien structureacutees qui ont su mettre en place desmeacutecanismes de deacutefense efficaces et ougrave le nombre de concurrents en place estfaible Cela se traduit par des ententes implicites entre les acteurs rendant aleacutea-toire lrsquoexistence de deacuteboucheacutes pour lrsquooffre du nouvel entrant

ndash les ressources mobilisables par les entreprises Elles leur donnent une force defrappe instantaneacutee redoutable leur permettant drsquoannuler rapidement lrsquoavantageeacuteventuel sur lequel le nouvel entrant espeacuterait srsquoappuyer

ndash la structure des coucircts et les marges existantes Elles renforcent la capaciteacute des fir-mes en place agrave riposter ne serait-ce que par une baisse brutale des prix

ndash les obstacles agrave la sortie De natures eacuteconomiques (speacutecialisation des actifs ouimportance des coucircts fixes de sortie) strateacutegiques (inter-relations compleacutementa-riteacute avec drsquoautres domaines drsquoactiviteacute) et politiques et sociaux (interventionsgouvernementales ou syndicales pour empecirccher une entreprise drsquoabandonner unsecteur) ils deacuteterminent la capaciteacute de riposte Ainsi srsquoil est facile de sortir du

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secteur certaines firmes peuvent preacutefeacuterer cette eacutechappatoire plutocirct que drsquoengagerle combat avec le nouvel entrant

Analysons maintenant la menace de produits etou de services de substitution

La substitution consiste agrave remplacer un produit ou un service existant par un autreou plusieurs autres Les produits de substitution peuvent peser sur les prix du secteuret reacuteduire consideacuterablement la rentabiliteacute des entreprises en place En confisquantune partie plus ou moins importante de la demande ils peuvent acceacuteleacuterer le deacuteclindu secteur et conduire agrave une situation de surcapaciteacute Cette menace est drsquoautant plusforte que le produit etou le service remplit la mecircme fonction drsquousage agrave un coucirct pluscompeacutetitif voire une fonction plus large procurant ainsi agrave lrsquoutilisateur une utiliteacuteplus grande Les menaces de substitution sont agrave rechercher dans les nouvelles tech-nologies qui deacutejagrave mucircres dans des activiteacutes connexes voire eacuteloigneacutees peuventsrsquoappliquer dans lrsquoactiviteacute eacutetudieacutee et faire beacuteneacuteficier le consommateur drsquoun meilleurrapport qualiteacute-prix

Enfin le jeu concurrentiel intrasectoriel constitue la cinquiegraveme menace Il sereacutefegravere agrave la forme traditionnelle de concurrence repreacutesenteacutee par les compeacutetiteurs quisrsquoaffrontent sur le marcheacute Une forte concurrence directe se traduit par exemple parune baisse des prix une augmentation des coucircts publicitaires finalement par uneeacuterosion des margeshellip La rivaliteacute entre concurrents deacutepend notamment de la crois-sance de lrsquoactiviteacute Un marcheacute en forte croissance permet en effet agrave de tregraves nombreu-ses entreprises drsquoen tirer parti en termes de marges commerciales et de retour surinvestissement Agrave lrsquoopposeacute une faible croissance creacutee de fortes tensions en particu-lier en termes de prix De mecircme la diversiteacute des concurrents par leur origine tech-nologique ou sectorielle par leur taille ou leur implantation geacuteographique conduit agraveun morcellement du marcheacute et creacutee de seacuterieuses difficulteacutes agrave percevoir le ou lesconcurrents les plus dangereux En outre lrsquoabsence de source de diffeacuterenciationconduit chaque concurrent agrave devoir maicirctriser strictement les diffeacuterentes composantesde ses coucircts En effet face agrave lrsquoimpossibiliteacute de se diffeacuterencier les concurrents nrsquoontdrsquoautres choix que de lutter sur les prix Eacutegalement lrsquoimportance des coucircts fixespegravese sur la rentabiliteacute des entreprises car elle incite les firmes en place agrave augmenterleur capaciteacute de production quitte agrave faire des efforts sur les prix donc les margesEnfin lrsquoexistence drsquoobstacles agrave la sortie eacuteleveacutes rend difficile la diversification versdes marcheacutes moins concurrentiels et explique lrsquoentecirctement de certaines firmes agravedemeurer dans des secteurs ougrave la rentabiliteacute eacuteconomique est neacutegative et ougrave lesespoirs drsquoameacutelioration sont nuls Ainsi une forte speacutecialisation des actifs des coucirctsfixes de sortie des restrictions sociales ou des pressions gouvernementales condui-sent chaque concurrent agrave comparer le coucirct drsquoopportuniteacute drsquoune sortie agrave celui drsquouneriposte concurrentielle (reacuteduction des marges guerre des prix rachat de concur-rentshellip)

En conclusion lrsquoanalyse des cinq forces de la concurrence renseigne sur lrsquooriginede la concurrence comme sur le niveau de profitabiliteacute drsquoun secteur Elle reacutevegraveleeacutegalement les enjeux strateacutegiques pour chacune des entreprises preacutesentes comme les

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risques et opportuniteacutes de se maintenir dans un secteur etou de se deacutevelopper dansun autre

Repegraveres Lrsquoindustrie bancaire face agrave la concen-tration des sous-traitants

Aujourdrsquohui 80 des 45 milliards de chegraveques eacutemis chaque anneacutee en France sont sous-traiteacutes aupregraves de quatre entreprises par les eacutetablissements bancaires Atos Origin Expe-rian Safig et Tessi Cette strateacutegie drsquoexternalisation a eacuteteacute adopteacutee notamment par les plusanciennes et plus importantes banques du secteur BNP Paribas Socieacuteteacute Geacuteneacuterale etCreacutedit Lyonnais Les quatre sous-traitants assurent pour leur compte laquo la reacuteception despaquets de chegraveques leur transformation en fichiers et jusqursquoagrave lrsquoarchivage voire le traite-ment des impayeacutes raquo explique Daniel Mareacutechal responsable commercial grands compteschez Safig Le Britannique Experian a repris en mars 1998 la filiale speacutecialiseacutee du groupeSocieacuteteacute Geacuteneacuterale SG2 et gegravere environ 25 des chegraveques eacutemis en France Atos neacute en 1996du rapprochement drsquoAxim et de la filiale speacutecialiseacutee du Creacutedit Lyonnais Sligos repreacutesenteautour de 22 du marcheacute Tessi estime sa part agrave laquo 20 des chegraveques sous-traiteacutes et 15 du chiffre drsquoaffaires de lrsquoactiviteacute raquo selon Freacutedeacuteric Vacher directeur geacuteneacuteral de Tessi ChegravequeSafig deacutetient autour de 15 du marcheacute

Un secteur sinistreacute aux faibles perspectives drsquoavenirLrsquoactiviteacute connaicirct actuellement des difficulteacutes seacuterieuses Lrsquoorigine des maux de ces sous-traitants est le deacuteveloppement des cartes bancaires En effet le marcheacute du chegraveque connaicirctune reacutegression estimeacutee agrave 5 par an Surtout les marges reacutealiseacutees par les socieacuteteacutes speacuteciali-seacutees ont diminueacute Lrsquoactiviteacute est donc faiblement rentable pour les quatre principauxacteurs du marcheacute La raison en est la pression des banques qui tentent de rogner aumaximum sur un coucirct qursquoelles ne parviennent agrave refacturer ni agrave leurs clients ni ndash pour lemoment ndash aupregraves des distributeurs laquo Un chegraveque coucircte au total entre 11 centimes et15 centimes drsquoeuros La sous-traitance agrave elle seule repreacutesente 6 centimes drsquoeuros raquo indi-que un professionnel Ensuite la mise en place drsquoun nouveau systegraveme drsquoeacutechange imagechegraveque (EIC) a entraicircneacute de nombreuses difficulteacutes de traitement et des surcoucircts chez lesbanques comme chez leurs sous-traitants Agrave terme crsquoest une grande part des services deces derniers qui va disparaicirctre le nouveau systegraveme permettant de supprimer une partie deleur travail Lrsquoavenir est donc sombre pour les sous-traitants speacutecialiseacutes qui voient la tailledu marcheacute et leurs marges se reacuteduire inexorablement La recherche drsquoeacuteconomies drsquoeacutechelleseul moyen de retrouver de la marge dans ce secteur implique des mouvements de recom-position Ainsi lrsquoactiviteacute de sous-traitance de chegraveques drsquoAtos Origin va ecirctre reprise par lrsquounde ses concurrents Experian Ce rapprochement donnerait au premier acteur pregraves de50 de part de marcheacute alors que quatre entreprises sous-traitent 80 des chegraveques eacutemisen France

Un risque de remonteacutee des coucirctsLrsquoeacuteventualiteacute drsquoun tel rapprochement inquiegravete les banques Certaines le sont drsquoautant plusqursquoelles deacutependent de ces deux prestataires Crsquoest le cas de la Socieacuteteacute Geacuteneacuterale qui avaitjustement choisi Atos Origin et Experian comme seuls prestataires ou encore BNP Paribasmecircme si elle travaille eacutegalement avec Safig Diversifier ses prestataires eacutetait lrsquoassurance

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drsquoune mise en concurrence mais eacutegalement lrsquooccasion de ne pas deacutependre drsquoun des acteursdu marcheacute en situation oligopolistique Le risque est deacutesormais grand de voir les coucirctsremonter agrave plus ou moins bregraveve eacutecheacuteance Dans ce contexte les banques ont tout inteacuterecirct agravevoir augmenter le nombre drsquointervenants sur ce meacutetier Comment susciter lrsquoarriveacutee drsquounnouvel acteur alors que lrsquoactiviteacute est potentiellement peu rentable Cette interrogationdevient une probleacutematique drsquoenvergure pour les banquesLe constructeur et inteacutegrateur Unisys se dit inteacuteresseacute Pourtant cette activiteacute ne fait passpeacutecialement partie de son meacutetier Toutefois selon les dirigeants de lrsquoentreprise la gestiondu chegraveque qui devient de plus en plus technique peut lrsquointeacuteresser Pierre Peyruseigt direc-teur Europe du Sud et moyens de paiements drsquoUnisys eacutemet la condition suivante laquo Agravecondition que ce soit rentable raquo Crsquoest justement ce point qui pose problegraveme le secteurdevrait voir sa rentabiliteacute deacutecroicirctre agrave moyen terme nul ne peut srsquoengager sur la rentabiliteacutede lrsquoactiviteacute Pourquoi donc Unisys srsquoengagerait-il dans cette activiteacute

Unisys agrave la conquecircte du marcheacute franccedilais de lrsquoinfogeacuteranceUnisys a pour vocation de reacutepondre agrave des besoins de traitement de grands volumes dedonneacutees une de ses speacutecialiteacutes historiques Ainsi lrsquoentreprise a mis en place diffeacuterentsproduits systegraveme de reacuteservation aeacuterien collecte des impocircts suivi des dossiers drsquoassu-rancehellip Ses reacutealisations se basent sur des technologies NET de Microsoft ou WebSphere etMercury drsquoIBM avec une forte promesse de reacuteduction des coucircts pour les clients La missionde lrsquoentreprise est drsquoallier conseil et mise en place en liant les laquo proceacutedures aux logiciels etaux mateacuteriels qui les exeacutecutent raquo Mais elle rencontre des difficulteacutes pour srsquoimposer danslrsquoHexagone notamment dans le domaine de lrsquoinfogeacuterance devenu pourtant le relais decroissance pour les SSII en peacuteriode de conjoncture deacutefavorable laquo Nous devons opeacuterer unetransformation en France et accroicirctre notre preacutesence sur le secteur de lrsquoingeacutenierie raquo recon-naicirct Bernard Nivollet nouveau preacutesident France Il poursuit laquo Unisys France doit conti-nuer sa mutation et accroicirctre sa preacutesence sur le secteur des services notamment dans leconseil technologique et lrsquoingeacutenierie Notre strateacutegie consiste agrave rester un grand acteurmultispeacutecialiste sur nos marcheacutes cibles Certes nous nrsquoavons pas encore la notorieacuteteacuteescompteacutee raquoLa banque correspondrait donc agrave une strateacutegie de conquecircte du marcheacute franccedilais Unisysespeacuterant vendre un ensemble de solutions agrave ses clients tels que des systegravemes de deacutetectiondu blanchiment de lrsquoargent sale Seules les technologies informatiques principalementcelles venues de lrsquointelligence artificielle (IA) sont capables drsquoanalyser de tregraves grands volu-mes de donneacutees et drsquoy deacutetecter des scheacutemas atypiques laquo Toute opeacuteration isoleacutee est a priorinormale raquo remarque Pascal Bernegravede directeur de mission ETS Moyens de paiement chezUnisys laquo Crsquoest dans la reacutepeacutetition ou les liens entre les opeacuterations que le systegraveme doit deacutetec-ter lrsquoanormaliteacute drsquoun comportement raquo Et les logiciels font cela tregraves bien laquo La plupart desbanques franccedilaises sont eacutequipeacutees de solutions informatiques pour la deacutetection agrave la voleacuteede mouvements suspects crsquoest-agrave-dire vers des comptes deacutetenus par des personnes ditesexposeacutees ou dont le montant deacutepasse les plafonds fixeacutes raquo preacutecise Bertrand Le Bras respon-sable de la Practice Banking Operations de la branche Business Consulting Services (BCS)drsquoIBM laquo En revanche les logiciels drsquoanalyse comportementale en sont agrave leurs premiers pasIls permettent de deacutetecter un enchaicircnement drsquoeacuteveacutenements a priori anodins et drsquoy deacutecelerune opeacuteration frauduleuse raquo

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Le modegravele des cinq forces constitue une eacutetape primordiale du diagnostic externeUne analyse des groupes strateacutegiques permet ensuite drsquoaffiner la compreacutehension desforces concurrentielles

Le 21 janvier 2003 Unisys annonce son arriveacutee sur le marcheacute du traitement des chegravequesDe quatre acteurs majeurs le marcheacute du traitement des chegraveques est passeacute agrave troishellip puis estrepasseacute agrave quatre avec lrsquoarriveacutee drsquoUnisys dont lrsquoentreacutee est preacutevue agrave la fin du premier semes-tre 2003 laquo Nous commencerons agrave produire vers juin avec trois sites de traitement et cinqsites de capture numeacuterisation des chegraveques ainsi que via des partenariats avec des reacuteseauxbancaires disposant de leurs propres actifs raquo annonce Bruno Painvin directeur desmoyens de paiement pour lrsquoEurope du Sud chez Unisys laquo Nous ambitionnons une part demarcheacute de 20 agrave 25 drsquoici agrave 2004 et une marge nette agrave deux chiffres raquo laquo Le marcheacute dutraitement de chegraveques est dans une logique baissiegravere La consolidation est ineacutevitable poursrsquoy maintenir raquo dit Eacuteric Benolaut directeur des opeacuterations drsquoExperian laquo La croissanceexterne est un eacuteleacutement important pour maintenir sa compeacutetitiviteacute dans un contexte debaisse du volume des chegraveques raquo Gracircce agrave ce rachat la socieacuteteacute Experian deacutetient quant agraveelle de 30 agrave 35 du marcheacute franccedilais externaliseacute et elle reacutecupegravere notamment la gestiondes chegraveques du Creacutedit Lyonnais de la Banque de France de la Socieacuteteacute Geacuteneacuterale et du CCF(HSBC)En revanche lrsquoexternalisation du traitement de documents est en pleine explosion Neserait-ce que gracircce agrave la diversification des supports traiteacutes industriellement laquo Ce segmentde marcheacute est drsquoautant plus inteacuteressant qursquoil fait appel aux mecircmes technologies que cellesutiliseacutees dans le traitement de chegraveques raquo compare Eacuteric Benaulaut Autre diffeacuterence agravelrsquoinverse de celui du chegraveque ce secteur est constitueacute drsquoacteurs internationaux Lrsquoacquisitionde lrsquoactiviteacute drsquoAtos Origin marque ainsi la volonteacute de la SSII britannique de se positionnerface agrave des majors comme IBM Global Services ou Xerox Ainsi donc lrsquoannonce de lrsquoarriveacuteedrsquoUnisys sur ce marcheacute modifie la donne sur le degreacute de concentration du secteur Aveclrsquoacquisition drsquoAtos Origin Experian estime la part de marcheacute de sa future structure agrave 33 du marcheacute externaliseacute (75 des 45 milliards de chegraveques traiteacutes en France) tandis queSafig lrsquoautre acteur important du marcheacute avec Tessi la chiffre agrave plus de 50

Eacutepilogue le secteur srsquoest recomposeacuteLrsquoarriveacutee drsquoUnisys sur ce marcheacute a permis de deacutetendre lrsquooffre Fournisseur de solutions hard-ware et software sur le secteur doteacute drsquoune expeacuterience de production au Royaume-UniUnisys estime avoir laquo vocation raquo agrave faire de mecircme en France Dans le contexte drsquoune mise enplace difficile deacutebut 2002 du systegraveme drsquoeacutechange image chegraveque (EIC) laquo nous avons lesmateacuteriels les applicatifs et les hommes sans lrsquoheacuteritage social et technique des interve-nants anciens raquo note Bruno Painvin qui nrsquoexclut pas une opeacuteration de croissance externeet attend ses premiers contrats laquo courant feacutevrier et mars raquo Cocircteacute clients certaines banquesont anticipeacute la restructuration du secteur La Socieacuteteacute Geacuteneacuterale cliente drsquoExperian et drsquoAtosOrigin a lanceacute un appel drsquooffres en septembre pour ne pas travailler avec un seul presta-taire Un appel auquel Unisys a reacutepondu

Extrait de GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Lrsquoanalyse concurrentielle lrsquoeacutevolution de la relationfournisseurs-clients dans le secteur bancaire raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts et

cas en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005

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Lrsquoanalyse des groupes strateacutegiques suggegravere drsquoadopter un niveau drsquoanalyse plus finen vue de cerner la diversiteacute des concurrents en place et des strateacutegies adopteacuteesPorter (1982) fait en effet le constat que certaines entreprises parviennent agrave avoir unerentabiliteacute qui surpasse durablement celle de leurs concurrents Les pressions de laconcurrence ne srsquoexerceraient donc pas de la mecircme maniegravere sur les entreprises enpreacutesence Crsquoest pour mieux comprendre cette situation qursquoil preacuteconise de reacutealiserlrsquoanalyse des groupes strateacutegiques

Un groupe strateacutegique reacuteunit des entreprises qui dans un mecircme secteur adoptentdes strateacutegies identiques ou voisines Ces strateacutegies se caracteacuterisent notamment pardes choix en termes de speacutecialisation (eacutetendue de la gamme de produits de segmentsde clientegravele viseacutes de zones geacuteographiques servies) drsquointeacutegration verticale (degreacute dedeacutetention en propre des activiteacutes situeacutees en amont ou aval) de qualiteacute du produit(entreacutee bas ou haut de gamme) de leadership technologique (pionnier ou suiveur)de politique de prix (bas prix ou prix eacuteleveacute) de services (limiteacutes ou eacutetendus)hellip

La diversiteacute des choix opeacutereacutes par les firmes permet de dresser une carte des grou-pes strateacutegiques Celle-ci fait apparaicirctre des regroupements drsquoentreprises aux confi-gurations strateacutegiques diffeacuterentes caracteacuterisant une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute intergroupe maisagrave forte coheacuterence interne reacuteveacutelant une homogeacuteneacuteiteacute intragroupe Un groupe strateacutegi-que traduit donc un positionnement dans un espace concurrentiel La carte des grou-pes strateacutegiques peut finalement ecirctre repreacutesenteacutee comme suit (figure 12)

Figure 12 mdash Une carte des groupes strateacutegiques hypotheacutetique (Porter 1982)

Ce secteur fictif laisse apparaicirctre quatre groupes Chaque groupe traduit des choixstrateacutegiques speacutecifiques en matiegravere de speacutecialisation de lrsquooffre et drsquointeacutegration verti-

Inteacutegration verticale pousseacutee

Groupe AFaibles coucircts de production

Peu de serviceQualiteacute moyenne

INTEacuteGRATION VERTICALE

SPEacuteC

IALI

SATI

ON

Assemblage

GammeComplegravete

GammeEacutetroite

Groupe DAutomatisation

pousseacutee`Prix bas

Peu de service

Groupe CPrix moyens

Services multiplesQualiteacute meacutediocre

Groupe BPrix eacuteleveacutes

Technologie complexeQualiteacute supeacuterieure

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cale Agrave titre drsquoexemple le groupe A reacuteunit des entreprises dont la strateacutegie se carac-teacuterise drsquoune part par une speacutecialisation faible (gamme complegravete) et une inteacutegrationverticale pousseacutee et drsquoautre part par lrsquoexistence de faibles coucircts de productionlrsquoabsence de services associeacutes au(x) produit(s) et une qualiteacute des produits moyenneCe groupe se caracteacuterise donc par une configuration strateacutegique coheacuterente et par unniveau de profitabiliteacute globale etou une part de marcheacute supeacuterieure agrave celui des troisautres groupes (la surface du cercle est la plus grande)

In fine les groupes strateacutegiques se caracteacuterisent par un niveau de profit potentielqui varie en fonction des effets qursquoont les cinq forces sur chacun drsquoentre eux (lespressions de la concurrence ne srsquoexercent pas de la mecircme maniegravere sur les groupes enpreacutesence) comme en fonction des speacutecificiteacutes des strateacutegies de lutte concurrentielleadopteacutees par les entreprises au sein drsquoun mecircme secteur Il est inteacuteressant drsquoajouterque le niveau de profit de chaque groupe peut dans certaines industries rester stablesur le long terme Pour Porter (1986) cette permanence srsquoexplique par lrsquoexistencedrsquoobstacles agrave la mobiliteacute De la mecircme maniegravere qursquoil existe un ensemble de facteursqui peuvent dissuader les entrants potentiels agrave peacuteneacutetrer un secteur il existe un grandnombre de facteurs qui empecircchent une firme de passer drsquoune position strateacutegique agraveune autre crsquoest-agrave-dire drsquoun groupe agrave un autre Ainsi les entreprises qui eacutevoluentdans un groupe dont les obstacles agrave la mobiliteacute sont eacuteleveacutes beacuteneacuteficient de perspecti-ves de profit supeacuterieures sur le long terme Cependant la structure des groupes stra-teacutegiques nrsquoest jamais totalement figeacutee et peut connaicirctre des changements deconfiguration

Repegraveres Les groupes strateacutegiques dans le secteur des jouets

Le marcheacute mondial du jouet est domineacute par des acteurs tregraves puissants comme Mattel(56 milliards de dollars de chiffre drsquoaffaires ndash CA) en 2006 Hasbro (32 milliards de dollarsde CA) Bandai Namco (23 milliards de dollars sur le secteur des jouets) Lego (15 milliarddrsquoeuros de CA)hellip Compte tenu du poids de la main-drsquoœuvre dans le coucirct de production drsquounjouet (60 agrave 70 ) ces entreprises produisent pour lrsquoessentiel en Asie notamment enChine Mecircme le Danois Lego srsquoest reacutesigneacute suite agrave des deacuteboires financiers importants agrave deacutelo-caliser sa production dans des pays agrave bas coucirct (low cost) (au Mexique et en Pologne) Enoutre la forte concurrence au sein du secteur et lrsquoimportance du pouvoir de neacutegociationdes distributeurs se traduisent par des investissements publicitaires colossaux et la neacuteces-siteacute drsquoobtenir des licences aupregraves des grands studios de cineacutema Ainsi on considegravere qursquouneentreprise doit consacrer agrave ces deacutepenses au moins 10 de son CA Agrave titre drsquoexemple lesdeacutepenses drsquoHasbro srsquoeacutelegravevent agrave 15 de son CA ce qui repreacutesente le chiffre drsquoaffaires cumuleacutedes trois premiegraveres entreprises franccedilaises du secteur Dans le secteur on trouve eacutegalementdrsquoanciens sous-traitants qui ont fait le choix de produire agrave leur propre compte Ces entrepri-ses parmi lesquelles on trouve V Tech Manley Playmateshellip sont devenues tregraves puissantesndash elles font deacutesormais partie des dix premiegraveres du secteur

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Si leur puissance publicitaire nrsquoest pas au mecircme niveau que Mattel Hasbro et BandaiNamco elles beacuteneacuteficient de coucircts de production tregraves bas compte tenu de la localisation deleurs sites de fabrication En Europe la situation des entreprises du jouet est deacutelicate Legodont les usines eacutetaient baseacutees en Europe et aux Etats-Unis a connu un deacuteclin de ses venteset des pertes constantes entre 2002 et 2004 En France Smoby Berchet (racheteacute parSmoby) et Clairbois des fabricants originaires du Jura tentent de tirer leur eacutepingle du jeuBien que supportant des coucircts de production largement supeacuterieurs agrave ceux de leurs concur-rents (le coucirct de la main-drsquoœuvre est 40 fois plus eacuteleveacute en France qursquoen Chine) elles misentsur lrsquoinnovation en renouvelant chaque anneacutee entre 25 et 35 de leur gamme (ce qui peutconduire au lancement de 350 nouveauteacutes par an) en produisant des jouets volumineuxen plastique (des cateacutegories de produits peu rentables pour les concurrents compte tenudes coucircts de transport) et en ameacuteliorant leur reacuteactiviteacute au marcheacute (la livraison en 15 joursdrsquoun produit complexe non disponible en stock) Les strateacutegies des laquo Jurassiens raquo ne leurpermettent pourtant pas drsquoafficher des performances exceptionnelles Berchet a connuentre 2000 et 2005 cinq anneacutees conseacutecutives de reacutesultats neacutegatifs pour finalement ecirctreracheteacutee par Smoby en 2005 De son cocircteacute Smoby a chercheacute agrave se diversifier dans le secteurdu conditionnement plastique (bidons et reacuteservoirs vendus sous la marque Mob) et a fina-lement annonceacute une perte de pregraves de 26 millions drsquoeuros en 2006 et surtout une dette de310 millions drsquoeuros pour 58 millions drsquoeuros de capitaux propresLes diffeacuterentes strateacutegies de lutte concurrentielle dans le secteur du jouet permettent fina-lement de rendre compte de trois positionnements principaux Ceux-ci sont repreacutesenteacutesdans la carte des groupes strateacutegiques suivante

Figure 13 ndash Les groupes strateacutegiques dans le secteur des jouets

Agrave partir de laquo Jurassic Toys raquo in JOHNSON G SCHOLES K WHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

Pays Low Cost

Groupe AMattel Hasbro Bandai Namo

Localisation de la production

Inve

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Pays High Cost

Eacuteleveacutes

Limiteacutes

Groupe BV Tech Playmates

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Groupe CSmoby Clairbois

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Finalement lrsquoenvironnement concurrentiel drsquoune firme se traduit par une concur-rence plus ou moins acharneacutee et lrsquoexistence de positionnements strateacutegiques varia-bles Les outils eacutetudieacutes permettent une analyse fine du milieu dans lequel opegravere lafirme Il est eacutegalement possible de proposer en compleacutement des deux analysespreacuteceacutedentes une synthegravese des caracteacuteristiques drsquoune industrie En effet les strateacutegiesadopteacutees par les concurrents drsquoun secteur aboutissent tregraves souvent agrave la formation deregravegles sectorielles traduisant le fonctionnement drsquoune industrie Ces regraveglesnommeacutees facteurs cleacutes de succegraves (FCS) ou facteurs strateacutegiques de lrsquoindustrie (FSS)doivent ecirctre consideacutereacutees comme des eacuteleacutements incontournables dans une industrieeacuteleacutements que les firmes doivent maicirctriser au risque de voir leur performance deacutecli-ner Lrsquoidentification des FCS (ou FSS) constitue donc lrsquoaboutissement de lrsquoanalyseexterne

Repegraveres Les facteurs cleacutes de succegraves de lrsquoindustrie pharmaceutique

Lrsquoindustrie pharmaceutique se caracteacuterise par certaines regravegles auxquelles les acteurs dusecteur doivent se conformer Ces regravegles sont qualifieacutees par les strategraveges de facteurs cleacutesde succegraves Dans le secteur pharmaceutique la taille constitue un impeacuteratif strateacutegiquepour les acteurs en preacutesence Une eacutetude publieacutee en 2006 par lrsquoagence de notation Stan-dard and Poors montre qursquoil existe une correacutelation forte entre la part de marcheacute caracteacute-riseacute par le chiffre drsquoaffaires et le niveau de marge brute drsquoexploitation Ainsi Pfizer lenumeacutero un mondial du secteur affichait en 2005 une part de marcheacute de 10 et unemarge de plus de 40 alors que les huit entreprises suivantes avaient une part demarcheacute oscillant entre 3 et 7 pour des marges comprises entre 30 et 35 Ce pheacutenomegravene srsquoexplique en premier lieu par le rocircle de lrsquoinnovation dans le secteur de lapharmacie Lrsquoinnovation est en effet consideacutereacutee comme lrsquoun des facteurs de compeacutetitiviteacuteles plus deacutecisifs la deacutecouverte de nouvelles moleacutecules permet de breveter et mettre sur lemarcheacute des meacutedicaments ineacutedits et exclusifs Et le monopole temporaire que procure lebrevet assure des gains financiers eacuteleveacutes Les brevets ont ainsi une importance fondamen-tale parce que contrairement agrave ce qui se passe dans drsquoautres domaines il est facile deprouver devant les tribunaux que la moleacutecule figure dans un meacutedicament concurrentCependant la dureacutee de vie du brevet est limiteacutee et les laboratoires doivent ensuite faireface agrave lrsquoarriveacutee de meacutedicaments geacuteneacuteriques Dans ce contexte un meacutedicament peut faire lafortune drsquoun groupe ou le conduire agrave sa perte Le retrait par Bayer du Baycol un meacutedica-ment anti-cholesterol fut agrave lrsquoorigine drsquoune crise profonde ayant conduit agrave une remise encause totale de la strateacutegie A contrario Pfizer a connu une croissance importante de sonchiffre drsquoaffaires et de ses profits depuis le lancement du Viagra On peut eacutegalement citerlrsquoanticoagulant Plavix le deuxiegraveme meacutedicament plus vendu au monde par Bristol-MyersSquibb et Sanofi-Aventis dont les ventes mondiales annuelles repreacutesentent plus de5 milliards de dollars

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In fine le diagnostic externe a fait lrsquoobjet de la preacutesentation de deux outils princi-paux le modegravele des cinq forces et lrsquoanalyse des groupes strateacutegiques Les reacutesultatsdu diagnostic externe se traduisent par lrsquoeacutevaluation de lrsquointensiteacute concurrentielle et

Pour soutenir une politique drsquoinnovation intensive les investissements en recherche etdeacuteveloppement (R amp D) constituent une prioriteacute des entreprises du secteur Ainsi pourmettre sur le marcheacute un meacutedicament blockbuster (un meacutedicament phare dont le chiffredrsquoaffaires annuel deacutepasse le milliard de dollars) les entreprises doivent investir dessommes gigantesques dans la deacutecouverte drsquoune nouvelle moleacutecule et le deacuteveloppementdu nouveau meacutedicament Lrsquoinvestissement moyen neacutecessaire pour la R amp D drsquoun meacutedica-ment deacutepasse aujourdrsquohui les 800 millions drsquoeuros Selon une eacutetude de 2003 du TuftCenter for the Study of Drug Development cet investissement en R amp D eacutetait de54 millions de dollars en 1979 et de 500 millions de dollars en 2000 Ces montants srsquoexpli-quent par les lourdes proceacutedures et eacutetapes qui ponctuent la conception et le deacuteveloppe-ment drsquoun nouveau meacutedicament (de nombreux tests cliniques sont exigeacutes par lesautoriteacutes du meacutedicament) Crsquoest ainsi que le deacutelai de lancement drsquoun meacutedicament varieentre 10 et 12 ans Parallegravelement les entreprises doivent preacuteparer la fin des monopoles devente dont elles disposent sur certains meacutedicaments afin drsquoeacutequilibrer leur portefeuille demeacutedicaments et srsquoassurer de revenus financiers reacuteguliers En effet le brevet qui permetune exploitation exclusive du meacutedicament ne dure que 8 ans ndash bien qursquoil puisse ecirctreprolongeacute par un certificat compleacutementaire de protection (CCP) de 5 ans Un laboratoirepharmaceutique doit donc investir en R amp D tant pour deacutecouvrir de nouvelles moleacuteculesque pour preacuteparer par la fin de ses brevets ce qui repreacutesente des budgets colossaux Agrave titredrsquoexemple le numeacutero un Pfizer investit chaque anneacutee plus de 7 milliards de dollars en Ramp DSi les capaciteacutes drsquoinvestissement en R amp D jouent un rocircle majeur les entreprises doiventeacutegalement exploiter toutes les opportuniteacutes commerciales pendant la dureacutee de vie dubrevet Pour cette raison les grandes entreprises pharmaceutiques sont doteacutees drsquoune puis-sance commerciale sans eacutequivalent leur permettant de distribuer leurs produits aupregraves duplus grand nombre de clients potentiels Le leader Pfizer possegravede ainsi pregraves de40 000 visiteurs meacutedicaux dans le monde Mais lrsquoexploitation commerciale mondiale dePfizer nrsquoest pas accessible agrave toutes les entreprises puisque les risques de procegraves augmen-tent et lrsquoentreprise doit avoir une capaciteacute financiegravere suffisante pour y faire faceIl reacutesulte de ces deux facteurs (investissement en R amp D et exploitation commercialemondiale) une grande importance de la taille critique Ainsi selon une eacutetude de 2005 ducabinet McKinsey les laboratoires ayant moins de 3 milliards drsquoeuros de chiffres drsquoaffairessont consideacutereacutes comme trop petits pour espeacuterer se deacutevelopper et survivre seuls dans cesecteur Les plus petits nrsquoont alors drsquoautres solutions que drsquoadopter des strateacutegies de focali-sation (se positionner sur des niches non exploiteacutees par les grands laboratoires) etou demultiplier les alliances avec des concurrents Cette course agrave la taille conduit finalement agraveune forte concentration du secteur pharmaceutique En effet pour survivre dans unsecteur ougrave lrsquoinvestissement massif en R amp D et la preacutesence sur un marcheacute mondial sont descaracteacuteristiques obligatoires les fusions et acquisitions se multiplient

Agrave partir de TELLIER A laquo Bayer quels remegravedes pour sauver la pharmacie raquo in JOFFRE OPLE L et SIMON E Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

des perspectives de rentabiliteacute de lrsquoindustrie lrsquoidentification des groupes strateacutegi-ques et le repeacuterage des facteurs cleacutes de succegraves (FCS) Agrave cette eacutetape du diagnosticstrateacutegique succegravede celle du diagnostic interne

2 Lrsquoanalyse interne

Deux principaux outils permettent de reacutealiser le diagnostic interne Ce sont lachaicircne de valeur et le modegravele des ressources et compeacutetences

Selon Porter (1986) la chaicircne de valeur deacutecrit les diffeacuterentes eacutetapes internes agravelrsquoentreprise de conception fabrication commercialisation distributionhellip de sonproduit lui permettant de geacuteneacuterer de la valeur pour ses clients Elle est agrave ce titre unoutil fondamental de lrsquoanalyse de lrsquoavantage concurrentiel drsquoune firme crsquoest-agrave-direde sa capaciteacute agrave disposer drsquoune avance sur ses concurrents et agrave la maintenir via unestructure de coucircts supeacuterieure (la domination par les coucircts) ou une offre diffeacuterencieacutee(la diffeacuterenciation) Pour conduire cette analyse Porter propose de deacutecomposerlrsquoentreprise en un ensemble drsquoactiviteacutes pertinentes assurant le fonctionnement delrsquoentreprise (conception fabricationhellip de lrsquooffre) Ainsi une firme dispose drsquounavantage concurrentiel degraves lors qursquoelle parvient agrave construire une chaicircne de valeur luipermettant drsquoexercer les activiteacutes (ou eacutetapes internes) agrave un coucirct infeacuterieur aux concur-rents ou mieux que ces derniers

Figure 14 mdash La chaicircne de valeur

Dans une chaicircne de valeur on distingue les activiteacutes principales celles quiconcourent immeacutediatement agrave la production et la vente de lrsquooffre de lrsquoentreprise et

Marge

Marge

Logistiqueinterne

Production Logistiqueexterne

Marketinget vente

Services

Activiteacutes principales

Infrastructure de la firme

Gestion des ressources humaines

Deacuteveloppement technologique

Approvisionnement

Activ

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les activiteacutes de soutien celles qui augmentent lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des fonc-tions principales crsquoest-agrave-dire ameacuteliorent et optimisent leur fonctionnement Enoutre les diffeacuterentes activiteacutes srsquoinsegraverent plus largement dans un systegraveme de valeurEn effet la chaicircne de valeur drsquoune entreprise est inteacutegreacutee agrave la chaicircne de valeur de sesfournisseurs comme agrave celle de ses clients Enfin lrsquoensemble des activiteacutes de lachaicircne de valeur drsquoune firme sont lieacutees entre elles et avec celles des chaicircnes de valeursitueacutees en amont et en aval Lrsquoanalyse pousseacutee de la chaicircne de valeur consiste donc agravecomprendre la reacutealisation des activiteacutes propres agrave lrsquoentreprise et lrsquoensemble desliaisons qui unit les activiteacutes internes et externes agrave la firme La figure ci-dessuspreacutesente une chaicircne de valeur geacuteneacuterique (les chaicircnes de valeur des fournisseurs etclients ne sont pas repreacutesenteacutees)

La chaicircne de valeur se compose donc de cinq activiteacutes principales ayant chacuneune fonction particuliegravere La logistique interne regroupe les activiteacutes lieacutees agrave la reacutecep-tion au stockage et agrave la distribution des matiegraveres premiegraveres des composants et desproduits finis Elle inclut la manutention la gestion des stocks le transport la livrai-son etc Dans le cas des services la logistique consiste agrave assurer la rencontre entrele client et lrsquooffre La production repreacutesente le processus de transformation desmoyens de production des matiegraveres premiegraveres et des composants en produits ouservices finis Elle comprend la transformation lrsquoassemblage lrsquoentretien des machi-nes lrsquoemballage le controcircle qualiteacute etc La logistique externe regroupe les activiteacutesdrsquoacheminement du produit vers les distributeurs ou clients finals La fonction demarketing-vente repreacutesente les processus permettant de proposer (vente et promo-tion) les produits ou services aux clients Cette activiteacute comprend la publiciteacute lapromotion la force de vente la seacutelection des circuits de distribution les relationsavec les distributeurs et la fixation des prix Les services apregraves vente incluent lesactiviteacutes qui accroissent ou maintiennent la valeur drsquoun bien ou drsquoun service commelrsquoinstallation la reacuteparation la formation lrsquoadaptation du produit et la fourniture depiegraveces deacutetacheacutees

Ces activiteacutes principales beacuteneacuteficient du support des activiteacutes de soutien Leur rocircleest drsquoaugmenter lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des fonctions principales Porter lesregroupe en quatre cateacutegories Les achats concernent les processus drsquoacquisition desressources neacutecessaires aux fonctions principales (achat de matiegraveres premiegraveresdrsquoeacutequipementshellip) Le deacuteveloppement technologique se reacutefegravere aux activiteacutes directe-ment lieacutees agrave la conception de nouveaux produits de brevets de techniques de fabri-cation ou drsquoutilisation de ressources particuliegraveres (par exemple lrsquointeacutegration dedeacutechets dans les processus de production) La gestion des ressources humainescomprend le recrutement la formation le deacuteveloppement des compeacutetences lagestion des carriegraveres et la reacutemuneacuteration des salarieacutes Lrsquoinfrastructure inclut les acti-viteacutes indispensables au bon fonctionnement de lrsquoensemble Cette cateacutegoriecomprend la direction geacuteneacuterale les systegravemes de planification de financement decontrocircle qualiteacute et drsquoinformation la comptabiliteacute le juridique les relations exteacuterieu-res etc Lrsquoinfrastructure inclut eacutegalement les routines et les processus qui sous-tendent la culture organisationnelle

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Cependant les activiteacutes principales et de soutien ne sont pas indeacutependantes lesunes des autres Ainsi lrsquoefficaciteacute de la chaicircne de valeur provient eacutegalement desliaisons entre les activiteacutes comme des liaisons entre la chaicircne de valeur de lrsquoentre-prise et celle de ses fournisseurs et clients (le systegraveme de valeur) Pour des raisons decommoditeacute nous qualifions les premiegraveres de liaisons internes et les secondes deliaisons externes Les liaisons internes renvoient aux dispositifs (souvent difficiles agravepercevoir) par lesquels les activiteacutes principales et de soutien srsquoinfluencent mutuelle-ment Par exemple une meacutethodologie de deacuteveloppement de nouveaux produitspreacutevoit lrsquointervention de plusieurs activiteacutes (production marketinghellip) et coordonneainsi leur contribution respective De mecircme un systegraveme drsquoinformation permet agraveplusieurs activiteacutes de fournir et partager un ensemble drsquoinformations conduisant agraveune optimisation de chaque activiteacute Les liaisons externes constituent lrsquoensemble desinteractions entre les activiteacutes drsquoune firme et celles de ses fournisseurs et clients Lesmeacutethodes de controcircle qualiteacute des produits des fournisseurs en sont un exemple ellesinfluencent les activiteacutes de production et permettent leur optimisation

Finalement les activiteacutes principales et de soutien et les liaisons concourent agravegeacuteneacuterer la marge de lrsquoentreprise (figure 14) Celle-ci correspond agrave la somme que lesclients sont precircts agrave payer pour acqueacuterir les produits etou services drsquoune entreprise(ce que Porter nomme la valeur) moins les coucircts supporteacutes pour reacutealiser lrsquooffre Pourecirctre rentable toute entreprise cherchera donc drsquoune part agrave deacutefinir une chaicircne drsquoacti-viteacutes lui permettant de creacuteer de la valeur au-delagrave de ses coucircts et drsquoautre part agraveameacuteliorer constamment sa chaicircne de valeur en identifiant de nouveaux gisements deproductiviteacute (afin de comprimer certains coucircts) et de nouvelles sources de diffeacuteren-ciation (afin drsquoaccroicirctre la valeur de son offre) Pour cela elle pourra comparercertaines de ses pratiques agrave celles drsquoentreprise faisant figure de reacutefeacuterence en lamatiegravere

In fine la chaicircne de valeur permet de comprendre comment une entreprise creacuteeplus de marge que ses concurrents La geacuteneacuteration drsquoune marge supeacuterieure agrave laconcurrence provient drsquoune chaicircne de valeur plus performante Cette performancesrsquoexplique de deux faccedilons Soit la configuration des activiteacutes de la firme lui permetune meilleure maicirctrise des coucircts que les concurrents (la domination par les coucircts)Soit elle rend possible la deacutelivrance drsquoune offre suffisamment originale et ineacuteditepar rapport agrave celle de ses rivaux (la diffeacuterenciation) Dans les deux cas la chaicircne devaleur est lrsquooutil privileacutegieacute pour comprendre les meacutecanismes de creacuteation et deconservation de lrsquoavantage concurrentiel drsquoune entreprise Nous proposons de lacompleacuteter en eacutetudiant le modegravele des ressources et des compeacutetences (MRC)

Le MRC srsquoinscrit dans une mouvance theacuteorique de grande ampleur la Resource-Based View (RBV) Il srsquointeacuteresse particuliegraverement au rocircle des ressources et descompeacutetences (ou capaciteacutes ndash nous utilisons indiffeacuteremment les trois termes dans cequi suit) dans le deacuteploiement des strateacutegies Selon Edith Penrose (1959) un auteurqui a joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de ce courant les firmes ne dispo-sent pas des mecircmes ressources et mecircme si crsquoeacutetait le cas elles nrsquoen feraient pas lemecircme usage Ce sont donc les ressources et la maniegravere dont une firme les exploite

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qui lui permettent de deacutefinir et mettre en œuvre une strateacutegie et ainsi de geacuteneacuterer etmaintenir une position privileacutegieacutee sur le long terme Alors que pour Porter (1986)lrsquouniteacute drsquoanalyse pertinente pour reacutealiser le diagnostic interne est lrsquoactiviteacute le MRCprivileacutegie les ressources et les capaciteacutes

En reacutefeacuterence aux textes fondateurs de Teece et al (1997) Wernerfelt (1984) etAmit et Shoemaker (1993) nous proposons drsquoidentifier trois cateacutegories drsquoactifs lesressources les capaciteacutes organisationnelles et les capaciteacutes dynamiques Lesressources sont des moyens que la firme possegravede et controcircle gracircce auxquels elleparvient agrave transformer ses intrants (la matiegravere premiegravere la main-drsquoœuvrehellip) enextrants (les produits etou les services) Il est drsquousage de distinguer les ressourcestangibles (ressources financiegraveres physiques technologiques et organisationnelles)et intangibles (culture relations reacuteputation leacutegitimiteacutehellip) Ces ressources peuventecirctre consideacutereacutees comme des actifs stockeacutes dont lrsquoaccumulation deacutepend des investis-sements reacutealiseacutes par la firme Ainsi les deacutepenses en recherche et deacuteveloppement enpubliciteacute en formation du personnelhellip viennent intensifier le stock de certainesressources comme les brevets la reacuteputationhellip Cependant les ressources ne sont pasproductives en elles-mecircmes elles ne repreacutesentent que des potentialiteacutes En effet sielles constituent des eacuteleacutements de base importants agrave la production des extrants(comme lrsquooffre drsquoune entreprise) elles sont une condition neacutecessaire mais non suffi-sante Ainsi les ressources ne deviennent veacuteritablement utiles qursquoagrave partir du momentougrave elles sont mobiliseacutees dans un processus pour remplir une fonction deacutetermineacuteeApparaicirct le concept de capaciteacute organisationnelle On peut deacutefinir une capaciteacutecomme lrsquohabileteacute drsquoune organisation agrave effectuer le deacuteploiement la combinaison et lacoordination de ressources au travers de processus drsquoactions pour atteindre desobjectifs strateacutegiques preacutealablement deacutefinis Une compeacutetence correspond donc agrave unagencement de ressources en vue de reacutealiser une activiteacute donneacutee

Repegraveres Les ressources et les compeacutetences laquo vertes raquo

laquo Nous sommes convaincus qursquoun groupe industriel comme le nocirctre ne peut srsquoinscrire dansla dureacutee que srsquoil sait srsquoinscrire dans la perspective du deacuteveloppement durable raquo selonB Collomb ancien PDG de Lafarge En srsquoengageant preacutecocement dans une telle politiqueLafarge srsquoest constitueacute un patrimoine de ressources Il srsquoagit par exemple de ressourcespartenariales Ainsi les relations privileacutegieacutees avec des ONG comme WWF et la FondationNicolas Hulot permettent au groupe de leacutegitimer ses actions On peut eacutegalement citerlrsquoadheacutesion au groupe des EPE (Entreprises pour lrsquoenvironnement) Ces partenariats contri-buent agrave forger des ressources identitaires les valeurs eacutecologique et sociale se diffusentdans lrsquoorganisation comme agrave lrsquoexteacuterieur creacuteant une reacuteputation drsquoentreprise responsableaupregraves des parties prenantes Ces ressources (et drsquoautres) participent au deacuteveloppementde certaines capaciteacutes Il srsquoagit par exemple de la reacuteduction des coucircts Celle-ci serait lieacutee agrave labaisse de la consommation de matiegraveres premiegraveres naturelles et de combustible Eacutegale-ment la diminution de la production de deacutechets et lrsquoutilisation de produits deacuteriveacutes (sous-

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produits) provenant drsquoautres industries permettent la reacuteduction des coucircts On peut eacutegale-ment citer la capaciteacute de management environnemental Ainsi la maicirctrise des processusde certification peut permettre de reacutepliquer la deacutemarche de certification sur les multiplessites exploiteacutes par le groupe agrave travers le monde La norme ISO 14001 tend en effet agrave deve-nir une caution indispensable pour lrsquoobtention drsquoautorisation drsquoexploitation de carriegravereselle participe eacutegalement de la leacutegitimiteacute du groupe face aux nouvelles normes sociales etdes affaires agrave travers le monde Parmi les capaciteacutes on trouve eacutegalement la capaciteacute dedeacuteveloppement de marcheacute Elle consiste en une capaciteacute agrave conqueacuterir de nouveauxmarcheacutes Car par ses engagements environnementaux et sociaux le groupe Lafarge peutdeacutesormais acceacuteder agrave des sites drsquoexploitation plus facilement que ses concurrents Les plansde gestion des carriegraveres de minerais sont un des exemples drsquoactions qui permettentdrsquoobtenir des zones drsquoexploitation que les concurrents se seraient vus refuser (du fait desreacuteticences des communauteacutes locales agrave lrsquoinstallation drsquoune exploitation sans garantie enretour)

Repegraveres Les capaciteacutes organisationnelles Internet

Zecircta est le nom fictif drsquoune firme canadienne speacutecialiseacutee dans le tourisme Cette entreprisese lance en 1998 dans une strateacutegie Internet En 2005 cette strateacutegie a connu deux phasesdeacutecisives La premiegravere peacuteriode (de 1995 agrave 2001) se caracteacuterise par la mise en œuvre drsquounestrateacutegie de commerce eacutelectronique drsquoentreprise agrave consommateurs reposant sur lrsquoexploita-tion de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega La seconde peacuteriode (de 2001 agrave 2005) setraduit par la mise en œuvre drsquoune strateacutegie de distribution de type multicanal afin queZecircta puisse beacuteneacuteficier des effets de synergie entre ses canaux de distribution physiqueeacutelectronique et son centre drsquoappelsDurant la premiegravere peacuteriode les capaciteacutes Internet vont ecirctre creacuteeacutees et deacuteveloppeacutees En effetavant la creacuteation de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega Zecircta nrsquoa aucune expeacuterience dansle domaine du commerce eacutelectronique elle ne possegravede pas de capaciteacutes Internet strateacutegi-que (deacutefinition des choix strateacutegiques) tactique (implantation des choix strateacutegiques) etopeacuterationnelle (exploitation du systegraveme) On remarque que lrsquoeacutevolution de ces capaciteacutesorganisationnelles Internet ne se fait pas de maniegravere synchroniseacutee Un eacutecart est constateacutedans les phases drsquoeacutevolution crsquoest-agrave-dire entre le laquo vouloir faire raquo et le laquo pouvoir faire raquo stra-teacutegiques Cet eacutecart exprime les difficulteacutes qui sont eacuteprouveacutees pour deacutevelopper lrsquoarchitec-ture technologique de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega Durant cette premiegraverepeacuteriode lrsquoorganisation a mis lrsquoaccent sur le deacuteveloppement de sa capaciteacute tactique Inter-net ce qui lui a permis de comprendre comment elle pouvait utiliser les technologies Inter-net La premiegravere peacuteriode est aussi lrsquooccasion de creacuteer de deacutevelopper et de renouveler lacapaciteacute opeacuterationnelle Internet de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega En effet dans unpremier temps la capaciteacute opeacuterationnelle Internet va ecirctre creacuteeacutee et deacuteveloppeacutee pour assu-rer le premier lancement officiel drsquoOmeacutega Cependant cette capaciteacute opeacuterationnelle Inter-net devra ecirctre renouveleacutee puisqursquoil faudra revoir entiegraverement lrsquoarchitecture technologique

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Quelle que soit leur nature qursquoelles soient vertes ou appliqueacutees aux strateacutegiesInternet les capaciteacutes doivent eacutevoluer pour srsquoadapter agrave lrsquoeacutevolution des caracteacuteristi-ques de lrsquoenvironnement Crsquoest ainsi que certaines firmes parviennent agrave surpasserleurs concurrents en deacutepit des mutations radicales de leur marcheacute Cette capaciteacute agravecreacuteer renouveler et reconfigurer les actifs pour les ajuster aux changements parfoisrapides et impreacutevisibles de lrsquoenvironnement est appeleacutee capaciteacute dynamique Ellecorrespond agrave la troisiegraveme cateacutegorie drsquoactifs Lrsquoinnovation est souvent consideacutereacuteecomme une capaciteacute dynamique car elle permet lrsquoajustement constant de lrsquooffre auxcaracteacuteristiques de la demande et lrsquoameacutelioration continue des processus internes agrave lafirme Ainsi quelle que soit lrsquoissue de lrsquoinnovation (succegraves ou eacutechec) elle geacutenegravere desconnaissances nouvelles dans les domaines technologique administratif marketingmanageacuterial relationnelhellip Il en est de mecircme pour lrsquoapprentissage organisationneldeacutefini comme laquo un pheacutenomegravene collectif drsquoacquisition et drsquoeacutelaboration de compeacuteten-ces qui plus ou moins profondeacutement plus ou moins durablement modifie la gestiondes situations et les situations elles-mecircmes raquo (Koenig 1994) Ainsi lorsqursquoune firmeapprend elle renouvelle son patrimoine de connaissances et drsquoaptitudes gracircceauxquelles elle reacutepond de faccedilon toujours plus efficace aux sollicitations de son envi-ronnement

Pour autant les ressources et les capaciteacutes drsquoune firme nrsquoont pas toutes le mecircmepotentiel Si certaines contribuent agrave assurer la survie de la firme (on parle de ressour-

du site Web transactionnel Drsquoautre part cette capaciteacute opeacuterationnelle est exploiteacutee locale-ment crsquoest-agrave-dire qursquoelle nrsquoa pas drsquoinfluence sur les autres capaciteacutes opeacuterationnelles quicomposent la chaicircne de valeur de ZecirctaDurant la deuxiegraveme peacuteriode Zecircta va transformer sa strateacutegie initiale de commerce eacutelectro-nique drsquoentreprise agrave consommateurs Elle devient progressivement une strateacutegie de distri-bution multicanal Cette peacuteriode est lrsquooccasion drsquoexploiter les retours drsquoexpeacuterience qui vontpermettre agrave la capaciteacute strateacutegique Internet drsquoatteindre progressivement la phase dematuriteacute Les principaux apprentissages sont reacutealiseacutes au niveau strateacutegique et vontpermettre agrave lrsquoorganisation de mieux positionner la strateacutegie de commerce eacutelectroniquedrsquoentreprise agrave consommateurs sur le marcheacute La capaciteacute tactique gagne elle aussi enmaturiteacute puisqursquoil srsquoagit de reacutepliquer lrsquoimplantation de sites Web transactionnels qui repo-sent sur les mecircmes architectures et infrastructures technologiques Zecircta mobilise eacutegale-ment la capaciteacute opeacuterationnelle Internet de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega En effetcette capaciteacute opeacuterationnelle Internet va ecirctre drsquoune part redeacuteployeacutee dans un nouveaucouple produit-marcheacute (lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega est transformeacutee en uneagence de voyages virtuelle vendant agrave rabais des produits touristiques de derniegravere minute)et drsquoautre part recombineacutee avec les ressources reacuteputationnelles (lrsquoimage de marque) dutransporteur aeacuterien des voyagistes et des reacuteseaux drsquoagences de Zecircta Lrsquoeacutevolution de lacapaciteacute opeacuterationnelle Internet va neacutecessiter lrsquoimpulsion drsquoun nouveau cycle drsquoapprentis-sage afin de lrsquoadapter agrave son nouveau contexte

Agrave partir de RENARD L et SOPARNOT R laquo Le cycle de vie des capaciteacutes organisationnellesdans le cadre du deacuteveloppement drsquoune strateacutegie Internet raquo

17e Congregraves de lrsquoAssociation internationale de management strateacutegique (AIMS) 2008

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

ces etou compeacutetences seuil) drsquoautres sont veacuteritablement strateacutegiques (on parleindiffeacuteremment de ressources etou compeacutetences cleacutes ou cardinales ou distinctives)crsquoest-agrave-dire expliquent qursquoune firme est plus performante que ses concurrents Laquestion est alors drsquoidentifier les meacutecanismes par lesquelles les actifs produisentcette laquo sur-performance raquo ce qui revient agrave comprendre les sources de lrsquoavantageconcurrentiel Selon Barney (1991) un auteur de reacutefeacuterence de la RBV lrsquoavantageconcurrentiel srsquoexplique par les caracteacuteristiques particuliegraveres de certains actifs Danscette optique une ressource ou une capaciteacute soutient lrsquoavantage concurrentiel si elleremplit les conditions suivantes

Tout drsquoabord lrsquoactif doit avoir de la valeur pour la firme Il doit permettre de profi-ter drsquoopportuniteacutes de marcheacute ou de neutraliser une menace de lrsquoenvironnement Cetactif peut par exemple repreacutesenter une contribution significative agrave la valeur duproduit final pour le client permettre lrsquoaccegraves agrave certains marcheacuteshellip Ensuite lrsquoactifdoit ecirctre rare crsquoest-agrave-dire qursquoil doit ecirctre deacutetenu par un nombre limiteacute de firmes ideacutea-lement une seule En effet les ressources et capaciteacutes peuvent ne pas ecirctre disponi-bles sur le marcheacute des actifs ce qui rend alors impossible leur acquisition pardrsquoeacuteventuels concurrents La reacuteputation constitue par exemple une ressource pourlaquelle il nrsquoexiste pas de marcheacute Lrsquoactif doit eacutegalement ecirctre difficilement imitableLa difficulteacute de reacuteplication par les concurrents des facteurs de reacuteussite drsquoune firmepeut provenir du caractegravere difficilement identifiable des facteurs de performance(difficulteacute de retrouver les relations de cause agrave effet) du coucirct drsquoaccegraves agrave lrsquoactif de soncaractegravere tacitehellip Lrsquoactif doit aussi ecirctre durable crsquoest-agrave-dire qursquoil doit maintenirlrsquoavantage concurrentiel de la firme dans la dureacutee Cela renvoie agrave lrsquoeacuteventuelle obso-lescence drsquoune ressource et agrave son eacuterosion dans le temps De mecircme lrsquoactif doit ecirctrefaiblement substituable En drsquoautres termes pour conserver sa valeur la ressourcene doit pas avoir de substituts aiseacutement accessibles pour les concurrents Plus preacuteci-seacutement les services rendus par une ressource ne doivent pas pouvoir srsquoobtenir par lerecours agrave drsquoautres ressources Enfin lrsquoactif doit ecirctre approprieacute Cela signifie que lafirme doit organiser ses processus internes et sa structure de maniegravere agrave exploiter aumieux ses actifs et ainsi mateacuterialiser les potentialiteacutes de ses ressources

Finalement lrsquoanalyse interne via les ressources et les compeacutetences suggegravere lrsquoiden-tification des actifs deacutetenus par la firme (ressources compeacutetences organisationnelleset capaciteacutes dynamiques) ainsi que leur qualification (ressources et compeacutetencesstrateacutegiques ou seuil) Lrsquoenjeu est comme preacuteceacutedemment de mieux comprendre lesmeacutecanismes de creacuteation et de conservation de lrsquoavantage concurrentiel

Le diagnostic interne repose in fine sur deux meacutethodes compleacutementaires lachaicircne de valeur et le modegravele des ressources et des compeacutetences La premiegravere prendlrsquoactiviteacute comme uniteacute drsquoanalyse de reacutefeacuterence tandis que la seconde privileacutegie lesressources et les compeacutetences

Les sous-sections 1 et 2 ont permis de poser les bases de lrsquoanalyse strateacutegique Lesreacutesultats de ce double diagnostic permettent drsquoeacutevaluer la capaciteacute de la firme agrave faireface aux enjeux de son environnement Ainsi lorsque la firme est en mesure de saisirles enjeux notamment concurrentiels de son milieu plus geacuteneacuteralement les facteurs

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cleacutes de succegraves sectoriels les strategraveges considegraverent qursquoelle est aligneacutee Agrave lrsquoinverse ilest possible que lrsquoentreprise nrsquoait pas les capaciteacutes requises pour eacutevoluer dans sonenvironnement dans ce cas elle se trouve dans une situation dangereuse Quel quesoit le reacutesultat de cette mise en perspective le strategravege dispose drsquoune compreacutehensionaiguiseacutee de son secteur comme de son entreprise Ces informations lrsquoorientent et leguident dans lrsquoeacutelaboration des choix strateacutegiques

3 Les choix strateacutegiques

La formulation de la strateacutegie drsquoune entreprise repose sur trois questionnementschacun relevant de choix strateacutegiques interdeacutependants Le premier srsquointeacuteresse auxmanœuvres par lesquelles la firme entend dominer ses concurrents ndash il renvoie auxstrateacutegies concurrentielles ou compeacutetitives Le second traite des produits clients etmarcheacutes sur lesquels lrsquoentreprise souhaite fonder sa croissance ndash il se reacutefegravere aux stra-teacutegies de deacuteveloppement Enfin le troisiegraveme srsquoattache aux moyens qursquoil conviendrade mobiliser pour assurer le deacuteveloppement de lrsquoentreprise ndash il correspond auxmodaliteacutes strateacutegiques de deacuteveloppement Analysons-les successivement

31 Les strateacutegies concurrentielles

Pour Porter (1986) la maniegravere dont une firme se positionne dans un secteur crsquoest-agrave-dire face agrave ses concurrents deacutetermine sa rentabiliteacute En effet mecircme si lrsquoentrepriseeacutevolue dans un secteur agrave faible rentabiliteacute celle-ci peut espeacuterer obtenir une rentabi-liteacute supeacuterieure agrave la moyenne du secteur Pour cela elle doit fonder sa strateacutegie surlrsquoun des deux grands types drsquoavantage concurrentiel que sont la diffeacuterenciation et lescoucircts peu eacuteleveacutes Sur cette base Porter identifie trois strateacutegies concurrentielles ladiffeacuterenciation la domination par les coucircts et la concentration de lrsquoactiviteacute Celles-cise distinguent drsquoune part sur le critegravere de lrsquoavantage concurrentiel rechercheacute etdrsquoautre part sur le nombre de segments de marcheacute viseacutes

La strateacutegie de domination par les coucircts consiste pour une firme agrave se positionnercomme lrsquoentreprise de reacutefeacuterence en matiegravere de coucircts bas et agrave servir un vaste marcheacuteLrsquooffre de lrsquoentreprise est en outre conforme aux standards du marcheacute - les produitssont quasi-identiques aux autres ndash mais lrsquoentreprise les reacutealise agrave un coucirct infeacuterieur agravecelui des concurrents et peut alors les vendre agrave un prix plus bas donc plus attractifpour les clients Le maintien de cette strateacutegie passe par la recherche constante dessources de reacuteduction des coucircts afin drsquoameacuteliorer en continu la structure des coucircts delrsquoentreprise

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Repegraveres La strateacutegie de domination par les coucircts drsquoEasy Jet

Easy Jet est une compagnie drsquoaviation fondeacutee en 1995 par un entrepreneur britanniquedrsquoorigine grecque Stelios Haji-Ioannou Appartenant agrave Easy Group un groupe preacutesentdans diffeacuterents domaines drsquoactiviteacutes strateacutegique sous lrsquounique marque laquo Easy raquo Easy Jetest la division la plus rentable du groupe Consideacutereacutee degraves 1997 comme le rival de BritishAirlines Easy Jet a connu une croissance fulgurante une croissance lieacutee agrave une strateacutegie dedomination par les coucircts particuliegraverement bien maicirctriseacutee

La strateacutegie de domination par les coucircts drsquoEasy JetLa strateacutegie concurrentielle drsquoEasy Jet est qualifieacutee depuis sa creacuteation de strateacutegie agrave bascoucircts (low cost) une strateacutegie initieacutee par la compagnie ameacutericaine SouthWest AirlinesBien des aspects du management de lrsquoentreprise teacutemoignent de la strateacutegie drsquoabaisse-ment des coucircts Par exemple les slogans ont pour objectif de montrer aux consommateursqursquoils ont deacutesormais la possibiliteacute de voyager agrave prix casseacutes Lrsquoenjeu est de populariser lesvoyages en avion et drsquoen faire un moyen de transport commun afin drsquoaugmenter significa-tivement le nombre de voyageurs potentiels De mecircme la communication consiste agrave fairefigurer un numeacutero de teacuteleacutephone sur les avions permettant ainsi aux clients de reacuteserverleurs vols directement aupregraves de la compagnie Ces derniers peuvent eacutegalement les reacuteser-ver sur le site Internet de lrsquoentreprise Avec cette initiative lrsquoentreprise supprime la neacuteces-siteacute drsquoavoir un agent de voyage pour commercialiser ses vols En outre les billetseacutelectroniques drsquoEasy Jet limitent les frais drsquoimpression Aujourdrsquohui avec 95 des billetsacheteacutes par Internet Easy Jet est ainsi lrsquoun des plus grands deacutetaillants europeacuteens sur Inter-net Concernant lrsquooffre drsquoEasy Jet une caracteacuteristique de lrsquoentreprise est de standardiser aumaximum les produits Lrsquoentreprise ne dispose par exemple que drsquoune seule classe depassagers ce qui facilite le remplissage de chaque vol (le taux de remplissage des avionsavoisine les 90 ) et la vente des billets Les vols srsquoeffectuent eacutegalement dans des condi-tions de confort minimal (absence de siegraveges larges et spacieux et services agrave bord limiteacutes)Les voyageurs qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de services privileacutegieacutes comme lrsquoembarque-ment prioritaire le deacutepassement du poids des bagages et les repas pendant le voyagedoivent payer un montant additionnel (ce qui constitue une source de revenu suppleacutemen-taire pour lrsquoentreprise) Enfin Easy Jet cherche agrave optimiser la gestion de sa flotte drsquoavionsLrsquoentreprise ne propose aucune correspondance ce qui permet une utilisation maximaledes avions et reacuteduit le temps drsquoescale entre les vols ce qui compresse les taxes aeacuteropor-tuaires dont doivent srsquoacquitter les compagnies aeacuteriennesCette strateacutegie a permis agrave Easy Jet de connaicirctre un deacuteveloppement exceptionnel dunombre de ses passagers de son chiffre drsquoaffaires et de ses profits comme en teacutemoigne letableau page suivanteLe succegraves drsquoEasy Jet dans le secteur du transport aeacuterien a finalement fait naicirctre lrsquoopportu-niteacute drsquoeacutetendre lrsquoactiviteacute originelle en utilisant la marque laquo Easy raquo et le modegravele du bas coucirctLrsquoenjeu appliquer la recette low cost agrave drsquoautres activiteacutes

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Easy GroupLa strateacutegie de bas coucircts fut reacutepliqueacutee dans de multiples domaines drsquoactiviteacutes strateacutegi-ques La meacutethode est simple en apparence simplifier lrsquooffre et se concentrer sur lrsquoessen-tiel abaisser les coucircts proposer un prix de vente attractif servir un nombre de clientseacuteleveacutes et capitaliser sur la marque laquo Easy raquo Easy Group se compose ainsi drsquoentreprises agis-sant dans des domaines tregraves diffeacuterents Dans le domaine du transport et du tourisme EasyGroup est preacutesent outre le transport aeacuterien dans la location de voiture (avec Easy Car) letransport de voyageurs (Easy Bus relie Londres aux aeacuteroports voisins) lrsquoorganisation devoyages (Easy Cruiser vend des voyages organiseacutes en Gregravece et les icircles grecques) et lrsquohocirctelle-rie avec Easy Hotel Lrsquoentreprise srsquoest aussi deacuteveloppeacutee dans le domaine de lrsquoentertainmentavec Easy Internet Cafeacute Easy Music (vente de CD) et Easy Cineacutema (vente de DVD et infor-mation cineacutematographique) les services en ligne avec Easy Value (service de comparaisonde prix sur Internet) Easy Money (assurance voiture) Easy Job (service de recherchedrsquoemplois) la restauration avec Easy Pizza la location de bureaux eacutequipeacutes avec Easy Officela location de camionnettes avec Easy VanhellipLe deacuteveloppement rapide dans des domaines aussi varieacutes reflegravete parfaitement lrsquoambitiondu serial entrepreneur parvenir agrave peindre le monde en orange la couleur symbolique de lamarque laquo Easy raquo

Agrave partir de wwweasyjetfr et wwweasyjetcom

Tableau 11 mdash La croissance drsquoEasy Jet

Anneacutee Nombre de passagers

Chiffre drsquoaffaires en Livre Sterling

Profit en Livre Sterling

1995 30 000

1996 420 000

1997 1 140 000

1998 1 880 000 770 59

1999 3 670 000 1398 13

2000 5 996 000 2637 221

2001 7 664 000 3569 401

2002 11 400 000 5520 716

2003 20 300 000 9320 520

2004 24 300 000 1 0910 622

2005 29 558 000 1 3414 826

2006 32 953 000 1 6197 1292

2007 37 200 000 1 7970 2020

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La seconde strateacutegie concurrentielle est la strateacutegie de diffeacuterenciation Elleconsiste pour une firme agrave deacutelivrer agrave un nombre eacuteleveacute de segments du marcheacute uneoffre originale par rapport agrave celle des concurrents en place Pour ce faire lrsquoentreprisedoit repeacuterer les critegraveres de lrsquooffre valoriseacutee par les clients et non ou mal exploiteacutes parla concurrence Si par exemple les clients accordent une grande importance agravelrsquoimage du produit au designhellip et qursquoun nombre limiteacute de concurrents valorise leuroffre agrave partir de ces critegraveres alors la firme peut valoriser la sienne en la positionnantpar rapport agrave ces attraits Elle offre donc agrave ses clients des produits etou servicesperccedilus comme uniques ces derniers sont disposeacutes agrave payer plus cher une offredistincte de celle des autres entreprises Lrsquoexemple de LVMH (Louis Vuitton MoeumltHennessey) illustre bien la strateacutegie de diffeacuterenciation Fondeacutee en 1987 par BernardArnault LVMH est le leader mondial du luxe Le groupe possegravede un portefeuille decinquante marques prestigieuses Par exemple dans les vins et spiritueux LVMH estproprieacutetaire de Moeumlt et Chandon Dom Peacuterignon Chacircteau drsquoYquemhellip Dans lamode et la maroquinerie on trouve dans le giron LVMH les marques GivenchyKenzo Berluti Louis Vuittonhellip Dans les parfums et cosmeacutetiques Guerlain DiorhellipQuel que soit le secteur les produits LVMH sont positionneacutes haut de gamme et ontdes caracteacuteristiques uniques (composants image et notorieacuteteacute de la marque designqualiteacute intrinsegraveque packaging services offertshellip) qui les distinguent clairement deceux des concurrents et autorisent un surprix

Enfin la concentration des activiteacutes est la troisiegraveme strateacutegie concurrentielle possi-ble Dans ce type de strateacutegie lrsquoentreprise seacutelectionne un segment unique ou ungroupe limiteacute de segments du marcheacute et eacutelabore une offre particuliegraverement adapteacuteeau(x) segment(s) viseacute(s) Lrsquoobjectif est ici drsquoobtenir un avantage concurrentiel vala-ble dans le segment seacutelectionneacute et non pour lrsquoensemble du secteur ndash contrairementaux deux strateacutegies preacuteceacutedentes La concentration des activiteacutes peut prendre deuxformes Elle peut ecirctre fondeacutee sur les coucircts ou la diffeacuterenciation Dans le premier caslrsquoentreprise vise les coucircts ndash donc les prix ndash les plus bas dans le segment retenu Dansle second elle entend deacutelivrer au segment cibleacute une offre unique

In fine les strateacutegies concurrentielles sont au nombre de trois Lrsquoentreprise peutespeacuterer dominer ses concurrents et avoir des niveaux de profits supeacuterieurs agrave eux enrecourant soit agrave la domination par les coucircts soit agrave la diffeacuterenciation soit agrave la concen-tration des activiteacutes Selon Porter (1986) une entreprise courrait un risque importantsi elle srsquoengageait simultaneacutement dans les trois strateacutegies Elle srsquoenliserait alors dansla laquo voie meacutediane raquo et ce faisant elle aurait des profits infeacuterieurs agrave ceux qursquoelleobtiendrait en adoptant une strateacutegie concurrentielle unique Cela srsquoexplique notam-ment parce que les strateacutegies de domination par les coucircts et de diffeacuterenciation sontincompatibles ndash la diffeacuterenciation impose de construire une offre distincte de celledes concurrents et un accroissement des coucircts tandis que la domination par les coucirctsneacutecessite une normalisation de son offre et un abaissement des coucircts ndash et eacutegalementparce que la conquecircte et le maintien drsquoun avantage concurrentiel pour lrsquoune de cesstrateacutegies imposent une organisation et une chaicircne de valeur speacutecifiques

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Finalement les strateacutegies concurrentielles telles que Porter (1986) nous lespreacutesente partagent un point commun leur efficaciteacute reacuteside dans les caracteacuteristiquesdu secteur et le positionnement adopteacute par la firme En drsquoautres termes une analysetregraves pousseacutee de lrsquoindustrie et des concurrents en place conditionne le choix drsquoune destrois strateacutegies concurrentielles comme sa reacuteussite Cette perspective donne donc leprimat au milieu dans lequel opegravere la firme agrave la formulation de la strateacutegie Or ilexiste des situations ougrave certaines entreprises ont proceacutedeacute agrave de veacuteritables innovationsstrateacutegiques et sont parvenues agrave infleacutechir la structure du secteur et agrave en modifier lescaracteacuteristiques agrave leur avantage Si Porter (1986) eacutevoque cette possibiliteacute dans sestravaux il ne la deacuteveloppe pas veacuteritablement

Sur ce point les eacutetudes reacutealiseacutees par Kim et Mauborgne (2005) constituent uneavanceacutee significative Les auteurs montrent que les strateacutegies concurrentielles tradi-tionnelles sont dangereuses En effet en adoptant des strateacutegies laquo oceacuteans rouges raquo(terme utiliseacute par les auteurs pour qualifier les strateacutegies traditionnelles) les entre-prises deacutefinissent leur strateacutegie en se basant sur ce que font les concurrents Ces stra-teacutegies conduisent alors les firmes agrave se deacutemarquer soit par les prix soit par lescaracteacuteristiques de lrsquooffre (la diffeacuterenciation) En fin de course les acteurs se diffeacute-rencient de la mecircme maniegravere conduisant agrave la convergence de leur offre et sa banali-sation Et il en reacutesulte une deacutegradation geacuteneacuteraliseacutee de la performance eacuteconomiquedes firmes en preacutesence laquo Les eaux se teintent de sang raquo nous disent Kim et Maubor-gne (2005) afin drsquoexpliquer lrsquoapparition drsquoun laquo oceacutean rouge raquo Un oceacutean rouge estun espace concurrentiel caracteacuteriseacute par un niveau drsquoencombrement croissant condui-sant les entreprises agrave tenter de prendre lrsquoavantage sur leurs concurrents en cherchantagrave faire mieux qursquoeux En conseacutequence les entreprises se livrent une concurrenceacharneacutee ayant pour reacutesultat une reacuteduction des marges (par la baisse des prix etlrsquoaugmentation de la structure des coucircts) une baisse du chiffre drsquoaffaires et un risquede deacuteclin de la performance boursiegravere Face aux risques que repreacutesentent les strateacute-gies oceacutean rouge les auteurs suggegraverent lrsquoadoption drsquoune strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo(innovation strateacutegique) Celle-ci consiste agrave deacutevelopper lrsquoactiviteacute au sein drsquounespace de marcheacute inexploiteacute espace dans lequel la demande est agrave creacuteer en adoptantune vision laquo reconstructionniste raquo Celle-ci consiste agrave sortir de lrsquoalternative coucirct-valeur et agrave srsquointeacuteresser aux non-clients (les oceacuteans bleus peuvent se situer loin desfrontiegraveres des oceacuteans rouges ou sont parfois creacuteeacutes agrave proximiteacute) Une telle strateacutegiepreacutesente donc lrsquoavantage drsquoeacuteviter la concurrence directe le plus souvent drsquoalleacuteger lastructure des coucircts et de srsquoadresser agrave un marcheacute encore vierge susceptible de geacuteneacutererdes niveaux de croissance et de rentabiliteacute largement supeacuterieurs agrave ceux des oceacuteansrouges

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Repegraveres Nintendo adopte une strateacutegie subversive

En 2004 Nintendo bien que connu mondialement est un poids plume face aux poidslourds que sont Microsoft et Sony constructeurs respectifs de la Xbox et de la PlayStation(PS) Lrsquoeacutechec de la GameCube supposeacute concurrencer la Xbox et la PS a preacutecipiteacute les difficul-teacutes du fabricant japonais En 2004 Nintendo affiche un reacutesultat net en baisse de 50 parrapport agrave 2003 Sa surface financiegravere ne lui permet pas de rivaliser avec ses concurrentsnotamment sur le plan de la technologie (par le deacuteveloppement de consoles aussi puissan-tes et doteacutees de nombreuses fonctionnaliteacutes par la sophistication constante des jeux parleur qualiteacute graphiquehellip) Dans ce contexte difficile Saworu Iwata preacutesident de Nintendonommeacute en 2002 opte pour une strateacutegie de perturbation concurrentielle particuliegraverementrisqueacutee Une telle strateacutegie consiste pour une entreprise opeacuterant sur un marcheacute satureacute agravesrsquoaffranchir des contraintes de son marcheacute Un tel deacuteplacement strateacutegique est la voiesuivie par des socieacuteteacutes comme Apple ou Swatch ces entreprises ont conquis des espacesstrateacutegiques encore vierges et su creacuteer une demande entiegraverement nouvelle Maiscomment expliquer le revirement strateacutegique opeacutereacute par Nintendo

La strateacutegie de NintendoLe preacutesident de Nintendo est parti du constat que le marcheacute des jeux videacuteo saturait alorsque le taux drsquoeacutequipement nrsquoeacutetait pas si eacuteleveacute 35 en France 35 aux Etats-Unis et60 en Grande-Bretagne Il a fallu trouver un nouveau creacuteneau Saworu Iwata lrsquoa identifieacuteau niveau des joueurs occasionnels Jusqursquoagrave il y a peu la clientegravele viseacutee par les fabricants deconsoles et de jeux videacuteos eacutetait le joueur confirmeacute appeleacute eacutegalement laquo adulescent raquo ouencore le hardcore gamer (pour joueur intensif) Alors que les nouvelles geacuteneacuterations deconsoles (Xbox 360 et PS3) marquent un saut technologique Nintendo fait un pari diffeacute-rent avec le lancement de la Wii agrave la fin de lrsquoanneacutee 2006 un mouvement initieacute avec laconsole portable Nintendo DS apparue en 2004 Nintendo srsquoadresse deacutesormais agrave une cateacute-gorie de joueurs dits occasionnels Ceux-ci appreacutecient les jeux simples auxquels on peutconsacrer un minimum de temps Parmi ces jeux on peut citer les puzzles les diffeacuterentsjeux de cartes (dame de pique solitaire etc) le flipperhellip Et pour seacuteduire ces joueurs laconsole de jeux preacutesente des fonctionnaliteacutes limiteacutees elle promet simplement une expeacute-rience de jeu ineacutedite (le gameplay) alors que les consoles concurrentes permettent devisionner des films drsquoeacutecouter de la musique de regarder des photos de surfer sur le WebhellipSelon le preacutesident de Nintendo Satoru Iwata la Wii est le reacutesultat drsquoune longue reacuteflexionlaquo Il y a quatre ans nous avons fait le constat au Japon que le marcheacute des jeux saturaitNintendo se devait drsquoecirctre le premier agrave proposer une solution face agrave cette crise Nous avonsalors imagineacute des produits pour eacutelargir notre public Il ne srsquoagissait plus de faire des jeuxavec une grande richesse de contenus mais de les inteacutegrer dans la vie ordinaire Le lance-ment de la DS notre plate-forme portable munie drsquoun stylet et drsquoun eacutecran tactile a repreacute-senteacute la premiegravere eacutetape de notre strateacutegie de deacuteveloppement vers le grand public raquoLe pari de Saworu Iwata est gagneacute Nintendo croule rapidement sous les commandes etdoit augmenter ses capaciteacutes de production pour faire face agrave la demande mondiale La Wiia ainsi eacuteteacute vendue entre deacutecembre 2006 et avril 2008 agrave pregraves de 26 millions drsquoexemplairesLa part de marcheacute de la Wii sur le marcheacute des consoles de nouvelle geacuteneacuteration srsquoeacutetablit agrave

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43 en 2007 Au niveau financier lrsquoameacutelioration des reacutesultats provient en grande partiedu lancement de la Nintendo DS en novembre 2004 et de la Wii en novembre 2006 Lechiffre drsquoaffaires a eacuteteacute multiplieacute par trois en lrsquoespace de trois anneacutees et le beacuteneacutefice net croicirctde maniegravere spectaculaire Crsquoest ainsi qursquoen 2007 le chiffre drsquoaffaires a connu une hausseapproximative de 90 et le reacutesultat net de 77

Les caracteacuteristiques de la WiiPour qursquoune telle strateacutegie puisse srsquoaveacuterer gagnante lrsquoinnovation ne srsquoest pas limiteacutee auseul repositionnement de la console videacuteo aupregraves des joueurs occasionnelsConsole leacutegegravere agrave taille reacuteduite (44 x 157 x 2154 mm) blanche agrave lrsquoaspect eacuteleacutegant et tregraves facileagrave connecter agrave un teacuteleacuteviseur la Wii se diffeacuterencie des autres consoles par un mode de jeusensoriel baseacute sur la reconnaissance des mouvements Ainsi la teacuteleacutecommande sans fil seprend en main instinctivement et les mouvements pour controcircler les jeux reproduisent lesgestes des joueurs Au lieu du traditionnel joystick ou de la manette multitouchesexigeant une tregraves grande dexteacuteriteacute les joueurs ont agrave leur disposition une teacuteleacutecommandenommeacutee Wiimote eacutequipeacutee drsquoun acceacuteleacuteromegravetre Celui-ci permet de reproduire les mouve-ments dans lrsquoespace en interaction avec lrsquoeacutecran De plus la manette possegravede un vibrateursusceptible de simuler les diffeacuterentes reacuteactions Afin drsquoeacuteviter des lacirccheacutes intempestifs lamanette est retenue au poignet agrave lrsquoaide drsquoun lacet nommeacute dragonne Quelques mois apregravesle lancement de la Wii Nintendo a drsquoailleurs ducirc renforcer les dragonnes qui ne reacutesistaientpas agrave lrsquoenthousiasme des joueursCette manette srsquoaccompagne drsquoune gamme drsquoaccessoires dans lesquels on insegravere la teacuteleacute-commande On voit ainsi apparaicirctre des mini raquettes de tennis des reacutepliques de club degolf des revolvers des sabres laser des volants des cannes agrave pecircche et plus reacutecemment laWii balance board (un pegravese-personne) Ces accessoires accompagnent bien souvent lesnouveaux jeux tels que MarioKart et Wii Fit programme de remise en forme qui srsquoannoncecomme le succegraves de lrsquoanneacutee 2008Le succegraves deacutepend eacutegalement des innovations en termes de programmes la Wii beacuteneacuteficiede lrsquoexpeacuterience de la Nintendo DS Sont apparus des divertissements ludo-eacuteducatifsineacutedits sur console (comme English Training ou Sudoku Master) des jeux ceacutereacutebraux desti-neacutes agrave un public senior des chaicircnes Wiihellip le but eacutetant de proposer une gamme de jeux agrave unpublic diversifieacute Pour cela Nintendo conccediloit en interne une grande partie de ses jeux (lesoftware) Certains concepteurs de jeux comme Shigeru Miyamoto sont mecircme devenustregraves connus (il est notamment lrsquoinventeur de Mario Donkey Konghellip) Lrsquoentreprise fait aussiappel agrave des eacutediteurs de jeux Notons tout de mecircme le peu drsquoenthousiasme dont ont faitpreuve certains eacutediteurs de jeux au deacutebut de lrsquoaventure DSWii Ceux qui ont cru agrave lanouvelle console comme Ubisoft ont donneacute le sourire agrave leurs actionnairesEnfin le prix de la Wii est plus faible que celui des autres consoles 249 euros Lors de sonlancement la Xbox 360 coucirctait 299 euros tandis que le prix de la PS3 srsquoeacutetablissait agrave399 euros Microsoft a depuis baisseacute ses prixLe marketing et la communication de Nintendo ont eacutegalement eacuteteacute repenseacutes Aux tradi-tionnelles publiciteacutes preacutesentes dans la presse speacutecialiseacutee on retrouve des encarts publici-taires dans la presse feacuteminine et la presse pour seniors En France ougrave le groupe a choisilrsquoactrice Michegravele Laroque pour incarner les vertus du jeu drsquoentraicircnement ceacutereacutebral les inves-tissements en marketing et en communication atteignent plusieurs dizaines de millionsdrsquoeuros laquo Beaucoup de consommateurs sont sur le point de basculer mais ils ont besoin

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En synthegravese la formulation drsquoune strateacutegie concurrentielle ndash domination par lescoucircts diffeacuterenciation concentration et innovation strateacutegique ndash correspond agrave lapremiegravere phase de lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Elle laisse ensuite place agrave la deacutefini-tion drsquoune strateacutegie de deacuteveloppement

32 Les strateacutegies de deacuteveloppement

Les strateacutegies de deacuteveloppement se reacutefegraverent agrave lrsquoensemble des choix par lesquelsune entreprise parvient agrave assurer un niveau de croissance suffisant pour faire face agraveses engagements et peacuterenniser son activiteacute Elles renvoient donc aux deacutecisions rela-tives au systegraveme drsquooffre de la firme aux zones geacuteographiques dans lesquelles elleentend ecirctre preacutesente et aux types de clients auxquels elle souhaite commercialiserses produits La figure suivante identifie quatre strateacutegies de deacuteveloppement possi-bles

Le cadran A concerne les strateacutegies de confortement appeleacutee aussi speacutecialisationCette voie consiste pour lrsquoentreprise agrave capitaliser tant sur sa maicirctrise des ressourceset compeacutetences de fabrication et de commercialisation des produits que sur saconnaissance des besoins des clients et des marcheacutes geacuteographiques dans lesquels lafirme est preacutesente Cette strateacutegie vise lrsquoameacutelioration et la rationalisation de lrsquooffre(par lrsquoeacuteleacutevation de la qualiteacute et la compression des coucircts) en vue de consolider laposition actuelle Cette strateacutegie se concentre sur le maintien des parts de marcheacute etla fideacutelisation des clients Le confortement revecirct parfois une forme plus agressivepuisque certaines entreprises peuvent adopter une strateacutegie centreacutee sur la conquecirctedes clients des concurrents directs (proposant la mecircme offre sur les mecircmes

drsquoun deacuteclic suppleacutementaire et une personnaliteacute comme Michegravele Laroque qui figure parmile palmaregraves des personnaliteacutes feacuteminines preacutefeacutereacutees des Franccedilais est feacutedeacuteratrice raquo noteStephan Bole directeur geacuteneacuteral de Nintendo La Wii devient une console de jeu intergeacuteneacute-rations Il suffit pour srsquoen convaincre drsquoobserver la place de la Wii dans la maison alors queles consoles traditionnelles aux dimensions plus importantes sont situeacutees dans les cham-bres drsquoadolescents la Wii trouve sa place sous le teacuteleacuteviseur du salon Pregraves de 80 des utili-sateurs ont ainsi plus de 24 ans (lrsquohabituel cœur de cible est les joueurs acircgeacutes de 8 agrave 25 ans)et 50 sont des femmes Drsquoapregraves lrsquoAssociation ameacutericaine des logiciels de divertissementciteacutee par Challenges 24 des Ameacutericains de plus de 50 ans jouent deacutesormais aux jeuxvideacuteo alors qursquoils nrsquoeacutetaient que 9 en 1999 En France le marcheacute des jeux videacuteo aprogresseacute de 65 en 2007 On attribue la moitieacute de cette performance agrave la Wii deNintendo laquo Crsquoest une vraie rupture raquo affirme Stephan Bole laquo pendant vingt ans nousavons fait la course agrave la puissance pour attirer toujours plus de deacuteveloppeurs de jeux et declients et finalement nous nous sommes aperccedilus que pour beaucoup de personnes lesjeux proposeacutes restent complexes et encore trop anxiogegravenes raquo

Agrave partir de BONNEVEUX E LE SAOUT E et SOPARNOT R laquo La Wii sort Nintendodrsquoune impasse concurrentielle raquo 1e Journeacutee de cas peacutedagogique

Lrsquoinnovation dans les organisations Groupe ESCEM Tours novembre 2008

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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marcheacutes) Cette strateacutegie est particuliegraverement pertinente lorsque le marcheacute est enphase de deacuteveloppement car la croissance permet agrave la firme drsquoameacuteliorer sa positionlaquo naturellement raquo En revanche lorsque le marcheacute deacutecline cette strateacutegie met lafirme en situation de plus grande vulneacuterabiliteacute

Figure 15 mdash Les orientations de deacuteveloppement

Le cadran B correspond agrave la strateacutegie de deacuteveloppement de produits etou de servi-ces Cette orientation consiste agrave faire eacutevoluer le portefeuille de produits de lrsquoentre-prise et agrave commercialiser ces nouveaux produitsservices aupregraves des mecircmes clientset dans les zones geacuteographiques dans lesquelles lrsquoentreprise opegravere deacutejagrave Cette strateacute-gie permet donc agrave lrsquoentreprise de mieux servir ses clients actuels et drsquoaccroicirctre lechiffre drsquoaffaires par client Cette strateacutegie se justifie notamment lorsque les clientsde lrsquoentreprise ont exprimeacute certaines insatisfactions lieacutees agrave lrsquooffre disponible LaLogan by Renault est une bonne illustration Si agrave lrsquoorigine ce veacutehicule drsquoentreacutee degamme eacutetait destineacute aux marcheacutes eacutemergents la Logan a eacutegalement seacuteduit les clientstraditionnels de Renault Ce nouveau produit a donc permis agrave Renault drsquoenrichir sonoffre

Le cadran C renvoie agrave la strateacutegie de deacuteveloppement de segments et de marcheacutesCette voie consiste agrave proposer lrsquooffre actuelle de lrsquoentreprise agrave de nouveauxsegments de clients ou agrave la commercialiser dans de nouveaux marcheacutes geacuteographi-ques (internationalisation) Cette strateacutegie preacutesente notamment lrsquointeacuterecirct drsquoexploiterla dureacutee de vie des diffeacuterents produits de lrsquoentreprise et drsquoaccroicirctre le chiffre drsquoaffai-res par produit Elle se justifie notamment lorsque les segments de clients ou leszones de commercialisation traditionnelles de lrsquoentreprise saturent lorsque denouveaux clients ou de nouvelles zones offrent des profits etou des perspectives decroissance supeacuterieurs

Produits

Marcheacutes

Existants

Existants

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ConfortementSpeacutecialisation

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Deacuteveloppement deproduitsservices

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Nouveaux segmentsDeacuteveloppement de

marcheacuteInternationa-lisation

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Diversification relieacuteeDiversification non relieacutee

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Repegraveres Les Grandes Eacutecoles franccedilaises srsquointernationalisent

Les grandes eacutecoles de gestion contribuent activement au processus de mondialisation delrsquoenseignement Elles ambitionnent en effet de figurer parmi les meilleures eacutecoles aumonde et de fournir au marcheacute des eacutetudiants au profil international Selon Pierre Tapiedirecteur de lrsquoESSEC laquo les entreprises doivent avoir la certitude de pouvoir recruter cheznous des profils reacuteellement internationaux capables par exemple de deacutevelopper des filia-les en Chine au Breacutesil ou partout dans le monde raquo Pour atteindre cet objectif les eacutecolescherchent agrave attirer les eacutelegraveves eacutetrangers agrave envoyer leurs eacutetudiants hors de leurs frontiegraveresdrsquoorigine et agrave recruter des professeurs capables drsquoenseigner dans des programmes interna-tionaux Petit tour drsquohorizon des pratiques drsquoeacuteducation internationale au managementDeux strateacutegies non exclusives eacutemergent La premiegravere concerne les eacutecoles les plus auda-cieuses Elles ouvrent leur propre campus agrave lrsquoeacutetranger et misent soit sur lrsquoAsie soit surlrsquoEurope et lrsquoAfrique Si lrsquoINSEAD a donneacute le ton avec lrsquoouverture il y a deacutejagrave longtemps drsquouncampus agrave Singapour des eacutecoles de moindre renommeacutee agrave lrsquointernational mais tregraves coteacuteesen France comme lrsquoEM Lyon (avec un campus agrave Shanghai et Genegraveve) lrsquoESSEC (avec uncampus agrave Singapour) lrsquoESCP-EAP (avec ses campus agrave Berlin Londres Madrid et Turin) luiemboicirctent le pas Des eacutecoles plus modestes adoptent une strateacutegie similaireLrsquoESC Toulouse a ainsi un campus agrave Barcelone et un autre agrave Casablanca lrsquoESSCA drsquoAngers agraveBudapest lrsquoEDHEC agrave Londreshellip En srsquoimplantant en Asie les eacutecoles visent un potentieldrsquoeacutetudiants tregraves vaste pour qui lrsquoeacuteducation repreacutesente beaucoup Une strateacutegie orienteacuteevers lrsquoEurope et lrsquoAfrique reacutepond agrave une logique de proximiteacute culturelle et geacuteographiqueDeux avantages agrave cela drsquoune part le public appreacutecie la culture franccedilaise et reconnaicirctlrsquoenseignement des eacutecoles franccedilaises et drsquoautre part le transfert des eacutetudiants et desprofesseurs srsquoavegravere plus aiseacute et moins coucircteux La seconde strateacutegie consiste agrave se deacutevelop-per agrave lrsquointernational en srsquoappuyant sur des partenaires reacuteputeacutees agrave lrsquoeacutetranger Ainsi leseacutecoles qui ne souhaitent pas supporter les risques drsquoune implantation srsquoadossent agrave deseacutecoles deacutejagrave preacutesentes sur le marcheacute viseacute Ces partenariats permettent drsquoenvoyer eacutetudiantset professeurs agrave lrsquoeacutetranger agrave moindre coucirct LrsquoESSEC a ainsi signeacute huit accords de doublesdiplocircmes avec des institutions de renom dans le monde tandis que lrsquoEM Grenoble deacuteloca-lise son MBA dans une demi-douzaine de pays dont la Russie et lrsquoAngleterre Cette strateacute-gie partenariale peut eacutegalement prendre la forme drsquoun consortium Crsquoest le cas deParis Tech qui regroupe neuf eacutecoles drsquoingeacutenieurs et HEC ParisMais lrsquointernationalisation des eacutecoles de gestion ne passe pas exclusivement par lrsquoimplan-tation de campus ou la creacuteation de partenariats elle consiste eacutegalement agrave ouvrir sesportes aux eacutetudiants eacutetrangers Pour cela les eacutecoles dispensent des cours en anglais etoffrent de multiples services aux jeunes arrivants (comme la recherche de logementshellip)afin drsquoaider les eacutetudiants agrave srsquoadapter au pays drsquoaccueil Ces eacutechanges sont le plus souventporteacutes par des accords entre eacutetablissements etou reacutealiseacutes dans le cadre de programmeseuropeacuteens (Erasmus) et international (Erasmus Mundus)Ce mouvement vers lrsquointernational srsquoest acceacuteleacutereacute vers la fin des anneacutees quatre-vingt-dixDeux raisons agrave cela les accreacuteditations et les classements Les accreacuteditations sont deacutelivreacuteespar des organismes speacutecialiseacutes et srsquoapparentent agrave des certifications qualiteacute Les trois plus

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Le cadran D correspond aux strateacutegies de diversification relieacutee et non relieacutee Cettevoie consiste agrave proposer de nouveaux produits et services agrave de nouveaux clientsetou zones geacuteographiques La diversification est relieacutee lorsque lrsquoentreprise se deacuteve-loppe vers une activiteacute qui entretient des points communs avec lrsquoactiviteacute initiale(partage de ressources et compeacutetences) La diversification est non relieacutee lorsque ledeacuteveloppement srsquoeffectue en direction drsquoactiviteacutes totalement nouvelles nrsquoentrete-nant aucune proximiteacute avec lrsquoactiviteacute drsquoorigine La diversification permet notam-ment agrave lrsquoentreprise drsquoaccroicirctre son pouvoir de marcheacute (elle peut chercher agrave obtenirdes conditions avantageuses aupregraves de ses fournisseurs et clients compte tenu de leurtaille) de reacutepartir les risques entre les activiteacutes (les activiteacutes fragiles peuvent ecirctrecompenseacutees par des activiteacutes plus solides financiegraverement) et de beacuteneacuteficier drsquoeacutecono-mie de champ (certaines ressources peuvent ecirctre utiliseacutees dans le cadre des diffeacuterentsproduits ou activiteacutes de lrsquoentreprise)

Ces quatre voies de deacuteveloppement ne sont eacutevidemment pas exclusives Une entre-prise peut ainsi assurer sa croissance agrave partir de plusieurs options Ensuite le choixdes orientations induit une reacuteflexion quant aux moyens neacutecessaires agrave leur mise enœuvre Agrave titre drsquoexemple la conquecircte drsquoun nouveau marcheacute impose lrsquoaccegraves agrave desressources et des compeacutetences la connaissance des reacuteseaux de distribution et desattentes des clients la reacuteglementation en vigueur dans le pays un reacuteseau de fournis-seurs locaux une structure administrative rompue aux regravegles du commerce exteacute-rieurhellip Ainsi quelle que soit la strateacutegie de deacuteveloppement adopteacutee il conviendraau manager de deacutefinir les modaliteacutes drsquoaccegraves aux actifs

33 Les modaliteacutes strateacutegiques du deacuteveloppement

Les modaliteacutes strateacutegiques concernent lrsquoaccegraves aux moyens neacutecessaires agrave la mise enœuvre drsquoune strateacutegie de deacuteveloppement Ce sont la croissance interne la croissanceexterne et la croissance partageacutee

importantes accreacuteditions dans lrsquounivers des eacutecoles de gestion sont le label Equis de lrsquoEuro-pean Foundation for Management Development (EFMD) celui de lrsquoAssociation to AdvanceCollegiate School of Business (AACSB) et celui de lrsquoAssociation of Master of Business Admi-nistration (AMBA) Ces accreacuteditations jouent un rocircle majeur agrave lrsquointernational Drsquoune partelles informent les eacutetablissements de la qualiteacute de leurs partenaires Et drsquoautre part ellessont une garantie de la qualiteacute de lrsquoenseignement qui sera deacutelivreacute aux eacutetudiants eacutetrangersLes classements quant agrave eux jouent un rocircle similaire ils informent les eacutetudiants poten-tiels les entrepriseshellip sur la renommeacutee drsquoune eacutecole et la qualiteacute des eacutetudiants qui en sontdiplocircmeacutes Au niveau international les classements les plus connus sont reacutealiseacutes par leFinancial Times et le Wall Street Journal

Agrave partir de laquo Les Grandes Eacutecoles agrave la conquecircte de la planegravete raquoLes Eacutechos 21 octobre 2008 et wwwambafranceorg

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

La croissance interne ou organique consiste pour une firme agrave assurer son deacutevelop-pement agrave partir des ressources et compeacutetences disponibles ou par creacuteation de celles-ci Ce mode de croissance permet agrave la firme de se construire un portefeuille deressources et de compeacutetences coheacuterent Lrsquoentreprise peut en effet se concentrer sur lacreacuteation drsquoactifs proches de son cœur de meacutetier Cependant ce mode de croissanceest lent ndash il est plus rapide drsquoacqueacuterir les actifs existants ndash ce qui peut faire obstacleagrave la vitesse que requiert parfois le deacuteploiement de la strateacutegie

La croissance externe consiste agrave acceacuteder aux ressources et compeacutetences drsquouneautre organisation Elle correspond aux strateacutegies drsquoacquisition gracircce agrave laquelle unefirme prend le controcircle drsquoune autre organisation et de fusion par laquelle deuxfirmes unissent leur destineacutee Ce mode de croissance permet agrave une firme drsquoaccroicirctreson pouvoir de marcheacute de contourner certaines barriegraveres agrave lrsquoentreacutee drsquoacceacuteder agrave desressources et des compeacutetences qursquoil aurait eacuteteacute impossible de deacutevelopper en interne(marque brevet technologiehellip) et drsquoen beacuteneacuteficier plus vite que si la firme avait ducircles creacuteer par elle-mecircme (points de vente usineshellip) De ce fait la firme acceacutelegravere sondeacuteveloppement strateacutegique agrave lrsquointernational par exemple Mais la croissance externeest susceptible de fragiliser la situation financiegravere de lrsquoentreprise ndash lorsque les acqui-sitions sont financeacutees par lrsquoendettement ndash et engendre des difficulteacutes drsquointeacutegration ndashil est question de mettre en contact des cultures des processus organisationnelshellipdiffeacuterents voire incompatibles

Repegraveres Sanyo une acquisition strateacutegique pour Panasonic

La concreacutetisation de lrsquooffre publique drsquoachat (OPA) de Panasonic sur Sanyo annoncerait lacreacuteation de la plus grande entreprise eacutelectronique du Japon Panasonic notammentconnue pour ses teacuteleacuteviseurs agrave eacutecran plasma ses cameacutescopes ses teacuteleacutephones et ses appa-reils photos pourrait prendre le controcircle de Sanyo le leader mondial dans la production debatteries rechargeables Cette acquisition permettrait ainsi agrave Panasonic de devenir leleader du secteur de lrsquoeacutelectronique grand public et professionnel devant Hitachi et SonyFondeacute en 1918 au Japon le groupe Panasonic Corporation est constitueacute de deux marquesphares Panasonic et Technics Son slogan laquo Ideas for Life raquo symbolise lrsquoesprit qui a toujoursanimeacute le groupe ameacuteliorer le bien-ecirctre de la socieacuteteacute et la qualiteacute de vie des citoyens dumonde Son fondateur Konoshue Matsushita reacutesume ainsi la philosophie de lrsquoentreprise laquo Reconnaissant nos responsabiliteacutes en tant qursquoindustriels nous nous deacutevouerons au deacuteve-loppement de la socieacuteteacute et au bien-ecirctre des gens gracircce agrave nos activiteacutes professionnellesameacuteliorant ainsi la qualiteacute de vie dans le monde raquo Cette vocation a conduit le groupe agravecontinuellement diversifier son offre Panasonic est ainsi preacutesent dans les domaines delrsquoaudiovisuel lrsquoeacutelectromeacutenager les eacutequipements domestiques les composants eacutelectroni-ques et les robots au travers de 600 entreprises

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Le projet de Panasonic drsquoacqueacuterir Sanyo srsquoinscrit dans la continuiteacute de la strateacutegie de diver-sification relieacutee du groupe Lrsquoenjeu est double renforcer les positions actuelles dans sesmarcheacutes historiques et surtout trouver de nouveaux relais de croissance dans des secteursproches de son meacutetier initial Et Sanyo est une cible ideacuteale Lrsquoentreprise est le leadermondial des batteries qui alimentent les veacutehicules hybrides et eacutelectriques les teacuteleacutephonesportables les ordinateurshellip Or ce sont des activiteacutes agrave fort potentiel Panasonic chercheraitdonc agrave srsquoimplanter dans le secteur prometteur des batteries Le cas des batteries pour veacutehi-cules hybrides et eacutelectriques est particuliegraverement reacuteveacutelateur Les analystes srsquoaccordent surle fait que ce marcheacute est promis agrave un bel avenir et Sanyo y occupe une position forte (elledeacuteveloppe deacutejagrave des batteries hybrides pour Ford Motors et Honda Motors) Panasonicpourrait donc prendre une longueur drsquoavance sur ses concurrents directs sur ce segmentdrsquoautant que Panasonic a creacuteeacute une co-entreprise avec Toyota Comme le souligne cetanalyste laquo quand la demande en veacutehicules hybrides et eacutelectriques deacutecollera Panasonic etSanyo seront loin devant tout le monde raquo Mais lrsquointeacuterecirct de Panasonic pour Sanyo provienteacutegalement de son expertise dans les domaines des cellules photovoltaiumlques un segmentde marcheacute consideacutereacute comme prometteur Sanyo y occupe la troisiegraveme place avec la produc-tion du monocristallin et affiche une preacutevision de croissance de 30 par anSi cette OPA venait agrave aboutir la marque Sanyo serait conserveacutee et lrsquoentreprise deviendraitune filiale de Panasonic Corporation Une fois les deux entreprises reacuteunies le groupe repreacute-senterait un chiffre drsquoaffaires de pregraves de 12 000 milliards de yens comme le montre letableau suivant

Cette OPA reste cependant conditionneacutee par lrsquoaccord des trois principaux actionnaires deSanyo les groupes financiers japonais Sumitomo Mitsui Banking Corporation et DaiwaSecurities SMBC ainsi que le groupe ameacutericain Goldman Sachs Leurs participations repreacute-sentent en effet pregraves de 70 du capital de Sanyo

Agrave partir de laquo Panasonic-Sanyo un rapprochement logique pour donnernaissance agrave un nouveau champion raquo Les Eacutechos 4 novembre 2008

wwwpanasonicfr wwwsanyofr et wwwsanyocom

Tableau 12 mdash Les chiffres clefs de Sanyo et de Panasonic(milliards de yens exercice clos au 31 mars 2008)

Sanyo Panasonic

Chiffre drsquoaffaires Chiffre drsquoaffaires

04-05 05-06 06-07 07-08 04-05 05-06 06-07 07-08

2 485 2 397 2 215 2 018 8 714 8 894 9 108 9 069

Reacutesultat net Reacutesultat net

04-05 05-06 06-07 07-08 04-05 05-06 06-07 07-08

(171) (206) (45) 29 58 154 217 282

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Enfin la croissance partageacutee ou conjointe deacutesigne une situation dans laquelle deuxou plusieurs entreprises mettent en commun certaines ressources et compeacutetences envue de se deacutevelopper respectivement Elle se concreacutetise par la formation drsquoalliancesstrateacutegiques entre concurrents ayant des inteacuterecircts communs agrave la reacuteussite drsquoun projet(lancement drsquoun nouveau produit implantation agrave lrsquoeacutetranger deacuteveloppement drsquounetechnologiehellip) Ce faisant la croissance conjointe permet notamment aux acteursconcerneacutes drsquoacceacuteder agrave des ressources et compeacutetences agrave moindre coucirct de partager lesinvestissements et de limiter les risques financiers lieacutes au projet parfois drsquoapprendrede son partenaire de contourner certaines barriegraveres agrave lrsquoentreacutee et de disposer drsquounecertaine souplesse de deacuteveloppement (lieacutee agrave la plus grande reacuteversibiliteacute des choix)Mais la croissance partageacutee preacutesente certaines difficulteacutes relatives aux modaliteacutes defonctionnement dans le cadre de lrsquoalliance ndash la reacutepartition des rocircles les processusdeacutecisionnels lrsquoeacutevolution de lrsquoalliance les modaliteacutes de sortiehellip constituent desaspects susceptibles drsquoengendrer lrsquoeacutechec de lrsquoalliance De mecircme les acteurs doiventse preacutemunir des risques de captation de certaines compeacutetences et drsquoasymeacutetriedrsquoapprentissage ndash lrsquoapprentissage peut ecirctre plus favorable agrave lrsquoun des partenaires

Repegraveres Lrsquoalliance entre PSA et Toyota

Agrave Kolin agrave une cinquantaine de kilomegravetres de Prague Toyota Peugeot Citroeumln Automobile(TPCA) inaugure au printemps 2005 une usine commune drsquoougrave sortent depuis 2006300 000 petites berlines par an des Peugeot 107 Citroeumln C1 et Toyota Aygo Les parte-naires se disent particuliegraverement satisfaits de cette collaboration entameacutee en 2000En effet lrsquoun des segments qui connaicirct la plus forte croissance dans le secteur automobileest celui des petites citadines bien qursquoil srsquoagisse drsquoun segment eacuteconomique pour lequel lesprix de vente doivent ecirctre bas ce qui entraicircne des marges faibles Le deacutefi qui se preacutesentealors aux constructeurs est de rendre profitable ces veacutehicules Ce pari est drsquoautant plusdifficile agrave relever que les consommateurs demandent le mecircme niveau de haute technolo-gie que pour les autres cateacutegories de veacutehicules Les constructeurs nrsquoont donc pas fait decompromis sur la qualiteacute de construction des composants ou sur la seacutecuriteacute ainsi quelrsquoatteste lrsquoobtention de quatre eacutetoiles au test Euro-NCAPAu regard de ces contraintes le premier levier de compression des coucircts est de choisir unlieu de production agrave faibles coucircts salariaux la Reacutepublique tchegraveque Le choix de Kolin nrsquoestpas le fruit du hasard ce pays reste empreint de sa tradition dans le secteur des fabrica-tions meacutecaniques dont Skoda fut lrsquoun des fleurons La disponibiliteacute de la main-drsquoœuvrerecruteacutee est apparue assez inteacuteressante pour prendre le risque de retrouver un savoir-fairegarantissant un niveau de qualiteacute reacutepondant aux critegraveres actuels de lrsquoindustrie automo-bile Les dirigeants de cette nouvelle usine lrsquoont compris et placent la barre assez haut enmatiegravere de formation Lrsquoautre facteur justifiant cette implantation est la localisationgeacuteographique au centre de lrsquoEurope ce qui permet de livrer efficacement lrsquoEurope delrsquoOuest et lrsquoEurope centrale

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Les objectifs des partenairesPSA est coutumier des alliances ponctuelles avec des concurrents Ford BMW pourlrsquoeacutelaboration de moteurs par exemple Il srsquoagit pour Jean-Martin Folz alors PDG de PSA delaquo deacutegager des formules qui apportent les volumes assurant la meilleure rentabiliteacute raquo Eneffet pour Denis Duchesne responsable du projet chez PSA laquo la taille critique pour uneuniteacute de production est aujourdrsquohui de 300 000 voitures par an raquo Sur le segment viseacute ditlaquo sub-B raquo laquo aucune marque ne peut preacutetendre eacutecouler plus de 150 000 exemplaires drsquoougravela neacutecessiteacute de se mettre agrave deux raquo En solitaire ce genre drsquoinvestissement aurait coucircteacute50 de plus Lrsquoinvestissement en recherche et deacuteveloppement et en implantation indus-trielle srsquoeacutelegraveve agrave 13 milliard drsquoeuros ce qui repreacutesente vraisemblablement une chargedrsquoamortissement tournant autour de 500 euros par voiture produite Cela permet deproposer les versions de base sous la barre des 9 000 euros Les analystes pensent que lespartenaires sont susceptibles de reacutealiser un profit opeacuterationnel de 3-4 pour leur veacutehiculeconstruit en commun agrave comparer avec la moyenne de leurs concurrents qui srsquoeacutetablit agrave 1-2 sur des modegraveles similairesPour Toyota lrsquoalliance est plus inhabituelle mais cette action commune srsquoavegravere avanta-geuse Pour Tetsuya Yamada un des cadres deacutetacheacutes en Reacutepublique tchegraveque par le cons-tructeur nippon laquo Nous deacutecouvrons beaucoup de choses sur le savoir-faire de lrsquoautre agravetravers cette coopeacuteration Toyota est toujours un acteur mineur en Europe et nous appre-nons agrave y deacutevelopper une activiteacute plus large raquo Cette implantation lui apporte des capaciteacutesde production qui lui permettront de reprendre pied sur le marcheacute des petites voituresEacutegalement cette action conforte la volonteacute du constructeur japonais de se donner unprofil europeacuteen Cette usine partageacutee avec PSA srsquoinscrit en effet dans une strateacutegiecommerciale et industrielle bien plus vaste que ce que peut repreacutesenter lrsquoAygo produite agraveKolin Elle srsquoajoute agrave ses installations britanniques dont sortent ses Avensis et ses Corollaaux installations franccedilaises avec lrsquousine de Valenciennes produisant les Yaris agrave son usineturque qui produit notamment des Verso ou encore agrave ses usines polonaises de moteurs etde transmissions Le tout eacutetant superviseacute par son eacutetat-major europeacuteen et par son centre derecherche et deacuteveloppement installeacutes en peacuteripheacuterie bruxelloisePartenaires les constructeurs nrsquoen demeurent pas moins concurrents Lrsquousine communeproduit les Peugeot 107 Citroeumln C1 et Toyota Aygo au rythme de 100 000 uniteacutes parmarque chacune ayant une totale autonomie quant agrave sa strateacutegie commerciale (prixservice apregraves-vente etc) Par exemple en France Toyota propose ses Aygo avec une garan-tie de 5 ans alors que les marques de PSA se contentent drsquooffrir 3 ans Les veacutehicules sontclairement similaires puisqursquoils partagent 90 des composants mais les constructeursont pris soin de styliser les veacutehicules afin qursquoils puissent ecirctre rattacheacutes par le consomma-teur agrave chacune des marques Les veacutehicules sont issus du mecircme programme de conceptionils sont techniquement identiques La planche de bord et les motorisations sont les mecircmes(1 l essence et 14 l diesel) Certaines parties du veacutehicule sont deacutecomposeacutees sous forme demodules indeacutependants Ainsi la deacutecoupe des portes arriegravere les feux le bouclier et la calan-dre sont produits sous forme de modules qui permettent de diffeacuterencier les veacutehicules aumoment de lrsquoassemblage final

La reacutepartition des tacircches au sein de lrsquoallianceApregraves bien des reacuteflexions au siegravege des deux constructeurs les deux parties ont eacutelaboreacute uncahier des charges qui fixe la reacutepartition des tacircches Toyota deacutefinissait la base de la voiture et

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

deacuteveloppait lrsquousine PSA eacutetait en charge du choix des fournisseurs PSA a utiliseacute son reacuteseaude fournisseurs europeacuteens et les a convaincus de srsquoimplanter agrave proximiteacute du site de KolinToyota recevait une reacutemuneacuteration de son partenaire franccedilais qui a consacreacute six fois moinsde moyens que lui en termes humains Les partenaires partageaient en revanche agrave 5050les travaux de conception et de deacuteveloppement du programme (700 agrave 750 millionsdrsquoeuros) de mecircme que le capital de la socieacuteteacute tchegraveque locale TPCA (agrave nouveau 700 millionsdrsquoeuros) Enfin PSA se reacuteserve la majoriteacute des voitures produites agrave Kolin (100 000 par anpour Peugeot et autant pour Citroeumln) les 100 000 exemplaires restants revenant agrave ToyotaMais au-delagrave de ces regravegles de lrsquoalliance laquo le pilotage des grands choix srsquoest fait encommun il nrsquoy a aucune caracteacuteristique fondamentale de cette voiture que nous nrsquoayonsdeacutecideacutee ensemble raquo estime Denis Duchesne La soixantaine drsquoingeacutenieurs PSA affecteacutes auprojet agrave Carriegraveres-sous-Poissy (Yvelines) a multiplieacute les eacutechanges avec leurs homologuesjaponais que ce soit les sept membres deacutetacheacutes en France par Toyota ou les eacutequipes dusiegravege pregraves de Nagoya joignables agrave tout moment par videacuteoconfeacuterence ou en se rendant surplace Si Denis Duchesne loue les qualiteacutes de ses partenaires asiatiques laquo des gens rigou-reux structureacutes de grands professionnels raquo il rappelle eacutegalement la faccedilon dont PSAconccediloit ses coopeacuterations limiteacutees agrave des projets preacutecis sans aucune vocation agrave deacuteboucher agraveterme sur de grands mariages laquo On ne travaille pas sur des affiniteacutes Ce sont des contratsLa force des coopeacuterations crsquoest de rester modeste raquo Malgreacute lrsquoeacutetroite imbrication des eacutequi-pes franccedilaises et japonaises chargeacutees du projet laquo B zeacutero raquo il est peu surprenant que PSA aitchoisi pour recevoir ses partenaires un bacirctiment agrave part clairement seacutepareacute des bureauxdrsquoeacutetudes ougrave srsquoeacutelaborent les autres voitures du groupe franccedilais

La recherche de lrsquoefficienceLrsquoinstallation de lrsquousine TPCA a entraicircneacute une augmentation significative du nombre defournisseurs en Reacutepublique tchegraveque 80 en volume et en valeur des composants estfabriqueacute en Reacutepublique tchegraveque Selon Masatake Enomoto preacutesident de TPCA laquo le plusgros avantage dont nous disposons ici est la base fournisseurs implanteacutee en Tcheacutequie raquoCette base permet agrave Toyota drsquoappliquer son systegraveme de lean production le laquo ToyotaProduction System (TPS) raquo agrave lrsquoorigine drsquoun haut niveau drsquoefficience des opeacuterations quiconduit agrave un temps de fabrication du veacutehicule de 10 heures Selon les analystes Kolin estune usine typiquement Toyota Les principes de production efficiente que Toyota a eacutetablisdepuis des anneacutees de pratiques ont eacuteteacute impleacutementeacutes entiegraverement agrave TPCA ce qui inclut leKaizen (ameacutelioration continue) le Jidoka (formulation de problegravemes et repeacuterage delrsquoendroit ougrave ils apparaissent) et la livraison en juste agrave temps De plus la plupart des eacutequipe-ments de fabrication proviennent du Japon Selon Toyota le temps de changement desoutils est un des plus rapides drsquoEurope Le site avanceacute fournisseur est particuliegraverement effi-cace lrsquoarchitecture ayant eacuteteacute penseacutee pour assurer lrsquointerconnexion entre le constructeur etles fournisseurs Ceci permet notamment drsquoappliquer les principes de juste agrave temps Envolume de production de croisiegravere 200 camions par jour livrent le site en composantsConformeacutement aux principes du Jidoka fixer les problegravemes lagrave ougrave ils apparaissent la lignede production est organiseacutee en petites aires indeacutependantes de sorte que si un opeacuterateurnote un problegraveme et est conduit agrave arrecircter la ligne de production cela nrsquoaffecte pas tout lesite de production

Extrait de GRANDVAL S et BUENO MEacuteRINO P laquo Les alliances coopeacutereravec la concurrence raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Management strateacutegique 2

concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Pour conclure le manager dirigeant a un rocircle de strategravege Il analyse le contexteconcurrentiel dans lequel opegravere la firme (modegraveles des cinq forces et des groupesstrateacutegiques) diagnostique les actifs et les meacutecanismes internes drsquoeacutelaboration delrsquooffre de lrsquoentreprise (chaicircne de valeur et approche par les ressources et compeacuteten-ces) deacutefinit une strateacutegie compeacutetitive de nature agrave surpasser la concurrence (domina-tion par les coucircts diffeacuterenciation concentration) et fixe les orientations(confortement deacuteveloppement de produitsservices deacuteveloppement de marcheacutesetou de clients et diversification relieacutee et non relieacutee) et les modaliteacutes de deacuteveloppe-ment (croissances interne externe et conjointe)

Il doit ensuite srsquoassurer de la mise en œuvre des choix strateacutegiques Pour mettre enœuvre le deacuteploiement les managers intermeacutediaires ayant la responsabiliteacute des diffeacute-rentes fonctions prennent le relais et assument la gestion opeacuterationnelle Si la strateacute-gie constitue le cadre inteacutegrateur chaque fonction contribue agrave sonopeacuterationnalisation Pour cette raison il est fondamental de comprendre quelles sontles missions essentielles de chaque fonction En reacutefeacuterence agrave la chaicircne de valeur(preacutesenteacutee plus haut) nous proceacutedons agrave leur analyse en distinguant les activiteacutes prin-cipales et les activiteacutes de soutien

LES FONCTIONS PRINCIPALES

Selon Porter (1986) une entreprise doit avant tout assurer un ensemble drsquoactiviteacutesprincipales comme la logistique la production et le marketing Ces fonctionspeuvent ecirctre consideacutereacutees comme des activiteacutes opeacuterationnelles car elles contribuentdirectement agrave la creacuteation mateacuterielle du produit sa vente et son transport jusqursquoauclient Agrave lrsquoeacutevidence cette typologie est agrave nuancer En effet elle peut ecirctre valablepour une entreprise industrielle mais ne lrsquoest plus pour une firme dont le meacutetier estpar exemple drsquoinventer et de commercialiser des brevets Dans ce cas la rechercheet le deacuteveloppement constituerait une activiteacute principale Dans ce qui suit nouspreacutesentons de faccedilon syntheacutetique les missions essentielles des fonctions logistiquemarketing et production

1 La logistique

La logistique consiste pour une firme agrave acheminer les produits (semi-finismatiegravere premiegravere) de ses fournisseurs vers ses sites de production (logistiqueamont) Une fois fabriqueacutes les produits doivent parvenir jusqursquoaux bases logistiqueset points de vente afin drsquoecirctre acheteacutes par les clients (logistique aval) Afin de limiterles coucircts de cette activiteacute drsquoobtenir les produits dans les deacutelais preacutevus en quantiteacute eten qualiteacute requise lrsquoentreprise doit parvenir agrave assurer une coordination optimaleentre les diffeacuterents acteurs (amont et aval) de sa chaicircne logistique Celle-ci consiste

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donc agrave geacuterer des flux physiques et informationnels entre une entreprise et de multi-ples acteurs fournisseurs et clients Et lorsque lrsquoentreprise intervient sur le territoiremondial et compte plusieurs milliers de partenaires la logistique constitue une acti-viteacute deacutecisive pour la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise

Au cours des anneacutees le rocircle de la logistique dans lrsquoentreprise a consideacuterablementeacutevolueacute elle est devenue un facteur de diffeacuterenciation car elle peut permettre agrave uneentreprise de livrer ses clients dans des deacutelais infeacuterieurs agrave ceux de ses concurrentsde reacutepondre agrave une demande urgente de livrer un client situeacute dans une zone geacuteogra-phique lointainehellip De mecircme la maicirctrise de la logistique est eacutegalement source dedomination des coucircts Certaines entreprises peuvent abaisser le coucirct de leursproduits gracircce agrave des coucircts logistiques bien maicirctriseacutes Le projet Nouvelle Distributiondans lequel srsquoest engageacute Renault en 2000 en est un bon exemple En effet alors quele client devait patienter en moyenne entre six et huit semaines pour un veacutehiculeRenault srsquoengageait agrave livrer ses clients en quinze jours et ainsi devenir le seul cons-tructeur agrave proposer ce service Crsquoest aussi une source drsquoeacuteconomie puisque LouisSchweitzer preacutevoyait une eacuteconomie drsquoenviron 1 200 euros par voiture

En vue drsquoassurer une gestion des flux physiques et drsquoinformations visant agrave satis-faire aux exigences des clients et agrave en reacuteduire les coucircts le responsable de la logisti-que gegravere une chaicircne qui part des fournisseurs (amont) et srsquoeacutetend jusqursquoauxdistributeurs voire aux clients directs La politique logistique consiste donc enpremier lieu agrave deacutefinir le mode de transport des marchandises (train avion bateau etcamion) Ensuite elle vise agrave deacutefinir le niveau de stock rechercheacute (eacuteleveacute ou mini-mum) la localisation et le nombre des sites de production et drsquoentreposage et enfinlrsquoeacutequipement technologique et informatique Sur ce point les avanceacutees significativesdes technologies informatiques ont permis des progregraves consideacuterables de lrsquoefficaciteacutelogistique Agrave titre drsquoexemple lrsquoEDI (eacutechange de donneacutees informatiseacute) autorise latransmission de documents commerciaux (factures commandes avis de regraveglement)habituels dans un format standard drsquoun ordinateur agrave un autre Utiliseacute par exempledans la grande distribution il permet agrave un point de vente drsquoecirctre connecteacute agrave un four-nisseur Gracircce agrave ce systegraveme le client passe commande agrave son fournisseur qui peutconnaicirctre en temps reacuteel le niveau de stock de ses produits Il peut ainsi deacuteclencher lalivraison Cela limite le temps passeacute agrave effectuer les commandes reacuteduit les deacutelais depassation drsquoune commande eacutevite au distributeur de disposer de stock et reacuteduit lescoucircts de la logistique

Repegraveres La logistique au cœur du modegravele Zara

Zara est lrsquoune des entreprises de mode les plus performantes au monde En 2005 sesventes augmentaient de 21 permettant agrave lrsquoentreprise de reacutealiser un chiffre drsquoaffaires deplus de 8 milliards de dollars En 2000 Zara implantait un nouveau point de vente toutesles trois semaines Et ce alors que ses concurrents ndash notamment le sueacutedois H amp M ndash affi-chaient des performances leacutegegraverement moindres et se deacuteveloppaient agrave un rythme moinsrapide Zara est ainsi devenu en quelques anneacutees le premier groupe textile europeacuteen et le

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Dans lrsquoentreprise la fonction logistique srsquoavegravere eacutetroitement lieacutee agrave la productionEn effet les produits (matiegravere premiegravere et produits semi-finis) des fournisseurs sontachemineacutes vers les sites de production pour que soient livreacutes aux clients les produitsfinis de lrsquoentreprise La production se trouve donc agrave lrsquointersection de la logistiqueamont et aval Analysons en les caracteacuteristiques essentielles

second sur le plan mondial Creacuteeacutee en 1975 agrave La Corogne en Espagne par Amancio OrtegaZara est aujourdrsquohui une filiale du groupe Inditex groupe qui possegravede eacutegalement lesmarques Massimo Dutti Pull and Bear Stradivarius Oysho Zara Home Uterqueuml et Bers-hka Agrave lrsquoorigine fabricant de vecirctements et notamment de pyjama pour femme AmacioOrtega ouvre son premier magasin en 1975 Aujourdrsquohui Zara conccediloit fabrique et distribuedes vecirctements pour femmes hommes et enfants dans 72 pays et 1 530 magasins et srsquoestreacutecemment diversifieacute dans la deacutecoration drsquointeacuterieur avec Home ZaraLa strateacutegie principale de Zara repose sur le renouvellement des collections tous les quinzejours et ce alors que la plupart des concurrents creacuteent une collection par an Une tellecompeacutetence srsquoexplique notamment par une organisation logistique infaillible Et afindrsquooptimiser les processus logistiques Zara a fait le choix de construire une chaicircne de valeurinteacutegreacutee et de centraliser les activiteacutes de lrsquoentreprise autour du siegravege agrave la Corogne Ainsicrsquoest agrave la Corogne que travaille une eacutequipe de 120 stylistes en relation eacutetroite avec lrsquoeacutequipemarketing afin de concevoir les modegraveles de laquo demain raquo De mecircme alors que bien desconcurrents recourent agrave lrsquoexternalisation etou agrave la deacutelocalisation de la production Zarapossegravede ses propres usines de fabrication et fabrique agrave proximiteacute de ses bases Eacutegalementle centre logistique central de Zara est situeacute en Espagne ndash drsquoune surface de 400 000 m2crsquoest lrsquoun plus grand au monde On compte aussi deux centres logistiques suppleacutementairesagrave Arteixo et agrave Saragosse Plus de 120 millions drsquouniteacutes y sont expeacutedieacutees par camion et paravion chaque anneacutee vers les points de vente Ces plates-formes assurent eacutegalementlrsquoentreposage des matiegraveres premiegraveres et des prototypes le controcircle qualiteacute le repassagelrsquoemballage et lrsquoeacutetiquetage des produits Le succegraves de Zara provient enfin drsquoune communi-cation continue entre toutes les fonctions dans lrsquoentreprise ndash siegravege design usines et maga-sins ndash gracircce agrave un systegraveme drsquoinformation totalement informatiseacuteLa proximiteacute entre les sites et les liens informatiques assurent ainsi une reacuteelle efficaciteacutelogistique Celle-ci permet de suivre les tendances de la mode et drsquoecirctre constamment agravelrsquoaffucirct de nouvelles creacuteations et confegravere une flexibiliteacute en termes de conception et deproduction des vecirctements ndash par exemple lrsquoeacutequipe de design adapte les modegraveles en fonc-tion des ventes reacutealiseacutees et la production (teinture et impression) peut se faire au derniermoment selon les exigences changeantes de la clientegravele Elle rend eacutegalement possiblelrsquoapprovisionnement des points de vente dans des deacutelais tregraves courts et la livraison des lotsde vecirctements en petite quantiteacute permettant ainsi aux magasins de limiter leur stock etdisposer de davantage drsquoespace pour la preacutesentation et la mise en valeur des vecirctementspour lrsquoessayagehellip Enfin les produits invendus sont retourneacutes au siegravege agrave la Corogne qui lesreacuteexpeacutedie dans des pays ougrave ils sont plus susceptibles de se vendre

Agrave partir de wwwzaracom

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2 La production

La production repreacutesente le processus de transformation gracircce aux moyenshumains et techniques des matiegraveres premiegraveres et des composants en produits ouservices finis Elle a pour objectif de fabriquer des quantiteacutes variables de produitsetou services diffeacuterents (flexibiliteacute) agrave des coucircts les plus faibles possibles (producti-viteacute) dans des deacutelais rapides (reacuteactiviteacute) et agrave un niveau de qualiteacute optimal Ces diffeacute-rents impeacuteratifs sont cependant souvent difficiles agrave concilier Pour ce faire lafonction de production recouvre deux grandes techniques la meacutethode push et lameacutethode pull

21 La meacutethode push

Traditionnellement les entreprises fonctionnent selon la meacutethode push Lrsquoentre-prise planifie un volume de production annuel selon un preacutevisionnel de ventespreacutevoit de srsquoapprovisionner en ressources (matiegraveres premiegraveres machines et main-drsquoœuvre) assure le stockage des matiegraveres deacuteclenche la fabrication en veillant aurespect des meacutethodes et standards de production puis elle stocke et met sur lemarcheacute les produits fabriqueacutes Le systegraveme consiste agrave pousser le produit jusqursquoauclient Lrsquoefficaciteacute de cette deacutemarche reacuteside dans lrsquoanticipation des ventes et lrsquoopti-misation des ressources exploiteacutees pour reacuteduire les coucircts de stockage des marchan-dises et de main-drsquoœuvre La difficulteacute consiste agrave geacuterer les fluctuations du marcheacutecrsquoest-agrave-dire agrave faire varier les ressources de production (hommes et matiegraveres) Eneffet si les ventes sont mal anticipeacutees lrsquoentreprise va stocker et en supporter lescoucircts De mecircme elle ne pourra pas optimiser le besoin en personnel et devra recou-rir agrave lrsquointeacuterim ou agrave des CDD pour supporter les variations du marcheacute

Face aux difficulteacutes des systegravemes classiques (stocks eacuteleveacutes difficulteacutes de preacutevi-sionhellip) Toyota conseilleacutee par un ingeacutenieur Taiumlchi Ohno a inventeacute le systegraveme JIT(Just in Time) Celui-ci englobe de nombreuses dimensions qui en font une veacuteritablephilosophie de gestion de lrsquoentreprise dont les principales sont les flux tireacutes par lademande des tailles de lots reacuteduites des liens eacutetroits avec les fournisseurs unemaintenance preacuteventive la flexibiliteacute de la main-drsquoœuvre la recherche systeacutematiquede qualiteacutehellip Elle se traduit par une logique de production de type pull

22 La meacutethode pull

Au cœur du JIT se trouve le systegraveme agrave flux tendus ou tireacutes par la demande(meacutethode pull) Il consiste agrave inverser la logique de production Celle-ci nrsquoest deacuteclen-cheacutee que lorsque le produit est vendu ce qui permet drsquoeacuteviter la preacutevision des ventesde limiter tous les stocks en achetant les composants en quantiteacute utile et doncdrsquoameacuteliorer la productiviteacute Pour fonctionner efficacement le JIT impose cependantdes relations eacutetroites avec les fournisseurs Se nouent ainsi des accords de coopeacutera-

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tion dans le cadre desquels des engagements mutuels sont pris Les fournisseurssrsquoengagent agrave assurer des livraisons freacutequentes (parfois plusieurs fois par jour) unequaliteacute stable des deacutelais courts agrave reacuteduire les coucircts agrave ecirctre force de proposition agravesrsquoimplanter agrave proximiteacute des usines des clientshellip De son cocircteacute lrsquoentreprise srsquoengagesur des volumes annuels agrave prix constant Elle octroie aussi parfois des precircts et joueun rocircle de conseiller (technique organisationnelhellip) Ces engagements mutuelssupposent des relations durables remplaccedilant ainsi le systegraveme drsquointerchangeabiliteacutedes fournisseurs dans le cadre duquel les fournisseurs sont seacutelectionneacutes sur le critegravereexclusif du prix et pour une dureacutee limiteacutee agrave une commande

Repegraveres Le JIT de Dell

Dell Computer Corporation a eacuteteacute fondeacutee en 1984 par Michael Dell avec une ideacuteelaquo simple raquo vendre directement aux entreprises des PC des serveurs des ordinateursportables personnaliseacutes et plus reacutecemment des PDA des lecteurs MP3 des teacuteleacuteviseursLCDhellip Et ce concept a fait le succegraves de Dell et lrsquoa propulseacute au rang de numeacutero un mondialdes assembleurs de PC devant Hewlett Packard-Compaq IBM et Fujitsu-Siemens Dellreacutealise ainsi plus de un million de dollars de chiffre drsquoaffaires par jour obtient des margesbeacuteneacuteficiaires tregraves au-dessus de celles de ses concurrents et vend via son site Web plus de30 millions de produits par jour agrave des clients professionnels et particuliers du mondeentierLe succegraves de Dell tient agrave une offre personnaliseacutee et agrave des prix entre 10 et 15 infeacuterieurs agraveceux des concurrents Ainsi avant que Dell nrsquoentre sur le marcheacute informatique les consom-mateurs achetaient leurs eacutequipements dans des magasins ce qui leur permettait detoucher drsquoessayer et enfin de choisir leur PC Dell a mis fin agrave cette interaction physiqueentre les clients et les produits et leur a offert la possibiliteacute de personnaliser leurs eacutequipe-ments ndash les consommateurs disposent drsquoun vaste choix en termes de caracteacuteristiques etpeuvent acheter un ordinateur sur-mesure ndash et de les acqueacuterir agrave un prix tregraves attractifLa capaciteacute de lrsquoentreprise agrave personnaliser son offre et la vendre agrave un prix plus bas parrapport aux concurrents provient drsquoune organisation de la production en JIT (les produitsne sont assembleacutes qursquoagrave partir du moment ougrave ils sont commandeacutes) et drsquoune distributiondirecte via son site Web Ainsi agrave partir du moment ougrave un client passe commande drsquoun PCpersonnaliseacute via Internet il faut agrave peine 36 heures agrave Dell pour le fabriquer et le livrer Lemodegravele JIT de Dell rend possible la production de plus de 2 000 ordinateurs uniques etcustomiseacutes toutes les deux heures et permet eacutegalement de limiter le temps de stockageDrsquoailleurs le stock ne repreacutesente que 5 jours de vente (il est de 42 jours chez HewlettPackard-Compaq) ce qui constitue une eacuteconomie de coucircts et drsquoespace physique consideacutera-bleLe JIT repose sur une actualisation constante des ventes reacutealiseacutees via Internet et des rela-tions eacutetroites entre les sites drsquoassemblage de Dell et ses fournisseurs majeurs Ainsi les33 principaux fournisseurs ndash ils repreacutesentent 90 des achats de composants de Dell ndash ontaccegraves au site de Dell ce qui leur permet drsquoavoir une information continue des ventes et dereacuteassortir dans les meilleurs deacutelais De mecircme Dell impose que les composants des fournis-seurs soient entreposeacutes agrave moins de 15 minutes de route de ses usines drsquoassemblage ndash elles

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Au-delagrave des aspects techniques de production le systegraveme JIT repose sur unedimension plus philosophique la recherche constante de la qualiteacute Le TQM (TotalQuality Management) vise ainsi agrave diffuser une deacutemarche qualiteacute agrave lrsquoensemble delrsquoentreprise Lrsquoambition du TQM est lrsquoexcellence qualiteacute dans tous les domaines delrsquoentreprise Elle correspond aux fameux laquo 0 deacutefaut 0 deacutelai 0 stock 0 papier et0 retour raquo Son efficaciteacute repose sur lrsquoimplication de tous les salarieacutes et leur contri-bution systeacutematique agrave lrsquoameacutelioration continue Ainsi lorsque les acteurs inteacuteriori-sent le Kaizen (progregraves continu) ils le mettent en application quotidiennement

se situent agrave Austin (Texas) Limerick (Irlande) et Penang (Malaisie) ndash ce qui limite les tempsdrsquoassemblage des PC Dell entend ainsi que ses fournisseurs soient en mesure de livrer lescomposants en 90 minutes agrave partir du moment ougrave la commande est passeacutee Agrave titre decomparaison le reacuteassortiment des stocks srsquoeffectue en moyenne en 15 heures chezHewlett-Packard-Compaq et en 2 jours chez Gateway ou IBM Avec de tels deacutelais il sepasse agrave peine entre 4 et 6 heures entre lrsquoarriveacutee des composants et la sortie de lacommande de lrsquousine drsquoassemblageLe JIT fait deacutesormais partie des valeurs de Dell Il se concreacutetise par cinq principes reacuteguliegravere-ment rappeleacutes aux salarieacutes et aux fournisseurs laquo Pick Pack Press Place and Press raquo etlaquo Sort Set Shine Standardize and Sustain raquo

Agrave partir de wwwdellcom et wwwinformationweekcom

Repegraveres Kaizen et Ideacutees concregravetes de progregraves chez Renault

La regravegle du zeacutero deacutefaut et le Kaizen se sont imposeacutes progressivement chez Renault Lrsquointro-duction de la qualiteacute correspond pour les salarieacutes agrave une transformation importante tant auniveau des produits de leur travail que des meacutethodes de management En effet celacorrespond agrave une prise en compte de leurs ideacutees et de leur potentiel creacuteatif Raymond Leacutevysuccesseur de Georges Besse agrave la direction de Renault reacutesume ainsi la transition laquo Autrefois on disait agrave un ouvrier tu as une ideacutee Tais-toi ce nrsquoest pas ton meacutetier Main-tenant crsquoest le contraire tu as une ideacutee Laquelle Pourquoi as-tu cette ideacutee raquo (Loubet2001) Le personnel devient donc polyvalent laquo il doit assurer sur la chaicircne de montagedeux parfois trois tacircches diffeacuterentes Il doit srsquooccuper de la premiegravere maintenance Crsquoest luiqui entretient son outil le surveille Crsquoest lui qui deacutetecte les pannes simples parfois mecircmeles reacutepare raquo (Loubet 2000) Pour soutenir cet enrichissement du travail la formationdevient un investissement strateacutegique au cœur de cette modernisation Ainsi en 1989 leslaquo Accords agrave vivre raquo sont signeacutes Ces derniers formalisent un compromis social enlrsquoeacutechange de lrsquoimplication du personnel dans lrsquoameacutelioration des performances la directionsrsquoengage sur un enrichissement du travail une mise en place de carriegraveres ainsi qursquounpartage des profitsMais lrsquousine nrsquoest pas seule concerneacutee par cet inteacuterecirct nouveau pour la creacuteativiteacute tous lesniveaux de lrsquoorganisation sont mobiliseacutes Si lrsquoouvrier doit repeacuterer le deacutefaut et le corri-ger lrsquoensemble du personnel est eacutegalement inciteacute agrave proposer des axes de progression

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La fonction de production a donc pour mission drsquoassurer la mise sur le marcheacute desproduits et des services de haute qualiteacute dans des deacutelais reacuteduits et agrave des coucircts opti-mum Pourtant agrave quels clients les vendre Comment les seacuteduire Tels sont lesenjeux de la fonction marketing

3 Le marketing

Le marketing se deacutefinit comme un ensemble de techniques et drsquooutils permettantdrsquoidentifier les besoins actuels et futurs des clients et drsquoadapter en conseacutequencelrsquooffre de lrsquoentreprise Son rocircle est drsquoabord drsquoidentifier des cateacutegories de clientshomogegravenes ce qursquoon appelle des segments Lrsquoentreprise pourra alors choisir de seconcentrer (ou non) sur certains drsquoentre eux Ce faisant elle cible les couplesproduitsmarcheacute (CPM)

les Ideacutees concregravetes de progregraves (ICP) laquo Les ICP sont des actions de progregraves remarquablespour lrsquoinitiative ou la creacuteativiteacute mise en œuvre Ces actions de progregraves peuvent ecirctre le reacutesul-tat de ldquosuggestions spontaneacuteesrdquo de ldquochallengesrdquo lanceacutes au niveau local ou au niveau drsquoundeacutepartement drsquoune direction ou encore de reconnaissance a posteriori drsquoactions remar-quables Dans tous les cas les ldquoideacuteesrdquo sont appliqueacutees et valideacutees raquo (Rapport annuelRenault 2002) Les ICP sont donc la traduction du Kaizen (progregraves permanent) de lrsquousineElles concreacutetisent le sens de lrsquoinitiative et la creacuteativiteacute des membres de lrsquoentreprise Cettedynamique de progregraves et drsquoameacutelioration continue est geacuteneacuteraliseacutee aux eacutetablissementssusceptibles drsquoen tirer profit Ces suggestions sont reacutemuneacutereacutees et laquo les meilleures initiati-ves et innovations transfeacuterables sont capitaliseacutees raquo (Rapport annuel Renault 2000) Agravepropos des ICP Louis Schweitzer lors de la convention laquo Initiative et Creacuteativiteacute raquo enjuillet 2002 souligne laquo lrsquoanneacutee derniegravere nous avions conclu sur la neacutecessiteacute pour Renaultdrsquoecirctre dans tous les secteurs une entreprise apprenante et nous avions estimeacute qursquoil eacutetaitimportant de tirer parti de lrsquoexpeacuterience concregravete du terrain [hellip] parce que cette deacutemarche[hellip] est riche drsquoenseignements multiples La deacutemarche des ldquosuggestionsrdquo a eacuteteacute relanceacutee il ya douze ans maintenant pour promouvoir les capaciteacutes drsquoinitiative et de creacuteativiteacute person-nelles pour encourager lrsquoexpression des ideacutees pour faire de chaque homme et de chaquefemme de Renault un acteur creacuteatif de progregraves permanent de lrsquoentreprise raquo (Schweitzer inDocument interne Convention laquo Initiative et Creacuteativiteacute raquo 2002)Pour Schweitzer les ICP sont un vecteur drsquoapprentissage essentiel Elles permettent deprogresser en tirant des leccedilons de lrsquoexpeacuterience et des expeacuterimentations des laquo hommes deterrain raquo Pourtant lrsquointeacuterecirct des ICP est parfois contesteacute par les acteurs du terrain Les ICP(ou autres formes de Kaizen) ne sont en aucun cas la solution parfaite pour susciter lrsquoinitia-tive et la creacuteativiteacute

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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La strateacutegie marketing consiste donc agrave seacutelectionner des CPM puis agrave deacutefinir unmarketing mix adapteacute Celui-ci se compose de quatre dimensions le produit le prixla distribution et la publiciteacute

31 La politique du produit

La politique produit consiste drsquoabord agrave deacutefinir lrsquooffre Celle-ci concerne tant lesbiens tangibles (les produits) que les services La conception de lrsquooffre consiste leplus souvent agrave proposer agrave la clientegravele une combinaison de produits et de servicesCelle-ci peut ecirctre plus ou moins large (nombre de types de produits proposeacutes auxclients) profonde (nombre drsquoarticles offerts dans chaque gamme) et coheacuterente (lienentre les diffeacuterentes gammes quant agrave leur utilisation par les clients) Lrsquoassortimentdes produits nrsquoest toutefois jamais figeacute Lrsquoentreprise peut choisir de faire eacutevoluer sonoffre vers lrsquoentreacutee le milieu ou le haut de gamme Lrsquooffre doit ensuite ecirctre position-neacutee crsquoest-agrave-dire correspondre agrave une image dans lrsquoesprit du client Lrsquoentreprise doitcomprendre ce qursquoassocient les consommateurs aux produits concurrents pour srsquoendeacutemarquer Pour cela elle cherche agrave deacutefinir des eacuteleacutements de diffeacuterenciation commele service le conseil la formation le design la marquehellip

Repegraveres Zeebo la console de jeux videacuteo pour lespays eacutemergents

Tec Toy lrsquoex-leader du marcheacute des jeux videacuteo au Breacutesil a annonceacute le lancement de saconsole le Zeebo Les objectifs de Tec Toy sont drsquoune part de srsquoadresser agrave une clientegraveledont le niveau de revenu ne permet pas drsquoacheter les consoles de jeux des trois grandsacteurs que sont Sony Microsoft et Nintendo et drsquoautre part de neutraliser une pirateriegrandissante au Breacutesil Le Zeebo sera donc commercialiseacute deacutebut 2009 dans les pays eacutemer-gents avec la promesse de devenir le produit substitut des grands players du marcheacuteLrsquoentreprise espegravere ainsi retrouver son leadership au Breacutesil et conqueacuterir les pays eacutemergents

Tec ToyTec Toy eacutetait le leader du marcheacute des jeux videacuteos au Breacutesil durant la deacutecennie quatre-vingt-dix Lrsquoentreprise a connu des anneacutees prospegraveres avec des produits comme le Pense Bem unpetit jeu eacutelectronique de connaissances pour enfants et le Master System la console de jeuvideacuteo de Sega Lrsquoentreprise disposait drsquoailleurs drsquoune licence de distribution exclusive sur lemarcheacute Breacutesilien pour les produits de Seacutega Mais les difficulteacutes de lrsquoentreprise Sega ontpreacutecipiteacute celles de Tec Toy Sega a succombeacute aux innovations des concurrents et nrsquoa passuivi les deacuteveloppements techniques des nouvelles geacuteneacuterations de consoles Agrave la mecircmeeacutepoque le fondateur de Tec Toy deacuteceacutedait Srsquoest alors ouverte une egravere difficile pour Tec ToyEn 2003 le cours de son action chutait agrave 002 reais (la monnaie breacutesilienne ndash 1 euro vaut3 reacuteais) Il oscille aujourdrsquohui entre 014 et 020 reais ce qui sans ecirctre un cours exception-nel repreacutesente une croissance de plus 700 En 2007 lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeantFernando Fischer srsquoest traduite par une reacuteorganisation du portefeuille drsquoactiviteacute de lrsquoentre-prise et lrsquoouverture drsquoune usine aux Eacutetats-Unis Les efforts de restructuration ne se font pas

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Lrsquoentreprise doit aussi geacuterer la marque de ses produits La marque est ainsi lemoyen pour les consommateurs drsquoidentifier lrsquooffre drsquoune entreprise et de la diffeacuteren-cier de celle des concurrents Elle est un nom (Nike) une signature (Just Do Itpreacuteceacutedeacutee deacutesormais de I can) un logo (la virgule de Nike) ou une combinaison de

encore vraiment sentir en 2008 le reacutesultat net affichait une perte de 150 000 reais Maislrsquoanneacutee 2009 srsquoannonce prometteuse Le lancement du Zeebo devrait permettre de reposi-tionner Tec Toy sur le marcheacute des consoles de jeux

Le ZeeboLe projet Zeebo a coucircteacute 17 milliards de dollars Il a eacuteteacute financeacute par douze entreprises dontQualcomm une entreprise ameacutericaine Celle-ci dispose ainsi de 43 des actions de lafiliale de Tec Toy aux Eacutetats-Unis Zeebo Inc Crsquoest probablement le projet eacutelectronique leplus ambitieux reacutealiseacute hors du Japon puisqursquoil a eacuteteacute conccedilu en Californie et sera produit agraveSao Paulo au Breacutesil Lrsquoideacutee initiale consiste agrave proposer une console alternative aux consolesdes grands players (comme la Wii de Nintendo la PlayStation 3 de Sony ou la Xbox 360 deMicrosoft) Cette nouvelle console sera commercialiseacutee dans les marcheacutes eacutemergents auBreacutesil drsquoabord et ensuite en Ameacuterique du Sud et en Asie Avec plus drsquoun milliard drsquohabi-tants ces reacutegions sont consideacutereacutees comme de veacuteritables eldorados par Tec ToyLe Zeebo est une console de jeux videacuteo conccedilue pour les joueurs qui aimeraient avoir uneXbox ou une PlayStation mais qui nrsquoen ont les moyens financiers Zeebo srsquoadresse ainsi enprioriteacute aux enfants-adolescents acircgeacutes entre 10 agrave 13 ans des pays eacutemergents Cetteconsole aura des fonctionnaliteacutes similaires agrave une PlayStation 2 (ancienne geacuteneacuteration de laPlayStation) Son originaliteacute principale reacuteside dans lrsquoaccegraves aux jeux En effet les jeux pour-ront ecirctre teacuteleacutechargeacutes directement agrave partir de la console par le reacuteseau sans fil ZeeboNet 3GLe consommateur nrsquoaura ainsi pas besoin drsquoune connexion agrave Internet pour beacuteneacuteficier de ceservice Il lui faudra seulement connecter la console agrave la teacuteleacutevision et le Zeebo acceacutederaautomatiquement au reacuteseau ZeeboNet 3G Pour acheter les jeux le joueur devra cepen-dant avoir des Z-Credits la monnaie du Zeebo Z-Creacutedits qui seront laquo stockeacutes raquo dans laconsole Ces creacutedits peuvent ecirctre acheteacutes directement via la console ou sur le site Internetde lrsquoentreprise avec diffeacuterents moyens de paiement (carte bleue et cartes preacutepayeacutees) Cedispositif permet ainsi aux adolescents de choisir les jeux et aux parents de les payer letout du domicile Toutefois Zeebo installe gratuitement trois jeux sur la console et offretrois jeux suppleacutementaires disponibles sur le reacuteseau ZeeboNet 3G Parmi ces jeux gratuitson trouve notamment Need for Speed et Quake des classiques des anneacutees quatre-vingt-dix Les jeux proposeacutes par Zeebo sont deacuteveloppeacutes exclusivement pour cette plate-forme ndashles jeux de Zeebo ne peuvent ni ecirctre enregistreacutes ni transfeacutereacutes sur une autre console ce quidevrait neutraliser la piraterie ndash et sont vendus agrave un prix tregraves attractif 10 reais en moyenne(soit lrsquoeacutequivalent de 350 euros) Ces jeux seront tous en portugais Les deacuteveloppeurs dejeux ont fait savoir leur inteacuterecirct pour le projet et les jeux drsquoActivision Sega Namco CapcomEletronic Artshellip devraient enrichir la gamme La console quant agrave elle sera vendue agrave599 reais ou 200 euros un prix tregraves en deccedilagrave des consoles de jeux videacuteo laquo traditionnelles raquodisponibles actuellement au Breacutesil

Agrave partir de laquo Tec Toy mira Novo Mercado da Bovespa raquo Gazeta Mercantil13 juin 2008 wwwtectoycom et wwwzeebocom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

ces eacuteleacutements La marque ne se reacuteduit cependant pas agrave ces seuls eacuteleacutements car elle a uncontenu symbolique et eacutemotionnel La marque est un actif preacutecieux pour une entre-prise Elle peut avoir un capital de notorieacuteteacute (de nombreux consommateurs laconnaissent) et de valeur (les consommateurs lui associent des valeurs positives etdistinctives) Ce capital permet de fideacuteliser les clients et drsquoen attirer de nouveauxEnfin la politique produit doit se soucier du design et du conditionnement de lrsquooffrecar ils jouent un rocircle drsquoambassadeur du produit

32 La politique de prix

La politique de prix consiste agrave deacutefinir le prix lors du lancement du produit et agrave lemodifier au cours de sa vie Crsquoest une variable essentielle car elle deacutetermine les reve-nus de lrsquoentreprise

La fixation du prix peut se faire selon trois techniques principales La premiegravereconsiste pour lrsquoentreprise agrave connaicirctre parfaitement ses coucircts de revient pour fixer unprix qui permette de deacutegager une marge La seconde consiste agrave fixer le prix en fonc-tion drsquoun seuil psychologique En effet le consommateur va attribuer un rapportqualiteacute-prix et estimer le prix qursquoil est precirct agrave payer pour un produit En dessous drsquouncertain prix le produit sera consideacutereacute comme de mauvaise qualiteacute et au-delagrave commetrop cher Enfin la troisiegraveme technique consiste agrave connaicirctre les prix des produitsconcurrents afin de disposer drsquoune reacutefeacuterence

Les entreprises combinent geacuteneacuteralement les trois meacutethodes Pourtant lors dulancement drsquoun produit trois strateacutegies de prix sont possibles Elles correspondent agraveune anticipation sur la reacuteaction du marcheacute La strateacutegie de peacuteneacutetration consiste agravefixer un prix infeacuterieur agrave celui des concurrents Cette approche repose sur lrsquoideacutee queles clients achegraveteront en masse un produit dont les caracteacuteristiques sont similaires agravecelles des produits concurrents Le pari est de reacutealiser des marges unitaires faiblesmais un volume de vente important Ensuite la strateacutegie drsquoeacutecreacutemage consiste agrave fixerun prix supeacuterieur agrave celui des produits concurrents Lrsquoobjectif est de minimiser levolume de vente mais de le compenser par des marges unitaires eacuteleveacutees gracircce agrave uneoffre tregraves diffeacuterencieacutee La troisiegraveme strateacutegie de prix consiste agrave srsquoaligner sur lesconcurrents En fixant un prix identique lrsquoentreprise entend srsquoapproprier une partiede leurs clients et eacuteviter une lutte sur les prix

Cependant quelle que soit la strateacutegie adopteacutee le prix des produits eacutevolue Unehausse de prix peut se justifier lorsque le produit est relookeacute et que des innovationsont eacuteteacute apporteacutees ou en cas de forte hausse des coucircts Une baisse de prix est possibledans le cadre drsquoopeacuterations speacuteciales (promotions diverses client importanthellip) lors-que les concurrents ont des prix agressifs en cas de production exceacutedentaire ousimplement lorsque les coucircts de lrsquoentreprise sont plus faibles Toute modification deprix est agrave manier avec prudence car elle induit des reacuteactions parfois fortes en prove-nance des clients et des concurrents

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32 La politique de distribution

La politique de distribution consiste agrave choisir le circuit que suivra le produit pourparvenir au client Le circuit se reacutefegravere ainsi agrave lrsquoensemble des intervenants qui contri-buent agrave faire passer le produit de son eacutetat de production agrave celui de consommation Ilexiste trois sortes de circuits

ndash Le circuit direct il nrsquoy a aucun intermeacutediaire entre le producteur et le consomma-teur

ndash Le circuit court il nrsquoy a qursquoun seul intermeacutediaire entre le producteur et le con-sommateur

ndash Le circuit long il comporte au moins deux intermeacutediaires et souvent plus entre leproducteur et le consommateur

Le choix du circuit de distribution est dicteacute par des raisons de coucirct (chaque inter-meacutediaire prend une marge) de couverture geacuteographique de lois drsquoefficaciteacute (parexemple les marques prestigieuses veillent agrave ce que leurs distributeurs puissentveacutehiculer leur image de luxe) de cible de clientshellip

Repegraveres Casino srsquoaffranchit du monopole desconcessionnaires automobiles

La grande distribution srsquointeacuteresse depuis longtemps agrave la distribution automobile Elle usede toute son influence pour essayer de casser ce monopole Cependant seul Casino areacuteussi agrave vendre des voitures en hypermarcheacute avant la promulgation de la loi de 2003Voyons les conditions de cette transactionLe 9 juin 1999 Casino met en vente en hypermarcheacute 308 voitures Daewoo Nubira Cettevoiture est de piegravetre qualiteacute et est un modegravele ancien mais Casino le vend 30 moins cherqursquoen concession Cela provoque naturellement lrsquoire des concessionnaires qui ne compren-nent pas comment cela est possible dans la mesure ougrave eux-mecircmes sont incapables deproposer des prix approchants De plus ils se sentent trahis par Daewoo France qui auraitvendu ces 308 voitures agrave Casino agrave prix reacuteduit En reacutealiteacute il nrsquoy a pas eu trahison de la partde Daewoo Casino srsquoest procureacute ces voitures de maniegravere tregraves discregravete sachant queDaewoo nrsquoaurait pas accepteacute de les lui vendre Casino est donc passeacute par un intermeacutediaireun neacutegociant parisien qui commande agrave Daewoo 308 voitures officiellement pour eacutequiperune flotte de voitures drsquoentreprise Dans la mesure ougrave le modegravele se vend mal en Franceqursquoil est deacutepasseacute va bientocirct ecirctre remplaceacute et qursquoil srsquoagit drsquoun grand nombre de voituresDaewoo consent agrave accorder une importante remise Casino se trouve ainsi possesseur de308 voitures ne demandant qursquoagrave ecirctre vendues agrave bas prix Cette opeacuteration a eacuteteacute renduepossible par une clause du regraveglement 147595 qui indique que ni le constructeur ni ledistributeur ne peuvent restreindre laquo la liberteacute des utilisateurs finaux de revendre desproduits contractuels ou des produits correspondants pourvu que la vente ne soit pasreacutealiseacutee agrave des fins commerciales raquo Ainsi la flotte de voitures commandeacutees par une entre-prise peut ecirctre revendue immeacutediatement en preacutetextant que le but est drsquoeacutecouler les voitu-res plutocirct que de gagner de lrsquoargent en les revendant Eacutevidemment cela ne peut dans lecadre actuel se faire qursquoune seule fois pour rester dans un but non commercial

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Le choix du circuit laisse ensuite place agrave la deacutefinition drsquoune strateacutegie de distribu-tion Trois strateacutegies sont possibles La premiegravere la distribution intensive permet decommercialiser ses produits dans un grand nombre de points de vente de geacuteneacuterer unchiffre drsquoaffaires conseacutequent de faire du volume et de faire connaicirctre les produits agraveun grand nombre de consommateurs La seconde option la distribution seacutelectivepermet drsquoapprovisionner des revendeurs seacutelectionneacutes suivant des critegraveres de tailledrsquoimage de compeacutetencehellip Elle permet un controcircle qualitatif de la distribution et unebonne couverture geacuteographique Enfin la distribution exclusive consiste en laquo uneseacutelectiviteacute pousseacutee raquo En effet le nombre de distributeurs autoriseacutes agrave vendre lesproduits est encore plus limiteacute et le distributeur srsquoengage lui aussi agrave ecirctre exclusifcrsquoest-agrave-dire agrave ne pas vendre de produits directement concurrents Le controcircle quali-tatif de la distribution nrsquoen est que plus grand par contre la couverture geacuteographiquepeut ecirctre faible

Les voitures sont donc vendues en hypermarcheacute agrave prix reacuteduit Le client nrsquoa aucun choixpossible drsquooption pour personnaliser sa voiture mais les formaliteacutes administratives sonttregraves peu contraignantes Il doit seulement eacutetablir sa carte grise agrave la preacutefecture avant depouvoir repartir avec sa voiture Lrsquoentretien de la voiture est assureacute leacutegalement par lesconcessionnaires Ces derniers se plaignent consideacuterant inacceptable que Daewoo aitvendu 308 voitures agrave Casino En effet selon les termes du contrat Daewoo a interdictionformelle de vendre ses voitures ailleurs qursquoen concession Les concessionnaires menacentde poursuivre Daewoo en justice et annoncent alors qursquoils sont tenus leacutegalement de lesentretenir qursquoils traiteront ces voitures sans aucun zegravele et essayeront mecircme de ralentirtoute reacuteparation Daewoo craint pour son image de marqueDaewoo se voit obligeacute de jouer franc jeu Il explique aux concessionnaires le stratagegraveme deCasino et la maniegravere dont Daewoo srsquoest fait berner Daewoo eacutetait pourtant averti un peuavant cette vente que Casino voulait vendre ces voitures En effet 308 voitures repreacutesen-tent tout de mecircme un volume important facilement repeacuterable Se doutant des conseacute-quences facirccheuses de cette vente Daewoo essaye de lrsquoempecirccher en proposant de toutracheter Casino refuse car la logistique est deacutejagrave mise en place Casino a formeacute desvendeurs imprimeacute des tracts et commenceacute le lancement de lrsquoaffaire Daewoo tente decreacutedibiliser sa position de victime en envoyant des huissiers chez Casino il srsquoagit de veacuteri-fier que toutes les voitures vendues font bien partie du lot deacutetourneacute par Casino et neproviennent pas drsquoimportations parallegraveles Casino nrsquoaurait alors pas le droit de les vendreAucune infraction nrsquoest constateacutee Finalement devant la colegravere des concessionnaires precirctsagrave porter plainte contre Daewoo qui nrsquoa pas respecteacute son contrat la seule possibiliteacute resteun accord agrave lrsquoamiable Daewoo indemnise ses concessionnaires et promet drsquoecirctre plus vigi-lant deacutesormais

Extrait de NICOLAS N et SOPARNOT R laquo Chaicircne de valeur et distributionquelle strateacutegie pour Renault raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts et cas

en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005 et GODLEWSKI N GRISEY E et MOULIN X laquo La distribution automobile raquo Cahier de recherche du CERNA 2000

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33 La politique de communication

Enfin la politique de communication consiste agrave faire parvenir aux clients desmessages afin de faire connaicirctre le produit et le faire acheter

Apregraves avoir clairement identifieacute les reacutecepteurs du message (les clients actuels etpotentiels les revendeurs les prescripteurs les leaders drsquoopinionhellip) il convient dedeacutefinir les canaux de communication On distingue deux strateacutegies principales lacommunication meacutedias et la communication hors-meacutedias

La premiegravere consiste agrave diffuser son message par la voie des meacutedias On en identifietraditionnellement cinq la teacuteleacutevision le cineacutema la radio la presse et lrsquoaffichageChacun de ces meacutedias se compose de nombreux supports TF1 France 2 etFrance 3 Arte Comeacutedie Eurosporthellip sont des supports diffeacuterents drsquoun mecircmemeacutedia Il est donc question de choisir le ou les meacutedias et supports afin de bacirctir leplan meacutedias Il consiste pour un budget donneacute agrave trouver la meilleure combinaisonentre meacutedias et supports pour toucher le plus grand nombre de personnes apparte-nant agrave la cible (la couverture) afin qursquoelles soient exposeacutees le plus grand nombre defois au message (la freacutequence) et qursquoelles le meacutemorisent (lrsquoimpact)

Repegraveres La mesure des audiences des chaicircnesde la teacuteleacutevision par cacircble et satellite etdrsquoInternet par Meacutediameacutetrie

Institut de reacutefeacuterence de la mesure drsquoaudience Meacutediameacutetrie srsquoest imposeacute gracircce agrave un outiltechnologique incontournable dans la mesure de lrsquoaudience de la teacuteleacutevision le MeacutediamatAujourdrsquohui confronteacute agrave de nouveaux modes de consommation meacutedia (les meacutedias mobi-les) agrave la convergence teacuteleacutevision-Internet-teacuteleacutephone portable de plus en plus forte ainsiqursquoagrave une insatisfaction de la part du marcheacute publicitaire Meacutediameacutetrie a mis au point unoutil de mesure fiable de lrsquoaudience du cacircble et du satellite En effet la mesure de la teacuteleacutevi-sion hertzienne via le Meacutediamat ne srsquoest pas tout de suite geacuteneacuteraliseacutee aux chaicircnes du cacircbleet du satellite Audicacircble outil de mesure de leur audience fonctionne sur la base drsquouncarnet drsquoeacutecoute rempli agrave la main par les paneacutelistes En 1998 Meacutediameacutetrie lance sur lemecircme principe Audicabsat qui integravegre les abonneacutees des bouquets satellites CanalSat etTPS En 1998 Meacutediameacutetrie mesure lrsquoaudience des chaicircnes du cacircble et du satellite parextraction des paneacutelistes du Meacutediamat recevant ce type de chaicircne Ce nrsquoest qursquoen 2001 queMeacutediameacutetrie conccediloit Meacutediacabsat recueil audimeacutetrique et mesure drsquoaudience automati-seacutee du cacircble et du satellite conccedilu suivant le mecircme principe que le Meacutediamat En 2006Meacutediameacutetrie conclut un partenariat avec la socieacuteteacute Qosmos La mesure de lrsquoaudience de lateacuteleacutevision via lrsquoADSL se fonde sur la technologie de Qosmos qui analyse les flux transitantsur les reacuteseaux IP (Internet Protocol) des foyers Ce partenariat complegravete lrsquoalliance scelleacuteeentre Meacutediameacutetrie et France Teacuteleacutecom qui porte sur lrsquoeacutetude drsquoaudience des personnesappartenant au panel Meacutediamat et regardant la teacuteleacutevision gracircce au deacutecodeur France Teacuteleacute-com MaLigne TV En 2008 Meacutediameacutetrie creacutee Digitime filiale de Meacutediameacutetrie et deNetgem speacutecialiseacutee dans la mesure drsquousage de la teacuteleacutevision numeacuterique Les informationssur lrsquoaudience sont reacutecupeacutereacutees par les deacutecodeurs numeacuteriques notamment les terminauxNetgem et complegravetent les mesures drsquoaudience de Meacutediameacutetrie

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La seconde strateacutegie qui nrsquoest pas exclusive de la premiegravere concerne le hors-meacutedias Elle inclut la promotion des ventes les relations publiques et le marketingdirect

La promotion des ventes vise agrave stimuler les ventes agrave court terme Elle consiste agraveinciter le consommateur (ou le distributeur) agrave acheter un produit donneacute Ces promo-tions prennent des formes multiples (reacuteduction de prix prime sur quantiteacute jeux etconcours remise drsquoeacutechantillonhellip) Elles visent plusieurs objectifs attirer desclients fidegraveles aux produits des concurrents faire tester le produit abaisser lesstockshellip Le risque majeur lieacute agrave une trop grande utilisation des promotions est lecomportement de report et la deacuteteacuterioration de lrsquoimage du produit ou de la marqueLes relations publiques (RP) consistent agrave geacuterer les relations avec les acteurs influentsen vue de creacuteer etou maintenir leur confiance et leurs eacutegards Ces acteurs serontalors dans leur sphegravere professionnelle respective des ambassadeurs de lrsquoentreprisedrsquoune marque ou drsquoun produit Enfin le marketing direct regroupe lrsquoensemble destechniques (publipostage messagerie eacutelectronique SMS teacuteleacutecopie teacuteleacutephone cata-loguehellip) qui permettent drsquoentrer en relation directe avec le client ou le prospectCette individualisation de la relation permet de connaicirctre avec preacutecision les caracteacute-ristiques (sexe acircge revenuhellip) des clients Le postulat est qursquoen personnalisant larelation le client deacuteveloppera un comportement plus favorable agrave lrsquoeacutegard du produitde la marque et de lrsquoentreprise

La mesure du trafic sur InternetEn 2000 Meacutediameacutetrie creacutee MeacutediameacutetrieeRatingscom filiale de Meacutediameacutetrie et de NetRa-tings socieacuteteacute commercialisant les reacutesultats du service NielsenNetRatings Lrsquoaudience de lapubliciteacute et du trafic sur Internet est drsquoabord eacutevalueacutee agrave partir drsquoun panel de 1 200 internau-tes Cet outil deacutenommeacute aujourdrsquohui MeacutediameacutetrieNetRatings se fonde sur 25 000 paneacute-listes dont lrsquoaudience est eacutetudieacutee agrave domicile sur leur lieu de travail ou dans lesbibliothegraveques les cybercafeacuteshellip Ils sont recruteacutes par teacuteleacutephone et sur Internet Ce type demesure est dit User-centric crsquoest-agrave-dire centreacute sur lrsquoutilisateur En 2003 Meacutediameacutetrie creacuteeMeacutediameacutetrie-eStat en partenariat avec la socieacuteteacute eStat Gracircce agrave la technologie du Tag(marqueur qui eacutevalue lrsquoaudience drsquoun site) Meacutediameacutetrie-eStat eacutevalue la puissance desprincipaux sites en nombre de visiteurs uniques et de pages vues Elle propose une gammedrsquooutils de mesure (Cyberstreaming Cyberpodcast) adapteacutee agrave la freacutequentation nouvelledrsquoInternet (Internet audio videacuteo mobilehellip) Crsquoest une mesure dite Site-centric crsquoest-agrave-direcentreacutee sur lrsquoeacutetude des sites En 2008 Meacutediameacutetrie lance Netsight un logiciel permettantde mesurer tous les usages drsquoInternet (surf audio videacuteo messagerie) Ce logiciel estinstalleacute chez les paneacutelistes de MeacutediameacutetrieNetratings et vise donc par une meilleureeacutevaluation des usages notamment ceux issus du Web 20 agrave rapprocher les donneacutees issuesdes mesures panel User-centric et des mesures de freacutequentation des sites dites Site-centric

Agrave partir de MERCANTI-GUEacuteRIN M laquo Peut-on innover sous pression Le cas Meacutediameacutetrie raquo 1re Journeacutee de cas peacutedagogique

Lrsquoinnovation dans les organisations Groupe ESCEM novembre 2008

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La connaissance des missions essentielles des fonctions principales (logistiqueproduction et marketing) par le manager doit ecirctre compleacuteteacutee par une compreacutehensionpousseacutee des fonctions de soutien

LES FONCTIONS DE SOUTIEN

Selon Porter (1986) les fonctions de soutien concernent les services financiers lagestion des ressources humaines (GRH) le deacuteveloppement technologique (recher-che et deacuteveloppement ou R amp D) et les approvisionnements Compte de la monteacuteeen puissance des enjeux responsables dans le management des entreprises allantparfois agrave la creacuteation drsquoun deacutepartement deacutedieacute nous proposons drsquoajouter la fonctionde deacuteveloppement durable (DD) Les fonctions de soutien doivent ecirctre analyseacuteescomme des activiteacutes non opeacuterationnelles dont la vocation est de permettre aux fonc-tions principales drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur efficience Plus concregravetementelles constituent un support au fonctionnement des activiteacutes opeacuterationnelles Dansce qui suit nous les analysons successivement

1 Les services financiers

La fonction financiegravere comprend la comptabiliteacute la finance et le controcircle degestion Son rocircle essentiel est drsquoassurer le financement de lrsquoactiviteacute et puis de veilleragrave la santeacute financiegravere de lrsquoentreprise Eacutetudions de faccedilon syntheacutetique cette premiegraveremission

11 Le financement de lrsquoactiviteacute

Le financement de lrsquoactiviteacute deacutecoule du fonctionnement de lrsquoentreprise En effetcelui-ci engendre des besoins de financement de deux types lieacutes agrave lrsquoinvestissementet lieacutes agrave lrsquoexploitation Les investissements (mateacuteriels) portent sur les eacutequipementsles installations les terrains les locaux mais eacutegalement les titres drsquoautres entrepri-ses les brevetshellip Comme ils visent agrave assurer le deacuteveloppement et la peacuterenniteacute delrsquoentreprise ils sont reacutecurrents Lrsquoentreprise engage donc des deacutepenses qui ne serontreacutecupeacutereacutees qursquoau bout de plusieurs anneacutees Pour cette raison elle immobilise desfonds qui sont indisponibles pour une longue peacuteriode Ces fonds sont reacutecupeacutereacutes defaccedilon progressive en fonction des amortissements pratiqueacutes des cessions drsquoactifshellipA contrario les deacutepenses lieacutees agrave lrsquoexploitation (reacutemuneacuteration de la main-drsquoœuvreachat de matiegraveres premiegravereshellip) sont reacutecupeacutereacutees lorsque lrsquoentreprise perccediloit les recet-tes de ses ventes On parle alors du cycle drsquoexploitation de lrsquoentreprise

Dans les deux cas il y a un deacutecalage (important pour les investissements et moin-dre pour lrsquoexploitation) entre les deacutepenses et les recettes Pour financer ce deacutecalage

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(le besoin de financement de lrsquoexploitation) lrsquoentreprise mobilise des capitaux Lescapitaux neacutecessaires agrave lrsquoexploitation sont les actifs circulants (stock creacutedit clientcreacuteances clienthellip) et les dettes (creacutedit fournisseur deacutecouvert bancairehellip) Les capi-taux neacutecessaires agrave lrsquoinvestissement correspondent aux immobilisations

Pour autant lrsquoexigence de capitaux pour financer lrsquoexploitation et lrsquoinvestissementimpose de trouver des moyens ou sources de financement

Les sources de financement sont repreacutesenteacutees par des ressources stables crsquoest-agrave-dire durablement agrave disposition de lrsquoentreprise Elles sont de deux types les capitauxpropres apporteacutes par les associeacutes (capital social lieacute agrave la creacuteation de lrsquoentreprise etaugmentation de capital) ou accumuleacutes (autofinancement) et les capitaux emprunteacutesaupregraves drsquoinstitutions financiegraveres (banques marcheacutes financiers organismesprecircteurshellip) Il est fondamental pour une entreprise de disposer de capitaux proprescar cela deacutetermine sa capaciteacute drsquoemprunt Cependant un recours massif agrave lrsquoempruntpeut mettre en danger lrsquoentreprise comme lrsquoillustre lrsquoexemple suivant

Repegraveres Mecachrome est au bord du gouffre

Mecachrome fabriquant de piegraveces pour lrsquoindustrie automobile et le secteur aeacuteronautiqueest consideacutereacute comme un sous-traitant doteacute drsquoune veacuteritable expertise technique Lrsquoentre-prise fabrique ainsi pour le compte de clients prestigieux comme Airbus Boeing Renaultet Porsche des piegraveces strateacutegiques (comme des piegraveces pour les missiles nucleacuteaires desforces de dissuasion franccedilaises) Or lrsquoentreprise se retrouve aujourdrsquohui dans une situationde quasi-cessation de paiements Geacuterard Casella fils du fondateur Eugegravene Casella et PDGdu groupe depuis 1971 vient drsquoecirctre deacutebarqueacute de son poste par le conseil drsquoadministration etremplaceacute par le Belge Christian Jacqmin et ce malgreacute la deacutetention de 32 des parts et de82 des droits de vote La situation de Mecachrome marque certainement la fin de lrsquoegraverefamiliale le rachat de lrsquoentreprise menace de plus en plus Une situation preacuteoccupantepour les 2 000 employeacutes les clients et le gouvernement franccedilais

Mecachrome un fleuron de lrsquoindustrie franccedilaiseMecachrome est un groupe familial fondeacute il y a soixante-dix ans par Eugegravene CasellaDepuis 1971 le groupe est dirigeacute par son fils Geacuterard ndash un homme tregraves respecteacute par les sala-rieacutes de lrsquoentreprise Et sous sa direction lrsquoentreprise a connu une expansion singuliegravere Legroupe est devenu un sous-traitant de reacutefeacuterence dans trois activiteacutes lrsquoaeacuterospatial lrsquoauto-mobile et lrsquoeacutequipement industriel Dans le domaine aeacuterospatial (462 de son chiffredrsquoaffaires) Mecachrome participe agrave la conception et la fabrication drsquoensembles complexescomposeacutes de piegraveces critiques Ses principaux clients sont Airbus Boeing Canada Bombar-dier Dassault Embraer et Liehbherr et Rolls-Royce Pour le secteur automobile (453 deson chiffre drsquoaffaires) Mecachrome fournit les principaux constructeurs Audi Daimler-Chrysler Mercedes Porsche Renault Toyota et Volvo Lrsquoentreprise participe mecircme agrave lafabrication de Formules 1 elle intervient principalement au niveau de lrsquousinage et dumontage des moteurs Enfin dans le domaine de lrsquoeacutequipement industriel (85 de sonchiffre drsquoaffaires) Mecachrome fabrique des piegraveces de serrage des microturbines et desmoteurs

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Les sources de financement de lrsquoexploitation sont donc repreacutesenteacutees en partie pardes ressources stables et mais eacutegalement en partie par les dettes agrave court terme Cesderniegraveres correspondent au creacutedit fournisseur (deacutelai de paiement allant de 30 agrave90 jours) agrave lrsquoescompte bancaire des effets de commerce (les lettres de change etbillets agrave ordre sont payeacutes avant leur eacutecheacuteance par la banque en contrepartie drsquounesomme) au deacutecouvert bancaire (la banque autorise des deacutecalages entre deacutecaisse-ments et encaissements moyennant des inteacuterecircts calculeacutes en fonction du montant etde la dureacutee de la faciliteacute) et agrave lrsquoaffacturage (une socieacuteteacute priveacutee se substitue aux

Pourtant lrsquoexpertise et la renommeacutee de lrsquoentreprise nrsquoont pas suffi agrave atteacutenuer les conseacute-quences de deacutecisions particuliegraverement risqueacutees

Lrsquoaventure canadienneLes ennuis de lrsquoentreprise commencent en 2001 Pour faire fabriquer en zone dollars et serapprocher de Boeing le groupe srsquoimplante au Queacutebec Le site va connaicirctre une expansionexceptionnelle en sept ans Mecachrome Canada va atteindre la mecircme taille que Meca-chrome France ndash alors que la filiale franccedilaise avait mis soixante-dix ans pour atteindrecette taille En 2004 le siegravege est mecircme deacutemeacutenageacute au Canada Agrave lrsquoorigine de cette aventurela deacutecision drsquoun des fils de Geacuterard Casella marieacute agrave une Canadienne Nommeacute PDG de Meca-chrome en 2007 Guillaume Casella prend la nationaliteacute canadienne et implante une usineau Queacutebec (le second fils Arnaud preacuteside la filiale franccedilaise) Pour financer cette expan-sion Mecachrome ouvre son capital en octobre 2007 et en place 20 en Bourse 13 ducapital est deacutesormais deacutetenu par un fonds drsquoinvestissement semi-public le Fonds destravailleurs queacutebeacutecois (FTQ) Si lrsquoon ajoute agrave cela diffeacuterents emprunts lrsquoentreprise estparvenue agrave trouver quelque 150 millions drsquoeuros Malheureusement quelques eacutevegravene-ments du cocircteacute de ses clients ont eu des conseacutequences catastrophiques pour le groupe AuCanada des gregraveves chez Boeing ont retardeacute la construction du Boeing B787 pendant qursquoenEurope les retards du programme A400M et de lrsquoA380 ont plombeacute les comptes de Meca-chrome En outre un nouveau regraveglement en Formule 1 a reacuteduit de sept agrave deux le nombrede moteurs autoriseacutes pour chaque eacutecurie lors des Grands Prix et ce alors que le sport auto-mobile repreacutesente 45 du chiffre drsquoaffaires de MecachromeLe groupe devenu plus vulneacuterable sur le plan financier compte tenu drsquoune expansioncoucircteuse va payer le prix fort Les conseacutequences de ces eacutevegravenements dans lrsquoenvironnementde lrsquoentreprise sont un endettement cumuleacute de plus de 200 millions drsquoeuros et un besoinde treacutesorerie de 50 millions drsquoeuros Pour faire face agrave ses eacutecheacuteances lrsquoentreprise a eacuteteacutecontrainte en mai 2008 de reacutealiser un plan social conduisant au licenciement de 280 sala-rieacutes En aoucirct 2008 Geacuterard Casella a mecircme repris les recircnes de lrsquoentreprise pour tenter deredresser la situation Mais la graviteacute de la situation a conduit le conseil drsquoadministration agravelrsquoeacutevincer Et en novembre 2008 un fonds ameacutericain visitait les usines franccedilaises Et celapourrait se solder par un deacutemantegravelement du groupe laquo Un veacuteritable gacircchis raquo selon GeacuterardCasella Drsquoautant plus que le chiffre drsquoaffaires nrsquoa cesseacute de progresser en 2007 (il a atteint295 millions drsquoeuros affichant une hausse de 13 par rapport agrave 2006) et 2008 et que legroupe affiche un carnet de commandes drsquoun montant de 1 milliard drsquoeuros

