MANAGEMENT DE L’ENTREPRISE principes et … · Dans le langage du marketing, le client potentiel...

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Raymond LEBAN Préface de Jean-François Dehecq P-D.G de SANOFI-Aventis MANAGEMENT DE L’ENTREPRISE principes et meilleures pratiques DEUXIÈME ÉDITION © Éditions d’Organisation, 2002, 2005 ISBN : 2-7081-3382-9

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Raymond LEBAN

Préface de Jean-François DehecqP-D.G de SANOFI-Aventis

MANAGEMENTDE L’ENTREPRISE

principes etmeilleures pratiques

DEUXIÈME ÉDITION

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© Éditions d’Organisation, 2002, 2005ISBN : 2-7081-3382-9

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Chapitre 3La politique générale

en pratiques

PAR CADRE DE POLITIQUE GÉNÉRALE nous entendons l’ensemble de prin-cipes et d’outils pertinents aujourd’hui pour guider vers la performancel’action vis-à-vis du client, du personnel, de l’actionnaire et de la collecti-vité. Le « modèle d’activité » issu de l’analyse historique constitue enquelque sorte un énoncé cohérent des principes. Dans le présent chapitre,nous mettrons l’accent sur le mode de définition de la performance et surles outils de concrétisation de ces principes pour chaque dimension del’action et chaque partie prenante, dans l’ordre indiqué figure 3-1.

L’OFFRE À LA CLIENTÈLE

Il est possible d’énoncer des éléments de politique générale en matièred’offre à la clientèle dès qu’ont été définies les notions de valeur du pro-duit et de satisfaction du client.

De la valeur du produit à la satisfaction du clientPour définir le concept de valeur d’un produit pour un client, il estcommode d’avoir à l’esprit une représentation du processus de consom-mation du client qui distingue l’avant et l’après achat ou plus précisé-ment les phases d’obtention et d’utilisation du produit (ayant elles-mêmes chacune statut de processus). C’est la valeur perçue par luicomme « délivrée » à l’issue du processus et comparée à ses attentes quidétermine sa satisfaction.

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Figure 3-1. Le fil rouge d’expression de la politique générale

Un comportement d’achat guidé par la valeur espéréeDans le langage du marketing, le client potentiel a des attentes suscepti-bles de se transformer en besoins, si elles sont stimulées, et qu’il souhai-te satisfaire à travers l’utilisation de produits1. Il est aussi décrit commerecherchant et donc comme étant disposé à acheter des « avantages » (ou

&

&

2. Activités économiques

Processus

3. Organisation

Ressources

1. Clientèle

6. Collectivité

4. Personnel

5. Actionnaires

1. Kotler et Dubois définissent le produit comme « tout ce qui peut être offert sur unmarché de façon à être remarqué, acquis ou consommé en vue de satisfaire unbesoin ».

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des solutions), en regard d’un problème qu’il se pose. Cette motivationle conduit à étudier les offres émises sur le marché. Ces offres de pro-duits (ou « produits globaux » proposés) sont composées chacune d’un« produit principal » et de « services associés ».

Un véhicule automobile est par exemple le produit principal d’une offre contenant aussiune garantie de réparation et, éventuellement, un service de dépannage rapide et/ouune proposition de crédit d’acquisition personnalisé. Ce, en réponse à un besoin (princi-pal) ou à un problème de déplacement autonome et à des attentes associées de confort,de puissance, de prestige, de sécurité.

Le produit principal peut lui-même être soit un bien fongible (énergiefossile, denrée alimentaire…), qui disparaît à l’utilisation et dont laconsommation est répétitive, soit un bien industriel, durable (automobile,ordinateur…), soit un service (transport aérien, location de matériels, as-surance, coiffure, conseil…) par essence non stockable et toujours plusou moins coproduit avec le client. Produit principal et services associéssont mis à disposition à une certaine date et en un certain lieu.

Supposons que, pour comparer les offres et effectuer un choix, le clientpotentiel agisse selon un processus « rationnel » décrit figure 3-2., quienchaîne les activités de reconnaissance du besoin, recherche d’informa-tions et d’évaluation des solutions.

Figure 3-2. Les processus d’achat et d’obtention du produit

« Après achat »

Attente del'obtention

Intention d’achat

Ensemble des offres(marques, solutions)évoquées

Plan d’informationReconnaissancedu besoin

Recherched’informations

Évaluationdes solutionsAchat

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Le besoin ayant été reconnu, l’acheteur potentiel se met en recherched’information. Il travaille ensuite sur un ensemble de marques« évoquées » (qui inclut mais qui n’est pas forcément identique à celuides marques connues), à une « valorisation des offres », c’est-à-dire àune évaluation ex ante de leur aptitude à satisfaire le besoin. Pour définirla « valeur espérée » des offres, il ne se contente pas de se demanderglobalement si elles sont « bonnes ou mauvaises » : il observe certainesde leurs caractéristiques, qualifiées d’« attributs significatifs » et cons-truit des jugements multicritères1. Il définit ensuite un ordre de préféren-ce des marques évoquées sur la base de leur valeur nette espérée et auratendance à acheter la marque préférée, c’est-à-dire celle ayant la valeurnette espérée la plus élevée au moment de la décision2.

Pour un client potentiel considérant par exemple quatre marques d’ordinateur (A, B, C,D) en vue d’un achat éventuel, quatre attributs peuvent importer au plan tant des avan-tages que des coûts attendus de l’utilisation : la capacité de mémoire, les possibilités gra-phiques, les logiciels disponibles et le coût d’acquisition. La lecture d’études decomparaison ou son propre travail peut le conduire à créditer les marques des performan-ces suivantes sur les attributs :

1. Dans le cas par exemple de l’automobile, les attributs du produit principal (le véhi-cule) susceptibles de l’intéresser sont sa fiabilité, sa vitesse de pointe, la vigueur desreprises, la résistance aux chocs, la tenue de route, l’habitabilité, l’esthétique.

2. Tendance ou encore intention seulement, car d’autres facteurs – comme les attitudesd’autrui (pression de l’entourage en faveur d’une solution) ou une modificationimprévue de la situation (baisse de revenu, comportement décevant du vendeur, nondisponibilité à l’heure H) – peuvent altérer la décision finale.

Attributs

Marques considérées

Capacité de mémoire

Possibilités graphiques

Logiciels disponibles

Coût d’acquisitions

(prix de vente)

A 10 8 6 4

B 8 6 8 3

C 6 8 10 5

D 4 3 7 8

➤ Pour définir la « valeur espérée » des offres, l’ache-teur potentiel observe leurs « attributs significatifs » et construit des jugements multicritères, définissant ensuite un ordre de préférence.

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Ces attributs n’ont pas de raison d’avoir la même importance pour lui. Admettons parexemple qu’ils entrent respectivement pour 40 %, 30 %, 20 % et 10 % dans son choix.Sur la base des évaluations, il peut construire un ordre de préférence quantitatif, ou encoreun classement des marques par « valeur » décroissante pour lui, la valeur étant ici définiecomme une somme pondérée des notations sur les différents attributs :

La valorisation des offres est effectuée à deux niveaux : celui de la va-leur globale ou « brute » et celui de la valeur « nette ».

La valeur globale des avantages que le client potentiel pense retirer deson achat est fonction des performances attendues du produit global surses différents attributs significatifs. Plus cette valeur est élevée, plus ondira que la qualité de définition (ou de performance) de l’offre est forte.L’évaluation est notamment dépendante de l’information fournie par levendeur et de ses promesses, d’autres informations obtenues par le clientgrâce à ses contacts, de ses expériences de consommation passées, et del’image globale qu’il a des produits de l’entreprise.

Cette valeur donnée par le client à l’offre, au vu de ce qu’il en sait, est enquelques sorte « brute ». Elle n’est qu’en partie délivrée au client, car cedernier supporte plusieurs types de coût : des coûts d’obtention (recher-che des offres, réalisation de la transaction, acquisition à un certain prix),et des coûts d’utilisation (temps et efforts consacrés à l’apprentissage,frais de maintenance, consommations associées à l’usage), voire descoûts de destruction. Ces coûts se mesurent en monnaie, en temps, et enefforts. Ils ont une dimension psychologique d’autant plus sensible quel’on se trouve dans le domaine de la grande consommation (phénomènesde perception des prix dans un univers d’information très incomplète).Le client s’intéresse à l’évidence à la valeur qui lui reviendra, c’est-à-dire à la valeur « nette » des coûts encourus.

Marque Valeur

A 8*

B 7,3

C 6,9

D 4,7

*8 = 0,4 × 10 + 0,3 × 8 + 0,2 × 6 + 0,1 × 4

➤ La valorisation des offres est effectuée à deux niveaux : celui de la valeur globale ou « brute » et celui de la valeur « nette ».

