MAI 1968 ET SES CONSEQUENCES SUR LA FACULTE DE DROIT DE … · m’avoir ouvert les portes du...
Transcript of MAI 1968 ET SES CONSEQUENCES SUR LA FACULTE DE DROIT DE … · m’avoir ouvert les portes du...
1
Mémoire du Master 2 Recherche - Histoire de la Pensée Juridique Moderne
Ozeme Myrna MBO BILANGA
Année universitaire 2015 – 2016
MAI 1968 ET SES CONSEQUENCES SUR LA
FACULTE DE DROIT DE PARIS.
Directeur de Mémoire : Monsieur Pierre Bonin
Professeur à l’École de Droit de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne
-- Mai 2016 --
2
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur le professeur
Pierre Bonin pour ce très beau sujet, ainsi que pour sa
disponibilité, et sa précieuse aide pour la réalisation de ce
mémoire.
Mes remerciements vont ensuite aux professeurs Monsieur
Arnaud Vergne et Madame Anne Rousselet-Pimont pour
m’avoir ouvert les portes du Master 2 Histoire de la pensée
juridique moderne.
Un grand merci aux personnels des archives nationales de
Pierrefitte, ainsi qu’à ceux de la Bibliothèque de
documentation internationale contemporaine de Nanterre.
De manière plus individuelle je tiens à remercier Madame
Florence Roussel (Archives du Sénat) et Monsieur Thierry
Holzer (Archives du ministère de l’éducation) pour les
recherches qu’ils ont si gentiment effectués, Monsieur
Ludovic Bouvier et Madame Stéphanie Méchine (archives
de la chancellerie des universités) ainsi que Madame Marie-
Caroline Luce (archives de l’Université Paris I – Panthéon
Sorbonne) pour leur temps, leur aide mais aussi leur conseil
pour la rédaction de ce mémoire.
Je remercie également les futurs lecteurs de ce mémoire, en
espérant qu’ils puissent y trouver des réponses à leurs
questions en vue d’éventuelles recherches.
Et enfin un dernier remerciement à ma mère, qui a été d’un
soutien sans faille durant la rédaction de ce mémoire.
3
Glossaire des abréviations utilisées
AEERS Association d'Etudes pour l'Expansion de la Recherche Scientifique.
AGEDESEP Association Générale des Etudiants en Droit et Sciences Economique
de Paris.
BDIC Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine.
CED Centre d'Études et de Diffusion.
CFTC Confédération Française des Travailleurs Chrétiens.
CNESER Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
CNOUS Centre National des Œuvres Universitaires et Scolaires.
COMUE Communautés d’Universités et Etablissements.
CROUS Centre régional des œuvres universitaires et scolaires.
EHESS École des hautes études en sciences sociales.
EPHE École pratique des hautes études.
FEN Fédération de l'Éducation nationale.
FNSAESR Fédération nationale des syndicats autonomes de l’enseignement
supérieur et de la recherche.
HEC École des hautes études commerciales de Paris.
IEP Institut d'études politiques de Paris.
INA Institut national de l'audiovisuel.
INALCO Institut national des langues et civilisations orientales.
JORF Journal Officiel de la République Française.
LRU Loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
OTAN Organisation du traité de l'Atlantique nord.
PRES Pôle de recherche et d'enseignement supérieur.
4
SGEN Syndicat Général de l'Éducation Nationale.
SNCS Syndicat National des Chercheurs Scientifiques.
SNESR Syndicat National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
SNESup Syndicat national de l'enseignement supérieur.
UDR Union pour la Défense de la République.
UER Unités d'Enseignement et de Recherche.
UFR Unité de Formation et de Recherche.
UJP Union des Jeunes pour le Progrès.
UNI Union Nationale Interuniversitaire.
5
Sommaire
Introduction _______________________________________________________________ 7
PREMIERE PARTIE - LA FACULTE DE DROIT DE PARIS EN MAI 1968 _______ 14
Chapitre 1 - Les acteurs de la Faculté de droit de paris __________________________ 15
I – Les membres de droit ____________________________________________________ 15
II – Les corps de la Faculté ___________________________________________________ 22
Chapitre 2 - La Faculté de droit de Paris face à la contestation étudiante ___________ 30
I – Les affrontements de étudiants de la Faculté de droit de Paris _____________________ 30
II – Les revendications des étudiants de la Faculté de droit de Paris ___________________ 37
DEUXIEME PARTIE - L’ADOPTION DE LA LOI FAURE _____________________ 43
Chapitre 1 - L’adoption du projet de la loi d’orientation _________________________ 44
I – La nécessité d’une réforme de l’enseignement supérieur _________________________ 44
II – L’élaboration du projet de loi ______________________________________________ 52
Chapitre 2 - La réception de la loi Faure dans le milieu universitaire _______________ 61
I – Les syndicats universitaires et la participation _________________________________ 61
II – La loi Faure et les syndicats enseignants _____________________________________ 65
TROISIEME PARTIE - LES CONSEQUENCES DE LA LOI FAURE ____________ 70
Chapitre 1 - La fin de l’Université napoléonienne _______________________________ 71
I – Les principaux piliers de la loi Faure _________________________________________ 71
II – Des nouveaux rôles pour des nouvelles universités _____________________________ 77
Chapitre 2 - Le démembrement de la Faculté de droit de Paris ____________________ 81
I – Des cinq facultés aux treize universités _______________________________________ 81
II – Entre la division et le partage de l’ancienne Université de Paris ___________________ 87
Conclusion _______________________________________________________________ 95
6
« De l'éducation de son peuple dépend le destin d'un pays ».
Benjamin Disraeli (1804-1881).
« L’Université sous l’impulsion du grand ministre que
J’y aurai appelé, sera, de par la loi, réformée de fond en comble1 ».
Charles De Gaulle (1890-1970).
« L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on
puisse utiliser pour changer le monde2 ».
Nelson Mandela (1918-2013).
1. Charles de Gaulle. Mémoires d’espoir, L’’effort, tome II, Paris : Plon, 1971.
2. Traduction de l’anglais « Education is the most powerful weapon which you can use to change the world »,
prononcé lors de son discours Lighting your way to a better future, en 2003.
7
Introduction
1 593 300, c’est le nombre d’étudiants en France inscrits à l’Université pour l’année 2015-2016,
cela représente une augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente3. Parmi ces étudiants
un peu plus de 208 600 sont inscrits dans un cursus juridique4.
L’éducation occupe une place centrale au sein de la société. Dans un souci d’organisation et de
contrôle de l’Éducation Nationale, nombreuses ont été les réformes initiées par le
Gouvernement. Pourtant, à la fin des années 60, dans le dernier tiers du XXe siècle, une réforme
relative à l’éducation va apporter un changement considérable au niveau l’enseignement
supérieur français.
Il est intéressant de commencer par un bref rappel du contexte historique des années 60 pour
pouvoir comprendre comment et pourquoi se sont déroulés les évènements. Les années
sixties sont caractérisées comme étant une période où la France et la plupart des pays industriels
occidentaux vont connaitre une prospérité presque exceptionnelle, les Trente Glorieuses (1945-
1975)5, période de pleine croissance économique, de plein emploi, avec la présence d’un fort
rayonnement culturel.