Agrave partir de laquo Mecachrome un fleuron industriel au bord du gouffre raquoLes Eacutechos 19 novembre 2008 et wwwmecachromecom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

clients et regravegle le montant des factures et se charge moyennant une commission derecouvrer les creacuteances aupregraves des clients)

La seconde mission principale de la fonction services financiers est de veiller agrave lasanteacute financiegravere de lrsquoentreprise

12 La santeacute financiegravere de lrsquoentreprise

Le financement de lrsquoactiviteacute et du deacuteveloppement de lrsquoentreprise neacutecessite toute-fois une situation financiegravere saine Afin de lrsquoanalyser le bilan ainsi que le compte dereacutesultat apparaissent comme les instruments principaux

Le bilan fournit une photo du patrimoine de lrsquoentreprise Il dissocie le passif delrsquoactif Le passif correspond agrave ce que lrsquoentreprise doit (les ressources) Il se composedes capitaux propres et des dettes Lrsquoentreprise (comme personne morale) doit effec-tivement le capital social et les beacuteneacutefices non distribueacutes aux associeacutes et a des dettes agravelrsquoeacutegard des diffeacuterents precircteurs Lrsquoactif se reacutefegravere agrave ce que lrsquoentreprise possegravede (lesemplois) il se compose des biens et des creacuteances crsquoest-agrave-dire de lrsquoactif immobiliseacuteet de lrsquoactif circulant

Afin de disposer drsquoune photo la plus preacutecise possible du patrimoine de lrsquoentre-prise celle-ci doit construire un bilan financier et un bilan fonctionnel

Le bilan financier classe les ressources en fonction de leur exigibiliteacute et lesemplois en fonction de leur liquiditeacute Ainsi les ressources au passif sont agrave rembour-ser selon une eacutecheacuteance variable Lrsquoexigibiliteacute exprime donc la dureacutee pendantlaquelle lrsquoentreprise dispose de cette source de financement Les emplois agrave lrsquoactifont une liquiditeacute variable crsquoest-agrave-dire que lrsquoemploi ne devient monnaie qursquoagrave lrsquoissuedrsquoun deacutelai plus ou moins long Ideacutealement lrsquoentreprise cherche agrave faire correspondrelrsquoexigibiliteacute des dettes avec la liquiditeacute des actifs pour assurer lrsquoeacutequilibre financier

Enfin lrsquoentreprise construit un bilan fonctionnel crsquoest-agrave-dire un bilan qui tientcompte des cycles financiers de lrsquoentreprise (drsquoinvestissement et drsquoexploitation)Cela lui permet de deacutefinir son fonds de roulement (solde entre les ressources stableset les immobilisations) crsquoest-agrave-dire la ressource disponible pour financer lrsquoexploita-tion Le fonds de roulement doit donc ecirctre suffisant pour financer le besoin drsquoexploi-tation ou besoin en fonds de roulement (solde entre actif drsquoexploitation et besoindrsquoexploitation) Si tel est le cas lrsquoentreprise aura une treacutesorerie exceacutedentaire

Le second outil le compte de reacutesultat identifie lrsquoensemble des charges (les deacutepen-ses) et des produits (les recettes) de lrsquoentreprise On distingue les charges et lesproduits drsquoexploitation (lieacutes agrave lrsquoactiviteacute courante) exceptionnels (lieacutes agrave une activiteacuteexceptionnelle) et financiers (lieacutes agrave une activiteacute financiegravere) La diffeacuterence entre lescharges et les produits donne le reacutesultat de lrsquoentreprise qui peut ecirctre beacuteneacuteficiaire oudeacuteficitaire

In fine le bilan et le compte de reacutesultat permettent de diagnostiquer lrsquoentreprise agravepartir de critegraveres financiers Les principaux indicateurs de la santeacute financiegravere sont

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regroupeacutes sous le terme de SIG (soldes intermeacutediaires de gestion) On distinguenotamment la marge commerciale la valeur ajouteacutee lrsquoexceacutedent brut drsquoexploitationle reacutesultat drsquoexploitation et le reacutesultat de lrsquoexercice Afin drsquoassurer un reacutesultat positifla fonction de controcircle de gestion deacuteveloppeacutee dans la plupart des grandes entrepri-ses eacutetudie les coucircts de lrsquoensemble des fonctions de lrsquoentreprise En fonction descharges et produits preacutevisionnels elle assure le calcul du budget permettant agrave chaqueservice de disposer drsquoun budget de fonctionnement propre

Les services financiers ont donc un rocircle central ils sont les gardiens de la solvabi-liteacute de lrsquoindeacutependance et de la peacuterenniteacute financiegravere de lrsquoentreprise En ce sens lafonction de soutien est explicite Compleacutetons notre analyse par la fonction degestion des ressources humaines

2 La gestion des ressources humaines

La gestion des ressources humaines (GRH) comprend une seacuterie drsquoactiviteacutes quisuivent le laquo cycle de vie raquo du salarieacute Elle consiste donc agrave deacutefinir les besoins delrsquoentreprise en personnes et en compeacutetences agrave attirer les meilleurs candidats lesrecruter les inteacutegrer et geacuterer leurs carriegraveres en fonction des enjeux de lrsquoentreprise etde leur aspiration De mecircme elle veille agrave entretenir des conditions de travail satisfai-santes gegravere les relations avec les partenaires sociaux (notamment les syndicats) etle cas eacutecheacuteant se charge des licenciements Ces diffeacuterentes missions sont souventpartageacutees entre un service RH centraliseacute et les managers de premier niveau delrsquoensemble des fonctions (vente productionhellip) situeacutes dans des uniteacutes opeacuterationnel-les Ce sont eux qui compte tenu de leur proximiteacute avec les salarieacutes ont agrave geacuterer leurmotivation leur adaptation au poste leur aspiration professionnelle leur eacutevolutiondans la structurehellip

Afin de mieux comprendre la mission essentielle de la GRH nous lrsquoanalysonsselon trois axes principaux la gestion des besoins des carriegraveres et des relationssociales

21 La gestion des besoins anticipation recrutement et inteacutegration

La fonction RH doit anticiper les besoins en personnel et en compeacutetences delrsquoentreprise En effet lrsquoeacutevolution de la strateacutegie de lrsquoentreprise impose souvent demaicirctriser des compeacutetences nouvelles Lrsquoentreprise doit eacutegalement anticiper lesdeacuteparts agrave la retraite faire face aux deacuteparts volontaires agrave des personnes inadapteacuteeshellipPour preacutevoir au mieux les besoins futurs le service RH peut se doter drsquoun outil laGPEC (gestion preacutevisionnelle des emplois et des compeacutetences) Ce systegraveme consisteagrave anticiper les besoins en effectifs et en compeacutetences (qualification) Cet outilpermet de bacirctir une politique de recrutement processus souvent long et coucircteux

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Lrsquoentreprise peut pratiquer deux modes de recrutement lrsquointerne et lrsquoexterne Enrecrutant en interne lrsquoentreprise valorise la mobiliteacute des collaborateurs permet leseacutevolutions de carriegravere et reacuteduit les coucircts Le recrutement externe est consideacutereacutecomme plus coucircteux mais il permet de trouver des profils parfois inexistants eninterne et drsquoinsuffler des maniegraveres de penser et de travailler diffeacuterentes Quel que soitle mode de recrutement retenu la deacutemarche srsquoappuie sur la deacutefinition drsquoun profil deposte (compeacutetences requises) la prospection (en interne affichage intranet enexterne agence speacutecialiseacutee presse ANPE APEChellip) et lrsquoeacutevaluation des candidats agravepartir de multiples tests et drsquoentretiens visant agrave deacutetecter leur motivation et leuradeacutequation au poste

Repegraveres La gestion des besoins en personneldans une PME

Lrsquoentreprise Jeacuterocircme a eacuteteacute creacuteeacutee agrave Tours en 1933 par Pierre Jeacuterocircme Apregraves la Seconde Guerremondiale lrsquoentreprise participe agrave la reconstruction et intervient plus particuliegraverementdans la construction des infrastructures pour le transport de lrsquoeacutelectriciteacute En 2006 les acti-viteacutes commerciales de lrsquoentreprise Jeacuterocircme se situent dans trois domaines 1) lrsquoeau (cons-truction de stations de traitement et drsquoeacutepuration et reacutealisation de reacuteseaux drsquoeau potablepluviale ou drsquoeaux useacutees) 2) lrsquoeacutenergie (construction de postes de transformation eacutelectri-que reacuteseaux souterrains drsquoeacutelectriciteacute et de gaz de teacuteleacutecommunication drsquoeacuteclairage publicet de videacuteo communication) 3) le geacutenie civil industriel et agricole (construction de bacircti-ments techniques ou drsquoexploitation ameacutenagement des espaces verts ou de la voirie etreacutealisation de stabulation de fosses de deacutecantation et de bacirctiments drsquoeacutelevage) Cettedouble compeacutetence travaux de voirie et reacuteseaux divers (VRD) associeacutes au geacutenie civil luipermet de reacutepondre agrave des offres complegravetes comme celles du groupe EDF de la SNCF et duconseil reacutegional de la reacutegion Centre Lrsquoentreprise compte 180 salarieacutes reacutepartis en 22 eacutequi-pes 12 sont speacutecialiseacutees dans le geacutenie civil et 10 dans les travaux publics de reacuteseaux(reacuteseaux secs ou humides) Elle compte eacutegalement 25 conducteurs drsquoengins et 12 chauf-feurs Son chiffre drsquoaffaires atteint 18 millions drsquoeuros en 2006En 2000 lrsquoentreprise deacutecide de se doter drsquoune politique de gestion baseacutee sur les compeacuteten-ces de ses ressources humaines (ingeacutenierie de la formation parcours professionnels tuto-rat eacutevaluation des compeacutetences etc) Alors que le secteur du BTP fait encore largementappel agrave lrsquointeacuterim et agrave la sous-traitance Jean-Claude Brossier son actuel dirigeant refuse derecourir au travail inteacuterimaire qursquoil considegravere laquo deacutestructurant pour les salarieacutes qui peinentensuite agrave se reacuteinteacutegrer dans une entreprise raquo Il recrute plutocirct des personnes coopteacuteescrsquoest-agrave-dire recommandeacutees par des collegravegues Cette strateacutegie lui permet de trouver plusfacilement de la main-drsquoœuvre mais ne lui assure pas toujours de trouver du personnelqualifieacuteEn outre comme les candidatures aux diffeacuterents meacutetiers du bacirctiment (manœuvre chef dechantier conducteur de travaux et chargeacute drsquoeacutetudes) sont rarement diffuseacutees par la voietraditionnelle (ANPE agence drsquointeacuterim annonces) lrsquoentreprise Jeacuterocircme ne trouve pas direc-tement sur le marcheacute du travail la main-drsquoœuvre qualifieacutee dont elle a besoin Crsquoest pour-quoi son dirigeant a mis en place des formations internes personnaliseacutees et un systegraveme de

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Enfin lrsquointeacutegration du candidat est une eacutetape fondamentale Compte tenu descoucircts de recrutement et du deacutelai drsquoadaptation au poste lrsquoentreprise doit permettre aunouveau collaborateur de deacutecouvrir son entreprise (film livret drsquoaccueil visitehellip)ses futurs collegravegues et les regravegles de fonctionnement (repas horaires œuvres socia-leshellip) La phase drsquointeacutegration inclut parfois un temps de formation pour permettreau salarieacute drsquoecirctre opeacuterationnel agrave son nouveau poste

La seconde eacutetape du cycle de vie du salarieacute consiste agrave geacuterer sa carriegravere danslrsquoentreprise

22 La gestion des carriegraveres eacutevaluation et eacutevolution dans lrsquoentreprise

Lrsquoentretien annuel est lrsquooccasion de faire le point sur le parcours des salarieacutes danslrsquoentreprise le travail et les progregraves reacutealiseacutes lrsquoatteinte des objectifs le comporte-menthellip Il a aussi pour objectif de mieux connaicirctre leur projet afin de permettre agravelrsquoentreprise de geacuterer au mieux leur carriegravere La gestion des carriegraveres repose ainsi surtrois leviers principaux la reacutemuneacuteration la formation et la promotion

La reacutemuneacuteration initiale (salaire de base et avantages comme les chegraveques deacutejeunerle plan drsquoeacutepargne-entreprise les stocks options la voiture de fonctionhellip) lieacutee agrave laqualification et agrave lrsquoexpeacuterience du salarieacute peut eacutevoluer en fonction des performances

tutorat pour accompagner les jeunes dans leur professionnalisation Recruteacutes et mis souscontrat pour une dureacutee de trois mois les ouvriers sans qualification occupent le poste demanœuvre et sont eacutevalueacutes agrave la fin de cette peacuteriode avant drsquoecirctre deacutefinitivement inteacutegreacutesdans lrsquoentreprise Tout au long de leur contrat ils suivent des formations professionnelleslieacutees agrave leur futur meacutetier Agrave partir de 1999 Jean-Claude Brossier fait de la formation profes-sionnelle un pilier de sa strateacutegie de gestion des ressources humaines y consacrant 6 dela masse salariale en 2007 et ce alors que lrsquoobligation leacutegale pour une PME de plus de50 salarieacutes est de consacrer 16 de sa masse salariale agrave la formation et qursquoen moyenneles entreprises franccedilaises du bacirctiment y consacrent 35 de leur chiffre drsquoaffaires Ilsrsquoinvestit eacutegalement personnellement depuis la phase de recrutement jusqursquoagrave la gestionpreacutevisionnelle des emplois et des compeacutetencesLe roulement de la main-drsquoœuvre et lrsquoabsenteacuteisme ont fortement diminueacute faisant delrsquoentreprise une reacutefeacuterence sociale dans la reacutegion laquo Nous avons mecircme reacuteussi agrave traiter leproblegraveme de la pyramide des acircges en attirant des jeunes et en ramenant la moyenne drsquoacircgedu personnel agrave 38 ans raquo ajoute Jean-Claude Brossier (la moyenne drsquoacircge est de 391 anspour le secteur du bacirctiment franccedilais) En 2006 lrsquoentreprise voit sa politique de gestionpreacutevisionnelle des emplois et des compeacutetences reacutecompenseacutee par le Prix speacutecial de la cham-bre de commerce et drsquoindustrie (CCI) de Touraine et le Tropheacutee national du Moniteur duBTP

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo La mise en œuvredrsquoune GRH responsable ou comment une PME devient une reacutefeacuterence sociale raquo

in RAUFFLET E et BATELLIER P Responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise Enjeux de gestionet cas peacutedagogiques Eacutedition Presses Internationales Polytechniques 2008

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

individuelle et collective Les primes et augmentations individuelles (appeleacuteessalaire de performance) sont verseacutees lorsque le salarieacute a atteint voire deacutepasseacute lesobjectifs fixeacutes lrsquoanneacutee preacuteceacutedente Lorsque lrsquoentreprise a atteint ses propres objectifs(de vente de reacutesultathellip) lrsquoensemble des salarieacutes beacuteneacuteficie drsquoun suppleacutement au titrede lrsquointeacuteressement (non obligatoire) et de la participation (obligatoire pour les entre-prises de plus de 50 salarieacutes) aux reacutesultats de lrsquoentreprise Il faut noter lrsquoutilisationplus systeacutematique du salaire de performance En effet lrsquoindividualisation du salaireprocure deux avantages souplesse et maicirctrise de la masse salariale

Le second levier est celui de la formation Compte tenu des eacutevolutions auxquellesdoivent faire face les entreprises (concurrence internationale deacuteveloppement tech-nologiquehellip) leurs salarieacutes sont ameneacutes agrave adapter leurs compeacutetences La formationest aussi un moyen de rendre les collaborateurs plus performants Enfin elle produitdes effets positifs sur la satisfaction degraves lors qursquoelle correspond agrave un projet reacuteel dusalarieacute Le leacutegislateur a ainsi deacuteveloppeacute une seacuterie de dispositifs qui preacutevoient lrsquoallo-cation par les entreprises de ressources deacutedieacutees agrave la formation continue des salarieacutes(congeacute individuel de formationhellip)

Le troisiegraveme levier concerne la promotion Lrsquoaccegraves agrave de nouvelles fonctions etresponsabiliteacutes constitue un puissant levier de la gestion des carriegraveres Les possibili-teacutes de mobiliteacute dans une entreprise attirent ainsi les meilleurs potentiels et permet-tent de les fideacuteliser La mobiliteacute peut prendre des formes multiples elle peut ecirctrefonctionnelle (nouveau poste) geacuteographique (nouveau lieu de travail) etou hieacuterar-chique (nouvelle responsabiliteacute) Lrsquoobtention drsquoune mobiliteacute est conditionneacutee agrave demultiples facteurs ancienneteacute expeacuterience diplocircmes poste vacanthellip Ces regraveglessont agrave deacutefinir avec preacutecision car elles doivent permettre au salarieacute de connaicirctre lesconditions drsquoeacutevolution dans lrsquoentreprise

Enfin toujours en reacutefeacuterence au cycle de vie du salarieacute le service RH peut ecirctreameneacute agrave licencier du personnel Cet enjeu au mecircme titre que drsquoautres explique lagestion des relations sociales

23 La gestion des relations sociales conflit et neacutegociation

La gestion des relations sociales est essentiellement une activiteacute des RH dans lesentreprises drsquoau moins 50 salarieacutes La RH doit y geacuterer les relations avec plusieurspartenaires sociaux les IRP ou instances de repreacutesentation du personnel Ce sont lecomiteacute drsquoentreprise (CE) le ou les deacuteleacutegueacutes du personnel (DP) le comiteacute drsquohygiegravenede seacutecuriteacute et des conditions de travail (CHSCT) et les sections syndicales repreacutesen-teacutees par un deacuteleacutegueacute syndical Les IRP ont pour rocircle de deacutefendre les inteacuterecircts des sala-rieacutes veiller au respect des lois et ameacuteliorer les conditions de travail Les acteurs lesplus importants sont les syndicats (Confeacutedeacuteration geacuteneacuterale des travailleurs Confeacute-deacuteration franccedilaise deacutemocratique du travail Force ouvriegraverehellip) qui peuvent avoir unerepreacutesentation locale (les sections) et nationale Les instances nationales tentent

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drsquoinfluencer par la neacutegociation lrsquoEacutetat dans lrsquoeacutelaboration des lois Les instanceslocales se font les relais en entreprise des instances nationales

Le rocircle de la RH est donc de geacuterer les eacuteventuels conflits et les neacutegociations avec lesIRP Le temps de travail les augmentations de salaire les licenciements les condi-tions de travail les fermetures de siteshellip constituent autant drsquooccasions de neacutegocieravec les IRP Il est geacuteneacuteralement conseilleacute au dirigeant et au DRH drsquoadopter une atti-tude de coopeacuteration Elle consiste agrave reconnaicirctre la leacutegitimiteacute des actions des IRP et agravevaloriser lrsquoexpression des salarieacutes Les maicirctres mots sont la concertation et la parti-cipation afin drsquoeacuteviter des conflits trop durs et trop coucircteux

Repegraveres Vallourec une reacutefeacuterence en matiegravere deGRH

Lrsquoentreprise Vallourec a eacuteteacute fondeacutee il y a 109 ans Elle est deacutesormais le numeacutero un mondialdes tubes drsquoacier sans soudure En un siegravecle cette entreprise est devenue un groupe inter-national avec 40 implantations dans 10 pays (Chine Breacutesil Allemagne Francehellip) et uneveacuteritable star du Cac 40 La croissance de Vallourec srsquoest particuliegraverement accentueacuteedepuis le rapprochement avec lrsquoAllemand Mannesmannroumlhren-Werke en 1997 En teacutemoi-gne la hausse constante de son chiffre drsquoaffaires entre 2000 et 2007

Tableau 13 mdash Quelques donneacutees sur Vallourec

AnneacuteeChiffres

drsquoaffaires (en milliard

drsquoeuros)

Deacuteboucheacutes commerciaux

Reacutepartition du chiffre drsquoaffaires

Pays ciblesReacutepartition du chiffre drsquoaffaires

2007 614 Eacutenergie eacutelectrique

182 Asie et Moyen-Orient

209

2006 554 Meacutecanique 115 France 73

2005 431 Peacutetrole et Gaz

461 Allemagne 179

2004 303 Peacutetrochimie 102 Ameacuterique du Nord

186

2003 238 Automobile 84 Ameacuterique du Sud

128

2002 256 Autres 56 Autres Union europeacuteenne

143

2001 250 Reste du monde

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2000 220

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Le deacuteveloppement des activiteacutes de Vallourec srsquoest principalement opeacutereacute par croissanceexterne (fusion et acquisition) et par croissance conjointe (creacuteation de co-entreprises) Legroupe compte ainsi plusieurs dizaines de filiales reacuteparties selon les marcheacutes (eacutenergie eacutelec-trique peacutetrole et gaz automobilehellip) et lrsquoactiviteacute principale (production vente et services)Un tel ensemble (de nombreuses filiales reacuteparties sur lrsquoensemble du territoire mondial) etune croissance aussi rapide et importante preacutesentent une difficulteacute majeure la gestiondes ressources humaines (GRH) Lrsquoenjeu est lrsquooptimisation en termes de coucircts et drsquoefficaciteacutedes actions de GRH dans une structure fortement eacuteclateacutee sur le plan geacuteographique Ainsisrsquoexprimait un haut cadre de lrsquoentreprise laquo si la reacutemuneacuteration la gestion des carriegraveres oules aspects juridiques doivent ecirctre geacutereacutes au niveau local les procegraves lrsquoorganisation ou le rocircledes fonctions support (comme la GRH) relegravevent drsquoune logique globale lieacutee au savoir-fairede lrsquoentreprise raquo Et Vallourec fait figure de reacutefeacuterence en matiegravere de GRHVoici quelques-uns des eacuteleacutements phares de sa politique de GRH Le thegraveme du recrutementy est central Drsquoune part parce que le deacuteveloppement de lrsquoentreprise srsquoest accompagneacute de laneacutecessiteacute de recruter des profils expeacuterimenteacutes Et drsquoautre part parce qursquoil existe une peacutenu-rie de talents dans les meacutetiers techniques Ces enjeux ont donneacute lieu agrave lrsquoeacutetablissement derelations teacutenues avec certaines grandes eacutecoles scientifiques et agrave la constitution drsquoun veacuterita-ble laquo vivier de ressources raquo composeacute de salarieacutes susceptibles de remplacer les trois centsfonctions les plus importantes du groupe Le processus de recrutement a en outre eacuteteacuteformaliseacute ce qui a conduit agrave srsquointeacuteresser agrave des individus ayant acquis une expeacuterience dansdrsquoautres industries Concernant le thegraveme de la reacutemuneacuteration Vallourec a une politiqueassez agressive puisque les salaires y sont supeacuterieurs agrave la moyenne du secteur En outrepour srsquoassurer la fideacuteliteacute des collaborateurs lrsquoentreprise consacre 60 de ses deacutepensessociales aux systegravemes compleacutementaires drsquoassurance-maladie et de retraite Elle a eacutegale-ment lanceacute un plan drsquoactionnariat qui pourrait concerner 98 des effectifs aboutissant audeacuteblocage de 750 000 actions Srsquoagissant du dialogue social thegraveme sensible dans uneentreprise coteacutee en bourse le preacutesident du directoire et le directeur de ressources humai-nes rencontrent deux fois par an en seacuteance pleacuteniegravere un comiteacute de repreacutesentants syndicauxEacutegalement pour motiver les eacutequipes sur la dureacutee la promotion des carriegraveres repose sur lamobiliteacute interne et geacuteographique Pour cela un comiteacute de carriegravere formeacute par deuxmembres de la direction et des responsables de zone ou drsquoactiviteacute se reacuteunit chaque trimes-tre pour eacutetudier le parcours des hauts potentiels Les opeacuterateurs en usine ont quant agrave euxdes entretiens de carriegravere tous les cinq ans et les cadres tous les trois ans Chaque salarieacute aainsi la possibiliteacute de se projeter au sein de lrsquoentreprise Enfin la formation est un domainecentral de la GRH de Vallourec Les 18 000 salarieacutes ont ainsi beacuteneacuteficieacute de 342 000 heuresde formation en 2007Agrave plus long terme lrsquoenjeu de Vallourec est de bacirctir une culture drsquoentreprise forte ce quinrsquoest guegravere aiseacute dans une entreprise internationale qui srsquoest construite au fil de nombreu-ses acquisitions Pour ce faire sont organiseacutes des seacuteminaires drsquointeacutegration pour les cadresqui viennent drsquoecirctre recruteacutes Est eacutegalement publieacute un magazine Vallourec Info afin drsquoinfor-mer lrsquoensemble des salarieacutes des grandes orientations du groupe Enfin un intranet a eacuteteacutedeacuteveloppeacute reacutecemment Ce systegraveme permet aux salarieacutes du monde entier drsquoeacutechanger desinformations des conseils et de partager les bonnes pratiques Cet outil baptiseacutelaquo Sharemind raquo nrsquoest pas seulement consideacutereacute comme une bibliothegraveque de savoirs maisaussi comme un acceacuteleacuterateur de performance En effet un problegraveme survenu dans une

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In fine en jouant les rocircles que nous venons de deacutecrire la GRH se positionne expli-citement comme une fonction support Il en est de mecircme pour lrsquoactiviteacute de deacutevelop-pement technologique

3 Le deacuteveloppement technologique

Les technologies contribuent agrave la conception et au deacuteveloppement de produits etde proceacutedeacutes de production drsquoorganisation de ventehellip Elles influencent la perfor-mance des fonctions principales et plus globalement la compeacutetitiviteacute de lrsquoentrepriseLrsquoactiviteacute de deacuteveloppement technologique correspond au sein des entreprises audeacutepartement recherche et deacuteveloppement (R amp D)

La gestion de la technologie est complexe Drsquoune part elle neacutecessite des investis-sements consideacuterables Ainsi seules les grandes entreprises internalisent la recher-che fondamentale (la deacutecouverte de lois scientifiques geacuteneacuterales) Elle est le plussouvent reacutealiseacutee par les laboratoires et instituts publics (CNRS Inrahellip) Et elle estsoutenue par des organismes drsquoEacutetat (Anvarhellip) Drsquoautre part ces investissementssont aleacuteatoires et rentables agrave long terme Ainsi lorsque la firme deacuteveloppe une acti-viteacute de recherche fondamentale elle peut nrsquoobtenir aucun reacutesultat les investisse-ments sont alors pure perte Ensuite ces deacutecouvertes (ou inventions) doivent fairelrsquoobjet drsquoapplications de projets de deacuteveloppements (technologie inseacutereacutee dans desproduits ou des proceacutedeacutes de productionhellip) qui seront rentables agrave terme pour lrsquoentre-prise En drsquoautres mots les inventions doivent devenir des innovations crsquoest-agrave-direprendre une forme commercialisable Et de lrsquoinvention agrave lrsquoinnovation du labora-toire au marcheacute le retour sur investissement est souvent long Pour ces raisonsbeaucoup drsquoentreprises ne deacuteveloppent qursquoune activiteacute de recherche appliqueacutee ellesutilisent les reacutesultats de la recherche fondamentale dans le cadre de projets applica-tifs speacutecifiques

La gestion de la R amp D soulegraveve donc plusieurs questions quels avantages procureagrave lrsquoentreprise lrsquointernalisation de la recherche Quelles sont les diffeacuterentes formesdrsquoinnovations possibles et comment les diffuser Ces questions sont traiteacutees dans cequi suit

filiale peut ecirctre communiqueacute aux autres ce qui limite la reproduction des erreurs et faciliteleur reacutesolution Les employeacutes semblent ainsi comprendre lrsquointeacuterecirct de lrsquointranet et lrsquoutilisenteacutegalement pour creacuteer des communauteacutes afin de discuter de projets ponctuels Actuelle-ment il existe 37 communauteacutes pour 1 650 membres avec 6 800 connexions mensuel-les Progressivement la culture drsquoentreprise prend forme

Agrave partir de laquo Vallourec reacuteinvente sa pratique sociale raquoLes Eacutechos 4 novembre 2008 et wwwvalloureccom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

31 Lrsquointernalisation de la recherche

Lrsquointernalisation de la recherche repreacutesente un coucirct eacuteleveacute qui peut affaiblir lacompeacutetitiviteacute agrave court terme de lrsquoentreprise (parce que le retour sur investissementest long et les reacutesultats aleacuteatoires) Cependant certaines entreprises font le choixdrsquoune strateacutegie pionniegravere qui consiste agrave devancer au niveau technologique lesconcurrents Lrsquointeacuterecirct est de capter les premiers clients de creacuteer une image de pion-nier de beacuteneacuteficier de marges eacuteleveacutees (possibles par la diffeacuterenciation ou la domina-tion par les coucircts) et de dicter les regravegles du jeu concurrentiel Cette strateacutegie estreacuteellement pertinente lorsque la technologie est essentielle agrave lrsquoavantage concurren-tiel Lrsquoentreprise qui internalise la R amp D veille donc agrave proteacuteger ses innovations afinque ses concurrents ne puissent se les approprier et agrave les renouveler reacuteguliegraverement

Dans certaines conditions de marcheacute (manque de ressources financiegraveres faiblecontribution de la technologie agrave lrsquoavantage concurrentiel strateacutegie de suiveur tech-nologie tregraves complexehellip) il peut ecirctre plus inteacuteressant drsquoacqueacuterir la technologie oudrsquoen partager le deacuteveloppement (alliance) En effet il est possible drsquoexploiter unetechnologie deacuteveloppeacutee par drsquoautres Lrsquoacquisition se fait alors par le moyen delicence Par ce principe lrsquoentreprise qui est proprieacutetaire drsquoun brevet et dispose drsquounmonopole drsquoexploitation peut conceacuteder agrave une ou plusieurs firmes le droit delrsquoexploiter Lrsquoentreprise peut aussi acqueacuterir un brevet voire acheter des entreprisesinnovantes Cette option srsquoavegravere moins coucircteuse et limite les risques de deacuteveloppe-ment en interne de la R amp D Mais alors la firme est souvent deacutependante et joue lerocircle de suiveur Une alternative consiste agrave srsquoallier avec une ou plusieurs entreprisespour deacutevelopper en commun une technologie Ces alliances technologiques permet-tent de partager les coucircts de la recherche et drsquoen limiter les risques

Lrsquoarbitrage entre deacuteveloppement interne acquisition ou alliance en matiegravere tech-nologique est donc fonction de nombreux facteurs La strateacutegie R amp D aboutit agravediffeacuterents types drsquoinnovations dont il convient drsquoassurer la diffusion en vue de renta-biliser les investissements consentis

32 Les formes drsquoinnovation et leur diffusion

Les innovations srsquoanalysent principalement selon deux axes leur nature et leurimpact

Srsquoagissant de leur nature les innovations peuvent porter sur les produits les servi-ces et les proceacutedeacutes (de production drsquoorganisation de distributionhellip) Lrsquoinnovationde produit consiste agrave modifier ou eacutetendre les attributs et les fonctionnaliteacutes drsquounproduit pour en ameacuteliorer lrsquousage par les clients Lrsquoexemple des teacuteleacutephones portablesest reacuteveacutelateur Alors que leur fonction de deacutepart eacutetait simplement de teacuteleacutephoner leursattributs se sont deacuteveloppeacutes permettant aux clients drsquoeacutecouter de la musique deconsulter Internet de prendre des photos drsquoenregistrer des videacuteos de regarder lateacuteleacutevisionhellip Lrsquoinnovation de service se reacutefegravere agrave une modification des modaliteacutes de

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production et de deacutelivrance de prestations immateacuterielles (comme le conseil) etoudrsquooffres combinant produits et services (comme le tourisme) Ainsi le self-scanningconstitue une innovation de services en ce sens que les clients des supermarcheacutes ethypermarcheacutes peuvent deacutesormais scanner eux-mecircmes leurs achats et payer agrave uneborne avec une intervention limiteacutee du personnel Enfin lrsquoinnovation de proceacutedeacutesconsiste agrave adopter de nouvelles meacutethodes de conception de production et de distri-bution de lrsquooffre ou agrave ameacuteliorer les meacutethodes existantes Ainsi lrsquoarriveacutee des techno-logies de lrsquoInternet a consideacuterablement modifieacute les proceacutedeacutes de vente desentreprises Amazon a ainsi eacuteteacute un preacutecurseur en matiegravere de vente par Internet

Ensuite lrsquoinnovation srsquoanalyse selon son impact On identifie ainsi les innovationsincreacutementales et radicales Les innovations increacutementales consistent en unelaquo simple raquo ameacutelioration du produit du service etou du proceacutedeacute existant et ont deseffets limiteacutes sur lrsquoentreprise et le marcheacute Chaque nouvelle version du systegravemedrsquoexploitation Windows (XP Vistahellip) constitue une innovation increacutementale en cesens qursquoelle ne srsquoeacuteloigne que partiellement de la version preacuteceacutedente Les innovationsradicales (ou de rupture) se caracteacuterisent par lrsquoemploi de proceacutedeacutes de conception deproduction etou de distribution totalement ineacutedits et deacutebouchant sur des offresparfaitement originales pour les clients potentiels

Repegraveres La Prius de Toyota une innovationradicale

Avec la Prius Toyota est la premiegravere entreprise agrave avoir deacuteveloppeacute une voiture agrave motorisa-tion hybride produit en seacuterie et commercialiseacute degraves 1997 un veacutehicule totalement eacutecologi-que Ce veacutehicule preacutesente la caracteacuteristique majeure de consommer jusqursquoagrave 40 drsquoessence en moins (par rapport agrave un veacutehicule de mecircme gabarit) et de rejeter moins de CO2(104 gkm) Drsquoabord lanceacutee au Japon en 1997 la Prius est vendue aux Eacutetats-Unis et enEurope agrave partir de 2000 Si les ventes de cette version sont resteacutees modestes les premiegraveresanneacutees elles se sont progressivement deacuteveloppeacutees notamment avec lrsquoarriveacutee de ladeuxiegraveme geacuteneacuteration de la PriusLa Prius de deuxiegraveme geacuteneacuteration est apparue fin 2003 aux Eacutetats-Unis et au Japon Elle faitson entreacutee sur le marcheacute europeacuteen agrave partir de lrsquoanneacutee 2004 Elle est aujourdrsquohui disponibledans le monde entier La nouvelle version plus performante avec une ligne plus seacutedui-sante des dimensions plus geacuteneacutereuses et un tarif moins prohibitif a connu un reacuteel succegravesEacutelue voiture de lrsquoanneacutee par un jury de 58 journalistes europeacuteens loin devant la Citroeumln C4et la Ford Focus la Prius II est sans nul doute la voiture qui offre le plus drsquoinnovations tech-niques et surtout repose sur une technologie reacutesolument tourneacutee vers lrsquoavenir La Prius IIdispose ainsi drsquoun nouveau systegraveme hybride deacuteveloppeacute selon le concept reacutevolutionnairebaptiseacute Hybrid Synergie Drive Alors que les hybrides de geacuteneacuteration actuelle laissent aumoteur agrave essence le soin drsquoassurer les performances essentielles ndash le moteur eacutelectriqueservant drsquoauxiliaire ndash dans un systegraveme Hybrid Synergie Drive le moteur eacutelectriqueacquiert un rocircle beaucoup plus important eacutegalement axeacute sur les performances Ainsidans les phases ougrave le moteur thermique se reacutevegravele insuffisamment eacuteconomique le veacutehiculetire uniquement sa puissance du moteur eacutelectrique En conditions normales le moteur agrave

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Ensuite quels que soient sa nature et son impact lrsquoinnovation doit ecirctre diffuseacuteeafin que ses destinataires lrsquoadoptent Cela consiste donc en la confrontation delrsquoinnovation au marcheacute La diffusion des innovations srsquoeffectue selon deux logiquesprincipales la premiegravere met lrsquoaccent sur le rocircle des caracteacuteristiques intrinsegraveques delrsquoinnovation tandis que la seconde reacutevegravele lrsquoinfluence joueacutee en amont du processuspar les acteurs du reacuteseau socio-eacuteconomique

Selon la premiegravere approche les qualiteacutes de lrsquoinnovation deacuteterminent sa propaga-tion sur le marcheacute Selon Rogers (1962) ces qualiteacutes sont au nombre de cinq Toutdrsquoabord lrsquoinnovation doit preacutesenter un avantage relatif par rapport au produit ou latechnologie qursquoelle remplace Cet avantage peut notamment se mateacuterialiser par uneameacutelioration des fonctionnaliteacutes un gain eacuteconomiquehellip Le second critegravere concernela compatibiliteacute Lrsquoinnovation doit en effet ecirctre coheacuterente avec les valeurs les atten-tes et les expeacuteriences du consommateur Plus cette compatibiliteacute est grande pluslrsquoinnovation est perccedilue comme leacutegitime Ensuite la complexiteacute renvoie au degreacute dedifficulteacute de compreacutehension et drsquoutilisation drsquoune innovation Toutefois si lrsquoexcegraves decomplexiteacute tend agrave engendrer le rejet des clients lrsquoinsuffisance de complexiteacute limitelrsquoattrait pour lrsquoinnovation Le quatriegraveme critegravere concerne lrsquoessayabiliteacute Plus lrsquoinno-vation sera facile agrave expeacuterimenter plus elle se diffusera aiseacutement Enfin lrsquoobservabi-liteacute traduit la visibiliteacute des reacutesultats de lrsquoinnovation Plus les consommateurs peuvent

essence et le moteur eacutelectrique entraicircnent tous les deux les roues Pour cela le systegravemeseacutelectionne une plage de fonctionnement efficace pour que le moteur thermique puisseentraicircner les roues et controcircle en continu la reacutepartition et la distribution de la puissanceLrsquoameacutelioration du rendement du moteur eacutelectrique a ainsi permis drsquoeacutelargir sa plage defonctionnement si bien que le moteur eacutelectrique peut ecirctre complegravetement coupeacute lorsqursquoilsrsquoavegravere moins rentableLrsquoanneacutee 2007 marque le dixiegraveme anniversaire du lancement de la premiegravere voiture hybridede seacuterie ainsi que le leadership de Toyota sur le marcheacute des voitures eacutecologiques Apregravesavoir vendu plus drsquoun million de veacutehicules hybrides dans le monde dont plus de 100 000en Europe Toyota vise agrave preacutesent des ventes annuelles drsquoun million degraves 2010 dans le mondePour atteindre de tels objectifs Toyota propose aujourdrsquohui via sa marque de luxe Lexusdiffeacuterentes voitures hybrides du grand 4x4 routier (le R400 et le Highlander) agrave la limou-sine de grand luxe et enrichit la gamme de marque Toyota (notamment avec la Camrylanceacutee en 2006) Drsquoici 2010 lrsquoambition du groupe est drsquoeacutequiper une quinzaine de modegravelesdrsquoune motorisation hybride Toyota est eacutegalement preacutesent sur le marcheacute des poids lourds elle commercialise depuis 2003 au Japon une version hybride drsquoun modegravele de petit camionLa Prius de Toyota constitue une veacuteritable innovation radicale elle se caracteacuterise parlrsquoemploi drsquoune technologie inconnue jusqursquoalors (la motorisation hybride) deacutebouche surune offre ineacutedite (le premier veacutehicule eacutecologique) et est aussi agrave lrsquoorigine de la creacuteation drsquounsegment de produit nouveau dans le secteur

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produitet strateacutegie de premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance

avec la Prius raquo Atelier de cas peacutedagogique Cas en management strateacutegiqueCNAM Paris mars 2008

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percevoir les performances de lrsquoinnovation plus celle-ci pourra seacuteduire Ainsi lors-que lrsquoinnovation se conforme agrave ces critegraveres les chances de srsquoimposer face aux eacuteven-tuels projets concurrents augmentent

La seconde approche deacuteveloppeacutee par Akrich Callon et Latour (1988) pose quelrsquoadoption drsquoune innovation deacutepend en fait du soutien que lui apportent les acteursdu reacuteseau socio-eacuteconomique (fabricants de produits lieacutes fournisseurs distributeursprescripteurs acheteurs potentiels experts communauteacutes scientifiques organismesde financementhellip) En effet la diffusion de lrsquoinnovation provient des confrontationscompromis neacutegociations et conflits entre diffeacuterents acteurs concerneacutes par lrsquoinnova-tion Crsquoest ainsi qursquoune innovation se trouve confronteacutee tregraves tocirct agrave un ensembledrsquoallieacutes (ceux qui ont inteacuterecirct agrave sa diffusion) mais eacutegalement drsquoennemis (ceux pourqui la diffusion drsquoune innovation constitue une menace) Elle sera donc une reacuteussitelorsqursquoelle inteacuteressera un nombre drsquoacteurs eacuteleveacutes et aura reacutesisteacute aux critiques desopposants A contrario elle eacutechouera lorsque le reacuteseau des opposants aura eacuteteacute plusconvaincant que celui des deacutefenseurs En conseacutequence il srsquoagira pour le responsabledu projet de tisser des liens avec les acteurs susceptibles drsquoecirctre concerneacutes par lrsquoinno-vation (fournisseurs concurrents fabricants de produits compleacutementaires organis-mes clients experts prescripteurshellip) Ces derniers en fonction de leurs inteacuterecirctsrespectifs vont infleacutechir lrsquoinnovation en cours et geacuteneacuterer des adaptations Lrsquoentre-prise peut parfois mecircme modifier ses choix initiaux En fin de course lrsquoinnovationde lrsquoentreprise sera ajusteacutee aux contraintes et enjeux des acteurs du reacuteseau Lrsquoinnova-tion va donc prendre sa forme deacutefinitive au fil des interactions sociales entre acteursDegraves lors elle pourra leur servir dans le cadre de projets et drsquoopportuniteacutes qui leursont propres Et pour cette raison ils lui fourniront le soutien neacutecessaire agrave sa diffu-sion Ils en sont devenus les sponsors La diffusion drsquoun standard technologique(norme de compatibiliteacute entre des produits compleacutementaires) illustre le rocircle desallieacutes Ainsi dans le secteur de la photographie le standard APS est le reacutesultat drsquounaccord entre drsquoune part les geacuteants de la pellicule photographique (Kodak et Fuji) etdrsquoautre part les fabricants drsquoappareils photographiques (Canon Nikon et Minolta)Cette entente annonceacutee avant le lancement des produits a permis (voire contraint) laconstitution drsquoun reacuteseau drsquoallieacutes (les distributeurs les prescripteurshellip) qui ont ainsiassureacute la diffusion du standard

In fine lrsquoeacutetude des missions de la R amp D a permis de reacuteveacuteler lrsquointeacuterecirct de lrsquointerna-lisation des activiteacutes de recherche les types drsquoinnovation et les modaliteacutes de la diffu-sion Son rocircle de soutien au marketing (nouveau produit) agrave la production (proceacutedeacuteplus performant)hellip est donc fondamental Poursuivons notre analyse des fonctionsde soutien avec lrsquoapprovisionnement

4 Les approvisionnements

Les approvisionnements concernent les processus drsquoacquisition des ressourcesneacutecessaires au fonctionnement des activiteacutes principales (achat de matiegraveres premiegrave-

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res drsquoeacutequipements de production de prestations de conseil et de formationhellip) Ilsont une influence directe sur la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise En effet la politiquedrsquoapprovisionnement doit assurer la fourniture en qualiteacute et en quantiteacute optimales etau moindre coucirct des matiegraveres mateacuteriaux et services dont lrsquoentreprise a besoin Souslrsquoeffet de lrsquoexternalisation massive de nombreuses activiteacutes les achats ont progressi-vement acquis une dimension strateacutegique

Face agrave de tels enjeux la politique drsquoapprovisionnement srsquoanalyse en deux eacutetapesLa premiegravere srsquointeacuteresse aux types drsquoachat tandis que la seconde porte sur la seacutelectiondes fournisseurs et la deacutefinition drsquoun horizon de coopeacuteration

41 La typologie des achats

On ne bacirctit pas une politique drsquoachat identique pour lrsquoensemble des achats Il esten effet classique de distinguer les achats routiniers (dont lrsquoentreprise a besoin defaccedilon reacuteguliegravere) des achats exceptionnels de mecircme qursquoon eacutetablit une diffeacuterence entreles achats agrave forte valeur ajouteacutee (qui deacutetermine la creacuteation de valeur pour le clientetou influence la rentabiliteacute de lrsquoentreprise) et ceux agrave faible valeur ajouteacutee

Les achats routiniers et exceptionnels agrave faible valeur ajouteacutee (par exemple lapapeterie pour une PME speacutecialiseacutee dans le bacirctiment) ne neacutecessitent pas une politi-que drsquoapprovisionnement tregraves eacutelaboreacutee car le risque sur lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise estmoindre Les achats routiniers agrave plus forte valeur ajouteacutee (comme les matiegraverespremiegraveres comme le plastique pour un fabricant de jouet) doivent faire lrsquoobjet drsquouneattention particuliegravere En effet lrsquoentreprise doit seacutecuriser ses approvisionnementspour eacuteviter toute rupture de sa production Elle doit eacutegalement veiller agrave la qualiteacute desmatiegraveres livreacutees car elle peut influencer la qualiteacute de son propre produit Les achatsexceptionnels agrave plus forte valeur ajouteacutee (comme lrsquoeacutequipement de production pourun industriel) doivent eacutegalement faire lrsquoobjet drsquoun processus rigoureux car le coucirct delrsquoachat et son impact sur lrsquoactiviteacute le justifient Cette typologie est eacutevidemmentvariable drsquoune entreprise agrave une autre Une PME et une grande entreprise ne situentpas au mecircme niveau tant le caractegravere reacutepeacutetitif drsquoun achat que sa valeur ajouteacutee Il estalors de la responsabiliteacute de lrsquoentreprise de deacutefinir les seuils agrave partir desquels srsquoopegraverela classification Celle-ci permettra alors de bacirctir une politique drsquoachat adapteacutee et unmode relationnel avec les fournisseurs

42 La seacutelection des fournisseurs lrsquohorizon de coopeacuteration

Pendant longtemps les politiques drsquoapprovisionnement privileacutegiaient le prix Lesfournisseurs les moins-disants eacutetaient preacutefeacutereacutes De telles politiques consistaient agravemettre constamment en concurrence un grand nombre de fournisseurs et ce quel quesoit le type drsquoachat Avec lrsquoeacutevolution des meacutethodes de production et de logistique(notamment le JIT) les meacutethodes drsquoapprovisionnement se modifient elles devien-nent moins axeacutees sur le prix et le court terme Crsquoest particuliegraverement le cas pour les

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achats routiniers agrave forte valeur ajouteacutee Lrsquoideacutee est que les relations de long termeentre entreprises favorisent les gains mutuels Les entreprises nouent alors avec unnombre limiteacute de fournisseurs des relations durables Ces derniers disposent de cefait drsquoune plus grande visibiliteacute sur leur carnet de commandes et peuvent optimiserleur fonctionnement (en logistique production et approvisionnement) Les clientspeuvent fiabiliser et fideacuteliser leurs prestataires et beacuteneacuteficier de leurs ameacuteliorations entermes de coucircts drsquoinnovationhellip Cependant les relations partenariales entre entre-prises ne signifient pas lrsquoabsence de mise en concurrence et de controcircle

Repegraveres Lrsquoapprovisionnement drsquoIkeacutea

Reacuteputeacute pour ses meubles au design original fonctionnels faciles agrave monter immeacutediate-ment disponibles et peu chers le groupe sueacutedois Ikeacutea a notamment fondeacute son succegraves surune politique drsquoapprovisionnement global Afin de garantir des prix bas agrave ses clients Ikeacuteasrsquoest organiseacute de maniegravere agrave pouvoir acheter au meilleur prix Lrsquoentreprise dispose ainsi detrente bureaux drsquoachats reacutepartis sur le territoire mondial Leurs missions sont de trouverdes fournisseurs potentiels et de seacutelectionner ceux qui satisfont le plus aux critegraveres de coucirctet de faciliteacute de fabrication Ikeacutea gegravere ainsi pregraves de 1 800 fournisseurs dans 45 pays Etmalgreacute des proceacutedures de reacutefeacuterencement rigoureuses les fournisseurs se sont toujoursmontreacutes inteacuteresseacutes En effet en devenant fournisseur Ikeacutea ils avaient accegraves agrave un marcheacuteglobal et pouvaient beacuteneacuteficier des conseils et de lrsquoexpertise drsquoIkeacutea pour hisser leur produc-tion au niveau des standards internationauxDurant les anneacutees quatre-vingt-dix Ikeacutea soucieuse de son image drsquoentreprise responsablea peu agrave peu inteacutegreacute les dimensions environnementales agrave son management opeacuterationnelEn effet la principale matiegravere premiegravere eacutetant le bois Ikeacutea devait srsquoassurer que ses meublesnrsquoeacutetaient pas fabriqueacutes agrave partir de bois provenant drsquoune deacuteforestation par exemple Celapouvait alors nuire agrave son image de marque Ikeacutea devait donc parvenir agrave controcircler sa chaicircnede fournisseurs et srsquoassurer que les produits eacutetaient fabriqueacutes de maniegravere responsableCela srsquoest traduit par lrsquoeacutelaboration drsquoun code de conduite en matiegravere drsquoachat de produitspour lrsquoameacutenagement de la maisonLe code de conduite Ikeacutea se compose drsquoun ensemble de regravegles aux niveaux social et envi-ronnemental Au niveau social les fournisseurs sont tenus de respecter les lois et reacutegle-mentations nationales ainsi que les conventions internationales en matiegravere de conditionsde travail et de travail des enfants Plus speacutecifiquement les fournisseurs sont inciteacutes agraverespecter les Droits de lrsquohomme et agrave traiter leurs employeacutes eacutequitablement et avec respectCela se concreacutetise par certaines obligations comme de fournir un environnement de travailsain et sucircr de payer le salaire minimum leacutegal et drsquoindemniser les heures suppleacutementairesde ne pas faire appel au travail des enfants ou de ne pas recourir au travail forceacute ou agravelrsquoesclavage Sur le plan environnemental Ikeacutea srsquoefforce de reacuteduire au maximum tout effetneacutefaste sur lrsquoenvironnement qui puisse reacutesulter de ses activiteacutes et incite ses fournisseurs agraveen faire de mecircme Leurs obligations portent sur la reacuteduction des deacutechets et des eacutemissionsdans lrsquoair le sol et lrsquoeau la contribution au recyclage et la reacuteutilisation des mateacuteriaux etproduits usageacutes Ils doivent eacutegalement utiliser du bois provenant de zones identifieacutees etdans la mesure du possible de zones forestiegraveres bien geacutereacutees et de preacutefeacuterence certifieacuteescomme telles par un organisme indeacutependant

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Lrsquoeacutevolution des politiques drsquoapprovisionnement ne doit pas faire perdre de vue ladifficulteacute drsquoidentifier de nouveaux fournisseurs et la neacutecessiteacute de les eacutevaluer Eneffet la reacuteduction du nombre de fournisseurs induite par les relations durablesaugmente la vulneacuterabiliteacute La recherche de fournisseurs est alors une maniegravere de sepreacutemunir de la deacutefaillance des prestataires actuels et de faire peser sur eux unemenace La seacutelection drsquoun prestataire est un exercice difficile Son eacutevaluation peut sefaire sur des critegraveres classiques (reacutefeacuterences qualiteacute services fiabiliteacute prix capaciteacutedrsquoinnovation connaissances du secteur maicirctrise des problegravemes du client soliditeacutefinanciegravere deacutelaishellip) mais ce dernier peut toujours faire miroiter des compeacutetencesqursquoil ne maicirctrise pas prendre des engagements qursquoil est incapable de tenir et mettreson client en difficulteacute

Pour beacuteneacuteficier des avantages de la coopeacuteration tout en maintenant une certaineconcurrence certaines entreprises partagent ainsi leur volume entre plusieurs entre-prises On distingue geacuteneacuteralement un fournisseur principal qui beacuteneacuteficie de lrsquoessen-tiel du volume du client et des fournisseurs secondaires Le fournisseur principal estdonc motiveacute agrave maintenir sa position tandis que les fournisseurs secondaires tententde srsquoaccaparer une fraction plus importante du volume Dans certains cas il estpossible de reacutefeacuterencer des fournisseurs potentiels qui pourront ecirctre activeacutes en cas dedeacutefaillance des prestataires Lrsquoentreprise parvient ainsi agrave concilier les avantages de lacoopeacuteration et les beacuteneacutefices de la concurrence entre fournisseurs

Aux fonctions de soutien preacuteceacutedemment eacutetudieacutees nous ajoutons le deacuteveloppementdurable (DD) En effet sous lrsquoeffet de nombreuses eacutevolutions (loi NRE criseseacutecologiques scandales financiershellip) les questions de responsabiliteacute des entreprisessont devenues cruciales Et de nombreuses entreprises ont ajouteacute le DD agrave leurs acti-viteacutes traditionnelles ndash ou lrsquoont inteacutegreacute agrave celles-ci ndash allant parfois jusqursquoagrave creacuteer unservice du deacuteveloppement durable

5 Le deacuteveloppement durable

En 1987 la commission de lrsquoONU preacutesideacutee par Gro Harlem Brundtland deacutefinit lanotion de deacuteveloppement durable (DD) comme un laquo mode de deacuteveloppement quireacutepond aux besoins du preacutesent sans compromettre la capaciteacute des geacuteneacuterations futuresde reacutepondre aux leurs raquo Depuis lors les preacuteoccupations de la socieacuteteacute dans son

Ikeacutea cherche agrave diffuser cette politique sur lrsquoensemble de la filiegravere Lrsquoentreprise indique eneffet agrave ses fournisseurs qursquoils doivent communiquer le contenu de laquo la politique de Ikeacutea enmatiegravere drsquoachats de produits pour lrsquoameacutenagement de la maison raquo agrave leurs propres fournis-seurs Mais le code de conduite Ikeacutea nrsquoest pas qursquoune liste de regravegles sans controcircle Lesbureaux drsquoachats drsquoIkeacutea ont la responsabiliteacute directe drsquoapporter leur soutien aux fournis-seurs et de les controcircler afin drsquoassurer le suivi de ce qui est fait au niveau global

Agrave partir de wwwikeacom

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ensemble agrave lrsquoeacutegard des questions de responsabiliteacutes sociales socieacutetales et environne-mentales nrsquoont cesseacute de srsquointensifier ndash de nombreux eacutevegravenements ponctuent lrsquohistoiredu DD (sommet de Rio en 1992 sommet de Johannesbourg en 2002hellip) Et si lesenjeux du DD concernent tous les acteurs de la socieacuteteacute du cocircteacute des entreprises ilconvient drsquoobserver une inteacutegration progressive des questions de durabiliteacute dans leurmanagement se traduisant par lrsquoadoption de politique de RSE (responsabiliteacute socialedes entreprises) Nous analysons successivement les principaux facteurs qui en sontagrave lrsquoorigine comme les modaliteacutes de ces engagements

51 Les facteurs explicatifs de la RSE le rocircle des parties prenantes (PP)

Depuis plusieurs anneacutees maintenant il convient drsquoobserver un changement desregravegles dans la conduite des affaires Celui-ci srsquoexplique notamment par les effetsconjoints de crises eacutecologiques (Erika Exxon Valdeshellip) et socio-eacuteconomiques(Enron Parmalathellip) de menaces environnementales (pluies acides deacuteforestationeffet de serrehellip) et du pouvoir de pression grandissant des parties prenantes Eneffet la responsabiliteacute de certaines firmes dans ces crises eacutetant aveacutereacutee elles ont faitlrsquoobjet de nombreuses critiques dont les meacutedias les associations de citoyens lesONG (comme Greenpeace)hellip se sont faits les relais Il srsquoen est suivi des mouve-ments drsquoopinion des contre-compagnes publicitaires des appels au boycotthellip auxconseacutequences reacuteelles sur la performance de ces firmes Nike a ainsi fait lrsquoobjetentre 1997 et 2000 de contre-campagnes de publiciteacute sur les pratiques socialesdouteuses de ses sous-traitants dont la conseacutequence fucirct une chute de son titre de76 dollars agrave moins de 28 dollars Selon Freeman (1984) un preacutecurseur de la RSE cetype de mouvements traduit un affaiblissement de lrsquoapproche de la shareholdervalue accordant aux actionnaires un rocircle preacutepondeacuterant dans la deacutefinition des orien-tations strateacutegiques et une accentuation de lrsquoapproche de la stakeholder value pourlaquelle la diversiteacute ainsi que lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des requecirctes des diffeacuterentes partiesprenantes conduisent agrave reconsideacuterer la place et le rocircle de la firme dans la socieacuteteacute eta fortiori son management strateacutegique

Constitue selon Freeman (1984) une PP laquo tout groupe ou individu qui peut affec-ter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de lrsquoentreprise raquo Finale-ment tout individu ou groupe ayant un inteacuterecirct dans et pour lrsquoorganisation doit ecirctreconsideacutereacute comme une PP Le tableau suivant propose une synthegravese des principalesPP et de leur(s) inteacuterecirct(s) respectif(s)

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Tableau 14 mdash Les PP et leurs inteacuterecircts respectifs

Source adapteacute du guide SD 21000 de lrsquoAfnor 2003

Parties prenantes

InteacuterecirctsEacuteconomique Social Environnemental

Actionnaires et proprieacutetaires

Reacutesultats financiers Eacutethique maicirctrise des risques anticipation et transparence

Maicirctrise des risques lieacutes agrave lrsquoimage anticipation et gestion de crise

Pouvoirs publics Contribution agrave la richesse nationale et locale

Respect de la reacuteglementation en matiegravere de droit du travail

Respect de la reacuteglementation

Banques Peacuterenniteacute eacuteconomique Anticipation sur les besoins de reclassement afin drsquoen limiter les coucircts

Maicirctrise des risques environnementaux et de leurs impacts financiers

Employeacutes Eacutequiteacute sociale reacutemuneacuteration

Motivation consultation interne formation professionnelle deacuteveloppement employabiliteacute

Respect de lrsquoenvironnement local

Clients Politiques tarifaires qualiteacute des produits

Eacutethique commerce eacutequitable

Consommation de ressources

Fournisseurs Relations de partenariat agrave long terme

Formalisation des exigences eacutethiques et deacuteontologiques

Formalisation des speacutecifications techniques

Sous-traitants Reacutemuneacuteration eacutequitable information des perspectives de deacuteveloppement et peacuterenniteacute de la collaboration

Formalisation des exigences en matiegravere de conditions de production et des modes de controcircle et drsquoaudit

Deacutefinition claire des exigences environnementales sur les produits et les processus

Consommateurs Juste prix Respect du droit social Respect de lrsquoenvironnement et information

Concurrents Comparaison de pratiques

Respect du droit de la concurrence eacutethique absence de dumping social

Respect des regravegles de protection

Communauteacutes locales et territoriales

Peacuterenniteacute de lrsquoentreprise Prise en compte des attentes locales participation agrave la vie locale acteur du bassin drsquoemploi

Information et transparence reacuteduction des nuisances

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Repegraveres Les reacuteactions des parties prenanteslors de la privatisation de GDF

GDF Gaz de France est une entreprise publique speacutecialiseacutee dans la distribution de gaznaturel aux particuliers aux collectiviteacutes territoriales et aux industriels GDF a des activiteacutesdans plus de trente pays et emploie 50 244 collaborateurs Disposant jusque reacutecemmentdrsquoun monopole dans lrsquoindustrie du gaz naturel lrsquoentreprise a ducirc srsquoadapter En effet unedirective de la Commission europeacuteenne en 1996 preacutevoyait de promouvoir la concurrenceau sein du secteur de lrsquoeacutenergie et la transposition de cette directive dans la leacutegislationnationale srsquoest traduite par une privatisation du groupe Lrsquoannonce de cette nouvelle auxparties prenantes de lrsquoentreprise nrsquoa pas eacuteteacute favorablement accueillie Malgreacute de nombreu-ses protestations la directive de Bruxelles a eacuteteacute adopteacutee et en 2004 tous les clients indus-triels et les collectiviteacutes territoriales pouvaient choisir librement leur fournisseur de gaznaturel et cela a eacuteteacute eacutetendu aux clients particuliers le 1er juillet 2007 Depuis lors GDF estconfronteacutee agrave lrsquoouverture totale de son marcheacute donc agrave une concurrence europeacuteenne vive etdynamique

Les reacuteactions des parties prenantes agrave lrsquoannonce de la privatisationLrsquoEacutetat initialement lrsquoEacutetat franccedilais nrsquoeacutetait pas favorable agrave la transposition de la directivebruxelloise au droit franccedilais Mais les pressions en provenance de Bruxelles et de certainsEacutetats membres lrsquoont contraint agrave revoir ses positions et srsquoouvrir aux neacutegociationsLes salarieacutes avant que les neacutegociations sur la privatisation ne commencent nombre desalarieacutes avaient montreacute leur indignation en manifestant devant le siegravege parisien du Partisocialiste dans le cadre drsquoune journeacutee nationale drsquoaction pour la deacutefense du service publicCette journeacutee avait eacuteteacute marqueacutee par des arrecircts de travail des baisses de charge et descoupures drsquoeacutelectriciteacuteLa chaicircne gaziegravere la libeacuteralisation du marcheacute a signifieacute la seacuteparation des meacutetiers degestionnaires de reacuteseaux et ceux de distributeurs GDF a ainsi creacuteeacute deux entiteacutes distinctes une pour la commercialisation du gaz et une autre chargeacutee de la gestion des reacuteseauxLes entiteacutes de reacutegulation pour assurer le bon fonctionnement de la nouvelle organisationde la chaicircne gaziegravere et veiller au respect de la concurrence dans le secteur la CRE Commis-sion de reacutegulation de lrsquoeacutenergie a eacuteteacute deacutesigneacutee comme autoriteacute de reacutegulation du secteurLes clients mecircme si la concurrence devait avoir des effets positifs ndash pour les deacutefenseurs delrsquoouverture du marcheacute eacutenergeacutetique cela se traduirait par des offres plus attractives pourclients ndash les associations de consommateurs ont craint le contraire Ils pensaient que lesprix augmenteraient et que la qualiteacute de services allait se deacutegrader Lrsquoentreprise pour nepas perdre ses clients au 1er juillet de 2007 avait notamment annonceacute que les clients quiquittaient GDF ne pourraient plus beacuteneacuteficier des tarifs neacutegocieacutes par lrsquoEacutetatLes associations de protection de lrsquoenvironnement ces derniegraveres comme Greenpeace crai-gnaient que la privatisation ne se traduise par une baisse de la protection environnemen-tale Une nouvelle manifestation contre la privatisation fut organiseacutee le 10 mai 2007 parles salarieacutes quelques militants politiques et une partie de lrsquoopinion publique

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Cependant srsquoil existe de nombreuses PP et de multiples attentes toutes les PPnrsquoexercent pas des pressions de mecircme importance Mitchell et al (1997) proposentainsi une typologie des PP en fonction du nombre drsquoattributs qursquoelles possegravedent(tableau 15) Ce sont le pouvoir la leacutegitimiteacute et lrsquourgence

Les actionnaires pour GDF entreprise publique depuis 1946 lrsquoouverture du marcheacute srsquoestconcreacutetiseacutee par le passage en socieacuteteacute anonyme en 2004 LrsquoEacutetat eacutetait pourtant encorelrsquoactionnaire majoritaire En termes financiers cette ouverture du capital a eacuteteacute un succegravespuisque plus de 3 millions de particuliers et plus de 70 000 salarieacutes actifs et retraiteacutes sontdevenus actionnaires de GDF Ces mecircmes salarieacutes actionnaires proposaient qursquoen 2007 lesdividendes de cette anneacutee ne deacutepassent pas ceux de lrsquoanneacutee preacuteceacutedente afin que lrsquoentre-prise puisse investir plus Si cette initiative nrsquoa pas eacuteteacute suivie par tous elle deacutemontre lrsquoimpli-cation des nouveaux actionnaires dans lrsquoavenir du groupeLes collectiviteacutes territoriales avec la privatisation les collectiviteacutes territoriales sont deve-nues proprieacutetaires du reacuteseau de distribution du gaz et avaient le pouvoir de conceacuteder ounon lrsquoexploitation des reacuteseaux agrave GDF ou agrave drsquoautres entreprises Cette fragmentation dureacuteseau serait alors selon ses deacutetracteurs responsable de la deacutegradation de la qualiteacute deservice et de la seacutecuriteacute des approvisionnements Les deacutefenseurs de cette ideacutee ont pu fairevaloir leurs arguments lorsqursquoen aoucirct 2005 le prix du peacutetrole a augmenteacute tregraves rapidementEn effet afin de maintenir leur rentabiliteacute les producteurs de gaz ont proceacutedeacute agrave desaugmentations de prix et par conseacutequent GDF a eacuteteacute contraint de demander agrave lrsquoEacutetat uneautorisation drsquoaugmentation de 12 de ses tarifs degraves 2005 Apregraves neacutegociation GDF a eacuteteacuteautoriseacutee agrave augmenter ses tarifs de 12 agrave partir du 1er novembre 2005 Mais pour atteacute-nuer cet impact lrsquoentreprise a ducirc accorder agrave ses clients une remise commerciale de 44 du montant de lrsquoabonnement pendant les cinq mois drsquohiver Cet eacutepisode a marqueacute lrsquoimpor-tance de lrsquointervention de lrsquoEacutetatLes concurrents face aux contestations lieacutees agrave la privatisation GDF a essayeacute de maintenirune offre de qualiteacute et des prix concurrentiels Cependant lrsquoisolement de lrsquoentreprise fran-ccedilaise vis-agrave-vis des autres concurrents eacutetait perccedilu comme une menace pour GDF Pourcontrer cela lrsquoentreprise a chercheacute un allieacute comme Suez Drsquoautres ideacutees ont eacuteteacute eacutevoqueacuteescomme un rapprochement avec EDF Drsquoautres pistes sont envisageacutees comme la creacuteationdrsquoun pole public de lrsquoeacutenergie ou un rapprochement avec un gros producteur de gaz euro-peacuteen ou avec un eacutenergeacuteticien europeacuteen (le distributeur espagnol Gas Natural)

Agrave partir de MARAIS M et REYNAUD E laquo GDF quand le secteur gazier se diviseles acteurs srsquoorganisent raquo in JOFFRE O PLE L et SIMON E

Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacuteditions EMS 2007

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Tableau 15 mdash Les types des PP selon leurs attributs

Selon Mitchell et al (1997) le pouvoir traduit la capaciteacute drsquoinfluence du processusdeacutecisionnel il est donc fonction des ressources qursquoune PP procure agrave lrsquoentreprise Laleacutegitimiteacute est reconnue aux acteurs qui sont accepteacutes dans la socieacuteteacute Le contrat ledroit moral et le risque geacuteneacutereacute par les entreprises sont les fondements de cette leacutegiti-miteacute Enfin lrsquourgence deacutesigne lrsquoimmeacutediateteacute drsquoattention requise par les PP Lecaractegravere temporel des droits que les PP peuvent exercer sur lrsquoentreprise deacutefinit ledeacutelai de reacuteaction de cette derniegravere Le nombre drsquoattributs deacutetenus permet alorsdrsquoidentifier trois types de PP Les stakeholders latents ne deacutetiennent qursquoun seul attri-but Ce sont ceux qui srsquointeacuteressent le moins agrave lrsquoorganisation et auxquels les diri-geants accordent peu drsquoimportance Les stakeholders vigilants possegravedent deuxattributs et ont une influence modeacutereacutee sur la gouvernance de lrsquoorganisation Lesstakeholders deacutefinitifs possegravedent les trois attributs et sont les plus impliqueacutes dans lefonctionnement de lrsquoorganisation

Les combinaisons des trois attributs permettent donc de deacutefinir sept sous-ensem-bles de PP Cette cateacutegorisation des PP aide les dirigeants agrave identifier celles auxquel-les ils doivent accorder davantage drsquoimportance dans la formulation des strateacutegiesCependant les dirigeants doivent ecirctre vigilants drsquoune part parce que leur perceptionpeut conduire agrave une qualification erroneacutee des PP et agrave une hieacuterarchisation discutablede leurs attentes notamment lorsque celles-ci sont contradictoires (la rationaliteacute desdirigeants est en effet limiteacutee par lrsquourgence des problegravemes par les pressions qursquoilssubissent et par les systegravemes drsquoinformations dont ils disposent) et drsquoautre part parceque les attributs sont susceptibles de varier dans le temps (un stakeholder latent peutdevenir vigilant)

In fine lrsquoentreprise se trouve encastreacutee au sein drsquoun reacuteseau drsquoacteurs les PP dontlrsquoinfluence srsquoest accrue au point de peser sur son devenir et ses choix strateacutegiques

TypesAttributs Pouvoir Leacutegitimiteacute Urgence

Stakeholder latent

Dormant Pouvoir

Discreacutetionnaire Leacutegitimiteacute

Revendiquant Urgence

Stakeholder vigilant

Dominant Pouvoir Leacutegitimiteacute

Deacutependant Leacutegitimiteacute Urgence

Dangereux Pouvoir Urgence

Stakeholder deacutefinitif Pouvoir Leacutegitimiteacute Urgence

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Parce que lrsquoentreprise a besoin des ressources que lui procurent les PP elle doit leacutegi-timer ses actions vis-agrave-vis drsquoelles Cela se traduit par une implication grandissantedes firmes dans les questions eacutecologiques sociales et socieacutetales et lrsquoadoption depolitiques de RSE

52 Les modaliteacutes de la RSE

La RSE recouvre lrsquoensemble des actions drsquoune entreprise dans les domainessocial socieacutetal et eacutecologique La Commission des communauteacutes europeacuteennes en2002 deacutefinit ainsi la RSE comme laquo lrsquointeacutegration volontaire par les entreprises depreacuteoccupations sociales environnementales agrave leurs activiteacutes commerciales et leursrelations avec les parties prenantes Ecirctre socialement responsable signifie non seule-ment satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables mais aussi allerau-delagrave et investir dans le capital humain lrsquoenvironnement et les relations avec lesparties prenantes raquo Adopter une politique RSE implique donc de reacuteviser les modesde penseacutee et de mettre en œuvre une strateacutegie multidimensionnelle visant agrave la fois laperformance eacuteconomique sociale socieacutetale et eacutecologique ndash dans la continuiteacute destrois P People Planet Profits

Plus concregravetement la RSE se traduit par des actions aux niveaux social socieacutetal eteacutecologique Ainsi sur le plan social la RSE se concreacutetise notamment par des actionsrelatives agrave lrsquoautodiagnostic des besoins de formation la mobilisation des initiativesdu personnel la diminution des risques sociaux (maladies professionnellesstresshellip) la formation du personnel le recrutement des personnes handicapeacutees lareacutedaction de chartes eacutethiques lrsquoameacutelioration des conditions de travailhellip Au niveausocieacutetal lrsquoengagement responsable peut se traduire par le financement de program-mes de recherche contre certaines maladies la lutte pour lrsquoalphabeacutetisation lecombat contre le surendettement des meacutenages lrsquoinsertion des chocircmeurs de longuedureacutee le combat contre le travail des enfantshellip Enfin au niveau eacutecologique la RSEpeut se concreacutetiser par des programmes de reacuteduction et de recyclage des deacutechets delutte contre le reacutechauffement de la planegravete la reacuteduction des eacutemissions polluanteshellipPour autant quel que soit le contenu du programme RSE de lrsquoentreprise celui setraduit par des actions susceptibles drsquointervenir agrave tous les stades de la chaicircne devaleur et de la filiegravere

Force est pourtant de reconnaicirctre que le niveau drsquoengagement des firmes enmatiegravere de RSE varie En effet toutes les entreprises preacutetendant adopter une politi-que de RSE ne peuvent ecirctre qualifieacutees drsquoentreprise responsable au sens de la deacutefini-tion preacuteceacutedente ndash elles ne vont pas toutes au-delagrave des obligations juridiques Ilconvient ainsi drsquoobserver une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute certaine en matiegravere de comportementsresponsables ces derniers oscillant entre lrsquoabsence de reacuteponse et lrsquoattitude proactiveNous proposons de preacutesenter deux logiques dominantes en matiegravere drsquoappropriationde la RSE lrsquoeacuteco-deacutefense et lrsquoeacuteco-sensibiliteacute

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Lrsquoeacuteco-deacutefense se mesure agrave la nature des arbitrages opeacutereacutes entre le social lrsquoeacutecologi-que et lrsquoeacuteconomique La recherche exclusive de profit et de rendements eacuteconomi-ques immeacutediats conduit agrave penser les investissements eacutecologiques et sociaux commedes coucircts inutiles agrave limiter voire antagonistes avec la dimension eacuteconomique

Repegraveres Carrefour repense les relations avec ses fournisseurs

Le groupe Carrefour a progressivement inteacutegreacute les dimensions environnementales socia-les et socieacutetales agrave sa strateacutegie Crsquoest ainsi que lrsquoentreprise propose aux clients qui srsquoenga-gent dans les valeurs du DD agrave travers leurs consommations une offre speacutecifique Lesproduits Carrefour Agir font lrsquoobjet drsquoune certification systeacutematique sur chaque gamme Agir Bio Agir Solidaire Agir Eacutecoplanegravete et Agir Nutrition Mais la proposition de valeurdurable srsquoadresse eacutegalement aux clients moins engageacutes Crsquoest ainsi que Carrefour deacuteve-loppe des gammes de produits respectueux de lrsquoenvironnement Agrave titre drsquoexemple a eacuteteacutemise sur les marcheacutes franccedilais et belges une gamme de produits de la mer laquo pecirccheresponsable raquo ainsi qursquoune gamme de produits Bio De mecircme en 2005 un nouveausystegraveme drsquoeacutetiquetage nutritionnel a eacuteteacute mis en place sur les produits de marque CarrefourIl vise agrave assurer une preacutesentation plus accessible et peacutedagogique de lrsquoinformation nutri-tionnelle Dans la continuiteacute lrsquoinformation qualiteacute des produits non alimentaires agrave marqueCarrefour a eacuteteacute ameacutelioreacutee Deacutesormais quatre critegraveres symboliseacutes par des pictogrammesfont ressortir lrsquousage la seacutecuriteacute la santeacute et les conditions environnementales et socialesde fabrication Sont concerneacutes une gamme de 60 agrave 70 produits dans les peintures lessenteurs les sacs agrave dos et les jouetsMais la leacutegitimiteacute de Carrefour en matiegravere de responsabiliteacute ne saurait se limiter agrave inteacutegrerdes produits laquo verts raquo dans son offre La mise en œuvre de la strateacutegie DD de Carrefourpasse eacutegalement par un reacuteameacutenagement des relations avec ses fournisseurs Lrsquoentreprisedoit srsquoassurer qursquoils se comporteront de faccedilon responsable agrave lrsquoeacutegard de leurs partiesprenantes Carrefour srsquoest ainsi engageacute dans une ambitieuse politique agrave travers le mondevisant agrave garantir le respect des Droits de lrsquohomme dans la chaicircne drsquoapprovisionnement deses produits et agrave favoriser la traccedilabiliteacute et lrsquoachat eacutethique Le groupe qui compte entre4 000 et 15 000 fournisseurs par pays et plus de 40 000 producteurs Filiegraveres QualiteacuteCarrefour dans le monde a deacuteveloppeacute un reacutefeacuterentiel et une meacutethodologie drsquoaudit social(charte sociale) et de seacutecuriteacute alimentaire pour suivre le parc de fournisseurs Concernantlrsquoaudit social Carrefour a eacutetabli un partenariat avec la FIDH (Feacutedeacuteration internationale desligues des Droits de lrsquohomme) dans le cadre duquel la feacutedeacuteration peut proceacuteder agrave descontrocircles inopineacutes Sur le plan de la seacutecuriteacute alimentaire les fournisseurs des produits agravemarque propre se soumettent agrave des audits sur les conditions drsquohygiegravene et de seacutecuriteacute lamaicirctrise des risques la traccedilabiliteacutehellip En 2005 Carrefour a proceacutedeacute agrave 474 audits sociaux dansdix pays dont 23 (soit 106) sont des reacute-audits Les reacutesultats montrent que 46 desusines se sont ameacutelioreacutees entre lrsquoaudit initial et le reacute-audit

Agrave partir de GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Inteacutegrer le deacuteveloppementdurable au business model de lrsquoentreprise raquo in DION M et WOLF D

Le deacuteveloppement durable theacuteories et applications au managementDunod coll laquo Gestion Sup raquo 2008

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Lrsquoeacuteco-deacutefense conduit agrave deux types de comportements Le premier consiste agrave main-tenir les pratiques actuelles sans inteacutegrer la donneacutee eacutecologique (au risque de se trou-ver hors la loi) Ce comportement est de moins en moins freacutequent car les risquesencourus (peacutecuniaires ou non) en cas drsquoinfractions aux reacuteglementations sonttoujours plus importants Le second qualifieacute drsquoadaptatif se conforme aux reacuteglemen-tations respecte les normes sans les deacutepasser et limite ainsi les risques drsquoinfractionsencourus en cas de non-respect des lois en vigueur (crsquoest lrsquoeacuteco-conformiteacute) Il cher-che agrave minimiser les investissements en respectant au minimum les normes leacutegalesLrsquoobjectif prioritaire de ce type de comportement reacuteside dans le maintien du profitoptimal via la preacuteservation de la leacutegitimiteacute des activiteacutes de la firme vis-agrave-vis desparties prenantes Les efforts responsables sont perccedilus comme une assurance deminimisation des dommages geacuteneacutereacutes par lrsquoactiviteacute Ce type de comportement setraduit au niveau organisationnel par une remise en question limiteacutee des pratiquesexistantes En effet lrsquoeacuteco-conforme ne bouleverse pas les processus de deacutecisionstraditionnels Lrsquoambition de se conformer consiste exclusivement agrave inteacutegrer descritegraveres nouveaux au processus deacutecisionnel mais en aucun cas agrave en modifier la logi-que profonde

Agrave lrsquoopposeacute lrsquoeacuteco-sensible ne privileacutegie pas la rentabiliteacute financiegravere immeacutediate les investissements sociaux et eacutecologiques doivent produire des effets agrave plus longterme Ces entreprises perccediloivent les investissements eacutecologiques et sociaux commerentables agrave plus ou moins longue eacutecheacuteance Le plus souvent elles vont au-delagrave desnormes imposeacutees par la reacuteglementation Parallegravelement elles nrsquoattendent pas lapromulgation de lois pour inteacutegrer les donneacutees environnementales et sociales dansleur management Les questions de responsabiliteacute sont consideacutereacutees comme deseacuteleacutements cleacutes de la peacuterenniteacute de lrsquoentreprise et sont placeacutees au cœur de sa strateacutegieLrsquoobjectif est double Drsquoune part le deacuteveloppement durable geacutenegravere des beacuteneacutefices quise situent aux niveaux des coucircts (reacuteduction des coucircts de production) de la leacutegitimiteacute(image veacutehiculeacutee aux parties prenantes culture de lrsquoentreprisehellip) et de la diffeacuteren-ciation (qualiteacute des produits labellisationhellip) Drsquoautre part lrsquoentreprise agit dans lebut drsquoinfluencer les autres opeacuterateurs de la filiegravere Elle tente de peser sur les regraveglesdes affaires pour eacutevoluer dans un jeu qui lui convienne en termes eacutethiques maiseacutegalement eacuteconomiques Eacutedicter les regravegles du jeu et contraindre les concurrents agravejouer un jeu qursquoils maicirctrisent moins bien est lrsquoun des objectifs de la proactionresponsable Ce type de comportement se traduit au niveau organisationnel par uneremise en question reacuteelle des pratiques existantes En effet lrsquoentreprise eacuteco-sensibleadopte une deacutemarche par laquelle lrsquointeacutegration des questions environnementalesmodifie en profondeur le processus de deacutecision En effet la volonteacute drsquoinfluencer lesregravegles du jeu en faisant de la responsabiliteacute un enjeu concurrentiel impose de repen-ser les logiques qui preacutevalaient dans lrsquoentreprise Il nrsquoest plus question drsquoajouter descritegraveres mais de repenser lrsquoideacuteologie dominante de la firme

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Repegraveres Le business du recyclage des matiegraveresplastiques

Avec le soutien drsquoEacuteco-Emballages et de Valorplast des entreprises ont commenceacute agrave utiliserle plastique recycleacute pour fabriquer des tuyaux des palettes des meubles de jardin desbidons des pieux de vigne des mousses drsquoisolation tandis que les bouteilles drsquoeau ou desoda en PET transformeacutees en fibres permettent de rembourrer les couettes de faire de lamoquette ou de fabriquer des vecirctements en laquo laine raquo polaire Fondateur de lrsquoentreprisecalifornienne de vecirctements de sport Patagonia le montagnard eacutecologiste Yvon Chouinarda eacuteteacute pionnier Pour la fabrication de ses vestes polaires degraves 1993 il a preacutefeacutereacute la fibre issuede bouteilles recycleacutees au polyester vierge Lrsquoan dernier la socieacuteteacute a lanceacute son laquo InfurnoJacket raquo anorak entiegraverement reacutealiseacute en fibres recycleacutees gracircce agrave un proceacutedeacute japonais Agrave lamecircme eacutepoque lrsquoentreprise ameacutericaine Wellman Inc un des premiers fabricantsmondiaux de fibres polyester srsquoest aussi lanceacutee dans le recyclage En Europe elle produitdans son usine irlandaise 80 000 tonnes de fibres par an dont la moitieacute agrave partir de vieillesbouteilles En France elle a creacuteeacute en 1996 une filiale qui traite actuellement 28 000 tonnesde bouteilles et emploie 43 personnes Les initiatives se sont multiplieacutees Pregraves de BeauneAmcor tente le pari du recyclage en boucle fabriquer de nouvelles bouteilles en PET agravepartir des anciennes Il a investi pour cela 18 millions drsquoeuroslaquo Le mouvement est deacutesormais lanceacute des fabricants drsquohorizons divers se mettent agrave inteacute-grer dans leur processus de production du plastique recycleacute Lrsquoavantage Seacutecuriser agravemoyen terme lrsquoapprovisionnement agrave un prix stable agrave lrsquoabri des aleacuteas des cours des matiegrave-res vierges En 2000 un cap deacutecisif a eacuteteacute franchi la tonne de plastique recycleacute a acquis unevaleur positive Deacutesormais une tonne de paillettes de PET recycleacutee se commercialiseautour de 550 euros Selon les cours de la matiegravere vierge nous sommes plus ou moinscompeacutetitifs mais sur le moyen terme nous sommes tregraves inteacuteressants raquo affirme ClaudeMarchal directeur geacuteneacuteral de Wellman France Recyclage Au total il aura fallu 10 millionsdrsquoeuros de recherche et deacuteveloppement pour enclencher le recyclage des bouteilles eacutevaluePierre Villate En amont le systegraveme reste largement subventionneacute puisque la collecte et letri sont agrave la charge des collectiviteacutes locales avec lrsquoappui drsquoEco-Emballages Mais en aval lafiliegravere peut deacutesormais fonctionner sur des critegraveres eacuteconomiquesDans les deacutechets industriels aussi des recherches ont eacuteteacute lanceacutees et un marcheacute est en trainde se deacutevelopper Lrsquoenjeu essentiel de la nouvelle directive sur les veacutehicules hors drsquousageconcerne le recyclage des plastiques (environ 15 du poids drsquoun veacutehicule) puisque la reacutecu-peacuteration des piegraveces meacutetalliques (75 du poids) se pratique depuis longtemps Crsquoest pour-quoi le speacutecialiste de la collecte et du traitement des meacutetaux CFF Recycling srsquoest associeacuteavec lrsquoeacutequipementier automobile Plastic Omnium pour creacuteer une socieacuteteacute commune consa-creacutee au recyclage laquo Jusqursquoagrave maintenant une fois les carcasses de voitures reacutecupeacutereacutees nousavions lrsquohabitude drsquoenvoyer le reste en deacutecharge pare-chocs mousses piegraveces diversesexplique-t-on chez CFF Recycling Nous disposons des stocks tandis que Plastic Omniumqui recycle deacutejagrave 8 000 tonnes de matiegraveres plastiques par an deacutetient le savoir-faire Tregravesvite nous espeacuterons doubler le volume du recyclage raquo Directeur de lrsquoinnovation chez PlasticOmnium Jean-Louis Vaysse souligne aussi que les choses avancent vite laquo Ce qursquoon croyaitencore impossible il y a quelques anneacutees est deacutesormais reacutealisable Dans la nouvelleMeacutegane de Renault sur les 10 kg de piegraveces en plastique que nous fournissons 30 pro-

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En somme la RSE constitue un veacuteritable enjeu pour lrsquoentreprise Sous lrsquoeffet demultiples facteurs elle est devenue un impeacuteratif dans la plupart des industries etpour nombre de firmes Si toutes ne srsquoy engagent pas avec la mecircme intensiteacute elle setraduit par des programmes drsquoactions susceptibles de concerner lrsquoensemble de lachaicircne de valeur de lrsquoentreprise Ainsi au mecircme titre que lrsquoapprovisionnement lafonction financiegravere la gestion des ressources humaines la recherche et deacuteveloppe-ment le deacuteveloppement durable (ou la RSE) se compose drsquoun ensemble de missionsqui deacuteterminent lrsquoefficaciteacute et agrave lrsquoefficience des fonctions principales

viennent de plastiques recycleacutes Tout lrsquoenjeu porte sur la collecte plus on aura de matiegraveresagrave recycler plus le coucirct du traitement baissera les deacuteboucheacutes vont srsquoimposer et le recyclagedeviendra compeacutetitif par rapport agrave la mise en deacutecharge raquo

Agrave partir de laquo Plastiques une vie apregraves la poubelle raquo Les Eacutechos 16 mars 2004 GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Inteacutegrer le deacuteveloppement durable au business model

de lrsquoentreprise raquo in DION M et WOLF D Le deacuteveloppement durable theacuteorieset applications au management raquo Dunod coll laquo Gestion Sup raquo 2008

LrsquoessentielCe premier chapitre a permis de mieux comprendre quelle eacutetait la veacuteritable mission drsquounmanager dirigeant et de deacutecouvrir les outils neacutecessaires agrave lrsquoeacutelaboration des diagnosticsstrateacutegiques externe et interne et agrave la formulation des choix strateacutegiques De mecircme tant lesfonctions principales (logistique production et marketing) que de soutien (finance gestiondes ressources humaines deacuteveloppement technologique approvisionnement et deacuteveloppe-ment durable) ont eacuteteacute eacutetudieacutes afin de mieux saisir leurs missions et responsabiliteacutes dans lamise en œuvre de la strateacutegie de la firme Cependant lrsquoefficaciteacute de la contribution dechaque fonction au projet strateacutegique deacutepend fondamentalement de la maniegravere dont estorganiseacute le travail en leur sein et reacuteparti entre elles Ce domaine du management est abordeacutedans le chapitre qui suit

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outes les activiteacutes de la firme qursquoelles soient lieacutees aux fonctions principalesou de soutien sont reacutealiseacutees au sein de diffeacuterents services La diversiteacute de

leurs missions et des individus qui les exeacutecutent rend neacutecessaire la deacutefinition drsquouneorganisation pour lrsquoentreprise - ce que lrsquoon nomme la structure Selon Mintzberg(1982) la structure correspond agrave laquo la somme totale des moyens employeacutes pour divi-ser le travail en tacircches distinctes et pour ensuite assurer la coordination neacutecessaireentre ces tacircches raquo Elle deacutesigne donc lrsquoarchitecture geacuteneacuterale de lrsquoentreprise sonossature Elle assure lrsquoagencement et lrsquoarticulation entre les diffeacuterents services etoriente les comportements des individus

Sa repreacutesentation graphique la plus courante est lrsquoorganigramme Celui-ci met eneacutevidence la seacuteparation technique des domaines de compeacutetences (division du travailen tacircches distinctes) les responsabiliteacutes respectives les relations entre les compo-sants de la structure et le positionnement des membres sur lrsquoeacutechelle hieacuterarchiqueBien qursquoindispensable lrsquoorganigramme seul ne permet pas de saisir la complexiteacutedes relations entre les services et les individus En effet il ne repreacutesente pas les liensinformels que nouent les acteurs entre eux et qui jouent un rocircle essentiel dans lefonctionnement organisationnel La structure reacuteelle est finalement une combinaisonentre un design formel (repreacutesenteacute par lrsquoorganigramme) et des relations informelles

La conception de la structure est donc un exercice complexe Son influence sur lamise en œuvre de la strateacutegie et lrsquoatteinte des objectifs eacuteconomiques sociaux socieacute-taux et eacutecologiques en font une mission relevant de la direction geacuteneacuterale ndash mecircme siles managers intermeacutediaires jouent un rocircle deacutecisif dans le fonctionnement quotidiende lrsquoentreprise La conception de la structure repose sur un ensemble de paramegravetresqui permettent de deacutefinir la forme drsquoorganisation la plus adeacutequate compte tenu des

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caracteacuteristiques de lrsquoentreprise et de lrsquoenvironnement Ce sera lrsquoobjet de la premiegraveresection La seconde section preacutesente les principaux types de structure leurs avanta-ges et inconveacutenients respectifs Enfin la derniegravere section de ce chapitre traite desfacteurs qui influencent les formes structurelles

Section 1 Les paramegravetres de structurationSection 2 Les types de structuresSection 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure

LES PARAMEgraveTRES DE STRUCTURATION

La conception drsquoune structure impose tout drsquoabord drsquoen identifier les composantsChaque fonction correspond agrave un organe de lrsquoentreprise doteacute drsquoune mission preacuteciseCelle-ci peut ecirctre opeacuterationnelle ou fonctionnelle Les organes opeacuterationnels corres-pondent aux fonctions principales ils participent directement agrave lrsquoeacutelaboration delrsquooffre de lrsquoentreprise (production ventehellip) Les organes fonctionnels correspon-dent aux fonctions de soutien ils permettent aux organes opeacuterationnels drsquoecirctre agrave lafois plus efficace et plus efficient (GRH R amp D DDhellip)

Et puisque la mission drsquoun organe influence celle drsquoun autre il faut donc deacutefinirdes modes drsquoorganisation qui assurent la coordination de lrsquoensemble Les lienscorrespondent donc agrave un premier niveau de choix structurel (la structure de lrsquoentre-prise) Cependant chaque organe peut deacutefinir des modes drsquoorganisation internesspeacutecifiques Le service commercial peut par exemple fonctionner selon des modesdrsquoorganisation diffeacuterents du service production Le fonctionnement interne des orga-nes correspond agrave un second niveau de choix structurel (la structure de lrsquoorgane)

La conception drsquoune structure porte donc au niveau de lrsquoentreprise et des fonctionsqui la composent Quatre paramegravetres principaux permettent drsquoen deacutefinir le fonction-nement Ce sont la speacutecialisation la coordination la formalisation et la centralisa-tion

1 La speacutecialisation

Lorsque le dirigeant est seul il assure lrsquoensemble des missions (geacuteneacuteralement lavente la production et la gestion administrative) Mais degraves que lrsquoentreprise se deacuteve-loppe il doit faire face agrave une charge de travail plus importante et peut ecirctre confronteacuteagrave de nouvelles activiteacutes (comme les relations avec les fournisseurs le lancement denouveaux produitshellip) Il est donc ameneacute agrave creacuteer de nouveaux deacutepartements et agraverecruter des collaborateurs Ces derniers se verront confieacutes des missions speacutecifiquesCette division du travail entre diffeacuterents services renvoie au paramegravetre de la speacuteciali-

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sation Celle-ci se deacutefinit donc comme les modaliteacutes par lesquelles on divise letravail dans lrsquoentreprise

La speacutecialisation srsquoanalyse selon deux critegraveres essentiels lrsquointensiteacute (ou le degreacute)et le mode Lrsquointensiteacute se reacutefegravere agrave la concentration des missions au sein drsquoune mecircmeentiteacute ou personne Ainsi une forte speacutecialisation du travail aboutit agrave limiter lrsquoeacuteven-tail des tacircches qui sont confieacutees agrave un deacutepartement ou un individu LrsquoOST (organisa-tion scientifique du travail) en est un bon exemple Elle consiste agrave deacutecouper le fluxde travail en de multiples tacircches et agrave confier aux ouvriers des tacircches tregraves speacutecialiseacuteesndash lrsquoindividu exeacutecute une tacircche exclusive Les programmes drsquoenrichissement dutravail consistent au contraire agrave atteacutenuer la speacutecialisation du travail ndash par exemplelrsquoouvrier reacutealise lui-mecircme le controcircle de la qualiteacute Le mode de speacutecialisationrenvoie aux critegraveres de deacutecoupage des activiteacutes La speacutecialisation peut ainsi srsquoeffec-tuer par fonction par zone geacuteographique par marque par domaine drsquoactiviteacutes stra-teacutegiques par projet par cateacutegorie de clients par technologiehellip Ces critegraveres despeacutecialisation ne sont cependant pas exclusifs et au sein drsquoune entreprise il estfreacutequent que coexistent plusieurs modes de speacutecialisation Dans ce cas la hieacuterarchiedes critegraveres de speacutecialisation deacutepend de nombreux facteurs (environnement taillestrateacutegiehellip)

Les choix opeacutereacutes en matiegravere de speacutecialisation preacutesentent certains avantages etinconveacutenients Ainsi une speacutecialisation intense preacutesente lrsquoavantage principal delrsquoexpertise Que la speacutecialisation se fasse par fonction par reacutegion par type declientshellip on permet agrave lrsquoentiteacute ou lrsquoindividu drsquoen deacutevelopper une connaissanceapprofondie et drsquoen maicirctriser les speacutecificiteacutes Cette expertise engendre souvent uneproductiviteacute supeacuterieure dans la reacutealisation des tacircches La forte speacutecialisation occa-sionne cependant une certaine reacutepeacutetitiviteacute dans les missions Cette monotonie dansle travail peut se manifester par un affaiblissement de lrsquoengagement des collabora-teurs par une reacuteduction de leur polyvalence et donc une atteacutenuation de la flexibiliteacuteinterne (les individus sont peu aptes agrave srsquoadapter agrave de nouvelles missions)

Repegraveres Les reacuteorganisations structurelles de General Motors une succession de modes de speacutecialisation

General Motors Corp (GM) lrsquoun des plus grands fabricants drsquoautomobiles au monde a eacuteteacutefondeacutee en 1908 Fabriquant ses voitures et camions dans 34 pays GM les commercialisedans 140 pays En 2008 GM a vendu 835 millions de voitures et camions sur lrsquoensemblede ses marques Buick Cadillac Chevrolet GMC GM Daewoo Holden Hummer OpelPontiac Saab Saturn Vauxhall et WulingAu cours de son histoire GM a connu plusieurs modifications de sa structure En 1981 alorsque Roger B Smith devenait preacutesident de GM la performance du geacuteant ameacutericain sur lemarcheacute automobile se deacutegradait et lrsquoentreprise connaissait son premier deacuteficit depuis 1921Pour faire face agrave cette situation Smith constituait un groupe de travail composeacute de dixcadres Leur objectif eacutetudier une reacuteorganisation massive drsquoune structure qui existaitdepuis des deacutecennies

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Au cours de son histoire GM a connu plusieurs modifications de sa structure En 1981 alorsque Roger B Smith devenait preacutesident de GM la performance du geacuteant ameacutericain sur lemarcheacute automobile se deacutegradait et lrsquoentreprise connaissait son premier deacuteficit depuis 1921Pour faire face agrave cette situation Smith constituait un groupe de travail composeacute de dixcadres Leur objectif eacutetudier une reacuteorganisation massive drsquoune structure qui existaitdepuis des deacutecenniesAgrave cette eacutepoque la structure de lrsquoentreprise consistait en deux grands fiefs Fisher Body etGeneral Motors Assembly Division (GMAD) et cinq divisions speacutecialiseacutees par marque(Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac) Avec la centralisation du design delrsquoingeacutenierie et de la production toutes les voitures de GM commenccedilaient agrave se ressemblerLrsquoidentiteacute des marques disparaissait peu agrave peu La situation eacutetait devenue si probleacutematiqueque la division Lincoln-Mercury de Ford obtenait de tregraves bons reacutesultats gracircce notamment agravedes publiciteacutes qui raillaient les proprieacutetaires de voitures de luxe de GM essayant de choisirleur voiture dans un parc de voitures identiques Parallegravelement GM eacutetait critiqueacutee pourson incapaciteacute agrave deacutevelopper une gamme de petites voitures populaires Enfin la structurede lrsquoentreprise ne permettait pas une bonne deacutetermination des responsabiliteacutes et lesuniteacutes organisationnelles manquaient de reacuteactiviteacute Smith voulait donc bacirctir une structurequi permettrait agrave GM de reacutepondre rapidement au marcheacute et de mesurer plus facilement laperformance des principales uniteacutes opeacuterationnellesApregraves quinze mois de reacuteflexion la plus grande entreprise du monde (la premiegravere agrave deacutepas-ser 100 milliards de dollars de ventes) entamait une importante modernisation de sastructure une refonte qui devait durer plusieurs anneacutees compte tenu de la taille de GM Laprincipale reacuteorganisation a consisteacute agrave creacuteer deux divisions reacuteunissant les marques BOCpour les marques Buick Oldsmobile et Cadillac et CPC pour Chevrolet Pontiac et GM ofCanada La division BOC devait se concentrer sur le segment des grosses voitures tandisque la division CPC se chargeait des petites voitures Chaque groupe disposait de sespropres ressources en design ingeacutenierie et production ce qui aboutit finalement agrave ladissolution de Fisher Body et GMADLrsquoambition de Smith eacutetait de permettre agrave GM drsquoaffronter les enjeux du XXIe siegravecle Malheu-reusement la reacuteorganisation prit plus de temps que preacutevu La part de marcheacute de GM quieacutetait drsquoenviron 45 lorsque Smith devint preacutesident nrsquoeacutetait plus que de 35 en 1990 aumoment ougrave Smith pricirct sa retraite Son successeur Robert C Stempel devait affronter unesituation redoutable Pour faire face agrave une perte record de 445 milliards de dollars en 1991Stempel deacuteclara que lrsquoentreprise allait licencier 74 000 employeacutes et fermer 21 de sesusines de production Ces difficulteacutes ont finalement conduit la direction de GM agrave rempla-cer Stempel par John F Smith ancien directeur des opeacuterations europeacuteennesJohn Smith a rapidement annonceacute une reacuteorganisation Les activiteacutes de design et deproduction des deux grandes divisions BOC et CPC ont eacuteteacute unifieacutees au sein drsquoune entiteacuteunique la North American Passenger Car Platforms En outre toutes les activiteacutes de venteet de marketing des voitures ont eacuteteacute regroupeacutees au sein de la North American VehiclesSales and Marketing Les directeurs de ces deux entiteacutes reacutepondaient directement agrave Smithce qui permettait drsquoeacuteliminer une strate de management et drsquoopeacuterer des changementsprofonds afin de reacuteduire les coucircts plus rapidement Apregraves quelques mois GM annonccedilaiteacutegalement un plan de reacuteduction du personnel au siegravege Plus tard Smith subdivisait lesplates-formes du groupe en trois segments camions voitures moyennesvoitures de luxeet petites voitures Apregraves quelques anneacutees Smith initiait une nouvelle reacuteorganisation afindrsquoacceacuteleacuterer le deacuteveloppement des nouveaux veacutehicules et mieux geacuterer les marques de GM

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In fine la speacutecialisation est fondamentalement lieacutee agrave la diversiteacute agrave laquelle estconfronteacutee lrsquoentreprise Plus ses clients ses marcheacutes geacuteographiques ses produitsses technologieshellip sont diverses plus la speacutecialisation srsquoimpose Celle-ci apparaicirctdonc comme une neacutecessaire inteacutegration des contraintes de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute dans lefonctionnement de lrsquoentreprise

2 La coordination

Sous lrsquoinfluence drsquoune forte speacutecialisation de la structure les entiteacutes se deacutemulti-plient Se pose la question de leur coordination pour preacuteserver la coheacuterence delrsquoensemble Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise deacutepend en effet beaucoup plus des liaisonscommunicationnelles et opeacuterationnelles entre les entiteacutes que de leur efficaciteacuteinterne En effet une entiteacute ne fonctionne jamais totalement indeacutependamment desautres ndash elle a besoin des contributions des autres deacutepartements Le maintien de lacoheacuterence globale est drsquoautant plus difficile que les entiteacutes ont parfois des inteacuterecirctsdivergents et ne fonctionnent pas sur les mecircmes registres cognitifs compte tenu desspeacutecificiteacutes de parcours de cultures professionnelles de croyanceshellip Il en reacutesultedes antagonismes qursquoil faut parvenir agrave contenir Crsquoest le rocircle des meacutecanismes decoordination

Selon Mintzberg (1982) lrsquoajustement mutuel la supervision directe et la standar-disation du travail constituent les principaux modes de coordination Lrsquoajustementmutuel est la situation dans laquelle les collaborateurs se consultent et deacutecidentdrsquoune conduite en dehors de ce qui est preacutevu par lrsquoorganisation Cet ajustement sefait geacuteneacuteralement par le moyen drsquoune communication informelle et directe entre lesacteurs (mails teacuteleacutephone rencontrehellip) Ce mode drsquoajustement preacutesente lrsquoavantagede la simpliciteacute et de la rapiditeacute Elle suppose cependant une volonteacute commune desacteurs de traiter lrsquoobjet de la coordination La supervision directe correspond agrave lamodaliteacute de coordination par la hieacuterarchie Elle repose sur lrsquoinstruction (ou lrsquoordre)et le controcircle de son exeacutecution Cependant lorsque le nombre et la diversiteacute desoccasions de coordination augmentent cela peut avoir pour conseacutequence la satura-tion du responsable hieacuterarchique qui devient alors rapidement incapable drsquoassumerson rocircle Lorsqursquoil estime ne pas ecirctre compeacutetent et leacutegitime pour deacutecider sur certains

La reacuteorganisation aboutit agrave la creacuteation de 16 directeurs de produit responsables de la coor-dination des designers ingeacutenieurs directeurs de production et de marketing Lrsquoambitioneacutetait de produire de nouveaux modegraveles de voitures plus vite et plus efficacement La reacuteor-ganisation a aussi abouti agrave la nomination de 30 directeurs de marques un pour chaquemarque principale La creacuteation de postes de directeurs de marques avait pour but drsquoasso-cier plus clairement des produits agrave des segments speacutecifiques de consommateurs agrave creacuteer dela valeur pour les clients et une image de long terme pour les marques de GM

Agrave partir de wwwgmcom et BARTOL K et MARTIN D C laquo Teaching an Eleacutephantto Dance ndash GM Reorganizes raquo Management Irwin McGraw-Hill 2000

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sujets il tend agrave remonter au niveau supeacuterieur Le deacutelai pour atteindre le laquo bon raquoresponsable peut dans certains cas ecirctre source de difficulteacutes (longueur dans la prisede deacutecision inertie de lrsquoorganisationhellip) Afin de solliciter la hieacuterarchie de faccedilonexceptionnelle ce mode de coordination est compleacuteteacute par la standardisation dutravail Celle-ci consiste agrave rationaliser lrsquoorganisation en faisant reposer la coordina-tion sur des standards Elle revecirct quatre formes Tout drsquoabord la standardisation desproceacutedeacutes (comme des proceacutedures des reacuteunions reacuteguliegraveres des comiteacutes la produc-tion de documents interneshellip) permet de clarifier et de normaliser la conduite desopeacuterations routiniegraveres et le comportement agrave adopter dans telle ou telle situationEnsuite la coordination peut srsquoeffectuer en standardisant les reacutesultats Ici les acteurssrsquoajustent en fonction drsquoun cahier des charges par exemple ou drsquoobjectifs agrave attein-dre Ils sont plus autonomes et leurs relations sont gouverneacutees par le reacutesultat Dansun troisiegraveme temps on trouve la standardisation des qualifications Lrsquoeacutelaboration dessavoir-faire et le recours agrave des personnes qualifieacutees facilitent la coordination Enfinla standardisation des valeurs est le meacutecanisme par lequel lrsquoorganisation eacutedicte desvaleurs qui doivent constituer le socle commun des comportements Ici lrsquoadheacutesiondes acteurs agrave ces valeurs rend plus aiseacutee leurs ajustements Aux trois modes de coor-dination il est possible drsquoajouter les agents inteacutegrateurs Ceux-ci ont pour rocircleunique drsquoassurer la liaison entre diffeacuterentes entiteacutes Par exemple un chef de produitassure la jonction entre toutes les activiteacutes relatives au produit (les achats les eacutetudesde marcheacutes la promotion les venteshellip) De mecircme un chef de projet veille agravelrsquoatteinte des objectifs du projet en faisant travailler entre eux des acteurs provenantde diffeacuterents meacutetiers

Repegraveres La coordination dans le cadre de la gestion des projets automobiles de lastandardisation des proceacutedeacutes agrave lrsquoajustement mutuel

Pour faire face agrave un marcheacute atone et agrave une concurrence plus forte les constructeurs auto-mobiles renouvellent leur strateacutegie drsquooffre Ainsi selon Jean-Martin Folz ex-preacutesidentdirecteur geacuteneacuteral de PSA le facteur cleacute de reacuteussite dans ce meacutetier laquo nrsquoest pas de produiredes millions de veacutehicules identiques mais drsquoecirctre capable de produire des voitures tregravesvarieacutees de sortir ses nouveaux modegraveles les uns apregraves les autres et de le faire au prix lesplus faibles possible raquo De mecircme Carlos Ghosn lorsqursquoil succegravede agrave Louis Schweitzerannonce que Renault mettra sur le marcheacute 26 nouveaux modegraveles drsquoici 2012 Lrsquoenjeu estclairement de creacuteer une dynamique de vente la nouveauteacute devenant un eacuteleacutement deacutetermi-nant de la stimulation du marcheacute Agrave partir des anneacutees soixante-dix le secteur automobileentre de plain-pied dans lrsquoegravere du multimodeacutelisme et du renouvellement rapide de lrsquooffreVarieacuteteacute et raccourcissement du cycle drsquoinnovation sont devenus les nouveaux impeacuteratifsde compeacutetitiviteacute Dans cette perspective la maniegravere de geacuterer les deacuteveloppements denouveaux veacutehicules constitue un enjeu concurrentielDe profondes reacuteformes de lrsquoorganisation et des meacutethodes de conception des veacutehicules sontalors engageacutees par les constructeurs et notamment chez Renault Lrsquoenjeu est de repenserle deacuteveloppement drsquoun projet automobile afin de reacuteduire le temps (et les coucircts) de mise sur

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le marcheacute (conception et industrialisation) des nouveaux veacutehicules Les pratiques de laconception automobile eacutevoluent consideacuterablement la gestion de projet devient simulta-neacutee alors qursquoelle eacutetait seacutequentielleLa deacutemarche seacutequentielle se caracteacuterise par lrsquointervention successive des diffeacuterentsmeacutetiers dans les projets automobiles laquo Dans ce scheacutema chaque projet traverse lrsquoorganisa-tion Les acteurs interviennent seacutequentiellement en agissant sur les seules variables dontils ont la charge et selon lrsquooptique fonctionnelle qui est la leur Lorsqursquoils ont termineacute ilsabandonnent le projet agrave lrsquoacteur qui les suit dans la seacutequence de conception et srsquoattaquentau suivant raquo (Midler 1989) Mais cette organisation souvent qualifieacutee drsquoartisanale allongele temps de deacuteveloppement et en augmente les coucircts En effet lorsque les points de vuedes diffeacuterents meacutetiers ne sont pas inteacutegreacutes au projet laquo le risque est qursquoun meacutetier deacutecou-vrant le projet pour la premiegravere fois remette en cause les solutions adopteacutees par leurspreacutedeacutecesseurs raquo (Garel 1993) Il nrsquoeacutetait ainsi pas rare qursquoun projet fasse des allers-retoursentre les diffeacuterentes fonctions De mecircme les hommes des usines ne deacutecouvraient souventun veacutehicule que le jour de leur mise en seacuterie Cette logique de deacuteveloppement preacutesente desinconveacutenients majeurs lorsque la pression sur les deacutelais et les coucircts se fait plus forteChez Renault le projet X06 ou Twingo va marquer lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon deconcevoir des voitures Reacuteussite exemplaire sur le plan commercial et veacuteritable reacutevolutionen matiegravere de management de projet le projet X06 constitue un moment fort danslrsquohistoire de Renault Lrsquoeacutevolution consiste drsquoabord agrave rendre le projet plus autonome entermes de prise de deacutecisions Avec un responsable et une eacutequipe deacutedieacutes le projet prend lepas sur lrsquoorganisation par meacutetiers Les fonctions deviennent progressivement des reacuteser-voirs drsquoexpertise qui precirctent leurs ressources aux projets en cours Lrsquoautonomisation desprojets srsquoaccompagne eacutegalement drsquoune deacutemarche nouvelle la concourance Pour Midler(1993) laquo tous les meacutetiers du deacuteveloppement interviennent non pas seacutequentiellementmais ensemble tout au long du projet raquo Les interventions des expertises meacutetiers ne sontplus limiteacutees agrave une phase du processus mais srsquoeffectuent tout au long de celui-ci Au cœurde la gestion concourante se trouve le dispositif du plateau Le projet se voit doteacute drsquoun lieugeacuteographique dans lequel sont localiseacutes les membres de lrsquoeacutequipe Pour Garel (1993) laquo leplateau est le lieu de passage et de rencontre des diffeacuterents meacutetiers (produitprocess)internes et externes agrave lrsquoentreprise en amont au projet Degraves les phases de designmarke-ting des repreacutesentants des meacutethodes et du bureau drsquoeacutetudes sont associeacutes raquo Si le plateauest un moyen de stimuler les eacutechanges entre les membres du projet il est encore plus unemaniegravere drsquoassurer la convergence de savoirs compleacutementaires En effet les meacutetiersconfrontent leurs points de vue quelle que soit la phase du processus Par exemple uningeacutenieur des meacutethodes peut ecirctre ameneacute agrave eacutemettre une opinion sur des choix de marke-ting et inversement Cette convergence preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord enmultipliant les avis elle stimule la creacuteativiteacute et donc lrsquoinnovation du produit Ensuite ellereacuteduit les temps de traitement des conflits car les acteurs entretiennent des contactsdirects ce qui limite la circulation de lrsquoinformation Enfin le nombre des conflits srsquoatteacutenuecar les acteurs sont plus enclins agrave faire des compromis lorsqursquoils sont reacuteguliegraverement aucontact drsquoexpertises multiples

Agrave partir de R Soparnot laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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Les meacutecanismes de coordination jouent un rocircle primordial Sans eux lrsquoentreprisedevient une collection drsquoentiteacutes sans relation entre elles voire en conflit Elle risquealors de devenir le theacuteacirctre de nombreux dysfonctionnements internes qui peuventaffaiblir lrsquoefficaciteacute globale de lrsquoentreprise comme se reacutepercuter sur la qualiteacute de sonoffre et la satisfaction de ses clients

3 La formalisation

La speacutecialisation et la coordination peuvent faire lrsquoobjet drsquoune description plus oumoins preacutecise de leurs caracteacuteristiques crsquoest-agrave-dire drsquoune formalisation variable Unhaut degreacute de formalisation se caracteacuterise par une abondance de regravegles et de proceacute-dures eacutecrites sur ce qursquoil convient de faire et de ne pas faire sur les eacutetapes agrave respecterpour exeacutecuter telle ou telle tache sur la maniegravere de traiter tel ou tel problegraveme sur lesinformations agrave transmettrehellip Au contraire une faible formalisation se traduit parlrsquoabsence de lignes de conduite de regravegles eacutecrites quant aux modaliteacutes drsquoexeacutecutiondes missionshellip Dans la reacutealiteacute la formalisation varie selon le domaine concerneacute Parexemple les objectifs agrave atteindre pour les entiteacutes et les individus peuvent ecirctre forma-liseacutes alors que les missions responsabiliteacutes et les tacircches des collaborateurs le serontmoins Dans ce cas les acteurs disposent drsquoune autonomie sur la maniegravere drsquoatteindreles objectifs Globalement la formalisation intensive (elle concerne lrsquoensemble desdimensions de la structure) limite les possibiliteacutes drsquointerpreacutetation des situations parles acteurs et leur marge de manœuvre pour les traiter Elle fixe et fige les attribu-tions de chacun La formalisation srsquoexplique par la volonteacute de controcircler et de maicirctri-ser le fonctionnement organisationnel Elle apparaicirct comme un moyen de limiter lesincertitudes internes En limitant le cadre drsquoaction et de reacuteflexion des acteurs on sepreacutemunit drsquoun comportement deacutefaillant Cette formalisation se justifie dans certainscas Dans des activiteacutes agrave risque la formalisation est indispensable (comme les proceacute-dures de seacutecuriteacute dans les usines nucleacuteaireshellip) Lorsque les activiteacutes sont tregraves reacutepeacuteti-tives et peu soumises agrave fluctuations (les preacutefectures les usineshellip) la formalisationpermet lrsquoeacuteconomie de reacuteflexion sur ce qursquoil convient de faire La regravegle agit en lieu etplace de lrsquoesprit lrsquoacteur applique Dans certains cas la formalisation nrsquoest pasrecommandeacutee Ainsi dans les activiteacutes creacuteatives (comme la recherche la publi-citeacutehellip) lrsquoabsence de regravegles est une condition de la stimulation intellectuelleEnsuite lorsque lrsquoenvironnement est changeant un haut degreacute de formalisation tendagrave limiter la capaciteacute drsquoadaptation de lrsquoentreprise Les acteurs ont deacuteveloppeacute descomportements stables qui leur procurent une certaine seacutecuriteacute et les rassurent

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Repegraveres Celestial Seasonings les risques de laformalisation

Lrsquoorigine de Celestial Seasoning un producteur de theacute aux herbes remonte agrave 1970 quandMo Siegel et son ami Wyck Hay cueillaient des herbes dans les montagnes du Colorado etreacutealisaient leur premier meacutelange de theacute aux herbes Puis ils ont mis leur mixture dans dessacs de mousseline cousus agrave la main et ont commenceacute agrave les vendre agrave des magasins locauxdrsquoalimentation naturelleCelestial Seasonings doit son nom au surnom de la petite amie drsquoun des premiers investis-seurs Les noms des theacutes (comme Morsquos 24 Herb Tea Red Zinger Herb Tea et Morning Thun-der Tea) eacutetaient ainsi choisis de maniegravere informelle par les amis de Mo et par les membresde lrsquoentreprise Les conditionnements eacutetaient eacutegalement innovants agrave lrsquoimage du fonda-teur Le theacute eacutetait en effet conditionneacute dans des boicirctes recyclables aux couleurs vivespreacutesentant des scegravenes idylliques Agrave cette eacutepoque le theacute eacutetait majoritairement utiliseacute pourdes raisons meacutedicales et avait donc un goucirct amer La jeune entreprise eacutetait parvenue agravechanger ce mode de consommation gracircce agrave des creacuteations savoureuses et originales De cefait les produits Celestial Seasonings commenccedilaient agrave ecirctre vendus dans les rayons dessupermarcheacutesAgrave ses deacutebuts lrsquoentreprise fonctionnait de faccedilon informelle et encourageait la participationdes employeacutes dans les prises de deacutecision Au cours des premiegraveres anneacutees les deacutecisionsimportantes eacutetaient prises pendant des reacuteunions avec lrsquoensemble du personnel de lrsquoentre-prise et cela durait des heures Agrave cette eacutepoque les cadres jouaient au volley-ball pendantles horaires de deacutejeuner et il nrsquoeacutetait pas rare de retrouver leurs enfants en train de srsquoamuserdans le bureau de Mo Cependant avec la croissance de Celestial Seasonings lrsquoentreprise arecruteacute des managers qui venaient de grandes corporations comme Pepsi Coca-ColaSmuckers et Lipton et a commenceacute agrave perdre lrsquoeacutetat drsquoesprit drsquoune petite entreprise Demecircme lrsquoautomatisation est devenue une neacutecessiteacute ndash la quantiteacute de theacute meacutelangeacutee par joureacutetait proche de 8 tonnes Malgreacute cela lrsquoentreprise faisait des efforts pour maintenir leurfonctionnement informel Elle encourageait les nouvelles ideacutees des employeacutees principale-ment pour trouver de nouveaux moyens drsquoautomatiser la production de nouvelles recet-tes de theacute et des noms pour les nouvelles saveursLe succegraves de cette entreprise innovante a susciteacute la convoitise de gros industriels Crsquoestainsi qursquoen 1984 Celestial Seasonings eacutetait racheteacutee par Kraft Inc pour 40 millions dedollars Et Kraft srsquoengageait agrave laisser Celestial Seasonings poursuivre sa croissance de faccedilonindeacutependante Mais sous la pression du preacutesident de lrsquoeacutepoque Barnet Feinblum bienqursquoautonome Celestial devait respecter la politique de Kraft par exemple en matiegravere depolitique de gestion du personnel drsquoachat drsquoeacutequipementhellip Progressivement CelestialSeasonings pouvait devenir une copie de Kraft En 1989 Kraft deacutecidait drsquoabandonner lebusiness des boissons et eacutetait sur le point de vendre Celestial Seasonings agrave lrsquoentreprise detheacute rivale Thomas J Lipton Inc Mais un procegraves antitrust agrave la demande de R C Bige-low Inc un petit concurrent sur le marcheacute du theacute aux herbes a bloqueacute la vente Kraft aalors accepteacute de vendre Celestial Seasonings agrave sa direction et agrave une firme de capital risqueCelestial Seasonings redevenait indeacutependante Agrave cette eacutepoque Kraft avait doubleacute lebudget de publiciteacute de Celestial et les ventes srsquoapprochaient de 50 millions de dollars

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4 La centralisation

Enfin la centralisation se reacutefegravere au degreacute de conservation du pouvoir de deacutecisionpar la direction geacuteneacuterale ou une direction fonctionnelle Une structure centraliseacutee secaracteacuterise par une direction omnipotente qui garde entre ses mains le pouvoirdeacutecisionnel Agrave lrsquoopposeacute la deacutecentralisation consiste agrave diluer et propager le pouvoirformel dans la structure certaines entiteacutes et personnes se voient confier une autono-mie et une responsabiliteacute deacutecisionnelles Degraves que la taille de lrsquoentreprise augmenteque ses missions se complexifienthellip la deacutecentralisation devient souvent ineacuteluctable

La centralisation preacutesente donc lrsquoavantage majeur de la reacuteduction des coucircts Eneffet elle permet drsquoeacuteviter de deacutemultiplier les responsabiliteacutes Agrave titre drsquoexemple lacentralisation des achats drsquoune chaicircne de magasins empecircche de doter chaque pointde vente drsquoune fonction achat Elle permet eacutegalement de procurer une perspectiveglobale aux deacutecisions et de srsquoassurer drsquoune plus grande coheacuterence entre elles Eneffet seule la direction geacuteneacuterale ou les cadres supeacuterieurs ont une vue de lrsquoensemblede lrsquoorganisation et des enjeux futurs ce qui permet de prendre des deacutecisions plus enphase avec les objectifs de deacuteveloppement agrave long terme de lrsquoentreprise et de veiller agraveune meilleure convergence des deacutecisions

La deacutecentralisation preacutesente donc trois avantages majeurs Le premier est lieacute agrave laqualiteacute des deacutecisions prises Tout drsquoabord les deacutecisions sont prises par des acteursqui ont une connaissance pousseacutee du problegraveme De mecircme en raccourcissant lecircuit deacutecisionnel les deacutecisions sont prises plus rapidement ndash ce qui peut ecirctre consi-deacutereacute comme un facteur de qualiteacute Le second avantage est que la deacutecentralisation estun levier de lrsquoengagement des acteurs Lrsquoautonomie et la responsabiliteacute deacutecisionnel-les sont un facteur drsquoenrichissement du travail et de valorisation des personnesEnfin la deacutecentralisation eacutevite que la direction geacuteneacuterale soit absorbeacutee par desproblegravemes opeacuterationnels et lui octroie plus de possibiliteacutes pour se consacrer auxquestions vitales de strateacutegie drsquoentreprise

Finalement rares sont les entreprises dont la structure est totalement centraliseacuteeou totalement deacutecentraliseacutee En effet le degreacute de centralisation deacutepend des sujets agravetraiter et des opeacuterations agrave geacuterer Plus concregravetement il conviendra de deacutecentraliser lesfonctions et les missions pour lesquelles lrsquoautonomie deacutecisionnelle est neacutecessaire agravelrsquoefficaciteacute de lrsquoensemble et de centraliser les fonctions et les domaines transversaux

Aujourdrsquohui Celestial Seasonings sert plus de 16 milliard de verres de theacute chaque anneacutee etest consideacutereacutee comme le plus grand producteur de theacute aux Eacutetats-Unis Parmi ses produitslrsquoentreprise offre le Sleepytime le theacute aux herbes le plus vendu aux Eacutetats-Unis et plus decent saveurs de theacutes via des supermarcheacutes et des magasins drsquoalimentation naturelle dansplus de cinquante pays dans le monde

Agrave partir de wwwcelestialseasoningscom et BARTOL K M et MARTIN D C laquo CelestialSeasonings Retains its Innovative Flair raquo Management Irwin McGraw-Hill 2000

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par nature Ainsi une entreprise internationale implanteacutee dans plusieurs pays peutavoir inteacuterecirct agrave deacutecentraliser le marketing car les deacutecisions lieacutees aux produits impo-sent une proximiteacute avec le marcheacute et une bonne connaissance des clients desproduits concurrents des attentes des distributeurshellip En revanche la fonction derecherche et deacuteveloppement peut ecirctre centraliseacutee car les activiteacutes de recherchefondamentale et appliqueacutee imposent une concentration des moyens sont communesagrave lrsquoensemble des pays et ne contribuent pas directement agrave lrsquoefficaciteacute opeacuterationnellelocale En reacutealiteacute le niveau de raisonnement le plus pertinent devrait ecirctre celui desmissions de chaque fonction Ainsi si nous prenons lrsquoexemple de la GRH drsquouneentreprise speacutecialiseacutee par marque la reacutealisation des contrats peut facilement ecirctrecentraliseacutee parce que ces derniers sont identiques quelle que soit la marque Enrevanche le recrutement des personnels sera plus logiquement deacutecentraliseacute car lesdivisions propres agrave chaque marque peuvent neacutecessiter des compeacutetences qui nepeuvent ecirctre eacutevalueacutees qursquoagrave leur niveau Finalement lrsquoarbitrage entre centralisation etdeacutecentralisation srsquoeffectue aux niveaux des fonctions et de leurs activiteacutes et deacutependde nombreux facteurs (taille de lrsquoentreprise implantation diversiteacute des produitsstabiliteacute et preacutevisibiliteacute de lrsquoenvironnementhellip)

Les quatre critegraveres preacuteceacutedemment eacutetudieacutes (speacutecialisation coordination formalisa-tion et centralisation) permettent de bacirctir le design formel de lrsquoorganisation et defixer son architecture La combinaison de ces paramegravetres met en eacutevidence un conti-nuum de formes structurelles geacuteneacuteriques aux extreacutemiteacutes duquel se trouvent lesformes meacutecaniste et organique

5 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration

Une structure drsquoentreprise peut ecirctre positionneacutee sur un continuum selon ses carac-teacuteristiques en termes de speacutecialisation coordination formalisation et centralisationPour Burns et Stalker (1961) les formes meacutecaniste et organique correspondent agrave desmodegraveles structurels geacuteneacuteriques

La forme meacutecaniste se traduit par une speacutecialisation intense (forte division dutravail) et essentiellement fonctionnelle (par meacutetier) une emprise de la coordinationpar la hieacuterarchie un degreacute eacuteleveacute de formalisation (poids des regravegles eacutecrites) et unecentralisation pousseacutee (le pouvoir de deacutecision est faiblement dilueacute) Cette formedrsquoorganisation est efficace lorsque le travail agrave effectuer est simple et reacutepeacutetitif et quelrsquoenvironnement est stable Elle correspond notamment agrave lrsquoentreprise fordienne et agravela bureaucratie de Weber dans lesquelles lrsquoefficaciteacute de la structure est lieacutee agrave la reacutegu-lariteacute et la preacutevisibiliteacute des comportements Par exemple une preacutefecture adopteraune organisation proche de la forme meacutecaniste car ses missions nrsquoeacutevoluent pas tregravesrapidement et sont peu soumises agrave des changements de lrsquoenvironnement

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La forme organique se traduit par une speacutecialisation moins pousseacutee une coordina-tion multiforme (comiteacute ajustement mutuelhellip) une formalisation reacuteduite et uneplus grande deacutecentralisation du pouvoir Cette forme souple et leacutegegravere srsquoavegravere plusadapteacutee agrave un travail plus complexe et moins routinier et aux environnements turbu-lents qui imposent des changements organisationnels Elle correspond aux organisa-tions flexibles et innovantes lrsquoefficaciteacute de cette structure provient du flou et de ladiversiteacute organisationnels qui ont pour effet la mobiliteacute et lrsquoadaptation comporte-mentales la creacuteativiteacute et lrsquoinitiative des individus Une agence de publiciteacute adopteraune organisation proche de la forme organique car elle doit inventer des campagnespublicitaires speacutecifiques agrave chaque client en imaginer reacuteguliegraverement de nouvelleshellipEt cela neacutecessite de laisser une grande liberteacute aux salarieacutes et notamment aux creacuteatifsafin de ne pas faire obstacle agrave leur imagination

Toutefois la reacutealiteacute des formes structurelles meacuterite quelques nuances En effet sila structure globale drsquoune entreprise peut se rapprocher de lrsquoune de ces formes ilconvient de noter qursquoelles peuvent (et mecircme doivent) coexister au sein drsquoune mecircmefirme (les services sont organiseacutes soit de faccedilon meacutecaniste soit de faccedilon organique)Lrsquoexistence simultaneacutee de formes structurelles diffeacuterentes renvoie aux travaux deLawrence et Lorsch (1973) et agrave la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration

Ces auteurs cherchant agrave expliquer la performance de la structure mettent eneacutevidence qursquoelle deacutepend du niveau de diffeacuterenciation interne et drsquointeacutegration Ilsreacutevegravelent la neacutecessiteacute drsquointroduire une diffeacuterenciation suffisante entre les entiteacutes quisera compenseacutee par des meacutecanismes inteacutegrateurs

La diffeacuterenciation interne provient du fractionnement de lrsquoentreprise en entiteacutesdistinctes (les services finance production marketinghellip) et de leur autonomie struc-turelle Elle reacutesulte de trois facteurs les relations avec des acteurs speacutecifiques desmissions et des objectifs particuliers Les deacutepartements entretiennent en effet avecleur environnement immeacutediat des relations privileacutegieacutees Agrave titre drsquoexemple le servicefinancier est en relation directe avec les institutions financiegraveres le service commer-cial avec les clients la R amp D avec le monde scientifique En outre chaque servicese voit confieacutee par la direction geacuteneacuterale des missions et des objectifs qui lui sontpropres Par exemple le deacutepartement controcircle de gestion a une mission et des objec-tifs lieacutes agrave au traitement de donneacutees financiegraveres la production drsquoinformations fiablessur la rentabiliteacute des produits lrsquoanalyse des eacutecarts la preacutevision budgeacutetairehellip alorsque le service commercial se concentre sur le deacuteveloppement du chiffre drsquoaffaires laconquecircte la satisfaction et la fideacutelisation des clientshellip Il reacutesulte de ces trois facteursque lrsquoefficaciteacute de chaque entiteacute deacutepend de lrsquoadaptation de son fonctionnement auxparticulariteacutes de son sous-environnement de ses missions et de ses objectifs Cettediffeacuterenciation interne se manifeste par des comportements (comme le langage lesvaleurshellip) des meacutethodes de travail des reacutefeacuterentiels mentaux et des horizons tempo-rels propres Ainsi un commercial parle chiffre drsquoaffaires concurrence et clientegravelealors qursquoun comptable parle normes IFRS compte de reacutesultat et bilan Les premierssont tregraves attacheacutes au service aux clients alors que les seconds privileacutegient la fiabiliteacutedes comptes De mecircme les meacutethodes de travail du service comptable sont plus

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formaliseacutees que celles du service de recherche et deacuteveloppement Eacutegalement lesreacutefeacuterentiels mentaux drsquoun chercheur peuvent graviter autour des relations entre leniveau drsquoeacutequipements du laboratoire et la deacutecouverte drsquoune technologie drsquoavenirtandis que ceux drsquoun commercial eacutetabliront des liens entre la diffeacuterenciation duproduit par rapport agrave la concurrence et lrsquoaugmentation des ventes Enfin les preacuteoc-cupations du service R amp D sont tourneacutees vers le long terme alors que celles dudeacutepartement marketing seront plus orienteacutees vers le court terme

In fine lrsquoefficaciteacute de la structure deacutepend de la diffeacuterenciation interne La directiondoit donc valoriser la diffeacuterenciation interne plutocirct que de chercher agrave homogeacuteneacuteiserlrsquoensemble Cependant la diffeacuterenciation geacutenegravere des forces centrifuges qui peuventengendrer des dysfonctionnements majeurs Elle tend en effet agrave provoquer despheacutenomegravenes de balkanisation chaque entiteacute se referme sur elle-mecircme et privileacutegieses propres objectifs et inteacuterecircts Il en reacutesulte des difficulteacutes de communication decompreacutehension et de coopeacuteration ainsi que des conflits reacutecurrents Et plus la diffeacute-renciation est pousseacutee plus ces problegravemes srsquoaccentuent Or lrsquoentreprise doit faireface agrave des problegravemes strateacutegiques dominants (deacutevelopper un nouveau produit acceacute-der agrave de nouvelles technologieshellip) qui exigent une reacuteelle collaboration entre lesentiteacutes Afin drsquoeacuteviter lrsquoeacuteclatement et le cloisonnement de lrsquoentreprise de feacutedeacuterer lesentiteacutes et de rendre leurs actions plus coheacuterentes entre elles la diffeacuterenciation doitecirctre compenseacutee par des meacutecanismes inteacutegrateurs jouant le rocircle de forces centripegravetesAinsi plus la diffeacuterenciation est forte et plus doit lrsquoecirctre lrsquointeacutegration

Repegraveres La diffeacuterenciation au sein des structures hospitaliegraveres

Les eacutetablissements de soins sont des lieux ougrave se cocirctoient en permanence diffeacuterentes cateacute-gories de professionnels meacutedecins infirmiegraveres aides-soignantes gestionnaireshellip Et lestensions sont reacuteelles entre les diffeacuterentes cateacutegories de professions meacutedicales et entre lesmeacutedecins et les gestionnaires Et cela rend drsquoautant plus difficile la coheacutesion globale delrsquoorganisationLes professions de santeacute sont ainsi fortement diffeacuterencieacutees tant au niveau des culturesdes meacutethodes et des conditions de travail Les statuts privilegraveges et pouvoirs sont tregravesineacutegaux agrave lrsquointeacuterieur des eacutetablissements Lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute professionnelle est une marquedistinctive alors que paradoxalement la compleacutementariteacute professionnelle les fait seretrouver agrave lrsquointeacuterieur des mecircmes lieux organisationnels Un professionnel de santeacute secaracteacuterise par un engagement prioritaire envers le patient (le professionnel est libre dechoisir ce qui convient le mieux pour son client avec le moins de contraintes institution-nelles ou eacuteconomiques il est fortement autonome dans le processus de soins) De mecircmeil a acquis des connaissances et un savoir gracircce agrave une formation de haut niveau (ougrave la prati-que occupe une large place) par un controcircle vigilant agrave lrsquoentreacutee dans la profession par sespairs par un code drsquoeacutethique Enfin il a un engagement marqueacute envers la profession(souvent plus grand qursquoenvers lrsquoorganisation ougrave il travaille) Chaque cateacutegorie possegravededonc des caracteacuteristiques propres et deacuteveloppe une identiteacute speacutecifique

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Afin de contrebalancer les effets de la diffeacuterenciation on distingue plusieursmeacutecanismes inteacutegrateurs Tout drsquoabord lrsquoentreprise peut demander agrave des membresde lrsquoentreprise drsquoassumer ce rocircle Ces individus inteacutegrateurs (chef de produit chefde projet responsable de marquehellip) assurent les liaisons entre les diffeacuterentes entiteacuteset tentent de trouver des axes de travail communs Ensuite lrsquoentreprise peut multi-plier les groupes de travail (projets comiteacuteshellip) Ces groupes temporaires sontcomposeacutes de personnes appartenant agrave diffeacuterentes entiteacutes En travaillant ensemble lessalarieacutes apprennent agrave partager leurs ideacutees De mecircme la culture drsquoentreprise en deacuteve-loppant des valeurs globales minimise les diffeacuterences internes La formation peutaussi ecirctre un moyen de veacutehiculer des reacutefeacuterentiels mentaux Eacutegalement lorsque lesobjectifs sont communs agrave diffeacuterentes entiteacutes les diffeacuterences srsquoestompent Enfinlrsquoentreprise peut relier les entiteacutes par des systegravemes de planification de controcircle etdrsquoinformation afin de formaliser leur coordination Les technologies de lrsquoinforma-tion et de communication (TIC) exercent une influence significative sur la coordina-tion entre les individus et lrsquouniteacute de lrsquoentreprise

Le dirigeant doit donc assurer lrsquoeacutequilibre entre diffeacuterenciation et inteacutegration Cedosage est difficile agrave trouver lrsquoexcegraves de diffeacuterenciation provoque la balkanisationtandis que lrsquoexcegraves drsquointeacutegration affaiblit lrsquoefficaciteacute des entiteacutes Au sein de lrsquoentre-prise il fait varier les formes organisationnelles les faisant osciller entre les formes

De mecircme une organisation de soins est partageacutee entre une vocation meacutedicale et unecontrainte eacuteconomique Les hocircpitaux et cliniques doivent apporter des soins aux patientsdans le cadre drsquoune conception ideacuteologique lrsquoeacutegaliteacute face agrave la maladie et la couverturefinanciegravere pour tous Mais cette activiteacute possegravede un coucirct Srsquoagissant drsquoun hocircpital ellesrsquoinscrit dans une enveloppe budgeacutetaire Pour une clinique commerciale srsquoy ajoute le soucide reacutealiser un beacuteneacutefice Cette tension entre les logiques meacutedicale et eacuteconomique est uneconstante des organisations de prise en charge autant qursquoune source de conflits pour lesacteurs Elle oppose les professionnels producteurs de soins (les meacutedecins en situation deservice) aux gestionnaires laquo rationnalisateurs raquo (les directeurs en situation de gestion)En effet les deux logiques sont conflictuelles et engendrent des contradictions et desoppositions multiples La contrainte eacuteconomique des eacutetablissements met en relation desquestions de financement peu relieacutees au laquo monde raquo des meacutedecins Lrsquoeacutethique meacutedicalerelegravegue en effet geacuteneacuteralement au second plan les contraintes financiegraveres Il en est demecircme pour les questions purement lieacutees agrave lrsquohocirctellerie Les services hocircteliers (cuisine linge-riehellip) sont placeacutes sous la responsabiliteacute du directeur qui poursuit des objectifs quantitatifsde rentabiliteacute ou de minimisation des coucircts de fonctionnement de ces services Quant auxpraticiens de la meacutedecine ils se deacutesinteacuteressent geacuteneacuteralement de la gestion de lrsquohocirctellerieau profit de la logistique technique qui conditionne la performance et le confort de leuractiviteacute professionnelle Si le gestionnaire accorde de lrsquoimportance aux montants desinvestissements lieacutes agrave lrsquohocirctellerie les meacutedecins sont plus sensibles agrave la qualiteacute des servicesque ces investissements rendront

Agrave partir de SAULQUIN J-Y laquo Difficulteacutes lieacutees agrave un eacutetat de diffeacuterenciation eacuteleveacute le cas des hocircpitaux du Val de Loire raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts

et cas en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005

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Les structures drsquoentreprises

meacutecaniste et organique Pour cela il se reacutefegravere aux quatre paramegravetres de structurationeacutetudieacutes plus haut Ceux-ci lui permettent de faccedilonner une structure Il est ainsi possi-ble drsquoidentifier des structures type

LES TYPES DE STRUCTURES

Il est possible de dresser une typologie des structures mais celle-ci ne doit pascacher une immense varieacuteteacute de configurations Si dans la reacutealiteacute les structures sontsouvent des hybridations celles-ci se reacutefegraverent neacuteanmoins agrave un ideacuteal type une formestructurelle dominante Notre typologie est donc constitueacutee de cinq structures princi-pales

ndash la structure fonctionnelle

ndash la structure divisionnelle

ndash la structure matricielle

ndash la structure en reacuteseau

ndash les structures par projets

1 La structure fonctionnelle

La structure fonctionnelle (figure 21) est construite comme son nom lrsquoindique agravepartir des fonctions telles que la production le marketing la financehellip Les opeacutera-tions neacutecessaires agrave lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise srsquoorganisent selon une logique de meacutetierEn effet chaque entiteacute (ou fonction) apporte une expertise une compeacutetence speacutecifi-que qui seacutequence le flux opeacuterationnel de travail dans lrsquoentreprise Dans ce type destructure la coordination srsquoeffectue essentiellement par ajustement mutuel (contactsdirects) et par supervision directe Les collaborateurs se voient confier des missionspreacutecises en relation avec leur domaine de connaissances principal

Figure 21 mdash La structure fonctionnelle

Section 2

Direction geacuteneacuterale

DirectionProduction

Direction desRessourcesHumaines

DirectionFinance et

Comptabiliteacute

DirectionMarketing

Vente

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Repegraveres La structure fonctionnelle de MMA

MMA est un groupe drsquoassurance mutuelle multispeacutecialiste qui srsquoadresse agrave la fois auxparticuliers aux professionnels aux entreprises aux collectiviteacutes et aux associations Ilcompte plus de 13 000 collaborateurs 1 500 agents geacuteneacuteraux et 2 000 points de venteen charge de la relation client MMA est le troisiegraveme reacuteseau drsquoagents geacuteneacuteraux en biens etresponsabiliteacutes avec plus de trois millions de clients Creacuteeacutee en 1828 MMA a la caracteacuteristi-que drsquoecirctre un mutualiste Cela signifie qursquoune assembleacutee geacuteneacuterale de repreacutesentants eacuteluspar des clients socieacutetaires a pour rocircle de nommer le conseil drsquoadministration drsquoapprouverles comptes et de valider les grandes orientations de la mutuelle Gracircce agrave ce fonctionne-ment MMA est consideacutereacute comme un acteur de lrsquoeacuteconomie sociale ce qui se traduit autravers de deux caracteacuteristiques fondatrices La premiegravere est la solidariteacute crsquoest-agrave-dire lepartage et la mutualisation des risques la primauteacute du collectif associeacutee au souci desrsquoadresser agrave tous La deuxiegraveme est lrsquohumanisme crsquoest-agrave-dire la volonteacute de placer lrsquohommeau centre de toutes les actions et de srsquoappuyer sur les notions de respect de toleacuterance etdrsquoeacutecoute Cette origine se retrouve dans le deacutesormais ceacutelegravebre slogan de MMA laquo Zeacutero tracaszeacutero bla-bla MMA crsquoest le bonheur assureacute raquo slogan qui communique le dynamisme lacreacuteativiteacute la simpliciteacute le bonheur la proximiteacute et lrsquoefficaciteacute autant de valeurs que lemutualiste promet agrave ses clients

La creacuteation et la structure de la MMALe groupe naicirct en 1828 quand lrsquoavocat Louis Basse futur maire du Mans et deacuteputeacute de laSarthe creacutee la Mutuelle immobiliegravere du Mans avec une ideacutee simple drsquoassurer contre le feutous les biens immobiliers En 1842 il poursuit son ideacutee et creacutee une seconde socieacuteteacute laMutuelle mobiliegravere du Mans Lrsquounion avec la Mutuelle geacuteneacuterale franccedilaise accidents creacuteeacuteeen 1883 par Jean-Marie Leliegravevre (qui srsquoeacutetait vu refuser la prise en charge de dossiers contrele risque drsquoincendie) constitue la premiegravere eacutetape drsquoune seacuterie de rapprochements qui toutau long des anneacutees 1900 vont progressivement donner naissance agrave la MMAAujourdrsquohui le groupe est un vaste ensemble porteacute par une structure fonctionnelle Ledeacutecoupage des activiteacutes est reacutealiseacute sur le critegravere du meacutetier Chaque deacutepartement est eacutegale-ment composeacute drsquoun ensemble de sous-fonction correspondant chacune agrave des domainesdrsquoexpertise particuliers et placeacutes sous lrsquoautoriteacute drsquoun responsable De cette faccedilon le direc-teur geacuteneacuteral peut avoir une vision globale sur les opeacuterations et exercer un controcircle rigou-reux sur lrsquoactiviteacute des diffeacuterentes fonctions

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Les structures drsquoentreprises

Figure 22 ndash Lrsquoorganigramme geacuteneacuteral de MMAAgrave partir de wwwmmafr

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MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Ce type de structure preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord le directeurgeacuteneacuteral a une vision globale il peut suivre toutes les opeacuterations et exercer uncontrocircle rigoureux sur lrsquoactiviteacute des diffeacuterentes fonctions Pour cela il srsquoappuie surdes compeacutetences tregraves pousseacutees dans chaque meacutetier En effet cette structure reposesur une forte speacutecialisation fonctionnelle Elle facilite le deacuteveloppement de lrsquoexcel-lence technique des gestionnaires car les responsabiliteacutes qui leur incombent sontlieacutees agrave leur domaine de compeacutetence Cette speacutecialisation par le meacutetier nrsquoest pasneacutegligeable elle limite les besoins de managers geacuteneacuteralistes facilite le recrutementet la formation du personnel et accroicirct lrsquoefficience et lrsquoefficaciteacute lieacutees agrave la reacutealisationdes missions Second avantage cette structure srsquoappuie sur un deacutecoupage simple etlogique des tacircches il en deacutecoule une deacutefinition claire des responsabiliteacutes respectivesLes modes de fonctionnement sont plus aiseacutes agrave comprendre pour les individusChaque membre de lrsquoorganisation appartient en effet agrave une fonction agrave laquelleincombent des missions preacutecises On note ainsi peu de risques de conflits lieacutes agravedrsquoeacuteventuels recoupements des tacircches Les relations entre les entiteacutes srsquoen trouventeacutegalement clarifieacutees Enfin les coucircts de fonctionnement sont moins eacuteleveacutes que dansles autres structures En effet les gestionnaires ont souvent la responsabiliteacute de leurfonction sur lrsquoensemble de lrsquoactiviteacute (qui peut couvrir plusieurs marques types declientshellip) Lrsquoeacutequipe fonctionnelle peut srsquoeacutetoffer mais le nombre de personnesdemeurera toujours moins eacuteleveacute que dans la structure divisionnelle

Cependant la structure fonctionnelle preacutesente quelques inconveacutenients La fortespeacutecialisation et lrsquoexcellence technique peuvent avoir des conseacutequences neacutegativessur lrsquoefficaciteacute de fonctionnement de cette structure

Tout drsquoabord les dirigeants sont souvent accapareacutes par des problegravemes routiniers(deacutecisions opeacuterationnelles) et neacutegligent par conseacutequent les problegravemes strateacutegiquesEn effet eacutetant les seuls agrave avoir une vue suffisamment globale du fonctionnement delrsquoentreprise ils se trouvent submergeacutes par des questions relevant du quotidien queles acteurs ne peuvent reacutesoudre compte tenu de leur trop grande speacutecialisation Etlorsque la centralisation est forte il peut en reacutesulter une lenteur des prises de deacuteci-sions le dirigeant eacutetant submergeacute par les sujets agrave traiter De mecircme personne agrave partle directeur geacuteneacuteral nrsquoa la responsabiliteacute de lrsquointeacutegraliteacute drsquoun produit ou drsquoungroupe de clients Le travail des individus est planifieacute autour de processus speacutecialiseacuteset indeacutependants En se speacutecialisant autant les salarieacutes peuvent eacuteprouver de grandesdifficulteacutes agrave coordonner leur travail En effet ne connaissant pas les contraintes desautres expertises ils focalisent sur les leurs Ces comportements rendent probleacutema-tiques la coordination et la coopeacuteration entre les fonctions Or ce besoin augmenteavec le volume drsquoactiviteacutes Il en reacutesulte des blocages des problegravemes de communica-tion des incompreacutehensions et des difficulteacutes agrave reacutesoudre les problegravemes transversauxEnfin cette structure se caracteacuterise par une grande rigiditeacute et une incapaciteacute agravesrsquoadapter aux changements En effet le cloisonnement par meacutetier peut avoir pourconseacutequence la valorisation des inteacuterecircts de la fonction au deacutetriment de ceux delrsquoentreprise dans sa globaliteacute Si la reacutealisation des objectifs fonctionnels prime alorslrsquoentreprise risque une grande inertie et une forte reacutesistance au changement

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Les structures drsquoentreprises

In fine la structure fonctionnelle est particuliegraverement adapteacutee aux entreprisesmono-activiteacute et de petite taille (par exemple une PME) Mais degraves que le nombre deproduits de clients de marques drsquoactiviteacutes et de personneshellip augmente les incon-veacutenients supplantent les avantages Il devient alors plus judicieux drsquoadopter unestructure divisionnelle

2 La structure divisionnelle

Degraves que lrsquoentreprise se deacuteveloppe et que les nouvelles activiteacutes connaissent lesuccegraves il est fondamental de respecter la diversiteacute et de deacutefinir une structure quiintegravegre lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute La speacutecialisation par fonction laisse alors place agrave un ouplusieurs modes de deacutecoupage nouveaux (le produit le client la marque le projet lazone geacuteographiquehellip) Par exemple une entreprise qui adopte une strateacutegie interna-tionale doit affronter une tregraves grande varieacuteteacute chaque zone geacuteographique (un paysun continenthellip) se caracteacuterise par des besoins et des clients diffeacuterents une reacutegle-mentation propre des caracteacuteristiques geacuteopolitiques speacutecifiques des concurrentsdiffeacuterentshellip Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise deacutepend de sa capaciteacute agrave inteacutegrer cette heacuteteacutero-geacuteneacuteiteacute dans sa structure Degraves lors il devient plus pertinent drsquoadopter un deacutecoupagepar marcheacute geacuteographique

La structure divisionnelle (figure 23) consiste donc agrave faire coexister plusieurs fluxinteacutegreacutes distincts les uns des autres Lrsquoorgane de reacutefeacuterence nrsquoest plus la fonction maisla division crsquoest-agrave-dire la zone geacuteographique la marque le type de clients leproduit le projethellip Il nrsquoest pas rare que le deacutecoupage soit multidivisionnel (parexemple la zone geacuteographique puis le type de clienthellip) Eacutevidemment une structuredivisionnelle ne signifie la disparition des meacutetiers - il convient souvent de conserverune speacutecialisation fonctionnelle Dans ce cas les deacutepartements fonctionnels nrsquoappa-raissent qursquoagrave un niveau infeacuterieur

Figure 23 mdash La structure divisionnelle

Servicescentraux

(ex finance)

Division A Division B Division C

Fonctions Fonctions Fonctions

Siegravege

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Lrsquoentreprise srsquoorganise donc en un ensemble de divisions (ou business unit) ausein desquelles on retrouve les fonctions opeacuterationnelles les plus utiles au respectdes speacutecificiteacutes Ainsi si nous reprenons lrsquoexemple drsquoune structure par zone geacuteogra-phique la fonction marketing sera deacutecentraliseacutee (chaque division a un servicemarketing) car il est neacutecessaire drsquoeacutelaborer une politique marketing speacutecifique agravechaque zone compte tenu des diffeacuterences de comportement drsquoachat de sensibiliteacute agravela qualiteacute et au prix des particulariteacutes des circuits de distributionhellip Par contre lafonction financiegravere pourra ecirctre centraliseacutee et unique elle ne deacutetermine pas lrsquoeffica-citeacute opeacuterationnelle de la division On notera que de faccedilon geacuteneacuterale les fonctionssupport (ou de soutien) sont rattacheacutees au siegravege

La structure divisionnelle apparaicirct alors comme une juxtaposition drsquoentreprisesresponsables de leurs reacutesultats et de leurs moyens humains techniques et financierset autonomes dans les domaines opeacuterationnels cleacutes (strateacutegie de marcheacute et deproduits vente marketinghellip) Cette indeacutependance manageacuteriale est la conditionessentielle de son efficaciteacute

Repegraveres La structure divisionnelle drsquoEADS

Le groupe EADS est neacute en 2000 de la fusion des socieacuteteacutes allemande DaimlerChrysler Aeros-pace AG franccedilaise Aeacuterospatiale-Matra et espagnole CASA Renommeacute mondialementEADS est preacutesent dans les secteurs de lrsquoaeacuterospatial de la deacutefense et des services associeacutesReacutealisant un chiffre drsquoaffaires de pregraves de 40 milliards drsquoeuros le groupe emploie environ116 000 personnes reacuteparties sur plus de 70 sites principalement en France en Allemagneau Royaume-Uni en Espagne aux Eacutetats-Unis et en Australie EADS abrite notammentlrsquoavionneur Airbus Eurocopter le plus grand heacutelicopteacuteriste au niveau mondial et est leleader europeacuteen des programmes spatiaux (comme Ariane ou Galileo) via EADS AstriumEADS est eacutegalement un partenaire majeur du consortium Eurofighter (lrsquoavion de combat leplus moderne en construction) et deacutetient une partie du capital de la joint-venture MBDA leleader mondial des systegravemes de missiles Ces diffeacuterentes activiteacutes ont eacuteteacute regroupeacuteesautour de cinq divisions principales Airbus Eurocopter Astrium Avions de transport mili-taire Deacutefense et SeacutecuriteacuteAirbus est un des leaders de lrsquoaeacuteronautique mondiale Concurrent principal de Boeing pourla vente drsquoavions civils aupregraves des compagnies aeacuteriennes la gamme Airbus comptequatorze modegraveles depuis le monocouloir A318 de 100 siegraveges jusqursquoau tregraves gros porteurA380 de 525 siegraveges le plus grand avion de ligne au monde Airbus emporte entre 40 et60 de lrsquoensemble des commandes drsquoappareils de plus de 100 siegraveges Eurocopter est lepremier constructeur drsquoheacutelicoptegraveres militaires et civils au monde Cette division afficheune part de marcheacute supeacuterieure agrave 50 Astrium est le principal groupe spatial europeacuteen etle troisiegraveme mondial Leader dans la fourniture de satellites de lanceurs et de servicesspatiaux cette division joue un rocircle phare dans les programmes spatiaux institutionnels etmilitaires en Europe La division Avions de transport militaire conccediloit fabrique et commer-cialise des avions pour des missions militaires etou de seacutecuriteacute (telles que le ravitaillementen vol la surveillance maritimehellip) La gamme de produits de cette division comprend desappareils de transport lourds moyens et leacutegers ainsi que des deacuteriveacutes drsquoAirbus qui beacuteneacute-ficient de toutes les performances des avions commerciaux Enfin la division Deacutefense amp

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Les structures drsquoentreprises

Seacutecuriteacute constitue le pocircle des activiteacutes de deacutefense et de seacutecuriteacute drsquoEADS Elle offre des solu-tions technologiques permettant de combiner les aeacuteronefs militaires les systegravemes demissile les systegravemes de deacutefense et de communication lrsquoeacutelectronique de deacutefense et lesservices associeacutes afin de garantir lrsquointeropeacuterabiliteacute interarmes et interallieacutes Elle jouenotamment un rocircle deacutecisif dans le programme Eurofighter le systegraveme de combat aeacuterien leplus sophistiqueacute au monde Ce systegraveme conjugue un radar multimode avanceacute et une suitecomplegravete de senseurs et de contre-mesures eacutelectroniquesComme le montre lrsquoorganigramme ci-dessous les divisions sont autonomes et responsa-bles de leur performance Elles sont placeacutees sous la responsabiliteacute drsquoun dirigeant lui-mecircme placeacute sous la tutelle de Louis Gallois On peut donc qualifier lrsquoorganisation drsquoEADSde structure divisionnelle On constate eacutegalement que certaines fonctions transverses(comme la strateacutegie le marketing et la finance) sont en relation directe avec la directiongeacuteneacuterale

Figure 24 mdash Lrsquoorganigramme geacuteneacuteral drsquoEADS

Agrave partir de wwweadscom

Board of Directors

Rolf BartkeJuan Manuel Eguiagaray UcelayArnaud LagardegravereLakshmi N MittalMichel Peacutebereau

Dominique DrsquoHinninLouis GalloisHermann-Josef LambertiSir John ParkerBodo Uebber

bull Marwan Lahoud

Dr Ruumldiger GrubeChairman

Chief Strategy andMarketing Officer

Executive Comittee

Chief Executive Officer (CEO)

bull Dr Thomas Endersbull Fabrice Breacutegier(COO)

Airbus Division

bull Carlos D Suarez

Military TransportAircraft Division

bull Ralph D Crosby Jr

EADS North America

bull Jussi Itaumlvuori

Human resources

bull Jean J Botti

Chief TechnicalOfficer

bull Franccedilois Auque

Astrium Division

bull Dr Lutz bertling

Eurocopter Division

bull Dr Stefan Zoller

Defence amp SecurityDivision

bull Hans Peter Ring

Chief Financial Officer

Responsible as Executive Committee member of a permanent group-vide mission to ensure EADS enhanced operational performanceas of October 22 2007

bull Louis Gallois

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Cette forme structurelle preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord la respon-sabiliteacute des divisions quant aux moyens et aux reacutesultats insuffle une culture de laperformance eacuteconomique Chaque business unit devient un centre de profit dont lesreacutesultats sont compareacutes avec ceux des autres entiteacutes du groupe Cette compeacutetitioninterne stimule et responsabilise les membres de la division quant agrave lrsquoatteinte desobjectifs fixeacutes par le siegravege (profit deacutegageacute marge contributive rentabiliteacute des capi-taux investishellip) Le dirigeant drsquoune division se trouve donc agrave la tecircte laquo drsquoune entre-prise dans lrsquoentreprise raquo dont le budget deacutepend souvent de sa capaciteacute agrave atteindre lesobjectifs Degraves lors la direction geacuteneacuterale du siegravege se trouve deacutetacheacutee des questionsopeacuterationnelles Son rocircle devient plus strateacutegique elle doit deacutetecter des opportuni-teacutes drsquoaffaires veiller agrave la performance de lrsquoensemble des divisions et envisager desdeacutesengagements des activiteacutes les moins profitables et dont les perspectives de deacuteve-loppement sont limiteacutees Elle assure aussi la coordination entre les divisions lorsquecelles-ci entretiennent des relations de marcheacute Elle joue eacutegalement via les fonc-tions support le rocircle de soutien aux business unit Toutefois plus les divisions sontnombreuses et plus la coordination et le soutien deviennent complexes Le rocircle dusiegravege peut alors se rapprocher de celui drsquoune holding ou drsquoun conglomeacuterat assurerla gestion des investissements (allocation des ressources) et des deacutesinvestissementsDans ce cas les services centraux tendent agrave disparaicirctre au profit drsquoune fonctionfinanciegravere dominante Enfin la structure divisionnelle confegravere une reacuteactiviteacute plusgrande agrave lrsquoentreprise Lrsquoautonomie deacutecisionnelle dont sont doteacutees les divisions leurpermet de mieux faire face agrave lrsquoincertitude et agrave la complexiteacute de leur environnementEacutetant plus proches des changements (en termes de leacutegislation de technologie deconcurrence de produits nouveauxhellip) les responsables de divisions les perccediloiventplus rapidement et ont la capaciteacute drsquoy faire face dans des deacutelais plus courts Cettemarge de manœuvre est le facteur preacutedominant de la rapiditeacute de changement

Malgreacute ces avantages la structure divisionnelle preacutesente trois inconveacutenients prin-cipaux Tout drsquoabord crsquoest une structure coucircteuse car les fonctions opeacuterationnellesse reacutepartissent au sein des business unit Ainsi une entreprise multidivisionnelle nepeut escompter reacutealiser des eacuteconomies drsquoeacutechelle consideacuterables chaque division estdoteacutee de moyens humains et techniques propres (plusieurs installations de produc-tion et eacutequipes de ventehellip) Cet eacutecueil est parfois contrebalanceacute par la centralisationde certaines fonctions Crsquoest cependant un dosage difficile car les synergies (et labaisse des coucircts de structure) induites par le partage de fonctions de support risquentde peser sur les avantages de lrsquoautonomie manageacuteriale des divisions Le secondinconveacutenient concerne le deacuteveloppement de lrsquoexcellence fonctionnelle dans lrsquoentre-prise Lrsquoexpertise nrsquoest pas la prioriteacute de cette structure Or en accordant une placepreacutepondeacuterante au reacutesultat cela peut rejaillir de faccedilon neacutegative sur la maicirctrise etlrsquoeacutevolution de certaines compeacutetences En effet les reacuteponses rapides aux eacutevolutionsdu marcheacute sont privileacutegieacutees au deacutetriment drsquoefforts plus incertains en termes techno-logiques par exemple De mecircme les divisions eacutetant en compeacutetition entre elles lepartage de compeacutetences est difficile agrave organiser Les uniteacutes se concentrent surlrsquoatteinte de leurs objectifs et ont peu drsquointeacuterecirct agrave coopeacuterer entre elles Les ameacuteliora-tions fonctionnelles qursquoelles reacutealisent tendent agrave demeurer au sein de la division et

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Les structures drsquoentreprises

crsquoest la dynamique drsquoapprentissage de lrsquoentreprise dans sa globaliteacute qui est affec-teacutee Le dernier inconveacutenient est relatif aux ressources humaines Lrsquoentreprise multi-divisionnelle doit disposer drsquoun vivier de cadres geacuteneacuteralistes capables drsquoacceacuteder agravedes postes de responsables de division Les qualiteacutes drsquoun directeur de divisions sontbien diffeacuterentes de celles drsquoun directeur de fonction Les entreprises en business unitdeacuteveloppent donc le plus souvent des programmes de formation de haut niveau pourse doter de personnels aptes agrave assumer ces responsabiliteacutes

Pour conclure la structure divisionnelle est adapteacutee aux entreprises diversifieacutees entermes de produits de marques drsquoactiviteacutes de projets de clients et de marcheacutesgeacuteographiques Pourtant si son efficaciteacute reacuteside dans lrsquoindeacutependance des divisionscela fait peser le risque drsquoeacuteclatement de lrsquoorganisation et tend agrave accroicirctre consideacutera-blement les coucircts de structure Le partage de certaines fonctions rattacheacutees au siegravegetend agrave les abaisser mais risque alors drsquoaffaiblir lrsquoautonomie des uniteacutes Crsquoest pourconcilier des exigences contradictoires que certaines entreprises ont adopteacute unestructure matricielle

3 La structure matricielle

La structure matricielle (figure 25) deacutesigne la superposition des structures fonc-tionnelle et divisionnelle Pour maintenir leurs avantages respectifs en en effaccedilantles inconveacutenients elle conjoint des deacutepartements (qui assurent le deacuteveloppement delrsquoexpertise et compressent les coucircts de structure) et des divisions (qui se concentrentsur le reacutesultat et lrsquoadeacutequation au marcheacute) Les deacutepartements gegraverent les ressourceshumaines financiegraveres et techniques pour lrsquoensemble des divisions tandis que cesderniegraveres ont pour mission principale la gestion opeacuterationnelle et lrsquoatteinte drsquoobjec-tifs commerciaux

Figure 25 mdash La structure matricielle

La structure matricielle repose donc sur une double coordination horizontale etverticale La premiegravere est assureacutee par le responsable de division (ici une zonegeacuteographique) elle consiste agrave assurer le bon enchaicircnement des contributions fonc-

DeacutepartementGRH

Europe

Asie

Ameacuterique

DeacutepartementFinance

DeacutepartementMarketing

DeacutepartementLogistique

Responsables des deacutepartements

Directeursde zones

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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tionnelles inscrites dans un flux drsquoopeacuterations Lrsquoobjectif est drsquoen assurer la qualiteacuteglobale selon une logique drsquoefficaciteacute La seconde est assureacutee par le responsable dedeacutepartement elle consiste agrave allouer les ressources entre les divisions Lrsquoobjectif estdrsquooptimiser les moyens disponibles selon une logique drsquoefficience Il y a donc poten-tiellement divergence drsquointeacuterecircts entre les deux pocircles le responsable de division tendagrave maximiser les moyens pour permettre agrave sa division de se deacutevelopper alors que leresponsable de fonction tend agrave les minimiser pour pouvoir les allouer agrave lrsquoensembledes divisions

Les deux modes de coordination (horizontale et verticale) sont interdeacutependants ilsrsquoagit drsquoassurer un compromis entre les logiques drsquoefficaciteacute et drsquoefficience Endrsquoautres termes le fonctionnement drsquoune structure matricielle deacutepend de la qualiteacutede la collaboration entre les responsables de fonction et de division La preacutesence demeacutecanismes inteacutegrateurs est souvent neacutecessaire pour compenser la diffeacuterenciationengendreacutee par la matrice Par exemple des agents situeacutes agrave lrsquointersection entre lesfonctions et les divisions tentent de concilier les objectifs et les contraintes des eacutequi-pes respectives assumant le rocircle de coordinateur

Repegraveres Orange adopte une structure matricielle pour porter sa strateacutegie

Orange est la principale marque du groupe France Teacuteleacutecom lrsquoun des principaux opeacuterateursde teacuteleacutecommunications dans le monde Le groupe sert ainsi plus de 177 millions de clientssur les cinq continents dont les deux tiers sont clients de la marque Orange En 2005 legroupe lance le programme NExT (Nouvelle Expeacuterience des teacuteleacutecommunications) creacuteeacutedans le but de permettre France Teacuteleacutecom de passer drsquoun simple fournisseur drsquoaccegraves agrave unveacuteritable fournisseur de services Lrsquoobjectif de lrsquoopeacuterateur est drsquointeacutegrer les activiteacutes defournitures de services afin drsquooffrir agrave ses clients une nouvelle geacuteneacuteration de services En2006 Orange est ainsi devenue la marque unique du groupe pour lrsquoInternet ADSL la teacuteleacute-vision et le mobile Pour soutenir cette strateacutegie le groupe srsquoest engageacute dans une refontede sa structure et a adopteacute une structure matricielle

Le programme NExTNExT repose sur une volonteacute celle drsquooffrir aux clients une nouvelle expeacuterience des teacuteleacute-communications en leur donnant accegraves agrave un nouveau monde de services agrave une nouvellegeacuteneacuteration de services numeacuteriques (Internet teacuteleacutevisionhellip) et une ambition celle de devenirle fournisseur de services teacuteleacutecoms de reacutefeacuterence en Europe en matiegravere drsquoinnovation dequaliteacute de services et de performance eacuteconomiqueEn 2006 le programme NExT se concreacutetise par la mise en place drsquoune nouvelle organisa-tion baseacutee sur ces deux principes placer le client au centre des prioriteacutes de chacun etaccroicirctre lrsquoefficaciteacute du groupe gracircce agrave lrsquoadoption drsquoune structure matricielle Pour attein-dre ces objectifs le groupe a repenseacute lrsquoorganisation des directions opeacuterationnelles desdeacutepartements secteurs drsquoactiviteacute et des fonctions de groupe Les directions opeacuterationnel-les sont responsables des zones geacuteographiques (France Royaume-Uni Espagne Polo-gne Europe Moyen-Orient et Caraiumlbes Afrique Moyen-Orient et Asie) Les deacutepartements

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La structure matricielle est conccedilue pour preacutesenter les avantages des formes preacuteceacute-demment eacutetudieacutees excellence technique coucircts de structure optimiseacutes reacuteactiviteacute aumarcheacute logique de reacutesultat et eacutequipe de direction deacutedieacutee au deacuteveloppement delrsquoentreprise

Ces gains doivent ecirctre relativiseacutes par deux inconveacutenients Le premier est lieacute aufonctionnement hieacuterarchique En effet les individus doivent assumer une doubleappartenance hieacuterarchique au service fonctionnel qui attend une forte compeacutetencetechnique et agrave lrsquoeacutequipe divisionnelle soucieuse de lrsquoimplication dans le reacutesultatdrsquoensemble Il en reacutesulte parfois pour les acteurs une ambiguiumlteacute un stress et uneconfusion quant aux objectifs prioritaires et aux meacutethodes de travail qui se traduisentpar un engagement et une efficaciteacute professionnelle plus faibles Le second est lieacute agravela multiplication des conflits En effet les fonctions et les divisions ont des objectifsantagonistes Les premiers valorisent lrsquoefficience alors que les seconds font primerlrsquoefficaciteacute Cette divergence drsquointeacuterecircts peut donner lieu agrave des conflits dont la reacutecur-rence et lrsquointensiteacute bloquent le fonctionnement de la structure Les jeux de pouvoirse trouvent ainsi stimuleacutes par lrsquoorganisation matricielle Si tel est le cas la directiongeacuteneacuterale se trouve submergeacutee par des arbitrages agrave effectuer et ce au deacutetriment de saveacuteritable mission Il est eacutegalement courant drsquoobserver une tendance agrave lalaquo reacuteunionite raquo pour faire face aux difficulteacutes de la coordination

Pour conclure la structure matricielle repose fondamentalement sur la qualiteacute dela collaboration entre les deacutepartements et les divisions sur les aptitudes relationnel-les de leurs membres Elle bouleverse la hieacuterarchie comme mode dominant de coor-dination au profit de lrsquoajustement mutuel et suppose que les individus quelle quesoit leur entiteacute drsquoappartenance integravegrent les exigences de leurs collegravegues En

secteurs drsquoactiviteacute ont la responsabiliteacute des meacutetiers du groupe (services de communicationpersonnels services de communication reacutesidentiels et services de communication entre-prise) Enfin les fonctions groupe sont chargeacutees de deacutefinir la politique globale agrave lrsquoeacutechelle dugroupe et drsquoen assurer le pilotage pour chaque domaine Ces fonctions transverses sont lemarketing strateacutegique la finance les ressources humaines la communication et marquehellipLrsquoensemble de ces diffeacuterents deacutepartements fonctionne deacutesormais en transversal en vuedrsquoassurer une plus grande convergence des actions Ainsi ce fonctionnement croiseacute desentiteacutes de la structure permet par exemple la convergence commerciale (facture etcontrat unique) la convergence des services (services accessibles par nrsquoimporte quelmoyen de communication) et la convergence technologique (inteacutegration des reacuteseaux dusystegraveme drsquoinformation et des plateformes de services) Lrsquoenjeu ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute duservice rendu aux clients et optimiser les ressources deacutedieacutees au fonctionnement de lastructureIn fine le programme NExT nrsquoa pas seulement eu pour effet de modifier la structure delrsquoentreprise Il a eacutegalement permis le renforcement de lrsquoinnovation pour offrir le meilleur dela technologie agrave ses clients A ainsi eacuteteacute creacuteeacutee une entiteacute autonome le technocentre dont laprincipale mission est drsquoindustrialiser le lancement de services innovants

Agrave partir de wwworangefr

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drsquoautres termes la performance collective doit prendre le pas sur la performanceindividuelle Si ces nouvelles regravegles du jeu ne sont pas inteacuterioriseacutees par tous lesacteurs les gains de fonctionnement ne se reacutealisent pas et les difficulteacutes surgissent Ilnrsquoest drsquoailleurs pas rare que lrsquoune des entiteacutes prenne le dessus sur lrsquoautre Si lesdeacutepartements ont le pouvoir alors la structure devient plutocirct fonctionnelle Elle seraplutocirct divisionnelle si les activiteacutes (ou les produits les projets les zoneshellip) gouver-nent la structure

Les trois structures preacuteceacutedemment eacutetudieacutees (fonctionnelle divisionnelle et matri-cielle) preacutesentent une limite commune leur faible flexibiliteacute Crsquoest pour mieuxabsorber les chocs geacuteneacutereacutes par des changements externes que certaines entreprisesont chercheacute agrave rendre leur structure plus souple et flexible Les structures en reacuteseauconstituent ainsi une avanceacutee significative compte tenu de leur capaciteacute agrave absorber lacomplexiteacute et lrsquoincertitude interne et externe

4 La structure en reacuteseau

Pour mieux faire face aux changements rapides de lrsquoenvironnement agrave sacomplexiteacute croissante et agrave lrsquoimpreacutevisibiliteacute qui en reacutesulte les structures doiventdevenir plus agiles crsquoest-agrave-dire ecirctre capables drsquoabsorber les multiples variations queleur inflige le milieu Lrsquoorganisation en reacuteseau (un ensemble drsquoeacuteleacutements relieacutes entreeux formant une supra-organisation) constitue le mode de structuration le plusavanceacute pour geacuterer ces sources drsquoincertitude Elle se divise en deux formes structurel-les distinctes lrsquoentreprise en reacuteseau et le reacuteseau drsquoentreprises

La premiegravere (appeleacutee aussi reacuteseau interne) consiste agrave organiser lrsquoentreprise en unensemble de cellules fonctionnant comme des PME Chaque uniteacute (ou pocircle) est depetite taille parfaitement autonome sur le plan deacutecisionnel et entretient des liens demarcheacute limiteacutes avec drsquoautres uniteacutes Au niveau des pocircles la structure valorise lrsquoajus-tement mutuel (la communication) la limitation des proceacutedures le faible controcirclehieacuterarchique et le travail en eacutequipe ce qui lui confegravere un caractegravere organique Cetalleacutegement de la structure permet agrave lrsquoentreprise en reacuteseau de gagner en reacuteactiviteacute eten innovation car elle est organiseacutee de maniegravere agrave stimuler les initiatives et agrave promou-voir les compeacutetences et lrsquoautonomie des acteurs Pour illustrer lrsquoentreprise en reacuteseauon peut se reacutefeacuterer au reacuteseau bancaire agrave celui des agences drsquointeacuterimhellip dont lrsquoancragelocal permet de saisir les speacutecificiteacutes drsquoune zone geacuteographique en termes de prati-ques commerciales et drsquoexigences client Lrsquoeacutetablissement de relations privileacutegieacuteesavec les clients permet eacutegalement de maintenir la clientegravele captive Enfin la proxi-miteacute avec le marcheacute confegravere une rapiditeacute de reacuteaction en cas drsquoagression concurren-tielle ou de modification du jeu commercial

La seconde forme le reacuteseau drsquoentreprises (ou reacuteseau externe) se caracteacuterise parlrsquoexistence de relations commerciales denses entre des entreprises indeacutependantes surle plan patrimonial eacutechappant ainsi agrave lrsquouniteacute de commandement confeacutereacutee par laproprieacuteteacute du capital Ainsi un reacuteseau externe rassemble des structures juridiquement

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Les structures drsquoentreprises

indeacutependantes au sein drsquoune mecircme chaicircne de valeur Chacune se speacutecialise sur sescompeacutetences fondamentales et srsquoinsegravere dans des seacuteries de transactions reacutecurrentesavec les autres structures Cette organisation est souvent qualifieacutee drsquoentreprisevirtuelle En effet les frontiegraveres de la firme sont plus difficiles agrave deacutelimiter puisquetoutes les entreprises concourent au sein drsquoune mecircme chaicircne de valeur agrave proposerun systegraveme drsquooffre unique Toyota constitue un exemple saisissant de feacutedeacuterationdrsquoentreprises Lrsquoentreprise a bacircti son succegraves gracircce agrave la sous-traitance organiseacuteeToyota fait ainsi fabriquer agrave lrsquoexteacuterieur 70 de la valeur totale des veacutehiculesvendus Lrsquoessentiel de sa chaicircne de valeur est externaliseacute aupregraves drsquoentreprises parte-naires qui elles-mecircmes recourent agrave des sous-traitants Les fournisseurs de rang unsont donc inviteacutes agrave srsquoorganiser comme leur donneur drsquoordre et ainsi de suite Leconstructeur compte 171 fournisseurs attitreacutes (de premier rang) dont seulement37 pour lesquelles Toyota est le premier actionnaire Si on ajoute les fournisseurs dedeuxiegraveme et troisiegraveme rangs on compte au total 36 000 sous-traitants soit trois foisplus que General Motors qui nrsquoen compte laquo que raquo 12 500

Repegraveres Les districts industriels une formedrsquoorganisation en reacuteseau

Le district industriel est neacute en Italie dans les anneacutees quatre-vingt il srsquoagit drsquoun regroupe-ment de petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans un mecircme domaine (les chaus-sures le textile les meubleshellip) Le Japon est eacutegalement repreacutesentatif de concentrationsindustrielles dans des districts Selon des donneacutees officielles on compte jusqursquoagrave550 districts industriels La caracteacuteristique essentielle de ces districts est leur organisationen reacuteseau et leur agiliteacute

Le district industriel de KyriuKyriu est lrsquoun des districts industriels les plus anciens et traditionnels du Japon Agrave lrsquoorigineson activiteacute eacutetait lieacutee agrave lrsquoindustrie textile Ce district est particuliegraverement connu pour laproduction drsquoun tissu le jacquard Cependant le district assure eacutegalement la productiondes tissus utiliseacutes pour la fabrication de kimonos et de poupeacutees traditionnellesAujourdrsquohui le district est reacuteputeacute pour pouvoir produire nrsquoimporte quel tissu Lrsquoouverturedu Japon agrave lrsquoexteacuterieur a eu pour effet lrsquointroduction de vecirctements occidentaux dans le payset lrsquoutilisation moindre des vecirctements traditionnels Le district a donc suivi ces eacutevolutionset fabrique des tissus tregraves diffeacuterents utiliseacutes notamment dans la deacutecoration et la fabrica-tion de vecirctements occidentauxCe district est composeacute de 400 entreprises hautement speacutecialiseacutees majoritairement desPME qui emploient moins de trente personnes La plupart sont des entreprises familialesqui existent depuis plusieurs geacuteneacuterations Toutes les entreprises sont speacutecialiseacutees dans undomaine comme la production du fil ou la coloration du tissu Leurs clients sont principa-lement des marques drsquohabillement qui vendent du textile mais ne le produisent pas Cesderniers passent par des grossistes appeleacutes Tonya qui coordonnent la production Parfoiscompte tenu des marges importantes que prennent les grossistes certains producteurscoordonnent directement lrsquoorganisation de la production Actuellement le deacutefi du district

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de Kyriu est de faire face agrave la deacutelocalisation de plusieurs fabricants en Chine Coreacutee etTaiumlwan en raison de coucircts de production beaucoup moins eacuteleveacutes Et ces deacutelocalisations ontpour conseacutequences la fermeture certaines usines et la diminution du volume de produc-tion pour drsquoautres Les entreprises du district modifient donc leur strateacutegie elles contri-buent aux eacutetudes de marcheacute reacutealiseacutees par les marques reacuteduisent le nombredrsquointermeacutediaires (notamment les Tonya) et se rapprochent des tendances de la mode Ellesdeacuteveloppent progressivement des compeacutetences nouvelles dans les domaines du marke-ting de la creacuteation et de la commercialisation

Le district industriel de Suwa-OkayaCe district est installeacute dans la preacutefecture de Nagano au centre de Honshu la plus grandeicircle du Japon Les habitants ont deacuteveloppeacute un esprit entrepreneurial et se sont engageacutesdans lrsquoartisanat Ils ont commenceacute agrave produire des tissus mais se sont reacuteorienteacutes vers laproduction de composants industriels Crsquoest apregraves la Deuxiegraveme Guerre mondiale quelrsquoindustrie de meacutecanique de preacutecision a commenceacute agrave se deacutevelopper Seiko lrsquoune des entre-prises du district srsquoest alors associeacute agrave de nombreuses PME pour produire des montres etdes horloges Elle a par la suite deacuteveloppeacute des montres digitales et a notamment fourni leseacutequipements de mesure pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 Dans les anneacuteesquatre-vingt lorsque la production des montres agrave bas coucirct a eacuteteacute transfeacutereacutee vers HongKong certains sous-traitants ont cesseacute la fabrication de piegraveces pour les montres et se sontreacuteorienteacutes principalement vers les domaines de lrsquoinformatique La creacuteation drsquoEpson parSeiko une entreprise speacutecialiseacutee dans les imprimantes a contribueacute agrave ce changementCe district est composeacute de 4 000 entreprises manufacturiegraveres La moitieacute a moins dequatre employeacutes et la plupart des entreprises de petite taille sont des sous-traitants quiont plusieurs clients agrave lrsquoexteacuterieur et agrave lrsquointeacuterieur du district Ce district compte eacutegalementun centre de soutien creacuteeacute par la preacutefecture de Nagano dont lrsquoobjectif est de promouvoir lacoopeacuteration tripartite entre les universiteacutes les industriels et les autoriteacutes gouvernementa-les Comme les autres districts japonais Suwa-Okaya souffre de la deacutelocalisation indus-trielle Si certaines entreprises ont eacuteteacute contraintes de licencier de restructurer etdrsquoabandonner leur activiteacute drsquoautres ont investi dans la R amp D surtout dans le domaine desnanotechnologies

Le district industriel de Higashi-OsakaComme la plupart des districts industriels du Japon Higashi-Osaka a aussi commenceacute avecle tissu Mais il a eacutevolueacute jusqursquoagrave arriver agrave la production de meacutetal de machines de produitseacutelectroniques ou de plastique La diffeacuterence entre ce district industriel et drsquoautres tient aufait que les PME travaillent pour plusieurs clients en mecircme temps Les entreprises se sontaussi speacutecialiseacutees dans des tacircches speacutecifiques mais elles coopegraverent activement Cettecoopeacuteration est telle qursquoelles ont des sites internet communs ou partagent un mecircme standdans les salons Par exemple le G7rsquos Meeting est un groupement de dix entreprises donttrois agissent comme coordinateurs du travail et engagent des efforts de R amp D dans desdomaines prometteurs comme les nanotechnologies ou les biotechnologies Un autregroupement drsquoune quarantaine drsquoentreprises srsquoest lanceacute dans le deacuteveloppement drsquoun satel-lite et est parvenu agrave convaincre les autoriteacutes locales et nationales de la faisabiliteacute de ceprojet Cependant comme les autres districts industriels japonais le district de Higashi-Osaka souffre de la deacutelocalisation des industries vers lrsquoAsie du Sud-Est