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La valeur globale peut être mesurée de diverses manières. Un procédécourant est de demander au client de noter la performance pour chaqueattribut sur une échelle et aussi de donner l’importance relative des diffé-rents attributs (que l’on distingue de leur salience)1. Les distributeurs oules « auxiliaires de marché » sur internet effectuent volontiers ce travailpour lui.

Les économistes font l’hypothèse que la valeur des avantages retirés del’utilisation du produit hors coût d’acquisition peut être exprimée eneuros. Il assimilent alors cette valeur au « prix maximum » que le clientest prêt à payer pour acquérir le produit (ils parlent de la propension duclient à payer pour consommer). Cette expression monétaire de la valeurpeut le plus souvent faire l’objet de calculs précis dans le cas d’achatsindustriels (un exemple est proposé dans l’encadré ci-dessous). On peutaussi – notamment pour les achats de consommation – estimer directe-ment des dispositions à payer pour les attributs, comme la figure 3.3 lemontre. Un rapprochement entre coût de mise à disposition, tel que celuimontré dans la figure 3.4, et valeur perçue des attributs est bien entendutrès instructif pour concevoir l’offre. Nous en retrouverons le principeplus loin.

1. Un attribut est dit d’autant plus « salient » qu’il vient rapidement à l’esprit duconsommateur lorsqu’il pense au produit.

Exemple d’estimation de la valeur globale d’un produit intermédiaire

Le fournisseur d’un fabricant de téléviseurs sait que son client réduirait de 15 € son coût uni-taire de production en utilisant un nouveau composant, au prix d’un investissement de150 000 € sur une durée de vie de cinq ans. La production annuelle de téléviseurs serait de10 000 unités. Comment peut-il approcher la valeur du composant pour le client et raisonnerpour en fixer le prix de vente ?

L’ économie annuelle réalisable par le client est de 120 000 € :10 000 × 15 – 30 000(30 000 € est la valeur de l’annuité d’amortissement de l’investissement nécessaire).

Elle est de 12 € par composant. Un raisonnement peut être construit autour de cette valeurpour fixer le prix de vente, en tenant compte du caractère plus ou moins stratégique ducomposant.

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Figure 3-3. Estimation de dispositions à payer pour les attributs d’une prestation hôtelièreautour d’un prix de base de 105 $

Figure 3-4. Exemple de rapprochement entre coût et valeur des attributs

Attributs Coût de mise*à disposition (1)

Valeur perçue*(2)

Indice d’intérêt(2/1)

Essuie-glace 30 € 60 € 2

Boîte automatique 400 € 400 € 1

Système ABS 1 200 € 1 500 € 1,25

** pour le producteur** obtenue en demandant au consommateur combien il paierait en plus pour disposer de

l’attribut

-6$ 3$ $ 3$ 6$ 9$ 12$

Salle de gymnastiquegratuite

Club réservé auxgrands voyageurs

Centre d’affaires

Délai pour rejoindrel’aéroport (5 mn)

Délai pour réjoindreles lieux de réunion(15 mn)

2$

7$

3$

10$

-5$

Source : étude de Mercer Management Consulting

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Pour appréhender la valeur nette, on peut considérer les différents coûtscomme des attributs et demander au client d’évaluer la « performance » surchacun – cette performance étant bien entendu d’autant plus élevée que lecoût correspondant est bas. Une autre manière courante de faire est decomparer la qualité (de définition) offerte et le prix exigé à l’achat, dans un« rapport qualité-prix » ou, plus généralement, un rapport qualité-coûts.

Une méthode comme l’analyse conjointe permet d’apprécier l’importan-ce des différents attributs chez les clients à partir de l’observation decomportements globaux reflétés dans des choix. Dans cette méthode,dont un exemple d’application est donné en figure 3-5, les produits sontdécrits chacun par une liste d’attributs et des niveaux de performance surles attributs.

Dans l’exemple, les produits sont des offres de transport en avion ayant trois attributs : leprix, le type de service fourni à bord et l’existence ou non d’escale. L’offre P1 est la plus per-formante en matière de prix ; elle l’est moins que P2 sur l’attribut escale et moins que P3s’agissant du service à bord. Aucune offre n’est dominée par une autre sur tous les attributs.

On demande à des acheteurs potentiels d’exprimer leurs préférences surdes « profils complets » ou sur des combinaisons de niveaux portant surdeux attributs (approche trade off). Sur cette base, une technique numéri-que permet d’affecter des « utilités » aux différents niveaux des attributs1.

Dans l’exemple, un prix de 2000 apporte 61 points d’utilité, alors qu’un prix de 3 500en apporte 5. La classe économique a une valeur de 12, la classe affaires de 15. L’ab-sence d’escale apporte 42 points, contre 22 s’il y a arrêt durant le parcours.

La valeur globale de chaque produit (son utilité) est la somme des utilitésrelativement à chaque attribut. Les offres P1 et P2 ont ainsi respective-ment des valeurs de 95 et 59 points.

La technique permet d’apprécier l’importance d’une modification de laperformance sur chaque attribut et aussi les poids relatifs des attributsdans la décision d’achat.

1. Le principe est le suivant. On attribue des valeurs arbritraires aux utilités partiellesdes différents niveaux des attributs. On en déduit des valeurs globales pour les diffé-rentes offres. On compare le classement en terme de valeur obtenu à celui effectuépar les acheteurs potentiels. On modifie les utilités partielles de manière à rapprocherle classement calculé du classement réel. La procédure est itérée jusqu’à ce que laproximité des classements soit jugée satisfaisante.

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Dans l’exemple décrit dans la figure 3-5, il apparaît ainsi que, pour la population interro-gée, le prix est un attribut de premier plan très discriminant : 61 points attribués à unprix bas sur un total maximum de 118 [61 + 15 + 42] ; 56 points d’utilité perdus[61 – 5] lorsque le prix passe de 2000 à 3 500. En revanche, le service rendu a bordne l’est pas : il apporte au maximum 15 points et 3 points sont perdus seulement enpassant de la classe affaires à la classe économique.

Figure 3-5. Analyse conjointe pour des offres de transport aérien

Il ne suffit pas cependant, pour que ce modèle rationnel décrive correcte-ment le comportement de l’acheteur potentiel, que celui-ci soit « experten évaluation ». Pour utiliser le jargon des spécialistes, il est nécessairequ’il juge utile de s’impliquer dans l’acte d’achat, ce qu’il ne fait à coupsûr que dans le cas d’achats complexes. Dans les situations qui s’en éloi-gnent et que la figure 3-5 caractérise, il est préférable d’employer desmodèles différents, dits « de chaînes moyens-fins » (means-ends-chains),qui lient l’achat non pas à un calcul fortement rationnel mais plutôt auxvaleurs guidant l’acheteur dans sa consommation.

• Un triplé d’offres

Type d’offrede transport en avion

P1P2P3

Prix

2 0003 5004 500

Service à bord

Classe économiqueClasse économiqueClasse affaires

Existence d’escale

OuiNonOui

• « Utilités » des différents niveaux des attributs

Prix2 0003 500

Utilité615

ServiceÉco.

Affaires

Utilité1215

EscaleNonOui

Utilité4222

• Valeur globale des offres

OffreP1P2

Valeur9559

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Figure 3-6. Typologie des situations d’achat

Une satisfaction construite par comparaison entre valeurs perçue et promise

La décision d’achat est concrétisée par un contrat de vente ou de pres-tation plus ou moins explicite et écrit, marquant les engagements desparties. La transaction clôt le processus d’achat et ouvre la dernièrephase du processus d’obtention du produit, qui est d’attente de la livrai-son de celui-ci par le vendeur (figure 3-7). La prestation dont bénéficiele client à l’issue du processus d’obtention est une certaine quantité deproduits. S’est construite aussi au cours du processus une « espérance »1

en termes de qualité de définition du produit, c’est-à-dire de valeur –brute – à attendre de l’utilisation de celui-ci, ainsi qu’une estimation ducoût de son obtention et du temps passé pour obtenir ce résultat (valeurbrute espérée, coût d’obtention et temps passé reflètent la performancedu processus). Le coût d’obtention du produit reflète les conditions danslesquelles il a été acquis. Il diffère selon que le consommateur asélectionné son vendeur sur Internet, s’est rendu dans un supermarché àune heure de pointe ou s’est adressé à son détaillant au coin de sa rue(circuit de distribution choisi), selon qu’il a acheté sur catalogue ouconçu la prestation avec son vendeur (effort de coconception accompli)et selon qu’il a acheté en nombre ou en petite quantité (format del’acquisition).