La France se transforme, la consommation de masse fait son apparition, mais à côté de ce
tableau idyllique des guerres et des conflits comme la Guerre d’Algérie (1954-1962) où la
France est directement impliquée mais aussi d’autres guerres comme la Guerre du Vietnam
(1954-1975), même si la France n’est pas concernée, cette guerre va jouer un rôle quant à la
naissance des évènements de mai 68.
3. Sources : site du Ministère de l’Éducation Nationale, les effectifs universitaires en 2015-2016. Mai 2016,
(Annexe 1 - Tableau 1).
4. Sources : site du Ministère de l’Éducation Nationale, les effectifs universitaires en 2015-2016. Mai 2016,
(Annexe 1- Tableau 2).
5. Expression de l’économiste Jean Fourastié (1907-1990), Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de
1946 à 1975, Paris : Fayard, 1979. L’expression fut choisie en référence aux « Trois Glorieuses » de la révolution
de 1830.
8
C’est dans ce contexte entre conflits et changements de la société que les jeunes de mai 68, ont
grandi. Certains d’entre eux vont se révolter et décider de mener une lutte « anti-bourgeoise »,
« anticapitaliste » et « anti-impérialiste ».
Tout semble avoir été changé, la France se modernise, mais cet élan de changement s’arrête
aux portes de l’Université, cette dernière et les programmes enseignés sont surannés, l’idée de
réformer l’enseignement supérieur va progressivement s’imposer.
Fondé en 1966, en vue de protester contre l'intervention américaine au Vietnam, le Comité
Vietnam National est présidé par le mathématicien Laurent Schwartz (1915-2002).
Le Comité organise une manifestation, qui se déroule le 20 mars 1968, devant le siège de
l’American Express à Paris. L’établissement est alors saccagé et six personnes sont arrêtés dont
Nicolas Boulte (Jeunesse étudiante chrétienne) et Xavier Langlade (chef du service d’ordre de
l’organisation Jeunesse communiste révolutionnaire).
Le 22 mars 1968, c’est au tour des étudiants de la Faculté de Nanterre de manifester à l’encontre
de l’arrestation de leurs camarades. Lors de cette manifestation le « Mouvement du 22 Mars »
est lancé avec pour leader Daniel Cohn-Bendit surnommé « Dany le Rouge ». Cet évènement
est considéré comme étant l’un des éléments déclencheur des évènements de Mai 68. On peut
déjà souligner que Mai 1968 n’est pas un mouvement de contestation étudiant et ouvrier qui a
uniquement touché le territoire français, dans différents pays du monde se passe des
manifestations comme au Brésil, en Italie, en Allemagne, en Tchécoslovaquie ou au Japon.
Étant donné les nombreux écrits sur le sujet de « mai 68 », les évènements de Mai seront
principalement étudiés au regard de l’Université de Paris et de la Faculté de droit de Paris. Les
lecteurs souhaitant approfondir de manière plus détaillée la question des événements de Mai
68, trouveront quelques éléments bibliographiques concernant la période à la fin de ce mémoire.
Bien que la faculté se nomme « La Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris6»,
dans le cadre de ce mémoire les développements porteront en particulier sur le département
6. La faculté de droit de Paris a pris ce nom suite au décret du 26 août 1957, relatif à la nouvelle dénomination des
facultés de droit.
9
juridique, (enseignements, professeurs, étudiants) il y aura quelques références concernant le
département sciences économiques mais dans une proportion très minime.
La Faculté de droit de Paris et des Sciences Economiques représente huit siècles
d’enseignement du droit, et cela toujours au sein du même quartier au pied de la Montagne
Sainte Geneviève7 dans le Quartier Latin. La Faculté faisait partie de l’Université de Paris qui
était composée au XIIe siècle de quatre facultés : La Faculté des Arts, la Faculté de Médecine,
la Faculté de Théologie et la Faculté de Droit canon. À l’origine seul le droit canonique était
enseigné à la Faculté de droit, cet enseignement reposait sur le décret de Gratien8, en raison de
cet unique enseignement, la Faculté avait pour nom la Consultissima decretorum facultas, la
Faculté de décret.
Le Pape Honorius III avait interdit l’enseignement du droit romain dans les universités
françaises9. Il a fallu attendre jusqu’en 1679, année de l’Édit de Saint-Germain-en-Laye pris en
avril par le roi Louis XIV, qui va autoriser l’enseignement du droit romain à Paris. Cet Édit va
avoir un grand impact sur la faculté de droit, car en plus de l’autorisation de l’enseignement du
droit romain, il va par la même occasion avoir l’affirmation du droit français par rapport au
droit romain et canonique qui formaient l’essentiel des études juridiques.
7. Sainte Geneviève (423-512), est une Sainte française qui convainc le peuple parisien de ne pas abandonner la
cité aux Huns, lorsque les rumeurs cours que Attila viendra envahir Paris. En effet elle est persuadée que ce dernier
contournera la cité. Les parisiens seront assez hostile mais Sainte Geneviève résiste et réuni d’autres femmes
autour d’elle « Que les hommes fuient, s’ils veulent, s’ils ne sont plus capables de se battre. Nous les femmes, nous
prierons Dieu tant et tant qu’Il entendra nos supplications ». Elle est depuis considérée comme la patronne et la
gardienne de Paris. Elle est également la patronne de la ville et du diocèse de Nanterre et des gendarmes depuis
1963.
8. Le Décret de Gratien, en latin Concordantia Discordantium Canonum « Concorde des canons discordants » est
un recueil de droit canonique, qui rassemble plus de 3800 textes, il a été rédigé vers 1140 par Gratien, un moine
bénédictin d’Italie considéré comme le père de l’étude du droit canonique.
9. Le Pape avait volontairement interdit l’enseignement du droit romain en France alors qu’il était enseigné à
Bologne et c’est d’ailleurs le droit romain qui faisait une partie de sa renommée. Le Pape avait voulu éviter une
concurrence entre les deux facultés. Anne Rousselet-Pimont. « L’École de droit avant l’École de droit. Les origines
et le développement de l’enseignement universitaire du droit à Paris ». in Pascale Gonod, Anne Rousselet-Pimont
et Loïc Cadiet (Dir.) L'École de droit de la Sorbonne dans la Cité. Paris, IRJS, 2012, p. 29-30.
10
Au XVIIe siècle on passe de la Faculté de décret à la Faculté des droits. La Faculté de droit de
Paris se diversifie et les professeurs délivrent plusieurs enseignements de droit, à savoir le droit
romain, le droit canonique et le droit françois (français).
Au lendemain de la Révolution les universités de droit sont supprimées par un décret de la
Convention en date du 15 septembre 1793. Elles sont rétablies par la loi du 11 floréal an X (1er
mai 1802) qui annonce l’établissement des lycées et école de droit dont l’organisation va être
fixée par une loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804)10. On réinstalle la Faculté dans les mêmes
locaux, ceux du Panthéon.
Dès sa recréation, la Faculté de droit de Paris compte cinq chaires dont une chaire de droit
romain, trois chaires de Code civil, et une chaire de procédure civile et criminelle et de
législation criminelle. En 1809, elle compte deux chaires en plus, une chaire de Code de
commerce et une chaire de droit administratif.