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Dans sa forme la plus courante le reacuteseau externe est domineacute par une firmecentrale le donneur drsquoordres (Hitachi dans lrsquoencadreacute) Il est alors la reacutesultante drsquounrecours intensif agrave lrsquoexternalisation la firme centrale se concentre sur un nombrelimiteacute de maillons de sa chaicircne de valeur pour en confier le plus grand nombre agrave despartenaires Cette structure lui procure des avantages non neacutegligeables adaptabiliteacuteissue drsquoune taille plus petite flexibiliteacute car les sous-traitants supportent les variationsde la demande variabilisation des coucircts fixes car lrsquoentreprise ne paye que ce qursquoellevend accegraves aux compeacutetences des fournisseurs speacutecialistes et agrave leurs innovations etgains financiers induits par leur expertise et leur volume drsquoaffaires

Ces avantages sont contrebalanceacutes par deux risques majeurs lrsquoopportunisme etles coucircts pour le combattre En effet lrsquoindeacutependance des partenaires rend la firmecentrale plus vulneacuterable Indeacutependants sur le plan capitalistique et donc manageacuterialles fournisseurs peuvent se montrer opportunistes (privileacutegier un client plus reacutemuneacute-rateur ecirctre deacutefaillant sur les deacutelais et la qualiteacute devenir concurrent de son clienthellip)Nike a ainsi eacuteteacute laquo trahi raquo par Kolon lrsquoun de ses sous-traitants qui a mis sur lemarcheacute des chaussures aux caracteacuteristiques similaires sous la marque laquo Activ raquo Lesfournisseurs privileacutegient alors leurs inteacuterecircts immeacutediats au deacutetriment de ceux dudonneur drsquoordres qui peut ecirctre peacutenaliseacute par de tels comportements Cette absence degarantie sur la loyauteacute contraint le donneur drsquoordres agrave adopter des dispositifs de

Le district industriel de HitachiCe district situeacute sur lrsquooceacutean pacifique au nord de Tokyo se diffeacuterencie des autres par sacomposition Appeleacute joka machi qui veut dire ville chacircteau il se caracteacuterise par la preacutesencedrsquoune entreprise dominante qui en influence tous les aspects de la vie Crsquoest durant lapeacuteriode drsquoouverture du Japon agrave lrsquoexteacuterieur que lrsquoentreprise Hitachi Manufacturing Co a eacuteteacutecreacuteeacutee Apregraves la Deuxiegraveme Guerre mondiale la ville srsquoest deacuteveloppeacutee autour drsquoHitachi Co etlrsquoentreprise a pu deacutevelopper diffeacuterentes activiteacutes dans les domaines de lrsquoeacutelectronique despiegraveces automobiles et des centrales eacutenergeacutetiques Chaque usine drsquoHitachi eacutetait speacutecialiseacuteedans lrsquoun de ces domaines et avait ses propres sous-traitants Lrsquoentreprise eacutetait si impor-tante dans la ville qursquoelle posseacutedait des hocircpitaux des supermarcheacuteshellip Certains disentmecircme que la ville est un territoire priveacute drsquoHitachi Co Jusqursquoagrave reacutecemment les PMEtravaillaient exclusivement pour Hitachi elles ne se sont jamais preacuteoccupeacutees de deacutevelop-per de nouvelles compeacutetences et se contentaient drsquohonorer les commandes drsquoHitachi Celasrsquoexplique par le fait qursquoHitachi nrsquoexternalisait que les opeacuterations simples AinsilorsqursquoHitachi a deacutelocaliseacute sa production en Asie du Sud-Est lrsquoimpact pour les PME a eacuteteacuteconsideacuterable Hitachi eacutetait leur seul client et de nombreuses entreprises ont ducirc fermerleurs portes En reacuteponse un centre de soutien a eacuteteacute creacuteeacute en 1999 pour assister les PME dansleurs efforts de reacuteorganisation de restructuration et de revitalisation Avec lrsquoaide du centrede soutien un reacuteseau de neuf entreprises a produit le Bioclean un reacuteacteur biologique quitransforme les ordures meacutenagegraveres en liquide Lrsquoentrepreneur agrave lrsquoorigine de cette ideacutee avaitcomplegravetement arrecircteacute de travailler pour Hitachi quelques anneacutees auparavant

Agrave partir de COLOVIC A et CARTIER M laquo Kiryu Suwa-Okaya Higashi Osaka et Hitachi quatre districts industriels japonais face agrave la concurrence raquo in JOFFRE O PLE L et SIMON E

Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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controcircle Ceux-ci geacutenegraverent des coucircts de structure agrave ne pas neacutegliger Pour Freacutery(1997) ces dispositifs srsquoapparentent agrave des meacutecanismes drsquointeacutegration Ce sont lesinteacutegrations logistiques meacutediatiques et culturelles

Tout drsquoabord la firme centrale peut controcircler les flux en inteacutegrant les partenaires agraveson reacuteseau logistique Le prestataire qui a adopteacute (financeacute) les outils technologiquesdu donneur drsquoordre nrsquoa aucun inteacuterecirct agrave rompre la collaboration En outre lrsquointeacutegra-tion logistique permet une forme laquo drsquoingeacuterence raquo dans les pratiques du prestataireDans le cas de lrsquointeacutegration meacutediatique lrsquointermeacutediation est justifieacutee par la notorieacuteteacutede la marque de la firme feacutedeacuteratrice Elle est une ressource strateacutegique qui repreacutesenteune part essentielle de la valeur des produits ou services vendus Le prestataire nedispose pas drsquoune marque aussi prestigieuse et peut donc difficilement vendre sansla structure agrave laquelle il appartient Selon nous lrsquointeacutegration meacutediatique peut ecirctreeacutetendue agrave tout type drsquoactif dont la privation limite les deacuteboucheacutes des fournisseurs (unreacuteseau de distribution une infrastructure technologiquehellip) Dans le cas de lrsquointeacutegra-tion culturelle le gain financier issu drsquoune laquo trahison raquo est peu attractif face agrave laperte affective psychologique et sociale occasionneacutee par celle-ci Un tel comporte-ment signifierait une exclusion de la communauteacute drsquoappartenance En effet lesmembres du reacuteseau entretiennent des relations de confiance fortes et non exclusive-ment eacuteconomiques qui garantissent une grande solidariteacute

Pour conclure la structure en reacuteseau (interne et externe) correspond agrave la formedrsquoorganisation la plus reacutecente Sa diffusion est lieacutee agrave la neacutecessiteacute pour les entreprisesdrsquoacqueacuterir une plus grande capaciteacute de changement

Enfin la multiplication des projets dans les entreprises conduit agrave des ameacutenage-ments structurels afin de les inteacutegrer au fonctionnement organisationnel Les projetsinfluencent plus ou moins fortement les structures drsquoentreprises

5 Les structures par projet

Mettre en place un systegraveme drsquoinformation deacutevelopper un nouveau veacutehiculeeacutedifier un bacirctiment industrielhellip sont des projets communs agrave nombre drsquoorganisationsIls se deacuteclinent deacutesormais agrave tous les niveaux de lrsquoorganisation jusqursquoagrave former unveacuteritable paradigme de management Selon Aureacutegan et Joffre (2004) lrsquoon assiste agraveune veacuteritable laquo projectisation raquo de lrsquoentreprise

Cependant la gestion de projet reacutepond agrave certaines speacutecificiteacutes En effet un projetse caracteacuterise par son uniciteacute son horizon temporel et sa nouveauteacute Il se caracteacuterisetout drsquoabord par une finaliteacute propre (le deacuteveloppement de la Twingo est diffeacuterent decelui de la Twingo de deuxiegraveme geacuteneacuteration) Il est eacutegalement limiteacute dans le temps il a une date de deacutebut et de fin Enfin il srsquoinscrit en rupture par rapport agrave la gestionpermanente de lrsquoentreprise Un projet correspond donc agrave un sous-systegraveme de mana-gement temporaire qui srsquoappuie sur un processus planifieacute allant de la deacutefinition desobjectifs du projet agrave son eacutevaluation en termes de qualiteacute coucircts et deacutelais

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Les structures drsquoentreprises

Selon Zannad (1998) la gestion drsquoun projet laquo correspond agrave un mode de manage-ment dans lequel une eacutequipe projet composeacutee des repreacutesentants des diffeacuterentesfonctions de lrsquoentreprise et piloteacutee par un directeur de projet fait appel aux ressour-ces des structures ldquomeacutetierrdquo afin drsquoatteindre des objectifs de performance qualiteacute-coucircts-deacutelais raquo Cette deacutefinition souligne le problegraveme de lrsquointeacutegration des projets

Repegraveres Les projets de creacuteation et de deacutevelop-pement des systegravemes drsquoessais chezRenault

Jusqursquoau milieu du siegravecle les essais automobiles se faisaient sur route mais les progregravestechnologiques lrsquoimpeacuteratif de qualiteacute et les contraintes de coucircts ont conduit agrave reacuteduire lesessais sur piste et agrave les reacutealiser gracircce agrave des moyens de simulation Les essais ont un carac-tegravere particuliegraverement strateacutegique En effet lrsquoambition de Renault est de concevoir desmoteurs capables drsquoatteindre 300 000 kilomegravetres sans intervention Une telle ambitionimplique de reacutealiser des essais de haute qualiteacute en terme de fiabiliteacute des mesures et desreacutesultats agrave des coucircts les plus bas possibles En outre le raccourcissement des cycles de viedes veacutehicules impose de renouveler rapidement les gammes Il srsquoagit pour les construc-teurs de concevoir et mettre sur le marcheacute des veacutehicules dans des deacutelais reacuteduits (la cible estagrave 24 mois) Les essais jouent lagrave aussi un rocircle primordial car ils sont attendus par les eacutequipesde conception du produitCes essais sont reacutealiseacutes gracircce agrave des moyens de simulation ou systegraveme drsquoessais Celui-cicherche agrave reproduire les conditions drsquoutilisation reacuteelles des composants drsquoun veacutehicule parles clients Ainsi lrsquoeacutetude drsquoun composant veacutehicule appeleacute speacutecimen consiste agrave lui fairesubir des sollicitations au sein drsquoun environnement qui va lui-mecircme influencer lrsquoessai Lespeacutecimen va donner des laquo reacuteponses raquo que le client interne (ingeacutenierie veacutehicules et ingeacutenie-rie meacutecanique) doit inteacutegrer La reacutealisation drsquoun essai neacutecessite donc une meacutethode rigou-reuse de reproduction des conditions drsquoutilisation des veacutehicules Il srsquoagit en fait drsquounprotocole de reacutealisation de lrsquoessai Au niveau opeacuterationnel un systegraveme drsquoessais mobilisetrois ressources des moyens techniques des moyens humains et une organisation Laconjonction de ces trois ressources permet de concevoir des systegravemes drsquoessais fiables et dereacutealiser les essais demandeacutes par les clients internes dans le respect des critegraveres de qualiteacutecoucircts et deacutelaisLes systegravemes drsquoessais sont conccedilus maintenus et deacuteveloppeacutes par un deacutepartement composeacutede 160 personnes lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais (ISE) LrsquoISE doit donc fournir et main-tenir les systegravemes drsquoessais pour lrsquoingeacutenierie veacutehicules et lrsquoingeacutenierie meacutecanique Sa missionintervient en aval de la conception drsquoun veacutehicule et en amont de sa mise en fabricationLrsquoISE gegravere ainsi pregraves de 200 projets par an de nature (eacutevolution ou deacuteveloppement drsquounsystegraveme drsquoessais) et drsquoampleur (budget et dureacutee du projet) variables De mecircme la domi-nante technique est souvent speacutecifique (hydraulique informatique eacutelectroniquehellip) Enfinil est courant de distinguer les petits projets (budget infeacuterieur agrave 150 000 euros et agrave dureacuteelimiteacutee agrave un an) et les grands projets

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Typologie des projets et gestion des contributionsdes acteurs raquo Vie et sciences eacuteconomiques ndeg 168-169 2005

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dans la structure de lrsquoentreprise Et il convient de distinguer trois modes principauxdrsquointeacutegration organisationnelle des projets (figure 26) Chacun varie quant aux agrave laplace laisseacutee au projet et aux modaliteacutes de coordination des acteurs impliqueacutes dansle projet

Source Adapteacute de Midler (1993) in Soparnot et Stevens (2007)

Figure 26 mdash Les types drsquointeacutegration organisationnelle des projets

Lrsquoorganisation fonctionnelle consiste agrave geacuterer le projet sans modifier lrsquoorganisationen place Le projet repose donc sur lrsquoimplication des membres en fonction desmeacutetiers requis Ceux-ci restent neacuteanmoins rattacheacutes agrave leur deacutepartement fonctionnelLa coordination entre les membres se fait de faccedilon informelle sans qursquoun responsa-ble du projet ait autoriteacute sur eux ou de faccedilon plus formelle en nommant un coordina-teur projet Ce mode drsquoorganisation preacutesente lrsquoavantage de la leacutegegravereteacute des moyensdeacutedieacutes Il preacutesente cependant de grandes difficulteacutes degraves lors qursquoun arbitrage entredeux fonctions doit ecirctre rendu Pour des projets lourds impliquant un grand nombredrsquoacteurs cette structure srsquoavegravere bien souvent insuffisante pour garantir une coordi-nation optimum entre les fonctions

Lrsquoorganisation matricielle se caracteacuterise par la creacuteation drsquoune fonction de respon-sable de projet qui a autoriteacute hieacuterarchique sur chacun des meacutetiers solliciteacutes dans lecadre du projet La fonction creacuteeacutee est donc responsable des choix de deacuteveloppementainsi que des budgets qui lui sont consacreacutes Un tel choix augmente le coucirct du projet

Organisation fonctionnelle

Organisation matricielle

Organisation en eacutequipe projet

Sous-traitantsfournisseurs

clients hellip

Sous-traitantsfournisseurs

clients hellip

Directions meacutetiers

Acteurs meacutetierssur le projet

Limites drsquointerventiondu directeur de projetDirecteur de projet

Directeur de projet

Acteur projet ouchef projet meacutetier

Eacutequipe projet

Acteur projet ouchef projet meacutetier

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Les structures drsquoentreprises

Cependant dans les projets complexes ou demandant une grande coordination entreles fonctions il permet de gagner en efficaciteacute En outre la capaciteacute du chef deprojet agrave faire des arbitrages entre les fonctions deacutepend de sa leacutegitimiteacute etou dusoutien explicite des directions geacuteneacuterales

Lrsquoorganisation en eacutequipes projet correspond agrave la creacuteation drsquoune eacutequipe deacutedieacuteeComposeacutee des meacutetiers requis pour le deacuteroulement du projet une telle eacutequipepreacutesente des qualiteacutes drsquoautonomie de fonctionnement et drsquoefficaciteacute opeacuterationnelleLrsquoimplication de ses membres permet une communication rapide et intense et faci-lite les apprentissages partageacutes Une telle structure est adapteacutee agrave des projets lourds ettregraves innovants mais requiert en contrepartie un engagement financier plus importantAgrave titre drsquoillustration le deacuteveloppement drsquoun projet automobile fait lrsquoobjet drsquouneeacutequipe projet dont la mission est entiegraverement concentreacutee au deacuteveloppement dunouveau veacutehicule

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents types de structure (fonctionnelle divisionnelle matricielleen reacuteseau et par projet) de leurs avantages et inconveacutenients respectifs a permis deposer les bases drsquoune theacuteorie de la structure Compte tenu de la complexiteacute des struc-tures reacuteellement adopteacutees par les entreprises cette typologie preacutesente des ideacuteauxtypes La grande diversiteacute des structures conduit enfin agrave se demander srsquoil nrsquoexisteraitpas une structure ideacuteale qui surpasserait les autres Existe-t-il un one best way Cequestionnement conduit agrave aborder le courant theacuteorique de la contingence et agrave srsquointeacute-resser aux facteurs drsquoinfluence de la structure

LES FACTEURS DrsquoINFLUENCE DE LA STRUCTURE

Agrave la suite des travaux reacutealiseacutes par les tenants de la theacuteorie de la contingence il estpossible drsquoaffirmer qursquoil nrsquoexiste pas de structure supeacuterieure agrave toutes les autres Enfait on trouve des entreprises performantes dans toutes les familles de structureCela deacutemontre drsquoune part que la structure nrsquoinfluence pas seule la performance desfirmes et drsquoautre part que la quecircte drsquoune structure ideacuteale est illusoire La theacuteorie dela contingence souligne qursquoil est par contre leacutegitime drsquoidentifier les conditions danslesquelles une structure est supeacuterieure agrave une autre Lrsquoexamen de ces circonstancesrevient agrave identifier les facteurs qui deacuteterminent lrsquoeacutevolution des formes structurellesSelon la theacuteorie de la contingence la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironne-ment et la culture drsquoorigine influencent la structure

1 La taille de lrsquoentreprise

Lorsque lrsquoentreprise se deacuteveloppe elle fait face agrave des contraintes drsquoorganisation agravela fois plus importantes et nouvelles La masse de travail augmente et la diversiteacute desmissions srsquoaccentue En conseacutequence le nombre de salarieacutes de mecircme que les actifs

Section 3

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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de la firme croissent et avec eux la neacutecessiteacute de structurer lrsquoensemble Ainsi agrave lanaissance de lrsquoentreprise le fondateur assume seul lrsquoensemble des missions Laspeacutecialisation est donc limiteacutee le besoin de coordination inexistant la formalisationreacuteduite et la centralisation totale Mais le deacuteveloppement de lrsquoentreprise a pourconseacutequence lrsquoimpossibiliteacute pour le dirigeant drsquoassumer seul lrsquoensemble des respon-sabiliteacutes Il va le plus souvent recruter des responsables fonctionnels qursquoil va chargerde lrsquoexeacutecution opeacuterationnelle et ainsi speacutecialiser la structure de lrsquoentreprise La coor-dination se fera alors le plus souvent par ajustement mutuel entre lui et ses collabo-rateurs La formalisation des rocircles devient deacutesormais neacutecessaire afin de clarifier lepeacuterimegravetre de chacun et la centralisation diminue progressivement les responsablesayant une certaine autonomie deacutecisionnelle

Le deacuteveloppement de la taille de lrsquoentreprise srsquoaccompagne sans conteste drsquounesophistication de sa structure Cela signifie une speacutecialisation supeacuterieure (des divi-sions etou services nouveaux sont creacuteeacutes) une formalisation des meacutethodes de travail(poids des regravegles et proceacutedures) une augmentation de la standardisation pour assu-rer la coordination des services et une augmentation du nombre de responsableshieacuterarchiques Degraves lors agrave chaque stade de deacuteveloppement de lrsquoentreprise doit corres-pondre une structure adeacutequate Si tel nrsquoest pas le cas la performance de lrsquoentreprisedeacutecline et aboutit agrave une efficaciteacute moindre dans la reacutealisation de ses missions (baissede la qualiteacute du travail accumulation du travail surcharge des collaborateursstresshellip) etou agrave une augmentation significative des coucircts de fonctionnement de lastructure Ainsi comme le montre la figure ci-dessous une augmentation non maicirctri-seacutee de la taille peut se traduire par une bureaucratisation de lrsquoentreprise

Source Strategor 2005

Figure 27 mdash Le risque de bureaucratisation de la structure

Diffeacuterenciationdes fonctions

Accroissement dela speacutecialisation

Plus de besoin de coordination intrainter uniteacutes

Plus de personneldrsquoeacutetat-major

Plus de personneladministratif

Plus de formalisation de lrsquoorganisation et des systegravemes de gestion

Multiplication des niveaux hieacuterarchiques

TAILLE

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Le dirigeant doit donc veiller agrave lrsquoadeacutequation de la structure avec la taille de lrsquoentre-prise De mecircme la technologie constitue un deacuteterminant de lrsquoeacutevolution drsquoune struc-ture

2 La technologie

La technologie se reacutefegravere agrave lrsquoensemble des opeacuterations pour transformer des intrantsen produits ou services commercialisables Il peut donc srsquoagir de la technologiemobiliseacutee pour fabriquer un meuble pour traiter un dossier de reacuteclamation pourlaquo produire raquo un voyagehellip Or il semble que les diffeacuterences de technologies utiliseacuteespar les entreprises expliquent les diffeacuterences de leur structure Pour mieux compren-dre les caracteacuteristiques de cette influence Woodward (1965) distingue trois modesde production industrielle Tout drsquoabord la production agrave lrsquouniteacute concerne la fabrica-tion de produits uniques ou de petites seacuteries Ensuite la production en masse sereacutefegravere agrave la fabrication de produits standardiseacutes et en grandes quantiteacutes Enfin laproduction en continu correspond agrave la fabrication de produits speacutecifiques (gaz eacutelec-triciteacutehellip) qui exige une activiteacute automatique et continue Ces trois technologiesinfluencent la complexiteacute technique la preacutevisibiliteacute des opeacuterations et le besoin decontrocircle sur lrsquoactiviteacute

Woodward montre que chaque technologie neacutecessite des ajustements structurelspour permettre agrave lrsquoentreprise drsquoecirctre efficace Plus la technologie se complexifie etplus le nombre de niveaux hieacuterarchiques et la proportion de personnel administratifaugmentent Cependant le nombre de salarieacutes sous la responsabiliteacute drsquoun individu(eacuteventail de subordination) est plus eacuteleveacute pour le cas de la production en masse Ensynthegravese Woodward met en eacutevidence que les entreprises agrave faible complexiteacute techno-logique (production agrave lrsquouniteacute) possegravedent les attributs structurels de la forme organi-que et que celles dont la complexiteacute technologique est plus forte (production encontinu) ont les attributs de la forme meacutecaniste Prenons le cas drsquoun artisan doreurdont le meacutetier consiste agrave appliquer des feuilles drsquoor sur diffeacuterents types de support(cadres escaliers vitrines mobiliers bouteille monumentshellip) Chaque reacutealisationest particuliegravere la technologie se rapproche de la production agrave lrsquouniteacute La naturespeacutecifique du travail limite les possibiliteacutes de standardisation des proceacutedeacutes et deformalisation du travail Lrsquoouvrier est qualifieacute et autonome ce qui reacuteduit le besoin decontrocircle hieacuterarchique Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise artisanale deacutepend donc drsquouneadeacutequation entre sa structure (organique) et sa technologie dominante (production agravelrsquouniteacute)

Les travaux de Perrow (1970) fournissent un second eacuteclairage des relations tech-nologie-structure Lrsquoauteur montre que lrsquoinfluence de la technologie srsquoanalyse agravepartir de deux dimensions La premiegravere concerne la variabiliteacute des activiteacutes deproduction elle-mecircme eacutevalueacutee en fonction des degreacutes de standardisation des mateacute-riaux utiliseacutes de la simpliciteacute des eacutequipements et de la preacutevisibiliteacute des incidents Laseconde correspond agrave la formalisation des activiteacutes de production elle-mecircme analy-

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seacutee agrave partir des possibiliteacutes de prescription du travail crsquoest-agrave-dire que le processusest routinier et rationnel ou au contraire innovant et intuitif Lrsquoauteur identifie finale-ment quatre types de technologies auxquelles correspondent quatre formes structu-relles Comme le montre la figure suivante cette classification permet de deacutepasser ladualiteacute des formes meacutecanistes (rigides et centraliseacutees) et organiques (souples etdeacutecentraliseacutees)

Figure 28 mdash Lrsquoadeacutequation technologie-structure selon Perrow (1970)

Lorsque la technologie mobiliseacutee est peu variable et peu formalisable (le travail agraveeffectuer preacutesente peu drsquoexception et un niveau de complexiteacute eacuteleveacute) lrsquoorganisationest de type artisanal crsquoest-agrave-dire rigide et deacutecentraliseacutee Ainsi la fabrication surcommandes de produits complexes exige que les artisans suivent des principes defabrication qursquoils sont neacuteanmoins seuls compte tenu de lrsquoexpertise requise agravepouvoir appliquer Lorsque la technologie est peu variable et fortement formalisable(le travail agrave effectuer preacutesente peu drsquoexception et un niveau de complexiteacute limiteacute)lrsquoorganisation est routiniegravere crsquoest-agrave-dire rigide et centraliseacutee Crsquoest le cas des usinesde production automobile sur le modegravele Taylorien-Fordien ougrave les ouvriers doiventexeacutecuter des tacircches reacutepeacutetitives dont les caracteacuteristiques ont eacuteteacute deacutefinies par unbureau des meacutethodes Lorsque la technologie mobiliseacutee est fortement variable etfaiblement formalisable (le travail agrave reacutealiser preacutesente de multiples exceptions et unniveau de complexiteacute eacuteleveacutee) lrsquoorganisation est de type innovatrice crsquoest-agrave-diresouple et deacutecentraliseacutee Les laboratoires de recherche en sont une illustration possi-ble Les chercheurs doivent faire preuve drsquoune grande compeacutetence drsquoautonomie etde creacuteativiteacute pour reacutesoudre des problegravemes toujours uniques Enfin lorsque la techno-logie est agrave la fois fortement variable et formalisable (le travail preacutesente de nombreu-

Degreacute de variabiliteacute des activiteacutes

Degreacute de formalisation des activiteacutes

Faible

Faible

Organisationartisanale (rigide et

deacutecentraliseacutee)

Organisationroutiniegravere(rigide et

centraliseacutee)

Organisationinnovatrice (souple et

deacutecentraliseacutee)

Organisationingeacutenierique

(souple etcentraliseacutee)

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ses drsquoexception et un niveau de complexiteacute faible) lrsquoorganisation est de typeingeacutenierique crsquoest-agrave-dire souple et centraliseacutee Crsquoest par exemple le cas drsquoune entre-prise de certification qui doit respecter certaines regravegles et proceacutedures lieacutees agrave laconduite de lrsquoaudit mais dont lrsquoaction se reacutealise dans des organisations tregraves diffeacuteren-tes les unes des autres

In fine les travaux de Woodward et Perrow deacutemontrent le rocircle de la technologiemobiliseacutee dans lrsquoentreprise sur sa structure Dans le prolongement drsquoautres auteurssoulignent les relations drsquoinfluence reacuteciproque entre la strateacutegie et la forme organisa-tionnelle

3 La strateacutegie

La strateacutegie de lrsquoentreprise et la structure entretiennent des relations drsquointerdeacutepen-dance Chandler (1972) un historien des affaires montre que le deacuteveloppement delrsquoentreprise en termes de produits et de marcheacutes provoque des modifications de lastructure Pour lrsquoauteur les entreprises connaissent au cours de leur vie deux stadesde croissance Au cours drsquoune premiegravere phase lrsquoentreprise vend des produits peudiffeacuterencieacutes sur des marcheacutes aux caracteacuteristiques similaires (strateacutegie de speacutecialisa-tion) Pour opeacuterer efficacement elle adopte une structure de type fonctionnel Chan-dler la qualifie de forme U pour son caractegravere unifieacute Au cours drsquoune seconde phaselrsquoentreprise diversifie ses produits et ses marcheacutes (strateacutegie de diversification) lrsquoadoption drsquoune structure divisionnelle est neacutecessaire au respect les speacutecificiteacutes dechaque gamme de produits et de chaque marcheacute Chandler la qualifie de forme M(pour multidivisionnelle) Ces divisions forment des quasi-firmes Le cas de lrsquoentre-prise DuPont analyseacutee par Chandler est reacuteveacutelateur DuPont est avant la PremiegravereGuerre mondiale le plus gros fabricant mondial drsquoexplosifs agrave usage militaire Antici-pant la paix le groupe se diversifie dans les domaines civils en commercialisant dela peinture et des plastiques Agrave la fin de la guerre DuPont fit face agrave une crisemajeure seule lrsquoactiviteacute drsquoexplosifs eacutetait rentable Ces difficulteacutes provenaient dufait que les activiteacutes eacutetaient geacutereacutees par la structure initiale de type fonctionnel Parceque la structure nrsquoavait pas suivi lrsquoeacutevolution de la strateacutegie elle eacutetait agrave lrsquoorigine descontre performances des autres activiteacutes La deacutecentralisation des deacutecisions marke-ting et production via la creacuteation de divisions deacutedieacutees agrave chaque activiteacute permit agraveDuPont de renouer avec le succegraves

Chandler deacutemontre ainsi que la structure suit la strateacutegie et que si tel nrsquoest pas lecas lrsquoentreprise voit sa performance deacutecliner Lrsquoauteur preacutecise que lrsquoentreprise nereacutevise pas sa structure tant que les mauvaises performances ne srsquoaccumulent pasque le changement de structure coiumlncide avec lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeant etenfin que la nouvelle strateacutegie nrsquoest pas toujours le reacutesultat drsquoune intention claire-ment formuleacutee par la direction geacuteneacuterale

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Repegraveres Strateacutegie drsquoexternalisation et structureen reacuteseau chez Renault

laquo Fin 1984 la reacutegie compte 57 milliards de dettes soit la moitieacute de son chiffre drsquoaffaires Lesfrais financiers atteignent 7 milliards de francs lrsquoentreprise perd sur lrsquoanneacutee plus drsquounmilliard par mois Autant dire qursquoelle est en situation de faillite raquo (Loubet 2001) Cettesituation conduit agrave lrsquoeacuteviction de Bernard Hanon et agrave la nomination de Georges Besse en1985 Outre des restructurations historiques Besse adopte une strateacutegie de recentrage surle meacutetier de base Alors que lrsquoentreprise eacutetait fortement inteacutegreacutee elle externalise toutes lesfonctions eacuteloigneacutees du meacutetier de base Renault srsquoengage alors dans une strateacutegie partena-riale avec ses fournisseurs Ce changement progressif srsquoarticule autour de quelques princi-pes cleacutes seacutelection des fournisseurs directs inculcation de meacutethodes communes ettransfert de responsabiliteacutes avec en contrepartie des marcheacutes agrave plus long terme Poursrsquoassurer de la laquo fideacuteliteacute raquo de ses eacutequipementiers le groupe seacutelectionne les fournisseurssur des critegraveres stricts les hieacuterarchise et en reacuteduit le nombre (de 1 800 en 1980 agrave 700 en1993) leur confie la fabrication de composants (fonctions globales ou modules) ainsi queleur eacutevolution (innovation) et organise un reacuteseau coheacuterent de fournisseurs ayant la mecircmedeacutemarche utilisant un langage et des outils communs Pour cela Renault va deacuteployer desoutils de seacutelection et drsquoeacutevaluation des fournisseurs (norme AQF) Lrsquoensemble de la filiegraveresrsquoengage ainsi dans des certifications qualiteacuteLa prise en compte de la qualiteacute dans le choix du fournisseur se manifeste essentiellementpar lrsquoaccroissement des exigences techniques agrave chaque renouvellement de gamme Ainsiles constructeurs effectuent des visites dans les ateliers des fournisseurs pour observerleurs moyens de production Progressivement certaines usines ont deacuteleacutegation decontrocircle leurs produits ne font plus lrsquoobjet de controcircle reacuteception Agrave partir de 1985 PSA etRenault commencent agrave travailler sur un document lrsquoAssurance Qualiteacute Fournisseurs quideacutefinit cinq eacutetapes de laquo mise en place de proceacutedures aboutissant agrave la responsabiliteacute totaledu fournisseur en matiegravere de qualiteacute raquo Cette norme appeleacutee laquo Eacutevaluation QualiteacuteFournisseurs raquo permet de ne retenir que les entreprises laquo performantes raquo et de leur deacuteleacute-guer la responsabiliteacute totale de la qualiteacute du composant Ces fournisseurs deviennent four-nisseurs de premier rang et responsables de la qualiteacute de leurs propres fournisseurs Cesderniers sont inciteacutes agrave postuler agrave la norme AQF Lrsquoeacutevolution de cette norme traduit unemonteacutee en puissance des exigences et une accentuation de lrsquoengagement des fournisseurssur le deacuteveloppement des composants La version 1992 stipule qursquoils doivent porter lesefforts sur lrsquoimplication plus en amont dans lrsquoeacutetude et la conception des produits et va plusloin que la version 1987 qui insistait sur la qualiteacute la fiabiliteacute la productiviteacute la reacuteductiondes stocks et lrsquoapprovisionnement en flux tendus Au fur et agrave mesure les exigences duconstructeur integravegrent des critegraveres nouveaux la capaciteacute internationale la capaciteacute agraveparticiper au codeacuteveloppement la capaciteacute de flux synchrone (exigence de juste agrave temps)qui impose une implantation agrave proximiteacute des usines de montage du constructeurhellipRenault est peu agrave peu devenu un donneur drsquoordre qui feacutedegravere une multitude de fournis-seurs directs et indirects et acquiert une organisation flexible (en reacuteseau) moins sensibleaux aleacuteas conjoncturels du marcheacute tout en gardant la maicirctrise du comportement desfournisseurs par un processus de seacutelection et de deacuteleacutegation baseacute sur le respect de la norme

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Certains auteurs ont cependant contesteacute cette relation unidirectionnelle (la struc-ture suit la strateacutegie) et postuleacute que la structure influenccedilait eacutegalement la strateacutegie(notons que Chandler nrsquoa jamais vraiment consideacutereacute que la relation fucirct strictementunidirectionnelle) Celle-ci serait eacutegalement le produit drsquoune structure qui luipreacuteexiste Dans cette perspective le type de structure conditionne la strateacutegie agrave troiseacutegards Tout drsquoabord elle influence la perception des changements de lrsquoenvironne-ment les opportuniteacutes comme les menaces Ainsi une structure de type organique apour effet drsquoimpulser des comportements manageacuteriaux drsquoouverture et de sensibiliteacuteaux eacutevolutions des affaires Ensuite elle oriente les choix strateacutegiques Une structuredivisionnelle facilite lrsquoadoption de strateacutegies de diversification de produits et demarcheacutes Enfin elle exerce une influence sur les changements strateacutegiques Unestructure meacutecaniste deacuteveloppe des capaciteacutes drsquoadaptation plus limiteacutees qursquoune struc-ture organique

Burgelman (1991) eacutetudiant les processus strateacutegiques crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutemergencedes strateacutegies montre que la relation strateacutegie-structure est en reacutealiteacute bidirection-nelle La strateacutegie et la structure srsquoinfluencent reacuteciproquement Au cours drsquoune eacutetudesur le deacuteveloppement de projets innovants lrsquoauteur reacutevegravele que lrsquoactiviteacute strateacutegiqueest le reacutesultat de comportements agrave la fois induits et autonomes Le processus strateacute-gique induit reacutesulte drsquoinitiatives qui se trouvent dans le champ de la strateacutegiecourante de lrsquoorganisation et se construisent sur les connaissances et lrsquoapprentissageorganisationnel existant Le processus strateacutegique autonome correspond aux initiati-ves qui eacutemergent en dehors du champ de reacutefeacuterence strateacutegique et permettent dedeacutevelopper une nouvelle forme drsquoapprentissage et de connaissances au sein delrsquoorganisation

Si la strateacutegie influence la structure (comme la structure conditionne la strateacutegie)lrsquoenvironnement dans lequel eacutevolue la firme deacutetermine les choix structurels

4 Lrsquoenvironnement

Les caracteacuteristiques de lrsquoenvironnement influencent consideacuterablement la structurede lrsquoentreprise Elles sont de trois types La munificence se reacutefegravere au potentiel delrsquoenvironnement et agrave sa capaciteacute agrave offrir aux firmes une croissance reacuteguliegravere et soute-nue Les entreprises se deacuteveloppent sans contrainte de marcheacute la demande est suffi-samment eacuteleveacutee pour ne pas se soucier de leur structure Agrave lrsquoopposeacute lesrestructurations se multiplient lorsque les conditions du marcheacute se durcissent La

qualiteacute (AQF) garantissant ainsi un niveau drsquoengagement eacuteleveacute sur les plans de la qualiteacutedes deacutelais des coucircts et de lrsquoinnovation

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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complexiteacute renvoie agrave lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du milieu crsquoest-agrave-dire que les regravegles qui reacutegis-sent son fonctionnement ne peuvent pas ecirctre appreacutehendeacutees ou tregraves difficilement parles managers Enfin lrsquoincertitude correspond au dynamisme environnemental Lafreacutequence des changements rend alors quasi-impossible la preacutevision de lrsquoeacutevolutiondu milieu Les deux derniegraveres caracteacuteristiques sont souvent les plus consideacutereacutees parles auteurs pour saisir les liens entre environnement et structure

Burns et Stalker (1961) soulignent que les structures organiques (par oppositionaux structures meacutecanistes) sont particuliegraverement adapteacutees agrave des environnementsexterne et interne dont le degreacute de complexiteacute et drsquoincertitude est eacuteleveacute (marcheacutedynamique forte concurrence changements technologiques freacutequents conceptionde nouveaux produits activiteacute interne creacuteativehellip) Ce type de structure se caracteacuterisepar la polyvalence des missions des personnes la deacutecentralisation du pouvoir laresponsabilisation des acteurs (autocontrocircle) la reacuteduction des niveaux hieacuterarchi-ques le fonctionnement participatif et la faible formalisation du travail (poids reacuteduitdes regravegles eacutecrites) Ces caracteacuteristiques se traduisent par une autonomie plus grandedes acteurs dans lrsquoexercice de leur travail Elles leur confegraverent certaines marges deliberteacute gracircce auxquelles ils vont pouvoir explorer des nouvelles solutions Ce type destructure permet donc une plus grande flexibiliteacute des rocircles et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute descomportements Elle eacutevite de cadenasser les acteurs dans des registres comporte-mentaux routiniers et valorise les interactions sociales Et ces eacuteleacutements sont sourcesdrsquoune plus capaciteacute drsquoadaptation organisationnelle La creacuteation des uniteacutes eacuteleacutementai-res de travail (UET) chez Renault en 1991 illustre une volonteacute de rendre plus organi-que la structure Le principe consiste agrave creacuteer des entiteacutes autonomes de petitesentreprises qui travaillent les unes pour les autres Chacune achegravete laquo en amont raquo letravail drsquoune UET et vend laquo en aval raquo le sien Se creacuteent le principe du client interneet une interdeacutependance entre les UET Par ce mode drsquoorganisation les acteurs sontresponsabiliseacutes sur la qualiteacute du travail fourni leur qualiteacute affecte celle de lrsquoUETlaquo acheteuse raquo et inciteacutes agrave faire preuve drsquoinitiative la reacuteduction de la distance hieacuterar-chique permet des deacutecisions plus proches du laquo terrain raquo

A contrario les structures meacutecanistes sont plus adapteacutees aux environnementsexterne et interne dont le degreacute de complexiteacute et drsquoincertitude est limiteacute (marcheacutestable concurrence limiteacutee changements technologiques rareshellip) Ce type de struc-ture se caracteacuterise en effet par une speacutecialisation eacuteleveacutee des tacircches une coordinationhieacuterarchique une centralisation du pouvoir de deacutecision et une formalisation explicitedes rocircles et des tacircches Cela se traduit par un haut niveau drsquoefficience interne car lareacutepeacutetition des tacircches confegravere aux acteurs une grande expertise dans lrsquoexeacutecution dutravail Mais ces derniers tendent agrave deacutevelopper des comportements routiniers quirendent difficile la mise en œuvre de changements organisationnels

Dans le prolongement Lawrence et Lorsch (1973) ont souligneacute lrsquoimportance deconcevoir des structures diffeacuterencieacutees Crsquoest ainsi que le deacutepartement comptable nedoit pas ecirctre structureacute comme le service commercial parce que leurs environnementsnrsquoont pas le mecircme degreacute de complexiteacute et drsquoinstabiliteacute Leur apport est donc de

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montrer qursquoune entreprise doit faire coexister les formes meacutecaniste et organique enson sein Leurs apports ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes plus haut

Lrsquoentreprise doit donc ajuster sa structure en fonction de son environnementCelle-ci doit permettre drsquoabsorber les changements du milieu pour adapter son fonc-tionnement en conseacutequence Si tel nrsquoest le cas la firme prend le risque de voir saperformance deacutecliner Enfin la culture nationale est preacutesenteacutee comme un facteurexplicatif majeur des formes structurelles

5 La culture nationale

La culture socieacutetale du pays dans lequel est implanteacutee lrsquoentreprise agit sur sa struc-ture Celle-ci nrsquoest pas neutre en termes de valeurs et drsquoideacuteaux car elle est avant toutun groupe drsquoindividus dont les valeurs ont eacuteteacute forgeacutees dans un milieu social notam-ment le pays Lrsquoentreprise ne peut donc srsquoabstraire de cet heacuteritage culturel et doit entenir compte dans sa maniegravere de structurer lrsquoentreprise Cela signifie qursquoune entre-prise franccedilaise implanteacutee dans diffeacuterents pays ne peut imposer un mode de structura-tion indiffeacuteremment des valeurs que partagent les salarieacutes drsquoun pays Sa structuredoit au contraire inteacutegrer les diffeacuterences culturelles et srsquoadapter agrave celles-ci pour ecirctreefficace

Hofstede et Bollinger (1987) identifient quatre dimensions permettant de caracteacute-riser les cultures nationales Tout drsquoabord le degreacute drsquoindividualisme se reacutefegravere auxrelations plus ou moins fortes qursquoentretiennent les individus Ensuite la distancehieacuterarchique renvoie agrave lrsquoaccommodation aux diffeacuterences statutaires Le controcircle delrsquoincertitude correspond agrave lrsquoacceptation du risque et agrave la toleacuterance au non maicirctrisa-ble Enfin la masculiniteacutefeacuteminiteacute caracteacuterise la division du rocircle social des sexes Lamasculiniteacute valorise cette division et accorde de lrsquoimportance aux valeurs de domi-nation et de reacuteussite La feacuteminiteacute ne valorise pas cette division et soutient lrsquoaidemutuelle et la qualiteacute de vie

Ces dimensions se combinent pour former des maniegraveres de penser et drsquoagir varia-bles et deacuteterminent des attitudes et des comportements propres agrave chaque groupe depays Toutefois le second et le troisiegraveme critegravere semblent ecirctre les plus influents surla structure En France la forme bureaucratique coiumlncide avec la grande distancehieacuterarchique (accentuation des ineacutegaliteacutes statutaires) et le fort controcircle de lrsquoincerti-tude (faible toleacuterance au risque et volonteacute forte de maicirctrise) Il y a donc une multipli-cation des niveaux hieacuterarchiques afin de mieux controcircler les agissements despersonnes et ainsi limiter les risques En revanche aux Eacutetats-Unis la forme division-nelle (en Business Unit autonome) est adapteacutee agrave la recherche de succegraves individuel lacompeacutetition entre les collaborateurs et la forte toleacuterance au risque En Allemagne lafaible distance hieacuterarchique et le fort controcircle de lrsquoincertitude conduisent agrave uneformalisation marqueacutee des structures De nombreuses regravegles reacutegissent le fonctionne-ment de lrsquoentreprise et lrsquoexercice du pouvoir personnel est deacutelicat

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En conclusion une structure nrsquoest pas efficace de faccedilon absolue Sa performancedeacutepend de son adeacutequation aux critegraveres de taille de technologie de strateacutegie drsquoenvi-ronnement et de culture Nous pouvons finalement retenir des travaux des theacuteori-ciens de la contingence qursquoils eacutetablissent une relation entre la forme structurelle et

Repegraveres La colleacutegialiteacute des entreprises allemandes

Aux Eacutetats-Unis les managers dirigeants ont les pleins pouvoirs tant qursquoils atteignent leursobjectifs Il en va diffeacuteremment en Allemagne Et certains dirigeants ont appris agrave leursdeacutepens qursquoun style de management baseacute sur des principes anglo-saxons pouvait conduireagrave leur eacuteviction Ron Sommer chez Deutsche Telekom Thomas Middelfoff chez Bertels-mann Ulrich Schumacher chez Infineon Wolfgang Bernhard chez Mercedes ont ainsi eacuteteacutedeacutebarqueacutes de leur poste pour nrsquoavoir pas respecteacute pleinement le principe de colleacutegialiteacute quifonde le systegraveme capitaliste allemand Le fonctionnement des entreprises est reacutegi par desregravegles heacuteriteacutees de la culture germanique baseacutee sur le consensus la colleacutegialiteacute le partagedes responsabiliteacutes le long terme et les relations durables entre les salarieacutes et lrsquoentrepriseDrsquoaucuns considegraverent que ces principes ont permis agrave lrsquoAllemagne de se reconstruire apregravesla Seconde Guerre mondiale et de faire face aux deacutefis de la reacuteunification Ainsi une entre-prise allemande est dirigeacutee par lrsquoensemble des membres du directoire ndash les salarieacutes sontsouvent associeacutes via les syndicats agrave la bonne marche des entreprises ndash et les deacutecisionsimportantes sont prises de concert Crsquoest ainsi que le dirigeant dans ses relations avec lesparties prenantes parle au nom des membres du directoire comme le ferait un porte-parole Il doit donc avant toute chose susciter le deacutebat dialoguer ecirctre agrave lrsquoeacutecoute adopterun style de direction colleacutegial et parfois renoncer agrave certains choix Crsquoest ainsi que JurgenSchrempp preacutesident du directoire de Daimler-Chrysler a ducirc faire machine arriegravere lorsqueles membres de son directoire se sont opposeacutes agrave ce que soient injecteacutes plusieurs milliardsvisant agrave remettre Mitsubishi sur de bons rails De mecircme il nrsquoa pas pu srsquoimposer contre ladeacutecision drsquoeacutevincer lrsquoun de ses proteacutegeacutes agrave la tecircte de Mercedes Wolfgang Bernhard Cedernier a en effet eacuteteacute mis en difficulteacute pour avoir tenteacute drsquoimposer des choix strateacutegiquescontraires agrave certains accords passeacutes entre le comiteacute drsquoentreprise et lrsquoeacutequipe de direction (il yavait consensus sur le fait que Mercedes continuerait de produire ses voitures en Allema-gne)Crsquoest bien parce que Jurgen Schrempp a su partager le pouvoir et obtenu lrsquoappui decertains membres de son directoire qursquoil srsquoest maintenu en place Il a notamment lesoutien de la Deutsche Bank et de lrsquoEacutetat du Koweiumlt deux actionnaires importants dugroupe ndash ils controcirclent 19 du capital Il a eacutegalement toujours bien traiteacute les membres duconseil de surveillance dont la moitieacute des siegraveges est occupeacutee par les repreacutesentants des sala-rieacutes ndash ces derniers travaillent chez Mercedes la marque forte du groupe Et cette habileteacutelui a valu de se maintenir malgreacute des deacutecisions strateacutegiques laquo hasardeuses raquo Rappelonsque lrsquoacquisition de Fokker en 1993 srsquoest soldeacutee par une perte de 22 milliards drsquoeuros et quela fusion avec Chrysler srsquoest faicircte dans la douleur

Agrave partir de LEBEAUX L laquo Influence des cultures sur les organisations Deutsche Telekom et Daimler-Chrysler raquo in KALIKA M HELFER J-P et ORSONI J

Management cas et application Vuibert 2005

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les circonstances internes (taille technologie et strateacutegie) et externes (environne-ment et culture nationale) Il nrsquoy a donc pas de structure ideacuteale mais une structureadapteacutee agrave un ensemble de caracteacuteristiques Finalement ces reacuteflexions aident lesdirections geacuteneacuterales agrave concevoir le design de leur organisation Toutefois deux criti-ques sont geacuteneacuteralement formuleacutees agrave la theacuteorie de la contingence La premiegravere souli-gne que la contingence srsquoinscrit dans une perspective deacuteterministe crsquoest-agrave-dire quelrsquoorganisation est perccedilue comme une entiteacute incapable drsquoagir sur les conditions Cettecritique vise agrave reacutehabiliter lrsquoaction volontariste des managers Pour les tenants duvolontarisme ces conditions nrsquoont pas drsquoexistence objective qui en ferait des objetsconcrets Ce sont des objets construits sur la base des interpreacutetations des acteurs Laseconde critique renvoie agrave la capaciteacute de la theacuteorie agrave assurer lrsquointeacutegration desfacteurs contextuels La theacuteorie traite de lrsquoinfluence de chaque facteur mais pas delrsquoinfluence de lrsquoensemble des facteurs Il est leacutegitime pour le dirigeant de se deman-der quelle est la forme la plus adapteacutee en fonction des caracteacuteristiques agrave la fois rela-tives agrave la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironnement et la culture Faisant leconstat de cette faiblesse certains auteurs ont deacuteveloppeacute une approche alternativeconsistant agrave combiner lrsquoensemble des facteurs

6 Lrsquoapproche configurationniste

Pour lrsquoapproche configurationniste la theacuteorie de la contingence eacutechoue sur lecritegravere de lrsquoagencement des diffeacuterents facteurs Lrsquoapproche des structures par laconfiguration tente au contraire de les inteacutegrer dans des ensembles coheacuterentsLrsquoanalyse est multidimensionnelle elle consiste agrave consideacuterer la structure commeune constellation de composantes formant une Gestalt ou un archeacutetype

Mintzberg (1982) a ainsi eacutelaboreacute une seacuterie drsquoensembles harmonieux La configu-ration se preacutesente donc comme une forme structurelle typique une combinaisondrsquoattributs organisationnels adapteacutee aux caracteacuteristiques des environnementsinterne (taille technologie pouvoirhellip) et externe (environnementhellip) Afin de bacirctircette typologie lrsquoauteur pose drsquoembleacutee que toute organisation se compose de cinqeacuteleacutements (figure 29) Le centre opeacuterationnel se compose des individus dont letravail est lieacute agrave la production des biens etou des services Le sommet strateacutegique esten charge de lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie des relations avec lrsquoenvironnement et de lasupervision des activiteacutes La ligne hieacuterarchique sert de relais entre les deux organesLa technostructure a pour rocircle de concevoir les proceacutedeacutes et meacutethodes de travail deplanifier et de controcircler les opeacuterations Enfin le support logistique a pour mission defournir les services utiles agrave la reacutealisation de lrsquoactiviteacute premiegravere de lrsquoentreprise Lacoordination entre ces organes est assureacutee par cinq meacutecanismes (vus plus haut) lrsquoajustement mutuel la supervision directe la standardisation des proceacutedeacutes detravail des reacutesultats et des qualifications

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Figure 29 mdash Les composants de la structure (Mintzberg 1982)

De lagrave Mintzberg identifie cinq configurations structurelles qursquoil qualifie delaquo combinaison theacuteoriquement coheacuterente des paramegravetres de contingence et destructure raquo Ce sont la structure simple la bureaucratie meacutecaniste la bureaucratieprofessionnelle la structure divisionnaliseacutee et lrsquoadhocratie Chacune est repreacutesenteacuteepar une figure qui en reacutevegravele les principales caracteacuteristiques quant agrave lrsquoimportance deseacuteleacutements qui la composent

La structure simple est peu eacutelaboreacutee (figure 210) Elle est organiseacutee autour dudirigeant qui prend les deacutecisions importantes et des exeacutecutants qui srsquooccupent desactiviteacutes opeacuterationnelles La technostructure la ligne hieacuterarchique et les fonctions desupport sont quasi inexistantes La supervision directe est le meacutecanisme de coordi-nation privileacutegieacute Cette structure correspond aux entreprises jeunes de petite taille agravetechnologie peu sophistiqueacutee et dont lrsquoenvironnement est simple et dynamique Surce dernier point la simpliciteacute du milieu permet au dirigeant seul de le comprendre etde le maicirctriser De mecircme le caractegravere peu formaliseacute de la structure lui confegravere desproprieacuteteacutes organiques permettant de faire face agrave la dynamique environnementaleUne PME familiale dans laquelle le fondateur et dirigeant est omnipreacutesent constitueune bonne illustration de la structure simple

Sommet Strateacutegique

Centre Opeacuterationnel

TechnostructureFonctions de

support logistique

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Figure 210 mdash La structure simple (Mintzberg 1982)

La bureaucratie meacutecaniste (figure 211) valorise la standardisation des proceacutedeacutes dutravail pour coordonner les composants de lrsquoorganisation Le fonctionnement desuniteacutes est reacuteguleacute par une multitude de regravegles et de proceacutedures leur comportement esttregraves formaliseacute Les tacircches des opeacuterateurs sont routiniegraveres et speacutecialiseacutees La technos-tructure est donc lrsquoorgane central agrave qui incombe la responsabiliteacute de planifier letravail drsquoeacutelaborer les meacutethodes et drsquoen assurer le controcircle Cette structure est reacutegleacuteepour reacutepeacuteter les mecircmes opeacuterations En outre le fonctionnement de cette organisationdeacutepend des fonctions de support logistiques Elle est adapteacutee aux organisations degrande taille agrave technologie simple (des volumes eacuteleveacutes de produits peu diffeacuterencieacutes)et dont lrsquoenvironnement est peu complexe et stable Une preacutefecture est un bon exem-ple de bureaucratie meacutecaniste

Figure 211 mdash La bureaucratie meacutecaniste (Mintzberg 1982)

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La bureaucratie professionnelle (figure 212) privileacutegie la standardisation desqualifications comme mode de coordination Le centre opeacuterationnel prime il estcomposeacute de speacutecialistes recruteacutes sur la base de leur expertise Ces derniers disposentdrsquoune grande autonomie dans leur travail Bien qursquoils travaillent selon des regraveglespreacutecises ils sont les seuls agrave les maicirctriser La technostructure voit donc son rocirclequasiment disparaicirctre Cette structure est aussi deacutecentraliseacutee le pouvoir de deacutecisioneacutechappe agrave la ligne hieacuterarchique Les fonctions de support logistiques bien queminces sont lagrave pour accompagner le centre opeacuterationnel La bureaucratie profes-sionnelle est particuliegraverement adapteacutee aux entreprises dont la technologie et lrsquoenvi-ronnement sont complexes Un hocircpital est un bon exemple de bureaucratieprofessionnelle

Figure 212 mdash La bureaucratie professionnelle (Mintzberg 1982)

La structure divisionnaliseacutee (figure 213) privileacutegie la standardisation des reacutesultatscomme mode de coordination Chaque division se voit doteacutee drsquoune autonomie dansla reacutealisation de ses missions Le pouvoir y est donc deacutecentraliseacute car le sommet stra-teacutegique se contente de controcircler leur performance et nrsquointervient pas ou peu dans lagestion courante Le centre opeacuterationnel se compose de petites structures autonomesayant leur propre fonctionnement Cette structure se justifie lorsque les environne-ments dans lesquels eacutevoluent les divisions sont tregraves speacutecifiques Les groupes dont lesactiviteacutes sont diversifieacutees adoptent des structures de ce type

Figure 213 mdash La structure divisionnaliseacutee (Mintzberg 1982)

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Lrsquoadhocratie (figure 214) est la structure des organisations innovantes La missiondrsquoinnovation suppose de coordonner une varieacuteteacute drsquoexpertises situeacutees dans lrsquoensem-ble de la structure Pour cela lrsquoadhocratie valorise lrsquoajustement mutuel et valorise lecentre opeacuterationnel Mintzberg eacutevoque lrsquoadhocratie opeacuterationnelle lorsque lrsquoentre-prise reacuteunit des expertises au profit de projets reacutealiseacutes pour le compte de clients Ilparle drsquoadhocratie administrative lorsque lrsquoentreprise entreprend des projets degrande ampleur pour son propre compte Cette structure est particuliegraverement adapteacutee

Repegraveres Diversification conglomeacuterale et struc-ture divisionnaliseacutee chez Virgin

Le groupe Virgin est une entreprise britannique preacutesente dans des activiteacutes aussi diversesque la teacuteleacutephonie mobile le transport aeacuterien le soda la banque et lrsquoassurance et plusreacutecemment le tourisme spatialhellip Au total Virgin compte 63 activiteacutes Agrave lrsquoorigine Virgin estune entreprise de vente de disques par correspondance qui srsquoest progressivement deacutevelop-peacutee dans lrsquoeacutedition et la distribution musicale Les diversifications vers des activiteacutes si eacuteloi-gneacutees du meacutetier drsquoorigine sont fondamentalement lieacutees agrave la personnaliteacute de sonfondateur Richard Branson Homme de deacutefi il estime que Virgin a vocation agrave se deacutevelop-per dans nrsquoimporte quelles industries Eacutevoquant la creacuteation de Virgin Fuels une entreprisefabricant des carburants agrave base drsquoeacutethanol il dit que laquo Virgin est une entreprise assez inha-bituelle nous allons vers des industries dans lesquelles nous ne savons rien et danslesquelles nous nous immergeons raquo De ce fait Branson estime que Virgin a vocation agraveeacutebranler les marcheacutes institutionnaliseacutes crsquoest-agrave-dire laquo des secteurs empacircteacutes et vaniteux raquodomineacutes par quelques concurrents qui ne creacuteent pas assez de valeur pour leurs clientsPour porter sa croissance Virgin a adopteacute un mode de deacuteveloppement particulier Laplupart des diversifications donnent lieu agrave la creacuteation drsquoune co-entreprise dans laquelleVirgin apporte son actif principal la marque La majoriteacute du capital est alors deacutetenue parles partenaires financiers Le groupe est ainsi compareacute agrave un Keiretsu japonais La structurerassemble des uniteacutes autonomes dirigeacutees par des eacutequipes indeacutependantes nrsquoayant encommun que leur marque Chaque activiteacute est eacutegalement isoleacutee des autres ce qui empecirc-che un creacuteancier drsquoune filiale drsquoavoir les moindres droits sur une autre Le groupe Virginpreacutesente une autre particulariteacute il nrsquoest pas cocircteacute en Bourse Richard Branson estime eneffet que les obligations des socieacuteteacutes coteacutees en bourse (profit agrave court terme communica-tion aupregraves des analystes financiers actionnaires et gestionnaires de fondhellip) ne permet-tent pas le deacuteveloppement de lrsquoentreprise En revanche un conglomeacuterat non coteacute permetaux proprieacutetaires de pouvoir reacuteinvestir les profits en vue drsquoassurer le succegraves agrave long termedes activiteacutes En outre les managers des filiales disposent drsquoune grande liberteacute drsquoactions le pouvoir de deacutecision est totalement deacutecentraliseacuteBranson qualifiait Virgin drsquoune laquo socieacuteteacute de capital risque avec une marque raquo Avec sa garderapprocheacutee drsquoune trentaine de personnes Branson eacutetudie ainsi pregraves de cinquante proposi-tions drsquoinvestissement par semaine Lrsquoeacutevaluation drsquoune opportuniteacute se fait selon les critegraveresde globaliteacute de renforcement de la marque et de retour sur investissement

Agrave partir de laquo Virgin un conglomeacuterat coheacuterent raquo in JOHNSON G SCHOLES KWHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

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lorsque la technologie est complexe et lrsquoenvironnement dynamique Les cabinets deconseil adoptent ce type de structure

Figure 214 mdash Lrsquoadhocratie (Mintzberg 1982)

Les diffeacuterentes configurations structurelles tentent de conjoindre les facteurs decontingence et les paramegravetres de structuration pour faire eacutemerger des ensemblesharmonieux La logique configurationniste montre clairement lrsquoabsence drsquoune struc-ture ideacuteale au profit de formes adapteacutees agrave des circonstances internes et externes

LrsquoessentielLe second chapitre a poseacute les bases de lrsquoanalyse et de la conception de la structure desorganisations Celles-ci se fondent sur quatre paramegravetres essentiels que sont la speacutecialisa-tion la coordination la formalisation et la centralisation Leur combinaison fait eacutemergerdeux structures dominantes les formes meacutecaniste et organique En regard de la theacuteorie dela diffeacuterenciation-inteacutegration ces formes doivent coexister au sein drsquoune mecircme organisa-tion pour garantir son efficaciteacute Une analyse plus fouilleacutee a permis drsquoidentifier une diver-siteacute plus grande de structures drsquoentreprises (fonctionnelle divisionnelle matricielle enreacuteseau et par projet) Enfin il a eacuteteacute mis en eacutevidence lrsquoinexistence drsquoune structure ideacutealesupeacuterieure agrave toutes les autres Lrsquoefficaciteacute drsquoune structure deacutepend au contraire selonlrsquoapproche de la theacuteorie de la contingence de lrsquoadeacutequation entre ses caracteacuteristiques et unensemble de critegraveres (la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironnement et la culturenationale) La combinaison de lrsquoensemble des critegraveres au sein de configurations types estreacutealiseacutee par Mintzberg (1982) Elle conduit agrave identifier cinq configurations structurelles (lastructure simple la bureaucratie meacutecaniste la bureaucratie professionnelle la structuredivisionnaliseacutee et lrsquoadhocratie)Pourtant si la structuration de lrsquoentreprise a une influence majeure sur son fonctionnementet son efficaciteacute ses membres jouent un rocircle significatif Ils deacuteterminent la reacuteussite deschoix strateacutegiques et opeacuterationnels en eacutetant les acteurs de leur mise en œuvre Ils ne sontpas des objets passifs et soumis agrave leur direction mais des sujets libres capables drsquoexercerune influence positive ou neacutegative sur la performance de lrsquoentreprise Pour cette raison lemanager dirigeant et les managers intermeacutediaires doivent comprendre les ressorts descomportements des individus dans les organisations Ils seront alors plus agrave mecircme de geacutererles aspects humains de lrsquoentreprise Ces points sont deacuteveloppeacutes dans le chapitre suivant

3Chapitre

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ans lrsquoentreprise le rocircle drsquoun manager dirigeant comme drsquoun manager inter-meacutediaire ne consiste pas qursquoagrave fixer des objectifs coordonner le travail et en

controcircler lrsquoexeacutecution Il doit avant toute chose geacuterer des individus Pour cela il cher-che agrave influencer leur comportement Il tente drsquoagir sur leur engagement leur motiva-tion et leur adheacutesion aux valeurs et aux objectifs de lrsquoentreprise Cette mission estsouvent complexe parce que les individus sont des ecirctres libres et autonomes ilsnrsquoacceptent jamais drsquoecirctre les instruments de lrsquoentreprise Eacutegalement ces personnessont speacutecifiques elles ont un parcours et une histoire particuliegraveres partagent desvaleurs diffeacuterentes nrsquoont pas la mecircme formation les mecircmes responsabiliteacutes ni lesmecircmes objectifs professionnelshellip En un mot le corps social drsquoune entreprise esttregraves heacuteteacuterogegravene ce qui accroicirct le risque de conflit et les difficulteacutes manageacuteriales

La liberteacute et la diversiteacute sociale creacuteent une incertitude interne forte Le managerdoit srsquoefforcer drsquoen tenir compte Lrsquoefficaciteacute de son management deacutepend donc de sacapaciteacute agrave comprendre le comportement des individus et agrave en expliquer les manifes-tations Nous verrons dans ce chapitre les facettes essentielles du comportementhumain au travail ainsi que les theacuteories qui les sous-tendent La premiegravere section luiest deacutedieacutee Ces fondements conceptuels fournissent au manager des leviers drsquoactionpour geacuterer les personnes Nous les analysons dans une seconde section

Section 1 Les comportements humains dans lrsquoorganisationSection 2 Le management des personnes

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Les comportements humains et le management des hommes

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LES COMPORTEMENTS HUMAINS DANS LrsquoORGANISATION

Le comportement humain varie en fonction de lrsquoenvironnement social dans lequelse trouve lrsquoindividu En famille il ne se comporte pas exactement comme en entre-prise bien qursquoil srsquoagisse de la mecircme personne Pour cette raison srsquoest deacuteveloppeacuteedans le domaine du management une discipline particuliegravere qui puise ses connais-sances dans les diffeacuterentes sciences humaines (sociologie psychologie ethnologiephilosophiehellip) Lrsquoobservation et lrsquoanalyse des comportements individuels et collec-tifs dans le contexte speacutecifique des entreprises et plus largement des organisations(syndicats associations eacutetablissements drsquoenseignementhellip) srsquoappellent lrsquoOrganiza-tional Behavior (OB) Crsquoest agrave cette discipline que nous nous reacutefeacuterons pour traiter lesthegravemes de la motivation et de lrsquoimplication des jeux de pouvoir des situations destress de la coopeacuteration interindividuelle et enfin de lrsquoinfluence du groupe

1 La motivation et lrsquoimplication

La motivation est le thegraveme favori des dirigeants Face aux problegravemes humainsrencontreacutes dans leur entreprise ces derniers eacutevoquent souvent le manque de motiva-tion de leur personnel Selon leur dire la motivation serait un trait de personnaliteacute etdonc un pheacutenomegravene assez stable dans le temps Derriegravere ces propos se cache unemeacuteconnaissance de la motivation En effet personne ne naicirct pas motiveacute ou deacutemotiveacute(ce serait une approche inneacuteiste de la nature humaine) Les individus sont tous moti-veacutes mais pas de la mecircme maniegravere et pas par les mecircmes choses En drsquoautres termesla motivation varie drsquoun individu agrave lrsquoautre et pour un mecircme individu drsquoune peacuteriodeagrave lrsquoautre drsquoune mission agrave lrsquoautre drsquoun contexte agrave lrsquoautrehellip Ainsi une assistante dedirection peut ecirctre motiveacutee par lrsquoorganisation drsquoun congregraves parce qursquoelle y voit lesigne drsquoune reconnaissance par sa direction qursquoelle travaille en totale autonomie etqursquoelle voit ses responsabiliteacutes srsquoeacutetendre Mais elle sera peut-ecirctre moins encline agravefaire du classement de dossiers et agrave geacuterer lrsquoagenda de son directeur parce qursquoelleestime ces tacircches peu valorisantes et terriblement fastidieuses

De tregraves nombreuses deacutefinitions de la motivation ont eacuteteacute proposeacutees Nous propo-sons de retenir que la motivation est lrsquoensemble des eacutenergies qui sous-tendentlrsquoorientation (nature de lrsquoeffort) la persistance (dureacutee de lrsquoeffort) et lrsquointensiteacute(quantiteacute drsquoeacutenergie deacuteployeacutee) des efforts qursquoun individu consacre agrave son travail Lamotivation pourrait donc expliquer les performances exceptionnelles de certainssalarieacutes au travail La question est deacutesormais de mieux comprendre ce qui deacuteterminela motivation drsquoun individu Comment naicirct-elle Comment se deacuteveloppe-t-elle Deux approches theacuteoriques sont geacuteneacuteralement preacutesenteacutees pour comprendre les sour-ces de la motivation Ce sont les theacuteories du contenu et du processus

Section 1

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11 Les theacuteories du contenu

Pour les tenants de cette approche la motivation est deacutetermineacutee par la satisfactionde besoins Le plus embleacutematique repreacutesentant de ces theacuteories est Maslow (1943)Lrsquoauteur propose une hieacuterarchie universelle des besoins humains Le premier niveauconcerne les besoins physiologiques (se nourrir se reproduirehellip) Le second sereacutefegravere aux besoins de seacutecuriteacute (se vecirctir avoir un toithellip) Le troisiegraveme renvoie auxbesoins drsquoappartenance (ecirctre membre drsquoun groupe) Le quatriegraveme concerne lesbesoins drsquoestime de soi (la reconnaissance par les autres) Enfin le dernier porte surlrsquoautoreacutealisation (faire quelque chose de sa vie) Selon Maslow un besoin nesrsquoexprime que lorsque le besoin de niveau infeacuterieur est satisfait Crsquoest le principe desaturation successive Selon cette theacuteorie le manager doit identifier les besoins noncombleacutes et agir sur ce levier pour obtenir la motivation des employeacutes Et lorsque cebesoin sera satisfait le manager devra agir sur le besoin de niveau supeacuterieur

Cette grille drsquoanalyse des motivations connaicirct encore aujourdrsquohui un reacuteel succegravesprobablement gracircce agrave sa simpliciteacute On peut neacuteanmoins lui reprocher une vision tropmeacutecaniste (et universelle) de la motivation En drsquoautres termes les individus ne sontpas sensibles aux mecircmes besoins et cette sensibiliteacute varie en fonction des eacutetapes dela carriegravere professionnelle de la situation familialehellip

Dans le prolongement de Maslow Herzberg (1966) a deacuteveloppeacute la theacuteorie bifacto-rielle Lrsquoauteur propose une distinction quant agrave la nature des besoins et agrave leurs effetssur lrsquoindividu Il existe selon lui des facteurs drsquohygiegravene (relatifs agrave lrsquoenvironnementde travail comme le salaire la politique de lrsquoentreprise la qualiteacute de lrsquoencadrementles relations avec les pairshellip) et des facteurs moteurs (relatifs au travail lui-mecircmecomme le contenu des tacircches les responsabiliteacutes lrsquoautonomie lrsquoavancementhellip) Lasatisfaction des facteurs drsquohygiegravene nrsquoengendre pas la motivation elle provoqueuniquement des sentiments positifs agrave lrsquoeacutegard de la situation de travail Pour Herz-berg seule la satisfaction des facteurs moteurs entraicircne la motivation Pour la stimu-ler le levier drsquoaction du manager est le contenu intrinsegraveque du travail Herzbergdisait drsquoailleurs laquo Si vous voulez que les gens fassent du bon travail donnez-leurun bon travail agrave faire raquo Drsquoautres auteurs comme Alderfer (theacuteorie ERD) etMc Celland (theacuteorie des besoins acquis) ont contribueacute agrave enrichir les theacuteories ducontenu Leurs contributions sont toutefois tregraves inspireacutees des travaux de Maslow etHerzberg

Au plan manageacuterial cette approche de la motivation preacuteconise la satisfaction desbesoins humains afin de deacuteclencher la motivation des individus Cela peut se traduirepar des programmes drsquoenrichissement des tacircches des incitations financiegraveres desresponsabiliteacutes accrues des reconnaissances reacuteguliegraveres (sous forme de feed-backhellip) lrsquoameacutelioration des conditions de travail la participation agrave des groupes dereacuteflexions une politique de formation et de promotion intensivehellip

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Repegraveres Le programme de motivation chez LeviStrauss

Levi Strauss amp Co est une entreprise ameacutericaine acircgeacutee de plus de 150 ans et proprieacutetaire delrsquoune des marques les prestigieuses au monde Preacutesente dans plus de 110 pays etemployant environ 10 000 personnes ses produits sont vendus dans le monde entiersous les marques Levirsquos Dockers et Levi Strauss Signature Fondeacutee en 1853 par un immi-grant bavarois appeleacute Levi Strauss ce nrsquoest qursquoen 1873 avec un tailleur du Nevada appeleacuteJacob Davis que cet entrepreneur a deacuteposeacute le brevet consistant agrave mettre des rivets dans lespantalons pour les rendre plus reacutesistants Ainsi est neacute le premier jean du mondeNeacuteanmoins Levi Strauss nrsquoest pas seulement connu pour ses jeans Lrsquoentreprise a la reacuteputa-tion drsquoecirctre socialement engageacutee et soucieuse de ses employeacutes Aujourdrsquohui lrsquoentreprise estcontrocircleacutee par les descendants de la famille de Levi Strauss et est dirigeacutee par John AndersonMais crsquoest sous la direction de lrsquoancien PDG Robert D Haas un membre de la familleStrauss que les valeurs de lrsquoentreprise ont eacuteteacute le plus fortement insuffleacutees dans lrsquoorganisa-tion contribuant agrave instaurer des conditions de travail propices agrave la motivation desemployeacutesDurant les anneacutees 1970 et 1980 la strateacutegie de lrsquoentreprise mettait lrsquoaccent sur la diversifi-cation Il fallait acqueacuterir de nouvelles compagnies et creacuteer de nouvelles marques SelonHaas agrave cette eacutepoque le personnel faisait ce qursquoil devait mais la motivation nrsquoeacutetait pas aurendez-vous La direction a alors commenceacute agrave mieux eacutecouter ses fournisseurs ses consom-mateurs et ses employeacutes Cela a abouti agrave une redeacutefinition de leur strateacutegie et agrave un recen-trage sur des produits phares En outre pour permettre aux salarieacutes de mieux cerner lesvaleurs de lrsquoentreprise Haas a initieacute la creacuteation du Levi Strauss Aspiration Statements Cettedeacuteclaration preacutesente une seacuterie de valeurs partageacutees qui guident les actions de la directionet des employeacutes vers la construction de leur avenir et celui de lrsquoentreprise Crsquoest agrave traverscette deacuteclaration que Levirsquos affirme que ses employeacutes seront fiers et engageacutes gracircce agravelrsquoopportuniteacute qui leur est donneacutee de contribuer apprendre grandir et avancer par leurmeacuterite De cette faccedilon Haas voulait que ses employeacutes se sentent respecteacutes et eacutecouteacutes etsoient traiteacutes de faccedilon honnecircte Le PDG visait avant tout la satisfaction de ses salarieacutes enleur permettant drsquoeacutequilibrer vie personnelle et vie professionnelle Cette deacuteclaration expli-que eacutegalement comment transformer ces valeurs et aspirations en reacutealiteacute Par exemple ladeacuteclaration procircne une main-drsquoœuvre diversifieacutee la reconnaissance des contributions indi-viduelles et collectives et le respect drsquoun comportement eacutethique La deacuteclaration met aussilrsquoaccent sur lrsquoempowerment par lequel la prise de deacutecisions revient au collaborateur qui estle plus proche du produit et du consommateur Haas souligne drsquoailleurs que lrsquoapproche ducontrocircle et de la hieacuterarchique traditionnelle nrsquoest plus efficace aujourdrsquohui Lrsquoenvironne-ment actuel impose de changer rapidement et lrsquoempowerment permet drsquoanticiper et dereacutepondre adeacutequatement aux modifications des besoins des consommateurs et aux chan-gements du marcheacute Selon lui laquo les personnes doivent prendre des responsabiliteacutes exercerleur sens de lrsquoinitiative et ecirctre responsable de leurs propres succegraves raquo

Agrave partir de wwwlevistrausscom et BARTOL K M et MARTIN D C laquo Aspiration Motivateat Levi Strauss raquo Management Eacutedition Irwin McGraw-Hill 2000

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Neacuteanmoins les theacuteories du contenu souffrent drsquoune lacune seacuterieuse elles appro-chent la motivation sous lrsquoangle exclusif de ce qui motive (le quoi) et eacutevacuent lamaniegravere dont se deacuteroule le processus (le comment) Ce que deacuteveloppent les theacuteoriesdu processus

12 Les theacuteories du processus

En se concentrant sur la question de savoir comment se deacuteploie la motivation lestheacuteories du processus montrent qursquoelle fluctue constamment elle est en perpeacutetuelrenouvellement En effet selon Vroom (1964) auteur de la theacuteorie des attenteslrsquoindividu ajuste agrave chaque choix ses efforts en fonction drsquoun calcul Preacuteciseacutement samotivation deacutepend de la conviction que les efforts deacuteployeacutes dans lrsquoexeacutecution drsquounetacircche se traduiront en un niveau donneacute de performance (les attentes) que la reacutecom-pense sera proportionnelle au rendement donneacute (lrsquoinstrumentaliteacute) et de la valeuraccordeacutee agrave la reacutecompense (la valence) En drsquoautres termes la motivation est influen-ceacutee par la combinaison dynamique de trois facteurs les attentes lrsquoinstrumentaliteacute etla valence Elle correspond donc agrave lrsquoeacutequation (M = A x I x V) Si lrsquoune de ces troisvariables tend vers zeacutero la motivation deacutecroicirct en conseacutequence

Drsquoun point de vue manageacuterial cette approche souligne en premier lieu la neacutecessiteacutede seacutelectionner des individus compeacutetents pour une mission donneacutee de les former deleur fournir les moyens neacutecessaires agrave sa reacutealisation et de leur fixer des objectifsclairs Ces eacuteleacutements permettent alors aux individus de satisfaire au premier critegravere(les attentes) Ensuite srsquoagissant de lrsquoinstrumentaliteacute les managers doivent eacutenonceravec preacutecision les reacutecompenses associeacutees agrave lrsquoatteinte des objectifs et agrave les ajuster enfonction des rendements obtenus Enfin concernant la valence les managersdevront ecirctre attentifs aux besoins effectifs des collaborateurs afin de deacuteterminer lareacutecompense en fonction de ces besoins

Les theacuteories du processus dont la plus repreacutesentative est celle de Vroom souli-gnent plus que ne le font les theacuteories du contenu le caractegravere individuel (propre agravechacun) de la motivation En conseacutequence il faut souligner comme le fait Theacutevenet(1992) lrsquoinfluence toute relative de lrsquoaction de motiver Drsquoune part il est difficiledans une entreprise compte tenu de la contrainte drsquoeacutequiteacute de concevoir des reacutecom-penses adapteacutees agrave chaque individu Et drsquoautre part il conviendrait drsquoeacutetablir le profilmotivationnel des acteurs pour influencer leur motivation Finalement les managersne motivent pas les individus ceux-ci se motivent seuls Ils sont seuls maicirctres deleurs actions Le travail des managers doit alors ecirctre orienteacute vers la creacuteation desconditions propices qui permettront aux individus de trouver en eux les ressorts deleur motivation Car finalement la motivation srsquointeacuteresse aux relations entre unemission une tacircche speacutecifique et lrsquoindividu et pas veacuteritablement aux liens entrelrsquoindividu et lrsquoorganisation et entre lrsquoindividu et son travail au sens large

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13 Lrsquoimplication

Ce sont ces relations qursquoexplore le concept drsquoimplication Ainsi lorsque les mana-gers disent rechercher des collaborateurs motiveacutes en reacutealiteacute ils souhaitent recruter ettravailler avec des individus impliqueacutes Lrsquoimplication apparaicirct en effet comme untrait de personnaliteacute elle se deacutefinit comme lrsquoidentification du salarieacute agrave son travailetou agrave son entreprise Theacutevenet (2002) preacutecise que lrsquoimplication prend en fait cinqformes principales La premiegravere facette de lrsquoimplication concerne la valeur travail (letravail est en soi une expeacuterience comparable agrave celles que procurent la vie de familleles loisirshellip) La seconde facette renvoie agrave lrsquoenvironnement de travail et concerne lesrelations professionnelles de proximiteacute (le cadre de travail comme lrsquoeacutequipe danslequel eacutevolue la personne est source drsquoimplication) La troisiegraveme forme de lrsquoimplica-tion correspond au produit ou agrave lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise (certains secteurs confegraverentune visibiliteacute sociale aux individus et sont consideacutereacutes comme nobles agrave leurs yeux)La quatriegraveme forme concerne le meacutetier agrave proprement parler (certaines professions etlrsquoexpertise qui leur est associeacutee sont sources drsquoimplication) Enfin lrsquoentreprisecompte tenu de ses valeurs de ses codes de ses missions de sa culturehellip constitueune ultime facette de lrsquoimplication

Lrsquoimplication reflegravete donc la place qursquooccupe la vie professionnelle par rapportaux autres sphegraveres de la vie (comme la famille) et se traduit par lrsquoacceptation desbuts et valeurs de lrsquoorganisation par la volonteacute drsquoy exercer des efforts consideacuterableset par une forte intention de continuer agrave y appartenir Crsquoest ainsi qursquoun individuimpliqueacute consacre beaucoup drsquoeacutenergie agrave son travail passe beaucoup de temps dansson entreprise srsquoinvestit parfois au point drsquoen souffrirhellip

Au niveau manageacuterial comme pour la motivation les individus sont maicirctres deleur comportement Theacutevenet (2002) souligne ainsi agrave quel point lrsquoimplication despersonnes trouve son origine dans leur trajectoire personnelle Les ressorts profon-deacutement individuels de lrsquoimplication font qursquoil est illusoire de vouloir la creacuteer et qursquoilest plus reacutealiste de creacuteer des conditions favorables agrave son expression Theacutevenet (2002)suggegravere trois conditions que les managers doivent reacuteunir Tout drsquoabord les politi-ques de management doivent ecirctre connues des personnes afin qursquoils comprennent ceqursquoils font et la maniegravere dont ils contribuent agrave faire avancer lrsquoentreprise Les salarieacutesdoivent donc connaicirctre quelles sont les strateacutegies en place quelles en sont les finali-teacutes et quel est le sens de leur action Ensuite les individus ne sont agrave mecircme desrsquoimpliquer que si lrsquoentreprise srsquoimplique vis-agrave-vis drsquoeux Les politiques de manage-ment doivent donc faire parvenir aux salarieacutes des signaux drsquoengagement reacuteciproqueCela passe par des reacutetributions financiegraveres mais eacutegalement par des signes de recon-naissance des informations sur le travail accomplihellip Enfin lrsquoentreprise doit permet-tre aux individus de rester maicirctre de leur destin drsquoeacuteprouver un sentiment de controcirclefort sur leurs actes et leurs deacutecisionshellip Pour autant si lrsquoimplication drsquoun individuquelle qursquoen soit la forme (cf les cinq formes) est proche de zeacutero mecircme des condi-tions exceptionnelles ne suffiront pas agrave pour qursquoil srsquoimplique davantage

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Repegraveres Kaka ne quitte pas lrsquoAC Milan

Le club de football italien lrsquoAC Milan a eacuteteacute fondeacute en 1899 sous le nom de Milan Cricket andFootball Club Mais le football est devenu la mission principale et le terme laquo Cricket raquo futretireacute du nom Dans les anneacutees 1940 lrsquoeacutequipe a pris le nom deacutefinitif drsquoAssociazione CalcioMilan Mais ce nrsquoest que la deacutecennie suivante que lrsquoeacutequipe a acquis sa notorieacuteteacute gracircce agrave laparticipation de grands noms du football comme Liedhol Gren et Nordahl Lrsquohistoire decette eacutequipe est ainsi faite de succegraves et drsquoeacutechecs Toutefois depuis son rachat par SilvioBerlusconi la notorieacuteteacute et les performances du club nrsquoont cesseacute de progresser Il estdrsquoailleurs consideacutereacute comme celui qui a bacircti lrsquoune des eacutequipes les plus prospegraveres du footballinternationalCrsquoest agrave lrsquoAC Milan qursquoeacutevolue lrsquoun des joueurs les plus connus et payeacutes au monde Kaka unjoueur breacutesilien vendu au Milan en 2003 par une eacutequipe de football breacutesilienne le SatildeoPaulo Futebol Clube Kaka est un joueur de renommeacutee mondiale sa technique horsnorme et sa personnaliteacute tranquille et religieuse le distinguent de la plupart des joueurs defootball Kaka est natif de Brasiacutelia et a eacuteteacute eacuteleveacute dans un milieu aiseacute (son pegravere est ingeacutenieuret sa megravere enseignante) Contrairement au steacutereacuteotype du joueur breacutesilien qui a grandidans les quartiers difficiles sa reacuteussite nrsquoa pas changeacute son style de vie Il megravene une viedrsquoascegravete et fuit les mondaniteacutes Sa carriegravere est ponctueacutee de nombreuses victoires notam-ment la Coupe du Monde et la Super Coupe de 2002 le Championnat drsquoItalie en 2004 laSuper Coupe drsquoEurope en 2003 et en 2007 la Ligue des Champions en 2007 En 2007 il areccedilu la reconnaissance suprecircme le Ballon drsquoOr Organiseacute par la revue France Footballdepuis 1956 et attribueacute par un jury international composeacute de journalistes speacutecialiseacutes crsquoestlrsquoun des prix les plus significatifs et priseacutes dans le monde du footballSon prestige et ses qualiteacutes sur et hors du terrain ont susciteacute lrsquointeacuterecirct de nombreusesautres eacutequipes principalement des eacutequipes europeacuteennes Ainsi deacutebut 2008 lrsquoeacutequipeanglaise de Manchester City a offert agrave lrsquoeacutequipe italienne la somme de 150 millions drsquoeurospour recruter le joueur Cette offre est consideacutereacutee comme un record record qui appartenaitauparavant agrave Zineacutedine Zidane pour un transfert de la Juventus de Turin vers le Real deMadrid pour 75 millions drsquoeuros Contrairement aux preacuteceacutedentes fois (lrsquoAC Milan avait reccediludes offres de Chelsea ou du Real Madrid) le club a accepteacute lrsquooffre (120 millions drsquoeuros luirevenaient directement) Si Kaka acceptait agrave son tour son salaire srsquoeacutelegraveverait alors agrave550 000 euros net par semaineKaka agrave la grande surprise des supporters de lrsquoAC Milan nrsquoa pas accepteacute lrsquooffre du Manches-ter City Ces derniers ont joueacute un rocircle important dans la deacutecision du joueur ils ont exerceacuteune pression consideacuterable pour que Kaka nrsquoabandonne pas lrsquoeacutequipe Si certains journalistesfont valoir que le refus de Kaka srsquoexplique par la faible reconnaissance de lrsquoeacutequipe anglaiseface agrave lrsquoAC Milan ce qui pourrait priver le joueur des compeacutetitions les plus importantes dumonde du football Kaka eacutevoque son amour de lrsquoeacutequipe italienne et lrsquoattachement auxsupporters Apregraves cette deacutecision historique Kaka a deacuteclareacute laquo Si je dois quitter le Milan unjour ce sera parce que mes buts nrsquoauront plus la mecircme signification pour le club raquo

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Si les effets de la motivation et de lrsquoimplication sont voisins la diffeacuterence entre lesdeux concepts nrsquoest pas agrave neacutegliger La motivation la force qui pousse agrave agir est lieacuteeagrave lrsquoindividu en situation de travail tandis que lrsquoimplication deacutepend de lrsquoindividu lui-mecircme crsquoest-agrave-dire de sa personnaliteacute Lrsquoimplication guide donc lrsquoaction des indivi-dus en lui donnant une orientation ndash elle a un caractegravere stable ndash alors que la motiva-tion est une force motrice orienteacutee vers la reacutealisation drsquoune mission donneacutee ndash elle aun caractegravere ponctuel

Toutefois la motivation et lrsquoimplication nrsquoeacuteclairent pas le manager sur certainesfacettes des comportements humains En effet les individus agissent parfois auservice de leurs propres fins et ce au deacutetriment de lrsquoentreprise agrave laquelle ils appar-tiennent Les inteacuterecircts personnels prennent souvent le dessus sur les inteacuterecircts collec-tifs Lrsquoentreprise srsquoapparente alors agrave une aregravene politique dans laquelle lescomportements humains sont avant tout lrsquoexpression de jeux de pouvoir

2 Les jeux de pouvoir

Crsquoest sous lrsquoimpulsion de Crozier et Friedberg (1977) que srsquoest deacuteveloppeacuteelrsquoanalyse strateacutegique des organisations Cette eacutecole se fonde sur trois postulats Toutdrsquoabord les individus nrsquoacceptent jamais drsquoecirctre traiteacutes comme des moyens auservice des buts des organisateurs Ils ont leurs propres objectifs qui peuvent diver-ger de ceux des managers Ensuite les organisations ne sont pas des systegravemes sansfaille Les individus disposent drsquoune liberteacute qursquoils peuvent (ou non) exploiter Enfinles acteurs sont rationnels mais cette rationaliteacute est limiteacutee par leurs valeurs person-nelles leurs preacutefeacuterences et les contraintes du systegraveme (temps et informations dispo-nibleshellip) Il en reacutesulte que leurs deacutecisions ne sont jamais optimales Lrsquoindividuchoisit lrsquooption la plus satisfaisante pour lui

Agrave partir de ces trois postulats les auteurs soulignent que les individus quelle quesoit leur position hieacuterarchique cherchent agrave deacutefendre etou faire valoir leurs inteacuterecirctspersonnels (meilleurs revenus position sociale plus eacuteleveacutee plusmoins de responsa-biliteacutes autonomie horaires plus commodes meilleur confort de travailhellip) Pourcela ils deacuteveloppent une strateacutegie qui leur est propre (elle est le reacutesultat de la ratio-naliteacute limiteacutee) se comportent en acteurs et utilisent lrsquoorganisation commelaquo carburant raquo au service de leurs objectifs On distingue ainsi deux strateacutegies geacuteneacuteri-ques Une strateacutegie offensive consiste pour un acteur agrave tenter de contraindre lesautres membres de lrsquoorganisation pour satisfaire ses propres objectifs Une strateacutegiedeacutefensive consiste a contrario agrave tenter drsquoeacutechapper agrave ces contraintes en vue de proteacute-ger ses propres marges de liberteacute et de manœuvre Le deacuteploiement des strateacutegiesdeacutepend du pouvoir que les acteurs sont parvenus agrave se constituer

Pour cette approche le pouvoir nrsquoest pas lieacute agrave la position hieacuterarchique Lrsquoouvrierau plus bas de la chaicircne peut srsquoecirctre constitueacute un pouvoir (par exemple il peut fairebien ou mal une piegravece gracircce agrave un reacuteglage speacutecifique qursquoil est peut-ecirctre le seul agraveconnaicirctre) Pour Crozier et Friedberg (1977) le pouvoir provient de la possibiliteacute de

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maicirctriser les zones drsquoincertitude En effet toutes les situations drsquoorganisation secaracteacuterisent par un degreacute drsquoincertitude Ces incertitudes peuvent provenir de turbu-lences environnementales (changement des techniques de production ou de commu-nication eacutevolution des marcheacutes recrutement de nouveaux membreshellip) Il existeainsi toujours des zones floues dans les organisations que certains acteurs peuventcontrocircler les incertitudes constituant finalement pour les acteurs des opportuniteacutes oudes contraintes

La possibiliteacute de maicirctriser les zones drsquoincertitudes deacutecoule de quatre sourcesappeleacutees les sources de pouvoir Tout drsquoabord la possession drsquoune compeacutetence oudrsquoune speacutecialisation fonctionnelle difficilement remplaccedilable permet de combler uneincertitude organisationnelle crsquoest-agrave-dire de reacutesoudre des problegravemes cruciaux pourles organisations Ensuite la maicirctrise des relations avec lrsquoenvironnement permet decontrocircler les incertitudes externes (marcheacute clientshellip) En effet lrsquoenvironnementprocure des ressources indispensables agrave la peacuterenniteacute drsquoune entreprise Eacutegalement lapossession drsquoinformations et drsquoun reacuteseau de communication permet drsquoexploiter et detransmettre lrsquoinformation de maniegravere strateacutegique Cela nrsquoest pas sans conseacutequencesur la capaciteacute drsquoinfleacutechissement de deacutecisions importantes Enfin la connaissancedes regravegles organisationnelles permet de srsquoinseacuterer plus habilement dans le systegraveme etde lrsquoinfluencer Par exemple les regravegles drsquoavancement dans la fonction publique nevisent pas seulement agrave lutter contre lrsquoarbitraire des supeacuterieurs elles servent ceux quiles ont apprises et en ont fait lrsquoexpeacuterience car ils peuvent les utiliser mieux que ceuxqui les connaissent moins

Cependant malgreacute la maicirctrise des sources de pouvoir les strateacutegies des individuspeuvent srsquoaveacuterer insuffisantesinefficaces pour atteindre leurs objectifs En effet lesystegraveme organisationnel est porteur de contraintes les individus luttent pour laconquecircte du pouvoir car les ressources ne sont pas infinies Les acteurs vont doncsrsquoaffronter chercher des appuis et seacuteduire Les autres acteurs pourront alors consti-tuer des allieacutes de circonstance qui verront eux-mecircmes une opportuniteacute de servir leurpropre inteacuterecirct Ainsi se font et se deacutefont les alliances au greacute des objectifs respectifset des mouvements de lrsquoorganisation Le pouvoir joue donc le rocircle de reacutegulateur etdrsquoarbitre des strateacutegies Il convient de parler de jeux de pouvoir ou de jeux pour laconquecircte du pouvoir Et ces jeux peuvent se manifester de diverses faccedilons (la seacuteduc-tion la reacutetention drsquoinformations lrsquoomnipreacutesencehellip)

Dans cette perspective le pouvoir est donc bien la capaciteacute de A drsquoobtenir quedans sa relation avec B les termes de lrsquoeacutechange lui soient profitables Le pouvoirnrsquoest donc pas un attribut il est une relation Car si A peut contraindre B agrave agir Bpeut exeacutecuter cette action de multiples maniegraveres Il peut obeacuteir avec zegravele ou en traicirc-nant les pieds mettre lrsquoaccent sur tel aspect de sa mission plutocirct que sur tel autrePlus preacuteciseacutement une relation de pouvoir se caracteacuterise de trois faccedilons Il srsquoagitdrsquoune relation de deacutependance car A a du pouvoir sur B si B a besoin de A pour attein-dre ses objectifs de reacuteciprociteacute car A a du pouvoir sur B mais B a aussi du pouvoirsur A (puisqursquoil peut permettre agrave A drsquoatteindre ses objectifs) et drsquoune relation deacuteseacute-

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quilibreacutee car le pouvoir de A sur B peut ecirctre supeacuterieur agrave celui de B sur A (les cartesen main varient pour le jeu dans lrsquoorganisation)

Repegraveres Les jeux de pouvoir dans les projets desystegravemes drsquoessais

Un systegraveme drsquoessai cherche agrave reproduire les conditions drsquoutilisation reacuteelles des composantsdrsquoun veacutehicule par les clients Ainsi lrsquoeacutetude drsquoun composant (appeleacute speacutecimen) consiste agrave luifaire subir des sollicitations au sein drsquoun environnement qui simule les pires conditionsdrsquoutilisation du veacutehicule (pluie tropicale route paveacuteehellip) Chez Renault les systegravemes drsquoessaissont conccedilus maintenus et deacuteveloppeacutes par un deacutepartement composeacute de 160 personnes lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais (ISE)Sur un plan opeacuterationnel lrsquoISE doit deacutefinir et deacuteployer une strateacutegie des systegravemes drsquoessaispermettant de reacutepondre agrave la strateacutegie produit en termes de validation des prestationsattendues Dans cette optique la conception et lrsquoeacutevolution des systegravemes drsquoessais sontdeacuteterminantes Drsquoune part il faut anticiper les systegravemes drsquoessais agrave faire eacutevoluer ou agrave deacuteve-lopper compte tenu des capacitaires actuels des besoins en essais exprimeacutes par les clientsinternes et des eacutevolutions produits (veacutehicules hybrides moteur hydrogegravenehellip) en vuedrsquoassurer une coheacuterence des systegravemes drsquoessais Drsquoautre part il faut deacutevelopper les systegrave-mes drsquoessais dans le respect des critegraveres de qualiteacute de coucircts et de deacutelais (QCD)Lrsquoefficaciteacute des projets deacutepend du niveau de coopeacuteration entre les participants En effet lesphases du projet allant de sa naissance jusqursquoagrave sa mise en œuvre et son eacutevaluation sontassureacutees de faccedilon quasi-simultaneacutee par les diffeacuterents acteurs Et cela doit permettre deprofiter des expertises et des expeacuteriences multiples pour ameacuteliorer la gestion du projetPrenons un exemple la deacutetermination des solutions techniques exige une coopeacuterationentre les diffeacuterents acteurs afin drsquoassurer la qualiteacute technique la conformiteacute aux besoinsactuels et futurs (lrsquoeacutevolutiviteacute) la maintenabiliteacute du moyen drsquoessais et le respect des coucirctsinheacuterents agrave des choix techniques La mobilisation des diffeacuterentes expertises srsquoavegraverecruciale le chef de projet mobilise son expeacuterience pour eacutevaluer la qualiteacute de la solutiontechnique en termes de reacutesultats attendus (fonctionnement du banc et reacuteponse auxbesoins du client interne) le maintenancier apporte son analyse des problegravemes rencontreacutesdans lrsquoexploitation et le maintien du banc lrsquoexpert dispose de solutions eacuteprouveacutees dansdes situations similaires Toute lrsquoexpeacuterience des acteurs est indispensable agrave la bonnemarche du projet et ce drsquoautant plus que la post-eacutevaluation des projets est rarement capi-taliseacutee Crsquoest donc la confrontation de contributions et de compeacutetences heacuteteacuterogegravenes quiest susceptible drsquoameacuteliorer le respect des critegraveres QCD du projet En conclusion une coopeacute-ration eacuteleveacutee est neacutecessaire afin drsquoobtenir une efficaciteacute et une efficience plus grandes desdeacuteveloppements des systegravemes drsquoessais Or comprendre cette coopeacuteration supposedrsquoanalyser les inteacuterecircts des participantsLes managers des systegravemes drsquoessais (service strateacutegie et performance) cherchent agrave initierun projet en adeacutequation avec la strateacutegie deacutefinie en amont (strateacutegie produit) et agrave fixer descritegraveres QCD laquo reacutealistes raquo en vue de faire la preuve de leur compeacutetence de faire reacutefeacuterence etde devenir creacutedible lorsqursquoils seront agrave lrsquoorigine de nouveaux projets

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Lrsquoanalyse des jeux de pouvoir conduit agrave postuler qursquoune organisation est unsystegraveme drsquoaction concret crsquoest-agrave-dire un modegravele de relations creacuteeacutees entretenues etrenouveleacutees en fonction des inteacuterecircts des acteurs des contraintes et des opportuniteacutesdu systegraveme Ce modegravele de relations permet de faire face aux mouvements de lrsquoorga-nisation et en assure le fonctionnement quotidien Prenons un exemple Un ouvrierspeacutecialiseacute effectue des reacuteglages sur sa machine alors que crsquoest normalement unepreacuterogative du reacutegleur Crsquoest pour lrsquoouvrier un moyen de mieux connaicirctre samachine drsquoenrichir son travail de se conformer au groupehellip Le reacutegleur peut toleacuterercette situation car cela lui permet de se concentrer sur des reacuteglages plus complexeset plus nobles de se reposerhellip Le chef drsquoeacutequipe peut ecirctre au fait de la situation etlrsquoaccepter parce que les personnels en tirent satisfaction le rendement est bonhellip Lesacteurs ont construit un systegraveme drsquoaction concret dans lequel ils acceptent par inteacute-recirct les comportements des autres Et ce systegraveme reacutegit le fonctionnement de lrsquoatelier

In fine le comportement des individus est avant tout lrsquoexpression drsquoun jeuLrsquoacteur est ici un animal politique qui utilise lrsquoorganisation au service de ses objec-tifs Crozier et Friedberg (1977) considegraverent ainsi que mecircme les individus les moinspolitiques sont contraints de le devenir pour se proteacuteger des autres Cette situationpeut pour certains devenir insupportable Plus geacuteneacuteralement la vie professionnelleconduit parfois les salarieacutes agrave eacuteprouver une veacuteritable souffrance au travail

3 Le stress

Le stress au travail est une reacuteelle preacuteoccupation gouvernementale De nombreuxpays se sont doteacutes drsquoune loi en la matiegravere En France la loi de modernisation sociale

Les chefs de projet (service deacuteveloppement des systegravemes drsquoessais) entendent conduire leprojet dans le respect des critegraveres QCD et eacuteviter tout deacutepassement pour devenir ceux agrave quion confiera des projets agrave forts enjeux pour lrsquoISE Ils cherchent eacutegalement agrave ecirctre solliciteacutes surdes projets laquo agrave problegravemes raquo en vue de devenir incontournableLes experts techniques (service expertise et politique technique) cherchent agrave fiabiliser leschoix techniques afin que la qualiteacute agrave la livraison du systegraveme soit atteinte En assurant lafiabiliteacute technique les experts accroissent leur influence lors de lrsquoadoption de nouvellessolutions (cette fiabilisation deacutecoule de choix techniques expeacuterimenteacutes) De mecircme ilspeuvent se concentrer sur le test de nouvelles solutions consideacutereacutees comme plus valorisan-tesLes maintenanciers (service expertise et politique technique) entendent faire vivre le bancen limitant la maintenance curative gracircce agrave des solutions techniques expeacuterimenteacutees Celapermet drsquoatteacutenuer la charge de travail et de se concentrer sur des activiteacutes de maintenanceplus nobles (maintenance preacuteventive)

Agrave partir de SOPARNOT R laquo La coopeacuteration interindividus le cas de la gestion de projetdans le secteur automobile raquo 27e Congregraves de lrsquoAssociation

des sciences administratives du Canada (ASAC) 2006

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de 2002 eacutetend la responsabiliteacute de lrsquoemployeur agrave la preacutevention de la santeacute physiquemais aussi mentale de ses salarieacutes Plus reacutecemment en 2004 un accord-cadre euro-peacuteen a eacuteteacute signeacute par quatre organisations europeacuteennes repreacutesentatives des partenairessociaux Il vise agrave renforcer aupregraves des employeurs et des employeacutes la prise de cons-cience concernant le stress au travail Ces impulsions eacutetatiques doivent se traduirepar des actes concrets au niveau de lrsquoentreprise

Le stress se deacutefinit comme un eacutetat de tension psychologique Srsquoil a chez certainespersonnes et dans certaines situations des effets beacuteneacutefiques (le deacutepassement de soila stimulation de la creacuteativiteacutehellip) il engendre souvent des effets neacutegatifs Il se mani-feste alors par des pathologies physiques (mal de dos troubles gastriqueshellip) etpsychiques (anxieacuteteacute insomnie deacutepression nerveusehellip) qui ultimement se tradui-sent par un absenteacuteisme eacuteleveacute Le stress serait ainsi la quatriegraveme cause drsquoincapaciteacutede travail il touche plusieurs millions de personnes dans les entreprises europeacuteen-nes

Repegraveres Le stress des caissiegraveres drsquoun Super U

Les symptocircmes de stress sont tregraves freacutequents parmi les employeacutes qui sont en contact directavec des sommes importantes Ils doivent en effet assumer de lourdes responsabiliteacutesCrsquoest agrave cette situation qursquoa eacuteteacute confronteacute le supermarcheacute Super U drsquoune petite communeappeleacutee Herbignac Les cinquante caissiegraveres supportaient mal de surveiller la caisse toutela journeacutee et de la veacuterifier le soir Cela constituait une source de tension pour elles De cefait les caissiegraveres eacutetaient tregraves meacutefiantes et sur leur garde toute la journeacutee Elles enoubliaient de regarder le client et par conseacutequent de lrsquoaccueillir chaleureusement Crsquoest ungestionnaire du magasin qui a remarqueacute que 90 du stress des caissiegraveres provenait desregraveglements en liquide Mecircme si selon le directeur de lrsquoeacutetablissement les montants enespegraveces ne repreacutesentent que 19 du chiffre drsquoaffaires les tensions eacutetaient reacuteellesAfin drsquoatteacutenuer cette source de stress la solution a consisteacute en lrsquoinstallation drsquoun systegravemeineacutedit de gestion informatiseacutee des espegraveces Gracircce agrave ce dispositif les clients insegraverent leursbillets et piegraveces dans une machine qui leur rend automatiquement la monnaie Ainsilrsquohocirctesse nrsquoa qursquoagrave se preacuteoccuper de la gestion des chegraveques des cartes bancaires et des bonsde reacuteduction Cela reacuteduit consideacuterablement le risque drsquoerreur durant les transactions etatteacutenue les sources de stress Selon les utilisateurs ce systegraveme geacutenegravere drsquoautres avantagesLa machine assure un gain de temps de 23 minutes en moyenne par jours ce qui permetaux caissiegraveres de passer plus de temps avec chaque client et drsquoameacuteliorer la qualiteacute deserviceSelon le fabricant lrsquoinstallation de cet appareil dans un supermarcheacute est une opeacuterationunique en Europe Le coucirct pour la direction du magasin srsquoest eacuteleveacute agrave 400 000 euros maisles reacutesultats sont significatifs Le niveau de stress des caissiegraveres a eacuteteacute consideacuterablementabaisseacute et elles peuvent aujourdrsquohui se concentrer agrave leur mission drsquoaccueil des clients

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Le stress est souvent imputeacute agrave lrsquoindividu ce qui renvoie agrave son incapaciteacute agrave geacuterer lesexigences de son travail Le stress comme reacutesultat de lrsquoincapaciteacute de la personneapparaicirct comme une caracteacuteristique individuelle Il y aurait ainsi des salarieacutes plusfragiles que drsquoautres et plus susceptibles de connaicirctre un eacutetat de stress Cependantune conception du stress strictement focaliseacutee sur lrsquoindividu est reacuteductrice car elleatteacutenue le rocircle des facteurs de stress Relatifs au contenu du travail (surcharge ousous charge complexiteacute ou reacutepeacutetitiviteacute pression temporellehellip) aux conditions detravail (bruit eacuteclairage ergonomie des posteshellip) agrave lrsquoorganisation du travail (horai-res seacutecuriteacute flexibiliteacute preacutecariteacute style de managementhellip) et aux relations sociales(soutien des collegravegues et des supeacuterieurs reconnaissancehellip) ils influencent active-ment la manifestation du stress Le stress est donc agrave analyser comme le reacutesultat desinteractions entre des stresseurs (facteurs de stress) plus ou moins intenses et descaracteacuteristiques individuelles (implication au travail degreacute de maicirctrise des eacutevegravene-ments estime de soihellip) Pour ecirctre plus preacutecis encore le stress est agrave analyser dansune perspective transactionnelle En effet les facteurs de stress sont interpreacuteteacutes parlrsquoindividu qui peut y voir une opportuniteacute ou une menace et qui en conseacutequence vadeacuteployer une strateacutegie drsquoajustement en fonction de ses caracteacuteristiques et de sesressources On distingue deux strateacutegies drsquoajustement Drsquoune part il peut agir sur leseacutemotions en reacuteduisanteacuteliminant ou en accentuant la deacutetresse eacutemotionnelle issue dela situation (eacuteviter minimiser prendre ses distances intensifier les sentimentshellip)Drsquoautre part srsquoil en a les ressources lrsquoindividu peut faire face au problegraveme en lereacutesolvant

Le stress au travail nrsquoest donc lieacute ni exclusivement agrave lrsquoindividu ni exclusivementaux conditions Il se manifeste dans une interaction plus encore dans une transac-tion entre la personne et les exigences de la situation

Au plan manageacuterial la gestion du stress peut passer par plusieurs deacutemarches Lesentreprises peuvent limiter les sources de stress en ameacuteliorant les conditions detravail (salle de sport cregraveche restaurant poste ergonomiquehellip) Il convient neacutean-moins drsquoadmettre qursquoune affectation plus judicieuse des personnels la fixationdrsquoobjectifs plus reacutealistes la communication ascendante et descendante la clarifica-tion des modes de fonctionnement interne une autonomie plus grande des missionsplus valorisanteshellip reacuteduisent consideacuterablement les sources de tensions au travailLes entreprises peuvent eacutegalement aider les individus agrave mieux geacuterer leur proprestress Des formations sont ainsi dispenseacutees afin drsquoaider lrsquoindividu agrave srsquoadapter auxconditions stressantes (deacuteveloppement des compeacutetences individuelles coachinggestion du tempshellip) Certaines entreprises donnent eacutegalement lrsquoopportuniteacute agrave leurssalarieacutes drsquoapprendre des techniques de relaxation

Lrsquoeacutetude du stress nous propose une analyse de la souffrance au travail Lrsquoindividunrsquoest alors plus en mesure drsquoassumer son rocircle dans lrsquoentreprise Si cet aspect ducomportement ne doit pas ecirctre neacutegligeacute le salarieacute agit parfois de concert avecdrsquoautres pour jouer un rocircle actif dans lrsquoentreprise Eacutemerge le thegraveme de la coopeacuterationinterindividuelle

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4 La coopeacuteration interindividuelle

La coopeacuteration des personnes est lrsquoessence mecircme de lrsquoaction collective Elle cons-titue un enjeu pour les managers dont le rocircle est de feacutedeacuterer les eacutenergies et les actionsdes membres drsquoune eacutequipe pour lrsquoatteinte drsquoobjectifs collectifs Elle est eacutegalementindispensable pour reacutealiser les missions de lrsquoentreprise La coopeacuteration consiste agraveagir ensemble agrave unir ses forces pour atteindre un objectif et se caracteacuterise par lavolonteacute commune de construire quelque chose Se situant dans le registre de la bien-veillance elle se distingue de la coordination qui renvoie aux dispositifs formaliseacutesdrsquoajustements des contributions des individus Degraves lors la coopeacuteration est aleacuteatoireElle nrsquoexiste que parce que les individus lrsquoinstituent de leur propre greacute Il convientdonc se demander ce qui pousse les personnes agrave coopeacuterer Deux raisons principalessont avanceacutees par Dameron (2004) La premiegravere voit lrsquoaction de coopeacuteration commeun calcul visant lrsquoaccegraves agrave des ressources (coopeacuteration calculatoire) La seconde yvoit la manifestation de lrsquoappartenance agrave un groupe social (coopeacuteration communau-taire)

La coopeacuteration calculatoire srsquoinspire des reacuteflexions conduites par Crozier et Fried-berg (1977) sur le thegraveme de lrsquoaction collective Ces auteurs se demandent commentse reacutealise lrsquoarticulation entre la liberteacute des acteurs et lrsquoexistence de systegravemes organi-seacutes Reacutefutant les theacuteories pour lesquelles les individus adoptent un comportementrationnel cette approche postule que lrsquoindividu-acteur agit selon une strateacutegie elle-mecircme caleacutee en fonction de contraintes lieacutees au contexte de lrsquoorganisation De ce faitla coopeacuteration interindividuelle srsquoapparente agrave un calcul qui permettra lrsquoobtentiondrsquoun gain Elle reacutesulte donc de la convergence au moins momentaneacutee drsquointeacuterecirctscommuns Coopeacuterer avec autrui est un moyen drsquoacceacuteder agrave des ressources qui serontutiles agrave la conduite de strateacutegies personnelles La coopeacuteration provient donc delrsquoopportunisme politique des acteurs

Cependant le lien politique ne suffit pas agrave expliquer la coopeacuteration Il doit ecirctrecompleacuteteacute par un lien drsquoaffect reacuteveacutelant une conception communautaire de la coopeacute-ration Les travaux de Hawthorne ont deacutejagrave souligneacute lrsquoimportance du groupe commefacteur de socialisation de lrsquoindividu (Mayo 1933) Ce dernier affirme en effet sonidentiteacute au travers des relations entretenues avec les membres du groupe auquel ilappartient Et agrave la question laquo qui suis-je raquo lrsquoindividu reacutepond en se reacutefeacuterant auxgroupes dont il est ou se sent membre Lrsquoappartenance se situe ainsi au cœur desmeacutecanismes drsquoidentification des individus Crsquoest la perspective deacuteveloppeacutee par latheacuteorie de lrsquoidentiteacute sociale Selon cette derniegravere le sentiment drsquoappartenir agrave ungroupe social (groupe professionnel groupe drsquoacircgehellip) ou de ne faire qursquoun avec cedernier forge lrsquoidentiteacute de lrsquoindividu Ainsi le processus identitaire reacutevegravele troispheacutenomegravenes Lrsquoindividu se considegravere comme membre se conforme auxtraitssteacutereacuteotypes qui caracteacuterisent le groupe et agit de maniegravere agrave marquer la diffeacute-rence avec les autres groupes De ce fait la coopeacuteration correspond agrave la manifesta-tion drsquoune identiteacute commune Crsquoest par le partage drsquoobjectifs et lrsquointeraction avec lesmembres que les individus deacuteveloppent et preacuteservent une identiteacute commune Coopeacute-

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rer est un moyen drsquoecirctre reconnu comme membre drsquoun clan La coopeacuteration est alorsagrave concevoir non plus comme reacutesultant de lrsquoopportunisme de lrsquoacteur mais commereacutesultat de valeurs normes et regravegles communes Leur existence leur deacuteveloppementet leur maintien deacutependent donc de la coopeacuteration interindividuelle

Repegraveres La coopeacuteration interindividuelle au sein drsquoune communauteacute drsquoagglomeacuteration

La communauteacute drsquoagglomeacuteration (CA) est une structure intercommunale ndash plusieurscommunes se reacuteunissent pour geacuterer ensemble des services ndash organiseacutee selon la loi du12 juillet 1999 dite loi Chevegravenement Ce texte preacutecise des compeacutetences obligatoires (deacuteve-loppement eacuteconomique ameacutenagement de lrsquoespace eacutequilibre social de lrsquohabitat politiquede la villehellip) et optionnelles (assainissement culture ameacutenagement et entretien desvoiries eau lutte contre les nuisances sonores construction ameacutenagement entretien etgestion des eacutequipements sportifs et culturels) Deux ou trois de ces compeacutetences peuventecirctre choisies par les eacutelus de lrsquointercommunaliteacute Pour se constituer en communauteacutedrsquoagglomeacuteration une agglomeacuteration doit ecirctre peupleacutee drsquoau moins 50 000 habitants unecommune devant en compter agrave elle seule au minimum 15 000La CA de Saint-Quentin-en-Yvelines regroupe sept communes et gegravere 150 millions drsquoeurosprovenant de la taxe professionnelle (qui constitue quasiment son unique ressource)28 millions drsquoeuros sont redistribueacutes chaque anneacutee aux sept communes la structurecommunautaire reacutealisant par ailleurs 50 millions drsquoinvestissements pour le compte descommunes Cette agglomeacuteration de 150 000 habitants avec ses 5 370 eacutetablissementspour 94 000 emplois constitue lrsquoun des pocircles eacuteconomiques majeurs de lrsquoIle-de-FrancePour comprendre lrsquoideacutee-force de lrsquointercommunaliteacute on peut analyser le leitmotiv delrsquoactuel preacutesident de la CA de Saint-Quentin laquo au plus pregraves on gegravere mieux et ensemble onfait plus raquo Par exemple en matiegravere drsquoemploi si la CA nrsquoa pas la leacutegitimiteacute pour creacuteer unservice emploi qui lui soit propre ndash cela nrsquoaurait drsquoailleurs pas grand inteacuterecirct dans la mesureougrave crsquoest la proximiteacute des communes avec leurs habitants qui fait que ces derniers vontdirectement srsquoadresser aux communes plutocirct qursquoagrave la CA ndash elle a la leacutegitimiteacute pour organi-ser une semaine de lrsquoemploi et de la formation Crsquoest cette logique de mise en reacuteseau qui apreacutesideacute agrave la creacuteation de la Maison de lrsquoentreprise Creacuteer son entreprise eacutetait un vrai parcoursdu combattant pour le jeune entrepreneur La CA a donc mis en reacuteseau dans cette Maisonde lrsquoentreprise des professions libeacuterales (avocats experts comptableshellip) les chambresconsulaires les associations les banques agents immobiliers etc Elle srsquoest donc proposeacuteedrsquoecirctre lrsquounique point drsquoentreacutee pour lrsquoentrepreneur Il vient rencontrer ces diffeacuterents acteursndash gratuitement ndash et il voit ce dont il a besoin Apregraves le travail de la CA est termineacute crsquoest agravelrsquoentrepreneur de voir srsquoil veut un business plan auquel cas il prendra contact avec les inter-locuteurs adeacutequats

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In fine la coopeacuteration reacutevegravele comment naissent et tiennent les comportementscollectifs Lrsquouniteacute drsquoobservation nrsquoest plus la personne mais un ensemble drsquoindivi-dus Le groupe forme ainsi une entiteacute agrave part entiegravere distincte des membres qui lecomposent Il est donc inteacuteressant de mieux comprendre lrsquoinfluence du groupe surles comportements humains

Cependant une des principales limites que les eacutelus de lrsquoopposition reprochent agrave lrsquoagglomeacute-ration crsquoest que les communes sont soumises au bon vouloir de lrsquoagglomeacuteration Et pourcontourner une gestion parfois trop pyramidale sur certains sujets de lrsquoagglomeacuteration ona vu se deacutevelopper des sortes de laquo projets intercommunaux de communes agrave communes raquoLe succegraves de ces coopeacuterations de commune agrave commune repose beaucoup sur les affiniteacutespersonnelles et non politiques Lrsquoexemple suivant le reacutevegravele Le maire de Trappes (une descommunes les plus en difficulteacute de la communauteacute drsquoagglomeacuteration) et le maire deVoisins-le-Bretonneux (ville qui avec ses nombreuses zones pavillonnaires et ses 38 decadres contre 74 pour Trappes est consideacutereacutee comme lrsquoune dont la population est desplus aiseacutee) nrsquoont pas forceacutement les mecircmes enjeux et ce pour deux raisons la premiegraveretient agrave la configuration des communes qursquoils dirigent la seconde au fait qursquoils ne sont pasdu mecircme bord politique Il nrsquoempecircche que lors drsquoun conseil communautaire alors qursquoondoit voter une deacutecision neacutecessitant un vote agrave la majoriteacute qualifieacutee (majoriteacute des deux tiers)par exemple ces deux maires ont coaliseacute et uni leurs forces Soit parce qursquoils partagent surce point preacutecis la mecircme vision soit parce qursquoils se sont laquo entendus raquo sur une autre deacutecisionagrave venir ou que lrsquoun a promis agrave lrsquoautre un laquo retour drsquoascenseur raquo en cas drsquoappui Un maireexpliquait ainsi que laquo les nouvelles geacuteneacuterations de maires sont moins bloqueacutees quant aufait de devoir coopeacuterer mecircme lorsqursquoon est de sensibiliteacutes politiques diffeacuterentes Nousavons parfois entre certaines communes et sur certains projets des initiatives personnel-les qui reposent quasi exclusivement sur la qualiteacute de nos relations interpersonnelles etbien sucircr sur la pertinence du projet au regard des inteacuterecircts communs de nos habitantsNous avons par exemple un projet de centre aquatique avec une commune voisine et sapertinence a fait que la CA est venue ndash apregraves coup ndash nous apporter un financement agravehauteur de 50 hellip raquoVoyons eacutegalement lrsquoexemple du deacuteveloppement du centre de Saint-Quentin Le quartier deSaint-Quentin repreacutesente le cœur de la ville crsquoest un lieu strateacutegique central pour le terri-toire Des entreprises et des zones drsquoactiviteacutes srsquoy installent Le dernier exemple en date estlrsquoimplantation drsquoun deuxiegraveme centre commercial du nom de laquo Sqy Ouest raquo Voilagrave un sujetsur lequel lrsquointercommunaliteacute communique fortement aupregraves du grand public avec unjournal local Le petit Quentin et aupregraves du monde eacuteconomique agrave travers un autresupport Sqy Entreprises laquo Lagrave il y a un double discours qui est tenu et il faut veiller agrave ce qursquoilne soit pas totalement contradictoire Il y a de la part de la commune sur laquelle se trouveSqy Ouest ndash tentation et mecircme passage agrave lrsquoacte tregraves clair ndash de revendiquer ce site commefaisant partie du patrimoine communal et non communautaire Pour Montigny Sqy Ouestse trouve sur le territoire de Montigny donc ccedila appartient agrave Montigny pour la CA ccedila setrouve sur le territoire communautaire qui plus est sur un lieu agrave forte centraliteacute donc stra-teacutegique ccedila appartient donc agrave lrsquoagglomeacuteration raquo Degraves lors il y a ici conflit drsquointeacuterecircts

Extrait de GAYE B et SOPARNOT R laquo La coopeacuteration interindividuellele cas des communauteacutes drsquoagglomeacuteration raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R

Le management strateacutegique 2 concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

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5 Le rocircle du groupe

Lrsquoindividu dans lrsquoentreprise appartient le plus souvent agrave un ou plusieurs groupesLe groupe est une uniteacute sociale composeacutee drsquoindividus interdeacutependants et dont lesrocircles et les statuts sont deacutefinis On eacutetablit une double distinction entre groupesformel et informel et groupes drsquoappartenance et de reacutefeacuterence Le groupe formel secaracteacuterise par son statut de groupe prescrit et orchestreacute par la structure et les regraveglesorganisationnelles (comiteacute de direction eacutequipe projet cercles de qualiteacutehellip) Sonexistence est preacutevue et officielle Ce nrsquoest pas le cas du groupe informel qui eacutemergede la vie de lrsquoentreprise Il se creacutee de faccedilon inattendue et aleacuteatoire (une eacutequipecomposeacutee de quelques salarieacutes qui travaillent sur un projethellip) Le groupe drsquoapparte-nance est celui auquel lrsquoindividu est membre de fait (une faculteacute pour les professeursdrsquoune grande eacutecolehellip) Le groupe de reacutefeacuterence est celui auquel lrsquoindividu se reacutefegraveredans le cadre drsquointeractions sociales Il peut chez certaines personnes ecirctre imaginaireet refleacuteter une ambition sociale (un comiteacute de direction pour un cadre ayant cetteambitionhellip) Le tableau suivant propose de recouper ces distinctions et identifiequatre types de groupes

Tableau 31 mdash Typologie des groupes dans les organisations

Groupe formel Groupe informel

Groupe drsquoappartenance Groupe formel drsquoappartenance Groupe informel drsquoappartenance

Groupe de reacutefeacuterence Groupe formel de reacutefeacuterence Groupe informel de reacutefeacuterence

Repegraveres Les groupes de travail chez Monsanto

Monsanto est une entreprise agricole dont la mission est de soutenir les agriculteurs dumonde entier agrave produire sans endommager lrsquoenvironnement Fondeacutee en 1901 par JohnF Queeny Monsanto doit son nom au nom de famille de lrsquoeacutepouse du fondateur Agrave lrsquoorigineMonsanto commercialisait de la saccharine et dans les anneacutees qui ont suivi la creacuteation lagamme de produits srsquoest diversifieacutee Degraves 1945 lrsquoentreprise commercialisait des produitschimiques pour lrsquoagriculture Ses activiteacutes se sont ainsi progressivement eacutetendues agrave labiotechnologie la chimie industrielle et les fibresCrsquoest agrave Monsanto durant les anneacutees quatre-vingt que les directeurs du complexe chimi-que et de nylon situeacute agrave lrsquoest de Pensacola ont remis en question une conviction manageacute-riale ancreacutee Selon celle-ci le travail des employeacutes devait se limiter agrave exeacutecuter les ordres deleurs supeacuterieurs Ils ont alors opteacute pour la creacuteation de groupes de travail dont la fonctioneacutetait de conduire des reacuteflexions et de prendre des deacutecisions dans les domaines importantscomme le recrutement les achats lrsquoorganisation du travail et la production

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Quelle que soit la nature du groupe ses membres poursuivent geacuteneacuteralement desobjectifs communs et ont des missions souvent diffeacuterencieacutees Chacun joue un rocirclespeacutecifique qui lui permet drsquoecirctre reconnu comme membre du groupe Crsquoest ainsi quele statut de membre a une incidence forte sur les comportements des individus Cesderniers agissent sous lrsquoinfluence du ou des groupes auxquels ils appartiennent

Lrsquoideacutee de constituer des eacutequipes est neacutee dans un contexte difficile En effet lrsquousine danslaquelle Monsanto avait investi 1 milliard de dollars sur trois deacutecennies commenccedilait agraveperdre de lrsquoargent Afin de compresser les coucircts Monsanto a ducirc supprimer les opeacuterationsnon rentables et presque un tiers des emplois Plus de la moitieacute des superviseurs depremier niveau ont eacuteteacute mis en retraite anticipeacutee Et au lieu de nommer de nouveaux super-viseurs aux quelques postes disponibles les directeurs ont consideacutereacute que cette situationeacutetait une opportuniteacute ideacuteale pour constituer des eacutequipes autogeacutereacutees Ils ont ainsi reacuteduit desept agrave quatre le nombre de niveaux hieacuterarchiques Finalement ils ont regroupeacute lesemployeacutes dans des eacutequipes drsquoenviron 10 agrave 12 personnesCes groupes avaient la responsabiliteacute de fonctions autrefois confieacutees agrave des directeurs Parexemple les eacutequipes deacutecidaient quel meacutelange chimique allait ecirctre appliqueacute dans laproduction de fibres de nylon Elles eacutetaient eacutegalement autoriseacutees agrave arrecircter la productionpour des raisons de qualiteacute ou de seacutecuriteacute Par exemple lors drsquoun orage une eacutequipe adeacutecideacute de recourir aux geacuteneacuterateurs immeacutediatement au lieu drsquoattendre une probable pannedrsquoeacutelectriciteacute due agrave une tempecircte Ils ont ainsi permis une eacuteconomie de centaines de milliersde dollars causeacutee par un arrecirct de la production En effet cette nuit une panne drsquoeacutelectriciteacuteest survenue De mecircme lorsque les machines ou les eacutequipements neacutecessitaient des reacutepa-rations les eacutequipes se rendaient directement au magasin de maintenance ou chez les four-nisseurs pour obtenir lrsquoassistance neacutecessaire Eacutegalement lors des recrutements leseacutequipes conduisaient les entretiens des candidats et les classaient selon leur qualificationpour le poste Les directeurs eacutecoutaient avec attention les recommandations drsquoembauchereacutealiseacutees par les eacutequipes En fait personne nrsquoavait jamais eacuteteacute recruteacute sans ecirctre recom-mandeacute par une eacutequipeLrsquoorganisation des eacutequipes permit ainsi agrave lrsquoentreprise des gains consideacuterables Lrsquousine aobtenu les plus hauts niveaux de seacutecuriteacute et de profits de toute son histoire Les eacutequipeseacutetaient en outre reacutecompenseacutees et des programmes de partage des profits avaient eacuteteacuteimagineacutes afin de gratifier les eacutequipes selon leurs performances Et cette gestion par lesgroupes de travail eacutetait si efficace que les directeurs envisageaient drsquoeacuteliminer une couchesuppleacutementaire de managementMalgreacute ce succegraves dans lrsquousine de Pensacola il y avait encore des domaines dans lesquels leseacutequipes pouvaient progresser Ainsi elles ne communiquaient que peu entre elles et lrsquoonpouvait craindre la creacuteation de baronnies De mecircme certains employeacutes heacutesitaient agrave initierdes ameacuteliorations ils nrsquoavaient pas toujours lrsquoassurance que lrsquoeacutequipe serait reacutecompenseacuteepour les reacuteussites Enfin certains membres eacutetaient peu enthousiastes pour assumer desresponsabiliteacutes nouvelles et ce alors que leurs compeacutetences leur auraient permis de deve-nir des directeurs efficaces

Agrave partir de BARTOL K M et MARTIN D C laquo Teamwork Pays off at Monsanto raquoManagement Eacuteditions Irwin McGraw-Hill 2000 et wwwmonsantocom

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Lrsquoappartenance reacuteelle ou voulue agrave un groupe remplit ainsi trois fonctions principa-les Tout drsquoabord au sein drsquoun groupe les membres construisent des liens affectifsforts gracircce auxquels ils se forgent une identiteacute personnelle et collective Chaquemembre existe en tant qursquoindividu dans le groupe (identiteacute personnelle) de mecircmeque le groupe existe pour chaque individu-membre (identiteacute collective) La fonctionidentitaire est centrale lrsquoindividu srsquoil est membre drsquoun groupe ou aspire agrave le deve-nir srsquoy reacutefegravere reacuteguliegraverement dans le cadre drsquointeractions sociales Le groupe est doncun moyen drsquoaffirmation de soi et une source de satisfaction Sur ce point la TCS(theacuteorie de la cateacutegorisation sociale) apporte un eacuteclairage inteacuteressant en expliquantcomment les individus construisent des frontiegraveres entre les groupes (il y a uningroup et un outgroup) Selon la TCS lrsquoindividu va agrave partir de ses self concepts (laperception qursquoil a de soi) passer en revue les diffeacuterents groupes sociaux leur attri-buer des traits saillants et srsquoidentifier agrave ceux (ou celui) dont le prototype en termes devaleurs regravegles et normes est le plus proche de ses self concepts En ce sens ilsrsquoeacutecarte des groupes dont les traits saillants sont trop eacuteloigneacutes de ses self conceptsLa TCS souligne eacutegalement que dans certains cas lrsquoindividu peut ameacutenager ses selfconcepts afin de mieux correspondre et ressembler au prototype drsquoun groupe socialEn un mot lrsquoidentification sociale de lrsquoindividu repose sur la perception des traitssaillants des groupes (les cateacutegories) et de lrsquoadeacutequation avec ses propres traits (selfconcepts) La seconde fonction est normative Le groupe se caracteacuterise par desregravegles de fonctionnement des modes de penser et drsquoagir communs des valeurspartageacutees mecircme un style vestimentaire et un langage speacutecifiqueshellip formant ce queles speacutecialistes appellent des normes Les membres drsquoun groupe adopteront descomportements conformes agrave ces normes marquant ainsi leur appartenance Lespersonnes aspirant agrave un groupe se comporteront de sorte de se rapprocher desnormes et se faire accepter In fine en recherchant lrsquoharmonie avec le groupe lesindividus se soumettent aux normes et subissent plus ou moins consciemment leurinfluence Le refus de conformiteacute aux normes leur transgression signifie souventlrsquoexclusion du groupe Enfin la troisiegraveme fonction est protectrice Le groupe consti-tue une sphegravere sociale agrave lrsquointeacuterieur de laquelle les comportements sont preacutevisiblesEn proteacutegeant les membres des incertitudes et des pressions exteacuterieures le groupeleur procure une stabiliteacute rassurante

Le groupe doit ecirctre consideacutereacute comme une uniteacute sociale distincte des membres quile composent Il est doteacute de sa propre laquo psychologie raquo Ses normes constituent lesfondements de son fonctionnement et les sources de lrsquoinfluence sociale Il estdrsquoailleurs souvent impressionnant de voir agrave quel point lrsquoindividu endosse le rocircleqursquoil perccediloit devoir jouer dans un groupe - mecircme si nous devons avoir conscienceque des comportements deacuteviants sont possibles Lrsquoexpeacuterience meneacutee par le psycho-logue Zimbardo est eacutedifiante

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Au plan pratique les managers doivent identifier les groupes existants dans lrsquoorga-nisation et srsquoy reacutefeacuterer pour appreacutehender le comportement des personnes Ainsi lelevier drsquoaction des managers doit parfois ecirctre le groupe Il doit cerner les normes lescomprendre en profondeur et les respecter pour modifier la dynamique drsquoun groupeSur ce point lrsquoexpeacuterience meneacutee par Lewin est reacuteveacutelatrice Il est question drsquoinciterles meacutenagegraveres ameacutericaines agrave modifier leur consommation drsquoabats Deux groupessont constitueacutes Dans le premier un speacutecialiste de la nutrition expose les vertus de laconsommation drsquoabats Les meacutenagegraveres restent passives et eacutecoutent les arguments dumeacutedecin Le passage agrave lrsquoacte est de lrsquoordre de 3 Dans le second les psychologuesorganisent une discussion entre les meacutenagegraveres sur le thegraveme de la consommationdrsquoabats Les eacutechanges sont vifs et les arguments des unes et des autres sont avanceacutesCette fois les meacutenagegraveres ont eacuteteacute actives Le passage agrave lrsquoacte est de lrsquoordre de 30

Repegraveres Lrsquoexpeacuterience de Zimbardo

Le psychologue Philipp Zimbardo et ses collegravegues de lrsquoUniversiteacute de Stanford ont meneacute uneexpeacuterience drsquoune dureacutee de quinze jours afin de mieux comprendre lrsquoimportance du rocircledans les groupes Ils ont creacuteeacute une laquo fausse raquo prison et ont seacutelectionneacute des eacutetudiants eacutequili-breacutes psychologiquement Ces derniers se sont vus assigneacutes des rocircles Soit ils eacutetaientgardiens soit ils eacutetaient prisonniers Pour rendre lrsquoexpeacuterience plus reacutealiste encoreZimbardo obtint le concours de la police locale Ainsi les futurs laquo prisonniers raquo furentembarqueacutes menotteacutes et emmeneacutes au poste devant tout le voisinage Ils restaient jour etnuit dans leur cellule nrsquoen sortaient que pour les repas lrsquoexercice physiquehellip et avaientdroit agrave des visites de leurs proches Les laquo gardiens raquo quant agrave eux devaient simplementfaire reacutegner la loi et lrsquoordre dans la prison et rester indiffeacuterent aux demandes eacuteventuellesdes prisonniers Ils avaient lrsquoobligation de faire les trois huitLe deuxiegraveme jour une reacutebellion eacuteclatait mais celle-ci fut contenue par les gardiens Apregravescela les prisonniers devenaient de plus en plus dociles Malgreacute les remarques que leurfaisaient les gardiens ils encaissaient sans rien dire Ils commenccedilaient agrave se croirelaquo reacuteellement raquo impuissants et infeacuterieurs tant ils eacutetaient sommeacutes par leurs gardiens de secomporter comme tels De leur cocircteacute les gardiens ont tous agrave un moment de lrsquoexpeacuterienceadopteacute un comportement autoritaire Certains avouent avoir exigeacute aux prisonniers qursquoilsnettoient les toilettes agrave mains nues srsquoecirctre plaints de lrsquoodeur qursquoils deacutegageaienthellip Lrsquoendosse-ment des rocircles eacutetait tel que lrsquoexpeacuterience fucirct interrompue au bout de six jours Les eacutetudiantsavaient trop parfaitement inteacutegreacute les steacutereacuteotypes lieacutes agrave leur rocircle malgreacute leur personnaliteacuteet il devenait dangereux pour la santeacute psychologique des eacutetudiants de poursuivre lrsquoexpeacute-rienceForce est de constater qursquoagrave aucun moment les prisonniers nrsquoont exprimeacute agrave leurs collegravegueseacutetudiants que cela nrsquoeacutetait qursquoune expeacuterience et qursquoils devaient adopter un comportementmoins autoritaire De mecircme les gardiens nrsquoont jamais dit agrave leurs prisonniers qursquoilsnrsquoeacutetaient pas tenus de se comporter de maniegravere si docile et drsquoaccepter certaineslaquo humiliations raquo

Agrave partir de ROBBINS S JUDGE T et GABILLIET P Comportements organisationnelsPearson Eacuteducation 2006

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Lewin explique cette diffeacuterence significative par le fait que les meacutenagegraveres du secondgroupe ont pu deacutebattre discuter des normes de consommation et ont permis de lesremettre en cause Lrsquoimplication des meacutenagegraveres et leurs interactions ont finalementaccru leur compreacutehension des raisons de non-consommation drsquoabats et aideacute lepassage agrave lrsquoacte

In fine lrsquoanalyse de la motivation et de lrsquoimplication des jeux de pouvoir dustress de la coopeacuteration interindividuelle et de lrsquoinfluence du groupe fournit desbases conceptuelles pour comprendre certaines dimensions du comportement orga-nisationnel Le manager peut les exploiter pour parfaire le management de ses eacutequi-pes Dans ce qui suit nous abordons certaines dimensions de la gestion despersonnes

LE MANAGEMENT DES PERSONNES

Les connaissances du manager en matiegravere drsquoOB (organizational behavior)lrsquoaident agrave analyser preacutevoir et influencer les comportements des individus en situa-tion professionnelle Son rocircle est de veiller agrave la bonne reacutealisation des missions dechacun Il peut de ce fait tenter drsquoinfluer sur lrsquoengagement des personnes afindrsquoaccroicirctre la productiviteacute (le rendement des employeacutes) de limiter lrsquoabsenteacuteisme etle turnover de stimuler lrsquoesprit drsquoentreprise (lrsquointrapreneuriat) drsquoaugmenter letemps passeacute sur le lieu professionnel et drsquoameacuteliorer la qualiteacute du travail Face agrave cesenjeux les dirigeants ne sont pas eacutegaux et il est courant de distinguer deux profilsde dirigeants ou de cadres les leaders et les managers Nous preacutesentons ensuite lesdiffeacuterents styles de management (de commandement des eacutequipes) la deacutecision letravail en eacutequipe ainsi que la culture drsquoentreprise

1 Le leader et le manager

La position hieacuterarchique drsquoun individu dans une entreprise qursquoil soit dirigeantcadre supeacuterieur ou cadre intermeacutediaire lui confegravere un pouvoir formel (recruterpromouvoir sanctionnerhellip) Celui-ci provient des regravegles qui reacutegissent le fonctionne-ment des entreprises Le pouvoir formel est donc un ensemble de ressources dontdispose une personne (statut expertisehellip) et qui lui donne les moyens drsquoagir surautrui Pourtant les personnes en situation de manager nrsquoutilisent pas ce pouvoirformel de la mecircme maniegravere Pour certains le pouvoir se confond avec lrsquoautoriteacutePour drsquoautres seule lrsquoinfluence compte Elle est lrsquoascendant que prend une personnesur une autre par sa capaciteacute agrave faire face aux situations complexes Crsquoest ainsiqursquoeacutemergent deux maniegraveres drsquoexercer le pouvoir lrsquoautoriteacute et lrsquoinfluence Lrsquoautoriteacutecorrespond agrave une maniegravere drsquoexprimer son pouvoir avec laquo brutaliteacute raquo ndash elle srsquoinscrit

Section 2

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dans une relation de domination Lrsquoinfluence quant agrave elle reacutevegravele une utilisationlaquo douce raquo du pouvoir ndash elle reflegravete une relation de seacuteduction

Cette distinction conduit agrave identifier deux profils de dirigeants le manager et leleader Le manager est un gestionnaire il preacutevoit planifie administre eacutetablit desbudgets eacutevalue les investissements structure formalise les processus controcircle lesreacutesultats mesure et redresse les eacutecarts En organisant lrsquoaction collective le managerreacutepond aux questions du comment Pour geacuterer les hommes il use du pouvoir formeldont il est investi Agrave lrsquoopposeacute le leader est qualifieacute de meneur drsquohommes il eacutetablitune vision et donne un souffle pilote avec souplesse organise la culture motiveinspire les personnes et les pousse agrave lrsquoautocontrocircle En donnant du sens pourlrsquoaction le leader reacutepond aux questions du pourquoi Il mise sur son influence pourfaire que ses collaborateurs accentuent leur effort au travail In fine le dirigeant ideacutealdevrait posseacuteder les qualiteacutes drsquoorganisation et de planification des managers ainsique les capaciteacutes de mobilisation des eacutenergies humaines des leaders

Neacuteanmoins Bennis et Nanus (1987) montrent que les leaders ont laquo un plus raquo quileur permet drsquoinsuffler une eacutenergie agrave lrsquoentreprise Celle-ci disposerait alors drsquouneaptitude supeacuterieure au changement et ferait mieux face aux eacutevolutions environne-mentales Crsquoest laquo ce plus raquo qursquoil est inteacuteressant de comprendre

Pour Bennis et Nanus (1987) il reacuteside drsquoabord dans le ralliement par la vision Lavision est une repreacutesentation intellectuelle de la strateacutegie imagineacutee par le dirigeantElle deacutetermine un avenir reacutealiste creacutedible attirant pour lrsquoorganisation une situationmeilleure agrave maints eacutegards que celle qui preacutevaut Elle est donc un ideacuteal et portetoujours sur une situation future qui nrsquoexiste pas encore et qui nrsquoa jamais existeacuteauparavant Par la vision le dirigeant jette un pont entre le preacutesent et lrsquoavenir delrsquoorganisation Elle est une cible vers laquelle lrsquoentreprise entiegravere va se diriger Cettevision sert alors agrave la fois drsquoinspiration et de guide pour lrsquoaction collective Prenonspour exemple ST Micro Entreprise franco-italienne qui fabrique et commercialisedes semi-conducteurs ST Micro deacuteveloppe des produits qui integravegrent les teacuteleacutephonesportables les organiseurshellip Il y a plus de dix ans son dirigeant formulait une visionpour son groupe celle de devenir lrsquoentreprise de reacutefeacuterence dans les domaines eacutecolo-giques et sociaux Si au deacutepart les cadres ont eacuteteacute deacutecontenanceacutes par cette vision stra-teacutegique lrsquoardeur du dirigeant agrave la deacutefendre les a progressivement ameneacutes agrave lasoutenir La vision se fonde donc sur une double dimension Tout drsquoabord externe lavision est une projection de lrsquoavenir de lrsquoentreprise et de la place de ses produits surle marcheacute et repose sur un pari relatif agrave lrsquoeacutevolution drsquoune industrie drsquoun secteurdrsquoactiviteacute drsquoun marcheacutehellip Ensuite interne la vision renvoie au type drsquoorganisation agraveconstruire pour parvenir agrave occuper cette position dans le futur Avec la vision il estquestion drsquoaligner les environnements inteacuterieur et exteacuterieur de lrsquoorganisation dans letemps et dans lrsquoespace La vision reflegravete donc une intention strateacutegique Mais le diri-geant visionnaire nrsquoa rien du devin il est seulement doteacute drsquoune volonteacute celle demettre tous les moyens en œuvre pour concreacutetiser son projet Crsquoest son eacutenergie et saperspicaciteacute qui lui permettent de rendre sa vision effective Par son acception proac-tive la vision exprime la volonteacute de transformer le marcheacute plutocirct que de le subir

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Ensuite si la vision donne le sens elle donne aussi du sens Lorsque lrsquoorganisationa un sens clair de sa finaliteacute de son orientation et de la situation future viseacutee et quecette image est partageacutee les individus sont en mesure de cerner leurs propres rocirclesIls se considegraverent comme des membres drsquoune entreprise valable Leur travailacquiert de lrsquoimportance au fur et agrave mesure que leurs actes deviennent ceux drsquoecirctreshumains engageacutes dans une aventure creacuteative et collective Lorsque les individussentent qursquoils peuvent ameacuteliorer la socieacuteteacute dans laquelle ils vivent ils sont beaucoupplus enclins agrave mettre de la vigueur et de lrsquoenthousiasme dans leurs actes Dans cesconditions la somme des eacutenergies humaines se met au service drsquoun objectifcommun En canalisant lrsquoattention sur une vision le leader exploite les ressourceseacutemotionnelles des collaborateurs leurs valeurs et leurs aspirations

Enfin cette capaciteacute agrave inspirer les personnes deacutepend des liens qui unissent leleader agrave ses collaborateurs Ces liens correspondent agrave ce que lrsquoon nomme laconfiance Elle est un actif relationnel qui se deacutefinit selon Bidault et Jarillo (1995)comme laquo la preacutesomption que en situation drsquoincertitude lrsquoautre partie va agir ycompris face agrave des circonstances impreacutevues en fonction de regravegles de comporte-ments que nous trouvons acceptables raquo Finalement selon Usunier (2000) laquo faireconfiance crsquoest fondamentalement se rendre vulneacuterable agrave lrsquoautre pour pouvoir reacuteali-ser quelque chose de bien avec lui ou elle raquo Ces deacutefinitions soulignent deux dimen-sions du concept la confiance comme sentiment ou reacutealiteacute subjective (avoirconfiance) et la confiance comme comportement ou pheacutenomegravene objectif (faireconfiance) La confiance comme sentiment est une probabiliteacute qursquoune autrepersonne puisse ecirctre digne de confiance Nous sommes ici dans le registre delrsquoimpression positive drsquoune preacutedisposition favorable envers une personne Laconfiance comme comportement consiste agir avec autrui engager des ressources(donc prendre des risques) et se fier agrave lui en vue drsquoatteindre un but deacutefini Noussommes ici dans le registre de lrsquoaction de faire confiance par laquelle lrsquoindividu serend vulneacuterable Toutefois ces deux dimensions de la confiance entretiennent desliens forts La confiance-sentiment est un preacutealable agrave la confiance-comportementmais elle en est aussi un reacutesultat En effet les individus ne sont precircts agrave faireconfiance qursquoagrave la condition drsquoune part que lrsquoautre semble fiable (confiance-senti-ment) et drsquoautre part que lrsquoun et lrsquoautre se soient prouveacutes que cette confiance nrsquoestpas usurpeacutee La confiance est donc une impression comme une mise agrave lrsquoeacutepreuve (ellese gagne) Et cet actif mysteacuterieux et intangible est fondamental pour que se creacutee lasymbiose entre celui qui formule la vision et ceux qui lui donnent une reacutealiteacute

Repegraveres Un leader agrave la tecircte de Nokia

Le groupe Nokia a eacuteteacute fondeacute en 1865 dans une ville situeacutee agrave 100 kilomegravetres au norddrsquoHelsinki Lrsquoentreprise nrsquoa pas toujours eacuteteacute une reacutefeacuterence de lrsquoeacutelectronique Aujourdrsquohuiencore certains Finlandais associent le nom de Nokia aux bottes de caoutchouc qursquoilsutilisaient quand ils eacutetaient enfants Actuellement Nokia est le leader sur le marcheacute des

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teacuteleacutephones portables et lrsquoun des principaux constructeurs de reacuteseaux de teacuteleacutephoniemobile En 2007 Nokia a annonceacute une croissance de ses ventes pour un chiffre drsquoaffaires de511 milliards drsquoeuros et un beacuteneacutefice opeacuterationnel de 8 milliards drsquoeurosAvant de conqueacuterir la place de leader Nokia eacutetait preacutesideacutee par Jorma Ollila un ancienbanquier Pour Jorma Ollila les initiatives du personnel sont neacutecessaires agrave assurer la surviede lrsquoentreprise Avec cette conception du management au deacutebut des anneacutees 1990 alorsqursquoil eacutetait un CEO sans expeacuterience il est parvenu agrave bacirctir un veacuteritable conglomeacuterat finlandaisdu teacuteleacutephone portable en deacutefiant des concurrents comme Motorola Inc et L M EricssonLrsquoentreprise finlandaise est parvenue agrave surpasser ses concurrents gracircce agrave sa rapiditeacute dedeacuteveloppement de nouveaux produits et ses efforts dans le design Crsquoest ainsi que Nokia estdevenu lrsquoacteur plus profitable de lrsquoindustrie Le leadership de Nokia a ainsi marqueacute lrsquoavegravene-ment drsquoune nouvelle star de la technologie des terminaux de teacuteleacutephonie mobileCependant cette reacuteussite nrsquoaurait pas eu lieu sans la vision de Jorma Ollila Il a imposeacute uneautre maniegravere de geacuterer le deacuteveloppement technologique et de lrsquoinseacuterer au teacuteleacutephoneportable Alors que tous les fabricants se preacutecipitaient vers les clusters de haute technolo-gie (comme la Silicon Valley) Ollila a creacuteeacute son propre cluster (centre de recherche) dans unereacutegion peu peupleacutee En outre pour imposer des technologies (notamment Internet) auxterminaux mobiles (format de poche) Ollila srsquoest rapprocheacute des grands acteurs de lrsquoeacutecono-mie high-tech ameacutericaine car des entreprises comme Microsoft ou 3Com voulaient pren-dre part agrave ce business Dans le passeacute peu de ces organisations eacutetaient reacuteellementconvaincues que cette nouvelle reacutevolution allait ecirctre conduite agrave partir des teacuteleacutephonesportables Peu pensaient que les internautes utiliseraient des Palms avec des puces de teacuteleacute-phones Nonobstant ces obstacles le PDG de Nokia a preacutepareacute lrsquoentreprise pour la meacuteta-morphose vers la nouvelle geacuteneacuteration de teacuteleacutephone portable (les portables avec Internet)Nokia a ainsi pour ambition de connecter les deux milliards drsquoindividus qui le font deacutejagrave auxquatre milliards qui ne le font pas La technologie doit servir agrave ameacuteliorer la communicationentre les personnesIl est eacutegalement inteacuteressant de comprendre comment le dirigeant a mis en œuvre savision Selon lui lrsquoapprentissage par lrsquoerreur est fondamental au deacuteveloppement de lrsquoentre-prise et des salarieacutes Il estime aussi que tous ses cadres supeacuterieurs sont precircts agrave assumer unnouveau travail En conseacutequence il eacutevitait que ses employeacutes ne tombent dans une zone deconfort Ainsi il changeait reacuteguliegraverement ses cadres supeacuterieurs de fonction Le directeur dumarketing devenait directeur de la logistique et ainsi de suite Il eacutetait aussi deacutetermineacute agravepreacuteserver la culture organisationnelle de son entreprise Et pour maintenir la satisfactiondes employeacutes le secret eacutetait de donner de lrsquoautonomie aux nouveaux recruteacutes et de leslaisser grandir Ils pourraient ainsi faire carriegravere chez Nokia Enfin Jorma Ollila traitait sonpersonnel avec eacuteleacutegance et respect Jorma Ollila est resteacute agrave la tecircte de Nokia jusqursquoen 2006et en a fait une entreprise drsquoexceptionAujourdrsquohui Olli-Pekka Kallasvuo dirige Nokia tandis que Jorma Ollila est preacutesident duconseil de surveillance Les objectifs strateacutegiques de la nouvelle direction de Nokia sont ledeacuteveloppement de nouveaux terminaux lrsquoeacutelaboration de services Internet pour les clientsparticuliers la conception de solutions pour les entreprises la construction de reacuteseaux agravegrande eacutechelle et lrsquoextension des services Pour cela Nokia entend miser sur sa marque ledesign la connaissance des clients la technologie et lrsquoarchitecture

Agrave partir de PEARCE J A et ROBINSON R B laquo Leadership and Culture Shape Successat Finlandrsquos Nokia raquo Strategic Management formulation implementation and control

McGraw-Hill International Editions 2003 et wwwnokiacom

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Ce laquo plus raquo dont parlent Bennis et Nanus explique la capaciteacute des leaders agrave mobi-liser les individus de lrsquoentreprise autour drsquoun objectif commun Pourtant commentles dirigeants et cadres quels que soient leur profil et leur position dans lrsquoentreprisegegraverent-ils leurs collaborateurs Certains styles de management des personnes sont-ils plus efficaces que drsquoautres

2 Les styles de management des personnes

Lrsquoeacutetude des styles de management consiste agrave analyser lrsquoinfluence du comporte-ment des dirigeants et cadres sur celui de leurs collaborateurs De nombreux travauxmontrent que le comportement des responsables hieacuterarchiques (nous utilisons deacutesor-mais le terme de manager sans reacutefeacuterence agrave la distinction manager-leader) peut ecirctreanalyseacute selon deux axes soit il est orienteacute vers lrsquoorganisation et le travail agrave accom-plir (approche technique) soit il est orienteacute vers la personne (approche humaine)Pour lrsquoapproche technique les preacuteoccupations du manager sont relatives agrave lrsquoatteintedes objectifs au respect des standards et des meacutethodes de travail et agrave lrsquoeacutevaluation desreacutesultats Pour lrsquoapproche humaine le style de management est centreacute sur le bienecirctre des personnes le soutien et lrsquoaide dans le travail lrsquoameacutelioration des relationssociales la reacutesolution des conflits et la coheacutesion de lrsquoeacutequipe Ces deux approches nesrsquoopposent pas neacutecessairement un manager peut ecirctre bon (ou mauvais) sur les deuxdimensions Mais demandons-nous comment agissent les dirigeants les plus perfor-mants

Pour MacGregor (1966) un manager eacutemet une hypothegravese quant au profil des sala-rieacutes et au comportement agrave adopter en conseacutequence Il peut ecirctre partisan de la theacuteo-rie X ou de la theacuteorie Y Dans la theacuteorie X le manager estime que lrsquoecirctre humaindeacuteteste le travail a peu drsquoambition fuit les responsabiliteacutes et preacutefegravere ecirctre controcircleacuteDegraves lors il convient drsquoadopter un comportement autoritaire face agrave ces personnesdrsquoecirctre directif quant aux meacutethodes de travail drsquouser de la reacutecompense et de la sanc-tion et de controcircler le travail accompli Dans la theacuteorie Y le dirigeant eacutemet une toutautre hypothegravese lrsquoecirctre humain voit dans le travail un effort naturel est ambitieuxrecherche les responsabiliteacutes et lrsquoautonomie et nrsquoa pas besoin drsquoecirctre controcircleacute Enconseacutequence le dirigeant adopte un comportement plus participatif Il encourage laresponsabiliteacute et lrsquoautonomie des salarieacutes dans lrsquoexeacutecution et le controcircle du travailles implique dans certaines deacutecisions et suscite leurs initiatives pour ameacuteliorer lasituation Pour MacGregor le comportement des individus au travail relegraveve plutocirct dela theacuteorie Y mais lrsquohypothegravese fausse de certains dirigeants (theacuteorie X) les enfermedans des registres comportementaux contraires agrave leurs aspirations Aussi pourlrsquoauteur la theacuteorie Y donne des reacutesultats meilleurs en termes de qualiteacute du climatsocial de satisfaction des employeacutes et drsquoengagement au travail Lrsquoauteur preacuteconisedonc un style de management orienteacute vers les individus

Lrsquoeacutetude meneacutee plus tocirct par Lewin sur une population drsquoenfants aboutit agrave des reacutesul-tats voisins Lewin repegravere trois maniegraveres drsquoexercer le commandement et se demande

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laquelle donne de meilleurs reacutesultats Le premier style est qualifieacute drsquoautoritaire Ilconsiste agrave se tenir agrave distance du groupe et agrave donner des ordres pour lrsquoexeacutecution drsquountravail Le second style est de type deacutemocratique Cette fois il est question de susci-ter la participation des membres du groupe et drsquoencourager leurs propositions pourdeacutefinir des modaliteacutes drsquoexeacutecution du travail Enfin le dernier style est de typelaquo laisser-faire raquo Il se caracteacuterise par une absence drsquoimplication dans la vie dugroupe Trois groupes sont constitueacutes avec agrave chaque fois un style de commandementdiffeacuterent et chaque groupe doit accomplir un travail Lrsquoeacutetude reacutevegravele que le premiergroupe (style autoritaire) est plus efficace que tous les autres mais lrsquoattitude desenfants traduit une ambiance et un climat de travail tendus Le second groupe (styledeacutemocratique) se caracteacuterise par des relations chaleureuses entre les membres parti-cipe activement apregraves un temps drsquoapprentissage des regravegles de fonctionnement et faitpreuve drsquoautonomie Enfin le dernier groupe est inefficace et les membres sont enattente de consignes Cette eacutetude deacutemontre la supeacuterioriteacute du style deacutemocratique surle moyen terme Mecircme si les limites de cette recherche ne sont pas agrave neacutegliger (lesgroupes sont composeacutes drsquoenfants et non drsquoadultes et le travail agrave accomplir nrsquoest pascomparable agrave celui que les salarieacutes doivent faire dans leur entreprise) elle offre despistes de reacuteflexion inteacuteressantes sur lrsquoefficaciteacute des styles de commandement

Blake et Mouton (1972) vont aboutir agrave des reacutesultats quelque peu diffeacuterents Lesauteurs montrent au contraire que les dirigeants les plus efficaces orientent leurmanagement sur les personnes et lrsquoorganisation Ils parviennent agrave concilier lrsquoatten-tion porteacutee aux individus et celle porteacutee aux contraintes drsquoefficaciteacute de lrsquoorganisa-tion Cet inteacutegrateur comme les auteurs le nomment reacuteussit agrave susciter lrsquoengagementdes employeacutes pour reacutealiser les objectifs de lrsquoorganisation Pour cela il implique lessalarieacutes dans les deacutecisions relatives aux objectifs aux meacutethodes et au controcircle desreacutesultats leur fait confiance et les responsabilise

Un autre courant de recherche va srsquoopposer agrave ces reacutesultats et montrer que lrsquoeffica-citeacute des personnes au travail nrsquoest pas seulement lieacutee au style de management desdirigeants mais eacutegalement aux caracteacuteristiques de la situation Cela signifie alorsqursquoaucun style nrsquoest supeacuterieur agrave un autre lrsquoefficaciteacute drsquoun style de managementdeacutepend de la situation dans laquelle il est employeacute Pour Hersey et Blanchard(1977) le style de management agrave adopter deacutepend de la maturiteacute professionnelle(compeacutetence motivation et volonteacute drsquoacceacuteder agrave des responsabiliteacutes) et psychologi-que (amour-propre et confiance en soi) des collaborateurs Ainsi lorsque les colla-borateurs ont une maturiteacute faible (peu compeacutetent faiblement motiveacute et peu sucircrdrsquoeux) le dirigeant devra adopter un style autoritaire (fixe les directives et controcircleles reacutesultats) Agrave lrsquoopposeacute lorsque les collaborateurs sont compeacutetents motiveacutes et sucircrsdrsquoeux le dirigeant devra adopter un style de deacuteleacutegation (laisse les individus autono-mes et responsables des reacutesultats) Aussi le dirigeant doit modifier son style en fonc-tion de lrsquoeacutevolution de la maturiteacute des employeacutes

Les tenants de cette approche ne srsquoentendent pas toujours sur ce qui caracteacuterise lasituation Agrave la maturiteacute des salarieacutes peut par exemple srsquoajouter la complexiteacute dutravail agrave accomplir Cependant le leadership situationnel est probablement le plus

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convaincant Le dirigeant doit donc devenir cameacuteleacuteon il doit ecirctre capable de fairevarier son style en fonction des situations Si la plupart des dirigeants srsquoaccordent agravereconnaicirctre cette laquo eacutevidence raquo peu drsquoentre eux sont aptes agrave la mettre en pratique Ilssont dans lrsquoensemble enfermeacutes dans un style dominant Il est agrave cet eacutegard inteacuteressantde comprendre la dimension personnelle du style de management Comment expli-quer qursquoun dirigeant soit plutocirct autoritaire ou plutocirct participatif

Certains travaux ont proposeacute une analyse psychologique des dirigeants postulantque leur profil srsquoexpliquait par leur laquo theacuteacirctre inteacuterieur raquo lui-mecircme structureacute parlrsquohistoire personnelle (et notamment la petite enfance) Kets de Vries et Miller(1984) ont mecircme proposeacute une typologie drsquoorganisations dont les pathologies eacutetaientlieacutees agrave celles du dirigeant Mobilisant la theacuteorie psychanalytique ce courant chercheagrave comprendre le style de management en fonction des caracteacuteristiques psychiques dela personne En particulier la nature des relations que lrsquoindividu entretient avec lui-mecircme et avec les autres est au cœur de lrsquoanalyse Il est ainsi possible drsquoidentifierquatre types de leaders Le leader narcissique (relation de lui agrave lui) est centreacute sur laconservation de son Moi Il se sent invulneacuterable immortel et precirct agrave accomplir degrandes choses Les autres ne sont lagrave que pour servir ses ambitions et ses projets Leleader seacuteducteur (relation de lui aux autres pour les seacuteduire) veut aimer et ecirctre aimeacuteSon action est tourneacutee vers les relations affectives Il cherche agrave seacuteduire et agrave fascineren reacuteactivant chez les autres des meacutecanismes drsquoidentification Ils doivent lrsquoadmirerpour ce qursquoil est et ce qursquoil fait Le leader possessif (relation de lui aux autres pourposseacuteder) a besoin drsquoavoir Il cherche agrave dominer les autres par la force Il veut endisposer comme bon lui semble et devenir leur maicirctre Ils ne sont pour lui que desobjets que lrsquoon peut manipuler et jeter Enfin le leader sage (relation de lui auxautres) est un ecirctre accompli qui maicirctrise ses pulsions Il est lrsquoeacutegal des autres qursquoilconsidegravere comme un autre lui Il est bienveillant juste et seacutevegravere Il respecte les autrespour ce qursquoils sont des ecirctres humains avec leurs qualiteacutes et leurs deacutefauts

Repegraveres Deux profils de managers H Geneenet K Matsushita

H Geneen a preacutesideacute aux destineacutees drsquoITT (International Telephone and Telegraph) Il avait lareacuteputation drsquoun homme tregraves travailleur et doteacute drsquoune meacutemoire exceptionnelle des chiffreset des faits Mais son comportement avait creacuteeacute un eacutetat de tension consideacuterable dans seseacutequipes et insuffleacute un veacuteritable esprit de compeacutetition entre les cadres En effet Geneenfaisait en sorte que chacun sache qursquoil eacutetait le patron Il appelait ses collaborateurs agravenrsquoimporte quelle heure les interrompait reacuteguliegraverement mecircme srsquoils eacutetaient en pleinepreacutesentation et ne pouvait srsquoempecirccher de les humilier Geneen pensait eacutegalement que lesreacuteunions eacutetaient une bonne maniegravere drsquoexercer une pression sur les eacutequipes Ces reacuteunionseacutetaient de veacuteritables interrogatoires et faisaient lrsquoobjet drsquoune mise en scegravene (par exempleles cadres parlaient dans un microhellip) La moindre meacuteconnaissance drsquoun dossier pouvaitdonner lieu agrave une humiliation publique Geneen srsquoassurait ainsi que ses collaborateurseacutetaient parfaitement preacutepareacutes

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Lrsquoeacutetude des styles de management souligne lrsquoabsence drsquoun style qui dominerait lesautres Le leadership situationnel valorise les qualiteacutes drsquoadaptation du dirigeantCette aptitude nrsquoest toutefois pas aiseacutee agrave deacutevelopper compte tenu de leur profilpsychologique Au-delagrave de la gestion des personnes lrsquoactiviteacute essentielle drsquoun cadreet plus encore drsquoun dirigeant est de prendre des deacutecisions

3 La deacutecision

Lrsquoactiviteacute de management est une activiteacute de production de deacutecisions Ainsi lemanager quelle que soit sa position dans la structure doit faire des choix commeceux de lancer une OPA de se deacutevelopper dans une nouvelle activiteacute de srsquoallier avecun concurrent de mettre sur le marcheacute un nouveau produit de recruter unepersonne drsquoacqueacuterir un eacutequipement de production de changer de fournisseurshellipPour autant ces deacutecisions ne sont pas toutes de mecircme nature lancer une OPA surun concurrent nrsquoaura pas les mecircmes incidences sur lrsquoentreprise que recruter un colla-borateur plutocirct qursquoun autre Il existe donc dans les organisations une grande varieacuteteacutede deacutecisions Nous suggeacuterons drsquoanalyser cette diversiteacute en fonction de deux critegrave-res le niveau hieacuterarchique et le risque associeacute En reacutefeacuterence agrave Ansoff (1968) celaconduit agrave retenir trois types de deacutecisions les deacutecisions strateacutegiques tactiques etopeacuterationnelles

Les deacutecisions strateacutegiques sont prises au niveau de la direction geacuteneacuterale de lrsquoentre-prise Elles se caracteacuterisent par un niveau de risque maximum car les enjeux sontcruciaux (aux plans financiers de lrsquoimage de marque de lrsquooffrehellip) le contexte deacuteci-sionnel fortement incertain (compte du caractegravere ineacutedit du choix les donneacutees duproblegraveme et les conseacutequences des choix sont mal connues) et la reacuteversibiliteacute tregravesfaible Les dirigeants ont donc une maicirctrise tregraves limiteacutee de ce type de deacutecisions

K Matsushita a fondeacute la Matsushita Electric Company Il avait de reacuteelles qualiteacutes drsquoadapta-tion Il eacutetait capable drsquoecirctre actif et impliqueacute lorsque la situation lrsquoexigeait et parfois plusdistant et agrave lrsquoeacutecart Selon Matsushita le comportement drsquoun dirigeant est tregraves important Ilveacutehicule un ensemble de messages fortement symboliques aux salarieacutes comme fairecomprendre ce qui est reacuteellement important Il avait eacutegalement une aptitude agrave communi-quer avec tous ses salarieacutes et eacutetait capable de leur insuffler une eacutenergie Il savait eacutegale-ment valoriser ses eacutequipes Ainsi lorsqursquoil faisait visiter ses usines il pouvait deacutesigner unouvrier au hasard et le preacutesenter comme son meilleur gestionnaire Il croyait eacutegalementbeaucoup au potentiel drsquoenrichissement des collaborateurs Il les sollicitait freacutequemmentet pensait fermement que la somme de laquo petits cerveaux raquo vaut plus que quelques laquo groscerveaux raquo Il pouvait eacutegalement se montrer dur avec les salarieacutes en situation drsquoeacutechec Maismecircme avec eux il srsquoassurait qursquoils tirent des enseignements de leur eacutechec Sa sagesse eacutetaittelle qursquoon le preacutesente parfois comme lrsquoun des plus grands managers du siegravecle

Agrave partir de AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H et MICHEL SManagement aspects humains et organisationnels Eacutedition PUF 1999

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Crsquoest le cas drsquoun rachat drsquoentreprise Eacutetudieacutee par la direction geacuteneacuterale cette deacutecisionest risqueacutee compte tenu des enjeux financiers des implications sur le long terme desincertitudes lieacutees au projet (le dirigeant nrsquoa souvent qursquoune connaissance exteacuterieurede lrsquoentreprise cible et il nrsquoa pas forceacutement accumuleacute une grande expeacuterience en lamatiegravere) et de la faible reacuteversibiliteacute du choix (la revente eacuteventuelle nrsquoest pas aiseacutee)

Les deacutecisions tactiques sont prises par les managers intermeacutediaires Elles se carac-teacuterisent par un niveau de risque moyen Drsquoune part parce que les enjeux sont moin-dres par rapport aux deacutecisions strateacutegiques drsquoautre part parce que le contextedeacutecisionnel est moins incertain (compte tenu drsquoune freacutequence plus eacuteleveacutee de cessituations les connaissances lieacutees au problegraveme et aux conseacutequences du choix sontsatisfaisantes) et enfin parce que la reacuteversibiliteacute est possible Les managers ont doncun niveau de maicirctrise plus grand de ce type de deacutecisions Ainsi le recrutement drsquouncollaborateur se fait geacuteneacuteralement au niveau des cadres intermeacutediaires (sauf dans lesPME ougrave les dirigeants sont souvent des omni-deacutecideurs) En outre le risque associeacuteagrave un recrutement est plus faible car les enjeux sont importants sans ecirctre cruciaux lamultiplication des entretiens permet drsquoaccroicirctre le niveau drsquoinformations permettantde choisir les responsables sont reacuteguliegraverement confronteacutes agrave ce type de deacutecision et ilest en outre possible de faire marche arriegravere les contrats preacutevoyant une peacuteriodedrsquoobservation

Enfin les deacutecisions opeacuterationnelles sont prises par les acteurs de terrain (le centreopeacuterationnel) Le niveau de risque de ce type de deacutecision est faible En effet lesenjeux sont limiteacutes le contexte fortement certain (la reacutepeacutetition confegravere une bonneconnaissance du problegraveme et des conseacutequences associeacutees agrave un choix) et la reacuteversibi-liteacute souvent totale La maicirctrise lieacutee agrave ces deacutecisions est donc maximale Ainsi la cons-truction drsquoun programme de cours par un enseignant du supeacuterieur correspond agrave unedeacutecision opeacuterationnelle Le niveau de risque est tregraves reacuteduit car les enjeux sont tregravesfaibles pour son institution (la deacutecision de traiter tel thegraveme plutocirct que tel autre nrsquoaguegravere drsquoincidences financiegravereshellip) la freacutequence de conception drsquoun cours par leprofesseur lui confegravere une bonne connaissance du problegraveme et des conseacutequenceslieacutees au choix drsquoun cours et la possibiliteacute de changer un thegraveme par un autre peut sefaire agrave tout moment

Repegraveres Ecirctre pionnier une deacutecision strateacutegi-que pour Ikeacutea

Ingvar Kamprad le fondateur drsquoIkeacutea a toujours consideacutereacute que lrsquoinnovation eacutetait essentielleau deacuteveloppement strateacutegique de lrsquoentreprise En dix ans Ikeacutea a quasiment multiplieacute parquatre son chiffre drsquoaffaires et est en passe de devenir le leader franccedilais sur le marcheacute dujeune habitat Avec pour objectif une reacuteduction constante des prix Ikeacutea innove agrave diffeacuterentsniveaux innovation architecturale innovation de produits et innovation de services

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Ikeacutea srsquoest rapidement deacutemarqueacute en devenant le roi du meuble en kit En 1955 douze ansapregraves la creacuteation de lrsquoenseigne un des employeacutes a la brillante ideacutee de deacutemonter les piedsdrsquoune table pour la transporter sans dommage dans la voiture Sans le savoir lrsquoemployeacutevenait de deacutefinir lrsquoun des attributs phares des produits de la marque Ikeacutea Cette maniegravere deproceacuteder est radicalement diffeacuterente de ce qui existait auparavant Ikeacutea a donc agi en pion-nier Ikeacutea a commenceacute agrave penser au design en tenant compte drsquoun conditionnement enpaquets plats les meubles en paquets plats eacutetant plus faciles agrave fabriquer et moinscoucircteux agrave transporter et agrave stocker Pour les clients cela veut dire des prix encore plus bas etdes achats plus faciles agrave transporter agrave leur domicile Ces prix sont drsquoautant reacuteduits que lesclients se servent eux-mecircmes Ikeacutea a donc reacutevolutionneacute le commerce du meuble en creacuteantdes grandes surfaces vendant des meubles agrave emporter Outre le conditionnement enpaquets plats les consommateurs sont eacutegalement attireacutes par ce qursquoIkeacutea considegravere commele laquo design deacutemocratique raquo Apregraves une dizaine drsquoanneacutees drsquoexistence la pression des concur-rents est telle qursquoIkeacutea se deacutecide agrave deacutevelopper ses propres modegraveles Depuis lors Ikeacutea estdevenu creacuteateur de modegraveles au design innovant Lrsquoenseigne sueacutedoise dispose drsquoune entiteacutejuridique pour creacuteer ses modegraveles en interne et a parfois recours agrave des cabinets de desi-gners Afin de faire respecter sa politique globale du prix Ikeacutea implique degraves les premiegraveresesquisses de produit lrsquoensemble des services du groupe agrave savoir les designers et deacuteve-loppeurs de produits les services mateacuteriaux et la logistique De cette maniegravere chaquepartie travaille de maniegravere agrave respecter le prix deacutetermineacute pour chaque produit Les desi-gners travaillent eacutegalement en eacutetroite collaboration avec les fabricants afin de trouver desmeacutethodes de production ingeacutenieuses compte tenu des processus de fabrication existantsIkeacutea a ainsi structureacute les attentes des consommateurs Ainsi si dans les anneacutees 1980 lrsquointeacute-rieur des Franccedilais est plutocirct traditionnel aujourdrsquohui il est plutocirct jeune et design Ikeacutea a sueacutegalement deacutevelopper un avantage concurrentiel au niveau de lrsquointerface consommateurDegraves les anneacutees 1950 Ikeacutea a offert agrave ses clients de voir et toucher les meubles avant de lesacheter Agrave son arriveacutee en France lrsquoagencement des magasins Ikeacutea est un concept inno-vant il est penseacute autour drsquoun parcours imposeacute Le client deacutebute la visite par le salon et vade piegravece en piegravece pour finir par les articles de cuisine de deacutecoration les bougies ou lesplantes Cela a eacuteteacute vraiment veacutecu comme une innovation par les clients franccedilais Rien nepouvait leur eacutechapperIn fine le comportement pionnier drsquoIkeacutea reacuteside dans lrsquooriginaliteacute de son offre en termes deproduits (meuble en kit conditionneacute agrave plats au design brancheacute agrave prix accessible) et eacutegale-ment dans son organisation industrielle et commerciale (parcours du client preacutesentationdes produits en univers conception modulaire des produitshellip) Ces innovations bien quecopieacutees en France par Fly permettent agrave Ikeacutea de disposer drsquoune longueur drsquoavance Troisraisons expliquent la domination drsquoIkeacutea sur le marcheacute franccedilais du jeune habitatTout drsquoabord Ikeacutea deacutetient un leadership technologique en matiegravere de design de meublesde deacuteveloppement de services et drsquoorganisation commerciale Par exemple en internali-sant lrsquoactiviteacute de design lrsquoentreprise a deacuteveloppeacute une expertise qursquoil est difficile drsquoimiterDeacutesigner de nouveaux produits en conservant le conditionnement agrave plat et le kit est unecompeacutetence complexe Cette maicirctrise est telle qursquoIkeacutea est toujours en avance sur sesconcurrents Cela lui permet de srsquoengager dans une strateacutegie drsquoinnovation perpeacutetuelle Enfaisant se succeacuteder les innovations agrave un rythme eacuteleveacute lrsquoentreprise renouvelle reacuteguliegravere-ment les gammes de produits et maintient lrsquoattractiviteacute de lrsquoenseigne aupregraves de ses clientsEnsuite Ikeacutea a preacuteempteacute certains actifs Ainsi les designers de meubles sont des personnes

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La typologie des deacutecisions permet de mesurer la diversiteacute comme les difficulteacutesinheacuterentes aux choix auxquels les managers sont confronteacutes Cependant la deacutecisionne peut ecirctre exclusivement abordeacutee sous lrsquoangle du choix elle est aussi un chemine-ment une succession drsquoeacutetapes En drsquoautres termes il convient drsquoanalyser les eacutetapesqui composent le processus deacutecisionnel

Si lrsquoon pose que la deacutecision consiste en un problegraveme (dont les composants sontplus ou moins connus) des options (dont la pertinence deacutepend de la capaciteacute agrave traiterle problegraveme et des critegraveres retenus) des conseacutequences attacheacutees aux diffeacuterentesalternatives un choix une eacutevaluation et un apprentissage il semble possible de deacuteci-der de faccedilon rationnelle Dans ce cas le deacutecideur doit proceacuteder agrave une analyse appro-fondie des composants du problegraveme identifier les diffeacuterentes solutions possibles eteacutevaluer les conseacutequences qui reacutesulteraient des diffeacuterents choix possibles Srsquoilprocegravede ainsi il sera en mesure de prendre la deacutecision optimale (la meilleure deacuteci-sion) et pourra finalement eacutevaluer les effets de sa deacutecision et en tirer des enseigne-ments Crsquoest ainsi qursquoune bonne deacutecision peut ecirctre consideacutereacutee comme une deacutecisionprise selon un processus rationnel

Or selon Simon (1983) laquo pour lrsquoindividu comme pour lrsquoorganisation prendre desdeacutecisions consiste presque toujours agrave chercher et agrave adopter des solutions satisfaisan-tes Ce nrsquoest qursquoexceptionnellement que la prise de deacutecision consiste agrave deacutecouvrir etagrave adopter des solutions optimales raquo Ainsi lrsquoimprobabiliteacute drsquoadopter un processus dedeacutecision rationnel provient selon Simon de trois principaux facteurs La rationaliteacutedu deacutecideur est limiteacutee par ses capaciteacutes cognitives par ses valeurs et ses motiva-tions et par lrsquoinformation mobiliseacutee dans le processus

En effet les capaciteacutes cognitives (de traitement de lrsquoinformation) du deacutecideur limi-tent lrsquoanalyse de lrsquoensemble des dimensions qui composent un problegraveme et nepermettent pas drsquoentrevoir lrsquoensemble des solutions possibles Par exemple face agraveun problegraveme donneacute les speacutecialistes fonctionnels tendent agrave lrsquoanalyser sous lrsquoangle deleur expertise (le problegraveme relegraveve plutocirct de la finance pour les financiershellip) Il

tregraves qualifieacutees dont la valeur sur le marcheacute du travail est eacuteleveacutee Agrave ce titre les designersconstituent des ressources rares qursquoIkeacutea srsquoest en partie approprieacutees Eacutevidemment il estpossible de trouver des designers sur le marcheacute du travail mais ceux-ci nrsquoont peut-ecirctre pasle talent et la creacuteativiteacute de ceux qui travaillent pour Ikeacutea Les emplacements geacuteographiquesconstituent eacutegalement des ressources rares Ikeacutea a positionneacute ses magasins dans les zonesde chalandise les plus denses limitant ainsi le risque de concurrence locale Enfin Ikeacutea parson image drsquoentreprise pionniegravere est devenue une reacutefeacuterence pour les consommateurs Cesderniers associent immeacutediatement le nom de lrsquoenseigne agrave des produits drsquoameublementoriginaux et accessibles agrave des points de vente agreacuteable agrave fort contenu en termes de servi-ces (restauration garderiehellip) En cela Ikeacutea structure faccedilonne les attentes des consomma-teurs et dicte les regravegles ce qui constitue une force redoutable dans un marcheacute drsquooffre

Extrait de RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation et comportement strateacutegiquele cas du couple Ikeacutea-Fly raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Le management strateacutegique 2

Concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

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reacutesulte de cette limitation cognitive des effets de simplification qui conduisent agraveadopter des deacutecisions deacutejagrave expeacuterimenteacutees par le passeacute Ainsi les managers recourentagrave leur expeacuterience pour analyser les problegravemes Ce faisant ils identifient de faussessimilariteacutes entre les situations passeacutees et actuelles et puisent dans leur portefeuille deproblegravemes et de solutions laquo precirctes agrave lrsquousage raquo pour un problegraveme en reacutealiteacute ineacuteditEnsuite la rationaliteacute est limiteacutee par les valeurs et les motivations fluctuantes dudeacutecideur Mecircme si le deacutecideur nrsquoen a pas conscience elles influencent son processusde deacutecision Ainsi les managers peuvent valoriser des informations confirmatoiressur la base de nombreux critegraveres plus ou moins valables et justifieacutees (faciliteacute de miseen œuvre gains personnels valeurs moraleshellip) et eacuteliminer des informations contra-dictoires Enfin la rationaliteacute est limiteacutee par la disponibiliteacute et le coucirct de lrsquoinforma-tion En effet si la reacutesolution drsquoun problegraveme neacutecessite une activiteacute intense decollecte de traitement et drsquoanalyse de lrsquoinformation il ne faut pas exclure que ledeacutecideur nrsquoait pas accegraves agrave lrsquoinformation soit parce qursquoelle nrsquoexiste tout simplementpas soit parce qursquoelle est trop coucircteusehellip

In fine le processus de deacutecision du manager est rarement rationnel Celui-ci est unideacuteal plus qursquoune reacutealiteacute Crsquoest ainsi que bien des managers deacutecident de faccedilon intui-tive se reacutefeacuterant agrave leur clairvoyance leur flair leur preacutemonition voire leur instinctLrsquointuition permettrait de voir au-delagrave des faits correspondrait agrave une sorte desixiegraveme sens qui permettrait drsquoavoir une connaissance preacutealable des eacutevegravenementsfuturs (par exemple lrsquoeacutemergence drsquoun marcheacute agrave fort potentiel) Bertrand Collombqui a preacutesideacute aux destineacutees de Lafarge a ainsi expliqueacute dans un entretien que la deacuteci-sion drsquoacheter une usine en Allemagne de lrsquoEst srsquoest faite de maniegravere intuitive Alorsque ses eacutequipes ne parvenaient pas agrave identifier les bons interlocuteurs qursquoelles nesavaient pas comment les choses allaient se deacuterouler et qui avait le pouvoir BertrandCollomb a reacutepondu laquo ils auront toujours besoin de ciment On devrait quand mecircmeessayer mecircme si on ne sait pas agrave qui on parle raquo Ainsi selon Shapiro et Spence(1997) lrsquointuition est laquo un processus holistique non conscient dans lequel les juge-ments sont porteacutes sans compreacutehension des regravegles ou du savoir mobiliseacute pour lrsquoinfeacute-rer et qui peut entraicircner un sentiment de certitude malgreacute lrsquoimpossibiliteacute drsquoenjustifier la raison raquo En drsquoautres termes la deacutecision intuitive se caracteacuterise par troisdimensions la vitesse drsquoexeacutecution (par opposition aux deacutecisions agrave fort contenuanalytique) lrsquoinconscience (par opposition aux deacutecisions dont les structures sous-jacentes apparaissent logiques pour le sujet) et la confiance dans la deacutecision (issuedrsquoun sentiment de certitude tregraves fort quant agrave lrsquooccurrence de lrsquoeacutevegravenement qui la justi-fie)

La deacutecision est donc au cœur de lrsquoactiviteacute du manager Pour autant elle est rare-ment un processus strictement individuel Et il est freacutequent que les collaborateurssoient ameneacutes agrave travailler collectivement pour aider lrsquoeacutequipe dirigeante agrave prendredes deacutecisions Le travail en eacutequipe constitue ainsi un levier manageacuterial agrave ne pas sous-estimer