Différenciationdes marques

Significative

Achat de diversité

Biscuits

Achat complexe

Micro-ordinateur

FaibleAchat routinier

Sel

Achat à risque de dissonance

Moquette

Faible Forte Implication

1. Au sens statistique du terme, c’est-à-dire une estimation.

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Le processus d’utilisation du produit démarre avec la livraison de celui-ci. Il comporte des phases d’apprentissage des modalités d’utilisation duproduit, de maintenance et éventuellement modification de celui-ci,d’utilisation proprement dite et enfin de mise au rebut du produit(figure 3-7). Seule la phase d’utilisation est créatrice de valeur. À l’issuedu processus, le client s’est forgé une idée des avantages retirés de laconsommation du produit, ou encore de la valeur brute qui lui a été déli-vrée, du coût d’utilisation du produit et de l’emploi du temps de consom-mation. Il a une certaine perception de la performance du processusd’utilisation du produit.

Figure 3-7. Le processus de consommation du client et son interaction avec les processus des fournisseurs et prestataires de services

Le client est d’autant plus satisfait de son expérience de consommationque le processus de consommation en deux temps (d’obtention et d’utili-sation) qu’il réalise est performant. La valeur reçue par le client, nettedes coûts monétaires et des coûts psychologiques (en temps et efforts)d’obtention et d’utilisation du produit, est un indicateur synthétique de laperformance du processus. La satisfaction du client croît donc avec le ni-veau absolu de cette valeur nette. Elle croît aussi – assez modérément –avec l’écart entre valeur délivrée et valeur espérée au moment de l’achat,lorsque cet écart est positif (le client a une heureuse surprise). Le mé-contentement naît au contraire très vite lorsque cet écart s’avère négatif.

Conceptiondu

produit

Fournituredu

produit

Reconnaissancedu

besoin

Recherchede

solution

Attentede

livraison

Transaction

Contrat

Évaluationdes

solutionsChoix

Apprentissagede

l'utilisation

Utilisationdu

produit

Gestionde la

maintenancedu produit

Gestiondes

modificationsdu produit

Mise aurebut

duproduit

Processus de consommation du client

OBTENTION DU PRODUIT UTILISATION DU PRODUIT

Offredu

produit

Ventedu

produit

Servicesdans

l'utilisation

Processus commercial des fournisseursProcessus de prestataires de services

QCD QCD

Q : qualité de définition (valeur brute) espéréeC : coût d'obtentionD : temps d'obtention

Q : qualité de définition (valeur brute) perçueC : coût d'utilisationD : temps consacré à l'utilisation

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Maîtriser la qualité de conformité (c’est-à-dire la mise à disposition d’unproduit dont les spécifications sont conformes aux annonces) permet deréduire le risque d’écart négatif mais n’assure pas pour autant la satisfac-tion. Entre aussi en ligne de compte, bien entendu, la maîtrise des annon-ces faites aux acheteurs potentiels.

L’intensité de la concurrence conduit à définir des paliers de performanceau-delà de la satisfaction simple du client, l’hypersatisfaction et, même,l’étonnement, qui ont généralement des leviers autres que les attributs duproduit principal de l’offre. La figure 3-8 ci-après illustre cette idée depaliers dans le cas de l’automobile.

Figure 3-8. Paliers et sources de satisfaction

Considérer la consommation non comme un acte simple consécutif à unedécision d’achat mais comme un processus de résolution de problème dontla performance d’ensemble dicte le niveau de satisfaction du client n’estpas neutre. Cette approche invite l’entreprise non seulement à concevoir leproduit au plus près des besoins des clients potentiels mais aussi à s’inté-resser à toutes les étapes du processus complexe et long par lequel ceux-cipassent (de l’expérience qu’ils vivent) à partir du moment où ils se mettenten tête de consommer et à traquer, seule ou en collaboration avec d’autres– client compris, les inefficiences de ce processus. Comme le disentWomack et Jones1, l’approche invite l’entreprise à œuvrer en faveur d’une« consommation des clients au plus juste » (« lean consumption »), com-me elle travaille elle-même – généralement depuis longtemps – à une« production au plus juste » (« lean production »). Cette préoccupationfera plus loin la matière d’un principe, car le contexte la rend forte.

➤ La satisfaction croît à la fois avec le niveau absolu de la valeur nette et avec l’écart entre valeur délivrée et valeur espérée. Le mécontentement naît très vite lorsque cet écart s’avère négatif.

I Satisfaction Produit et ses attributs (automobile : fiabilité, sécurité, esthétique…)

II Hypersatisfaction Services autour du produit (automobile : accueil et prise en charge en garage…)

III Étonnement Comportements commerciaux sources de surprise agréable (automobile : prêt impromptu de véhicule…)

1. In : « Lean consumption », Harvard Business Review, March 2005.

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Des éléments de politique générale

Avant de développer un discours « politique », risquons-nous à brosseren quelques phrases les tendances lourdes d’évolution des marchés, unportrait du consommateur et les conditions générales de la concurrence.

Un contexte en quatre points

Les marchés géographiques porteurs sont aujourd’hui dispersés à traversle monde et individuellement risqués. Par l’intermédiaire notamment d’in-ternet, les technologies de l’information permettent de dialoguer à coûtsréduits avec la masse des clients – potentiels ou effectifs –, sans considé-rations de distance, et d’accumuler de gros volumes de données sur leurscomportements, dont il est possible de tirer des éléments concernant leurdegré de satisfaction et leurs attentes. Les concurrents de l’ensemble de laplanète ont les mêmes possibilités. Le champ géographique des « marchéspertinents » au sens juridique du terme1, est donc naturellement large etune connaissance très fine de la clientèle de masse aussi nécessaire quepossible.

Expérimenté dans son « métier d’utilisateur », le consommateur est de-venu plutôt expert en évaluation quand l’achat en vaut la peine ; il « voitmieux la valeur des choses », il est conscient du jeu des fournisseurs surl’obsolescence des produits et tend à réprouver le gaspillage. Habitué àdes produits performants et à une bonne qualité de service, il est devenuexigeant, voire tyrannique, quand – conscient de son pouvoir sur lesmarques et encouragé par nombre de publicités dans cette voie – il envient à réclamer « le tout pour rien » : les Antilles au prix d’un week-enden Normandie, un jus d’orange frais à 1 € livré gratuitement ! De mieuxen mieux informé, voire surinformé, il est par ailleurs sollicité en perma-nence par des fournisseurs en nombre qui lui proposent tel ou tel avanta-ge pour les rejoindre. Il cultive encore l’individualisme, c’est-à-direl’expression de sa singularité, en consommation, mais en essayant demieux faire valoir ses vrais besoins, ceux de sa personne à la lumière deson histoire. Il est en conséquence « intrinsèquement instable » et moinsattaché que jadis aux « marques », avec une tendance – face à la profu-

1. En droit de la concurrence, deux produits appartiennent au même marché pertinents’ils sont substituables en consommation et livrables avec des coûts de transportcomparables.

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sion des offres et au discours publicitaire – à privilégier les prix bas1.Autre aspect de sa conscience de personne, il montre enfin plus de sensi-bilité aux aspects « externes » de sa consommation, à la condition dessalariés qui produisent pour la permettre, aux impacts sur l’environne-ment. Il affiche un comportement plus solidaire2.

Les technologies « de production » permettant de satisfaire une classe debesoins sont généralement multiples et, quand elles sont protégées, sediffusent assez vite en raison de l’intensité et de la précocité des accordsde licences ainsi que de la fréquence des alliances. Les cycles de vie desproduits tendent à se raccourcir.

Engagés dans des programmes d’amélioration permanente et travaillanten structures projets, les entreprises qui concourent pour satisfaire unemême classe de besoins sont de surcroît « agiles », c’est-à-dire capablesde modifier leur offre rapidement – notamment en imitant.

1. Cette tendance est reflétée par le succès des magasins de « hard discount », qui ven-dent à bas prix des produits « sans marque ». Elle signifie que les consommateurssont de plus en plus réticents à l’idée de payer 30 % de plus pour s’offrir une marqueconnue et sont perdus face à la complexité créée par la multiplication des marques.

2. Ce type de portrait est développé en détail, par exemple, par Rochefort, du CREDOC.Il doit bien entendu être interprété avec prudence. Il s’agit d’appréhender des tendan-ces, sans occulter l’extrême diversité des déclinaisons et des contradictions danscelles-ci.