La Faculté de droit de Paris ne cessant de se développer, une ordonnance royale du 24 mars
1819, porte le nombre de chaires de la Faculté à seize, et en 1845 elle en comptabilise dix-
huit11.
La Faculté de droit de Paris va devenir au cours du XIXe siècle, un lieu où émerge de nouvelles
disciplines juridiques comme par exemple des enseignements en droit administratif 12, en droit
constitutionnel ou encore en droit international public mais aussi privé. C’est également cette
même Faculté de droit qui va connaitre la première doctoresse en droit du monde13 en 1890.
10. Jean-Louis Halperin (Dir.), Paris, Capitale juridique (1804-1950) : Etude de socio-histoire sur la Faculté de
droit de Paris, Rue d’Ulm, 2011.
11. Guy Antonetti. « La Faculté de droit de Paris à l'époque où Boissonade y faisait ses études », in Revue
internationale de droit comparé, Vol. 43 N°2, Avril-juin 1991. pp. 333-356.
12. La première chaire de droit public et administratif de la Faculté de droit de Paris est créée par l’ordonnance du
24 mars 1819, l’enseignement du droit administratif va cependant être supprimé par une ordonnance du 6
septembre 1822 et rétabli par la suite par une ordonnance du 18 juin 1828.
13. Il s’agit de Sarmiza Bilescu (1867-1953), roumaine d’origine, elle est la première femme à être admise à la
faculté de droit de Paris. Elle obtient sa licence en droit le 17 juin 1887 et soutient sa thèse « De la condition légale
de la mère » le 12 juin 1890.
11
Jeanne chauvin y présentera également sa thèse en 189214. C’est au cours de ce siècle que la
Faculté de droit de Paris va gagner en autonomie et en prestige. Ses effectifs étudiants mais
aussi enseignants ne vont pas cesser d’augmenter pour avoir une idée on compte 500 élèves en
1805, et plus de 7800 en 191215, il s’agit de près de la moitié des étudiants du pays. En 1885 on
reconnait la personnalité morale de l’université et le doyen est désigné sous proposition de la
Faculté.
La Faculté de droit de Paris a été le premier établissement d’enseignement supérieur au XIXe
et XXe siècle, en France et figure parmi l’un des premiers en Europe. La Faculté de droit de
Paris est désignée comme étant « L’École de droit de Paris ». Nombreux sont les personnalités
qui ont été diplômées de la Faculté de droit de Paris. Quel est le point commun entre Marguerite
Boulet-Sautel, Marcel Planiol, René Bufnoir, Gérard Lyon Caen, Adhémar Esmein, Joseph-
Émile Labbé, André Tunc, Raymond Saleilles, Robert Badinter, Charles Beudant ? Tous ces
personnages emblématiques du monde juridique ont été professeurs et étudiants au sein de la
Faculté de droit de Paris.
On peut citer de nombreuses facultés de droit très réputées dans le monde, Yale, Harvard, ou
en Europe, Salamanque, Oxford, Cambridge et Bologne mais c’est aussi au 12 place du
Panthéon que les étudiants de France mais aussi du monde se ruent afin de recevoir un
enseignement juridique de grande qualité et de grande renommée.
La Faculté de droit de Paris a connu plusieurs révolutions et crises politiques, par exemple la
Révolution de Juillet en 1830, la Révolution française de 184816, la Commune de Paris en 1871,
14. Jeanne Chauvin (1862-1926), est la première française à soutenir une thèse à la faculté de droit « Étude
historique sur les professions accessibles aux femmes : Influence du sémitisme sur l'évolution de la position
économique de la femme dans la société »,1892. Elle est aussi la première femme avocate française.
15. Jean-Louis Halperin (Dir.), Paris, Capitale juridique (1804-1950) : Étude de socio-histoire sur la Faculté de
droit de Paris, Paris : Rue d’Ulm, 2011, p.17.
16. Pierre BONIN. « Éducation juridique et politique sentimentale, l’École de droit de Paris et les journées de
1848 » in GONOD Pascale, ROUSSELET-PIMONT Anne et CADIET Loïc (Dir.) L'École de droit de la
Sorbonne dans la Cité. Paris, IRJS, 2012, p. 61-68.
Catherine Lecomte. « La Faculté de droit de Paris dans la tourmente politique (1830-1848) » in Revue d’histoire
des facultés de droit et de la science juridique, n°10-11, 1990 p. 59-98.
12
l’Affaire Dreyfus, l’Affaire Georges Scelle (1878-1961) en 1925 ou encore l’Affaire Gaston
Jèze (1869-1953) en 193617. La dernière « révolution » que va connaitre la Faculté de droit de
Paris sera la crise de mai 1968 qui va sonner le glas de la Faculté. L’Université de Paris qui
était « ici est partout sur la terre18 » n’est plus, elle a été dissoute en même temps que la Faculté
de droit de Paris.
On aurait pu penser que l’éclatement de l’ancienne Faculté de droit de paris, suite aux
évènements de mai 1968, de la loi d’orientation en 1968 et du décret Guichard de 1970 aurait
eu pour conséquence un affaiblissement du dynamisme des études juridiques parisiennes, mais
bien au contraire à cause ou plutôt grâce à l’ensemble de ces évènements les études des droits
vont renaitre, se moderniser et se diversifier.
Les sources qui ont été utilisées pour la rédaction de ce mémoire sont principalement des
sources issues d’archives écrites. Les recherches ont été effectuées auprès des
Archives Nationales de Pierrefitte, aux Archives du Rectorat de Paris et aux Services
des archives de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Concernant le travail en bibliothèque, les recherches ont été principalement effectuées à la
Bibliothèque interuniversitaire Cujas, à la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne, à la
Bibliothèque Sainte-Geneviève et à la Bibliothèque de documentation internationale
contemporaine de Nanterre.
Il y a également des ouvrages, des articles de presse. Le quotidien qui a été spécialement retenu
pour cette étude a été le journal Le Monde19, c’est un des quotidiens qui a le plus suivi les
évènements de mai 68, les débats concernant l’adoption de la loi Faure de 1968 et les débats
17. Marc Milet. La Faculté de droit de Paris face à la vie politique : de l’affaire Scelle à l’affaire Jèze, LGDJ,
1996. 232 p.
18. Devise de l’ancienne Université de Paris : Hic et ubique terrarum, « Ici et partout sur la terre ».
19. La BDIC de Nanterre met à la disposition tous les numéros du journal Le Monde, en volumes reliés, depuis
1945. L’ensemble des numéros du journal est également consultable et téléchargeable sous format PDF sur le site
internet Euro presse : www.europresse.com, il s’agit d’une base de données d'informations en ligne. L’accès peut
aussi se faire via un compte lecteur de la Bibliothèque Cujas.
13
sur l’enseignement supérieur en général. De plus il a la particularité d’être un quotidien « du
soir ».
L’objectif de ce mémoire va être de voir quels ont été les conséquences des évènements de Mai
68 sur la Faculté de droit de Paris et comment la faculté s’est transformée.