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4 Le travail en eacutequipe

Le travail en eacutequipe peut constituer une veacuteritable technique de management Srsquoilpermet de stimuler lrsquoengagement des employeacutes drsquoenrichir leur travail et de susciterleur creacuteativiteacute il est aussi un moyen de faire travailler ensemble des personnes defonctions de niveaux hieacuterarchiques drsquoexpeacuteriences et de formations diffeacuterents Lesbeacuteneacutefices de cette transversaliteacute verticale et horizontale sont multiples une plusforte coheacutesion dans lrsquoentreprise lrsquoameacutelioration de la coopeacuteration lrsquoenrichissementdes connaissances respectiveshellip Il en reacutesulte un ultime avantage la synergie crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutequipe est capable drsquoobtenir des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux qursquoauraient puobtenir les membres isoleacutement

Les eacutequipes de travail doivent ecirctre assimileacutees agrave des groupes formels temporaires(ils se dissolvent agrave lrsquoissue de leur mandat) etou continus (ils existent de faccedilonpermanente et relegravevent de la structure de lrsquoentreprise) Elles reacuteunissent des individuslieacutes par un objectif commun qui collaborent pour lrsquoatteindre et en assument laresponsabiliteacute En constituant des eacutequipes semi-autonomes lrsquoentreprise valoriselrsquoautocontrocircle lrsquoautonomie des deacutecisions et la responsabilisation

Repegraveres Lrsquoexemple des eacutequipes de travailvirtuelles

Le deacuteveloppement des systegravemes drsquoinformation et lrsquointensification des strateacutegies drsquointerna-tionalisation des entreprises ont acceacuteleacutereacute la laquo virtualisation raquo du travail Ainsi les eacutequipesvirtuelles se caracteacuterisent notamment par leur dispersion geacuteographique (les individus sonteacuteparpilleacutes partout dans le monde) Et cela procure certains avantages non neacutegligeables Auniveau organisationnel la virtualiteacute permet drsquoassurer la proximiteacute des clients au niveaulocal et lrsquooptimisation des compeacutetences au niveau global Au niveau humain les individusappreacutecient lrsquoautonomie les responsabiliteacutes les initiatives la liberteacute et lrsquoenrichissement queconfegravere la virtualiteacute Malgreacute ces avantages la distance physique est susceptible drsquoengen-drer lrsquoinsatisfaction et un certain stress des membres compte tenu des difficulteacutes de circu-lation drsquoinformations des horaires de travail parfois deacutecaleacutes du relatif flou dans lefonctionnement organisationnelhellip Les membres ont aussi parfois le sentiment de laquo courirapregraves les informations raquo que tous ne sont pas au mecircme niveau de connaissanceshellip Enoutre la distance physique qui seacutepare les acteurs creacutee souvent un problegraveme de socialisa-tion Les discussions informelles et les interactions sociales classiques (comme les eacutechan-ges lors de la pause-cafeacute dans les couloirs etc) sont en effet quasiment inexistantesLrsquoabsence de socialisation peut donc engendrer un sentiment drsquoisolementDans un tel contexte de travail les enjeux de management sont consideacuterables Favier etCoat (2002) suggegraverent un management agrave distance articuleacute autour de trois axes les indivi-dus lrsquoobjet et les liens Tout drsquoabord les membres des eacutequipes virtuelles doivent posseacutedercertaines qualiteacutes professionnelles La premiegravere est lrsquoindeacutependance car les acteurstravaillent le plus souvent en autonomie ndash ce qui suppose une certaine maturiteacute profes-sionnelle Ils doivent eacutegalement avoir acquis une compeacutetence et une expertise solides et

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De multiples sujets de reacuteflexion dans lrsquoentreprise (le lancement drsquoun produitlrsquoeacutelaboration drsquoune charte lrsquoameacutelioration des processus drsquoorganisation la certifica-tion qualiteacute le traitement drsquoune crisehellip) peuvent donner lieu agrave la constitution degroupes (ou eacutequipes) de travail Ceux-ci se voient alors attribuer la responsabiliteacutedrsquoun projet Trois principaux modes de gestion des eacutequipes de travail existent Cesont les modegraveles de coordination drsquointeacutegration et de coopeacuteration

Dans le premier modegravele les individus interviennent de faccedilon isoleacutee et leur contri-bution est faiblement deacutependante de celle des autres (figure 31)

Figure 31 mdash Le modegravele de coordination

Ce modegravele se caracteacuterise par une deacutemarche seacutequentielle car les eacutequipes se succegrave-dent Le projet ressemble agrave une course de relais ougrave les fonctions se passent leteacutemoin Dans ce mode de gestion lrsquoeacutequipe de travail reste limiteacutee aux membresdrsquoune mecircme fonction Ainsi le deacuteveloppement drsquoune nouvelle offre suppose lrsquointer-vention de plusieurs eacutequipes Le projet exige plusieurs expertises compleacutementaires(ingeacutenierie production marketing distributionhellip) Suivant cette logique de fonc-tionnement chacun contribue au projet selon son domaine de compeacutetence et ceindeacutependamment des autres

reconnues au niveau organisationnel Ces deux qualiteacutes leur permettent de jouer un rocirclesocial et eacuteconomique au sein de lrsquoeacutequipe Ensuite lrsquoobjet de lrsquoeacutequipe constitue un facteurunificateur Comme dans des groupes classiques la deacutefinition de la mission et des tacircchesrespectives constituent des facteurs de motivation du groupe Lrsquoobjet repreacutesente donclrsquoeacuteleacutement structurant de lrsquoeacutequipe (car les eacutequipes virtuelles eacutechappent parfois aux normesaux regravegles et aux ajustements de leur organisation du fait de leur eacuteloignement) Crsquoestpourquoi il se deacutecline par une mission claire et partageacutee qui se reacutealise par des tacircches inter-deacutependantes et produit des reacutesultats concrets qui marquent le terme du processus Enfindans ce modegravele les liens ou les interactions entre les membres drsquoeacutequipes se font agrave lrsquoaide delrsquoenvironnement technologique Des moyens de teacuteleacutecommunications plus ou moinssophistiqueacutes doivent ecirctre mis en place (messagerie instantaneacutee courriel ou videacuteoconfeacute-rence) afin de faciliter la communication et la circulation des informations entre lesmembres de lrsquoeacutequipe virtuelle

Agrave partir de KARJALAINEN H et SOPARNOT R laquo Geacuterer les eacutequipes virtuelleset multiculturelles quel rocircle pour le manager raquo 30e Congregraves de lrsquoAssociation

des sciences administratives du Canada (ASAC) 2009

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Le modegravele de lrsquointeacutegration permet une plus forte coopeacuteration En effet les experti-ses respectives sont inteacutegreacutees et combineacutees dans le cadre du deacuteroulement du projet(figure 32)

Figure 32 mdash Le modegravele drsquointeacutegration

Il y a ici une plus grande interdeacutependance des compeacutetences car de cette combinai-son deacutecoule la reacuteussite du projet Lrsquointeacutegration est assureacutee par un chef de projet ilest le garant de la bonne gestion des compeacutetences Pour cela il utilise et gegravere unreacuteservoir drsquoexpertises Par exemple placeacutee sous la responsabiliteacute drsquoun animateur lacreacuteation drsquoune charte des valeurs peut mobiliser des individus en provenance deplusieurs deacutepartements de lrsquoentreprise

Enfin le modegravele de la coopeacuteration impose aux acteurs de travailler ensemble surles diffeacuterents aspects du projet ils le co-construisent au fil de leurs interactions(figure 33)

Figure 33 mdash Le modegravele de coopeacuteration

Dans ce mode drsquoorganisation les acteurs repreacutesentent des champs drsquoexpertisespeacutecifique mais la confrontation des reacuteflexions conduit agrave lrsquoameacutelioration du projet en

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termes de qualiteacute coucirct et deacutelais comme agrave une plus grande intercompreacutehension Dansce modegravele la coopeacuteration entre les acteurs est indispensable En effet chaque expertdoit deacutepasser son champ de perception du projet (problegravemes potentiels solutionspossibles objectifs agrave poursuivrehellip) pour appreacutehender et prendre en consideacuterationcelles des autres membres du groupe Les eacutequipes constitueacutees sont ici interfonction-nelles Citons pour exemple le deacuteveloppement de lrsquooffre i-Mode par Bouygues Teacuteleacute-com Celui-ci a conduit agrave la creacuteation drsquoun plateau projet isoleacute du reste delrsquoorganisation et reacuteunissant plusieurs expertises (marketing distribution ingeacutenierieeacutedition de contenu Internet fabrication de terminaux mobiles qualiteacutehellip) Quelleque soit la phase du projet chaque meacutetier eacutetait solliciteacute indeacutependamment de sonexpertise Ainsi un ingeacutenieur avait son mot agrave dire sur des choix de marketing etinversement

Afin drsquoaccroicirctre lrsquoefficaciteacute du fonctionnement de lrsquoentreprise le manager peutenvisager le travail en eacutequipe et constituer des groupes projets Il pourra le faire defaccedilon occasionnelle en fonction des reacuteflexions en cours ou instituer ce mode drsquoorga-nisation (cf les structures par projet) Dans lrsquooptique drsquoune gestion collective despersonnes le dirigeant peut eacutegalement agir sur le registre symbolique et construireun reacutefeacuterentiel de valeurs partageacutees

5 La culture drsquoentreprise

Toute entreprise revecirct une dimension symbolique qui lui est propre et la diffeacuteren-cie des autres Ces symboles forment la culture de lrsquoentreprise deacutefinie commelrsquoensemble des valeurs gracircce auxquelles les membres drsquoune organisation acquiegraverentune identiteacute collective La culture nrsquoexiste donc pas en dehors des individus autre-ment dit ceux-ci inteacuteriorisent les valeurs (ils en ont plus ou moins conscience) et lespartagent Et crsquoest cela qui les unit Ainsi pour Theacutevenet (1993) la culture laquo est unensemble drsquohypothegraveses de base et drsquoeacutevidences partageacutees par les membres drsquouneorganisation opeacuterant parfois de faccedilon inconsciente construites au cours de lrsquohistoirepour faire face aux problegravemes rencontreacutes par lrsquoentreprise raquo

Dans cette optique lrsquoentreprise forme une communauteacute un clan Pour ecirctre pluspreacutecis elle est en fait une mosaiumlque culturelle car elle heacuterite de valeurs provenant dela culture nationale et des cultures professionnelles (ingeacutenieurs technicienscommerciaux creacuteatifshellip) Cet heacuteritage contribue agrave faccedilonner la culture organisation-nelle dont les composantes sont multiples Il est courant de distinguer les signescrsquoest-agrave-dire les manifestations de la culture et les valeurs qui en sont les fonde-ments Les signes renvoient au code vestimentaire au vocabulaire agrave lrsquoameacutenagementdes bureaux (comme la direction aux eacutetages supeacuterieurs) agrave une charte interne(comme les engagements envers les clients) agrave un style architectural (comme unsiegravege social dont lrsquoarchitecture correspond agrave une pyramide inverseacutee)hellip Tous ceseacuteleacutements ne sont pas neutres ils expriment la volonteacute manageacuteriale de montrer lesparticulariteacutes de lrsquoorganisation Pour autant ces signes ne sont qursquoun reflet imparfait

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de la culture drsquoune entreprise car ils reposent sur des valeurs Celles-ci se situentdonc agrave un niveau plus profond de la culture Bien qursquoelles ne soient pas immeacutediate-ment visibles elles sont repeacuterables dans le discours des membres de lrsquoentrepriseLeur rocircle est central En reacuteduisant lrsquoincertitude et la complexiteacute de la reacutealiteacute ellesfournissent aux individus des informations geacuteneacuterales quant agrave la maniegravere de raison-ner drsquointerpreacuteter les situations de les juger et drsquoy faire face Dans les cultures forteset coheacutesives ces valeurs sont tellement inteacuterioriseacutees qursquoelles forment des eacutevidencesparfois une veacuteritable ideacuteologie Aussi trouvent-elles leur origine dans les mythes lesrites et les tabous Les mythes sont des reacutecits eacuterigeacutes en leacutegende ils se reacutefegraverentsouvent agrave lrsquohistoire de lrsquoentreprise agrave sa creacuteation et aux actes de ses heacuteros La leacutegendede Francis Bouygues qui a fondeacute un empire en partant de rien en est un exempleDe mecircme le refus drsquoun portier de laisser rentrer le preacutesident drsquoIBM ThomasWatson J-R car il nrsquoavait pas son badge est censeacute montrer que la regravegle est la mecircmepour tous Les rites sont des pratiques qui permettent agrave un individu drsquointeacutegrer lacommunauteacute ou drsquoen sortir Ils servent agrave affirmer lrsquoexistence du clan sa coheacutesion etson uniteacute aux yeux de ses membres Enfin les tabous renvoient agrave ce que chacun saitmais dont il ne faut pas parler Ces tabous sont refouleacutes car ils mettent en danger lesvaleurs fondatrices de lrsquoentreprise

Repegraveres Les fondements culturels de la Compa-gnie des services peacutetroliers (CSP)

La CSP est une socieacuteteacute indeacutependante speacutecialiseacutee dans les services drsquoexploration et drsquoexploi-tation peacutetroliegravere (la reacutealisation drsquoeacutetudes visant agrave identifier des reacuteserves en hydrocarbure surterre ou en mer et la fabrication de mateacuteriels eacutelectroniques et eacutelectromeacutecaniques) Ellecompte aujourdrsquohui 3 500 personnes pour un chiffre drsquoaffaires drsquoenviron 500 millionsdrsquoeuros Ses principaux clients sont les compagnies peacutetroliegraveres du monde entier De ce faitla CSP est implanteacutee internationalement agrave travers un reacuteseau drsquoagences locales qui ont laresponsabiliteacute de conduire les laquo missions raquo (se rendre sur le terrain pour reacutealiser les eacutetudes)et a son siegravege en reacutegion parisienne La conduite des missions drsquoeacutetude sur le terrain esteffectueacutee par une cateacutegorie de personnel particulier agrave la CSP les laquo prospecteurs raquo Cesderniers beacuteneacuteficient drsquoune reacuteelle reconnaissance en interne On impute ainsi la perfor-mance de la CSP (une entreprise franccedilaise indeacutependante face aux geacuteants ameacutericains dusecteur qui a en outre reacutesisteacute aux crises qui secouent reacuteguliegraverement le secteur) agrave lrsquoexcel-lence technique de ses prospecteursEcirctre prospecteur agrave la CSP est un passage quasi-obligeacute pour les ingeacutenieurs et les techni-ciens Drsquoailleurs la plupart des directeurs ont commenceacute comme prospecteur Car crsquoest surle terrain qursquoon repegravere les meilleurs collaborateurs Sur le terrain le travail technique dansdes zones difficiles et les conditions parfois rudes forgent le caractegravere les qualiteacutes humai-nes et lrsquoexpertise technique des prospecteurs Ainsi un prospecteur peut ecirctre envoyeacute dujour au lendemain drsquoun bout agrave lrsquoautre du monde pour une mission Ce propos le souligneexplicitement laquo Un prospecteur qui est en mission en Indoneacutesie le lundi on lui dit jeudivous serez en Alaska Il prend son avion il va en Alaskahellip Un autre qui est en deacutetente au

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La culture drsquoentreprise est donc un cadre symbolique agrave partir duquel peuvent secomprendre le niveau drsquoimplication des acteurs et leur attachement agrave lrsquoorganisationLorsqursquoelle est partageacutee par les employeacutes lrsquoentreprise deacuteveloppe sa propre logiqueses propres modes de penseacutee et drsquoaction Johnson (1988) considegravere que lrsquoentreprisese dote ainsi drsquoun veacuteritable paradigme cognitif Celui-ci se deacutefinit commelaquo lrsquoensemble des croyances et des hypothegraveses relativement communeacutement reacutepan-dues dans lrsquoorganisation consideacutereacutees comme allant de soi et perceptibles dans leshistoires et explications des managers qui joue un rocircle central dans lrsquointerpreacutetationdes stimuli environnementaux et dans la configuration des reacuteponses strateacutegiquesorganisationnellement pertinentes raquo (Johnson in Laroche et Nioche 1998)

milieu de sa deacutetente on lui dit deacutesoleacute faut que vous soyez agrave telle date agrave tel endroit Ilprend sa valise et il y va en ronchonnant de temps en temps mais il y va La Compagniedoit beaucoup agrave ce personnel qui est souvent tregraves attacheacute agrave la Compagnie raquo Le rite dupassage sur le terrain marque donc lrsquoappartenance au clan CSP et srsquoentoure drsquoune certainemythologie (lrsquoaventure la camaraderie la viriliteacute lrsquoaudace la deacutebrouillardise lrsquoadapta-tionhellip) Et crsquoest en mission sur le terrain qursquoon y acquiert lrsquoesprit CSP et que srsquoinculquent lesvaleurs fondatrices de solidariteacute de modestie et de disponibiliteacuteEt cette culture se traduit dans les pratiques manageacuteriales de lrsquoentreprise Le personnel eststable et lrsquoessentiel des salarieacutes fait toute sa carriegravere agrave la CSP (il nrsquoy a drsquoailleurs pas beau-coup drsquoopportuniteacutes en France et en Europe pour les prospecteurs) La reacutemuneacuteration estplus faible qursquoagrave la concurrence et eacutevolue selon lrsquoancienneteacute Mais la progression de carriegravereest assureacutee apregraves un passage en mission le prospecteur accegravede agrave un poste fonctionnelfixe au siegravege Les licenciements collectifs sont tregraves exceptionnels (on preacutefegravere demander dessacrifices temporaires au personnel) La hieacuterarchie est peu pesante et les systegravemes decontrocircle limiteacutes ce qui confegravere une grande autonomie au personnel La communication esteacutegalement essentiellement informelle et orale

Agrave partir de AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H et MICHEL S Management aspectshumains et organisationnels Eacutedition PUF 1999 et de laquo La CSP face au changement raquo

in JOHNSON G SCHOLES K WHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

Repegraveres La crise reacutevegravele les croyances profondesdes entreprises

Nul ne conteste que la crise eacuteconomique frappe durement les entreprises Tenons pourpreuve les deacutecisions drastiques prises par des dirigeants dont lrsquoentreprise affichait desperformances en hausse constante depuis plusieurs anneacutees Ainsi Sony qui depuisquatorze ans nrsquoa jamais perdu le moindre yen vient drsquoannoncer pour lrsquoexercice fiscal 2008-2009 une perte significative conduisant agrave lrsquoadoption drsquoun plan de reacuteduction des coucircts ndashplan qui devrait permettre drsquoeacuteconomiser 2 milliards drsquoeuros par an Et pour cela Sonypreacutevoit un vaste programme de preacuteretraites des licenciements en masse une baisse desprimes pour les administrateurshellip Prenons un autre exemple Microsoft qui depuis sa creacutea-tion en 1975 nrsquoavait jamais pris de mesures radicales sur lrsquoemploi srsquoest engageacute en janvier

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Dans les entreprises agrave culture drsquoentreprise fortement coheacutesive les individusdeviennent comme prisonniers tant leur investissement psychique est intenseLrsquoorganisation leur procure en effet des sentiments et des eacutemotions tregraves forts(lrsquoamour la haine le bonheur la tristessehellip) qui structurent leur ecirctre lrsquoidentiteacute delrsquoindividu puise en partie sa source dans celle de lrsquoentreprise Agrave travers les meacutecanis-

dernier agrave reacuteduire ses deacutepenses opeacuterationnelles de 15 milliard de dollars pour lrsquoanneacutee agravevenir Concregravetement cela signifie la suppression de 5 000 postes drsquoici 2010 soit 5 de seseffectifs mondiaux Agrave nrsquoen pas douter cette crise sans preacuteceacutedent conduit les entreprises agravereacuteviser en profondeur leur plan de deacuteveloppement et leur strateacutegie agrave long terme Et ceschangements de trajectoires sont parfois salutairesEn effet parfois et alors que manifestement tous les signaux reacutevegravelent lrsquoimpasse danslaquelle se trouvent certaines entreprises elles maintiennent le mecircme cap Cette inertiesrsquoexplique de multiples faccedilons les actifs sont trop speacutecialiseacutes et faiblement redeacuteployablesles qualifications et le potentiel des eacutequipes rendent difficile la mise en œuvre de nouvellesstrateacutegies des barriegraveres agrave la sortie font obstacle au redeacuteploiement de lrsquoentreprisehellip Maisbien souvent ce sont de mauvais raisonnements lieacutes agrave des croyances profondeacutementancreacutees dans lrsquoorganisation qui sont agrave lrsquoorigine de cette inertie Les dirigeants peuvent eneffet ne pas percevoir certains signaux en provenance de leur environnement (commelrsquoeacutemergence drsquoune nouvelle technologie lrsquoarriveacutee drsquoun concurrent avec une offre inno-vantehellip) les ignorer les sous-estimer et mecircme les interpreacuteter de maniegravere erroneacutee La situa-tion de quasi-faillite dans laquelle se trouvent les constructeurs ameacutericains ndash Ford Chrysleret Geacuteneacuteral Motors ndash en constitue une illustration parfaite Les Big Three ont connu desanneacutees prospegraveres en commercialisant sur leur marcheacute drsquoorigine des veacutehicules de grosgabarit (4x4 pick-up et grosse berline) rustiques et tregraves consommateurs drsquoessence Porteacutespar un creacutedit facile et un prix de lrsquoessence faible les acheteurs eacutetaient nombreux pour cesveacutehicules Mais ce succegraves les a conduits agrave leur perte Deux des Big Three ndash essentiellementGeacuteneacuteral Motors et Chrysler ndash se sont ainsi limiteacutes au marcheacute ameacutericain (Chrysler reacutealise90 de son activiteacute aux Eacutetats-Unis) et nrsquoont deacuteveloppeacute aucune reacuteelle compeacutetence enmatiegravere de conception et de fabrication de veacutehicules de petit gabarit agrave motorisation peupolluante et eacuteconomique en termes de consommation de carburant Et de lagrave vient leurvulneacuterabiliteacute Car lrsquoaugmentation progressive du prix de lrsquoessence et le resserrement ducreacutedit ont eu pour conseacutequence un ralentissement du marcheacute ameacutericain ndash il srsquoeacutelevaitapproximativement agrave 16 millions de veacutehicules en 2006 eacutetait de 132 millions en 2006 etdrsquoenviron 10 millions en 2008 ndash et une monteacutee en puissance non neacutegligeable de lademande ameacutericaine de veacutehicules de petit gabarit Prisonnier drsquoune expertise en concep-tion et fabrication de gros veacutehicules et quasi-absent des marcheacutes eacutetrangers Chrysler etGeacuteneacuteral Motors ne doivent leur survie qursquoagrave un precirct de 134 milliards de dollars par laMaison Blanche Mais cette somme ne leur permettra pas de survivre apregraves mars 2009Leur salut passe deacutesormais par une remise en cause radicale de leur strateacutegie une remiseen cause que seule une crise de cette ampleur rend possibleCette crise est eacutevidemment redoutable les entreprises y reacuteagissent agrave court terme enreacuteduisant leur structure de coucirct Mais elle est salutaire au moins sur un point elle acceacute-legravere la prise de conscience que les strateacutegies ne sont pas immuables et que les succegravespasseacutes ne conditionnent pas ceux de demain

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Le salut vient de la crise raquo ESCEM News mars 2009

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mes de lrsquoidentification (il fait partie drsquoelle) et de lrsquointrojection (elle fait partie de lui)la culture devient un ciment organisationnel qui maintient la coheacuterence interne etdiffuse des programmes mentaux comme des guides pour lrsquoaction

De ce fait la culture apparaicirct comme un levier de management Le dirigeant cher-che alors agrave faccedilonner les composants de la culture pour la rendre plus conforme agrave lastrateacutegie de lrsquoentreprisehellip il agit sur les signes et tente drsquoinfluer sur les valeursCertains dirigeants eacuteprouvent par exemple souvent le besoin de reacutediger une charteun projet drsquoentreprise afin de diffuser certaines valeurs fortes donc des programmesdrsquointerpreacutetation et drsquoaction (penser et agir conformeacutement aux valeurs) En lamatiegravere la prudence doit ecirctre de rigueur car lrsquoentreprise nrsquoest pas un laquo Lego raquo ellenrsquoest pas malleacuteable agrave souhait En effet la culture se forme et eacutevolue de faccedilonlaquo naturelle raquo selon des processus longs et aleacuteatoires Elle nrsquoobeacuteit agrave aucune loi et nese deacutetermine pas Les dirigeants qui pensent maicirctriser la culture de leur entreprise etla deacutefinir de faccedilon deacutelibeacutereacutee se trompent Crsquoest ainsi qursquoil convient drsquoeacutetablir unediffeacuterence entre la culture voulue (les signes et les valeurs promulgueacutees par la direc-tion) et la culture reacuteelle (les valeurs que partagent reacuteellement les salarieacutes) Il estcependant possible qursquoelles se confondent il nrsquoy aura alors pas de deacutecalage entre lareacutealiteacute et la volonteacute culturelles

In fine la culture de lrsquoentreprise repose sur un ensemble de signes et de valeurs quifont sa singulariteacute Elle constitue alors un meacutecanisme puissant drsquounification dessalarieacutes comme un moyen de guider leurs interpreacutetations et leurs deacutecisions Pourautant la culture ne se manipule pas aussi aiseacutement qursquoun outil et ne saurait agrave cetitre ecirctre un objet de la rationaliteacute manageacuteriale

LrsquoessentielLe troisiegraveme chapitre a permis tout drsquoabord lrsquoanalyse des facettes essentielles du compor-tement humain dans lrsquoentreprise La motivation et lrsquoimplication les jeux de pouvoir lestress au travail la coopeacuteration interindividuelle et lrsquoinfluence du groupe constituent desdimensions comportementales qursquoaucun manager drsquoeacutequipe ne saurait neacutegliger Ensuite ledomaine du management des personnes a eacuteteacute eacutetudieacute Ont eacuteteacute preacutesenteacutes les deux grandsprofils de dirigeant (le manager et le leader) les styles de commandement des eacutequipes laprise de deacutecision le travail en eacutequipe et la culture drsquoentreprise Les thegravemes abordeacutes dansce chapitre constituent finalement des points drsquoancrage pour une meilleure compreacutehensiondes comportements humains dans les organisations comme pour une meilleure gestion deseacutequipes et des personnes en situation de travailToutefois la vie des entreprises se caracteacuterise par des peacuteriodes de turbulence plus ou moinsfortes Toute entreprise est ainsi ameneacutee agrave un moment de son histoire agrave faire face agrave destransformations plus ou moins radicales de son environnement et agrave srsquoengager dans deschangements plus ou moins drastiques de ses caracteacuteristiques Ces changements organisa-tionnels preacutesentent certaines singulariteacutes qui sont traiteacutees dans un ultime chapitre

4Chapitre

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e changement des entreprises et dans les entreprises est un domaine drsquoactioncrucial pour les dirigeants et les managers intermeacutediaires En effet leur rocircle

est de maintenir une adeacutequation constante entre les caracteacuteristiques de lrsquoenvironne-ment et les capaciteacutes de lrsquoentreprise Or cet alignement devient plus difficileaujourdrsquohui car les ruptures externes se multiplient et srsquoacceacutelegraverent la globalisationdes marcheacutes lrsquointensification de la concurrence le deacuteveloppement des technolo-gieshellip ont pour effet de provoquer des renouvellements rapides et freacutequents descaracteacuteristiques environnementales et concurrentielles En contexte de turbulenceles managers sont donc freacutequemment ameneacutes agrave faire eacutevoluer la strateacutegie de lrsquoentre-prise la structure la culture les pratiques organisationnelles les outils et techniquesutiliseacuteshellip pour srsquoadapter en continu aux eacutevolutions du milieu et assurer la compeacuteti-tiviteacute de la firme sur le long terme Cependant le management du changement est unexercice deacutelicat (70 des programmes de changement se soldent par un eacutechec) etun moment fortement redouteacute par nombre de dirigeants

Cette moindre performance srsquoexplique drsquoune part par la grande complexiteacute quicaracteacuterise le pheacutenomegravene de changement dans les organisations et drsquoautre part parles difficulteacutes qursquoengendre sa gestion Lrsquoobjet de la premiegravere section est donc drsquoiden-tifier les diffeacuterentes dimensions du changement La seconde se consacre agrave lrsquoeacutetudedes diffeacuterentes approches en matiegravere de conduite du changement organisationnel

Section 1 Les dimensions du changement organisationnelSection 2 La conduite du changement organisationnel

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Le changement organisationnel

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LES DIMENSIONS DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Les multiples dimensions du changement organisationnel imposent drsquoen deacutefinirles angles drsquoanalyse possible Afin drsquoen saisir les singulariteacutes Pettigrew (1985)propose un modegravele triadique (figure 41) pour lequel la dynamique du changementorganisationnel doit ecirctre comprise agrave partir de trois dimensions le contexte leprocessus et le contenu

Figure 41 mdash Le modegravele triadique du changement organisationnel

Le contexte correspond agrave lrsquoensemble des facteurs susceptibles drsquoinfluencer la deacuteci-sion de changement Il srsquoanalyse en deux temps Il caracteacuterise lrsquoenvironnement sur leplan eacuteconomique reacuteglementaire concurrentielhellip et lrsquoorganisation aux niveauxculturel structurel de la reacutepartition du pouvoirhellip Le processus caracteacuterise la vieconcregravete du changement Il reacutesulte des interactions (souvent politiques) entre lesacteurs concerneacutes par le pheacutenomegravene ceux-ci pouvant ecirctre membres ou non delrsquoorganisation Enfin le contenu concerne la nature du changement Ainsi la strateacute-gie la structure le systegraveme sociotechnique la culturehellip sont susceptibles drsquoecirctremodifieacutes Cette section traite de ces trois dimensions et aborde eacutegalement le thegravemede la reacutesistance au changement

Section 1

Actions reacuteactions et interpreacutetations entre les diffeacuterentes parties concerneacuteespar la transformation

Environnement social eacuteconomique commercial et politique dans lequel lrsquoentreprise opegravere

Structure culture organisationnelle et configuration des pouvoirs

Domaines soumis agrave transformation

ProcessusContenu

ContexteExterne

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1 Les facteurs de changement

Selon March (1981) laquo ce que nous appelons changements organisationnels est unensemble de reacuteponses concordantes par diverses parties de lrsquoorganisation agrave diversesparties interconnecteacutees de lrsquoenvironnement raquo Ainsi le changement correspond aupassage drsquoun eacutetat actuel agrave un eacutetat deacutesireacute drsquoune situation originale jugeacutee inadeacutequateagrave une autre consideacutereacutee comme eacutetant plus adapteacutee qui reacutepond mieux aux exigencesdu milieu ou aux nouvelles aspirations des dirigeants Le changement trouve donc sasource dans lrsquoenvironnement (contexte externe) comme au sein de lrsquoentreprise(contexte interne)

Chandler (1972) a montreacute que le changement avait souvent pour origine lrsquoenviron-nement En effet les crises constituent des points de rupture obligeant lrsquoentreprise agraveajuster sa strateacutegie comme sa structure Ces facteurs drsquoeacutevolution sont multiples Ilpeut srsquoagir des innovations technologiques de la mondialisation des marcheacutes desdeacutereacuteglementationshellip Portons notre attention sur ces trois facteurs

Les technologies reacutegissent le fonctionnement de nombreux aspects des entrepri-ses les techniques de production la nature de lrsquooffre les meacutethodes drsquoorganisationet de communicationhellip Les innovations technologiques provoquent deux effetsimportants elles rendent obsolegravetes les technologies en place et permettentdrsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des processus des firmes Pour ces raisons cesderniegraveres doivent souvent acceacuteder aux nouvelles technologies au risque de se fairedeacutepasser par leurs concurrents Leur adoption impose alors de conduire des change-ments lieacutes agrave leur inteacutegration dans le systegraveme drsquoorganisation existant

La mondialisation des marcheacutes se reacutefegravere agrave la geacuteographie de la vie des affairesLrsquoabaissement des barriegraveres douaniegraveres lrsquoeacutemergence de zones eacuteconomiques eacutelargies(ALENA UE APEChellip)hellip ont pour effet de modifier le terrain de jeu des entrepri-ses Il est courant drsquoeacutevoquer le village mondial pour le qualifier Si cela signifie queles entreprises voient leur nombre de clients potentiels augmenter substantiellementil en est de mecircme pour leurs concurrents Sous lrsquoeffet drsquoune concurrence deacutesormaisinternationale les entreprises modifient le plus souvent leur strateacutegie compeacutetitiveleur systegraveme drsquooffre leur structurehellip

Les deacutereacuteglementations se reacutefegraverent agrave la limitation de lrsquointervention de lrsquoeacutetat dans lavie eacuteconomique LrsquoUnion europeacuteenne a ainsi promulgueacute de nombreuses lois qui ontdeacutereacuteglementeacute certains secteurs comme la teacuteleacutephonie la distribution des eacutenergies letransport aeacuterienhellip Ces deacutecisions incitent les entreprises agrave renouveler leur strateacutegie etleur organisation car des concurrents et des produits nouveaux apparaissent desguerres de prix se deacuteclenchent des rapprochements srsquoopegraverenthellip

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Repegraveres Reacuteglementation automobile en matiegravere environnementale et deacutevelop-pement des technologies eacutecologiques

Au niveau mondial les pays signataires du protocole de Kyoto ouvert agrave ratification en1998 se sont engageacutes agrave reacuteduire drsquoici 2010 leurs eacutemissions de CO2 de 8 par rapport agrave leurniveau de 1990 Dans le cadre de ce protocole la France srsquoest engageacutee agrave lrsquohorizon 2010 agrave nepas eacutemettre plus de gaz agrave effet de serre (GES) qursquoelle nrsquoen eacutemettait en 1990 Une des priori-teacutes porte sur le secteur des transports la voiture individuelle totalisant la moitieacute deseacutemissions du secteur Au niveau europeacuteen degraves 1992 des normes drsquoeacutemission de polluantssont instaureacutees fixant les limites maximales de rejets polluants pour les veacutehicules neufsConsciente que les veacutehicules particuliers sont responsables drsquoune quantiteacute importante deseacutemissions de CO2 dans lrsquoUnion europeacuteenne (UE) lrsquoAssociation des constructeurs automobi-les europeacuteens (ACAE) a conclu en 1998 avec lrsquoUE un accord volontaire de reacuteduction deseacutemissions de CO2 des veacutehicules Lrsquoaccord vise agrave reacuteduire les eacutemissions de 25 en 2008 parrapport au niveau constateacute en 1995 soit 140 grammes par kilomegravetre (gkm) contre186 gkm en 1995 et preacutevoit mecircme une nouvelle eacutetape en 2012 avec une diminution de35 suppleacutementaire (120 gkm) En 1999 lrsquoinitiative de lrsquoACAE a eacuteteacute suivie par les cons-tructeurs automobiles japonais et coreacuteens regroupeacutes respectivement au sein de la JAMA etla KAMA deux associations de constructeurs automobiles Ainsi la monteacutee en puissancedes enjeux environnementaux dans le secteur automobile srsquoest traduite par lrsquoeacutemergencede plusieurs technologies eacutecologiquesAvant lrsquoarriveacutee de la technologie hybride se sont deacuteveloppeacutees certaines filiegraveres de substitu-tion Le GNV (gaz naturel pour veacutehicule) et le GPL (gaz peacutetrole liqueacutefieacute) ont ainsi capteacutelrsquoattention de quelques constructeurs Si ces carburants alternatifs connaissent un reacuteelsuccegraves dans certains pays (Italie Argentine Turquie et Pays-Bas avec environ 1 milliondrsquoutilisateurs par pays) ils demeurent minoritaires en France Ainsi malgreacute les effortsdrsquoeacutequipement de stations en GPL le reacuteseau est largement surdimensionneacute compte tenudes 180 000 convertis Toutefois la technologie la plus mucircre et la plus aboutieaujourdrsquohui est probablement la technologie hybrideUn veacutehicule hybride associe un moteur agrave essence classique (thermique) et un moteur eacutelec-trique Le veacutehicule alterne des phases de conduite purement eacutelectrique et des phases deconduite purement thermique En fait le moteur thermique nrsquoest pas utiliseacute lorsqursquoil setrouve en condition de faible rendement notamment dans la phase de deacutemarrage En villeet agrave vitesse reacuteduite le moteur eacutelectrique est actionneacute et degraves que la voiture acceacutelegravere lemoteur agrave essence prend le relais En usage hybride il faut environ 1 000 km pour vider lereacuteservoir Enfin les moteurs hybrides permettent geacuteneacuteralement de reacutecupeacuterer lrsquoeacutenergienotamment lors du freinage ou en descente (le moteur eacutelectrique se transforme alors engeacuteneacuterateur) Lrsquointeacuterecirct de la technologie hybride est double Drsquoune part le systegraveme geacutenegravereune faible consommation de carburant et drsquoautre part il est plus respectueux de lrsquoenviron-nement (les eacutemissions de CO2 sont infeacuterieures agrave tout autre veacutehicule de la mecircme cateacutegorie)La motorisation hybride ne fait cependant pas lrsquounanimiteacute chez les constructeurs automo-biles et plusieurs options technologiques ont eacuteteacute (et sont) expeacuterimenteacutees par ces derniersTout drsquoabord on trouve la motorisation hybride diesel-eacutelectrique Fonctionnant sur le

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Toutefois les facteurs externes seuls ne suffisent pas agrave expliquer lrsquoimpulsion deschangements En effet le contexte interne composeacute de la structure la culture et lesrelations de pouvoir joue un rocircle deacuteterminant dans la perception et lrsquointerpreacutetationdes facteurs externes Si tel nrsquoeacutetait pas le cas les entreprises adopteraient des chan-gements similaires ndash ce qui nrsquoest pas toujours le cas Autrement dit lrsquoorigine duchangement ne peut ecirctre attribueacutee de faccedilon exclusive agrave des facteurs externes car lesmanagers sont ceux qui en derniegravere instance et sous lrsquoinfluence du contexte interneinterpregravetent les eacutevegravenements leur accordent ou non de lrsquoimportance et opegraverent unchoix

mecircme principe que lrsquohybride essence-eacutelectrique elle est largement favoriseacutee par les cons-tructeurs europeacuteens le diesel eacutetant plus reacutepandu en Europe Le biocarburant est eacutegale-ment une technologie eacutecologique alternative Il se preacutesente sous plusieurs formes tellesque les huiles veacutegeacutetales le biodiesel au colza ou lrsquoeacutethanol Il existe deux maniegraveres drsquoutiliserle biocarburant dans les moteurs soit on adapte le biocarburant au moteur soit lemoteur est configureacute de maniegravere agrave accepter le biocarburant Lrsquoune des contraintes est quele biocarburant est encore rare dans les circuits de distribution Un autre moyen de roulerde maniegravere eacutecologique est drsquoutiliser un systegraveme flexible qui combine essence et biocarbu-rant Enfin lrsquohydrogegravene peut ecirctre utiliseacute soit en tant que carburant soit en tant que vecteurdrsquoeacutenergie dans une pile agrave combustible Agrave long terme tous les constructeurs srsquoaccordent agravedire que la pile agrave combustible sera la meilleure technologie eacutecologique pour reacutepondre auxcontraintes environnementales Enfin nrsquooublions pas la motorisation totalement eacutelectri-que qui bien qursquoancienne demeure une technologie prometteuse pour certains Ainsi lesgroupes Bolloreacute et Dassault travaillent sur des batteries qui devraient permettre une auto-nomie plus grande du veacutehicule (entre 250 et 500 kilomegravetres) et une puissance du moteursupeacuterieure ( jusqursquoagrave 130 kmheure) agrave ce qui srsquoest fait jusque-lagrave

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produit et strateacutegiede premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance avec la Prius raquo

Atelier de cas peacutedagogique Cas en management strateacutegique CNAM Paris mars 2008

Repegraveres Les strateacutegies de Honda et PSA sur lesegment des voitures eacutecologiques

Lrsquoanneacutee 2007 marque le dixiegraveme anniversaire du lancement de la premiegravere voiture hybridede seacuterie ainsi que le leadership de Toyota sur le marcheacute des voitures eacutecologiques Apregravesavoir vendu plus drsquoun million de veacutehicules hybrides dans le monde dont plus de 100 000en Europe Toyota vise agrave preacutesent des ventes annuelles drsquoun million degraves 2010 dans le mondeEn deacuteveloppant la Prius Toyota a creacuteeacute un nouveau segment de veacutehicules Face agrave cette inno-vation la vitesse de reacuteaction des concurrents a eacuteteacute variable Si certains ont rapidementengageacute des ressources pour imiter Toyota drsquoautres ont preacutefeacutereacute attendre que le marcheacute desvoitures eacutecologiques prenne veacuteritablement son envol

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Honda srsquoest rapidement lanceacute sur le marcheacute des voitures hybrides Le modegravele Honda Insi-ght est le premier modegravele hybride de la marque fabriqueacute en seacuterie et commercialiseacute auxEacutetats-Unis degraves 1999 Mais crsquoest avec la Honda Civic Hybrid que le constructeur offre uneveacuteritable alternative agrave la Prius de Toyota Ce modegravele a drsquoabord eacuteteacute introduit en deacutecem-bre 2001 au Japon puis au printemps 2002 aux Eacutetats-Unis Ce nrsquoest qursquoen 2004 qursquoil estcommercialiseacute sur le continent europeacuteen et en 2006 en France Mecircme si les deux modegravelessont diffeacuterents dans la ligne le confort et la seacutecuriteacute ils entretiennent une similariteacute lieacutee agravela technologie eacutecologique dont ils sont pourvus Ils sont tous deux doteacutes drsquoun moteur eacutelec-trique-thermique dont la recharge srsquoeffectue inteacutegralement en interne Le moteur accu-mule de lrsquoeacutenergie degraves qursquoon acceacutelegravere ou deacuteceacutelegravere ce qui maintient le niveau de charge Agrave ladiffeacuterence de la Prius de Toyota la Honda Civic Hybrid est eacutequipeacutee du systegravemelaquo AutoStop raquo Il permet agrave la voiture de couper son moteur degraves qursquoelle est immobiliseacutee Ilsuffit drsquoun coup sur lrsquoacceacuteleacuterateur pour repartir Les deux voitures rejettent la mecircme quan-titeacute de CO2 agrave savoir 104 gkm et preacutesentent toutes deux un bon rapport qualiteacuteprixParallegravelement Honda commercialise en Ameacuterique du Nord le modegravele Accor Hybrid unevoiture familiale Ce modegravele nrsquoayant pas reacuteussi agrave srsquoimposer (Honda Accord Hybrid ne srsquoestvendu qursquoagrave 25 000 exemplaires depuis son lancement en 2004) Honda a ducirc en stopper laproduction Malgreacute ces mauvais reacutesultats Honda poursuit sa strateacutegie eacutecologique enpreacutesentant deux nouveaux veacutehicules La Honda CR-Z (Compact Renaissance Zero) est unconcept car (un prototype) hybride essence-eacutelectrique sportif qui a eacuteteacute preacutesenteacute au 40e

salon de lrsquoautomobile agrave Tokyo en novembre 2007 Ce modegravele hybride preacutefigure le prochainqui sera adapteacute aux besoins des familles Sa sortie est preacutevue pour 2009 Enfin Hondaassure pouvoir commercialiser pour lrsquoeacuteteacute 2008 aux Eacutetats-Unis un veacutehicule agrave pile agrave combus-tible (utilisant lrsquohydrogegravene et ne rejetant que de lrsquoeau) sous le nom de FCX Clarity Cemodegravele reacuteunit de nombreuses ameacuteliorations dans lrsquoautonomie de la voiture une puissancesignificative tout en ayant une ligne raffineacutee Le FCX Clarity sera dans un premier tempsloueacute agrave un nombre reacuteduit de consommateurs dans le sud de la Californie Si Honda a reacuteagitregraves promptement agrave lrsquoinnovation de produit de Toyota PSA a opteacute pour une strateacutegie alter-nativeEntre 2004 et 2008 le groupe PSA (Peugeot-Citroeumln) a vendu plus de 110 000 veacutehicules agravetregraves faible consommation et eacutemission de CO2 en Europe Le groupe affiche ainsi un taux depeacuteneacutetration de 30 sur le segment des veacutehicules de moins de 120 gkm (eacutemissions deCO2) et de 60 sur celui des veacutehicules de 110 gkm et moins Pour atteindre ces reacutesultatsCitroeumln a doteacute ses deux modegraveles C2 et C3 du systegraveme laquo Stop and Start raquo Cette technologie(un alterno-deacutemarreur) coupe automatiquement le moteur agrave lrsquoarrecirct (au feu rouge notam-ment) et le redeacutemarre degraves que le conducteur relacircche la peacutedale de frein Avec ce systegraveme lesvoitures sont moins gourmandes et moins polluantes Le groupe se concentre eacutegalementaujourdrsquohui selon les marcheacutes sur les veacutehicules fonctionnant aux biocarburants (eacutethanolet biodiesel) La C4 bioflex utilisant du bioeacutethanol en est un exemple avec toutefois deuxreacuteserves il nrsquoest pas eacutevident de se procurer du bioeacutethanol agrave lrsquoinverse de lrsquoessence ou dudiesel et ce modegravele nrsquoest pas eacutequipeacute du systegraveme laquo Stop and Start raquo Lrsquoambition de Citroeumlnreste cependant drsquoeacutequiper 1 million de veacutehicules du systegraveme laquo Stop and Start raquo dont laC4 bioflex ce qui repreacutesenterait le tiers des voitures fabriqueacutees Concernant la technologiehybride essence-eacutelectrique PSA ne semble pas convaincue par cette technologie jugeacuteepeu compeacutetitive eacuteconomiquement En revanche PSA deacutefend vivement lrsquointeacuterecirct de lrsquohybrideHDi (diesel-eacutelectrique) notamment sur le marcheacute europeacuteen ougrave le diesel est fortement

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Le changement organisationnel

Lrsquoorigine des reacuteorientations ne relegraveve donc pas seulement des eacuteveacutenements eacutecono-miques politiques ou juridiques les processus de perception de choix et drsquoactionpropres agrave lrsquoorganisation influencent la lecture et lrsquointerpreacutetation des faits Au-delagrave delrsquoanalyse de lrsquoinfluence du contexte sur le changement organisationnel le modegravelecontextualiste de Pettigrew preacuteconise drsquoen cerner la dimension processuelle

2 Les processus de changement

Lrsquoanalyse du processus de changement srsquoattache agrave identifier les diffeacuterentes eacutetapesqui en ponctuent la trajectoire Ainsi selon Lewin (1951) tout processus de change-ment se compose de trois phases principales

La premiegravere est dite de deacutegel ou de deacutecristallisation Elle correspond agrave lrsquoeacutetape aucours de laquelle les individus prennent conscience du besoin de changement Lespratiques actuelles (normes de fonctionnement) sont alors jugeacutees peu satisfaisantesLa seconde est qualifieacutee de mouvement ou de deacuteplacement Elle se reacutefegravere au change-ment agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire agrave la modification effective des normes defonctionnement La troisiegraveme est dite de gel ou de cristallisation Elle traduit ladisparition des anciennes normes de fonctionnement au profit des nouvelles prati-ques Un deacutecoupage similaire est utiliseacute par Vandangeon-Derumez (1998) pouranalyser le processus de changement Pour lrsquoauteur il se compose des eacutetapes dematuration de deacuteracinement et drsquoenracinement La maturation est la peacuteriode aucours de laquelle laquo le leader etou les actionnaires [hellip] prennent conscience de laneacutecessiteacute de changer et eacutelaborent un projet de changement raquo Le deacuteracinement

implanteacute (en Europe 50 des voitures neuves roulent au diesel ndash en France ce chiffreatteint 70 ) Un choix drsquoautant plus creacutedible que le groupe est peu preacutesent aux Eacutetats-Unis actuellement le principal marcheacute pour les veacutehicules hybrides et que son expertise surla technologie diesel est aveacutereacutee PSA agrave lrsquooccasion de divers salons automobiles a ainsipreacutesenteacute quelques modegraveles La C-Cactus concept car de Citroeumln est doteacutee drsquoun moteurdiesel HDi et drsquoun moteur eacutelectrique De mecircme le groupe mise sur la Peugeot 307 et la C4des veacutehicules hybrides HDi utilisant du carburant B30 (meacutelange de gazole et de 30 debiodiesel) et eacutegalement eacutequipeacutes du systegraveme laquo Stop and Start raquo Mais la mise sur le marcheacutegrand public (preacutevue en 2010) de ces veacutehicules reste probleacutematique pour le constructeur les coucircts de deacuteveloppement et de production de veacutehicules hybrides diesel-eacutelectriqueneacutecessitent soit drsquoaccepter agrave lrsquoinstar de Toyota de vendre agrave perte les premiegraveres anneacutees enattendant une monteacutee en cadence soit de reacutepercuter le surcoucirct sur les clients (environ4 000 euros) Dans les deux cas lrsquoeacutequation eacuteconomique est difficile agrave reacutesoudre Pour lelong terme PSA travaille au deacuteveloppement de la technologie GENEPAC (geacuteneacuterateur eacutelec-trique agrave pile agrave combustible) Cette technologie semble avoir les faveurs du groupepuisqursquoelle eacutequipe le concept car 207 Epure preacutesenteacute au mondial 2006

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produit et strateacutegiede premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance avec la Prius raquo Atelier

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correspond laquo agrave la communication et agrave la mise en œuvre du projet de changement raquoEnfin lrsquoenracinement traduit laquo lrsquoancrage du changement au niveau de lrsquoactiviteacutequotidienne de lrsquoentreprise Le changement nrsquoest plus un projet ni un eacutetat drsquoesprit ildevient une reacutealiteacute concregravete appliqueacutee par tous raquo (Vandangeon-Derumez 1998)

Si cette analyse preacutesente le processus de changement elle lrsquoeacutetudie en dehors delrsquoorganisation En conseacutequence elle meacuterite drsquoecirctre compleacuteteacutee par une analyse duprocessus de diffusion du changement crsquoest-agrave-dire de son mode de propagation danslrsquoorganisation Ainsi Mintzberg et al (1999) soulignent que les changementspeuvent reacutesulter de trois processus diffeacuterents Ils identifient les processus de change-ment planifieacutes conduits et spontaneacutes

Selon les auteurs laquo le changement planifieacute est programmatique il existe unsystegraveme ou un ensemble de proceacutedures qursquoil faut suivre raquo Le processus planifieacutecaracteacuterise donc un changement hautement rationnel qui aboutit agrave formuler des stra-teacutegies et des programmes explicites La transformation est alors piloteacutee par un ouplusieurs acteur(s) chargeacute(s) de lrsquoimplanter selon des modaliteacutes deacutefinies preacutealable-ment Le processus de changement conduit se distingue du preacuteceacutedent en regard desmodaliteacutes de mise en œuvre Il consiste en la formulation drsquoune vision par un diri-geant sur lrsquoavenir drsquoune entreprise agrave laquelle les acteurs vont donner vie Ici lesdeacutetails drsquoopeacuterationnalisation du changement ne sont pas deacutefinis preacutealablement et cedernier se construit dans et par lrsquoaction Ce changement reacutesulte donc des contribu-tions des acteurs leur autonomie et leurs compeacutetences sont reconnues La distinc-tion entre les processus planifieacutes et conduit rappelle celle de Vandangeon-Derumezndash lrsquoauteur parle des processus de changement prescrit et construit

Source Vandangeon-Derumez (1998)

Figure 42 mdash Les processus de changement prescrit et construit

Changement prescrit

Une vision claire de lrsquoavenirUne deacutefinition preacutecise des eacuteleacutements de lrsquoorganisation agrave changer pour atteindre cette visionDes acteurs cleacutes (laquo leader raquo et direction geacuteneacuterale) prenantdes deacutecisions qursquoils imposent ensuiteLa creacuteation drsquoune logique drsquoaction induisant le comportement des autres acteursUn changement brutal

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Changement construit

Une vision floue de lrsquoavenirUne deacutemarche agrave suivre pour effectivement changerUne volonteacute de faire eacutemergerlrsquoorganisation de demainUne grande liberteacute drsquoaction laisseacutee aux acteurs delrsquoorganisation pour favoriser la creacuteativiteacute de chacun et les comportements autonomesUn changement progressif

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Le changement organisationnel

Le changement prescrit se laquo fonde sur une vision claire de lrsquoavenir et deacutetermineavec preacutecision les eacuteleacutements de lrsquoorganisation actuelle qursquoil faut changer pour attein-dre cette vision raquo et le changement construit laquo se fonde sur une deacutemarche agrave suivrepour effectivement changer sans preacuteciser dans quelle direction raquo (Vandangeon-Derumez 1998) La figure preacuteceacutedente identifie les caracteacuteristiques de ces deuxprocessus de changement

Enfin le processus de changement spontaneacute eacutemerge de lrsquoorganisation et est detype intrapreneurial Le changement reacutesulte des initiatives des acteurs de terrainCelles-ci peuvent rester localiseacutees dans des espaces organisationnels deacutefinis ou sepropager dans la globaliteacute de lrsquoorganisation lorsque les initiatives sont deacutetecteacutees etreconnues par le sommet strateacutegique

Afin de prolonger lrsquoapproche contextualiste de Pettigrew lrsquoeacutetude des processus dechangement (deacutegel-mouvement-gel) et de diffusion du changement dans lrsquoorganisa-tion (planifieacute conduit et spontaneacute) doit deacutesormais ecirctre compleacuteteacutee par celle ducontenu du changement ndash ce qui correspond agrave lrsquoidentification des types de change-ment organisationnel

3 Les types de changement

Le contenu du changement se reacutefegravere agrave ce qui change effectivement dans lrsquoorgani-sation Or lrsquoobservation de la reacutealiteacute des entreprises met en eacutevidence une grandediversiteacute de changements Ceux-ci peuvent porter sur les produits le personnel lesoutils de gestion la structure la culture la strateacutegiehellip Nous proposons drsquoanalyser

Repegraveres La renaissance drsquoIntel

Fondeacutee en 1968 Intel produit des meacutemoires DRAM (Dynamic Random Access Memory)pour ordinateurs Son avance technologique lui permet en 1974 de devenir leader avec80 du marcheacute Mais balayeacute par ses concurrents japonais gracircce agrave des coucircts de productionet des prix plus bas la part de marcheacute drsquoIntel chute pour atteindre 2 en 1984 Les diri-geants refusent drsquoabandonner lrsquoactiviteacute historique pour des raisons ideacuteologiques Lrsquoundrsquoeux dira en substance que si Intel abandonnait les meacutemoires DRAM ce serait comme siFord arrecirctait de produire des voitures Ce sont finalement les routines internes qui vontpermettre un changement de meacutetier Le premier microprocesseur (le 4004) est deacuteveloppeacuteen 1974 par un ingeacutenieur pour reacutepondre agrave la demande drsquoun client La direction tolegravere cetteinitiative sans croire agrave lrsquoavenir de ce produit Pourtant il assure le renouveau du groupeIntel En effet dans le systegraveme Intel les diffeacuterents produits sont en compeacutetition pourlrsquooctroi de capaciteacute de production Sont lanceacutes en prioriteacute les produits qui maximisent lamarge par plaquette de silicium Les meacutemoires agrave faible marge sont systeacutematiquementdeacutepasseacutees par les microprocesseurs Le changement de meacutetier se fera progressivementsous lrsquoeffet drsquoinitiatives locales dans un processus largement eacutemergent ayant conduit agraveune transformation de la strateacutegie

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cette diversiteacute agrave partir de deux critegraveres lrsquoampleur et la profondeur Ils caracteacuterisentrespectivement lrsquointensiteacute du changement crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecart preacutevalant entre lasituation anteacuterieure et la situation posteacuterieure (le changement est radical ou increacute-mental) et sa surface crsquoest-agrave-dire le peacuterimegravetre organisationnel affecteacute par le change-ment (il est global ou local) Sur la base de ces critegraveres Watzlawick (1975) met eneacutevidence trois niveaux de changement

Lrsquoauteur psychologue social dont la classification est transposeacutee aux sciences degestion met en eacutevidence trois niveaux de changement Le niveau 0 est celui ougrave rienne change crsquoest la continuiteacute lrsquoimmobiliteacute Le systegraveme se situe dans un mouvementgeacuteneacuteral Le changement drsquoordre 1 est correctif mineur et permet agrave lrsquoorganisation demaintenir son eacutequilibre Le mouvement prend place agrave lrsquointeacuterieur du systegraveme sans lemodifier Il srsquoagit par exemple pour une entreprise de modifier le systegraveme informa-tique du service de comptabiliteacute Ce projet intervient dans le systegraveme et ne modifiepas sa logique Le changement de niveau 2 vise agrave transformer complegravetement lrsquoentre-prise ses valeurs ses regravegles et agrave meacutetamorphoser le comportement des salarieacutes Ilsrsquoagit drsquoun changement de logique qui modifie le systegraveme en profondeur Watz-lawick (1975) le deacutefinit comme le niveau laquo meacuteta raquo qui fait passer le systegraveme agrave unniveau supeacuterieur en modifiant la norme actuelle

Repegraveres Le changement strateacutegique du groupeBayer

En 2001 la strateacutegie du groupe allemand Bayer eacutetait qualifieacutee par les dirigeants de strateacute-gie des quatre piliers Le groupe eacutetait en effet diviseacute en quatre grandes activiteacutes pharma-cie (32 du chiffre drsquoaffaires ndash CA) agrochimie (14 du CA) polymegraveres (37 du CA) etchimie (17 du CA) Cette strateacutegie permettait ainsi de reacutepartir les risques entre les diffeacute-rentes activiteacutes du groupe mais un eacutevegravenement inattendu a contraint Bayer agrave repensercette strateacutegie et agrave remettre en question lrsquoapproche des quatre piliersBaycol un meacutedicament anticolestherol qui devait ecirctre un blockbuster (un meacutedicamentphare dont le chiffre drsquoaffaires annuel deacutepasse le milliard de dollars) a ducirc ecirctre brutalementretireacute du marcheacute La moleacutecule de base de ce meacutedicament la cerivastatine serait en effet agravelrsquoorigine de 31 deacutecegraves selon la Food and Drug Administration lrsquoadministration ameacutericainedu meacutedicament Le retrait de ce meacutedicament en 2001 vient accentuer une situation eacutecono-mique deacutejagrave difficile La production drsquoautres meacutedicaments avait ducirc ecirctre stoppeacutee et desmeacutedicaments agrave succegraves allaient tomber dans le domaine public La perte du Baycol consti-tuait pourtant le problegraveme le plus deacutelicat agrave surmonter En 2000 ce meacutedicament avaitconnu une croissance extraordinaire avec un chiffre drsquoaffaires en hausse de 80 et Bayerespeacuterait atteindre 1 milliard drsquoeuros de ventes en 2001 soit 16 du chiffre drsquoaffaires de labranche pharmacie En outre le beacuteneacutefice du groupe avait eacuteteacute amputeacute drsquoenviron650 millions drsquoeuros agrave cause de ce retrait Cette deacuteteacuterioration des reacutesultats financiers avaiteu pour conseacutequence la plus forte baisse du titre Bayer sur les marcheacutes financiers depuisdix ans Quelques analystes financiers avaient mecircme pronostiqueacute qursquoil faudrait cinqanneacutees agrave Bayer pour que sa branche pharmacie retrouve une situation financiegravere identiqueagrave ce qursquoelle eacutetait avant lrsquoaffaire Baycol

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Le changement organisationnel

Dans le prolongement Mintzberg et al (1999) distinguent les microchangementsdes macrochangements Le microchangement ne concerne qursquoun espace restreint delrsquoentreprise (ampleur) et est concret (profondeur) alors que le macrochangement laconcerne dans toutes ses dimensions et est abstrait Les auteurs proposent de situerles changements au sein drsquoun cube (figure 43)

La reacuteaction du groupe fut immeacutediate lrsquoentreprise engagea un vaste programme derestructuration dont lrsquoobjectif eacutetait drsquoeacuteconomiser 15 milliard drsquoeuros par an jusqursquoen 2005Pour cela 15 sites de productions furent fermeacutes et 5 000 emplois supprimeacutes danslrsquoensemble du groupe Toutes les divisions eacutetaient toucheacutees Seule lrsquoagrochimie eacutetait eacutepar-gneacutee Il srsquoagissait drsquoune profonde remise en cause de la strateacutegie des quatre piliers

Un changement strateacutegique radicalManfred Schneider le patron de Bayer reacuteeacutevalue la strateacutegie de quatre piliers par laquelle legroupe assurait son indeacutependance et lrsquoeacutequilibre de son portefeuille drsquoactiviteacutes Il envisagede concentrer Bayer sur une activiteacute principale lrsquoagrochimie Il est alors question de seacutepa-rer les activiteacutes pharmaceutiques et drsquoagrochimie en les inteacutegrant dans des structures juri-diques distinctes La vente de la branche pharmacie ou la recherche drsquoun allieacute apparaissentalors comme des options de plus en plus probables compte tenu des difficulteacutes actuellesde Bayer des risques drsquoindemnisation des plaignants et des exigences financiegraveres lieacutees agrave laconcurrence dans cette activiteacute Devant les difficulteacutes pour trouver un acheteur ou un allieacuteBayer semble se concentrer sur la branche agrochimie Le groupe procegravede au rachat deCropScience une filiale drsquoAventis renforccedilant ainsi sa branche agrochimie et devenantnumeacutero un mondial du secteur Si le sceacutenario de deacutesengagement de la branche pharmaciedevient toujours plus imminent des eacutevegravenements vont sortir Bayer de lrsquoimpasse danslaquelle le Baycol lrsquoavait plongeacute En 2003 le groupe gagne ses premiers procegraves lieacutes auBaycol Et cela eacutevite au groupe de payer des indemnisations substantielles ndash rien qursquoauxEacutetats-Unis 700 000 personnes avaient utiliseacute le meacutedicament et on parle de 6 millions depersonnes dans le mondeLes reacutesultats de la branche pharmacie seront finalement largement positifs Et le nouveaupatron Werner Wenning annonce que le groupe se concentrera deacutesormais sur les sciencesde la vie et se consacrera agrave trois meacutetiers la santeacute (Bayer HealthCare) lrsquoagrochimie (BayerCropScience) et les mateacuteriaux de haute performance (MaterialScience) La branche santeacuteconstitue finalement une activiteacute phare du groupe En 2004 Bayer achegravete lrsquoactiviteacutelaquo automeacutedication raquo de Roche En 2006 le groupe acquiert plus de 88 des actions deSchering une entreprise speacutecialiseacutee dans la contraception et la scleacuterose en plaques La stra-teacutegie R amp D est eacutegalement repenseacutee le groupe abandonne les recherches sur les maladiesinfectieuses et urinaires pour se concentrer sur les programmes contre le cancer et lacardiologie Lrsquoobjectif est clair ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute de la branche pharmacie agrave moyentermeCette succession de reacuteorientations strateacutegiques se concreacutetise finalement en 2005 par unchiffre drsquoaffaires de 298 milliards drsquoeuros et un beacuteneacutefice de 600 millions drsquoeuros alors quelrsquoanneacutee 2003 avait eacuteteacute marqueacutee par une perte historique de 136 milliard drsquoeuros La bran-che santeacute repreacutesente aujourdrsquohui presque la moitieacute de son chiffre drsquoaffairesAgrave partir de TELLIER A laquo Bayer quels remegravedes pour sauver la pharmacie raquo in JOFFRE O PLE

L et SIMON E Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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Figure 43 mdash Le cube du changement

Le cube du changement montre deux dimensions indissociables des changements lrsquoorientation et lrsquoabstraction Drsquoune part les changements axeacutes sur la strateacutegieconcernent la direction vers laquelle lrsquoentreprise srsquooriente et ceux axeacutes sur lrsquoorgani-sation portent sur lrsquoeacutetat actuel Et drsquoautre part les types de changements ont desdegreacutes drsquoabstraction variables (de concret agrave conceptuel) Ainsi les changements devision et culturels sont conceptuels et globaux (macrochangement) tandis que leschangements de produits ou de personnels sont concrets et locaux (microchange-ment) En mettant lrsquoaccent sur le caractegravere plus ou moins conceptuel des change-ments les auteurs soulignent lrsquoimportance de lrsquointerpreacutetation comme composant dela profondeur et de lrsquoampleur La classification de Laughlin (1991) est agrave cet eacutegardparticuliegraverement reacuteveacutelatrice Lrsquoauteur repegravere deux formes de changements depremier ordre (le refus et la reacuteorientation) ndash ils maintiennent la structure profonde delrsquoorganisation et ne modifient pas les scheacutemas interpreacutetatifs ndash et deux formes dechangements de second ordre (la colonisation et lrsquoeacutevolution) ndash ce sont des transfor-mations radicales contraintes ou deacutelibeacutereacutees impliquant un changement des scheacutemasinterpreacutetatifs

Repegraveres Un macrochangement chez Renault

laquo Fin 1984 la reacutegie compte 57 milliards de dettes soit la moitieacute de son chiffre drsquoaffaires Lesfrais financiers atteignent 7 milliards de francs lrsquoentreprise perd sur lrsquoanneacutee plus drsquounmilliard par mois Autant dire qursquoelle est en situation de faillite raquo (Loubet 2001) Cette crisea beaucoup marqueacute les esprits les changements qui suivent marquent une rupture avecle passeacute social de Renault Cette transition est brutale et douloureuse Renault doit srsquoenga-ger dans une profonde remise en cause de sa strateacutegie et conduire des restructurations

Informel

Conceptuel

Strateacutegie

VisionPositionsProgrammesProduits

Organisation

CultureStructureSystegravemesPersonnel

Concret

Formel

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Le changement organisationnel

In fine lrsquoanalyse du contenu du changement (en reacutefeacuterence agrave lrsquoapproche contextua-liste) reacutevegravele la grande diversiteacute des formes que peut revecirctir le pheacutenomegravene Cepen-dant quelles qursquoen soient les caracteacuteristiques rares sont les changements qui sedeacuteroulent sans difficulteacute Le processus ne se laisse pas maicirctriser aiseacutement il est aleacutea-toire et il y a fort agrave parier que le changement en fin de course ne soit pas parfaite-ment conforme au projet initial La cause la plus freacutequemment eacutevoqueacutee est celle dela reacutesistance au changement

importantes Mais Bernard Hanon alors agrave la tecircte de lrsquoentreprise ne parviendra pas agravemener cette mutation limiteacute dans ses actions par lrsquoEacutetat Cette situation conduira agrave soneacuteviction et agrave la nomination de Georges Besse en 1985 Ce dernier va conduire la restructu-ration afin de rendre lrsquoentreprise rentable et symboliser une transition sans preacuteceacutedent laquo Samission est drsquoentamer un nouveau chapitre de lrsquohistoire de Renault [hellip] et drsquoengagerRenault dans une profonde remise en cause de ses principes Agrave partir de 1985 la reacutegieRenault se transforme raquo (Loubet 2000)Besse libre de ses mouvements annonce 15 000 puis 20 000 emplois exceacutedentaires Ildira qursquolaquo il ne servirait agrave rien drsquoameacuteliorer la productiviteacute de nos usines si lrsquoon devait dans lemecircme temps consommer toute la productiviteacute ainsi gagneacutee dans un matelas bureaucrati-quehellip il faut partout reacuteduire nos structures diminuer les niveaux hieacuterarchiques raquo (Loubet2000) En cinq ans 22 000 emplois sont supprimeacutes dont 15 000 dans la branche automo-bile Ce laquo coup de tonnerre raquo marque une egravere nouvelle laquo lrsquoemploi agrave vie nrsquoest plus garantichez Renault La rupture avec le passeacute est profondehellip raquo (Loubet 2000) La politique drsquoausteacute-riteacute se poursuit Selon Leacutevy le successeur de Besse agrave la direction de lrsquoentreprise en 1986laquo pour reacutetablir lrsquoeacutequilibre de la reacutegie nous devons continuer la reacuteduction drsquoeffectifs lrsquoausteacute-riteacute et la vente drsquoactifs raquo (Loubet 2000) Mais les conseacutequences sociales et syndicales sontfortes En particulier lrsquoeacutepisode historique de lrsquoicircle Seguin aboutira agrave des prises drsquootages Lescadres seront mecircme menaceacutes drsquoecirctre jeteacutes agrave lrsquoeau Pour eacuteviter cette fermeture la CGT vaessayer de montrer que laquo lrsquousine peut tourner sans patron raquo La Neutral un veacutehicule popu-laire qui doit replacer Renault dans la voie de la croissance et donner du travail auxouvriers de Billancourt est inventeacute par le syndicat Le veacutehicule srsquoil ne deacutepasse pas le stadedu prototype traduit lrsquoattachement du personnel aux petites voitures et aux valeurssociale et culturelle de la marque (Loubet 2000 2001) Pour Leacutevy le plus grand change-ment est culturel laquo Ce que jrsquoai veacutecu crsquoest le bouleversement de lrsquoideacutee du fonctionnementdrsquoune entreprise Une entreprise ne peut pas ecirctre une vitrine sociale Elle doit ecirctre drsquoabordune vitrine de ses produitshellip Lrsquoobjectif de lrsquoentreprise ce nrsquoest pas son personnelhellip lapremiegravere chose ce sont ses clients raquo (Loubet 2000)Malgreacute les difficulteacutes pour opeacuterer ce changement les faits sont lagrave alors que Renaultperdait 125 milliards de francs en 1984 avec 2 millions de veacutehicules le groupe affichequelques anneacutees plus tard pour le mecircme volume de production un reacutesultat positif de9 milliards de francs

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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4 La reacutesistance au changement

La reacutesistance au changement traduit la capaciteacute des individus drsquoentraver le projetde reacuteforme Elle est largement eacutevoqueacutee par les managers comme eacutetant le principalfrein au processus de changement Ces derniers eacutevoquent mecircme lrsquoideacutee que leshommes nrsquoaiment pas le changement Ce qursquoil faut comprendre ici crsquoest quelrsquohomme par nature reacutesiste Cette affirmation est fortement critiquable car ellesuggegravere qursquoil srsquoagirait lagrave drsquoun invariant anthropologique (tous les individus seraientreacutesistants au changement) Or certains individus ont une surprenante propensionaux reacuteformes et les reacuteclament parfois activement En reacutealiteacute face au changement lescomportements sont multiples Selon nous il est possible drsquoen identifier quatre Ilssrsquoanalysent en fonction du degreacute drsquoengagement dans la reacuteforme (le comportementest plus ou moins positif vis-agrave-vis du projet) et du degreacute drsquoactivisme (le comporte-ment est plus ou moins visible) (figure 44)

Figure 44 mdash Les comportements face au changement

Les laquo opportunistes raquo sont les supporters du projet de changement Parce qursquoilsperccediloivent des beacuteneacutefices personnels ils soutiennent le projet et srsquoen font les promo-teurs Les laquo conformistes raquo adoptent une position laquo bof raquo Ils ne font pas obstacle auprocessus et adoptent les comportements requis Cependant ils sont assez indiffeacute-rents agrave la reacuteforme et ne la deacutefendent pas Les laquo observateurs raquo ne srsquoengagent pasdans le changement Ils sont en situation drsquoattente et de neutraliteacute Ils aligneront leurcomportement sur celui des opportunistes si le changement est un succegraves ou surcelui des laquo combattants raquo srsquoil eacutechoue Ces derniers adoptent une position de remiseen cause Ils srsquoengagent contre le projet et leur comportement est orienteacute vers lemaintien du statu quo

Drsquoun point de vue manageacuterial cette classification est drsquoun reacuteel inteacuterecirct Elle permetde positionner les individus de lrsquoorganisation dans des cateacutegories drsquoidentifier les

EngagementReacutesistance

Passiviteacute

Activisme

Observateur

Opportuniste

Conformiste

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Le changement organisationnel

poches de reacutesistance potentielles et drsquoinitier des actions manageacuteriales adapteacutees agravechaque cible En effet les reacuteformateurs ont besoin drsquoindividus qui se font les deacutefen-seurs du changement en font la promotion et en sont les ambassadeurs dans lrsquoentre-prise Lrsquoenjeu est drsquoobtenir un effet de masse critique En effet lorsque le nombre desupporters augmente cela produit un effet de contamination sur les autres cateacutego-ries notamment les observateurs Il en reacutesulte une marginalisation des comporte-ments de reacutesistance le changement peut alors devenir reacutealiteacute

Finalement seuls les opportunistes portent le projet Ils nrsquoappartiennent donc pasagrave la cateacutegorie des reacutesistants A contrario les trois autres groupes lrsquointegravegrent Mecircmesi seuls les combattants sont des reacutesistants laquo purs raquo les observateurs et les confor-mistes ne se comportent pas en agents du changement crsquoest-agrave-dire en faveur de sadiffusion Il est donc impeacuteratif de comprendre quelles sont les causes de cette reacutesis-tance pour lrsquoatteacutenuer ndash mecircme si elle nrsquoest de mecircme importance selon les cateacutegoriesSix facteurs de la reacutesistance au changement peuvent ecirctre repeacutereacutes

Le premier est lieacute agrave lrsquoanxieacuteteacute provoqueacutee par la reacuteforme En drsquoautres termes cenrsquoest pas tant le changement qui provoque lrsquoanxieacuteteacute que lrsquoinconnu qui lrsquoaccompa-gne Celui-ci remet en question des repegraveres qui offraient une stabiliteacute psychologiquerassurante Crsquoest ainsi qursquoen situation drsquoanxieacuteteacute lrsquoindividu procegravede agrave de multiplesrationalisations qui font parti de son arsenal deacutefensif Il eacutelabore des scenarii incroya-bles (de licenciements de flicage de disparition des acquis sociauxhellip) souventinfondeacutes Cette fertiliteacute imaginaire est un moyen de restaurer un eacutequilibre psycholo-gique fragiliseacute Le second facteur renvoie agrave la remise en cause identitaire En effetlrsquoorganisation nourrit lrsquoindividu en termes de repreacutesentation de lui-mecircme Il cons-truit son identiteacute et existe socialement agrave travers son travail son appartenance agrave unmonde (un service un meacutetier) et agrave une entreprise Le changement peut donc provo-quer une remise en cause profonde de lrsquoidentiteacute de la personne en modifiant la naturede la relation qui la lie agrave lrsquoorganisation Le troisiegraveme facteur relegraveve du pouvoir Lesindividus ne sont pas aussi hostiles agrave rompre leurs habitudes pourvu que le change-ment leur soit profitable Neacuteanmoins ils y perccediloivent parfois un danger car celui-cimet ineacutevitablement en cause les conditions de leur jeu leurs sources de pouvoir etleurs liberteacutes drsquoaction en modifiant ou en faisant apparaicirctre les zones drsquoincertitudeqursquoils controcirclent Le quatriegraveme facteur relegraveve de lrsquoinfluence du groupe Le compor-tement drsquoun acteur agrave lrsquoeacutegard du changement doit ecirctre appreacutehendeacute par rapport ausystegraveme social dans lequel il srsquoinsegravere Or le groupe fonctionne selon des regravegles(normes rites) eacutetablies Leur inteacuteriorisation est forte les membres laquo achegravetent raquo leurinteacutegration en se conformant Puisque le groupe deacutetermine chez lrsquoindividu ce qui estbien et mal ce qui est souhaitable et non souhaitable le changement peut se heurteragrave ce systegraveme et briser lrsquoeacutequilibre creacuteeacute par les normes Le cinquiegraveme facteur est lieacute agravela culture drsquoentreprise Celle-ci conditionne et homogeacuteneacuteise les attitudes et lescomportements des acteurs en forgeant leurs repreacutesentations crsquoest-agrave-dire la maniegraveredont ils signifient les situations et les actions Or crsquoest en fonction de ces significa-tions qursquoils vont agir Le changement veacutehicule parfois des valeurs qui divergent aveccelles de lrsquoorganisation Les individus peuvent alors combattre ce qui met en danger

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ce en quoi ils croient profondeacutement Le sixiegraveme facteur concerne la connaissance etla compeacutetence des individus Le changement impose de faire un apprentissage detechniques et de meacutethodes Or les acteurs nrsquoont parfois pas les qualifications et lescompeacutetences pour effectuer ce qui leur est demandeacute

Repegraveres La reacutesistance au changement agrave VVF

Le groupe VVF (Village Vacances Famille) entreprend une reacuteforme majeure en 1997Lrsquoabandon du statut associatif aboutit agrave la creacuteation drsquoune socieacuteteacute anonyme (SA) chargeacutee dela gestion de ses activiteacutes commerciales et drsquoexploitation laquo Ce changement est dicteacute par laneacutecessiteacute drsquoinstaller le groupe VVF dans un cadre leacutegislatif et fiscal adapteacute agrave sa taille raquocommente Edmond Maire ancien secreacutetaire geacuteneacuteral de la CFDT et preacutesident de VVFPour faire face aux pressions financiegraveres lieacutees agrave ce nouveau statut (reacutegime de droitcommun incluant TVA taxe professionnelle et impocircts sur les socieacuteteacutes) et agrave une concur-rence plus vive VVF modifie ses approches commerciales sur les plateaux teacuteleacutephoniquesApparaissent progressivement des meacutethodes de controcircle de la performance des opeacutera-teurs Cette mesure de lrsquoefficaciteacute porte sur des critegraveres comme la qualiteacute de lrsquoaccueil auteacuteleacutephone lrsquoattitude commerciale lrsquoefficaciteacute et la rapiditeacute du traitement des demandesLes opeacuterateurs doivent deacutesormais atteindre leur objectif de reacuteservation (obligation delaquo creuser les appels raquo pour conclure la vente) obtenir le maximum de confirmations etavoir un taux de prise drsquoappels eacuteleveacute (avoir le souci de reacutepondre au teacuteleacutephone et de traiterson appel au plus vite) Ils doivent eacutegalement prospecter pour atteindre les objectifs fixeacutesFace agrave ce changement quelques opeacuterateurs adoptent des comportements drsquoindiffeacuterencelaquo Les objectifs jrsquoy pense le moins possible ccedila me stresse et je me sens mieux maintenantIl faut eacuteviter de se stresser pour les objectifs raquo Pour drsquoautres acteurs crsquoest lrsquoangoisse etlrsquoinquieacutetude qui dominent laquo il faut augmenter la prise drsquoappels on se deacutepecircche on neconcreacutetise pas alors comment on fait raquo laquo ils vont nous rabacirccher les chiffres toute lajourneacutee raquo De mecircme certains acteurs estiment qursquolaquo avec la SA ils peuvent faire ce qursquoilsveulent ils vont nous faire travailler le dimanche la nuit Ils vont mettre en place lrsquoannuali-sation du temps de travail et alors lagrave on peut srsquoattendre agrave tout raquo Des craintes sur la dispari-tion des acquis sociaux srsquoexpriment laquo la SA ccedila veut dire plus de flexibiliteacute ccedila va remettreen cause tous nos acquis le treiziegraveme mois il y aura moins drsquoaffectif de la guerre lacompeacutetition raquo laquo lrsquoaugmentation des objectifs va deacuteteacuteriorer lrsquoambiance de travail ccedila va ecirctrela compeacutetition raquo Le taux de prise drsquoappels est la source de reacuteactions virulentes laquo Crsquoestimpossible de faire vite et bien on ne peut pas rassurer un client pour qursquoil confirme etacceacuteleacuterer la conversation raquo Certains opeacuterateurs reacuteagissent de maniegravere affective laquo VVF aun passeacute derriegravere elle et on ne peut pas lrsquooublier comme ccedila raquo laquo la question financiegravere larentabiliteacute ce nrsquoest pas lrsquoavenir je crois que ce nrsquoest pas la bonne voie On perd tous nosclients drsquoavant ceux qui nrsquoeacutetaient pas trop argenteacutes raquo laquo VVF crsquoest gracircce agrave nos anciensclients et on leur ferme la porte crsquoest lamentable on est en dessous de tout raquoSur le plateau les conflits se multiplient en particulier entre les opeacuterateurs les animatriceset la responsable du plateau Les animatrices jugent leur responsable incompeacutetente laquo onest obligeacute de faire son travail avec le nocirctre ccedila devient impossible raquo selon lrsquoune drsquoellesLe deacutepart de la responsable du plateau est exigeacute aupregraves de la direction commerciale

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Le changement organisationnel

En synthegravese les dimensions du changement organisationnel sont multiples Enaccord avec lrsquoapproche contextualiste elles concernent le contexte le processus et lecontenu Nous y avons ajouteacute la reacutesistance afin de mieux cerner la capaciteacute des indi-vidus agrave faire obstacle au deacuteroulement du projet Cette eacutetape laisse deacutesormais place agraveune analyse des modegraveles de conduite du changement

LA CONDUITE DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

La reacuteussite des entreprises en matiegravere de changements organisationnels deacutepend engrande partie de la maniegravere dont ils ont eacuteteacute piloteacutes Et il existe une multitude demodegraveles afin drsquoaider les dirigeants et managers agrave conduire leurs projets de change-ment creacuteant de fait une confusion certaine Nous proposons donc de regrouper cesmodegraveles au sein de deux cateacutegories geacuteneacuteriques que nous nommons les paradigmesde gestion du changement chacun reposant sur une certaine conception de lrsquoactionmanageacuteriale Tandis que le paradigme gestionnaire met lrsquoaccent sur la neacutecessiteacute dedeacuteployer une strateacutegie de gestion du changement le paradigme complexe insiste surle rocircle des conditions initiales propres agrave lrsquoorganisation Bien qursquoils puissent ecirctreopposeacutes nous proposons de les combiner au sein drsquoun modegravele plus geacuteneacuteral dit de lacapaciteacute organisationnelle de changement Dans ce qui suit nous deacutevelopponssuccessivement les paradigmes gestionnaire et complexe de la gestion du change-ment et concluons en analysant le concept de capaciteacute organisationnelle de change-ment

1 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement

Le paradigme gestionnaire srsquoinspire de la penseacutee carteacutesienne Pour celle-cilrsquohomme en tant que laquo maicirctre et possesseur de la nature raquo selon lrsquoexpression deDescartes doit chercher agrave controcircler et maicirctriser le reacuteel En ce sens le paradigmegestionnaire met lrsquoaccent sur la dimension instrumentale de lrsquoaction manageacuteriale Leprocessus de changement est donc consideacutereacute comme un pheacutenomegravene maicirctrisable

Parallegravelement on assiste agrave un affrontement entre les animatrices et les opeacuterateurs Enfinlrsquoadoption des outils drsquoeacutevaluation de lrsquoefficaciteacute commerciale des opeacuterateurs sembleproduire des effets inverses la performance commerciale se deacutegrade les objectifs delrsquoanneacutee sont en passe de nrsquoecirctre pas atteints le comportement des opeacuterateurs devientinquieacutetant Les clients insatisfaits le font savoir ils se plaignent de lrsquoimpolitesse de leursinterlocuteurs Certains avouent mecircme faire laquo semblant drsquoappeler des clients raquo laquo On vaminer VVF de lrsquointeacuterieur on va couler la baraque raquo conclut cet opeacuterateur

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Chronique drsquoune transformation agrave VVF comment diagnostiquer et surmonter la reacutesistance au changement raquo CCMP 2005

Section 2

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mecircme srsquoil est susceptible drsquoecirctre freineacute par les reacutesistances des acteurs Aussi selon ceparadigme le management du changement repose sur le deacuteploiement de strateacutegiesgestionnaires Celles-ci peuvent ecirctre regroupeacutees autour de cinq modegraveles geacuteneacuteriques(des ideacuteaux types) Le tableau suivant preacutesente chaque modegravele leurs principalesrecommandations ainsi que leurs preacutesupposeacutes sur le fonctionnement de lrsquoorganisa-tion

Tableau 42 mdash Les modegraveles de gestion du changement

Analysons chacun de ces modegraveles et eacutetudions leurs recommandations leur preacutesup-poseacute organisationnel leurs limites et apports principaux

11 Le modegravele hieacuterarchique

Le modegravele hieacuterarchique correspond agrave une conception du changement imposeacute etplanifieacute Il sous-tend une vision interventionniste permettant le passage entre un eacutetatconstateacute et un futur deacutesireacute Selon cette approche le projet est conccedilu par les seulsmembres de la direction qui en ont une vision claire puis est pousseacute dans lrsquoorgani-sation Les acteurs supposeacutes mettre en œuvre les nouvelles orientations ne sont niconsulteacutes ni inciteacutes Le changement est abordeacute selon une perspective techniquecomme une succession drsquoeacutetapes (identification du problegraveme deacutetermination desoptions choix de la meilleure solution information mise en œuvre des actions etcontrocircle des reacutesultats) qui si elles sont bien planifieacutees font le succegraves de lrsquoopeacuteration

Lrsquoorganisation est vue ici comme un systegraveme meacutecaniste une entiteacute malleacuteable danslaquelle les individus adoptent les comportements qui leur sont prescrits Ce modegravele

Modegraveles de changementet modes drsquoimpleacutementation Conception de lrsquoorganisation

Modegravele hieacuterarchiquePlanification des eacutetapes du changement

Organisation laquo machine raquo les individus adoptent le changement sans lui reacutesister

Modegravele du deacuteveloppement organisationnelDispositif de soutien et drsquoaccompagnement des salarieacutes participation communication formation et incitation

Organisation laquo humaniste raquo les comportements sont reacutegis par les eacutemotions

Modegravele politiqueDispositif de neacutegociation pour assurer la convergence des inteacuterecirctsLeacutegitimiteacute des reacuteformateurs et appuis politiques

Organisation laquo aregravene politique raquo les comportements sont guideacutes par la satisfaction des inteacuterecircts personnels

Modegravele increacutementielAppui sur les routines existantes pour un changement increacutementiel

Organisation laquo contexte raquo les routines servent de guide comportemental

Modegravele symboliqueGestion symbolique du changement afin drsquoagir sur le sens

Organisation laquo sens raquo les significations partageacutees servent de base drsquointerpreacutetation des eacutevegravenements

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Le changement organisationnel

drsquoinspiration rationaliste voit le comportement humain comme une variable drsquoajus-tement (les individus partagent les mecircmes valeurs et objectifs) et ne lui attribueqursquoun faible pouvoir de blocage Degraves lors le changement est supposeacute suivre unetrajectoire en tout point conforme au projet initial

La deacutemarche coercitive preacutesente lrsquoavantage de la simpliciteacute et de la vitesse quant agravela conception du projet et agrave sa mise en œuvre Elle est drsquoailleurs conseilleacutee en cas decrise Par contre lrsquoeacutequipe reacuteformatrice nrsquoest pas omnisciente elle peut adopter unedeacutecision de changement peu approprieacutee comme elle peut deacutefinir une planificationinadeacutequate De mecircme en adoptant une vision strictement technique ce modegravelesous-estime la capaciteacute des acteurs de terrain (comme la hieacuterarchie intermeacutediaire) defreiner le projet drsquoen modifier la nature voire drsquoen provoquer lrsquoeacutechec Agrave lrsquoopposeacutele modegravele du deacuteveloppement organisationnel (DO) accorde une grande importance agravela dimension humaine

12 Le modegravele du deacuteveloppement organisationnel

Le DO focalise son analyse sur la dimension humaine Ses preacuteconisations sontqursquoun style de management axeacute sur les attitudes et les comportements permet deminimiser les reacutesistances Le succegraves du changement repose sur des mesuresdrsquoaccompagnement telles une politique drsquoinformation et de communication unsystegraveme de reacutecompenses et un dispositif de concertation Pour le DO en inteacutegrantles acteurs au projet en leur en communiquant les motifs et en les motivant ils semobiliseront pour le changement En un mot le consensus est la piegravece maicirctresse dumodegravele

Repegraveres Le changement participatif agrave HarwoodManufacturing Company

Harwood est une usine de pyjamas installeacutee agrave la campagne dans une petite ville appeleacuteeMarion en Virginie Dans cette usine les employeacutes sont pour la plupart de jeunes femmespeu instruites et recruteacutees parmi les habitants de la ville Des changements reacuteguliers sontintroduits et ces derniers sont toujours imposeacutes aux salarieacutes ndash les deacutecisions sont prises defaccedilon autocratique et le personnel est convoqueacute agrave des reacuteunions au cours desquelles leursont annonceacutees les modifications agrave opeacuterer Et les changements ne se font jamais aiseacutementAinsi mecircme srsquoil ne srsquoagit que de changements mineurs (comme plier les vestes et lespantalons de travail au lieu de ne plier que les vestes) des comportements de reacutesistance semanifestent On observe des plaintes des refus drsquoexeacutecution ce qui se traduit ineacutevitable-ment par une deacutegradation de la production et une augmentation de lrsquoabsenteacuteisme et duturnoverCrsquoest pour limiter la reacutesistance au changement que les managers aideacutes de consultantsmirent au point une expeacuterience Celle-ci consistait agrave deacutefinir trois groupes dont chacunferait lrsquoobjet drsquoun style de changement particulier Le premier groupe eacutetait le groupe de

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Le DO voit lrsquoorganisation comme un systegraveme affectif une entiteacute reacutegie par lessentiments Pour le DO qui est une deacutemarche drsquoinspiration humaniste le comporte-ment des individus est laquo facile agrave influencer raquo pourvu que ceux-ci soient associeacutes auprocessus et reacutecompenseacutes pour cela Le changement est alors perccedilu comme uneopportuniteacute drsquoameacuteliorer la performance de lrsquoorganisation gracircce agrave lrsquoeacutepanouissementdes individus En ce sens le DO est plus qursquoune deacutemarche de changement crsquoest unephilosophie de management

Le DO preacutesente lrsquoavantage de consideacuterer le changement sous un angle social etnon plus exclusivement technique Pourtant on peut reprocher au DO son ideacutealismeLrsquohomme serait fondamentalement bon Or lrsquoindividu ne lrsquoest pas toujours et sonaction peut ne pas aller dans le sens de lrsquointeacuterecirct collectif Il adopte des comporte-ments qui parfois nuisent agrave lrsquoefficaciteacute organisationnelle En postulant que les affectssont au cœur des comportements le DO sous-estime le rocircle des inteacuterecircts individuelsainsi que les jeux politiques

13 Le modegravele politique

Le modegravele politique met lrsquoaccent sur la pluraliteacute des acteurs et la divergence desinteacuterecircts Lrsquoadoption et lrsquoimplantation drsquoune reacuteforme reacuteveillent etou accentuent lesjeux de pouvoir Dans ces conditions la reacuteussite de lrsquoopeacuteration deacutepend du degreacute deconvergence entre les inteacuterecircts des acteurs et les finaliteacutes du projet Il est questionpour le manager de jouer le rocircle de facilitateur et de neacutegociateur en mettant en

controcircle le changement eacutetait imposeacute de maniegravere autocratique par la direction Le secondse caracteacuterisait par une deacutemarche plus deacutemocratique les salarieacutes choisissaient des repreacute-sentants qui discutaient des deacutetails du changement avec la direction envisageaient denouvelles meacutethodes et formaient ensuite leurs collegravegues Enfin dans le troisiegraveme groupela deacutemarche de changement eacutetait participative crsquoest-agrave-dire que tous les employeacutes eacutetaientassocieacutes agrave la deacutemarche de changement et les deacutecisions eacutetaient prises en eacutetroite collabora-tion avec les managersAgrave lrsquoissue des quarante jours de lrsquoexpeacuterience les consultants remarquegraverent que lorsque lesemployeacutes eacutetaient inteacutegreacutes agrave la deacutemarche de changement la productiviteacute augmentaitDans le groupe de controcircle les reacutesistances demeuraient vivaces et lrsquoabsenteacuteisme se main-tenait agrave un niveau eacuteleveacute Dans les deuxiegraveme et troisiegraveme groupes les reacutesistances se reacutedui-saient et lrsquoabsenteacuteisme et le turnover avaient quasiment totalement disparus En outre lesreacutesultats de production srsquoeacutetaient significativement ameacutelioreacutes Si le premier groupe produi-sait 48 uniteacutes agrave lrsquoheure (et se situait en dessous de la moyenne de 60 uniteacutes) le deuxiegravemegroupe produisait 68 uniteacutes agrave lrsquoheure et le troisiegraveme 73 uniteacutes agrave lrsquoheure Il eacutetait donc possi-ble drsquoeacutetablir une relation de cause agrave effet entre degreacute de participation aux deacutemarches dechangement productiviteacute et reacutesistance

Agrave partir de COCH L et FRENCH J R P laquo Overcoming Resistance to Change raquoHuman Relations vol 1 ndeg 4 1948 et AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H

et MICHEL S Management aspects humains et organisationnels Eacutedition PUF 1999

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Le changement organisationnel

eacutevidence les avantages que le changement procure aux individus tout en en atteacutenuantles inconveacutenients Mais son action doit viser les cateacutegories drsquoacteurs internes (sala-rieacutes comiteacute drsquoentreprise deacuteleacutegueacute du personnelhellip) comme externes (syndicatsactionnaireshellip) car tous sont en mesure drsquoinfleacutechir le processus Pour ce modegravele lechangement ne reacuteussira que si une masse critique drsquoindividus est convaincue de soninteacuterecirct Alors elle se fera lrsquoambassadeur du projet et en assurera la diffusion Lepilote du changement doit donc acqueacuterir une leacutegitimiteacute politique afin de trouver desallieacutes et les convaincre des avantages qursquoils pourront retirer du changement Par sonhabileteacute il utilise les subtiliteacutes du pouvoir pour manœuvrer

Ce modegravele voit lrsquoorganisation comme une aregravene politique dans laquelle les rela-tions de pouvoir reacutegulent le systegraveme social Chaque joueur est doteacute drsquoobjectifspropres et controcircle diffeacuterentes ressources des affrontements plus ou moins ouvertspour le maintien ou lrsquoacquisition des pouvoirs caracteacuterisent la vie de lrsquoorganisationEt le comportement des individus est exclusivement domineacute par leurs inteacuterecirctspersonnels

Ce modegravele srsquoavegravere donc plus reacutealiste il souligne la neacutecessiteacute pour le reacuteformateurde se construire une leacutegitimiteacute politique pour agir sur lrsquoorganisation Pour autantcela suppose un reacuteformateur particuliegraverement habile car il doit drsquoune part bien iden-tifier qui sont les acteurs influents et drsquoautre part srsquoen faire des allieacutes Toutefois cemodegravele (comme les deux preacuteceacutedents) tend agrave neacutegliger le rocircle du passeacute dans lamaniegravere de conduire le changement

14 Le modegravele increacutementiel

Le modegravele increacutementiel met en eacutevidence le poids des deacutecisions passeacutees de laculture de la structure et des routines organisationnelles dans le processus de chan-gement Autrement dit ces eacuteleacutements drsquoheacutereacutediteacute modegravelent la situation nouvelle surlrsquoancienne Le changement est ainsi toujours le produit de lrsquohistoire de lrsquoorganisa-tion Il subit des contraintes anteacuterieures mais en contribuant agrave la faccedilonner il creacutee descontraintes ulteacuterieures Le changement ne se deacutemarque donc jamais totalement descaracteacuteristiques de lrsquoentreprise les deacutecisions drsquohier faccedilonnent celles drsquoaujourdrsquohuiDans ces conditions la gestion du changement consiste agrave ne pas neacutegliger les traitsorganisationnels existants et agrave laisser le contexte local construire le changementavant qursquoil ne prenne sa forme globale Selon cette approche il nrsquoest pas question deplaquer une forme deacutetermineacutee Le changement se construit progressivement par desprocessus drsquoadaptations locales et drsquoappropriations individuelles et collectives Il estquestion de prendre appui sur le contexte pour srsquoen deacutemarquer progressivement

Ce modegravele voit lrsquoorganisation comme le produit drsquoune histoire dont il est difficilede se deacutefaire Les caracteacuteristiques de lrsquoentreprise sont stables par nature et elleslrsquoenracinent Les comportements des acteurs srsquoanalysent alors en reacutefeacuterence agrave cettehistoire Ils en reacutesultent comme ils contribuent agrave la construire

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Lrsquointeacuterecirct de cette approche est de souligner les difficulteacutes de lrsquoaction intention-nelle Srsquoil veut que le changement reacuteussisse le reacuteformateur doit permettre auxacteurs de srsquoemparer partiellement du projet En participant agrave sa conception lesreacuteformeacutes se construisent des repegraveres nouveaux sans se deacutetacher totalement desanciens Pour ce modegravele le reacuteformateur doit dans une certaine mesure accepter devoir le projet lui eacutechapper et se modifier en dehors de son controcircle Il ne peut agirque de maniegravere increacutementale

Repegraveres Le passeacute social de VVF pegravese sur sonavenir

Creacuteeacutee dans les anneacutees cinquante VVF (Village Vacances Famille) reacutepond aux objectifs delrsquoeacutepoque deacutemocratiser les vacances Le gouvernement avait mis en place une politiquesociale des vacances afin de permettre aux familles agrave revenus modestes de partir en vacan-ces Crsquoest sur ce projet ambitieux et geacuteneacutereux laquo les vacances pour tous raquo que VVF est bacirctiPourtant en septembre 1998 VVF deacutecide un plan social touchant 140 personnes (lesplateaux teacuteleacutephoniques sont fermeacutes drsquoabord celui de Lyon puis celui de Dourdan)Edmond Maire son preacutesident appelle agrave une laquo veacuteritable conversion mentale raquo et agrave laquo uneattitude et des pratiques radicalement diffeacuterentes de celles qui ont preacutevalu ces derniegraveresanneacutees raquo Lrsquoancien secreacutetaire geacuteneacuteral de la CFDT affirme que VVF a laquo un gros problegravemeculturel agrave fortes retombeacutees eacuteconomiques neacutegatives la tendance agrave ameacuteliorer les presta-tions agrave creacuteer des emplois pour y faire face passe avant les eacutequilibres eacuteconomiques avantlrsquoameacutelioration des salaires avec une apparente acceptation passive du personnel [hellip]Lrsquoavenir de lrsquoentreprise appelle des changements importants la recherche du rendementde la rentabiliteacute doit deacutesormais ecirctre un preacutealable agrave chacun de nos actes [hellip] VVF vit au-dessus de ses moyens et nrsquoest pas lanceacute dans la bataille de la productiviteacute raquo Ce plan socialbaptiseacute laquo plan drsquoaction raquo vise notamment agrave ameacuteliorer la productiviteacute du groupe en reacutedui-sant ses charges fixes Cette deacutecision difficile pour lrsquoex-leader de la CFDT doit normale-ment assainir la situation financiegravere de VVF Malgreacute une croissance de 5 en 1998 legroupe affiche pour la deuxiegraveme anneacutee conseacutecutive un reacutesultat neacutegatif Agrave lrsquoannonce de ceplan social qui devait aboutir agrave la suppression de laquo seulement raquo 40 emplois (le restefaisant lrsquoobjet de reclassement) les syndicats reacuteagirent brutalement Ainsi selon cettedeacuteleacutegueacutee CFDT laquo parler de mobiliteacute et de projets professionnels agrave des smicards on sait quecrsquoest utopique En dehors du plan social de nombreux saisonniers vont perdre des mois decontrat ni vu ni connu Nous sommes plus qursquoinquiets eacutecœureacutes raquo Lrsquointersyndicale de VVFa ducirc mal agrave avaler la couleuvre laquo VVF Vacances se deacuteveloppe se restructurehellip et licencie raquolit-on en tecircte de son communiqueacute Et les inquieacutetudes srsquoaccentuent lorsqursquoen avril PatriceGarnier le preacutesident de C3D branche de la Caisse des deacutepocircts et consignations annonceque son entreprise se preacutepare agrave augmenter jusqursquoagrave 80 sa participation au capital de lasocieacuteteacute VVF Vacances et signifie clairement que celle-ci doit accroicirctre sa rentabiliteacute CFDTCGT CFTC et FO supportent difficilement le message laquo Deacutesormais les mentaliteacutes vontchanger raquo remarque Madeleine Talagrand repreacutesentante de la CFDT laquo Il va falloir reacutemuneacute-rer les actionnaires et lrsquoargent investi Crsquoest la privatisation drsquoun investissement social deplus de quarante ans qui srsquoest construit gracircce agrave la Caisse des deacutepocircts et aux subventions delrsquoEacutetat agrave travers le statut associatif raquo laquo Crsquoest de lrsquoescroquerie agrave tous les niveaux raquo srsquoexclameJean-Franccedilois Chierbert de la CGT

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Le changement organisationnel

Enfin le modegravele symbolique propose une analyse centreacutee sur la production desens

Quelques mois plus tard le preacutesident Maire annonce qursquoil quitte la direction drsquoun groupeqursquoil a preacutesideacute durant dix ans il prend le rocircle honorifique (et nrsquoexercera aucune responsabi-liteacute opeacuterationnelle) de preacutesident de lrsquoassociation VVF qui deacutetient 51 du groupe VVFSocieacuteteacute Anonyme Son deacutepart est preacutevu pour avril 1999 Crsquoest Olivier Colcombet entreacute il y aun an transfuge des Galeries Lafayette qui est introniseacute nouveau numeacutero un du groupeLes ambitions du nouveau directeur exeacutecutif sont drsquoabord de restaurer la profitabiliteacute dugroupe pour atteindre un reacutesultat net positif de 5 millions drsquoeuros (seuil de lrsquoautonomiefinanciegravere)Pour atteindre cet objectif Olivier Colcombet fixe cinq actions principales bull la mise en œuvre du laquo plan drsquoaction raquo afin de reacuteduire de 3 millions drsquoeuros les chargesfixes de lrsquoentreprise bull le renforcement de la capaciteacute drsquoaccueil par lrsquoextension de 7 villages (sur les 130 quecompte le groupe) et la construction de 400 appartements chalets bull lrsquoaugmentation du chiffre drsquoaffaires en basse saison bull lrsquoouverture de trois ou quatre gros villages (1 000 appartements) repreacutesentant plusieurscentaines de millions drsquoinvestissements bull le renforcement de lrsquoimage de VVF avec notamment la creacuteation de veacuteritables boutiquesde ventes dans les grandes villes pour mieux lutter contre ses concurrents Pierre et Vacan-ces ou le Club MedSelon Olivier Colcombet ces actions sont ineacutevitables et indispensables car VVF est deacutesor-mais devenu laquo une entreprise comme les autres raquo qui ne beacuteneacuteficie plus des aides de lrsquoEacutetatUn discours drsquoentrepreneur partageacute agrave 100 par Edmond Maire Signe symbolique de cettemutation le groupe VVF Vacances abandonne en juillet 2002 son siegravege historique de laVillette pour celui de Gentilly dans le Val de Marne Selon lrsquoactuel preacutesident laquo ce travail dereconstruction de lrsquoentreprise eacutetait indispensable Ne rien faire crsquoeacutetait prendre un risque Ilfallait donner de la valeur agrave une entreprise qui perdait de lrsquoargent raquo Le temps de lrsquoassocia-tion est deacutesormais reacutevolu VVF est controcircleacute agrave 80 par la C3D laquo bras armeacute raquo et filialedrsquoinvestissement de la Caisse des deacutepocircts et consignations et est entreacute de plain-pied dans lesecteur concurrentiel Autre signe la refonte des structures centrales preacutevoit la suppres-sion de 150 postes et la creacuteation de 70 autres agrave laquo haute valeur ajouteacutee raquo La strateacutegie dedeacuteveloppement est clairement afficheacutee positionner lrsquooffre laquo un produit confortable agrave untarif bien positionneacute agrave porteacutee de voiture raquo reacutenover les uniteacutes vieillissantes et investir 100 agrave200 millions drsquoeuros au cours des quatre prochaines anneacutees et conqueacuterir lrsquoeacutetranger pourlimiter lrsquoeacuterosion des ventes sur le territoire national

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Chronique drsquoune transformation agrave VVF comment diagnostiquer et surmonter la reacutesistance au changement raquo CCMP 2005

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15 Le modegravele symbolique

Ce modegravele met lrsquoaccent sur le rocircle du sens et des significations dans le processusde changement En effet selon Weick (1979) le changement attire lrsquoattention desacteurs de lrsquoentreprise parce qursquoil est dissemblable de ce qursquoils ont connu aupara-vant Ces derniers vont lui donner un sens (crsquoest-agrave-dire le rendre intelligible) agrave partirde lrsquoopeacuteration mentale appeleacutee enactment Lrsquoenactement (ou mise en scegravene de lareacutealiteacute) doit permettre de renouveler les scheacutemas drsquointerpreacutetation pour que soitrendue intelligible la nouvelle situation Mais cette mise en acte mentale nrsquoopegravere pasen toutes circonstances Les individus peuvent davantage ecirctre tenteacutes drsquoopeacuterer uneseacutelection crsquoest-agrave-dire de produire des significations agrave partir des anciens scheacutemasdrsquointerpreacutetation Cette confirmation leur permet en effet drsquoaccroicirctre lrsquointelligibiliteacutedes situations car ils choisissent les explications qui viennent confirmer les ancien-nes pratiques drsquointerpreacutetation Celles-ci sont en effet stockeacutees selon un processusde reacutetention crsquoest-agrave-dire de meacutemorisation des modes de penseacutee En mettantlrsquoemphase sur lrsquoattribution de sens ce modegravele preacuteconise que la conduite du change-ment soit fondeacutee sur la production de sens En effet la signification que les reacutefor-meacutes donnent au projet conditionne leur interpreacutetation et leur engagement Lereacuteformateur doit permettre que srsquoopegravere la mise en scegravene mentale et limiter les inter-preacutetations sur la base des anciens scheacutemas Agrave cet eacutegard le rocircle des leaders transfor-mationnels est souvent eacutevoqueacute En situation de changement donc drsquoincertitude leleader est celui qui par ses caracteacuteristiques personnelles emporte lrsquoadheacutesion etmobilise pour lrsquoaction Le leader transformationnel incarne le changement et endevient la figure embleacutematique il marque la volonteacute de mouvement en portant et endiffusant une nouvelle vision de lrsquoentreprise Par sa vision il agit sur les interpreacuteta-tions son action identitaire produit du sens Il est celui qui porte et assume lrsquoeacutevolu-tion identitaire de lrsquoorganisation Figure deacutemiurgique le leader transformationnelest lrsquoarchitecte social du changement

Cette approche conduit agrave consideacuterer lrsquoorganisation comme un systegraveme social bacirctisur des significations Toute action dans lrsquoorganisation produit du sens et le change-ment plus que toute autre intention manageacuteriale accentue les processus de creacuteationde sens Les comportements sont donc agrave analyser comme le produit de cette activiteacutementale les actes sont guideacutes par lrsquointelligibiliteacute que les individus ont (et fabri-quent) des situations

Le modegravele interpreacutetativiste donne aux repreacutesentations un rocircle central Il integravegreune dimension nouvelle dans la conduite des changements celle de la reacutegeacuteneacuterationdes repreacutesentations afin drsquoaider lrsquoenactment Pour autant cela suppose un reacuteforma-teur doteacute drsquoaptitudes transformationnelles capable drsquoincarner la transition identi-taire

Ces diffeacuterents modegraveles offrent incontestablement une vision eacuteclairante de laconduite du changement Ils veacutehiculent cependant une conception trop speacutecifique etfragmenteacutee de lrsquoaction manageacuteriale de transformation Si collectivement leur apportest reacuteel en termes de compreacutehension du pheacutenomegravene individuellement leur pouvoir

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Le changement organisationnel

normatif est relativement faible car la conception de lrsquoorganisation et du processusde changement sur laquelle repose leur prescription est partielle Nombre drsquoauteursont ainsi souligneacute la neacutecessiteacute de conduire le changement dans une perspectivemultidimensionnelle Il est donc peu pertinent de consideacuterer ces modegraveles commeuniversels car leur validiteacute deacutepend du contexte organisationnel et du type de change-ment On peut par exemple leacutegitimement penser que le modegravele hieacuterarchique estparticuliegraverement adapteacute agrave un microchangement mais qursquoil est peu approprieacute pour unchangement culturel Finalement ces modegraveles sont agrave appreacutehender dans une perspec-tive contingente

Pour autant ces approches si elles varient quant agrave leurs prescriptions reposent surun postulat commun le changement se gegravere Bon greacute mal greacute le reacuteformateurparviendra agrave changer la situation de lrsquoorganisation Certains auteurs se sont eacuteleveacutescontre cette conception fortement empreinte de rationalisme et ont souligneacute les limi-tes drsquoune telle conception de lrsquoaction manageacuteriale Clemer (1995) postule ainsi quelaquo le concept de gestion du changement repose sur le mecircme raisonnement dangereu-sement seacuteduisant que celui sur lequel repose le concept de planification strateacutegique[hellip] Le changement ne peut ecirctre geacutereacute On peut lrsquoignorer lui reacutesister le creacuteer ou entirer partie mais on ne peut pas le geacuterer ou le faire avancer au moyen drsquoun quelcon-que processus ordonneacute raquo (in Mintzberg et al 1999) Eacutemerge ce que nous nommonsle paradigme complexe de la gestion du changement

2 Le paradigme complexe de la gestion du changement

Pour ce paradigme les logiques du changement ne respectent pas celles delrsquoaction intentionnelle En drsquoautres termes le changement subit des distorsions quialtegraverent sa trajectoire et la rendent aleacuteatoire Ainsi lrsquointention de changement nepeut srsquoabstraire de la complexiteacute organisationnelle pour laquelle les conseacutequencesdes actions initieacutees sont impreacutevisibles Lrsquoaction intentionnelle de changement peutalors mener agrave des effets inattendus voire contraires agrave lrsquointention initiale Commelrsquoexplique Thieacutetart (2001) laquo la notion de complexiteacute implique celle drsquoeacutemergencepossible du nouveau raquo Il en reacutesulte en fin de course une impossibiliteacute de maicirctriser leprocessus de changement

Cela provient selon la theacuteorie de la complexiteacute du fait que les organisations sontdes systegravemes non lineacuteaires dynamiques Ils se caracteacuterisent par un comportementimpreacutevisible un grand nombre drsquoentiteacutes en interaction une initiative deacutecentraliseacuteeet une deacutecomposition impossible La non-preacutevisibiliteacute reacutesulte de lrsquoimpossibiliteacute deretracer le cheminement des effets des variables Peuvent se produire des comporte-ments laquo acausaux raquo conseacutequence du nombre illimiteacute drsquointeractions et de boucles dereacutetro et proaction Cette impreacutevisibiliteacute est renforceacutee par la deacutecentralisation desinitiatives Il est en effet impossible drsquoidentifier les actions geacuteneacutereacutees et a fortiorileurs effets sur le comportement du systegraveme Il en deacutecoule enfin une irreacuteductibiliteacutede lrsquoorganisation celle-ci ne pouvant ecirctre appreacutehendeacutee agrave partir des actions de ses

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membres Il en reacutesulte que les organisations ne sauraient obeacuteir agrave quelconque loielles sont gouverneacutees par une grande incertitude Aussi comme le fait remarquerThieacutetart (2001) laquo le rationnel le lineacuteaire et le planifieacute ougrave le risque est mesureacuteeacutevalueacute assumeacute par un acteur unique est meacutelangeacute agrave lrsquointuition et au hasard [hellip]Lrsquoeacutelaboration de seacutequences drsquoaction preacutedeacutetermineacutees semble degraves lors voueacutee agravelrsquoeacutechechellip raquo En conseacutequence de ces limites le paradigme complexe souligne lasensibiliteacute de lrsquoorganisation aux conditions initiales

Repegraveres Le rocircle des conditions initiales laTwingo naicirct du projet IRIS

Le projet IRIS naicirct lorsque Bernard Hanon estimant que le bureau drsquoeacutetude nrsquoest pas suffi-samment inventif en creacutee un second le BEREX (bureau drsquoeacutetude et de recherche explora-toire) Le rocircle de la nouvelle entiteacute est laquo drsquoaller plus vite que lrsquoorganisation Renault etsurtout drsquoinnover raquo et ce dans les eacutetudes de petites seacuteries et la recherche avanceacutee Le projetIRIS initieacute par le BEREX amorce laquo une reacutevolution culturelle raquo Renault qui doit apprendrela productiviteacute srsquointerroge sur la conception drsquoune usine de montage aussi productive queles usines japonaises ainsi que sur lrsquoinvention drsquoun petit veacutehicule Pour conduire cettereacuteflexion les ingeacutenieurs eacutetudes et meacutethodes et une douzaine drsquoeacutequipementiers sontreacuteunis pour la premiegravere fois dans un lieu commun le plateau-projet IRIS aboutit agravelrsquoentreacutee en scegravene des concepteurs socio-organisationnels Ceux-ci doivent faciliter la coor-dination entre les uniteacutes fonctionnelles et favoriser la transversaliteacute La reacuteflexion engageacuteepermet de rendre explicite des hypothegraveses de fonctionnement de lrsquousine qui eacutetaientjusqursquoalors resteacutees implicites primauteacute des fonctions techniques stabiliteacute du produit etdu process structure cloisonneacuteehellip En ce sens le projet IRIS interroge lrsquoorganisation geacuteneacute-rale de lrsquoentreprise et sa capaciteacute agrave construire des usines hyperproductives Il met eacutegale-ment en eacutevidence que les caracteacuteristiques structurelles et culturelles de Renault rendentquasi-impossible la construction drsquousines aussi performantes que celles des constructeursjaponaisSi IRIS se solde par un eacutechec le projet produit un apprentissage pour Renault Drsquoune part ilsrsquoagit de la premiegravere collaboration sur un mecircme plateau-projet entre les ingeacutenieursdrsquoeacutetudes et des meacutethodes sur un projet agrave orientation industrielle Les reacutesultats en termesde raccourcissement des deacutelais et drsquoameacutelioration des niveaux de productiviteacute (atteignantceux des meilleurs concurrents) vont convaincre le comiteacute de direction de lrsquointeacuterecirct de cedispositif Drsquoautre part la reacuteflexion entameacutee avec IRIS conduit agrave remettre en cause desmodes de raisonnement profondeacutement ancreacutes dans les scheacutemas cognitifs (lrsquoimportancedes fonctions techniques et le cloisonnement des meacutetiers) IRIS deacutemontre ainsi qursquounprojet automobile doit mobiliser une plus grande diversiteacute de points de vue la prise encompte de la complexiteacute industrielle et technique ne peut ecirctre distincte des preacuteoccupa-tions sociales et marketing De mecircme la proximiteacute permet de mobiliser les acteurs autourde projets agrave forts enjeux et drsquoobtenir un soutien sans faille Avec IRIS Renault laquo invente raquodonc une nouvelle faccedilon de concevoir des voitures Lrsquoinnovation automobile qursquoest laTwingo en sera le symbole Elle viendra laquo reacuteveiller raquo les repreacutesentations et connaissancesgeacuteneacutereacutees dans le cadre du projet IRIS

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Le changement organisationnel

Appliqueacute agrave la gestion de changement ce paradigme suggegravere que plutocirct que dechercher agrave maicirctriser le processus de changement en le pilotant il convient de creacuteerles conditions organisationnelles qui le faciliteront Cette approche preacuteconise doncdrsquoinstitutionnaliser le changement de le rendre permanent et continu afin qursquoildevienne une routine une aptitude enracineacutee dans les processus de lrsquoentreprise Cetencastrement est la voie exploreacutee par lrsquoapprentissage organisationnel Voyons dansquelle mesure lrsquoapprentissage est susceptible de faire du changement un eacutetat perma-nent de lrsquoentreprise

Selon March (1991) la reacuteponse reacuteside dans le deacuteploiement des processusdrsquoexploitation et drsquoexploration Car comme le souligne Weick (1977) laquo faire ce quelrsquoon a toujours fait est neacutecessaire dans lrsquoadaptation agrave court terme Faire ce que lrsquoonnrsquoa jamais fait est neacutecessaire dans lrsquoadaptation agrave long terme et les deux sont neacuteces-saires simultaneacutement raquo (Thieacutetart et Forgues 1993) Reprenons chaque modaliteacute etexpliquons en quoi elles transcendent le changement

Lrsquoexploitation se reacutefegravere agrave lrsquoaccumulation drsquoexpeacuterience Ainsi lorsqursquoune pratiquede gestion est agrave lrsquoœuvre dans une organisation et se reacutepegravete reacuteguliegraverement les acteursaccordent une attention particuliegravere aux reacutesultats obtenus Lorsque ceux-ci srsquoeacuteloi-gnent des objectifs attendus ils en analysent les raisons et laquo corrigent le tir raquo Cettereacuteflexion sur lrsquoaction aboutit donc le plus souvent agrave une ameacutelioration des modes degestion Crsquoest ainsi que les pratiques en vigueur dans une organisation se perfection-nent sous lrsquoeffet de leur reacutepeacutetition En ce sens lrsquoapprentissage par lrsquoexploitationconduit lrsquoentreprise agrave introduire des changements mineurs incessants des ajuste-ments constants Les individus sont alors pris dans un mouvement continu en reacutevi-sant reacuteguliegraverement leurs faccedilons de travailler ils deacuteveloppent des capaciteacutesdrsquoapprentissage Pour eux la constante nrsquoest plus la stabiliteacute mais le changement

Le projet X06 ou Twingo va ainsi marquer lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon de concevoirdes voitures Reacuteussite exemplaire sur le plan commercial et veacuteritable reacutevolution en matiegraverede management de projet le projet X06 constitue un moment fort dans lrsquohistoire deRenault Lrsquoeacutevolution consiste drsquoabord agrave rendre le projet plus autonome en termes de prisede deacutecisions Avec un responsable et une eacutequipe deacutedieacutes le projet prend le pas sur lrsquoorgani-sation par meacutetiers Les fonctions deviennent progressivement des reacuteservoirs drsquoexpertisequi precirctent leurs ressources aux projets en cours Lrsquoautonomisation des projets srsquoaccompa-gne eacutegalement drsquoune deacutemarche nouvelle la concourance Pour Midler (1993) laquo tous lesmeacutetiers du deacuteveloppement interviennent non pas seacutequentiellement mais ensemble toutau long du projet raquo Les interventions des expertises meacutetiers ne sont plus limiteacutees agrave unephase du processus mais srsquoeffectuent tout au long de celui-ci

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Gestion du changement et apprentissage organisationnel raquoin MEIER O Gestion du changement Dunod Coll laquo Gestion Sup raquo 2007 et SOPARNOT R

laquo De la capaciteacute de gestion du changement agrave la gestion de la capaciteacute de changement le concept de capaciteacute organisationnelle de changement raquo

Habilitation agrave diriger des recherches Universiteacute de Rennes 1 2008

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Lrsquoexploration consiste agrave renouveler les pratiques organisationnelles Il est questionde srsquoeacuteloigner de ce qui existe deacutejagrave dans lrsquoorganisation de faire ce qui nrsquoa jamais eacuteteacutefait drsquoinventer et drsquoexpeacuterimenter des pratiques totalement ineacutedites Pour celalrsquoentreprise doit questionner ses modes drsquointerpreacutetation des situations afin drsquoimagi-ner des faccedilons nouvelles de faire les choses En ce sens lrsquoapprentissage par explora-tion transcende le changement organisationnel Lrsquoentreprise parvient drsquoune part agraveinstiller une culture du changement et drsquoautre part agrave se doter drsquoun reacuteservoir de solu-tions potentielles Ainsi lorsque des reacuteformes importantes seront neacutecessaires lessalarieacutes seront plus enclins agrave soutenir et adopter des nouveauteacutes pour lesquelles ilsont eacuteteacute en quelque sorte preacutepareacutes De la mecircme maniegravere les solutions eacutelaboreacutees parle biais des expeacuterimentations font partie du patrimoine de lrsquoentreprise Elles consti-tuent des reacuteponses possibles agrave des eacutevolutions environnementales ulteacuterieures Commelrsquoexpliquent Thieacutetart et Forgues (1993) laquo lrsquoexpeacuterimentation de nouveaux paradig-mes organisationnels permet le deacuteveloppement de catalogues de configurations danslesquels lrsquoorganisation peut puiser lorsque les forces de changement lrsquoemportent surla viscositeacute et les reacutesistances de cette derniegravere raquo

Repegraveres La discussion experte agrave Intel

Intel est une socieacuteteacute ameacutericaine speacutecialiseacutee dans la fabrication de circuits inteacutegreacutes Elle aeacuteteacute fondeacutee par Gordon Moore Robert Noyce et Andrew Groove alors qursquoils venaient dequitter la Fairchild Semiconductor une socieacuteteacute de conception et de fabrication de circuitsinteacutegreacutes Quelques anneacutees plus tard les entrepreneurs inventent le microprocesseur lrsquoinnovation est baptiseacutee Intel 4004 Cette reacutevolution technologique et celles qui ont suiviexpliquent la position drsquoIntel de premier fabricant mondial de semi-conducteurs et demicroprocesseurs En 2008 lrsquoentreprise a reacutealiseacute un chiffre drsquoaffaires de 376 milliards dedollarsLe succegraves drsquoIntel vient aussi de la faccedilon dont lrsquoentreprise gegravere ses eacutequipes en privileacutegiantlrsquointeacutegration des employeacutes Agrave Intel lrsquoapprentissage organisationnel est une reacutealiteacute et ilrepose en partie sur la technique de la discussion experte Celle-ci est expeacuterimenteacutee danslrsquoentreprise fin 1992 lorsque le directeur de lrsquouniteacute drsquoassemblage et de semi-conducteursdrsquoArizona Ed Carpenter srsquoaperccediloit de la neacutecessiteacute drsquointeacutegrer une vision partageacutee au travailquotidien des collaborateurs Il remarque qursquoIntel accorde beaucoup de valeur au travaildrsquoeacutequipe et veut diffuser une vision commune au sein de son uniteacute Pour ce faire le direc-teur se rend au Centre drsquoapprentissage organisationnel du MIT dont lrsquoentreprise estmembre Et crsquoest lagrave que Peter Senge lui indique Rick Ross Ce dernier va lrsquoaider agrave deacutevelopperla pratique reacuteguliegravere de la discussion experte chez IntelLa pratique de la discussion experte deacutebute lorsque le directeur de lrsquousine eacutevoque le thegravemedu travail en eacutequipe et dit agrave ses collaborateurs qursquoil estime que son uniteacute ne travaille pas eneacutequipe En fait il voulait dire que les individus ne srsquointeacuteressaient pas aux autres et quelrsquoindividualisme preacutevalait parmi les membres de lrsquoeacutequipe de direction ce qui ne contribuaiten rien au deacuteveloppement global de lrsquoentreprise Cependant comme le directeur nrsquoeacutetaitpas habitueacute agrave ce type de discussions il nrsquoa pas vraiment expliqueacute ce qursquoil y avait derriegravereson discours sur le travail en eacutequipe Malgreacute cela sa deacuteclaration permit drsquoouvrir le sujet et

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Le changement organisationnel

In fine lrsquoapprentissage organisationnel provenant de comportements drsquoexplora-tion et drsquoexploitation permet de construire un ensemble de conditions initiales dontles caracteacuteristiques sont de nature agrave faciliter les changements ulteacuterieurs Selon leparadigme complexe les individus deviennent les veacuteritables agents du changementIls nrsquoen sont plus les destinataires Ce sont eux qui par des comportements drsquoimpro-visation rechercheacutes et valoriseacutes par le sommet enclenchent en continu des change-ments organisationnels Ils sont en effet ameneacutes au quotidien agrave faire face agrave desopportuniteacutes des eacutevegravenements inattendus pour lesquels ils improvisent des reacuteponsesEt cela ameacuteliore la reacuteceptiviteacute de lrsquoentreprise aux reacuteformes futures

suscitait des reacuteflexions chez chaque employeacute En fait pour eux le travail en eacutequipe existaitmas ils croyaient que le fait de faire ce que leur eacutetait demandeacute eacutetait lrsquoideacuteal Et crsquoest pourcela qursquoils ne mettaient pas en cause la faccedilon dont le travail eacutetait fait Ce problegraveme estfreacutequent dans les organisations surtout lorsque les individus ne reccediloivent aucun feedbacksur leur travail et nrsquoont pas drsquoobjectifs deacutefinis Ils font ce qui leur semble ecirctre le mieux poureux ce qui peut ne pas lrsquoecirctre pour la direction Durant les sessions suivantes le directeurremarquait que ses employeacutes aussi avaient des attentes par rapport agrave lui et qursquoils nesavaient pas les exprimer Alors que le directeur attendait de ses collaborateurs qursquoilstravaillent en groupe pour lrsquoaider agrave construire le futur de lrsquoentreprise les employeacutes atten-daient de lui qursquoil leur explique comment srsquoy prendre En fait ils attendaient qursquoon leurexplique comment travailler en eacutequipe Les attentes eacutetaient donc contradictoiresRick Ross fit comprendre agrave Ed Carpenter que les leaders eacutetaient souvent confronteacutes agrave cegenre drsquoambiguiumlteacutes Mais cette constatation comme le souligne le directeur a eacuteteacute consideacute-rable sur le deacuteveloppement des employeacutes Selon lui les heures de discussion experte quiont suivi ont permis des progregraves bien plus importants que ceux reacutealiseacutes durant les moispreacuteceacutedents Le directeur a en effet reacuteveacuteleacute qursquoil attendait drsquoeux qursquoils se comportent en veacuteri-tables leaders qursquoils responsabilisent leurs propres collaborateurshellip Or en attendant desconsignes sur comment travailler en eacutequipe ils avaient montreacute qursquoils nrsquoen eacutetaient pas et ilsen avaient pris conscience Et les discussions ne se sont pas arrecircteacutees au thegraveme du travailen eacutequipe Les groupes qui participaient aux reacuteunions ont commenceacute agrave discuter desproblegravemes de lrsquoentreprise et de la maniegravere de les reacutesoudre Des discussions sur le mode deproduction de lrsquoentreprise ont ainsi eacuteteacute abordeacutees et ont permis des reacutesultats positifs pourlrsquoentreprise Sans srsquoen apercevoir il srsquoagissait deacutejagrave drsquoun travail en eacutequipe Par exemple il yavait une eacutequipe dans lrsquoentreprise avec laquelle personne ne voulait avoir de contact agravecause de leur hostiliteacute mais en reacutealiteacute les propres membres de cette eacutequipe nrsquoeacutetaient pasau courant de lrsquoimpression qursquoils transmettaient et avaient le sentiment de faire du bontravail en lrsquoabsence de signaux contraires La prise de conscience de ces impressions permitdrsquoameacuteliorer les relations entre cette eacutequipe et toutes les autresGracircce aux seacuteances de discussion experte Carpenter a pu identifier les facteurs importantspour la reacuteussite de ce type de technique lrsquoimplication du leader une masse critique depersonnes engageacutees un climat de confiance un esprit drsquoeacutegaliteacute lrsquoeacutevocation de questionssans reacuteponse ferme ou deacutefinitive pour provoquer la participation des employeacuteshellip

Agrave partir de SENGE P La cinquiegraveme discipline Eacutedition First 1991

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En synthegravese nous suggeacuterons de consideacuterer les modegraveles de conduite du change-ment comme relevant soit du paradigme gestionnaire soit du paradigme complexeLa figure suivante rappelle leurs caracteacuteristiques respectives (figure 45)

Figure 45 mdash Les paradigmes de la gestion du changement organisationnel

De reacutecents travaux meneacutes sur la maicirctrise du changement organisationnel suggegraverentque ces deux paradigmes sont en fait compleacutementaires Ainsi selon Soparnot (20042006) puis Klarner et al (2007 2008) il convient drsquoouvrir la boicircte noire de lrsquoorga-nisation pour mieux comprendre les ressorts et les meacutecanismes de la maicirctrise duchangement Ce faisant ils montrent que lrsquoaptitude de lrsquoentreprise agrave mener avecsuccegraves une multitude de changements provient de ce qursquoils nomment la capaciteacuteorganisationnelle de changement Et celle-ci se compose drsquoun ensemble drsquoattributsarticuleacutes en trois dimensions (contextuelle processuelle et structurante) quisrsquoinscrivent dans les deux paradigmes de la gestion du changement Dans ce qui suitnous analysons les eacuteleacutements constitutifs de cette capaciteacute

3 La capaciteacute organisationnelle de changement

La capaciteacute organisationnelle de changement se deacutefinit comme lrsquoaptitude delrsquoentreprise agrave produire de faccedilon reacutepeacuteteacutee (sur le long terme) des reacuteponses concordan-

Les modegraveles de gestion du changement

Le paradigme gestionnaire

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Modegravelehieacuterarchique

Modegravele du DO

Modegravelepolitique

Modegraveleincreacutementiel

Modegravelesymbolique

Le paradigme complexe

Le processus de changement est aleacuteatoire

Modegravele de lrsquoapprentissageorganisationnel

Creacutee les conditions

initiales

Enracine le changement

Institutionnalise le changement

dans les pratiques routiniegraveres

Le changement ne se m

anage pas

Les modaliteacutes de gestion

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Le changement organisationnel

tes varieacutees (diffeacuterents types de changement) agrave des eacutevolutions environnementales(contexte externe) etou organisationnelles (contexte interne) et agrave rendre effective ausein de lrsquoentreprise la transition induite par ces derniegraveres Elle se compose drsquounensemble des attributs regroupeacutes en trois dimensions (figure 46)

Source Soparnot (2004 2006) Klarner et al (2007 2008)

Figure 46 mdash Les dimensions et attributs de la capaciteacute organisationnellede changement

Les attributs contextuels se reacutefegraverent aux caracteacuteristiques initiales de lrsquoorganisa-tion ils jouent un rocircle de modulateur des changements Lorsqursquoils sont reacuteunis ilssupportent et influencent positivement les processus de transition de lrsquoorganisationIls caracteacuterisent des entreprises pour lesquelles lrsquoinnovation et le changement cons-tituent des valeurs fortes (valeur du changement) De mecircme leur structure se carac-teacuterise par une certaine flexibiliteacute (le plus souvent elle est de type organique) Ensuiteleur culture est tregraves coheacutesive et le sentiment drsquoappartenance fort Il existe eacutegalementune relation de confiance entre les acteurs et les managers intermeacutediaires et supeacute-rieurs Ce sont en outre des entreprises dans lesquelles ont eacuteteacute institutionnaliseacutees lareacutesolution collective des problegravemes et les pratiques participatives Enfin ces organi-

Le leadershiptransformationnel

Dimensionprocessuelle

Dimensionstructurante

Dimensioncontextuelle

La leacutegitimiteacute perccediluedu changement

Les capaciteacutes drsquoapprentissageindividuelles

Lrsquoameacutelioration parlrsquoexpeacuterience

Le renouvellement parlrsquoexpeacuterimentation

La diffusion des connaissances etpratiques organisationnelles

La co-constructiondu changement

Le deacuteploiement increacutemental

La creacuteation de visibiliteacute

La confiance

La convergence culturelle

La valeur du changement

La flexibiliteacute structurelle

Les pratiques de consensus

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sations investissent activement dans la formation et la mobiliteacute du personnelhellip afindrsquoaccentuer les capaciteacutes drsquoapprentissage des collaborateurs

Agrave la dimension contextuelle de la capaciteacute de changement srsquoajoute la dimensionprocessuelle

Les attributs processuels se reacutefegraverent au pilotage du projet ils deacuteterminent eacutegale-ment la reacuteussite des changements Le respect de ces principes confegravere en effet unpotentiel de succegraves supeacuterieur dans la conduite des transformations de lrsquoentrepriseLes attributs processuels caracteacuterisent des entreprises qui mettent drsquoabord lrsquoaccent

Repegraveres Lrsquoabsence des attributs contextuels agravelrsquoOMS

En mai 2003 le docteur Lee Jong-Wook est eacutelu agrave la tecircte de lrsquoOrganisation mondiale de lasanteacute (OMS) Lrsquoorganisation fait alors face agrave plusieurs changements environnementauxDrsquoune part de nouveaux risques sanitaires apparaissent (SRAS obeacutesiteacutehellip) Et drsquoautre partla pression financiegravere srsquoaccentue sous lrsquoeffet drsquoun changement de politique de santeacute desEacutetats les conduisant agrave reacuteduire leur soutien financier et drsquoune compeacutetition plus grande pourlrsquoobtention de fonds Au niveau interne le nouveau preacutesident constate la preacutesence demultiples clans qui nrsquoeacutechangent pas leurs informations et savoirs sur les projets en cours Ilobserve eacutegalement une lenteur dans les prises de deacutecisions qursquoil explique par la tropgrande centralisation de la structure et la deacutemotivation des collaborateursLe docteur Lee Jong-Wook engage alors lrsquoOMS dans un projet de changement ambitieux il veut transformer lrsquoOMS en une organisation flexible orienteacutee vers le reacutesultat Pour cefaire il agit sur les ressources humaines et les infrastructures technologiques Il eacutetablitdrsquoabord des profils de compeacutetence et met en place la rotation obligatoire des postes Auniveau technologique il deacuteploie un systegraveme drsquoinformations dont la vocation est drsquoencoura-ger les eacutechanges de savoirs drsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute administrative et de promouvoir ladeacutecentralisation des ressources agrave lrsquoeacutechelle des reacutegions et des pays Il instaure enfin unsystegraveme de mesure de la performance afin de faire preuve de plus de transparence sur lesdeacutepenses et reacutesultats vis-agrave-vis des parties prenantesCe changement va connaicirctre nombre de problegravemes les acteurs de terrain eacuteprouveront degrandes difficulteacutes agrave srsquoinitier aux nouvelles technologies promues par le projet agrave alimenterles bases de donneacutees et agrave les exploiter de mecircme qursquoils adheacutereront difficilement agrave la rota-tion des postes et agrave la mobiliteacute interpays Lrsquoanalyse de ces difficulteacutes met en avant lrsquoinexis-tence de capaciteacutes individuelles drsquoapprentissage Celles-ci nrsquoont jamais eacuteteacute consideacutereacuteescomme centrales par la direction preacuteceacutedente de lrsquoOMS ndash par exemple peu drsquoinformationsprovenant du siegravege eacutetaient communiqueacutees aux diffeacuterents bureaux situeacutes dans les pays ndashles formations eacutetaient eacutegalement rares En conseacutequence les changements en termes degestion des ressources humaines et drsquoinfrastructure technologique ndash qui imposentdrsquoacqueacuterir de nouvelles aptitudes agrave titre individuel ndash nrsquoont pas eacuteteacute adopteacutes aiseacutement par lesacteurs de terrain

Agrave partir de SOPARNOT R laquo La capaciteacute drsquoadaptation ccedila se travaille raquoLrsquoExpansion Management Review ndeg 129 juin 2008

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Le changement organisationnel

sur le leadership Les changements de premier ordre sont en effet piloteacutes par desleaders transformationnels des individus capables drsquoinsuffler une eacutenergie consideacutera-ble au projet De mecircme la leacutegitimiteacute de la reacuteforme est placeacutee au cœur des dispositifsde pilotage Lrsquoenjeu est de permettre la prise de conscience par les acteurs de laneacutecessiteacute de changer Ensuite le mode drsquoimpleacutementation du changement accordeune place centrale agrave la construction collective du projet et agrave une mise en œuvreprogressive Enfin la communication tout au long du processus est consideacutereacuteecomme impeacuterative

Enfin la capaciteacute de changement se compose de la dimension structurante Sesattributs nrsquoinfluencent pas directement le processus de changement ils agissent au

Repegraveres La strateacutegie de changement agrave VVF

En 1997 le statut associatif de VVF (Village Vacances Famille) laisse place agrave un statut dedroit priveacute la socieacuteteacute anonyme Trois facteurs principaux imposent agrave Edmond Maire sonpreacutesident de mettre en chantier ce changement Le premier eacuteleacutement est la remise encause par le ministegravere du Budget et les services fiscaux des avantages dont beacuteneacuteficient lesassociations de tourisme ayant une activiteacute agrave caractegravere eacuteconomique dans un secteurconcurrentiel Ces associations seront donc soumises agrave un reacutegime de droit commun VVF laplus grosse de ces associations est en premiegravere ligne En second lieu le cadre juridique lieacuteau statut associatif ne permet pas le deacuteveloppement en grand drsquoactions commerciales Laloi autorise une association agrave ne vendre ses prestations qursquoagrave ses adheacuterents et limite touteaction publicitaire ou promotionnelle VVF ne peut plus agir avec de telles contraintes et abesoin dans un contexte concurrentiel fort de disposer de marges de manœuvre pourgagner de nouvelles parts de marcheacute Le dernier facteur est drsquoordre financier Lrsquoentreprise abesoin drsquoinvestir pour reacutenover son parc immobilier Le recours au financement paremprunts bancaires impose des critegraveres de santeacute financiegravere Parallegravelement lrsquoapparition denouvelles prioriteacutes sociales a conduit les partenaires de VVF agrave se deacutesengager contraignantlrsquoentreprise agrave ameacuteliorer sa rentabiliteacute et financer seule ses investissementsPour mettre en œuvre le changement la direction reacutedige agrave lrsquointention de lrsquoensemble dupersonnel une note dans la lettre du groupe indiquant que VVF serait degraves le premiernovembre 1997 une SA Le document eacutevoque les raisons de ce changement de statut et lesconseacutequences pour lrsquoentreprise (paiement de la TVA taxe professionnelle et impocirctsocieacuteteacute) affirme que le personnel est maintenu et que lrsquoentreprise conserve sa vocationsociale Les syndicats et les salarieacutes reacuteagissent brutalement agrave un changement qursquoils perccediloi-vent comme totalement imposeacuteLrsquoabsence de leadership (Edmond Maire incarne les valeurs sociales) une reacuteforme preacutepareacuteeen comiteacute restreint (le comiteacute drsquoentreprise les syndicats et les salarieacutes nrsquoont agrave aucunmoment eacuteteacute associeacutes au projet) une communication trop limiteacutee (les lettres drsquoinformationempecircchent tout eacutechange)hellip caracteacuterisent un mode de pilotage du changement tregraves eacuteloi-gneacute des attributs processuels de la capaciteacute de changement

Agrave partir de SOPARNOT R laquo La capaciteacute drsquoadaptation ccedila se travaille raquoLrsquoExpansion Management Review ndeg 129 juin 2008

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niveau des dimensions contextuelle et processuelle en permettant lrsquoacquisition et ledeacuteveloppement de leurs attributs Ils caracteacuterisent des entreprises qui possegravedent troisproprieacuteteacutes reacutegeacuteneacuteratrices autrement dit trois types drsquoaptitudes agrave lrsquoapprentissageorganisationnel Tout drsquoabord elles apprennent au travers du fonctionnement organi-sationnel reacutegulier Ensuite elles enrichissent leur savoir en srsquoeacuteloignant de ce quiexiste dans lrsquoorganisation en faisant ce qui nrsquoa jamais eacuteteacute fait et en expeacuterimentantdes pratiques totalement ineacutedites Enfin elles consacrent des ressources consideacutera-bles afin drsquoassurer le transfert des connaissances et des pratiques dans drsquoautres espa-ces de lrsquoorganisation (pays deacutepartement sitehellip)

Repegraveres La diffusion drsquoune nouvelle deacutemarchede gestion de projet chez Renault

Chez Renault le projet X06 (ou Twingo) marque lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon deconcevoir des voitures Au cœur de ce changement des meacutethodes de gestion de projet (laconcourance) se trouve le dispositif du plateau Le plateau-projet est un lieu physique danslequel sont reacuteunis les membres de lrsquoeacutequipe Si le plateau est un moyen de stimuler leseacutechanges entre les membres du projet il est encore plus une maniegravere drsquoassurer la conver-gence de savoirs compleacutementaires Par exemple un ingeacutenieur des meacutethodes peut ecirctreameneacute agrave eacutemettre une opinion sur des choix de marketing et inversement Cette conver-gence preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord en multipliant les avis elle stimulela creacuteativiteacute et donc lrsquoinnovation du produit Ensuite elle reacuteduit les temps de traitementdes conflits car les acteurs entretiennent des contacts directs ce qui limite la circulation delrsquoinformation Enfin le nombre des conflits srsquoatteacutenue car les acteurs sont plus enclins agravefaire des compromis lorsqursquoils sont reacuteguliegraverement au contact drsquoexpertises multiplesCet outil va progressivement se diffuser au sein de lrsquoentreprise et permettre la creacuteation decertains attributs de la capaciteacute de changement La propagation du plateau-projet vadrsquoabord srsquoopeacuterer en direction des services chargeacutes de deacutevelopper les eacuteleacutements meacutecaniques(moteurs boicirctes de vitesse et poids lourds) puis srsquoeacutetendre agrave drsquoautres entiteacutes de lrsquoentreprisenotamment agrave lrsquoISE (lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais est le deacutepartement en charge dudeacuteveloppement des moyens drsquoessais) Cette diffusion srsquoexplique par le fait que les meacutetho-des de gestion de projet expeacuterimenteacutees lors du projet Twingo ont eacuteteacute codifieacutees stockeacuteesdans des bases de connaissances internes et exploiteacutees par les responsables de lrsquoISELrsquoadoption de ce changement sera une reacuteussite cela srsquoexplique par deux raisons principa-les La premiegravere tient au fait que la direction de Renault a prolongeacute les beacuteneacutefices du chan-gement en les transformant en savoirs et en assurant leur diffusion Drsquoune part lesbeacuteneacutefices ont fait lrsquoobjet drsquoun travail de codification et de transformation en bonnes prati-ques Drsquoautre part celles-ci sont diffuseacutees par des agents au travers de club drsquoeacutechanges(Club de Montreacuteal Groupe Deltahellip) Et cela permet lrsquoameacutelioration des capaciteacutes drsquoappren-tissage individuelles La seconde raison tient agrave la reacuteussite exemplaire sur le plan commer-cial de la Twingo En effet la construction et la diffusion des savoirs se fondent sur unereacuteussite indeacuteniable qui justifie que soient geacuteneacuteraliseacutees les pratiques deacuteployeacutees lors de ceprojet Cela renforce la leacutegitimiteacute du changement

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Le changement organisationnel

In fine la capaciteacute de changement se compose de quatorze attributs inteacutegreacutes agrave troisdimensions Celles-ci remplissent une fonction speacutecifique Si la dimension contex-tuelle module les changements la dimension processuelle pegravese plus directement surla reacuteussite du processus enclencheacute Quant agrave la dimension structurante elle agit sur lelong terme En permettant la creacuteation et le deacuteveloppement des attributs contextuelset processuels elle confegravere agrave la firme des qualiteacutes de reacutegeacuteneacuteration

Figure 47 mdash Le management renouveleacute du changement organisationnel

Approcher la conduite du changement organisationnel sous lrsquoangle de la capaciteacutede changement impose aux managers de repenser leur maniegravere de geacuterer cesmoments de la vie des entreprises En effet la gestion du changement ne laquo peut raquo

Diagnostic des attributs de la capaciteacute de changement

Position favorable

Eacutevaluation descaracteacuteristiques du

changement et de la deacutemarche

drsquoaccompagnement

Conduite duchangement

Peacuterennisation du changement Maintien de la dynamiqueProcessus drsquoapprentissage

Position deacutefavorable

Phase drsquoeacutevaluationPhase

drsquoacquisitionPhase de

preacuteparationPhase de

changement

Phasedrsquoactivation

Action de changementpreacuteparatoire drsquoacquisition

des attributs

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plus se limiter agrave lrsquoapplication de principes exclusivement lieacutes agrave son implantationCette approche veacutehiculerait une vision simplifieacutee du changement qui ne tiendraitcompte que de la dimension processuelle et neacutegligerait le rocircle de la dimensioncontextuelle Dans cette optique nous proposons un modegravele renouveleacute de gestion duchangement organiseacute en cinq phases (figure 47)

La premiegravere eacutetape (phase drsquoeacutevaluation) consiste agrave deacutefinir le profil de capaciteacute dechangement de lrsquoentreprise Elle vise agrave identifier quels attributs lrsquoorganisationdeacutetient et quel est le degreacute de maicirctrise de chacun drsquoentre eux Cette eacutetape permet uneeacutevaluation preacutecise du degreacute de maicirctrise globale de la capaciteacute Ce profil permet auxmanagers drsquoeacutevaluer les probabiliteacutes de reacuteussite des changements futurs et leurniveau de risque La position de lrsquoentreprise pourra donc ecirctre plus ou moins favora-ble La seconde eacutetape (phase drsquoacquisition) consiste donc agrave faccedilonner la capaciteacute dechangement de lrsquoentreprise avant drsquoengager une reacuteforme profonde en tentant deconstruire les attributs non maicirctriseacutes Le manager peut agrave cet effet impulser certainsajustements (comme des investissements drsquoapprentissage) qui visent agrave preacuteparer lecontexte agrave mieux toleacuterer les changements agrave venir Ce faisant ils geacutenegraverent et cultiventles ressources dont srsquoalimente la capaciteacute de changement Et la maicirctrise de ces attri-buts permettra de limiter les risques drsquoenlisement et drsquoeacutechec des changementsauxquels lrsquoentreprise devra faire face au cours de son deacuteveloppement

Ces deux premiegraveres phases suggegraverent une gestion intemporelle du management duchangement Il nrsquoest en effet plus question drsquoattendre le moment du changementpour le geacuterer car cela reviendrait agrave se limiter exclusivement agrave la dimension proces-suelle de la capaciteacute Il srsquoagit deacutesormais drsquoun exercice permanent les peacuteriodesstables dans la vie de lrsquoentreprise deviennent des phases de preacuteparation des reacuteformesdurant lesquelles lrsquoorganisation reacutealise des investissements drsquoapprentissage luipermettant de structurer le contexte dans lequel les changements futurs serontimplanteacutes Se construit ainsi un contexte favorable (les attributs de la dimensioncontextuelle) qui permet de contracter le temps de deacuteploiement des projets etdrsquoaugmenter les chances de succegraves

Pour autant les managers ne doivent pas neacutegliger les meacutethodes plus traditionnellesde gestion du changement crsquoest-agrave-dire le pilotage agrave proprement parler du processusEn effet lorsque lrsquoorganisation est en passe de srsquoengager dans un changement lesmanagers doivent deacutevelopper une meacutethodologie de pilotage adeacutequate Celle-cisrsquoarticule autour de trois phases succeacutedant aux deux eacutetapes preacuteceacutedentes

La troisiegraveme eacutetape (phase de preacuteparation) consiste agrave se concentrer sur le type dechangement et agrave en eacutevaluer les caracteacuteristiques Il srsquoensuit la preacuteparation drsquounemeacutethodologie drsquoaccompagnement adapteacutee Afin drsquoorienter favorablement le deacuterou-lement du projet celle-ci srsquoinspirera des attributs de la dimension processuelle Laquatriegraveme eacutetape (phase de changement) porte sur la mise en œuvre effective duchangement Le rocircle du manager est alors drsquoassurer la conduite du processus enveillant au respect des grandes lignes du plan drsquoactions deacutefinies lors de lrsquoeacutetapepreacuteceacutedente Enfin la derniegravere eacutetape (phase drsquoactivation) vise agrave profiter de la dynami-que dans laquelle se trouve lrsquoorganisation Le rocircle du manager est alors de peacuterenni-

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Le changement organisationnel

ser le changement de le prolonger et drsquoen tirer des enseignements Lrsquoenjeu de cettephase est drsquoentretenir etou drsquoacqueacuterir les attributs des dimensions contextuelle etprocessuelle et de preacuteparer lrsquoorganisation agrave mieux absorber les chocs qursquoelle srsquoinfli-gera ou que son milieu lui fera subir agrave terme

LrsquoessentielLe quatriegraveme et ultime chapitre de cet ouvrage srsquoest inteacuteresseacute au thegraveme du changementorganisationnel Nous lrsquoavons drsquoabord preacutesenteacute agrave partir de quatre dimensions En mobili-sant lrsquoapproche contextualiste deacuteveloppeacutee par Pettigrew (1985) ont successivement eacuteteacuteeacutetudieacutes le contexte les processus le contenu et la reacutesistance au changement Ensuite ledomaine de la conduite du changement organisationnel a eacuteteacute analyseacute Compte tenu de ladiversiteacute des approches en la matiegravere celles-ci ont eacuteteacute inteacutegreacutees au sein des paradigmesgestionnaire et complexe de la gestion du changement Un modegravele inteacutegrateur dit de lacapaciteacute organisationnelle de changement a conclu le chapitre Finalement ce chapitrepermet une compreacutehension en profondeur des meacutecanismes du changement organisationnelet de son management

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anagement des entreprises strateacutegie structure organisation a permisdrsquoaborder quatre dimensions deacutecisives de la vie des organisations Pour

chacune ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes les concepts cleacutes des thegravemes retenus et de nombreusesillustrations

Le premier chapitre srsquoest inteacuteresseacute aux thegravemes du meacutetier du manager dirigeant etde la strateacutegie drsquoentreprise Il a traiteacute des questions suivantes quelles sont lesmissions veacuteritables du manager dirigeant Comment conduire lrsquoanalysestrateacutegique Quelles orientations strateacutegiques permettent-elles drsquoassurer le deacutevelop-pement de lrsquoentreprise Quelles fonctions assurent-elles la mise en œuvre des choixstrateacutegiques et quels sont leurs rocircles respectifs

Le second chapitre aborde le domaine de la structure drsquoentreprise Il srsquoest concen-treacute sur les questions suivantes comment concevoir la structure drsquoune organisationou drsquoun deacutepartement Quelles sont les principales formes structurelles Existe-t-ildes structures plus performantes que drsquoautres et quels facteurs influencent-ils lastructure de lrsquoentreprise

Le troisiegraveme chapitre a deacuteveloppeacute les aspects humains du fonctionnement desentreprises Il a abordeacute les questions suivantes comment expliquer certains aspectsdes comportements humains dans les organisations En particulier comment carac-teacuteriser la motivation lrsquoimplication la coopeacuteration et lrsquoinfluence du groupe En cesens comment les managers peuvent-ils agir pour geacuterer leurs eacutequipes

Enfin le quatriegraveme chapitre de cet ouvrage srsquoest inteacuteresseacute au changement organi-sationnel Les questions suivantes ont eacuteteacute abordeacutees comment analyser une situation

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Conclusion

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de changement Quels facteurs poussent-ils les entreprises agrave initier deschangements Ces derniers sont-ils de mecircme nature Comment les geacuterer

Si cet ouvrage a proposeacute de nombreux eacuteleacutements de reacuteponse agrave ces multiplesquestions ceux-ci ne sont en rien deacutefinitifs Ils sont susceptibles drsquoeacutevoluer aurythme des travaux meneacutes sur le sujet et des eacutevegravenements qui ponctuent la vie desaffaires Une discipline complexe eacutevolutive et ineacutepuisable voilagrave ce qursquoest lemanagement des entreprises

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AKRICH M CALLON M LATOUR M laquo A quoi tient le succegraves des innovations Premiereacutepisode lrsquoart de lrsquointeacuteressement raquo Geacuterer et comprendre ndeg 11 1988

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eacutelit

wwwacmilancomwwwambafranceorgwwwcapitalfrwwwcelestialseasoningscomwwwdellcomwwweadscomwwweasyjetcomwwweasyjetfrwwwelwatancomwwwgmcomwwwikeacomwwwinformationweekcomwwwlequipefr

wwwlevistrausscomwwwmecachromecomwwwmmafrwwwmonsantocomwwwnokiacomwwworangefrwwwpanasonicfrwwwsanyocomwwwsanyofrwwwtectoycomwwwvalloureccomwwwzaracomwwwzeebocom

Cybergraphie

225

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acquisition 41

adhocratie 135

alliances 71

alliances strateacutegiques 43

analyse 11

apprentissage organisationnel 28 203

approvisionnements 74

autoriteacute 157

avantage concurrentiel 23 29 30

bilan 63

bureaucratie meacutecaniste 133

bureaucratie professionnelle 134

capaciteacute 25

capaciteacute dynamique 26

capaciteacute organisationnelle 26 193

centralisation 98

chaicircne de valeur 23 48 115

changement organisationnel 100 128 177

compeacutetences 29

complexiteacute (theacuteorie de la )201

comportement 138

compte de reacutesultat 63

concentration (strateacutegie de) 30 33

concurrence 11

confiance 159

configuration 131

contingence 121

coopeacuteration 75 150

coordination 46 93 131

croissance conjointe 69

croissance externe 40 69

croissance interne 40

croissance partageacutee 40

culture drsquoentreprise 172 191

cultures nationales 129

deacutecision 98 164

deacuteveloppement 70

deacuteveloppement durable 26 77

deacuteveloppement organisationnel 195

diffeacuterenciation 23 25 30 33 47

A

B

C D

Index des thegravemes

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

226

diffeacuterenciation-inteacutegration 100

diffusion 73

distinctives 29

district industriel 115

diversification 40 42 125 135

domination par les coucircts (strateacutegie de) 23 25 30 47

EDI 47

entreprise 89

environnement 127

eacutequipe 169

eacutequipes virtuelles 169

externalisation 117 126

facteurs cleacutes de succegraves (FCS) 21

facteurs de changement 179

financement 60

fonctions de soutien 60 90

fonctions principales 46 90

formalisation 96

fusion 41

fusion et acquisition 69

gestion des ressources humaines 64

gestion du changement 193

groupe 153 191

groupes strateacutegiques 18

identiteacute 155 172 175 191

implication 142

influence 157

innovation 28 71 73 135

innovation strateacutegique 34

innovations (increacutementalesradicales) 72

internationalisation 38

intuition 168

JIT (JAT ndash Juste agrave temps) 49

Kaizen 51

leader 158 163 200

logistique 46

manager 8 137 158

marketing 52

marketing mix 53

marque (image de) 31 54 59

meacutecaniste 99 123

motivation 138

organigramme 89

organique 99 114 123

parties prenantes 26 78

politique de communication 58

politique de distribution 56

politique de prix 55

politique produit 53

pouvoir 144 157 191 196

proceacutedeacutes 71

processus de changement 183

production 49

produits 71

projet 118 146 170

rationaliteacute limiteacutee 167

recherche et deacuteveloppement 70

reacuteseau drsquoentreprises 114

E

F

G

I

J

K

L

M

O

P

R

227

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Index des thegravemes

reacutesistance au changement 106 190responsabiliteacute sociale des entreprises (RSE) 78 83ressources 25

services 71speacutecialisation 37 90 125strateacutegie 10 125strateacutegies de deacuteveloppement 37stress 147structure 89 99 114structure divisionnelle 107structure en reacuteseau 114structure fonctionnelle 103

structure matricielle 111

structures meacutecanistes 128

structures organiques 128

structures par projet 118

styles de management 161

technologie 123 179

TQM 51

types de changement 185

valeur 25 172

vision 158

ST

V

229

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eacutelit

AC Milan 143

Airbus 61 108

Amcor 86

Bayer 21-22 186-187

Bouygues Teacuteleacutecom 172

Carrefour 84

Casino 56-57

Celestial Seasonings 97

Chrysler 175

Communauteacute drsquoagglomeacuteration de Saint-Quentin-en-Yvelines 151

Compagnie des services peacutetroliers 173

Daewoo 56-57 91

Daimler-Chrysler 61 130

Dell 50

DuPont 125

EADS 108-109

Easy Group 31-32

Easy Jet 31-32

ESSEC 39

Experian 15 17

Ford 42 44 72 92 185

France Teacuteleacutecom 58 112

GDF 80-81

General Motors 91 115

Harwood Manufacturing Company 195

Hasbro 19

HEC 39

Hitachi 41 117

Honda 42 182

A

B

C

D

E

F

G

H

Index des entreprises

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

230

Ikeacutea 76-77 165-166INSEAD 39Intel 185 204ITT 163

Lafarge 26 168Lego 19 176Levi Strauss amp Co 140LVMH 33

Matsushita Electric Company 164Mattel 19-20Mecachrome 61-62Meacutediameacutetrie 58-59Microsoft 16 35-36 53-54 174MMA 104-105

Nike 54 78 117Nintendo 35-37 53-54Nissan 9-10Nokia 159-160

Orange 112Organisation mondiale de la santeacute 208

Panasonic 41-42

Patagonia 86

Pfizer 21-22

PSA (Peugeot Citroeumln) 43-45 94 126 181-182

Renault 9 38 47 51-52 57 61 86 94 119 126 128 146 188-189 202 210

Sanyo 42

Smoby 20

Sony 35 41 53 174

ST Micro 158

Super U 148

Tec Toy 53-54

Toyota 42-45 49 61 72-73 115 181 183

Unisys 16-17

Vallourec 68-70

Virgin 135 195

VVF (Village Vacances Famille) 192-193 198-199 209

Zara 47 48

I

L

M

N

O

P

R

S

T

U

V

Z

231

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eacutelit

Akrich M 74

Amit R 26

Ansoff I 164

Aureacutegan P 118

Barney J B 29

Bennis W 158 161

Bidault F 159

Blake R 162

Blanchard K H 162

Bollinger D 129

Burgelman R A 127

Burns T 99 128

Callon M 74

Chandler A D 125 127 179

Clemer J 201

Crozier M 144 147 150

Dameron S 150

Forgues B 203-204

Freeman E 78

Freacutery F 20 118 135 174

Friedberg E 144 147 150

Garel G 95

Hersey P 162

Herzberg H 139

Hofstede G 129

Jarillo J C 159

Joffre P 118

Johnson G 10 20 135 174

Kets De Vries M 163

Kim W C 34

A

B

C

D

F

G

H

J

K

Index des auteurs

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

232

Klarner P 206-207Koenig G 28

Latour M 74Laughlin R C 188Lawrence P R 100 128Lewin K 156-157 161 183Lorsch J W 100 128

MacGregor D 161March J G 86 179 203Maslow A 139Mauborgne R 34Mayo E 150Midler C 95 120 203Miller D 163Mintzberg H 8 89 93 131-136 184 187 201Mitchell R K 81-82Mouton J 162

Nanus B 158 161

Penrose E 25Perrow C B 123-125Porter M 11 18-19 23-26 30 33-34 46 60

Rogers E 73

Scholes K 20 135 174

Shapiro S 168

Simon H 167

Soparnot R 17 28 37 45 52 57 66 73 84 95 102 119-120 127 147 152 167 170 175 181 189 193 199 203 206-210

Spence M T 168

Stalker G M 99 128

Teece D J 26

Theacutevenet M 141-142 172

Thieacutetart R-A 201 203-204

Usunier J C 159

Vandangeon-Derumez I 183-185

Vroom V 141

Watzlawick P 186

Weick K E 200 203

Wernerfelt B 26

Woodward J 123 125

Zannad H 119

L

M

N

P

R

S

T

U

V

W

Z

wwwdunodcom

GeStIoN SupStrateacutegie bull Politique drsquoentreprise

RICHARD SopARNot

professeur de management strateacutegique au Groupe eSCeM et directeur de lrsquoaxe laquo entrepreneuriat et strateacutegies drsquoinnovation raquo du CReSCeM Docteur et Habiliteacute agrave diriger des recherches en sciences de gestion ses travaux portent sur lrsquoinnovation le changement et lrsquoapprentissage dans les organisations Il megravene eacutegalement des missions de conseils dans des entreprises de toute taille

Lrsquoobjectif de cet ouvrage est de faciliter la compreacutehension de lrsquoorganisation et du fonctionnement des entreprises Il met lrsquoaccent sur quatre grands domaines

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise bull rocircles des managers missions des fonctions principales et de soutien outils de diagnostics formulation des choix strateacutegiquesLes structures drsquoentreprise bull paramegravetres de structuration (speacutecialisation coordination formalisation et centralisation) typologie (fonctionnelle matricielle en reacuteseauhellip) et critegraveres drsquoefficaciteacuteLes comportements humains et le management des bullindividus dimensions comportementales (motivation jeux de pouvoir stress coopeacuterationhellip) leviers drsquoaction (styles de commandement travail en eacutequipe culture drsquoentreprisehellip)Le changement organisationnel bull angles drsquoanalyse (contexte processus contenu et reacutesistance) modegraveles de conduite du changement

Les concepts preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique sont illustreacutes par plus de soixante cas drsquoentreprise commenteacutes issus de lrsquoactualiteacute eacuteconomique

Public Eacutetudiants en Licence 3 et Master des universiteacutes))

Eacutetudiants des eacutecoles de commerce et drsquoingeacutenieur))

Cadres et dirigeants drsquoentreprise))

ManageMent des entrePrisesStrateacutegie bull Structure bull Organisation

Richard Soparnot

ManageMent ressources huMaines

Marketing coMMunication

finance coMptabiliteacute

ManageMent industriel

strateacutegie politique drsquoentreprise

aide agrave la deacutecision

ISBN 978-2-10-054254-3

  • Table des Matiegraveres
    • Remerciements
    • Avant-propos
    • 113La strateacutegie et les fonctions de lentreprise
      • Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lentreprise
        • 1 Lanalyse externe
        • 2 Lanalyse interne
        • 3 Les choix strateacutegiques
          • Section 2 Les fonctions principales
            • 1 La logistique
            • 2 La production
            • 3 Le marketing
              • Section 3 Les fonctions de soutien
                • 1 Les services financiers
                • 2 La gestion des ressources humaines
                • 3 Le deacuteveloppement technologique
                • 4 Les approvisionnements
                • 5 Le deacuteveloppement durable
                    • 213Les structures dentreprises
                      • Section 113Les paramegravetres de structuration
                        • 1 La speacutecialisation
                        • 2 La coordination
                        • 3 La formalisation
                        • 4 La centralisation
                        • 5 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration
                          • Section 2 Les types de structures13
                            • 1 La structure fonctionnelle
                            • 2 La structure divisionnelle
                            • 3 La structure matricielle
                            • 4 La structure en reacuteseau
                            • 5 Les structures par projet
                              • Section 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure13
                                • 1 La taille de lentreprise
                                • 2 La technologie
                                • 3 La strateacutegie
                                • 4 Lenvironnement
                                • 5 La culture nationale
                                • 6 Lapproche configurationniste
                                    • 313Les comportements humains et le management des hommes
                                      • Section 113Les comportements humains dans lrsquoorganisation
                                        • 1 La motivation et limplication
                                        • 2 Les jeux de pouvoir
                                        • 3 Le stress
                                        • 4 La coopeacuteration interindividuelle
                                        • 5 Le rocircle du groupe
                                          • Section 2 Le management des personnes13
                                            • 1 Le leader et le manager
                                            • 2 Les styles de management des personnes
                                            • 3 La deacutecision
                                            • 4 Le travail en eacutequipe
                                            • 5 La culture dentreprise
                                                • 413Le changement organisationnel
                                                  • Section 1 Les dimensions du changement organisationnel
                                                    • 1 Les facteurs de changement
                                                    • 2 Les processus de changement
                                                    • 3 Les types de changement
                                                    • 4 La reacutesistance au changement
                                                      • Section 2 La conduite du changement organisationnel
                                                        • 1 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement
                                                        • 2 Le paradigme complexe de la gestion du changement
                                                        • 3 La capaciteacute organisationnelle de changement
                                                            • Conclusion
                                                            • Bibliographie
                                                            • Cybergraphie
                                                              • Index des thegravemes13
                                                              • Index des entreprises13
                                                              • Index des auteurs13
Page 3: management des entreprises · 2020. 11. 21. · prise, représentée par un manager dirigeant, doit élaborer une stratégie générale. Celle-ci fixe une ligne d’horizon, un cap

Management des entreprisesStrateacutegie bull Structure bull

Organisation

Richard Soparnot

copy Dunod Paris 2009

Conseiller eacuteditorial Olivier Meier

ISBN 978-2-10-054254-3

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Remerciements 1

Avant-propos 3

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise 7

Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lrsquoentreprise 81 Lrsquoanalyse externe 102 Lrsquoanalyse interne 233 Les choix strateacutegiques 30

Section 2 Les fonctions principales 461 La logistique 462 La production 493 Le marketing 52

Section 3 Les fonctions de soutien 601 Les services financiers 602 La gestion des ressources humaines 643 Le deacuteveloppement technologique 704 Les approvisionnements 745 Le deacuteveloppement durable 77

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Table des matiegraveres

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

VI

Les structures drsquoentreprises 89

Section 1 Les paramegravetres de structuration 901 La speacutecialisation 902 La coordination 933 La formalisation 964 La centralisation 985 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie

de la diffeacuterenciation-inteacutegration 99

Section 2 Les types de structures 1031 La structure fonctionnelle 1032 La structure divisionnelle 1073 La structure matricielle 1114 La structure en reacuteseau 1145 Les structures par projet 118

Section 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure 1211 La taille de lrsquoentreprise 1212 La technologie 1233 La strateacutegie 1254 Lrsquoenvironnement 1275 La culture nationale 1296 Lrsquoapproche configurationniste 131

Les comportements humains et le management des hommes 137

Section 1 Les comportements humains dans lrsquoorganisation 1381 La motivation et lrsquoimplication 1382 Les jeux de pouvoir 1443 Le stress 1474 La coopeacuteration interindividuelle 1505 Le rocircle du groupe 153

Section 2 Le management des personnes 1571 Le leader et le manager 1572 Les styles de management des personnes 1613 La deacutecision 1644 Le travail en eacutequipe 1695 La culture drsquoentreprise 172

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Table des matiegraveres

Le changement organisationnel 177

Section 1 Les dimensions du changement organisationnel 1781 Les facteurs de changement 1792 Les processus de changement 1833 Les types de changement 1854 La reacutesistance au changement 190

Section 2 La conduite du changement organisationnel 1931 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement 1932 Le paradigme complexe de la gestion du changement 2013 La capaciteacute organisationnelle de changement 206

Conclusion 215

Bibliographie 217

Cybergraphie 223

Index des thegravemes 225

Index des entreprises 229

Index des auteurs 231

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rsquoexprime mes sincegraveres remerciements agrave Ana Luiza Cicconi assistante derecherche agrave lrsquoESCEM pour sa contribution agrave la reacutedaction des exemples Son

deacutevouement son seacuterieux et la qualiteacute de son travail ont grandement contribueacute agrave lareacutealisation de cet ouvrage

Mes remerciements vont eacutegalement agrave Caroline mon eacutepouse pour sa compreacutehen-sion sa bonne humeur quotidienne et son soutien infaillible

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Remerciements

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anagement des entreprises srsquoinscrit dans le prolongement drsquoun preacuteceacute-dent ouvrage intituleacute Organisation et gestion de lrsquoentreprise eacutegalement

eacutediteacute par les Eacuteditions Dunod Il srsquoen rapproche car la theacutematique geacuteneacuterale et la tramede lrsquoouvrage demeurent identiques et srsquoen distingue drsquoune part parce que denouveaux domaines sont abordeacutes (chaque chapitre est ainsi densifieacute au niveau theacuteo-rique) et drsquoautre part parce que les cas drsquoillustration sont plus nombreux et plusvolumineux Lrsquoesprit drsquoOrganisation et gestion de lrsquoentreprise est donc conserveacuteLes concepts sont preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique et sont systeacutematiquement illustreacutespar des exemples issus de lrsquoactualiteacute reacutecente de la vie des affaires

Le preacutesent ouvrage srsquoadresse principalement aux eacutetudiants des universiteacutes deseacutecoles drsquoingeacutenieur et de commerce suivant un cursus ou un cours deacutedieacute agrave lrsquoorganisa-tion et au management des entreprises Les cadres et dirigeants en exercice trouventeacutegalement un inteacuterecirct agrave lire cet ouvrage ils y deacutecouvrent de nombreuses cleacutes pourdeacutecrypter la vie des affaires dans laquelle ils sont immergeacutes et qursquoils contribuent agraveenrichir

Management des entreprises vise donc agrave comprendre les pheacutenomegravenes organisa-tionnels qui caracteacuterisent la vie drsquoune entreprise et des individus qui la composentAvec plus de trois millions drsquoentreprises seulement en France des PME (petites etmoyennes entreprises ndash le nombre de salarieacutes est compris entre 1 et 500) comme desGE (grandes entreprises ndash lrsquoeffectif deacutepasse 500 salarieacutes) eacutevoluant toutes dans dessecteurs tregraves diffeacuterents ndash il est drsquousage de distinguer les secteurs primaire (activiteacutesen relation avec la nature comme la pecircche lrsquoagriculturehellip) secondaire (activiteacutes detransformation comme lrsquoautomobile le bacirctimenthellip) et tertiaire (activiteacutes de service

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Avant-propos

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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comme la banque le tourismehellip) ndash la vie des entreprises est particuliegraverementcomplexe Deacutecrypter cette complexiteacute et faciliter la compreacutehension du monde desentreprises sont les objectifs du preacutesent opus

Posons drsquoembleacutee que lrsquoentreprise combine un ensemble de moyens humains tech-niques financiers et mateacuteriels afin de produire des biens et services et les commer-cialiser sur le marcheacute et qursquoelle se caracteacuterise par des finaliteacutes eacuteconomiques socialeset socieacutetales Eacuteconomique parce que lrsquoentreprise doit deacutegager les ressources finan-ciegraveres neacutecessaires agrave son deacuteveloppement et sa peacuterenniteacute Sociale parce qursquoelleemploie des individus et satisfait nombre de leurs besoins Socieacutetale car lrsquoactiviteacute delrsquoentreprise a une influence consideacuterable sur la socieacuteteacute (niveau de vie pauvreteacutechocircmagehellip) et lrsquoenvironnement eacutecologique (eacutemissions polluantes deacutechetshellip) Cecieacutetant poseacute nous proposons de consideacuterer le management et lrsquoorganisation des entre-prises autour de quatre grands domaines

Le premier concerne la strateacutegie de lrsquoentreprise et les fonctions qui la composentEn effet pour atteindre diffeacuterents objectifs (par exemple la croissance du chiffredrsquoaffaires lrsquoaugmentation des profits le versement de dividendes aux actionnaireslrsquoaccroissement de la reacutemuneacuteration des salarieacuteshellip) le manager geacuteneacuteral de lrsquoentre-prise analyse son environnement et son entreprise formule une strateacutegie et srsquoassurede la mise en œuvre Cette opeacuterationnalisation repose en partie sur lrsquoexpertise desdiffeacuterentes fonctions de lrsquoentreprise (marketing financiegravere gestion des ressourceshumaines recherche et deacuteveloppementhellip) Notons toutefois que le rocircle des mana-gers de fonctions ne se limite pas agrave un rocircle strict drsquoexeacutecution ils contribuent souventagrave lrsquoanalyse comme agrave la formulation strateacutegique

Le second domaine se reacutefegravere agrave la structure des entreprises En effet les deacutecisionset actions des acteurs situeacutes en diffeacuterents points de lrsquoentreprise doivent convergervers la reacutealisation des objectifs strateacutegiques Une mecircme entreprise peut ainsi conce-voir les produits en Europe et les fabriquer en Asie ce qui engendre un besoineacutevident de coordination Afin drsquoassurer cette conjonction une architecture geacuteneacuteraledoit exister Cette ossature (ou structure) permet donc de deacutecouper et reacutepartir letravail entre les entiteacutes de lrsquoentreprise et de coordonner leurs actions respectives

Le troisiegraveme domaine renvoie au comportement humain et au management desindividus En effet les entreprises sont avant tout des organisations humaines crsquoest-agrave-dire des systegravemes dont le fonctionnement est deacutetermineacute par les actes quotidiensdes individus qui les composent Il srsquoagit donc en premiegravere instance de comprendreles ressorts des comportements des personnes dans le contexte particulier de lrsquoentre-prise et en second lieu drsquoidentifier les moyens de les geacuterer

Enfin le quatriegraveme domaine traite du changement dans les entreprises En effetles entreprises font face agrave des eacutevolutions plus ou moins brutales radicales etfreacutequentes du milieu dans lequel elles opegraverent (arriveacutee drsquoun concurrent eacutemergencedrsquoune nouvelle technologiehellip) Le maintien de leur performance parfois mecircme leursurvie deacutepend de leur capaciteacute agrave saisir ces changements agrave les interpreacuteter convena-

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Avant-propos

blement et agrave adopter des reacuteponses approprieacutees (reacuteorientation strateacutegique reacutevolutionculturellehellip) Le thegraveme du changement organisationnel est ainsi au cœur du mana-gement des entreprises

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise la structure les comportementshumains et le management des personnes et enfin le changement organisationnelsont donc deacuteveloppeacutes dans ce qui suit Tels sont les domaines auxquels srsquointeacuteresseparticuliegraverement Management des entreprises

Nous vous en souhaitons bonne lecture

1Chapitre

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fin drsquoatteindre ses objectifs eacuteconomiques sociaux et socieacutetaux lrsquoentre-prise repreacutesenteacutee par un manager dirigeant doit eacutelaborer une strateacutegie

geacuteneacuterale Celle-ci fixe une ligne drsquohorizon un cap vers lequel elle srsquooriente et cons-titue agrave ce titre le fil conducteur des diffeacuterentes deacutecisions prises en son sein En cesens les activiteacutes drsquoachat de matiegraveres premiegraveres de fabrication des produits demarketing et de vente de lrsquooffre de recrutement de collaborateurshellip doivent ecirctre enphase avec la strateacutegie geacuteneacuterale de lrsquoentreprise Celle-ci constitue donc le cadre inteacute-grateur et de coheacuterence des missions de chaque fonction La premiegravere section lui estconsacreacutee Dans le prolongement il est important drsquoidentifier les fonctions quicomposent lrsquoentreprise leur peacuterimegravetre drsquoactions leurs objectifs prioritaires et leurstechniques et outils speacutecifiques Il est drsquousage de les regrouper en deux cateacutegoriesTandis que la seconde section srsquointeacuteresse aux fonctions principales la troisiegravemeanalyse les fonctions support

Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lrsquoentrepriseSection 2 Les fonctions principalesSection 3 Les fonctions de soutien

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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LE MANAGER DIRIGEANT ET LA STRATEacuteGIEDE LrsquoENTREPRISE

Le domaine de la strateacutegie de lrsquoentreprise relegraveve du sommet de lrsquoentreprise Dansles grandes entreprises les questions strateacutegiques sont traiteacutees par le comiteacute dedirection un organe manageacuterial composeacute du dirigeant et drsquoune eacutequipe de cadressupeacuterieurs Pour autant le manager dirigeant y joue un rocircle central car il porte laresponsabiliteacute des succegraves et des eacutechecs de la firme Dans les PME cette personnali-sation est encore plus marqueacutee le dirigeant souvent proprieacutetaire intervient le plussouvent seul dans les deacutecisions strateacutegiques Le rocircle du manager dirigeant danslrsquoentreprise a ainsi eacuteteacute preacuteciseacute par certains travaux La plus ceacutelegravebre eacutetude est celle deMintzberg (1984) Elle nous donne lrsquooccasion de comprendre de faccedilon plus finequelles sont effectivement les missions du manager Apregraves une eacutetude minutieuse delrsquoactiviteacute reacuteelle drsquoun manager il identifie dix comportements qursquoil est possible deregrouper en trois rocircles principaux les rocircles interpersonnels (les activiteacutes relation-nelles) informationnels (la gestion de lrsquoinformation) et deacutecisionnels (la productionde deacutecisions) Preacutesentons-les de faccedilon syntheacutetique

Repreacutesentant lrsquoautoriteacute formelle dans lrsquoentreprise le manager entretient des rela-tions avec de nombreuses personnes subordonneacutes clients partenaires administra-teurs responsables drsquoorganisations professionnelleshellip Agrave ce titre il doit satisfaire agravedes obligations relationnelles (accueillir des personnaliteacutes se rendre agrave des ceacutereacutemo-nies assister agrave des confeacuterenceshellip) Lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeant dans une entre-prise se traduit ainsi par une premiegravere phase de rencontre des diffeacuterentes partiesprenantes Ces multiples contacts lui permettent de glaner de nombreuses informa-tions Sa position dans et agrave lrsquoexteacuterieur de lrsquoorganisation et son reacuteseau relationnel luiconfegraverent une place privileacutegieacutee pour obtenir une information riche et fiable Il endeacutecoule pour le manager un rocircle drsquoagent de liaison il va transfeacuterer ces informationsaux personnes influentes (directeurs geacuteneacuteraux actionnaireshellip) et ainsi asseoir saposition dans lrsquoorganisation Pour autant cette information lui sert eacutegalement agraveremplir une fonction tout aussi importante la prise de deacutecision En ce sens il cher-che agrave adapter son entreprise aux changements majeurs de lrsquoenvironnement agraveameacuteliorer les pratiques en place et agrave multiplier les projets (nouveaux produits etouproceacutedeacutes reacuteorganisation acquisitions drsquoentreprises ouverture drsquoune filiale agrave lrsquoeacutetran-gerhellip) Le manager doit aussi faire face agrave des perturbations freacutequentes et traiter desproblegravemes impreacutevus (la perte drsquoun gros client la deacutefaillance drsquoun fournisseur desproblegravemes de qualiteacutehellip) Toutes ces deacutecisions qursquoelles soient relatives agrave des projetsdrsquoenvergure etou agrave des problegravemes immeacutediats neacutecessitent des arbitrages quant auxressources agrave engager Le manager gegravere en effet des ressources de nature diverse(argent temps et personnes) Il veille ainsi agrave ce que les deacutecisions soient coheacuterentesles unes avec les autres srsquoassure de leur coucirct de leur acceptabiliteacute par les subordon-neacutes de leur faisabiliteacute et des deacutelais de reacutealisation Il reacutesulte de ce rocircle de reacutegulateurune mission drsquoexplicitation et de neacutegociation aupregraves des deacutetenteurs de ressources

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Repegraveres Carlos Ghosn un manager drsquoexception

Lrsquoentreprise japonaise Nissan a presque connu la faillite en 1999 date de son alliance avecRenault Son endettement srsquoeacutelevait alors agrave 22 milliards de dollars ses parts de marcheacute necessaient de diminuer les pertes eacutetaient constantes et par conseacutequent sa valeur boursiegraveresrsquoeffondrait Cependant entre les mains de Carlos Ghosn lrsquoentreprise srsquoest peu agrave peurenouveleacutee et a pu tel le pheacutenix renaicirctre de ses cendres La strateacutegie de Carlos Ghosn eacutetaitbaseacutee sur quatre principes lrsquoengagement sur les reacutesultats des mesures rapides des solu-tions trouveacutees en interne et le multiculturalisme Ces mesures permirent agrave Carlos Ghosnde remettre le constructeur automobile sur de bons rails Trois ans plus tard Nissan deacutega-geait des beacuteneacutefices et sa marge opeacuterationnelle srsquoeacutelevait agrave 79 du chiffre drsquoaffaires (le chif-fre le plus eacuteleveacute de lrsquohistoire de la firme) La dette fut eacutegalement reacuteduite de plus de 80 etles ventes avaient cesseacute de baisser Enfin la valeur des actions eacutetait remonteacutee agrave un niveausatisfaisant