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Figure 3-9. Configuration des principes et outils applicables à l’offre à la clientèle

Marchés porteurs dispersés et risqués

Marchés pertinents larges

Consommateur expert, exigeant, surinformé, sollicité,individualiste et soucieux de sa personne, plus solidaire

Technologies de « production » abondantes, rapidement diffuséesExplosion des possibilités de traitement,transmission et partage de l’information

Concurrence de qualité, agile, sachant imiter

Principes

Contexte

Outils

Conception et gestion de l’offre de produits

♦♦♦

Analyse de la valeurConception à coût objectifConception modulaire

♦♦♦

Plates-formes de produitsIngénierie simultanéeIngénierie inversée

Concilier ciblage de clientèle largeet traitement personnalisé des clients

en concevant « au plus juste »

Traquer les inefficiences du processusde consommation des clients

« Personnalisation évolutive de masse »

Relation avec la clientèle♦

Outils de contact, de connaissanceet d’écoute [portail sur internet –centre d’appels – clients mystère –bases de données]Outils d’analyse de la clientèle[mesure des contributions, bases de données]Outils de fidélisation [mesure de lasatisfaction, personnalisation de larelation, garanties de services, clubs, récompenses, investissement chez le client, coconception]

Maîtriser l’innovation fréquenteà l’abri de la marque

Fidéliser la clientèle de manière raisonnée

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Trois principes et les outils correspondantsDans un tel contexte, trois principes paraissent incontournables. Nous lesénoncerons accompagnés des principaux outils qui aident à les concré-tiser, selon le schéma décrit figure 3-9.

Concilier ciblage global de la clientèle et traitement personnalisédes clients, en concevant « au plus juste »

Un ciblage large, voire global, de la clientèle est nécessaire du fait de ladispersion des marchés porteurs et de l’élargissement des marchésgéographiques pertinents. En même temps, une réponse étroite et stan-dardisée, développée à travers une relation essentiellement « collective »,n’est plus possible. Il faut multiplier les contacts prospectifs1 et d’après-vente individuels, ainsi que personnaliser l’offre commerciale, c’est-à-dire la rendre adaptable d’assez près et l’adapter aux besoins de lapersonne qui habite chaque consommateur, de manière à réduire au mini-mum le « sacrifice » de ce dernier – au regard de ce qu’il souhaite exac-tement2. Individualisation des contacts et personnalisation de l’offre dansune optique de « sur mesure » occasionnent cependant, en comparaisonavec une prestation standardisée, un surcoût que le consommateur doitjuger justifié et qu’il convient de toute façon de minimiser en concevantau plus juste. Les technologies de l’information et une série d’outils sontutiles pour concilier ces trois préoccupations.

Principe n° 1

1. Prospectifs au sens de prospection en vue d’une vente.2. Il ne s’agit plus – s’il en a jamais été question – de choisir, comme Porter le préco-

nisait dans son premier ouvrage, entre deux « stratégies génériques » : celle de la do-mination par les coûts (et donc les volumes) dans la vente d’un produit standard, d’uncôté, et celle de la différenciation ou individualisation, de l’autre.

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Figure 3-10. Une distribution des produits « multi-circuits »

Multiplier les contacts individuelsComme indiqué figure 3-10, la distribution des produits est aujourd’huidans la plupart des entreprises « multi-circuits ». Autrement dit, lescontacts sont de proximité et/ou à distance ; ils sont aussi directs et/ouindirects – c’est-à-dire par distributeur non exclusif interposé. Dans lamesure où le consommateur ne choisit pas un et un seul canal de distri-bution, où il aime s’appuyer sur les différents canaux (hypermarchéspour certains achats en nombre, détaillant proche pour des achats decomplément ou très spécialisés, internet pour les transactions qu’il veutréaliser au calme ou en dehors des ouvrables, par exemple), l’entreprise

Approvisionnements

MASSE DES CONSOMMATEURS

Offrevente

Livraison

Bases de données relationnelles

Base d’offres(gamme de produits)Services connexes

Fabrication des produits

Relationsecondaire

DemandeAchat

AgenceMagasin

Contact de proximité

Distributeurnon exclusif

Contact à distance

Centre de contacttéléphonique

Portail de contactinternet

Portail de contactpostal

Services après-venteaux clients

Demande Offre

Commande

Flux d’informations de la relation commerciale primaire (achat-vente)

Flux logistiques (entreposage-acheminement-livraison/réception)

Flux d’informations de la relation commerciale secondaire

Flux de services après-vente (ou d’utilisation)

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a intérêt à assurer la présence de son produit sur tous les canaux. Elle ga-gne a être « multi-circuits » pour la diffusion de son offre. Les technolo-gies de l’information décuplent à l’évidence – heureusement – lespossibilités de contacts directs et indirects à distance, au stade tant del’offre que des services dans l’utilisation, à travers les portails internet etles centres de contact téléphoniques. Une pleine utilisation de ces outilssuppose la maîtrise par les commerciaux « traitants » de bases de don-nées permettant en temps réel de caractériser le client (son histoire, sesattentes, son attrait pour l’entreprise) et, selon le cas, de lui « assigner »une offre composée à partir de la base disponible ou de répondre à unequestion que lui pose l’utilisation de produit. Dans la mesure où ellesconcernent la masse des clients, et non plus seulement des gros clientsen petit nombre, les opérations de back-office doivent cependant êtrestandardisées : le client est en contact avec un commercial choisi au ha-sard et différent à chaque fois, mais tous ses contacts travaillent à partirde la même fiche client, constamment tenue à jour, et des mêmes ré-ponses types. Ce mode de contact « personnalo-standardisé » ne consti-tue cependant pas une panacée.

Étant voulus de masse, les services de support à l’utilisation (« d’après-vente ») sont payants, le plus souvent à la durée, et le traitement des de-mandes des clients est confié à des personnels certes formés mais nonexperts. Se posent donc tout d’abord des problèmes épineux de gestiondes files d’attente. Mécontents d’être facturés alors qu’ils subissent uneattente, les clients deviennent par ailleurs furieux si… le commercial ré-pondeur s’avère incapable de résoudre le problème d’utilisation qui luiest posé ou indique une solution qui ne fonctionne pas. D’où la décisionde certaines entreprises de relever le niveau des répondants, mais avec –bien évidemment – un risque de dérapage des coûts.

Cette question de la gestion du service support à l’utilisation du produit est particulière-ment brûlante dans le monde des fournisseurs de services Internet. Les clients ont ungrand besoin de conseils d’utilisation des services mis à leur disposition, que les noticesrédigées ou les systèmes de FAQ (Frequently asked questions ») ne suffisent pas à satis-faire. Les questions qu’ils posent (de connexion de produits, d’amélioration des perfor-mances) sont compliquées. Les fournisseurs d’accès offrent en retour un service supportpayant à la durée et assuré par des employés capables de répondre à des questions déjàposées et résolues. D’où le développement d’un mécontentement certain chez une bon-ne partie des clients. La clé de la bataille concurrentielle que se livrent les grands fournis-seurs d’accès – par exemple Free et Wanadoo de France Telecom, en France – paraît ducoup se situer moins sur dans la palette de services offerte et son prix que dans la qualitéet le rapport qualité-prix des services supports à l’utilisation. Consciente de l’enjeu, une

➤ Les opérations de back-office doivent être standardisées.

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entreprise comme Fujitsu a par exemple introduit en nombre dans ces centres de réponsedes experts qui sont capables de résoudre des problèmes d’utilisation « génériques » entemps réel et à la source.

Personnaliser les offresLes moyens d’obtenir la personnalisation sont multiples et non exclusifs.Il s’agit de disposer d’une gamme large et profonde de produits princi-paux, de fournir des services connexes autour de ces produits, de rendreces produits personnalisables par le client lui-même, ou encore de les« finir » sur le lieu de vente (cf. exemples dans l’encadré ci-dessous).

Concevoir le produit au plus justeIl est courant de dire que 80 % des coûts de mise à disposition d’unproduit sont figés au moment de sa conception ou, pour employer unterme équivalent, de son développement, industrialisation incluse (cf.figure 3-11). Ce processus de conception-développement est donc uneétape-clé de la mise en compétitivité de la personnalisation.

Pour la réussir, il s’agit d’apprécier, aussi clairement que possible, l’uti-lité et les coûts des différentes « fonctionnalités » envisageables pour leproduit, d’éliminer celles qui sont inutiles et de réaliser pour les autres lemeilleur arbitrage utilité-coût. « L’analyse de la valeur » (Value Analysisen anglais), outil cinquantenaire décrit dans l’encadré page suivante,constitue une aide précieuse en la matière.