La première partie sera consacrée au statut de la Faculté de droit de Paris avant et pendant les
évènements de mai 68. La seconde partie sera relative à l’adoption de la Loi Faure. Et enfin la
troisième partie abordera les conséquences de la Loi Faure sur la Faculté de droit de Paris.
14
Première Partie - La Faculté de Droit de Paris en Mai 1968
Dans cette première seront étudiés les acteurs de la faculté de droit de Paris (Chapitre 1).
Nous étudierons également la contestation étudiante découlant des évènements de mai et son
déroulement au sein de la Faculté de droit de Paris. Nous allons essayer de voir quelle a été
l’implication des étudiants et des enseignants de la Faculté lors des évènements (Chapitre 2).
15
Chapitre 1 - Les acteurs de la Faculté de droit de Paris
Dans ce premier chapitre nous verrons les acteurs de Faculté de droit de Paris. Il est intéressant
de commencer par une présentation des acteurs composant la faculté pour comprendre son
fonctionnement. On pourra ainsi voir quels étaient les acteurs de la faculté avant les évènements
de mai 1968 et voir si ces acteurs le resteront après la crise. Nous étudierons dans un premier
temps les membres de droit (I), et ensuite ceux qui représentent le plus grand effectif de la
faculté les enseignants et étudiants (II).
I - Les membres de droit
Les membres de droit sont les acteurs de la Faculté de droit de Paris qui ont été nommés par
voie législative, il s’agit des recteurs (A) et du doyen (B).
A - Le recteur de l’Académie de Paris et son recteur adjoint
On peut dire qu’en France, il y a deux grandes figures qui représentent le ministère de
l’Éducation au sein des universités, il y a le recteur (1) et le recteur adjoint (2).
1 – Le recteur de l’Académie
En 1967, dans un article du Monde, le Ministre de l’Éducation Nationale Alain Peyrefitte20
déclarait que : « La fonction rectorale n'est pas une carrière mais une mission21 »..Le terme
recteur a pour étymologie « capitaine de navire22 ».
20. Alain Peyrefitte (1925-1999) a été ministre de l’Éducation Nationale du 7 avril 1967 au 28 mai 1968 sous le
gouvernement George Pompidou IV.
21. Le Monde, 24 décembre 1967.
22. Navis rector, dérivé du supin rectum de regere, « diriger, guider, mener », Dictionnaire historique de la langue
française, Le Robert.
16
La fonction de recteur de l’Académie a été créée par Napoléon Bonaparte en 180823. Un décret
organique portant sur l’organisation de l’Université du 17 mars 1808 opérait une nouvelle
division du territoire en créant des académies et disposait au Titre XIII, article 94 que « Chaque
académie sera gouvernée par un recteur ». Le recteur d’Académie « napoléonien » va alors se
révéler être un véritable instrument du gouvernement. Le recteur va être placé sous l’autorité
du grand maître de l'Université24. Le recteur de l’Académie de Paris tient également le rôle de
Président du Conseil de l’Université.
L’article 6 du décret impérial du 31 juillet 1809 signé à Schönbrunn (Autriche), concernant les
costumes des membres de l’Université dispose que les recteurs porteront, dans l’exercice de
leurs fonctions et dans les cérémonies publiques, un costume de : « simarre de soie violette,
glands de soie à la ceinture, chausse violette herminée de huit centimètres, un seul galon à la
toque, cravate de batiste, palmes en argent25 ».
Le recteur d’Académie est le premier fonctionnaire de l'académie et, par conséquent le
responsable du système éducatif et le porte-parole d'une administration.
Pour sa nomination, il faut toujours se référer à l’article ci-dessus cité, en effet c’est au Grand-
Maitre que revient le pouvoir de nommer les recteurs. La seule obligation qui semble lui être
faite, est qu’il doit choisir un recteur « parmi les officiers des académies26 », pour une durée de
cinq ans. Cette disposition aboutissait donc à une restriction du choix du recteur.
Il va y avoir un élargissement du choix des recteurs en 1850. En effet la loi du 15 mars 1850
relative à l'enseignement communément appelé Loi Falloux27, dispose dans son article 9 que :
23. Un ouvrage a été consacré sur l’histoire de la profession de recteur : Henri Legoherel, Jean-François Condette
(Dir.), Le recteur d’Académie, deux cents ans d'histoire, Paris : Cujas, 2008, 316 p.
24. Le terme a changé pour ministre de l’instruction publique, ou encore ministre de l’éducation. Aujourd’hui de
Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
25. Annexe 2.
26. Décret impérial portant organisation de l'université du 17 mars 1808 (article 94).
27. Loi abrogée par une Ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie Législative du code de
l'éducation.
17
« Les recteurs ne sont pas choisis exclusivement parmi les membres de l'enseignement public.
Ils doivent avoir le grade de licencié, ou dix années d'exercice comme inspecteurs d'Académie,
proviseurs, censeurs, chefs ou professeurs des classes supérieures dans un établissement public
ou libre ».
Deux années plus tard, la nomination du recteur d’académie va devenir la compétence du chef
de l’Etat, par un décret du 9 mars 1852 sur l’instruction publique, l’article 1er dispose que « Le
président de la République, sur la proposition du ministre de l'instruction publique, nomme et
révoque les membres du conseil supérieur, les inspecteurs généraux, les recteurs, les
professeurs des facultés, du collège de France, du muséum d'histoire naturelle, de l'école des
langues orientales vivantes, les membres du bureau des longitudes et de l'observatoire de Paris
et de Marseille, les administrateurs et conservateurs des bibliothèques publiques».
Une autre condition est exigée quant à la nomination du recteur à l'article 16 du décret impérial
du 22 août 1854 sur l'organisation des académies : « Nul ne peut être nommé recteur s'il n'est
pourvu du grade de docteur ».
Bien que la fonction rectorale ait été créée mais aussi organisée par voie règlementaire, la
fonction va être constitutionalisée dès 1946. En vertu de l'article 30 de la Constitution du 27
octobre 1946 : « Le président de la République nomme en Conseil des ministres les conseillers
d'Etat, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et les envoyés
extraordinaires, les membres du Conseil supérieur et du Comité de la défense nationale, les
recteurs des universités, les préfets, les directeurs des administrations centrales, les officiers
généraux, les représentants du Gouvernement dans les territoires d'outre-mer ». On peut
relever que la Constitution opère un changement de terminologie, en effet dans les anciens
textes on employait toujours le terme de recteur d’Académie mais là on trouve le terme de
« recteurs des université ».
Il faudra attendre la Constitution du 4 octobre 1958, pour qu’il y ait un changement. Le
troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution de 1958 énonce désormais que « Les
conseillers d'Etat, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés
extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de
l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les
officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales,
sont nommés en Conseil des ministres ».
18
Le terme a été changé mais également sa position dans l’ordre des fonctions énoncées. Dans
cet article la fonction de recteur est citée en avant dernier, tandis que dans la Constitution de
1946, elle occupait la seconde place.
Le décret de nomination est donc conformément au premier alinéa de l'article 13, de la
Constitution de 1958 délibéré en Conseil des ministres, puis signé par le président de la
République et conformément à l'article 19 de la Constitution contresigné par le Premier ministre
et les ministres responsables.