Lrsquoengagement sur le reacutesultatCarlos Ghosn a pousseacute agrave lrsquoextrecircme la notion drsquoengagement chez Nissan Les managers enplace devaient srsquoengager agrave atteindre certains objectifs chiffreacutes Lui-mecircme srsquoeacutetait fixeacute desobjectifs ambitieux ses engagements eacutetaient degraves la premiegravere anneacutee le retour aux beacuteneacute-fices la reacuteduction de la moitieacute de la dette et une marge opeacuterationnelle supeacuterieure agrave 45 du chiffre drsquoaffaires Pour montrer le seacuterieux de son engagement Carlos Ghosn promit quesi ses objectifs nrsquoeacutetaient pas atteints les membres du comiteacute exeacutecutif et lui-mecircme deacutemis-sionneraient Avec une telle pression les managers nrsquoavaient drsquoautre choix que de faire lemaximum pour tenir les objectifs Les objectifs du laquo Nissan Revival Plan raquo furent finale-ment atteints en deux ans au lieu de trois

Des mesures rapidesPour Carlos Ghosn changer eacutetait neacutecessaire mais la vitesse du changement eacutetait plusimportante encore Il devait obtenir des reacutesultats rapidement pour susciter lrsquoimplicationdes managers et regagner la confiance des clients Son plan a drsquoailleurs eacuteteacute mis en pratiqueavant mecircme la signature de lrsquoalliance avec Renault Lrsquourgence du changement avait permisagrave Ghosn drsquoappliquer sa conception du travail Il fit prendre conscience agrave ses eacutequipes que laplanification eacutetait la tacircche la moins importante et que lrsquoaction devait preacutevaloir Crsquoeacutetait lecontraire qui preacutedominait agrave Nissan

Des solutions trouveacutees en interneCarlos Ghosn ne croyait pas aux recettes preacutefabriqueacutees des cabinets de conseils Pour lui lasolution au problegraveme de Nissan se trouvait au sein de lrsquoentreprise Il a donc visiteacute tous lessites de Nissan dans le monde de faccedilon agrave comprendre ce qui se passait exactement Decette faccedilon il a creacuteeacute des groupes de travail internes responsables drsquoune mission preacuteciseChaque groupe disposait drsquoune relative autonomie mais drsquoaucun pouvoir de deacutecision Lesgroupes devaient rendre compte de leur reacuteflexion directement au comiteacute exeacutecutif Cela amarqueacute les esprits des salarieacutes japonais qui nrsquoavaient jamais eacuteteacute habitueacutes agrave srsquoexprimer dela sorte

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Ces diffeacuterentes activiteacutes regroupeacutees autour des rocircles interpersonnels information-nels et deacutecisionnels sont eacutetroitement lieacutees Elles srsquoenrichissent mutuellement Inseacute-parables les unes des autres elles forment une Gestalt un tout inteacutegreacute et caracteacuterisele meacutetier de manager dirigeant

Cette description renvoie fondamentalement au rocircle de strategravege Parce que la stra-teacutegie est faite de deacutecisions qui assurent la compeacutetitiviteacute durable de lrsquoentreprise (rocircledeacutecisionnel) et parce qursquoelle naicirct des interactions entre lrsquoenvironnement et lrsquoorgani-sation (rocircles informationnel et relationnel) le manager dirigeant a pour responsabi-liteacute premiegravere la formulation de la strateacutegie de lrsquoentreprise Celle-ci se deacutefinit commelrsquoensemble des deacutecisions drsquoallocation de ressources par lesquelles lrsquoentreprisedomine ses concurrents crsquoest-agrave-dire construit et maintient un avantage concurren-tiel et se deacuteveloppe sur un ou plusieurs marcheacutes via un systegraveme drsquooffre (produitsetou services) De ce fait les deacutecisions strateacutegiques se caracteacuterisent par un niveaude risque eacuteleveacute ndash elles engagent lrsquoentreprise sur une longue peacuteriode ndash une grandeincertitude ndash de multiples eacutevegravenements peuvent survenir et remettre en question leurpertinence initiale ndash et une complexiteacute extrecircme ndash les deacutecisions se prennent en situa-tion informationnelle limiteacutee (Johnson et al 2008)

Lrsquoeacutelaboration drsquoune strateacutegie drsquoentreprise suppose une phase preacutealable drsquoanalyseCelle-ci est supposeacutee eacuteclairer le dirigeant sur les caracteacuteristiques de lrsquoenvironnementdans lequel opegravere lrsquoentreprise (analyse externe) et celles de la firme agrave proprementparler (analyse interne) Pour cela lrsquoanalyse strateacutegique repose sur une batterie detechniques et drsquooutils La synthegravese de cette double analyse permet drsquoeacutevaluer la capa-citeacute de lrsquoentreprise agrave reacutepondre favorablement aux enjeux de son environnement etdrsquoorienter le dirigeant quant aux choix strateacutegiques agrave retenir

1 Lrsquoanalyse externe

Pour mener le diagnostic externe nous proposons de concentrer notre attention surdeux meacutethodes compleacutementaires drsquoanalyse de la concurrence (modegravele des cinq

Le multiculturalismeCarlos Ghosn est connu pour son multiculturalisme Drsquoorigine franco-libano-breacutesiliennepolyglotte il a travailleacute sur quatre continents Mais avant de reprendre la direction deNissan il ne connaissait rien du Japon Ce qui importe pour ce manager nrsquoest pas deconnaicirctre les autres cultures mais de savoir les respecter Crsquoest de cette faccedilon qursquoil aconduit la transformation chez Nissan En consideacuterant les speacutecificiteacutes culturelles de lrsquoentre-prise et du pays dont elle est originaire Malgreacute cela Carlos Ghosn srsquoest eacuteloigneacute de certai-nes traditions japonaises Il a notamment proceacutedeacute au deacutemantegravelement du keiretsu dontNissan faisait partie (un conglomeacuterat drsquoentreprises) supprimeacute les postes de preacutesidentsreacutegionaux introduit une nouvelle forme de reacutemuneacuteration variable baseacutee sur la perfor-mancehellip Aujourdrsquohui la populariteacute de Carlos Ghosn au Japon est telle qursquoil est devenu leheacuteros drsquoun manga

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forces et des groupes strateacutegiques) et de conclure en traitant du concept de facteurscleacutes de succegraves

Le modegravele des cinq forces permet drsquoanalyser lrsquointensiteacute de la concurrence quisrsquoexerce dans une industrie et en conseacutequence drsquoeacutevaluer sa profitabiliteacute SelonPorter (1982) lrsquoanalyse concurrentielle ne se limite pas exclusivement au champ descompeacutetiteurs intervenant dans lrsquoindustrie Il convient alors drsquoeacutelargir le champconcurrentiel agrave lrsquoensemble des acteurs eacuteconomiques en transaction Un secteur quelqursquoil soit est donc inseacutereacute entre un ensemble de fournisseurs et de clients Ces deuxcateacutegories drsquoacteurs exercent sur les entreprises du secteur des pressions variables(en termes de prix de deacutelai de paiementhellip) De mecircme la concurrence agrave laquelle selivrent entre elles les entreprises constitue une troisiegraveme menace (crsquoest la rivaliteacuteintrasectorielle) Ensuite les acteurs situeacutes hors de lrsquoindustrie peuvent envisager dese diversifier et font peser une menace suppleacutementaire Enfin les produits ou techno-logies de substitution constituent une ultime menace concurrentielle Finalementlrsquointensiteacute concurrentielle drsquoun secteur est repreacutesenteacutee par cinq forces (figure 11)

Figure 11 mdash Le modegravele des 5 forces

Une industrie sera drsquoautant plus concurrentielle (donc peu profitable et risqueacuteepour les acteurs en place) que les menaces sont intenses Cette intensiteacute deacutepend elle-mecircme de critegraveres propres agrave chaque force

Ainsi pour eacutevaluer le danger que les fournisseurs et les clients repreacutesentent sur lesecteur il faut examiner le pouvoir relatif qursquoils deacutetiennent Celui-ci se manifeste

Entrants Potentiels

Entrants Substituts

Concurrents dusecteur

ClientsFournisseurs

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par une pression sur les prix une reacuteduction de la qualiteacutehellip Le pouvoir des fournis-seurs et des clients deacutepend notamment des conditions suivantes Tout drsquoabord laconcentration relative drsquoun secteur fait reacutefeacuterence agrave la reacutepartition des parts de marcheacutesur un nombre plus ou moins grand drsquoentreprises Certains secteurs sont tregraves concen-treacutes deux ou trois entreprises controcirclant 60 agrave 70 du marcheacute drsquoautres sont beau-coup plus atomiseacutes Une concentration supeacuterieure confegravere au secteur qui enbeacuteneacuteficie un pouvoir de neacutegociation plus important Ensuite la qualiteacute lieacutee signifieque la valeur du produit fabriqueacute (ou du service rendu) par un secteur est fortementdeacutetermineacutee par la qualiteacute de ce qui est acheteacute au fournisseur Si tel est le cas lesecteur fournisseur possegravede vis-agrave-vis du secteur client un pouvoir de neacutegociationimportant De mecircme la diffeacuterenciation des produits rend la substitution drsquoun produitagrave lrsquoautre tregraves difficile et confegravere un pouvoir au secteur fournisseur sur le secteurclient En revanche lorsque les produits sont banaliseacutes le pouvoir de marcheacute desfournisseurs est beaucoup plus faible Le coucirct de transfert constitue un quatriegravemecritegravere Il se mesure par les deacutepenses engendreacutees par un changement de fournisseurPlus le coucirct de transfert est eacuteleveacute plus le secteur client est lieacute agrave celui des fournis-seurs le pouvoir de ce dernier croicirct en conseacutequence Enfin la concentration deseacutechanges confegravere un pouvoir de neacutegociation important au secteur qui repreacutesentepour le secteur partenaire une part importante de ses deacuteboucheacutes Le risque drsquounetrop grande concentration des ventes sur un seul type de clientegravele est ainsi bienconnu

Lrsquoeacutevaluation des menaces externes est repreacutesenteacutee par lrsquoentreacutee dans un secteurdrsquoun nouveau concurrent (menace drsquoentrants potentiels) et lrsquoirruption de produits oude services de substitution Leurs effets sont soit de diminuer la demande disponiblesoit de reacuteduire la part absolue du marcheacute du produit ou service traditionnel Analy-sons tout drsquoabord la menace de nouveaux entrants

Cette derniegravere provient drsquoentreprises qui pourraient par creacuteation ou par rachat sepreacutesenter dans le secteur avec une offre compeacutetitive Une entreprise est ainsi suscep-tible de devenir un nouvel entrant si elle srsquoy trouve un inteacuterecirct Celui-ci varie notam-ment en fonction des conditions suivantes Lorsque lrsquoactiviteacute envisageacutee srsquoinsegraverefacilement dans les activiteacutes actuelles de lrsquoentreprise qui possegravede deacutejagrave les compeacuteten-ces requises la menace de nouveaux entrants srsquoaccentue De mecircme lorsque lesecteur cibleacute repreacutesente un potentiel de croissance et de rentabiliteacute inteacuteressant il estattractif pour les entrants potentiels Eacutegalement lorsque lrsquoentreacutee dans le secteurconvoiteacute ne repreacutesente pas un coucirct dissuasif la menace srsquointensifie En effet unnouveau concurrent ne peut srsquoimplanter dans un secteur qursquoagrave deux conditions quelrsquoaccegraves au secteur soit possible sur le plan financier technique juridique (en fonc-tion des barriegraveres agrave lrsquoentreacutee) et que les concurrents en place le laissent srsquoimplanter(en fonction de la capaciteacute de riposte) Eacutetudions plus en deacutetail ces deux dimensions

Les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee constituent des verrous qui limitent les possibiliteacutesdrsquoaccegraves au secteur et freinent lrsquointrusion de nouveaux concurrents Ces barriegraveresdeacutependent

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ndash des eacuteconomies drsquoeacutechelle Elles impliquent une taille minimale pour atteindre descoucircts compeacutetitifs et concernent toutes les fonctions de lrsquoentreprise production(capaciteacute minimale de lrsquooutil) marketing (taille minimale du budget de publiciteacute)recherche et deacuteveloppement (budget minimum)hellip

ndash de certains avantages de coucircts dont beacuteneacuteficient les acteurs en place Ils consti-tuent un obstacle deacuteterminant Lrsquoaccegraves agrave la technologie par exemple peut ecirctreproteacutegeacute par un brevet les matiegraveres premiegraveres peuvent ecirctre controcircleacutees par quel-ques producteurs ou lrsquoexpeacuterience accumuleacutee par les firmes dominantes est sou-vent difficile agrave rattraperhellip

ndash de lrsquoaccegraves aux circuits de distribution Il constitue parfois un frein majeur Lesdistributeurs entretiennent en effet avec les fabricants en place des relations plusou moins strictes organiseacutees autour de normes de qualiteacute de niveau de prix dedeacutelais de livraison et de service Or les surfaces de vente sont limiteacutees et y acceacute-der est souvent difficile

ndash de la diffeacuterenciation des produits Elle renforce les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee Ellereacutesulte des efforts meneacutes par les fabricants pour affirmer leur image de marque etrendre fiable leur service et se traduit par la fideacuteliteacute de la clientegravele et lrsquoimportancedes coucircts de transfert rendant ainsi difficile la peacuteneacutetration dans le secteur

ndash de la politique gouvernementale Elle reacuteglemente freacutequemment lrsquoentreacutee danscertains secteurs comme les services publics ou les industries strateacutegiques etfreine la sortie dans drsquoautres cas pour proteacuteger lrsquoemploi par exemple

Si les barriegraveres agrave lrsquoentreacutee peuvent srsquoaveacuterer dissuasives pour les entrants potentielsla capaciteacute de riposte des acteurs en place joue un rocircle non neacutegligeable Elle estdrsquoautant plus importante que de faibles barriegraveres agrave lrsquoentreacutee laissent preacutesager unerelative permeacuteabiliteacute de la frontiegravere La capaciteacute drsquoune profession agrave deacutecourager rapi-dement le nouvel arrivant srsquoanalyse notamment agrave partir des facteurs suivants

ndash lrsquoexistence drsquoune tradition de relations professionnelles cordiales et freacutequentesCrsquoest le fait drsquoactiviteacutes anciennes bien structureacutees qui ont su mettre en place desmeacutecanismes de deacutefense efficaces et ougrave le nombre de concurrents en place estfaible Cela se traduit par des ententes implicites entre les acteurs rendant aleacutea-toire lrsquoexistence de deacuteboucheacutes pour lrsquooffre du nouvel entrant

ndash les ressources mobilisables par les entreprises Elles leur donnent une force defrappe instantaneacutee redoutable leur permettant drsquoannuler rapidement lrsquoavantageeacuteventuel sur lequel le nouvel entrant espeacuterait srsquoappuyer

ndash la structure des coucircts et les marges existantes Elles renforcent la capaciteacute des fir-mes en place agrave riposter ne serait-ce que par une baisse brutale des prix

ndash les obstacles agrave la sortie De natures eacuteconomiques (speacutecialisation des actifs ouimportance des coucircts fixes de sortie) strateacutegiques (inter-relations compleacutementa-riteacute avec drsquoautres domaines drsquoactiviteacute) et politiques et sociaux (interventionsgouvernementales ou syndicales pour empecirccher une entreprise drsquoabandonner unsecteur) ils deacuteterminent la capaciteacute de riposte Ainsi srsquoil est facile de sortir du

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secteur certaines firmes peuvent preacutefeacuterer cette eacutechappatoire plutocirct que drsquoengagerle combat avec le nouvel entrant

Analysons maintenant la menace de produits etou de services de substitution

La substitution consiste agrave remplacer un produit ou un service existant par un autreou plusieurs autres Les produits de substitution peuvent peser sur les prix du secteuret reacuteduire consideacuterablement la rentabiliteacute des entreprises en place En confisquantune partie plus ou moins importante de la demande ils peuvent acceacuteleacuterer le deacuteclindu secteur et conduire agrave une situation de surcapaciteacute Cette menace est drsquoautant plusforte que le produit etou le service remplit la mecircme fonction drsquousage agrave un coucirct pluscompeacutetitif voire une fonction plus large procurant ainsi agrave lrsquoutilisateur une utiliteacuteplus grande Les menaces de substitution sont agrave rechercher dans les nouvelles tech-nologies qui deacutejagrave mucircres dans des activiteacutes connexes voire eacuteloigneacutees peuventsrsquoappliquer dans lrsquoactiviteacute eacutetudieacutee et faire beacuteneacuteficier le consommateur drsquoun meilleurrapport qualiteacute-prix

Enfin le jeu concurrentiel intrasectoriel constitue la cinquiegraveme menace Il sereacutefegravere agrave la forme traditionnelle de concurrence repreacutesenteacutee par les compeacutetiteurs quisrsquoaffrontent sur le marcheacute Une forte concurrence directe se traduit par exemple parune baisse des prix une augmentation des coucircts publicitaires finalement par uneeacuterosion des margeshellip La rivaliteacute entre concurrents deacutepend notamment de la crois-sance de lrsquoactiviteacute Un marcheacute en forte croissance permet en effet agrave de tregraves nombreu-ses entreprises drsquoen tirer parti en termes de marges commerciales et de retour surinvestissement Agrave lrsquoopposeacute une faible croissance creacutee de fortes tensions en particu-lier en termes de prix De mecircme la diversiteacute des concurrents par leur origine tech-nologique ou sectorielle par leur taille ou leur implantation geacuteographique conduit agraveun morcellement du marcheacute et creacutee de seacuterieuses difficulteacutes agrave percevoir le ou lesconcurrents les plus dangereux En outre lrsquoabsence de source de diffeacuterenciationconduit chaque concurrent agrave devoir maicirctriser strictement les diffeacuterentes composantesde ses coucircts En effet face agrave lrsquoimpossibiliteacute de se diffeacuterencier les concurrents nrsquoontdrsquoautres choix que de lutter sur les prix Eacutegalement lrsquoimportance des coucircts fixespegravese sur la rentabiliteacute des entreprises car elle incite les firmes en place agrave augmenterleur capaciteacute de production quitte agrave faire des efforts sur les prix donc les margesEnfin lrsquoexistence drsquoobstacles agrave la sortie eacuteleveacutes rend difficile la diversification versdes marcheacutes moins concurrentiels et explique lrsquoentecirctement de certaines firmes agravedemeurer dans des secteurs ougrave la rentabiliteacute eacuteconomique est neacutegative et ougrave lesespoirs drsquoameacutelioration sont nuls Ainsi une forte speacutecialisation des actifs des coucirctsfixes de sortie des restrictions sociales ou des pressions gouvernementales condui-sent chaque concurrent agrave comparer le coucirct drsquoopportuniteacute drsquoune sortie agrave celui drsquouneriposte concurrentielle (reacuteduction des marges guerre des prix rachat de concur-rentshellip)

En conclusion lrsquoanalyse des cinq forces de la concurrence renseigne sur lrsquooriginede la concurrence comme sur le niveau de profitabiliteacute drsquoun secteur Elle reacutevegraveleeacutegalement les enjeux strateacutegiques pour chacune des entreprises preacutesentes comme les

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risques et opportuniteacutes de se maintenir dans un secteur etou de se deacutevelopper dansun autre

Repegraveres Lrsquoindustrie bancaire face agrave la concen-tration des sous-traitants

Aujourdrsquohui 80 des 45 milliards de chegraveques eacutemis chaque anneacutee en France sont sous-traiteacutes aupregraves de quatre entreprises par les eacutetablissements bancaires Atos Origin Expe-rian Safig et Tessi Cette strateacutegie drsquoexternalisation a eacuteteacute adopteacutee notamment par les plusanciennes et plus importantes banques du secteur BNP Paribas Socieacuteteacute Geacuteneacuterale etCreacutedit Lyonnais Les quatre sous-traitants assurent pour leur compte laquo la reacuteception despaquets de chegraveques leur transformation en fichiers et jusqursquoagrave lrsquoarchivage voire le traite-ment des impayeacutes raquo explique Daniel Mareacutechal responsable commercial grands compteschez Safig Le Britannique Experian a repris en mars 1998 la filiale speacutecialiseacutee du groupeSocieacuteteacute Geacuteneacuterale SG2 et gegravere environ 25 des chegraveques eacutemis en France Atos neacute en 1996du rapprochement drsquoAxim et de la filiale speacutecialiseacutee du Creacutedit Lyonnais Sligos repreacutesenteautour de 22 du marcheacute Tessi estime sa part agrave laquo 20 des chegraveques sous-traiteacutes et 15 du chiffre drsquoaffaires de lrsquoactiviteacute raquo selon Freacutedeacuteric Vacher directeur geacuteneacuteral de Tessi ChegravequeSafig deacutetient autour de 15 du marcheacute

Un secteur sinistreacute aux faibles perspectives drsquoavenirLrsquoactiviteacute connaicirct actuellement des difficulteacutes seacuterieuses Lrsquoorigine des maux de ces sous-traitants est le deacuteveloppement des cartes bancaires En effet le marcheacute du chegraveque connaicirctune reacutegression estimeacutee agrave 5 par an Surtout les marges reacutealiseacutees par les socieacuteteacutes speacuteciali-seacutees ont diminueacute Lrsquoactiviteacute est donc faiblement rentable pour les quatre principauxacteurs du marcheacute La raison en est la pression des banques qui tentent de rogner aumaximum sur un coucirct qursquoelles ne parviennent agrave refacturer ni agrave leurs clients ni ndash pour lemoment ndash aupregraves des distributeurs laquo Un chegraveque coucircte au total entre 11 centimes et15 centimes drsquoeuros La sous-traitance agrave elle seule repreacutesente 6 centimes drsquoeuros raquo indi-que un professionnel Ensuite la mise en place drsquoun nouveau systegraveme drsquoeacutechange imagechegraveque (EIC) a entraicircneacute de nombreuses difficulteacutes de traitement et des surcoucircts chez lesbanques comme chez leurs sous-traitants Agrave terme crsquoest une grande part des services deces derniers qui va disparaicirctre le nouveau systegraveme permettant de supprimer une partie deleur travail Lrsquoavenir est donc sombre pour les sous-traitants speacutecialiseacutes qui voient la tailledu marcheacute et leurs marges se reacuteduire inexorablement La recherche drsquoeacuteconomies drsquoeacutechelleseul moyen de retrouver de la marge dans ce secteur implique des mouvements de recom-position Ainsi lrsquoactiviteacute de sous-traitance de chegraveques drsquoAtos Origin va ecirctre reprise par lrsquounde ses concurrents Experian Ce rapprochement donnerait au premier acteur pregraves de50 de part de marcheacute alors que quatre entreprises sous-traitent 80 des chegraveques eacutemisen France

Un risque de remonteacutee des coucirctsLrsquoeacuteventualiteacute drsquoun tel rapprochement inquiegravete les banques Certaines le sont drsquoautant plusqursquoelles deacutependent de ces deux prestataires Crsquoest le cas de la Socieacuteteacute Geacuteneacuterale qui avaitjustement choisi Atos Origin et Experian comme seuls prestataires ou encore BNP Paribasmecircme si elle travaille eacutegalement avec Safig Diversifier ses prestataires eacutetait lrsquoassurance

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drsquoune mise en concurrence mais eacutegalement lrsquooccasion de ne pas deacutependre drsquoun des acteursdu marcheacute en situation oligopolistique Le risque est deacutesormais grand de voir les coucirctsremonter agrave plus ou moins bregraveve eacutecheacuteance Dans ce contexte les banques ont tout inteacuterecirct agravevoir augmenter le nombre drsquointervenants sur ce meacutetier Comment susciter lrsquoarriveacutee drsquounnouvel acteur alors que lrsquoactiviteacute est potentiellement peu rentable Cette interrogationdevient une probleacutematique drsquoenvergure pour les banquesLe constructeur et inteacutegrateur Unisys se dit inteacuteresseacute Pourtant cette activiteacute ne fait passpeacutecialement partie de son meacutetier Toutefois selon les dirigeants de lrsquoentreprise la gestiondu chegraveque qui devient de plus en plus technique peut lrsquointeacuteresser Pierre Peyruseigt direc-teur Europe du Sud et moyens de paiements drsquoUnisys eacutemet la condition suivante laquo Agravecondition que ce soit rentable raquo Crsquoest justement ce point qui pose problegraveme le secteurdevrait voir sa rentabiliteacute deacutecroicirctre agrave moyen terme nul ne peut srsquoengager sur la rentabiliteacutede lrsquoactiviteacute Pourquoi donc Unisys srsquoengagerait-il dans cette activiteacute

Unisys agrave la conquecircte du marcheacute franccedilais de lrsquoinfogeacuteranceUnisys a pour vocation de reacutepondre agrave des besoins de traitement de grands volumes dedonneacutees une de ses speacutecialiteacutes historiques Ainsi lrsquoentreprise a mis en place diffeacuterentsproduits systegraveme de reacuteservation aeacuterien collecte des impocircts suivi des dossiers drsquoassu-rancehellip Ses reacutealisations se basent sur des technologies NET de Microsoft ou WebSphere etMercury drsquoIBM avec une forte promesse de reacuteduction des coucircts pour les clients La missionde lrsquoentreprise est drsquoallier conseil et mise en place en liant les laquo proceacutedures aux logiciels etaux mateacuteriels qui les exeacutecutent raquo Mais elle rencontre des difficulteacutes pour srsquoimposer danslrsquoHexagone notamment dans le domaine de lrsquoinfogeacuterance devenu pourtant le relais decroissance pour les SSII en peacuteriode de conjoncture deacutefavorable laquo Nous devons opeacuterer unetransformation en France et accroicirctre notre preacutesence sur le secteur de lrsquoingeacutenierie raquo recon-naicirct Bernard Nivollet nouveau preacutesident France Il poursuit laquo Unisys France doit conti-nuer sa mutation et accroicirctre sa preacutesence sur le secteur des services notamment dans leconseil technologique et lrsquoingeacutenierie Notre strateacutegie consiste agrave rester un grand acteurmultispeacutecialiste sur nos marcheacutes cibles Certes nous nrsquoavons pas encore la notorieacuteteacuteescompteacutee raquoLa banque correspondrait donc agrave une strateacutegie de conquecircte du marcheacute franccedilais Unisysespeacuterant vendre un ensemble de solutions agrave ses clients tels que des systegravemes de deacutetectiondu blanchiment de lrsquoargent sale Seules les technologies informatiques principalementcelles venues de lrsquointelligence artificielle (IA) sont capables drsquoanalyser de tregraves grands volu-mes de donneacutees et drsquoy deacutetecter des scheacutemas atypiques laquo Toute opeacuteration isoleacutee est a priorinormale raquo remarque Pascal Bernegravede directeur de mission ETS Moyens de paiement chezUnisys laquo Crsquoest dans la reacutepeacutetition ou les liens entre les opeacuterations que le systegraveme doit deacutetec-ter lrsquoanormaliteacute drsquoun comportement raquo Et les logiciels font cela tregraves bien laquo La plupart desbanques franccedilaises sont eacutequipeacutees de solutions informatiques pour la deacutetection agrave la voleacuteede mouvements suspects crsquoest-agrave-dire vers des comptes deacutetenus par des personnes ditesexposeacutees ou dont le montant deacutepasse les plafonds fixeacutes raquo preacutecise Bertrand Le Bras respon-sable de la Practice Banking Operations de la branche Business Consulting Services (BCS)drsquoIBM laquo En revanche les logiciels drsquoanalyse comportementale en sont agrave leurs premiers pasIls permettent de deacutetecter un enchaicircnement drsquoeacuteveacutenements a priori anodins et drsquoy deacutecelerune opeacuteration frauduleuse raquo

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Le modegravele des cinq forces constitue une eacutetape primordiale du diagnostic externeUne analyse des groupes strateacutegiques permet ensuite drsquoaffiner la compreacutehension desforces concurrentielles

Le 21 janvier 2003 Unisys annonce son arriveacutee sur le marcheacute du traitement des chegravequesDe quatre acteurs majeurs le marcheacute du traitement des chegraveques est passeacute agrave troishellip puis estrepasseacute agrave quatre avec lrsquoarriveacutee drsquoUnisys dont lrsquoentreacutee est preacutevue agrave la fin du premier semes-tre 2003 laquo Nous commencerons agrave produire vers juin avec trois sites de traitement et cinqsites de capture numeacuterisation des chegraveques ainsi que via des partenariats avec des reacuteseauxbancaires disposant de leurs propres actifs raquo annonce Bruno Painvin directeur desmoyens de paiement pour lrsquoEurope du Sud chez Unisys laquo Nous ambitionnons une part demarcheacute de 20 agrave 25 drsquoici agrave 2004 et une marge nette agrave deux chiffres raquo laquo Le marcheacute dutraitement de chegraveques est dans une logique baissiegravere La consolidation est ineacutevitable poursrsquoy maintenir raquo dit Eacuteric Benolaut directeur des opeacuterations drsquoExperian laquo La croissanceexterne est un eacuteleacutement important pour maintenir sa compeacutetitiviteacute dans un contexte debaisse du volume des chegraveques raquo Gracircce agrave ce rachat la socieacuteteacute Experian deacutetient quant agraveelle de 30 agrave 35 du marcheacute franccedilais externaliseacute et elle reacutecupegravere notamment la gestiondes chegraveques du Creacutedit Lyonnais de la Banque de France de la Socieacuteteacute Geacuteneacuterale et du CCF(HSBC)En revanche lrsquoexternalisation du traitement de documents est en pleine explosion Neserait-ce que gracircce agrave la diversification des supports traiteacutes industriellement laquo Ce segmentde marcheacute est drsquoautant plus inteacuteressant qursquoil fait appel aux mecircmes technologies que cellesutiliseacutees dans le traitement de chegraveques raquo compare Eacuteric Benaulaut Autre diffeacuterence agravelrsquoinverse de celui du chegraveque ce secteur est constitueacute drsquoacteurs internationaux Lrsquoacquisitionde lrsquoactiviteacute drsquoAtos Origin marque ainsi la volonteacute de la SSII britannique de se positionnerface agrave des majors comme IBM Global Services ou Xerox Ainsi donc lrsquoannonce de lrsquoarriveacuteedrsquoUnisys sur ce marcheacute modifie la donne sur le degreacute de concentration du secteur Aveclrsquoacquisition drsquoAtos Origin Experian estime la part de marcheacute de sa future structure agrave 33 du marcheacute externaliseacute (75 des 45 milliards de chegraveques traiteacutes en France) tandis queSafig lrsquoautre acteur important du marcheacute avec Tessi la chiffre agrave plus de 50

Eacutepilogue le secteur srsquoest recomposeacuteLrsquoarriveacutee drsquoUnisys sur ce marcheacute a permis de deacutetendre lrsquooffre Fournisseur de solutions hard-ware et software sur le secteur doteacute drsquoune expeacuterience de production au Royaume-UniUnisys estime avoir laquo vocation raquo agrave faire de mecircme en France Dans le contexte drsquoune mise enplace difficile deacutebut 2002 du systegraveme drsquoeacutechange image chegraveque (EIC) laquo nous avons lesmateacuteriels les applicatifs et les hommes sans lrsquoheacuteritage social et technique des interve-nants anciens raquo note Bruno Painvin qui nrsquoexclut pas une opeacuteration de croissance externeet attend ses premiers contrats laquo courant feacutevrier et mars raquo Cocircteacute clients certaines banquesont anticipeacute la restructuration du secteur La Socieacuteteacute Geacuteneacuterale cliente drsquoExperian et drsquoAtosOrigin a lanceacute un appel drsquooffres en septembre pour ne pas travailler avec un seul presta-taire Un appel auquel Unisys a reacutepondu

Extrait de GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Lrsquoanalyse concurrentielle lrsquoeacutevolution de la relationfournisseurs-clients dans le secteur bancaire raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts et

cas en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005

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Lrsquoanalyse des groupes strateacutegiques suggegravere drsquoadopter un niveau drsquoanalyse plus finen vue de cerner la diversiteacute des concurrents en place et des strateacutegies adopteacuteesPorter (1982) fait en effet le constat que certaines entreprises parviennent agrave avoir unerentabiliteacute qui surpasse durablement celle de leurs concurrents Les pressions de laconcurrence ne srsquoexerceraient donc pas de la mecircme maniegravere sur les entreprises enpreacutesence Crsquoest pour mieux comprendre cette situation qursquoil preacuteconise de reacutealiserlrsquoanalyse des groupes strateacutegiques

Un groupe strateacutegique reacuteunit des entreprises qui dans un mecircme secteur adoptentdes strateacutegies identiques ou voisines Ces strateacutegies se caracteacuterisent notamment pardes choix en termes de speacutecialisation (eacutetendue de la gamme de produits de segmentsde clientegravele viseacutes de zones geacuteographiques servies) drsquointeacutegration verticale (degreacute dedeacutetention en propre des activiteacutes situeacutees en amont ou aval) de qualiteacute du produit(entreacutee bas ou haut de gamme) de leadership technologique (pionnier ou suiveur)de politique de prix (bas prix ou prix eacuteleveacute) de services (limiteacutes ou eacutetendus)hellip

La diversiteacute des choix opeacutereacutes par les firmes permet de dresser une carte des grou-pes strateacutegiques Celle-ci fait apparaicirctre des regroupements drsquoentreprises aux confi-gurations strateacutegiques diffeacuterentes caracteacuterisant une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute intergroupe maisagrave forte coheacuterence interne reacuteveacutelant une homogeacuteneacuteiteacute intragroupe Un groupe strateacutegi-que traduit donc un positionnement dans un espace concurrentiel La carte des grou-pes strateacutegiques peut finalement ecirctre repreacutesenteacutee comme suit (figure 12)

Figure 12 mdash Une carte des groupes strateacutegiques hypotheacutetique (Porter 1982)

Ce secteur fictif laisse apparaicirctre quatre groupes Chaque groupe traduit des choixstrateacutegiques speacutecifiques en matiegravere de speacutecialisation de lrsquooffre et drsquointeacutegration verti-

Inteacutegration verticale pousseacutee

Groupe AFaibles coucircts de production

Peu de serviceQualiteacute moyenne

INTEacuteGRATION VERTICALE

SPEacuteC

IALI

SATI

ON

Assemblage

GammeComplegravete

GammeEacutetroite

Groupe DAutomatisation

pousseacutee`Prix bas

Peu de service

Groupe CPrix moyens

Services multiplesQualiteacute meacutediocre

Groupe BPrix eacuteleveacutes

Technologie complexeQualiteacute supeacuterieure

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

cale Agrave titre drsquoexemple le groupe A reacuteunit des entreprises dont la strateacutegie se carac-teacuterise drsquoune part par une speacutecialisation faible (gamme complegravete) et une inteacutegrationverticale pousseacutee et drsquoautre part par lrsquoexistence de faibles coucircts de productionlrsquoabsence de services associeacutes au(x) produit(s) et une qualiteacute des produits moyenneCe groupe se caracteacuterise donc par une configuration strateacutegique coheacuterente et par unniveau de profitabiliteacute globale etou une part de marcheacute supeacuterieure agrave celui des troisautres groupes (la surface du cercle est la plus grande)

In fine les groupes strateacutegiques se caracteacuterisent par un niveau de profit potentielqui varie en fonction des effets qursquoont les cinq forces sur chacun drsquoentre eux (lespressions de la concurrence ne srsquoexercent pas de la mecircme maniegravere sur les groupes enpreacutesence) comme en fonction des speacutecificiteacutes des strateacutegies de lutte concurrentielleadopteacutees par les entreprises au sein drsquoun mecircme secteur Il est inteacuteressant drsquoajouterque le niveau de profit de chaque groupe peut dans certaines industries rester stablesur le long terme Pour Porter (1986) cette permanence srsquoexplique par lrsquoexistencedrsquoobstacles agrave la mobiliteacute De la mecircme maniegravere qursquoil existe un ensemble de facteursqui peuvent dissuader les entrants potentiels agrave peacuteneacutetrer un secteur il existe un grandnombre de facteurs qui empecircchent une firme de passer drsquoune position strateacutegique agraveune autre crsquoest-agrave-dire drsquoun groupe agrave un autre Ainsi les entreprises qui eacutevoluentdans un groupe dont les obstacles agrave la mobiliteacute sont eacuteleveacutes beacuteneacuteficient de perspecti-ves de profit supeacuterieures sur le long terme Cependant la structure des groupes stra-teacutegiques nrsquoest jamais totalement figeacutee et peut connaicirctre des changements deconfiguration

Repegraveres Les groupes strateacutegiques dans le secteur des jouets

Le marcheacute mondial du jouet est domineacute par des acteurs tregraves puissants comme Mattel(56 milliards de dollars de chiffre drsquoaffaires ndash CA) en 2006 Hasbro (32 milliards de dollarsde CA) Bandai Namco (23 milliards de dollars sur le secteur des jouets) Lego (15 milliarddrsquoeuros de CA)hellip Compte tenu du poids de la main-drsquoœuvre dans le coucirct de production drsquounjouet (60 agrave 70 ) ces entreprises produisent pour lrsquoessentiel en Asie notamment enChine Mecircme le Danois Lego srsquoest reacutesigneacute suite agrave des deacuteboires financiers importants agrave deacutelo-caliser sa production dans des pays agrave bas coucirct (low cost) (au Mexique et en Pologne) Enoutre la forte concurrence au sein du secteur et lrsquoimportance du pouvoir de neacutegociationdes distributeurs se traduisent par des investissements publicitaires colossaux et la neacuteces-siteacute drsquoobtenir des licences aupregraves des grands studios de cineacutema Ainsi on considegravere qursquouneentreprise doit consacrer agrave ces deacutepenses au moins 10 de son CA Agrave titre drsquoexemple lesdeacutepenses drsquoHasbro srsquoeacutelegravevent agrave 15 de son CA ce qui repreacutesente le chiffre drsquoaffaires cumuleacutedes trois premiegraveres entreprises franccedilaises du secteur Dans le secteur on trouve eacutegalementdrsquoanciens sous-traitants qui ont fait le choix de produire agrave leur propre compte Ces entrepri-ses parmi lesquelles on trouve V Tech Manley Playmateshellip sont devenues tregraves puissantesndash elles font deacutesormais partie des dix premiegraveres du secteur

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Si leur puissance publicitaire nrsquoest pas au mecircme niveau que Mattel Hasbro et BandaiNamco elles beacuteneacuteficient de coucircts de production tregraves bas compte tenu de la localisation deleurs sites de fabrication En Europe la situation des entreprises du jouet est deacutelicate Legodont les usines eacutetaient baseacutees en Europe et aux Etats-Unis a connu un deacuteclin de ses venteset des pertes constantes entre 2002 et 2004 En France Smoby Berchet (racheteacute parSmoby) et Clairbois des fabricants originaires du Jura tentent de tirer leur eacutepingle du jeuBien que supportant des coucircts de production largement supeacuterieurs agrave ceux de leurs concur-rents (le coucirct de la main-drsquoœuvre est 40 fois plus eacuteleveacute en France qursquoen Chine) elles misentsur lrsquoinnovation en renouvelant chaque anneacutee entre 25 et 35 de leur gamme (ce qui peutconduire au lancement de 350 nouveauteacutes par an) en produisant des jouets volumineuxen plastique (des cateacutegories de produits peu rentables pour les concurrents compte tenudes coucircts de transport) et en ameacuteliorant leur reacuteactiviteacute au marcheacute (la livraison en 15 joursdrsquoun produit complexe non disponible en stock) Les strateacutegies des laquo Jurassiens raquo ne leurpermettent pourtant pas drsquoafficher des performances exceptionnelles Berchet a connuentre 2000 et 2005 cinq anneacutees conseacutecutives de reacutesultats neacutegatifs pour finalement ecirctreracheteacutee par Smoby en 2005 De son cocircteacute Smoby a chercheacute agrave se diversifier dans le secteurdu conditionnement plastique (bidons et reacuteservoirs vendus sous la marque Mob) et a fina-lement annonceacute une perte de pregraves de 26 millions drsquoeuros en 2006 et surtout une dette de310 millions drsquoeuros pour 58 millions drsquoeuros de capitaux propresLes diffeacuterentes strateacutegies de lutte concurrentielle dans le secteur du jouet permettent fina-lement de rendre compte de trois positionnements principaux Ceux-ci sont repreacutesenteacutesdans la carte des groupes strateacutegiques suivante

Figure 13 ndash Les groupes strateacutegiques dans le secteur des jouets

Agrave partir de laquo Jurassic Toys raquo in JOHNSON G SCHOLES K WHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

Pays Low Cost

Groupe AMattel Hasbro Bandai Namo

Localisation de la production

Inve

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Pays High Cost

Eacuteleveacutes

Limiteacutes

Groupe BV Tech Playmates

Manley

Groupe CSmoby Clairbois

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Finalement lrsquoenvironnement concurrentiel drsquoune firme se traduit par une concur-rence plus ou moins acharneacutee et lrsquoexistence de positionnements strateacutegiques varia-bles Les outils eacutetudieacutes permettent une analyse fine du milieu dans lequel opegravere lafirme Il est eacutegalement possible de proposer en compleacutement des deux analysespreacuteceacutedentes une synthegravese des caracteacuteristiques drsquoune industrie En effet les strateacutegiesadopteacutees par les concurrents drsquoun secteur aboutissent tregraves souvent agrave la formation deregravegles sectorielles traduisant le fonctionnement drsquoune industrie Ces regraveglesnommeacutees facteurs cleacutes de succegraves (FCS) ou facteurs strateacutegiques de lrsquoindustrie (FSS)doivent ecirctre consideacutereacutees comme des eacuteleacutements incontournables dans une industrieeacuteleacutements que les firmes doivent maicirctriser au risque de voir leur performance deacutecli-ner Lrsquoidentification des FCS (ou FSS) constitue donc lrsquoaboutissement de lrsquoanalyseexterne

Repegraveres Les facteurs cleacutes de succegraves de lrsquoindustrie pharmaceutique

Lrsquoindustrie pharmaceutique se caracteacuterise par certaines regravegles auxquelles les acteurs dusecteur doivent se conformer Ces regravegles sont qualifieacutees par les strategraveges de facteurs cleacutesde succegraves Dans le secteur pharmaceutique la taille constitue un impeacuteratif strateacutegiquepour les acteurs en preacutesence Une eacutetude publieacutee en 2006 par lrsquoagence de notation Stan-dard and Poors montre qursquoil existe une correacutelation forte entre la part de marcheacute caracteacute-riseacute par le chiffre drsquoaffaires et le niveau de marge brute drsquoexploitation Ainsi Pfizer lenumeacutero un mondial du secteur affichait en 2005 une part de marcheacute de 10 et unemarge de plus de 40 alors que les huit entreprises suivantes avaient une part demarcheacute oscillant entre 3 et 7 pour des marges comprises entre 30 et 35 Ce pheacutenomegravene srsquoexplique en premier lieu par le rocircle de lrsquoinnovation dans le secteur de lapharmacie Lrsquoinnovation est en effet consideacutereacutee comme lrsquoun des facteurs de compeacutetitiviteacuteles plus deacutecisifs la deacutecouverte de nouvelles moleacutecules permet de breveter et mettre sur lemarcheacute des meacutedicaments ineacutedits et exclusifs Et le monopole temporaire que procure lebrevet assure des gains financiers eacuteleveacutes Les brevets ont ainsi une importance fondamen-tale parce que contrairement agrave ce qui se passe dans drsquoautres domaines il est facile deprouver devant les tribunaux que la moleacutecule figure dans un meacutedicament concurrentCependant la dureacutee de vie du brevet est limiteacutee et les laboratoires doivent ensuite faireface agrave lrsquoarriveacutee de meacutedicaments geacuteneacuteriques Dans ce contexte un meacutedicament peut faire lafortune drsquoun groupe ou le conduire agrave sa perte Le retrait par Bayer du Baycol un meacutedica-ment anti-cholesterol fut agrave lrsquoorigine drsquoune crise profonde ayant conduit agrave une remise encause totale de la strateacutegie A contrario Pfizer a connu une croissance importante de sonchiffre drsquoaffaires et de ses profits depuis le lancement du Viagra On peut eacutegalement citerlrsquoanticoagulant Plavix le deuxiegraveme meacutedicament plus vendu au monde par Bristol-MyersSquibb et Sanofi-Aventis dont les ventes mondiales annuelles repreacutesentent plus de5 milliards de dollars

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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In fine le diagnostic externe a fait lrsquoobjet de la preacutesentation de deux outils princi-paux le modegravele des cinq forces et lrsquoanalyse des groupes strateacutegiques Les reacutesultatsdu diagnostic externe se traduisent par lrsquoeacutevaluation de lrsquointensiteacute concurrentielle et

Pour soutenir une politique drsquoinnovation intensive les investissements en recherche etdeacuteveloppement (R amp D) constituent une prioriteacute des entreprises du secteur Ainsi pourmettre sur le marcheacute un meacutedicament blockbuster (un meacutedicament phare dont le chiffredrsquoaffaires annuel deacutepasse le milliard de dollars) les entreprises doivent investir dessommes gigantesques dans la deacutecouverte drsquoune nouvelle moleacutecule et le deacuteveloppementdu nouveau meacutedicament Lrsquoinvestissement moyen neacutecessaire pour la R amp D drsquoun meacutedica-ment deacutepasse aujourdrsquohui les 800 millions drsquoeuros Selon une eacutetude de 2003 du TuftCenter for the Study of Drug Development cet investissement en R amp D eacutetait de54 millions de dollars en 1979 et de 500 millions de dollars en 2000 Ces montants srsquoexpli-quent par les lourdes proceacutedures et eacutetapes qui ponctuent la conception et le deacuteveloppe-ment drsquoun nouveau meacutedicament (de nombreux tests cliniques sont exigeacutes par lesautoriteacutes du meacutedicament) Crsquoest ainsi que le deacutelai de lancement drsquoun meacutedicament varieentre 10 et 12 ans Parallegravelement les entreprises doivent preacuteparer la fin des monopoles devente dont elles disposent sur certains meacutedicaments afin drsquoeacutequilibrer leur portefeuille demeacutedicaments et srsquoassurer de revenus financiers reacuteguliers En effet le brevet qui permetune exploitation exclusive du meacutedicament ne dure que 8 ans ndash bien qursquoil puisse ecirctreprolongeacute par un certificat compleacutementaire de protection (CCP) de 5 ans Un laboratoirepharmaceutique doit donc investir en R amp D tant pour deacutecouvrir de nouvelles moleacuteculesque pour preacuteparer par la fin de ses brevets ce qui repreacutesente des budgets colossaux Agrave titredrsquoexemple le numeacutero un Pfizer investit chaque anneacutee plus de 7 milliards de dollars en Ramp DSi les capaciteacutes drsquoinvestissement en R amp D jouent un rocircle majeur les entreprises doiventeacutegalement exploiter toutes les opportuniteacutes commerciales pendant la dureacutee de vie dubrevet Pour cette raison les grandes entreprises pharmaceutiques sont doteacutees drsquoune puis-sance commerciale sans eacutequivalent leur permettant de distribuer leurs produits aupregraves duplus grand nombre de clients potentiels Le leader Pfizer possegravede ainsi pregraves de40 000 visiteurs meacutedicaux dans le monde Mais lrsquoexploitation commerciale mondiale dePfizer nrsquoest pas accessible agrave toutes les entreprises puisque les risques de procegraves augmen-tent et lrsquoentreprise doit avoir une capaciteacute financiegravere suffisante pour y faire faceIl reacutesulte de ces deux facteurs (investissement en R amp D et exploitation commercialemondiale) une grande importance de la taille critique Ainsi selon une eacutetude de 2005 ducabinet McKinsey les laboratoires ayant moins de 3 milliards drsquoeuros de chiffres drsquoaffairessont consideacutereacutes comme trop petits pour espeacuterer se deacutevelopper et survivre seuls dans cesecteur Les plus petits nrsquoont alors drsquoautres solutions que drsquoadopter des strateacutegies de focali-sation (se positionner sur des niches non exploiteacutees par les grands laboratoires) etou demultiplier les alliances avec des concurrents Cette course agrave la taille conduit finalement agraveune forte concentration du secteur pharmaceutique En effet pour survivre dans unsecteur ougrave lrsquoinvestissement massif en R amp D et la preacutesence sur un marcheacute mondial sont descaracteacuteristiques obligatoires les fusions et acquisitions se multiplient

Agrave partir de TELLIER A laquo Bayer quels remegravedes pour sauver la pharmacie raquo in JOFFRE OPLE L et SIMON E Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

des perspectives de rentabiliteacute de lrsquoindustrie lrsquoidentification des groupes strateacutegi-ques et le repeacuterage des facteurs cleacutes de succegraves (FCS) Agrave cette eacutetape du diagnosticstrateacutegique succegravede celle du diagnostic interne

2 Lrsquoanalyse interne

Deux principaux outils permettent de reacutealiser le diagnostic interne Ce sont lachaicircne de valeur et le modegravele des ressources et compeacutetences

Selon Porter (1986) la chaicircne de valeur deacutecrit les diffeacuterentes eacutetapes internes agravelrsquoentreprise de conception fabrication commercialisation distributionhellip de sonproduit lui permettant de geacuteneacuterer de la valeur pour ses clients Elle est agrave ce titre unoutil fondamental de lrsquoanalyse de lrsquoavantage concurrentiel drsquoune firme crsquoest-agrave-direde sa capaciteacute agrave disposer drsquoune avance sur ses concurrents et agrave la maintenir via unestructure de coucircts supeacuterieure (la domination par les coucircts) ou une offre diffeacuterencieacutee(la diffeacuterenciation) Pour conduire cette analyse Porter propose de deacutecomposerlrsquoentreprise en un ensemble drsquoactiviteacutes pertinentes assurant le fonctionnement delrsquoentreprise (conception fabricationhellip de lrsquooffre) Ainsi une firme dispose drsquounavantage concurrentiel degraves lors qursquoelle parvient agrave construire une chaicircne de valeur luipermettant drsquoexercer les activiteacutes (ou eacutetapes internes) agrave un coucirct infeacuterieur aux concur-rents ou mieux que ces derniers

Figure 14 mdash La chaicircne de valeur

Dans une chaicircne de valeur on distingue les activiteacutes principales celles quiconcourent immeacutediatement agrave la production et la vente de lrsquooffre de lrsquoentreprise et

Marge

Marge

Logistiqueinterne

Production Logistiqueexterne

Marketinget vente

Services

Activiteacutes principales

Infrastructure de la firme

Gestion des ressources humaines

Deacuteveloppement technologique

Approvisionnement

Activ

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les activiteacutes de soutien celles qui augmentent lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des fonc-tions principales crsquoest-agrave-dire ameacuteliorent et optimisent leur fonctionnement Enoutre les diffeacuterentes activiteacutes srsquoinsegraverent plus largement dans un systegraveme de valeurEn effet la chaicircne de valeur drsquoune entreprise est inteacutegreacutee agrave la chaicircne de valeur de sesfournisseurs comme agrave celle de ses clients Enfin lrsquoensemble des activiteacutes de lachaicircne de valeur drsquoune firme sont lieacutees entre elles et avec celles des chaicircnes de valeursitueacutees en amont et en aval Lrsquoanalyse pousseacutee de la chaicircne de valeur consiste donc agravecomprendre la reacutealisation des activiteacutes propres agrave lrsquoentreprise et lrsquoensemble desliaisons qui unit les activiteacutes internes et externes agrave la firme La figure ci-dessuspreacutesente une chaicircne de valeur geacuteneacuterique (les chaicircnes de valeur des fournisseurs etclients ne sont pas repreacutesenteacutees)

La chaicircne de valeur se compose donc de cinq activiteacutes principales ayant chacuneune fonction particuliegravere La logistique interne regroupe les activiteacutes lieacutees agrave la reacutecep-tion au stockage et agrave la distribution des matiegraveres premiegraveres des composants et desproduits finis Elle inclut la manutention la gestion des stocks le transport la livrai-son etc Dans le cas des services la logistique consiste agrave assurer la rencontre entrele client et lrsquooffre La production repreacutesente le processus de transformation desmoyens de production des matiegraveres premiegraveres et des composants en produits ouservices finis Elle comprend la transformation lrsquoassemblage lrsquoentretien des machi-nes lrsquoemballage le controcircle qualiteacute etc La logistique externe regroupe les activiteacutesdrsquoacheminement du produit vers les distributeurs ou clients finals La fonction demarketing-vente repreacutesente les processus permettant de proposer (vente et promo-tion) les produits ou services aux clients Cette activiteacute comprend la publiciteacute lapromotion la force de vente la seacutelection des circuits de distribution les relationsavec les distributeurs et la fixation des prix Les services apregraves vente incluent lesactiviteacutes qui accroissent ou maintiennent la valeur drsquoun bien ou drsquoun service commelrsquoinstallation la reacuteparation la formation lrsquoadaptation du produit et la fourniture depiegraveces deacutetacheacutees

Ces activiteacutes principales beacuteneacuteficient du support des activiteacutes de soutien Leur rocircleest drsquoaugmenter lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des fonctions principales Porter lesregroupe en quatre cateacutegories Les achats concernent les processus drsquoacquisition desressources neacutecessaires aux fonctions principales (achat de matiegraveres premiegraveresdrsquoeacutequipementshellip) Le deacuteveloppement technologique se reacutefegravere aux activiteacutes directe-ment lieacutees agrave la conception de nouveaux produits de brevets de techniques de fabri-cation ou drsquoutilisation de ressources particuliegraveres (par exemple lrsquointeacutegration dedeacutechets dans les processus de production) La gestion des ressources humainescomprend le recrutement la formation le deacuteveloppement des compeacutetences lagestion des carriegraveres et la reacutemuneacuteration des salarieacutes Lrsquoinfrastructure inclut les acti-viteacutes indispensables au bon fonctionnement de lrsquoensemble Cette cateacutegoriecomprend la direction geacuteneacuterale les systegravemes de planification de financement decontrocircle qualiteacute et drsquoinformation la comptabiliteacute le juridique les relations exteacuterieu-res etc Lrsquoinfrastructure inclut eacutegalement les routines et les processus qui sous-tendent la culture organisationnelle

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Cependant les activiteacutes principales et de soutien ne sont pas indeacutependantes lesunes des autres Ainsi lrsquoefficaciteacute de la chaicircne de valeur provient eacutegalement desliaisons entre les activiteacutes comme des liaisons entre la chaicircne de valeur de lrsquoentre-prise et celle de ses fournisseurs et clients (le systegraveme de valeur) Pour des raisons decommoditeacute nous qualifions les premiegraveres de liaisons internes et les secondes deliaisons externes Les liaisons internes renvoient aux dispositifs (souvent difficiles agravepercevoir) par lesquels les activiteacutes principales et de soutien srsquoinfluencent mutuelle-ment Par exemple une meacutethodologie de deacuteveloppement de nouveaux produitspreacutevoit lrsquointervention de plusieurs activiteacutes (production marketinghellip) et coordonneainsi leur contribution respective De mecircme un systegraveme drsquoinformation permet agraveplusieurs activiteacutes de fournir et partager un ensemble drsquoinformations conduisant agraveune optimisation de chaque activiteacute Les liaisons externes constituent lrsquoensemble desinteractions entre les activiteacutes drsquoune firme et celles de ses fournisseurs et clients Lesmeacutethodes de controcircle qualiteacute des produits des fournisseurs en sont un exemple ellesinfluencent les activiteacutes de production et permettent leur optimisation

Finalement les activiteacutes principales et de soutien et les liaisons concourent agravegeacuteneacuterer la marge de lrsquoentreprise (figure 14) Celle-ci correspond agrave la somme que lesclients sont precircts agrave payer pour acqueacuterir les produits etou services drsquoune entreprise(ce que Porter nomme la valeur) moins les coucircts supporteacutes pour reacutealiser lrsquooffre Pourecirctre rentable toute entreprise cherchera donc drsquoune part agrave deacutefinir une chaicircne drsquoacti-viteacutes lui permettant de creacuteer de la valeur au-delagrave de ses coucircts et drsquoautre part agraveameacuteliorer constamment sa chaicircne de valeur en identifiant de nouveaux gisements deproductiviteacute (afin de comprimer certains coucircts) et de nouvelles sources de diffeacuteren-ciation (afin drsquoaccroicirctre la valeur de son offre) Pour cela elle pourra comparercertaines de ses pratiques agrave celles drsquoentreprise faisant figure de reacutefeacuterence en lamatiegravere

In fine la chaicircne de valeur permet de comprendre comment une entreprise creacuteeplus de marge que ses concurrents La geacuteneacuteration drsquoune marge supeacuterieure agrave laconcurrence provient drsquoune chaicircne de valeur plus performante Cette performancesrsquoexplique de deux faccedilons Soit la configuration des activiteacutes de la firme lui permetune meilleure maicirctrise des coucircts que les concurrents (la domination par les coucircts)Soit elle rend possible la deacutelivrance drsquoune offre suffisamment originale et ineacuteditepar rapport agrave celle de ses rivaux (la diffeacuterenciation) Dans les deux cas la chaicircne devaleur est lrsquooutil privileacutegieacute pour comprendre les meacutecanismes de creacuteation et deconservation de lrsquoavantage concurrentiel drsquoune entreprise Nous proposons de lacompleacuteter en eacutetudiant le modegravele des ressources et des compeacutetences (MRC)

Le MRC srsquoinscrit dans une mouvance theacuteorique de grande ampleur la Resource-Based View (RBV) Il srsquointeacuteresse particuliegraverement au rocircle des ressources et descompeacutetences (ou capaciteacutes ndash nous utilisons indiffeacuteremment les trois termes dans cequi suit) dans le deacuteploiement des strateacutegies Selon Edith Penrose (1959) un auteurqui a joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de ce courant les firmes ne dispo-sent pas des mecircmes ressources et mecircme si crsquoeacutetait le cas elles nrsquoen feraient pas lemecircme usage Ce sont donc les ressources et la maniegravere dont une firme les exploite

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qui lui permettent de deacutefinir et mettre en œuvre une strateacutegie et ainsi de geacuteneacuterer etmaintenir une position privileacutegieacutee sur le long terme Alors que pour Porter (1986)lrsquouniteacute drsquoanalyse pertinente pour reacutealiser le diagnostic interne est lrsquoactiviteacute le MRCprivileacutegie les ressources et les capaciteacutes

En reacutefeacuterence aux textes fondateurs de Teece et al (1997) Wernerfelt (1984) etAmit et Shoemaker (1993) nous proposons drsquoidentifier trois cateacutegories drsquoactifs lesressources les capaciteacutes organisationnelles et les capaciteacutes dynamiques Lesressources sont des moyens que la firme possegravede et controcircle gracircce auxquels elleparvient agrave transformer ses intrants (la matiegravere premiegravere la main-drsquoœuvrehellip) enextrants (les produits etou les services) Il est drsquousage de distinguer les ressourcestangibles (ressources financiegraveres physiques technologiques et organisationnelles)et intangibles (culture relations reacuteputation leacutegitimiteacutehellip) Ces ressources peuventecirctre consideacutereacutees comme des actifs stockeacutes dont lrsquoaccumulation deacutepend des investis-sements reacutealiseacutes par la firme Ainsi les deacutepenses en recherche et deacuteveloppement enpubliciteacute en formation du personnelhellip viennent intensifier le stock de certainesressources comme les brevets la reacuteputationhellip Cependant les ressources ne sont pasproductives en elles-mecircmes elles ne repreacutesentent que des potentialiteacutes En effet sielles constituent des eacuteleacutements de base importants agrave la production des extrants(comme lrsquooffre drsquoune entreprise) elles sont une condition neacutecessaire mais non suffi-sante Ainsi les ressources ne deviennent veacuteritablement utiles qursquoagrave partir du momentougrave elles sont mobiliseacutees dans un processus pour remplir une fonction deacutetermineacuteeApparaicirct le concept de capaciteacute organisationnelle On peut deacutefinir une capaciteacutecomme lrsquohabileteacute drsquoune organisation agrave effectuer le deacuteploiement la combinaison et lacoordination de ressources au travers de processus drsquoactions pour atteindre desobjectifs strateacutegiques preacutealablement deacutefinis Une compeacutetence correspond donc agrave unagencement de ressources en vue de reacutealiser une activiteacute donneacutee

Repegraveres Les ressources et les compeacutetences laquo vertes raquo

laquo Nous sommes convaincus qursquoun groupe industriel comme le nocirctre ne peut srsquoinscrire dansla dureacutee que srsquoil sait srsquoinscrire dans la perspective du deacuteveloppement durable raquo selonB Collomb ancien PDG de Lafarge En srsquoengageant preacutecocement dans une telle politiqueLafarge srsquoest constitueacute un patrimoine de ressources Il srsquoagit par exemple de ressourcespartenariales Ainsi les relations privileacutegieacutees avec des ONG comme WWF et la FondationNicolas Hulot permettent au groupe de leacutegitimer ses actions On peut eacutegalement citerlrsquoadheacutesion au groupe des EPE (Entreprises pour lrsquoenvironnement) Ces partenariats contri-buent agrave forger des ressources identitaires les valeurs eacutecologique et sociale se diffusentdans lrsquoorganisation comme agrave lrsquoexteacuterieur creacuteant une reacuteputation drsquoentreprise responsableaupregraves des parties prenantes Ces ressources (et drsquoautres) participent au deacuteveloppementde certaines capaciteacutes Il srsquoagit par exemple de la reacuteduction des coucircts Celle-ci serait lieacutee agrave labaisse de la consommation de matiegraveres premiegraveres naturelles et de combustible Eacutegale-ment la diminution de la production de deacutechets et lrsquoutilisation de produits deacuteriveacutes (sous-

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

produits) provenant drsquoautres industries permettent la reacuteduction des coucircts On peut eacutegale-ment citer la capaciteacute de management environnemental Ainsi la maicirctrise des processusde certification peut permettre de reacutepliquer la deacutemarche de certification sur les multiplessites exploiteacutes par le groupe agrave travers le monde La norme ISO 14001 tend en effet agrave deve-nir une caution indispensable pour lrsquoobtention drsquoautorisation drsquoexploitation de carriegravereselle participe eacutegalement de la leacutegitimiteacute du groupe face aux nouvelles normes sociales etdes affaires agrave travers le monde Parmi les capaciteacutes on trouve eacutegalement la capaciteacute dedeacuteveloppement de marcheacute Elle consiste en une capaciteacute agrave conqueacuterir de nouveauxmarcheacutes Car par ses engagements environnementaux et sociaux le groupe Lafarge peutdeacutesormais acceacuteder agrave des sites drsquoexploitation plus facilement que ses concurrents Les plansde gestion des carriegraveres de minerais sont un des exemples drsquoactions qui permettentdrsquoobtenir des zones drsquoexploitation que les concurrents se seraient vus refuser (du fait desreacuteticences des communauteacutes locales agrave lrsquoinstallation drsquoune exploitation sans garantie enretour)

Repegraveres Les capaciteacutes organisationnelles Internet

Zecircta est le nom fictif drsquoune firme canadienne speacutecialiseacutee dans le tourisme Cette entreprisese lance en 1998 dans une strateacutegie Internet En 2005 cette strateacutegie a connu deux phasesdeacutecisives La premiegravere peacuteriode (de 1995 agrave 2001) se caracteacuterise par la mise en œuvre drsquounestrateacutegie de commerce eacutelectronique drsquoentreprise agrave consommateurs reposant sur lrsquoexploita-tion de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega La seconde peacuteriode (de 2001 agrave 2005) setraduit par la mise en œuvre drsquoune strateacutegie de distribution de type multicanal afin queZecircta puisse beacuteneacuteficier des effets de synergie entre ses canaux de distribution physiqueeacutelectronique et son centre drsquoappelsDurant la premiegravere peacuteriode les capaciteacutes Internet vont ecirctre creacuteeacutees et deacuteveloppeacutees En effetavant la creacuteation de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega Zecircta nrsquoa aucune expeacuterience dansle domaine du commerce eacutelectronique elle ne possegravede pas de capaciteacutes Internet strateacutegi-que (deacutefinition des choix strateacutegiques) tactique (implantation des choix strateacutegiques) etopeacuterationnelle (exploitation du systegraveme) On remarque que lrsquoeacutevolution de ces capaciteacutesorganisationnelles Internet ne se fait pas de maniegravere synchroniseacutee Un eacutecart est constateacutedans les phases drsquoeacutevolution crsquoest-agrave-dire entre le laquo vouloir faire raquo et le laquo pouvoir faire raquo stra-teacutegiques Cet eacutecart exprime les difficulteacutes qui sont eacuteprouveacutees pour deacutevelopper lrsquoarchitec-ture technologique de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega Durant cette premiegraverepeacuteriode lrsquoorganisation a mis lrsquoaccent sur le deacuteveloppement de sa capaciteacute tactique Inter-net ce qui lui a permis de comprendre comment elle pouvait utiliser les technologies Inter-net La premiegravere peacuteriode est aussi lrsquooccasion de creacuteer de deacutevelopper et de renouveler lacapaciteacute opeacuterationnelle Internet de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega En effet dans unpremier temps la capaciteacute opeacuterationnelle Internet va ecirctre creacuteeacutee et deacuteveloppeacutee pour assu-rer le premier lancement officiel drsquoOmeacutega Cependant cette capaciteacute opeacuterationnelle Inter-net devra ecirctre renouveleacutee puisqursquoil faudra revoir entiegraverement lrsquoarchitecture technologique

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Quelle que soit leur nature qursquoelles soient vertes ou appliqueacutees aux strateacutegiesInternet les capaciteacutes doivent eacutevoluer pour srsquoadapter agrave lrsquoeacutevolution des caracteacuteristi-ques de lrsquoenvironnement Crsquoest ainsi que certaines firmes parviennent agrave surpasserleurs concurrents en deacutepit des mutations radicales de leur marcheacute Cette capaciteacute agravecreacuteer renouveler et reconfigurer les actifs pour les ajuster aux changements parfoisrapides et impreacutevisibles de lrsquoenvironnement est appeleacutee capaciteacute dynamique Ellecorrespond agrave la troisiegraveme cateacutegorie drsquoactifs Lrsquoinnovation est souvent consideacutereacuteecomme une capaciteacute dynamique car elle permet lrsquoajustement constant de lrsquooffre auxcaracteacuteristiques de la demande et lrsquoameacutelioration continue des processus internes agrave lafirme Ainsi quelle que soit lrsquoissue de lrsquoinnovation (succegraves ou eacutechec) elle geacutenegravere desconnaissances nouvelles dans les domaines technologique administratif marketingmanageacuterial relationnelhellip Il en est de mecircme pour lrsquoapprentissage organisationneldeacutefini comme laquo un pheacutenomegravene collectif drsquoacquisition et drsquoeacutelaboration de compeacuteten-ces qui plus ou moins profondeacutement plus ou moins durablement modifie la gestiondes situations et les situations elles-mecircmes raquo (Koenig 1994) Ainsi lorsqursquoune firmeapprend elle renouvelle son patrimoine de connaissances et drsquoaptitudes gracircceauxquelles elle reacutepond de faccedilon toujours plus efficace aux sollicitations de son envi-ronnement

Pour autant les ressources et les capaciteacutes drsquoune firme nrsquoont pas toutes le mecircmepotentiel Si certaines contribuent agrave assurer la survie de la firme (on parle de ressour-

du site Web transactionnel Drsquoautre part cette capaciteacute opeacuterationnelle est exploiteacutee locale-ment crsquoest-agrave-dire qursquoelle nrsquoa pas drsquoinfluence sur les autres capaciteacutes opeacuterationnelles quicomposent la chaicircne de valeur de ZecirctaDurant la deuxiegraveme peacuteriode Zecircta va transformer sa strateacutegie initiale de commerce eacutelectro-nique drsquoentreprise agrave consommateurs Elle devient progressivement une strateacutegie de distri-bution multicanal Cette peacuteriode est lrsquooccasion drsquoexploiter les retours drsquoexpeacuterience qui vontpermettre agrave la capaciteacute strateacutegique Internet drsquoatteindre progressivement la phase dematuriteacute Les principaux apprentissages sont reacutealiseacutes au niveau strateacutegique et vontpermettre agrave lrsquoorganisation de mieux positionner la strateacutegie de commerce eacutelectroniquedrsquoentreprise agrave consommateurs sur le marcheacute La capaciteacute tactique gagne elle aussi enmaturiteacute puisqursquoil srsquoagit de reacutepliquer lrsquoimplantation de sites Web transactionnels qui repo-sent sur les mecircmes architectures et infrastructures technologiques Zecircta mobilise eacutegale-ment la capaciteacute opeacuterationnelle Internet de lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega En effetcette capaciteacute opeacuterationnelle Internet va ecirctre drsquoune part redeacuteployeacutee dans un nouveaucouple produit-marcheacute (lrsquoagence de voyages virtuelle Omeacutega est transformeacutee en uneagence de voyages virtuelle vendant agrave rabais des produits touristiques de derniegravere minute)et drsquoautre part recombineacutee avec les ressources reacuteputationnelles (lrsquoimage de marque) dutransporteur aeacuterien des voyagistes et des reacuteseaux drsquoagences de Zecircta Lrsquoeacutevolution de lacapaciteacute opeacuterationnelle Internet va neacutecessiter lrsquoimpulsion drsquoun nouveau cycle drsquoapprentis-sage afin de lrsquoadapter agrave son nouveau contexte

Agrave partir de RENARD L et SOPARNOT R laquo Le cycle de vie des capaciteacutes organisationnellesdans le cadre du deacuteveloppement drsquoune strateacutegie Internet raquo

17e Congregraves de lrsquoAssociation internationale de management strateacutegique (AIMS) 2008

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ces etou compeacutetences seuil) drsquoautres sont veacuteritablement strateacutegiques (on parleindiffeacuteremment de ressources etou compeacutetences cleacutes ou cardinales ou distinctives)crsquoest-agrave-dire expliquent qursquoune firme est plus performante que ses concurrents Laquestion est alors drsquoidentifier les meacutecanismes par lesquelles les actifs produisentcette laquo sur-performance raquo ce qui revient agrave comprendre les sources de lrsquoavantageconcurrentiel Selon Barney (1991) un auteur de reacutefeacuterence de la RBV lrsquoavantageconcurrentiel srsquoexplique par les caracteacuteristiques particuliegraveres de certains actifs Danscette optique une ressource ou une capaciteacute soutient lrsquoavantage concurrentiel si elleremplit les conditions suivantes

Tout drsquoabord lrsquoactif doit avoir de la valeur pour la firme Il doit permettre de profi-ter drsquoopportuniteacutes de marcheacute ou de neutraliser une menace de lrsquoenvironnement Cetactif peut par exemple repreacutesenter une contribution significative agrave la valeur duproduit final pour le client permettre lrsquoaccegraves agrave certains marcheacuteshellip Ensuite lrsquoactifdoit ecirctre rare crsquoest-agrave-dire qursquoil doit ecirctre deacutetenu par un nombre limiteacute de firmes ideacutea-lement une seule En effet les ressources et capaciteacutes peuvent ne pas ecirctre disponi-bles sur le marcheacute des actifs ce qui rend alors impossible leur acquisition pardrsquoeacuteventuels concurrents La reacuteputation constitue par exemple une ressource pourlaquelle il nrsquoexiste pas de marcheacute Lrsquoactif doit eacutegalement ecirctre difficilement imitableLa difficulteacute de reacuteplication par les concurrents des facteurs de reacuteussite drsquoune firmepeut provenir du caractegravere difficilement identifiable des facteurs de performance(difficulteacute de retrouver les relations de cause agrave effet) du coucirct drsquoaccegraves agrave lrsquoactif de soncaractegravere tacitehellip Lrsquoactif doit aussi ecirctre durable crsquoest-agrave-dire qursquoil doit maintenirlrsquoavantage concurrentiel de la firme dans la dureacutee Cela renvoie agrave lrsquoeacuteventuelle obso-lescence drsquoune ressource et agrave son eacuterosion dans le temps De mecircme lrsquoactif doit ecirctrefaiblement substituable En drsquoautres termes pour conserver sa valeur la ressourcene doit pas avoir de substituts aiseacutement accessibles pour les concurrents Plus preacuteci-seacutement les services rendus par une ressource ne doivent pas pouvoir srsquoobtenir par lerecours agrave drsquoautres ressources Enfin lrsquoactif doit ecirctre approprieacute Cela signifie que lafirme doit organiser ses processus internes et sa structure de maniegravere agrave exploiter aumieux ses actifs et ainsi mateacuterialiser les potentialiteacutes de ses ressources

Finalement lrsquoanalyse interne via les ressources et les compeacutetences suggegravere lrsquoiden-tification des actifs deacutetenus par la firme (ressources compeacutetences organisationnelleset capaciteacutes dynamiques) ainsi que leur qualification (ressources et compeacutetencesstrateacutegiques ou seuil) Lrsquoenjeu est comme preacuteceacutedemment de mieux comprendre lesmeacutecanismes de creacuteation et de conservation de lrsquoavantage concurrentiel

Le diagnostic interne repose in fine sur deux meacutethodes compleacutementaires lachaicircne de valeur et le modegravele des ressources et des compeacutetences La premiegravere prendlrsquoactiviteacute comme uniteacute drsquoanalyse de reacutefeacuterence tandis que la seconde privileacutegie lesressources et les compeacutetences

Les sous-sections 1 et 2 ont permis de poser les bases de lrsquoanalyse strateacutegique Lesreacutesultats de ce double diagnostic permettent drsquoeacutevaluer la capaciteacute de la firme agrave faireface aux enjeux de son environnement Ainsi lorsque la firme est en mesure de saisirles enjeux notamment concurrentiels de son milieu plus geacuteneacuteralement les facteurs

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cleacutes de succegraves sectoriels les strategraveges considegraverent qursquoelle est aligneacutee Agrave lrsquoinverse ilest possible que lrsquoentreprise nrsquoait pas les capaciteacutes requises pour eacutevoluer dans sonenvironnement dans ce cas elle se trouve dans une situation dangereuse Quel quesoit le reacutesultat de cette mise en perspective le strategravege dispose drsquoune compreacutehensionaiguiseacutee de son secteur comme de son entreprise Ces informations lrsquoorientent et leguident dans lrsquoeacutelaboration des choix strateacutegiques

3 Les choix strateacutegiques

La formulation de la strateacutegie drsquoune entreprise repose sur trois questionnementschacun relevant de choix strateacutegiques interdeacutependants Le premier srsquointeacuteresse auxmanœuvres par lesquelles la firme entend dominer ses concurrents ndash il renvoie auxstrateacutegies concurrentielles ou compeacutetitives Le second traite des produits clients etmarcheacutes sur lesquels lrsquoentreprise souhaite fonder sa croissance ndash il se reacutefegravere aux stra-teacutegies de deacuteveloppement Enfin le troisiegraveme srsquoattache aux moyens qursquoil conviendrade mobiliser pour assurer le deacuteveloppement de lrsquoentreprise ndash il correspond auxmodaliteacutes strateacutegiques de deacuteveloppement Analysons-les successivement

31 Les strateacutegies concurrentielles

Pour Porter (1986) la maniegravere dont une firme se positionne dans un secteur crsquoest-agrave-dire face agrave ses concurrents deacutetermine sa rentabiliteacute En effet mecircme si lrsquoentrepriseeacutevolue dans un secteur agrave faible rentabiliteacute celle-ci peut espeacuterer obtenir une rentabi-liteacute supeacuterieure agrave la moyenne du secteur Pour cela elle doit fonder sa strateacutegie surlrsquoun des deux grands types drsquoavantage concurrentiel que sont la diffeacuterenciation et lescoucircts peu eacuteleveacutes Sur cette base Porter identifie trois strateacutegies concurrentielles ladiffeacuterenciation la domination par les coucircts et la concentration de lrsquoactiviteacute Celles-cise distinguent drsquoune part sur le critegravere de lrsquoavantage concurrentiel rechercheacute etdrsquoautre part sur le nombre de segments de marcheacute viseacutes

La strateacutegie de domination par les coucircts consiste pour une firme agrave se positionnercomme lrsquoentreprise de reacutefeacuterence en matiegravere de coucircts bas et agrave servir un vaste marcheacuteLrsquooffre de lrsquoentreprise est en outre conforme aux standards du marcheacute - les produitssont quasi-identiques aux autres ndash mais lrsquoentreprise les reacutealise agrave un coucirct infeacuterieur agravecelui des concurrents et peut alors les vendre agrave un prix plus bas donc plus attractifpour les clients Le maintien de cette strateacutegie passe par la recherche constante dessources de reacuteduction des coucircts afin drsquoameacuteliorer en continu la structure des coucircts delrsquoentreprise

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Repegraveres La strateacutegie de domination par les coucircts drsquoEasy Jet

Easy Jet est une compagnie drsquoaviation fondeacutee en 1995 par un entrepreneur britanniquedrsquoorigine grecque Stelios Haji-Ioannou Appartenant agrave Easy Group un groupe preacutesentdans diffeacuterents domaines drsquoactiviteacutes strateacutegique sous lrsquounique marque laquo Easy raquo Easy Jetest la division la plus rentable du groupe Consideacutereacutee degraves 1997 comme le rival de BritishAirlines Easy Jet a connu une croissance fulgurante une croissance lieacutee agrave une strateacutegie dedomination par les coucircts particuliegraverement bien maicirctriseacutee

La strateacutegie de domination par les coucircts drsquoEasy JetLa strateacutegie concurrentielle drsquoEasy Jet est qualifieacutee depuis sa creacuteation de strateacutegie agrave bascoucircts (low cost) une strateacutegie initieacutee par la compagnie ameacutericaine SouthWest AirlinesBien des aspects du management de lrsquoentreprise teacutemoignent de la strateacutegie drsquoabaisse-ment des coucircts Par exemple les slogans ont pour objectif de montrer aux consommateursqursquoils ont deacutesormais la possibiliteacute de voyager agrave prix casseacutes Lrsquoenjeu est de populariser lesvoyages en avion et drsquoen faire un moyen de transport commun afin drsquoaugmenter significa-tivement le nombre de voyageurs potentiels De mecircme la communication consiste agrave fairefigurer un numeacutero de teacuteleacutephone sur les avions permettant ainsi aux clients de reacuteserverleurs vols directement aupregraves de la compagnie Ces derniers peuvent eacutegalement les reacuteser-ver sur le site Internet de lrsquoentreprise Avec cette initiative lrsquoentreprise supprime la neacuteces-siteacute drsquoavoir un agent de voyage pour commercialiser ses vols En outre les billetseacutelectroniques drsquoEasy Jet limitent les frais drsquoimpression Aujourdrsquohui avec 95 des billetsacheteacutes par Internet Easy Jet est ainsi lrsquoun des plus grands deacutetaillants europeacuteens sur Inter-net Concernant lrsquooffre drsquoEasy Jet une caracteacuteristique de lrsquoentreprise est de standardiser aumaximum les produits Lrsquoentreprise ne dispose par exemple que drsquoune seule classe depassagers ce qui facilite le remplissage de chaque vol (le taux de remplissage des avionsavoisine les 90 ) et la vente des billets Les vols srsquoeffectuent eacutegalement dans des condi-tions de confort minimal (absence de siegraveges larges et spacieux et services agrave bord limiteacutes)Les voyageurs qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de services privileacutegieacutes comme lrsquoembarque-ment prioritaire le deacutepassement du poids des bagages et les repas pendant le voyagedoivent payer un montant additionnel (ce qui constitue une source de revenu suppleacutemen-taire pour lrsquoentreprise) Enfin Easy Jet cherche agrave optimiser la gestion de sa flotte drsquoavionsLrsquoentreprise ne propose aucune correspondance ce qui permet une utilisation maximaledes avions et reacuteduit le temps drsquoescale entre les vols ce qui compresse les taxes aeacuteropor-tuaires dont doivent srsquoacquitter les compagnies aeacuteriennesCette strateacutegie a permis agrave Easy Jet de connaicirctre un deacuteveloppement exceptionnel dunombre de ses passagers de son chiffre drsquoaffaires et de ses profits comme en teacutemoigne letableau page suivanteLe succegraves drsquoEasy Jet dans le secteur du transport aeacuterien a finalement fait naicirctre lrsquoopportu-niteacute drsquoeacutetendre lrsquoactiviteacute originelle en utilisant la marque laquo Easy raquo et le modegravele du bas coucirctLrsquoenjeu appliquer la recette low cost agrave drsquoautres activiteacutes

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Easy GroupLa strateacutegie de bas coucircts fut reacutepliqueacutee dans de multiples domaines drsquoactiviteacutes strateacutegi-ques La meacutethode est simple en apparence simplifier lrsquooffre et se concentrer sur lrsquoessen-tiel abaisser les coucircts proposer un prix de vente attractif servir un nombre de clientseacuteleveacutes et capitaliser sur la marque laquo Easy raquo Easy Group se compose ainsi drsquoentreprises agis-sant dans des domaines tregraves diffeacuterents Dans le domaine du transport et du tourisme EasyGroup est preacutesent outre le transport aeacuterien dans la location de voiture (avec Easy Car) letransport de voyageurs (Easy Bus relie Londres aux aeacuteroports voisins) lrsquoorganisation devoyages (Easy Cruiser vend des voyages organiseacutes en Gregravece et les icircles grecques) et lrsquohocirctelle-rie avec Easy Hotel Lrsquoentreprise srsquoest aussi deacuteveloppeacutee dans le domaine de lrsquoentertainmentavec Easy Internet Cafeacute Easy Music (vente de CD) et Easy Cineacutema (vente de DVD et infor-mation cineacutematographique) les services en ligne avec Easy Value (service de comparaisonde prix sur Internet) Easy Money (assurance voiture) Easy Job (service de recherchedrsquoemplois) la restauration avec Easy Pizza la location de bureaux eacutequipeacutes avec Easy Officela location de camionnettes avec Easy VanhellipLe deacuteveloppement rapide dans des domaines aussi varieacutes reflegravete parfaitement lrsquoambitiondu serial entrepreneur parvenir agrave peindre le monde en orange la couleur symbolique de lamarque laquo Easy raquo

Agrave partir de wwweasyjetfr et wwweasyjetcom

Tableau 11 mdash La croissance drsquoEasy Jet

Anneacutee Nombre de passagers

Chiffre drsquoaffaires en Livre Sterling

Profit en Livre Sterling

1995 30 000

1996 420 000

1997 1 140 000

1998 1 880 000 770 59

1999 3 670 000 1398 13

2000 5 996 000 2637 221

2001 7 664 000 3569 401

2002 11 400 000 5520 716

2003 20 300 000 9320 520

2004 24 300 000 1 0910 622

2005 29 558 000 1 3414 826

2006 32 953 000 1 6197 1292

2007 37 200 000 1 7970 2020

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La seconde strateacutegie concurrentielle est la strateacutegie de diffeacuterenciation Elleconsiste pour une firme agrave deacutelivrer agrave un nombre eacuteleveacute de segments du marcheacute uneoffre originale par rapport agrave celle des concurrents en place Pour ce faire lrsquoentreprisedoit repeacuterer les critegraveres de lrsquooffre valoriseacutee par les clients et non ou mal exploiteacutes parla concurrence Si par exemple les clients accordent une grande importance agravelrsquoimage du produit au designhellip et qursquoun nombre limiteacute de concurrents valorise leuroffre agrave partir de ces critegraveres alors la firme peut valoriser la sienne en la positionnantpar rapport agrave ces attraits Elle offre donc agrave ses clients des produits etou servicesperccedilus comme uniques ces derniers sont disposeacutes agrave payer plus cher une offredistincte de celle des autres entreprises Lrsquoexemple de LVMH (Louis Vuitton MoeumltHennessey) illustre bien la strateacutegie de diffeacuterenciation Fondeacutee en 1987 par BernardArnault LVMH est le leader mondial du luxe Le groupe possegravede un portefeuille decinquante marques prestigieuses Par exemple dans les vins et spiritueux LVMH estproprieacutetaire de Moeumlt et Chandon Dom Peacuterignon Chacircteau drsquoYquemhellip Dans lamode et la maroquinerie on trouve dans le giron LVMH les marques GivenchyKenzo Berluti Louis Vuittonhellip Dans les parfums et cosmeacutetiques Guerlain DiorhellipQuel que soit le secteur les produits LVMH sont positionneacutes haut de gamme et ontdes caracteacuteristiques uniques (composants image et notorieacuteteacute de la marque designqualiteacute intrinsegraveque packaging services offertshellip) qui les distinguent clairement deceux des concurrents et autorisent un surprix

Enfin la concentration des activiteacutes est la troisiegraveme strateacutegie concurrentielle possi-ble Dans ce type de strateacutegie lrsquoentreprise seacutelectionne un segment unique ou ungroupe limiteacute de segments du marcheacute et eacutelabore une offre particuliegraverement adapteacuteeau(x) segment(s) viseacute(s) Lrsquoobjectif est ici drsquoobtenir un avantage concurrentiel vala-ble dans le segment seacutelectionneacute et non pour lrsquoensemble du secteur ndash contrairementaux deux strateacutegies preacuteceacutedentes La concentration des activiteacutes peut prendre deuxformes Elle peut ecirctre fondeacutee sur les coucircts ou la diffeacuterenciation Dans le premier caslrsquoentreprise vise les coucircts ndash donc les prix ndash les plus bas dans le segment retenu Dansle second elle entend deacutelivrer au segment cibleacute une offre unique

In fine les strateacutegies concurrentielles sont au nombre de trois Lrsquoentreprise peutespeacuterer dominer ses concurrents et avoir des niveaux de profits supeacuterieurs agrave eux enrecourant soit agrave la domination par les coucircts soit agrave la diffeacuterenciation soit agrave la concen-tration des activiteacutes Selon Porter (1986) une entreprise courrait un risque importantsi elle srsquoengageait simultaneacutement dans les trois strateacutegies Elle srsquoenliserait alors dansla laquo voie meacutediane raquo et ce faisant elle aurait des profits infeacuterieurs agrave ceux qursquoelleobtiendrait en adoptant une strateacutegie concurrentielle unique Cela srsquoexplique notam-ment parce que les strateacutegies de domination par les coucircts et de diffeacuterenciation sontincompatibles ndash la diffeacuterenciation impose de construire une offre distincte de celledes concurrents et un accroissement des coucircts tandis que la domination par les coucirctsneacutecessite une normalisation de son offre et un abaissement des coucircts ndash et eacutegalementparce que la conquecircte et le maintien drsquoun avantage concurrentiel pour lrsquoune de cesstrateacutegies imposent une organisation et une chaicircne de valeur speacutecifiques

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Finalement les strateacutegies concurrentielles telles que Porter (1986) nous lespreacutesente partagent un point commun leur efficaciteacute reacuteside dans les caracteacuteristiquesdu secteur et le positionnement adopteacute par la firme En drsquoautres termes une analysetregraves pousseacutee de lrsquoindustrie et des concurrents en place conditionne le choix drsquoune destrois strateacutegies concurrentielles comme sa reacuteussite Cette perspective donne donc leprimat au milieu dans lequel opegravere la firme agrave la formulation de la strateacutegie Or ilexiste des situations ougrave certaines entreprises ont proceacutedeacute agrave de veacuteritables innovationsstrateacutegiques et sont parvenues agrave infleacutechir la structure du secteur et agrave en modifier lescaracteacuteristiques agrave leur avantage Si Porter (1986) eacutevoque cette possibiliteacute dans sestravaux il ne la deacuteveloppe pas veacuteritablement

Sur ce point les eacutetudes reacutealiseacutees par Kim et Mauborgne (2005) constituent uneavanceacutee significative Les auteurs montrent que les strateacutegies concurrentielles tradi-tionnelles sont dangereuses En effet en adoptant des strateacutegies laquo oceacuteans rouges raquo(terme utiliseacute par les auteurs pour qualifier les strateacutegies traditionnelles) les entre-prises deacutefinissent leur strateacutegie en se basant sur ce que font les concurrents Ces stra-teacutegies conduisent alors les firmes agrave se deacutemarquer soit par les prix soit par lescaracteacuteristiques de lrsquooffre (la diffeacuterenciation) En fin de course les acteurs se diffeacute-rencient de la mecircme maniegravere conduisant agrave la convergence de leur offre et sa banali-sation Et il en reacutesulte une deacutegradation geacuteneacuteraliseacutee de la performance eacuteconomiquedes firmes en preacutesence laquo Les eaux se teintent de sang raquo nous disent Kim et Maubor-gne (2005) afin drsquoexpliquer lrsquoapparition drsquoun laquo oceacutean rouge raquo Un oceacutean rouge estun espace concurrentiel caracteacuteriseacute par un niveau drsquoencombrement croissant condui-sant les entreprises agrave tenter de prendre lrsquoavantage sur leurs concurrents en cherchantagrave faire mieux qursquoeux En conseacutequence les entreprises se livrent une concurrenceacharneacutee ayant pour reacutesultat une reacuteduction des marges (par la baisse des prix etlrsquoaugmentation de la structure des coucircts) une baisse du chiffre drsquoaffaires et un risquede deacuteclin de la performance boursiegravere Face aux risques que repreacutesentent les strateacute-gies oceacutean rouge les auteurs suggegraverent lrsquoadoption drsquoune strateacutegie laquo oceacutean bleu raquo(innovation strateacutegique) Celle-ci consiste agrave deacutevelopper lrsquoactiviteacute au sein drsquounespace de marcheacute inexploiteacute espace dans lequel la demande est agrave creacuteer en adoptantune vision laquo reconstructionniste raquo Celle-ci consiste agrave sortir de lrsquoalternative coucirct-valeur et agrave srsquointeacuteresser aux non-clients (les oceacuteans bleus peuvent se situer loin desfrontiegraveres des oceacuteans rouges ou sont parfois creacuteeacutes agrave proximiteacute) Une telle strateacutegiepreacutesente donc lrsquoavantage drsquoeacuteviter la concurrence directe le plus souvent drsquoalleacuteger lastructure des coucircts et de srsquoadresser agrave un marcheacute encore vierge susceptible de geacuteneacutererdes niveaux de croissance et de rentabiliteacute largement supeacuterieurs agrave ceux des oceacuteansrouges

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Repegraveres Nintendo adopte une strateacutegie subversive

En 2004 Nintendo bien que connu mondialement est un poids plume face aux poidslourds que sont Microsoft et Sony constructeurs respectifs de la Xbox et de la PlayStation(PS) Lrsquoeacutechec de la GameCube supposeacute concurrencer la Xbox et la PS a preacutecipiteacute les difficul-teacutes du fabricant japonais En 2004 Nintendo affiche un reacutesultat net en baisse de 50 parrapport agrave 2003 Sa surface financiegravere ne lui permet pas de rivaliser avec ses concurrentsnotamment sur le plan de la technologie (par le deacuteveloppement de consoles aussi puissan-tes et doteacutees de nombreuses fonctionnaliteacutes par la sophistication constante des jeux parleur qualiteacute graphiquehellip) Dans ce contexte difficile Saworu Iwata preacutesident de Nintendonommeacute en 2002 opte pour une strateacutegie de perturbation concurrentielle particuliegraverementrisqueacutee Une telle strateacutegie consiste pour une entreprise opeacuterant sur un marcheacute satureacute agravesrsquoaffranchir des contraintes de son marcheacute Un tel deacuteplacement strateacutegique est la voiesuivie par des socieacuteteacutes comme Apple ou Swatch ces entreprises ont conquis des espacesstrateacutegiques encore vierges et su creacuteer une demande entiegraverement nouvelle Maiscomment expliquer le revirement strateacutegique opeacutereacute par Nintendo

La strateacutegie de NintendoLe preacutesident de Nintendo est parti du constat que le marcheacute des jeux videacuteo saturait alorsque le taux drsquoeacutequipement nrsquoeacutetait pas si eacuteleveacute 35 en France 35 aux Etats-Unis et60 en Grande-Bretagne Il a fallu trouver un nouveau creacuteneau Saworu Iwata lrsquoa identifieacuteau niveau des joueurs occasionnels Jusqursquoagrave il y a peu la clientegravele viseacutee par les fabricants deconsoles et de jeux videacuteos eacutetait le joueur confirmeacute appeleacute eacutegalement laquo adulescent raquo ouencore le hardcore gamer (pour joueur intensif) Alors que les nouvelles geacuteneacuterations deconsoles (Xbox 360 et PS3) marquent un saut technologique Nintendo fait un pari diffeacute-rent avec le lancement de la Wii agrave la fin de lrsquoanneacutee 2006 un mouvement initieacute avec laconsole portable Nintendo DS apparue en 2004 Nintendo srsquoadresse deacutesormais agrave une cateacute-gorie de joueurs dits occasionnels Ceux-ci appreacutecient les jeux simples auxquels on peutconsacrer un minimum de temps Parmi ces jeux on peut citer les puzzles les diffeacuterentsjeux de cartes (dame de pique solitaire etc) le flipperhellip Et pour seacuteduire ces joueurs laconsole de jeux preacutesente des fonctionnaliteacutes limiteacutees elle promet simplement une expeacute-rience de jeu ineacutedite (le gameplay) alors que les consoles concurrentes permettent devisionner des films drsquoeacutecouter de la musique de regarder des photos de surfer sur le WebhellipSelon le preacutesident de Nintendo Satoru Iwata la Wii est le reacutesultat drsquoune longue reacuteflexionlaquo Il y a quatre ans nous avons fait le constat au Japon que le marcheacute des jeux saturaitNintendo se devait drsquoecirctre le premier agrave proposer une solution face agrave cette crise Nous avonsalors imagineacute des produits pour eacutelargir notre public Il ne srsquoagissait plus de faire des jeuxavec une grande richesse de contenus mais de les inteacutegrer dans la vie ordinaire Le lance-ment de la DS notre plate-forme portable munie drsquoun stylet et drsquoun eacutecran tactile a repreacute-senteacute la premiegravere eacutetape de notre strateacutegie de deacuteveloppement vers le grand public raquoLe pari de Saworu Iwata est gagneacute Nintendo croule rapidement sous les commandes etdoit augmenter ses capaciteacutes de production pour faire face agrave la demande mondiale La Wiia ainsi eacuteteacute vendue entre deacutecembre 2006 et avril 2008 agrave pregraves de 26 millions drsquoexemplairesLa part de marcheacute de la Wii sur le marcheacute des consoles de nouvelle geacuteneacuteration srsquoeacutetablit agrave

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43 en 2007 Au niveau financier lrsquoameacutelioration des reacutesultats provient en grande partiedu lancement de la Nintendo DS en novembre 2004 et de la Wii en novembre 2006 Lechiffre drsquoaffaires a eacuteteacute multiplieacute par trois en lrsquoespace de trois anneacutees et le beacuteneacutefice net croicirctde maniegravere spectaculaire Crsquoest ainsi qursquoen 2007 le chiffre drsquoaffaires a connu une hausseapproximative de 90 et le reacutesultat net de 77

Les caracteacuteristiques de la WiiPour qursquoune telle strateacutegie puisse srsquoaveacuterer gagnante lrsquoinnovation ne srsquoest pas limiteacutee auseul repositionnement de la console videacuteo aupregraves des joueurs occasionnelsConsole leacutegegravere agrave taille reacuteduite (44 x 157 x 2154 mm) blanche agrave lrsquoaspect eacuteleacutegant et tregraves facileagrave connecter agrave un teacuteleacuteviseur la Wii se diffeacuterencie des autres consoles par un mode de jeusensoriel baseacute sur la reconnaissance des mouvements Ainsi la teacuteleacutecommande sans fil seprend en main instinctivement et les mouvements pour controcircler les jeux reproduisent lesgestes des joueurs Au lieu du traditionnel joystick ou de la manette multitouchesexigeant une tregraves grande dexteacuteriteacute les joueurs ont agrave leur disposition une teacuteleacutecommandenommeacutee Wiimote eacutequipeacutee drsquoun acceacuteleacuteromegravetre Celui-ci permet de reproduire les mouve-ments dans lrsquoespace en interaction avec lrsquoeacutecran De plus la manette possegravede un vibrateursusceptible de simuler les diffeacuterentes reacuteactions Afin drsquoeacuteviter des lacirccheacutes intempestifs lamanette est retenue au poignet agrave lrsquoaide drsquoun lacet nommeacute dragonne Quelques mois apregravesle lancement de la Wii Nintendo a drsquoailleurs ducirc renforcer les dragonnes qui ne reacutesistaientpas agrave lrsquoenthousiasme des joueursCette manette srsquoaccompagne drsquoune gamme drsquoaccessoires dans lesquels on insegravere la teacuteleacute-commande On voit ainsi apparaicirctre des mini raquettes de tennis des reacutepliques de club degolf des revolvers des sabres laser des volants des cannes agrave pecircche et plus reacutecemment laWii balance board (un pegravese-personne) Ces accessoires accompagnent bien souvent lesnouveaux jeux tels que MarioKart et Wii Fit programme de remise en forme qui srsquoannoncecomme le succegraves de lrsquoanneacutee 2008Le succegraves deacutepend eacutegalement des innovations en termes de programmes la Wii beacuteneacuteficiede lrsquoexpeacuterience de la Nintendo DS Sont apparus des divertissements ludo-eacuteducatifsineacutedits sur console (comme English Training ou Sudoku Master) des jeux ceacutereacutebraux desti-neacutes agrave un public senior des chaicircnes Wiihellip le but eacutetant de proposer une gamme de jeux agrave unpublic diversifieacute Pour cela Nintendo conccediloit en interne une grande partie de ses jeux (lesoftware) Certains concepteurs de jeux comme Shigeru Miyamoto sont mecircme devenustregraves connus (il est notamment lrsquoinventeur de Mario Donkey Konghellip) Lrsquoentreprise fait aussiappel agrave des eacutediteurs de jeux Notons tout de mecircme le peu drsquoenthousiasme dont ont faitpreuve certains eacutediteurs de jeux au deacutebut de lrsquoaventure DSWii Ceux qui ont cru agrave lanouvelle console comme Ubisoft ont donneacute le sourire agrave leurs actionnairesEnfin le prix de la Wii est plus faible que celui des autres consoles 249 euros Lors de sonlancement la Xbox 360 coucirctait 299 euros tandis que le prix de la PS3 srsquoeacutetablissait agrave399 euros Microsoft a depuis baisseacute ses prixLe marketing et la communication de Nintendo ont eacutegalement eacuteteacute repenseacutes Aux tradi-tionnelles publiciteacutes preacutesentes dans la presse speacutecialiseacutee on retrouve des encarts publici-taires dans la presse feacuteminine et la presse pour seniors En France ougrave le groupe a choisilrsquoactrice Michegravele Laroque pour incarner les vertus du jeu drsquoentraicircnement ceacutereacutebral les inves-tissements en marketing et en communication atteignent plusieurs dizaines de millionsdrsquoeuros laquo Beaucoup de consommateurs sont sur le point de basculer mais ils ont besoin

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

En synthegravese la formulation drsquoune strateacutegie concurrentielle ndash domination par lescoucircts diffeacuterenciation concentration et innovation strateacutegique ndash correspond agrave lapremiegravere phase de lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie Elle laisse ensuite place agrave la deacutefini-tion drsquoune strateacutegie de deacuteveloppement

32 Les strateacutegies de deacuteveloppement

Les strateacutegies de deacuteveloppement se reacutefegraverent agrave lrsquoensemble des choix par lesquelsune entreprise parvient agrave assurer un niveau de croissance suffisant pour faire face agraveses engagements et peacuterenniser son activiteacute Elles renvoient donc aux deacutecisions rela-tives au systegraveme drsquooffre de la firme aux zones geacuteographiques dans lesquelles elleentend ecirctre preacutesente et aux types de clients auxquels elle souhaite commercialiserses produits La figure suivante identifie quatre strateacutegies de deacuteveloppement possi-bles

Le cadran A concerne les strateacutegies de confortement appeleacutee aussi speacutecialisationCette voie consiste pour lrsquoentreprise agrave capitaliser tant sur sa maicirctrise des ressourceset compeacutetences de fabrication et de commercialisation des produits que sur saconnaissance des besoins des clients et des marcheacutes geacuteographiques dans lesquels lafirme est preacutesente Cette strateacutegie vise lrsquoameacutelioration et la rationalisation de lrsquooffre(par lrsquoeacuteleacutevation de la qualiteacute et la compression des coucircts) en vue de consolider laposition actuelle Cette strateacutegie se concentre sur le maintien des parts de marcheacute etla fideacutelisation des clients Le confortement revecirct parfois une forme plus agressivepuisque certaines entreprises peuvent adopter une strateacutegie centreacutee sur la conquecirctedes clients des concurrents directs (proposant la mecircme offre sur les mecircmes

drsquoun deacuteclic suppleacutementaire et une personnaliteacute comme Michegravele Laroque qui figure parmile palmaregraves des personnaliteacutes feacuteminines preacutefeacutereacutees des Franccedilais est feacutedeacuteratrice raquo noteStephan Bole directeur geacuteneacuteral de Nintendo La Wii devient une console de jeu intergeacuteneacute-rations Il suffit pour srsquoen convaincre drsquoobserver la place de la Wii dans la maison alors queles consoles traditionnelles aux dimensions plus importantes sont situeacutees dans les cham-bres drsquoadolescents la Wii trouve sa place sous le teacuteleacuteviseur du salon Pregraves de 80 des utili-sateurs ont ainsi plus de 24 ans (lrsquohabituel cœur de cible est les joueurs acircgeacutes de 8 agrave 25 ans)et 50 sont des femmes Drsquoapregraves lrsquoAssociation ameacutericaine des logiciels de divertissementciteacutee par Challenges 24 des Ameacutericains de plus de 50 ans jouent deacutesormais aux jeuxvideacuteo alors qursquoils nrsquoeacutetaient que 9 en 1999 En France le marcheacute des jeux videacuteo aprogresseacute de 65 en 2007 On attribue la moitieacute de cette performance agrave la Wii deNintendo laquo Crsquoest une vraie rupture raquo affirme Stephan Bole laquo pendant vingt ans nousavons fait la course agrave la puissance pour attirer toujours plus de deacuteveloppeurs de jeux et declients et finalement nous nous sommes aperccedilus que pour beaucoup de personnes lesjeux proposeacutes restent complexes et encore trop anxiogegravenes raquo

Agrave partir de BONNEVEUX E LE SAOUT E et SOPARNOT R laquo La Wii sort Nintendodrsquoune impasse concurrentielle raquo 1e Journeacutee de cas peacutedagogique

Lrsquoinnovation dans les organisations Groupe ESCEM Tours novembre 2008

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marcheacutes) Cette strateacutegie est particuliegraverement pertinente lorsque le marcheacute est enphase de deacuteveloppement car la croissance permet agrave la firme drsquoameacuteliorer sa positionlaquo naturellement raquo En revanche lorsque le marcheacute deacutecline cette strateacutegie met lafirme en situation de plus grande vulneacuterabiliteacute

Figure 15 mdash Les orientations de deacuteveloppement

Le cadran B correspond agrave la strateacutegie de deacuteveloppement de produits etou de servi-ces Cette orientation consiste agrave faire eacutevoluer le portefeuille de produits de lrsquoentre-prise et agrave commercialiser ces nouveaux produitsservices aupregraves des mecircmes clientset dans les zones geacuteographiques dans lesquelles lrsquoentreprise opegravere deacutejagrave Cette strateacute-gie permet donc agrave lrsquoentreprise de mieux servir ses clients actuels et drsquoaccroicirctre lechiffre drsquoaffaires par client Cette strateacutegie se justifie notamment lorsque les clientsde lrsquoentreprise ont exprimeacute certaines insatisfactions lieacutees agrave lrsquooffre disponible LaLogan by Renault est une bonne illustration Si agrave lrsquoorigine ce veacutehicule drsquoentreacutee degamme eacutetait destineacute aux marcheacutes eacutemergents la Logan a eacutegalement seacuteduit les clientstraditionnels de Renault Ce nouveau produit a donc permis agrave Renault drsquoenrichir sonoffre

Le cadran C renvoie agrave la strateacutegie de deacuteveloppement de segments et de marcheacutesCette voie consiste agrave proposer lrsquooffre actuelle de lrsquoentreprise agrave de nouveauxsegments de clients ou agrave la commercialiser dans de nouveaux marcheacutes geacuteographi-ques (internationalisation) Cette strateacutegie preacutesente notamment lrsquointeacuterecirct drsquoexploiterla dureacutee de vie des diffeacuterents produits de lrsquoentreprise et drsquoaccroicirctre le chiffre drsquoaffai-res par produit Elle se justifie notamment lorsque les segments de clients ou leszones de commercialisation traditionnelles de lrsquoentreprise saturent lorsque denouveaux clients ou de nouvelles zones offrent des profits etou des perspectives decroissance supeacuterieurs

Produits

Marcheacutes

Existants

Existants

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ConfortementSpeacutecialisation

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Deacuteveloppement deproduitsservices

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Nouveaux segmentsDeacuteveloppement de

marcheacuteInternationa-lisation

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Diversification relieacuteeDiversification non relieacutee

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Repegraveres Les Grandes Eacutecoles franccedilaises srsquointernationalisent

Les grandes eacutecoles de gestion contribuent activement au processus de mondialisation delrsquoenseignement Elles ambitionnent en effet de figurer parmi les meilleures eacutecoles aumonde et de fournir au marcheacute des eacutetudiants au profil international Selon Pierre Tapiedirecteur de lrsquoESSEC laquo les entreprises doivent avoir la certitude de pouvoir recruter cheznous des profils reacuteellement internationaux capables par exemple de deacutevelopper des filia-les en Chine au Breacutesil ou partout dans le monde raquo Pour atteindre cet objectif les eacutecolescherchent agrave attirer les eacutelegraveves eacutetrangers agrave envoyer leurs eacutetudiants hors de leurs frontiegraveresdrsquoorigine et agrave recruter des professeurs capables drsquoenseigner dans des programmes interna-tionaux Petit tour drsquohorizon des pratiques drsquoeacuteducation internationale au managementDeux strateacutegies non exclusives eacutemergent La premiegravere concerne les eacutecoles les plus auda-cieuses Elles ouvrent leur propre campus agrave lrsquoeacutetranger et misent soit sur lrsquoAsie soit surlrsquoEurope et lrsquoAfrique Si lrsquoINSEAD a donneacute le ton avec lrsquoouverture il y a deacutejagrave longtemps drsquouncampus agrave Singapour des eacutecoles de moindre renommeacutee agrave lrsquointernational mais tregraves coteacuteesen France comme lrsquoEM Lyon (avec un campus agrave Shanghai et Genegraveve) lrsquoESSEC (avec uncampus agrave Singapour) lrsquoESCP-EAP (avec ses campus agrave Berlin Londres Madrid et Turin) luiemboicirctent le pas Des eacutecoles plus modestes adoptent une strateacutegie similaireLrsquoESC Toulouse a ainsi un campus agrave Barcelone et un autre agrave Casablanca lrsquoESSCA drsquoAngers agraveBudapest lrsquoEDHEC agrave Londreshellip En srsquoimplantant en Asie les eacutecoles visent un potentieldrsquoeacutetudiants tregraves vaste pour qui lrsquoeacuteducation repreacutesente beaucoup Une strateacutegie orienteacuteevers lrsquoEurope et lrsquoAfrique reacutepond agrave une logique de proximiteacute culturelle et geacuteographiqueDeux avantages agrave cela drsquoune part le public appreacutecie la culture franccedilaise et reconnaicirctlrsquoenseignement des eacutecoles franccedilaises et drsquoautre part le transfert des eacutetudiants et desprofesseurs srsquoavegravere plus aiseacute et moins coucircteux La seconde strateacutegie consiste agrave se deacutevelop-per agrave lrsquointernational en srsquoappuyant sur des partenaires reacuteputeacutees agrave lrsquoeacutetranger Ainsi leseacutecoles qui ne souhaitent pas supporter les risques drsquoune implantation srsquoadossent agrave deseacutecoles deacutejagrave preacutesentes sur le marcheacute viseacute Ces partenariats permettent drsquoenvoyer eacutetudiantset professeurs agrave lrsquoeacutetranger agrave moindre coucirct LrsquoESSEC a ainsi signeacute huit accords de doublesdiplocircmes avec des institutions de renom dans le monde tandis que lrsquoEM Grenoble deacuteloca-lise son MBA dans une demi-douzaine de pays dont la Russie et lrsquoAngleterre Cette strateacute-gie partenariale peut eacutegalement prendre la forme drsquoun consortium Crsquoest le cas deParis Tech qui regroupe neuf eacutecoles drsquoingeacutenieurs et HEC ParisMais lrsquointernationalisation des eacutecoles de gestion ne passe pas exclusivement par lrsquoimplan-tation de campus ou la creacuteation de partenariats elle consiste eacutegalement agrave ouvrir sesportes aux eacutetudiants eacutetrangers Pour cela les eacutecoles dispensent des cours en anglais etoffrent de multiples services aux jeunes arrivants (comme la recherche de logementshellip)afin drsquoaider les eacutetudiants agrave srsquoadapter au pays drsquoaccueil Ces eacutechanges sont le plus souventporteacutes par des accords entre eacutetablissements etou reacutealiseacutes dans le cadre de programmeseuropeacuteens (Erasmus) et international (Erasmus Mundus)Ce mouvement vers lrsquointernational srsquoest acceacuteleacutereacute vers la fin des anneacutees quatre-vingt-dixDeux raisons agrave cela les accreacuteditations et les classements Les accreacuteditations sont deacutelivreacuteespar des organismes speacutecialiseacutes et srsquoapparentent agrave des certifications qualiteacute Les trois plus

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Le cadran D correspond aux strateacutegies de diversification relieacutee et non relieacutee Cettevoie consiste agrave proposer de nouveaux produits et services agrave de nouveaux clientsetou zones geacuteographiques La diversification est relieacutee lorsque lrsquoentreprise se deacuteve-loppe vers une activiteacute qui entretient des points communs avec lrsquoactiviteacute initiale(partage de ressources et compeacutetences) La diversification est non relieacutee lorsque ledeacuteveloppement srsquoeffectue en direction drsquoactiviteacutes totalement nouvelles nrsquoentrete-nant aucune proximiteacute avec lrsquoactiviteacute drsquoorigine La diversification permet notam-ment agrave lrsquoentreprise drsquoaccroicirctre son pouvoir de marcheacute (elle peut chercher agrave obtenirdes conditions avantageuses aupregraves de ses fournisseurs et clients compte tenu de leurtaille) de reacutepartir les risques entre les activiteacutes (les activiteacutes fragiles peuvent ecirctrecompenseacutees par des activiteacutes plus solides financiegraverement) et de beacuteneacuteficier drsquoeacutecono-mie de champ (certaines ressources peuvent ecirctre utiliseacutees dans le cadre des diffeacuterentsproduits ou activiteacutes de lrsquoentreprise)

Ces quatre voies de deacuteveloppement ne sont eacutevidemment pas exclusives Une entre-prise peut ainsi assurer sa croissance agrave partir de plusieurs options Ensuite le choixdes orientations induit une reacuteflexion quant aux moyens neacutecessaires agrave leur mise enœuvre Agrave titre drsquoexemple la conquecircte drsquoun nouveau marcheacute impose lrsquoaccegraves agrave desressources et des compeacutetences la connaissance des reacuteseaux de distribution et desattentes des clients la reacuteglementation en vigueur dans le pays un reacuteseau de fournis-seurs locaux une structure administrative rompue aux regravegles du commerce exteacute-rieurhellip Ainsi quelle que soit la strateacutegie de deacuteveloppement adopteacutee il conviendraau manager de deacutefinir les modaliteacutes drsquoaccegraves aux actifs

33 Les modaliteacutes strateacutegiques du deacuteveloppement

Les modaliteacutes strateacutegiques concernent lrsquoaccegraves aux moyens neacutecessaires agrave la mise enœuvre drsquoune strateacutegie de deacuteveloppement Ce sont la croissance interne la croissanceexterne et la croissance partageacutee

importantes accreacuteditions dans lrsquounivers des eacutecoles de gestion sont le label Equis de lrsquoEuro-pean Foundation for Management Development (EFMD) celui de lrsquoAssociation to AdvanceCollegiate School of Business (AACSB) et celui de lrsquoAssociation of Master of Business Admi-nistration (AMBA) Ces accreacuteditations jouent un rocircle majeur agrave lrsquointernational Drsquoune partelles informent les eacutetablissements de la qualiteacute de leurs partenaires Et drsquoautre part ellessont une garantie de la qualiteacute de lrsquoenseignement qui sera deacutelivreacute aux eacutetudiants eacutetrangersLes classements quant agrave eux jouent un rocircle similaire ils informent les eacutetudiants poten-tiels les entrepriseshellip sur la renommeacutee drsquoune eacutecole et la qualiteacute des eacutetudiants qui en sontdiplocircmeacutes Au niveau international les classements les plus connus sont reacutealiseacutes par leFinancial Times et le Wall Street Journal

Agrave partir de laquo Les Grandes Eacutecoles agrave la conquecircte de la planegravete raquoLes Eacutechos 21 octobre 2008 et wwwambafranceorg

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La croissance interne ou organique consiste pour une firme agrave assurer son deacutevelop-pement agrave partir des ressources et compeacutetences disponibles ou par creacuteation de celles-ci Ce mode de croissance permet agrave la firme de se construire un portefeuille deressources et de compeacutetences coheacuterent Lrsquoentreprise peut en effet se concentrer sur lacreacuteation drsquoactifs proches de son cœur de meacutetier Cependant ce mode de croissanceest lent ndash il est plus rapide drsquoacqueacuterir les actifs existants ndash ce qui peut faire obstacleagrave la vitesse que requiert parfois le deacuteploiement de la strateacutegie

La croissance externe consiste agrave acceacuteder aux ressources et compeacutetences drsquouneautre organisation Elle correspond aux strateacutegies drsquoacquisition gracircce agrave laquelle unefirme prend le controcircle drsquoune autre organisation et de fusion par laquelle deuxfirmes unissent leur destineacutee Ce mode de croissance permet agrave une firme drsquoaccroicirctreson pouvoir de marcheacute de contourner certaines barriegraveres agrave lrsquoentreacutee drsquoacceacuteder agrave desressources et des compeacutetences qursquoil aurait eacuteteacute impossible de deacutevelopper en interne(marque brevet technologiehellip) et drsquoen beacuteneacuteficier plus vite que si la firme avait ducircles creacuteer par elle-mecircme (points de vente usineshellip) De ce fait la firme acceacutelegravere sondeacuteveloppement strateacutegique agrave lrsquointernational par exemple Mais la croissance externeest susceptible de fragiliser la situation financiegravere de lrsquoentreprise ndash lorsque les acqui-sitions sont financeacutees par lrsquoendettement ndash et engendre des difficulteacutes drsquointeacutegration ndashil est question de mettre en contact des cultures des processus organisationnelshellipdiffeacuterents voire incompatibles

Repegraveres Sanyo une acquisition strateacutegique pour Panasonic

La concreacutetisation de lrsquooffre publique drsquoachat (OPA) de Panasonic sur Sanyo annoncerait lacreacuteation de la plus grande entreprise eacutelectronique du Japon Panasonic notammentconnue pour ses teacuteleacuteviseurs agrave eacutecran plasma ses cameacutescopes ses teacuteleacutephones et ses appa-reils photos pourrait prendre le controcircle de Sanyo le leader mondial dans la production debatteries rechargeables Cette acquisition permettrait ainsi agrave Panasonic de devenir leleader du secteur de lrsquoeacutelectronique grand public et professionnel devant Hitachi et SonyFondeacute en 1918 au Japon le groupe Panasonic Corporation est constitueacute de deux marquesphares Panasonic et Technics Son slogan laquo Ideas for Life raquo symbolise lrsquoesprit qui a toujoursanimeacute le groupe ameacuteliorer le bien-ecirctre de la socieacuteteacute et la qualiteacute de vie des citoyens dumonde Son fondateur Konoshue Matsushita reacutesume ainsi la philosophie de lrsquoentreprise laquo Reconnaissant nos responsabiliteacutes en tant qursquoindustriels nous nous deacutevouerons au deacuteve-loppement de la socieacuteteacute et au bien-ecirctre des gens gracircce agrave nos activiteacutes professionnellesameacuteliorant ainsi la qualiteacute de vie dans le monde raquo Cette vocation a conduit le groupe agravecontinuellement diversifier son offre Panasonic est ainsi preacutesent dans les domaines delrsquoaudiovisuel lrsquoeacutelectromeacutenager les eacutequipements domestiques les composants eacutelectroni-ques et les robots au travers de 600 entreprises

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Le projet de Panasonic drsquoacqueacuterir Sanyo srsquoinscrit dans la continuiteacute de la strateacutegie de diver-sification relieacutee du groupe Lrsquoenjeu est double renforcer les positions actuelles dans sesmarcheacutes historiques et surtout trouver de nouveaux relais de croissance dans des secteursproches de son meacutetier initial Et Sanyo est une cible ideacuteale Lrsquoentreprise est le leadermondial des batteries qui alimentent les veacutehicules hybrides et eacutelectriques les teacuteleacutephonesportables les ordinateurshellip Or ce sont des activiteacutes agrave fort potentiel Panasonic chercheraitdonc agrave srsquoimplanter dans le secteur prometteur des batteries Le cas des batteries pour veacutehi-cules hybrides et eacutelectriques est particuliegraverement reacuteveacutelateur Les analystes srsquoaccordent surle fait que ce marcheacute est promis agrave un bel avenir et Sanyo y occupe une position forte (elledeacuteveloppe deacutejagrave des batteries hybrides pour Ford Motors et Honda Motors) Panasonicpourrait donc prendre une longueur drsquoavance sur ses concurrents directs sur ce segmentdrsquoautant que Panasonic a creacuteeacute une co-entreprise avec Toyota Comme le souligne cetanalyste laquo quand la demande en veacutehicules hybrides et eacutelectriques deacutecollera Panasonic etSanyo seront loin devant tout le monde raquo Mais lrsquointeacuterecirct de Panasonic pour Sanyo provienteacutegalement de son expertise dans les domaines des cellules photovoltaiumlques un segmentde marcheacute consideacutereacute comme prometteur Sanyo y occupe la troisiegraveme place avec la produc-tion du monocristallin et affiche une preacutevision de croissance de 30 par anSi cette OPA venait agrave aboutir la marque Sanyo serait conserveacutee et lrsquoentreprise deviendraitune filiale de Panasonic Corporation Une fois les deux entreprises reacuteunies le groupe repreacute-senterait un chiffre drsquoaffaires de pregraves de 12 000 milliards de yens comme le montre letableau suivant

Cette OPA reste cependant conditionneacutee par lrsquoaccord des trois principaux actionnaires deSanyo les groupes financiers japonais Sumitomo Mitsui Banking Corporation et DaiwaSecurities SMBC ainsi que le groupe ameacutericain Goldman Sachs Leurs participations repreacute-sentent en effet pregraves de 70 du capital de Sanyo

Agrave partir de laquo Panasonic-Sanyo un rapprochement logique pour donnernaissance agrave un nouveau champion raquo Les Eacutechos 4 novembre 2008

wwwpanasonicfr wwwsanyofr et wwwsanyocom

Tableau 12 mdash Les chiffres clefs de Sanyo et de Panasonic(milliards de yens exercice clos au 31 mars 2008)

Sanyo Panasonic

Chiffre drsquoaffaires Chiffre drsquoaffaires

04-05 05-06 06-07 07-08 04-05 05-06 06-07 07-08

2 485 2 397 2 215 2 018 8 714 8 894 9 108 9 069

Reacutesultat net Reacutesultat net

04-05 05-06 06-07 07-08 04-05 05-06 06-07 07-08

(171) (206) (45) 29 58 154 217 282

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Enfin la croissance partageacutee ou conjointe deacutesigne une situation dans laquelle deuxou plusieurs entreprises mettent en commun certaines ressources et compeacutetences envue de se deacutevelopper respectivement Elle se concreacutetise par la formation drsquoalliancesstrateacutegiques entre concurrents ayant des inteacuterecircts communs agrave la reacuteussite drsquoun projet(lancement drsquoun nouveau produit implantation agrave lrsquoeacutetranger deacuteveloppement drsquounetechnologiehellip) Ce faisant la croissance conjointe permet notamment aux acteursconcerneacutes drsquoacceacuteder agrave des ressources et compeacutetences agrave moindre coucirct de partager lesinvestissements et de limiter les risques financiers lieacutes au projet parfois drsquoapprendrede son partenaire de contourner certaines barriegraveres agrave lrsquoentreacutee et de disposer drsquounecertaine souplesse de deacuteveloppement (lieacutee agrave la plus grande reacuteversibiliteacute des choix)Mais la croissance partageacutee preacutesente certaines difficulteacutes relatives aux modaliteacutes defonctionnement dans le cadre de lrsquoalliance ndash la reacutepartition des rocircles les processusdeacutecisionnels lrsquoeacutevolution de lrsquoalliance les modaliteacutes de sortiehellip constituent desaspects susceptibles drsquoengendrer lrsquoeacutechec de lrsquoalliance De mecircme les acteurs doiventse preacutemunir des risques de captation de certaines compeacutetences et drsquoasymeacutetriedrsquoapprentissage ndash lrsquoapprentissage peut ecirctre plus favorable agrave lrsquoun des partenaires

Repegraveres Lrsquoalliance entre PSA et Toyota

Agrave Kolin agrave une cinquantaine de kilomegravetres de Prague Toyota Peugeot Citroeumln Automobile(TPCA) inaugure au printemps 2005 une usine commune drsquoougrave sortent depuis 2006300 000 petites berlines par an des Peugeot 107 Citroeumln C1 et Toyota Aygo Les parte-naires se disent particuliegraverement satisfaits de cette collaboration entameacutee en 2000En effet lrsquoun des segments qui connaicirct la plus forte croissance dans le secteur automobileest celui des petites citadines bien qursquoil srsquoagisse drsquoun segment eacuteconomique pour lequel lesprix de vente doivent ecirctre bas ce qui entraicircne des marges faibles Le deacutefi qui se preacutesentealors aux constructeurs est de rendre profitable ces veacutehicules Ce pari est drsquoautant plusdifficile agrave relever que les consommateurs demandent le mecircme niveau de haute technolo-gie que pour les autres cateacutegories de veacutehicules Les constructeurs nrsquoont donc pas fait decompromis sur la qualiteacute de construction des composants ou sur la seacutecuriteacute ainsi quelrsquoatteste lrsquoobtention de quatre eacutetoiles au test Euro-NCAPAu regard de ces contraintes le premier levier de compression des coucircts est de choisir unlieu de production agrave faibles coucircts salariaux la Reacutepublique tchegraveque Le choix de Kolin nrsquoestpas le fruit du hasard ce pays reste empreint de sa tradition dans le secteur des fabrica-tions meacutecaniques dont Skoda fut lrsquoun des fleurons La disponibiliteacute de la main-drsquoœuvrerecruteacutee est apparue assez inteacuteressante pour prendre le risque de retrouver un savoir-fairegarantissant un niveau de qualiteacute reacutepondant aux critegraveres actuels de lrsquoindustrie automo-bile Les dirigeants de cette nouvelle usine lrsquoont compris et placent la barre assez haut enmatiegravere de formation Lrsquoautre facteur justifiant cette implantation est la localisationgeacuteographique au centre de lrsquoEurope ce qui permet de livrer efficacement lrsquoEurope delrsquoOuest et lrsquoEurope centrale

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Les objectifs des partenairesPSA est coutumier des alliances ponctuelles avec des concurrents Ford BMW pourlrsquoeacutelaboration de moteurs par exemple Il srsquoagit pour Jean-Martin Folz alors PDG de PSA delaquo deacutegager des formules qui apportent les volumes assurant la meilleure rentabiliteacute raquo Eneffet pour Denis Duchesne responsable du projet chez PSA laquo la taille critique pour uneuniteacute de production est aujourdrsquohui de 300 000 voitures par an raquo Sur le segment viseacute ditlaquo sub-B raquo laquo aucune marque ne peut preacutetendre eacutecouler plus de 150 000 exemplaires drsquoougravela neacutecessiteacute de se mettre agrave deux raquo En solitaire ce genre drsquoinvestissement aurait coucircteacute50 de plus Lrsquoinvestissement en recherche et deacuteveloppement et en implantation indus-trielle srsquoeacutelegraveve agrave 13 milliard drsquoeuros ce qui repreacutesente vraisemblablement une chargedrsquoamortissement tournant autour de 500 euros par voiture produite Cela permet deproposer les versions de base sous la barre des 9 000 euros Les analystes pensent que lespartenaires sont susceptibles de reacutealiser un profit opeacuterationnel de 3-4 pour leur veacutehiculeconstruit en commun agrave comparer avec la moyenne de leurs concurrents qui srsquoeacutetablit agrave 1-2 sur des modegraveles similairesPour Toyota lrsquoalliance est plus inhabituelle mais cette action commune srsquoavegravere avanta-geuse Pour Tetsuya Yamada un des cadres deacutetacheacutes en Reacutepublique tchegraveque par le cons-tructeur nippon laquo Nous deacutecouvrons beaucoup de choses sur le savoir-faire de lrsquoautre agravetravers cette coopeacuteration Toyota est toujours un acteur mineur en Europe et nous appre-nons agrave y deacutevelopper une activiteacute plus large raquo Cette implantation lui apporte des capaciteacutesde production qui lui permettront de reprendre pied sur le marcheacute des petites voituresEacutegalement cette action conforte la volonteacute du constructeur japonais de se donner unprofil europeacuteen Cette usine partageacutee avec PSA srsquoinscrit en effet dans une strateacutegiecommerciale et industrielle bien plus vaste que ce que peut repreacutesenter lrsquoAygo produite agraveKolin Elle srsquoajoute agrave ses installations britanniques dont sortent ses Avensis et ses Corollaaux installations franccedilaises avec lrsquousine de Valenciennes produisant les Yaris agrave son usineturque qui produit notamment des Verso ou encore agrave ses usines polonaises de moteurs etde transmissions Le tout eacutetant superviseacute par son eacutetat-major europeacuteen et par son centre derecherche et deacuteveloppement installeacutes en peacuteripheacuterie bruxelloisePartenaires les constructeurs nrsquoen demeurent pas moins concurrents Lrsquousine communeproduit les Peugeot 107 Citroeumln C1 et Toyota Aygo au rythme de 100 000 uniteacutes parmarque chacune ayant une totale autonomie quant agrave sa strateacutegie commerciale (prixservice apregraves-vente etc) Par exemple en France Toyota propose ses Aygo avec une garan-tie de 5 ans alors que les marques de PSA se contentent drsquooffrir 3 ans Les veacutehicules sontclairement similaires puisqursquoils partagent 90 des composants mais les constructeursont pris soin de styliser les veacutehicules afin qursquoils puissent ecirctre rattacheacutes par le consomma-teur agrave chacune des marques Les veacutehicules sont issus du mecircme programme de conceptionils sont techniquement identiques La planche de bord et les motorisations sont les mecircmes(1 l essence et 14 l diesel) Certaines parties du veacutehicule sont deacutecomposeacutees sous forme demodules indeacutependants Ainsi la deacutecoupe des portes arriegravere les feux le bouclier et la calan-dre sont produits sous forme de modules qui permettent de diffeacuterencier les veacutehicules aumoment de lrsquoassemblage final

La reacutepartition des tacircches au sein de lrsquoallianceApregraves bien des reacuteflexions au siegravege des deux constructeurs les deux parties ont eacutelaboreacute uncahier des charges qui fixe la reacutepartition des tacircches Toyota deacutefinissait la base de la voiture et

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deacuteveloppait lrsquousine PSA eacutetait en charge du choix des fournisseurs PSA a utiliseacute son reacuteseaude fournisseurs europeacuteens et les a convaincus de srsquoimplanter agrave proximiteacute du site de KolinToyota recevait une reacutemuneacuteration de son partenaire franccedilais qui a consacreacute six fois moinsde moyens que lui en termes humains Les partenaires partageaient en revanche agrave 5050les travaux de conception et de deacuteveloppement du programme (700 agrave 750 millionsdrsquoeuros) de mecircme que le capital de la socieacuteteacute tchegraveque locale TPCA (agrave nouveau 700 millionsdrsquoeuros) Enfin PSA se reacuteserve la majoriteacute des voitures produites agrave Kolin (100 000 par anpour Peugeot et autant pour Citroeumln) les 100 000 exemplaires restants revenant agrave ToyotaMais au-delagrave de ces regravegles de lrsquoalliance laquo le pilotage des grands choix srsquoest fait encommun il nrsquoy a aucune caracteacuteristique fondamentale de cette voiture que nous nrsquoayonsdeacutecideacutee ensemble raquo estime Denis Duchesne La soixantaine drsquoingeacutenieurs PSA affecteacutes auprojet agrave Carriegraveres-sous-Poissy (Yvelines) a multiplieacute les eacutechanges avec leurs homologuesjaponais que ce soit les sept membres deacutetacheacutes en France par Toyota ou les eacutequipes dusiegravege pregraves de Nagoya joignables agrave tout moment par videacuteoconfeacuterence ou en se rendant surplace Si Denis Duchesne loue les qualiteacutes de ses partenaires asiatiques laquo des gens rigou-reux structureacutes de grands professionnels raquo il rappelle eacutegalement la faccedilon dont PSAconccediloit ses coopeacuterations limiteacutees agrave des projets preacutecis sans aucune vocation agrave deacuteboucher agraveterme sur de grands mariages laquo On ne travaille pas sur des affiniteacutes Ce sont des contratsLa force des coopeacuterations crsquoest de rester modeste raquo Malgreacute lrsquoeacutetroite imbrication des eacutequi-pes franccedilaises et japonaises chargeacutees du projet laquo B zeacutero raquo il est peu surprenant que PSA aitchoisi pour recevoir ses partenaires un bacirctiment agrave part clairement seacutepareacute des bureauxdrsquoeacutetudes ougrave srsquoeacutelaborent les autres voitures du groupe franccedilais

La recherche de lrsquoefficienceLrsquoinstallation de lrsquousine TPCA a entraicircneacute une augmentation significative du nombre defournisseurs en Reacutepublique tchegraveque 80 en volume et en valeur des composants estfabriqueacute en Reacutepublique tchegraveque Selon Masatake Enomoto preacutesident de TPCA laquo le plusgros avantage dont nous disposons ici est la base fournisseurs implanteacutee en Tcheacutequie raquoCette base permet agrave Toyota drsquoappliquer son systegraveme de lean production le laquo ToyotaProduction System (TPS) raquo agrave lrsquoorigine drsquoun haut niveau drsquoefficience des opeacuterations quiconduit agrave un temps de fabrication du veacutehicule de 10 heures Selon les analystes Kolin estune usine typiquement Toyota Les principes de production efficiente que Toyota a eacutetablisdepuis des anneacutees de pratiques ont eacuteteacute impleacutementeacutes entiegraverement agrave TPCA ce qui inclut leKaizen (ameacutelioration continue) le Jidoka (formulation de problegravemes et repeacuterage delrsquoendroit ougrave ils apparaissent) et la livraison en juste agrave temps De plus la plupart des eacutequipe-ments de fabrication proviennent du Japon Selon Toyota le temps de changement desoutils est un des plus rapides drsquoEurope Le site avanceacute fournisseur est particuliegraverement effi-cace lrsquoarchitecture ayant eacuteteacute penseacutee pour assurer lrsquointerconnexion entre le constructeur etles fournisseurs Ceci permet notamment drsquoappliquer les principes de juste agrave temps Envolume de production de croisiegravere 200 camions par jour livrent le site en composantsConformeacutement aux principes du Jidoka fixer les problegravemes lagrave ougrave ils apparaissent la lignede production est organiseacutee en petites aires indeacutependantes de sorte que si un opeacuterateurnote un problegraveme et est conduit agrave arrecircter la ligne de production cela nrsquoaffecte pas tout lesite de production

Extrait de GRANDVAL S et BUENO MEacuteRINO P laquo Les alliances coopeacutereravec la concurrence raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Management strateacutegique 2

concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

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Pour conclure le manager dirigeant a un rocircle de strategravege Il analyse le contexteconcurrentiel dans lequel opegravere la firme (modegraveles des cinq forces et des groupesstrateacutegiques) diagnostique les actifs et les meacutecanismes internes drsquoeacutelaboration delrsquooffre de lrsquoentreprise (chaicircne de valeur et approche par les ressources et compeacuteten-ces) deacutefinit une strateacutegie compeacutetitive de nature agrave surpasser la concurrence (domina-tion par les coucircts diffeacuterenciation concentration) et fixe les orientations(confortement deacuteveloppement de produitsservices deacuteveloppement de marcheacutesetou de clients et diversification relieacutee et non relieacutee) et les modaliteacutes de deacuteveloppe-ment (croissances interne externe et conjointe)

Il doit ensuite srsquoassurer de la mise en œuvre des choix strateacutegiques Pour mettre enœuvre le deacuteploiement les managers intermeacutediaires ayant la responsabiliteacute des diffeacute-rentes fonctions prennent le relais et assument la gestion opeacuterationnelle Si la strateacute-gie constitue le cadre inteacutegrateur chaque fonction contribue agrave sonopeacuterationnalisation Pour cette raison il est fondamental de comprendre quelles sontles missions essentielles de chaque fonction En reacutefeacuterence agrave la chaicircne de valeur(preacutesenteacutee plus haut) nous proceacutedons agrave leur analyse en distinguant les activiteacutes prin-cipales et les activiteacutes de soutien

LES FONCTIONS PRINCIPALES

Selon Porter (1986) une entreprise doit avant tout assurer un ensemble drsquoactiviteacutesprincipales comme la logistique la production et le marketing Ces fonctionspeuvent ecirctre consideacutereacutees comme des activiteacutes opeacuterationnelles car elles contribuentdirectement agrave la creacuteation mateacuterielle du produit sa vente et son transport jusqursquoauclient Agrave lrsquoeacutevidence cette typologie est agrave nuancer En effet elle peut ecirctre valablepour une entreprise industrielle mais ne lrsquoest plus pour une firme dont le meacutetier estpar exemple drsquoinventer et de commercialiser des brevets Dans ce cas la rechercheet le deacuteveloppement constituerait une activiteacute principale Dans ce qui suit nouspreacutesentons de faccedilon syntheacutetique les missions essentielles des fonctions logistiquemarketing et production

1 La logistique

La logistique consiste pour une firme agrave acheminer les produits (semi-finismatiegravere premiegravere) de ses fournisseurs vers ses sites de production (logistiqueamont) Une fois fabriqueacutes les produits doivent parvenir jusqursquoaux bases logistiqueset points de vente afin drsquoecirctre acheteacutes par les clients (logistique aval) Afin de limiterles coucircts de cette activiteacute drsquoobtenir les produits dans les deacutelais preacutevus en quantiteacute eten qualiteacute requise lrsquoentreprise doit parvenir agrave assurer une coordination optimaleentre les diffeacuterents acteurs (amont et aval) de sa chaicircne logistique Celle-ci consiste

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donc agrave geacuterer des flux physiques et informationnels entre une entreprise et de multi-ples acteurs fournisseurs et clients Et lorsque lrsquoentreprise intervient sur le territoiremondial et compte plusieurs milliers de partenaires la logistique constitue une acti-viteacute deacutecisive pour la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise

Au cours des anneacutees le rocircle de la logistique dans lrsquoentreprise a consideacuterablementeacutevolueacute elle est devenue un facteur de diffeacuterenciation car elle peut permettre agrave uneentreprise de livrer ses clients dans des deacutelais infeacuterieurs agrave ceux de ses concurrentsde reacutepondre agrave une demande urgente de livrer un client situeacute dans une zone geacuteogra-phique lointainehellip De mecircme la maicirctrise de la logistique est eacutegalement source dedomination des coucircts Certaines entreprises peuvent abaisser le coucirct de leursproduits gracircce agrave des coucircts logistiques bien maicirctriseacutes Le projet Nouvelle Distributiondans lequel srsquoest engageacute Renault en 2000 en est un bon exemple En effet alors quele client devait patienter en moyenne entre six et huit semaines pour un veacutehiculeRenault srsquoengageait agrave livrer ses clients en quinze jours et ainsi devenir le seul cons-tructeur agrave proposer ce service Crsquoest aussi une source drsquoeacuteconomie puisque LouisSchweitzer preacutevoyait une eacuteconomie drsquoenviron 1 200 euros par voiture

En vue drsquoassurer une gestion des flux physiques et drsquoinformations visant agrave satis-faire aux exigences des clients et agrave en reacuteduire les coucircts le responsable de la logisti-que gegravere une chaicircne qui part des fournisseurs (amont) et srsquoeacutetend jusqursquoauxdistributeurs voire aux clients directs La politique logistique consiste donc enpremier lieu agrave deacutefinir le mode de transport des marchandises (train avion bateau etcamion) Ensuite elle vise agrave deacutefinir le niveau de stock rechercheacute (eacuteleveacute ou mini-mum) la localisation et le nombre des sites de production et drsquoentreposage et enfinlrsquoeacutequipement technologique et informatique Sur ce point les avanceacutees significativesdes technologies informatiques ont permis des progregraves consideacuterables de lrsquoefficaciteacutelogistique Agrave titre drsquoexemple lrsquoEDI (eacutechange de donneacutees informatiseacute) autorise latransmission de documents commerciaux (factures commandes avis de regraveglement)habituels dans un format standard drsquoun ordinateur agrave un autre Utiliseacute par exempledans la grande distribution il permet agrave un point de vente drsquoecirctre connecteacute agrave un four-nisseur Gracircce agrave ce systegraveme le client passe commande agrave son fournisseur qui peutconnaicirctre en temps reacuteel le niveau de stock de ses produits Il peut ainsi deacuteclencher lalivraison Cela limite le temps passeacute agrave effectuer les commandes reacuteduit les deacutelais depassation drsquoune commande eacutevite au distributeur de disposer de stock et reacuteduit lescoucircts de la logistique

Repegraveres La logistique au cœur du modegravele Zara

Zara est lrsquoune des entreprises de mode les plus performantes au monde En 2005 sesventes augmentaient de 21 permettant agrave lrsquoentreprise de reacutealiser un chiffre drsquoaffaires deplus de 8 milliards de dollars En 2000 Zara implantait un nouveau point de vente toutesles trois semaines Et ce alors que ses concurrents ndash notamment le sueacutedois H amp M ndash affi-chaient des performances leacutegegraverement moindres et se deacuteveloppaient agrave un rythme moinsrapide Zara est ainsi devenu en quelques anneacutees le premier groupe textile europeacuteen et le

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Dans lrsquoentreprise la fonction logistique srsquoavegravere eacutetroitement lieacutee agrave la productionEn effet les produits (matiegravere premiegravere et produits semi-finis) des fournisseurs sontachemineacutes vers les sites de production pour que soient livreacutes aux clients les produitsfinis de lrsquoentreprise La production se trouve donc agrave lrsquointersection de la logistiqueamont et aval Analysons en les caracteacuteristiques essentielles

second sur le plan mondial Creacuteeacutee en 1975 agrave La Corogne en Espagne par Amancio OrtegaZara est aujourdrsquohui une filiale du groupe Inditex groupe qui possegravede eacutegalement lesmarques Massimo Dutti Pull and Bear Stradivarius Oysho Zara Home Uterqueuml et Bers-hka Agrave lrsquoorigine fabricant de vecirctements et notamment de pyjama pour femme AmacioOrtega ouvre son premier magasin en 1975 Aujourdrsquohui Zara conccediloit fabrique et distribuedes vecirctements pour femmes hommes et enfants dans 72 pays et 1 530 magasins et srsquoestreacutecemment diversifieacute dans la deacutecoration drsquointeacuterieur avec Home ZaraLa strateacutegie principale de Zara repose sur le renouvellement des collections tous les quinzejours et ce alors que la plupart des concurrents creacuteent une collection par an Une tellecompeacutetence srsquoexplique notamment par une organisation logistique infaillible Et afindrsquooptimiser les processus logistiques Zara a fait le choix de construire une chaicircne de valeurinteacutegreacutee et de centraliser les activiteacutes de lrsquoentreprise autour du siegravege agrave la Corogne Ainsicrsquoest agrave la Corogne que travaille une eacutequipe de 120 stylistes en relation eacutetroite avec lrsquoeacutequipemarketing afin de concevoir les modegraveles de laquo demain raquo De mecircme alors que bien desconcurrents recourent agrave lrsquoexternalisation etou agrave la deacutelocalisation de la production Zarapossegravede ses propres usines de fabrication et fabrique agrave proximiteacute de ses bases Eacutegalementle centre logistique central de Zara est situeacute en Espagne ndash drsquoune surface de 400 000 m2crsquoest lrsquoun plus grand au monde On compte aussi deux centres logistiques suppleacutementairesagrave Arteixo et agrave Saragosse Plus de 120 millions drsquouniteacutes y sont expeacutedieacutees par camion et paravion chaque anneacutee vers les points de vente Ces plates-formes assurent eacutegalementlrsquoentreposage des matiegraveres premiegraveres et des prototypes le controcircle qualiteacute le repassagelrsquoemballage et lrsquoeacutetiquetage des produits Le succegraves de Zara provient enfin drsquoune communi-cation continue entre toutes les fonctions dans lrsquoentreprise ndash siegravege design usines et maga-sins ndash gracircce agrave un systegraveme drsquoinformation totalement informatiseacuteLa proximiteacute entre les sites et les liens informatiques assurent ainsi une reacuteelle efficaciteacutelogistique Celle-ci permet de suivre les tendances de la mode et drsquoecirctre constamment agravelrsquoaffucirct de nouvelles creacuteations et confegravere une flexibiliteacute en termes de conception et deproduction des vecirctements ndash par exemple lrsquoeacutequipe de design adapte les modegraveles en fonc-tion des ventes reacutealiseacutees et la production (teinture et impression) peut se faire au derniermoment selon les exigences changeantes de la clientegravele Elle rend eacutegalement possiblelrsquoapprovisionnement des points de vente dans des deacutelais tregraves courts et la livraison des lotsde vecirctements en petite quantiteacute permettant ainsi aux magasins de limiter leur stock etdisposer de davantage drsquoespace pour la preacutesentation et la mise en valeur des vecirctementspour lrsquoessayagehellip Enfin les produits invendus sont retourneacutes au siegravege agrave la Corogne qui lesreacuteexpeacutedie dans des pays ougrave ils sont plus susceptibles de se vendre

Agrave partir de wwwzaracom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

2 La production

La production repreacutesente le processus de transformation gracircce aux moyenshumains et techniques des matiegraveres premiegraveres et des composants en produits ouservices finis Elle a pour objectif de fabriquer des quantiteacutes variables de produitsetou services diffeacuterents (flexibiliteacute) agrave des coucircts les plus faibles possibles (producti-viteacute) dans des deacutelais rapides (reacuteactiviteacute) et agrave un niveau de qualiteacute optimal Ces diffeacute-rents impeacuteratifs sont cependant souvent difficiles agrave concilier Pour ce faire lafonction de production recouvre deux grandes techniques la meacutethode push et lameacutethode pull

21 La meacutethode push

Traditionnellement les entreprises fonctionnent selon la meacutethode push Lrsquoentre-prise planifie un volume de production annuel selon un preacutevisionnel de ventespreacutevoit de srsquoapprovisionner en ressources (matiegraveres premiegraveres machines et main-drsquoœuvre) assure le stockage des matiegraveres deacuteclenche la fabrication en veillant aurespect des meacutethodes et standards de production puis elle stocke et met sur lemarcheacute les produits fabriqueacutes Le systegraveme consiste agrave pousser le produit jusqursquoauclient Lrsquoefficaciteacute de cette deacutemarche reacuteside dans lrsquoanticipation des ventes et lrsquoopti-misation des ressources exploiteacutees pour reacuteduire les coucircts de stockage des marchan-dises et de main-drsquoœuvre La difficulteacute consiste agrave geacuterer les fluctuations du marcheacutecrsquoest-agrave-dire agrave faire varier les ressources de production (hommes et matiegraveres) Eneffet si les ventes sont mal anticipeacutees lrsquoentreprise va stocker et en supporter lescoucircts De mecircme elle ne pourra pas optimiser le besoin en personnel et devra recou-rir agrave lrsquointeacuterim ou agrave des CDD pour supporter les variations du marcheacute

Face aux difficulteacutes des systegravemes classiques (stocks eacuteleveacutes difficulteacutes de preacutevi-sionhellip) Toyota conseilleacutee par un ingeacutenieur Taiumlchi Ohno a inventeacute le systegraveme JIT(Just in Time) Celui-ci englobe de nombreuses dimensions qui en font une veacuteritablephilosophie de gestion de lrsquoentreprise dont les principales sont les flux tireacutes par lademande des tailles de lots reacuteduites des liens eacutetroits avec les fournisseurs unemaintenance preacuteventive la flexibiliteacute de la main-drsquoœuvre la recherche systeacutematiquede qualiteacutehellip Elle se traduit par une logique de production de type pull

22 La meacutethode pull

Au cœur du JIT se trouve le systegraveme agrave flux tendus ou tireacutes par la demande(meacutethode pull) Il consiste agrave inverser la logique de production Celle-ci nrsquoest deacuteclen-cheacutee que lorsque le produit est vendu ce qui permet drsquoeacuteviter la preacutevision des ventesde limiter tous les stocks en achetant les composants en quantiteacute utile et doncdrsquoameacuteliorer la productiviteacute Pour fonctionner efficacement le JIT impose cependantdes relations eacutetroites avec les fournisseurs Se nouent ainsi des accords de coopeacutera-

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tion dans le cadre desquels des engagements mutuels sont pris Les fournisseurssrsquoengagent agrave assurer des livraisons freacutequentes (parfois plusieurs fois par jour) unequaliteacute stable des deacutelais courts agrave reacuteduire les coucircts agrave ecirctre force de proposition agravesrsquoimplanter agrave proximiteacute des usines des clientshellip De son cocircteacute lrsquoentreprise srsquoengagesur des volumes annuels agrave prix constant Elle octroie aussi parfois des precircts et joueun rocircle de conseiller (technique organisationnelhellip) Ces engagements mutuelssupposent des relations durables remplaccedilant ainsi le systegraveme drsquointerchangeabiliteacutedes fournisseurs dans le cadre duquel les fournisseurs sont seacutelectionneacutes sur le critegravereexclusif du prix et pour une dureacutee limiteacutee agrave une commande

Repegraveres Le JIT de Dell

Dell Computer Corporation a eacuteteacute fondeacutee en 1984 par Michael Dell avec une ideacuteelaquo simple raquo vendre directement aux entreprises des PC des serveurs des ordinateursportables personnaliseacutes et plus reacutecemment des PDA des lecteurs MP3 des teacuteleacuteviseursLCDhellip Et ce concept a fait le succegraves de Dell et lrsquoa propulseacute au rang de numeacutero un mondialdes assembleurs de PC devant Hewlett Packard-Compaq IBM et Fujitsu-Siemens Dellreacutealise ainsi plus de un million de dollars de chiffre drsquoaffaires par jour obtient des margesbeacuteneacuteficiaires tregraves au-dessus de celles de ses concurrents et vend via son site Web plus de30 millions de produits par jour agrave des clients professionnels et particuliers du mondeentierLe succegraves de Dell tient agrave une offre personnaliseacutee et agrave des prix entre 10 et 15 infeacuterieurs agraveceux des concurrents Ainsi avant que Dell nrsquoentre sur le marcheacute informatique les consom-mateurs achetaient leurs eacutequipements dans des magasins ce qui leur permettait detoucher drsquoessayer et enfin de choisir leur PC Dell a mis fin agrave cette interaction physiqueentre les clients et les produits et leur a offert la possibiliteacute de personnaliser leurs eacutequipe-ments ndash les consommateurs disposent drsquoun vaste choix en termes de caracteacuteristiques etpeuvent acheter un ordinateur sur-mesure ndash et de les acqueacuterir agrave un prix tregraves attractifLa capaciteacute de lrsquoentreprise agrave personnaliser son offre et la vendre agrave un prix plus bas parrapport aux concurrents provient drsquoune organisation de la production en JIT (les produitsne sont assembleacutes qursquoagrave partir du moment ougrave ils sont commandeacutes) et drsquoune distributiondirecte via son site Web Ainsi agrave partir du moment ougrave un client passe commande drsquoun PCpersonnaliseacute via Internet il faut agrave peine 36 heures agrave Dell pour le fabriquer et le livrer Lemodegravele JIT de Dell rend possible la production de plus de 2 000 ordinateurs uniques etcustomiseacutes toutes les deux heures et permet eacutegalement de limiter le temps de stockageDrsquoailleurs le stock ne repreacutesente que 5 jours de vente (il est de 42 jours chez HewlettPackard-Compaq) ce qui constitue une eacuteconomie de coucircts et drsquoespace physique consideacutera-bleLe JIT repose sur une actualisation constante des ventes reacutealiseacutees via Internet et des rela-tions eacutetroites entre les sites drsquoassemblage de Dell et ses fournisseurs majeurs Ainsi les33 principaux fournisseurs ndash ils repreacutesentent 90 des achats de composants de Dell ndash ontaccegraves au site de Dell ce qui leur permet drsquoavoir une information continue des ventes et dereacuteassortir dans les meilleurs deacutelais De mecircme Dell impose que les composants des fournis-seurs soient entreposeacutes agrave moins de 15 minutes de route de ses usines drsquoassemblage ndash elles

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Au-delagrave des aspects techniques de production le systegraveme JIT repose sur unedimension plus philosophique la recherche constante de la qualiteacute Le TQM (TotalQuality Management) vise ainsi agrave diffuser une deacutemarche qualiteacute agrave lrsquoensemble delrsquoentreprise Lrsquoambition du TQM est lrsquoexcellence qualiteacute dans tous les domaines delrsquoentreprise Elle correspond aux fameux laquo 0 deacutefaut 0 deacutelai 0 stock 0 papier et0 retour raquo Son efficaciteacute repose sur lrsquoimplication de tous les salarieacutes et leur contri-bution systeacutematique agrave lrsquoameacutelioration continue Ainsi lorsque les acteurs inteacuteriori-sent le Kaizen (progregraves continu) ils le mettent en application quotidiennement

se situent agrave Austin (Texas) Limerick (Irlande) et Penang (Malaisie) ndash ce qui limite les tempsdrsquoassemblage des PC Dell entend ainsi que ses fournisseurs soient en mesure de livrer lescomposants en 90 minutes agrave partir du moment ougrave la commande est passeacutee Agrave titre decomparaison le reacuteassortiment des stocks srsquoeffectue en moyenne en 15 heures chezHewlett-Packard-Compaq et en 2 jours chez Gateway ou IBM Avec de tels deacutelais il sepasse agrave peine entre 4 et 6 heures entre lrsquoarriveacutee des composants et la sortie de lacommande de lrsquousine drsquoassemblageLe JIT fait deacutesormais partie des valeurs de Dell Il se concreacutetise par cinq principes reacuteguliegravere-ment rappeleacutes aux salarieacutes et aux fournisseurs laquo Pick Pack Press Place and Press raquo etlaquo Sort Set Shine Standardize and Sustain raquo

Agrave partir de wwwdellcom et wwwinformationweekcom

Repegraveres Kaizen et Ideacutees concregravetes de progregraves chez Renault

La regravegle du zeacutero deacutefaut et le Kaizen se sont imposeacutes progressivement chez Renault Lrsquointro-duction de la qualiteacute correspond pour les salarieacutes agrave une transformation importante tant auniveau des produits de leur travail que des meacutethodes de management En effet celacorrespond agrave une prise en compte de leurs ideacutees et de leur potentiel creacuteatif Raymond Leacutevysuccesseur de Georges Besse agrave la direction de Renault reacutesume ainsi la transition laquo Autrefois on disait agrave un ouvrier tu as une ideacutee Tais-toi ce nrsquoest pas ton meacutetier Main-tenant crsquoest le contraire tu as une ideacutee Laquelle Pourquoi as-tu cette ideacutee raquo (Loubet2001) Le personnel devient donc polyvalent laquo il doit assurer sur la chaicircne de montagedeux parfois trois tacircches diffeacuterentes Il doit srsquooccuper de la premiegravere maintenance Crsquoest luiqui entretient son outil le surveille Crsquoest lui qui deacutetecte les pannes simples parfois mecircmeles reacutepare raquo (Loubet 2000) Pour soutenir cet enrichissement du travail la formationdevient un investissement strateacutegique au cœur de cette modernisation Ainsi en 1989 leslaquo Accords agrave vivre raquo sont signeacutes Ces derniers formalisent un compromis social enlrsquoeacutechange de lrsquoimplication du personnel dans lrsquoameacutelioration des performances la directionsrsquoengage sur un enrichissement du travail une mise en place de carriegraveres ainsi qursquounpartage des profitsMais lrsquousine nrsquoest pas seule concerneacutee par cet inteacuterecirct nouveau pour la creacuteativiteacute tous lesniveaux de lrsquoorganisation sont mobiliseacutes Si lrsquoouvrier doit repeacuterer le deacutefaut et le corri-ger lrsquoensemble du personnel est eacutegalement inciteacute agrave proposer des axes de progression

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La fonction de production a donc pour mission drsquoassurer la mise sur le marcheacute desproduits et des services de haute qualiteacute dans des deacutelais reacuteduits et agrave des coucircts opti-mum Pourtant agrave quels clients les vendre Comment les seacuteduire Tels sont lesenjeux de la fonction marketing

3 Le marketing

Le marketing se deacutefinit comme un ensemble de techniques et drsquooutils permettantdrsquoidentifier les besoins actuels et futurs des clients et drsquoadapter en conseacutequencelrsquooffre de lrsquoentreprise Son rocircle est drsquoabord drsquoidentifier des cateacutegories de clientshomogegravenes ce qursquoon appelle des segments Lrsquoentreprise pourra alors choisir de seconcentrer (ou non) sur certains drsquoentre eux Ce faisant elle cible les couplesproduitsmarcheacute (CPM)

les Ideacutees concregravetes de progregraves (ICP) laquo Les ICP sont des actions de progregraves remarquablespour lrsquoinitiative ou la creacuteativiteacute mise en œuvre Ces actions de progregraves peuvent ecirctre le reacutesul-tat de ldquosuggestions spontaneacuteesrdquo de ldquochallengesrdquo lanceacutes au niveau local ou au niveau drsquoundeacutepartement drsquoune direction ou encore de reconnaissance a posteriori drsquoactions remar-quables Dans tous les cas les ldquoideacuteesrdquo sont appliqueacutees et valideacutees raquo (Rapport annuelRenault 2002) Les ICP sont donc la traduction du Kaizen (progregraves permanent) de lrsquousineElles concreacutetisent le sens de lrsquoinitiative et la creacuteativiteacute des membres de lrsquoentreprise Cettedynamique de progregraves et drsquoameacutelioration continue est geacuteneacuteraliseacutee aux eacutetablissementssusceptibles drsquoen tirer profit Ces suggestions sont reacutemuneacutereacutees et laquo les meilleures initiati-ves et innovations transfeacuterables sont capitaliseacutees raquo (Rapport annuel Renault 2000) Agravepropos des ICP Louis Schweitzer lors de la convention laquo Initiative et Creacuteativiteacute raquo enjuillet 2002 souligne laquo lrsquoanneacutee derniegravere nous avions conclu sur la neacutecessiteacute pour Renaultdrsquoecirctre dans tous les secteurs une entreprise apprenante et nous avions estimeacute qursquoil eacutetaitimportant de tirer parti de lrsquoexpeacuterience concregravete du terrain [hellip] parce que cette deacutemarche[hellip] est riche drsquoenseignements multiples La deacutemarche des ldquosuggestionsrdquo a eacuteteacute relanceacutee il ya douze ans maintenant pour promouvoir les capaciteacutes drsquoinitiative et de creacuteativiteacute person-nelles pour encourager lrsquoexpression des ideacutees pour faire de chaque homme et de chaquefemme de Renault un acteur creacuteatif de progregraves permanent de lrsquoentreprise raquo (Schweitzer inDocument interne Convention laquo Initiative et Creacuteativiteacute raquo 2002)Pour Schweitzer les ICP sont un vecteur drsquoapprentissage essentiel Elles permettent deprogresser en tirant des leccedilons de lrsquoexpeacuterience et des expeacuterimentations des laquo hommes deterrain raquo Pourtant lrsquointeacuterecirct des ICP est parfois contesteacute par les acteurs du terrain Les ICP(ou autres formes de Kaizen) ne sont en aucun cas la solution parfaite pour susciter lrsquoinitia-tive et la creacuteativiteacute

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

La strateacutegie marketing consiste donc agrave seacutelectionner des CPM puis agrave deacutefinir unmarketing mix adapteacute Celui-ci se compose de quatre dimensions le produit le prixla distribution et la publiciteacute

31 La politique du produit

La politique produit consiste drsquoabord agrave deacutefinir lrsquooffre Celle-ci concerne tant lesbiens tangibles (les produits) que les services La conception de lrsquooffre consiste leplus souvent agrave proposer agrave la clientegravele une combinaison de produits et de servicesCelle-ci peut ecirctre plus ou moins large (nombre de types de produits proposeacutes auxclients) profonde (nombre drsquoarticles offerts dans chaque gamme) et coheacuterente (lienentre les diffeacuterentes gammes quant agrave leur utilisation par les clients) Lrsquoassortimentdes produits nrsquoest toutefois jamais figeacute Lrsquoentreprise peut choisir de faire eacutevoluer sonoffre vers lrsquoentreacutee le milieu ou le haut de gamme Lrsquooffre doit ensuite ecirctre position-neacutee crsquoest-agrave-dire correspondre agrave une image dans lrsquoesprit du client Lrsquoentreprise doitcomprendre ce qursquoassocient les consommateurs aux produits concurrents pour srsquoendeacutemarquer Pour cela elle cherche agrave deacutefinir des eacuteleacutements de diffeacuterenciation commele service le conseil la formation le design la marquehellip

Repegraveres Zeebo la console de jeux videacuteo pour lespays eacutemergents

Tec Toy lrsquoex-leader du marcheacute des jeux videacuteo au Breacutesil a annonceacute le lancement de saconsole le Zeebo Les objectifs de Tec Toy sont drsquoune part de srsquoadresser agrave une clientegraveledont le niveau de revenu ne permet pas drsquoacheter les consoles de jeux des trois grandsacteurs que sont Sony Microsoft et Nintendo et drsquoautre part de neutraliser une pirateriegrandissante au Breacutesil Le Zeebo sera donc commercialiseacute deacutebut 2009 dans les pays eacutemer-gents avec la promesse de devenir le produit substitut des grands players du marcheacuteLrsquoentreprise espegravere ainsi retrouver son leadership au Breacutesil et conqueacuterir les pays eacutemergents

Tec ToyTec Toy eacutetait le leader du marcheacute des jeux videacuteos au Breacutesil durant la deacutecennie quatre-vingt-dix Lrsquoentreprise a connu des anneacutees prospegraveres avec des produits comme le Pense Bem unpetit jeu eacutelectronique de connaissances pour enfants et le Master System la console de jeuvideacuteo de Sega Lrsquoentreprise disposait drsquoailleurs drsquoune licence de distribution exclusive sur lemarcheacute Breacutesilien pour les produits de Seacutega Mais les difficulteacutes de lrsquoentreprise Sega ontpreacutecipiteacute celles de Tec Toy Sega a succombeacute aux innovations des concurrents et nrsquoa passuivi les deacuteveloppements techniques des nouvelles geacuteneacuterations de consoles Agrave la mecircmeeacutepoque le fondateur de Tec Toy deacuteceacutedait Srsquoest alors ouverte une egravere difficile pour Tec ToyEn 2003 le cours de son action chutait agrave 002 reais (la monnaie breacutesilienne ndash 1 euro vaut3 reacuteais) Il oscille aujourdrsquohui entre 014 et 020 reais ce qui sans ecirctre un cours exception-nel repreacutesente une croissance de plus 700 En 2007 lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeantFernando Fischer srsquoest traduite par une reacuteorganisation du portefeuille drsquoactiviteacute de lrsquoentre-prise et lrsquoouverture drsquoune usine aux Eacutetats-Unis Les efforts de restructuration ne se font pas

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Lrsquoentreprise doit aussi geacuterer la marque de ses produits La marque est ainsi lemoyen pour les consommateurs drsquoidentifier lrsquooffre drsquoune entreprise et de la diffeacuteren-cier de celle des concurrents Elle est un nom (Nike) une signature (Just Do Itpreacuteceacutedeacutee deacutesormais de I can) un logo (la virgule de Nike) ou une combinaison de

encore vraiment sentir en 2008 le reacutesultat net affichait une perte de 150 000 reais Maislrsquoanneacutee 2009 srsquoannonce prometteuse Le lancement du Zeebo devrait permettre de reposi-tionner Tec Toy sur le marcheacute des consoles de jeux

Le ZeeboLe projet Zeebo a coucircteacute 17 milliards de dollars Il a eacuteteacute financeacute par douze entreprises dontQualcomm une entreprise ameacutericaine Celle-ci dispose ainsi de 43 des actions de lafiliale de Tec Toy aux Eacutetats-Unis Zeebo Inc Crsquoest probablement le projet eacutelectronique leplus ambitieux reacutealiseacute hors du Japon puisqursquoil a eacuteteacute conccedilu en Californie et sera produit agraveSao Paulo au Breacutesil Lrsquoideacutee initiale consiste agrave proposer une console alternative aux consolesdes grands players (comme la Wii de Nintendo la PlayStation 3 de Sony ou la Xbox 360 deMicrosoft) Cette nouvelle console sera commercialiseacutee dans les marcheacutes eacutemergents auBreacutesil drsquoabord et ensuite en Ameacuterique du Sud et en Asie Avec plus drsquoun milliard drsquohabi-tants ces reacutegions sont consideacutereacutees comme de veacuteritables eldorados par Tec ToyLe Zeebo est une console de jeux videacuteo conccedilue pour les joueurs qui aimeraient avoir uneXbox ou une PlayStation mais qui nrsquoen ont les moyens financiers Zeebo srsquoadresse ainsi enprioriteacute aux enfants-adolescents acircgeacutes entre 10 agrave 13 ans des pays eacutemergents Cetteconsole aura des fonctionnaliteacutes similaires agrave une PlayStation 2 (ancienne geacuteneacuteration de laPlayStation) Son originaliteacute principale reacuteside dans lrsquoaccegraves aux jeux En effet les jeux pour-ront ecirctre teacuteleacutechargeacutes directement agrave partir de la console par le reacuteseau sans fil ZeeboNet 3GLe consommateur nrsquoaura ainsi pas besoin drsquoune connexion agrave Internet pour beacuteneacuteficier de ceservice Il lui faudra seulement connecter la console agrave la teacuteleacutevision et le Zeebo acceacutederaautomatiquement au reacuteseau ZeeboNet 3G Pour acheter les jeux le joueur devra cepen-dant avoir des Z-Credits la monnaie du Zeebo Z-Creacutedits qui seront laquo stockeacutes raquo dans laconsole Ces creacutedits peuvent ecirctre acheteacutes directement via la console ou sur le site Internetde lrsquoentreprise avec diffeacuterents moyens de paiement (carte bleue et cartes preacutepayeacutees) Cedispositif permet ainsi aux adolescents de choisir les jeux et aux parents de les payer letout du domicile Toutefois Zeebo installe gratuitement trois jeux sur la console et offretrois jeux suppleacutementaires disponibles sur le reacuteseau ZeeboNet 3G Parmi ces jeux gratuitson trouve notamment Need for Speed et Quake des classiques des anneacutees quatre-vingt-dix Les jeux proposeacutes par Zeebo sont deacuteveloppeacutes exclusivement pour cette plate-forme ndashles jeux de Zeebo ne peuvent ni ecirctre enregistreacutes ni transfeacutereacutes sur une autre console ce quidevrait neutraliser la piraterie ndash et sont vendus agrave un prix tregraves attractif 10 reais en moyenne(soit lrsquoeacutequivalent de 350 euros) Ces jeux seront tous en portugais Les deacuteveloppeurs dejeux ont fait savoir leur inteacuterecirct pour le projet et les jeux drsquoActivision Sega Namco CapcomEletronic Artshellip devraient enrichir la gamme La console quant agrave elle sera vendue agrave599 reais ou 200 euros un prix tregraves en deccedilagrave des consoles de jeux videacuteo laquo traditionnelles raquodisponibles actuellement au Breacutesil

Agrave partir de laquo Tec Toy mira Novo Mercado da Bovespa raquo Gazeta Mercantil13 juin 2008 wwwtectoycom et wwwzeebocom

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ces eacuteleacutements La marque ne se reacuteduit cependant pas agrave ces seuls eacuteleacutements car elle a uncontenu symbolique et eacutemotionnel La marque est un actif preacutecieux pour une entre-prise Elle peut avoir un capital de notorieacuteteacute (de nombreux consommateurs laconnaissent) et de valeur (les consommateurs lui associent des valeurs positives etdistinctives) Ce capital permet de fideacuteliser les clients et drsquoen attirer de nouveauxEnfin la politique produit doit se soucier du design et du conditionnement de lrsquooffrecar ils jouent un rocircle drsquoambassadeur du produit

32 La politique de prix

La politique de prix consiste agrave deacutefinir le prix lors du lancement du produit et agrave lemodifier au cours de sa vie Crsquoest une variable essentielle car elle deacutetermine les reve-nus de lrsquoentreprise

La fixation du prix peut se faire selon trois techniques principales La premiegravereconsiste pour lrsquoentreprise agrave connaicirctre parfaitement ses coucircts de revient pour fixer unprix qui permette de deacutegager une marge La seconde consiste agrave fixer le prix en fonc-tion drsquoun seuil psychologique En effet le consommateur va attribuer un rapportqualiteacute-prix et estimer le prix qursquoil est precirct agrave payer pour un produit En dessous drsquouncertain prix le produit sera consideacutereacute comme de mauvaise qualiteacute et au-delagrave commetrop cher Enfin la troisiegraveme technique consiste agrave connaicirctre les prix des produitsconcurrents afin de disposer drsquoune reacutefeacuterence

Les entreprises combinent geacuteneacuteralement les trois meacutethodes Pourtant lors dulancement drsquoun produit trois strateacutegies de prix sont possibles Elles correspondent agraveune anticipation sur la reacuteaction du marcheacute La strateacutegie de peacuteneacutetration consiste agravefixer un prix infeacuterieur agrave celui des concurrents Cette approche repose sur lrsquoideacutee queles clients achegraveteront en masse un produit dont les caracteacuteristiques sont similaires agravecelles des produits concurrents Le pari est de reacutealiser des marges unitaires faiblesmais un volume de vente important Ensuite la strateacutegie drsquoeacutecreacutemage consiste agrave fixerun prix supeacuterieur agrave celui des produits concurrents Lrsquoobjectif est de minimiser levolume de vente mais de le compenser par des marges unitaires eacuteleveacutees gracircce agrave uneoffre tregraves diffeacuterencieacutee La troisiegraveme strateacutegie de prix consiste agrave srsquoaligner sur lesconcurrents En fixant un prix identique lrsquoentreprise entend srsquoapproprier une partiede leurs clients et eacuteviter une lutte sur les prix

Cependant quelle que soit la strateacutegie adopteacutee le prix des produits eacutevolue Unehausse de prix peut se justifier lorsque le produit est relookeacute et que des innovationsont eacuteteacute apporteacutees ou en cas de forte hausse des coucircts Une baisse de prix est possibledans le cadre drsquoopeacuterations speacuteciales (promotions diverses client importanthellip) lors-que les concurrents ont des prix agressifs en cas de production exceacutedentaire ousimplement lorsque les coucircts de lrsquoentreprise sont plus faibles Toute modification deprix est agrave manier avec prudence car elle induit des reacuteactions parfois fortes en prove-nance des clients et des concurrents

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32 La politique de distribution

La politique de distribution consiste agrave choisir le circuit que suivra le produit pourparvenir au client Le circuit se reacutefegravere ainsi agrave lrsquoensemble des intervenants qui contri-buent agrave faire passer le produit de son eacutetat de production agrave celui de consommation Ilexiste trois sortes de circuits

ndash Le circuit direct il nrsquoy a aucun intermeacutediaire entre le producteur et le consomma-teur

ndash Le circuit court il nrsquoy a qursquoun seul intermeacutediaire entre le producteur et le con-sommateur

ndash Le circuit long il comporte au moins deux intermeacutediaires et souvent plus entre leproducteur et le consommateur

Le choix du circuit de distribution est dicteacute par des raisons de coucirct (chaque inter-meacutediaire prend une marge) de couverture geacuteographique de lois drsquoefficaciteacute (parexemple les marques prestigieuses veillent agrave ce que leurs distributeurs puissentveacutehiculer leur image de luxe) de cible de clientshellip

Repegraveres Casino srsquoaffranchit du monopole desconcessionnaires automobiles

La grande distribution srsquointeacuteresse depuis longtemps agrave la distribution automobile Elle usede toute son influence pour essayer de casser ce monopole Cependant seul Casino areacuteussi agrave vendre des voitures en hypermarcheacute avant la promulgation de la loi de 2003Voyons les conditions de cette transactionLe 9 juin 1999 Casino met en vente en hypermarcheacute 308 voitures Daewoo Nubira Cettevoiture est de piegravetre qualiteacute et est un modegravele ancien mais Casino le vend 30 moins cherqursquoen concession Cela provoque naturellement lrsquoire des concessionnaires qui ne compren-nent pas comment cela est possible dans la mesure ougrave eux-mecircmes sont incapables deproposer des prix approchants De plus ils se sentent trahis par Daewoo France qui auraitvendu ces 308 voitures agrave Casino agrave prix reacuteduit En reacutealiteacute il nrsquoy a pas eu trahison de la partde Daewoo Casino srsquoest procureacute ces voitures de maniegravere tregraves discregravete sachant queDaewoo nrsquoaurait pas accepteacute de les lui vendre Casino est donc passeacute par un intermeacutediaireun neacutegociant parisien qui commande agrave Daewoo 308 voitures officiellement pour eacutequiperune flotte de voitures drsquoentreprise Dans la mesure ougrave le modegravele se vend mal en Franceqursquoil est deacutepasseacute va bientocirct ecirctre remplaceacute et qursquoil srsquoagit drsquoun grand nombre de voituresDaewoo consent agrave accorder une importante remise Casino se trouve ainsi possesseur de308 voitures ne demandant qursquoagrave ecirctre vendues agrave bas prix Cette opeacuteration a eacuteteacute renduepossible par une clause du regraveglement 147595 qui indique que ni le constructeur ni ledistributeur ne peuvent restreindre laquo la liberteacute des utilisateurs finaux de revendre desproduits contractuels ou des produits correspondants pourvu que la vente ne soit pasreacutealiseacutee agrave des fins commerciales raquo Ainsi la flotte de voitures commandeacutees par une entre-prise peut ecirctre revendue immeacutediatement en preacutetextant que le but est drsquoeacutecouler les voitu-res plutocirct que de gagner de lrsquoargent en les revendant Eacutevidemment cela ne peut dans lecadre actuel se faire qursquoune seule fois pour rester dans un but non commercial

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Le choix du circuit laisse ensuite place agrave la deacutefinition drsquoune strateacutegie de distribu-tion Trois strateacutegies sont possibles La premiegravere la distribution intensive permet decommercialiser ses produits dans un grand nombre de points de vente de geacuteneacuterer unchiffre drsquoaffaires conseacutequent de faire du volume et de faire connaicirctre les produits agraveun grand nombre de consommateurs La seconde option la distribution seacutelectivepermet drsquoapprovisionner des revendeurs seacutelectionneacutes suivant des critegraveres de tailledrsquoimage de compeacutetencehellip Elle permet un controcircle qualitatif de la distribution et unebonne couverture geacuteographique Enfin la distribution exclusive consiste en laquo uneseacutelectiviteacute pousseacutee raquo En effet le nombre de distributeurs autoriseacutes agrave vendre lesproduits est encore plus limiteacute et le distributeur srsquoengage lui aussi agrave ecirctre exclusifcrsquoest-agrave-dire agrave ne pas vendre de produits directement concurrents Le controcircle quali-tatif de la distribution nrsquoen est que plus grand par contre la couverture geacuteographiquepeut ecirctre faible

Les voitures sont donc vendues en hypermarcheacute agrave prix reacuteduit Le client nrsquoa aucun choixpossible drsquooption pour personnaliser sa voiture mais les formaliteacutes administratives sonttregraves peu contraignantes Il doit seulement eacutetablir sa carte grise agrave la preacutefecture avant depouvoir repartir avec sa voiture Lrsquoentretien de la voiture est assureacute leacutegalement par lesconcessionnaires Ces derniers se plaignent consideacuterant inacceptable que Daewoo aitvendu 308 voitures agrave Casino En effet selon les termes du contrat Daewoo a interdictionformelle de vendre ses voitures ailleurs qursquoen concession Les concessionnaires menacentde poursuivre Daewoo en justice et annoncent alors qursquoils sont tenus leacutegalement de lesentretenir qursquoils traiteront ces voitures sans aucun zegravele et essayeront mecircme de ralentirtoute reacuteparation Daewoo craint pour son image de marqueDaewoo se voit obligeacute de jouer franc jeu Il explique aux concessionnaires le stratagegraveme deCasino et la maniegravere dont Daewoo srsquoest fait berner Daewoo eacutetait pourtant averti un peuavant cette vente que Casino voulait vendre ces voitures En effet 308 voitures repreacutesen-tent tout de mecircme un volume important facilement repeacuterable Se doutant des conseacute-quences facirccheuses de cette vente Daewoo essaye de lrsquoempecirccher en proposant de toutracheter Casino refuse car la logistique est deacutejagrave mise en place Casino a formeacute desvendeurs imprimeacute des tracts et commenceacute le lancement de lrsquoaffaire Daewoo tente decreacutedibiliser sa position de victime en envoyant des huissiers chez Casino il srsquoagit de veacuteri-fier que toutes les voitures vendues font bien partie du lot deacutetourneacute par Casino et neproviennent pas drsquoimportations parallegraveles Casino nrsquoaurait alors pas le droit de les vendreAucune infraction nrsquoest constateacutee Finalement devant la colegravere des concessionnaires precirctsagrave porter plainte contre Daewoo qui nrsquoa pas respecteacute son contrat la seule possibiliteacute resteun accord agrave lrsquoamiable Daewoo indemnise ses concessionnaires et promet drsquoecirctre plus vigi-lant deacutesormais

Extrait de NICOLAS N et SOPARNOT R laquo Chaicircne de valeur et distributionquelle strateacutegie pour Renault raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts et cas

en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005 et GODLEWSKI N GRISEY E et MOULIN X laquo La distribution automobile raquo Cahier de recherche du CERNA 2000

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33 La politique de communication

Enfin la politique de communication consiste agrave faire parvenir aux clients desmessages afin de faire connaicirctre le produit et le faire acheter

Apregraves avoir clairement identifieacute les reacutecepteurs du message (les clients actuels etpotentiels les revendeurs les prescripteurs les leaders drsquoopinionhellip) il convient dedeacutefinir les canaux de communication On distingue deux strateacutegies principales lacommunication meacutedias et la communication hors-meacutedias

La premiegravere consiste agrave diffuser son message par la voie des meacutedias On en identifietraditionnellement cinq la teacuteleacutevision le cineacutema la radio la presse et lrsquoaffichageChacun de ces meacutedias se compose de nombreux supports TF1 France 2 etFrance 3 Arte Comeacutedie Eurosporthellip sont des supports diffeacuterents drsquoun mecircmemeacutedia Il est donc question de choisir le ou les meacutedias et supports afin de bacirctir leplan meacutedias Il consiste pour un budget donneacute agrave trouver la meilleure combinaisonentre meacutedias et supports pour toucher le plus grand nombre de personnes apparte-nant agrave la cible (la couverture) afin qursquoelles soient exposeacutees le plus grand nombre defois au message (la freacutequence) et qursquoelles le meacutemorisent (lrsquoimpact)

Repegraveres La mesure des audiences des chaicircnesde la teacuteleacutevision par cacircble et satellite etdrsquoInternet par Meacutediameacutetrie

Institut de reacutefeacuterence de la mesure drsquoaudience Meacutediameacutetrie srsquoest imposeacute gracircce agrave un outiltechnologique incontournable dans la mesure de lrsquoaudience de la teacuteleacutevision le MeacutediamatAujourdrsquohui confronteacute agrave de nouveaux modes de consommation meacutedia (les meacutedias mobi-les) agrave la convergence teacuteleacutevision-Internet-teacuteleacutephone portable de plus en plus forte ainsiqursquoagrave une insatisfaction de la part du marcheacute publicitaire Meacutediameacutetrie a mis au point unoutil de mesure fiable de lrsquoaudience du cacircble et du satellite En effet la mesure de la teacuteleacutevi-sion hertzienne via le Meacutediamat ne srsquoest pas tout de suite geacuteneacuteraliseacutee aux chaicircnes du cacircbleet du satellite Audicacircble outil de mesure de leur audience fonctionne sur la base drsquouncarnet drsquoeacutecoute rempli agrave la main par les paneacutelistes En 1998 Meacutediameacutetrie lance sur lemecircme principe Audicabsat qui integravegre les abonneacutees des bouquets satellites CanalSat etTPS En 1998 Meacutediameacutetrie mesure lrsquoaudience des chaicircnes du cacircble et du satellite parextraction des paneacutelistes du Meacutediamat recevant ce type de chaicircne Ce nrsquoest qursquoen 2001 queMeacutediameacutetrie conccediloit Meacutediacabsat recueil audimeacutetrique et mesure drsquoaudience automati-seacutee du cacircble et du satellite conccedilu suivant le mecircme principe que le Meacutediamat En 2006Meacutediameacutetrie conclut un partenariat avec la socieacuteteacute Qosmos La mesure de lrsquoaudience de lateacuteleacutevision via lrsquoADSL se fonde sur la technologie de Qosmos qui analyse les flux transitantsur les reacuteseaux IP (Internet Protocol) des foyers Ce partenariat complegravete lrsquoalliance scelleacuteeentre Meacutediameacutetrie et France Teacuteleacutecom qui porte sur lrsquoeacutetude drsquoaudience des personnesappartenant au panel Meacutediamat et regardant la teacuteleacutevision gracircce au deacutecodeur France Teacuteleacute-com MaLigne TV En 2008 Meacutediameacutetrie creacutee Digitime filiale de Meacutediameacutetrie et deNetgem speacutecialiseacutee dans la mesure drsquousage de la teacuteleacutevision numeacuterique Les informationssur lrsquoaudience sont reacutecupeacutereacutees par les deacutecodeurs numeacuteriques notamment les terminauxNetgem et complegravetent les mesures drsquoaudience de Meacutediameacutetrie

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

La seconde strateacutegie qui nrsquoest pas exclusive de la premiegravere concerne le hors-meacutedias Elle inclut la promotion des ventes les relations publiques et le marketingdirect