Modes de personnalisation d’une gamme de produits principaux

• Profondeur et largeur de la gamme(lignes et modèles automobile chez Renault ou Peugeot, de produits de beauté chezl’Oréal…)

• Services connexes autour des produits principaux(réservation et équipement de la chambre d’hôtel personnalisés grâce à un système dereconnaissance des hôtes chez Marriot ou Ritz-Carlton)

• Produits personnalisables par le client(meubles informatiques aux dimensions variables, chez les distributeurs spécialisés grandpublic)

• Finition du produit sur le lieu de vente(lunettes chez Grand Optical ; chaussures de ski à chausson moulé sur place dans lesmagasins de sport).

➤ Le processus de conception-développement est une étape clé de la mise en compétitivité de la personnalisation.

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Figure 3-11. Coûts et cycle de vie du produit

L’analyse de la valeur

Inventée en 1945 par Lawrence Miles, ingénieur chez General Electric, l’analyse de la valeur(AV) a été imposée par le ministère américain de la Défense pour maîtriser la qualité et lecoût de ses achats.

L’AV est une méthode de conception de produit permettant d’élaborer un produit ou serviceconforme à ce que le client attend (qualité de définition) tout en réduisant au strict nécessaireles ressources employées. Elle vise le « meilleur » compromis entre valeur pour le client etcoût. Pratiquée avec des équipes transverses, la méthode comporte deux grandes étapesdont la description est illustrée ci-après par des exemples simples.

Expression du besoin en terme de fonction dans un « cahier des chargesfonctionnel »

Une fonction décrit l’action du futur produit ou de l’un de ses constituants en terme de finalité,sans faire référence à une solution technique.

Si le besoin est d’éliminer les poussières dans un local pour réduire les allergies, on parlerade la fonction « dépoussiérer » plus que de celle d’aspirer ou encore de nettoyer (qui estinexacte).

On distingue :– les fonctions de service, actions attendues du produit pour satisfaire le besoin ;

Pour un briquet, donner une flamme (fonction principale), ne pas salir les poches, ni déga-ger de mauvaises odeurs (fonctions complémentaires)], elles-mêmes d’usage et d’estime.Pour un verre, contenir 30 cl de liquide et décorer une table.

➤➤➤

* Cumul des coûts décaissés et des coûts prédéterminés du fait des décisions prises

20 %

80 %

100 %

Coût %

Conception Industrialisation Fourniture Fin de vie

Coûts prédéterminés*

Coûts décaissés

Temps

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Lorsque l’entreprise estime qu’un plafond clair existe pour une ligne deproduits en matière de prix, compte tenu des technologies disponibles etde la clientèle visée et/ou lorsqu’elle veut provoquer un progrès fort, ellepeut utiliser l’outil « conception à coût objectif » ou à coût cible (Designto cost ou Target Costing). Au lieu de laisser l’ingénieur construire unprototype à partir d’une analyse du besoin par le marketing, d’empilerles coûts des fonctions du prototype et de calculer un coût de revient, onpart alors d’un prix maximum cible dicté par le marché, dont on déduit,en retirant la marge désirée, un coût de revient cible. Analyse de la va-leur et benchmarking externe sont utilisés ensuite pour définir un ensem-ble de fonctionnalités satisfaisantes compatibles avec le coût cible (cf.l’encadré page suivante).

– les « fonctions contraintes », qui imposent des limites dues à l’environnement.Par exemple, pas de bruit, pas de fonctionnement à l’électricité, existence d’un brevet exté-rieur.Pour chaque fonction, on définit des caractéristiques sous forme de critères et de niveaux.Pour la fonction « être rapide », une vitesse en m/s.L’ensemble ordonné des fonctions avec leurs caractéristiques constitue le cahier des char-ges fonctionnel.

Valorisation des fonctions et recherche de « solutions produit »

Toutes les fonctions précédentes doivent être satisfaites. Toutes n’ont pas la même « valeur »,ou « importance », ou « utilité » pour les futurs utilisateurs.

Pour une tondeuse à gazon, « couper l’herbe », par exemple, est plus important qu’avoir unlong rayon d’action.

On leur attribue donc des « coefficients d’importance » (de simplement utile à vitale) et l’ondéfinit, si besoin est (ce qui est souvent le cas, si l’on utilise conjointement la conception àcoût cible), un ordre de priorité. En parallèle, il faut évaluer les coûts de ces fonctions (enniveau absolu et en niveau relatif). On essaie aussi de définir des « taux d’échange » entrevariation du niveau d’un critère et variation du coût. On cherche de fait à apprécier la valeurpour le client de diverses combinaisons de niveaux de critères sur les différentes fonctions,dans une approche similaire à celle de l’analyse conjointe.

À ce stade d’évaluation de solutions produits, on introduit (ou considère, si le produit existedéjà) les fonctions techniques internes au produit et liées aux solutions techniques envisa-gées. Ces fonctions, nécessaires à l’accomplissement (supports), sont des fonctions de ser-vice. Elles sont souvent invisibles pour l’utilisateur et n’ont généralement pas été demandéespar lui.

Respectivement, le lien par « nappes » entre l’unité centrale et le disque dur dans un micro-ordinateur et le refroidissement d’un moteur à explosion dans une voiture.

Pour les différentes solutions, le groupe de travail effectue un bilan en termes d’équilibre de laconception (part des fonctions de service par rapport aux fonctions techniques, part dans lecoût des fonctions de service principales par rapport aux fonctions complémentaires) et derapport valeur (ou qualité de définition)/coût (ou prix). Le jugement est fonction notamment dela posture concurrentielle valeur/coût souhaitée.

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Pour concilier variété de la gamme de produits et faibles coûts, il estclair par ailleurs qu’il faut rechercher quel est le meilleur mode de parta-ge des composants par les lignes de produits ou – dit symétriquement –le meilleur schéma de modularité partagée de ces lignes. Ici encore, ils’agit d’expliciter un arbitrage : la modularité accroît presque toujours lecoût par rapport à une conception intégrée, car il faut développer desinterfaces ; de plus, les produits modulaires sont plus facilement compré-hensibles, et donc imitables par la concurrence. En conséquence, il fautque ce surcoût et ce risque soient compensés par les économies d’échelleréalisés sur les composants modules partagés.

Exemple de démarche de conception à coût objectif

Une entreprise veut lancer une machine à laver pour personne seule. Voici comment elle peutréaliser une conception à coût objectif.

Le marketing calcule le prix de vente objectif : les vieux célibataires endurcis et les jeunes nesont pas prêts à payer plus de 250 euros.

La Direction financière en déduit le coût objectif de la machine à laver : pour couvrir les inves-tissements, la R & D, les coûts fixes de siège, et rémunérer les actionnaires, la marge doit êtrede 80 euros. Le coût objectif de la machine est donc égal à 170 euros (250 – 80).

Le bureau d’études et la production calculent le coût estimé du produit : après avoir conçu lamachine à laver selon le cahier des charges, les ingénieurs estiment le coût de fabrication. Ense fondant sur les gammes, les nomenclatures et leur expérience, ils aboutissent à 270 euros,soit à un écart avec le coût objectif de 100 euros. Pour le réduire, les services de la produc-tion, des études et du marketing effectuent une analyse de la valeur.

L’entreprise peut choisir entre deux options :– soit elle augmente son coût objectif en rajoutant de la valeur au produit (plus de différencia-

tion, un meilleur service après-vente, etc.) mais cela ne correspond pas à la clientèle visée ;– soit elle réduit son coût estimé en jouant sur les fonctions du produit (machine à un seul pro-

gramme), les composants (tambour en plastique réduisant le poids, et donc le coût detransport, boutons standard de marche-arrêt et programmation limitant les erreurs àl’assemblage et le coût des pièces), le processus de production (pièces s’emboîtant en unpoint unique et vis courtes permettant de réduire le délai de production), les équipements(machines d’assemblage en ligne et sans longueur de câble électrique superflue, engen-drant des coûts logistiques et d’espace moindres).

Choisissant l’option 2, elle décompose le coût objectif en ses différentes composantes grâceà une analyse fonctionnelle du produit, estime la valeur de chaque fonction (lavage, séchage,esthétique…) pour le client et en déduit un coût objectif pour elle (corrélé positivement aveccette valeur, compte tenu des réalités de la fabrication et de la contrainte globale de coûtobjectif). Elle mesure les contributions des composants (tambour, alimentation électrique,programmateur, revêtement) à chaque fonction et en déduit des coûts objectifs pour ceux-ci.Coûts objectifs et coûts estimés des composants sont comparés. Lorsque le coût estimé estsupérieur à l’objectif, on s’interroge sur les moyens de le réduire en changeant de fournisseur,en modifiant le composant (tambour plus petit), voire en le supprimant.