En 1968, le recteur de l’Académie de Paris n’est autre que Jean Roche (1901-1992)28. Figure
marquante de la Biologie contemporaine, il succède à Jean Sarrailh. Jean Roche est né à
Sorgues, dans le Vaucluse. Il fait ses études au lycée Mistral d'Avignon, puis il entre dès l'âge
de 16 ans à la Faculté de Médecine de Montpellier. Il sera alors l’assistant du physiologiste,
Emmanuel Hedon.
En 1931, il devient professeur à la Faculté de Médecine de Marseille. Résistant pendant la
seconde guerre mondiale, il est nommé professeur au Collège de France où il dirigera le service
de Biochimie Générale et Comparée.
En 1961, il est appelé à la tête de l'Université de Paris. Il est nommé recteur de l’Académie de
Paris par un décret du président de la République pris en conseil des ministres en date du 8
septembre 1961. Il aura un rôle important lors des évènements de mai 1968. Il décidera de
fermer la Sorbonne et faire appel aux forces de police pour ce que ces derniers rétablissent
l’ordre au sein du Quartier Latin. Le recteur d’Académie va être épaulé d’un nouvel acteur : le
recteur adjoint.
2 - Le recteur adjoint, recteur d’Académie
En 1966, une nouvelle fonction a été mise en place par le Gouvernement. En effet, on a la
création d’un nouveau poste au sein des universités, il s’agit du recteur adjoint. Le décret n°66-
468 du 1er juillet 1966 portant sur la suppression et création d’emplois au ministère de
28. Annexe 3.
19
l’éducation dispose à son article 2, qu’est « autorisée la création au ministère de l’éducation
nationale de l’emploi suivant : Un recteur d’académie ».
Il faut faire attention et ne pas confondre les deux fonctions. En effet le recteur d’Académie
n’est pas le recteur « de » l’Académie. Le recteur d’académie est le recteur adjoint, il aura pour
mission d’assister le recteur de l’Académie. En effet ce dernier pourra déléguer sa signature
dans toutes les matières relevant de sa compétence que ce soit en cas d’absence ou alors
d’empêchement. En revanche, le recteur d’académie ne peut en aucun cas remplacer le recteur
de l’Académie lors des conseils de l’Université, ce poste ne peut être dévolu qu’aux vice-
présidents. Tout comme le recteur de l’académie, le recteur adjoint est membre du conseil de
l’Université.
En 1968, Claude Chalin (1924-2006) est le recteur d’académie, adjoint au recteur de
l’Académie de Paris, il a été nommé par un décret du 1er février 1967. Claude Chalin obtient
un doctorat en sciences puis va devenir maître de conférences puis professeur à Montpellier
(1958-1965). Recteur à Limoges de 1965 à 1967, il devient puis recteur adjoint à Paris (1966-
1969).
Les recteurs Jean Roche et Claude Chalin, sont donc les garants de l’Université de Paris.
Cependant l’Université de Paris est composée de plusieurs écoles et instituts, et de cinq
facultés : la Faculté des Sciences, des Lettres et Sciences humaines, de Médecine, de Pharmacie
et de Droit et Sciences économiques. A la tête de ces facultés se trouvent les doyens.
B – Le doyen, le chef de la faculté
Nous verrons dans un premier temps le statut général des doyens des facultés de droit (1) et
ensuite le doyen de la faculté de droit de Paris (2).
1 – Le statut du doyen
Le terme doyen vient du latin décanus qui signifie chef de 10 personnes. Tout comme le recteur
de l’Académie est à la tête de l’Université, le doyen lui est à la tête de la faculté. Antoine Prost
dans l’un de ses ouvrages donne une description de ce qu’était l’organisation de l’université
20
avant les évènements de mai, il énonce que « Dans l'ancienne organisation, où l'université
n'était que la réunion des facultés, le pouvoir réel appartenait aux doyens de facultés29 ».
Le doyen occupe une place centrale au sein de la faculté. Il a pour charge de prendre toute les
décisions importantes concernant la faculté, il négocie les budgets et participe à l’organisation
des études.
En tant que membre élu de la faculté, le doyen de la faculté de droit est nommé pour une durée
de trois ans par le Ministre de l’Éducation Nationale sur proposition de la faculté de droit et du
conseil de l’Université de Paris. Les candidats sont obligatoirement des professeurs titulaires
de la faculté de droit30.
Le doyen a aussi une robe universitaire qui lui est attaché, pour les doyens la forme de la robe
est la même que celle des professeurs. La différence est que les doyens portent deux galons d’or
à leur toque. Il y a aussi une différenciation au nouveau des couleurs afin de distinguer les
différentes facultés par exemple la robe du doyen de la faculté de lettre sera orange tandis que
pour le doyen de la faculté de droit elle est rouge.
Concernant la tenue du doyen de la faculté de droit, ce dernier porte « une robe en Casimir
rouge, simarre en soie noire, rabat de batiste, chausse en Casimir rouge avec trois rangs
d'hermine, ceinture en ruban noir avec franges et torsades en soie noire, toque en Casimir rouge
avec un galon d'or ».
2 – Le doyen de la Faculté de droit de Paris
Le doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de Paris en mai 1968 est Alain
Barrère (1910-1995)31, il a été nommé en 1967 et a occupé la fonction jusqu’en 1970.
Né en 1910 à Bordeaux, Alain Barrère est un juriste de formation, il fait ses études à la Faculté
de droit et des sciences économiques de Toulouse où il obtient en 1938, un doctorat en droit
mention économie en 1938. Prisonnier de guerre de juin 1940 à mai 1945, Il est à son retour en
29. Antoine PROST. Éducation, société et politiques. Une histoire de l'enseignement en France, de 1945 à nos
jours, Paris : Éditions du Seuil, coll. « Points histoire », 1992, p. 136.
30. Annuaire de l’Université de Paris de 1967-1968, p18.
31. Annexe 4.
21
France reçu major au concours d’agrégation de sciences économiques. Il est ensuite nommé
professeur à la Faculté de droit de Toulouse en 1946, et professeur à la Faculté de droit de Paris
en 1957.
Il est en 1964, directeur d'études à l’EHESS. Alain Barrère est considéré comme l’introducteur
en France de la pensée Keynésienne. Le doyen est chargé sous l’autorité du recteur de diriger
la Faculté de droit de Paris ainsi que d’assurer l’exécution des décisions du Conseil de la faculté.
Le doyen Alain Barrère est entouré de trois assesseurs32, son premier assesseur est Claude
Albert Colliard (1913-1990), souvent surnommé le « Doyen Colliard33 » en raison de son
ancienne fonction de doyen au sein de la Faculté de droit de Grenoble avant de rejoindre la
Faculté de droit de Paris en 1959, c’est également un excellent professeur de droit international
et de libertés publiques.
Le second assesseur est Jean Imbert (1919-1999), la faculté de droit de Paris lui délivre son
diplôme doctorat34 en droit en 1944. Il débute sa carrière d'enseignant à la faculté de droit de
Nancy jusqu’en 1958. Il est ensuite nommé professeur à la faculté de droit de Paris et est
nommée second assesseur en 1967. Le dernier assesseur est Jean de Soto.