La promotion des ventes vise agrave stimuler les ventes agrave court terme Elle consiste agraveinciter le consommateur (ou le distributeur) agrave acheter un produit donneacute Ces promo-tions prennent des formes multiples (reacuteduction de prix prime sur quantiteacute jeux etconcours remise drsquoeacutechantillonhellip) Elles visent plusieurs objectifs attirer desclients fidegraveles aux produits des concurrents faire tester le produit abaisser lesstockshellip Le risque majeur lieacute agrave une trop grande utilisation des promotions est lecomportement de report et la deacuteteacuterioration de lrsquoimage du produit ou de la marqueLes relations publiques (RP) consistent agrave geacuterer les relations avec les acteurs influentsen vue de creacuteer etou maintenir leur confiance et leurs eacutegards Ces acteurs serontalors dans leur sphegravere professionnelle respective des ambassadeurs de lrsquoentreprisedrsquoune marque ou drsquoun produit Enfin le marketing direct regroupe lrsquoensemble destechniques (publipostage messagerie eacutelectronique SMS teacuteleacutecopie teacuteleacutephone cata-loguehellip) qui permettent drsquoentrer en relation directe avec le client ou le prospectCette individualisation de la relation permet de connaicirctre avec preacutecision les caracteacute-ristiques (sexe acircge revenuhellip) des clients Le postulat est qursquoen personnalisant larelation le client deacuteveloppera un comportement plus favorable agrave lrsquoeacutegard du produitde la marque et de lrsquoentreprise

La mesure du trafic sur InternetEn 2000 Meacutediameacutetrie creacutee MeacutediameacutetrieeRatingscom filiale de Meacutediameacutetrie et de NetRa-tings socieacuteteacute commercialisant les reacutesultats du service NielsenNetRatings Lrsquoaudience de lapubliciteacute et du trafic sur Internet est drsquoabord eacutevalueacutee agrave partir drsquoun panel de 1 200 internau-tes Cet outil deacutenommeacute aujourdrsquohui MeacutediameacutetrieNetRatings se fonde sur 25 000 paneacute-listes dont lrsquoaudience est eacutetudieacutee agrave domicile sur leur lieu de travail ou dans lesbibliothegraveques les cybercafeacuteshellip Ils sont recruteacutes par teacuteleacutephone et sur Internet Ce type demesure est dit User-centric crsquoest-agrave-dire centreacute sur lrsquoutilisateur En 2003 Meacutediameacutetrie creacuteeMeacutediameacutetrie-eStat en partenariat avec la socieacuteteacute eStat Gracircce agrave la technologie du Tag(marqueur qui eacutevalue lrsquoaudience drsquoun site) Meacutediameacutetrie-eStat eacutevalue la puissance desprincipaux sites en nombre de visiteurs uniques et de pages vues Elle propose une gammedrsquooutils de mesure (Cyberstreaming Cyberpodcast) adapteacutee agrave la freacutequentation nouvelledrsquoInternet (Internet audio videacuteo mobilehellip) Crsquoest une mesure dite Site-centric crsquoest-agrave-direcentreacutee sur lrsquoeacutetude des sites En 2008 Meacutediameacutetrie lance Netsight un logiciel permettantde mesurer tous les usages drsquoInternet (surf audio videacuteo messagerie) Ce logiciel estinstalleacute chez les paneacutelistes de MeacutediameacutetrieNetratings et vise donc par une meilleureeacutevaluation des usages notamment ceux issus du Web 20 agrave rapprocher les donneacutees issuesdes mesures panel User-centric et des mesures de freacutequentation des sites dites Site-centric

Agrave partir de MERCANTI-GUEacuteRIN M laquo Peut-on innover sous pression Le cas Meacutediameacutetrie raquo 1re Journeacutee de cas peacutedagogique

Lrsquoinnovation dans les organisations Groupe ESCEM novembre 2008

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La connaissance des missions essentielles des fonctions principales (logistiqueproduction et marketing) par le manager doit ecirctre compleacuteteacutee par une compreacutehensionpousseacutee des fonctions de soutien

LES FONCTIONS DE SOUTIEN

Selon Porter (1986) les fonctions de soutien concernent les services financiers lagestion des ressources humaines (GRH) le deacuteveloppement technologique (recher-che et deacuteveloppement ou R amp D) et les approvisionnements Compte de la monteacuteeen puissance des enjeux responsables dans le management des entreprises allantparfois agrave la creacuteation drsquoun deacutepartement deacutedieacute nous proposons drsquoajouter la fonctionde deacuteveloppement durable (DD) Les fonctions de soutien doivent ecirctre analyseacuteescomme des activiteacutes non opeacuterationnelles dont la vocation est de permettre aux fonc-tions principales drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur efficience Plus concregravetementelles constituent un support au fonctionnement des activiteacutes opeacuterationnelles Dansce qui suit nous les analysons successivement

1 Les services financiers

La fonction financiegravere comprend la comptabiliteacute la finance et le controcircle degestion Son rocircle essentiel est drsquoassurer le financement de lrsquoactiviteacute et puis de veilleragrave la santeacute financiegravere de lrsquoentreprise Eacutetudions de faccedilon syntheacutetique cette premiegraveremission

11 Le financement de lrsquoactiviteacute

Le financement de lrsquoactiviteacute deacutecoule du fonctionnement de lrsquoentreprise En effetcelui-ci engendre des besoins de financement de deux types lieacutes agrave lrsquoinvestissementet lieacutes agrave lrsquoexploitation Les investissements (mateacuteriels) portent sur les eacutequipementsles installations les terrains les locaux mais eacutegalement les titres drsquoautres entrepri-ses les brevetshellip Comme ils visent agrave assurer le deacuteveloppement et la peacuterenniteacute delrsquoentreprise ils sont reacutecurrents Lrsquoentreprise engage donc des deacutepenses qui ne serontreacutecupeacutereacutees qursquoau bout de plusieurs anneacutees Pour cette raison elle immobilise desfonds qui sont indisponibles pour une longue peacuteriode Ces fonds sont reacutecupeacutereacutes defaccedilon progressive en fonction des amortissements pratiqueacutes des cessions drsquoactifshellipA contrario les deacutepenses lieacutees agrave lrsquoexploitation (reacutemuneacuteration de la main-drsquoœuvreachat de matiegraveres premiegravereshellip) sont reacutecupeacutereacutees lorsque lrsquoentreprise perccediloit les recet-tes de ses ventes On parle alors du cycle drsquoexploitation de lrsquoentreprise

Dans les deux cas il y a un deacutecalage (important pour les investissements et moin-dre pour lrsquoexploitation) entre les deacutepenses et les recettes Pour financer ce deacutecalage

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

(le besoin de financement de lrsquoexploitation) lrsquoentreprise mobilise des capitaux Lescapitaux neacutecessaires agrave lrsquoexploitation sont les actifs circulants (stock creacutedit clientcreacuteances clienthellip) et les dettes (creacutedit fournisseur deacutecouvert bancairehellip) Les capi-taux neacutecessaires agrave lrsquoinvestissement correspondent aux immobilisations

Pour autant lrsquoexigence de capitaux pour financer lrsquoexploitation et lrsquoinvestissementimpose de trouver des moyens ou sources de financement

Les sources de financement sont repreacutesenteacutees par des ressources stables crsquoest-agrave-dire durablement agrave disposition de lrsquoentreprise Elles sont de deux types les capitauxpropres apporteacutes par les associeacutes (capital social lieacute agrave la creacuteation de lrsquoentreprise etaugmentation de capital) ou accumuleacutes (autofinancement) et les capitaux emprunteacutesaupregraves drsquoinstitutions financiegraveres (banques marcheacutes financiers organismesprecircteurshellip) Il est fondamental pour une entreprise de disposer de capitaux proprescar cela deacutetermine sa capaciteacute drsquoemprunt Cependant un recours massif agrave lrsquoempruntpeut mettre en danger lrsquoentreprise comme lrsquoillustre lrsquoexemple suivant

Repegraveres Mecachrome est au bord du gouffre

Mecachrome fabriquant de piegraveces pour lrsquoindustrie automobile et le secteur aeacuteronautiqueest consideacutereacute comme un sous-traitant doteacute drsquoune veacuteritable expertise technique Lrsquoentre-prise fabrique ainsi pour le compte de clients prestigieux comme Airbus Boeing Renaultet Porsche des piegraveces strateacutegiques (comme des piegraveces pour les missiles nucleacuteaires desforces de dissuasion franccedilaises) Or lrsquoentreprise se retrouve aujourdrsquohui dans une situationde quasi-cessation de paiements Geacuterard Casella fils du fondateur Eugegravene Casella et PDGdu groupe depuis 1971 vient drsquoecirctre deacutebarqueacute de son poste par le conseil drsquoadministration etremplaceacute par le Belge Christian Jacqmin et ce malgreacute la deacutetention de 32 des parts et de82 des droits de vote La situation de Mecachrome marque certainement la fin de lrsquoegraverefamiliale le rachat de lrsquoentreprise menace de plus en plus Une situation preacuteoccupantepour les 2 000 employeacutes les clients et le gouvernement franccedilais

Mecachrome un fleuron de lrsquoindustrie franccedilaiseMecachrome est un groupe familial fondeacute il y a soixante-dix ans par Eugegravene CasellaDepuis 1971 le groupe est dirigeacute par son fils Geacuterard ndash un homme tregraves respecteacute par les sala-rieacutes de lrsquoentreprise Et sous sa direction lrsquoentreprise a connu une expansion singuliegravere Legroupe est devenu un sous-traitant de reacutefeacuterence dans trois activiteacutes lrsquoaeacuterospatial lrsquoauto-mobile et lrsquoeacutequipement industriel Dans le domaine aeacuterospatial (462 de son chiffredrsquoaffaires) Mecachrome participe agrave la conception et la fabrication drsquoensembles complexescomposeacutes de piegraveces critiques Ses principaux clients sont Airbus Boeing Canada Bombar-dier Dassault Embraer et Liehbherr et Rolls-Royce Pour le secteur automobile (453 deson chiffre drsquoaffaires) Mecachrome fournit les principaux constructeurs Audi Daimler-Chrysler Mercedes Porsche Renault Toyota et Volvo Lrsquoentreprise participe mecircme agrave lafabrication de Formules 1 elle intervient principalement au niveau de lrsquousinage et dumontage des moteurs Enfin dans le domaine de lrsquoeacutequipement industriel (85 de sonchiffre drsquoaffaires) Mecachrome fabrique des piegraveces de serrage des microturbines et desmoteurs

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Les sources de financement de lrsquoexploitation sont donc repreacutesenteacutees en partie pardes ressources stables et mais eacutegalement en partie par les dettes agrave court terme Cesderniegraveres correspondent au creacutedit fournisseur (deacutelai de paiement allant de 30 agrave90 jours) agrave lrsquoescompte bancaire des effets de commerce (les lettres de change etbillets agrave ordre sont payeacutes avant leur eacutecheacuteance par la banque en contrepartie drsquounesomme) au deacutecouvert bancaire (la banque autorise des deacutecalages entre deacutecaisse-ments et encaissements moyennant des inteacuterecircts calculeacutes en fonction du montant etde la dureacutee de la faciliteacute) et agrave lrsquoaffacturage (une socieacuteteacute priveacutee se substitue aux

Pourtant lrsquoexpertise et la renommeacutee de lrsquoentreprise nrsquoont pas suffi agrave atteacutenuer les conseacute-quences de deacutecisions particuliegraverement risqueacutees

Lrsquoaventure canadienneLes ennuis de lrsquoentreprise commencent en 2001 Pour faire fabriquer en zone dollars et serapprocher de Boeing le groupe srsquoimplante au Queacutebec Le site va connaicirctre une expansionexceptionnelle en sept ans Mecachrome Canada va atteindre la mecircme taille que Meca-chrome France ndash alors que la filiale franccedilaise avait mis soixante-dix ans pour atteindrecette taille En 2004 le siegravege est mecircme deacutemeacutenageacute au Canada Agrave lrsquoorigine de cette aventurela deacutecision drsquoun des fils de Geacuterard Casella marieacute agrave une Canadienne Nommeacute PDG de Meca-chrome en 2007 Guillaume Casella prend la nationaliteacute canadienne et implante une usineau Queacutebec (le second fils Arnaud preacuteside la filiale franccedilaise) Pour financer cette expan-sion Mecachrome ouvre son capital en octobre 2007 et en place 20 en Bourse 13 ducapital est deacutesormais deacutetenu par un fonds drsquoinvestissement semi-public le Fonds destravailleurs queacutebeacutecois (FTQ) Si lrsquoon ajoute agrave cela diffeacuterents emprunts lrsquoentreprise estparvenue agrave trouver quelque 150 millions drsquoeuros Malheureusement quelques eacutevegravene-ments du cocircteacute de ses clients ont eu des conseacutequences catastrophiques pour le groupe AuCanada des gregraveves chez Boeing ont retardeacute la construction du Boeing B787 pendant qursquoenEurope les retards du programme A400M et de lrsquoA380 ont plombeacute les comptes de Meca-chrome En outre un nouveau regraveglement en Formule 1 a reacuteduit de sept agrave deux le nombrede moteurs autoriseacutes pour chaque eacutecurie lors des Grands Prix et ce alors que le sport auto-mobile repreacutesente 45 du chiffre drsquoaffaires de MecachromeLe groupe devenu plus vulneacuterable sur le plan financier compte tenu drsquoune expansioncoucircteuse va payer le prix fort Les conseacutequences de ces eacutevegravenements dans lrsquoenvironnementde lrsquoentreprise sont un endettement cumuleacute de plus de 200 millions drsquoeuros et un besoinde treacutesorerie de 50 millions drsquoeuros Pour faire face agrave ses eacutecheacuteances lrsquoentreprise a eacuteteacutecontrainte en mai 2008 de reacutealiser un plan social conduisant au licenciement de 280 sala-rieacutes En aoucirct 2008 Geacuterard Casella a mecircme repris les recircnes de lrsquoentreprise pour tenter deredresser la situation Mais la graviteacute de la situation a conduit le conseil drsquoadministration agravelrsquoeacutevincer Et en novembre 2008 un fonds ameacutericain visitait les usines franccedilaises Et celapourrait se solder par un deacutemantegravelement du groupe laquo Un veacuteritable gacircchis raquo selon GeacuterardCasella Drsquoautant plus que le chiffre drsquoaffaires nrsquoa cesseacute de progresser en 2007 (il a atteint295 millions drsquoeuros affichant une hausse de 13 par rapport agrave 2006) et 2008 et que legroupe affiche un carnet de commandes drsquoun montant de 1 milliard drsquoeuros

Agrave partir de laquo Mecachrome un fleuron industriel au bord du gouffre raquoLes Eacutechos 19 novembre 2008 et wwwmecachromecom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

clients et regravegle le montant des factures et se charge moyennant une commission derecouvrer les creacuteances aupregraves des clients)

La seconde mission principale de la fonction services financiers est de veiller agrave lasanteacute financiegravere de lrsquoentreprise

12 La santeacute financiegravere de lrsquoentreprise

Le financement de lrsquoactiviteacute et du deacuteveloppement de lrsquoentreprise neacutecessite toute-fois une situation financiegravere saine Afin de lrsquoanalyser le bilan ainsi que le compte dereacutesultat apparaissent comme les instruments principaux

Le bilan fournit une photo du patrimoine de lrsquoentreprise Il dissocie le passif delrsquoactif Le passif correspond agrave ce que lrsquoentreprise doit (les ressources) Il se composedes capitaux propres et des dettes Lrsquoentreprise (comme personne morale) doit effec-tivement le capital social et les beacuteneacutefices non distribueacutes aux associeacutes et a des dettes agravelrsquoeacutegard des diffeacuterents precircteurs Lrsquoactif se reacutefegravere agrave ce que lrsquoentreprise possegravede (lesemplois) il se compose des biens et des creacuteances crsquoest-agrave-dire de lrsquoactif immobiliseacuteet de lrsquoactif circulant

Afin de disposer drsquoune photo la plus preacutecise possible du patrimoine de lrsquoentre-prise celle-ci doit construire un bilan financier et un bilan fonctionnel

Le bilan financier classe les ressources en fonction de leur exigibiliteacute et lesemplois en fonction de leur liquiditeacute Ainsi les ressources au passif sont agrave rembour-ser selon une eacutecheacuteance variable Lrsquoexigibiliteacute exprime donc la dureacutee pendantlaquelle lrsquoentreprise dispose de cette source de financement Les emplois agrave lrsquoactifont une liquiditeacute variable crsquoest-agrave-dire que lrsquoemploi ne devient monnaie qursquoagrave lrsquoissuedrsquoun deacutelai plus ou moins long Ideacutealement lrsquoentreprise cherche agrave faire correspondrelrsquoexigibiliteacute des dettes avec la liquiditeacute des actifs pour assurer lrsquoeacutequilibre financier

Enfin lrsquoentreprise construit un bilan fonctionnel crsquoest-agrave-dire un bilan qui tientcompte des cycles financiers de lrsquoentreprise (drsquoinvestissement et drsquoexploitation)Cela lui permet de deacutefinir son fonds de roulement (solde entre les ressources stableset les immobilisations) crsquoest-agrave-dire la ressource disponible pour financer lrsquoexploita-tion Le fonds de roulement doit donc ecirctre suffisant pour financer le besoin drsquoexploi-tation ou besoin en fonds de roulement (solde entre actif drsquoexploitation et besoindrsquoexploitation) Si tel est le cas lrsquoentreprise aura une treacutesorerie exceacutedentaire

Le second outil le compte de reacutesultat identifie lrsquoensemble des charges (les deacutepen-ses) et des produits (les recettes) de lrsquoentreprise On distingue les charges et lesproduits drsquoexploitation (lieacutes agrave lrsquoactiviteacute courante) exceptionnels (lieacutes agrave une activiteacuteexceptionnelle) et financiers (lieacutes agrave une activiteacute financiegravere) La diffeacuterence entre lescharges et les produits donne le reacutesultat de lrsquoentreprise qui peut ecirctre beacuteneacuteficiaire oudeacuteficitaire

In fine le bilan et le compte de reacutesultat permettent de diagnostiquer lrsquoentreprise agravepartir de critegraveres financiers Les principaux indicateurs de la santeacute financiegravere sont

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regroupeacutes sous le terme de SIG (soldes intermeacutediaires de gestion) On distinguenotamment la marge commerciale la valeur ajouteacutee lrsquoexceacutedent brut drsquoexploitationle reacutesultat drsquoexploitation et le reacutesultat de lrsquoexercice Afin drsquoassurer un reacutesultat positifla fonction de controcircle de gestion deacuteveloppeacutee dans la plupart des grandes entrepri-ses eacutetudie les coucircts de lrsquoensemble des fonctions de lrsquoentreprise En fonction descharges et produits preacutevisionnels elle assure le calcul du budget permettant agrave chaqueservice de disposer drsquoun budget de fonctionnement propre

Les services financiers ont donc un rocircle central ils sont les gardiens de la solvabi-liteacute de lrsquoindeacutependance et de la peacuterenniteacute financiegravere de lrsquoentreprise En ce sens lafonction de soutien est explicite Compleacutetons notre analyse par la fonction degestion des ressources humaines

2 La gestion des ressources humaines

La gestion des ressources humaines (GRH) comprend une seacuterie drsquoactiviteacutes quisuivent le laquo cycle de vie raquo du salarieacute Elle consiste donc agrave deacutefinir les besoins delrsquoentreprise en personnes et en compeacutetences agrave attirer les meilleurs candidats lesrecruter les inteacutegrer et geacuterer leurs carriegraveres en fonction des enjeux de lrsquoentreprise etde leur aspiration De mecircme elle veille agrave entretenir des conditions de travail satisfai-santes gegravere les relations avec les partenaires sociaux (notamment les syndicats) etle cas eacutecheacuteant se charge des licenciements Ces diffeacuterentes missions sont souventpartageacutees entre un service RH centraliseacute et les managers de premier niveau delrsquoensemble des fonctions (vente productionhellip) situeacutes dans des uniteacutes opeacuterationnel-les Ce sont eux qui compte tenu de leur proximiteacute avec les salarieacutes ont agrave geacuterer leurmotivation leur adaptation au poste leur aspiration professionnelle leur eacutevolutiondans la structurehellip

Afin de mieux comprendre la mission essentielle de la GRH nous lrsquoanalysonsselon trois axes principaux la gestion des besoins des carriegraveres et des relationssociales

21 La gestion des besoins anticipation recrutement et inteacutegration

La fonction RH doit anticiper les besoins en personnel et en compeacutetences delrsquoentreprise En effet lrsquoeacutevolution de la strateacutegie de lrsquoentreprise impose souvent demaicirctriser des compeacutetences nouvelles Lrsquoentreprise doit eacutegalement anticiper lesdeacuteparts agrave la retraite faire face aux deacuteparts volontaires agrave des personnes inadapteacuteeshellipPour preacutevoir au mieux les besoins futurs le service RH peut se doter drsquoun outil laGPEC (gestion preacutevisionnelle des emplois et des compeacutetences) Ce systegraveme consisteagrave anticiper les besoins en effectifs et en compeacutetences (qualification) Cet outilpermet de bacirctir une politique de recrutement processus souvent long et coucircteux

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Lrsquoentreprise peut pratiquer deux modes de recrutement lrsquointerne et lrsquoexterne Enrecrutant en interne lrsquoentreprise valorise la mobiliteacute des collaborateurs permet leseacutevolutions de carriegravere et reacuteduit les coucircts Le recrutement externe est consideacutereacutecomme plus coucircteux mais il permet de trouver des profils parfois inexistants eninterne et drsquoinsuffler des maniegraveres de penser et de travailler diffeacuterentes Quel que soitle mode de recrutement retenu la deacutemarche srsquoappuie sur la deacutefinition drsquoun profil deposte (compeacutetences requises) la prospection (en interne affichage intranet enexterne agence speacutecialiseacutee presse ANPE APEChellip) et lrsquoeacutevaluation des candidats agravepartir de multiples tests et drsquoentretiens visant agrave deacutetecter leur motivation et leuradeacutequation au poste

Repegraveres La gestion des besoins en personneldans une PME

Lrsquoentreprise Jeacuterocircme a eacuteteacute creacuteeacutee agrave Tours en 1933 par Pierre Jeacuterocircme Apregraves la Seconde Guerremondiale lrsquoentreprise participe agrave la reconstruction et intervient plus particuliegraverementdans la construction des infrastructures pour le transport de lrsquoeacutelectriciteacute En 2006 les acti-viteacutes commerciales de lrsquoentreprise Jeacuterocircme se situent dans trois domaines 1) lrsquoeau (cons-truction de stations de traitement et drsquoeacutepuration et reacutealisation de reacuteseaux drsquoeau potablepluviale ou drsquoeaux useacutees) 2) lrsquoeacutenergie (construction de postes de transformation eacutelectri-que reacuteseaux souterrains drsquoeacutelectriciteacute et de gaz de teacuteleacutecommunication drsquoeacuteclairage publicet de videacuteo communication) 3) le geacutenie civil industriel et agricole (construction de bacircti-ments techniques ou drsquoexploitation ameacutenagement des espaces verts ou de la voirie etreacutealisation de stabulation de fosses de deacutecantation et de bacirctiments drsquoeacutelevage) Cettedouble compeacutetence travaux de voirie et reacuteseaux divers (VRD) associeacutes au geacutenie civil luipermet de reacutepondre agrave des offres complegravetes comme celles du groupe EDF de la SNCF et duconseil reacutegional de la reacutegion Centre Lrsquoentreprise compte 180 salarieacutes reacutepartis en 22 eacutequi-pes 12 sont speacutecialiseacutees dans le geacutenie civil et 10 dans les travaux publics de reacuteseaux(reacuteseaux secs ou humides) Elle compte eacutegalement 25 conducteurs drsquoengins et 12 chauf-feurs Son chiffre drsquoaffaires atteint 18 millions drsquoeuros en 2006En 2000 lrsquoentreprise deacutecide de se doter drsquoune politique de gestion baseacutee sur les compeacuteten-ces de ses ressources humaines (ingeacutenierie de la formation parcours professionnels tuto-rat eacutevaluation des compeacutetences etc) Alors que le secteur du BTP fait encore largementappel agrave lrsquointeacuterim et agrave la sous-traitance Jean-Claude Brossier son actuel dirigeant refuse derecourir au travail inteacuterimaire qursquoil considegravere laquo deacutestructurant pour les salarieacutes qui peinentensuite agrave se reacuteinteacutegrer dans une entreprise raquo Il recrute plutocirct des personnes coopteacuteescrsquoest-agrave-dire recommandeacutees par des collegravegues Cette strateacutegie lui permet de trouver plusfacilement de la main-drsquoœuvre mais ne lui assure pas toujours de trouver du personnelqualifieacuteEn outre comme les candidatures aux diffeacuterents meacutetiers du bacirctiment (manœuvre chef dechantier conducteur de travaux et chargeacute drsquoeacutetudes) sont rarement diffuseacutees par la voietraditionnelle (ANPE agence drsquointeacuterim annonces) lrsquoentreprise Jeacuterocircme ne trouve pas direc-tement sur le marcheacute du travail la main-drsquoœuvre qualifieacutee dont elle a besoin Crsquoest pour-quoi son dirigeant a mis en place des formations internes personnaliseacutees et un systegraveme de

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Enfin lrsquointeacutegration du candidat est une eacutetape fondamentale Compte tenu descoucircts de recrutement et du deacutelai drsquoadaptation au poste lrsquoentreprise doit permettre aunouveau collaborateur de deacutecouvrir son entreprise (film livret drsquoaccueil visitehellip)ses futurs collegravegues et les regravegles de fonctionnement (repas horaires œuvres socia-leshellip) La phase drsquointeacutegration inclut parfois un temps de formation pour permettreau salarieacute drsquoecirctre opeacuterationnel agrave son nouveau poste

La seconde eacutetape du cycle de vie du salarieacute consiste agrave geacuterer sa carriegravere danslrsquoentreprise

22 La gestion des carriegraveres eacutevaluation et eacutevolution dans lrsquoentreprise

Lrsquoentretien annuel est lrsquooccasion de faire le point sur le parcours des salarieacutes danslrsquoentreprise le travail et les progregraves reacutealiseacutes lrsquoatteinte des objectifs le comporte-menthellip Il a aussi pour objectif de mieux connaicirctre leur projet afin de permettre agravelrsquoentreprise de geacuterer au mieux leur carriegravere La gestion des carriegraveres repose ainsi surtrois leviers principaux la reacutemuneacuteration la formation et la promotion

La reacutemuneacuteration initiale (salaire de base et avantages comme les chegraveques deacutejeunerle plan drsquoeacutepargne-entreprise les stocks options la voiture de fonctionhellip) lieacutee agrave laqualification et agrave lrsquoexpeacuterience du salarieacute peut eacutevoluer en fonction des performances

tutorat pour accompagner les jeunes dans leur professionnalisation Recruteacutes et mis souscontrat pour une dureacutee de trois mois les ouvriers sans qualification occupent le poste demanœuvre et sont eacutevalueacutes agrave la fin de cette peacuteriode avant drsquoecirctre deacutefinitivement inteacutegreacutesdans lrsquoentreprise Tout au long de leur contrat ils suivent des formations professionnelleslieacutees agrave leur futur meacutetier Agrave partir de 1999 Jean-Claude Brossier fait de la formation profes-sionnelle un pilier de sa strateacutegie de gestion des ressources humaines y consacrant 6 dela masse salariale en 2007 et ce alors que lrsquoobligation leacutegale pour une PME de plus de50 salarieacutes est de consacrer 16 de sa masse salariale agrave la formation et qursquoen moyenneles entreprises franccedilaises du bacirctiment y consacrent 35 de leur chiffre drsquoaffaires Ilsrsquoinvestit eacutegalement personnellement depuis la phase de recrutement jusqursquoagrave la gestionpreacutevisionnelle des emplois et des compeacutetencesLe roulement de la main-drsquoœuvre et lrsquoabsenteacuteisme ont fortement diminueacute faisant delrsquoentreprise une reacutefeacuterence sociale dans la reacutegion laquo Nous avons mecircme reacuteussi agrave traiter leproblegraveme de la pyramide des acircges en attirant des jeunes et en ramenant la moyenne drsquoacircgedu personnel agrave 38 ans raquo ajoute Jean-Claude Brossier (la moyenne drsquoacircge est de 391 anspour le secteur du bacirctiment franccedilais) En 2006 lrsquoentreprise voit sa politique de gestionpreacutevisionnelle des emplois et des compeacutetences reacutecompenseacutee par le Prix speacutecial de la cham-bre de commerce et drsquoindustrie (CCI) de Touraine et le Tropheacutee national du Moniteur duBTP

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo La mise en œuvredrsquoune GRH responsable ou comment une PME devient une reacutefeacuterence sociale raquo

in RAUFFLET E et BATELLIER P Responsabiliteacute sociale de lrsquoentreprise Enjeux de gestionet cas peacutedagogiques Eacutedition Presses Internationales Polytechniques 2008

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individuelle et collective Les primes et augmentations individuelles (appeleacuteessalaire de performance) sont verseacutees lorsque le salarieacute a atteint voire deacutepasseacute lesobjectifs fixeacutes lrsquoanneacutee preacuteceacutedente Lorsque lrsquoentreprise a atteint ses propres objectifs(de vente de reacutesultathellip) lrsquoensemble des salarieacutes beacuteneacuteficie drsquoun suppleacutement au titrede lrsquointeacuteressement (non obligatoire) et de la participation (obligatoire pour les entre-prises de plus de 50 salarieacutes) aux reacutesultats de lrsquoentreprise Il faut noter lrsquoutilisationplus systeacutematique du salaire de performance En effet lrsquoindividualisation du salaireprocure deux avantages souplesse et maicirctrise de la masse salariale

Le second levier est celui de la formation Compte tenu des eacutevolutions auxquellesdoivent faire face les entreprises (concurrence internationale deacuteveloppement tech-nologiquehellip) leurs salarieacutes sont ameneacutes agrave adapter leurs compeacutetences La formationest aussi un moyen de rendre les collaborateurs plus performants Enfin elle produitdes effets positifs sur la satisfaction degraves lors qursquoelle correspond agrave un projet reacuteel dusalarieacute Le leacutegislateur a ainsi deacuteveloppeacute une seacuterie de dispositifs qui preacutevoient lrsquoallo-cation par les entreprises de ressources deacutedieacutees agrave la formation continue des salarieacutes(congeacute individuel de formationhellip)

Le troisiegraveme levier concerne la promotion Lrsquoaccegraves agrave de nouvelles fonctions etresponsabiliteacutes constitue un puissant levier de la gestion des carriegraveres Les possibili-teacutes de mobiliteacute dans une entreprise attirent ainsi les meilleurs potentiels et permet-tent de les fideacuteliser La mobiliteacute peut prendre des formes multiples elle peut ecirctrefonctionnelle (nouveau poste) geacuteographique (nouveau lieu de travail) etou hieacuterar-chique (nouvelle responsabiliteacute) Lrsquoobtention drsquoune mobiliteacute est conditionneacutee agrave demultiples facteurs ancienneteacute expeacuterience diplocircmes poste vacanthellip Ces regraveglessont agrave deacutefinir avec preacutecision car elles doivent permettre au salarieacute de connaicirctre lesconditions drsquoeacutevolution dans lrsquoentreprise

Enfin toujours en reacutefeacuterence au cycle de vie du salarieacute le service RH peut ecirctreameneacute agrave licencier du personnel Cet enjeu au mecircme titre que drsquoautres explique lagestion des relations sociales

23 La gestion des relations sociales conflit et neacutegociation

La gestion des relations sociales est essentiellement une activiteacute des RH dans lesentreprises drsquoau moins 50 salarieacutes La RH doit y geacuterer les relations avec plusieurspartenaires sociaux les IRP ou instances de repreacutesentation du personnel Ce sont lecomiteacute drsquoentreprise (CE) le ou les deacuteleacutegueacutes du personnel (DP) le comiteacute drsquohygiegravenede seacutecuriteacute et des conditions de travail (CHSCT) et les sections syndicales repreacutesen-teacutees par un deacuteleacutegueacute syndical Les IRP ont pour rocircle de deacutefendre les inteacuterecircts des sala-rieacutes veiller au respect des lois et ameacuteliorer les conditions de travail Les acteurs lesplus importants sont les syndicats (Confeacutedeacuteration geacuteneacuterale des travailleurs Confeacute-deacuteration franccedilaise deacutemocratique du travail Force ouvriegraverehellip) qui peuvent avoir unerepreacutesentation locale (les sections) et nationale Les instances nationales tentent

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drsquoinfluencer par la neacutegociation lrsquoEacutetat dans lrsquoeacutelaboration des lois Les instanceslocales se font les relais en entreprise des instances nationales

Le rocircle de la RH est donc de geacuterer les eacuteventuels conflits et les neacutegociations avec lesIRP Le temps de travail les augmentations de salaire les licenciements les condi-tions de travail les fermetures de siteshellip constituent autant drsquooccasions de neacutegocieravec les IRP Il est geacuteneacuteralement conseilleacute au dirigeant et au DRH drsquoadopter une atti-tude de coopeacuteration Elle consiste agrave reconnaicirctre la leacutegitimiteacute des actions des IRP et agravevaloriser lrsquoexpression des salarieacutes Les maicirctres mots sont la concertation et la parti-cipation afin drsquoeacuteviter des conflits trop durs et trop coucircteux

Repegraveres Vallourec une reacutefeacuterence en matiegravere deGRH

Lrsquoentreprise Vallourec a eacuteteacute fondeacutee il y a 109 ans Elle est deacutesormais le numeacutero un mondialdes tubes drsquoacier sans soudure En un siegravecle cette entreprise est devenue un groupe inter-national avec 40 implantations dans 10 pays (Chine Breacutesil Allemagne Francehellip) et uneveacuteritable star du Cac 40 La croissance de Vallourec srsquoest particuliegraverement accentueacuteedepuis le rapprochement avec lrsquoAllemand Mannesmannroumlhren-Werke en 1997 En teacutemoi-gne la hausse constante de son chiffre drsquoaffaires entre 2000 et 2007

Tableau 13 mdash Quelques donneacutees sur Vallourec

AnneacuteeChiffres

drsquoaffaires (en milliard

drsquoeuros)

Deacuteboucheacutes commerciaux

Reacutepartition du chiffre drsquoaffaires

Pays ciblesReacutepartition du chiffre drsquoaffaires

2007 614 Eacutenergie eacutelectrique

182 Asie et Moyen-Orient

209

2006 554 Meacutecanique 115 France 73

2005 431 Peacutetrole et Gaz

461 Allemagne 179

2004 303 Peacutetrochimie 102 Ameacuterique du Nord

186

2003 238 Automobile 84 Ameacuterique du Sud

128

2002 256 Autres 56 Autres Union europeacuteenne

143

2001 250 Reste du monde

82

2000 220

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Le deacuteveloppement des activiteacutes de Vallourec srsquoest principalement opeacutereacute par croissanceexterne (fusion et acquisition) et par croissance conjointe (creacuteation de co-entreprises) Legroupe compte ainsi plusieurs dizaines de filiales reacuteparties selon les marcheacutes (eacutenergie eacutelec-trique peacutetrole et gaz automobilehellip) et lrsquoactiviteacute principale (production vente et services)Un tel ensemble (de nombreuses filiales reacuteparties sur lrsquoensemble du territoire mondial) etune croissance aussi rapide et importante preacutesentent une difficulteacute majeure la gestiondes ressources humaines (GRH) Lrsquoenjeu est lrsquooptimisation en termes de coucircts et drsquoefficaciteacutedes actions de GRH dans une structure fortement eacuteclateacutee sur le plan geacuteographique Ainsisrsquoexprimait un haut cadre de lrsquoentreprise laquo si la reacutemuneacuteration la gestion des carriegraveres oules aspects juridiques doivent ecirctre geacutereacutes au niveau local les procegraves lrsquoorganisation ou le rocircledes fonctions support (comme la GRH) relegravevent drsquoune logique globale lieacutee au savoir-fairede lrsquoentreprise raquo Et Vallourec fait figure de reacutefeacuterence en matiegravere de GRHVoici quelques-uns des eacuteleacutements phares de sa politique de GRH Le thegraveme du recrutementy est central Drsquoune part parce que le deacuteveloppement de lrsquoentreprise srsquoest accompagneacute de laneacutecessiteacute de recruter des profils expeacuterimenteacutes Et drsquoautre part parce qursquoil existe une peacutenu-rie de talents dans les meacutetiers techniques Ces enjeux ont donneacute lieu agrave lrsquoeacutetablissement derelations teacutenues avec certaines grandes eacutecoles scientifiques et agrave la constitution drsquoun veacuterita-ble laquo vivier de ressources raquo composeacute de salarieacutes susceptibles de remplacer les trois centsfonctions les plus importantes du groupe Le processus de recrutement a en outre eacuteteacuteformaliseacute ce qui a conduit agrave srsquointeacuteresser agrave des individus ayant acquis une expeacuterience dansdrsquoautres industries Concernant le thegraveme de la reacutemuneacuteration Vallourec a une politiqueassez agressive puisque les salaires y sont supeacuterieurs agrave la moyenne du secteur En outrepour srsquoassurer la fideacuteliteacute des collaborateurs lrsquoentreprise consacre 60 de ses deacutepensessociales aux systegravemes compleacutementaires drsquoassurance-maladie et de retraite Elle a eacutegale-ment lanceacute un plan drsquoactionnariat qui pourrait concerner 98 des effectifs aboutissant audeacuteblocage de 750 000 actions Srsquoagissant du dialogue social thegraveme sensible dans uneentreprise coteacutee en bourse le preacutesident du directoire et le directeur de ressources humai-nes rencontrent deux fois par an en seacuteance pleacuteniegravere un comiteacute de repreacutesentants syndicauxEacutegalement pour motiver les eacutequipes sur la dureacutee la promotion des carriegraveres repose sur lamobiliteacute interne et geacuteographique Pour cela un comiteacute de carriegravere formeacute par deuxmembres de la direction et des responsables de zone ou drsquoactiviteacute se reacuteunit chaque trimes-tre pour eacutetudier le parcours des hauts potentiels Les opeacuterateurs en usine ont quant agrave euxdes entretiens de carriegravere tous les cinq ans et les cadres tous les trois ans Chaque salarieacute aainsi la possibiliteacute de se projeter au sein de lrsquoentreprise Enfin la formation est un domainecentral de la GRH de Vallourec Les 18 000 salarieacutes ont ainsi beacuteneacuteficieacute de 342 000 heuresde formation en 2007Agrave plus long terme lrsquoenjeu de Vallourec est de bacirctir une culture drsquoentreprise forte ce quinrsquoest guegravere aiseacute dans une entreprise internationale qui srsquoest construite au fil de nombreu-ses acquisitions Pour ce faire sont organiseacutes des seacuteminaires drsquointeacutegration pour les cadresqui viennent drsquoecirctre recruteacutes Est eacutegalement publieacute un magazine Vallourec Info afin drsquoinfor-mer lrsquoensemble des salarieacutes des grandes orientations du groupe Enfin un intranet a eacuteteacutedeacuteveloppeacute reacutecemment Ce systegraveme permet aux salarieacutes du monde entier drsquoeacutechanger desinformations des conseils et de partager les bonnes pratiques Cet outil baptiseacutelaquo Sharemind raquo nrsquoest pas seulement consideacutereacute comme une bibliothegraveque de savoirs maisaussi comme un acceacuteleacuterateur de performance En effet un problegraveme survenu dans une

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In fine en jouant les rocircles que nous venons de deacutecrire la GRH se positionne expli-citement comme une fonction support Il en est de mecircme pour lrsquoactiviteacute de deacutevelop-pement technologique

3 Le deacuteveloppement technologique

Les technologies contribuent agrave la conception et au deacuteveloppement de produits etde proceacutedeacutes de production drsquoorganisation de ventehellip Elles influencent la perfor-mance des fonctions principales et plus globalement la compeacutetitiviteacute de lrsquoentrepriseLrsquoactiviteacute de deacuteveloppement technologique correspond au sein des entreprises audeacutepartement recherche et deacuteveloppement (R amp D)

La gestion de la technologie est complexe Drsquoune part elle neacutecessite des investis-sements consideacuterables Ainsi seules les grandes entreprises internalisent la recher-che fondamentale (la deacutecouverte de lois scientifiques geacuteneacuterales) Elle est le plussouvent reacutealiseacutee par les laboratoires et instituts publics (CNRS Inrahellip) Et elle estsoutenue par des organismes drsquoEacutetat (Anvarhellip) Drsquoautre part ces investissementssont aleacuteatoires et rentables agrave long terme Ainsi lorsque la firme deacuteveloppe une acti-viteacute de recherche fondamentale elle peut nrsquoobtenir aucun reacutesultat les investisse-ments sont alors pure perte Ensuite ces deacutecouvertes (ou inventions) doivent fairelrsquoobjet drsquoapplications de projets de deacuteveloppements (technologie inseacutereacutee dans desproduits ou des proceacutedeacutes de productionhellip) qui seront rentables agrave terme pour lrsquoentre-prise En drsquoautres mots les inventions doivent devenir des innovations crsquoest-agrave-direprendre une forme commercialisable Et de lrsquoinvention agrave lrsquoinnovation du labora-toire au marcheacute le retour sur investissement est souvent long Pour ces raisonsbeaucoup drsquoentreprises ne deacuteveloppent qursquoune activiteacute de recherche appliqueacutee ellesutilisent les reacutesultats de la recherche fondamentale dans le cadre de projets applica-tifs speacutecifiques

La gestion de la R amp D soulegraveve donc plusieurs questions quels avantages procureagrave lrsquoentreprise lrsquointernalisation de la recherche Quelles sont les diffeacuterentes formesdrsquoinnovations possibles et comment les diffuser Ces questions sont traiteacutees dans cequi suit

filiale peut ecirctre communiqueacute aux autres ce qui limite la reproduction des erreurs et faciliteleur reacutesolution Les employeacutes semblent ainsi comprendre lrsquointeacuterecirct de lrsquointranet et lrsquoutilisenteacutegalement pour creacuteer des communauteacutes afin de discuter de projets ponctuels Actuelle-ment il existe 37 communauteacutes pour 1 650 membres avec 6 800 connexions mensuel-les Progressivement la culture drsquoentreprise prend forme

Agrave partir de laquo Vallourec reacuteinvente sa pratique sociale raquoLes Eacutechos 4 novembre 2008 et wwwvalloureccom

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

31 Lrsquointernalisation de la recherche

Lrsquointernalisation de la recherche repreacutesente un coucirct eacuteleveacute qui peut affaiblir lacompeacutetitiviteacute agrave court terme de lrsquoentreprise (parce que le retour sur investissementest long et les reacutesultats aleacuteatoires) Cependant certaines entreprises font le choixdrsquoune strateacutegie pionniegravere qui consiste agrave devancer au niveau technologique lesconcurrents Lrsquointeacuterecirct est de capter les premiers clients de creacuteer une image de pion-nier de beacuteneacuteficier de marges eacuteleveacutees (possibles par la diffeacuterenciation ou la domina-tion par les coucircts) et de dicter les regravegles du jeu concurrentiel Cette strateacutegie estreacuteellement pertinente lorsque la technologie est essentielle agrave lrsquoavantage concurren-tiel Lrsquoentreprise qui internalise la R amp D veille donc agrave proteacuteger ses innovations afinque ses concurrents ne puissent se les approprier et agrave les renouveler reacuteguliegraverement

Dans certaines conditions de marcheacute (manque de ressources financiegraveres faiblecontribution de la technologie agrave lrsquoavantage concurrentiel strateacutegie de suiveur tech-nologie tregraves complexehellip) il peut ecirctre plus inteacuteressant drsquoacqueacuterir la technologie oudrsquoen partager le deacuteveloppement (alliance) En effet il est possible drsquoexploiter unetechnologie deacuteveloppeacutee par drsquoautres Lrsquoacquisition se fait alors par le moyen delicence Par ce principe lrsquoentreprise qui est proprieacutetaire drsquoun brevet et dispose drsquounmonopole drsquoexploitation peut conceacuteder agrave une ou plusieurs firmes le droit delrsquoexploiter Lrsquoentreprise peut aussi acqueacuterir un brevet voire acheter des entreprisesinnovantes Cette option srsquoavegravere moins coucircteuse et limite les risques de deacuteveloppe-ment en interne de la R amp D Mais alors la firme est souvent deacutependante et joue lerocircle de suiveur Une alternative consiste agrave srsquoallier avec une ou plusieurs entreprisespour deacutevelopper en commun une technologie Ces alliances technologiques permet-tent de partager les coucircts de la recherche et drsquoen limiter les risques

Lrsquoarbitrage entre deacuteveloppement interne acquisition ou alliance en matiegravere tech-nologique est donc fonction de nombreux facteurs La strateacutegie R amp D aboutit agravediffeacuterents types drsquoinnovations dont il convient drsquoassurer la diffusion en vue de renta-biliser les investissements consentis

32 Les formes drsquoinnovation et leur diffusion

Les innovations srsquoanalysent principalement selon deux axes leur nature et leurimpact

Srsquoagissant de leur nature les innovations peuvent porter sur les produits les servi-ces et les proceacutedeacutes (de production drsquoorganisation de distributionhellip) Lrsquoinnovationde produit consiste agrave modifier ou eacutetendre les attributs et les fonctionnaliteacutes drsquounproduit pour en ameacuteliorer lrsquousage par les clients Lrsquoexemple des teacuteleacutephones portablesest reacuteveacutelateur Alors que leur fonction de deacutepart eacutetait simplement de teacuteleacutephoner leursattributs se sont deacuteveloppeacutes permettant aux clients drsquoeacutecouter de la musique deconsulter Internet de prendre des photos drsquoenregistrer des videacuteos de regarder lateacuteleacutevisionhellip Lrsquoinnovation de service se reacutefegravere agrave une modification des modaliteacutes de

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production et de deacutelivrance de prestations immateacuterielles (comme le conseil) etoudrsquooffres combinant produits et services (comme le tourisme) Ainsi le self-scanningconstitue une innovation de services en ce sens que les clients des supermarcheacutes ethypermarcheacutes peuvent deacutesormais scanner eux-mecircmes leurs achats et payer agrave uneborne avec une intervention limiteacutee du personnel Enfin lrsquoinnovation de proceacutedeacutesconsiste agrave adopter de nouvelles meacutethodes de conception de production et de distri-bution de lrsquooffre ou agrave ameacuteliorer les meacutethodes existantes Ainsi lrsquoarriveacutee des techno-logies de lrsquoInternet a consideacuterablement modifieacute les proceacutedeacutes de vente desentreprises Amazon a ainsi eacuteteacute un preacutecurseur en matiegravere de vente par Internet

Ensuite lrsquoinnovation srsquoanalyse selon son impact On identifie ainsi les innovationsincreacutementales et radicales Les innovations increacutementales consistent en unelaquo simple raquo ameacutelioration du produit du service etou du proceacutedeacute existant et ont deseffets limiteacutes sur lrsquoentreprise et le marcheacute Chaque nouvelle version du systegravemedrsquoexploitation Windows (XP Vistahellip) constitue une innovation increacutementale en cesens qursquoelle ne srsquoeacuteloigne que partiellement de la version preacuteceacutedente Les innovationsradicales (ou de rupture) se caracteacuterisent par lrsquoemploi de proceacutedeacutes de conception deproduction etou de distribution totalement ineacutedits et deacutebouchant sur des offresparfaitement originales pour les clients potentiels

Repegraveres La Prius de Toyota une innovationradicale

Avec la Prius Toyota est la premiegravere entreprise agrave avoir deacuteveloppeacute une voiture agrave motorisa-tion hybride produit en seacuterie et commercialiseacute degraves 1997 un veacutehicule totalement eacutecologi-que Ce veacutehicule preacutesente la caracteacuteristique majeure de consommer jusqursquoagrave 40 drsquoessence en moins (par rapport agrave un veacutehicule de mecircme gabarit) et de rejeter moins de CO2(104 gkm) Drsquoabord lanceacutee au Japon en 1997 la Prius est vendue aux Eacutetats-Unis et enEurope agrave partir de 2000 Si les ventes de cette version sont resteacutees modestes les premiegraveresanneacutees elles se sont progressivement deacuteveloppeacutees notamment avec lrsquoarriveacutee de ladeuxiegraveme geacuteneacuteration de la PriusLa Prius de deuxiegraveme geacuteneacuteration est apparue fin 2003 aux Eacutetats-Unis et au Japon Elle faitson entreacutee sur le marcheacute europeacuteen agrave partir de lrsquoanneacutee 2004 Elle est aujourdrsquohui disponibledans le monde entier La nouvelle version plus performante avec une ligne plus seacutedui-sante des dimensions plus geacuteneacutereuses et un tarif moins prohibitif a connu un reacuteel succegravesEacutelue voiture de lrsquoanneacutee par un jury de 58 journalistes europeacuteens loin devant la Citroeumln C4et la Ford Focus la Prius II est sans nul doute la voiture qui offre le plus drsquoinnovations tech-niques et surtout repose sur une technologie reacutesolument tourneacutee vers lrsquoavenir La Prius IIdispose ainsi drsquoun nouveau systegraveme hybride deacuteveloppeacute selon le concept reacutevolutionnairebaptiseacute Hybrid Synergie Drive Alors que les hybrides de geacuteneacuteration actuelle laissent aumoteur agrave essence le soin drsquoassurer les performances essentielles ndash le moteur eacutelectriqueservant drsquoauxiliaire ndash dans un systegraveme Hybrid Synergie Drive le moteur eacutelectriqueacquiert un rocircle beaucoup plus important eacutegalement axeacute sur les performances Ainsidans les phases ougrave le moteur thermique se reacutevegravele insuffisamment eacuteconomique le veacutehiculetire uniquement sa puissance du moteur eacutelectrique En conditions normales le moteur agrave

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Ensuite quels que soient sa nature et son impact lrsquoinnovation doit ecirctre diffuseacuteeafin que ses destinataires lrsquoadoptent Cela consiste donc en la confrontation delrsquoinnovation au marcheacute La diffusion des innovations srsquoeffectue selon deux logiquesprincipales la premiegravere met lrsquoaccent sur le rocircle des caracteacuteristiques intrinsegraveques delrsquoinnovation tandis que la seconde reacutevegravele lrsquoinfluence joueacutee en amont du processuspar les acteurs du reacuteseau socio-eacuteconomique

Selon la premiegravere approche les qualiteacutes de lrsquoinnovation deacuteterminent sa propaga-tion sur le marcheacute Selon Rogers (1962) ces qualiteacutes sont au nombre de cinq Toutdrsquoabord lrsquoinnovation doit preacutesenter un avantage relatif par rapport au produit ou latechnologie qursquoelle remplace Cet avantage peut notamment se mateacuterialiser par uneameacutelioration des fonctionnaliteacutes un gain eacuteconomiquehellip Le second critegravere concernela compatibiliteacute Lrsquoinnovation doit en effet ecirctre coheacuterente avec les valeurs les atten-tes et les expeacuteriences du consommateur Plus cette compatibiliteacute est grande pluslrsquoinnovation est perccedilue comme leacutegitime Ensuite la complexiteacute renvoie au degreacute dedifficulteacute de compreacutehension et drsquoutilisation drsquoune innovation Toutefois si lrsquoexcegraves decomplexiteacute tend agrave engendrer le rejet des clients lrsquoinsuffisance de complexiteacute limitelrsquoattrait pour lrsquoinnovation Le quatriegraveme critegravere concerne lrsquoessayabiliteacute Plus lrsquoinno-vation sera facile agrave expeacuterimenter plus elle se diffusera aiseacutement Enfin lrsquoobservabi-liteacute traduit la visibiliteacute des reacutesultats de lrsquoinnovation Plus les consommateurs peuvent

essence et le moteur eacutelectrique entraicircnent tous les deux les roues Pour cela le systegravemeseacutelectionne une plage de fonctionnement efficace pour que le moteur thermique puisseentraicircner les roues et controcircle en continu la reacutepartition et la distribution de la puissanceLrsquoameacutelioration du rendement du moteur eacutelectrique a ainsi permis drsquoeacutelargir sa plage defonctionnement si bien que le moteur eacutelectrique peut ecirctre complegravetement coupeacute lorsqursquoilsrsquoavegravere moins rentableLrsquoanneacutee 2007 marque le dixiegraveme anniversaire du lancement de la premiegravere voiture hybridede seacuterie ainsi que le leadership de Toyota sur le marcheacute des voitures eacutecologiques Apregravesavoir vendu plus drsquoun million de veacutehicules hybrides dans le monde dont plus de 100 000en Europe Toyota vise agrave preacutesent des ventes annuelles drsquoun million degraves 2010 dans le mondePour atteindre de tels objectifs Toyota propose aujourdrsquohui via sa marque de luxe Lexusdiffeacuterentes voitures hybrides du grand 4x4 routier (le R400 et le Highlander) agrave la limou-sine de grand luxe et enrichit la gamme de marque Toyota (notamment avec la Camrylanceacutee en 2006) Drsquoici 2010 lrsquoambition du groupe est drsquoeacutequiper une quinzaine de modegravelesdrsquoune motorisation hybride Toyota est eacutegalement preacutesent sur le marcheacute des poids lourds elle commercialise depuis 2003 au Japon une version hybride drsquoun modegravele de petit camionLa Prius de Toyota constitue une veacuteritable innovation radicale elle se caracteacuterise parlrsquoemploi drsquoune technologie inconnue jusqursquoalors (la motorisation hybride) deacutebouche surune offre ineacutedite (le premier veacutehicule eacutecologique) et est aussi agrave lrsquoorigine de la creacuteation drsquounsegment de produit nouveau dans le secteur

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produitet strateacutegie de premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance

avec la Prius raquo Atelier de cas peacutedagogique Cas en management strateacutegiqueCNAM Paris mars 2008

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percevoir les performances de lrsquoinnovation plus celle-ci pourra seacuteduire Ainsi lors-que lrsquoinnovation se conforme agrave ces critegraveres les chances de srsquoimposer face aux eacuteven-tuels projets concurrents augmentent

La seconde approche deacuteveloppeacutee par Akrich Callon et Latour (1988) pose quelrsquoadoption drsquoune innovation deacutepend en fait du soutien que lui apportent les acteursdu reacuteseau socio-eacuteconomique (fabricants de produits lieacutes fournisseurs distributeursprescripteurs acheteurs potentiels experts communauteacutes scientifiques organismesde financementhellip) En effet la diffusion de lrsquoinnovation provient des confrontationscompromis neacutegociations et conflits entre diffeacuterents acteurs concerneacutes par lrsquoinnova-tion Crsquoest ainsi qursquoune innovation se trouve confronteacutee tregraves tocirct agrave un ensembledrsquoallieacutes (ceux qui ont inteacuterecirct agrave sa diffusion) mais eacutegalement drsquoennemis (ceux pourqui la diffusion drsquoune innovation constitue une menace) Elle sera donc une reacuteussitelorsqursquoelle inteacuteressera un nombre drsquoacteurs eacuteleveacutes et aura reacutesisteacute aux critiques desopposants A contrario elle eacutechouera lorsque le reacuteseau des opposants aura eacuteteacute plusconvaincant que celui des deacutefenseurs En conseacutequence il srsquoagira pour le responsabledu projet de tisser des liens avec les acteurs susceptibles drsquoecirctre concerneacutes par lrsquoinno-vation (fournisseurs concurrents fabricants de produits compleacutementaires organis-mes clients experts prescripteurshellip) Ces derniers en fonction de leurs inteacuterecirctsrespectifs vont infleacutechir lrsquoinnovation en cours et geacuteneacuterer des adaptations Lrsquoentre-prise peut parfois mecircme modifier ses choix initiaux En fin de course lrsquoinnovationde lrsquoentreprise sera ajusteacutee aux contraintes et enjeux des acteurs du reacuteseau Lrsquoinnova-tion va donc prendre sa forme deacutefinitive au fil des interactions sociales entre acteursDegraves lors elle pourra leur servir dans le cadre de projets et drsquoopportuniteacutes qui leursont propres Et pour cette raison ils lui fourniront le soutien neacutecessaire agrave sa diffu-sion Ils en sont devenus les sponsors La diffusion drsquoun standard technologique(norme de compatibiliteacute entre des produits compleacutementaires) illustre le rocircle desallieacutes Ainsi dans le secteur de la photographie le standard APS est le reacutesultat drsquounaccord entre drsquoune part les geacuteants de la pellicule photographique (Kodak et Fuji) etdrsquoautre part les fabricants drsquoappareils photographiques (Canon Nikon et Minolta)Cette entente annonceacutee avant le lancement des produits a permis (voire contraint) laconstitution drsquoun reacuteseau drsquoallieacutes (les distributeurs les prescripteurshellip) qui ont ainsiassureacute la diffusion du standard

In fine lrsquoeacutetude des missions de la R amp D a permis de reacuteveacuteler lrsquointeacuterecirct de lrsquointerna-lisation des activiteacutes de recherche les types drsquoinnovation et les modaliteacutes de la diffu-sion Son rocircle de soutien au marketing (nouveau produit) agrave la production (proceacutedeacuteplus performant)hellip est donc fondamental Poursuivons notre analyse des fonctionsde soutien avec lrsquoapprovisionnement

4 Les approvisionnements

Les approvisionnements concernent les processus drsquoacquisition des ressourcesneacutecessaires au fonctionnement des activiteacutes principales (achat de matiegraveres premiegrave-

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res drsquoeacutequipements de production de prestations de conseil et de formationhellip) Ilsont une influence directe sur la compeacutetitiviteacute de lrsquoentreprise En effet la politiquedrsquoapprovisionnement doit assurer la fourniture en qualiteacute et en quantiteacute optimales etau moindre coucirct des matiegraveres mateacuteriaux et services dont lrsquoentreprise a besoin Souslrsquoeffet de lrsquoexternalisation massive de nombreuses activiteacutes les achats ont progressi-vement acquis une dimension strateacutegique

Face agrave de tels enjeux la politique drsquoapprovisionnement srsquoanalyse en deux eacutetapesLa premiegravere srsquointeacuteresse aux types drsquoachat tandis que la seconde porte sur la seacutelectiondes fournisseurs et la deacutefinition drsquoun horizon de coopeacuteration

41 La typologie des achats

On ne bacirctit pas une politique drsquoachat identique pour lrsquoensemble des achats Il esten effet classique de distinguer les achats routiniers (dont lrsquoentreprise a besoin defaccedilon reacuteguliegravere) des achats exceptionnels de mecircme qursquoon eacutetablit une diffeacuterence entreles achats agrave forte valeur ajouteacutee (qui deacutetermine la creacuteation de valeur pour le clientetou influence la rentabiliteacute de lrsquoentreprise) et ceux agrave faible valeur ajouteacutee

Les achats routiniers et exceptionnels agrave faible valeur ajouteacutee (par exemple lapapeterie pour une PME speacutecialiseacutee dans le bacirctiment) ne neacutecessitent pas une politi-que drsquoapprovisionnement tregraves eacutelaboreacutee car le risque sur lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise estmoindre Les achats routiniers agrave plus forte valeur ajouteacutee (comme les matiegraverespremiegraveres comme le plastique pour un fabricant de jouet) doivent faire lrsquoobjet drsquouneattention particuliegravere En effet lrsquoentreprise doit seacutecuriser ses approvisionnementspour eacuteviter toute rupture de sa production Elle doit eacutegalement veiller agrave la qualiteacute desmatiegraveres livreacutees car elle peut influencer la qualiteacute de son propre produit Les achatsexceptionnels agrave plus forte valeur ajouteacutee (comme lrsquoeacutequipement de production pourun industriel) doivent eacutegalement faire lrsquoobjet drsquoun processus rigoureux car le coucirct delrsquoachat et son impact sur lrsquoactiviteacute le justifient Cette typologie est eacutevidemmentvariable drsquoune entreprise agrave une autre Une PME et une grande entreprise ne situentpas au mecircme niveau tant le caractegravere reacutepeacutetitif drsquoun achat que sa valeur ajouteacutee Il estalors de la responsabiliteacute de lrsquoentreprise de deacutefinir les seuils agrave partir desquels srsquoopegraverela classification Celle-ci permettra alors de bacirctir une politique drsquoachat adapteacutee et unmode relationnel avec les fournisseurs

42 La seacutelection des fournisseurs lrsquohorizon de coopeacuteration

Pendant longtemps les politiques drsquoapprovisionnement privileacutegiaient le prix Lesfournisseurs les moins-disants eacutetaient preacutefeacutereacutes De telles politiques consistaient agravemettre constamment en concurrence un grand nombre de fournisseurs et ce quel quesoit le type drsquoachat Avec lrsquoeacutevolution des meacutethodes de production et de logistique(notamment le JIT) les meacutethodes drsquoapprovisionnement se modifient elles devien-nent moins axeacutees sur le prix et le court terme Crsquoest particuliegraverement le cas pour les

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achats routiniers agrave forte valeur ajouteacutee Lrsquoideacutee est que les relations de long termeentre entreprises favorisent les gains mutuels Les entreprises nouent alors avec unnombre limiteacute de fournisseurs des relations durables Ces derniers disposent de cefait drsquoune plus grande visibiliteacute sur leur carnet de commandes et peuvent optimiserleur fonctionnement (en logistique production et approvisionnement) Les clientspeuvent fiabiliser et fideacuteliser leurs prestataires et beacuteneacuteficier de leurs ameacuteliorations entermes de coucircts drsquoinnovationhellip Cependant les relations partenariales entre entre-prises ne signifient pas lrsquoabsence de mise en concurrence et de controcircle

Repegraveres Lrsquoapprovisionnement drsquoIkeacutea

Reacuteputeacute pour ses meubles au design original fonctionnels faciles agrave monter immeacutediate-ment disponibles et peu chers le groupe sueacutedois Ikeacutea a notamment fondeacute son succegraves surune politique drsquoapprovisionnement global Afin de garantir des prix bas agrave ses clients Ikeacuteasrsquoest organiseacute de maniegravere agrave pouvoir acheter au meilleur prix Lrsquoentreprise dispose ainsi detrente bureaux drsquoachats reacutepartis sur le territoire mondial Leurs missions sont de trouverdes fournisseurs potentiels et de seacutelectionner ceux qui satisfont le plus aux critegraveres de coucirctet de faciliteacute de fabrication Ikeacutea gegravere ainsi pregraves de 1 800 fournisseurs dans 45 pays Etmalgreacute des proceacutedures de reacutefeacuterencement rigoureuses les fournisseurs se sont toujoursmontreacutes inteacuteresseacutes En effet en devenant fournisseur Ikeacutea ils avaient accegraves agrave un marcheacuteglobal et pouvaient beacuteneacuteficier des conseils et de lrsquoexpertise drsquoIkeacutea pour hisser leur produc-tion au niveau des standards internationauxDurant les anneacutees quatre-vingt-dix Ikeacutea soucieuse de son image drsquoentreprise responsablea peu agrave peu inteacutegreacute les dimensions environnementales agrave son management opeacuterationnelEn effet la principale matiegravere premiegravere eacutetant le bois Ikeacutea devait srsquoassurer que ses meublesnrsquoeacutetaient pas fabriqueacutes agrave partir de bois provenant drsquoune deacuteforestation par exemple Celapouvait alors nuire agrave son image de marque Ikeacutea devait donc parvenir agrave controcircler sa chaicircnede fournisseurs et srsquoassurer que les produits eacutetaient fabriqueacutes de maniegravere responsableCela srsquoest traduit par lrsquoeacutelaboration drsquoun code de conduite en matiegravere drsquoachat de produitspour lrsquoameacutenagement de la maisonLe code de conduite Ikeacutea se compose drsquoun ensemble de regravegles aux niveaux social et envi-ronnemental Au niveau social les fournisseurs sont tenus de respecter les lois et reacutegle-mentations nationales ainsi que les conventions internationales en matiegravere de conditionsde travail et de travail des enfants Plus speacutecifiquement les fournisseurs sont inciteacutes agraverespecter les Droits de lrsquohomme et agrave traiter leurs employeacutes eacutequitablement et avec respectCela se concreacutetise par certaines obligations comme de fournir un environnement de travailsain et sucircr de payer le salaire minimum leacutegal et drsquoindemniser les heures suppleacutementairesde ne pas faire appel au travail des enfants ou de ne pas recourir au travail forceacute ou agravelrsquoesclavage Sur le plan environnemental Ikeacutea srsquoefforce de reacuteduire au maximum tout effetneacutefaste sur lrsquoenvironnement qui puisse reacutesulter de ses activiteacutes et incite ses fournisseurs agraveen faire de mecircme Leurs obligations portent sur la reacuteduction des deacutechets et des eacutemissionsdans lrsquoair le sol et lrsquoeau la contribution au recyclage et la reacuteutilisation des mateacuteriaux etproduits usageacutes Ils doivent eacutegalement utiliser du bois provenant de zones identifieacutees etdans la mesure du possible de zones forestiegraveres bien geacutereacutees et de preacutefeacuterence certifieacuteescomme telles par un organisme indeacutependant

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Lrsquoeacutevolution des politiques drsquoapprovisionnement ne doit pas faire perdre de vue ladifficulteacute drsquoidentifier de nouveaux fournisseurs et la neacutecessiteacute de les eacutevaluer Eneffet la reacuteduction du nombre de fournisseurs induite par les relations durablesaugmente la vulneacuterabiliteacute La recherche de fournisseurs est alors une maniegravere de sepreacutemunir de la deacutefaillance des prestataires actuels et de faire peser sur eux unemenace La seacutelection drsquoun prestataire est un exercice difficile Son eacutevaluation peut sefaire sur des critegraveres classiques (reacutefeacuterences qualiteacute services fiabiliteacute prix capaciteacutedrsquoinnovation connaissances du secteur maicirctrise des problegravemes du client soliditeacutefinanciegravere deacutelaishellip) mais ce dernier peut toujours faire miroiter des compeacutetencesqursquoil ne maicirctrise pas prendre des engagements qursquoil est incapable de tenir et mettreson client en difficulteacute

Pour beacuteneacuteficier des avantages de la coopeacuteration tout en maintenant une certaineconcurrence certaines entreprises partagent ainsi leur volume entre plusieurs entre-prises On distingue geacuteneacuteralement un fournisseur principal qui beacuteneacuteficie de lrsquoessen-tiel du volume du client et des fournisseurs secondaires Le fournisseur principal estdonc motiveacute agrave maintenir sa position tandis que les fournisseurs secondaires tententde srsquoaccaparer une fraction plus importante du volume Dans certains cas il estpossible de reacutefeacuterencer des fournisseurs potentiels qui pourront ecirctre activeacutes en cas dedeacutefaillance des prestataires Lrsquoentreprise parvient ainsi agrave concilier les avantages de lacoopeacuteration et les beacuteneacutefices de la concurrence entre fournisseurs

Aux fonctions de soutien preacuteceacutedemment eacutetudieacutees nous ajoutons le deacuteveloppementdurable (DD) En effet sous lrsquoeffet de nombreuses eacutevolutions (loi NRE criseseacutecologiques scandales financiershellip) les questions de responsabiliteacute des entreprisessont devenues cruciales Et de nombreuses entreprises ont ajouteacute le DD agrave leurs acti-viteacutes traditionnelles ndash ou lrsquoont inteacutegreacute agrave celles-ci ndash allant parfois jusqursquoagrave creacuteer unservice du deacuteveloppement durable

5 Le deacuteveloppement durable

En 1987 la commission de lrsquoONU preacutesideacutee par Gro Harlem Brundtland deacutefinit lanotion de deacuteveloppement durable (DD) comme un laquo mode de deacuteveloppement quireacutepond aux besoins du preacutesent sans compromettre la capaciteacute des geacuteneacuterations futuresde reacutepondre aux leurs raquo Depuis lors les preacuteoccupations de la socieacuteteacute dans son

Ikeacutea cherche agrave diffuser cette politique sur lrsquoensemble de la filiegravere Lrsquoentreprise indique eneffet agrave ses fournisseurs qursquoils doivent communiquer le contenu de laquo la politique de Ikeacutea enmatiegravere drsquoachats de produits pour lrsquoameacutenagement de la maison raquo agrave leurs propres fournis-seurs Mais le code de conduite Ikeacutea nrsquoest pas qursquoune liste de regravegles sans controcircle Lesbureaux drsquoachats drsquoIkeacutea ont la responsabiliteacute directe drsquoapporter leur soutien aux fournis-seurs et de les controcircler afin drsquoassurer le suivi de ce qui est fait au niveau global

Agrave partir de wwwikeacom

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ensemble agrave lrsquoeacutegard des questions de responsabiliteacutes sociales socieacutetales et environne-mentales nrsquoont cesseacute de srsquointensifier ndash de nombreux eacutevegravenements ponctuent lrsquohistoiredu DD (sommet de Rio en 1992 sommet de Johannesbourg en 2002hellip) Et si lesenjeux du DD concernent tous les acteurs de la socieacuteteacute du cocircteacute des entreprises ilconvient drsquoobserver une inteacutegration progressive des questions de durabiliteacute dans leurmanagement se traduisant par lrsquoadoption de politique de RSE (responsabiliteacute socialedes entreprises) Nous analysons successivement les principaux facteurs qui en sontagrave lrsquoorigine comme les modaliteacutes de ces engagements

51 Les facteurs explicatifs de la RSE le rocircle des parties prenantes (PP)

Depuis plusieurs anneacutees maintenant il convient drsquoobserver un changement desregravegles dans la conduite des affaires Celui-ci srsquoexplique notamment par les effetsconjoints de crises eacutecologiques (Erika Exxon Valdeshellip) et socio-eacuteconomiques(Enron Parmalathellip) de menaces environnementales (pluies acides deacuteforestationeffet de serrehellip) et du pouvoir de pression grandissant des parties prenantes Eneffet la responsabiliteacute de certaines firmes dans ces crises eacutetant aveacutereacutee elles ont faitlrsquoobjet de nombreuses critiques dont les meacutedias les associations de citoyens lesONG (comme Greenpeace)hellip se sont faits les relais Il srsquoen est suivi des mouve-ments drsquoopinion des contre-compagnes publicitaires des appels au boycotthellip auxconseacutequences reacuteelles sur la performance de ces firmes Nike a ainsi fait lrsquoobjetentre 1997 et 2000 de contre-campagnes de publiciteacute sur les pratiques socialesdouteuses de ses sous-traitants dont la conseacutequence fucirct une chute de son titre de76 dollars agrave moins de 28 dollars Selon Freeman (1984) un preacutecurseur de la RSE cetype de mouvements traduit un affaiblissement de lrsquoapproche de la shareholdervalue accordant aux actionnaires un rocircle preacutepondeacuterant dans la deacutefinition des orien-tations strateacutegiques et une accentuation de lrsquoapproche de la stakeholder value pourlaquelle la diversiteacute ainsi que lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des requecirctes des diffeacuterentes partiesprenantes conduisent agrave reconsideacuterer la place et le rocircle de la firme dans la socieacuteteacute eta fortiori son management strateacutegique

Constitue selon Freeman (1984) une PP laquo tout groupe ou individu qui peut affec-ter ou qui peut ecirctre affecteacute par la reacutealisation des objectifs de lrsquoentreprise raquo Finale-ment tout individu ou groupe ayant un inteacuterecirct dans et pour lrsquoorganisation doit ecirctreconsideacutereacute comme une PP Le tableau suivant propose une synthegravese des principalesPP et de leur(s) inteacuterecirct(s) respectif(s)

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Tableau 14 mdash Les PP et leurs inteacuterecircts respectifs

Source adapteacute du guide SD 21000 de lrsquoAfnor 2003

Parties prenantes

InteacuterecirctsEacuteconomique Social Environnemental

Actionnaires et proprieacutetaires

Reacutesultats financiers Eacutethique maicirctrise des risques anticipation et transparence

Maicirctrise des risques lieacutes agrave lrsquoimage anticipation et gestion de crise

Pouvoirs publics Contribution agrave la richesse nationale et locale

Respect de la reacuteglementation en matiegravere de droit du travail

Respect de la reacuteglementation

Banques Peacuterenniteacute eacuteconomique Anticipation sur les besoins de reclassement afin drsquoen limiter les coucircts

Maicirctrise des risques environnementaux et de leurs impacts financiers

Employeacutes Eacutequiteacute sociale reacutemuneacuteration

Motivation consultation interne formation professionnelle deacuteveloppement employabiliteacute

Respect de lrsquoenvironnement local

Clients Politiques tarifaires qualiteacute des produits

Eacutethique commerce eacutequitable

Consommation de ressources

Fournisseurs Relations de partenariat agrave long terme

Formalisation des exigences eacutethiques et deacuteontologiques

Formalisation des speacutecifications techniques

Sous-traitants Reacutemuneacuteration eacutequitable information des perspectives de deacuteveloppement et peacuterenniteacute de la collaboration

Formalisation des exigences en matiegravere de conditions de production et des modes de controcircle et drsquoaudit

Deacutefinition claire des exigences environnementales sur les produits et les processus

Consommateurs Juste prix Respect du droit social Respect de lrsquoenvironnement et information

Concurrents Comparaison de pratiques

Respect du droit de la concurrence eacutethique absence de dumping social

Respect des regravegles de protection

Communauteacutes locales et territoriales

Peacuterenniteacute de lrsquoentreprise Prise en compte des attentes locales participation agrave la vie locale acteur du bassin drsquoemploi

Information et transparence reacuteduction des nuisances

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Repegraveres Les reacuteactions des parties prenanteslors de la privatisation de GDF

GDF Gaz de France est une entreprise publique speacutecialiseacutee dans la distribution de gaznaturel aux particuliers aux collectiviteacutes territoriales et aux industriels GDF a des activiteacutesdans plus de trente pays et emploie 50 244 collaborateurs Disposant jusque reacutecemmentdrsquoun monopole dans lrsquoindustrie du gaz naturel lrsquoentreprise a ducirc srsquoadapter En effet unedirective de la Commission europeacuteenne en 1996 preacutevoyait de promouvoir la concurrenceau sein du secteur de lrsquoeacutenergie et la transposition de cette directive dans la leacutegislationnationale srsquoest traduite par une privatisation du groupe Lrsquoannonce de cette nouvelle auxparties prenantes de lrsquoentreprise nrsquoa pas eacuteteacute favorablement accueillie Malgreacute de nombreu-ses protestations la directive de Bruxelles a eacuteteacute adopteacutee et en 2004 tous les clients indus-triels et les collectiviteacutes territoriales pouvaient choisir librement leur fournisseur de gaznaturel et cela a eacuteteacute eacutetendu aux clients particuliers le 1er juillet 2007 Depuis lors GDF estconfronteacutee agrave lrsquoouverture totale de son marcheacute donc agrave une concurrence europeacuteenne vive etdynamique

Les reacuteactions des parties prenantes agrave lrsquoannonce de la privatisationLrsquoEacutetat initialement lrsquoEacutetat franccedilais nrsquoeacutetait pas favorable agrave la transposition de la directivebruxelloise au droit franccedilais Mais les pressions en provenance de Bruxelles et de certainsEacutetats membres lrsquoont contraint agrave revoir ses positions et srsquoouvrir aux neacutegociationsLes salarieacutes avant que les neacutegociations sur la privatisation ne commencent nombre desalarieacutes avaient montreacute leur indignation en manifestant devant le siegravege parisien du Partisocialiste dans le cadre drsquoune journeacutee nationale drsquoaction pour la deacutefense du service publicCette journeacutee avait eacuteteacute marqueacutee par des arrecircts de travail des baisses de charge et descoupures drsquoeacutelectriciteacuteLa chaicircne gaziegravere la libeacuteralisation du marcheacute a signifieacute la seacuteparation des meacutetiers degestionnaires de reacuteseaux et ceux de distributeurs GDF a ainsi creacuteeacute deux entiteacutes distinctes une pour la commercialisation du gaz et une autre chargeacutee de la gestion des reacuteseauxLes entiteacutes de reacutegulation pour assurer le bon fonctionnement de la nouvelle organisationde la chaicircne gaziegravere et veiller au respect de la concurrence dans le secteur la CRE Commis-sion de reacutegulation de lrsquoeacutenergie a eacuteteacute deacutesigneacutee comme autoriteacute de reacutegulation du secteurLes clients mecircme si la concurrence devait avoir des effets positifs ndash pour les deacutefenseurs delrsquoouverture du marcheacute eacutenergeacutetique cela se traduirait par des offres plus attractives pourclients ndash les associations de consommateurs ont craint le contraire Ils pensaient que lesprix augmenteraient et que la qualiteacute de services allait se deacutegrader Lrsquoentreprise pour nepas perdre ses clients au 1er juillet de 2007 avait notamment annonceacute que les clients quiquittaient GDF ne pourraient plus beacuteneacuteficier des tarifs neacutegocieacutes par lrsquoEacutetatLes associations de protection de lrsquoenvironnement ces derniegraveres comme Greenpeace crai-gnaient que la privatisation ne se traduise par une baisse de la protection environnemen-tale Une nouvelle manifestation contre la privatisation fut organiseacutee le 10 mai 2007 parles salarieacutes quelques militants politiques et une partie de lrsquoopinion publique

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La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise

Cependant srsquoil existe de nombreuses PP et de multiples attentes toutes les PPnrsquoexercent pas des pressions de mecircme importance Mitchell et al (1997) proposentainsi une typologie des PP en fonction du nombre drsquoattributs qursquoelles possegravedent(tableau 15) Ce sont le pouvoir la leacutegitimiteacute et lrsquourgence

Les actionnaires pour GDF entreprise publique depuis 1946 lrsquoouverture du marcheacute srsquoestconcreacutetiseacutee par le passage en socieacuteteacute anonyme en 2004 LrsquoEacutetat eacutetait pourtant encorelrsquoactionnaire majoritaire En termes financiers cette ouverture du capital a eacuteteacute un succegravespuisque plus de 3 millions de particuliers et plus de 70 000 salarieacutes actifs et retraiteacutes sontdevenus actionnaires de GDF Ces mecircmes salarieacutes actionnaires proposaient qursquoen 2007 lesdividendes de cette anneacutee ne deacutepassent pas ceux de lrsquoanneacutee preacuteceacutedente afin que lrsquoentre-prise puisse investir plus Si cette initiative nrsquoa pas eacuteteacute suivie par tous elle deacutemontre lrsquoimpli-cation des nouveaux actionnaires dans lrsquoavenir du groupeLes collectiviteacutes territoriales avec la privatisation les collectiviteacutes territoriales sont deve-nues proprieacutetaires du reacuteseau de distribution du gaz et avaient le pouvoir de conceacuteder ounon lrsquoexploitation des reacuteseaux agrave GDF ou agrave drsquoautres entreprises Cette fragmentation dureacuteseau serait alors selon ses deacutetracteurs responsable de la deacutegradation de la qualiteacute deservice et de la seacutecuriteacute des approvisionnements Les deacutefenseurs de cette ideacutee ont pu fairevaloir leurs arguments lorsqursquoen aoucirct 2005 le prix du peacutetrole a augmenteacute tregraves rapidementEn effet afin de maintenir leur rentabiliteacute les producteurs de gaz ont proceacutedeacute agrave desaugmentations de prix et par conseacutequent GDF a eacuteteacute contraint de demander agrave lrsquoEacutetat uneautorisation drsquoaugmentation de 12 de ses tarifs degraves 2005 Apregraves neacutegociation GDF a eacuteteacuteautoriseacutee agrave augmenter ses tarifs de 12 agrave partir du 1er novembre 2005 Mais pour atteacute-nuer cet impact lrsquoentreprise a ducirc accorder agrave ses clients une remise commerciale de 44 du montant de lrsquoabonnement pendant les cinq mois drsquohiver Cet eacutepisode a marqueacute lrsquoimpor-tance de lrsquointervention de lrsquoEacutetatLes concurrents face aux contestations lieacutees agrave la privatisation GDF a essayeacute de maintenirune offre de qualiteacute et des prix concurrentiels Cependant lrsquoisolement de lrsquoentreprise fran-ccedilaise vis-agrave-vis des autres concurrents eacutetait perccedilu comme une menace pour GDF Pourcontrer cela lrsquoentreprise a chercheacute un allieacute comme Suez Drsquoautres ideacutees ont eacuteteacute eacutevoqueacuteescomme un rapprochement avec EDF Drsquoautres pistes sont envisageacutees comme la creacuteationdrsquoun pole public de lrsquoeacutenergie ou un rapprochement avec un gros producteur de gaz euro-peacuteen ou avec un eacutenergeacuteticien europeacuteen (le distributeur espagnol Gas Natural)

Agrave partir de MARAIS M et REYNAUD E laquo GDF quand le secteur gazier se diviseles acteurs srsquoorganisent raquo in JOFFRE O PLE L et SIMON E

Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacuteditions EMS 2007

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Tableau 15 mdash Les types des PP selon leurs attributs

Selon Mitchell et al (1997) le pouvoir traduit la capaciteacute drsquoinfluence du processusdeacutecisionnel il est donc fonction des ressources qursquoune PP procure agrave lrsquoentreprise Laleacutegitimiteacute est reconnue aux acteurs qui sont accepteacutes dans la socieacuteteacute Le contrat ledroit moral et le risque geacuteneacutereacute par les entreprises sont les fondements de cette leacutegiti-miteacute Enfin lrsquourgence deacutesigne lrsquoimmeacutediateteacute drsquoattention requise par les PP Lecaractegravere temporel des droits que les PP peuvent exercer sur lrsquoentreprise deacutefinit ledeacutelai de reacuteaction de cette derniegravere Le nombre drsquoattributs deacutetenus permet alorsdrsquoidentifier trois types de PP Les stakeholders latents ne deacutetiennent qursquoun seul attri-but Ce sont ceux qui srsquointeacuteressent le moins agrave lrsquoorganisation et auxquels les diri-geants accordent peu drsquoimportance Les stakeholders vigilants possegravedent deuxattributs et ont une influence modeacutereacutee sur la gouvernance de lrsquoorganisation Lesstakeholders deacutefinitifs possegravedent les trois attributs et sont les plus impliqueacutes dans lefonctionnement de lrsquoorganisation

Les combinaisons des trois attributs permettent donc de deacutefinir sept sous-ensem-bles de PP Cette cateacutegorisation des PP aide les dirigeants agrave identifier celles auxquel-les ils doivent accorder davantage drsquoimportance dans la formulation des strateacutegiesCependant les dirigeants doivent ecirctre vigilants drsquoune part parce que leur perceptionpeut conduire agrave une qualification erroneacutee des PP et agrave une hieacuterarchisation discutablede leurs attentes notamment lorsque celles-ci sont contradictoires (la rationaliteacute desdirigeants est en effet limiteacutee par lrsquourgence des problegravemes par les pressions qursquoilssubissent et par les systegravemes drsquoinformations dont ils disposent) et drsquoautre part parceque les attributs sont susceptibles de varier dans le temps (un stakeholder latent peutdevenir vigilant)

In fine lrsquoentreprise se trouve encastreacutee au sein drsquoun reacuteseau drsquoacteurs les PP dontlrsquoinfluence srsquoest accrue au point de peser sur son devenir et ses choix strateacutegiques

TypesAttributs Pouvoir Leacutegitimiteacute Urgence

Stakeholder latent

Dormant Pouvoir

Discreacutetionnaire Leacutegitimiteacute

Revendiquant Urgence

Stakeholder vigilant

Dominant Pouvoir Leacutegitimiteacute

Deacutependant Leacutegitimiteacute Urgence

Dangereux Pouvoir Urgence

Stakeholder deacutefinitif Pouvoir Leacutegitimiteacute Urgence

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Parce que lrsquoentreprise a besoin des ressources que lui procurent les PP elle doit leacutegi-timer ses actions vis-agrave-vis drsquoelles Cela se traduit par une implication grandissantedes firmes dans les questions eacutecologiques sociales et socieacutetales et lrsquoadoption depolitiques de RSE

52 Les modaliteacutes de la RSE

La RSE recouvre lrsquoensemble des actions drsquoune entreprise dans les domainessocial socieacutetal et eacutecologique La Commission des communauteacutes europeacuteennes en2002 deacutefinit ainsi la RSE comme laquo lrsquointeacutegration volontaire par les entreprises depreacuteoccupations sociales environnementales agrave leurs activiteacutes commerciales et leursrelations avec les parties prenantes Ecirctre socialement responsable signifie non seule-ment satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables mais aussi allerau-delagrave et investir dans le capital humain lrsquoenvironnement et les relations avec lesparties prenantes raquo Adopter une politique RSE implique donc de reacuteviser les modesde penseacutee et de mettre en œuvre une strateacutegie multidimensionnelle visant agrave la fois laperformance eacuteconomique sociale socieacutetale et eacutecologique ndash dans la continuiteacute destrois P People Planet Profits

Plus concregravetement la RSE se traduit par des actions aux niveaux social socieacutetal eteacutecologique Ainsi sur le plan social la RSE se concreacutetise notamment par des actionsrelatives agrave lrsquoautodiagnostic des besoins de formation la mobilisation des initiativesdu personnel la diminution des risques sociaux (maladies professionnellesstresshellip) la formation du personnel le recrutement des personnes handicapeacutees lareacutedaction de chartes eacutethiques lrsquoameacutelioration des conditions de travailhellip Au niveausocieacutetal lrsquoengagement responsable peut se traduire par le financement de program-mes de recherche contre certaines maladies la lutte pour lrsquoalphabeacutetisation lecombat contre le surendettement des meacutenages lrsquoinsertion des chocircmeurs de longuedureacutee le combat contre le travail des enfantshellip Enfin au niveau eacutecologique la RSEpeut se concreacutetiser par des programmes de reacuteduction et de recyclage des deacutechets delutte contre le reacutechauffement de la planegravete la reacuteduction des eacutemissions polluanteshellipPour autant quel que soit le contenu du programme RSE de lrsquoentreprise celui setraduit par des actions susceptibles drsquointervenir agrave tous les stades de la chaicircne devaleur et de la filiegravere

Force est pourtant de reconnaicirctre que le niveau drsquoengagement des firmes enmatiegravere de RSE varie En effet toutes les entreprises preacutetendant adopter une politi-que de RSE ne peuvent ecirctre qualifieacutees drsquoentreprise responsable au sens de la deacutefini-tion preacuteceacutedente ndash elles ne vont pas toutes au-delagrave des obligations juridiques Ilconvient ainsi drsquoobserver une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute certaine en matiegravere de comportementsresponsables ces derniers oscillant entre lrsquoabsence de reacuteponse et lrsquoattitude proactiveNous proposons de preacutesenter deux logiques dominantes en matiegravere drsquoappropriationde la RSE lrsquoeacuteco-deacutefense et lrsquoeacuteco-sensibiliteacute

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Lrsquoeacuteco-deacutefense se mesure agrave la nature des arbitrages opeacutereacutes entre le social lrsquoeacutecologi-que et lrsquoeacuteconomique La recherche exclusive de profit et de rendements eacuteconomi-ques immeacutediats conduit agrave penser les investissements eacutecologiques et sociaux commedes coucircts inutiles agrave limiter voire antagonistes avec la dimension eacuteconomique

Repegraveres Carrefour repense les relations avec ses fournisseurs

Le groupe Carrefour a progressivement inteacutegreacute les dimensions environnementales socia-les et socieacutetales agrave sa strateacutegie Crsquoest ainsi que lrsquoentreprise propose aux clients qui srsquoenga-gent dans les valeurs du DD agrave travers leurs consommations une offre speacutecifique Lesproduits Carrefour Agir font lrsquoobjet drsquoune certification systeacutematique sur chaque gamme Agir Bio Agir Solidaire Agir Eacutecoplanegravete et Agir Nutrition Mais la proposition de valeurdurable srsquoadresse eacutegalement aux clients moins engageacutes Crsquoest ainsi que Carrefour deacuteve-loppe des gammes de produits respectueux de lrsquoenvironnement Agrave titre drsquoexemple a eacuteteacutemise sur les marcheacutes franccedilais et belges une gamme de produits de la mer laquo pecirccheresponsable raquo ainsi qursquoune gamme de produits Bio De mecircme en 2005 un nouveausystegraveme drsquoeacutetiquetage nutritionnel a eacuteteacute mis en place sur les produits de marque CarrefourIl vise agrave assurer une preacutesentation plus accessible et peacutedagogique de lrsquoinformation nutri-tionnelle Dans la continuiteacute lrsquoinformation qualiteacute des produits non alimentaires agrave marqueCarrefour a eacuteteacute ameacutelioreacutee Deacutesormais quatre critegraveres symboliseacutes par des pictogrammesfont ressortir lrsquousage la seacutecuriteacute la santeacute et les conditions environnementales et socialesde fabrication Sont concerneacutes une gamme de 60 agrave 70 produits dans les peintures lessenteurs les sacs agrave dos et les jouetsMais la leacutegitimiteacute de Carrefour en matiegravere de responsabiliteacute ne saurait se limiter agrave inteacutegrerdes produits laquo verts raquo dans son offre La mise en œuvre de la strateacutegie DD de Carrefourpasse eacutegalement par un reacuteameacutenagement des relations avec ses fournisseurs Lrsquoentreprisedoit srsquoassurer qursquoils se comporteront de faccedilon responsable agrave lrsquoeacutegard de leurs partiesprenantes Carrefour srsquoest ainsi engageacute dans une ambitieuse politique agrave travers le mondevisant agrave garantir le respect des Droits de lrsquohomme dans la chaicircne drsquoapprovisionnement deses produits et agrave favoriser la traccedilabiliteacute et lrsquoachat eacutethique Le groupe qui compte entre4 000 et 15 000 fournisseurs par pays et plus de 40 000 producteurs Filiegraveres QualiteacuteCarrefour dans le monde a deacuteveloppeacute un reacutefeacuterentiel et une meacutethodologie drsquoaudit social(charte sociale) et de seacutecuriteacute alimentaire pour suivre le parc de fournisseurs Concernantlrsquoaudit social Carrefour a eacutetabli un partenariat avec la FIDH (Feacutedeacuteration internationale desligues des Droits de lrsquohomme) dans le cadre duquel la feacutedeacuteration peut proceacuteder agrave descontrocircles inopineacutes Sur le plan de la seacutecuriteacute alimentaire les fournisseurs des produits agravemarque propre se soumettent agrave des audits sur les conditions drsquohygiegravene et de seacutecuriteacute lamaicirctrise des risques la traccedilabiliteacutehellip En 2005 Carrefour a proceacutedeacute agrave 474 audits sociaux dansdix pays dont 23 (soit 106) sont des reacute-audits Les reacutesultats montrent que 46 desusines se sont ameacutelioreacutees entre lrsquoaudit initial et le reacute-audit

Agrave partir de GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Inteacutegrer le deacuteveloppementdurable au business model de lrsquoentreprise raquo in DION M et WOLF D

Le deacuteveloppement durable theacuteories et applications au managementDunod coll laquo Gestion Sup raquo 2008

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Lrsquoeacuteco-deacutefense conduit agrave deux types de comportements Le premier consiste agrave main-tenir les pratiques actuelles sans inteacutegrer la donneacutee eacutecologique (au risque de se trou-ver hors la loi) Ce comportement est de moins en moins freacutequent car les risquesencourus (peacutecuniaires ou non) en cas drsquoinfractions aux reacuteglementations sonttoujours plus importants Le second qualifieacute drsquoadaptatif se conforme aux reacuteglemen-tations respecte les normes sans les deacutepasser et limite ainsi les risques drsquoinfractionsencourus en cas de non-respect des lois en vigueur (crsquoest lrsquoeacuteco-conformiteacute) Il cher-che agrave minimiser les investissements en respectant au minimum les normes leacutegalesLrsquoobjectif prioritaire de ce type de comportement reacuteside dans le maintien du profitoptimal via la preacuteservation de la leacutegitimiteacute des activiteacutes de la firme vis-agrave-vis desparties prenantes Les efforts responsables sont perccedilus comme une assurance deminimisation des dommages geacuteneacutereacutes par lrsquoactiviteacute Ce type de comportement setraduit au niveau organisationnel par une remise en question limiteacutee des pratiquesexistantes En effet lrsquoeacuteco-conforme ne bouleverse pas les processus de deacutecisionstraditionnels Lrsquoambition de se conformer consiste exclusivement agrave inteacutegrer descritegraveres nouveaux au processus deacutecisionnel mais en aucun cas agrave en modifier la logi-que profonde

Agrave lrsquoopposeacute lrsquoeacuteco-sensible ne privileacutegie pas la rentabiliteacute financiegravere immeacutediate les investissements sociaux et eacutecologiques doivent produire des effets agrave plus longterme Ces entreprises perccediloivent les investissements eacutecologiques et sociaux commerentables agrave plus ou moins longue eacutecheacuteance Le plus souvent elles vont au-delagrave desnormes imposeacutees par la reacuteglementation Parallegravelement elles nrsquoattendent pas lapromulgation de lois pour inteacutegrer les donneacutees environnementales et sociales dansleur management Les questions de responsabiliteacute sont consideacutereacutees comme deseacuteleacutements cleacutes de la peacuterenniteacute de lrsquoentreprise et sont placeacutees au cœur de sa strateacutegieLrsquoobjectif est double Drsquoune part le deacuteveloppement durable geacutenegravere des beacuteneacutefices quise situent aux niveaux des coucircts (reacuteduction des coucircts de production) de la leacutegitimiteacute(image veacutehiculeacutee aux parties prenantes culture de lrsquoentreprisehellip) et de la diffeacuteren-ciation (qualiteacute des produits labellisationhellip) Drsquoautre part lrsquoentreprise agit dans lebut drsquoinfluencer les autres opeacuterateurs de la filiegravere Elle tente de peser sur les regraveglesdes affaires pour eacutevoluer dans un jeu qui lui convienne en termes eacutethiques maiseacutegalement eacuteconomiques Eacutedicter les regravegles du jeu et contraindre les concurrents agravejouer un jeu qursquoils maicirctrisent moins bien est lrsquoun des objectifs de la proactionresponsable Ce type de comportement se traduit au niveau organisationnel par uneremise en question reacuteelle des pratiques existantes En effet lrsquoentreprise eacuteco-sensibleadopte une deacutemarche par laquelle lrsquointeacutegration des questions environnementalesmodifie en profondeur le processus de deacutecision En effet la volonteacute drsquoinfluencer lesregravegles du jeu en faisant de la responsabiliteacute un enjeu concurrentiel impose de repen-ser les logiques qui preacutevalaient dans lrsquoentreprise Il nrsquoest plus question drsquoajouter descritegraveres mais de repenser lrsquoideacuteologie dominante de la firme

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Repegraveres Le business du recyclage des matiegraveresplastiques

Avec le soutien drsquoEacuteco-Emballages et de Valorplast des entreprises ont commenceacute agrave utiliserle plastique recycleacute pour fabriquer des tuyaux des palettes des meubles de jardin desbidons des pieux de vigne des mousses drsquoisolation tandis que les bouteilles drsquoeau ou desoda en PET transformeacutees en fibres permettent de rembourrer les couettes de faire de lamoquette ou de fabriquer des vecirctements en laquo laine raquo polaire Fondateur de lrsquoentreprisecalifornienne de vecirctements de sport Patagonia le montagnard eacutecologiste Yvon Chouinarda eacuteteacute pionnier Pour la fabrication de ses vestes polaires degraves 1993 il a preacutefeacutereacute la fibre issuede bouteilles recycleacutees au polyester vierge Lrsquoan dernier la socieacuteteacute a lanceacute son laquo InfurnoJacket raquo anorak entiegraverement reacutealiseacute en fibres recycleacutees gracircce agrave un proceacutedeacute japonais Agrave lamecircme eacutepoque lrsquoentreprise ameacutericaine Wellman Inc un des premiers fabricantsmondiaux de fibres polyester srsquoest aussi lanceacutee dans le recyclage En Europe elle produitdans son usine irlandaise 80 000 tonnes de fibres par an dont la moitieacute agrave partir de vieillesbouteilles En France elle a creacuteeacute en 1996 une filiale qui traite actuellement 28 000 tonnesde bouteilles et emploie 43 personnes Les initiatives se sont multiplieacutees Pregraves de BeauneAmcor tente le pari du recyclage en boucle fabriquer de nouvelles bouteilles en PET agravepartir des anciennes Il a investi pour cela 18 millions drsquoeuroslaquo Le mouvement est deacutesormais lanceacute des fabricants drsquohorizons divers se mettent agrave inteacute-grer dans leur processus de production du plastique recycleacute Lrsquoavantage Seacutecuriser agravemoyen terme lrsquoapprovisionnement agrave un prix stable agrave lrsquoabri des aleacuteas des cours des matiegrave-res vierges En 2000 un cap deacutecisif a eacuteteacute franchi la tonne de plastique recycleacute a acquis unevaleur positive Deacutesormais une tonne de paillettes de PET recycleacutee se commercialiseautour de 550 euros Selon les cours de la matiegravere vierge nous sommes plus ou moinscompeacutetitifs mais sur le moyen terme nous sommes tregraves inteacuteressants raquo affirme ClaudeMarchal directeur geacuteneacuteral de Wellman France Recyclage Au total il aura fallu 10 millionsdrsquoeuros de recherche et deacuteveloppement pour enclencher le recyclage des bouteilles eacutevaluePierre Villate En amont le systegraveme reste largement subventionneacute puisque la collecte et letri sont agrave la charge des collectiviteacutes locales avec lrsquoappui drsquoEco-Emballages Mais en aval lafiliegravere peut deacutesormais fonctionner sur des critegraveres eacuteconomiquesDans les deacutechets industriels aussi des recherches ont eacuteteacute lanceacutees et un marcheacute est en trainde se deacutevelopper Lrsquoenjeu essentiel de la nouvelle directive sur les veacutehicules hors drsquousageconcerne le recyclage des plastiques (environ 15 du poids drsquoun veacutehicule) puisque la reacutecu-peacuteration des piegraveces meacutetalliques (75 du poids) se pratique depuis longtemps Crsquoest pour-quoi le speacutecialiste de la collecte et du traitement des meacutetaux CFF Recycling srsquoest associeacuteavec lrsquoeacutequipementier automobile Plastic Omnium pour creacuteer une socieacuteteacute commune consa-creacutee au recyclage laquo Jusqursquoagrave maintenant une fois les carcasses de voitures reacutecupeacutereacutees nousavions lrsquohabitude drsquoenvoyer le reste en deacutecharge pare-chocs mousses piegraveces diversesexplique-t-on chez CFF Recycling Nous disposons des stocks tandis que Plastic Omniumqui recycle deacutejagrave 8 000 tonnes de matiegraveres plastiques par an deacutetient le savoir-faire Tregravesvite nous espeacuterons doubler le volume du recyclage raquo Directeur de lrsquoinnovation chez PlasticOmnium Jean-Louis Vaysse souligne aussi que les choses avancent vite laquo Ce qursquoon croyaitencore impossible il y a quelques anneacutees est deacutesormais reacutealisable Dans la nouvelleMeacutegane de Renault sur les 10 kg de piegraveces en plastique que nous fournissons 30 pro-

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En somme la RSE constitue un veacuteritable enjeu pour lrsquoentreprise Sous lrsquoeffet demultiples facteurs elle est devenue un impeacuteratif dans la plupart des industries etpour nombre de firmes Si toutes ne srsquoy engagent pas avec la mecircme intensiteacute elle setraduit par des programmes drsquoactions susceptibles de concerner lrsquoensemble de lachaicircne de valeur de lrsquoentreprise Ainsi au mecircme titre que lrsquoapprovisionnement lafonction financiegravere la gestion des ressources humaines la recherche et deacuteveloppe-ment le deacuteveloppement durable (ou la RSE) se compose drsquoun ensemble de missionsqui deacuteterminent lrsquoefficaciteacute et agrave lrsquoefficience des fonctions principales

viennent de plastiques recycleacutes Tout lrsquoenjeu porte sur la collecte plus on aura de matiegraveresagrave recycler plus le coucirct du traitement baissera les deacuteboucheacutes vont srsquoimposer et le recyclagedeviendra compeacutetitif par rapport agrave la mise en deacutecharge raquo

Agrave partir de laquo Plastiques une vie apregraves la poubelle raquo Les Eacutechos 16 mars 2004 GRANDVAL S et SOPARNOT R laquo Inteacutegrer le deacuteveloppement durable au business model

de lrsquoentreprise raquo in DION M et WOLF D Le deacuteveloppement durable theacuteorieset applications au management raquo Dunod coll laquo Gestion Sup raquo 2008

LrsquoessentielCe premier chapitre a permis de mieux comprendre quelle eacutetait la veacuteritable mission drsquounmanager dirigeant et de deacutecouvrir les outils neacutecessaires agrave lrsquoeacutelaboration des diagnosticsstrateacutegiques externe et interne et agrave la formulation des choix strateacutegiques De mecircme tant lesfonctions principales (logistique production et marketing) que de soutien (finance gestiondes ressources humaines deacuteveloppement technologique approvisionnement et deacuteveloppe-ment durable) ont eacuteteacute eacutetudieacutes afin de mieux saisir leurs missions et responsabiliteacutes dans lamise en œuvre de la strateacutegie de la firme Cependant lrsquoefficaciteacute de la contribution dechaque fonction au projet strateacutegique deacutepend fondamentalement de la maniegravere dont estorganiseacute le travail en leur sein et reacuteparti entre elles Ce domaine du management est abordeacutedans le chapitre qui suit

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outes les activiteacutes de la firme qursquoelles soient lieacutees aux fonctions principalesou de soutien sont reacutealiseacutees au sein de diffeacuterents services La diversiteacute de

leurs missions et des individus qui les exeacutecutent rend neacutecessaire la deacutefinition drsquouneorganisation pour lrsquoentreprise - ce que lrsquoon nomme la structure Selon Mintzberg(1982) la structure correspond agrave laquo la somme totale des moyens employeacutes pour divi-ser le travail en tacircches distinctes et pour ensuite assurer la coordination neacutecessaireentre ces tacircches raquo Elle deacutesigne donc lrsquoarchitecture geacuteneacuterale de lrsquoentreprise sonossature Elle assure lrsquoagencement et lrsquoarticulation entre les diffeacuterents services etoriente les comportements des individus

Sa repreacutesentation graphique la plus courante est lrsquoorganigramme Celui-ci met eneacutevidence la seacuteparation technique des domaines de compeacutetences (division du travailen tacircches distinctes) les responsabiliteacutes respectives les relations entre les compo-sants de la structure et le positionnement des membres sur lrsquoeacutechelle hieacuterarchiqueBien qursquoindispensable lrsquoorganigramme seul ne permet pas de saisir la complexiteacutedes relations entre les services et les individus En effet il ne repreacutesente pas les liensinformels que nouent les acteurs entre eux et qui jouent un rocircle essentiel dans lefonctionnement organisationnel La structure reacuteelle est finalement une combinaisonentre un design formel (repreacutesenteacute par lrsquoorganigramme) et des relations informelles

La conception de la structure est donc un exercice complexe Son influence sur lamise en œuvre de la strateacutegie et lrsquoatteinte des objectifs eacuteconomiques sociaux socieacute-taux et eacutecologiques en font une mission relevant de la direction geacuteneacuterale ndash mecircme siles managers intermeacutediaires jouent un rocircle deacutecisif dans le fonctionnement quotidiende lrsquoentreprise La conception de la structure repose sur un ensemble de paramegravetresqui permettent de deacutefinir la forme drsquoorganisation la plus adeacutequate compte tenu des

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Les structures drsquoentreprises

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caracteacuteristiques de lrsquoentreprise et de lrsquoenvironnement Ce sera lrsquoobjet de la premiegraveresection La seconde section preacutesente les principaux types de structure leurs avanta-ges et inconveacutenients respectifs Enfin la derniegravere section de ce chapitre traite desfacteurs qui influencent les formes structurelles

Section 1 Les paramegravetres de structurationSection 2 Les types de structuresSection 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure

LES PARAMEgraveTRES DE STRUCTURATION

La conception drsquoune structure impose tout drsquoabord drsquoen identifier les composantsChaque fonction correspond agrave un organe de lrsquoentreprise doteacute drsquoune mission preacuteciseCelle-ci peut ecirctre opeacuterationnelle ou fonctionnelle Les organes opeacuterationnels corres-pondent aux fonctions principales ils participent directement agrave lrsquoeacutelaboration delrsquooffre de lrsquoentreprise (production ventehellip) Les organes fonctionnels correspon-dent aux fonctions de soutien ils permettent aux organes opeacuterationnels drsquoecirctre agrave lafois plus efficace et plus efficient (GRH R amp D DDhellip)

Et puisque la mission drsquoun organe influence celle drsquoun autre il faut donc deacutefinirdes modes drsquoorganisation qui assurent la coordination de lrsquoensemble Les lienscorrespondent donc agrave un premier niveau de choix structurel (la structure de lrsquoentre-prise) Cependant chaque organe peut deacutefinir des modes drsquoorganisation internesspeacutecifiques Le service commercial peut par exemple fonctionner selon des modesdrsquoorganisation diffeacuterents du service production Le fonctionnement interne des orga-nes correspond agrave un second niveau de choix structurel (la structure de lrsquoorgane)

La conception drsquoune structure porte donc au niveau de lrsquoentreprise et des fonctionsqui la composent Quatre paramegravetres principaux permettent drsquoen deacutefinir le fonction-nement Ce sont la speacutecialisation la coordination la formalisation et la centralisa-tion

1 La speacutecialisation

Lorsque le dirigeant est seul il assure lrsquoensemble des missions (geacuteneacuteralement lavente la production et la gestion administrative) Mais degraves que lrsquoentreprise se deacuteve-loppe il doit faire face agrave une charge de travail plus importante et peut ecirctre confronteacuteagrave de nouvelles activiteacutes (comme les relations avec les fournisseurs le lancement denouveaux produitshellip) Il est donc ameneacute agrave creacuteer de nouveaux deacutepartements et agraverecruter des collaborateurs Ces derniers se verront confieacutes des missions speacutecifiquesCette division du travail entre diffeacuterents services renvoie au paramegravetre de la speacuteciali-

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sation Celle-ci se deacutefinit donc comme les modaliteacutes par lesquelles on divise letravail dans lrsquoentreprise

La speacutecialisation srsquoanalyse selon deux critegraveres essentiels lrsquointensiteacute (ou le degreacute)et le mode Lrsquointensiteacute se reacutefegravere agrave la concentration des missions au sein drsquoune mecircmeentiteacute ou personne Ainsi une forte speacutecialisation du travail aboutit agrave limiter lrsquoeacuteven-tail des tacircches qui sont confieacutees agrave un deacutepartement ou un individu LrsquoOST (organisa-tion scientifique du travail) en est un bon exemple Elle consiste agrave deacutecouper le fluxde travail en de multiples tacircches et agrave confier aux ouvriers des tacircches tregraves speacutecialiseacuteesndash lrsquoindividu exeacutecute une tacircche exclusive Les programmes drsquoenrichissement dutravail consistent au contraire agrave atteacutenuer la speacutecialisation du travail ndash par exemplelrsquoouvrier reacutealise lui-mecircme le controcircle de la qualiteacute Le mode de speacutecialisationrenvoie aux critegraveres de deacutecoupage des activiteacutes La speacutecialisation peut ainsi srsquoeffec-tuer par fonction par zone geacuteographique par marque par domaine drsquoactiviteacutes stra-teacutegiques par projet par cateacutegorie de clients par technologiehellip Ces critegraveres despeacutecialisation ne sont cependant pas exclusifs et au sein drsquoune entreprise il estfreacutequent que coexistent plusieurs modes de speacutecialisation Dans ce cas la hieacuterarchiedes critegraveres de speacutecialisation deacutepend de nombreux facteurs (environnement taillestrateacutegiehellip)

Les choix opeacutereacutes en matiegravere de speacutecialisation preacutesentent certains avantages etinconveacutenients Ainsi une speacutecialisation intense preacutesente lrsquoavantage principal delrsquoexpertise Que la speacutecialisation se fasse par fonction par reacutegion par type declientshellip on permet agrave lrsquoentiteacute ou lrsquoindividu drsquoen deacutevelopper une connaissanceapprofondie et drsquoen maicirctriser les speacutecificiteacutes Cette expertise engendre souvent uneproductiviteacute supeacuterieure dans la reacutealisation des tacircches La forte speacutecialisation occa-sionne cependant une certaine reacutepeacutetitiviteacute dans les missions Cette monotonie dansle travail peut se manifester par un affaiblissement de lrsquoengagement des collabora-teurs par une reacuteduction de leur polyvalence et donc une atteacutenuation de la flexibiliteacuteinterne (les individus sont peu aptes agrave srsquoadapter agrave de nouvelles missions)

Repegraveres Les reacuteorganisations structurelles de General Motors une succession de modes de speacutecialisation

General Motors Corp (GM) lrsquoun des plus grands fabricants drsquoautomobiles au monde a eacuteteacutefondeacutee en 1908 Fabriquant ses voitures et camions dans 34 pays GM les commercialisedans 140 pays En 2008 GM a vendu 835 millions de voitures et camions sur lrsquoensemblede ses marques Buick Cadillac Chevrolet GMC GM Daewoo Holden Hummer OpelPontiac Saab Saturn Vauxhall et WulingAu cours de son histoire GM a connu plusieurs modifications de sa structure En 1981 alorsque Roger B Smith devenait preacutesident de GM la performance du geacuteant ameacutericain sur lemarcheacute automobile se deacutegradait et lrsquoentreprise connaissait son premier deacuteficit depuis 1921Pour faire face agrave cette situation Smith constituait un groupe de travail composeacute de dixcadres Leur objectif eacutetudier une reacuteorganisation massive drsquoune structure qui existaitdepuis des deacutecennies

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Au cours de son histoire GM a connu plusieurs modifications de sa structure En 1981 alorsque Roger B Smith devenait preacutesident de GM la performance du geacuteant ameacutericain sur lemarcheacute automobile se deacutegradait et lrsquoentreprise connaissait son premier deacuteficit depuis 1921Pour faire face agrave cette situation Smith constituait un groupe de travail composeacute de dixcadres Leur objectif eacutetudier une reacuteorganisation massive drsquoune structure qui existaitdepuis des deacutecenniesAgrave cette eacutepoque la structure de lrsquoentreprise consistait en deux grands fiefs Fisher Body etGeneral Motors Assembly Division (GMAD) et cinq divisions speacutecialiseacutees par marque(Chevrolet Pontiac Oldsmobile Buick et Cadillac) Avec la centralisation du design delrsquoingeacutenierie et de la production toutes les voitures de GM commenccedilaient agrave se ressemblerLrsquoidentiteacute des marques disparaissait peu agrave peu La situation eacutetait devenue si probleacutematiqueque la division Lincoln-Mercury de Ford obtenait de tregraves bons reacutesultats gracircce notamment agravedes publiciteacutes qui raillaient les proprieacutetaires de voitures de luxe de GM essayant de choisirleur voiture dans un parc de voitures identiques Parallegravelement GM eacutetait critiqueacutee pourson incapaciteacute agrave deacutevelopper une gamme de petites voitures populaires Enfin la structurede lrsquoentreprise ne permettait pas une bonne deacutetermination des responsabiliteacutes et lesuniteacutes organisationnelles manquaient de reacuteactiviteacute Smith voulait donc bacirctir une structurequi permettrait agrave GM de reacutepondre rapidement au marcheacute et de mesurer plus facilement laperformance des principales uniteacutes opeacuterationnellesApregraves quinze mois de reacuteflexion la plus grande entreprise du monde (la premiegravere agrave deacutepas-ser 100 milliards de dollars de ventes) entamait une importante modernisation de sastructure une refonte qui devait durer plusieurs anneacutees compte tenu de la taille de GM Laprincipale reacuteorganisation a consisteacute agrave creacuteer deux divisions reacuteunissant les marques BOCpour les marques Buick Oldsmobile et Cadillac et CPC pour Chevrolet Pontiac et GM ofCanada La division BOC devait se concentrer sur le segment des grosses voitures tandisque la division CPC se chargeait des petites voitures Chaque groupe disposait de sespropres ressources en design ingeacutenierie et production ce qui aboutit finalement agrave ladissolution de Fisher Body et GMADLrsquoambition de Smith eacutetait de permettre agrave GM drsquoaffronter les enjeux du XXIe siegravecle Malheu-reusement la reacuteorganisation prit plus de temps que preacutevu La part de marcheacute de GM quieacutetait drsquoenviron 45 lorsque Smith devint preacutesident nrsquoeacutetait plus que de 35 en 1990 aumoment ougrave Smith pricirct sa retraite Son successeur Robert C Stempel devait affronter unesituation redoutable Pour faire face agrave une perte record de 445 milliards de dollars en 1991Stempel deacuteclara que lrsquoentreprise allait licencier 74 000 employeacutes et fermer 21 de sesusines de production Ces difficulteacutes ont finalement conduit la direction de GM agrave rempla-cer Stempel par John F Smith ancien directeur des opeacuterations europeacuteennesJohn Smith a rapidement annonceacute une reacuteorganisation Les activiteacutes de design et deproduction des deux grandes divisions BOC et CPC ont eacuteteacute unifieacutees au sein drsquoune entiteacuteunique la North American Passenger Car Platforms En outre toutes les activiteacutes de venteet de marketing des voitures ont eacuteteacute regroupeacutees au sein de la North American VehiclesSales and Marketing Les directeurs de ces deux entiteacutes reacutepondaient directement agrave Smithce qui permettait drsquoeacuteliminer une strate de management et drsquoopeacuterer des changementsprofonds afin de reacuteduire les coucircts plus rapidement Apregraves quelques mois GM annonccedilaiteacutegalement un plan de reacuteduction du personnel au siegravege Plus tard Smith subdivisait lesplates-formes du groupe en trois segments camions voitures moyennesvoitures de luxeet petites voitures Apregraves quelques anneacutees Smith initiait une nouvelle reacuteorganisation afindrsquoacceacuteleacuterer le deacuteveloppement des nouveaux veacutehicules et mieux geacuterer les marques de GM

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In fine la speacutecialisation est fondamentalement lieacutee agrave la diversiteacute agrave laquelle estconfronteacutee lrsquoentreprise Plus ses clients ses marcheacutes geacuteographiques ses produitsses technologieshellip sont diverses plus la speacutecialisation srsquoimpose Celle-ci apparaicirctdonc comme une neacutecessaire inteacutegration des contraintes de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute dans lefonctionnement de lrsquoentreprise

2 La coordination

Sous lrsquoinfluence drsquoune forte speacutecialisation de la structure les entiteacutes se deacutemulti-plient Se pose la question de leur coordination pour preacuteserver la coheacuterence delrsquoensemble Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise deacutepend en effet beaucoup plus des liaisonscommunicationnelles et opeacuterationnelles entre les entiteacutes que de leur efficaciteacuteinterne En effet une entiteacute ne fonctionne jamais totalement indeacutependamment desautres ndash elle a besoin des contributions des autres deacutepartements Le maintien de lacoheacuterence globale est drsquoautant plus difficile que les entiteacutes ont parfois des inteacuterecirctsdivergents et ne fonctionnent pas sur les mecircmes registres cognitifs compte tenu desspeacutecificiteacutes de parcours de cultures professionnelles de croyanceshellip Il en reacutesultedes antagonismes qursquoil faut parvenir agrave contenir Crsquoest le rocircle des meacutecanismes decoordination

Selon Mintzberg (1982) lrsquoajustement mutuel la supervision directe et la standar-disation du travail constituent les principaux modes de coordination Lrsquoajustementmutuel est la situation dans laquelle les collaborateurs se consultent et deacutecidentdrsquoune conduite en dehors de ce qui est preacutevu par lrsquoorganisation Cet ajustement sefait geacuteneacuteralement par le moyen drsquoune communication informelle et directe entre lesacteurs (mails teacuteleacutephone rencontrehellip) Ce mode drsquoajustement preacutesente lrsquoavantagede la simpliciteacute et de la rapiditeacute Elle suppose cependant une volonteacute commune desacteurs de traiter lrsquoobjet de la coordination La supervision directe correspond agrave lamodaliteacute de coordination par la hieacuterarchie Elle repose sur lrsquoinstruction (ou lrsquoordre)et le controcircle de son exeacutecution Cependant lorsque le nombre et la diversiteacute desoccasions de coordination augmentent cela peut avoir pour conseacutequence la satura-tion du responsable hieacuterarchique qui devient alors rapidement incapable drsquoassumerson rocircle Lorsqursquoil estime ne pas ecirctre compeacutetent et leacutegitime pour deacutecider sur certains

La reacuteorganisation aboutit agrave la creacuteation de 16 directeurs de produit responsables de la coor-dination des designers ingeacutenieurs directeurs de production et de marketing Lrsquoambitioneacutetait de produire de nouveaux modegraveles de voitures plus vite et plus efficacement La reacuteor-ganisation a aussi abouti agrave la nomination de 30 directeurs de marques un pour chaquemarque principale La creacuteation de postes de directeurs de marques avait pour but drsquoasso-cier plus clairement des produits agrave des segments speacutecifiques de consommateurs agrave creacuteer dela valeur pour les clients et une image de long terme pour les marques de GM

Agrave partir de wwwgmcom et BARTOL K et MARTIN D C laquo Teaching an Eleacutephantto Dance ndash GM Reorganizes raquo Management Irwin McGraw-Hill 2000

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sujets il tend agrave remonter au niveau supeacuterieur Le deacutelai pour atteindre le laquo bon raquoresponsable peut dans certains cas ecirctre source de difficulteacutes (longueur dans la prisede deacutecision inertie de lrsquoorganisationhellip) Afin de solliciter la hieacuterarchie de faccedilonexceptionnelle ce mode de coordination est compleacuteteacute par la standardisation dutravail Celle-ci consiste agrave rationaliser lrsquoorganisation en faisant reposer la coordina-tion sur des standards Elle revecirct quatre formes Tout drsquoabord la standardisation desproceacutedeacutes (comme des proceacutedures des reacuteunions reacuteguliegraveres des comiteacutes la produc-tion de documents interneshellip) permet de clarifier et de normaliser la conduite desopeacuterations routiniegraveres et le comportement agrave adopter dans telle ou telle situationEnsuite la coordination peut srsquoeffectuer en standardisant les reacutesultats Ici les acteurssrsquoajustent en fonction drsquoun cahier des charges par exemple ou drsquoobjectifs agrave attein-dre Ils sont plus autonomes et leurs relations sont gouverneacutees par le reacutesultat Dansun troisiegraveme temps on trouve la standardisation des qualifications Lrsquoeacutelaboration dessavoir-faire et le recours agrave des personnes qualifieacutees facilitent la coordination Enfinla standardisation des valeurs est le meacutecanisme par lequel lrsquoorganisation eacutedicte desvaleurs qui doivent constituer le socle commun des comportements Ici lrsquoadheacutesiondes acteurs agrave ces valeurs rend plus aiseacutee leurs ajustements Aux trois modes de coor-dination il est possible drsquoajouter les agents inteacutegrateurs Ceux-ci ont pour rocircleunique drsquoassurer la liaison entre diffeacuterentes entiteacutes Par exemple un chef de produitassure la jonction entre toutes les activiteacutes relatives au produit (les achats les eacutetudesde marcheacutes la promotion les venteshellip) De mecircme un chef de projet veille agravelrsquoatteinte des objectifs du projet en faisant travailler entre eux des acteurs provenantde diffeacuterents meacutetiers

Repegraveres La coordination dans le cadre de la gestion des projets automobiles de lastandardisation des proceacutedeacutes agrave lrsquoajustement mutuel

Pour faire face agrave un marcheacute atone et agrave une concurrence plus forte les constructeurs auto-mobiles renouvellent leur strateacutegie drsquooffre Ainsi selon Jean-Martin Folz ex-preacutesidentdirecteur geacuteneacuteral de PSA le facteur cleacute de reacuteussite dans ce meacutetier laquo nrsquoest pas de produiredes millions de veacutehicules identiques mais drsquoecirctre capable de produire des voitures tregravesvarieacutees de sortir ses nouveaux modegraveles les uns apregraves les autres et de le faire au prix lesplus faibles possible raquo De mecircme Carlos Ghosn lorsqursquoil succegravede agrave Louis Schweitzerannonce que Renault mettra sur le marcheacute 26 nouveaux modegraveles drsquoici 2012 Lrsquoenjeu estclairement de creacuteer une dynamique de vente la nouveauteacute devenant un eacuteleacutement deacutetermi-nant de la stimulation du marcheacute Agrave partir des anneacutees soixante-dix le secteur automobileentre de plain-pied dans lrsquoegravere du multimodeacutelisme et du renouvellement rapide de lrsquooffreVarieacuteteacute et raccourcissement du cycle drsquoinnovation sont devenus les nouveaux impeacuteratifsde compeacutetitiviteacute Dans cette perspective la maniegravere de geacuterer les deacuteveloppements denouveaux veacutehicules constitue un enjeu concurrentielDe profondes reacuteformes de lrsquoorganisation et des meacutethodes de conception des veacutehicules sontalors engageacutees par les constructeurs et notamment chez Renault Lrsquoenjeu est de repenserle deacuteveloppement drsquoun projet automobile afin de reacuteduire le temps (et les coucircts) de mise sur

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le marcheacute (conception et industrialisation) des nouveaux veacutehicules Les pratiques de laconception automobile eacutevoluent consideacuterablement la gestion de projet devient simulta-neacutee alors qursquoelle eacutetait seacutequentielleLa deacutemarche seacutequentielle se caracteacuterise par lrsquointervention successive des diffeacuterentsmeacutetiers dans les projets automobiles laquo Dans ce scheacutema chaque projet traverse lrsquoorganisa-tion Les acteurs interviennent seacutequentiellement en agissant sur les seules variables dontils ont la charge et selon lrsquooptique fonctionnelle qui est la leur Lorsqursquoils ont termineacute ilsabandonnent le projet agrave lrsquoacteur qui les suit dans la seacutequence de conception et srsquoattaquentau suivant raquo (Midler 1989) Mais cette organisation souvent qualifieacutee drsquoartisanale allongele temps de deacuteveloppement et en augmente les coucircts En effet lorsque les points de vuedes diffeacuterents meacutetiers ne sont pas inteacutegreacutes au projet laquo le risque est qursquoun meacutetier deacutecou-vrant le projet pour la premiegravere fois remette en cause les solutions adopteacutees par leurspreacutedeacutecesseurs raquo (Garel 1993) Il nrsquoeacutetait ainsi pas rare qursquoun projet fasse des allers-retoursentre les diffeacuterentes fonctions De mecircme les hommes des usines ne deacutecouvraient souventun veacutehicule que le jour de leur mise en seacuterie Cette logique de deacuteveloppement preacutesente desinconveacutenients majeurs lorsque la pression sur les deacutelais et les coucircts se fait plus forteChez Renault le projet X06 ou Twingo va marquer lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon deconcevoir des voitures Reacuteussite exemplaire sur le plan commercial et veacuteritable reacutevolutionen matiegravere de management de projet le projet X06 constitue un moment fort danslrsquohistoire de Renault Lrsquoeacutevolution consiste drsquoabord agrave rendre le projet plus autonome entermes de prise de deacutecisions Avec un responsable et une eacutequipe deacutedieacutes le projet prend lepas sur lrsquoorganisation par meacutetiers Les fonctions deviennent progressivement des reacuteser-voirs drsquoexpertise qui precirctent leurs ressources aux projets en cours Lrsquoautonomisation desprojets srsquoaccompagne eacutegalement drsquoune deacutemarche nouvelle la concourance Pour Midler(1993) laquo tous les meacutetiers du deacuteveloppement interviennent non pas seacutequentiellementmais ensemble tout au long du projet raquo Les interventions des expertises meacutetiers ne sontplus limiteacutees agrave une phase du processus mais srsquoeffectuent tout au long de celui-ci Au cœurde la gestion concourante se trouve le dispositif du plateau Le projet se voit doteacute drsquoun lieugeacuteographique dans lequel sont localiseacutes les membres de lrsquoeacutequipe Pour Garel (1993) laquo leplateau est le lieu de passage et de rencontre des diffeacuterents meacutetiers (produitprocess)internes et externes agrave lrsquoentreprise en amont au projet Degraves les phases de designmarke-ting des repreacutesentants des meacutethodes et du bureau drsquoeacutetudes sont associeacutes raquo Si le plateauest un moyen de stimuler les eacutechanges entre les membres du projet il est encore plus unemaniegravere drsquoassurer la convergence de savoirs compleacutementaires En effet les meacutetiersconfrontent leurs points de vue quelle que soit la phase du processus Par exemple uningeacutenieur des meacutethodes peut ecirctre ameneacute agrave eacutemettre une opinion sur des choix de marke-ting et inversement Cette convergence preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord enmultipliant les avis elle stimule la creacuteativiteacute et donc lrsquoinnovation du produit Ensuite ellereacuteduit les temps de traitement des conflits car les acteurs entretiennent des contactsdirects ce qui limite la circulation de lrsquoinformation Enfin le nombre des conflits srsquoatteacutenuecar les acteurs sont plus enclins agrave faire des compromis lorsqursquoils sont reacuteguliegraverement aucontact drsquoexpertises multiples

Agrave partir de R Soparnot laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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Les meacutecanismes de coordination jouent un rocircle primordial Sans eux lrsquoentreprisedevient une collection drsquoentiteacutes sans relation entre elles voire en conflit Elle risquealors de devenir le theacuteacirctre de nombreux dysfonctionnements internes qui peuventaffaiblir lrsquoefficaciteacute globale de lrsquoentreprise comme se reacutepercuter sur la qualiteacute de sonoffre et la satisfaction de ses clients

3 La formalisation

La speacutecialisation et la coordination peuvent faire lrsquoobjet drsquoune description plus oumoins preacutecise de leurs caracteacuteristiques crsquoest-agrave-dire drsquoune formalisation variable Unhaut degreacute de formalisation se caracteacuterise par une abondance de regravegles et de proceacute-dures eacutecrites sur ce qursquoil convient de faire et de ne pas faire sur les eacutetapes agrave respecterpour exeacutecuter telle ou telle tache sur la maniegravere de traiter tel ou tel problegraveme sur lesinformations agrave transmettrehellip Au contraire une faible formalisation se traduit parlrsquoabsence de lignes de conduite de regravegles eacutecrites quant aux modaliteacutes drsquoexeacutecutiondes missionshellip Dans la reacutealiteacute la formalisation varie selon le domaine concerneacute Parexemple les objectifs agrave atteindre pour les entiteacutes et les individus peuvent ecirctre forma-liseacutes alors que les missions responsabiliteacutes et les tacircches des collaborateurs le serontmoins Dans ce cas les acteurs disposent drsquoune autonomie sur la maniegravere drsquoatteindreles objectifs Globalement la formalisation intensive (elle concerne lrsquoensemble desdimensions de la structure) limite les possibiliteacutes drsquointerpreacutetation des situations parles acteurs et leur marge de manœuvre pour les traiter Elle fixe et fige les attribu-tions de chacun La formalisation srsquoexplique par la volonteacute de controcircler et de maicirctri-ser le fonctionnement organisationnel Elle apparaicirct comme un moyen de limiter lesincertitudes internes En limitant le cadre drsquoaction et de reacuteflexion des acteurs on sepreacutemunit drsquoun comportement deacutefaillant Cette formalisation se justifie dans certainscas Dans des activiteacutes agrave risque la formalisation est indispensable (comme les proceacute-dures de seacutecuriteacute dans les usines nucleacuteaireshellip) Lorsque les activiteacutes sont tregraves reacutepeacuteti-tives et peu soumises agrave fluctuations (les preacutefectures les usineshellip) la formalisationpermet lrsquoeacuteconomie de reacuteflexion sur ce qursquoil convient de faire La regravegle agit en lieu etplace de lrsquoesprit lrsquoacteur applique Dans certains cas la formalisation nrsquoest pasrecommandeacutee Ainsi dans les activiteacutes creacuteatives (comme la recherche la publi-citeacutehellip) lrsquoabsence de regravegles est une condition de la stimulation intellectuelleEnsuite lorsque lrsquoenvironnement est changeant un haut degreacute de formalisation tendagrave limiter la capaciteacute drsquoadaptation de lrsquoentreprise Les acteurs ont deacuteveloppeacute descomportements stables qui leur procurent une certaine seacutecuriteacute et les rassurent

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Repegraveres Celestial Seasonings les risques de laformalisation

Lrsquoorigine de Celestial Seasoning un producteur de theacute aux herbes remonte agrave 1970 quandMo Siegel et son ami Wyck Hay cueillaient des herbes dans les montagnes du Colorado etreacutealisaient leur premier meacutelange de theacute aux herbes Puis ils ont mis leur mixture dans dessacs de mousseline cousus agrave la main et ont commenceacute agrave les vendre agrave des magasins locauxdrsquoalimentation naturelleCelestial Seasonings doit son nom au surnom de la petite amie drsquoun des premiers investis-seurs Les noms des theacutes (comme Morsquos 24 Herb Tea Red Zinger Herb Tea et Morning Thun-der Tea) eacutetaient ainsi choisis de maniegravere informelle par les amis de Mo et par les membresde lrsquoentreprise Les conditionnements eacutetaient eacutegalement innovants agrave lrsquoimage du fonda-teur Le theacute eacutetait en effet conditionneacute dans des boicirctes recyclables aux couleurs vivespreacutesentant des scegravenes idylliques Agrave cette eacutepoque le theacute eacutetait majoritairement utiliseacute pourdes raisons meacutedicales et avait donc un goucirct amer La jeune entreprise eacutetait parvenue agravechanger ce mode de consommation gracircce agrave des creacuteations savoureuses et originales De cefait les produits Celestial Seasonings commenccedilaient agrave ecirctre vendus dans les rayons dessupermarcheacutesAgrave ses deacutebuts lrsquoentreprise fonctionnait de faccedilon informelle et encourageait la participationdes employeacutes dans les prises de deacutecision Au cours des premiegraveres anneacutees les deacutecisionsimportantes eacutetaient prises pendant des reacuteunions avec lrsquoensemble du personnel de lrsquoentre-prise et cela durait des heures Agrave cette eacutepoque les cadres jouaient au volley-ball pendantles horaires de deacutejeuner et il nrsquoeacutetait pas rare de retrouver leurs enfants en train de srsquoamuserdans le bureau de Mo Cependant avec la croissance de Celestial Seasonings lrsquoentreprise arecruteacute des managers qui venaient de grandes corporations comme Pepsi Coca-ColaSmuckers et Lipton et a commenceacute agrave perdre lrsquoeacutetat drsquoesprit drsquoune petite entreprise Demecircme lrsquoautomatisation est devenue une neacutecessiteacute ndash la quantiteacute de theacute meacutelangeacutee par joureacutetait proche de 8 tonnes Malgreacute cela lrsquoentreprise faisait des efforts pour maintenir leurfonctionnement informel Elle encourageait les nouvelles ideacutees des employeacutees principale-ment pour trouver de nouveaux moyens drsquoautomatiser la production de nouvelles recet-tes de theacute et des noms pour les nouvelles saveursLe succegraves de cette entreprise innovante a susciteacute la convoitise de gros industriels Crsquoestainsi qursquoen 1984 Celestial Seasonings eacutetait racheteacutee par Kraft Inc pour 40 millions dedollars Et Kraft srsquoengageait agrave laisser Celestial Seasonings poursuivre sa croissance de faccedilonindeacutependante Mais sous la pression du preacutesident de lrsquoeacutepoque Barnet Feinblum bienqursquoautonome Celestial devait respecter la politique de Kraft par exemple en matiegravere depolitique de gestion du personnel drsquoachat drsquoeacutequipementhellip Progressivement CelestialSeasonings pouvait devenir une copie de Kraft En 1989 Kraft deacutecidait drsquoabandonner lebusiness des boissons et eacutetait sur le point de vendre Celestial Seasonings agrave lrsquoentreprise detheacute rivale Thomas J Lipton Inc Mais un procegraves antitrust agrave la demande de R C Bige-low Inc un petit concurrent sur le marcheacute du theacute aux herbes a bloqueacute la vente Kraft aalors accepteacute de vendre Celestial Seasonings agrave sa direction et agrave une firme de capital risqueCelestial Seasonings redevenait indeacutependante Agrave cette eacutepoque Kraft avait doubleacute lebudget de publiciteacute de Celestial et les ventes srsquoapprochaient de 50 millions de dollars

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4 La centralisation

Enfin la centralisation se reacutefegravere au degreacute de conservation du pouvoir de deacutecisionpar la direction geacuteneacuterale ou une direction fonctionnelle Une structure centraliseacutee secaracteacuterise par une direction omnipotente qui garde entre ses mains le pouvoirdeacutecisionnel Agrave lrsquoopposeacute la deacutecentralisation consiste agrave diluer et propager le pouvoirformel dans la structure certaines entiteacutes et personnes se voient confier une autono-mie et une responsabiliteacute deacutecisionnelles Degraves que la taille de lrsquoentreprise augmenteque ses missions se complexifienthellip la deacutecentralisation devient souvent ineacuteluctable

La centralisation preacutesente donc lrsquoavantage majeur de la reacuteduction des coucircts Eneffet elle permet drsquoeacuteviter de deacutemultiplier les responsabiliteacutes Agrave titre drsquoexemple lacentralisation des achats drsquoune chaicircne de magasins empecircche de doter chaque pointde vente drsquoune fonction achat Elle permet eacutegalement de procurer une perspectiveglobale aux deacutecisions et de srsquoassurer drsquoune plus grande coheacuterence entre elles Eneffet seule la direction geacuteneacuterale ou les cadres supeacuterieurs ont une vue de lrsquoensemblede lrsquoorganisation et des enjeux futurs ce qui permet de prendre des deacutecisions plus enphase avec les objectifs de deacuteveloppement agrave long terme de lrsquoentreprise et de veiller agraveune meilleure convergence des deacutecisions

La deacutecentralisation preacutesente donc trois avantages majeurs Le premier est lieacute agrave laqualiteacute des deacutecisions prises Tout drsquoabord les deacutecisions sont prises par des acteursqui ont une connaissance pousseacutee du problegraveme De mecircme en raccourcissant lecircuit deacutecisionnel les deacutecisions sont prises plus rapidement ndash ce qui peut ecirctre consi-deacutereacute comme un facteur de qualiteacute Le second avantage est que la deacutecentralisation estun levier de lrsquoengagement des acteurs Lrsquoautonomie et la responsabiliteacute deacutecisionnel-les sont un facteur drsquoenrichissement du travail et de valorisation des personnesEnfin la deacutecentralisation eacutevite que la direction geacuteneacuterale soit absorbeacutee par desproblegravemes opeacuterationnels et lui octroie plus de possibiliteacutes pour se consacrer auxquestions vitales de strateacutegie drsquoentreprise

Finalement rares sont les entreprises dont la structure est totalement centraliseacuteeou totalement deacutecentraliseacutee En effet le degreacute de centralisation deacutepend des sujets agravetraiter et des opeacuterations agrave geacuterer Plus concregravetement il conviendra de deacutecentraliser lesfonctions et les missions pour lesquelles lrsquoautonomie deacutecisionnelle est neacutecessaire agravelrsquoefficaciteacute de lrsquoensemble et de centraliser les fonctions et les domaines transversaux

Aujourdrsquohui Celestial Seasonings sert plus de 16 milliard de verres de theacute chaque anneacutee etest consideacutereacutee comme le plus grand producteur de theacute aux Eacutetats-Unis Parmi ses produitslrsquoentreprise offre le Sleepytime le theacute aux herbes le plus vendu aux Eacutetats-Unis et plus decent saveurs de theacutes via des supermarcheacutes et des magasins drsquoalimentation naturelle dansplus de cinquante pays dans le monde

Agrave partir de wwwcelestialseasoningscom et BARTOL K M et MARTIN D C laquo CelestialSeasonings Retains its Innovative Flair raquo Management Irwin McGraw-Hill 2000

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par nature Ainsi une entreprise internationale implanteacutee dans plusieurs pays peutavoir inteacuterecirct agrave deacutecentraliser le marketing car les deacutecisions lieacutees aux produits impo-sent une proximiteacute avec le marcheacute et une bonne connaissance des clients desproduits concurrents des attentes des distributeurshellip En revanche la fonction derecherche et deacuteveloppement peut ecirctre centraliseacutee car les activiteacutes de recherchefondamentale et appliqueacutee imposent une concentration des moyens sont communesagrave lrsquoensemble des pays et ne contribuent pas directement agrave lrsquoefficaciteacute opeacuterationnellelocale En reacutealiteacute le niveau de raisonnement le plus pertinent devrait ecirctre celui desmissions de chaque fonction Ainsi si nous prenons lrsquoexemple de la GRH drsquouneentreprise speacutecialiseacutee par marque la reacutealisation des contrats peut facilement ecirctrecentraliseacutee parce que ces derniers sont identiques quelle que soit la marque Enrevanche le recrutement des personnels sera plus logiquement deacutecentraliseacute car lesdivisions propres agrave chaque marque peuvent neacutecessiter des compeacutetences qui nepeuvent ecirctre eacutevalueacutees qursquoagrave leur niveau Finalement lrsquoarbitrage entre centralisation etdeacutecentralisation srsquoeffectue aux niveaux des fonctions et de leurs activiteacutes et deacutependde nombreux facteurs (taille de lrsquoentreprise implantation diversiteacute des produitsstabiliteacute et preacutevisibiliteacute de lrsquoenvironnementhellip)

Les quatre critegraveres preacuteceacutedemment eacutetudieacutes (speacutecialisation coordination formalisa-tion et centralisation) permettent de bacirctir le design formel de lrsquoorganisation et defixer son architecture La combinaison de ces paramegravetres met en eacutevidence un conti-nuum de formes structurelles geacuteneacuteriques aux extreacutemiteacutes duquel se trouvent lesformes meacutecaniste et organique

5 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration

Une structure drsquoentreprise peut ecirctre positionneacutee sur un continuum selon ses carac-teacuteristiques en termes de speacutecialisation coordination formalisation et centralisationPour Burns et Stalker (1961) les formes meacutecaniste et organique correspondent agrave desmodegraveles structurels geacuteneacuteriques

La forme meacutecaniste se traduit par une speacutecialisation intense (forte division dutravail) et essentiellement fonctionnelle (par meacutetier) une emprise de la coordinationpar la hieacuterarchie un degreacute eacuteleveacute de formalisation (poids des regravegles eacutecrites) et unecentralisation pousseacutee (le pouvoir de deacutecision est faiblement dilueacute) Cette formedrsquoorganisation est efficace lorsque le travail agrave effectuer est simple et reacutepeacutetitif et quelrsquoenvironnement est stable Elle correspond notamment agrave lrsquoentreprise fordienne et agravela bureaucratie de Weber dans lesquelles lrsquoefficaciteacute de la structure est lieacutee agrave la reacutegu-lariteacute et la preacutevisibiliteacute des comportements Par exemple une preacutefecture adopteraune organisation proche de la forme meacutecaniste car ses missions nrsquoeacutevoluent pas tregravesrapidement et sont peu soumises agrave des changements de lrsquoenvironnement

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La forme organique se traduit par une speacutecialisation moins pousseacutee une coordina-tion multiforme (comiteacute ajustement mutuelhellip) une formalisation reacuteduite et uneplus grande deacutecentralisation du pouvoir Cette forme souple et leacutegegravere srsquoavegravere plusadapteacutee agrave un travail plus complexe et moins routinier et aux environnements turbu-lents qui imposent des changements organisationnels Elle correspond aux organisa-tions flexibles et innovantes lrsquoefficaciteacute de cette structure provient du flou et de ladiversiteacute organisationnels qui ont pour effet la mobiliteacute et lrsquoadaptation comporte-mentales la creacuteativiteacute et lrsquoinitiative des individus Une agence de publiciteacute adopteraune organisation proche de la forme organique car elle doit inventer des campagnespublicitaires speacutecifiques agrave chaque client en imaginer reacuteguliegraverement de nouvelleshellipEt cela neacutecessite de laisser une grande liberteacute aux salarieacutes et notamment aux creacuteatifsafin de ne pas faire obstacle agrave leur imagination

Toutefois la reacutealiteacute des formes structurelles meacuterite quelques nuances En effet sila structure globale drsquoune entreprise peut se rapprocher de lrsquoune de ces formes ilconvient de noter qursquoelles peuvent (et mecircme doivent) coexister au sein drsquoune mecircmefirme (les services sont organiseacutes soit de faccedilon meacutecaniste soit de faccedilon organique)Lrsquoexistence simultaneacutee de formes structurelles diffeacuterentes renvoie aux travaux deLawrence et Lorsch (1973) et agrave la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration

Ces auteurs cherchant agrave expliquer la performance de la structure mettent eneacutevidence qursquoelle deacutepend du niveau de diffeacuterenciation interne et drsquointeacutegration Ilsreacutevegravelent la neacutecessiteacute drsquointroduire une diffeacuterenciation suffisante entre les entiteacutes quisera compenseacutee par des meacutecanismes inteacutegrateurs

La diffeacuterenciation interne provient du fractionnement de lrsquoentreprise en entiteacutesdistinctes (les services finance production marketinghellip) et de leur autonomie struc-turelle Elle reacutesulte de trois facteurs les relations avec des acteurs speacutecifiques desmissions et des objectifs particuliers Les deacutepartements entretiennent en effet avecleur environnement immeacutediat des relations privileacutegieacutees Agrave titre drsquoexemple le servicefinancier est en relation directe avec les institutions financiegraveres le service commer-cial avec les clients la R amp D avec le monde scientifique En outre chaque servicese voit confieacutee par la direction geacuteneacuterale des missions et des objectifs qui lui sontpropres Par exemple le deacutepartement controcircle de gestion a une mission et des objec-tifs lieacutes agrave au traitement de donneacutees financiegraveres la production drsquoinformations fiablessur la rentabiliteacute des produits lrsquoanalyse des eacutecarts la preacutevision budgeacutetairehellip alorsque le service commercial se concentre sur le deacuteveloppement du chiffre drsquoaffaires laconquecircte la satisfaction et la fideacutelisation des clientshellip Il reacutesulte de ces trois facteursque lrsquoefficaciteacute de chaque entiteacute deacutepend de lrsquoadaptation de son fonctionnement auxparticulariteacutes de son sous-environnement de ses missions et de ses objectifs Cettediffeacuterenciation interne se manifeste par des comportements (comme le langage lesvaleurshellip) des meacutethodes de travail des reacutefeacuterentiels mentaux et des horizons tempo-rels propres Ainsi un commercial parle chiffre drsquoaffaires concurrence et clientegravelealors qursquoun comptable parle normes IFRS compte de reacutesultat et bilan Les premierssont tregraves attacheacutes au service aux clients alors que les seconds privileacutegient la fiabiliteacutedes comptes De mecircme les meacutethodes de travail du service comptable sont plus

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Les structures drsquoentreprises

formaliseacutees que celles du service de recherche et deacuteveloppement Eacutegalement lesreacutefeacuterentiels mentaux drsquoun chercheur peuvent graviter autour des relations entre leniveau drsquoeacutequipements du laboratoire et la deacutecouverte drsquoune technologie drsquoavenirtandis que ceux drsquoun commercial eacutetabliront des liens entre la diffeacuterenciation duproduit par rapport agrave la concurrence et lrsquoaugmentation des ventes Enfin les preacuteoc-cupations du service R amp D sont tourneacutees vers le long terme alors que celles dudeacutepartement marketing seront plus orienteacutees vers le court terme

In fine lrsquoefficaciteacute de la structure deacutepend de la diffeacuterenciation interne La directiondoit donc valoriser la diffeacuterenciation interne plutocirct que de chercher agrave homogeacuteneacuteiserlrsquoensemble Cependant la diffeacuterenciation geacutenegravere des forces centrifuges qui peuventengendrer des dysfonctionnements majeurs Elle tend en effet agrave provoquer despheacutenomegravenes de balkanisation chaque entiteacute se referme sur elle-mecircme et privileacutegieses propres objectifs et inteacuterecircts Il en reacutesulte des difficulteacutes de communication decompreacutehension et de coopeacuteration ainsi que des conflits reacutecurrents Et plus la diffeacute-renciation est pousseacutee plus ces problegravemes srsquoaccentuent Or lrsquoentreprise doit faireface agrave des problegravemes strateacutegiques dominants (deacutevelopper un nouveau produit acceacute-der agrave de nouvelles technologieshellip) qui exigent une reacuteelle collaboration entre lesentiteacutes Afin drsquoeacuteviter lrsquoeacuteclatement et le cloisonnement de lrsquoentreprise de feacutedeacuterer lesentiteacutes et de rendre leurs actions plus coheacuterentes entre elles la diffeacuterenciation doitecirctre compenseacutee par des meacutecanismes inteacutegrateurs jouant le rocircle de forces centripegravetesAinsi plus la diffeacuterenciation est forte et plus doit lrsquoecirctre lrsquointeacutegration

Repegraveres La diffeacuterenciation au sein des structures hospitaliegraveres

Les eacutetablissements de soins sont des lieux ougrave se cocirctoient en permanence diffeacuterentes cateacute-gories de professionnels meacutedecins infirmiegraveres aides-soignantes gestionnaireshellip Et lestensions sont reacuteelles entre les diffeacuterentes cateacutegories de professions meacutedicales et entre lesmeacutedecins et les gestionnaires Et cela rend drsquoautant plus difficile la coheacutesion globale delrsquoorganisationLes professions de santeacute sont ainsi fortement diffeacuterencieacutees tant au niveau des culturesdes meacutethodes et des conditions de travail Les statuts privilegraveges et pouvoirs sont tregravesineacutegaux agrave lrsquointeacuterieur des eacutetablissements Lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute professionnelle est une marquedistinctive alors que paradoxalement la compleacutementariteacute professionnelle les fait seretrouver agrave lrsquointeacuterieur des mecircmes lieux organisationnels Un professionnel de santeacute secaracteacuterise par un engagement prioritaire envers le patient (le professionnel est libre dechoisir ce qui convient le mieux pour son client avec le moins de contraintes institution-nelles ou eacuteconomiques il est fortement autonome dans le processus de soins) De mecircmeil a acquis des connaissances et un savoir gracircce agrave une formation de haut niveau (ougrave la prati-que occupe une large place) par un controcircle vigilant agrave lrsquoentreacutee dans la profession par sespairs par un code drsquoeacutethique Enfin il a un engagement marqueacute envers la profession(souvent plus grand qursquoenvers lrsquoorganisation ougrave il travaille) Chaque cateacutegorie possegravededonc des caracteacuteristiques propres et deacuteveloppe une identiteacute speacutecifique

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Afin de contrebalancer les effets de la diffeacuterenciation on distingue plusieursmeacutecanismes inteacutegrateurs Tout drsquoabord lrsquoentreprise peut demander agrave des membresde lrsquoentreprise drsquoassumer ce rocircle Ces individus inteacutegrateurs (chef de produit chefde projet responsable de marquehellip) assurent les liaisons entre les diffeacuterentes entiteacuteset tentent de trouver des axes de travail communs Ensuite lrsquoentreprise peut multi-plier les groupes de travail (projets comiteacuteshellip) Ces groupes temporaires sontcomposeacutes de personnes appartenant agrave diffeacuterentes entiteacutes En travaillant ensemble lessalarieacutes apprennent agrave partager leurs ideacutees De mecircme la culture drsquoentreprise en deacuteve-loppant des valeurs globales minimise les diffeacuterences internes La formation peutaussi ecirctre un moyen de veacutehiculer des reacutefeacuterentiels mentaux Eacutegalement lorsque lesobjectifs sont communs agrave diffeacuterentes entiteacutes les diffeacuterences srsquoestompent Enfinlrsquoentreprise peut relier les entiteacutes par des systegravemes de planification de controcircle etdrsquoinformation afin de formaliser leur coordination Les technologies de lrsquoinforma-tion et de communication (TIC) exercent une influence significative sur la coordina-tion entre les individus et lrsquouniteacute de lrsquoentreprise

Le dirigeant doit donc assurer lrsquoeacutequilibre entre diffeacuterenciation et inteacutegration Cedosage est difficile agrave trouver lrsquoexcegraves de diffeacuterenciation provoque la balkanisationtandis que lrsquoexcegraves drsquointeacutegration affaiblit lrsquoefficaciteacute des entiteacutes Au sein de lrsquoentre-prise il fait varier les formes organisationnelles les faisant osciller entre les formes

De mecircme une organisation de soins est partageacutee entre une vocation meacutedicale et unecontrainte eacuteconomique Les hocircpitaux et cliniques doivent apporter des soins aux patientsdans le cadre drsquoune conception ideacuteologique lrsquoeacutegaliteacute face agrave la maladie et la couverturefinanciegravere pour tous Mais cette activiteacute possegravede un coucirct Srsquoagissant drsquoun hocircpital ellesrsquoinscrit dans une enveloppe budgeacutetaire Pour une clinique commerciale srsquoy ajoute le soucide reacutealiser un beacuteneacutefice Cette tension entre les logiques meacutedicale et eacuteconomique est uneconstante des organisations de prise en charge autant qursquoune source de conflits pour lesacteurs Elle oppose les professionnels producteurs de soins (les meacutedecins en situation deservice) aux gestionnaires laquo rationnalisateurs raquo (les directeurs en situation de gestion)En effet les deux logiques sont conflictuelles et engendrent des contradictions et desoppositions multiples La contrainte eacuteconomique des eacutetablissements met en relation desquestions de financement peu relieacutees au laquo monde raquo des meacutedecins Lrsquoeacutethique meacutedicalerelegravegue en effet geacuteneacuteralement au second plan les contraintes financiegraveres Il en est demecircme pour les questions purement lieacutees agrave lrsquohocirctellerie Les services hocircteliers (cuisine linge-riehellip) sont placeacutes sous la responsabiliteacute du directeur qui poursuit des objectifs quantitatifsde rentabiliteacute ou de minimisation des coucircts de fonctionnement de ces services Quant auxpraticiens de la meacutedecine ils se deacutesinteacuteressent geacuteneacuteralement de la gestion de lrsquohocirctellerieau profit de la logistique technique qui conditionne la performance et le confort de leuractiviteacute professionnelle Si le gestionnaire accorde de lrsquoimportance aux montants desinvestissements lieacutes agrave lrsquohocirctellerie les meacutedecins sont plus sensibles agrave la qualiteacute des servicesque ces investissements rendront

Agrave partir de SAULQUIN J-Y laquo Difficulteacutes lieacutees agrave un eacutetat de diffeacuterenciation eacuteleveacute le cas des hocircpitaux du Val de Loire raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Concepts

et cas en management strateacutegique Eacutedition Hermegraves Science 2005

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Les structures drsquoentreprises

meacutecaniste et organique Pour cela il se reacutefegravere aux quatre paramegravetres de structurationeacutetudieacutes plus haut Ceux-ci lui permettent de faccedilonner une structure Il est ainsi possi-ble drsquoidentifier des structures type

LES TYPES DE STRUCTURES

Il est possible de dresser une typologie des structures mais celle-ci ne doit pascacher une immense varieacuteteacute de configurations Si dans la reacutealiteacute les structures sontsouvent des hybridations celles-ci se reacutefegraverent neacuteanmoins agrave un ideacuteal type une formestructurelle dominante Notre typologie est donc constitueacutee de cinq structures princi-pales

ndash la structure fonctionnelle

ndash la structure divisionnelle

ndash la structure matricielle

ndash la structure en reacuteseau

ndash les structures par projets

1 La structure fonctionnelle

La structure fonctionnelle (figure 21) est construite comme son nom lrsquoindique agravepartir des fonctions telles que la production le marketing la financehellip Les opeacutera-tions neacutecessaires agrave lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise srsquoorganisent selon une logique de meacutetierEn effet chaque entiteacute (ou fonction) apporte une expertise une compeacutetence speacutecifi-que qui seacutequence le flux opeacuterationnel de travail dans lrsquoentreprise Dans ce type destructure la coordination srsquoeffectue essentiellement par ajustement mutuel (contactsdirects) et par supervision directe Les collaborateurs se voient confier des missionspreacutecises en relation avec leur domaine de connaissances principal

Figure 21 mdash La structure fonctionnelle

Section 2

Direction geacuteneacuterale

DirectionProduction

Direction desRessourcesHumaines

DirectionFinance et

Comptabiliteacute

DirectionMarketing

Vente

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Repegraveres La structure fonctionnelle de MMA

MMA est un groupe drsquoassurance mutuelle multispeacutecialiste qui srsquoadresse agrave la fois auxparticuliers aux professionnels aux entreprises aux collectiviteacutes et aux associations Ilcompte plus de 13 000 collaborateurs 1 500 agents geacuteneacuteraux et 2 000 points de venteen charge de la relation client MMA est le troisiegraveme reacuteseau drsquoagents geacuteneacuteraux en biens etresponsabiliteacutes avec plus de trois millions de clients Creacuteeacutee en 1828 MMA a la caracteacuteristi-que drsquoecirctre un mutualiste Cela signifie qursquoune assembleacutee geacuteneacuterale de repreacutesentants eacuteluspar des clients socieacutetaires a pour rocircle de nommer le conseil drsquoadministration drsquoapprouverles comptes et de valider les grandes orientations de la mutuelle Gracircce agrave ce fonctionne-ment MMA est consideacutereacute comme un acteur de lrsquoeacuteconomie sociale ce qui se traduit autravers de deux caracteacuteristiques fondatrices La premiegravere est la solidariteacute crsquoest-agrave-dire lepartage et la mutualisation des risques la primauteacute du collectif associeacutee au souci desrsquoadresser agrave tous La deuxiegraveme est lrsquohumanisme crsquoest-agrave-dire la volonteacute de placer lrsquohommeau centre de toutes les actions et de srsquoappuyer sur les notions de respect de toleacuterance etdrsquoeacutecoute Cette origine se retrouve dans le deacutesormais ceacutelegravebre slogan de MMA laquo Zeacutero tracaszeacutero bla-bla MMA crsquoest le bonheur assureacute raquo slogan qui communique le dynamisme lacreacuteativiteacute la simpliciteacute le bonheur la proximiteacute et lrsquoefficaciteacute autant de valeurs que lemutualiste promet agrave ses clients

La creacuteation et la structure de la MMALe groupe naicirct en 1828 quand lrsquoavocat Louis Basse futur maire du Mans et deacuteputeacute de laSarthe creacutee la Mutuelle immobiliegravere du Mans avec une ideacutee simple drsquoassurer contre le feutous les biens immobiliers En 1842 il poursuit son ideacutee et creacutee une seconde socieacuteteacute laMutuelle mobiliegravere du Mans Lrsquounion avec la Mutuelle geacuteneacuterale franccedilaise accidents creacuteeacuteeen 1883 par Jean-Marie Leliegravevre (qui srsquoeacutetait vu refuser la prise en charge de dossiers contrele risque drsquoincendie) constitue la premiegravere eacutetape drsquoune seacuterie de rapprochements qui toutau long des anneacutees 1900 vont progressivement donner naissance agrave la MMAAujourdrsquohui le groupe est un vaste ensemble porteacute par une structure fonctionnelle Ledeacutecoupage des activiteacutes est reacutealiseacute sur le critegravere du meacutetier Chaque deacutepartement est eacutegale-ment composeacute drsquoun ensemble de sous-fonction correspondant chacune agrave des domainesdrsquoexpertise particuliers et placeacutes sous lrsquoautoriteacute drsquoun responsable De cette faccedilon le direc-teur geacuteneacuteral peut avoir une vision globale sur les opeacuterations et exercer un controcircle rigou-reux sur lrsquoactiviteacute des diffeacuterentes fonctions

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Les structures drsquoentreprises

Figure 22 ndash Lrsquoorganigramme geacuteneacuteral de MMAAgrave partir de wwwmmafr

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Ce type de structure preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord le directeurgeacuteneacuteral a une vision globale il peut suivre toutes les opeacuterations et exercer uncontrocircle rigoureux sur lrsquoactiviteacute des diffeacuterentes fonctions Pour cela il srsquoappuie surdes compeacutetences tregraves pousseacutees dans chaque meacutetier En effet cette structure reposesur une forte speacutecialisation fonctionnelle Elle facilite le deacuteveloppement de lrsquoexcel-lence technique des gestionnaires car les responsabiliteacutes qui leur incombent sontlieacutees agrave leur domaine de compeacutetence Cette speacutecialisation par le meacutetier nrsquoest pasneacutegligeable elle limite les besoins de managers geacuteneacuteralistes facilite le recrutementet la formation du personnel et accroicirct lrsquoefficience et lrsquoefficaciteacute lieacutees agrave la reacutealisationdes missions Second avantage cette structure srsquoappuie sur un deacutecoupage simple etlogique des tacircches il en deacutecoule une deacutefinition claire des responsabiliteacutes respectivesLes modes de fonctionnement sont plus aiseacutes agrave comprendre pour les individusChaque membre de lrsquoorganisation appartient en effet agrave une fonction agrave laquelleincombent des missions preacutecises On note ainsi peu de risques de conflits lieacutes agravedrsquoeacuteventuels recoupements des tacircches Les relations entre les entiteacutes srsquoen trouventeacutegalement clarifieacutees Enfin les coucircts de fonctionnement sont moins eacuteleveacutes que dansles autres structures En effet les gestionnaires ont souvent la responsabiliteacute de leurfonction sur lrsquoensemble de lrsquoactiviteacute (qui peut couvrir plusieurs marques types declientshellip) Lrsquoeacutequipe fonctionnelle peut srsquoeacutetoffer mais le nombre de personnesdemeurera toujours moins eacuteleveacute que dans la structure divisionnelle

Cependant la structure fonctionnelle preacutesente quelques inconveacutenients La fortespeacutecialisation et lrsquoexcellence technique peuvent avoir des conseacutequences neacutegativessur lrsquoefficaciteacute de fonctionnement de cette structure

Tout drsquoabord les dirigeants sont souvent accapareacutes par des problegravemes routiniers(deacutecisions opeacuterationnelles) et neacutegligent par conseacutequent les problegravemes strateacutegiquesEn effet eacutetant les seuls agrave avoir une vue suffisamment globale du fonctionnement delrsquoentreprise ils se trouvent submergeacutes par des questions relevant du quotidien queles acteurs ne peuvent reacutesoudre compte tenu de leur trop grande speacutecialisation Etlorsque la centralisation est forte il peut en reacutesulter une lenteur des prises de deacuteci-sions le dirigeant eacutetant submergeacute par les sujets agrave traiter De mecircme personne agrave partle directeur geacuteneacuteral nrsquoa la responsabiliteacute de lrsquointeacutegraliteacute drsquoun produit ou drsquoungroupe de clients Le travail des individus est planifieacute autour de processus speacutecialiseacuteset indeacutependants En se speacutecialisant autant les salarieacutes peuvent eacuteprouver de grandesdifficulteacutes agrave coordonner leur travail En effet ne connaissant pas les contraintes desautres expertises ils focalisent sur les leurs Ces comportements rendent probleacutema-tiques la coordination et la coopeacuteration entre les fonctions Or ce besoin augmenteavec le volume drsquoactiviteacutes Il en reacutesulte des blocages des problegravemes de communica-tion des incompreacutehensions et des difficulteacutes agrave reacutesoudre les problegravemes transversauxEnfin cette structure se caracteacuterise par une grande rigiditeacute et une incapaciteacute agravesrsquoadapter aux changements En effet le cloisonnement par meacutetier peut avoir pourconseacutequence la valorisation des inteacuterecircts de la fonction au deacutetriment de ceux delrsquoentreprise dans sa globaliteacute Si la reacutealisation des objectifs fonctionnels prime alorslrsquoentreprise risque une grande inertie et une forte reacutesistance au changement

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Les structures drsquoentreprises

In fine la structure fonctionnelle est particuliegraverement adapteacutee aux entreprisesmono-activiteacute et de petite taille (par exemple une PME) Mais degraves que le nombre deproduits de clients de marques drsquoactiviteacutes et de personneshellip augmente les incon-veacutenients supplantent les avantages Il devient alors plus judicieux drsquoadopter unestructure divisionnelle

2 La structure divisionnelle

Degraves que lrsquoentreprise se deacuteveloppe et que les nouvelles activiteacutes connaissent lesuccegraves il est fondamental de respecter la diversiteacute et de deacutefinir une structure quiintegravegre lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute La speacutecialisation par fonction laisse alors place agrave un ouplusieurs modes de deacutecoupage nouveaux (le produit le client la marque le projet lazone geacuteographiquehellip) Par exemple une entreprise qui adopte une strateacutegie interna-tionale doit affronter une tregraves grande varieacuteteacute chaque zone geacuteographique (un paysun continenthellip) se caracteacuterise par des besoins et des clients diffeacuterents une reacutegle-mentation propre des caracteacuteristiques geacuteopolitiques speacutecifiques des concurrentsdiffeacuterentshellip Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise deacutepend de sa capaciteacute agrave inteacutegrer cette heacuteteacutero-geacuteneacuteiteacute dans sa structure Degraves lors il devient plus pertinent drsquoadopter un deacutecoupagepar marcheacute geacuteographique

La structure divisionnelle (figure 23) consiste donc agrave faire coexister plusieurs fluxinteacutegreacutes distincts les uns des autres Lrsquoorgane de reacutefeacuterence nrsquoest plus la fonction maisla division crsquoest-agrave-dire la zone geacuteographique la marque le type de clients leproduit le projethellip Il nrsquoest pas rare que le deacutecoupage soit multidivisionnel (parexemple la zone geacuteographique puis le type de clienthellip) Eacutevidemment une structuredivisionnelle ne signifie la disparition des meacutetiers - il convient souvent de conserverune speacutecialisation fonctionnelle Dans ce cas les deacutepartements fonctionnels nrsquoappa-raissent qursquoagrave un niveau infeacuterieur

Figure 23 mdash La structure divisionnelle

Servicescentraux

(ex finance)

Division A Division B Division C

Fonctions Fonctions Fonctions

Siegravege

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Lrsquoentreprise srsquoorganise donc en un ensemble de divisions (ou business unit) ausein desquelles on retrouve les fonctions opeacuterationnelles les plus utiles au respectdes speacutecificiteacutes Ainsi si nous reprenons lrsquoexemple drsquoune structure par zone geacuteogra-phique la fonction marketing sera deacutecentraliseacutee (chaque division a un servicemarketing) car il est neacutecessaire drsquoeacutelaborer une politique marketing speacutecifique agravechaque zone compte tenu des diffeacuterences de comportement drsquoachat de sensibiliteacute agravela qualiteacute et au prix des particulariteacutes des circuits de distributionhellip Par contre lafonction financiegravere pourra ecirctre centraliseacutee et unique elle ne deacutetermine pas lrsquoeffica-citeacute opeacuterationnelle de la division On notera que de faccedilon geacuteneacuterale les fonctionssupport (ou de soutien) sont rattacheacutees au siegravege

La structure divisionnelle apparaicirct alors comme une juxtaposition drsquoentreprisesresponsables de leurs reacutesultats et de leurs moyens humains techniques et financierset autonomes dans les domaines opeacuterationnels cleacutes (strateacutegie de marcheacute et deproduits vente marketinghellip) Cette indeacutependance manageacuteriale est la conditionessentielle de son efficaciteacute

Repegraveres La structure divisionnelle drsquoEADS

Le groupe EADS est neacute en 2000 de la fusion des socieacuteteacutes allemande DaimlerChrysler Aeros-pace AG franccedilaise Aeacuterospatiale-Matra et espagnole CASA Renommeacute mondialementEADS est preacutesent dans les secteurs de lrsquoaeacuterospatial de la deacutefense et des services associeacutesReacutealisant un chiffre drsquoaffaires de pregraves de 40 milliards drsquoeuros le groupe emploie environ116 000 personnes reacuteparties sur plus de 70 sites principalement en France en Allemagneau Royaume-Uni en Espagne aux Eacutetats-Unis et en Australie EADS abrite notammentlrsquoavionneur Airbus Eurocopter le plus grand heacutelicopteacuteriste au niveau mondial et est leleader europeacuteen des programmes spatiaux (comme Ariane ou Galileo) via EADS AstriumEADS est eacutegalement un partenaire majeur du consortium Eurofighter (lrsquoavion de combat leplus moderne en construction) et deacutetient une partie du capital de la joint-venture MBDA leleader mondial des systegravemes de missiles Ces diffeacuterentes activiteacutes ont eacuteteacute regroupeacuteesautour de cinq divisions principales Airbus Eurocopter Astrium Avions de transport mili-taire Deacutefense et SeacutecuriteacuteAirbus est un des leaders de lrsquoaeacuteronautique mondiale Concurrent principal de Boeing pourla vente drsquoavions civils aupregraves des compagnies aeacuteriennes la gamme Airbus comptequatorze modegraveles depuis le monocouloir A318 de 100 siegraveges jusqursquoau tregraves gros porteurA380 de 525 siegraveges le plus grand avion de ligne au monde Airbus emporte entre 40 et60 de lrsquoensemble des commandes drsquoappareils de plus de 100 siegraveges Eurocopter est lepremier constructeur drsquoheacutelicoptegraveres militaires et civils au monde Cette division afficheune part de marcheacute supeacuterieure agrave 50 Astrium est le principal groupe spatial europeacuteen etle troisiegraveme mondial Leader dans la fourniture de satellites de lanceurs et de servicesspatiaux cette division joue un rocircle phare dans les programmes spatiaux institutionnels etmilitaires en Europe La division Avions de transport militaire conccediloit fabrique et commer-cialise des avions pour des missions militaires etou de seacutecuriteacute (telles que le ravitaillementen vol la surveillance maritimehellip) La gamme de produits de cette division comprend desappareils de transport lourds moyens et leacutegers ainsi que des deacuteriveacutes drsquoAirbus qui beacuteneacute-ficient de toutes les performances des avions commerciaux Enfin la division Deacutefense amp

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Les structures drsquoentreprises

Seacutecuriteacute constitue le pocircle des activiteacutes de deacutefense et de seacutecuriteacute drsquoEADS Elle offre des solu-tions technologiques permettant de combiner les aeacuteronefs militaires les systegravemes demissile les systegravemes de deacutefense et de communication lrsquoeacutelectronique de deacutefense et lesservices associeacutes afin de garantir lrsquointeropeacuterabiliteacute interarmes et interallieacutes Elle jouenotamment un rocircle deacutecisif dans le programme Eurofighter le systegraveme de combat aeacuterien leplus sophistiqueacute au monde Ce systegraveme conjugue un radar multimode avanceacute et une suitecomplegravete de senseurs et de contre-mesures eacutelectroniquesComme le montre lrsquoorganigramme ci-dessous les divisions sont autonomes et responsa-bles de leur performance Elles sont placeacutees sous la responsabiliteacute drsquoun dirigeant lui-mecircme placeacute sous la tutelle de Louis Gallois On peut donc qualifier lrsquoorganisation drsquoEADSde structure divisionnelle On constate eacutegalement que certaines fonctions transverses(comme la strateacutegie le marketing et la finance) sont en relation directe avec la directiongeacuteneacuterale

Figure 24 mdash Lrsquoorganigramme geacuteneacuteral drsquoEADS

Agrave partir de wwweadscom

Board of Directors

Rolf BartkeJuan Manuel Eguiagaray UcelayArnaud LagardegravereLakshmi N MittalMichel Peacutebereau

Dominique DrsquoHinninLouis GalloisHermann-Josef LambertiSir John ParkerBodo Uebber

bull Marwan Lahoud

Dr Ruumldiger GrubeChairman

Chief Strategy andMarketing Officer

Executive Comittee

Chief Executive Officer (CEO)

bull Dr Thomas Endersbull Fabrice Breacutegier(COO)

Airbus Division

bull Carlos D Suarez

Military TransportAircraft Division

bull Ralph D Crosby Jr

EADS North America

bull Jussi Itaumlvuori

Human resources

bull Jean J Botti

Chief TechnicalOfficer

bull Franccedilois Auque

Astrium Division

bull Dr Lutz bertling

Eurocopter Division

bull Dr Stefan Zoller

Defence amp SecurityDivision

bull Hans Peter Ring

Chief Financial Officer

Responsible as Executive Committee member of a permanent group-vide mission to ensure EADS enhanced operational performanceas of October 22 2007

bull Louis Gallois

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Cette forme structurelle preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord la respon-sabiliteacute des divisions quant aux moyens et aux reacutesultats insuffle une culture de laperformance eacuteconomique Chaque business unit devient un centre de profit dont lesreacutesultats sont compareacutes avec ceux des autres entiteacutes du groupe Cette compeacutetitioninterne stimule et responsabilise les membres de la division quant agrave lrsquoatteinte desobjectifs fixeacutes par le siegravege (profit deacutegageacute marge contributive rentabiliteacute des capi-taux investishellip) Le dirigeant drsquoune division se trouve donc agrave la tecircte laquo drsquoune entre-prise dans lrsquoentreprise raquo dont le budget deacutepend souvent de sa capaciteacute agrave atteindre lesobjectifs Degraves lors la direction geacuteneacuterale du siegravege se trouve deacutetacheacutee des questionsopeacuterationnelles Son rocircle devient plus strateacutegique elle doit deacutetecter des opportuni-teacutes drsquoaffaires veiller agrave la performance de lrsquoensemble des divisions et envisager desdeacutesengagements des activiteacutes les moins profitables et dont les perspectives de deacuteve-loppement sont limiteacutees Elle assure aussi la coordination entre les divisions lorsquecelles-ci entretiennent des relations de marcheacute Elle joue eacutegalement via les fonc-tions support le rocircle de soutien aux business unit Toutefois plus les divisions sontnombreuses et plus la coordination et le soutien deviennent complexes Le rocircle dusiegravege peut alors se rapprocher de celui drsquoune holding ou drsquoun conglomeacuterat assurerla gestion des investissements (allocation des ressources) et des deacutesinvestissementsDans ce cas les services centraux tendent agrave disparaicirctre au profit drsquoune fonctionfinanciegravere dominante Enfin la structure divisionnelle confegravere une reacuteactiviteacute plusgrande agrave lrsquoentreprise Lrsquoautonomie deacutecisionnelle dont sont doteacutees les divisions leurpermet de mieux faire face agrave lrsquoincertitude et agrave la complexiteacute de leur environnementEacutetant plus proches des changements (en termes de leacutegislation de technologie deconcurrence de produits nouveauxhellip) les responsables de divisions les perccediloiventplus rapidement et ont la capaciteacute drsquoy faire face dans des deacutelais plus courts Cettemarge de manœuvre est le facteur preacutedominant de la rapiditeacute de changement

Malgreacute ces avantages la structure divisionnelle preacutesente trois inconveacutenients prin-cipaux Tout drsquoabord crsquoest une structure coucircteuse car les fonctions opeacuterationnellesse reacutepartissent au sein des business unit Ainsi une entreprise multidivisionnelle nepeut escompter reacutealiser des eacuteconomies drsquoeacutechelle consideacuterables chaque division estdoteacutee de moyens humains et techniques propres (plusieurs installations de produc-tion et eacutequipes de ventehellip) Cet eacutecueil est parfois contrebalanceacute par la centralisationde certaines fonctions Crsquoest cependant un dosage difficile car les synergies (et labaisse des coucircts de structure) induites par le partage de fonctions de support risquentde peser sur les avantages de lrsquoautonomie manageacuteriale des divisions Le secondinconveacutenient concerne le deacuteveloppement de lrsquoexcellence fonctionnelle dans lrsquoentre-prise Lrsquoexpertise nrsquoest pas la prioriteacute de cette structure Or en accordant une placepreacutepondeacuterante au reacutesultat cela peut rejaillir de faccedilon neacutegative sur la maicirctrise etlrsquoeacutevolution de certaines compeacutetences En effet les reacuteponses rapides aux eacutevolutionsdu marcheacute sont privileacutegieacutees au deacutetriment drsquoefforts plus incertains en termes techno-logiques par exemple De mecircme les divisions eacutetant en compeacutetition entre elles lepartage de compeacutetences est difficile agrave organiser Les uniteacutes se concentrent surlrsquoatteinte de leurs objectifs et ont peu drsquointeacuterecirct agrave coopeacuterer entre elles Les ameacuteliora-tions fonctionnelles qursquoelles reacutealisent tendent agrave demeurer au sein de la division et

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Les structures drsquoentreprises

crsquoest la dynamique drsquoapprentissage de lrsquoentreprise dans sa globaliteacute qui est affec-teacutee Le dernier inconveacutenient est relatif aux ressources humaines Lrsquoentreprise multi-divisionnelle doit disposer drsquoun vivier de cadres geacuteneacuteralistes capables drsquoacceacuteder agravedes postes de responsables de division Les qualiteacutes drsquoun directeur de divisions sontbien diffeacuterentes de celles drsquoun directeur de fonction Les entreprises en business unitdeacuteveloppent donc le plus souvent des programmes de formation de haut niveau pourse doter de personnels aptes agrave assumer ces responsabiliteacutes

Pour conclure la structure divisionnelle est adapteacutee aux entreprises diversifieacutees entermes de produits de marques drsquoactiviteacutes de projets de clients et de marcheacutesgeacuteographiques Pourtant si son efficaciteacute reacuteside dans lrsquoindeacutependance des divisionscela fait peser le risque drsquoeacuteclatement de lrsquoorganisation et tend agrave accroicirctre consideacutera-blement les coucircts de structure Le partage de certaines fonctions rattacheacutees au siegravegetend agrave les abaisser mais risque alors drsquoaffaiblir lrsquoautonomie des uniteacutes Crsquoest pourconcilier des exigences contradictoires que certaines entreprises ont adopteacute unestructure matricielle

3 La structure matricielle

La structure matricielle (figure 25) deacutesigne la superposition des structures fonc-tionnelle et divisionnelle Pour maintenir leurs avantages respectifs en en effaccedilantles inconveacutenients elle conjoint des deacutepartements (qui assurent le deacuteveloppement delrsquoexpertise et compressent les coucircts de structure) et des divisions (qui se concentrentsur le reacutesultat et lrsquoadeacutequation au marcheacute) Les deacutepartements gegraverent les ressourceshumaines financiegraveres et techniques pour lrsquoensemble des divisions tandis que cesderniegraveres ont pour mission principale la gestion opeacuterationnelle et lrsquoatteinte drsquoobjec-tifs commerciaux

Figure 25 mdash La structure matricielle

La structure matricielle repose donc sur une double coordination horizontale etverticale La premiegravere est assureacutee par le responsable de division (ici une zonegeacuteographique) elle consiste agrave assurer le bon enchaicircnement des contributions fonc-

DeacutepartementGRH

Europe

Asie

Ameacuterique

DeacutepartementFinance

DeacutepartementMarketing

DeacutepartementLogistique

Responsables des deacutepartements

Directeursde zones

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tionnelles inscrites dans un flux drsquoopeacuterations Lrsquoobjectif est drsquoen assurer la qualiteacuteglobale selon une logique drsquoefficaciteacute La seconde est assureacutee par le responsable dedeacutepartement elle consiste agrave allouer les ressources entre les divisions Lrsquoobjectif estdrsquooptimiser les moyens disponibles selon une logique drsquoefficience Il y a donc poten-tiellement divergence drsquointeacuterecircts entre les deux pocircles le responsable de division tendagrave maximiser les moyens pour permettre agrave sa division de se deacutevelopper alors que leresponsable de fonction tend agrave les minimiser pour pouvoir les allouer agrave lrsquoensembledes divisions

Les deux modes de coordination (horizontale et verticale) sont interdeacutependants ilsrsquoagit drsquoassurer un compromis entre les logiques drsquoefficaciteacute et drsquoefficience Endrsquoautres termes le fonctionnement drsquoune structure matricielle deacutepend de la qualiteacutede la collaboration entre les responsables de fonction et de division La preacutesence demeacutecanismes inteacutegrateurs est souvent neacutecessaire pour compenser la diffeacuterenciationengendreacutee par la matrice Par exemple des agents situeacutes agrave lrsquointersection entre lesfonctions et les divisions tentent de concilier les objectifs et les contraintes des eacutequi-pes respectives assumant le rocircle de coordinateur

Repegraveres Orange adopte une structure matricielle pour porter sa strateacutegie

Orange est la principale marque du groupe France Teacuteleacutecom lrsquoun des principaux opeacuterateursde teacuteleacutecommunications dans le monde Le groupe sert ainsi plus de 177 millions de clientssur les cinq continents dont les deux tiers sont clients de la marque Orange En 2005 legroupe lance le programme NExT (Nouvelle Expeacuterience des teacuteleacutecommunications) creacuteeacutedans le but de permettre France Teacuteleacutecom de passer drsquoun simple fournisseur drsquoaccegraves agrave unveacuteritable fournisseur de services Lrsquoobjectif de lrsquoopeacuterateur est drsquointeacutegrer les activiteacutes defournitures de services afin drsquooffrir agrave ses clients une nouvelle geacuteneacuteration de services En2006 Orange est ainsi devenue la marque unique du groupe pour lrsquoInternet ADSL la teacuteleacute-vision et le mobile Pour soutenir cette strateacutegie le groupe srsquoest engageacute dans une refontede sa structure et a adopteacute une structure matricielle

Le programme NExTNExT repose sur une volonteacute celle drsquooffrir aux clients une nouvelle expeacuterience des teacuteleacute-communications en leur donnant accegraves agrave un nouveau monde de services agrave une nouvellegeacuteneacuteration de services numeacuteriques (Internet teacuteleacutevisionhellip) et une ambition celle de devenirle fournisseur de services teacuteleacutecoms de reacutefeacuterence en Europe en matiegravere drsquoinnovation dequaliteacute de services et de performance eacuteconomiqueEn 2006 le programme NExT se concreacutetise par la mise en place drsquoune nouvelle organisa-tion baseacutee sur ces deux principes placer le client au centre des prioriteacutes de chacun etaccroicirctre lrsquoefficaciteacute du groupe gracircce agrave lrsquoadoption drsquoune structure matricielle Pour attein-dre ces objectifs le groupe a repenseacute lrsquoorganisation des directions opeacuterationnelles desdeacutepartements secteurs drsquoactiviteacute et des fonctions de groupe Les directions opeacuterationnel-les sont responsables des zones geacuteographiques (France Royaume-Uni Espagne Polo-gne Europe Moyen-Orient et Caraiumlbes Afrique Moyen-Orient et Asie) Les deacutepartements

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La structure matricielle est conccedilue pour preacutesenter les avantages des formes preacuteceacute-demment eacutetudieacutees excellence technique coucircts de structure optimiseacutes reacuteactiviteacute aumarcheacute logique de reacutesultat et eacutequipe de direction deacutedieacutee au deacuteveloppement delrsquoentreprise