D’après l’Entreprise

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Traquer les inefficiences du processus de consommation des clients

Concevoir « au plus juste » des produits personnalisés « à haute qualitéde définition » et – comme nous le verrons plus loin (chapitre 3,principe n°6) – réduire les délais de livraison de ces produits en utilisantdes systèmes de production « tirés par le marché et flexibles » représen-tent des contributions très substantielles à l’objectif d’assurer l’efficien-ce du processus de consommation par lequel les clients passent. Cescontributions sont nécessaires mais non suffisantes. Les inefficiences –qui créent des clients frustrés et donc non satisfaits alors même quel’éventail des produits offerts n’a jamais été aussi large et leur qualitémoyenne jamais aussi élevée – sont présentes à tous les stades du pro-cessus de consommation et suggèrent autant de voies par lesquelles l’en-treprise peut contribuer à l’amélioration de ce processus1. Nous nouscontenterons ici de considérer des « inefficiences types », étant entenduqu’en pratique, des analyses spécifiques s’imposent, selon notammentque le produit est un bien fongible, un bien durable ou un service.

Œuvrer pour une plus grande « commodité » des achatsAu stade de l’obtention du produit, on observe fréquemment un défaut de« disponibilité » ou encore de « commodité pour l’acheteur » (convenien-ce gap), relevant – pourrait-on dire – du « quoi » ou du « où ». Premierproblème, l’acheteur n’arrive pas à trouver exactement le produit qu’ilveut (le quoi), qui existe (c’est par exemple le modèle de chaussure desport V3 de Reebok en taille 43) mais n’est pas disponible là où il se pré-sente. Weymack et Jones soulignent la relative fréquence d’un tel événe-ment. Ils rapportent par exemple qu’un article de rayon d’épicerie est enstock et sur l’étagère au bon endroit dans 92 cas sur 100. Sachant qu’uneliste de courses d’épicerie contient en moyenne 40 articles, la probabilitépour un acheteur moyen de ramener chez lui exactement le contenu de laliste n’est guère que de 1/20ème. L’acheteur peut, face à cette réalité, ache-ter des substituts ou se rendre dans d’autres lieux de vente ; dans tous lescas cependant, sa satisfaction s’en trouve réduite. Le problème relève dela logistique de distribution. Les solutions passent, comme le distributeur

Principe n° 2

1. Weymack et Jones analysent le processus de consommation de manière plus détailléedans l’article sur la consommation au plus juste déjà cité page 144. Le lecteur remar-quera que nous employons à dessein dans cette section consacrée à la satisfaction duclient le langage de gestion des processus utilisé généralement à propos des processusde l’entreprise pour en améliorer les performances.

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britannique Tesco le met en pratique, par des dispositifs de reconstitutioncontinue des stocks qui sont quelque peu en contradiction avec la tendan-ce à délocaliser la production dans des pays émergents lointains à coûtstrès bas et à accepter en contrepartie des délais d’approvisionnement etde réapprovisionnement élevés. Deuxième contrariété, non anecdotiqueelle-aussi, l’acheteur n’acquiert pas les produits dont il a besoin où ilveut. Contrairement à une croyance répandue, l’acheteur n’a pas de lieud’achat de prédilection en soi. Il arbitre entre prix du produit et commo-dité de l’achat, sachant que le prix unitaire des produits croît avec lacommodité : il fait un voyage – mal commode – de temps en temps versun hypermarché situé en périphérie pour acheter les produits qu’ilconsomme en grandes quantités, se rend plus fréquemment dans un su-permarché pour acheter les produits d’épicerie et/ou ceux qu’ilconsomme en quantité moindre et effectue des visites ponctuelles dansles lieux de vente de proximité – les plus commodes – pour compléter sesachats. Il achète peu aujourd’hui dans ces lieux alors que l’opération estcommode pour lui parce le différentiel de prix avec l’hypermarché estfort. La raison de l’écart tient plus à une différence dans les pouvoirs denégociation des deux types de distributeur qu’à une différence dans lescoûts d’approvisionnement de ces derniers par les producteurs. On peutimaginer que les distributeurs tenant les hypermarchés utilisent leur lo-gistique pour livrer aussi les points de vente de proximité de centre ville(parce qu’il les contrôlent ou sont en contrat avec eux) et contribuent ain-si à une réduction du surprix à payer pour avoir de la commodité. Pareillealliance entre production en nombre et logistique éclatée permettrait unerépartition des achats faisant une part plus grande aux achats de proximi-té, pour une satisfaction plus grande des consommateurs.

S’assurer que le client utilise pleinement le produitAu stade de l’utilisation, il n’est pas rare que le produit fonctionne enlien avec des produits complémentaires et que ce fonctionnement joints’effectue avec difficulté.

Le cas le plus médiatisé est celui de l’ordinateur acheté pour fonctionner en réseau etvendu comme tel, qui a de fait les pires difficultés à communiquer avec des périphériquessupposés compatibles ou d’autres ordinateurs et serveurs connectés localement ou parl’intermédiaire de boîtes Internet à haut débit.

Les solutions résident ici dans une coopération de l’entreprise avec lesfournisseurs des éléments constituant « système de consommation » avecson produit et dans l’apport d’une assistance de qualité au client dans sesefforts d’utilisation des produits conçus par des tiers pour permettre le

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fonctionnement du système. Elles montrent une entreprise allant au-delàde la fourniture de son produit au niveau tant de la conception que del’utilisation. Une image peu courante aujourd’hui.

Il n’est pas rare non plus que client passe un part non négligeable dutemps consacré à la consommation dans des activités autres que l’utilisa-tion du produit, à essayer de le faire fonctionner, à attendre qu’il revien-ne des sessions de maintenance et/ou à participer passivement à cettemaintenance. Le premier problème est ici celui de la qualité des servicesrendus au client dans l’utilisation. Un service de support à l’utilisationindividualisé a un effet contre-productif en matière de satisfaction duclient s’il ne résout pas les problèmes de fonctionnement que ce dernierrencontre tout en étant coûteux pour lui. Nous avons noté précédemmentle caractère crucial de cette question dans le cas de produits complexescomme les services internet. La solution consistant à accroître l’expertisedes répondants induit immanquablement une hausse du coût d’utilisa-tion. Le deuxième problème est celui de l’inefficience des activités demaintenance du produit. La solution est dans la mise sous contrôle parl’entreprise des ces activités et dans l’amélioration permanente de leurorganisation et de leur qualité. Le cas de l’automobile est exemplaire àcet égard. Le processus de réparation du véhicule en cas de dysfonction-nement implique le client et est souvent marqué par leur inefficience :une participation de celui-ci à 50 % stérile (queue à l’arrivée au garage,exposition du problème et discussion sur un premier diagnostic indicatifpermettant d’aiguiller ultérieurement le véhicule vers un expert mais pasd’établir un devis de réparation, écoute quelques heures plus tard dudiagnostic définitif et des propositions de réparation pour validation) ;et un temps d’immobilisation du véhicule non négligeable (toujours aumoins une journée). On voit bien l’intérêt dans ce cas de reconfigurer leprocessus (discussion par téléphone au moment de la prise de rendez-vous pour faire un prédiagnostic, diagnostic définitif par un expert aumoment de la remise du véhicule permettant de valider une propositionde réparation dans la foulée et de réduire le temps d’immobilisation àquelques heures dans de nombreux cas. Plutôt que d’attendre d’être sol-licitée à cause de problèmes de fonctionnement, l’entreprise a aussi inté-rêt à aller vers le client, à s’assurer spontanément auprès de lui quel’utilisation du produit est satisfaisante, voire à lui apporter les élémentsde retour d’expérience qui se dégagent de l’utilisation du produit parl’ensemble de la clientèle. Cette attitude proactive est évidemmentmieux appréciée que celle – plutôt en vogue – consistant à renvoyer leclient vers des forums d’utilisateurs.

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Maîtriser l’innovation fréquente à l’abri de la marque

Dans un monde de concurrence exacerbée et agile, où les cycles de viedes produits sont raccourcis, la personnalisation des offres – mêmecompétitive – a une valeur éphémère si elle reste figée.

L’entreprise doit être capable d’innover fréquemment à travers des« produits nouveaux », dérivés autant que possible des existants, une or-ganisation favorisant le travail parallèle et collectif, ce à l’abri de la mar-que et en sachant imiter.

Utiliser des plates-formes de produits

Cet outil puissant est magistralement décrit par M. Meyer et A. Lenherd.L’idée est d’appliquer le concept de modularité dans le temps, enpensant et planifiant dès le départ les évolutions de la ligne de produits.Une première plate-forme de produits, composée de sous-systèmes (oucomposants) et d’interfaces, est utilisée. Cette plateforme permet d’obte-nir une première variété de produits à partir d’un partage de certainscomposants et interfaces qualifiés de « standards ». D’emblée, des ex-tensions de la plate-forme sont prévues. Les interfaces destinées à ac-cueillir ultérieurement les nouveaux composants doivent être conçuesdès le départ pour que les opérations en question soient aisées le momentvenu. Grâce à cette pratique, l’essentiel du développement est effectuéen une fois ; quand il s’agit de lancer des produits nouveaux, la plupartdes composants et interfaces existent déjà. Il est donc possible d’innoverfréquemment avec des délais courts, sans avoir à pratiquer un prix d’in-troduction notablement plus élevé que celui de la commercialisation demasse (cf. figure 3-12 pour un tableau de performance).