32. Le premier assesseur est désigné dans les conditions prévu par l’article 23 du décret du 28 décembre 1885
concernant l’organisation des facultés et écoles d’enseignement supérieur.
La possibilité du doyen d’être assisté d’un deuxième assesseur a été autorisé par le décret n°61-187 du 18 février
1961 relatif à la nomination de deux assesseurs auprès des doyens des facultés.
Le troisième assesseur a été autorisé par le décret n°67-657 du 31 juillet 1967 relatif à la nomination d'un 3eme
assesseur auprès du doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de paris.
Les trois assesseurs sont nommés par le ministre de l’éducation nationale, mais le second et le troisième assesseurs
ont une condition en plus, en effet ses derniers doivent être parmi les, professeurs titulaires, sur proposition du
doyen faite après consultation de l’assemblée de la faculté. La suppléance du doyen en cas d’absence ou
d’empêchement et son remplacement par intérim en cas de décès, démission admission à la retraite ou révocation
ne peuvent être assurés que par le premier assesseur.
33. Il s’agit du premier Doyen Colliard, le second étant Jean-Claude Colliard (1946-2014) : doyen de la faculté de
droit de Nantes de 1980 à 1982, et Président de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne de 2009 à 2012.
34. Intitulé de sa thèse : Essai sur la Condition juridique du Prisonnier de Guerre en Droit Romain, Paris, 1944.
22
Le recteur et le doyen comme on l’a vue sont des titres prestigieux, ils ont une grande place au
sein de l’Université de Paris et la faculté de droit de Paris, ils en sont les gardiens. Cependant
après les évènements de mai 68, le recteur et le doyen sont les deux acteurs de la faculté qui
vont voir leur rôle le subir le plus de changement.
En 1929, Julien Bonnecase répondait à la question : « Qu'est-ce qu'une faculté de droit ?35 ».
On peut aussi tenter de donner une définition, la Faculté de droit est un établissement supérieur
composé en majorité de professeurs délivrant des enseignements juridiques à des étudiants.
Sans qui ces derniers la faculté ne pourrait fonctionner.
II– Les corps de la Faculté
Nous verrons dans un premier temps les enseignants (A) puis les étudiants (B).
A– Les corps enseignants
On parle souvent du « corps professoral de l’université », mais en réalité on devrait plutôt
utiliser le terme « des corps enseignants de l’université ou de la faculté ».
A la Faculté de droit de Paris mais aussi auprès des autres facultés il n’y a pas d’unification au
niveau des enseignants36. Une hiérarchisation est mise en place au niveau de la faculté, tous les
enseignants n’ont pas le même statut, le même titre. Ils ne sont pas choisis, ou nommés de la
même manière. Une différenciation a également lieu entre les facultés même, par exemple
d’une faculté à une autre, les enseignants ne vont pas être nommés pour la même durée.
La faculté de droit fait face à une distinction entre ses membres enseignants, cette distinction
oppose les enseignants chargés des cours dits « de rang A » (1) aux enseignants chargés des
cours de « rang B » (2). Pourtant les deux catégories d’enseignants vont enseigner aux mêmes
étudiants.
35. Julien Bonnecase, Qu'est-ce qu'une faculté de droit, Paris : Recueil Sirey, 1929.
36. A l’origine ce n’était pas le cas, le corps enseignant universitaire issu de l’Université de France était
initialement uniquement composée de professeurs titulaires de chaire. Au fil des siècles la fonction de professeur
à fortement évolué créant plusieurs catégories d’enseignants.
23
1 – Les professeurs d’université
Parmi les enseignants de « rang A » on trouve les professeurs titulaires de chaire. Il s’agit de la
plus ancienne catégorie d’enseignant de l’enseignement supérieur français. Ces professeurs sont
nommés par décret. Une limite d’âge leur est imposée, le professeur titulaire devra être âgé au
minimum de 30 ans. Ils ont le statut de professeur des universités et sont principalement chargés
des cours magistraux.
A côté, il y a le titre de professeur sans chaire. Ce titre pouvait être conféré aux agrégés des
facultés de droit sur proposition du conseil de la faculté. Les candidats au titre d’agrégés des
Faculté de droit vont devoir passer un concours spécialement réservé pour les docteurs en droit.
Ils pourront ensuite être titularisés après deux ans d’enseignement.
Depuis le décret du 29 mars 1963, il y a un changement de terminologie, les agrégés des facultés
de droit et de sciences économiques deviennent des « maitres de conférences agrégés des
facultés de droit et des sciences économiques37 ».
La seconde classification concerne les enseignants de « rang B », ils n’enseignent pas dans les
grands amphithéâtres comme les professeurs mais généralement dans les petites salles de cours.
Aujourd’hui on peut les assimiler aux chargés de travaux dirigés. Ils sont en moyenne plus
jeunes que les professeurs d’université.
2 – Les autres professeurs de l’université
Ils n’ont pas le titre de professeur même s’ils enseignent. On emploie le terme d’enseignant et
parmi ces enseignants, on trouve le corps des maitres-assistants, ce corps a été créé en 1960,
tout d’abord mis en place dans les facultés de sciences et les facultés de lettres et sciences
humaines, par un décret du 27 janvier 196238, le statut des maitres-assistants a été étendu dans
les facultés de droit et de sciences économiques. Ils ont pour charge l’encadrement des
assistants et des chargés de travaux pratiques et participent à l’organisation et à la direction des
37. Décret du 29 mars 1963 attribuant le titre de maitre de conférences agrégés des facultés de droit et des sciences
économiques.
38. Décret 62-114 du 27 janvier 1962, portant sur le statut particulier des maitres assistants des facultés de droit.
24
travaux pratiques et exercices39. Les maitres assistants vont être placés sous l’autorité du doyen
de la faculté de droit et sous la direction d’un professeur ou d’un agrégé.
Les maitres assistants de la Faculté de droit de Paris sont nommés par le Ministre de l’Éducation
Nationale parmi les candidats inscrits sur une liste d’aptitude arrêtée sur proposition du comité
consultatif. Il va se dégager trois catégories de personnes qui vont avoir la possibilité de
s’inscrire sur la liste d’aptitude.
Premièrement les docteurs en droit, en sciences économiques ou en sciences politiques. Ils
doivent avoir exercé pendant au moins deux ans les fonctions d’assistants, de chefs de travaux
ou être chargés d’enseignements trois heures par semaine dans une faculté de droit.
La seconde catégorie de personnes sont des possesseurs de titres et diplômes fixés par arrêté
ministériel.
Et enfin la troisième catégorie sont les candidats remplissant les conditions nécessaires à
l’inscription sur la liste d’aptitude aux fonctions de maitres-assistants de sciences ou de droit.
Le statut des assistants, est comme celui des maitres-assistants, différents selon la faculté. Par
exemple les assistants des facultés des lettres et sciences humaines sont nommés pour une durée
de quatre ans par le Ministère de l’Éducation Nationale, tandis que les assistants de la Faculté
de Droit sont nommés pour une durée d’un an et non pas par le Ministre de l’Éducation mais
par le Recteur d’Académie de Paris sur proposition de l’assemblée de la Faculté40. Il n’y a aucun
décret qui définit le statut des assistants des facultés de droit. Leurs principales fonctions vont
être la tenue des travaux pratiques et la correction des copies. L’assistant qui se souhaite se
porter candidat doit au préalable avoir une licence en droit ou alors une licence en sciences
économiques.