Ces gains doivent ecirctre relativiseacutes par deux inconveacutenients Le premier est lieacute aufonctionnement hieacuterarchique En effet les individus doivent assumer une doubleappartenance hieacuterarchique au service fonctionnel qui attend une forte compeacutetencetechnique et agrave lrsquoeacutequipe divisionnelle soucieuse de lrsquoimplication dans le reacutesultatdrsquoensemble Il en reacutesulte parfois pour les acteurs une ambiguiumlteacute un stress et uneconfusion quant aux objectifs prioritaires et aux meacutethodes de travail qui se traduisentpar un engagement et une efficaciteacute professionnelle plus faibles Le second est lieacute agravela multiplication des conflits En effet les fonctions et les divisions ont des objectifsantagonistes Les premiers valorisent lrsquoefficience alors que les seconds font primerlrsquoefficaciteacute Cette divergence drsquointeacuterecircts peut donner lieu agrave des conflits dont la reacutecur-rence et lrsquointensiteacute bloquent le fonctionnement de la structure Les jeux de pouvoirse trouvent ainsi stimuleacutes par lrsquoorganisation matricielle Si tel est le cas la directiongeacuteneacuterale se trouve submergeacutee par des arbitrages agrave effectuer et ce au deacutetriment de saveacuteritable mission Il est eacutegalement courant drsquoobserver une tendance agrave lalaquo reacuteunionite raquo pour faire face aux difficulteacutes de la coordination

Pour conclure la structure matricielle repose fondamentalement sur la qualiteacute dela collaboration entre les deacutepartements et les divisions sur les aptitudes relationnel-les de leurs membres Elle bouleverse la hieacuterarchie comme mode dominant de coor-dination au profit de lrsquoajustement mutuel et suppose que les individus quelle quesoit leur entiteacute drsquoappartenance integravegrent les exigences de leurs collegravegues En

secteurs drsquoactiviteacute ont la responsabiliteacute des meacutetiers du groupe (services de communicationpersonnels services de communication reacutesidentiels et services de communication entre-prise) Enfin les fonctions groupe sont chargeacutees de deacutefinir la politique globale agrave lrsquoeacutechelle dugroupe et drsquoen assurer le pilotage pour chaque domaine Ces fonctions transverses sont lemarketing strateacutegique la finance les ressources humaines la communication et marquehellipLrsquoensemble de ces diffeacuterents deacutepartements fonctionne deacutesormais en transversal en vuedrsquoassurer une plus grande convergence des actions Ainsi ce fonctionnement croiseacute desentiteacutes de la structure permet par exemple la convergence commerciale (facture etcontrat unique) la convergence des services (services accessibles par nrsquoimporte quelmoyen de communication) et la convergence technologique (inteacutegration des reacuteseaux dusystegraveme drsquoinformation et des plateformes de services) Lrsquoenjeu ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute duservice rendu aux clients et optimiser les ressources deacutedieacutees au fonctionnement de lastructureIn fine le programme NExT nrsquoa pas seulement eu pour effet de modifier la structure delrsquoentreprise Il a eacutegalement permis le renforcement de lrsquoinnovation pour offrir le meilleur dela technologie agrave ses clients A ainsi eacuteteacute creacuteeacutee une entiteacute autonome le technocentre dont laprincipale mission est drsquoindustrialiser le lancement de services innovants

Agrave partir de wwworangefr

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drsquoautres termes la performance collective doit prendre le pas sur la performanceindividuelle Si ces nouvelles regravegles du jeu ne sont pas inteacuterioriseacutees par tous lesacteurs les gains de fonctionnement ne se reacutealisent pas et les difficulteacutes surgissent Ilnrsquoest drsquoailleurs pas rare que lrsquoune des entiteacutes prenne le dessus sur lrsquoautre Si lesdeacutepartements ont le pouvoir alors la structure devient plutocirct fonctionnelle Elle seraplutocirct divisionnelle si les activiteacutes (ou les produits les projets les zoneshellip) gouver-nent la structure

Les trois structures preacuteceacutedemment eacutetudieacutees (fonctionnelle divisionnelle et matri-cielle) preacutesentent une limite commune leur faible flexibiliteacute Crsquoest pour mieuxabsorber les chocs geacuteneacutereacutes par des changements externes que certaines entreprisesont chercheacute agrave rendre leur structure plus souple et flexible Les structures en reacuteseauconstituent ainsi une avanceacutee significative compte tenu de leur capaciteacute agrave absorber lacomplexiteacute et lrsquoincertitude interne et externe

4 La structure en reacuteseau

Pour mieux faire face aux changements rapides de lrsquoenvironnement agrave sacomplexiteacute croissante et agrave lrsquoimpreacutevisibiliteacute qui en reacutesulte les structures doiventdevenir plus agiles crsquoest-agrave-dire ecirctre capables drsquoabsorber les multiples variations queleur inflige le milieu Lrsquoorganisation en reacuteseau (un ensemble drsquoeacuteleacutements relieacutes entreeux formant une supra-organisation) constitue le mode de structuration le plusavanceacute pour geacuterer ces sources drsquoincertitude Elle se divise en deux formes structurel-les distinctes lrsquoentreprise en reacuteseau et le reacuteseau drsquoentreprises

La premiegravere (appeleacutee aussi reacuteseau interne) consiste agrave organiser lrsquoentreprise en unensemble de cellules fonctionnant comme des PME Chaque uniteacute (ou pocircle) est depetite taille parfaitement autonome sur le plan deacutecisionnel et entretient des liens demarcheacute limiteacutes avec drsquoautres uniteacutes Au niveau des pocircles la structure valorise lrsquoajus-tement mutuel (la communication) la limitation des proceacutedures le faible controcirclehieacuterarchique et le travail en eacutequipe ce qui lui confegravere un caractegravere organique Cetalleacutegement de la structure permet agrave lrsquoentreprise en reacuteseau de gagner en reacuteactiviteacute eten innovation car elle est organiseacutee de maniegravere agrave stimuler les initiatives et agrave promou-voir les compeacutetences et lrsquoautonomie des acteurs Pour illustrer lrsquoentreprise en reacuteseauon peut se reacutefeacuterer au reacuteseau bancaire agrave celui des agences drsquointeacuterimhellip dont lrsquoancragelocal permet de saisir les speacutecificiteacutes drsquoune zone geacuteographique en termes de prati-ques commerciales et drsquoexigences client Lrsquoeacutetablissement de relations privileacutegieacuteesavec les clients permet eacutegalement de maintenir la clientegravele captive Enfin la proxi-miteacute avec le marcheacute confegravere une rapiditeacute de reacuteaction en cas drsquoagression concurren-tielle ou de modification du jeu commercial

La seconde forme le reacuteseau drsquoentreprises (ou reacuteseau externe) se caracteacuterise parlrsquoexistence de relations commerciales denses entre des entreprises indeacutependantes surle plan patrimonial eacutechappant ainsi agrave lrsquouniteacute de commandement confeacutereacutee par laproprieacuteteacute du capital Ainsi un reacuteseau externe rassemble des structures juridiquement

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Les structures drsquoentreprises

indeacutependantes au sein drsquoune mecircme chaicircne de valeur Chacune se speacutecialise sur sescompeacutetences fondamentales et srsquoinsegravere dans des seacuteries de transactions reacutecurrentesavec les autres structures Cette organisation est souvent qualifieacutee drsquoentreprisevirtuelle En effet les frontiegraveres de la firme sont plus difficiles agrave deacutelimiter puisquetoutes les entreprises concourent au sein drsquoune mecircme chaicircne de valeur agrave proposerun systegraveme drsquooffre unique Toyota constitue un exemple saisissant de feacutedeacuterationdrsquoentreprises Lrsquoentreprise a bacircti son succegraves gracircce agrave la sous-traitance organiseacuteeToyota fait ainsi fabriquer agrave lrsquoexteacuterieur 70 de la valeur totale des veacutehiculesvendus Lrsquoessentiel de sa chaicircne de valeur est externaliseacute aupregraves drsquoentreprises parte-naires qui elles-mecircmes recourent agrave des sous-traitants Les fournisseurs de rang unsont donc inviteacutes agrave srsquoorganiser comme leur donneur drsquoordre et ainsi de suite Leconstructeur compte 171 fournisseurs attitreacutes (de premier rang) dont seulement37 pour lesquelles Toyota est le premier actionnaire Si on ajoute les fournisseurs dedeuxiegraveme et troisiegraveme rangs on compte au total 36 000 sous-traitants soit trois foisplus que General Motors qui nrsquoen compte laquo que raquo 12 500

Repegraveres Les districts industriels une formedrsquoorganisation en reacuteseau

Le district industriel est neacute en Italie dans les anneacutees quatre-vingt il srsquoagit drsquoun regroupe-ment de petites et moyennes entreprises speacutecialiseacutees dans un mecircme domaine (les chaus-sures le textile les meubleshellip) Le Japon est eacutegalement repreacutesentatif de concentrationsindustrielles dans des districts Selon des donneacutees officielles on compte jusqursquoagrave550 districts industriels La caracteacuteristique essentielle de ces districts est leur organisationen reacuteseau et leur agiliteacute

Le district industriel de KyriuKyriu est lrsquoun des districts industriels les plus anciens et traditionnels du Japon Agrave lrsquoorigineson activiteacute eacutetait lieacutee agrave lrsquoindustrie textile Ce district est particuliegraverement connu pour laproduction drsquoun tissu le jacquard Cependant le district assure eacutegalement la productiondes tissus utiliseacutes pour la fabrication de kimonos et de poupeacutees traditionnellesAujourdrsquohui le district est reacuteputeacute pour pouvoir produire nrsquoimporte quel tissu Lrsquoouverturedu Japon agrave lrsquoexteacuterieur a eu pour effet lrsquointroduction de vecirctements occidentaux dans le payset lrsquoutilisation moindre des vecirctements traditionnels Le district a donc suivi ces eacutevolutionset fabrique des tissus tregraves diffeacuterents utiliseacutes notamment dans la deacutecoration et la fabrica-tion de vecirctements occidentauxCe district est composeacute de 400 entreprises hautement speacutecialiseacutees majoritairement desPME qui emploient moins de trente personnes La plupart sont des entreprises familialesqui existent depuis plusieurs geacuteneacuterations Toutes les entreprises sont speacutecialiseacutees dans undomaine comme la production du fil ou la coloration du tissu Leurs clients sont principa-lement des marques drsquohabillement qui vendent du textile mais ne le produisent pas Cesderniers passent par des grossistes appeleacutes Tonya qui coordonnent la production Parfoiscompte tenu des marges importantes que prennent les grossistes certains producteurscoordonnent directement lrsquoorganisation de la production Actuellement le deacutefi du district

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de Kyriu est de faire face agrave la deacutelocalisation de plusieurs fabricants en Chine Coreacutee etTaiumlwan en raison de coucircts de production beaucoup moins eacuteleveacutes Et ces deacutelocalisations ontpour conseacutequences la fermeture certaines usines et la diminution du volume de produc-tion pour drsquoautres Les entreprises du district modifient donc leur strateacutegie elles contri-buent aux eacutetudes de marcheacute reacutealiseacutees par les marques reacuteduisent le nombredrsquointermeacutediaires (notamment les Tonya) et se rapprochent des tendances de la mode Ellesdeacuteveloppent progressivement des compeacutetences nouvelles dans les domaines du marke-ting de la creacuteation et de la commercialisation

Le district industriel de Suwa-OkayaCe district est installeacute dans la preacutefecture de Nagano au centre de Honshu la plus grandeicircle du Japon Les habitants ont deacuteveloppeacute un esprit entrepreneurial et se sont engageacutesdans lrsquoartisanat Ils ont commenceacute agrave produire des tissus mais se sont reacuteorienteacutes vers laproduction de composants industriels Crsquoest apregraves la Deuxiegraveme Guerre mondiale quelrsquoindustrie de meacutecanique de preacutecision a commenceacute agrave se deacutevelopper Seiko lrsquoune des entre-prises du district srsquoest alors associeacute agrave de nombreuses PME pour produire des montres etdes horloges Elle a par la suite deacuteveloppeacute des montres digitales et a notamment fourni leseacutequipements de mesure pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 Dans les anneacuteesquatre-vingt lorsque la production des montres agrave bas coucirct a eacuteteacute transfeacutereacutee vers HongKong certains sous-traitants ont cesseacute la fabrication de piegraveces pour les montres et se sontreacuteorienteacutes principalement vers les domaines de lrsquoinformatique La creacuteation drsquoEpson parSeiko une entreprise speacutecialiseacutee dans les imprimantes a contribueacute agrave ce changementCe district est composeacute de 4 000 entreprises manufacturiegraveres La moitieacute a moins dequatre employeacutes et la plupart des entreprises de petite taille sont des sous-traitants quiont plusieurs clients agrave lrsquoexteacuterieur et agrave lrsquointeacuterieur du district Ce district compte eacutegalementun centre de soutien creacuteeacute par la preacutefecture de Nagano dont lrsquoobjectif est de promouvoir lacoopeacuteration tripartite entre les universiteacutes les industriels et les autoriteacutes gouvernementa-les Comme les autres districts japonais Suwa-Okaya souffre de la deacutelocalisation indus-trielle Si certaines entreprises ont eacuteteacute contraintes de licencier de restructurer etdrsquoabandonner leur activiteacute drsquoautres ont investi dans la R amp D surtout dans le domaine desnanotechnologies

Le district industriel de Higashi-OsakaComme la plupart des districts industriels du Japon Higashi-Osaka a aussi commenceacute avecle tissu Mais il a eacutevolueacute jusqursquoagrave arriver agrave la production de meacutetal de machines de produitseacutelectroniques ou de plastique La diffeacuterence entre ce district industriel et drsquoautres tient aufait que les PME travaillent pour plusieurs clients en mecircme temps Les entreprises se sontaussi speacutecialiseacutees dans des tacircches speacutecifiques mais elles coopegraverent activement Cettecoopeacuteration est telle qursquoelles ont des sites internet communs ou partagent un mecircme standdans les salons Par exemple le G7rsquos Meeting est un groupement de dix entreprises donttrois agissent comme coordinateurs du travail et engagent des efforts de R amp D dans desdomaines prometteurs comme les nanotechnologies ou les biotechnologies Un autregroupement drsquoune quarantaine drsquoentreprises srsquoest lanceacute dans le deacuteveloppement drsquoun satel-lite et est parvenu agrave convaincre les autoriteacutes locales et nationales de la faisabiliteacute de ceprojet Cependant comme les autres districts industriels japonais le district de Higashi-Osaka souffre de la deacutelocalisation des industries vers lrsquoAsie du Sud-Est

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Les structures drsquoentreprises

Dans sa forme la plus courante le reacuteseau externe est domineacute par une firmecentrale le donneur drsquoordres (Hitachi dans lrsquoencadreacute) Il est alors la reacutesultante drsquounrecours intensif agrave lrsquoexternalisation la firme centrale se concentre sur un nombrelimiteacute de maillons de sa chaicircne de valeur pour en confier le plus grand nombre agrave despartenaires Cette structure lui procure des avantages non neacutegligeables adaptabiliteacuteissue drsquoune taille plus petite flexibiliteacute car les sous-traitants supportent les variationsde la demande variabilisation des coucircts fixes car lrsquoentreprise ne paye que ce qursquoellevend accegraves aux compeacutetences des fournisseurs speacutecialistes et agrave leurs innovations etgains financiers induits par leur expertise et leur volume drsquoaffaires

Ces avantages sont contrebalanceacutes par deux risques majeurs lrsquoopportunisme etles coucircts pour le combattre En effet lrsquoindeacutependance des partenaires rend la firmecentrale plus vulneacuterable Indeacutependants sur le plan capitalistique et donc manageacuterialles fournisseurs peuvent se montrer opportunistes (privileacutegier un client plus reacutemuneacute-rateur ecirctre deacutefaillant sur les deacutelais et la qualiteacute devenir concurrent de son clienthellip)Nike a ainsi eacuteteacute laquo trahi raquo par Kolon lrsquoun de ses sous-traitants qui a mis sur lemarcheacute des chaussures aux caracteacuteristiques similaires sous la marque laquo Activ raquo Lesfournisseurs privileacutegient alors leurs inteacuterecircts immeacutediats au deacutetriment de ceux dudonneur drsquoordres qui peut ecirctre peacutenaliseacute par de tels comportements Cette absence degarantie sur la loyauteacute contraint le donneur drsquoordres agrave adopter des dispositifs de

Le district industriel de HitachiCe district situeacute sur lrsquooceacutean pacifique au nord de Tokyo se diffeacuterencie des autres par sacomposition Appeleacute joka machi qui veut dire ville chacircteau il se caracteacuterise par la preacutesencedrsquoune entreprise dominante qui en influence tous les aspects de la vie Crsquoest durant lapeacuteriode drsquoouverture du Japon agrave lrsquoexteacuterieur que lrsquoentreprise Hitachi Manufacturing Co a eacuteteacutecreacuteeacutee Apregraves la Deuxiegraveme Guerre mondiale la ville srsquoest deacuteveloppeacutee autour drsquoHitachi Co etlrsquoentreprise a pu deacutevelopper diffeacuterentes activiteacutes dans les domaines de lrsquoeacutelectronique despiegraveces automobiles et des centrales eacutenergeacutetiques Chaque usine drsquoHitachi eacutetait speacutecialiseacuteedans lrsquoun de ces domaines et avait ses propres sous-traitants Lrsquoentreprise eacutetait si impor-tante dans la ville qursquoelle posseacutedait des hocircpitaux des supermarcheacuteshellip Certains disentmecircme que la ville est un territoire priveacute drsquoHitachi Co Jusqursquoagrave reacutecemment les PMEtravaillaient exclusivement pour Hitachi elles ne se sont jamais preacuteoccupeacutees de deacutevelop-per de nouvelles compeacutetences et se contentaient drsquohonorer les commandes drsquoHitachi Celasrsquoexplique par le fait qursquoHitachi nrsquoexternalisait que les opeacuterations simples AinsilorsqursquoHitachi a deacutelocaliseacute sa production en Asie du Sud-Est lrsquoimpact pour les PME a eacuteteacuteconsideacuterable Hitachi eacutetait leur seul client et de nombreuses entreprises ont ducirc fermerleurs portes En reacuteponse un centre de soutien a eacuteteacute creacuteeacute en 1999 pour assister les PME dansleurs efforts de reacuteorganisation de restructuration et de revitalisation Avec lrsquoaide du centrede soutien un reacuteseau de neuf entreprises a produit le Bioclean un reacuteacteur biologique quitransforme les ordures meacutenagegraveres en liquide Lrsquoentrepreneur agrave lrsquoorigine de cette ideacutee avaitcomplegravetement arrecircteacute de travailler pour Hitachi quelques anneacutees auparavant

Agrave partir de COLOVIC A et CARTIER M laquo Kiryu Suwa-Okaya Higashi Osaka et Hitachi quatre districts industriels japonais face agrave la concurrence raquo in JOFFRE O PLE L et SIMON E

Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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controcircle Ceux-ci geacutenegraverent des coucircts de structure agrave ne pas neacutegliger Pour Freacutery(1997) ces dispositifs srsquoapparentent agrave des meacutecanismes drsquointeacutegration Ce sont lesinteacutegrations logistiques meacutediatiques et culturelles

Tout drsquoabord la firme centrale peut controcircler les flux en inteacutegrant les partenaires agraveson reacuteseau logistique Le prestataire qui a adopteacute (financeacute) les outils technologiquesdu donneur drsquoordre nrsquoa aucun inteacuterecirct agrave rompre la collaboration En outre lrsquointeacutegra-tion logistique permet une forme laquo drsquoingeacuterence raquo dans les pratiques du prestataireDans le cas de lrsquointeacutegration meacutediatique lrsquointermeacutediation est justifieacutee par la notorieacuteteacutede la marque de la firme feacutedeacuteratrice Elle est une ressource strateacutegique qui repreacutesenteune part essentielle de la valeur des produits ou services vendus Le prestataire nedispose pas drsquoune marque aussi prestigieuse et peut donc difficilement vendre sansla structure agrave laquelle il appartient Selon nous lrsquointeacutegration meacutediatique peut ecirctreeacutetendue agrave tout type drsquoactif dont la privation limite les deacuteboucheacutes des fournisseurs (unreacuteseau de distribution une infrastructure technologiquehellip) Dans le cas de lrsquointeacutegra-tion culturelle le gain financier issu drsquoune laquo trahison raquo est peu attractif face agrave laperte affective psychologique et sociale occasionneacutee par celle-ci Un tel comporte-ment signifierait une exclusion de la communauteacute drsquoappartenance En effet lesmembres du reacuteseau entretiennent des relations de confiance fortes et non exclusive-ment eacuteconomiques qui garantissent une grande solidariteacute

Pour conclure la structure en reacuteseau (interne et externe) correspond agrave la formedrsquoorganisation la plus reacutecente Sa diffusion est lieacutee agrave la neacutecessiteacute pour les entreprisesdrsquoacqueacuterir une plus grande capaciteacute de changement

Enfin la multiplication des projets dans les entreprises conduit agrave des ameacutenage-ments structurels afin de les inteacutegrer au fonctionnement organisationnel Les projetsinfluencent plus ou moins fortement les structures drsquoentreprises

5 Les structures par projet

Mettre en place un systegraveme drsquoinformation deacutevelopper un nouveau veacutehiculeeacutedifier un bacirctiment industrielhellip sont des projets communs agrave nombre drsquoorganisationsIls se deacuteclinent deacutesormais agrave tous les niveaux de lrsquoorganisation jusqursquoagrave former unveacuteritable paradigme de management Selon Aureacutegan et Joffre (2004) lrsquoon assiste agraveune veacuteritable laquo projectisation raquo de lrsquoentreprise

Cependant la gestion de projet reacutepond agrave certaines speacutecificiteacutes En effet un projetse caracteacuterise par son uniciteacute son horizon temporel et sa nouveauteacute Il se caracteacuterisetout drsquoabord par une finaliteacute propre (le deacuteveloppement de la Twingo est diffeacuterent decelui de la Twingo de deuxiegraveme geacuteneacuteration) Il est eacutegalement limiteacute dans le temps il a une date de deacutebut et de fin Enfin il srsquoinscrit en rupture par rapport agrave la gestionpermanente de lrsquoentreprise Un projet correspond donc agrave un sous-systegraveme de mana-gement temporaire qui srsquoappuie sur un processus planifieacute allant de la deacutefinition desobjectifs du projet agrave son eacutevaluation en termes de qualiteacute coucircts et deacutelais

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Les structures drsquoentreprises

Selon Zannad (1998) la gestion drsquoun projet laquo correspond agrave un mode de manage-ment dans lequel une eacutequipe projet composeacutee des repreacutesentants des diffeacuterentesfonctions de lrsquoentreprise et piloteacutee par un directeur de projet fait appel aux ressour-ces des structures ldquomeacutetierrdquo afin drsquoatteindre des objectifs de performance qualiteacute-coucircts-deacutelais raquo Cette deacutefinition souligne le problegraveme de lrsquointeacutegration des projets

Repegraveres Les projets de creacuteation et de deacutevelop-pement des systegravemes drsquoessais chezRenault

Jusqursquoau milieu du siegravecle les essais automobiles se faisaient sur route mais les progregravestechnologiques lrsquoimpeacuteratif de qualiteacute et les contraintes de coucircts ont conduit agrave reacuteduire lesessais sur piste et agrave les reacutealiser gracircce agrave des moyens de simulation Les essais ont un carac-tegravere particuliegraverement strateacutegique En effet lrsquoambition de Renault est de concevoir desmoteurs capables drsquoatteindre 300 000 kilomegravetres sans intervention Une telle ambitionimplique de reacutealiser des essais de haute qualiteacute en terme de fiabiliteacute des mesures et desreacutesultats agrave des coucircts les plus bas possibles En outre le raccourcissement des cycles de viedes veacutehicules impose de renouveler rapidement les gammes Il srsquoagit pour les construc-teurs de concevoir et mettre sur le marcheacute des veacutehicules dans des deacutelais reacuteduits (la cible estagrave 24 mois) Les essais jouent lagrave aussi un rocircle primordial car ils sont attendus par les eacutequipesde conception du produitCes essais sont reacutealiseacutes gracircce agrave des moyens de simulation ou systegraveme drsquoessais Celui-cicherche agrave reproduire les conditions drsquoutilisation reacuteelles des composants drsquoun veacutehicule parles clients Ainsi lrsquoeacutetude drsquoun composant veacutehicule appeleacute speacutecimen consiste agrave lui fairesubir des sollicitations au sein drsquoun environnement qui va lui-mecircme influencer lrsquoessai Lespeacutecimen va donner des laquo reacuteponses raquo que le client interne (ingeacutenierie veacutehicules et ingeacutenie-rie meacutecanique) doit inteacutegrer La reacutealisation drsquoun essai neacutecessite donc une meacutethode rigou-reuse de reproduction des conditions drsquoutilisation des veacutehicules Il srsquoagit en fait drsquounprotocole de reacutealisation de lrsquoessai Au niveau opeacuterationnel un systegraveme drsquoessais mobilisetrois ressources des moyens techniques des moyens humains et une organisation Laconjonction de ces trois ressources permet de concevoir des systegravemes drsquoessais fiables et dereacutealiser les essais demandeacutes par les clients internes dans le respect des critegraveres de qualiteacutecoucircts et deacutelaisLes systegravemes drsquoessais sont conccedilus maintenus et deacuteveloppeacutes par un deacutepartement composeacutede 160 personnes lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais (ISE) LrsquoISE doit donc fournir et main-tenir les systegravemes drsquoessais pour lrsquoingeacutenierie veacutehicules et lrsquoingeacutenierie meacutecanique Sa missionintervient en aval de la conception drsquoun veacutehicule et en amont de sa mise en fabricationLrsquoISE gegravere ainsi pregraves de 200 projets par an de nature (eacutevolution ou deacuteveloppement drsquounsystegraveme drsquoessais) et drsquoampleur (budget et dureacutee du projet) variables De mecircme la domi-nante technique est souvent speacutecifique (hydraulique informatique eacutelectroniquehellip) Enfinil est courant de distinguer les petits projets (budget infeacuterieur agrave 150 000 euros et agrave dureacuteelimiteacutee agrave un an) et les grands projets

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Typologie des projets et gestion des contributionsdes acteurs raquo Vie et sciences eacuteconomiques ndeg 168-169 2005

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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dans la structure de lrsquoentreprise Et il convient de distinguer trois modes principauxdrsquointeacutegration organisationnelle des projets (figure 26) Chacun varie quant aux agrave laplace laisseacutee au projet et aux modaliteacutes de coordination des acteurs impliqueacutes dansle projet

Source Adapteacute de Midler (1993) in Soparnot et Stevens (2007)

Figure 26 mdash Les types drsquointeacutegration organisationnelle des projets

Lrsquoorganisation fonctionnelle consiste agrave geacuterer le projet sans modifier lrsquoorganisationen place Le projet repose donc sur lrsquoimplication des membres en fonction desmeacutetiers requis Ceux-ci restent neacuteanmoins rattacheacutes agrave leur deacutepartement fonctionnelLa coordination entre les membres se fait de faccedilon informelle sans qursquoun responsa-ble du projet ait autoriteacute sur eux ou de faccedilon plus formelle en nommant un coordina-teur projet Ce mode drsquoorganisation preacutesente lrsquoavantage de la leacutegegravereteacute des moyensdeacutedieacutes Il preacutesente cependant de grandes difficulteacutes degraves lors qursquoun arbitrage entredeux fonctions doit ecirctre rendu Pour des projets lourds impliquant un grand nombredrsquoacteurs cette structure srsquoavegravere bien souvent insuffisante pour garantir une coordi-nation optimum entre les fonctions

Lrsquoorganisation matricielle se caracteacuterise par la creacuteation drsquoune fonction de respon-sable de projet qui a autoriteacute hieacuterarchique sur chacun des meacutetiers solliciteacutes dans lecadre du projet La fonction creacuteeacutee est donc responsable des choix de deacuteveloppementainsi que des budgets qui lui sont consacreacutes Un tel choix augmente le coucirct du projet

Organisation fonctionnelle

Organisation matricielle

Organisation en eacutequipe projet

Sous-traitantsfournisseurs

clients hellip

Sous-traitantsfournisseurs

clients hellip

Directions meacutetiers

Acteurs meacutetierssur le projet

Limites drsquointerventiondu directeur de projetDirecteur de projet

Directeur de projet

Acteur projet ouchef projet meacutetier

Eacutequipe projet

Acteur projet ouchef projet meacutetier

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Cependant dans les projets complexes ou demandant une grande coordination entreles fonctions il permet de gagner en efficaciteacute En outre la capaciteacute du chef deprojet agrave faire des arbitrages entre les fonctions deacutepend de sa leacutegitimiteacute etou dusoutien explicite des directions geacuteneacuterales

Lrsquoorganisation en eacutequipes projet correspond agrave la creacuteation drsquoune eacutequipe deacutedieacuteeComposeacutee des meacutetiers requis pour le deacuteroulement du projet une telle eacutequipepreacutesente des qualiteacutes drsquoautonomie de fonctionnement et drsquoefficaciteacute opeacuterationnelleLrsquoimplication de ses membres permet une communication rapide et intense et faci-lite les apprentissages partageacutes Une telle structure est adapteacutee agrave des projets lourds ettregraves innovants mais requiert en contrepartie un engagement financier plus importantAgrave titre drsquoillustration le deacuteveloppement drsquoun projet automobile fait lrsquoobjet drsquouneeacutequipe projet dont la mission est entiegraverement concentreacutee au deacuteveloppement dunouveau veacutehicule

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents types de structure (fonctionnelle divisionnelle matricielleen reacuteseau et par projet) de leurs avantages et inconveacutenients respectifs a permis deposer les bases drsquoune theacuteorie de la structure Compte tenu de la complexiteacute des struc-tures reacuteellement adopteacutees par les entreprises cette typologie preacutesente des ideacuteauxtypes La grande diversiteacute des structures conduit enfin agrave se demander srsquoil nrsquoexisteraitpas une structure ideacuteale qui surpasserait les autres Existe-t-il un one best way Cequestionnement conduit agrave aborder le courant theacuteorique de la contingence et agrave srsquointeacute-resser aux facteurs drsquoinfluence de la structure

LES FACTEURS DrsquoINFLUENCE DE LA STRUCTURE

Agrave la suite des travaux reacutealiseacutes par les tenants de la theacuteorie de la contingence il estpossible drsquoaffirmer qursquoil nrsquoexiste pas de structure supeacuterieure agrave toutes les autres Enfait on trouve des entreprises performantes dans toutes les familles de structureCela deacutemontre drsquoune part que la structure nrsquoinfluence pas seule la performance desfirmes et drsquoautre part que la quecircte drsquoune structure ideacuteale est illusoire La theacuteorie dela contingence souligne qursquoil est par contre leacutegitime drsquoidentifier les conditions danslesquelles une structure est supeacuterieure agrave une autre Lrsquoexamen de ces circonstancesrevient agrave identifier les facteurs qui deacuteterminent lrsquoeacutevolution des formes structurellesSelon la theacuteorie de la contingence la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironne-ment et la culture drsquoorigine influencent la structure

1 La taille de lrsquoentreprise

Lorsque lrsquoentreprise se deacuteveloppe elle fait face agrave des contraintes drsquoorganisation agravela fois plus importantes et nouvelles La masse de travail augmente et la diversiteacute desmissions srsquoaccentue En conseacutequence le nombre de salarieacutes de mecircme que les actifs

Section 3

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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de la firme croissent et avec eux la neacutecessiteacute de structurer lrsquoensemble Ainsi agrave lanaissance de lrsquoentreprise le fondateur assume seul lrsquoensemble des missions Laspeacutecialisation est donc limiteacutee le besoin de coordination inexistant la formalisationreacuteduite et la centralisation totale Mais le deacuteveloppement de lrsquoentreprise a pourconseacutequence lrsquoimpossibiliteacute pour le dirigeant drsquoassumer seul lrsquoensemble des respon-sabiliteacutes Il va le plus souvent recruter des responsables fonctionnels qursquoil va chargerde lrsquoexeacutecution opeacuterationnelle et ainsi speacutecialiser la structure de lrsquoentreprise La coor-dination se fera alors le plus souvent par ajustement mutuel entre lui et ses collabo-rateurs La formalisation des rocircles devient deacutesormais neacutecessaire afin de clarifier lepeacuterimegravetre de chacun et la centralisation diminue progressivement les responsablesayant une certaine autonomie deacutecisionnelle

Le deacuteveloppement de la taille de lrsquoentreprise srsquoaccompagne sans conteste drsquounesophistication de sa structure Cela signifie une speacutecialisation supeacuterieure (des divi-sions etou services nouveaux sont creacuteeacutes) une formalisation des meacutethodes de travail(poids des regravegles et proceacutedures) une augmentation de la standardisation pour assu-rer la coordination des services et une augmentation du nombre de responsableshieacuterarchiques Degraves lors agrave chaque stade de deacuteveloppement de lrsquoentreprise doit corres-pondre une structure adeacutequate Si tel nrsquoest pas le cas la performance de lrsquoentreprisedeacutecline et aboutit agrave une efficaciteacute moindre dans la reacutealisation de ses missions (baissede la qualiteacute du travail accumulation du travail surcharge des collaborateursstresshellip) etou agrave une augmentation significative des coucircts de fonctionnement de lastructure Ainsi comme le montre la figure ci-dessous une augmentation non maicirctri-seacutee de la taille peut se traduire par une bureaucratisation de lrsquoentreprise

Source Strategor 2005

Figure 27 mdash Le risque de bureaucratisation de la structure

Diffeacuterenciationdes fonctions

Accroissement dela speacutecialisation

Plus de besoin de coordination intrainter uniteacutes

Plus de personneldrsquoeacutetat-major

Plus de personneladministratif

Plus de formalisation de lrsquoorganisation et des systegravemes de gestion

Multiplication des niveaux hieacuterarchiques

TAILLE

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Le dirigeant doit donc veiller agrave lrsquoadeacutequation de la structure avec la taille de lrsquoentre-prise De mecircme la technologie constitue un deacuteterminant de lrsquoeacutevolution drsquoune struc-ture

2 La technologie

La technologie se reacutefegravere agrave lrsquoensemble des opeacuterations pour transformer des intrantsen produits ou services commercialisables Il peut donc srsquoagir de la technologiemobiliseacutee pour fabriquer un meuble pour traiter un dossier de reacuteclamation pourlaquo produire raquo un voyagehellip Or il semble que les diffeacuterences de technologies utiliseacuteespar les entreprises expliquent les diffeacuterences de leur structure Pour mieux compren-dre les caracteacuteristiques de cette influence Woodward (1965) distingue trois modesde production industrielle Tout drsquoabord la production agrave lrsquouniteacute concerne la fabrica-tion de produits uniques ou de petites seacuteries Ensuite la production en masse sereacutefegravere agrave la fabrication de produits standardiseacutes et en grandes quantiteacutes Enfin laproduction en continu correspond agrave la fabrication de produits speacutecifiques (gaz eacutelec-triciteacutehellip) qui exige une activiteacute automatique et continue Ces trois technologiesinfluencent la complexiteacute technique la preacutevisibiliteacute des opeacuterations et le besoin decontrocircle sur lrsquoactiviteacute

Woodward montre que chaque technologie neacutecessite des ajustements structurelspour permettre agrave lrsquoentreprise drsquoecirctre efficace Plus la technologie se complexifie etplus le nombre de niveaux hieacuterarchiques et la proportion de personnel administratifaugmentent Cependant le nombre de salarieacutes sous la responsabiliteacute drsquoun individu(eacuteventail de subordination) est plus eacuteleveacute pour le cas de la production en masse Ensynthegravese Woodward met en eacutevidence que les entreprises agrave faible complexiteacute techno-logique (production agrave lrsquouniteacute) possegravedent les attributs structurels de la forme organi-que et que celles dont la complexiteacute technologique est plus forte (production encontinu) ont les attributs de la forme meacutecaniste Prenons le cas drsquoun artisan doreurdont le meacutetier consiste agrave appliquer des feuilles drsquoor sur diffeacuterents types de support(cadres escaliers vitrines mobiliers bouteille monumentshellip) Chaque reacutealisationest particuliegravere la technologie se rapproche de la production agrave lrsquouniteacute La naturespeacutecifique du travail limite les possibiliteacutes de standardisation des proceacutedeacutes et deformalisation du travail Lrsquoouvrier est qualifieacute et autonome ce qui reacuteduit le besoin decontrocircle hieacuterarchique Lrsquoefficaciteacute de lrsquoentreprise artisanale deacutepend donc drsquouneadeacutequation entre sa structure (organique) et sa technologie dominante (production agravelrsquouniteacute)

Les travaux de Perrow (1970) fournissent un second eacuteclairage des relations tech-nologie-structure Lrsquoauteur montre que lrsquoinfluence de la technologie srsquoanalyse agravepartir de deux dimensions La premiegravere concerne la variabiliteacute des activiteacutes deproduction elle-mecircme eacutevalueacutee en fonction des degreacutes de standardisation des mateacute-riaux utiliseacutes de la simpliciteacute des eacutequipements et de la preacutevisibiliteacute des incidents Laseconde correspond agrave la formalisation des activiteacutes de production elle-mecircme analy-

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seacutee agrave partir des possibiliteacutes de prescription du travail crsquoest-agrave-dire que le processusest routinier et rationnel ou au contraire innovant et intuitif Lrsquoauteur identifie finale-ment quatre types de technologies auxquelles correspondent quatre formes structu-relles Comme le montre la figure suivante cette classification permet de deacutepasser ladualiteacute des formes meacutecanistes (rigides et centraliseacutees) et organiques (souples etdeacutecentraliseacutees)

Figure 28 mdash Lrsquoadeacutequation technologie-structure selon Perrow (1970)

Lorsque la technologie mobiliseacutee est peu variable et peu formalisable (le travail agraveeffectuer preacutesente peu drsquoexception et un niveau de complexiteacute eacuteleveacute) lrsquoorganisationest de type artisanal crsquoest-agrave-dire rigide et deacutecentraliseacutee Ainsi la fabrication surcommandes de produits complexes exige que les artisans suivent des principes defabrication qursquoils sont neacuteanmoins seuls compte tenu de lrsquoexpertise requise agravepouvoir appliquer Lorsque la technologie est peu variable et fortement formalisable(le travail agrave effectuer preacutesente peu drsquoexception et un niveau de complexiteacute limiteacute)lrsquoorganisation est routiniegravere crsquoest-agrave-dire rigide et centraliseacutee Crsquoest le cas des usinesde production automobile sur le modegravele Taylorien-Fordien ougrave les ouvriers doiventexeacutecuter des tacircches reacutepeacutetitives dont les caracteacuteristiques ont eacuteteacute deacutefinies par unbureau des meacutethodes Lorsque la technologie mobiliseacutee est fortement variable etfaiblement formalisable (le travail agrave reacutealiser preacutesente de multiples exceptions et unniveau de complexiteacute eacuteleveacutee) lrsquoorganisation est de type innovatrice crsquoest-agrave-diresouple et deacutecentraliseacutee Les laboratoires de recherche en sont une illustration possi-ble Les chercheurs doivent faire preuve drsquoune grande compeacutetence drsquoautonomie etde creacuteativiteacute pour reacutesoudre des problegravemes toujours uniques Enfin lorsque la techno-logie est agrave la fois fortement variable et formalisable (le travail preacutesente de nombreu-

Degreacute de variabiliteacute des activiteacutes

Degreacute de formalisation des activiteacutes

Faible

Faible

Organisationartisanale (rigide et

deacutecentraliseacutee)

Organisationroutiniegravere(rigide et

centraliseacutee)

Organisationinnovatrice (souple et

deacutecentraliseacutee)

Organisationingeacutenierique

(souple etcentraliseacutee)

Forte

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ses drsquoexception et un niveau de complexiteacute faible) lrsquoorganisation est de typeingeacutenierique crsquoest-agrave-dire souple et centraliseacutee Crsquoest par exemple le cas drsquoune entre-prise de certification qui doit respecter certaines regravegles et proceacutedures lieacutees agrave laconduite de lrsquoaudit mais dont lrsquoaction se reacutealise dans des organisations tregraves diffeacuteren-tes les unes des autres

In fine les travaux de Woodward et Perrow deacutemontrent le rocircle de la technologiemobiliseacutee dans lrsquoentreprise sur sa structure Dans le prolongement drsquoautres auteurssoulignent les relations drsquoinfluence reacuteciproque entre la strateacutegie et la forme organisa-tionnelle

3 La strateacutegie

La strateacutegie de lrsquoentreprise et la structure entretiennent des relations drsquointerdeacutepen-dance Chandler (1972) un historien des affaires montre que le deacuteveloppement delrsquoentreprise en termes de produits et de marcheacutes provoque des modifications de lastructure Pour lrsquoauteur les entreprises connaissent au cours de leur vie deux stadesde croissance Au cours drsquoune premiegravere phase lrsquoentreprise vend des produits peudiffeacuterencieacutes sur des marcheacutes aux caracteacuteristiques similaires (strateacutegie de speacutecialisa-tion) Pour opeacuterer efficacement elle adopte une structure de type fonctionnel Chan-dler la qualifie de forme U pour son caractegravere unifieacute Au cours drsquoune seconde phaselrsquoentreprise diversifie ses produits et ses marcheacutes (strateacutegie de diversification) lrsquoadoption drsquoune structure divisionnelle est neacutecessaire au respect les speacutecificiteacutes dechaque gamme de produits et de chaque marcheacute Chandler la qualifie de forme M(pour multidivisionnelle) Ces divisions forment des quasi-firmes Le cas de lrsquoentre-prise DuPont analyseacutee par Chandler est reacuteveacutelateur DuPont est avant la PremiegravereGuerre mondiale le plus gros fabricant mondial drsquoexplosifs agrave usage militaire Antici-pant la paix le groupe se diversifie dans les domaines civils en commercialisant dela peinture et des plastiques Agrave la fin de la guerre DuPont fit face agrave une crisemajeure seule lrsquoactiviteacute drsquoexplosifs eacutetait rentable Ces difficulteacutes provenaient dufait que les activiteacutes eacutetaient geacutereacutees par la structure initiale de type fonctionnel Parceque la structure nrsquoavait pas suivi lrsquoeacutevolution de la strateacutegie elle eacutetait agrave lrsquoorigine descontre performances des autres activiteacutes La deacutecentralisation des deacutecisions marke-ting et production via la creacuteation de divisions deacutedieacutees agrave chaque activiteacute permit agraveDuPont de renouer avec le succegraves

Chandler deacutemontre ainsi que la structure suit la strateacutegie et que si tel nrsquoest pas lecas lrsquoentreprise voit sa performance deacutecliner Lrsquoauteur preacutecise que lrsquoentreprise nereacutevise pas sa structure tant que les mauvaises performances ne srsquoaccumulent pasque le changement de structure coiumlncide avec lrsquoarriveacutee drsquoun nouveau dirigeant etenfin que la nouvelle strateacutegie nrsquoest pas toujours le reacutesultat drsquoune intention claire-ment formuleacutee par la direction geacuteneacuterale

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Repegraveres Strateacutegie drsquoexternalisation et structureen reacuteseau chez Renault

laquo Fin 1984 la reacutegie compte 57 milliards de dettes soit la moitieacute de son chiffre drsquoaffaires Lesfrais financiers atteignent 7 milliards de francs lrsquoentreprise perd sur lrsquoanneacutee plus drsquounmilliard par mois Autant dire qursquoelle est en situation de faillite raquo (Loubet 2001) Cettesituation conduit agrave lrsquoeacuteviction de Bernard Hanon et agrave la nomination de Georges Besse en1985 Outre des restructurations historiques Besse adopte une strateacutegie de recentrage surle meacutetier de base Alors que lrsquoentreprise eacutetait fortement inteacutegreacutee elle externalise toutes lesfonctions eacuteloigneacutees du meacutetier de base Renault srsquoengage alors dans une strateacutegie partena-riale avec ses fournisseurs Ce changement progressif srsquoarticule autour de quelques princi-pes cleacutes seacutelection des fournisseurs directs inculcation de meacutethodes communes ettransfert de responsabiliteacutes avec en contrepartie des marcheacutes agrave plus long terme Poursrsquoassurer de la laquo fideacuteliteacute raquo de ses eacutequipementiers le groupe seacutelectionne les fournisseurssur des critegraveres stricts les hieacuterarchise et en reacuteduit le nombre (de 1 800 en 1980 agrave 700 en1993) leur confie la fabrication de composants (fonctions globales ou modules) ainsi queleur eacutevolution (innovation) et organise un reacuteseau coheacuterent de fournisseurs ayant la mecircmedeacutemarche utilisant un langage et des outils communs Pour cela Renault va deacuteployer desoutils de seacutelection et drsquoeacutevaluation des fournisseurs (norme AQF) Lrsquoensemble de la filiegraveresrsquoengage ainsi dans des certifications qualiteacuteLa prise en compte de la qualiteacute dans le choix du fournisseur se manifeste essentiellementpar lrsquoaccroissement des exigences techniques agrave chaque renouvellement de gamme Ainsiles constructeurs effectuent des visites dans les ateliers des fournisseurs pour observerleurs moyens de production Progressivement certaines usines ont deacuteleacutegation decontrocircle leurs produits ne font plus lrsquoobjet de controcircle reacuteception Agrave partir de 1985 PSA etRenault commencent agrave travailler sur un document lrsquoAssurance Qualiteacute Fournisseurs quideacutefinit cinq eacutetapes de laquo mise en place de proceacutedures aboutissant agrave la responsabiliteacute totaledu fournisseur en matiegravere de qualiteacute raquo Cette norme appeleacutee laquo Eacutevaluation QualiteacuteFournisseurs raquo permet de ne retenir que les entreprises laquo performantes raquo et de leur deacuteleacute-guer la responsabiliteacute totale de la qualiteacute du composant Ces fournisseurs deviennent four-nisseurs de premier rang et responsables de la qualiteacute de leurs propres fournisseurs Cesderniers sont inciteacutes agrave postuler agrave la norme AQF Lrsquoeacutevolution de cette norme traduit unemonteacutee en puissance des exigences et une accentuation de lrsquoengagement des fournisseurssur le deacuteveloppement des composants La version 1992 stipule qursquoils doivent porter lesefforts sur lrsquoimplication plus en amont dans lrsquoeacutetude et la conception des produits et va plusloin que la version 1987 qui insistait sur la qualiteacute la fiabiliteacute la productiviteacute la reacuteductiondes stocks et lrsquoapprovisionnement en flux tendus Au fur et agrave mesure les exigences duconstructeur integravegrent des critegraveres nouveaux la capaciteacute internationale la capaciteacute agraveparticiper au codeacuteveloppement la capaciteacute de flux synchrone (exigence de juste agrave temps)qui impose une implantation agrave proximiteacute des usines de montage du constructeurhellipRenault est peu agrave peu devenu un donneur drsquoordre qui feacutedegravere une multitude de fournis-seurs directs et indirects et acquiert une organisation flexible (en reacuteseau) moins sensibleaux aleacuteas conjoncturels du marcheacute tout en gardant la maicirctrise du comportement desfournisseurs par un processus de seacutelection et de deacuteleacutegation baseacute sur le respect de la norme

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Certains auteurs ont cependant contesteacute cette relation unidirectionnelle (la struc-ture suit la strateacutegie) et postuleacute que la structure influenccedilait eacutegalement la strateacutegie(notons que Chandler nrsquoa jamais vraiment consideacutereacute que la relation fucirct strictementunidirectionnelle) Celle-ci serait eacutegalement le produit drsquoune structure qui luipreacuteexiste Dans cette perspective le type de structure conditionne la strateacutegie agrave troiseacutegards Tout drsquoabord elle influence la perception des changements de lrsquoenvironne-ment les opportuniteacutes comme les menaces Ainsi une structure de type organique apour effet drsquoimpulser des comportements manageacuteriaux drsquoouverture et de sensibiliteacuteaux eacutevolutions des affaires Ensuite elle oriente les choix strateacutegiques Une structuredivisionnelle facilite lrsquoadoption de strateacutegies de diversification de produits et demarcheacutes Enfin elle exerce une influence sur les changements strateacutegiques Unestructure meacutecaniste deacuteveloppe des capaciteacutes drsquoadaptation plus limiteacutees qursquoune struc-ture organique

Burgelman (1991) eacutetudiant les processus strateacutegiques crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutemergencedes strateacutegies montre que la relation strateacutegie-structure est en reacutealiteacute bidirection-nelle La strateacutegie et la structure srsquoinfluencent reacuteciproquement Au cours drsquoune eacutetudesur le deacuteveloppement de projets innovants lrsquoauteur reacutevegravele que lrsquoactiviteacute strateacutegiqueest le reacutesultat de comportements agrave la fois induits et autonomes Le processus strateacute-gique induit reacutesulte drsquoinitiatives qui se trouvent dans le champ de la strateacutegiecourante de lrsquoorganisation et se construisent sur les connaissances et lrsquoapprentissageorganisationnel existant Le processus strateacutegique autonome correspond aux initiati-ves qui eacutemergent en dehors du champ de reacutefeacuterence strateacutegique et permettent dedeacutevelopper une nouvelle forme drsquoapprentissage et de connaissances au sein delrsquoorganisation

Si la strateacutegie influence la structure (comme la structure conditionne la strateacutegie)lrsquoenvironnement dans lequel eacutevolue la firme deacutetermine les choix structurels

4 Lrsquoenvironnement

Les caracteacuteristiques de lrsquoenvironnement influencent consideacuterablement la structurede lrsquoentreprise Elles sont de trois types La munificence se reacutefegravere au potentiel delrsquoenvironnement et agrave sa capaciteacute agrave offrir aux firmes une croissance reacuteguliegravere et soute-nue Les entreprises se deacuteveloppent sans contrainte de marcheacute la demande est suffi-samment eacuteleveacutee pour ne pas se soucier de leur structure Agrave lrsquoopposeacute lesrestructurations se multiplient lorsque les conditions du marcheacute se durcissent La

qualiteacute (AQF) garantissant ainsi un niveau drsquoengagement eacuteleveacute sur les plans de la qualiteacutedes deacutelais des coucircts et de lrsquoinnovation

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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complexiteacute renvoie agrave lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du milieu crsquoest-agrave-dire que les regravegles qui reacutegis-sent son fonctionnement ne peuvent pas ecirctre appreacutehendeacutees ou tregraves difficilement parles managers Enfin lrsquoincertitude correspond au dynamisme environnemental Lafreacutequence des changements rend alors quasi-impossible la preacutevision de lrsquoeacutevolutiondu milieu Les deux derniegraveres caracteacuteristiques sont souvent les plus consideacutereacutees parles auteurs pour saisir les liens entre environnement et structure

Burns et Stalker (1961) soulignent que les structures organiques (par oppositionaux structures meacutecanistes) sont particuliegraverement adapteacutees agrave des environnementsexterne et interne dont le degreacute de complexiteacute et drsquoincertitude est eacuteleveacute (marcheacutedynamique forte concurrence changements technologiques freacutequents conceptionde nouveaux produits activiteacute interne creacuteativehellip) Ce type de structure se caracteacuterisepar la polyvalence des missions des personnes la deacutecentralisation du pouvoir laresponsabilisation des acteurs (autocontrocircle) la reacuteduction des niveaux hieacuterarchi-ques le fonctionnement participatif et la faible formalisation du travail (poids reacuteduitdes regravegles eacutecrites) Ces caracteacuteristiques se traduisent par une autonomie plus grandedes acteurs dans lrsquoexercice de leur travail Elles leur confegraverent certaines marges deliberteacute gracircce auxquelles ils vont pouvoir explorer des nouvelles solutions Ce type destructure permet donc une plus grande flexibiliteacute des rocircles et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute descomportements Elle eacutevite de cadenasser les acteurs dans des registres comporte-mentaux routiniers et valorise les interactions sociales Et ces eacuteleacutements sont sourcesdrsquoune plus capaciteacute drsquoadaptation organisationnelle La creacuteation des uniteacutes eacuteleacutementai-res de travail (UET) chez Renault en 1991 illustre une volonteacute de rendre plus organi-que la structure Le principe consiste agrave creacuteer des entiteacutes autonomes de petitesentreprises qui travaillent les unes pour les autres Chacune achegravete laquo en amont raquo letravail drsquoune UET et vend laquo en aval raquo le sien Se creacuteent le principe du client interneet une interdeacutependance entre les UET Par ce mode drsquoorganisation les acteurs sontresponsabiliseacutes sur la qualiteacute du travail fourni leur qualiteacute affecte celle de lrsquoUETlaquo acheteuse raquo et inciteacutes agrave faire preuve drsquoinitiative la reacuteduction de la distance hieacuterar-chique permet des deacutecisions plus proches du laquo terrain raquo

A contrario les structures meacutecanistes sont plus adapteacutees aux environnementsexterne et interne dont le degreacute de complexiteacute et drsquoincertitude est limiteacute (marcheacutestable concurrence limiteacutee changements technologiques rareshellip) Ce type de struc-ture se caracteacuterise en effet par une speacutecialisation eacuteleveacutee des tacircches une coordinationhieacuterarchique une centralisation du pouvoir de deacutecision et une formalisation explicitedes rocircles et des tacircches Cela se traduit par un haut niveau drsquoefficience interne car lareacutepeacutetition des tacircches confegravere aux acteurs une grande expertise dans lrsquoexeacutecution dutravail Mais ces derniers tendent agrave deacutevelopper des comportements routiniers quirendent difficile la mise en œuvre de changements organisationnels

Dans le prolongement Lawrence et Lorsch (1973) ont souligneacute lrsquoimportance deconcevoir des structures diffeacuterencieacutees Crsquoest ainsi que le deacutepartement comptable nedoit pas ecirctre structureacute comme le service commercial parce que leurs environnementsnrsquoont pas le mecircme degreacute de complexiteacute et drsquoinstabiliteacute Leur apport est donc de

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Les structures drsquoentreprises

montrer qursquoune entreprise doit faire coexister les formes meacutecaniste et organique enson sein Leurs apports ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes plus haut

Lrsquoentreprise doit donc ajuster sa structure en fonction de son environnementCelle-ci doit permettre drsquoabsorber les changements du milieu pour adapter son fonc-tionnement en conseacutequence Si tel nrsquoest le cas la firme prend le risque de voir saperformance deacutecliner Enfin la culture nationale est preacutesenteacutee comme un facteurexplicatif majeur des formes structurelles

5 La culture nationale

La culture socieacutetale du pays dans lequel est implanteacutee lrsquoentreprise agit sur sa struc-ture Celle-ci nrsquoest pas neutre en termes de valeurs et drsquoideacuteaux car elle est avant toutun groupe drsquoindividus dont les valeurs ont eacuteteacute forgeacutees dans un milieu social notam-ment le pays Lrsquoentreprise ne peut donc srsquoabstraire de cet heacuteritage culturel et doit entenir compte dans sa maniegravere de structurer lrsquoentreprise Cela signifie qursquoune entre-prise franccedilaise implanteacutee dans diffeacuterents pays ne peut imposer un mode de structura-tion indiffeacuteremment des valeurs que partagent les salarieacutes drsquoun pays Sa structuredoit au contraire inteacutegrer les diffeacuterences culturelles et srsquoadapter agrave celles-ci pour ecirctreefficace

Hofstede et Bollinger (1987) identifient quatre dimensions permettant de caracteacute-riser les cultures nationales Tout drsquoabord le degreacute drsquoindividualisme se reacutefegravere auxrelations plus ou moins fortes qursquoentretiennent les individus Ensuite la distancehieacuterarchique renvoie agrave lrsquoaccommodation aux diffeacuterences statutaires Le controcircle delrsquoincertitude correspond agrave lrsquoacceptation du risque et agrave la toleacuterance au non maicirctrisa-ble Enfin la masculiniteacutefeacuteminiteacute caracteacuterise la division du rocircle social des sexes Lamasculiniteacute valorise cette division et accorde de lrsquoimportance aux valeurs de domi-nation et de reacuteussite La feacuteminiteacute ne valorise pas cette division et soutient lrsquoaidemutuelle et la qualiteacute de vie

Ces dimensions se combinent pour former des maniegraveres de penser et drsquoagir varia-bles et deacuteterminent des attitudes et des comportements propres agrave chaque groupe depays Toutefois le second et le troisiegraveme critegravere semblent ecirctre les plus influents surla structure En France la forme bureaucratique coiumlncide avec la grande distancehieacuterarchique (accentuation des ineacutegaliteacutes statutaires) et le fort controcircle de lrsquoincerti-tude (faible toleacuterance au risque et volonteacute forte de maicirctrise) Il y a donc une multipli-cation des niveaux hieacuterarchiques afin de mieux controcircler les agissements despersonnes et ainsi limiter les risques En revanche aux Eacutetats-Unis la forme division-nelle (en Business Unit autonome) est adapteacutee agrave la recherche de succegraves individuel lacompeacutetition entre les collaborateurs et la forte toleacuterance au risque En Allemagne lafaible distance hieacuterarchique et le fort controcircle de lrsquoincertitude conduisent agrave uneformalisation marqueacutee des structures De nombreuses regravegles reacutegissent le fonctionne-ment de lrsquoentreprise et lrsquoexercice du pouvoir personnel est deacutelicat

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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En conclusion une structure nrsquoest pas efficace de faccedilon absolue Sa performancedeacutepend de son adeacutequation aux critegraveres de taille de technologie de strateacutegie drsquoenvi-ronnement et de culture Nous pouvons finalement retenir des travaux des theacuteori-ciens de la contingence qursquoils eacutetablissent une relation entre la forme structurelle et

Repegraveres La colleacutegialiteacute des entreprises allemandes

Aux Eacutetats-Unis les managers dirigeants ont les pleins pouvoirs tant qursquoils atteignent leursobjectifs Il en va diffeacuteremment en Allemagne Et certains dirigeants ont appris agrave leursdeacutepens qursquoun style de management baseacute sur des principes anglo-saxons pouvait conduireagrave leur eacuteviction Ron Sommer chez Deutsche Telekom Thomas Middelfoff chez Bertels-mann Ulrich Schumacher chez Infineon Wolfgang Bernhard chez Mercedes ont ainsi eacuteteacutedeacutebarqueacutes de leur poste pour nrsquoavoir pas respecteacute pleinement le principe de colleacutegialiteacute quifonde le systegraveme capitaliste allemand Le fonctionnement des entreprises est reacutegi par desregravegles heacuteriteacutees de la culture germanique baseacutee sur le consensus la colleacutegialiteacute le partagedes responsabiliteacutes le long terme et les relations durables entre les salarieacutes et lrsquoentrepriseDrsquoaucuns considegraverent que ces principes ont permis agrave lrsquoAllemagne de se reconstruire apregravesla Seconde Guerre mondiale et de faire face aux deacutefis de la reacuteunification Ainsi une entre-prise allemande est dirigeacutee par lrsquoensemble des membres du directoire ndash les salarieacutes sontsouvent associeacutes via les syndicats agrave la bonne marche des entreprises ndash et les deacutecisionsimportantes sont prises de concert Crsquoest ainsi que le dirigeant dans ses relations avec lesparties prenantes parle au nom des membres du directoire comme le ferait un porte-parole Il doit donc avant toute chose susciter le deacutebat dialoguer ecirctre agrave lrsquoeacutecoute adopterun style de direction colleacutegial et parfois renoncer agrave certains choix Crsquoest ainsi que JurgenSchrempp preacutesident du directoire de Daimler-Chrysler a ducirc faire machine arriegravere lorsqueles membres de son directoire se sont opposeacutes agrave ce que soient injecteacutes plusieurs milliardsvisant agrave remettre Mitsubishi sur de bons rails De mecircme il nrsquoa pas pu srsquoimposer contre ladeacutecision drsquoeacutevincer lrsquoun de ses proteacutegeacutes agrave la tecircte de Mercedes Wolfgang Bernhard Cedernier a en effet eacuteteacute mis en difficulteacute pour avoir tenteacute drsquoimposer des choix strateacutegiquescontraires agrave certains accords passeacutes entre le comiteacute drsquoentreprise et lrsquoeacutequipe de direction (il yavait consensus sur le fait que Mercedes continuerait de produire ses voitures en Allema-gne)Crsquoest bien parce que Jurgen Schrempp a su partager le pouvoir et obtenu lrsquoappui decertains membres de son directoire qursquoil srsquoest maintenu en place Il a notamment lesoutien de la Deutsche Bank et de lrsquoEacutetat du Koweiumlt deux actionnaires importants dugroupe ndash ils controcirclent 19 du capital Il a eacutegalement toujours bien traiteacute les membres duconseil de surveillance dont la moitieacute des siegraveges est occupeacutee par les repreacutesentants des sala-rieacutes ndash ces derniers travaillent chez Mercedes la marque forte du groupe Et cette habileteacutelui a valu de se maintenir malgreacute des deacutecisions strateacutegiques laquo hasardeuses raquo Rappelonsque lrsquoacquisition de Fokker en 1993 srsquoest soldeacutee par une perte de 22 milliards drsquoeuros et quela fusion avec Chrysler srsquoest faicircte dans la douleur

Agrave partir de LEBEAUX L laquo Influence des cultures sur les organisations Deutsche Telekom et Daimler-Chrysler raquo in KALIKA M HELFER J-P et ORSONI J

Management cas et application Vuibert 2005

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les circonstances internes (taille technologie et strateacutegie) et externes (environne-ment et culture nationale) Il nrsquoy a donc pas de structure ideacuteale mais une structureadapteacutee agrave un ensemble de caracteacuteristiques Finalement ces reacuteflexions aident lesdirections geacuteneacuterales agrave concevoir le design de leur organisation Toutefois deux criti-ques sont geacuteneacuteralement formuleacutees agrave la theacuteorie de la contingence La premiegravere souli-gne que la contingence srsquoinscrit dans une perspective deacuteterministe crsquoest-agrave-dire quelrsquoorganisation est perccedilue comme une entiteacute incapable drsquoagir sur les conditions Cettecritique vise agrave reacutehabiliter lrsquoaction volontariste des managers Pour les tenants duvolontarisme ces conditions nrsquoont pas drsquoexistence objective qui en ferait des objetsconcrets Ce sont des objets construits sur la base des interpreacutetations des acteurs Laseconde critique renvoie agrave la capaciteacute de la theacuteorie agrave assurer lrsquointeacutegration desfacteurs contextuels La theacuteorie traite de lrsquoinfluence de chaque facteur mais pas delrsquoinfluence de lrsquoensemble des facteurs Il est leacutegitime pour le dirigeant de se deman-der quelle est la forme la plus adapteacutee en fonction des caracteacuteristiques agrave la fois rela-tives agrave la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironnement et la culture Faisant leconstat de cette faiblesse certains auteurs ont deacuteveloppeacute une approche alternativeconsistant agrave combiner lrsquoensemble des facteurs

6 Lrsquoapproche configurationniste

Pour lrsquoapproche configurationniste la theacuteorie de la contingence eacutechoue sur lecritegravere de lrsquoagencement des diffeacuterents facteurs Lrsquoapproche des structures par laconfiguration tente au contraire de les inteacutegrer dans des ensembles coheacuterentsLrsquoanalyse est multidimensionnelle elle consiste agrave consideacuterer la structure commeune constellation de composantes formant une Gestalt ou un archeacutetype

Mintzberg (1982) a ainsi eacutelaboreacute une seacuterie drsquoensembles harmonieux La configu-ration se preacutesente donc comme une forme structurelle typique une combinaisondrsquoattributs organisationnels adapteacutee aux caracteacuteristiques des environnementsinterne (taille technologie pouvoirhellip) et externe (environnementhellip) Afin de bacirctircette typologie lrsquoauteur pose drsquoembleacutee que toute organisation se compose de cinqeacuteleacutements (figure 29) Le centre opeacuterationnel se compose des individus dont letravail est lieacute agrave la production des biens etou des services Le sommet strateacutegique esten charge de lrsquoeacutelaboration de la strateacutegie des relations avec lrsquoenvironnement et de lasupervision des activiteacutes La ligne hieacuterarchique sert de relais entre les deux organesLa technostructure a pour rocircle de concevoir les proceacutedeacutes et meacutethodes de travail deplanifier et de controcircler les opeacuterations Enfin le support logistique a pour mission defournir les services utiles agrave la reacutealisation de lrsquoactiviteacute premiegravere de lrsquoentreprise Lacoordination entre ces organes est assureacutee par cinq meacutecanismes (vus plus haut) lrsquoajustement mutuel la supervision directe la standardisation des proceacutedeacutes detravail des reacutesultats et des qualifications

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Figure 29 mdash Les composants de la structure (Mintzberg 1982)

De lagrave Mintzberg identifie cinq configurations structurelles qursquoil qualifie delaquo combinaison theacuteoriquement coheacuterente des paramegravetres de contingence et destructure raquo Ce sont la structure simple la bureaucratie meacutecaniste la bureaucratieprofessionnelle la structure divisionnaliseacutee et lrsquoadhocratie Chacune est repreacutesenteacuteepar une figure qui en reacutevegravele les principales caracteacuteristiques quant agrave lrsquoimportance deseacuteleacutements qui la composent

La structure simple est peu eacutelaboreacutee (figure 210) Elle est organiseacutee autour dudirigeant qui prend les deacutecisions importantes et des exeacutecutants qui srsquooccupent desactiviteacutes opeacuterationnelles La technostructure la ligne hieacuterarchique et les fonctions desupport sont quasi inexistantes La supervision directe est le meacutecanisme de coordi-nation privileacutegieacute Cette structure correspond aux entreprises jeunes de petite taille agravetechnologie peu sophistiqueacutee et dont lrsquoenvironnement est simple et dynamique Surce dernier point la simpliciteacute du milieu permet au dirigeant seul de le comprendre etde le maicirctriser De mecircme le caractegravere peu formaliseacute de la structure lui confegravere desproprieacuteteacutes organiques permettant de faire face agrave la dynamique environnementaleUne PME familiale dans laquelle le fondateur et dirigeant est omnipreacutesent constitueune bonne illustration de la structure simple

Sommet Strateacutegique

Centre Opeacuterationnel

TechnostructureFonctions de

support logistique

Lignehieacuterarchique

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Figure 210 mdash La structure simple (Mintzberg 1982)

La bureaucratie meacutecaniste (figure 211) valorise la standardisation des proceacutedeacutes dutravail pour coordonner les composants de lrsquoorganisation Le fonctionnement desuniteacutes est reacuteguleacute par une multitude de regravegles et de proceacutedures leur comportement esttregraves formaliseacute Les tacircches des opeacuterateurs sont routiniegraveres et speacutecialiseacutees La technos-tructure est donc lrsquoorgane central agrave qui incombe la responsabiliteacute de planifier letravail drsquoeacutelaborer les meacutethodes et drsquoen assurer le controcircle Cette structure est reacutegleacuteepour reacutepeacuteter les mecircmes opeacuterations En outre le fonctionnement de cette organisationdeacutepend des fonctions de support logistiques Elle est adapteacutee aux organisations degrande taille agrave technologie simple (des volumes eacuteleveacutes de produits peu diffeacuterencieacutes)et dont lrsquoenvironnement est peu complexe et stable Une preacutefecture est un bon exem-ple de bureaucratie meacutecaniste

Figure 211 mdash La bureaucratie meacutecaniste (Mintzberg 1982)

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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La bureaucratie professionnelle (figure 212) privileacutegie la standardisation desqualifications comme mode de coordination Le centre opeacuterationnel prime il estcomposeacute de speacutecialistes recruteacutes sur la base de leur expertise Ces derniers disposentdrsquoune grande autonomie dans leur travail Bien qursquoils travaillent selon des regraveglespreacutecises ils sont les seuls agrave les maicirctriser La technostructure voit donc son rocirclequasiment disparaicirctre Cette structure est aussi deacutecentraliseacutee le pouvoir de deacutecisioneacutechappe agrave la ligne hieacuterarchique Les fonctions de support logistiques bien queminces sont lagrave pour accompagner le centre opeacuterationnel La bureaucratie profes-sionnelle est particuliegraverement adapteacutee aux entreprises dont la technologie et lrsquoenvi-ronnement sont complexes Un hocircpital est un bon exemple de bureaucratieprofessionnelle

Figure 212 mdash La bureaucratie professionnelle (Mintzberg 1982)

La structure divisionnaliseacutee (figure 213) privileacutegie la standardisation des reacutesultatscomme mode de coordination Chaque division se voit doteacutee drsquoune autonomie dansla reacutealisation de ses missions Le pouvoir y est donc deacutecentraliseacute car le sommet stra-teacutegique se contente de controcircler leur performance et nrsquointervient pas ou peu dans lagestion courante Le centre opeacuterationnel se compose de petites structures autonomesayant leur propre fonctionnement Cette structure se justifie lorsque les environne-ments dans lesquels eacutevoluent les divisions sont tregraves speacutecifiques Les groupes dont lesactiviteacutes sont diversifieacutees adoptent des structures de ce type

Figure 213 mdash La structure divisionnaliseacutee (Mintzberg 1982)

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Lrsquoadhocratie (figure 214) est la structure des organisations innovantes La missiondrsquoinnovation suppose de coordonner une varieacuteteacute drsquoexpertises situeacutees dans lrsquoensem-ble de la structure Pour cela lrsquoadhocratie valorise lrsquoajustement mutuel et valorise lecentre opeacuterationnel Mintzberg eacutevoque lrsquoadhocratie opeacuterationnelle lorsque lrsquoentre-prise reacuteunit des expertises au profit de projets reacutealiseacutes pour le compte de clients Ilparle drsquoadhocratie administrative lorsque lrsquoentreprise entreprend des projets degrande ampleur pour son propre compte Cette structure est particuliegraverement adapteacutee

Repegraveres Diversification conglomeacuterale et struc-ture divisionnaliseacutee chez Virgin

Le groupe Virgin est une entreprise britannique preacutesente dans des activiteacutes aussi diversesque la teacuteleacutephonie mobile le transport aeacuterien le soda la banque et lrsquoassurance et plusreacutecemment le tourisme spatialhellip Au total Virgin compte 63 activiteacutes Agrave lrsquoorigine Virgin estune entreprise de vente de disques par correspondance qui srsquoest progressivement deacutevelop-peacutee dans lrsquoeacutedition et la distribution musicale Les diversifications vers des activiteacutes si eacuteloi-gneacutees du meacutetier drsquoorigine sont fondamentalement lieacutees agrave la personnaliteacute de sonfondateur Richard Branson Homme de deacutefi il estime que Virgin a vocation agrave se deacutevelop-per dans nrsquoimporte quelles industries Eacutevoquant la creacuteation de Virgin Fuels une entreprisefabricant des carburants agrave base drsquoeacutethanol il dit que laquo Virgin est une entreprise assez inha-bituelle nous allons vers des industries dans lesquelles nous ne savons rien et danslesquelles nous nous immergeons raquo De ce fait Branson estime que Virgin a vocation agraveeacutebranler les marcheacutes institutionnaliseacutes crsquoest-agrave-dire laquo des secteurs empacircteacutes et vaniteux raquodomineacutes par quelques concurrents qui ne creacuteent pas assez de valeur pour leurs clientsPour porter sa croissance Virgin a adopteacute un mode de deacuteveloppement particulier Laplupart des diversifications donnent lieu agrave la creacuteation drsquoune co-entreprise dans laquelleVirgin apporte son actif principal la marque La majoriteacute du capital est alors deacutetenue parles partenaires financiers Le groupe est ainsi compareacute agrave un Keiretsu japonais La structurerassemble des uniteacutes autonomes dirigeacutees par des eacutequipes indeacutependantes nrsquoayant encommun que leur marque Chaque activiteacute est eacutegalement isoleacutee des autres ce qui empecirc-che un creacuteancier drsquoune filiale drsquoavoir les moindres droits sur une autre Le groupe Virginpreacutesente une autre particulariteacute il nrsquoest pas cocircteacute en Bourse Richard Branson estime eneffet que les obligations des socieacuteteacutes coteacutees en bourse (profit agrave court terme communica-tion aupregraves des analystes financiers actionnaires et gestionnaires de fondhellip) ne permet-tent pas le deacuteveloppement de lrsquoentreprise En revanche un conglomeacuterat non coteacute permetaux proprieacutetaires de pouvoir reacuteinvestir les profits en vue drsquoassurer le succegraves agrave long termedes activiteacutes En outre les managers des filiales disposent drsquoune grande liberteacute drsquoactions le pouvoir de deacutecision est totalement deacutecentraliseacuteBranson qualifiait Virgin drsquoune laquo socieacuteteacute de capital risque avec une marque raquo Avec sa garderapprocheacutee drsquoune trentaine de personnes Branson eacutetudie ainsi pregraves de cinquante proposi-tions drsquoinvestissement par semaine Lrsquoeacutevaluation drsquoune opportuniteacute se fait selon les critegraveresde globaliteacute de renforcement de la marque et de retour sur investissement

Agrave partir de laquo Virgin un conglomeacuterat coheacuterent raquo in JOHNSON G SCHOLES KWHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

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lorsque la technologie est complexe et lrsquoenvironnement dynamique Les cabinets deconseil adoptent ce type de structure

Figure 214 mdash Lrsquoadhocratie (Mintzberg 1982)

Les diffeacuterentes configurations structurelles tentent de conjoindre les facteurs decontingence et les paramegravetres de structuration pour faire eacutemerger des ensemblesharmonieux La logique configurationniste montre clairement lrsquoabsence drsquoune struc-ture ideacuteale au profit de formes adapteacutees agrave des circonstances internes et externes

LrsquoessentielLe second chapitre a poseacute les bases de lrsquoanalyse et de la conception de la structure desorganisations Celles-ci se fondent sur quatre paramegravetres essentiels que sont la speacutecialisa-tion la coordination la formalisation et la centralisation Leur combinaison fait eacutemergerdeux structures dominantes les formes meacutecaniste et organique En regard de la theacuteorie dela diffeacuterenciation-inteacutegration ces formes doivent coexister au sein drsquoune mecircme organisa-tion pour garantir son efficaciteacute Une analyse plus fouilleacutee a permis drsquoidentifier une diver-siteacute plus grande de structures drsquoentreprises (fonctionnelle divisionnelle matricielle enreacuteseau et par projet) Enfin il a eacuteteacute mis en eacutevidence lrsquoinexistence drsquoune structure ideacutealesupeacuterieure agrave toutes les autres Lrsquoefficaciteacute drsquoune structure deacutepend au contraire selonlrsquoapproche de la theacuteorie de la contingence de lrsquoadeacutequation entre ses caracteacuteristiques et unensemble de critegraveres (la taille la technologie la strateacutegie lrsquoenvironnement et la culturenationale) La combinaison de lrsquoensemble des critegraveres au sein de configurations types estreacutealiseacutee par Mintzberg (1982) Elle conduit agrave identifier cinq configurations structurelles (lastructure simple la bureaucratie meacutecaniste la bureaucratie professionnelle la structuredivisionnaliseacutee et lrsquoadhocratie)Pourtant si la structuration de lrsquoentreprise a une influence majeure sur son fonctionnementet son efficaciteacute ses membres jouent un rocircle significatif Ils deacuteterminent la reacuteussite deschoix strateacutegiques et opeacuterationnels en eacutetant les acteurs de leur mise en œuvre Ils ne sontpas des objets passifs et soumis agrave leur direction mais des sujets libres capables drsquoexercerune influence positive ou neacutegative sur la performance de lrsquoentreprise Pour cette raison lemanager dirigeant et les managers intermeacutediaires doivent comprendre les ressorts descomportements des individus dans les organisations Ils seront alors plus agrave mecircme de geacutererles aspects humains de lrsquoentreprise Ces points sont deacuteveloppeacutes dans le chapitre suivant

3Chapitre

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ans lrsquoentreprise le rocircle drsquoun manager dirigeant comme drsquoun manager inter-meacutediaire ne consiste pas qursquoagrave fixer des objectifs coordonner le travail et en

controcircler lrsquoexeacutecution Il doit avant toute chose geacuterer des individus Pour cela il cher-che agrave influencer leur comportement Il tente drsquoagir sur leur engagement leur motiva-tion et leur adheacutesion aux valeurs et aux objectifs de lrsquoentreprise Cette mission estsouvent complexe parce que les individus sont des ecirctres libres et autonomes ilsnrsquoacceptent jamais drsquoecirctre les instruments de lrsquoentreprise Eacutegalement ces personnessont speacutecifiques elles ont un parcours et une histoire particuliegraveres partagent desvaleurs diffeacuterentes nrsquoont pas la mecircme formation les mecircmes responsabiliteacutes ni lesmecircmes objectifs professionnelshellip En un mot le corps social drsquoune entreprise esttregraves heacuteteacuterogegravene ce qui accroicirct le risque de conflit et les difficulteacutes manageacuteriales

La liberteacute et la diversiteacute sociale creacuteent une incertitude interne forte Le managerdoit srsquoefforcer drsquoen tenir compte Lrsquoefficaciteacute de son management deacutepend donc de sacapaciteacute agrave comprendre le comportement des individus et agrave en expliquer les manifes-tations Nous verrons dans ce chapitre les facettes essentielles du comportementhumain au travail ainsi que les theacuteories qui les sous-tendent La premiegravere section luiest deacutedieacutee Ces fondements conceptuels fournissent au manager des leviers drsquoactionpour geacuterer les personnes Nous les analysons dans une seconde section

Section 1 Les comportements humains dans lrsquoorganisationSection 2 Le management des personnes

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Les comportements humains et le management des hommes

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LES COMPORTEMENTS HUMAINS DANS LrsquoORGANISATION

Le comportement humain varie en fonction de lrsquoenvironnement social dans lequelse trouve lrsquoindividu En famille il ne se comporte pas exactement comme en entre-prise bien qursquoil srsquoagisse de la mecircme personne Pour cette raison srsquoest deacuteveloppeacuteedans le domaine du management une discipline particuliegravere qui puise ses connais-sances dans les diffeacuterentes sciences humaines (sociologie psychologie ethnologiephilosophiehellip) Lrsquoobservation et lrsquoanalyse des comportements individuels et collec-tifs dans le contexte speacutecifique des entreprises et plus largement des organisations(syndicats associations eacutetablissements drsquoenseignementhellip) srsquoappellent lrsquoOrganiza-tional Behavior (OB) Crsquoest agrave cette discipline que nous nous reacutefeacuterons pour traiter lesthegravemes de la motivation et de lrsquoimplication des jeux de pouvoir des situations destress de la coopeacuteration interindividuelle et enfin de lrsquoinfluence du groupe

1 La motivation et lrsquoimplication

La motivation est le thegraveme favori des dirigeants Face aux problegravemes humainsrencontreacutes dans leur entreprise ces derniers eacutevoquent souvent le manque de motiva-tion de leur personnel Selon leur dire la motivation serait un trait de personnaliteacute etdonc un pheacutenomegravene assez stable dans le temps Derriegravere ces propos se cache unemeacuteconnaissance de la motivation En effet personne ne naicirct pas motiveacute ou deacutemotiveacute(ce serait une approche inneacuteiste de la nature humaine) Les individus sont tous moti-veacutes mais pas de la mecircme maniegravere et pas par les mecircmes choses En drsquoautres termesla motivation varie drsquoun individu agrave lrsquoautre et pour un mecircme individu drsquoune peacuteriodeagrave lrsquoautre drsquoune mission agrave lrsquoautre drsquoun contexte agrave lrsquoautrehellip Ainsi une assistante dedirection peut ecirctre motiveacutee par lrsquoorganisation drsquoun congregraves parce qursquoelle y voit lesigne drsquoune reconnaissance par sa direction qursquoelle travaille en totale autonomie etqursquoelle voit ses responsabiliteacutes srsquoeacutetendre Mais elle sera peut-ecirctre moins encline agravefaire du classement de dossiers et agrave geacuterer lrsquoagenda de son directeur parce qursquoelleestime ces tacircches peu valorisantes et terriblement fastidieuses

De tregraves nombreuses deacutefinitions de la motivation ont eacuteteacute proposeacutees Nous propo-sons de retenir que la motivation est lrsquoensemble des eacutenergies qui sous-tendentlrsquoorientation (nature de lrsquoeffort) la persistance (dureacutee de lrsquoeffort) et lrsquointensiteacute(quantiteacute drsquoeacutenergie deacuteployeacutee) des efforts qursquoun individu consacre agrave son travail Lamotivation pourrait donc expliquer les performances exceptionnelles de certainssalarieacutes au travail La question est deacutesormais de mieux comprendre ce qui deacuteterminela motivation drsquoun individu Comment naicirct-elle Comment se deacuteveloppe-t-elle Deux approches theacuteoriques sont geacuteneacuteralement preacutesenteacutees pour comprendre les sour-ces de la motivation Ce sont les theacuteories du contenu et du processus

Section 1

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11 Les theacuteories du contenu

Pour les tenants de cette approche la motivation est deacutetermineacutee par la satisfactionde besoins Le plus embleacutematique repreacutesentant de ces theacuteories est Maslow (1943)Lrsquoauteur propose une hieacuterarchie universelle des besoins humains Le premier niveauconcerne les besoins physiologiques (se nourrir se reproduirehellip) Le second sereacutefegravere aux besoins de seacutecuriteacute (se vecirctir avoir un toithellip) Le troisiegraveme renvoie auxbesoins drsquoappartenance (ecirctre membre drsquoun groupe) Le quatriegraveme concerne lesbesoins drsquoestime de soi (la reconnaissance par les autres) Enfin le dernier porte surlrsquoautoreacutealisation (faire quelque chose de sa vie) Selon Maslow un besoin nesrsquoexprime que lorsque le besoin de niveau infeacuterieur est satisfait Crsquoest le principe desaturation successive Selon cette theacuteorie le manager doit identifier les besoins noncombleacutes et agir sur ce levier pour obtenir la motivation des employeacutes Et lorsque cebesoin sera satisfait le manager devra agir sur le besoin de niveau supeacuterieur

Cette grille drsquoanalyse des motivations connaicirct encore aujourdrsquohui un reacuteel succegravesprobablement gracircce agrave sa simpliciteacute On peut neacuteanmoins lui reprocher une vision tropmeacutecaniste (et universelle) de la motivation En drsquoautres termes les individus ne sontpas sensibles aux mecircmes besoins et cette sensibiliteacute varie en fonction des eacutetapes dela carriegravere professionnelle de la situation familialehellip

Dans le prolongement de Maslow Herzberg (1966) a deacuteveloppeacute la theacuteorie bifacto-rielle Lrsquoauteur propose une distinction quant agrave la nature des besoins et agrave leurs effetssur lrsquoindividu Il existe selon lui des facteurs drsquohygiegravene (relatifs agrave lrsquoenvironnementde travail comme le salaire la politique de lrsquoentreprise la qualiteacute de lrsquoencadrementles relations avec les pairshellip) et des facteurs moteurs (relatifs au travail lui-mecircmecomme le contenu des tacircches les responsabiliteacutes lrsquoautonomie lrsquoavancementhellip) Lasatisfaction des facteurs drsquohygiegravene nrsquoengendre pas la motivation elle provoqueuniquement des sentiments positifs agrave lrsquoeacutegard de la situation de travail Pour Herz-berg seule la satisfaction des facteurs moteurs entraicircne la motivation Pour la stimu-ler le levier drsquoaction du manager est le contenu intrinsegraveque du travail Herzbergdisait drsquoailleurs laquo Si vous voulez que les gens fassent du bon travail donnez-leurun bon travail agrave faire raquo Drsquoautres auteurs comme Alderfer (theacuteorie ERD) etMc Celland (theacuteorie des besoins acquis) ont contribueacute agrave enrichir les theacuteories ducontenu Leurs contributions sont toutefois tregraves inspireacutees des travaux de Maslow etHerzberg

Au plan manageacuterial cette approche de la motivation preacuteconise la satisfaction desbesoins humains afin de deacuteclencher la motivation des individus Cela peut se traduirepar des programmes drsquoenrichissement des tacircches des incitations financiegraveres desresponsabiliteacutes accrues des reconnaissances reacuteguliegraveres (sous forme de feed-backhellip) lrsquoameacutelioration des conditions de travail la participation agrave des groupes dereacuteflexions une politique de formation et de promotion intensivehellip

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Repegraveres Le programme de motivation chez LeviStrauss

Levi Strauss amp Co est une entreprise ameacutericaine acircgeacutee de plus de 150 ans et proprieacutetaire delrsquoune des marques les prestigieuses au monde Preacutesente dans plus de 110 pays etemployant environ 10 000 personnes ses produits sont vendus dans le monde entiersous les marques Levirsquos Dockers et Levi Strauss Signature Fondeacutee en 1853 par un immi-grant bavarois appeleacute Levi Strauss ce nrsquoest qursquoen 1873 avec un tailleur du Nevada appeleacuteJacob Davis que cet entrepreneur a deacuteposeacute le brevet consistant agrave mettre des rivets dans lespantalons pour les rendre plus reacutesistants Ainsi est neacute le premier jean du mondeNeacuteanmoins Levi Strauss nrsquoest pas seulement connu pour ses jeans Lrsquoentreprise a la reacuteputa-tion drsquoecirctre socialement engageacutee et soucieuse de ses employeacutes Aujourdrsquohui lrsquoentreprise estcontrocircleacutee par les descendants de la famille de Levi Strauss et est dirigeacutee par John AndersonMais crsquoest sous la direction de lrsquoancien PDG Robert D Haas un membre de la familleStrauss que les valeurs de lrsquoentreprise ont eacuteteacute le plus fortement insuffleacutees dans lrsquoorganisa-tion contribuant agrave instaurer des conditions de travail propices agrave la motivation desemployeacutesDurant les anneacutees 1970 et 1980 la strateacutegie de lrsquoentreprise mettait lrsquoaccent sur la diversifi-cation Il fallait acqueacuterir de nouvelles compagnies et creacuteer de nouvelles marques SelonHaas agrave cette eacutepoque le personnel faisait ce qursquoil devait mais la motivation nrsquoeacutetait pas aurendez-vous La direction a alors commenceacute agrave mieux eacutecouter ses fournisseurs ses consom-mateurs et ses employeacutes Cela a abouti agrave une redeacutefinition de leur strateacutegie et agrave un recen-trage sur des produits phares En outre pour permettre aux salarieacutes de mieux cerner lesvaleurs de lrsquoentreprise Haas a initieacute la creacuteation du Levi Strauss Aspiration Statements Cettedeacuteclaration preacutesente une seacuterie de valeurs partageacutees qui guident les actions de la directionet des employeacutes vers la construction de leur avenir et celui de lrsquoentreprise Crsquoest agrave traverscette deacuteclaration que Levirsquos affirme que ses employeacutes seront fiers et engageacutes gracircce agravelrsquoopportuniteacute qui leur est donneacutee de contribuer apprendre grandir et avancer par leurmeacuterite De cette faccedilon Haas voulait que ses employeacutes se sentent respecteacutes et eacutecouteacutes etsoient traiteacutes de faccedilon honnecircte Le PDG visait avant tout la satisfaction de ses salarieacutes enleur permettant drsquoeacutequilibrer vie personnelle et vie professionnelle Cette deacuteclaration expli-que eacutegalement comment transformer ces valeurs et aspirations en reacutealiteacute Par exemple ladeacuteclaration procircne une main-drsquoœuvre diversifieacutee la reconnaissance des contributions indi-viduelles et collectives et le respect drsquoun comportement eacutethique La deacuteclaration met aussilrsquoaccent sur lrsquoempowerment par lequel la prise de deacutecisions revient au collaborateur qui estle plus proche du produit et du consommateur Haas souligne drsquoailleurs que lrsquoapproche ducontrocircle et de la hieacuterarchique traditionnelle nrsquoest plus efficace aujourdrsquohui Lrsquoenvironne-ment actuel impose de changer rapidement et lrsquoempowerment permet drsquoanticiper et dereacutepondre adeacutequatement aux modifications des besoins des consommateurs et aux chan-gements du marcheacute Selon lui laquo les personnes doivent prendre des responsabiliteacutes exercerleur sens de lrsquoinitiative et ecirctre responsable de leurs propres succegraves raquo

Agrave partir de wwwlevistrausscom et BARTOL K M et MARTIN D C laquo Aspiration Motivateat Levi Strauss raquo Management Eacutedition Irwin McGraw-Hill 2000

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Neacuteanmoins les theacuteories du contenu souffrent drsquoune lacune seacuterieuse elles appro-chent la motivation sous lrsquoangle exclusif de ce qui motive (le quoi) et eacutevacuent lamaniegravere dont se deacuteroule le processus (le comment) Ce que deacuteveloppent les theacuteoriesdu processus

12 Les theacuteories du processus

En se concentrant sur la question de savoir comment se deacuteploie la motivation lestheacuteories du processus montrent qursquoelle fluctue constamment elle est en perpeacutetuelrenouvellement En effet selon Vroom (1964) auteur de la theacuteorie des attenteslrsquoindividu ajuste agrave chaque choix ses efforts en fonction drsquoun calcul Preacuteciseacutement samotivation deacutepend de la conviction que les efforts deacuteployeacutes dans lrsquoexeacutecution drsquounetacircche se traduiront en un niveau donneacute de performance (les attentes) que la reacutecom-pense sera proportionnelle au rendement donneacute (lrsquoinstrumentaliteacute) et de la valeuraccordeacutee agrave la reacutecompense (la valence) En drsquoautres termes la motivation est influen-ceacutee par la combinaison dynamique de trois facteurs les attentes lrsquoinstrumentaliteacute etla valence Elle correspond donc agrave lrsquoeacutequation (M = A x I x V) Si lrsquoune de ces troisvariables tend vers zeacutero la motivation deacutecroicirct en conseacutequence

Drsquoun point de vue manageacuterial cette approche souligne en premier lieu la neacutecessiteacutede seacutelectionner des individus compeacutetents pour une mission donneacutee de les former deleur fournir les moyens neacutecessaires agrave sa reacutealisation et de leur fixer des objectifsclairs Ces eacuteleacutements permettent alors aux individus de satisfaire au premier critegravere(les attentes) Ensuite srsquoagissant de lrsquoinstrumentaliteacute les managers doivent eacutenonceravec preacutecision les reacutecompenses associeacutees agrave lrsquoatteinte des objectifs et agrave les ajuster enfonction des rendements obtenus Enfin concernant la valence les managersdevront ecirctre attentifs aux besoins effectifs des collaborateurs afin de deacuteterminer lareacutecompense en fonction de ces besoins

Les theacuteories du processus dont la plus repreacutesentative est celle de Vroom souli-gnent plus que ne le font les theacuteories du contenu le caractegravere individuel (propre agravechacun) de la motivation En conseacutequence il faut souligner comme le fait Theacutevenet(1992) lrsquoinfluence toute relative de lrsquoaction de motiver Drsquoune part il est difficiledans une entreprise compte tenu de la contrainte drsquoeacutequiteacute de concevoir des reacutecom-penses adapteacutees agrave chaque individu Et drsquoautre part il conviendrait drsquoeacutetablir le profilmotivationnel des acteurs pour influencer leur motivation Finalement les managersne motivent pas les individus ceux-ci se motivent seuls Ils sont seuls maicirctres deleurs actions Le travail des managers doit alors ecirctre orienteacute vers la creacuteation desconditions propices qui permettront aux individus de trouver en eux les ressorts deleur motivation Car finalement la motivation srsquointeacuteresse aux relations entre unemission une tacircche speacutecifique et lrsquoindividu et pas veacuteritablement aux liens entrelrsquoindividu et lrsquoorganisation et entre lrsquoindividu et son travail au sens large

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13 Lrsquoimplication

Ce sont ces relations qursquoexplore le concept drsquoimplication Ainsi lorsque les mana-gers disent rechercher des collaborateurs motiveacutes en reacutealiteacute ils souhaitent recruter ettravailler avec des individus impliqueacutes Lrsquoimplication apparaicirct en effet comme untrait de personnaliteacute elle se deacutefinit comme lrsquoidentification du salarieacute agrave son travailetou agrave son entreprise Theacutevenet (2002) preacutecise que lrsquoimplication prend en fait cinqformes principales La premiegravere facette de lrsquoimplication concerne la valeur travail (letravail est en soi une expeacuterience comparable agrave celles que procurent la vie de familleles loisirshellip) La seconde facette renvoie agrave lrsquoenvironnement de travail et concerne lesrelations professionnelles de proximiteacute (le cadre de travail comme lrsquoeacutequipe danslequel eacutevolue la personne est source drsquoimplication) La troisiegraveme forme de lrsquoimplica-tion correspond au produit ou agrave lrsquoactiviteacute de lrsquoentreprise (certains secteurs confegraverentune visibiliteacute sociale aux individus et sont consideacutereacutes comme nobles agrave leurs yeux)La quatriegraveme forme concerne le meacutetier agrave proprement parler (certaines professions etlrsquoexpertise qui leur est associeacutee sont sources drsquoimplication) Enfin lrsquoentreprisecompte tenu de ses valeurs de ses codes de ses missions de sa culturehellip constitueune ultime facette de lrsquoimplication

Lrsquoimplication reflegravete donc la place qursquooccupe la vie professionnelle par rapportaux autres sphegraveres de la vie (comme la famille) et se traduit par lrsquoacceptation desbuts et valeurs de lrsquoorganisation par la volonteacute drsquoy exercer des efforts consideacuterableset par une forte intention de continuer agrave y appartenir Crsquoest ainsi qursquoun individuimpliqueacute consacre beaucoup drsquoeacutenergie agrave son travail passe beaucoup de temps dansson entreprise srsquoinvestit parfois au point drsquoen souffrirhellip

Au niveau manageacuterial comme pour la motivation les individus sont maicirctres deleur comportement Theacutevenet (2002) souligne ainsi agrave quel point lrsquoimplication despersonnes trouve son origine dans leur trajectoire personnelle Les ressorts profon-deacutement individuels de lrsquoimplication font qursquoil est illusoire de vouloir la creacuteer et qursquoilest plus reacutealiste de creacuteer des conditions favorables agrave son expression Theacutevenet (2002)suggegravere trois conditions que les managers doivent reacuteunir Tout drsquoabord les politi-ques de management doivent ecirctre connues des personnes afin qursquoils comprennent ceqursquoils font et la maniegravere dont ils contribuent agrave faire avancer lrsquoentreprise Les salarieacutesdoivent donc connaicirctre quelles sont les strateacutegies en place quelles en sont les finali-teacutes et quel est le sens de leur action Ensuite les individus ne sont agrave mecircme desrsquoimpliquer que si lrsquoentreprise srsquoimplique vis-agrave-vis drsquoeux Les politiques de manage-ment doivent donc faire parvenir aux salarieacutes des signaux drsquoengagement reacuteciproqueCela passe par des reacutetributions financiegraveres mais eacutegalement par des signes de recon-naissance des informations sur le travail accomplihellip Enfin lrsquoentreprise doit permet-tre aux individus de rester maicirctre de leur destin drsquoeacuteprouver un sentiment de controcirclefort sur leurs actes et leurs deacutecisionshellip Pour autant si lrsquoimplication drsquoun individuquelle qursquoen soit la forme (cf les cinq formes) est proche de zeacutero mecircme des condi-tions exceptionnelles ne suffiront pas agrave pour qursquoil srsquoimplique davantage

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Repegraveres Kaka ne quitte pas lrsquoAC Milan

Le club de football italien lrsquoAC Milan a eacuteteacute fondeacute en 1899 sous le nom de Milan Cricket andFootball Club Mais le football est devenu la mission principale et le terme laquo Cricket raquo futretireacute du nom Dans les anneacutees 1940 lrsquoeacutequipe a pris le nom deacutefinitif drsquoAssociazione CalcioMilan Mais ce nrsquoest que la deacutecennie suivante que lrsquoeacutequipe a acquis sa notorieacuteteacute gracircce agrave laparticipation de grands noms du football comme Liedhol Gren et Nordahl Lrsquohistoire decette eacutequipe est ainsi faite de succegraves et drsquoeacutechecs Toutefois depuis son rachat par SilvioBerlusconi la notorieacuteteacute et les performances du club nrsquoont cesseacute de progresser Il estdrsquoailleurs consideacutereacute comme celui qui a bacircti lrsquoune des eacutequipes les plus prospegraveres du footballinternationalCrsquoest agrave lrsquoAC Milan qursquoeacutevolue lrsquoun des joueurs les plus connus et payeacutes au monde Kaka unjoueur breacutesilien vendu au Milan en 2003 par une eacutequipe de football breacutesilienne le SatildeoPaulo Futebol Clube Kaka est un joueur de renommeacutee mondiale sa technique horsnorme et sa personnaliteacute tranquille et religieuse le distinguent de la plupart des joueurs defootball Kaka est natif de Brasiacutelia et a eacuteteacute eacuteleveacute dans un milieu aiseacute (son pegravere est ingeacutenieuret sa megravere enseignante) Contrairement au steacutereacuteotype du joueur breacutesilien qui a grandidans les quartiers difficiles sa reacuteussite nrsquoa pas changeacute son style de vie Il megravene une viedrsquoascegravete et fuit les mondaniteacutes Sa carriegravere est ponctueacutee de nombreuses victoires notam-ment la Coupe du Monde et la Super Coupe de 2002 le Championnat drsquoItalie en 2004 laSuper Coupe drsquoEurope en 2003 et en 2007 la Ligue des Champions en 2007 En 2007 il areccedilu la reconnaissance suprecircme le Ballon drsquoOr Organiseacute par la revue France Footballdepuis 1956 et attribueacute par un jury international composeacute de journalistes speacutecialiseacutes crsquoestlrsquoun des prix les plus significatifs et priseacutes dans le monde du footballSon prestige et ses qualiteacutes sur et hors du terrain ont susciteacute lrsquointeacuterecirct de nombreusesautres eacutequipes principalement des eacutequipes europeacuteennes Ainsi deacutebut 2008 lrsquoeacutequipeanglaise de Manchester City a offert agrave lrsquoeacutequipe italienne la somme de 150 millions drsquoeurospour recruter le joueur Cette offre est consideacutereacutee comme un record record qui appartenaitauparavant agrave Zineacutedine Zidane pour un transfert de la Juventus de Turin vers le Real deMadrid pour 75 millions drsquoeuros Contrairement aux preacuteceacutedentes fois (lrsquoAC Milan avait reccediludes offres de Chelsea ou du Real Madrid) le club a accepteacute lrsquooffre (120 millions drsquoeuros luirevenaient directement) Si Kaka acceptait agrave son tour son salaire srsquoeacutelegraveverait alors agrave550 000 euros net par semaineKaka agrave la grande surprise des supporters de lrsquoAC Milan nrsquoa pas accepteacute lrsquooffre du Manches-ter City Ces derniers ont joueacute un rocircle important dans la deacutecision du joueur ils ont exerceacuteune pression consideacuterable pour que Kaka nrsquoabandonne pas lrsquoeacutequipe Si certains journalistesfont valoir que le refus de Kaka srsquoexplique par la faible reconnaissance de lrsquoeacutequipe anglaiseface agrave lrsquoAC Milan ce qui pourrait priver le joueur des compeacutetitions les plus importantes dumonde du football Kaka eacutevoque son amour de lrsquoeacutequipe italienne et lrsquoattachement auxsupporters Apregraves cette deacutecision historique Kaka a deacuteclareacute laquo Si je dois quitter le Milan unjour ce sera parce que mes buts nrsquoauront plus la mecircme signification pour le club raquo

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Si les effets de la motivation et de lrsquoimplication sont voisins la diffeacuterence entre lesdeux concepts nrsquoest pas agrave neacutegliger La motivation la force qui pousse agrave agir est lieacuteeagrave lrsquoindividu en situation de travail tandis que lrsquoimplication deacutepend de lrsquoindividu lui-mecircme crsquoest-agrave-dire de sa personnaliteacute Lrsquoimplication guide donc lrsquoaction des indivi-dus en lui donnant une orientation ndash elle a un caractegravere stable ndash alors que la motiva-tion est une force motrice orienteacutee vers la reacutealisation drsquoune mission donneacutee ndash elle aun caractegravere ponctuel

Toutefois la motivation et lrsquoimplication nrsquoeacuteclairent pas le manager sur certainesfacettes des comportements humains En effet les individus agissent parfois auservice de leurs propres fins et ce au deacutetriment de lrsquoentreprise agrave laquelle ils appar-tiennent Les inteacuterecircts personnels prennent souvent le dessus sur les inteacuterecircts collec-tifs Lrsquoentreprise srsquoapparente alors agrave une aregravene politique dans laquelle lescomportements humains sont avant tout lrsquoexpression de jeux de pouvoir

2 Les jeux de pouvoir

Crsquoest sous lrsquoimpulsion de Crozier et Friedberg (1977) que srsquoest deacuteveloppeacuteelrsquoanalyse strateacutegique des organisations Cette eacutecole se fonde sur trois postulats Toutdrsquoabord les individus nrsquoacceptent jamais drsquoecirctre traiteacutes comme des moyens auservice des buts des organisateurs Ils ont leurs propres objectifs qui peuvent diver-ger de ceux des managers Ensuite les organisations ne sont pas des systegravemes sansfaille Les individus disposent drsquoune liberteacute qursquoils peuvent (ou non) exploiter Enfinles acteurs sont rationnels mais cette rationaliteacute est limiteacutee par leurs valeurs person-nelles leurs preacutefeacuterences et les contraintes du systegraveme (temps et informations dispo-nibleshellip) Il en reacutesulte que leurs deacutecisions ne sont jamais optimales Lrsquoindividuchoisit lrsquooption la plus satisfaisante pour lui

Agrave partir de ces trois postulats les auteurs soulignent que les individus quelle quesoit leur position hieacuterarchique cherchent agrave deacutefendre etou faire valoir leurs inteacuterecirctspersonnels (meilleurs revenus position sociale plus eacuteleveacutee plusmoins de responsa-biliteacutes autonomie horaires plus commodes meilleur confort de travailhellip) Pourcela ils deacuteveloppent une strateacutegie qui leur est propre (elle est le reacutesultat de la ratio-naliteacute limiteacutee) se comportent en acteurs et utilisent lrsquoorganisation commelaquo carburant raquo au service de leurs objectifs On distingue ainsi deux strateacutegies geacuteneacuteri-ques Une strateacutegie offensive consiste pour un acteur agrave tenter de contraindre lesautres membres de lrsquoorganisation pour satisfaire ses propres objectifs Une strateacutegiedeacutefensive consiste a contrario agrave tenter drsquoeacutechapper agrave ces contraintes en vue de proteacute-ger ses propres marges de liberteacute et de manœuvre Le deacuteploiement des strateacutegiesdeacutepend du pouvoir que les acteurs sont parvenus agrave se constituer

Pour cette approche le pouvoir nrsquoest pas lieacute agrave la position hieacuterarchique Lrsquoouvrierau plus bas de la chaicircne peut srsquoecirctre constitueacute un pouvoir (par exemple il peut fairebien ou mal une piegravece gracircce agrave un reacuteglage speacutecifique qursquoil est peut-ecirctre le seul agraveconnaicirctre) Pour Crozier et Friedberg (1977) le pouvoir provient de la possibiliteacute de

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maicirctriser les zones drsquoincertitude En effet toutes les situations drsquoorganisation secaracteacuterisent par un degreacute drsquoincertitude Ces incertitudes peuvent provenir de turbu-lences environnementales (changement des techniques de production ou de commu-nication eacutevolution des marcheacutes recrutement de nouveaux membreshellip) Il existeainsi toujours des zones floues dans les organisations que certains acteurs peuventcontrocircler les incertitudes constituant finalement pour les acteurs des opportuniteacutes oudes contraintes

La possibiliteacute de maicirctriser les zones drsquoincertitudes deacutecoule de quatre sourcesappeleacutees les sources de pouvoir Tout drsquoabord la possession drsquoune compeacutetence oudrsquoune speacutecialisation fonctionnelle difficilement remplaccedilable permet de combler uneincertitude organisationnelle crsquoest-agrave-dire de reacutesoudre des problegravemes cruciaux pourles organisations Ensuite la maicirctrise des relations avec lrsquoenvironnement permet decontrocircler les incertitudes externes (marcheacute clientshellip) En effet lrsquoenvironnementprocure des ressources indispensables agrave la peacuterenniteacute drsquoune entreprise Eacutegalement lapossession drsquoinformations et drsquoun reacuteseau de communication permet drsquoexploiter et detransmettre lrsquoinformation de maniegravere strateacutegique Cela nrsquoest pas sans conseacutequencesur la capaciteacute drsquoinfleacutechissement de deacutecisions importantes Enfin la connaissancedes regravegles organisationnelles permet de srsquoinseacuterer plus habilement dans le systegraveme etde lrsquoinfluencer Par exemple les regravegles drsquoavancement dans la fonction publique nevisent pas seulement agrave lutter contre lrsquoarbitraire des supeacuterieurs elles servent ceux quiles ont apprises et en ont fait lrsquoexpeacuterience car ils peuvent les utiliser mieux que ceuxqui les connaissent moins

Cependant malgreacute la maicirctrise des sources de pouvoir les strateacutegies des individuspeuvent srsquoaveacuterer insuffisantesinefficaces pour atteindre leurs objectifs En effet lesystegraveme organisationnel est porteur de contraintes les individus luttent pour laconquecircte du pouvoir car les ressources ne sont pas infinies Les acteurs vont doncsrsquoaffronter chercher des appuis et seacuteduire Les autres acteurs pourront alors consti-tuer des allieacutes de circonstance qui verront eux-mecircmes une opportuniteacute de servir leurpropre inteacuterecirct Ainsi se font et se deacutefont les alliances au greacute des objectifs respectifset des mouvements de lrsquoorganisation Le pouvoir joue donc le rocircle de reacutegulateur etdrsquoarbitre des strateacutegies Il convient de parler de jeux de pouvoir ou de jeux pour laconquecircte du pouvoir Et ces jeux peuvent se manifester de diverses faccedilons (la seacuteduc-tion la reacutetention drsquoinformations lrsquoomnipreacutesencehellip)

Dans cette perspective le pouvoir est donc bien la capaciteacute de A drsquoobtenir quedans sa relation avec B les termes de lrsquoeacutechange lui soient profitables Le pouvoirnrsquoest donc pas un attribut il est une relation Car si A peut contraindre B agrave agir Bpeut exeacutecuter cette action de multiples maniegraveres Il peut obeacuteir avec zegravele ou en traicirc-nant les pieds mettre lrsquoaccent sur tel aspect de sa mission plutocirct que sur tel autrePlus preacuteciseacutement une relation de pouvoir se caracteacuterise de trois faccedilons Il srsquoagitdrsquoune relation de deacutependance car A a du pouvoir sur B si B a besoin de A pour attein-dre ses objectifs de reacuteciprociteacute car A a du pouvoir sur B mais B a aussi du pouvoirsur A (puisqursquoil peut permettre agrave A drsquoatteindre ses objectifs) et drsquoune relation deacuteseacute-

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quilibreacutee car le pouvoir de A sur B peut ecirctre supeacuterieur agrave celui de B sur A (les cartesen main varient pour le jeu dans lrsquoorganisation)

Repegraveres Les jeux de pouvoir dans les projets desystegravemes drsquoessais

Un systegraveme drsquoessai cherche agrave reproduire les conditions drsquoutilisation reacuteelles des composantsdrsquoun veacutehicule par les clients Ainsi lrsquoeacutetude drsquoun composant (appeleacute speacutecimen) consiste agrave luifaire subir des sollicitations au sein drsquoun environnement qui simule les pires conditionsdrsquoutilisation du veacutehicule (pluie tropicale route paveacuteehellip) Chez Renault les systegravemes drsquoessaissont conccedilus maintenus et deacuteveloppeacutes par un deacutepartement composeacute de 160 personnes lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais (ISE)Sur un plan opeacuterationnel lrsquoISE doit deacutefinir et deacuteployer une strateacutegie des systegravemes drsquoessaispermettant de reacutepondre agrave la strateacutegie produit en termes de validation des prestationsattendues Dans cette optique la conception et lrsquoeacutevolution des systegravemes drsquoessais sontdeacuteterminantes Drsquoune part il faut anticiper les systegravemes drsquoessais agrave faire eacutevoluer ou agrave deacuteve-lopper compte tenu des capacitaires actuels des besoins en essais exprimeacutes par les clientsinternes et des eacutevolutions produits (veacutehicules hybrides moteur hydrogegravenehellip) en vuedrsquoassurer une coheacuterence des systegravemes drsquoessais Drsquoautre part il faut deacutevelopper les systegrave-mes drsquoessais dans le respect des critegraveres de qualiteacute de coucircts et de deacutelais (QCD)Lrsquoefficaciteacute des projets deacutepend du niveau de coopeacuteration entre les participants En effet lesphases du projet allant de sa naissance jusqursquoagrave sa mise en œuvre et son eacutevaluation sontassureacutees de faccedilon quasi-simultaneacutee par les diffeacuterents acteurs Et cela doit permettre deprofiter des expertises et des expeacuteriences multiples pour ameacuteliorer la gestion du projetPrenons un exemple la deacutetermination des solutions techniques exige une coopeacuterationentre les diffeacuterents acteurs afin drsquoassurer la qualiteacute technique la conformiteacute aux besoinsactuels et futurs (lrsquoeacutevolutiviteacute) la maintenabiliteacute du moyen drsquoessais et le respect des coucirctsinheacuterents agrave des choix techniques La mobilisation des diffeacuterentes expertises srsquoavegraverecruciale le chef de projet mobilise son expeacuterience pour eacutevaluer la qualiteacute de la solutiontechnique en termes de reacutesultats attendus (fonctionnement du banc et reacuteponse auxbesoins du client interne) le maintenancier apporte son analyse des problegravemes rencontreacutesdans lrsquoexploitation et le maintien du banc lrsquoexpert dispose de solutions eacuteprouveacutees dansdes situations similaires Toute lrsquoexpeacuterience des acteurs est indispensable agrave la bonnemarche du projet et ce drsquoautant plus que la post-eacutevaluation des projets est rarement capi-taliseacutee Crsquoest donc la confrontation de contributions et de compeacutetences heacuteteacuterogegravenes quiest susceptible drsquoameacuteliorer le respect des critegraveres QCD du projet En conclusion une coopeacute-ration eacuteleveacutee est neacutecessaire afin drsquoobtenir une efficaciteacute et une efficience plus grandes desdeacuteveloppements des systegravemes drsquoessais Or comprendre cette coopeacuteration supposedrsquoanalyser les inteacuterecircts des participantsLes managers des systegravemes drsquoessais (service strateacutegie et performance) cherchent agrave initierun projet en adeacutequation avec la strateacutegie deacutefinie en amont (strateacutegie produit) et agrave fixer descritegraveres QCD laquo reacutealistes raquo en vue de faire la preuve de leur compeacutetence de faire reacutefeacuterence etde devenir creacutedible lorsqursquoils seront agrave lrsquoorigine de nouveaux projets

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Lrsquoanalyse des jeux de pouvoir conduit agrave postuler qursquoune organisation est unsystegraveme drsquoaction concret crsquoest-agrave-dire un modegravele de relations creacuteeacutees entretenues etrenouveleacutees en fonction des inteacuterecircts des acteurs des contraintes et des opportuniteacutesdu systegraveme Ce modegravele de relations permet de faire face aux mouvements de lrsquoorga-nisation et en assure le fonctionnement quotidien Prenons un exemple Un ouvrierspeacutecialiseacute effectue des reacuteglages sur sa machine alors que crsquoest normalement unepreacuterogative du reacutegleur Crsquoest pour lrsquoouvrier un moyen de mieux connaicirctre samachine drsquoenrichir son travail de se conformer au groupehellip Le reacutegleur peut toleacuterercette situation car cela lui permet de se concentrer sur des reacuteglages plus complexeset plus nobles de se reposerhellip Le chef drsquoeacutequipe peut ecirctre au fait de la situation etlrsquoaccepter parce que les personnels en tirent satisfaction le rendement est bonhellip Lesacteurs ont construit un systegraveme drsquoaction concret dans lequel ils acceptent par inteacute-recirct les comportements des autres Et ce systegraveme reacutegit le fonctionnement de lrsquoatelier

In fine le comportement des individus est avant tout lrsquoexpression drsquoun jeuLrsquoacteur est ici un animal politique qui utilise lrsquoorganisation au service de ses objec-tifs Crozier et Friedberg (1977) considegraverent ainsi que mecircme les individus les moinspolitiques sont contraints de le devenir pour se proteacuteger des autres Cette situationpeut pour certains devenir insupportable Plus geacuteneacuteralement la vie professionnelleconduit parfois les salarieacutes agrave eacuteprouver une veacuteritable souffrance au travail

3 Le stress

Le stress au travail est une reacuteelle preacuteoccupation gouvernementale De nombreuxpays se sont doteacutes drsquoune loi en la matiegravere En France la loi de modernisation sociale

Les chefs de projet (service deacuteveloppement des systegravemes drsquoessais) entendent conduire leprojet dans le respect des critegraveres QCD et eacuteviter tout deacutepassement pour devenir ceux agrave quion confiera des projets agrave forts enjeux pour lrsquoISE Ils cherchent eacutegalement agrave ecirctre solliciteacutes surdes projets laquo agrave problegravemes raquo en vue de devenir incontournableLes experts techniques (service expertise et politique technique) cherchent agrave fiabiliser leschoix techniques afin que la qualiteacute agrave la livraison du systegraveme soit atteinte En assurant lafiabiliteacute technique les experts accroissent leur influence lors de lrsquoadoption de nouvellessolutions (cette fiabilisation deacutecoule de choix techniques expeacuterimenteacutes) De mecircme ilspeuvent se concentrer sur le test de nouvelles solutions consideacutereacutees comme plus valorisan-tesLes maintenanciers (service expertise et politique technique) entendent faire vivre le bancen limitant la maintenance curative gracircce agrave des solutions techniques expeacuterimenteacutees Celapermet drsquoatteacutenuer la charge de travail et de se concentrer sur des activiteacutes de maintenanceplus nobles (maintenance preacuteventive)

Agrave partir de SOPARNOT R laquo La coopeacuteration interindividus le cas de la gestion de projetdans le secteur automobile raquo 27e Congregraves de lrsquoAssociation

des sciences administratives du Canada (ASAC) 2006

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de 2002 eacutetend la responsabiliteacute de lrsquoemployeur agrave la preacutevention de la santeacute physiquemais aussi mentale de ses salarieacutes Plus reacutecemment en 2004 un accord-cadre euro-peacuteen a eacuteteacute signeacute par quatre organisations europeacuteennes repreacutesentatives des partenairessociaux Il vise agrave renforcer aupregraves des employeurs et des employeacutes la prise de cons-cience concernant le stress au travail Ces impulsions eacutetatiques doivent se traduirepar des actes concrets au niveau de lrsquoentreprise

Le stress se deacutefinit comme un eacutetat de tension psychologique Srsquoil a chez certainespersonnes et dans certaines situations des effets beacuteneacutefiques (le deacutepassement de soila stimulation de la creacuteativiteacutehellip) il engendre souvent des effets neacutegatifs Il se mani-feste alors par des pathologies physiques (mal de dos troubles gastriqueshellip) etpsychiques (anxieacuteteacute insomnie deacutepression nerveusehellip) qui ultimement se tradui-sent par un absenteacuteisme eacuteleveacute Le stress serait ainsi la quatriegraveme cause drsquoincapaciteacutede travail il touche plusieurs millions de personnes dans les entreprises europeacuteen-nes

Repegraveres Le stress des caissiegraveres drsquoun Super U

Les symptocircmes de stress sont tregraves freacutequents parmi les employeacutes qui sont en contact directavec des sommes importantes Ils doivent en effet assumer de lourdes responsabiliteacutesCrsquoest agrave cette situation qursquoa eacuteteacute confronteacute le supermarcheacute Super U drsquoune petite communeappeleacutee Herbignac Les cinquante caissiegraveres supportaient mal de surveiller la caisse toutela journeacutee et de la veacuterifier le soir Cela constituait une source de tension pour elles De cefait les caissiegraveres eacutetaient tregraves meacutefiantes et sur leur garde toute la journeacutee Elles enoubliaient de regarder le client et par conseacutequent de lrsquoaccueillir chaleureusement Crsquoest ungestionnaire du magasin qui a remarqueacute que 90 du stress des caissiegraveres provenait desregraveglements en liquide Mecircme si selon le directeur de lrsquoeacutetablissement les montants enespegraveces ne repreacutesentent que 19 du chiffre drsquoaffaires les tensions eacutetaient reacuteellesAfin drsquoatteacutenuer cette source de stress la solution a consisteacute en lrsquoinstallation drsquoun systegravemeineacutedit de gestion informatiseacutee des espegraveces Gracircce agrave ce dispositif les clients insegraverent leursbillets et piegraveces dans une machine qui leur rend automatiquement la monnaie Ainsilrsquohocirctesse nrsquoa qursquoagrave se preacuteoccuper de la gestion des chegraveques des cartes bancaires et des bonsde reacuteduction Cela reacuteduit consideacuterablement le risque drsquoerreur durant les transactions etatteacutenue les sources de stress Selon les utilisateurs ce systegraveme geacutenegravere drsquoautres avantagesLa machine assure un gain de temps de 23 minutes en moyenne par jours ce qui permetaux caissiegraveres de passer plus de temps avec chaque client et drsquoameacuteliorer la qualiteacute deserviceSelon le fabricant lrsquoinstallation de cet appareil dans un supermarcheacute est une opeacuterationunique en Europe Le coucirct pour la direction du magasin srsquoest eacuteleveacute agrave 400 000 euros maisles reacutesultats sont significatifs Le niveau de stress des caissiegraveres a eacuteteacute consideacuterablementabaisseacute et elles peuvent aujourdrsquohui se concentrer agrave leur mission drsquoaccueil des clients

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Le stress est souvent imputeacute agrave lrsquoindividu ce qui renvoie agrave son incapaciteacute agrave geacuterer lesexigences de son travail Le stress comme reacutesultat de lrsquoincapaciteacute de la personneapparaicirct comme une caracteacuteristique individuelle Il y aurait ainsi des salarieacutes plusfragiles que drsquoautres et plus susceptibles de connaicirctre un eacutetat de stress Cependantune conception du stress strictement focaliseacutee sur lrsquoindividu est reacuteductrice car elleatteacutenue le rocircle des facteurs de stress Relatifs au contenu du travail (surcharge ousous charge complexiteacute ou reacutepeacutetitiviteacute pression temporellehellip) aux conditions detravail (bruit eacuteclairage ergonomie des posteshellip) agrave lrsquoorganisation du travail (horai-res seacutecuriteacute flexibiliteacute preacutecariteacute style de managementhellip) et aux relations sociales(soutien des collegravegues et des supeacuterieurs reconnaissancehellip) ils influencent active-ment la manifestation du stress Le stress est donc agrave analyser comme le reacutesultat desinteractions entre des stresseurs (facteurs de stress) plus ou moins intenses et descaracteacuteristiques individuelles (implication au travail degreacute de maicirctrise des eacutevegravene-ments estime de soihellip) Pour ecirctre plus preacutecis encore le stress est agrave analyser dansune perspective transactionnelle En effet les facteurs de stress sont interpreacuteteacutes parlrsquoindividu qui peut y voir une opportuniteacute ou une menace et qui en conseacutequence vadeacuteployer une strateacutegie drsquoajustement en fonction de ses caracteacuteristiques et de sesressources On distingue deux strateacutegies drsquoajustement Drsquoune part il peut agir sur leseacutemotions en reacuteduisanteacuteliminant ou en accentuant la deacutetresse eacutemotionnelle issue dela situation (eacuteviter minimiser prendre ses distances intensifier les sentimentshellip)Drsquoautre part srsquoil en a les ressources lrsquoindividu peut faire face au problegraveme en lereacutesolvant

Le stress au travail nrsquoest donc lieacute ni exclusivement agrave lrsquoindividu ni exclusivementaux conditions Il se manifeste dans une interaction plus encore dans une transac-tion entre la personne et les exigences de la situation

Au plan manageacuterial la gestion du stress peut passer par plusieurs deacutemarches Lesentreprises peuvent limiter les sources de stress en ameacuteliorant les conditions detravail (salle de sport cregraveche restaurant poste ergonomiquehellip) Il convient neacutean-moins drsquoadmettre qursquoune affectation plus judicieuse des personnels la fixationdrsquoobjectifs plus reacutealistes la communication ascendante et descendante la clarifica-tion des modes de fonctionnement interne une autonomie plus grande des missionsplus valorisanteshellip reacuteduisent consideacuterablement les sources de tensions au travailLes entreprises peuvent eacutegalement aider les individus agrave mieux geacuterer leur proprestress Des formations sont ainsi dispenseacutees afin drsquoaider lrsquoindividu agrave srsquoadapter auxconditions stressantes (deacuteveloppement des compeacutetences individuelles coachinggestion du tempshellip) Certaines entreprises donnent eacutegalement lrsquoopportuniteacute agrave leurssalarieacutes drsquoapprendre des techniques de relaxation

Lrsquoeacutetude du stress nous propose une analyse de la souffrance au travail Lrsquoindividunrsquoest alors plus en mesure drsquoassumer son rocircle dans lrsquoentreprise Si cet aspect ducomportement ne doit pas ecirctre neacutegligeacute le salarieacute agit parfois de concert avecdrsquoautres pour jouer un rocircle actif dans lrsquoentreprise Eacutemerge le thegraveme de la coopeacuterationinterindividuelle

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4 La coopeacuteration interindividuelle

La coopeacuteration des personnes est lrsquoessence mecircme de lrsquoaction collective Elle cons-titue un enjeu pour les managers dont le rocircle est de feacutedeacuterer les eacutenergies et les actionsdes membres drsquoune eacutequipe pour lrsquoatteinte drsquoobjectifs collectifs Elle est eacutegalementindispensable pour reacutealiser les missions de lrsquoentreprise La coopeacuteration consiste agraveagir ensemble agrave unir ses forces pour atteindre un objectif et se caracteacuterise par lavolonteacute commune de construire quelque chose Se situant dans le registre de la bien-veillance elle se distingue de la coordination qui renvoie aux dispositifs formaliseacutesdrsquoajustements des contributions des individus Degraves lors la coopeacuteration est aleacuteatoireElle nrsquoexiste que parce que les individus lrsquoinstituent de leur propre greacute Il convientdonc se demander ce qui pousse les personnes agrave coopeacuterer Deux raisons principalessont avanceacutees par Dameron (2004) La premiegravere voit lrsquoaction de coopeacuteration commeun calcul visant lrsquoaccegraves agrave des ressources (coopeacuteration calculatoire) La seconde yvoit la manifestation de lrsquoappartenance agrave un groupe social (coopeacuteration communau-taire)

La coopeacuteration calculatoire srsquoinspire des reacuteflexions conduites par Crozier et Fried-berg (1977) sur le thegraveme de lrsquoaction collective Ces auteurs se demandent commentse reacutealise lrsquoarticulation entre la liberteacute des acteurs et lrsquoexistence de systegravemes organi-seacutes Reacutefutant les theacuteories pour lesquelles les individus adoptent un comportementrationnel cette approche postule que lrsquoindividu-acteur agit selon une strateacutegie elle-mecircme caleacutee en fonction de contraintes lieacutees au contexte de lrsquoorganisation De ce faitla coopeacuteration interindividuelle srsquoapparente agrave un calcul qui permettra lrsquoobtentiondrsquoun gain Elle reacutesulte donc de la convergence au moins momentaneacutee drsquointeacuterecirctscommuns Coopeacuterer avec autrui est un moyen drsquoacceacuteder agrave des ressources qui serontutiles agrave la conduite de strateacutegies personnelles La coopeacuteration provient donc delrsquoopportunisme politique des acteurs

Cependant le lien politique ne suffit pas agrave expliquer la coopeacuteration Il doit ecirctrecompleacuteteacute par un lien drsquoaffect reacuteveacutelant une conception communautaire de la coopeacute-ration Les travaux de Hawthorne ont deacutejagrave souligneacute lrsquoimportance du groupe commefacteur de socialisation de lrsquoindividu (Mayo 1933) Ce dernier affirme en effet sonidentiteacute au travers des relations entretenues avec les membres du groupe auquel ilappartient Et agrave la question laquo qui suis-je raquo lrsquoindividu reacutepond en se reacutefeacuterant auxgroupes dont il est ou se sent membre Lrsquoappartenance se situe ainsi au cœur desmeacutecanismes drsquoidentification des individus Crsquoest la perspective deacuteveloppeacutee par latheacuteorie de lrsquoidentiteacute sociale Selon cette derniegravere le sentiment drsquoappartenir agrave ungroupe social (groupe professionnel groupe drsquoacircgehellip) ou de ne faire qursquoun avec cedernier forge lrsquoidentiteacute de lrsquoindividu Ainsi le processus identitaire reacutevegravele troispheacutenomegravenes Lrsquoindividu se considegravere comme membre se conforme auxtraitssteacutereacuteotypes qui caracteacuterisent le groupe et agit de maniegravere agrave marquer la diffeacute-rence avec les autres groupes De ce fait la coopeacuteration correspond agrave la manifesta-tion drsquoune identiteacute commune Crsquoest par le partage drsquoobjectifs et lrsquointeraction avec lesmembres que les individus deacuteveloppent et preacuteservent une identiteacute commune Coopeacute-

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rer est un moyen drsquoecirctre reconnu comme membre drsquoun clan La coopeacuteration est alorsagrave concevoir non plus comme reacutesultant de lrsquoopportunisme de lrsquoacteur mais commereacutesultat de valeurs normes et regravegles communes Leur existence leur deacuteveloppementet leur maintien deacutependent donc de la coopeacuteration interindividuelle

Repegraveres La coopeacuteration interindividuelle au sein drsquoune communauteacute drsquoagglomeacuteration

La communauteacute drsquoagglomeacuteration (CA) est une structure intercommunale ndash plusieurscommunes se reacuteunissent pour geacuterer ensemble des services ndash organiseacutee selon la loi du12 juillet 1999 dite loi Chevegravenement Ce texte preacutecise des compeacutetences obligatoires (deacuteve-loppement eacuteconomique ameacutenagement de lrsquoespace eacutequilibre social de lrsquohabitat politiquede la villehellip) et optionnelles (assainissement culture ameacutenagement et entretien desvoiries eau lutte contre les nuisances sonores construction ameacutenagement entretien etgestion des eacutequipements sportifs et culturels) Deux ou trois de ces compeacutetences peuventecirctre choisies par les eacutelus de lrsquointercommunaliteacute Pour se constituer en communauteacutedrsquoagglomeacuteration une agglomeacuteration doit ecirctre peupleacutee drsquoau moins 50 000 habitants unecommune devant en compter agrave elle seule au minimum 15 000La CA de Saint-Quentin-en-Yvelines regroupe sept communes et gegravere 150 millions drsquoeurosprovenant de la taxe professionnelle (qui constitue quasiment son unique ressource)28 millions drsquoeuros sont redistribueacutes chaque anneacutee aux sept communes la structurecommunautaire reacutealisant par ailleurs 50 millions drsquoinvestissements pour le compte descommunes Cette agglomeacuteration de 150 000 habitants avec ses 5 370 eacutetablissementspour 94 000 emplois constitue lrsquoun des pocircles eacuteconomiques majeurs de lrsquoIle-de-FrancePour comprendre lrsquoideacutee-force de lrsquointercommunaliteacute on peut analyser le leitmotiv delrsquoactuel preacutesident de la CA de Saint-Quentin laquo au plus pregraves on gegravere mieux et ensemble onfait plus raquo Par exemple en matiegravere drsquoemploi si la CA nrsquoa pas la leacutegitimiteacute pour creacuteer unservice emploi qui lui soit propre ndash cela nrsquoaurait drsquoailleurs pas grand inteacuterecirct dans la mesureougrave crsquoest la proximiteacute des communes avec leurs habitants qui fait que ces derniers vontdirectement srsquoadresser aux communes plutocirct qursquoagrave la CA ndash elle a la leacutegitimiteacute pour organi-ser une semaine de lrsquoemploi et de la formation Crsquoest cette logique de mise en reacuteseau qui apreacutesideacute agrave la creacuteation de la Maison de lrsquoentreprise Creacuteer son entreprise eacutetait un vrai parcoursdu combattant pour le jeune entrepreneur La CA a donc mis en reacuteseau dans cette Maisonde lrsquoentreprise des professions libeacuterales (avocats experts comptableshellip) les chambresconsulaires les associations les banques agents immobiliers etc Elle srsquoest donc proposeacuteedrsquoecirctre lrsquounique point drsquoentreacutee pour lrsquoentrepreneur Il vient rencontrer ces diffeacuterents acteursndash gratuitement ndash et il voit ce dont il a besoin Apregraves le travail de la CA est termineacute crsquoest agravelrsquoentrepreneur de voir srsquoil veut un business plan auquel cas il prendra contact avec les inter-locuteurs adeacutequats

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In fine la coopeacuteration reacutevegravele comment naissent et tiennent les comportementscollectifs Lrsquouniteacute drsquoobservation nrsquoest plus la personne mais un ensemble drsquoindivi-dus Le groupe forme ainsi une entiteacute agrave part entiegravere distincte des membres qui lecomposent Il est donc inteacuteressant de mieux comprendre lrsquoinfluence du groupe surles comportements humains

Cependant une des principales limites que les eacutelus de lrsquoopposition reprochent agrave lrsquoagglomeacute-ration crsquoest que les communes sont soumises au bon vouloir de lrsquoagglomeacuteration Et pourcontourner une gestion parfois trop pyramidale sur certains sujets de lrsquoagglomeacuteration ona vu se deacutevelopper des sortes de laquo projets intercommunaux de communes agrave communes raquoLe succegraves de ces coopeacuterations de commune agrave commune repose beaucoup sur les affiniteacutespersonnelles et non politiques Lrsquoexemple suivant le reacutevegravele Le maire de Trappes (une descommunes les plus en difficulteacute de la communauteacute drsquoagglomeacuteration) et le maire deVoisins-le-Bretonneux (ville qui avec ses nombreuses zones pavillonnaires et ses 38 decadres contre 74 pour Trappes est consideacutereacutee comme lrsquoune dont la population est desplus aiseacutee) nrsquoont pas forceacutement les mecircmes enjeux et ce pour deux raisons la premiegraveretient agrave la configuration des communes qursquoils dirigent la seconde au fait qursquoils ne sont pasdu mecircme bord politique Il nrsquoempecircche que lors drsquoun conseil communautaire alors qursquoondoit voter une deacutecision neacutecessitant un vote agrave la majoriteacute qualifieacutee (majoriteacute des deux tiers)par exemple ces deux maires ont coaliseacute et uni leurs forces Soit parce qursquoils partagent surce point preacutecis la mecircme vision soit parce qursquoils se sont laquo entendus raquo sur une autre deacutecisionagrave venir ou que lrsquoun a promis agrave lrsquoautre un laquo retour drsquoascenseur raquo en cas drsquoappui Un maireexpliquait ainsi que laquo les nouvelles geacuteneacuterations de maires sont moins bloqueacutees quant aufait de devoir coopeacuterer mecircme lorsqursquoon est de sensibiliteacutes politiques diffeacuterentes Nousavons parfois entre certaines communes et sur certains projets des initiatives personnel-les qui reposent quasi exclusivement sur la qualiteacute de nos relations interpersonnelles etbien sucircr sur la pertinence du projet au regard des inteacuterecircts communs de nos habitantsNous avons par exemple un projet de centre aquatique avec une commune voisine et sapertinence a fait que la CA est venue ndash apregraves coup ndash nous apporter un financement agravehauteur de 50 hellip raquoVoyons eacutegalement lrsquoexemple du deacuteveloppement du centre de Saint-Quentin Le quartier deSaint-Quentin repreacutesente le cœur de la ville crsquoest un lieu strateacutegique central pour le terri-toire Des entreprises et des zones drsquoactiviteacutes srsquoy installent Le dernier exemple en date estlrsquoimplantation drsquoun deuxiegraveme centre commercial du nom de laquo Sqy Ouest raquo Voilagrave un sujetsur lequel lrsquointercommunaliteacute communique fortement aupregraves du grand public avec unjournal local Le petit Quentin et aupregraves du monde eacuteconomique agrave travers un autresupport Sqy Entreprises laquo Lagrave il y a un double discours qui est tenu et il faut veiller agrave ce qursquoilne soit pas totalement contradictoire Il y a de la part de la commune sur laquelle se trouveSqy Ouest ndash tentation et mecircme passage agrave lrsquoacte tregraves clair ndash de revendiquer ce site commefaisant partie du patrimoine communal et non communautaire Pour Montigny Sqy Ouestse trouve sur le territoire de Montigny donc ccedila appartient agrave Montigny pour la CA ccedila setrouve sur le territoire communautaire qui plus est sur un lieu agrave forte centraliteacute donc stra-teacutegique ccedila appartient donc agrave lrsquoagglomeacuteration raquo Degraves lors il y a ici conflit drsquointeacuterecircts

Extrait de GAYE B et SOPARNOT R laquo La coopeacuteration interindividuellele cas des communauteacutes drsquoagglomeacuteration raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R

Le management strateacutegique 2 concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

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5 Le rocircle du groupe

Lrsquoindividu dans lrsquoentreprise appartient le plus souvent agrave un ou plusieurs groupesLe groupe est une uniteacute sociale composeacutee drsquoindividus interdeacutependants et dont lesrocircles et les statuts sont deacutefinis On eacutetablit une double distinction entre groupesformel et informel et groupes drsquoappartenance et de reacutefeacuterence Le groupe formel secaracteacuterise par son statut de groupe prescrit et orchestreacute par la structure et les regraveglesorganisationnelles (comiteacute de direction eacutequipe projet cercles de qualiteacutehellip) Sonexistence est preacutevue et officielle Ce nrsquoest pas le cas du groupe informel qui eacutemergede la vie de lrsquoentreprise Il se creacutee de faccedilon inattendue et aleacuteatoire (une eacutequipecomposeacutee de quelques salarieacutes qui travaillent sur un projethellip) Le groupe drsquoapparte-nance est celui auquel lrsquoindividu est membre de fait (une faculteacute pour les professeursdrsquoune grande eacutecolehellip) Le groupe de reacutefeacuterence est celui auquel lrsquoindividu se reacutefegraveredans le cadre drsquointeractions sociales Il peut chez certaines personnes ecirctre imaginaireet refleacuteter une ambition sociale (un comiteacute de direction pour un cadre ayant cetteambitionhellip) Le tableau suivant propose de recouper ces distinctions et identifiequatre types de groupes

Tableau 31 mdash Typologie des groupes dans les organisations

Groupe formel Groupe informel

Groupe drsquoappartenance Groupe formel drsquoappartenance Groupe informel drsquoappartenance

Groupe de reacutefeacuterence Groupe formel de reacutefeacuterence Groupe informel de reacutefeacuterence

Repegraveres Les groupes de travail chez Monsanto

Monsanto est une entreprise agricole dont la mission est de soutenir les agriculteurs dumonde entier agrave produire sans endommager lrsquoenvironnement Fondeacutee en 1901 par JohnF Queeny Monsanto doit son nom au nom de famille de lrsquoeacutepouse du fondateur Agrave lrsquoorigineMonsanto commercialisait de la saccharine et dans les anneacutees qui ont suivi la creacuteation lagamme de produits srsquoest diversifieacutee Degraves 1945 lrsquoentreprise commercialisait des produitschimiques pour lrsquoagriculture Ses activiteacutes se sont ainsi progressivement eacutetendues agrave labiotechnologie la chimie industrielle et les fibresCrsquoest agrave Monsanto durant les anneacutees quatre-vingt que les directeurs du complexe chimi-que et de nylon situeacute agrave lrsquoest de Pensacola ont remis en question une conviction manageacute-riale ancreacutee Selon celle-ci le travail des employeacutes devait se limiter agrave exeacutecuter les ordres deleurs supeacuterieurs Ils ont alors opteacute pour la creacuteation de groupes de travail dont la fonctioneacutetait de conduire des reacuteflexions et de prendre des deacutecisions dans les domaines importantscomme le recrutement les achats lrsquoorganisation du travail et la production

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Quelle que soit la nature du groupe ses membres poursuivent geacuteneacuteralement desobjectifs communs et ont des missions souvent diffeacuterencieacutees Chacun joue un rocirclespeacutecifique qui lui permet drsquoecirctre reconnu comme membre du groupe Crsquoest ainsi quele statut de membre a une incidence forte sur les comportements des individus Cesderniers agissent sous lrsquoinfluence du ou des groupes auxquels ils appartiennent

Lrsquoideacutee de constituer des eacutequipes est neacutee dans un contexte difficile En effet lrsquousine danslaquelle Monsanto avait investi 1 milliard de dollars sur trois deacutecennies commenccedilait agraveperdre de lrsquoargent Afin de compresser les coucircts Monsanto a ducirc supprimer les opeacuterationsnon rentables et presque un tiers des emplois Plus de la moitieacute des superviseurs depremier niveau ont eacuteteacute mis en retraite anticipeacutee Et au lieu de nommer de nouveaux super-viseurs aux quelques postes disponibles les directeurs ont consideacutereacute que cette situationeacutetait une opportuniteacute ideacuteale pour constituer des eacutequipes autogeacutereacutees Ils ont ainsi reacuteduit desept agrave quatre le nombre de niveaux hieacuterarchiques Finalement ils ont regroupeacute lesemployeacutes dans des eacutequipes drsquoenviron 10 agrave 12 personnesCes groupes avaient la responsabiliteacute de fonctions autrefois confieacutees agrave des directeurs Parexemple les eacutequipes deacutecidaient quel meacutelange chimique allait ecirctre appliqueacute dans laproduction de fibres de nylon Elles eacutetaient eacutegalement autoriseacutees agrave arrecircter la productionpour des raisons de qualiteacute ou de seacutecuriteacute Par exemple lors drsquoun orage une eacutequipe adeacutecideacute de recourir aux geacuteneacuterateurs immeacutediatement au lieu drsquoattendre une probable pannedrsquoeacutelectriciteacute due agrave une tempecircte Ils ont ainsi permis une eacuteconomie de centaines de milliersde dollars causeacutee par un arrecirct de la production En effet cette nuit une panne drsquoeacutelectriciteacuteest survenue De mecircme lorsque les machines ou les eacutequipements neacutecessitaient des reacutepa-rations les eacutequipes se rendaient directement au magasin de maintenance ou chez les four-nisseurs pour obtenir lrsquoassistance neacutecessaire Eacutegalement lors des recrutements leseacutequipes conduisaient les entretiens des candidats et les classaient selon leur qualificationpour le poste Les directeurs eacutecoutaient avec attention les recommandations drsquoembauchereacutealiseacutees par les eacutequipes En fait personne nrsquoavait jamais eacuteteacute recruteacute sans ecirctre recom-mandeacute par une eacutequipeLrsquoorganisation des eacutequipes permit ainsi agrave lrsquoentreprise des gains consideacuterables Lrsquousine aobtenu les plus hauts niveaux de seacutecuriteacute et de profits de toute son histoire Les eacutequipeseacutetaient en outre reacutecompenseacutees et des programmes de partage des profits avaient eacuteteacuteimagineacutes afin de gratifier les eacutequipes selon leurs performances Et cette gestion par lesgroupes de travail eacutetait si efficace que les directeurs envisageaient drsquoeacuteliminer une couchesuppleacutementaire de managementMalgreacute ce succegraves dans lrsquousine de Pensacola il y avait encore des domaines dans lesquels leseacutequipes pouvaient progresser Ainsi elles ne communiquaient que peu entre elles et lrsquoonpouvait craindre la creacuteation de baronnies De mecircme certains employeacutes heacutesitaient agrave initierdes ameacuteliorations ils nrsquoavaient pas toujours lrsquoassurance que lrsquoeacutequipe serait reacutecompenseacuteepour les reacuteussites Enfin certains membres eacutetaient peu enthousiastes pour assumer desresponsabiliteacutes nouvelles et ce alors que leurs compeacutetences leur auraient permis de deve-nir des directeurs efficaces

Agrave partir de BARTOL K M et MARTIN D C laquo Teamwork Pays off at Monsanto raquoManagement Eacuteditions Irwin McGraw-Hill 2000 et wwwmonsantocom

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Lrsquoappartenance reacuteelle ou voulue agrave un groupe remplit ainsi trois fonctions principa-les Tout drsquoabord au sein drsquoun groupe les membres construisent des liens affectifsforts gracircce auxquels ils se forgent une identiteacute personnelle et collective Chaquemembre existe en tant qursquoindividu dans le groupe (identiteacute personnelle) de mecircmeque le groupe existe pour chaque individu-membre (identiteacute collective) La fonctionidentitaire est centrale lrsquoindividu srsquoil est membre drsquoun groupe ou aspire agrave le deve-nir srsquoy reacutefegravere reacuteguliegraverement dans le cadre drsquointeractions sociales Le groupe est doncun moyen drsquoaffirmation de soi et une source de satisfaction Sur ce point la TCS(theacuteorie de la cateacutegorisation sociale) apporte un eacuteclairage inteacuteressant en expliquantcomment les individus construisent des frontiegraveres entre les groupes (il y a uningroup et un outgroup) Selon la TCS lrsquoindividu va agrave partir de ses self concepts (laperception qursquoil a de soi) passer en revue les diffeacuterents groupes sociaux leur attri-buer des traits saillants et srsquoidentifier agrave ceux (ou celui) dont le prototype en termes devaleurs regravegles et normes est le plus proche de ses self concepts En ce sens ilsrsquoeacutecarte des groupes dont les traits saillants sont trop eacuteloigneacutes de ses self conceptsLa TCS souligne eacutegalement que dans certains cas lrsquoindividu peut ameacutenager ses selfconcepts afin de mieux correspondre et ressembler au prototype drsquoun groupe socialEn un mot lrsquoidentification sociale de lrsquoindividu repose sur la perception des traitssaillants des groupes (les cateacutegories) et de lrsquoadeacutequation avec ses propres traits (selfconcepts) La seconde fonction est normative Le groupe se caracteacuterise par desregravegles de fonctionnement des modes de penser et drsquoagir communs des valeurspartageacutees mecircme un style vestimentaire et un langage speacutecifiqueshellip formant ce queles speacutecialistes appellent des normes Les membres drsquoun groupe adopteront descomportements conformes agrave ces normes marquant ainsi leur appartenance Lespersonnes aspirant agrave un groupe se comporteront de sorte de se rapprocher desnormes et se faire accepter In fine en recherchant lrsquoharmonie avec le groupe lesindividus se soumettent aux normes et subissent plus ou moins consciemment leurinfluence Le refus de conformiteacute aux normes leur transgression signifie souventlrsquoexclusion du groupe Enfin la troisiegraveme fonction est protectrice Le groupe consti-tue une sphegravere sociale agrave lrsquointeacuterieur de laquelle les comportements sont preacutevisiblesEn proteacutegeant les membres des incertitudes et des pressions exteacuterieures le groupeleur procure une stabiliteacute rassurante

Le groupe doit ecirctre consideacutereacute comme une uniteacute sociale distincte des membres quile composent Il est doteacute de sa propre laquo psychologie raquo Ses normes constituent lesfondements de son fonctionnement et les sources de lrsquoinfluence sociale Il estdrsquoailleurs souvent impressionnant de voir agrave quel point lrsquoindividu endosse le rocircleqursquoil perccediloit devoir jouer dans un groupe - mecircme si nous devons avoir conscienceque des comportements deacuteviants sont possibles Lrsquoexpeacuterience meneacutee par le psycho-logue Zimbardo est eacutedifiante

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Au plan pratique les managers doivent identifier les groupes existants dans lrsquoorga-nisation et srsquoy reacutefeacuterer pour appreacutehender le comportement des personnes Ainsi lelevier drsquoaction des managers doit parfois ecirctre le groupe Il doit cerner les normes lescomprendre en profondeur et les respecter pour modifier la dynamique drsquoun groupeSur ce point lrsquoexpeacuterience meneacutee par Lewin est reacuteveacutelatrice Il est question drsquoinciterles meacutenagegraveres ameacutericaines agrave modifier leur consommation drsquoabats Deux groupessont constitueacutes Dans le premier un speacutecialiste de la nutrition expose les vertus de laconsommation drsquoabats Les meacutenagegraveres restent passives et eacutecoutent les arguments dumeacutedecin Le passage agrave lrsquoacte est de lrsquoordre de 3 Dans le second les psychologuesorganisent une discussion entre les meacutenagegraveres sur le thegraveme de la consommationdrsquoabats Les eacutechanges sont vifs et les arguments des unes et des autres sont avanceacutesCette fois les meacutenagegraveres ont eacuteteacute actives Le passage agrave lrsquoacte est de lrsquoordre de 30

Repegraveres Lrsquoexpeacuterience de Zimbardo

Le psychologue Philipp Zimbardo et ses collegravegues de lrsquoUniversiteacute de Stanford ont meneacute uneexpeacuterience drsquoune dureacutee de quinze jours afin de mieux comprendre lrsquoimportance du rocircledans les groupes Ils ont creacuteeacute une laquo fausse raquo prison et ont seacutelectionneacute des eacutetudiants eacutequili-breacutes psychologiquement Ces derniers se sont vus assigneacutes des rocircles Soit ils eacutetaientgardiens soit ils eacutetaient prisonniers Pour rendre lrsquoexpeacuterience plus reacutealiste encoreZimbardo obtint le concours de la police locale Ainsi les futurs laquo prisonniers raquo furentembarqueacutes menotteacutes et emmeneacutes au poste devant tout le voisinage Ils restaient jour etnuit dans leur cellule nrsquoen sortaient que pour les repas lrsquoexercice physiquehellip et avaientdroit agrave des visites de leurs proches Les laquo gardiens raquo quant agrave eux devaient simplementfaire reacutegner la loi et lrsquoordre dans la prison et rester indiffeacuterent aux demandes eacuteventuellesdes prisonniers Ils avaient lrsquoobligation de faire les trois huitLe deuxiegraveme jour une reacutebellion eacuteclatait mais celle-ci fut contenue par les gardiens Apregravescela les prisonniers devenaient de plus en plus dociles Malgreacute les remarques que leurfaisaient les gardiens ils encaissaient sans rien dire Ils commenccedilaient agrave se croirelaquo reacuteellement raquo impuissants et infeacuterieurs tant ils eacutetaient sommeacutes par leurs gardiens de secomporter comme tels De leur cocircteacute les gardiens ont tous agrave un moment de lrsquoexpeacuterienceadopteacute un comportement autoritaire Certains avouent avoir exigeacute aux prisonniers qursquoilsnettoient les toilettes agrave mains nues srsquoecirctre plaints de lrsquoodeur qursquoils deacutegageaienthellip Lrsquoendosse-ment des rocircles eacutetait tel que lrsquoexpeacuterience fucirct interrompue au bout de six jours Les eacutetudiantsavaient trop parfaitement inteacutegreacute les steacutereacuteotypes lieacutes agrave leur rocircle malgreacute leur personnaliteacuteet il devenait dangereux pour la santeacute psychologique des eacutetudiants de poursuivre lrsquoexpeacute-rienceForce est de constater qursquoagrave aucun moment les prisonniers nrsquoont exprimeacute agrave leurs collegravegueseacutetudiants que cela nrsquoeacutetait qursquoune expeacuterience et qursquoils devaient adopter un comportementmoins autoritaire De mecircme les gardiens nrsquoont jamais dit agrave leurs prisonniers qursquoilsnrsquoeacutetaient pas tenus de se comporter de maniegravere si docile et drsquoaccepter certaineslaquo humiliations raquo

Agrave partir de ROBBINS S JUDGE T et GABILLIET P Comportements organisationnelsPearson Eacuteducation 2006

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Les comportements humains et le management des hommes

Lewin explique cette diffeacuterence significative par le fait que les meacutenagegraveres du secondgroupe ont pu deacutebattre discuter des normes de consommation et ont permis de lesremettre en cause Lrsquoimplication des meacutenagegraveres et leurs interactions ont finalementaccru leur compreacutehension des raisons de non-consommation drsquoabats et aideacute lepassage agrave lrsquoacte

In fine lrsquoanalyse de la motivation et de lrsquoimplication des jeux de pouvoir dustress de la coopeacuteration interindividuelle et de lrsquoinfluence du groupe fournit desbases conceptuelles pour comprendre certaines dimensions du comportement orga-nisationnel Le manager peut les exploiter pour parfaire le management de ses eacutequi-pes Dans ce qui suit nous abordons certaines dimensions de la gestion despersonnes

LE MANAGEMENT DES PERSONNES

Les connaissances du manager en matiegravere drsquoOB (organizational behavior)lrsquoaident agrave analyser preacutevoir et influencer les comportements des individus en situa-tion professionnelle Son rocircle est de veiller agrave la bonne reacutealisation des missions dechacun Il peut de ce fait tenter drsquoinfluer sur lrsquoengagement des personnes afindrsquoaccroicirctre la productiviteacute (le rendement des employeacutes) de limiter lrsquoabsenteacuteisme etle turnover de stimuler lrsquoesprit drsquoentreprise (lrsquointrapreneuriat) drsquoaugmenter letemps passeacute sur le lieu professionnel et drsquoameacuteliorer la qualiteacute du travail Face agrave cesenjeux les dirigeants ne sont pas eacutegaux et il est courant de distinguer deux profilsde dirigeants ou de cadres les leaders et les managers Nous preacutesentons ensuite lesdiffeacuterents styles de management (de commandement des eacutequipes) la deacutecision letravail en eacutequipe ainsi que la culture drsquoentreprise

1 Le leader et le manager

La position hieacuterarchique drsquoun individu dans une entreprise qursquoil soit dirigeantcadre supeacuterieur ou cadre intermeacutediaire lui confegravere un pouvoir formel (recruterpromouvoir sanctionnerhellip) Celui-ci provient des regravegles qui reacutegissent le fonctionne-ment des entreprises Le pouvoir formel est donc un ensemble de ressources dontdispose une personne (statut expertisehellip) et qui lui donne les moyens drsquoagir surautrui Pourtant les personnes en situation de manager nrsquoutilisent pas ce pouvoirformel de la mecircme maniegravere Pour certains le pouvoir se confond avec lrsquoautoriteacutePour drsquoautres seule lrsquoinfluence compte Elle est lrsquoascendant que prend une personnesur une autre par sa capaciteacute agrave faire face aux situations complexes Crsquoest ainsiqursquoeacutemergent deux maniegraveres drsquoexercer le pouvoir lrsquoautoriteacute et lrsquoinfluence Lrsquoautoriteacutecorrespond agrave une maniegravere drsquoexprimer son pouvoir avec laquo brutaliteacute raquo ndash elle srsquoinscrit

Section 2

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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dans une relation de domination Lrsquoinfluence quant agrave elle reacutevegravele une utilisationlaquo douce raquo du pouvoir ndash elle reflegravete une relation de seacuteduction

Cette distinction conduit agrave identifier deux profils de dirigeants le manager et leleader Le manager est un gestionnaire il preacutevoit planifie administre eacutetablit desbudgets eacutevalue les investissements structure formalise les processus controcircle lesreacutesultats mesure et redresse les eacutecarts En organisant lrsquoaction collective le managerreacutepond aux questions du comment Pour geacuterer les hommes il use du pouvoir formeldont il est investi Agrave lrsquoopposeacute le leader est qualifieacute de meneur drsquohommes il eacutetablitune vision et donne un souffle pilote avec souplesse organise la culture motiveinspire les personnes et les pousse agrave lrsquoautocontrocircle En donnant du sens pourlrsquoaction le leader reacutepond aux questions du pourquoi Il mise sur son influence pourfaire que ses collaborateurs accentuent leur effort au travail In fine le dirigeant ideacutealdevrait posseacuteder les qualiteacutes drsquoorganisation et de planification des managers ainsique les capaciteacutes de mobilisation des eacutenergies humaines des leaders

Neacuteanmoins Bennis et Nanus (1987) montrent que les leaders ont laquo un plus raquo quileur permet drsquoinsuffler une eacutenergie agrave lrsquoentreprise Celle-ci disposerait alors drsquouneaptitude supeacuterieure au changement et ferait mieux face aux eacutevolutions environne-mentales Crsquoest laquo ce plus raquo qursquoil est inteacuteressant de comprendre

Pour Bennis et Nanus (1987) il reacuteside drsquoabord dans le ralliement par la vision Lavision est une repreacutesentation intellectuelle de la strateacutegie imagineacutee par le dirigeantElle deacutetermine un avenir reacutealiste creacutedible attirant pour lrsquoorganisation une situationmeilleure agrave maints eacutegards que celle qui preacutevaut Elle est donc un ideacuteal et portetoujours sur une situation future qui nrsquoexiste pas encore et qui nrsquoa jamais existeacuteauparavant Par la vision le dirigeant jette un pont entre le preacutesent et lrsquoavenir delrsquoorganisation Elle est une cible vers laquelle lrsquoentreprise entiegravere va se diriger Cettevision sert alors agrave la fois drsquoinspiration et de guide pour lrsquoaction collective Prenonspour exemple ST Micro Entreprise franco-italienne qui fabrique et commercialisedes semi-conducteurs ST Micro deacuteveloppe des produits qui integravegrent les teacuteleacutephonesportables les organiseurshellip Il y a plus de dix ans son dirigeant formulait une visionpour son groupe celle de devenir lrsquoentreprise de reacutefeacuterence dans les domaines eacutecolo-giques et sociaux Si au deacutepart les cadres ont eacuteteacute deacutecontenanceacutes par cette vision stra-teacutegique lrsquoardeur du dirigeant agrave la deacutefendre les a progressivement ameneacutes agrave lasoutenir La vision se fonde donc sur une double dimension Tout drsquoabord externe lavision est une projection de lrsquoavenir de lrsquoentreprise et de la place de ses produits surle marcheacute et repose sur un pari relatif agrave lrsquoeacutevolution drsquoune industrie drsquoun secteurdrsquoactiviteacute drsquoun marcheacutehellip Ensuite interne la vision renvoie au type drsquoorganisation agraveconstruire pour parvenir agrave occuper cette position dans le futur Avec la vision il estquestion drsquoaligner les environnements inteacuterieur et exteacuterieur de lrsquoorganisation dans letemps et dans lrsquoespace La vision reflegravete donc une intention strateacutegique Mais le diri-geant visionnaire nrsquoa rien du devin il est seulement doteacute drsquoune volonteacute celle demettre tous les moyens en œuvre pour concreacutetiser son projet Crsquoest son eacutenergie et saperspicaciteacute qui lui permettent de rendre sa vision effective Par son acception proac-tive la vision exprime la volonteacute de transformer le marcheacute plutocirct que de le subir

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Ensuite si la vision donne le sens elle donne aussi du sens Lorsque lrsquoorganisationa un sens clair de sa finaliteacute de son orientation et de la situation future viseacutee et quecette image est partageacutee les individus sont en mesure de cerner leurs propres rocirclesIls se considegraverent comme des membres drsquoune entreprise valable Leur travailacquiert de lrsquoimportance au fur et agrave mesure que leurs actes deviennent ceux drsquoecirctreshumains engageacutes dans une aventure creacuteative et collective Lorsque les individussentent qursquoils peuvent ameacuteliorer la socieacuteteacute dans laquelle ils vivent ils sont beaucoupplus enclins agrave mettre de la vigueur et de lrsquoenthousiasme dans leurs actes Dans cesconditions la somme des eacutenergies humaines se met au service drsquoun objectifcommun En canalisant lrsquoattention sur une vision le leader exploite les ressourceseacutemotionnelles des collaborateurs leurs valeurs et leurs aspirations

Enfin cette capaciteacute agrave inspirer les personnes deacutepend des liens qui unissent leleader agrave ses collaborateurs Ces liens correspondent agrave ce que lrsquoon nomme laconfiance Elle est un actif relationnel qui se deacutefinit selon Bidault et Jarillo (1995)comme laquo la preacutesomption que en situation drsquoincertitude lrsquoautre partie va agir ycompris face agrave des circonstances impreacutevues en fonction de regravegles de comporte-ments que nous trouvons acceptables raquo Finalement selon Usunier (2000) laquo faireconfiance crsquoest fondamentalement se rendre vulneacuterable agrave lrsquoautre pour pouvoir reacuteali-ser quelque chose de bien avec lui ou elle raquo Ces deacutefinitions soulignent deux dimen-sions du concept la confiance comme sentiment ou reacutealiteacute subjective (avoirconfiance) et la confiance comme comportement ou pheacutenomegravene objectif (faireconfiance) La confiance comme sentiment est une probabiliteacute qursquoune autrepersonne puisse ecirctre digne de confiance Nous sommes ici dans le registre delrsquoimpression positive drsquoune preacutedisposition favorable envers une personne Laconfiance comme comportement consiste agir avec autrui engager des ressources(donc prendre des risques) et se fier agrave lui en vue drsquoatteindre un but deacutefini Noussommes ici dans le registre de lrsquoaction de faire confiance par laquelle lrsquoindividu serend vulneacuterable Toutefois ces deux dimensions de la confiance entretiennent desliens forts La confiance-sentiment est un preacutealable agrave la confiance-comportementmais elle en est aussi un reacutesultat En effet les individus ne sont precircts agrave faireconfiance qursquoagrave la condition drsquoune part que lrsquoautre semble fiable (confiance-senti-ment) et drsquoautre part que lrsquoun et lrsquoautre se soient prouveacutes que cette confiance nrsquoestpas usurpeacutee La confiance est donc une impression comme une mise agrave lrsquoeacutepreuve (ellese gagne) Et cet actif mysteacuterieux et intangible est fondamental pour que se creacutee lasymbiose entre celui qui formule la vision et ceux qui lui donnent une reacutealiteacute

Repegraveres Un leader agrave la tecircte de Nokia

Le groupe Nokia a eacuteteacute fondeacute en 1865 dans une ville situeacutee agrave 100 kilomegravetres au norddrsquoHelsinki Lrsquoentreprise nrsquoa pas toujours eacuteteacute une reacutefeacuterence de lrsquoeacutelectronique Aujourdrsquohuiencore certains Finlandais associent le nom de Nokia aux bottes de caoutchouc qursquoilsutilisaient quand ils eacutetaient enfants Actuellement Nokia est le leader sur le marcheacute des

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teacuteleacutephones portables et lrsquoun des principaux constructeurs de reacuteseaux de teacuteleacutephoniemobile En 2007 Nokia a annonceacute une croissance de ses ventes pour un chiffre drsquoaffaires de511 milliards drsquoeuros et un beacuteneacutefice opeacuterationnel de 8 milliards drsquoeurosAvant de conqueacuterir la place de leader Nokia eacutetait preacutesideacutee par Jorma Ollila un ancienbanquier Pour Jorma Ollila les initiatives du personnel sont neacutecessaires agrave assurer la surviede lrsquoentreprise Avec cette conception du management au deacutebut des anneacutees 1990 alorsqursquoil eacutetait un CEO sans expeacuterience il est parvenu agrave bacirctir un veacuteritable conglomeacuterat finlandaisdu teacuteleacutephone portable en deacutefiant des concurrents comme Motorola Inc et L M EricssonLrsquoentreprise finlandaise est parvenue agrave surpasser ses concurrents gracircce agrave sa rapiditeacute dedeacuteveloppement de nouveaux produits et ses efforts dans le design Crsquoest ainsi que Nokia estdevenu lrsquoacteur plus profitable de lrsquoindustrie Le leadership de Nokia a ainsi marqueacute lrsquoavegravene-ment drsquoune nouvelle star de la technologie des terminaux de teacuteleacutephonie mobileCependant cette reacuteussite nrsquoaurait pas eu lieu sans la vision de Jorma Ollila Il a imposeacute uneautre maniegravere de geacuterer le deacuteveloppement technologique et de lrsquoinseacuterer au teacuteleacutephoneportable Alors que tous les fabricants se preacutecipitaient vers les clusters de haute technolo-gie (comme la Silicon Valley) Ollila a creacuteeacute son propre cluster (centre de recherche) dans unereacutegion peu peupleacutee En outre pour imposer des technologies (notamment Internet) auxterminaux mobiles (format de poche) Ollila srsquoest rapprocheacute des grands acteurs de lrsquoeacutecono-mie high-tech ameacutericaine car des entreprises comme Microsoft ou 3Com voulaient pren-dre part agrave ce business Dans le passeacute peu de ces organisations eacutetaient reacuteellementconvaincues que cette nouvelle reacutevolution allait ecirctre conduite agrave partir des teacuteleacutephonesportables Peu pensaient que les internautes utiliseraient des Palms avec des puces de teacuteleacute-phones Nonobstant ces obstacles le PDG de Nokia a preacutepareacute lrsquoentreprise pour la meacuteta-morphose vers la nouvelle geacuteneacuteration de teacuteleacutephone portable (les portables avec Internet)Nokia a ainsi pour ambition de connecter les deux milliards drsquoindividus qui le font deacutejagrave auxquatre milliards qui ne le font pas La technologie doit servir agrave ameacuteliorer la communicationentre les personnesIl est eacutegalement inteacuteressant de comprendre comment le dirigeant a mis en œuvre savision Selon lui lrsquoapprentissage par lrsquoerreur est fondamental au deacuteveloppement de lrsquoentre-prise et des salarieacutes Il estime aussi que tous ses cadres supeacuterieurs sont precircts agrave assumer unnouveau travail En conseacutequence il eacutevitait que ses employeacutes ne tombent dans une zone deconfort Ainsi il changeait reacuteguliegraverement ses cadres supeacuterieurs de fonction Le directeur dumarketing devenait directeur de la logistique et ainsi de suite Il eacutetait aussi deacutetermineacute agravepreacuteserver la culture organisationnelle de son entreprise Et pour maintenir la satisfactiondes employeacutes le secret eacutetait de donner de lrsquoautonomie aux nouveaux recruteacutes et de leslaisser grandir Ils pourraient ainsi faire carriegravere chez Nokia Enfin Jorma Ollila traitait sonpersonnel avec eacuteleacutegance et respect Jorma Ollila est resteacute agrave la tecircte de Nokia jusqursquoen 2006et en a fait une entreprise drsquoexceptionAujourdrsquohui Olli-Pekka Kallasvuo dirige Nokia tandis que Jorma Ollila est preacutesident duconseil de surveillance Les objectifs strateacutegiques de la nouvelle direction de Nokia sont ledeacuteveloppement de nouveaux terminaux lrsquoeacutelaboration de services Internet pour les clientsparticuliers la conception de solutions pour les entreprises la construction de reacuteseaux agravegrande eacutechelle et lrsquoextension des services Pour cela Nokia entend miser sur sa marque ledesign la connaissance des clients la technologie et lrsquoarchitecture

Agrave partir de PEARCE J A et ROBINSON R B laquo Leadership and Culture Shape Successat Finlandrsquos Nokia raquo Strategic Management formulation implementation and control

McGraw-Hill International Editions 2003 et wwwnokiacom

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Ce laquo plus raquo dont parlent Bennis et Nanus explique la capaciteacute des leaders agrave mobi-liser les individus de lrsquoentreprise autour drsquoun objectif commun Pourtant commentles dirigeants et cadres quels que soient leur profil et leur position dans lrsquoentreprisegegraverent-ils leurs collaborateurs Certains styles de management des personnes sont-ils plus efficaces que drsquoautres

2 Les styles de management des personnes

Lrsquoeacutetude des styles de management consiste agrave analyser lrsquoinfluence du comporte-ment des dirigeants et cadres sur celui de leurs collaborateurs De nombreux travauxmontrent que le comportement des responsables hieacuterarchiques (nous utilisons deacutesor-mais le terme de manager sans reacutefeacuterence agrave la distinction manager-leader) peut ecirctreanalyseacute selon deux axes soit il est orienteacute vers lrsquoorganisation et le travail agrave accom-plir (approche technique) soit il est orienteacute vers la personne (approche humaine)Pour lrsquoapproche technique les preacuteoccupations du manager sont relatives agrave lrsquoatteintedes objectifs au respect des standards et des meacutethodes de travail et agrave lrsquoeacutevaluation desreacutesultats Pour lrsquoapproche humaine le style de management est centreacute sur le bienecirctre des personnes le soutien et lrsquoaide dans le travail lrsquoameacutelioration des relationssociales la reacutesolution des conflits et la coheacutesion de lrsquoeacutequipe Ces deux approches nesrsquoopposent pas neacutecessairement un manager peut ecirctre bon (ou mauvais) sur les deuxdimensions Mais demandons-nous comment agissent les dirigeants les plus perfor-mants

Pour MacGregor (1966) un manager eacutemet une hypothegravese quant au profil des sala-rieacutes et au comportement agrave adopter en conseacutequence Il peut ecirctre partisan de la theacuteo-rie X ou de la theacuteorie Y Dans la theacuteorie X le manager estime que lrsquoecirctre humaindeacuteteste le travail a peu drsquoambition fuit les responsabiliteacutes et preacutefegravere ecirctre controcircleacuteDegraves lors il convient drsquoadopter un comportement autoritaire face agrave ces personnesdrsquoecirctre directif quant aux meacutethodes de travail drsquouser de la reacutecompense et de la sanc-tion et de controcircler le travail accompli Dans la theacuteorie Y le dirigeant eacutemet une toutautre hypothegravese lrsquoecirctre humain voit dans le travail un effort naturel est ambitieuxrecherche les responsabiliteacutes et lrsquoautonomie et nrsquoa pas besoin drsquoecirctre controcircleacute Enconseacutequence le dirigeant adopte un comportement plus participatif Il encourage laresponsabiliteacute et lrsquoautonomie des salarieacutes dans lrsquoexeacutecution et le controcircle du travailles implique dans certaines deacutecisions et suscite leurs initiatives pour ameacuteliorer lasituation Pour MacGregor le comportement des individus au travail relegraveve plutocirct dela theacuteorie Y mais lrsquohypothegravese fausse de certains dirigeants (theacuteorie X) les enfermedans des registres comportementaux contraires agrave leurs aspirations Aussi pourlrsquoauteur la theacuteorie Y donne des reacutesultats meilleurs en termes de qualiteacute du climatsocial de satisfaction des employeacutes et drsquoengagement au travail Lrsquoauteur preacuteconisedonc un style de management orienteacute vers les individus

Lrsquoeacutetude meneacutee plus tocirct par Lewin sur une population drsquoenfants aboutit agrave des reacutesul-tats voisins Lewin repegravere trois maniegraveres drsquoexercer le commandement et se demande

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laquelle donne de meilleurs reacutesultats Le premier style est qualifieacute drsquoautoritaire Ilconsiste agrave se tenir agrave distance du groupe et agrave donner des ordres pour lrsquoexeacutecution drsquountravail Le second style est de type deacutemocratique Cette fois il est question de susci-ter la participation des membres du groupe et drsquoencourager leurs propositions pourdeacutefinir des modaliteacutes drsquoexeacutecution du travail Enfin le dernier style est de typelaquo laisser-faire raquo Il se caracteacuterise par une absence drsquoimplication dans la vie dugroupe Trois groupes sont constitueacutes avec agrave chaque fois un style de commandementdiffeacuterent et chaque groupe doit accomplir un travail Lrsquoeacutetude reacutevegravele que le premiergroupe (style autoritaire) est plus efficace que tous les autres mais lrsquoattitude desenfants traduit une ambiance et un climat de travail tendus Le second groupe (styledeacutemocratique) se caracteacuterise par des relations chaleureuses entre les membres parti-cipe activement apregraves un temps drsquoapprentissage des regravegles de fonctionnement et faitpreuve drsquoautonomie Enfin le dernier groupe est inefficace et les membres sont enattente de consignes Cette eacutetude deacutemontre la supeacuterioriteacute du style deacutemocratique surle moyen terme Mecircme si les limites de cette recherche ne sont pas agrave neacutegliger (lesgroupes sont composeacutes drsquoenfants et non drsquoadultes et le travail agrave accomplir nrsquoest pascomparable agrave celui que les salarieacutes doivent faire dans leur entreprise) elle offre despistes de reacuteflexion inteacuteressantes sur lrsquoefficaciteacute des styles de commandement

Blake et Mouton (1972) vont aboutir agrave des reacutesultats quelque peu diffeacuterents Lesauteurs montrent au contraire que les dirigeants les plus efficaces orientent leurmanagement sur les personnes et lrsquoorganisation Ils parviennent agrave concilier lrsquoatten-tion porteacutee aux individus et celle porteacutee aux contraintes drsquoefficaciteacute de lrsquoorganisa-tion Cet inteacutegrateur comme les auteurs le nomment reacuteussit agrave susciter lrsquoengagementdes employeacutes pour reacutealiser les objectifs de lrsquoorganisation Pour cela il implique lessalarieacutes dans les deacutecisions relatives aux objectifs aux meacutethodes et au controcircle desreacutesultats leur fait confiance et les responsabilise

Un autre courant de recherche va srsquoopposer agrave ces reacutesultats et montrer que lrsquoeffica-citeacute des personnes au travail nrsquoest pas seulement lieacutee au style de management desdirigeants mais eacutegalement aux caracteacuteristiques de la situation Cela signifie alorsqursquoaucun style nrsquoest supeacuterieur agrave un autre lrsquoefficaciteacute drsquoun style de managementdeacutepend de la situation dans laquelle il est employeacute Pour Hersey et Blanchard(1977) le style de management agrave adopter deacutepend de la maturiteacute professionnelle(compeacutetence motivation et volonteacute drsquoacceacuteder agrave des responsabiliteacutes) et psychologi-que (amour-propre et confiance en soi) des collaborateurs Ainsi lorsque les colla-borateurs ont une maturiteacute faible (peu compeacutetent faiblement motiveacute et peu sucircrdrsquoeux) le dirigeant devra adopter un style autoritaire (fixe les directives et controcircleles reacutesultats) Agrave lrsquoopposeacute lorsque les collaborateurs sont compeacutetents motiveacutes et sucircrsdrsquoeux le dirigeant devra adopter un style de deacuteleacutegation (laisse les individus autono-mes et responsables des reacutesultats) Aussi le dirigeant doit modifier son style en fonc-tion de lrsquoeacutevolution de la maturiteacute des employeacutes

Les tenants de cette approche ne srsquoentendent pas toujours sur ce qui caracteacuterise lasituation Agrave la maturiteacute des salarieacutes peut par exemple srsquoajouter la complexiteacute dutravail agrave accomplir Cependant le leadership situationnel est probablement le plus

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convaincant Le dirigeant doit donc devenir cameacuteleacuteon il doit ecirctre capable de fairevarier son style en fonction des situations Si la plupart des dirigeants srsquoaccordent agravereconnaicirctre cette laquo eacutevidence raquo peu drsquoentre eux sont aptes agrave la mettre en pratique Ilssont dans lrsquoensemble enfermeacutes dans un style dominant Il est agrave cet eacutegard inteacuteressantde comprendre la dimension personnelle du style de management Comment expli-quer qursquoun dirigeant soit plutocirct autoritaire ou plutocirct participatif

Certains travaux ont proposeacute une analyse psychologique des dirigeants postulantque leur profil srsquoexpliquait par leur laquo theacuteacirctre inteacuterieur raquo lui-mecircme structureacute parlrsquohistoire personnelle (et notamment la petite enfance) Kets de Vries et Miller(1984) ont mecircme proposeacute une typologie drsquoorganisations dont les pathologies eacutetaientlieacutees agrave celles du dirigeant Mobilisant la theacuteorie psychanalytique ce courant chercheagrave comprendre le style de management en fonction des caracteacuteristiques psychiques dela personne En particulier la nature des relations que lrsquoindividu entretient avec lui-mecircme et avec les autres est au cœur de lrsquoanalyse Il est ainsi possible drsquoidentifierquatre types de leaders Le leader narcissique (relation de lui agrave lui) est centreacute sur laconservation de son Moi Il se sent invulneacuterable immortel et precirct agrave accomplir degrandes choses Les autres ne sont lagrave que pour servir ses ambitions et ses projets Leleader seacuteducteur (relation de lui aux autres pour les seacuteduire) veut aimer et ecirctre aimeacuteSon action est tourneacutee vers les relations affectives Il cherche agrave seacuteduire et agrave fascineren reacuteactivant chez les autres des meacutecanismes drsquoidentification Ils doivent lrsquoadmirerpour ce qursquoil est et ce qursquoil fait Le leader possessif (relation de lui aux autres pourposseacuteder) a besoin drsquoavoir Il cherche agrave dominer les autres par la force Il veut endisposer comme bon lui semble et devenir leur maicirctre Ils ne sont pour lui que desobjets que lrsquoon peut manipuler et jeter Enfin le leader sage (relation de lui auxautres) est un ecirctre accompli qui maicirctrise ses pulsions Il est lrsquoeacutegal des autres qursquoilconsidegravere comme un autre lui Il est bienveillant juste et seacutevegravere Il respecte les autrespour ce qursquoils sont des ecirctres humains avec leurs qualiteacutes et leurs deacutefauts

Repegraveres Deux profils de managers H Geneenet K Matsushita

H Geneen a preacutesideacute aux destineacutees drsquoITT (International Telephone and Telegraph) Il avait lareacuteputation drsquoun homme tregraves travailleur et doteacute drsquoune meacutemoire exceptionnelle des chiffreset des faits Mais son comportement avait creacuteeacute un eacutetat de tension consideacuterable dans seseacutequipes et insuffleacute un veacuteritable esprit de compeacutetition entre les cadres En effet Geneenfaisait en sorte que chacun sache qursquoil eacutetait le patron Il appelait ses collaborateurs agravenrsquoimporte quelle heure les interrompait reacuteguliegraverement mecircme srsquoils eacutetaient en pleinepreacutesentation et ne pouvait srsquoempecirccher de les humilier Geneen pensait eacutegalement que lesreacuteunions eacutetaient une bonne maniegravere drsquoexercer une pression sur les eacutequipes Ces reacuteunionseacutetaient de veacuteritables interrogatoires et faisaient lrsquoobjet drsquoune mise en scegravene (par exempleles cadres parlaient dans un microhellip) La moindre meacuteconnaissance drsquoun dossier pouvaitdonner lieu agrave une humiliation publique Geneen srsquoassurait ainsi que ses collaborateurseacutetaient parfaitement preacutepareacutes

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Lrsquoeacutetude des styles de management souligne lrsquoabsence drsquoun style qui dominerait lesautres Le leadership situationnel valorise les qualiteacutes drsquoadaptation du dirigeantCette aptitude nrsquoest toutefois pas aiseacutee agrave deacutevelopper compte tenu de leur profilpsychologique Au-delagrave de la gestion des personnes lrsquoactiviteacute essentielle drsquoun cadreet plus encore drsquoun dirigeant est de prendre des deacutecisions

3 La deacutecision

Lrsquoactiviteacute de management est une activiteacute de production de deacutecisions Ainsi lemanager quelle que soit sa position dans la structure doit faire des choix commeceux de lancer une OPA de se deacutevelopper dans une nouvelle activiteacute de srsquoallier avecun concurrent de mettre sur le marcheacute un nouveau produit de recruter unepersonne drsquoacqueacuterir un eacutequipement de production de changer de fournisseurshellipPour autant ces deacutecisions ne sont pas toutes de mecircme nature lancer une OPA surun concurrent nrsquoaura pas les mecircmes incidences sur lrsquoentreprise que recruter un colla-borateur plutocirct qursquoun autre Il existe donc dans les organisations une grande varieacuteteacutede deacutecisions Nous suggeacuterons drsquoanalyser cette diversiteacute en fonction de deux critegrave-res le niveau hieacuterarchique et le risque associeacute En reacutefeacuterence agrave Ansoff (1968) celaconduit agrave retenir trois types de deacutecisions les deacutecisions strateacutegiques tactiques etopeacuterationnelles

Les deacutecisions strateacutegiques sont prises au niveau de la direction geacuteneacuterale de lrsquoentre-prise Elles se caracteacuterisent par un niveau de risque maximum car les enjeux sontcruciaux (aux plans financiers de lrsquoimage de marque de lrsquooffrehellip) le contexte deacuteci-sionnel fortement incertain (compte du caractegravere ineacutedit du choix les donneacutees duproblegraveme et les conseacutequences des choix sont mal connues) et la reacuteversibiliteacute tregravesfaible Les dirigeants ont donc une maicirctrise tregraves limiteacutee de ce type de deacutecisions

K Matsushita a fondeacute la Matsushita Electric Company Il avait de reacuteelles qualiteacutes drsquoadapta-tion Il eacutetait capable drsquoecirctre actif et impliqueacute lorsque la situation lrsquoexigeait et parfois plusdistant et agrave lrsquoeacutecart Selon Matsushita le comportement drsquoun dirigeant est tregraves important Ilveacutehicule un ensemble de messages fortement symboliques aux salarieacutes comme fairecomprendre ce qui est reacuteellement important Il avait eacutegalement une aptitude agrave communi-quer avec tous ses salarieacutes et eacutetait capable de leur insuffler une eacutenergie Il savait eacutegale-ment valoriser ses eacutequipes Ainsi lorsqursquoil faisait visiter ses usines il pouvait deacutesigner unouvrier au hasard et le preacutesenter comme son meilleur gestionnaire Il croyait eacutegalementbeaucoup au potentiel drsquoenrichissement des collaborateurs Il les sollicitait freacutequemmentet pensait fermement que la somme de laquo petits cerveaux raquo vaut plus que quelques laquo groscerveaux raquo Il pouvait eacutegalement se montrer dur avec les salarieacutes en situation drsquoeacutechec Maismecircme avec eux il srsquoassurait qursquoils tirent des enseignements de leur eacutechec Sa sagesse eacutetaittelle qursquoon le preacutesente parfois comme lrsquoun des plus grands managers du siegravecle

Agrave partir de AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H et MICHEL SManagement aspects humains et organisationnels Eacutedition PUF 1999

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Crsquoest le cas drsquoun rachat drsquoentreprise Eacutetudieacutee par la direction geacuteneacuterale cette deacutecisionest risqueacutee compte tenu des enjeux financiers des implications sur le long terme desincertitudes lieacutees au projet (le dirigeant nrsquoa souvent qursquoune connaissance exteacuterieurede lrsquoentreprise cible et il nrsquoa pas forceacutement accumuleacute une grande expeacuterience en lamatiegravere) et de la faible reacuteversibiliteacute du choix (la revente eacuteventuelle nrsquoest pas aiseacutee)