Grâce à cet outil, l’entreprise Hewlett Packard s’est par exemple imposée en dix ans surle marché des imprimantes individuelles en lançant un nouveau produit tous les six mois(cf. encadré page suivante).

L’outil ne traite bien entendu pas le cas de l’innovation produit fondéesur une rupture technologique majeure, qui relève d’une autre logique.

Principe n° 3

➤ L’idée est d’appliquer le concept de modularité dans le temps, en pensant et planifiant dès le départ les évolutions de la ligne de produits.

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La politique générale en pratiques

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Figure 3-12. Mesure des performances d’une plate-forme en développement

Pratiquer l’ingénierie simultanéeL’innovation devant être rapide et pertinente, il ne saurait être questionde réaliser le processus de développement de manière séquentielle. Lesspécialistes internes du marketing, des bureaux d’études, des achats, desusines et des bureaux méthodes, ainsi que les fournisseurs de compo-sants, doivent travailler ensemble, en « ingénierie simultanée » (concur-

Un exemple de plate-forme de produit

La plate-forme d’imprimantes « Deskjet » de Hewlett Packard (HP), qui s’est imposée sur unmarché dominé au départ par les imprimantes matricielles asiatiques, a permis originellementde réaliser à partir de la même architecture et d’un même cœur de composants une impri-mante laser noir et blanc pour PC (la Deskjet), une version donnant une impression demeilleure qualité (la Deskjet Plus), des versions Macintosh de ces produits (les Deskwriter) etun modèle plus performant (la Deskjet 500). Tous ces produits ont été lancés dans un inter-valle de cinq ans. HP a ensuite développé quatre extensions, par innovation sur certainssous-systèmes, respectant l’architecture Deskjet 500 couleur et Deskjwriter 500 couleur(modèles avec double cartouche couleur et noir et blanc) : les versions portables Deskjet 300et Deskjet 340C ; les modèles 520 et 560 couleur à meilleur rapport qualité/coût. L’« espritplate-forme » est particulièrement clair dans le cas de l’extension ayant conduit aux versionsportables. La technologie de la cartouche d’encre, qui conditionne la plupart des interfaces,n’a pas été modifiée : on n’a pas réduit la taille de la cartouche. Les efforts ont porté plutôt surles autres sous-systèmes. En dix ans, HP a pu lancer 25 modèles et a acquis une position deleader sur le marché des imprimantes à jet d’encre.

Source : Meyer et Lenherd

CoûtCoût moyen de développement des produits dérivés

Coût de développement de la plate-forme

DélaiTemps moyen de développement des produits dérivés

Temps de développement de la plate-forme

Rentabilité

* Des produits dérivés

×Coût de production cumulés*Ventes cumulées*

Ventes cumulées*Coût de développement cumulés*

Source : Meyer et Lenherd

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rent engineering, en anglais), au sein d’équipes-projets, le plus souventdotées de directeur de projet, ayant l’autorité hiérarchique, et regroupéesle temps de la conception en un même lieu. Les constructeurs automobi-les sont les champions médiatisés de ce type de pratique. Une associationforte des fournisseurs est d’autant plus nécessaire que, comme nous leverrons plus loin, ceux-ci ont pris acte du désengagement en amont desfabricants de produits finis et jouent en conséquence un rôle croissantdans la conception desdits composants par l’intermédiaire de leurs pro-pres bureaux d’études.

S’abriter derrière une marque forteCette innovation fréquente et rapide doit se faire à l’abri de la marque,alors même que les consommateurs y sont moins spontanément attachés.Pour ces derniers, qui sont « bombardés » d’informations et de sollicita-tions relatives à des produits concurrents nombreux et assez proches etqui se voient sans cesse proposer des solutions nouvelles, la marque peuten effet être le repère rassurant et évocateur qui emporte la décisiond’achat, si elle véhicule une « identité claire ». L’« identité de marque »est l’ensemble des éléments fonctionnels (c’est-à-dire relatifs aux fonc-tions rendues), émotionnels et d’expression de soi associés aux produitsde la marque1.

L’identité de la marque Nike est ainsi celle de produits à haute performance, suggérantl’ivresse de la performance athlétique et le sentiment d’être en forme physique, projetantl’expression d’un soi détendu, innovant et soucieux de son corps.

Dès lors qu’appuyée sur un symbole facilitant sa mémorisation, la mar-que a une identité forte, de préférence internationale, les créations répé-tées de produits gagnent à être inscrites dans son cadre. Sachant que – à ladifférence de ce qui était observé à la fin des années 90, les écarts de prixtolérés par rapport aux « produits sans marque » sont en forte baisse2.

Savoir imiterPour faire face à une concurrence agile et des technologies abondantes,il faut enfin chasser le syndrome NIH (not invented here) et profession-naliser l’imitation. Les Japonais ont été les champions précoces de l’uti-lisation d’un outil efficace dans ce champ, l’ingénierie inversée (reverseingineering). L’outil consiste « simplement » à analyser en détail les

1. Ce concept et son utilisation sont bien définis par Aaker.2. C’est « l’effet hard discount », déjà cité.

➤ On pratique au mieux l’ingénierie simultanée au sein d’équipes-projets dotées de directeur de projet, ayant l’autorité hiérarchique, et regroupées le temps de la conception en un même lieu.

➤ La marque peut être le repère rassurant et évocateur qui emporte la décision d’achat, si elle véhicule une « identité claire ».

➤ L’outil consiste à analyser en détail les produits concurrents à haut rapport qualité-prix, à évaluer les solutions apportées grâce à une analyse de la valeur, puis à copier en apportant des améliorations.

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produits concurrents à haut rapport qualité-prix, à évaluer les solutionsapportées grâce à une analyse de la valeur, puis à copier en apportant desaméliorations.

Toyota, le précurseur, a ainsi acheté quatre véhicules Mercedes avant de concevoir laLexus pour les États-Unis. Lorsqu’il a sorti cette ligne de produits, juste après le lancementde la Honda Legend, il a été suivi presque instantanément par Nissan avec son Infiniti.Alors que quatre ans s’étaient écoulés avant qu’une entreprise occidentale ne copie leshampoing « deux en un » de Procter & Gamble, le japonais Kao l’a copié six mois aprèsson introduction au Japon, puis, six mois supplémentaires plus tard, a lancé une formule« trois en un ».

Fidéliser la clientèle de manière raisonnée

L’idée de fidéliser les clients n’est pas nouvelle. Dès 1952, Brown adéfini la fidélité dans sa dimension comportementale : une tendance àacheter une marque donnée de manière répétée, suite à des expériencespassées positives. On parle aussi de fidélité d’attitude à l’égard de lamarque. Les deux dimensions ne sont pas obligatoirement associéeschez le consommateur1.

Appréhender les enjeux de la fidélisationLa fidélité comportementale est considérée comme n’allant plus de soiaujourd’hui, du fait à la fois de la sursollicitation dont le consommateurest l’objet et de son individualisme. Elle est jugée porteuse d’enjeuxfinanciers considérables.

Pour attirer un acheteur potentiel et en faire un client, l’entreprise sup-porte en effet des coûts dits d’acquisition (prospection, démonstration,négociation…).

Dans le cas d’un client de banque prenant une carte de crédit, par exemple, ce coût pro-vient des mailings publicitaires, de la fabrication de la carte, de la création d’un comptedans le système de traitement.

Principe n° 4

1. Un consommateur peut avoir un comportement fidèle par ce qu’il est peu impliqué oun’a pas le choix alternatif. Il peut au contraire avoir une attitude d’attachement objec-tif (ou psychologique) à la marque sans pour autant renoncer à son souci de variété etd’expérimentation.

➤ La fidélisation est jugée porteuse d’enjeux financiers considérables. Aussi, l’intérêt de fidéliser existe, mais pas de manière indifférenciée.