Les assistants étaient environ au nombre de deux cents à la faculté de droit de Paris41. Ils
participaient très peu à la vie de la faculté. Ils n’étaient pas admis à l’assemblée de la faculté et
39. Article Ier du Décret 62-114 du 27 janvier 1962.
40. Annuaire de l’université de Paris de 1967-1968, p20.
41. Assistants en droit et en sciences économiques confondus.
25
les professeurs ne les consultaient pas régulièrement. Les assistants étaient très préoccupés par
le concours d’agrégation qu’ils étaient assez déconnectés des problèmes de l’université42.
Il y a donc plusieurs corps enseignants au sein de la Faculté de droit de Paris. Majoritaire à la
fin des années 1950, la tendance va s’inverser. En 1958 on compte dans les facultés de droit et
sciences économique 391 professeurs et 131 assistants et maitres-assistants tandis que pour
l’année 1968, on compte 736 professeurs pour 993 assistants et maitres-assistants43.
Progressivement les professeurs d’université vont être en infériorité numérique face aux
assistants.
Les enseignants de « Rang B » vont devenir majoritaires, l’une des premières raisons est
financière, les maitres-assistants et assistants permettent de faire des économies en raison de
leur salaire plus faible que celui des professeurs. Il va naitre un fossé entre les professeurs, plus
âgés, et attachés aux traditions universitaires, et les assistants, qui en raison de leur âge auront
plus tendance à être plus proches des façons de penser et de sentir des étudiants des faculté.
Leur augmentation va aussi permettre de gérer l’accroissement des étudiants. Ces derniers étant
en grand nombre, les professeurs d’université ne sont plus suffisants.
B – Les étudiants
Nous allons aborder le statut des étudiants de la Faculté de droit de Paris, leurs caractéristiques,
le déroulement des études (1) et ensuite les associations étudiantes composant la faculté de droit
(2).
1 – Le statut des étudiants de la Faculté de droit de Paris
Depuis 1945, la France connait une augmentation de la natalité, cela va avoir pour conséquence
une augmentation continuelle des effectifs étudiants. On passe de 136 700 étudiants en 1949-
1950 à 508 100 en 1967-196844. Le nombre d’étudiants de la Faculté de droit de Paris ayant
42. F delta 1061 (10), recueil d’extraits d’entretiens tirés d’une enquête de M. Bernardet (« enquête sur les groupes
d’étudiants à la fac de droit avant la crise »). BDIC.
43. Annexe 5.
44. Annexe 6.
26
fait acte de scolarité pendant l’année 1966-1967 est de 31 907. L’Université de Paris est
composée au total de 139 175 étudiants45.
Les étudiants de la Faculté de Droit de Paris représentent environ 23% des étudiants de
l’Université de Paris. C’est la Faculté de Lettres et des Sciences Humaines de Paris qui détient
le plus d’étudiant, environ 32% des étudiants de l’Université de Paris. « L’Université demeurait
fermée aux enfants du peuple46 ». La Faculté de droit accueillait principalement des étudiants
issus de la petite bourgeoisie ou des cadres.
La Faculté de Droit de Paris est divisée entre plusieurs enseignements, les enseignements de
droit, les enseignements en économie et les enseignements en sciences politiques.
Les étudiants de la faculté ont donc la possibilité de préparer une licence en droit, une licence
en sciences économiques, un doctorat en droit, un doctorat en sciences économiques ou un
doctorat en sciences politiques. Il leur est aussi permis d’obtenir un certificat de capacité en
droit ou des diplômes d’universités47. Le cycle de la licence durait quatre ans48, quant à la
préparation du doctorat elle était de minimum deux années.
En entrant en première année les étudiants avaient le choix entre deux orientations : le droit ou
l’économie. La licence était donc divisée en deux avec d’une part des enseignements commun
aux licences de droit et sciences économie et de l’autre des matières spéciales à l’un des deux
domaines d’enseignements et des matières à option dès la troisième année.
45. Statistique des étudiants issus de l’annuaire de l’université de Paris de 1967-1968.
46. André Tuilier, Histoire de l'université de Paris et de la Sorbonne - Vol. 2, De Louis XIV à la crise de 1968,
Nouvelle librairie de France, 1994. p. 508.
47. Presque la quasi-totalité des étudiants entre à la Faculté de droit de Paris pour y préparer un diplôme national
plutôt que celui de l’université.
48. Il n’était pas autorisé de s’inscrire plus de trois fois pour les deux premières années. Depuis le XVIIe siècle la
licence en droit exigeait trois années d’études, c’est par un décret du 27 mars 1954 que la scolarité de la licence en
droit a été portée à quatre ans.
27
Les inscriptions étaient classiques, délivrance de document 49 auprès de la scolarité et exigence
de posséder un des diplômes requis ou bénéficier d’une dispense du baccalauréat. Les dispenses
étaient généralement accordées par le Ministre de l’Éducation Nationale pour candidats qui
possédaient des titres par exemple d’ancien élève de l’École de Saint Cyr, Polytechnique ou
des Ponts et Chaussés, des diplômés d’ingénieur commercial de l’université de Grenoble ou de
Nancy. Les étudiants de la faculté de droit pouvaient s’inscrire à la faculté de lettre et de
sciences humaines mais l’inverse n’était pas possible50.
Il n’y avait pas de sélection à l’entrée, si le candidat avait un diplôme requis ou une équivalence
il était directement admissible au sein de la faculté. Il y avait cependant une exception. Un
examen « spécial » d’entrée à la faculté de droit de Paris pouvait être passé à condition d’avoir
plus de vingt-et-un ans. L’examen était composé d’un oral et de cinq examens écrits.
Certains des étudiants étaient conscient du problème de surpopulation, mais ils ne voulaient pas
de sélection. Certains étudiants étaient en faveur d’une sélection mais elle devait se faire
progressivement et pas de manière radicale. Le nombre d’étudiants trop élevé révélait le
manque de place aux seins des université et les bâtiments devenant de moins en moins adaptés
aux études.
Il y avait d’autres problèmes dont les étudiants de la Faculté de droit étaient conscient d’une
part le problème des débouchés professionnels, et le manque de communication. La question
des débouchés se posait au regard du nombre d’étudiants et des postes proposés, de plus les
étudiants estimaient que les débouchés ne correspondaient plus à ce qu’ils étudiaient lors de
leur scolarité. Leur cursus se trouvait en décalage avec la société qui ne cessait d’évoluer tandis
que les enseignements étaient jugés comme étant trop classiques voir inadaptés pour le monde
dans lequel ils vivaient.
Concernant le manque de communication, les étudiants de la Faculté de droit au regard de leurs
témoignages énoncent que le principal problème d’information est dû en raison de l’interdiction
d’expression politique à l’intérieur de la faculté. Les étudiants pointaient également du doigt
49. Lors de la première inscription à la faculté l’étudiant devait fournir un acte de naissance, et s’il était mineur le
consentement de son père ou de son tuteur. Il devait fournir également une pièce d’identité. Pour les étudiants
étrangers le consentement des tuteur légaux n’était pas demandés.