Les deacutecisions tactiques sont prises par les managers intermeacutediaires Elles se carac-teacuterisent par un niveau de risque moyen Drsquoune part parce que les enjeux sont moin-dres par rapport aux deacutecisions strateacutegiques drsquoautre part parce que le contextedeacutecisionnel est moins incertain (compte tenu drsquoune freacutequence plus eacuteleveacutee de cessituations les connaissances lieacutees au problegraveme et aux conseacutequences du choix sontsatisfaisantes) et enfin parce que la reacuteversibiliteacute est possible Les managers ont doncun niveau de maicirctrise plus grand de ce type de deacutecisions Ainsi le recrutement drsquouncollaborateur se fait geacuteneacuteralement au niveau des cadres intermeacutediaires (sauf dans lesPME ougrave les dirigeants sont souvent des omni-deacutecideurs) En outre le risque associeacuteagrave un recrutement est plus faible car les enjeux sont importants sans ecirctre cruciaux lamultiplication des entretiens permet drsquoaccroicirctre le niveau drsquoinformations permettantde choisir les responsables sont reacuteguliegraverement confronteacutes agrave ce type de deacutecision et ilest en outre possible de faire marche arriegravere les contrats preacutevoyant une peacuteriodedrsquoobservation

Enfin les deacutecisions opeacuterationnelles sont prises par les acteurs de terrain (le centreopeacuterationnel) Le niveau de risque de ce type de deacutecision est faible En effet lesenjeux sont limiteacutes le contexte fortement certain (la reacutepeacutetition confegravere une bonneconnaissance du problegraveme et des conseacutequences associeacutees agrave un choix) et la reacuteversibi-liteacute souvent totale La maicirctrise lieacutee agrave ces deacutecisions est donc maximale Ainsi la cons-truction drsquoun programme de cours par un enseignant du supeacuterieur correspond agrave unedeacutecision opeacuterationnelle Le niveau de risque est tregraves reacuteduit car les enjeux sont tregravesfaibles pour son institution (la deacutecision de traiter tel thegraveme plutocirct que tel autre nrsquoaguegravere drsquoincidences financiegravereshellip) la freacutequence de conception drsquoun cours par leprofesseur lui confegravere une bonne connaissance du problegraveme et des conseacutequenceslieacutees au choix drsquoun cours et la possibiliteacute de changer un thegraveme par un autre peut sefaire agrave tout moment

Repegraveres Ecirctre pionnier une deacutecision strateacutegi-que pour Ikeacutea

Ingvar Kamprad le fondateur drsquoIkeacutea a toujours consideacutereacute que lrsquoinnovation eacutetait essentielleau deacuteveloppement strateacutegique de lrsquoentreprise En dix ans Ikeacutea a quasiment multiplieacute parquatre son chiffre drsquoaffaires et est en passe de devenir le leader franccedilais sur le marcheacute dujeune habitat Avec pour objectif une reacuteduction constante des prix Ikeacutea innove agrave diffeacuterentsniveaux innovation architecturale innovation de produits et innovation de services

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Ikeacutea srsquoest rapidement deacutemarqueacute en devenant le roi du meuble en kit En 1955 douze ansapregraves la creacuteation de lrsquoenseigne un des employeacutes a la brillante ideacutee de deacutemonter les piedsdrsquoune table pour la transporter sans dommage dans la voiture Sans le savoir lrsquoemployeacutevenait de deacutefinir lrsquoun des attributs phares des produits de la marque Ikeacutea Cette maniegravere deproceacuteder est radicalement diffeacuterente de ce qui existait auparavant Ikeacutea a donc agi en pion-nier Ikeacutea a commenceacute agrave penser au design en tenant compte drsquoun conditionnement enpaquets plats les meubles en paquets plats eacutetant plus faciles agrave fabriquer et moinscoucircteux agrave transporter et agrave stocker Pour les clients cela veut dire des prix encore plus bas etdes achats plus faciles agrave transporter agrave leur domicile Ces prix sont drsquoautant reacuteduits que lesclients se servent eux-mecircmes Ikeacutea a donc reacutevolutionneacute le commerce du meuble en creacuteantdes grandes surfaces vendant des meubles agrave emporter Outre le conditionnement enpaquets plats les consommateurs sont eacutegalement attireacutes par ce qursquoIkeacutea considegravere commele laquo design deacutemocratique raquo Apregraves une dizaine drsquoanneacutees drsquoexistence la pression des concur-rents est telle qursquoIkeacutea se deacutecide agrave deacutevelopper ses propres modegraveles Depuis lors Ikeacutea estdevenu creacuteateur de modegraveles au design innovant Lrsquoenseigne sueacutedoise dispose drsquoune entiteacutejuridique pour creacuteer ses modegraveles en interne et a parfois recours agrave des cabinets de desi-gners Afin de faire respecter sa politique globale du prix Ikeacutea implique degraves les premiegraveresesquisses de produit lrsquoensemble des services du groupe agrave savoir les designers et deacuteve-loppeurs de produits les services mateacuteriaux et la logistique De cette maniegravere chaquepartie travaille de maniegravere agrave respecter le prix deacutetermineacute pour chaque produit Les desi-gners travaillent eacutegalement en eacutetroite collaboration avec les fabricants afin de trouver desmeacutethodes de production ingeacutenieuses compte tenu des processus de fabrication existantsIkeacutea a ainsi structureacute les attentes des consommateurs Ainsi si dans les anneacutees 1980 lrsquointeacute-rieur des Franccedilais est plutocirct traditionnel aujourdrsquohui il est plutocirct jeune et design Ikeacutea a sueacutegalement deacutevelopper un avantage concurrentiel au niveau de lrsquointerface consommateurDegraves les anneacutees 1950 Ikeacutea a offert agrave ses clients de voir et toucher les meubles avant de lesacheter Agrave son arriveacutee en France lrsquoagencement des magasins Ikeacutea est un concept inno-vant il est penseacute autour drsquoun parcours imposeacute Le client deacutebute la visite par le salon et vade piegravece en piegravece pour finir par les articles de cuisine de deacutecoration les bougies ou lesplantes Cela a eacuteteacute vraiment veacutecu comme une innovation par les clients franccedilais Rien nepouvait leur eacutechapperIn fine le comportement pionnier drsquoIkeacutea reacuteside dans lrsquooriginaliteacute de son offre en termes deproduits (meuble en kit conditionneacute agrave plats au design brancheacute agrave prix accessible) et eacutegale-ment dans son organisation industrielle et commerciale (parcours du client preacutesentationdes produits en univers conception modulaire des produitshellip) Ces innovations bien quecopieacutees en France par Fly permettent agrave Ikeacutea de disposer drsquoune longueur drsquoavance Troisraisons expliquent la domination drsquoIkeacutea sur le marcheacute franccedilais du jeune habitatTout drsquoabord Ikeacutea deacutetient un leadership technologique en matiegravere de design de meublesde deacuteveloppement de services et drsquoorganisation commerciale Par exemple en internali-sant lrsquoactiviteacute de design lrsquoentreprise a deacuteveloppeacute une expertise qursquoil est difficile drsquoimiterDeacutesigner de nouveaux produits en conservant le conditionnement agrave plat et le kit est unecompeacutetence complexe Cette maicirctrise est telle qursquoIkeacutea est toujours en avance sur sesconcurrents Cela lui permet de srsquoengager dans une strateacutegie drsquoinnovation perpeacutetuelle Enfaisant se succeacuteder les innovations agrave un rythme eacuteleveacute lrsquoentreprise renouvelle reacuteguliegravere-ment les gammes de produits et maintient lrsquoattractiviteacute de lrsquoenseigne aupregraves de ses clientsEnsuite Ikeacutea a preacuteempteacute certains actifs Ainsi les designers de meubles sont des personnes

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La typologie des deacutecisions permet de mesurer la diversiteacute comme les difficulteacutesinheacuterentes aux choix auxquels les managers sont confronteacutes Cependant la deacutecisionne peut ecirctre exclusivement abordeacutee sous lrsquoangle du choix elle est aussi un chemine-ment une succession drsquoeacutetapes En drsquoautres termes il convient drsquoanalyser les eacutetapesqui composent le processus deacutecisionnel

Si lrsquoon pose que la deacutecision consiste en un problegraveme (dont les composants sontplus ou moins connus) des options (dont la pertinence deacutepend de la capaciteacute agrave traiterle problegraveme et des critegraveres retenus) des conseacutequences attacheacutees aux diffeacuterentesalternatives un choix une eacutevaluation et un apprentissage il semble possible de deacuteci-der de faccedilon rationnelle Dans ce cas le deacutecideur doit proceacuteder agrave une analyse appro-fondie des composants du problegraveme identifier les diffeacuterentes solutions possibles eteacutevaluer les conseacutequences qui reacutesulteraient des diffeacuterents choix possibles Srsquoilprocegravede ainsi il sera en mesure de prendre la deacutecision optimale (la meilleure deacuteci-sion) et pourra finalement eacutevaluer les effets de sa deacutecision et en tirer des enseigne-ments Crsquoest ainsi qursquoune bonne deacutecision peut ecirctre consideacutereacutee comme une deacutecisionprise selon un processus rationnel

Or selon Simon (1983) laquo pour lrsquoindividu comme pour lrsquoorganisation prendre desdeacutecisions consiste presque toujours agrave chercher et agrave adopter des solutions satisfaisan-tes Ce nrsquoest qursquoexceptionnellement que la prise de deacutecision consiste agrave deacutecouvrir etagrave adopter des solutions optimales raquo Ainsi lrsquoimprobabiliteacute drsquoadopter un processus dedeacutecision rationnel provient selon Simon de trois principaux facteurs La rationaliteacutedu deacutecideur est limiteacutee par ses capaciteacutes cognitives par ses valeurs et ses motiva-tions et par lrsquoinformation mobiliseacutee dans le processus

En effet les capaciteacutes cognitives (de traitement de lrsquoinformation) du deacutecideur limi-tent lrsquoanalyse de lrsquoensemble des dimensions qui composent un problegraveme et nepermettent pas drsquoentrevoir lrsquoensemble des solutions possibles Par exemple face agraveun problegraveme donneacute les speacutecialistes fonctionnels tendent agrave lrsquoanalyser sous lrsquoangle deleur expertise (le problegraveme relegraveve plutocirct de la finance pour les financiershellip) Il

tregraves qualifieacutees dont la valeur sur le marcheacute du travail est eacuteleveacutee Agrave ce titre les designersconstituent des ressources rares qursquoIkeacutea srsquoest en partie approprieacutees Eacutevidemment il estpossible de trouver des designers sur le marcheacute du travail mais ceux-ci nrsquoont peut-ecirctre pasle talent et la creacuteativiteacute de ceux qui travaillent pour Ikeacutea Les emplacements geacuteographiquesconstituent eacutegalement des ressources rares Ikeacutea a positionneacute ses magasins dans les zonesde chalandise les plus denses limitant ainsi le risque de concurrence locale Enfin Ikeacutea parson image drsquoentreprise pionniegravere est devenue une reacutefeacuterence pour les consommateurs Cesderniers associent immeacutediatement le nom de lrsquoenseigne agrave des produits drsquoameublementoriginaux et accessibles agrave des points de vente agreacuteable agrave fort contenu en termes de servi-ces (restauration garderiehellip) En cela Ikeacutea structure faccedilonne les attentes des consomma-teurs et dicte les regravegles ce qui constitue une force redoutable dans un marcheacute drsquooffre

Extrait de RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation et comportement strateacutegiquele cas du couple Ikeacutea-Fly raquo in GRANDVAL S et SOPARNOT R Le management strateacutegique 2

Concepts et cas Eacutedition Hermegraves Science 2008

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reacutesulte de cette limitation cognitive des effets de simplification qui conduisent agraveadopter des deacutecisions deacutejagrave expeacuterimenteacutees par le passeacute Ainsi les managers recourentagrave leur expeacuterience pour analyser les problegravemes Ce faisant ils identifient de faussessimilariteacutes entre les situations passeacutees et actuelles et puisent dans leur portefeuille deproblegravemes et de solutions laquo precirctes agrave lrsquousage raquo pour un problegraveme en reacutealiteacute ineacuteditEnsuite la rationaliteacute est limiteacutee par les valeurs et les motivations fluctuantes dudeacutecideur Mecircme si le deacutecideur nrsquoen a pas conscience elles influencent son processusde deacutecision Ainsi les managers peuvent valoriser des informations confirmatoiressur la base de nombreux critegraveres plus ou moins valables et justifieacutees (faciliteacute de miseen œuvre gains personnels valeurs moraleshellip) et eacuteliminer des informations contra-dictoires Enfin la rationaliteacute est limiteacutee par la disponibiliteacute et le coucirct de lrsquoinforma-tion En effet si la reacutesolution drsquoun problegraveme neacutecessite une activiteacute intense decollecte de traitement et drsquoanalyse de lrsquoinformation il ne faut pas exclure que ledeacutecideur nrsquoait pas accegraves agrave lrsquoinformation soit parce qursquoelle nrsquoexiste tout simplementpas soit parce qursquoelle est trop coucircteusehellip

In fine le processus de deacutecision du manager est rarement rationnel Celui-ci est unideacuteal plus qursquoune reacutealiteacute Crsquoest ainsi que bien des managers deacutecident de faccedilon intui-tive se reacutefeacuterant agrave leur clairvoyance leur flair leur preacutemonition voire leur instinctLrsquointuition permettrait de voir au-delagrave des faits correspondrait agrave une sorte desixiegraveme sens qui permettrait drsquoavoir une connaissance preacutealable des eacutevegravenementsfuturs (par exemple lrsquoeacutemergence drsquoun marcheacute agrave fort potentiel) Bertrand Collombqui a preacutesideacute aux destineacutees de Lafarge a ainsi expliqueacute dans un entretien que la deacuteci-sion drsquoacheter une usine en Allemagne de lrsquoEst srsquoest faite de maniegravere intuitive Alorsque ses eacutequipes ne parvenaient pas agrave identifier les bons interlocuteurs qursquoelles nesavaient pas comment les choses allaient se deacuterouler et qui avait le pouvoir BertrandCollomb a reacutepondu laquo ils auront toujours besoin de ciment On devrait quand mecircmeessayer mecircme si on ne sait pas agrave qui on parle raquo Ainsi selon Shapiro et Spence(1997) lrsquointuition est laquo un processus holistique non conscient dans lequel les juge-ments sont porteacutes sans compreacutehension des regravegles ou du savoir mobiliseacute pour lrsquoinfeacute-rer et qui peut entraicircner un sentiment de certitude malgreacute lrsquoimpossibiliteacute drsquoenjustifier la raison raquo En drsquoautres termes la deacutecision intuitive se caracteacuterise par troisdimensions la vitesse drsquoexeacutecution (par opposition aux deacutecisions agrave fort contenuanalytique) lrsquoinconscience (par opposition aux deacutecisions dont les structures sous-jacentes apparaissent logiques pour le sujet) et la confiance dans la deacutecision (issuedrsquoun sentiment de certitude tregraves fort quant agrave lrsquooccurrence de lrsquoeacutevegravenement qui la justi-fie)

La deacutecision est donc au cœur de lrsquoactiviteacute du manager Pour autant elle est rare-ment un processus strictement individuel Et il est freacutequent que les collaborateurssoient ameneacutes agrave travailler collectivement pour aider lrsquoeacutequipe dirigeante agrave prendredes deacutecisions Le travail en eacutequipe constitue ainsi un levier manageacuterial agrave ne pas sous-estimer

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4 Le travail en eacutequipe

Le travail en eacutequipe peut constituer une veacuteritable technique de management Srsquoilpermet de stimuler lrsquoengagement des employeacutes drsquoenrichir leur travail et de susciterleur creacuteativiteacute il est aussi un moyen de faire travailler ensemble des personnes defonctions de niveaux hieacuterarchiques drsquoexpeacuteriences et de formations diffeacuterents Lesbeacuteneacutefices de cette transversaliteacute verticale et horizontale sont multiples une plusforte coheacutesion dans lrsquoentreprise lrsquoameacutelioration de la coopeacuteration lrsquoenrichissementdes connaissances respectiveshellip Il en reacutesulte un ultime avantage la synergie crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutequipe est capable drsquoobtenir des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux qursquoauraient puobtenir les membres isoleacutement

Les eacutequipes de travail doivent ecirctre assimileacutees agrave des groupes formels temporaires(ils se dissolvent agrave lrsquoissue de leur mandat) etou continus (ils existent de faccedilonpermanente et relegravevent de la structure de lrsquoentreprise) Elles reacuteunissent des individuslieacutes par un objectif commun qui collaborent pour lrsquoatteindre et en assument laresponsabiliteacute En constituant des eacutequipes semi-autonomes lrsquoentreprise valoriselrsquoautocontrocircle lrsquoautonomie des deacutecisions et la responsabilisation

Repegraveres Lrsquoexemple des eacutequipes de travailvirtuelles

Le deacuteveloppement des systegravemes drsquoinformation et lrsquointensification des strateacutegies drsquointerna-tionalisation des entreprises ont acceacuteleacutereacute la laquo virtualisation raquo du travail Ainsi les eacutequipesvirtuelles se caracteacuterisent notamment par leur dispersion geacuteographique (les individus sonteacuteparpilleacutes partout dans le monde) Et cela procure certains avantages non neacutegligeables Auniveau organisationnel la virtualiteacute permet drsquoassurer la proximiteacute des clients au niveaulocal et lrsquooptimisation des compeacutetences au niveau global Au niveau humain les individusappreacutecient lrsquoautonomie les responsabiliteacutes les initiatives la liberteacute et lrsquoenrichissement queconfegravere la virtualiteacute Malgreacute ces avantages la distance physique est susceptible drsquoengen-drer lrsquoinsatisfaction et un certain stress des membres compte tenu des difficulteacutes de circu-lation drsquoinformations des horaires de travail parfois deacutecaleacutes du relatif flou dans lefonctionnement organisationnelhellip Les membres ont aussi parfois le sentiment de laquo courirapregraves les informations raquo que tous ne sont pas au mecircme niveau de connaissanceshellip Enoutre la distance physique qui seacutepare les acteurs creacutee souvent un problegraveme de socialisa-tion Les discussions informelles et les interactions sociales classiques (comme les eacutechan-ges lors de la pause-cafeacute dans les couloirs etc) sont en effet quasiment inexistantesLrsquoabsence de socialisation peut donc engendrer un sentiment drsquoisolementDans un tel contexte de travail les enjeux de management sont consideacuterables Favier etCoat (2002) suggegraverent un management agrave distance articuleacute autour de trois axes les indivi-dus lrsquoobjet et les liens Tout drsquoabord les membres des eacutequipes virtuelles doivent posseacutedercertaines qualiteacutes professionnelles La premiegravere est lrsquoindeacutependance car les acteurstravaillent le plus souvent en autonomie ndash ce qui suppose une certaine maturiteacute profes-sionnelle Ils doivent eacutegalement avoir acquis une compeacutetence et une expertise solides et

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De multiples sujets de reacuteflexion dans lrsquoentreprise (le lancement drsquoun produitlrsquoeacutelaboration drsquoune charte lrsquoameacutelioration des processus drsquoorganisation la certifica-tion qualiteacute le traitement drsquoune crisehellip) peuvent donner lieu agrave la constitution degroupes (ou eacutequipes) de travail Ceux-ci se voient alors attribuer la responsabiliteacutedrsquoun projet Trois principaux modes de gestion des eacutequipes de travail existent Cesont les modegraveles de coordination drsquointeacutegration et de coopeacuteration

Dans le premier modegravele les individus interviennent de faccedilon isoleacutee et leur contri-bution est faiblement deacutependante de celle des autres (figure 31)

Figure 31 mdash Le modegravele de coordination

Ce modegravele se caracteacuterise par une deacutemarche seacutequentielle car les eacutequipes se succegrave-dent Le projet ressemble agrave une course de relais ougrave les fonctions se passent leteacutemoin Dans ce mode de gestion lrsquoeacutequipe de travail reste limiteacutee aux membresdrsquoune mecircme fonction Ainsi le deacuteveloppement drsquoune nouvelle offre suppose lrsquointer-vention de plusieurs eacutequipes Le projet exige plusieurs expertises compleacutementaires(ingeacutenierie production marketing distributionhellip) Suivant cette logique de fonc-tionnement chacun contribue au projet selon son domaine de compeacutetence et ceindeacutependamment des autres

reconnues au niveau organisationnel Ces deux qualiteacutes leur permettent de jouer un rocirclesocial et eacuteconomique au sein de lrsquoeacutequipe Ensuite lrsquoobjet de lrsquoeacutequipe constitue un facteurunificateur Comme dans des groupes classiques la deacutefinition de la mission et des tacircchesrespectives constituent des facteurs de motivation du groupe Lrsquoobjet repreacutesente donclrsquoeacuteleacutement structurant de lrsquoeacutequipe (car les eacutequipes virtuelles eacutechappent parfois aux normesaux regravegles et aux ajustements de leur organisation du fait de leur eacuteloignement) Crsquoestpourquoi il se deacutecline par une mission claire et partageacutee qui se reacutealise par des tacircches inter-deacutependantes et produit des reacutesultats concrets qui marquent le terme du processus Enfindans ce modegravele les liens ou les interactions entre les membres drsquoeacutequipes se font agrave lrsquoaide delrsquoenvironnement technologique Des moyens de teacuteleacutecommunications plus ou moinssophistiqueacutes doivent ecirctre mis en place (messagerie instantaneacutee courriel ou videacuteoconfeacute-rence) afin de faciliter la communication et la circulation des informations entre lesmembres de lrsquoeacutequipe virtuelle

Agrave partir de KARJALAINEN H et SOPARNOT R laquo Geacuterer les eacutequipes virtuelleset multiculturelles quel rocircle pour le manager raquo 30e Congregraves de lrsquoAssociation

des sciences administratives du Canada (ASAC) 2009

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Le modegravele de lrsquointeacutegration permet une plus forte coopeacuteration En effet les experti-ses respectives sont inteacutegreacutees et combineacutees dans le cadre du deacuteroulement du projet(figure 32)

Figure 32 mdash Le modegravele drsquointeacutegration

Il y a ici une plus grande interdeacutependance des compeacutetences car de cette combinai-son deacutecoule la reacuteussite du projet Lrsquointeacutegration est assureacutee par un chef de projet ilest le garant de la bonne gestion des compeacutetences Pour cela il utilise et gegravere unreacuteservoir drsquoexpertises Par exemple placeacutee sous la responsabiliteacute drsquoun animateur lacreacuteation drsquoune charte des valeurs peut mobiliser des individus en provenance deplusieurs deacutepartements de lrsquoentreprise

Enfin le modegravele de la coopeacuteration impose aux acteurs de travailler ensemble surles diffeacuterents aspects du projet ils le co-construisent au fil de leurs interactions(figure 33)

Figure 33 mdash Le modegravele de coopeacuteration

Dans ce mode drsquoorganisation les acteurs repreacutesentent des champs drsquoexpertisespeacutecifique mais la confrontation des reacuteflexions conduit agrave lrsquoameacutelioration du projet en

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termes de qualiteacute coucirct et deacutelais comme agrave une plus grande intercompreacutehension Dansce modegravele la coopeacuteration entre les acteurs est indispensable En effet chaque expertdoit deacutepasser son champ de perception du projet (problegravemes potentiels solutionspossibles objectifs agrave poursuivrehellip) pour appreacutehender et prendre en consideacuterationcelles des autres membres du groupe Les eacutequipes constitueacutees sont ici interfonction-nelles Citons pour exemple le deacuteveloppement de lrsquooffre i-Mode par Bouygues Teacuteleacute-com Celui-ci a conduit agrave la creacuteation drsquoun plateau projet isoleacute du reste delrsquoorganisation et reacuteunissant plusieurs expertises (marketing distribution ingeacutenierieeacutedition de contenu Internet fabrication de terminaux mobiles qualiteacutehellip) Quelleque soit la phase du projet chaque meacutetier eacutetait solliciteacute indeacutependamment de sonexpertise Ainsi un ingeacutenieur avait son mot agrave dire sur des choix de marketing etinversement

Afin drsquoaccroicirctre lrsquoefficaciteacute du fonctionnement de lrsquoentreprise le manager peutenvisager le travail en eacutequipe et constituer des groupes projets Il pourra le faire defaccedilon occasionnelle en fonction des reacuteflexions en cours ou instituer ce mode drsquoorga-nisation (cf les structures par projet) Dans lrsquooptique drsquoune gestion collective despersonnes le dirigeant peut eacutegalement agir sur le registre symbolique et construireun reacutefeacuterentiel de valeurs partageacutees

5 La culture drsquoentreprise

Toute entreprise revecirct une dimension symbolique qui lui est propre et la diffeacuteren-cie des autres Ces symboles forment la culture de lrsquoentreprise deacutefinie commelrsquoensemble des valeurs gracircce auxquelles les membres drsquoune organisation acquiegraverentune identiteacute collective La culture nrsquoexiste donc pas en dehors des individus autre-ment dit ceux-ci inteacuteriorisent les valeurs (ils en ont plus ou moins conscience) et lespartagent Et crsquoest cela qui les unit Ainsi pour Theacutevenet (1993) la culture laquo est unensemble drsquohypothegraveses de base et drsquoeacutevidences partageacutees par les membres drsquouneorganisation opeacuterant parfois de faccedilon inconsciente construites au cours de lrsquohistoirepour faire face aux problegravemes rencontreacutes par lrsquoentreprise raquo

Dans cette optique lrsquoentreprise forme une communauteacute un clan Pour ecirctre pluspreacutecis elle est en fait une mosaiumlque culturelle car elle heacuterite de valeurs provenant dela culture nationale et des cultures professionnelles (ingeacutenieurs technicienscommerciaux creacuteatifshellip) Cet heacuteritage contribue agrave faccedilonner la culture organisation-nelle dont les composantes sont multiples Il est courant de distinguer les signescrsquoest-agrave-dire les manifestations de la culture et les valeurs qui en sont les fonde-ments Les signes renvoient au code vestimentaire au vocabulaire agrave lrsquoameacutenagementdes bureaux (comme la direction aux eacutetages supeacuterieurs) agrave une charte interne(comme les engagements envers les clients) agrave un style architectural (comme unsiegravege social dont lrsquoarchitecture correspond agrave une pyramide inverseacutee)hellip Tous ceseacuteleacutements ne sont pas neutres ils expriment la volonteacute manageacuteriale de montrer lesparticulariteacutes de lrsquoorganisation Pour autant ces signes ne sont qursquoun reflet imparfait

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de la culture drsquoune entreprise car ils reposent sur des valeurs Celles-ci se situentdonc agrave un niveau plus profond de la culture Bien qursquoelles ne soient pas immeacutediate-ment visibles elles sont repeacuterables dans le discours des membres de lrsquoentrepriseLeur rocircle est central En reacuteduisant lrsquoincertitude et la complexiteacute de la reacutealiteacute ellesfournissent aux individus des informations geacuteneacuterales quant agrave la maniegravere de raison-ner drsquointerpreacuteter les situations de les juger et drsquoy faire face Dans les cultures forteset coheacutesives ces valeurs sont tellement inteacuterioriseacutees qursquoelles forment des eacutevidencesparfois une veacuteritable ideacuteologie Aussi trouvent-elles leur origine dans les mythes lesrites et les tabous Les mythes sont des reacutecits eacuterigeacutes en leacutegende ils se reacutefegraverentsouvent agrave lrsquohistoire de lrsquoentreprise agrave sa creacuteation et aux actes de ses heacuteros La leacutegendede Francis Bouygues qui a fondeacute un empire en partant de rien en est un exempleDe mecircme le refus drsquoun portier de laisser rentrer le preacutesident drsquoIBM ThomasWatson J-R car il nrsquoavait pas son badge est censeacute montrer que la regravegle est la mecircmepour tous Les rites sont des pratiques qui permettent agrave un individu drsquointeacutegrer lacommunauteacute ou drsquoen sortir Ils servent agrave affirmer lrsquoexistence du clan sa coheacutesion etson uniteacute aux yeux de ses membres Enfin les tabous renvoient agrave ce que chacun saitmais dont il ne faut pas parler Ces tabous sont refouleacutes car ils mettent en danger lesvaleurs fondatrices de lrsquoentreprise

Repegraveres Les fondements culturels de la Compa-gnie des services peacutetroliers (CSP)

La CSP est une socieacuteteacute indeacutependante speacutecialiseacutee dans les services drsquoexploration et drsquoexploi-tation peacutetroliegravere (la reacutealisation drsquoeacutetudes visant agrave identifier des reacuteserves en hydrocarbure surterre ou en mer et la fabrication de mateacuteriels eacutelectroniques et eacutelectromeacutecaniques) Ellecompte aujourdrsquohui 3 500 personnes pour un chiffre drsquoaffaires drsquoenviron 500 millionsdrsquoeuros Ses principaux clients sont les compagnies peacutetroliegraveres du monde entier De ce faitla CSP est implanteacutee internationalement agrave travers un reacuteseau drsquoagences locales qui ont laresponsabiliteacute de conduire les laquo missions raquo (se rendre sur le terrain pour reacutealiser les eacutetudes)et a son siegravege en reacutegion parisienne La conduite des missions drsquoeacutetude sur le terrain esteffectueacutee par une cateacutegorie de personnel particulier agrave la CSP les laquo prospecteurs raquo Cesderniers beacuteneacuteficient drsquoune reacuteelle reconnaissance en interne On impute ainsi la perfor-mance de la CSP (une entreprise franccedilaise indeacutependante face aux geacuteants ameacutericains dusecteur qui a en outre reacutesisteacute aux crises qui secouent reacuteguliegraverement le secteur) agrave lrsquoexcel-lence technique de ses prospecteursEcirctre prospecteur agrave la CSP est un passage quasi-obligeacute pour les ingeacutenieurs et les techni-ciens Drsquoailleurs la plupart des directeurs ont commenceacute comme prospecteur Car crsquoest surle terrain qursquoon repegravere les meilleurs collaborateurs Sur le terrain le travail technique dansdes zones difficiles et les conditions parfois rudes forgent le caractegravere les qualiteacutes humai-nes et lrsquoexpertise technique des prospecteurs Ainsi un prospecteur peut ecirctre envoyeacute dujour au lendemain drsquoun bout agrave lrsquoautre du monde pour une mission Ce propos le souligneexplicitement laquo Un prospecteur qui est en mission en Indoneacutesie le lundi on lui dit jeudivous serez en Alaska Il prend son avion il va en Alaskahellip Un autre qui est en deacutetente au

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La culture drsquoentreprise est donc un cadre symbolique agrave partir duquel peuvent secomprendre le niveau drsquoimplication des acteurs et leur attachement agrave lrsquoorganisationLorsqursquoelle est partageacutee par les employeacutes lrsquoentreprise deacuteveloppe sa propre logiqueses propres modes de penseacutee et drsquoaction Johnson (1988) considegravere que lrsquoentreprisese dote ainsi drsquoun veacuteritable paradigme cognitif Celui-ci se deacutefinit commelaquo lrsquoensemble des croyances et des hypothegraveses relativement communeacutement reacutepan-dues dans lrsquoorganisation consideacutereacutees comme allant de soi et perceptibles dans leshistoires et explications des managers qui joue un rocircle central dans lrsquointerpreacutetationdes stimuli environnementaux et dans la configuration des reacuteponses strateacutegiquesorganisationnellement pertinentes raquo (Johnson in Laroche et Nioche 1998)

milieu de sa deacutetente on lui dit deacutesoleacute faut que vous soyez agrave telle date agrave tel endroit Ilprend sa valise et il y va en ronchonnant de temps en temps mais il y va La Compagniedoit beaucoup agrave ce personnel qui est souvent tregraves attacheacute agrave la Compagnie raquo Le rite dupassage sur le terrain marque donc lrsquoappartenance au clan CSP et srsquoentoure drsquoune certainemythologie (lrsquoaventure la camaraderie la viriliteacute lrsquoaudace la deacutebrouillardise lrsquoadapta-tionhellip) Et crsquoest en mission sur le terrain qursquoon y acquiert lrsquoesprit CSP et que srsquoinculquent lesvaleurs fondatrices de solidariteacute de modestie et de disponibiliteacuteEt cette culture se traduit dans les pratiques manageacuteriales de lrsquoentreprise Le personnel eststable et lrsquoessentiel des salarieacutes fait toute sa carriegravere agrave la CSP (il nrsquoy a drsquoailleurs pas beau-coup drsquoopportuniteacutes en France et en Europe pour les prospecteurs) La reacutemuneacuteration estplus faible qursquoagrave la concurrence et eacutevolue selon lrsquoancienneteacute Mais la progression de carriegravereest assureacutee apregraves un passage en mission le prospecteur accegravede agrave un poste fonctionnelfixe au siegravege Les licenciements collectifs sont tregraves exceptionnels (on preacutefegravere demander dessacrifices temporaires au personnel) La hieacuterarchie est peu pesante et les systegravemes decontrocircle limiteacutes ce qui confegravere une grande autonomie au personnel La communication esteacutegalement essentiellement informelle et orale

Agrave partir de AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H et MICHEL S Management aspectshumains et organisationnels Eacutedition PUF 1999 et de laquo La CSP face au changement raquo

in JOHNSON G SCHOLES K WHITTINGTON R et FREacuteRY F Strateacutegique Pearson Eacuteducation 2008

Repegraveres La crise reacutevegravele les croyances profondesdes entreprises

Nul ne conteste que la crise eacuteconomique frappe durement les entreprises Tenons pourpreuve les deacutecisions drastiques prises par des dirigeants dont lrsquoentreprise affichait desperformances en hausse constante depuis plusieurs anneacutees Ainsi Sony qui depuisquatorze ans nrsquoa jamais perdu le moindre yen vient drsquoannoncer pour lrsquoexercice fiscal 2008-2009 une perte significative conduisant agrave lrsquoadoption drsquoun plan de reacuteduction des coucircts ndashplan qui devrait permettre drsquoeacuteconomiser 2 milliards drsquoeuros par an Et pour cela Sonypreacutevoit un vaste programme de preacuteretraites des licenciements en masse une baisse desprimes pour les administrateurshellip Prenons un autre exemple Microsoft qui depuis sa creacutea-tion en 1975 nrsquoavait jamais pris de mesures radicales sur lrsquoemploi srsquoest engageacute en janvier

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Les comportements humains et le management des hommes

Dans les entreprises agrave culture drsquoentreprise fortement coheacutesive les individusdeviennent comme prisonniers tant leur investissement psychique est intenseLrsquoorganisation leur procure en effet des sentiments et des eacutemotions tregraves forts(lrsquoamour la haine le bonheur la tristessehellip) qui structurent leur ecirctre lrsquoidentiteacute delrsquoindividu puise en partie sa source dans celle de lrsquoentreprise Agrave travers les meacutecanis-

dernier agrave reacuteduire ses deacutepenses opeacuterationnelles de 15 milliard de dollars pour lrsquoanneacutee agravevenir Concregravetement cela signifie la suppression de 5 000 postes drsquoici 2010 soit 5 de seseffectifs mondiaux Agrave nrsquoen pas douter cette crise sans preacuteceacutedent conduit les entreprises agravereacuteviser en profondeur leur plan de deacuteveloppement et leur strateacutegie agrave long terme Et ceschangements de trajectoires sont parfois salutairesEn effet parfois et alors que manifestement tous les signaux reacutevegravelent lrsquoimpasse danslaquelle se trouvent certaines entreprises elles maintiennent le mecircme cap Cette inertiesrsquoexplique de multiples faccedilons les actifs sont trop speacutecialiseacutes et faiblement redeacuteployablesles qualifications et le potentiel des eacutequipes rendent difficile la mise en œuvre de nouvellesstrateacutegies des barriegraveres agrave la sortie font obstacle au redeacuteploiement de lrsquoentreprisehellip Maisbien souvent ce sont de mauvais raisonnements lieacutes agrave des croyances profondeacutementancreacutees dans lrsquoorganisation qui sont agrave lrsquoorigine de cette inertie Les dirigeants peuvent eneffet ne pas percevoir certains signaux en provenance de leur environnement (commelrsquoeacutemergence drsquoune nouvelle technologie lrsquoarriveacutee drsquoun concurrent avec une offre inno-vantehellip) les ignorer les sous-estimer et mecircme les interpreacuteter de maniegravere erroneacutee La situa-tion de quasi-faillite dans laquelle se trouvent les constructeurs ameacutericains ndash Ford Chrysleret Geacuteneacuteral Motors ndash en constitue une illustration parfaite Les Big Three ont connu desanneacutees prospegraveres en commercialisant sur leur marcheacute drsquoorigine des veacutehicules de grosgabarit (4x4 pick-up et grosse berline) rustiques et tregraves consommateurs drsquoessence Porteacutespar un creacutedit facile et un prix de lrsquoessence faible les acheteurs eacutetaient nombreux pour cesveacutehicules Mais ce succegraves les a conduits agrave leur perte Deux des Big Three ndash essentiellementGeacuteneacuteral Motors et Chrysler ndash se sont ainsi limiteacutes au marcheacute ameacutericain (Chrysler reacutealise90 de son activiteacute aux Eacutetats-Unis) et nrsquoont deacuteveloppeacute aucune reacuteelle compeacutetence enmatiegravere de conception et de fabrication de veacutehicules de petit gabarit agrave motorisation peupolluante et eacuteconomique en termes de consommation de carburant Et de lagrave vient leurvulneacuterabiliteacute Car lrsquoaugmentation progressive du prix de lrsquoessence et le resserrement ducreacutedit ont eu pour conseacutequence un ralentissement du marcheacute ameacutericain ndash il srsquoeacutelevaitapproximativement agrave 16 millions de veacutehicules en 2006 eacutetait de 132 millions en 2006 etdrsquoenviron 10 millions en 2008 ndash et une monteacutee en puissance non neacutegligeable de lademande ameacutericaine de veacutehicules de petit gabarit Prisonnier drsquoune expertise en concep-tion et fabrication de gros veacutehicules et quasi-absent des marcheacutes eacutetrangers Chrysler etGeacuteneacuteral Motors ne doivent leur survie qursquoagrave un precirct de 134 milliards de dollars par laMaison Blanche Mais cette somme ne leur permettra pas de survivre apregraves mars 2009Leur salut passe deacutesormais par une remise en cause radicale de leur strateacutegie une remiseen cause que seule une crise de cette ampleur rend possibleCette crise est eacutevidemment redoutable les entreprises y reacuteagissent agrave court terme enreacuteduisant leur structure de coucirct Mais elle est salutaire au moins sur un point elle acceacute-legravere la prise de conscience que les strateacutegies ne sont pas immuables et que les succegravespasseacutes ne conditionnent pas ceux de demain

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Le salut vient de la crise raquo ESCEM News mars 2009

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mes de lrsquoidentification (il fait partie drsquoelle) et de lrsquointrojection (elle fait partie de lui)la culture devient un ciment organisationnel qui maintient la coheacuterence interne etdiffuse des programmes mentaux comme des guides pour lrsquoaction

De ce fait la culture apparaicirct comme un levier de management Le dirigeant cher-che alors agrave faccedilonner les composants de la culture pour la rendre plus conforme agrave lastrateacutegie de lrsquoentreprisehellip il agit sur les signes et tente drsquoinfluer sur les valeursCertains dirigeants eacuteprouvent par exemple souvent le besoin de reacutediger une charteun projet drsquoentreprise afin de diffuser certaines valeurs fortes donc des programmesdrsquointerpreacutetation et drsquoaction (penser et agir conformeacutement aux valeurs) En lamatiegravere la prudence doit ecirctre de rigueur car lrsquoentreprise nrsquoest pas un laquo Lego raquo ellenrsquoest pas malleacuteable agrave souhait En effet la culture se forme et eacutevolue de faccedilonlaquo naturelle raquo selon des processus longs et aleacuteatoires Elle nrsquoobeacuteit agrave aucune loi et nese deacutetermine pas Les dirigeants qui pensent maicirctriser la culture de leur entreprise etla deacutefinir de faccedilon deacutelibeacutereacutee se trompent Crsquoest ainsi qursquoil convient drsquoeacutetablir unediffeacuterence entre la culture voulue (les signes et les valeurs promulgueacutees par la direc-tion) et la culture reacuteelle (les valeurs que partagent reacuteellement les salarieacutes) Il estcependant possible qursquoelles se confondent il nrsquoy aura alors pas de deacutecalage entre lareacutealiteacute et la volonteacute culturelles

In fine la culture de lrsquoentreprise repose sur un ensemble de signes et de valeurs quifont sa singulariteacute Elle constitue alors un meacutecanisme puissant drsquounification dessalarieacutes comme un moyen de guider leurs interpreacutetations et leurs deacutecisions Pourautant la culture ne se manipule pas aussi aiseacutement qursquoun outil et ne saurait agrave cetitre ecirctre un objet de la rationaliteacute manageacuteriale

LrsquoessentielLe troisiegraveme chapitre a permis tout drsquoabord lrsquoanalyse des facettes essentielles du compor-tement humain dans lrsquoentreprise La motivation et lrsquoimplication les jeux de pouvoir lestress au travail la coopeacuteration interindividuelle et lrsquoinfluence du groupe constituent desdimensions comportementales qursquoaucun manager drsquoeacutequipe ne saurait neacutegliger Ensuite ledomaine du management des personnes a eacuteteacute eacutetudieacute Ont eacuteteacute preacutesenteacutes les deux grandsprofils de dirigeant (le manager et le leader) les styles de commandement des eacutequipes laprise de deacutecision le travail en eacutequipe et la culture drsquoentreprise Les thegravemes abordeacutes dansce chapitre constituent finalement des points drsquoancrage pour une meilleure compreacutehensiondes comportements humains dans les organisations comme pour une meilleure gestion deseacutequipes et des personnes en situation de travailToutefois la vie des entreprises se caracteacuterise par des peacuteriodes de turbulence plus ou moinsfortes Toute entreprise est ainsi ameneacutee agrave un moment de son histoire agrave faire face agrave destransformations plus ou moins radicales de son environnement et agrave srsquoengager dans deschangements plus ou moins drastiques de ses caracteacuteristiques Ces changements organisa-tionnels preacutesentent certaines singulariteacutes qui sont traiteacutees dans un ultime chapitre

4Chapitre

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e changement des entreprises et dans les entreprises est un domaine drsquoactioncrucial pour les dirigeants et les managers intermeacutediaires En effet leur rocircle

est de maintenir une adeacutequation constante entre les caracteacuteristiques de lrsquoenvironne-ment et les capaciteacutes de lrsquoentreprise Or cet alignement devient plus difficileaujourdrsquohui car les ruptures externes se multiplient et srsquoacceacutelegraverent la globalisationdes marcheacutes lrsquointensification de la concurrence le deacuteveloppement des technolo-gieshellip ont pour effet de provoquer des renouvellements rapides et freacutequents descaracteacuteristiques environnementales et concurrentielles En contexte de turbulenceles managers sont donc freacutequemment ameneacutes agrave faire eacutevoluer la strateacutegie de lrsquoentre-prise la structure la culture les pratiques organisationnelles les outils et techniquesutiliseacuteshellip pour srsquoadapter en continu aux eacutevolutions du milieu et assurer la compeacuteti-tiviteacute de la firme sur le long terme Cependant le management du changement est unexercice deacutelicat (70 des programmes de changement se soldent par un eacutechec) etun moment fortement redouteacute par nombre de dirigeants

Cette moindre performance srsquoexplique drsquoune part par la grande complexiteacute quicaracteacuterise le pheacutenomegravene de changement dans les organisations et drsquoautre part parles difficulteacutes qursquoengendre sa gestion Lrsquoobjet de la premiegravere section est donc drsquoiden-tifier les diffeacuterentes dimensions du changement La seconde se consacre agrave lrsquoeacutetudedes diffeacuterentes approches en matiegravere de conduite du changement organisationnel

Section 1 Les dimensions du changement organisationnelSection 2 La conduite du changement organisationnel

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Le changement organisationnel

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LES DIMENSIONS DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Les multiples dimensions du changement organisationnel imposent drsquoen deacutefinirles angles drsquoanalyse possible Afin drsquoen saisir les singulariteacutes Pettigrew (1985)propose un modegravele triadique (figure 41) pour lequel la dynamique du changementorganisationnel doit ecirctre comprise agrave partir de trois dimensions le contexte leprocessus et le contenu

Figure 41 mdash Le modegravele triadique du changement organisationnel

Le contexte correspond agrave lrsquoensemble des facteurs susceptibles drsquoinfluencer la deacuteci-sion de changement Il srsquoanalyse en deux temps Il caracteacuterise lrsquoenvironnement sur leplan eacuteconomique reacuteglementaire concurrentielhellip et lrsquoorganisation aux niveauxculturel structurel de la reacutepartition du pouvoirhellip Le processus caracteacuterise la vieconcregravete du changement Il reacutesulte des interactions (souvent politiques) entre lesacteurs concerneacutes par le pheacutenomegravene ceux-ci pouvant ecirctre membres ou non delrsquoorganisation Enfin le contenu concerne la nature du changement Ainsi la strateacute-gie la structure le systegraveme sociotechnique la culturehellip sont susceptibles drsquoecirctremodifieacutes Cette section traite de ces trois dimensions et aborde eacutegalement le thegravemede la reacutesistance au changement

Section 1

Actions reacuteactions et interpreacutetations entre les diffeacuterentes parties concerneacuteespar la transformation

Environnement social eacuteconomique commercial et politique dans lequel lrsquoentreprise opegravere

Structure culture organisationnelle et configuration des pouvoirs

Domaines soumis agrave transformation

ProcessusContenu

ContexteExterne

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1 Les facteurs de changement

Selon March (1981) laquo ce que nous appelons changements organisationnels est unensemble de reacuteponses concordantes par diverses parties de lrsquoorganisation agrave diversesparties interconnecteacutees de lrsquoenvironnement raquo Ainsi le changement correspond aupassage drsquoun eacutetat actuel agrave un eacutetat deacutesireacute drsquoune situation originale jugeacutee inadeacutequateagrave une autre consideacutereacutee comme eacutetant plus adapteacutee qui reacutepond mieux aux exigencesdu milieu ou aux nouvelles aspirations des dirigeants Le changement trouve donc sasource dans lrsquoenvironnement (contexte externe) comme au sein de lrsquoentreprise(contexte interne)

Chandler (1972) a montreacute que le changement avait souvent pour origine lrsquoenviron-nement En effet les crises constituent des points de rupture obligeant lrsquoentreprise agraveajuster sa strateacutegie comme sa structure Ces facteurs drsquoeacutevolution sont multiples Ilpeut srsquoagir des innovations technologiques de la mondialisation des marcheacutes desdeacutereacuteglementationshellip Portons notre attention sur ces trois facteurs

Les technologies reacutegissent le fonctionnement de nombreux aspects des entrepri-ses les techniques de production la nature de lrsquooffre les meacutethodes drsquoorganisationet de communicationhellip Les innovations technologiques provoquent deux effetsimportants elles rendent obsolegravetes les technologies en place et permettentdrsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute et lrsquoefficience des processus des firmes Pour ces raisons cesderniegraveres doivent souvent acceacuteder aux nouvelles technologies au risque de se fairedeacutepasser par leurs concurrents Leur adoption impose alors de conduire des change-ments lieacutes agrave leur inteacutegration dans le systegraveme drsquoorganisation existant

La mondialisation des marcheacutes se reacutefegravere agrave la geacuteographie de la vie des affairesLrsquoabaissement des barriegraveres douaniegraveres lrsquoeacutemergence de zones eacuteconomiques eacutelargies(ALENA UE APEChellip)hellip ont pour effet de modifier le terrain de jeu des entrepri-ses Il est courant drsquoeacutevoquer le village mondial pour le qualifier Si cela signifie queles entreprises voient leur nombre de clients potentiels augmenter substantiellementil en est de mecircme pour leurs concurrents Sous lrsquoeffet drsquoune concurrence deacutesormaisinternationale les entreprises modifient le plus souvent leur strateacutegie compeacutetitiveleur systegraveme drsquooffre leur structurehellip

Les deacutereacuteglementations se reacutefegraverent agrave la limitation de lrsquointervention de lrsquoeacutetat dans lavie eacuteconomique LrsquoUnion europeacuteenne a ainsi promulgueacute de nombreuses lois qui ontdeacutereacuteglementeacute certains secteurs comme la teacuteleacutephonie la distribution des eacutenergies letransport aeacuterienhellip Ces deacutecisions incitent les entreprises agrave renouveler leur strateacutegie etleur organisation car des concurrents et des produits nouveaux apparaissent desguerres de prix se deacuteclenchent des rapprochements srsquoopegraverenthellip

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Repegraveres Reacuteglementation automobile en matiegravere environnementale et deacutevelop-pement des technologies eacutecologiques

Au niveau mondial les pays signataires du protocole de Kyoto ouvert agrave ratification en1998 se sont engageacutes agrave reacuteduire drsquoici 2010 leurs eacutemissions de CO2 de 8 par rapport agrave leurniveau de 1990 Dans le cadre de ce protocole la France srsquoest engageacutee agrave lrsquohorizon 2010 agrave nepas eacutemettre plus de gaz agrave effet de serre (GES) qursquoelle nrsquoen eacutemettait en 1990 Une des priori-teacutes porte sur le secteur des transports la voiture individuelle totalisant la moitieacute deseacutemissions du secteur Au niveau europeacuteen degraves 1992 des normes drsquoeacutemission de polluantssont instaureacutees fixant les limites maximales de rejets polluants pour les veacutehicules neufsConsciente que les veacutehicules particuliers sont responsables drsquoune quantiteacute importante deseacutemissions de CO2 dans lrsquoUnion europeacuteenne (UE) lrsquoAssociation des constructeurs automobi-les europeacuteens (ACAE) a conclu en 1998 avec lrsquoUE un accord volontaire de reacuteduction deseacutemissions de CO2 des veacutehicules Lrsquoaccord vise agrave reacuteduire les eacutemissions de 25 en 2008 parrapport au niveau constateacute en 1995 soit 140 grammes par kilomegravetre (gkm) contre186 gkm en 1995 et preacutevoit mecircme une nouvelle eacutetape en 2012 avec une diminution de35 suppleacutementaire (120 gkm) En 1999 lrsquoinitiative de lrsquoACAE a eacuteteacute suivie par les cons-tructeurs automobiles japonais et coreacuteens regroupeacutes respectivement au sein de la JAMA etla KAMA deux associations de constructeurs automobiles Ainsi la monteacutee en puissancedes enjeux environnementaux dans le secteur automobile srsquoest traduite par lrsquoeacutemergencede plusieurs technologies eacutecologiquesAvant lrsquoarriveacutee de la technologie hybride se sont deacuteveloppeacutees certaines filiegraveres de substitu-tion Le GNV (gaz naturel pour veacutehicule) et le GPL (gaz peacutetrole liqueacutefieacute) ont ainsi capteacutelrsquoattention de quelques constructeurs Si ces carburants alternatifs connaissent un reacuteelsuccegraves dans certains pays (Italie Argentine Turquie et Pays-Bas avec environ 1 milliondrsquoutilisateurs par pays) ils demeurent minoritaires en France Ainsi malgreacute les effortsdrsquoeacutequipement de stations en GPL le reacuteseau est largement surdimensionneacute compte tenudes 180 000 convertis Toutefois la technologie la plus mucircre et la plus aboutieaujourdrsquohui est probablement la technologie hybrideUn veacutehicule hybride associe un moteur agrave essence classique (thermique) et un moteur eacutelec-trique Le veacutehicule alterne des phases de conduite purement eacutelectrique et des phases deconduite purement thermique En fait le moteur thermique nrsquoest pas utiliseacute lorsqursquoil setrouve en condition de faible rendement notamment dans la phase de deacutemarrage En villeet agrave vitesse reacuteduite le moteur eacutelectrique est actionneacute et degraves que la voiture acceacutelegravere lemoteur agrave essence prend le relais En usage hybride il faut environ 1 000 km pour vider lereacuteservoir Enfin les moteurs hybrides permettent geacuteneacuteralement de reacutecupeacuterer lrsquoeacutenergienotamment lors du freinage ou en descente (le moteur eacutelectrique se transforme alors engeacuteneacuterateur) Lrsquointeacuterecirct de la technologie hybride est double Drsquoune part le systegraveme geacutenegravereune faible consommation de carburant et drsquoautre part il est plus respectueux de lrsquoenviron-nement (les eacutemissions de CO2 sont infeacuterieures agrave tout autre veacutehicule de la mecircme cateacutegorie)La motorisation hybride ne fait cependant pas lrsquounanimiteacute chez les constructeurs automo-biles et plusieurs options technologiques ont eacuteteacute (et sont) expeacuterimenteacutees par ces derniersTout drsquoabord on trouve la motorisation hybride diesel-eacutelectrique Fonctionnant sur le

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Le changement organisationnel

Toutefois les facteurs externes seuls ne suffisent pas agrave expliquer lrsquoimpulsion deschangements En effet le contexte interne composeacute de la structure la culture et lesrelations de pouvoir joue un rocircle deacuteterminant dans la perception et lrsquointerpreacutetationdes facteurs externes Si tel nrsquoeacutetait pas le cas les entreprises adopteraient des chan-gements similaires ndash ce qui nrsquoest pas toujours le cas Autrement dit lrsquoorigine duchangement ne peut ecirctre attribueacutee de faccedilon exclusive agrave des facteurs externes car lesmanagers sont ceux qui en derniegravere instance et sous lrsquoinfluence du contexte interneinterpregravetent les eacutevegravenements leur accordent ou non de lrsquoimportance et opegraverent unchoix

mecircme principe que lrsquohybride essence-eacutelectrique elle est largement favoriseacutee par les cons-tructeurs europeacuteens le diesel eacutetant plus reacutepandu en Europe Le biocarburant est eacutegale-ment une technologie eacutecologique alternative Il se preacutesente sous plusieurs formes tellesque les huiles veacutegeacutetales le biodiesel au colza ou lrsquoeacutethanol Il existe deux maniegraveres drsquoutiliserle biocarburant dans les moteurs soit on adapte le biocarburant au moteur soit lemoteur est configureacute de maniegravere agrave accepter le biocarburant Lrsquoune des contraintes est quele biocarburant est encore rare dans les circuits de distribution Un autre moyen de roulerde maniegravere eacutecologique est drsquoutiliser un systegraveme flexible qui combine essence et biocarbu-rant Enfin lrsquohydrogegravene peut ecirctre utiliseacute soit en tant que carburant soit en tant que vecteurdrsquoeacutenergie dans une pile agrave combustible Agrave long terme tous les constructeurs srsquoaccordent agravedire que la pile agrave combustible sera la meilleure technologie eacutecologique pour reacutepondre auxcontraintes environnementales Enfin nrsquooublions pas la motorisation totalement eacutelectri-que qui bien qursquoancienne demeure une technologie prometteuse pour certains Ainsi lesgroupes Bolloreacute et Dassault travaillent sur des batteries qui devraient permettre une auto-nomie plus grande du veacutehicule (entre 250 et 500 kilomegravetres) et une puissance du moteursupeacuterieure ( jusqursquoagrave 130 kmheure) agrave ce qui srsquoest fait jusque-lagrave

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produit et strateacutegiede premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance avec la Prius raquo

Atelier de cas peacutedagogique Cas en management strateacutegique CNAM Paris mars 2008

Repegraveres Les strateacutegies de Honda et PSA sur lesegment des voitures eacutecologiques

Lrsquoanneacutee 2007 marque le dixiegraveme anniversaire du lancement de la premiegravere voiture hybridede seacuterie ainsi que le leadership de Toyota sur le marcheacute des voitures eacutecologiques Apregravesavoir vendu plus drsquoun million de veacutehicules hybrides dans le monde dont plus de 100 000en Europe Toyota vise agrave preacutesent des ventes annuelles drsquoun million degraves 2010 dans le mondeEn deacuteveloppant la Prius Toyota a creacuteeacute un nouveau segment de veacutehicules Face agrave cette inno-vation la vitesse de reacuteaction des concurrents a eacuteteacute variable Si certains ont rapidementengageacute des ressources pour imiter Toyota drsquoautres ont preacutefeacutereacute attendre que le marcheacute desvoitures eacutecologiques prenne veacuteritablement son envol

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Honda srsquoest rapidement lanceacute sur le marcheacute des voitures hybrides Le modegravele Honda Insi-ght est le premier modegravele hybride de la marque fabriqueacute en seacuterie et commercialiseacute auxEacutetats-Unis degraves 1999 Mais crsquoest avec la Honda Civic Hybrid que le constructeur offre uneveacuteritable alternative agrave la Prius de Toyota Ce modegravele a drsquoabord eacuteteacute introduit en deacutecem-bre 2001 au Japon puis au printemps 2002 aux Eacutetats-Unis Ce nrsquoest qursquoen 2004 qursquoil estcommercialiseacute sur le continent europeacuteen et en 2006 en France Mecircme si les deux modegravelessont diffeacuterents dans la ligne le confort et la seacutecuriteacute ils entretiennent une similariteacute lieacutee agravela technologie eacutecologique dont ils sont pourvus Ils sont tous deux doteacutes drsquoun moteur eacutelec-trique-thermique dont la recharge srsquoeffectue inteacutegralement en interne Le moteur accu-mule de lrsquoeacutenergie degraves qursquoon acceacutelegravere ou deacuteceacutelegravere ce qui maintient le niveau de charge Agrave ladiffeacuterence de la Prius de Toyota la Honda Civic Hybrid est eacutequipeacutee du systegravemelaquo AutoStop raquo Il permet agrave la voiture de couper son moteur degraves qursquoelle est immobiliseacutee Ilsuffit drsquoun coup sur lrsquoacceacuteleacuterateur pour repartir Les deux voitures rejettent la mecircme quan-titeacute de CO2 agrave savoir 104 gkm et preacutesentent toutes deux un bon rapport qualiteacuteprixParallegravelement Honda commercialise en Ameacuterique du Nord le modegravele Accor Hybrid unevoiture familiale Ce modegravele nrsquoayant pas reacuteussi agrave srsquoimposer (Honda Accord Hybrid ne srsquoestvendu qursquoagrave 25 000 exemplaires depuis son lancement en 2004) Honda a ducirc en stopper laproduction Malgreacute ces mauvais reacutesultats Honda poursuit sa strateacutegie eacutecologique enpreacutesentant deux nouveaux veacutehicules La Honda CR-Z (Compact Renaissance Zero) est unconcept car (un prototype) hybride essence-eacutelectrique sportif qui a eacuteteacute preacutesenteacute au 40e

salon de lrsquoautomobile agrave Tokyo en novembre 2007 Ce modegravele hybride preacutefigure le prochainqui sera adapteacute aux besoins des familles Sa sortie est preacutevue pour 2009 Enfin Hondaassure pouvoir commercialiser pour lrsquoeacuteteacute 2008 aux Eacutetats-Unis un veacutehicule agrave pile agrave combus-tible (utilisant lrsquohydrogegravene et ne rejetant que de lrsquoeau) sous le nom de FCX Clarity Cemodegravele reacuteunit de nombreuses ameacuteliorations dans lrsquoautonomie de la voiture une puissancesignificative tout en ayant une ligne raffineacutee Le FCX Clarity sera dans un premier tempsloueacute agrave un nombre reacuteduit de consommateurs dans le sud de la Californie Si Honda a reacuteagitregraves promptement agrave lrsquoinnovation de produit de Toyota PSA a opteacute pour une strateacutegie alter-nativeEntre 2004 et 2008 le groupe PSA (Peugeot-Citroeumln) a vendu plus de 110 000 veacutehicules agravetregraves faible consommation et eacutemission de CO2 en Europe Le groupe affiche ainsi un taux depeacuteneacutetration de 30 sur le segment des veacutehicules de moins de 120 gkm (eacutemissions deCO2) et de 60 sur celui des veacutehicules de 110 gkm et moins Pour atteindre ces reacutesultatsCitroeumln a doteacute ses deux modegraveles C2 et C3 du systegraveme laquo Stop and Start raquo Cette technologie(un alterno-deacutemarreur) coupe automatiquement le moteur agrave lrsquoarrecirct (au feu rouge notam-ment) et le redeacutemarre degraves que le conducteur relacircche la peacutedale de frein Avec ce systegraveme lesvoitures sont moins gourmandes et moins polluantes Le groupe se concentre eacutegalementaujourdrsquohui selon les marcheacutes sur les veacutehicules fonctionnant aux biocarburants (eacutethanolet biodiesel) La C4 bioflex utilisant du bioeacutethanol en est un exemple avec toutefois deuxreacuteserves il nrsquoest pas eacutevident de se procurer du bioeacutethanol agrave lrsquoinverse de lrsquoessence ou dudiesel et ce modegravele nrsquoest pas eacutequipeacute du systegraveme laquo Stop and Start raquo Lrsquoambition de Citroeumlnreste cependant drsquoeacutequiper 1 million de veacutehicules du systegraveme laquo Stop and Start raquo dont laC4 bioflex ce qui repreacutesenterait le tiers des voitures fabriqueacutees Concernant la technologiehybride essence-eacutelectrique PSA ne semble pas convaincue par cette technologie jugeacuteepeu compeacutetitive eacuteconomiquement En revanche PSA deacutefend vivement lrsquointeacuterecirct de lrsquohybrideHDi (diesel-eacutelectrique) notamment sur le marcheacute europeacuteen ougrave le diesel est fortement

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Le changement organisationnel

Lrsquoorigine des reacuteorientations ne relegraveve donc pas seulement des eacuteveacutenements eacutecono-miques politiques ou juridiques les processus de perception de choix et drsquoactionpropres agrave lrsquoorganisation influencent la lecture et lrsquointerpreacutetation des faits Au-delagrave delrsquoanalyse de lrsquoinfluence du contexte sur le changement organisationnel le modegravelecontextualiste de Pettigrew preacuteconise drsquoen cerner la dimension processuelle

2 Les processus de changement

Lrsquoanalyse du processus de changement srsquoattache agrave identifier les diffeacuterentes eacutetapesqui en ponctuent la trajectoire Ainsi selon Lewin (1951) tout processus de change-ment se compose de trois phases principales

La premiegravere est dite de deacutegel ou de deacutecristallisation Elle correspond agrave lrsquoeacutetape aucours de laquelle les individus prennent conscience du besoin de changement Lespratiques actuelles (normes de fonctionnement) sont alors jugeacutees peu satisfaisantesLa seconde est qualifieacutee de mouvement ou de deacuteplacement Elle se reacutefegravere au change-ment agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire agrave la modification effective des normes defonctionnement La troisiegraveme est dite de gel ou de cristallisation Elle traduit ladisparition des anciennes normes de fonctionnement au profit des nouvelles prati-ques Un deacutecoupage similaire est utiliseacute par Vandangeon-Derumez (1998) pouranalyser le processus de changement Pour lrsquoauteur il se compose des eacutetapes dematuration de deacuteracinement et drsquoenracinement La maturation est la peacuteriode aucours de laquelle laquo le leader etou les actionnaires [hellip] prennent conscience de laneacutecessiteacute de changer et eacutelaborent un projet de changement raquo Le deacuteracinement

implanteacute (en Europe 50 des voitures neuves roulent au diesel ndash en France ce chiffreatteint 70 ) Un choix drsquoautant plus creacutedible que le groupe est peu preacutesent aux Eacutetats-Unis actuellement le principal marcheacute pour les veacutehicules hybrides et que son expertise surla technologie diesel est aveacutereacutee PSA agrave lrsquooccasion de divers salons automobiles a ainsipreacutesenteacute quelques modegraveles La C-Cactus concept car de Citroeumln est doteacutee drsquoun moteurdiesel HDi et drsquoun moteur eacutelectrique De mecircme le groupe mise sur la Peugeot 307 et la C4des veacutehicules hybrides HDi utilisant du carburant B30 (meacutelange de gazole et de 30 debiodiesel) et eacutegalement eacutequipeacutes du systegraveme laquo Stop and Start raquo Mais la mise sur le marcheacutegrand public (preacutevue en 2010) de ces veacutehicules reste probleacutematique pour le constructeur les coucircts de deacuteveloppement et de production de veacutehicules hybrides diesel-eacutelectriqueneacutecessitent soit drsquoaccepter agrave lrsquoinstar de Toyota de vendre agrave perte les premiegraveres anneacutees enattendant une monteacutee en cadence soit de reacutepercuter le surcoucirct sur les clients (environ4 000 euros) Dans les deux cas lrsquoeacutequation eacuteconomique est difficile agrave reacutesoudre Pour lelong terme PSA travaille au deacuteveloppement de la technologie GENEPAC (geacuteneacuterateur eacutelec-trique agrave pile agrave combustible) Cette technologie semble avoir les faveurs du groupepuisqursquoelle eacutequipe le concept car 207 Epure preacutesenteacute au mondial 2006

Agrave partir de BONNEVEUX E RYCHALSKI A et SOPARNOT R laquo Innovation de produit et strateacutegiede premier entrant Toyota a-t-elle pris une longueur drsquoavance avec la Prius raquo Atelier

de cas peacutedagogique Cas en management strateacutegique CNAM Paris mars 2008

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correspond laquo agrave la communication et agrave la mise en œuvre du projet de changement raquoEnfin lrsquoenracinement traduit laquo lrsquoancrage du changement au niveau de lrsquoactiviteacutequotidienne de lrsquoentreprise Le changement nrsquoest plus un projet ni un eacutetat drsquoesprit ildevient une reacutealiteacute concregravete appliqueacutee par tous raquo (Vandangeon-Derumez 1998)

Si cette analyse preacutesente le processus de changement elle lrsquoeacutetudie en dehors delrsquoorganisation En conseacutequence elle meacuterite drsquoecirctre compleacuteteacutee par une analyse duprocessus de diffusion du changement crsquoest-agrave-dire de son mode de propagation danslrsquoorganisation Ainsi Mintzberg et al (1999) soulignent que les changementspeuvent reacutesulter de trois processus diffeacuterents Ils identifient les processus de change-ment planifieacutes conduits et spontaneacutes

Selon les auteurs laquo le changement planifieacute est programmatique il existe unsystegraveme ou un ensemble de proceacutedures qursquoil faut suivre raquo Le processus planifieacutecaracteacuterise donc un changement hautement rationnel qui aboutit agrave formuler des stra-teacutegies et des programmes explicites La transformation est alors piloteacutee par un ouplusieurs acteur(s) chargeacute(s) de lrsquoimplanter selon des modaliteacutes deacutefinies preacutealable-ment Le processus de changement conduit se distingue du preacuteceacutedent en regard desmodaliteacutes de mise en œuvre Il consiste en la formulation drsquoune vision par un diri-geant sur lrsquoavenir drsquoune entreprise agrave laquelle les acteurs vont donner vie Ici lesdeacutetails drsquoopeacuterationnalisation du changement ne sont pas deacutefinis preacutealablement et cedernier se construit dans et par lrsquoaction Ce changement reacutesulte donc des contribu-tions des acteurs leur autonomie et leurs compeacutetences sont reconnues La distinc-tion entre les processus planifieacutes et conduit rappelle celle de Vandangeon-Derumezndash lrsquoauteur parle des processus de changement prescrit et construit

Source Vandangeon-Derumez (1998)

Figure 42 mdash Les processus de changement prescrit et construit

Changement prescrit

Une vision claire de lrsquoavenirUne deacutefinition preacutecise des eacuteleacutements de lrsquoorganisation agrave changer pour atteindre cette visionDes acteurs cleacutes (laquo leader raquo et direction geacuteneacuterale) prenantdes deacutecisions qursquoils imposent ensuiteLa creacuteation drsquoune logique drsquoaction induisant le comportement des autres acteursUn changement brutal

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Changement construit

Une vision floue de lrsquoavenirUne deacutemarche agrave suivre pour effectivement changerUne volonteacute de faire eacutemergerlrsquoorganisation de demainUne grande liberteacute drsquoaction laisseacutee aux acteurs delrsquoorganisation pour favoriser la creacuteativiteacute de chacun et les comportements autonomesUn changement progressif

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Le changement organisationnel

Le changement prescrit se laquo fonde sur une vision claire de lrsquoavenir et deacutetermineavec preacutecision les eacuteleacutements de lrsquoorganisation actuelle qursquoil faut changer pour attein-dre cette vision raquo et le changement construit laquo se fonde sur une deacutemarche agrave suivrepour effectivement changer sans preacuteciser dans quelle direction raquo (Vandangeon-Derumez 1998) La figure preacuteceacutedente identifie les caracteacuteristiques de ces deuxprocessus de changement

Enfin le processus de changement spontaneacute eacutemerge de lrsquoorganisation et est detype intrapreneurial Le changement reacutesulte des initiatives des acteurs de terrainCelles-ci peuvent rester localiseacutees dans des espaces organisationnels deacutefinis ou sepropager dans la globaliteacute de lrsquoorganisation lorsque les initiatives sont deacutetecteacutees etreconnues par le sommet strateacutegique

Afin de prolonger lrsquoapproche contextualiste de Pettigrew lrsquoeacutetude des processus dechangement (deacutegel-mouvement-gel) et de diffusion du changement dans lrsquoorganisa-tion (planifieacute conduit et spontaneacute) doit deacutesormais ecirctre compleacuteteacutee par celle ducontenu du changement ndash ce qui correspond agrave lrsquoidentification des types de change-ment organisationnel

3 Les types de changement

Le contenu du changement se reacutefegravere agrave ce qui change effectivement dans lrsquoorgani-sation Or lrsquoobservation de la reacutealiteacute des entreprises met en eacutevidence une grandediversiteacute de changements Ceux-ci peuvent porter sur les produits le personnel lesoutils de gestion la structure la culture la strateacutegiehellip Nous proposons drsquoanalyser

Repegraveres La renaissance drsquoIntel

Fondeacutee en 1968 Intel produit des meacutemoires DRAM (Dynamic Random Access Memory)pour ordinateurs Son avance technologique lui permet en 1974 de devenir leader avec80 du marcheacute Mais balayeacute par ses concurrents japonais gracircce agrave des coucircts de productionet des prix plus bas la part de marcheacute drsquoIntel chute pour atteindre 2 en 1984 Les diri-geants refusent drsquoabandonner lrsquoactiviteacute historique pour des raisons ideacuteologiques Lrsquoundrsquoeux dira en substance que si Intel abandonnait les meacutemoires DRAM ce serait comme siFord arrecirctait de produire des voitures Ce sont finalement les routines internes qui vontpermettre un changement de meacutetier Le premier microprocesseur (le 4004) est deacuteveloppeacuteen 1974 par un ingeacutenieur pour reacutepondre agrave la demande drsquoun client La direction tolegravere cetteinitiative sans croire agrave lrsquoavenir de ce produit Pourtant il assure le renouveau du groupeIntel En effet dans le systegraveme Intel les diffeacuterents produits sont en compeacutetition pourlrsquooctroi de capaciteacute de production Sont lanceacutes en prioriteacute les produits qui maximisent lamarge par plaquette de silicium Les meacutemoires agrave faible marge sont systeacutematiquementdeacutepasseacutees par les microprocesseurs Le changement de meacutetier se fera progressivementsous lrsquoeffet drsquoinitiatives locales dans un processus largement eacutemergent ayant conduit agraveune transformation de la strateacutegie

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cette diversiteacute agrave partir de deux critegraveres lrsquoampleur et la profondeur Ils caracteacuterisentrespectivement lrsquointensiteacute du changement crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecart preacutevalant entre lasituation anteacuterieure et la situation posteacuterieure (le changement est radical ou increacute-mental) et sa surface crsquoest-agrave-dire le peacuterimegravetre organisationnel affecteacute par le change-ment (il est global ou local) Sur la base de ces critegraveres Watzlawick (1975) met eneacutevidence trois niveaux de changement

Lrsquoauteur psychologue social dont la classification est transposeacutee aux sciences degestion met en eacutevidence trois niveaux de changement Le niveau 0 est celui ougrave rienne change crsquoest la continuiteacute lrsquoimmobiliteacute Le systegraveme se situe dans un mouvementgeacuteneacuteral Le changement drsquoordre 1 est correctif mineur et permet agrave lrsquoorganisation demaintenir son eacutequilibre Le mouvement prend place agrave lrsquointeacuterieur du systegraveme sans lemodifier Il srsquoagit par exemple pour une entreprise de modifier le systegraveme informa-tique du service de comptabiliteacute Ce projet intervient dans le systegraveme et ne modifiepas sa logique Le changement de niveau 2 vise agrave transformer complegravetement lrsquoentre-prise ses valeurs ses regravegles et agrave meacutetamorphoser le comportement des salarieacutes Ilsrsquoagit drsquoun changement de logique qui modifie le systegraveme en profondeur Watz-lawick (1975) le deacutefinit comme le niveau laquo meacuteta raquo qui fait passer le systegraveme agrave unniveau supeacuterieur en modifiant la norme actuelle

Repegraveres Le changement strateacutegique du groupeBayer

En 2001 la strateacutegie du groupe allemand Bayer eacutetait qualifieacutee par les dirigeants de strateacute-gie des quatre piliers Le groupe eacutetait en effet diviseacute en quatre grandes activiteacutes pharma-cie (32 du chiffre drsquoaffaires ndash CA) agrochimie (14 du CA) polymegraveres (37 du CA) etchimie (17 du CA) Cette strateacutegie permettait ainsi de reacutepartir les risques entre les diffeacute-rentes activiteacutes du groupe mais un eacutevegravenement inattendu a contraint Bayer agrave repensercette strateacutegie et agrave remettre en question lrsquoapproche des quatre piliersBaycol un meacutedicament anticolestherol qui devait ecirctre un blockbuster (un meacutedicamentphare dont le chiffre drsquoaffaires annuel deacutepasse le milliard de dollars) a ducirc ecirctre brutalementretireacute du marcheacute La moleacutecule de base de ce meacutedicament la cerivastatine serait en effet agravelrsquoorigine de 31 deacutecegraves selon la Food and Drug Administration lrsquoadministration ameacutericainedu meacutedicament Le retrait de ce meacutedicament en 2001 vient accentuer une situation eacutecono-mique deacutejagrave difficile La production drsquoautres meacutedicaments avait ducirc ecirctre stoppeacutee et desmeacutedicaments agrave succegraves allaient tomber dans le domaine public La perte du Baycol consti-tuait pourtant le problegraveme le plus deacutelicat agrave surmonter En 2000 ce meacutedicament avaitconnu une croissance extraordinaire avec un chiffre drsquoaffaires en hausse de 80 et Bayerespeacuterait atteindre 1 milliard drsquoeuros de ventes en 2001 soit 16 du chiffre drsquoaffaires de labranche pharmacie En outre le beacuteneacutefice du groupe avait eacuteteacute amputeacute drsquoenviron650 millions drsquoeuros agrave cause de ce retrait Cette deacuteteacuterioration des reacutesultats financiers avaiteu pour conseacutequence la plus forte baisse du titre Bayer sur les marcheacutes financiers depuisdix ans Quelques analystes financiers avaient mecircme pronostiqueacute qursquoil faudrait cinqanneacutees agrave Bayer pour que sa branche pharmacie retrouve une situation financiegravere identiqueagrave ce qursquoelle eacutetait avant lrsquoaffaire Baycol

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Le changement organisationnel

Dans le prolongement Mintzberg et al (1999) distinguent les microchangementsdes macrochangements Le microchangement ne concerne qursquoun espace restreint delrsquoentreprise (ampleur) et est concret (profondeur) alors que le macrochangement laconcerne dans toutes ses dimensions et est abstrait Les auteurs proposent de situerles changements au sein drsquoun cube (figure 43)

La reacuteaction du groupe fut immeacutediate lrsquoentreprise engagea un vaste programme derestructuration dont lrsquoobjectif eacutetait drsquoeacuteconomiser 15 milliard drsquoeuros par an jusqursquoen 2005Pour cela 15 sites de productions furent fermeacutes et 5 000 emplois supprimeacutes danslrsquoensemble du groupe Toutes les divisions eacutetaient toucheacutees Seule lrsquoagrochimie eacutetait eacutepar-gneacutee Il srsquoagissait drsquoune profonde remise en cause de la strateacutegie des quatre piliers

Un changement strateacutegique radicalManfred Schneider le patron de Bayer reacuteeacutevalue la strateacutegie de quatre piliers par laquelle legroupe assurait son indeacutependance et lrsquoeacutequilibre de son portefeuille drsquoactiviteacutes Il envisagede concentrer Bayer sur une activiteacute principale lrsquoagrochimie Il est alors question de seacutepa-rer les activiteacutes pharmaceutiques et drsquoagrochimie en les inteacutegrant dans des structures juri-diques distinctes La vente de la branche pharmacie ou la recherche drsquoun allieacute apparaissentalors comme des options de plus en plus probables compte tenu des difficulteacutes actuellesde Bayer des risques drsquoindemnisation des plaignants et des exigences financiegraveres lieacutees agrave laconcurrence dans cette activiteacute Devant les difficulteacutes pour trouver un acheteur ou un allieacuteBayer semble se concentrer sur la branche agrochimie Le groupe procegravede au rachat deCropScience une filiale drsquoAventis renforccedilant ainsi sa branche agrochimie et devenantnumeacutero un mondial du secteur Si le sceacutenario de deacutesengagement de la branche pharmaciedevient toujours plus imminent des eacutevegravenements vont sortir Bayer de lrsquoimpasse danslaquelle le Baycol lrsquoavait plongeacute En 2003 le groupe gagne ses premiers procegraves lieacutes auBaycol Et cela eacutevite au groupe de payer des indemnisations substantielles ndash rien qursquoauxEacutetats-Unis 700 000 personnes avaient utiliseacute le meacutedicament et on parle de 6 millions depersonnes dans le mondeLes reacutesultats de la branche pharmacie seront finalement largement positifs Et le nouveaupatron Werner Wenning annonce que le groupe se concentrera deacutesormais sur les sciencesde la vie et se consacrera agrave trois meacutetiers la santeacute (Bayer HealthCare) lrsquoagrochimie (BayerCropScience) et les mateacuteriaux de haute performance (MaterialScience) La branche santeacuteconstitue finalement une activiteacute phare du groupe En 2004 Bayer achegravete lrsquoactiviteacutelaquo automeacutedication raquo de Roche En 2006 le groupe acquiert plus de 88 des actions deSchering une entreprise speacutecialiseacutee dans la contraception et la scleacuterose en plaques La stra-teacutegie R amp D est eacutegalement repenseacutee le groupe abandonne les recherches sur les maladiesinfectieuses et urinaires pour se concentrer sur les programmes contre le cancer et lacardiologie Lrsquoobjectif est clair ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute de la branche pharmacie agrave moyentermeCette succession de reacuteorientations strateacutegiques se concreacutetise finalement en 2005 par unchiffre drsquoaffaires de 298 milliards drsquoeuros et un beacuteneacutefice de 600 millions drsquoeuros alors quelrsquoanneacutee 2003 avait eacuteteacute marqueacutee par une perte historique de 136 milliard drsquoeuros La bran-che santeacute repreacutesente aujourdrsquohui presque la moitieacute de son chiffre drsquoaffairesAgrave partir de TELLIER A laquo Bayer quels remegravedes pour sauver la pharmacie raquo in JOFFRE O PLE

L et SIMON E Cas en management strateacutegique autour du diagnostic Eacutedition EMS 2007

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Figure 43 mdash Le cube du changement

Le cube du changement montre deux dimensions indissociables des changements lrsquoorientation et lrsquoabstraction Drsquoune part les changements axeacutes sur la strateacutegieconcernent la direction vers laquelle lrsquoentreprise srsquooriente et ceux axeacutes sur lrsquoorgani-sation portent sur lrsquoeacutetat actuel Et drsquoautre part les types de changements ont desdegreacutes drsquoabstraction variables (de concret agrave conceptuel) Ainsi les changements devision et culturels sont conceptuels et globaux (macrochangement) tandis que leschangements de produits ou de personnels sont concrets et locaux (microchange-ment) En mettant lrsquoaccent sur le caractegravere plus ou moins conceptuel des change-ments les auteurs soulignent lrsquoimportance de lrsquointerpreacutetation comme composant dela profondeur et de lrsquoampleur La classification de Laughlin (1991) est agrave cet eacutegardparticuliegraverement reacuteveacutelatrice Lrsquoauteur repegravere deux formes de changements depremier ordre (le refus et la reacuteorientation) ndash ils maintiennent la structure profonde delrsquoorganisation et ne modifient pas les scheacutemas interpreacutetatifs ndash et deux formes dechangements de second ordre (la colonisation et lrsquoeacutevolution) ndash ce sont des transfor-mations radicales contraintes ou deacutelibeacutereacutees impliquant un changement des scheacutemasinterpreacutetatifs

Repegraveres Un macrochangement chez Renault

laquo Fin 1984 la reacutegie compte 57 milliards de dettes soit la moitieacute de son chiffre drsquoaffaires Lesfrais financiers atteignent 7 milliards de francs lrsquoentreprise perd sur lrsquoanneacutee plus drsquounmilliard par mois Autant dire qursquoelle est en situation de faillite raquo (Loubet 2001) Cette crisea beaucoup marqueacute les esprits les changements qui suivent marquent une rupture avecle passeacute social de Renault Cette transition est brutale et douloureuse Renault doit srsquoenga-ger dans une profonde remise en cause de sa strateacutegie et conduire des restructurations

Informel

Conceptuel

Strateacutegie

VisionPositionsProgrammesProduits

Organisation

CultureStructureSystegravemesPersonnel

Concret

Formel

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Le changement organisationnel

In fine lrsquoanalyse du contenu du changement (en reacutefeacuterence agrave lrsquoapproche contextua-liste) reacutevegravele la grande diversiteacute des formes que peut revecirctir le pheacutenomegravene Cepen-dant quelles qursquoen soient les caracteacuteristiques rares sont les changements qui sedeacuteroulent sans difficulteacute Le processus ne se laisse pas maicirctriser aiseacutement il est aleacutea-toire et il y a fort agrave parier que le changement en fin de course ne soit pas parfaite-ment conforme au projet initial La cause la plus freacutequemment eacutevoqueacutee est celle dela reacutesistance au changement

importantes Mais Bernard Hanon alors agrave la tecircte de lrsquoentreprise ne parviendra pas agravemener cette mutation limiteacute dans ses actions par lrsquoEacutetat Cette situation conduira agrave soneacuteviction et agrave la nomination de Georges Besse en 1985 Ce dernier va conduire la restructu-ration afin de rendre lrsquoentreprise rentable et symboliser une transition sans preacuteceacutedent laquo Samission est drsquoentamer un nouveau chapitre de lrsquohistoire de Renault [hellip] et drsquoengagerRenault dans une profonde remise en cause de ses principes Agrave partir de 1985 la reacutegieRenault se transforme raquo (Loubet 2000)Besse libre de ses mouvements annonce 15 000 puis 20 000 emplois exceacutedentaires Ildira qursquolaquo il ne servirait agrave rien drsquoameacuteliorer la productiviteacute de nos usines si lrsquoon devait dans lemecircme temps consommer toute la productiviteacute ainsi gagneacutee dans un matelas bureaucrati-quehellip il faut partout reacuteduire nos structures diminuer les niveaux hieacuterarchiques raquo (Loubet2000) En cinq ans 22 000 emplois sont supprimeacutes dont 15 000 dans la branche automo-bile Ce laquo coup de tonnerre raquo marque une egravere nouvelle laquo lrsquoemploi agrave vie nrsquoest plus garantichez Renault La rupture avec le passeacute est profondehellip raquo (Loubet 2000) La politique drsquoausteacute-riteacute se poursuit Selon Leacutevy le successeur de Besse agrave la direction de lrsquoentreprise en 1986laquo pour reacutetablir lrsquoeacutequilibre de la reacutegie nous devons continuer la reacuteduction drsquoeffectifs lrsquoausteacute-riteacute et la vente drsquoactifs raquo (Loubet 2000) Mais les conseacutequences sociales et syndicales sontfortes En particulier lrsquoeacutepisode historique de lrsquoicircle Seguin aboutira agrave des prises drsquootages Lescadres seront mecircme menaceacutes drsquoecirctre jeteacutes agrave lrsquoeau Pour eacuteviter cette fermeture la CGT vaessayer de montrer que laquo lrsquousine peut tourner sans patron raquo La Neutral un veacutehicule popu-laire qui doit replacer Renault dans la voie de la croissance et donner du travail auxouvriers de Billancourt est inventeacute par le syndicat Le veacutehicule srsquoil ne deacutepasse pas le stadedu prototype traduit lrsquoattachement du personnel aux petites voitures et aux valeurssociale et culturelle de la marque (Loubet 2000 2001) Pour Leacutevy le plus grand change-ment est culturel laquo Ce que jrsquoai veacutecu crsquoest le bouleversement de lrsquoideacutee du fonctionnementdrsquoune entreprise Une entreprise ne peut pas ecirctre une vitrine sociale Elle doit ecirctre drsquoabordune vitrine de ses produitshellip Lrsquoobjectif de lrsquoentreprise ce nrsquoest pas son personnelhellip lapremiegravere chose ce sont ses clients raquo (Loubet 2000)Malgreacute les difficulteacutes pour opeacuterer ce changement les faits sont lagrave alors que Renaultperdait 125 milliards de francs en 1984 avec 2 millions de veacutehicules le groupe affichequelques anneacutees plus tard pour le mecircme volume de production un reacutesultat positif de9 milliards de francs

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Lrsquoapproche strateacutegique du changement organisationnel la maicirctrise des compeacutetences cleacutes et lrsquoopportuniteacute de lrsquoaction intentionnelle raquo

Thegravese de doctorat Universiteacute drsquoEvry Val drsquoEssonne 2004

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4 La reacutesistance au changement

La reacutesistance au changement traduit la capaciteacute des individus drsquoentraver le projetde reacuteforme Elle est largement eacutevoqueacutee par les managers comme eacutetant le principalfrein au processus de changement Ces derniers eacutevoquent mecircme lrsquoideacutee que leshommes nrsquoaiment pas le changement Ce qursquoil faut comprendre ici crsquoest quelrsquohomme par nature reacutesiste Cette affirmation est fortement critiquable car ellesuggegravere qursquoil srsquoagirait lagrave drsquoun invariant anthropologique (tous les individus seraientreacutesistants au changement) Or certains individus ont une surprenante propensionaux reacuteformes et les reacuteclament parfois activement En reacutealiteacute face au changement lescomportements sont multiples Selon nous il est possible drsquoen identifier quatre Ilssrsquoanalysent en fonction du degreacute drsquoengagement dans la reacuteforme (le comportementest plus ou moins positif vis-agrave-vis du projet) et du degreacute drsquoactivisme (le comporte-ment est plus ou moins visible) (figure 44)

Figure 44 mdash Les comportements face au changement

Les laquo opportunistes raquo sont les supporters du projet de changement Parce qursquoilsperccediloivent des beacuteneacutefices personnels ils soutiennent le projet et srsquoen font les promo-teurs Les laquo conformistes raquo adoptent une position laquo bof raquo Ils ne font pas obstacle auprocessus et adoptent les comportements requis Cependant ils sont assez indiffeacute-rents agrave la reacuteforme et ne la deacutefendent pas Les laquo observateurs raquo ne srsquoengagent pasdans le changement Ils sont en situation drsquoattente et de neutraliteacute Ils aligneront leurcomportement sur celui des opportunistes si le changement est un succegraves ou surcelui des laquo combattants raquo srsquoil eacutechoue Ces derniers adoptent une position de remiseen cause Ils srsquoengagent contre le projet et leur comportement est orienteacute vers lemaintien du statu quo

Drsquoun point de vue manageacuterial cette classification est drsquoun reacuteel inteacuterecirct Elle permetde positionner les individus de lrsquoorganisation dans des cateacutegories drsquoidentifier les

EngagementReacutesistance

Passiviteacute

Activisme

Observateur

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Le changement organisationnel

poches de reacutesistance potentielles et drsquoinitier des actions manageacuteriales adapteacutees agravechaque cible En effet les reacuteformateurs ont besoin drsquoindividus qui se font les deacutefen-seurs du changement en font la promotion et en sont les ambassadeurs dans lrsquoentre-prise Lrsquoenjeu est drsquoobtenir un effet de masse critique En effet lorsque le nombre desupporters augmente cela produit un effet de contamination sur les autres cateacutego-ries notamment les observateurs Il en reacutesulte une marginalisation des comporte-ments de reacutesistance le changement peut alors devenir reacutealiteacute

Finalement seuls les opportunistes portent le projet Ils nrsquoappartiennent donc pasagrave la cateacutegorie des reacutesistants A contrario les trois autres groupes lrsquointegravegrent Mecircmesi seuls les combattants sont des reacutesistants laquo purs raquo les observateurs et les confor-mistes ne se comportent pas en agents du changement crsquoest-agrave-dire en faveur de sadiffusion Il est donc impeacuteratif de comprendre quelles sont les causes de cette reacutesis-tance pour lrsquoatteacutenuer ndash mecircme si elle nrsquoest de mecircme importance selon les cateacutegoriesSix facteurs de la reacutesistance au changement peuvent ecirctre repeacutereacutes

Le premier est lieacute agrave lrsquoanxieacuteteacute provoqueacutee par la reacuteforme En drsquoautres termes cenrsquoest pas tant le changement qui provoque lrsquoanxieacuteteacute que lrsquoinconnu qui lrsquoaccompa-gne Celui-ci remet en question des repegraveres qui offraient une stabiliteacute psychologiquerassurante Crsquoest ainsi qursquoen situation drsquoanxieacuteteacute lrsquoindividu procegravede agrave de multiplesrationalisations qui font parti de son arsenal deacutefensif Il eacutelabore des scenarii incroya-bles (de licenciements de flicage de disparition des acquis sociauxhellip) souventinfondeacutes Cette fertiliteacute imaginaire est un moyen de restaurer un eacutequilibre psycholo-gique fragiliseacute Le second facteur renvoie agrave la remise en cause identitaire En effetlrsquoorganisation nourrit lrsquoindividu en termes de repreacutesentation de lui-mecircme Il cons-truit son identiteacute et existe socialement agrave travers son travail son appartenance agrave unmonde (un service un meacutetier) et agrave une entreprise Le changement peut donc provo-quer une remise en cause profonde de lrsquoidentiteacute de la personne en modifiant la naturede la relation qui la lie agrave lrsquoorganisation Le troisiegraveme facteur relegraveve du pouvoir Lesindividus ne sont pas aussi hostiles agrave rompre leurs habitudes pourvu que le change-ment leur soit profitable Neacuteanmoins ils y perccediloivent parfois un danger car celui-cimet ineacutevitablement en cause les conditions de leur jeu leurs sources de pouvoir etleurs liberteacutes drsquoaction en modifiant ou en faisant apparaicirctre les zones drsquoincertitudeqursquoils controcirclent Le quatriegraveme facteur relegraveve de lrsquoinfluence du groupe Le compor-tement drsquoun acteur agrave lrsquoeacutegard du changement doit ecirctre appreacutehendeacute par rapport ausystegraveme social dans lequel il srsquoinsegravere Or le groupe fonctionne selon des regravegles(normes rites) eacutetablies Leur inteacuteriorisation est forte les membres laquo achegravetent raquo leurinteacutegration en se conformant Puisque le groupe deacutetermine chez lrsquoindividu ce qui estbien et mal ce qui est souhaitable et non souhaitable le changement peut se heurteragrave ce systegraveme et briser lrsquoeacutequilibre creacuteeacute par les normes Le cinquiegraveme facteur est lieacute agravela culture drsquoentreprise Celle-ci conditionne et homogeacuteneacuteise les attitudes et lescomportements des acteurs en forgeant leurs repreacutesentations crsquoest-agrave-dire la maniegraveredont ils signifient les situations et les actions Or crsquoest en fonction de ces significa-tions qursquoils vont agir Le changement veacutehicule parfois des valeurs qui divergent aveccelles de lrsquoorganisation Les individus peuvent alors combattre ce qui met en danger

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ce en quoi ils croient profondeacutement Le sixiegraveme facteur concerne la connaissance etla compeacutetence des individus Le changement impose de faire un apprentissage detechniques et de meacutethodes Or les acteurs nrsquoont parfois pas les qualifications et lescompeacutetences pour effectuer ce qui leur est demandeacute

Repegraveres La reacutesistance au changement agrave VVF

Le groupe VVF (Village Vacances Famille) entreprend une reacuteforme majeure en 1997Lrsquoabandon du statut associatif aboutit agrave la creacuteation drsquoune socieacuteteacute anonyme (SA) chargeacutee dela gestion de ses activiteacutes commerciales et drsquoexploitation laquo Ce changement est dicteacute par laneacutecessiteacute drsquoinstaller le groupe VVF dans un cadre leacutegislatif et fiscal adapteacute agrave sa taille raquocommente Edmond Maire ancien secreacutetaire geacuteneacuteral de la CFDT et preacutesident de VVFPour faire face aux pressions financiegraveres lieacutees agrave ce nouveau statut (reacutegime de droitcommun incluant TVA taxe professionnelle et impocircts sur les socieacuteteacutes) et agrave une concur-rence plus vive VVF modifie ses approches commerciales sur les plateaux teacuteleacutephoniquesApparaissent progressivement des meacutethodes de controcircle de la performance des opeacutera-teurs Cette mesure de lrsquoefficaciteacute porte sur des critegraveres comme la qualiteacute de lrsquoaccueil auteacuteleacutephone lrsquoattitude commerciale lrsquoefficaciteacute et la rapiditeacute du traitement des demandesLes opeacuterateurs doivent deacutesormais atteindre leur objectif de reacuteservation (obligation delaquo creuser les appels raquo pour conclure la vente) obtenir le maximum de confirmations etavoir un taux de prise drsquoappels eacuteleveacute (avoir le souci de reacutepondre au teacuteleacutephone et de traiterson appel au plus vite) Ils doivent eacutegalement prospecter pour atteindre les objectifs fixeacutesFace agrave ce changement quelques opeacuterateurs adoptent des comportements drsquoindiffeacuterencelaquo Les objectifs jrsquoy pense le moins possible ccedila me stresse et je me sens mieux maintenantIl faut eacuteviter de se stresser pour les objectifs raquo Pour drsquoautres acteurs crsquoest lrsquoangoisse etlrsquoinquieacutetude qui dominent laquo il faut augmenter la prise drsquoappels on se deacutepecircche on neconcreacutetise pas alors comment on fait raquo laquo ils vont nous rabacirccher les chiffres toute lajourneacutee raquo De mecircme certains acteurs estiment qursquolaquo avec la SA ils peuvent faire ce qursquoilsveulent ils vont nous faire travailler le dimanche la nuit Ils vont mettre en place lrsquoannuali-sation du temps de travail et alors lagrave on peut srsquoattendre agrave tout raquo Des craintes sur la dispari-tion des acquis sociaux srsquoexpriment laquo la SA ccedila veut dire plus de flexibiliteacute ccedila va remettreen cause tous nos acquis le treiziegraveme mois il y aura moins drsquoaffectif de la guerre lacompeacutetition raquo laquo lrsquoaugmentation des objectifs va deacuteteacuteriorer lrsquoambiance de travail ccedila va ecirctrela compeacutetition raquo Le taux de prise drsquoappels est la source de reacuteactions virulentes laquo Crsquoestimpossible de faire vite et bien on ne peut pas rassurer un client pour qursquoil confirme etacceacuteleacuterer la conversation raquo Certains opeacuterateurs reacuteagissent de maniegravere affective laquo VVF aun passeacute derriegravere elle et on ne peut pas lrsquooublier comme ccedila raquo laquo la question financiegravere larentabiliteacute ce nrsquoest pas lrsquoavenir je crois que ce nrsquoest pas la bonne voie On perd tous nosclients drsquoavant ceux qui nrsquoeacutetaient pas trop argenteacutes raquo laquo VVF crsquoest gracircce agrave nos anciensclients et on leur ferme la porte crsquoest lamentable on est en dessous de tout raquoSur le plateau les conflits se multiplient en particulier entre les opeacuterateurs les animatriceset la responsable du plateau Les animatrices jugent leur responsable incompeacutetente laquo onest obligeacute de faire son travail avec le nocirctre ccedila devient impossible raquo selon lrsquoune drsquoellesLe deacutepart de la responsable du plateau est exigeacute aupregraves de la direction commerciale

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Le changement organisationnel

En synthegravese les dimensions du changement organisationnel sont multiples Enaccord avec lrsquoapproche contextualiste elles concernent le contexte le processus et lecontenu Nous y avons ajouteacute la reacutesistance afin de mieux cerner la capaciteacute des indi-vidus agrave faire obstacle au deacuteroulement du projet Cette eacutetape laisse deacutesormais place agraveune analyse des modegraveles de conduite du changement

LA CONDUITE DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

La reacuteussite des entreprises en matiegravere de changements organisationnels deacutepend engrande partie de la maniegravere dont ils ont eacuteteacute piloteacutes Et il existe une multitude demodegraveles afin drsquoaider les dirigeants et managers agrave conduire leurs projets de change-ment creacuteant de fait une confusion certaine Nous proposons donc de regrouper cesmodegraveles au sein de deux cateacutegories geacuteneacuteriques que nous nommons les paradigmesde gestion du changement chacun reposant sur une certaine conception de lrsquoactionmanageacuteriale Tandis que le paradigme gestionnaire met lrsquoaccent sur la neacutecessiteacute dedeacuteployer une strateacutegie de gestion du changement le paradigme complexe insiste surle rocircle des conditions initiales propres agrave lrsquoorganisation Bien qursquoils puissent ecirctreopposeacutes nous proposons de les combiner au sein drsquoun modegravele plus geacuteneacuteral dit de lacapaciteacute organisationnelle de changement Dans ce qui suit nous deacutevelopponssuccessivement les paradigmes gestionnaire et complexe de la gestion du change-ment et concluons en analysant le concept de capaciteacute organisationnelle de change-ment

1 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement

Le paradigme gestionnaire srsquoinspire de la penseacutee carteacutesienne Pour celle-cilrsquohomme en tant que laquo maicirctre et possesseur de la nature raquo selon lrsquoexpression deDescartes doit chercher agrave controcircler et maicirctriser le reacuteel En ce sens le paradigmegestionnaire met lrsquoaccent sur la dimension instrumentale de lrsquoaction manageacuteriale Leprocessus de changement est donc consideacutereacute comme un pheacutenomegravene maicirctrisable

Parallegravelement on assiste agrave un affrontement entre les animatrices et les opeacuterateurs Enfinlrsquoadoption des outils drsquoeacutevaluation de lrsquoefficaciteacute commerciale des opeacuterateurs sembleproduire des effets inverses la performance commerciale se deacutegrade les objectifs delrsquoanneacutee sont en passe de nrsquoecirctre pas atteints le comportement des opeacuterateurs devientinquieacutetant Les clients insatisfaits le font savoir ils se plaignent de lrsquoimpolitesse de leursinterlocuteurs Certains avouent mecircme faire laquo semblant drsquoappeler des clients raquo laquo On vaminer VVF de lrsquointeacuterieur on va couler la baraque raquo conclut cet opeacuterateur

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Chronique drsquoune transformation agrave VVF comment diagnostiquer et surmonter la reacutesistance au changement raquo CCMP 2005

Section 2

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mecircme srsquoil est susceptible drsquoecirctre freineacute par les reacutesistances des acteurs Aussi selon ceparadigme le management du changement repose sur le deacuteploiement de strateacutegiesgestionnaires Celles-ci peuvent ecirctre regroupeacutees autour de cinq modegraveles geacuteneacuteriques(des ideacuteaux types) Le tableau suivant preacutesente chaque modegravele leurs principalesrecommandations ainsi que leurs preacutesupposeacutes sur le fonctionnement de lrsquoorganisa-tion

Tableau 42 mdash Les modegraveles de gestion du changement

Analysons chacun de ces modegraveles et eacutetudions leurs recommandations leur preacutesup-poseacute organisationnel leurs limites et apports principaux

11 Le modegravele hieacuterarchique

Le modegravele hieacuterarchique correspond agrave une conception du changement imposeacute etplanifieacute Il sous-tend une vision interventionniste permettant le passage entre un eacutetatconstateacute et un futur deacutesireacute Selon cette approche le projet est conccedilu par les seulsmembres de la direction qui en ont une vision claire puis est pousseacute dans lrsquoorgani-sation Les acteurs supposeacutes mettre en œuvre les nouvelles orientations ne sont niconsulteacutes ni inciteacutes Le changement est abordeacute selon une perspective techniquecomme une succession drsquoeacutetapes (identification du problegraveme deacutetermination desoptions choix de la meilleure solution information mise en œuvre des actions etcontrocircle des reacutesultats) qui si elles sont bien planifieacutees font le succegraves de lrsquoopeacuteration

Lrsquoorganisation est vue ici comme un systegraveme meacutecaniste une entiteacute malleacuteable danslaquelle les individus adoptent les comportements qui leur sont prescrits Ce modegravele

Modegraveles de changementet modes drsquoimpleacutementation Conception de lrsquoorganisation

Modegravele hieacuterarchiquePlanification des eacutetapes du changement

Organisation laquo machine raquo les individus adoptent le changement sans lui reacutesister

Modegravele du deacuteveloppement organisationnelDispositif de soutien et drsquoaccompagnement des salarieacutes participation communication formation et incitation

Organisation laquo humaniste raquo les comportements sont reacutegis par les eacutemotions

Modegravele politiqueDispositif de neacutegociation pour assurer la convergence des inteacuterecirctsLeacutegitimiteacute des reacuteformateurs et appuis politiques

Organisation laquo aregravene politique raquo les comportements sont guideacutes par la satisfaction des inteacuterecircts personnels

Modegravele increacutementielAppui sur les routines existantes pour un changement increacutementiel

Organisation laquo contexte raquo les routines servent de guide comportemental

Modegravele symboliqueGestion symbolique du changement afin drsquoagir sur le sens

Organisation laquo sens raquo les significations partageacutees servent de base drsquointerpreacutetation des eacutevegravenements

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Le changement organisationnel

drsquoinspiration rationaliste voit le comportement humain comme une variable drsquoajus-tement (les individus partagent les mecircmes valeurs et objectifs) et ne lui attribueqursquoun faible pouvoir de blocage Degraves lors le changement est supposeacute suivre unetrajectoire en tout point conforme au projet initial

La deacutemarche coercitive preacutesente lrsquoavantage de la simpliciteacute et de la vitesse quant agravela conception du projet et agrave sa mise en œuvre Elle est drsquoailleurs conseilleacutee en cas decrise Par contre lrsquoeacutequipe reacuteformatrice nrsquoest pas omnisciente elle peut adopter unedeacutecision de changement peu approprieacutee comme elle peut deacutefinir une planificationinadeacutequate De mecircme en adoptant une vision strictement technique ce modegravelesous-estime la capaciteacute des acteurs de terrain (comme la hieacuterarchie intermeacutediaire) defreiner le projet drsquoen modifier la nature voire drsquoen provoquer lrsquoeacutechec Agrave lrsquoopposeacutele modegravele du deacuteveloppement organisationnel (DO) accorde une grande importance agravela dimension humaine

12 Le modegravele du deacuteveloppement organisationnel

Le DO focalise son analyse sur la dimension humaine Ses preacuteconisations sontqursquoun style de management axeacute sur les attitudes et les comportements permet deminimiser les reacutesistances Le succegraves du changement repose sur des mesuresdrsquoaccompagnement telles une politique drsquoinformation et de communication unsystegraveme de reacutecompenses et un dispositif de concertation Pour le DO en inteacutegrantles acteurs au projet en leur en communiquant les motifs et en les motivant ils semobiliseront pour le changement En un mot le consensus est la piegravece maicirctresse dumodegravele

Repegraveres Le changement participatif agrave HarwoodManufacturing Company

Harwood est une usine de pyjamas installeacutee agrave la campagne dans une petite ville appeleacuteeMarion en Virginie Dans cette usine les employeacutes sont pour la plupart de jeunes femmespeu instruites et recruteacutees parmi les habitants de la ville Des changements reacuteguliers sontintroduits et ces derniers sont toujours imposeacutes aux salarieacutes ndash les deacutecisions sont prises defaccedilon autocratique et le personnel est convoqueacute agrave des reacuteunions au cours desquelles leursont annonceacutees les modifications agrave opeacuterer Et les changements ne se font jamais aiseacutementAinsi mecircme srsquoil ne srsquoagit que de changements mineurs (comme plier les vestes et lespantalons de travail au lieu de ne plier que les vestes) des comportements de reacutesistance semanifestent On observe des plaintes des refus drsquoexeacutecution ce qui se traduit ineacutevitable-ment par une deacutegradation de la production et une augmentation de lrsquoabsenteacuteisme et duturnoverCrsquoest pour limiter la reacutesistance au changement que les managers aideacutes de consultantsmirent au point une expeacuterience Celle-ci consistait agrave deacutefinir trois groupes dont chacunferait lrsquoobjet drsquoun style de changement particulier Le premier groupe eacutetait le groupe de

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Le DO voit lrsquoorganisation comme un systegraveme affectif une entiteacute reacutegie par lessentiments Pour le DO qui est une deacutemarche drsquoinspiration humaniste le comporte-ment des individus est laquo facile agrave influencer raquo pourvu que ceux-ci soient associeacutes auprocessus et reacutecompenseacutes pour cela Le changement est alors perccedilu comme uneopportuniteacute drsquoameacuteliorer la performance de lrsquoorganisation gracircce agrave lrsquoeacutepanouissementdes individus En ce sens le DO est plus qursquoune deacutemarche de changement crsquoest unephilosophie de management

Le DO preacutesente lrsquoavantage de consideacuterer le changement sous un angle social etnon plus exclusivement technique Pourtant on peut reprocher au DO son ideacutealismeLrsquohomme serait fondamentalement bon Or lrsquoindividu ne lrsquoest pas toujours et sonaction peut ne pas aller dans le sens de lrsquointeacuterecirct collectif Il adopte des comporte-ments qui parfois nuisent agrave lrsquoefficaciteacute organisationnelle En postulant que les affectssont au cœur des comportements le DO sous-estime le rocircle des inteacuterecircts individuelsainsi que les jeux politiques

13 Le modegravele politique

Le modegravele politique met lrsquoaccent sur la pluraliteacute des acteurs et la divergence desinteacuterecircts Lrsquoadoption et lrsquoimplantation drsquoune reacuteforme reacuteveillent etou accentuent lesjeux de pouvoir Dans ces conditions la reacuteussite de lrsquoopeacuteration deacutepend du degreacute deconvergence entre les inteacuterecircts des acteurs et les finaliteacutes du projet Il est questionpour le manager de jouer le rocircle de facilitateur et de neacutegociateur en mettant en

controcircle le changement eacutetait imposeacute de maniegravere autocratique par la direction Le secondse caracteacuterisait par une deacutemarche plus deacutemocratique les salarieacutes choisissaient des repreacute-sentants qui discutaient des deacutetails du changement avec la direction envisageaient denouvelles meacutethodes et formaient ensuite leurs collegravegues Enfin dans le troisiegraveme groupela deacutemarche de changement eacutetait participative crsquoest-agrave-dire que tous les employeacutes eacutetaientassocieacutes agrave la deacutemarche de changement et les deacutecisions eacutetaient prises en eacutetroite collabora-tion avec les managersAgrave lrsquoissue des quarante jours de lrsquoexpeacuterience les consultants remarquegraverent que lorsque lesemployeacutes eacutetaient inteacutegreacutes agrave la deacutemarche de changement la productiviteacute augmentaitDans le groupe de controcircle les reacutesistances demeuraient vivaces et lrsquoabsenteacuteisme se main-tenait agrave un niveau eacuteleveacute Dans les deuxiegraveme et troisiegraveme groupes les reacutesistances se reacutedui-saient et lrsquoabsenteacuteisme et le turnover avaient quasiment totalement disparus En outre lesreacutesultats de production srsquoeacutetaient significativement ameacutelioreacutes Si le premier groupe produi-sait 48 uniteacutes agrave lrsquoheure (et se situait en dessous de la moyenne de 60 uniteacutes) le deuxiegravemegroupe produisait 68 uniteacutes agrave lrsquoheure et le troisiegraveme 73 uniteacutes agrave lrsquoheure Il eacutetait donc possi-ble drsquoeacutetablir une relation de cause agrave effet entre degreacute de participation aux deacutemarches dechangement productiviteacute et reacutesistance

Agrave partir de COCH L et FRENCH J R P laquo Overcoming Resistance to Change raquoHuman Relations vol 1 ndeg 4 1948 et AUBERT N GRUEgraveRE J-P JABES J LAROCHE H

et MICHEL S Management aspects humains et organisationnels Eacutedition PUF 1999

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Le changement organisationnel

eacutevidence les avantages que le changement procure aux individus tout en en atteacutenuantles inconveacutenients Mais son action doit viser les cateacutegories drsquoacteurs internes (sala-rieacutes comiteacute drsquoentreprise deacuteleacutegueacute du personnelhellip) comme externes (syndicatsactionnaireshellip) car tous sont en mesure drsquoinfleacutechir le processus Pour ce modegravele lechangement ne reacuteussira que si une masse critique drsquoindividus est convaincue de soninteacuterecirct Alors elle se fera lrsquoambassadeur du projet et en assurera la diffusion Lepilote du changement doit donc acqueacuterir une leacutegitimiteacute politique afin de trouver desallieacutes et les convaincre des avantages qursquoils pourront retirer du changement Par sonhabileteacute il utilise les subtiliteacutes du pouvoir pour manœuvrer

Ce modegravele voit lrsquoorganisation comme une aregravene politique dans laquelle les rela-tions de pouvoir reacutegulent le systegraveme social Chaque joueur est doteacute drsquoobjectifspropres et controcircle diffeacuterentes ressources des affrontements plus ou moins ouvertspour le maintien ou lrsquoacquisition des pouvoirs caracteacuterisent la vie de lrsquoorganisationEt le comportement des individus est exclusivement domineacute par leurs inteacuterecirctspersonnels

Ce modegravele srsquoavegravere donc plus reacutealiste il souligne la neacutecessiteacute pour le reacuteformateurde se construire une leacutegitimiteacute politique pour agir sur lrsquoorganisation Pour autantcela suppose un reacuteformateur particuliegraverement habile car il doit drsquoune part bien iden-tifier qui sont les acteurs influents et drsquoautre part srsquoen faire des allieacutes Toutefois cemodegravele (comme les deux preacuteceacutedents) tend agrave neacutegliger le rocircle du passeacute dans lamaniegravere de conduire le changement

14 Le modegravele increacutementiel

Le modegravele increacutementiel met en eacutevidence le poids des deacutecisions passeacutees de laculture de la structure et des routines organisationnelles dans le processus de chan-gement Autrement dit ces eacuteleacutements drsquoheacutereacutediteacute modegravelent la situation nouvelle surlrsquoancienne Le changement est ainsi toujours le produit de lrsquohistoire de lrsquoorganisa-tion Il subit des contraintes anteacuterieures mais en contribuant agrave la faccedilonner il creacutee descontraintes ulteacuterieures Le changement ne se deacutemarque donc jamais totalement descaracteacuteristiques de lrsquoentreprise les deacutecisions drsquohier faccedilonnent celles drsquoaujourdrsquohuiDans ces conditions la gestion du changement consiste agrave ne pas neacutegliger les traitsorganisationnels existants et agrave laisser le contexte local construire le changementavant qursquoil ne prenne sa forme globale Selon cette approche il nrsquoest pas question deplaquer une forme deacutetermineacutee Le changement se construit progressivement par desprocessus drsquoadaptations locales et drsquoappropriations individuelles et collectives Il estquestion de prendre appui sur le contexte pour srsquoen deacutemarquer progressivement

Ce modegravele voit lrsquoorganisation comme le produit drsquoune histoire dont il est difficilede se deacutefaire Les caracteacuteristiques de lrsquoentreprise sont stables par nature et elleslrsquoenracinent Les comportements des acteurs srsquoanalysent alors en reacutefeacuterence agrave cettehistoire Ils en reacutesultent comme ils contribuent agrave la construire

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Lrsquointeacuterecirct de cette approche est de souligner les difficulteacutes de lrsquoaction intention-nelle Srsquoil veut que le changement reacuteussisse le reacuteformateur doit permettre auxacteurs de srsquoemparer partiellement du projet En participant agrave sa conception lesreacuteformeacutes se construisent des repegraveres nouveaux sans se deacutetacher totalement desanciens Pour ce modegravele le reacuteformateur doit dans une certaine mesure accepter devoir le projet lui eacutechapper et se modifier en dehors de son controcircle Il ne peut agirque de maniegravere increacutementale

Repegraveres Le passeacute social de VVF pegravese sur sonavenir

Creacuteeacutee dans les anneacutees cinquante VVF (Village Vacances Famille) reacutepond aux objectifs delrsquoeacutepoque deacutemocratiser les vacances Le gouvernement avait mis en place une politiquesociale des vacances afin de permettre aux familles agrave revenus modestes de partir en vacan-ces Crsquoest sur ce projet ambitieux et geacuteneacutereux laquo les vacances pour tous raquo que VVF est bacirctiPourtant en septembre 1998 VVF deacutecide un plan social touchant 140 personnes (lesplateaux teacuteleacutephoniques sont fermeacutes drsquoabord celui de Lyon puis celui de Dourdan)Edmond Maire son preacutesident appelle agrave une laquo veacuteritable conversion mentale raquo et agrave laquo uneattitude et des pratiques radicalement diffeacuterentes de celles qui ont preacutevalu ces derniegraveresanneacutees raquo Lrsquoancien secreacutetaire geacuteneacuteral de la CFDT affirme que VVF a laquo un gros problegravemeculturel agrave fortes retombeacutees eacuteconomiques neacutegatives la tendance agrave ameacuteliorer les presta-tions agrave creacuteer des emplois pour y faire face passe avant les eacutequilibres eacuteconomiques avantlrsquoameacutelioration des salaires avec une apparente acceptation passive du personnel [hellip]Lrsquoavenir de lrsquoentreprise appelle des changements importants la recherche du rendementde la rentabiliteacute doit deacutesormais ecirctre un preacutealable agrave chacun de nos actes [hellip] VVF vit au-dessus de ses moyens et nrsquoest pas lanceacute dans la bataille de la productiviteacute raquo Ce plan socialbaptiseacute laquo plan drsquoaction raquo vise notamment agrave ameacuteliorer la productiviteacute du groupe en reacutedui-sant ses charges fixes Cette deacutecision difficile pour lrsquoex-leader de la CFDT doit normale-ment assainir la situation financiegravere de VVF Malgreacute une croissance de 5 en 1998 legroupe affiche pour la deuxiegraveme anneacutee conseacutecutive un reacutesultat neacutegatif Agrave lrsquoannonce de ceplan social qui devait aboutir agrave la suppression de laquo seulement raquo 40 emplois (le restefaisant lrsquoobjet de reclassement) les syndicats reacuteagirent brutalement Ainsi selon cettedeacuteleacutegueacutee CFDT laquo parler de mobiliteacute et de projets professionnels agrave des smicards on sait quecrsquoest utopique En dehors du plan social de nombreux saisonniers vont perdre des mois decontrat ni vu ni connu Nous sommes plus qursquoinquiets eacutecœureacutes raquo Lrsquointersyndicale de VVFa ducirc mal agrave avaler la couleuvre laquo VVF Vacances se deacuteveloppe se restructurehellip et licencie raquolit-on en tecircte de son communiqueacute Et les inquieacutetudes srsquoaccentuent lorsqursquoen avril PatriceGarnier le preacutesident de C3D branche de la Caisse des deacutepocircts et consignations annonceque son entreprise se preacutepare agrave augmenter jusqursquoagrave 80 sa participation au capital de lasocieacuteteacute VVF Vacances et signifie clairement que celle-ci doit accroicirctre sa rentabiliteacute CFDTCGT CFTC et FO supportent difficilement le message laquo Deacutesormais les mentaliteacutes vontchanger raquo remarque Madeleine Talagrand repreacutesentante de la CFDT laquo Il va falloir reacutemuneacute-rer les actionnaires et lrsquoargent investi Crsquoest la privatisation drsquoun investissement social deplus de quarante ans qui srsquoest construit gracircce agrave la Caisse des deacutepocircts et aux subventions delrsquoEacutetat agrave travers le statut associatif raquo laquo Crsquoest de lrsquoescroquerie agrave tous les niveaux raquo srsquoexclameJean-Franccedilois Chierbert de la CGT

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Le changement organisationnel

Enfin le modegravele symbolique propose une analyse centreacutee sur la production desens

Quelques mois plus tard le preacutesident Maire annonce qursquoil quitte la direction drsquoun groupeqursquoil a preacutesideacute durant dix ans il prend le rocircle honorifique (et nrsquoexercera aucune responsabi-liteacute opeacuterationnelle) de preacutesident de lrsquoassociation VVF qui deacutetient 51 du groupe VVFSocieacuteteacute Anonyme Son deacutepart est preacutevu pour avril 1999 Crsquoest Olivier Colcombet entreacute il y aun an transfuge des Galeries Lafayette qui est introniseacute nouveau numeacutero un du groupeLes ambitions du nouveau directeur exeacutecutif sont drsquoabord de restaurer la profitabiliteacute dugroupe pour atteindre un reacutesultat net positif de 5 millions drsquoeuros (seuil de lrsquoautonomiefinanciegravere)Pour atteindre cet objectif Olivier Colcombet fixe cinq actions principales bull la mise en œuvre du laquo plan drsquoaction raquo afin de reacuteduire de 3 millions drsquoeuros les chargesfixes de lrsquoentreprise bull le renforcement de la capaciteacute drsquoaccueil par lrsquoextension de 7 villages (sur les 130 quecompte le groupe) et la construction de 400 appartements chalets bull lrsquoaugmentation du chiffre drsquoaffaires en basse saison bull lrsquoouverture de trois ou quatre gros villages (1 000 appartements) repreacutesentant plusieurscentaines de millions drsquoinvestissements bull le renforcement de lrsquoimage de VVF avec notamment la creacuteation de veacuteritables boutiquesde ventes dans les grandes villes pour mieux lutter contre ses concurrents Pierre et Vacan-ces ou le Club MedSelon Olivier Colcombet ces actions sont ineacutevitables et indispensables car VVF est deacutesor-mais devenu laquo une entreprise comme les autres raquo qui ne beacuteneacuteficie plus des aides de lrsquoEacutetatUn discours drsquoentrepreneur partageacute agrave 100 par Edmond Maire Signe symbolique de cettemutation le groupe VVF Vacances abandonne en juillet 2002 son siegravege historique de laVillette pour celui de Gentilly dans le Val de Marne Selon lrsquoactuel preacutesident laquo ce travail dereconstruction de lrsquoentreprise eacutetait indispensable Ne rien faire crsquoeacutetait prendre un risque Ilfallait donner de la valeur agrave une entreprise qui perdait de lrsquoargent raquo Le temps de lrsquoassocia-tion est deacutesormais reacutevolu VVF est controcircleacute agrave 80 par la C3D laquo bras armeacute raquo et filialedrsquoinvestissement de la Caisse des deacutepocircts et consignations et est entreacute de plain-pied dans lesecteur concurrentiel Autre signe la refonte des structures centrales preacutevoit la suppres-sion de 150 postes et la creacuteation de 70 autres agrave laquo haute valeur ajouteacutee raquo La strateacutegie dedeacuteveloppement est clairement afficheacutee positionner lrsquooffre laquo un produit confortable agrave untarif bien positionneacute agrave porteacutee de voiture raquo reacutenover les uniteacutes vieillissantes et investir 100 agrave200 millions drsquoeuros au cours des quatre prochaines anneacutees et conqueacuterir lrsquoeacutetranger pourlimiter lrsquoeacuterosion des ventes sur le territoire national

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15 Le modegravele symbolique

Ce modegravele met lrsquoaccent sur le rocircle du sens et des significations dans le processusde changement En effet selon Weick (1979) le changement attire lrsquoattention desacteurs de lrsquoentreprise parce qursquoil est dissemblable de ce qursquoils ont connu aupara-vant Ces derniers vont lui donner un sens (crsquoest-agrave-dire le rendre intelligible) agrave partirde lrsquoopeacuteration mentale appeleacutee enactment Lrsquoenactement (ou mise en scegravene de lareacutealiteacute) doit permettre de renouveler les scheacutemas drsquointerpreacutetation pour que soitrendue intelligible la nouvelle situation Mais cette mise en acte mentale nrsquoopegravere pasen toutes circonstances Les individus peuvent davantage ecirctre tenteacutes drsquoopeacuterer uneseacutelection crsquoest-agrave-dire de produire des significations agrave partir des anciens scheacutemasdrsquointerpreacutetation Cette confirmation leur permet en effet drsquoaccroicirctre lrsquointelligibiliteacutedes situations car ils choisissent les explications qui viennent confirmer les ancien-nes pratiques drsquointerpreacutetation Celles-ci sont en effet stockeacutees selon un processusde reacutetention crsquoest-agrave-dire de meacutemorisation des modes de penseacutee En mettantlrsquoemphase sur lrsquoattribution de sens ce modegravele preacuteconise que la conduite du change-ment soit fondeacutee sur la production de sens En effet la signification que les reacutefor-meacutes donnent au projet conditionne leur interpreacutetation et leur engagement Lereacuteformateur doit permettre que srsquoopegravere la mise en scegravene mentale et limiter les inter-preacutetations sur la base des anciens scheacutemas Agrave cet eacutegard le rocircle des leaders transfor-mationnels est souvent eacutevoqueacute En situation de changement donc drsquoincertitude leleader est celui qui par ses caracteacuteristiques personnelles emporte lrsquoadheacutesion etmobilise pour lrsquoaction Le leader transformationnel incarne le changement et endevient la figure embleacutematique il marque la volonteacute de mouvement en portant et endiffusant une nouvelle vision de lrsquoentreprise Par sa vision il agit sur les interpreacuteta-tions son action identitaire produit du sens Il est celui qui porte et assume lrsquoeacutevolu-tion identitaire de lrsquoorganisation Figure deacutemiurgique le leader transformationnelest lrsquoarchitecte social du changement

Cette approche conduit agrave consideacuterer lrsquoorganisation comme un systegraveme social bacirctisur des significations Toute action dans lrsquoorganisation produit du sens et le change-ment plus que toute autre intention manageacuteriale accentue les processus de creacuteationde sens Les comportements sont donc agrave analyser comme le produit de cette activiteacutementale les actes sont guideacutes par lrsquointelligibiliteacute que les individus ont (et fabri-quent) des situations

Le modegravele interpreacutetativiste donne aux repreacutesentations un rocircle central Il integravegreune dimension nouvelle dans la conduite des changements celle de la reacutegeacuteneacuterationdes repreacutesentations afin drsquoaider lrsquoenactment Pour autant cela suppose un reacuteforma-teur doteacute drsquoaptitudes transformationnelles capable drsquoincarner la transition identi-taire

Ces diffeacuterents modegraveles offrent incontestablement une vision eacuteclairante de laconduite du changement Ils veacutehiculent cependant une conception trop speacutecifique etfragmenteacutee de lrsquoaction manageacuteriale de transformation Si collectivement leur apportest reacuteel en termes de compreacutehension du pheacutenomegravene individuellement leur pouvoir

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Le changement organisationnel

normatif est relativement faible car la conception de lrsquoorganisation et du processusde changement sur laquelle repose leur prescription est partielle Nombre drsquoauteursont ainsi souligneacute la neacutecessiteacute de conduire le changement dans une perspectivemultidimensionnelle Il est donc peu pertinent de consideacuterer ces modegraveles commeuniversels car leur validiteacute deacutepend du contexte organisationnel et du type de change-ment On peut par exemple leacutegitimement penser que le modegravele hieacuterarchique estparticuliegraverement adapteacute agrave un microchangement mais qursquoil est peu approprieacute pour unchangement culturel Finalement ces modegraveles sont agrave appreacutehender dans une perspec-tive contingente

Pour autant ces approches si elles varient quant agrave leurs prescriptions reposent surun postulat commun le changement se gegravere Bon greacute mal greacute le reacuteformateurparviendra agrave changer la situation de lrsquoorganisation Certains auteurs se sont eacuteleveacutescontre cette conception fortement empreinte de rationalisme et ont souligneacute les limi-tes drsquoune telle conception de lrsquoaction manageacuteriale Clemer (1995) postule ainsi quelaquo le concept de gestion du changement repose sur le mecircme raisonnement dangereu-sement seacuteduisant que celui sur lequel repose le concept de planification strateacutegique[hellip] Le changement ne peut ecirctre geacutereacute On peut lrsquoignorer lui reacutesister le creacuteer ou entirer partie mais on ne peut pas le geacuterer ou le faire avancer au moyen drsquoun quelcon-que processus ordonneacute raquo (in Mintzberg et al 1999) Eacutemerge ce que nous nommonsle paradigme complexe de la gestion du changement

2 Le paradigme complexe de la gestion du changement

Pour ce paradigme les logiques du changement ne respectent pas celles delrsquoaction intentionnelle En drsquoautres termes le changement subit des distorsions quialtegraverent sa trajectoire et la rendent aleacuteatoire Ainsi lrsquointention de changement nepeut srsquoabstraire de la complexiteacute organisationnelle pour laquelle les conseacutequencesdes actions initieacutees sont impreacutevisibles Lrsquoaction intentionnelle de changement peutalors mener agrave des effets inattendus voire contraires agrave lrsquointention initiale Commelrsquoexplique Thieacutetart (2001) laquo la notion de complexiteacute implique celle drsquoeacutemergencepossible du nouveau raquo Il en reacutesulte en fin de course une impossibiliteacute de maicirctriser leprocessus de changement

Cela provient selon la theacuteorie de la complexiteacute du fait que les organisations sontdes systegravemes non lineacuteaires dynamiques Ils se caracteacuterisent par un comportementimpreacutevisible un grand nombre drsquoentiteacutes en interaction une initiative deacutecentraliseacuteeet une deacutecomposition impossible La non-preacutevisibiliteacute reacutesulte de lrsquoimpossibiliteacute deretracer le cheminement des effets des variables Peuvent se produire des comporte-ments laquo acausaux raquo conseacutequence du nombre illimiteacute drsquointeractions et de boucles dereacutetro et proaction Cette impreacutevisibiliteacute est renforceacutee par la deacutecentralisation desinitiatives Il est en effet impossible drsquoidentifier les actions geacuteneacutereacutees et a fortiorileurs effets sur le comportement du systegraveme Il en deacutecoule enfin une irreacuteductibiliteacutede lrsquoorganisation celle-ci ne pouvant ecirctre appreacutehendeacutee agrave partir des actions de ses

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membres Il en reacutesulte que les organisations ne sauraient obeacuteir agrave quelconque loielles sont gouverneacutees par une grande incertitude Aussi comme le fait remarquerThieacutetart (2001) laquo le rationnel le lineacuteaire et le planifieacute ougrave le risque est mesureacuteeacutevalueacute assumeacute par un acteur unique est meacutelangeacute agrave lrsquointuition et au hasard [hellip]Lrsquoeacutelaboration de seacutequences drsquoaction preacutedeacutetermineacutees semble degraves lors voueacutee agravelrsquoeacutechechellip raquo En conseacutequence de ces limites le paradigme complexe souligne lasensibiliteacute de lrsquoorganisation aux conditions initiales

Repegraveres Le rocircle des conditions initiales laTwingo naicirct du projet IRIS

Le projet IRIS naicirct lorsque Bernard Hanon estimant que le bureau drsquoeacutetude nrsquoest pas suffi-samment inventif en creacutee un second le BEREX (bureau drsquoeacutetude et de recherche explora-toire) Le rocircle de la nouvelle entiteacute est laquo drsquoaller plus vite que lrsquoorganisation Renault etsurtout drsquoinnover raquo et ce dans les eacutetudes de petites seacuteries et la recherche avanceacutee Le projetIRIS initieacute par le BEREX amorce laquo une reacutevolution culturelle raquo Renault qui doit apprendrela productiviteacute srsquointerroge sur la conception drsquoune usine de montage aussi productive queles usines japonaises ainsi que sur lrsquoinvention drsquoun petit veacutehicule Pour conduire cettereacuteflexion les ingeacutenieurs eacutetudes et meacutethodes et une douzaine drsquoeacutequipementiers sontreacuteunis pour la premiegravere fois dans un lieu commun le plateau-projet IRIS aboutit agravelrsquoentreacutee en scegravene des concepteurs socio-organisationnels Ceux-ci doivent faciliter la coor-dination entre les uniteacutes fonctionnelles et favoriser la transversaliteacute La reacuteflexion engageacuteepermet de rendre explicite des hypothegraveses de fonctionnement de lrsquousine qui eacutetaientjusqursquoalors resteacutees implicites primauteacute des fonctions techniques stabiliteacute du produit etdu process structure cloisonneacuteehellip En ce sens le projet IRIS interroge lrsquoorganisation geacuteneacute-rale de lrsquoentreprise et sa capaciteacute agrave construire des usines hyperproductives Il met eacutegale-ment en eacutevidence que les caracteacuteristiques structurelles et culturelles de Renault rendentquasi-impossible la construction drsquousines aussi performantes que celles des constructeursjaponaisSi IRIS se solde par un eacutechec le projet produit un apprentissage pour Renault Drsquoune part ilsrsquoagit de la premiegravere collaboration sur un mecircme plateau-projet entre les ingeacutenieursdrsquoeacutetudes et des meacutethodes sur un projet agrave orientation industrielle Les reacutesultats en termesde raccourcissement des deacutelais et drsquoameacutelioration des niveaux de productiviteacute (atteignantceux des meilleurs concurrents) vont convaincre le comiteacute de direction de lrsquointeacuterecirct de cedispositif Drsquoautre part la reacuteflexion entameacutee avec IRIS conduit agrave remettre en cause desmodes de raisonnement profondeacutement ancreacutes dans les scheacutemas cognitifs (lrsquoimportancedes fonctions techniques et le cloisonnement des meacutetiers) IRIS deacutemontre ainsi qursquounprojet automobile doit mobiliser une plus grande diversiteacute de points de vue la prise encompte de la complexiteacute industrielle et technique ne peut ecirctre distincte des preacuteoccupa-tions sociales et marketing De mecircme la proximiteacute permet de mobiliser les acteurs autourde projets agrave forts enjeux et drsquoobtenir un soutien sans faille Avec IRIS Renault laquo invente raquodonc une nouvelle faccedilon de concevoir des voitures Lrsquoinnovation automobile qursquoest laTwingo en sera le symbole Elle viendra laquo reacuteveiller raquo les repreacutesentations et connaissancesgeacuteneacutereacutees dans le cadre du projet IRIS

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Le changement organisationnel

Appliqueacute agrave la gestion de changement ce paradigme suggegravere que plutocirct que dechercher agrave maicirctriser le processus de changement en le pilotant il convient de creacuteerles conditions organisationnelles qui le faciliteront Cette approche preacuteconise doncdrsquoinstitutionnaliser le changement de le rendre permanent et continu afin qursquoildevienne une routine une aptitude enracineacutee dans les processus de lrsquoentreprise Cetencastrement est la voie exploreacutee par lrsquoapprentissage organisationnel Voyons dansquelle mesure lrsquoapprentissage est susceptible de faire du changement un eacutetat perma-nent de lrsquoentreprise

Selon March (1991) la reacuteponse reacuteside dans le deacuteploiement des processusdrsquoexploitation et drsquoexploration Car comme le souligne Weick (1977) laquo faire ce quelrsquoon a toujours fait est neacutecessaire dans lrsquoadaptation agrave court terme Faire ce que lrsquoonnrsquoa jamais fait est neacutecessaire dans lrsquoadaptation agrave long terme et les deux sont neacuteces-saires simultaneacutement raquo (Thieacutetart et Forgues 1993) Reprenons chaque modaliteacute etexpliquons en quoi elles transcendent le changement

Lrsquoexploitation se reacutefegravere agrave lrsquoaccumulation drsquoexpeacuterience Ainsi lorsqursquoune pratiquede gestion est agrave lrsquoœuvre dans une organisation et se reacutepegravete reacuteguliegraverement les acteursaccordent une attention particuliegravere aux reacutesultats obtenus Lorsque ceux-ci srsquoeacuteloi-gnent des objectifs attendus ils en analysent les raisons et laquo corrigent le tir raquo Cettereacuteflexion sur lrsquoaction aboutit donc le plus souvent agrave une ameacutelioration des modes degestion Crsquoest ainsi que les pratiques en vigueur dans une organisation se perfection-nent sous lrsquoeffet de leur reacutepeacutetition En ce sens lrsquoapprentissage par lrsquoexploitationconduit lrsquoentreprise agrave introduire des changements mineurs incessants des ajuste-ments constants Les individus sont alors pris dans un mouvement continu en reacutevi-sant reacuteguliegraverement leurs faccedilons de travailler ils deacuteveloppent des capaciteacutesdrsquoapprentissage Pour eux la constante nrsquoest plus la stabiliteacute mais le changement

Le projet X06 ou Twingo va ainsi marquer lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon de concevoirdes voitures Reacuteussite exemplaire sur le plan commercial et veacuteritable reacutevolution en matiegraverede management de projet le projet X06 constitue un moment fort dans lrsquohistoire deRenault Lrsquoeacutevolution consiste drsquoabord agrave rendre le projet plus autonome en termes de prisede deacutecisions Avec un responsable et une eacutequipe deacutedieacutes le projet prend le pas sur lrsquoorgani-sation par meacutetiers Les fonctions deviennent progressivement des reacuteservoirs drsquoexpertisequi precirctent leurs ressources aux projets en cours Lrsquoautonomisation des projets srsquoaccompa-gne eacutegalement drsquoune deacutemarche nouvelle la concourance Pour Midler (1993) laquo tous lesmeacutetiers du deacuteveloppement interviennent non pas seacutequentiellement mais ensemble toutau long du projet raquo Les interventions des expertises meacutetiers ne sont plus limiteacutees agrave unephase du processus mais srsquoeffectuent tout au long de celui-ci

Agrave partir de SOPARNOT R laquo Gestion du changement et apprentissage organisationnel raquoin MEIER O Gestion du changement Dunod Coll laquo Gestion Sup raquo 2007 et SOPARNOT R

laquo De la capaciteacute de gestion du changement agrave la gestion de la capaciteacute de changement le concept de capaciteacute organisationnelle de changement raquo

Habilitation agrave diriger des recherches Universiteacute de Rennes 1 2008

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

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Lrsquoexploration consiste agrave renouveler les pratiques organisationnelles Il est questionde srsquoeacuteloigner de ce qui existe deacutejagrave dans lrsquoorganisation de faire ce qui nrsquoa jamais eacuteteacutefait drsquoinventer et drsquoexpeacuterimenter des pratiques totalement ineacutedites Pour celalrsquoentreprise doit questionner ses modes drsquointerpreacutetation des situations afin drsquoimagi-ner des faccedilons nouvelles de faire les choses En ce sens lrsquoapprentissage par explora-tion transcende le changement organisationnel Lrsquoentreprise parvient drsquoune part agraveinstiller une culture du changement et drsquoautre part agrave se doter drsquoun reacuteservoir de solu-tions potentielles Ainsi lorsque des reacuteformes importantes seront neacutecessaires lessalarieacutes seront plus enclins agrave soutenir et adopter des nouveauteacutes pour lesquelles ilsont eacuteteacute en quelque sorte preacutepareacutes De la mecircme maniegravere les solutions eacutelaboreacutees parle biais des expeacuterimentations font partie du patrimoine de lrsquoentreprise Elles consti-tuent des reacuteponses possibles agrave des eacutevolutions environnementales ulteacuterieures Commelrsquoexpliquent Thieacutetart et Forgues (1993) laquo lrsquoexpeacuterimentation de nouveaux paradig-mes organisationnels permet le deacuteveloppement de catalogues de configurations danslesquels lrsquoorganisation peut puiser lorsque les forces de changement lrsquoemportent surla viscositeacute et les reacutesistances de cette derniegravere raquo

Repegraveres La discussion experte agrave Intel

Intel est une socieacuteteacute ameacutericaine speacutecialiseacutee dans la fabrication de circuits inteacutegreacutes Elle aeacuteteacute fondeacutee par Gordon Moore Robert Noyce et Andrew Groove alors qursquoils venaient dequitter la Fairchild Semiconductor une socieacuteteacute de conception et de fabrication de circuitsinteacutegreacutes Quelques anneacutees plus tard les entrepreneurs inventent le microprocesseur lrsquoinnovation est baptiseacutee Intel 4004 Cette reacutevolution technologique et celles qui ont suiviexpliquent la position drsquoIntel de premier fabricant mondial de semi-conducteurs et demicroprocesseurs En 2008 lrsquoentreprise a reacutealiseacute un chiffre drsquoaffaires de 376 milliards dedollarsLe succegraves drsquoIntel vient aussi de la faccedilon dont lrsquoentreprise gegravere ses eacutequipes en privileacutegiantlrsquointeacutegration des employeacutes Agrave Intel lrsquoapprentissage organisationnel est une reacutealiteacute et ilrepose en partie sur la technique de la discussion experte Celle-ci est expeacuterimenteacutee danslrsquoentreprise fin 1992 lorsque le directeur de lrsquouniteacute drsquoassemblage et de semi-conducteursdrsquoArizona Ed Carpenter srsquoaperccediloit de la neacutecessiteacute drsquointeacutegrer une vision partageacutee au travailquotidien des collaborateurs Il remarque qursquoIntel accorde beaucoup de valeur au travaildrsquoeacutequipe et veut diffuser une vision commune au sein de son uniteacute Pour ce faire le direc-teur se rend au Centre drsquoapprentissage organisationnel du MIT dont lrsquoentreprise estmembre Et crsquoest lagrave que Peter Senge lui indique Rick Ross Ce dernier va lrsquoaider agrave deacutevelopperla pratique reacuteguliegravere de la discussion experte chez IntelLa pratique de la discussion experte deacutebute lorsque le directeur de lrsquousine eacutevoque le thegravemedu travail en eacutequipe et dit agrave ses collaborateurs qursquoil estime que son uniteacute ne travaille pas eneacutequipe En fait il voulait dire que les individus ne srsquointeacuteressaient pas aux autres et quelrsquoindividualisme preacutevalait parmi les membres de lrsquoeacutequipe de direction ce qui ne contribuaiten rien au deacuteveloppement global de lrsquoentreprise Cependant comme le directeur nrsquoeacutetaitpas habitueacute agrave ce type de discussions il nrsquoa pas vraiment expliqueacute ce qursquoil y avait derriegravereson discours sur le travail en eacutequipe Malgreacute cela sa deacuteclaration permit drsquoouvrir le sujet et

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Le changement organisationnel

In fine lrsquoapprentissage organisationnel provenant de comportements drsquoexplora-tion et drsquoexploitation permet de construire un ensemble de conditions initiales dontles caracteacuteristiques sont de nature agrave faciliter les changements ulteacuterieurs Selon leparadigme complexe les individus deviennent les veacuteritables agents du changementIls nrsquoen sont plus les destinataires Ce sont eux qui par des comportements drsquoimpro-visation rechercheacutes et valoriseacutes par le sommet enclenchent en continu des change-ments organisationnels Ils sont en effet ameneacutes au quotidien agrave faire face agrave desopportuniteacutes des eacutevegravenements inattendus pour lesquels ils improvisent des reacuteponsesEt cela ameacuteliore la reacuteceptiviteacute de lrsquoentreprise aux reacuteformes futures

suscitait des reacuteflexions chez chaque employeacute En fait pour eux le travail en eacutequipe existaitmas ils croyaient que le fait de faire ce que leur eacutetait demandeacute eacutetait lrsquoideacuteal Et crsquoest pourcela qursquoils ne mettaient pas en cause la faccedilon dont le travail eacutetait fait Ce problegraveme estfreacutequent dans les organisations surtout lorsque les individus ne reccediloivent aucun feedbacksur leur travail et nrsquoont pas drsquoobjectifs deacutefinis Ils font ce qui leur semble ecirctre le mieux poureux ce qui peut ne pas lrsquoecirctre pour la direction Durant les sessions suivantes le directeurremarquait que ses employeacutes aussi avaient des attentes par rapport agrave lui et qursquoils nesavaient pas les exprimer Alors que le directeur attendait de ses collaborateurs qursquoilstravaillent en groupe pour lrsquoaider agrave construire le futur de lrsquoentreprise les employeacutes atten-daient de lui qursquoil leur explique comment srsquoy prendre En fait ils attendaient qursquoon leurexplique comment travailler en eacutequipe Les attentes eacutetaient donc contradictoiresRick Ross fit comprendre agrave Ed Carpenter que les leaders eacutetaient souvent confronteacutes agrave cegenre drsquoambiguiumlteacutes Mais cette constatation comme le souligne le directeur a eacuteteacute consideacute-rable sur le deacuteveloppement des employeacutes Selon lui les heures de discussion experte quiont suivi ont permis des progregraves bien plus importants que ceux reacutealiseacutes durant les moispreacuteceacutedents Le directeur a en effet reacuteveacuteleacute qursquoil attendait drsquoeux qursquoils se comportent en veacuteri-tables leaders qursquoils responsabilisent leurs propres collaborateurshellip Or en attendant desconsignes sur comment travailler en eacutequipe ils avaient montreacute qursquoils nrsquoen eacutetaient pas et ilsen avaient pris conscience Et les discussions ne se sont pas arrecircteacutees au thegraveme du travailen eacutequipe Les groupes qui participaient aux reacuteunions ont commenceacute agrave discuter desproblegravemes de lrsquoentreprise et de la maniegravere de les reacutesoudre Des discussions sur le mode deproduction de lrsquoentreprise ont ainsi eacuteteacute abordeacutees et ont permis des reacutesultats positifs pourlrsquoentreprise Sans srsquoen apercevoir il srsquoagissait deacutejagrave drsquoun travail en eacutequipe Par exemple il yavait une eacutequipe dans lrsquoentreprise avec laquelle personne ne voulait avoir de contact agravecause de leur hostiliteacute mais en reacutealiteacute les propres membres de cette eacutequipe nrsquoeacutetaient pasau courant de lrsquoimpression qursquoils transmettaient et avaient le sentiment de faire du bontravail en lrsquoabsence de signaux contraires La prise de conscience de ces impressions permitdrsquoameacuteliorer les relations entre cette eacutequipe et toutes les autresGracircce aux seacuteances de discussion experte Carpenter a pu identifier les facteurs importantspour la reacuteussite de ce type de technique lrsquoimplication du leader une masse critique depersonnes engageacutees un climat de confiance un esprit drsquoeacutegaliteacute lrsquoeacutevocation de questionssans reacuteponse ferme ou deacutefinitive pour provoquer la participation des employeacuteshellip

Agrave partir de SENGE P La cinquiegraveme discipline Eacutedition First 1991

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En synthegravese nous suggeacuterons de consideacuterer les modegraveles de conduite du change-ment comme relevant soit du paradigme gestionnaire soit du paradigme complexeLa figure suivante rappelle leurs caracteacuteristiques respectives (figure 45)

Figure 45 mdash Les paradigmes de la gestion du changement organisationnel

De reacutecents travaux meneacutes sur la maicirctrise du changement organisationnel suggegraverentque ces deux paradigmes sont en fait compleacutementaires Ainsi selon Soparnot (20042006) puis Klarner et al (2007 2008) il convient drsquoouvrir la boicircte noire de lrsquoorga-nisation pour mieux comprendre les ressorts et les meacutecanismes de la maicirctrise duchangement Ce faisant ils montrent que lrsquoaptitude de lrsquoentreprise agrave mener avecsuccegraves une multitude de changements provient de ce qursquoils nomment la capaciteacuteorganisationnelle de changement Et celle-ci se compose drsquoun ensemble drsquoattributsarticuleacutes en trois dimensions (contextuelle processuelle et structurante) quisrsquoinscrivent dans les deux paradigmes de la gestion du changement Dans ce qui suitnous analysons les eacuteleacutements constitutifs de cette capaciteacute

3 La capaciteacute organisationnelle de changement

La capaciteacute organisationnelle de changement se deacutefinit comme lrsquoaptitude delrsquoentreprise agrave produire de faccedilon reacutepeacuteteacutee (sur le long terme) des reacuteponses concordan-

Les modegraveles de gestion du changement

Le paradigme gestionnaire

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Modegravelehieacuterarchique

Modegravele du DO

Modegravelepolitique

Modegraveleincreacutementiel

Modegravelesymbolique

Le paradigme complexe

Le processus de changement est aleacuteatoire

Modegravele de lrsquoapprentissageorganisationnel

Creacutee les conditions

initiales

Enracine le changement

Institutionnalise le changement

dans les pratiques routiniegraveres

Le changement ne se m

anage pas

Les modaliteacutes de gestion

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Le changement organisationnel

tes varieacutees (diffeacuterents types de changement) agrave des eacutevolutions environnementales(contexte externe) etou organisationnelles (contexte interne) et agrave rendre effective ausein de lrsquoentreprise la transition induite par ces derniegraveres Elle se compose drsquounensemble des attributs regroupeacutes en trois dimensions (figure 46)

Source Soparnot (2004 2006) Klarner et al (2007 2008)

Figure 46 mdash Les dimensions et attributs de la capaciteacute organisationnellede changement

Les attributs contextuels se reacutefegraverent aux caracteacuteristiques initiales de lrsquoorganisa-tion ils jouent un rocircle de modulateur des changements Lorsqursquoils sont reacuteunis ilssupportent et influencent positivement les processus de transition de lrsquoorganisationIls caracteacuterisent des entreprises pour lesquelles lrsquoinnovation et le changement cons-tituent des valeurs fortes (valeur du changement) De mecircme leur structure se carac-teacuterise par une certaine flexibiliteacute (le plus souvent elle est de type organique) Ensuiteleur culture est tregraves coheacutesive et le sentiment drsquoappartenance fort Il existe eacutegalementune relation de confiance entre les acteurs et les managers intermeacutediaires et supeacute-rieurs Ce sont en outre des entreprises dans lesquelles ont eacuteteacute institutionnaliseacutees lareacutesolution collective des problegravemes et les pratiques participatives Enfin ces organi-

Le leadershiptransformationnel

Dimensionprocessuelle

Dimensionstructurante

Dimensioncontextuelle

La leacutegitimiteacute perccediluedu changement

Les capaciteacutes drsquoapprentissageindividuelles

Lrsquoameacutelioration parlrsquoexpeacuterience

Le renouvellement parlrsquoexpeacuterimentation

La diffusion des connaissances etpratiques organisationnelles

La co-constructiondu changement

Le deacuteploiement increacutemental

La creacuteation de visibiliteacute

La confiance

La convergence culturelle

La valeur du changement

La flexibiliteacute structurelle

Les pratiques de consensus

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sations investissent activement dans la formation et la mobiliteacute du personnelhellip afindrsquoaccentuer les capaciteacutes drsquoapprentissage des collaborateurs

Agrave la dimension contextuelle de la capaciteacute de changement srsquoajoute la dimensionprocessuelle

Les attributs processuels se reacutefegraverent au pilotage du projet ils deacuteterminent eacutegale-ment la reacuteussite des changements Le respect de ces principes confegravere en effet unpotentiel de succegraves supeacuterieur dans la conduite des transformations de lrsquoentrepriseLes attributs processuels caracteacuterisent des entreprises qui mettent drsquoabord lrsquoaccent

Repegraveres Lrsquoabsence des attributs contextuels agravelrsquoOMS

En mai 2003 le docteur Lee Jong-Wook est eacutelu agrave la tecircte de lrsquoOrganisation mondiale de lasanteacute (OMS) Lrsquoorganisation fait alors face agrave plusieurs changements environnementauxDrsquoune part de nouveaux risques sanitaires apparaissent (SRAS obeacutesiteacutehellip) Et drsquoautre partla pression financiegravere srsquoaccentue sous lrsquoeffet drsquoun changement de politique de santeacute desEacutetats les conduisant agrave reacuteduire leur soutien financier et drsquoune compeacutetition plus grande pourlrsquoobtention de fonds Au niveau interne le nouveau preacutesident constate la preacutesence demultiples clans qui nrsquoeacutechangent pas leurs informations et savoirs sur les projets en cours Ilobserve eacutegalement une lenteur dans les prises de deacutecisions qursquoil explique par la tropgrande centralisation de la structure et la deacutemotivation des collaborateursLe docteur Lee Jong-Wook engage alors lrsquoOMS dans un projet de changement ambitieux il veut transformer lrsquoOMS en une organisation flexible orienteacutee vers le reacutesultat Pour cefaire il agit sur les ressources humaines et les infrastructures technologiques Il eacutetablitdrsquoabord des profils de compeacutetence et met en place la rotation obligatoire des postes Auniveau technologique il deacuteploie un systegraveme drsquoinformations dont la vocation est drsquoencoura-ger les eacutechanges de savoirs drsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute administrative et de promouvoir ladeacutecentralisation des ressources agrave lrsquoeacutechelle des reacutegions et des pays Il instaure enfin unsystegraveme de mesure de la performance afin de faire preuve de plus de transparence sur lesdeacutepenses et reacutesultats vis-agrave-vis des parties prenantesCe changement va connaicirctre nombre de problegravemes les acteurs de terrain eacuteprouveront degrandes difficulteacutes agrave srsquoinitier aux nouvelles technologies promues par le projet agrave alimenterles bases de donneacutees et agrave les exploiter de mecircme qursquoils adheacutereront difficilement agrave la rota-tion des postes et agrave la mobiliteacute interpays Lrsquoanalyse de ces difficulteacutes met en avant lrsquoinexis-tence de capaciteacutes individuelles drsquoapprentissage Celles-ci nrsquoont jamais eacuteteacute consideacutereacuteescomme centrales par la direction preacuteceacutedente de lrsquoOMS ndash par exemple peu drsquoinformationsprovenant du siegravege eacutetaient communiqueacutees aux diffeacuterents bureaux situeacutes dans les pays ndashles formations eacutetaient eacutegalement rares En conseacutequence les changements en termes degestion des ressources humaines et drsquoinfrastructure technologique ndash qui imposentdrsquoacqueacuterir de nouvelles aptitudes agrave titre individuel ndash nrsquoont pas eacuteteacute adopteacutes aiseacutement par lesacteurs de terrain

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Le changement organisationnel

sur le leadership Les changements de premier ordre sont en effet piloteacutes par desleaders transformationnels des individus capables drsquoinsuffler une eacutenergie consideacutera-ble au projet De mecircme la leacutegitimiteacute de la reacuteforme est placeacutee au cœur des dispositifsde pilotage Lrsquoenjeu est de permettre la prise de conscience par les acteurs de laneacutecessiteacute de changer Ensuite le mode drsquoimpleacutementation du changement accordeune place centrale agrave la construction collective du projet et agrave une mise en œuvreprogressive Enfin la communication tout au long du processus est consideacutereacuteecomme impeacuterative

Enfin la capaciteacute de changement se compose de la dimension structurante Sesattributs nrsquoinfluencent pas directement le processus de changement ils agissent au

Repegraveres La strateacutegie de changement agrave VVF

En 1997 le statut associatif de VVF (Village Vacances Famille) laisse place agrave un statut dedroit priveacute la socieacuteteacute anonyme Trois facteurs principaux imposent agrave Edmond Maire sonpreacutesident de mettre en chantier ce changement Le premier eacuteleacutement est la remise encause par le ministegravere du Budget et les services fiscaux des avantages dont beacuteneacuteficient lesassociations de tourisme ayant une activiteacute agrave caractegravere eacuteconomique dans un secteurconcurrentiel Ces associations seront donc soumises agrave un reacutegime de droit commun VVF laplus grosse de ces associations est en premiegravere ligne En second lieu le cadre juridique lieacuteau statut associatif ne permet pas le deacuteveloppement en grand drsquoactions commerciales Laloi autorise une association agrave ne vendre ses prestations qursquoagrave ses adheacuterents et limite touteaction publicitaire ou promotionnelle VVF ne peut plus agir avec de telles contraintes et abesoin dans un contexte concurrentiel fort de disposer de marges de manœuvre pourgagner de nouvelles parts de marcheacute Le dernier facteur est drsquoordre financier Lrsquoentreprise abesoin drsquoinvestir pour reacutenover son parc immobilier Le recours au financement paremprunts bancaires impose des critegraveres de santeacute financiegravere Parallegravelement lrsquoapparition denouvelles prioriteacutes sociales a conduit les partenaires de VVF agrave se deacutesengager contraignantlrsquoentreprise agrave ameacuteliorer sa rentabiliteacute et financer seule ses investissementsPour mettre en œuvre le changement la direction reacutedige agrave lrsquointention de lrsquoensemble dupersonnel une note dans la lettre du groupe indiquant que VVF serait degraves le premiernovembre 1997 une SA Le document eacutevoque les raisons de ce changement de statut et lesconseacutequences pour lrsquoentreprise (paiement de la TVA taxe professionnelle et impocirctsocieacuteteacute) affirme que le personnel est maintenu et que lrsquoentreprise conserve sa vocationsociale Les syndicats et les salarieacutes reacuteagissent brutalement agrave un changement qursquoils perccediloi-vent comme totalement imposeacuteLrsquoabsence de leadership (Edmond Maire incarne les valeurs sociales) une reacuteforme preacutepareacuteeen comiteacute restreint (le comiteacute drsquoentreprise les syndicats et les salarieacutes nrsquoont agrave aucunmoment eacuteteacute associeacutes au projet) une communication trop limiteacutee (les lettres drsquoinformationempecircchent tout eacutechange)hellip caracteacuterisent un mode de pilotage du changement tregraves eacuteloi-gneacute des attributs processuels de la capaciteacute de changement

Agrave partir de SOPARNOT R laquo La capaciteacute drsquoadaptation ccedila se travaille raquoLrsquoExpansion Management Review ndeg 129 juin 2008

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niveau des dimensions contextuelle et processuelle en permettant lrsquoacquisition et ledeacuteveloppement de leurs attributs Ils caracteacuterisent des entreprises qui possegravedent troisproprieacuteteacutes reacutegeacuteneacuteratrices autrement dit trois types drsquoaptitudes agrave lrsquoapprentissageorganisationnel Tout drsquoabord elles apprennent au travers du fonctionnement organi-sationnel reacutegulier Ensuite elles enrichissent leur savoir en srsquoeacuteloignant de ce quiexiste dans lrsquoorganisation en faisant ce qui nrsquoa jamais eacuteteacute fait et en expeacuterimentantdes pratiques totalement ineacutedites Enfin elles consacrent des ressources consideacutera-bles afin drsquoassurer le transfert des connaissances et des pratiques dans drsquoautres espa-ces de lrsquoorganisation (pays deacutepartement sitehellip)

Repegraveres La diffusion drsquoune nouvelle deacutemarchede gestion de projet chez Renault

Chez Renault le projet X06 (ou Twingo) marque lrsquoavegravenement drsquoune nouvelle faccedilon deconcevoir des voitures Au cœur de ce changement des meacutethodes de gestion de projet (laconcourance) se trouve le dispositif du plateau Le plateau-projet est un lieu physique danslequel sont reacuteunis les membres de lrsquoeacutequipe Si le plateau est un moyen de stimuler leseacutechanges entre les membres du projet il est encore plus une maniegravere drsquoassurer la conver-gence de savoirs compleacutementaires Par exemple un ingeacutenieur des meacutethodes peut ecirctreameneacute agrave eacutemettre une opinion sur des choix de marketing et inversement Cette conver-gence preacutesente trois avantages majeurs Tout drsquoabord en multipliant les avis elle stimulela creacuteativiteacute et donc lrsquoinnovation du produit Ensuite elle reacuteduit les temps de traitementdes conflits car les acteurs entretiennent des contacts directs ce qui limite la circulation delrsquoinformation Enfin le nombre des conflits srsquoatteacutenue car les acteurs sont plus enclins agravefaire des compromis lorsqursquoils sont reacuteguliegraverement au contact drsquoexpertises multiplesCet outil va progressivement se diffuser au sein de lrsquoentreprise et permettre la creacuteation decertains attributs de la capaciteacute de changement La propagation du plateau-projet vadrsquoabord srsquoopeacuterer en direction des services chargeacutes de deacutevelopper les eacuteleacutements meacutecaniques(moteurs boicirctes de vitesse et poids lourds) puis srsquoeacutetendre agrave drsquoautres entiteacutes de lrsquoentreprisenotamment agrave lrsquoISE (lrsquoingeacutenierie des systegravemes drsquoessais est le deacutepartement en charge dudeacuteveloppement des moyens drsquoessais) Cette diffusion srsquoexplique par le fait que les meacutetho-des de gestion de projet expeacuterimenteacutees lors du projet Twingo ont eacuteteacute codifieacutees stockeacuteesdans des bases de connaissances internes et exploiteacutees par les responsables de lrsquoISELrsquoadoption de ce changement sera une reacuteussite cela srsquoexplique par deux raisons principa-les La premiegravere tient au fait que la direction de Renault a prolongeacute les beacuteneacutefices du chan-gement en les transformant en savoirs et en assurant leur diffusion Drsquoune part lesbeacuteneacutefices ont fait lrsquoobjet drsquoun travail de codification et de transformation en bonnes prati-ques Drsquoautre part celles-ci sont diffuseacutees par des agents au travers de club drsquoeacutechanges(Club de Montreacuteal Groupe Deltahellip) Et cela permet lrsquoameacutelioration des capaciteacutes drsquoappren-tissage individuelles La seconde raison tient agrave la reacuteussite exemplaire sur le plan commer-cial de la Twingo En effet la construction et la diffusion des savoirs se fondent sur unereacuteussite indeacuteniable qui justifie que soient geacuteneacuteraliseacutees les pratiques deacuteployeacutees lors de ceprojet Cela renforce la leacutegitimiteacute du changement

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Le changement organisationnel

In fine la capaciteacute de changement se compose de quatorze attributs inteacutegreacutes agrave troisdimensions Celles-ci remplissent une fonction speacutecifique Si la dimension contex-tuelle module les changements la dimension processuelle pegravese plus directement surla reacuteussite du processus enclencheacute Quant agrave la dimension structurante elle agit sur lelong terme En permettant la creacuteation et le deacuteveloppement des attributs contextuelset processuels elle confegravere agrave la firme des qualiteacutes de reacutegeacuteneacuteration

Figure 47 mdash Le management renouveleacute du changement organisationnel

Approcher la conduite du changement organisationnel sous lrsquoangle de la capaciteacutede changement impose aux managers de repenser leur maniegravere de geacuterer cesmoments de la vie des entreprises En effet la gestion du changement ne laquo peut raquo

Diagnostic des attributs de la capaciteacute de changement

Position favorable

Eacutevaluation descaracteacuteristiques du

changement et de la deacutemarche

drsquoaccompagnement

Conduite duchangement

Peacuterennisation du changement Maintien de la dynamiqueProcessus drsquoapprentissage

Position deacutefavorable

Phase drsquoeacutevaluationPhase

drsquoacquisitionPhase de

preacuteparationPhase de

changement

Phasedrsquoactivation

Action de changementpreacuteparatoire drsquoacquisition

des attributs

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plus se limiter agrave lrsquoapplication de principes exclusivement lieacutes agrave son implantationCette approche veacutehiculerait une vision simplifieacutee du changement qui ne tiendraitcompte que de la dimension processuelle et neacutegligerait le rocircle de la dimensioncontextuelle Dans cette optique nous proposons un modegravele renouveleacute de gestion duchangement organiseacute en cinq phases (figure 47)

La premiegravere eacutetape (phase drsquoeacutevaluation) consiste agrave deacutefinir le profil de capaciteacute dechangement de lrsquoentreprise Elle vise agrave identifier quels attributs lrsquoorganisationdeacutetient et quel est le degreacute de maicirctrise de chacun drsquoentre eux Cette eacutetape permet uneeacutevaluation preacutecise du degreacute de maicirctrise globale de la capaciteacute Ce profil permet auxmanagers drsquoeacutevaluer les probabiliteacutes de reacuteussite des changements futurs et leurniveau de risque La position de lrsquoentreprise pourra donc ecirctre plus ou moins favora-ble La seconde eacutetape (phase drsquoacquisition) consiste donc agrave faccedilonner la capaciteacute dechangement de lrsquoentreprise avant drsquoengager une reacuteforme profonde en tentant deconstruire les attributs non maicirctriseacutes Le manager peut agrave cet effet impulser certainsajustements (comme des investissements drsquoapprentissage) qui visent agrave preacuteparer lecontexte agrave mieux toleacuterer les changements agrave venir Ce faisant ils geacutenegraverent et cultiventles ressources dont srsquoalimente la capaciteacute de changement Et la maicirctrise de ces attri-buts permettra de limiter les risques drsquoenlisement et drsquoeacutechec des changementsauxquels lrsquoentreprise devra faire face au cours de son deacuteveloppement

Ces deux premiegraveres phases suggegraverent une gestion intemporelle du management duchangement Il nrsquoest en effet plus question drsquoattendre le moment du changementpour le geacuterer car cela reviendrait agrave se limiter exclusivement agrave la dimension proces-suelle de la capaciteacute Il srsquoagit deacutesormais drsquoun exercice permanent les peacuteriodesstables dans la vie de lrsquoentreprise deviennent des phases de preacuteparation des reacuteformesdurant lesquelles lrsquoorganisation reacutealise des investissements drsquoapprentissage luipermettant de structurer le contexte dans lequel les changements futurs serontimplanteacutes Se construit ainsi un contexte favorable (les attributs de la dimensioncontextuelle) qui permet de contracter le temps de deacuteploiement des projets etdrsquoaugmenter les chances de succegraves

Pour autant les managers ne doivent pas neacutegliger les meacutethodes plus traditionnellesde gestion du changement crsquoest-agrave-dire le pilotage agrave proprement parler du processusEn effet lorsque lrsquoorganisation est en passe de srsquoengager dans un changement lesmanagers doivent deacutevelopper une meacutethodologie de pilotage adeacutequate Celle-cisrsquoarticule autour de trois phases succeacutedant aux deux eacutetapes preacuteceacutedentes

La troisiegraveme eacutetape (phase de preacuteparation) consiste agrave se concentrer sur le type dechangement et agrave en eacutevaluer les caracteacuteristiques Il srsquoensuit la preacuteparation drsquounemeacutethodologie drsquoaccompagnement adapteacutee Afin drsquoorienter favorablement le deacuterou-lement du projet celle-ci srsquoinspirera des attributs de la dimension processuelle Laquatriegraveme eacutetape (phase de changement) porte sur la mise en œuvre effective duchangement Le rocircle du manager est alors drsquoassurer la conduite du processus enveillant au respect des grandes lignes du plan drsquoactions deacutefinies lors de lrsquoeacutetapepreacuteceacutedente Enfin la derniegravere eacutetape (phase drsquoactivation) vise agrave profiter de la dynami-que dans laquelle se trouve lrsquoorganisation Le rocircle du manager est alors de peacuterenni-

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Le changement organisationnel

ser le changement de le prolonger et drsquoen tirer des enseignements Lrsquoenjeu de cettephase est drsquoentretenir etou drsquoacqueacuterir les attributs des dimensions contextuelle etprocessuelle et de preacuteparer lrsquoorganisation agrave mieux absorber les chocs qursquoelle srsquoinfli-gera ou que son milieu lui fera subir agrave terme

LrsquoessentielLe quatriegraveme et ultime chapitre de cet ouvrage srsquoest inteacuteresseacute au thegraveme du changementorganisationnel Nous lrsquoavons drsquoabord preacutesenteacute agrave partir de quatre dimensions En mobili-sant lrsquoapproche contextualiste deacuteveloppeacutee par Pettigrew (1985) ont successivement eacuteteacuteeacutetudieacutes le contexte les processus le contenu et la reacutesistance au changement Ensuite ledomaine de la conduite du changement organisationnel a eacuteteacute analyseacute Compte tenu de ladiversiteacute des approches en la matiegravere celles-ci ont eacuteteacute inteacutegreacutees au sein des paradigmesgestionnaire et complexe de la gestion du changement Un modegravele inteacutegrateur dit de lacapaciteacute organisationnelle de changement a conclu le chapitre Finalement ce chapitrepermet une compreacutehension en profondeur des meacutecanismes du changement organisationnelet de son management

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anagement des entreprises strateacutegie structure organisation a permisdrsquoaborder quatre dimensions deacutecisives de la vie des organisations Pour

chacune ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes les concepts cleacutes des thegravemes retenus et de nombreusesillustrations

Le premier chapitre srsquoest inteacuteresseacute aux thegravemes du meacutetier du manager dirigeant etde la strateacutegie drsquoentreprise Il a traiteacute des questions suivantes quelles sont lesmissions veacuteritables du manager dirigeant Comment conduire lrsquoanalysestrateacutegique Quelles orientations strateacutegiques permettent-elles drsquoassurer le deacutevelop-pement de lrsquoentreprise Quelles fonctions assurent-elles la mise en œuvre des choixstrateacutegiques et quels sont leurs rocircles respectifs

Le second chapitre aborde le domaine de la structure drsquoentreprise Il srsquoest concen-treacute sur les questions suivantes comment concevoir la structure drsquoune organisationou drsquoun deacutepartement Quelles sont les principales formes structurelles Existe-t-ildes structures plus performantes que drsquoautres et quels facteurs influencent-ils lastructure de lrsquoentreprise

Le troisiegraveme chapitre a deacuteveloppeacute les aspects humains du fonctionnement desentreprises Il a abordeacute les questions suivantes comment expliquer certains aspectsdes comportements humains dans les organisations En particulier comment carac-teacuteriser la motivation lrsquoimplication la coopeacuteration et lrsquoinfluence du groupe En cesens comment les managers peuvent-ils agir pour geacuterer leurs eacutequipes

Enfin le quatriegraveme chapitre de cet ouvrage srsquoest inteacuteresseacute au changement organi-sationnel Les questions suivantes ont eacuteteacute abordeacutees comment analyser une situation

M

Conclusion

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

216

de changement Quels facteurs poussent-ils les entreprises agrave initier deschangements Ces derniers sont-ils de mecircme nature Comment les geacuterer

Si cet ouvrage a proposeacute de nombreux eacuteleacutements de reacuteponse agrave ces multiplesquestions ceux-ci ne sont en rien deacutefinitifs Ils sont susceptibles drsquoeacutevoluer aurythme des travaux meneacutes sur le sujet et des eacutevegravenements qui ponctuent la vie desaffaires Une discipline complexe eacutevolutive et ineacutepuisable voilagrave ce qursquoest lemanagement des entreprises

217

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223

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wwwacmilancomwwwambafranceorgwwwcapitalfrwwwcelestialseasoningscomwwwdellcomwwweadscomwwweasyjetcomwwweasyjetfrwwwelwatancomwwwgmcomwwwikeacomwwwinformationweekcomwwwlequipefr

wwwlevistrausscomwwwmecachromecomwwwmmafrwwwmonsantocomwwwnokiacomwwworangefrwwwpanasonicfrwwwsanyocomwwwsanyofrwwwtectoycomwwwvalloureccomwwwzaracomwwwzeebocom

Cybergraphie

225

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acquisition 41

adhocratie 135

alliances 71

alliances strateacutegiques 43

analyse 11

apprentissage organisationnel 28 203

approvisionnements 74

autoriteacute 157

avantage concurrentiel 23 29 30

bilan 63

bureaucratie meacutecaniste 133

bureaucratie professionnelle 134

capaciteacute 25

capaciteacute dynamique 26

capaciteacute organisationnelle 26 193

centralisation 98

chaicircne de valeur 23 48 115

changement organisationnel 100 128 177

compeacutetences 29

complexiteacute (theacuteorie de la )201

comportement 138

compte de reacutesultat 63

concentration (strateacutegie de) 30 33

concurrence 11

confiance 159

configuration 131

contingence 121

coopeacuteration 75 150

coordination 46 93 131

croissance conjointe 69

croissance externe 40 69

croissance interne 40

croissance partageacutee 40

culture drsquoentreprise 172 191

cultures nationales 129

deacutecision 98 164

deacuteveloppement 70

deacuteveloppement durable 26 77

deacuteveloppement organisationnel 195

diffeacuterenciation 23 25 30 33 47

A

B

C D

Index des thegravemes

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

226

diffeacuterenciation-inteacutegration 100

diffusion 73

distinctives 29

district industriel 115

diversification 40 42 125 135

domination par les coucircts (strateacutegie de) 23 25 30 47

EDI 47

entreprise 89

environnement 127

eacutequipe 169

eacutequipes virtuelles 169

externalisation 117 126

facteurs cleacutes de succegraves (FCS) 21

facteurs de changement 179

financement 60

fonctions de soutien 60 90

fonctions principales 46 90

formalisation 96

fusion 41

fusion et acquisition 69

gestion des ressources humaines 64

gestion du changement 193

groupe 153 191

groupes strateacutegiques 18

identiteacute 155 172 175 191

implication 142

influence 157

innovation 28 71 73 135

innovation strateacutegique 34

innovations (increacutementalesradicales) 72

internationalisation 38

intuition 168

JIT (JAT ndash Juste agrave temps) 49

Kaizen 51

leader 158 163 200

logistique 46

manager 8 137 158

marketing 52

marketing mix 53

marque (image de) 31 54 59

meacutecaniste 99 123

motivation 138

organigramme 89

organique 99 114 123

parties prenantes 26 78

politique de communication 58

politique de distribution 56

politique de prix 55

politique produit 53

pouvoir 144 157 191 196

proceacutedeacutes 71

processus de changement 183

production 49

produits 71

projet 118 146 170

rationaliteacute limiteacutee 167

recherche et deacuteveloppement 70

reacuteseau drsquoentreprises 114

E

F

G

I

J

K

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R

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Index des thegravemes

reacutesistance au changement 106 190responsabiliteacute sociale des entreprises (RSE) 78 83ressources 25

services 71speacutecialisation 37 90 125strateacutegie 10 125strateacutegies de deacuteveloppement 37stress 147structure 89 99 114structure divisionnelle 107structure en reacuteseau 114structure fonctionnelle 103

structure matricielle 111

structures meacutecanistes 128

structures organiques 128

structures par projet 118

styles de management 161

technologie 123 179

TQM 51

types de changement 185

valeur 25 172

vision 158

ST

V

229

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eacutelit

AC Milan 143

Airbus 61 108

Amcor 86

Bayer 21-22 186-187

Bouygues Teacuteleacutecom 172

Carrefour 84

Casino 56-57

Celestial Seasonings 97

Chrysler 175

Communauteacute drsquoagglomeacuteration de Saint-Quentin-en-Yvelines 151

Compagnie des services peacutetroliers 173

Daewoo 56-57 91

Daimler-Chrysler 61 130

Dell 50

DuPont 125

EADS 108-109

Easy Group 31-32

Easy Jet 31-32

ESSEC 39

Experian 15 17

Ford 42 44 72 92 185

France Teacuteleacutecom 58 112

GDF 80-81

General Motors 91 115

Harwood Manufacturing Company 195

Hasbro 19

HEC 39

Hitachi 41 117

Honda 42 182

A

B

C

D

E

F

G

H

Index des entreprises

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

230

Ikeacutea 76-77 165-166INSEAD 39Intel 185 204ITT 163

Lafarge 26 168Lego 19 176Levi Strauss amp Co 140LVMH 33

Matsushita Electric Company 164Mattel 19-20Mecachrome 61-62Meacutediameacutetrie 58-59Microsoft 16 35-36 53-54 174MMA 104-105

Nike 54 78 117Nintendo 35-37 53-54Nissan 9-10Nokia 159-160

Orange 112Organisation mondiale de la santeacute 208

Panasonic 41-42

Patagonia 86

Pfizer 21-22

PSA (Peugeot Citroeumln) 43-45 94 126 181-182

Renault 9 38 47 51-52 57 61 86 94 119 126 128 146 188-189 202 210

Sanyo 42

Smoby 20

Sony 35 41 53 174

ST Micro 158

Super U 148

Tec Toy 53-54

Toyota 42-45 49 61 72-73 115 181 183

Unisys 16-17

Vallourec 68-70

Virgin 135 195

VVF (Village Vacances Famille) 192-193 198-199 209

Zara 47 48

I

L

M

N

O

P

R

S

T

U

V

Z

231

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eacutelit

Akrich M 74

Amit R 26

Ansoff I 164

Aureacutegan P 118

Barney J B 29

Bennis W 158 161

Bidault F 159

Blake R 162

Blanchard K H 162

Bollinger D 129

Burgelman R A 127

Burns T 99 128

Callon M 74

Chandler A D 125 127 179

Clemer J 201

Crozier M 144 147 150

Dameron S 150

Forgues B 203-204

Freeman E 78

Freacutery F 20 118 135 174

Friedberg E 144 147 150

Garel G 95

Hersey P 162

Herzberg H 139

Hofstede G 129

Jarillo J C 159

Joffre P 118

Johnson G 10 20 135 174

Kets De Vries M 163

Kim W C 34

A

B

C

D

F

G

H

J

K

Index des auteurs

MANAGEMENT DES ENTREPRISES

232

Klarner P 206-207Koenig G 28

Latour M 74Laughlin R C 188Lawrence P R 100 128Lewin K 156-157 161 183Lorsch J W 100 128

MacGregor D 161March J G 86 179 203Maslow A 139Mauborgne R 34Mayo E 150Midler C 95 120 203Miller D 163Mintzberg H 8 89 93 131-136 184 187 201Mitchell R K 81-82Mouton J 162

Nanus B 158 161

Penrose E 25Perrow C B 123-125Porter M 11 18-19 23-26 30 33-34 46 60

Rogers E 73

Scholes K 20 135 174

Shapiro S 168

Simon H 167

Soparnot R 17 28 37 45 52 57 66 73 84 95 102 119-120 127 147 152 167 170 175 181 189 193 199 203 206-210

Spence M T 168

Stalker G M 99 128

Teece D J 26

Theacutevenet M 141-142 172

Thieacutetart R-A 201 203-204

Usunier J C 159

Vandangeon-Derumez I 183-185

Vroom V 141

Watzlawick P 186

Weick K E 200 203

Wernerfelt B 26

Woodward J 123 125

Zannad H 119

L

M

N

P

R

S

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V

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wwwdunodcom

GeStIoN SupStrateacutegie bull Politique drsquoentreprise

RICHARD SopARNot

professeur de management strateacutegique au Groupe eSCeM et directeur de lrsquoaxe laquo entrepreneuriat et strateacutegies drsquoinnovation raquo du CReSCeM Docteur et Habiliteacute agrave diriger des recherches en sciences de gestion ses travaux portent sur lrsquoinnovation le changement et lrsquoapprentissage dans les organisations Il megravene eacutegalement des missions de conseils dans des entreprises de toute taille

Lrsquoobjectif de cet ouvrage est de faciliter la compreacutehension de lrsquoorganisation et du fonctionnement des entreprises Il met lrsquoaccent sur quatre grands domaines

La strateacutegie et les fonctions de lrsquoentreprise bull rocircles des managers missions des fonctions principales et de soutien outils de diagnostics formulation des choix strateacutegiquesLes structures drsquoentreprise bull paramegravetres de structuration (speacutecialisation coordination formalisation et centralisation) typologie (fonctionnelle matricielle en reacuteseauhellip) et critegraveres drsquoefficaciteacuteLes comportements humains et le management des bullindividus dimensions comportementales (motivation jeux de pouvoir stress coopeacuterationhellip) leviers drsquoaction (styles de commandement travail en eacutequipe culture drsquoentreprisehellip)Le changement organisationnel bull angles drsquoanalyse (contexte processus contenu et reacutesistance) modegraveles de conduite du changement

Les concepts preacutesenteacutes de faccedilon syntheacutetique sont illustreacutes par plus de soixante cas drsquoentreprise commenteacutes issus de lrsquoactualiteacute eacuteconomique

Public Eacutetudiants en Licence 3 et Master des universiteacutes))

Eacutetudiants des eacutecoles de commerce et drsquoingeacutenieur))

Cadres et dirigeants drsquoentreprise))

ManageMent des entrePrisesStrateacutegie bull Structure bull Organisation

Richard Soparnot

ManageMent ressources huMaines

Marketing coMMunication

finance coMptabiliteacute

ManageMent industriel

strateacutegie politique drsquoentreprise

aide agrave la deacutecision

ISBN 978-2-10-054254-3

  • Table des Matiegraveres
    • Remerciements
    • Avant-propos
    • 113La strateacutegie et les fonctions de lentreprise
      • Section 1 Le manager dirigeant et la strateacutegie de lentreprise
        • 1 Lanalyse externe
        • 2 Lanalyse interne
        • 3 Les choix strateacutegiques
          • Section 2 Les fonctions principales
            • 1 La logistique
            • 2 La production
            • 3 Le marketing
              • Section 3 Les fonctions de soutien
                • 1 Les services financiers
                • 2 La gestion des ressources humaines
                • 3 Le deacuteveloppement technologique
                • 4 Les approvisionnements
                • 5 Le deacuteveloppement durable
                    • 213Les structures dentreprises
                      • Section 113Les paramegravetres de structuration
                        • 1 La speacutecialisation
                        • 2 La coordination
                        • 3 La formalisation
                        • 4 La centralisation
                        • 5 Les formes meacutecaniste et organique et la theacuteorie de la diffeacuterenciation-inteacutegration
                          • Section 2 Les types de structures13
                            • 1 La structure fonctionnelle
                            • 2 La structure divisionnelle
                            • 3 La structure matricielle
                            • 4 La structure en reacuteseau
                            • 5 Les structures par projet
                              • Section 3 Les facteurs drsquoinfluence de la structure13
                                • 1 La taille de lentreprise
                                • 2 La technologie
                                • 3 La strateacutegie
                                • 4 Lenvironnement
                                • 5 La culture nationale
                                • 6 Lapproche configurationniste
                                    • 313Les comportements humains et le management des hommes
                                      • Section 113Les comportements humains dans lrsquoorganisation
                                        • 1 La motivation et limplication
                                        • 2 Les jeux de pouvoir
                                        • 3 Le stress
                                        • 4 La coopeacuteration interindividuelle
                                        • 5 Le rocircle du groupe
                                          • Section 2 Le management des personnes13
                                            • 1 Le leader et le manager
                                            • 2 Les styles de management des personnes
                                            • 3 La deacutecision
                                            • 4 Le travail en eacutequipe
                                            • 5 La culture dentreprise
                                                • 413Le changement organisationnel
                                                  • Section 1 Les dimensions du changement organisationnel
                                                    • 1 Les facteurs de changement
                                                    • 2 Les processus de changement
                                                    • 3 Les types de changement
                                                    • 4 La reacutesistance au changement
                                                      • Section 2 La conduite du changement organisationnel
                                                        • 1 Le paradigme gestionnaire de la gestion du changement
                                                        • 2 Le paradigme complexe de la gestion du changement
                                                        • 3 La capaciteacute organisationnelle de changement
                                                            • Conclusion
                                                            • Bibliographie
                                                            • Cybergraphie
                                                              • Index des thegravemes13
                                                              • Index des entreprises13
                                                              • Index des auteurs13
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