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En retour, le client engendre un chiffre d’affaires et constitue la sourced’une marge (de valeur) pour l’entreprise. La première fois, la margepeut fort bien être négative. En cas de réachat, le coût (dit de rétention)encouru pour provoquer la décision est généralement plus faible. Leclient ayant une pratique du produit et/ou étant mieux connu de l’entre-prise, le coût supporté pour le servir tend à décroître ; dans la mesure oùl’apprentissage est facteur de baisse de coût d’utilisation pour le client,la valeur qu’il accorde au produit tend aussi à augmenter ; d’où pourl’entreprise des possibilités d’accroissement de la marge réalisée. Dansune relation durable, on peut aussi espérer conduire ce même client àaccroître ses achats, à acquérir des produits connexes et à recommanderà d’autres les produits de l’entreprise (cf. figure 3-13).

Figure 3-13. Les sources de valeur d’un client pour l’entreprise

Coûts de développement et de fidélisationCoûtd’acquisition

Durée de la relation

Profit net provenant d’un client Sources de chiffre d’affaires

Sources de coût

0

+

Achats connexesde produits existants

Augmentations du CA réalisé avec le produit de base

Chiffre d’affaires de base

Recommandations

Augmentations des marges unitaires

D’après Mc Dougall et Wyner, Mercer

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Les quatre exemples cités figure 3-14 et empruntés à F. Reichheld mon-trent l’importance du phénomène dans nombre d’industries, et aussi sadiversité de formes : tant le poids du coût d’acquisition au regard d’uneannée de marge commerciale que la courbe temporelle type du chiffred’affaires réalisé varient sensiblement d’un secteur à un autre.

Lorsque le coût d’acquisition est relativement élevé, et seulement dansce cas, la durée de la relation devient un paramètre critique de l’attrait duclient (la figure 3.15 illustre cette idée avec un exemple numériquesimple). Dit autrement, l’intérêt de fidéliser existe, mais pas de manièreindifférenciée.

Figure 3-14. Évolution dans le temps du profit engendré par un client

Raisonner la fidélisationLa fidélisation doit être raisonnée et donc sélective pour trois raisons aumoins.

Services automobiles

0

100

200

300

1 2 3 4 5

Blanchisserie industrielle

- 50

- 250

7590 100

- 300

- 200

- 100

0

100

200

50

0

100

150

200

1 2 3 4 5 1 2 3 4 5

Assurance automobile

- 100

- 50

0

50

100

1 2 3 4 5 6

Carte de crédit

25

144166

192 222256

35

7088 88

- 80

66 72 79 87

40

D’après Reichheld

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• Satisfaire les clients ne suffit pas pour les retenir.

Le grand opérateur de télécommunications ATT a, par exemple, observé que 40 % desclients satisfaits – c’est-à-dire jugeant les prestations de bonne qualité – sur une échelle :« mauvaise, correcte, bonne, excellente » examinaient attentivement les offres concur-rentes au moment de renouveler leur achat, ce taux montant à 90 % pour les clientsmoyennement satisfaits. Seuls les clients très satisfaits apparaissent en grande majoritéstables. L’entreprise a aussi constaté que l’indicateur fortement corrélé avec sa part demarché était celui de la valeur relative de son offre par rapport à celle de ses concurrents.

Moralité, peu surprenante : un client satisfait peut fort bien passer àla concurrence, s’il pense pouvoir obtenir d’elle des avantages su-périeurs. Et tant le dynamisme de la concurrence que la variété deses offres sont impressionnants. Dit autrement, fidéliser l’ensemblede la clientèle apparaît un objectif inaccessible.

• Certains consommateurs apparaissent par ailleurs être des « zappeursimpénitents », si bien que leur fidélisation est appelée à engendrer uncoût hors de proportion avec le retour, voire à s’avérer impossible.

• Lorsque l’on examine les portefeuilles de clients, il apparaît de plus,et ce même dans les industries de grande consommation, que ceux-cine constituent pas un ensemble homogène. La distribution du chiffred’affaires par client montre couramment un indice de concentrationélevé, un tiers des clients pouvant être responsable d’au moins troisquarts des ventes. La contribution de chaque client à la valeur conser-vée par l’entreprise (ou encore l’« actif client » qu’il représente) esttrès variable. Cette contribution peut être mesurée par la somme deschiffres d’affaires annuels engendrés par le client, nets des coûts de larelation commerciale entretenue avec lui, actualisée sur la durée de sarelation avec l’entreprise (cf. figure 3-15).

Figure 3-15. Calcul d’un « actif client » (valeur apportée par un client)

T est l’espérance de durée de la relationV le chiffre d’affaires annuel apporté par le client

m le taux de marge commerciale après impôtR le coût annuel de rétentionA le coût initial d’acquisition

i le coût du capital

A = A–mt Vt

(1 + i) t

T

t = 1∑

T

t = 1∑ –

Rt

t

t

t

c

c(1 + i) t

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La contribution de chaque client peut varier de 1 à 100 en étant dansnombre de cas négative (cf. exemples encadré ci-dessous et figure 3.16).Les gros clients ont tendance à montrer des contributions relativementélevées. L’exemple relatif à une chaîne de magasins de détail, montréfigure 3-16, est suggestif à cet égard.

Figure 3-16. Exemple d’une chaîne de magasins de détail (actif client)

Coût d’acquisition et durée de service du client

Supposons que, sur un segment de clientèle, le coût moyen d’une visite commerciale soit de2000 € et qu’en moyenne, quatre visites soient nécessaires pour convertir un « prospect » enclient. Le coût moyen d’acquisition d’un client du segment est alors de 8 000 €.

Si le chiffre d’affaires annuel moyen engendré par un client est de 30 000 €, sa durée de rela-tion moyenne de 2 ans et la marge nette qu’il engendre de 10 % du chiffre d’affaires, la valeurmonétaire apportée par un client du segment est (en négligeant l’actualisation) de 6 000(10 % de 60 000 €). La valeur nette moyenne d’un client du segment est négative (– 2 000 €).Une solution peut être de trouver les moyens d’allonger la durée moyenne de la relation sur cesegment.

Segment A

Segment B

Segment C

Segment D

Montant moyen d’achat 15 $ 10 $ 30 $ 20 $

Marge brute 20 % 30 % 25 % 25 %

Coût de service des clients 15 % 20 % 20 % 26 %

Marge commerciale nette par achat 0,75 $ 1,00 $ 1,50 $ – 0,20 $

Nombre d’achats par an 100 200 100 25

Marge annuelle nette 75 $ 200 $ 150 $ – 5 $

Durée de la relation 10 ans 5 ans 5 ans 20 ans

Valeur sur la durée de la relation (avant coût d’acquisition) 460 $ 760 $ 570 $ – 43 $

Coût d’acquisition 100 $ 50 $ 70 $ 10 $

Actif clientèle (valeur apportée sur la durée de la relation) 360 $ 710 $ 500 $ – 53 $

Source : McDougall et Wyner, Mercer

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D’où l’idée d’effectuer une analyse typologique du portefeuille declients sur la base des contributions à la valeur et de définir la politiquede fidélisation sur cette base.

Comme lorsqu’elle concerne les activités économiques, l’analyse du por-tefeuille de clients ne saurait, bien entendu, conduire à concentrer tous lesefforts sur les éléments les plus rentables et à rejeter les autres… L’appré-hension du niveau de la contribution d’une classe de clients doit plutôtsuggérer en premier lieu les mesures appropriées pour l’augmenter.

Par exemple, l’institution d’un seuil minimum de commande, dans le cas des petitsclients.

Elle doit aussi permettre d’affecter aux différentes classes les canaux re-lationnels les mieux adaptés. L’analyse est aussi clairement un point dedépart pour « optimiser » la structure du portefeuille, en lien avec l’ob-jectif de créer un maximum de valeur pour les parties contributrices es-sentielles, étant entendu que le travail ne doit pas aboutir à disposerd’une base d’acheteurs hyperfidèles et peu nombreux1.

Les leviers de fidélisation des clients jugés prioritaires apparaissent parailleurs de trois ordres :

• Il incluent tout d’abord ceux qui, génériquement, sont supposésprovoquer une forte satisfaction : qualités de profondeur et de lar-geur de la gamme des produits, ampleur et pertinence de la person-nalisation de l’offre, qualité de la relation d’après-vente.

• Ils peuvent ensuite être des avantages économiques spécifiques :cartes de fidélité, offres spéciales…

• Ils relèvent enfin du développement de partenariats avec ces clients– dont nous avons vu des exemples au chapitre 2 – où l’on réalisechez eux certains de leurs processus en partageant éventuellementrisque et résultats et où l’on coconçoit les produits consommésavec eux.

1. Plus la base de clients est peu nombreuse et fidèle, plus en effet l’entreprise est vulné-rable en cas d’incident, comme une rupture de stock ou un défaut de qualité.

➤ Il s’agit d’effectuer une analyse typologique du portefeuille de clients sur la base des contributions à la valeur et de définir la politique de fidélisation sur cette base.

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