50. Annuaire de l’université de Paris de 1967-1968, p44.
28
la distance qu’il y avait entre eux et les enseignants, mais surtout les professeurs, plusieurs
d’entre eux estimaient que les professeurs ne venaient à la faculté que pour faire cours, et ne
prenait pas le temps de discuter avec les élèves « La faculté c’était le métro : On y entrait pour
assister à un TD, et on en ressortait aussitôt après51 ». C’est par le bais des associations
étudiantes que les étudiants de la faculté de droit vont pouvoir émettre des revendications.
2 - Les associations étudiantes de la faculté de droit de Paris
Les étudiants en droit de la faculté avaient plusieurs associations qui leur été spécialement
destinées. La première est la plus grande en termes d’effectif, il s’agit de l’Association
Corporative des Etudiants en Droit communément appelé La Corpo droit fondée en 193452.
L’association regroupait environ 9000 adhérents, il y avait principalement des premières
années. Tout semble porter à croire que s’il était aussi nombreux c’était uniquement pour les
polycopiés, en effet chaque adhérent bénéficiait de 20% de réduction. La Corpo ne faisait pas
de propagande mais sa principale activité était de s’opposer à l’UNEF.
L’AGEDESEP (Association Générale des Etudiants en Droit et Sciences Economique de Paris)
est fondée en 1962, afin de limiter le pouvoir de la Corpo qui avait été exclu en 1961 par
l’UNEF. « C'est en face de ce syndicat ‘’ jaune ‘’ que s'est créée l'A.G.E.D.E.S.E.P53 » Elle
regroupait environ 200 adhérents, leurs activités syndicales était très faible. Cette association
aussi ne faisait également pas de propagande politique à la faculté.
L’association les cathos de gauche avait une forte notoriété auprès des étudiant de la faculté.
Association qui se fondait sur des groupes areligieux et apolitiques, entrainant une participation
importante. Il y avait deux groupes : L’ADEP (Association pour le dialogue des Etudiants et
Professionnel), au sein de l’association était organisé de nombreuses réunions avec des
professionnels et le GAC (Groupe d’Animation Culturel), qui se voulait apolitique.
L’association réalisait quatre représentations par trimestre (musique, théâtre, cinéma).
51. F delta 1061 (10), CLERU. BDIC.
52. Aujourd’hui il s’agit de la Corpo Assas.
53. Olivier SCHLEMMER, vice-président de l'information de l’association – Tribune sociale n°132 p.9
29
On trouvait aussi au sein de la faculté de droit la Maison du droit, il s’agit groupement
d’étudiants et de professeurs, qui organisaient des conférences, des débats, ou encore des visites
d’entreprises, le tout de manière apolitique.
En plus de ces associations qui ont été cités, les étudiants de la faculté appartenaient aussi
parfois à des groupements à tendance politique, cela se faisait de manière individuelle car ces
groupements n’étaient pas organisés au niveau de la Faculté. Parmi eux : Occident, qui a été
fondé en 1964. Il s’agissait d’un mouvement politique français d'extrême droite. Il a été dissous
le 31 octobre 1968, et a été remplacé par Ordre nouveau.
Cette organisation aura un rôle dans les évènements de mai, ils seront accusés d’avoir brulé un
bureau d’étudiant en Sorbonne. Il y a également l’Action Française, qui est fondée en 1898 par
Henri Vaugeois et Maurice Pujo, la Jeunesse communiste révolutionnaire qui est fondée le 2
avril 1966 et qui possède deux courants : un courant communiste et un courant socialiste. PSU
Le Parti socialiste unifié était un parti politique français fondé le 3 avril 1960. Le Comité
Vietnam national qui s’est constitué Caen 1966 pour protester contre l'intervention américaine
au Vietnam.
Les étudiants de droit de la Faculté se trouvent être des militants tant à la faculté qu’à l’extérieur.
Les facultés vont être remises en cause autant par les étudiants, que les enseignants. La Faculté
se retrouve ne plus être adaptée face aux effectifs croissants de ses étudiants. Il y a une sorte de
tension qui va naitre entre les générations, avec d’un côté les professeurs qui souhaitent ne pas
voir l’Université trop changer et les étudiants qui souhaitent avoir plus de droit au sein de la
faculté. On arrive à une contestation. La faculté de droit de Paris va donc voir des groupements,
des commissions, des comités se former en son sein dès les premiers jours de mai 68.
30
Chapitre 2 - La Faculté de droit de Paris face à la
contestation étudiante
La révolte étudiante a eu lieu dans la rue mais aussi dans les établissements universitaires. Ce
chapitre va nous éclairer sur les affrontements qui se sont passés au Quartier Latin et dans la
Faculté de droit (I) Quel a été le rôle des étudiants et des enseignants de la Faculté de droit ?
Ont-ils été les plus violents dans la lutte ? Nous tenterons de répondre à ces questions. De cette
manifestation va naitre des revendications même si elles sont principalement étudiées au regard
de l’Université de Paris, elles vont en réalité être commune à plusieurs universités (II).
I – Les affrontements de étudiants de la Faculté de droit de Paris
Les affrontements vont s’intensifier au cœur du Quartier Latin (A) La faculté de droit de Paris
ne va pas en être épargnée (B).
A - Les affrontements aux Quartier Latin
La période de mai 68 débute en réalité en mars à Nanterre et se terminera au mois de juillet. Le
mois de mai reste cependant le plus marquant aux vues des nombreuses manifestations du
mouvement à travers toute la France allant jusqu’à traverser les frontières. Nous verrons
comment se sont déroulés les évènements de mai au Quartier Latin et à la Faculté de droit de
Paris (1) ainsi que la position des professeurs de droit de la Faculté face aux répressions
policières ordonnées par le recteur et le premier ministre (2).
1 - Les journées de mai au Quartier Latin
Grâce aux nombreux communiqués, rapport de commission et journaux d’informations qui ont
circulé au sein de la Faculté de droit de Paris durant les journées de mai, il est possible de
retracer une chronologie des évènements qui se sont déroulés au Quartier Latin et à la Faculté
de droit de Paris.
La vague de contestation qui avait débuté à Nanterre se propage à Paris. Le 2 mai un incendie
a lieu au bureau de la Fédération générale des étudiants en lettres en Sorbonne. Sur le mur est
31
découvert le logo de l’organisation Occident. Dans la journée un rassemblement dans la Cour
de la Sorbonne est annoncé pour le lendemain54.
Le 3 mai 1968, la Sorbonne devient très rapidement l’emblème du mouvement55. Des membres
d’Occident venus de la Faculté d’Assas souhaitent pénétrer à la Sorbonne. Le recteur Roche
souhaitant gérer la crise demande, très tard dans la nuit, le renfort des forces de polices. Le
recteur décide d’envoyer un courrier de quelques lignes à la Préfecture de police, qui va le
transférer au commissaire du Ve arrondissement de Paris. « Le recteur de l'académie de Paris,
président du conseil de l'université, soussigné, requiert les forces de police de rétablir l'ordre
à l'intérieur de la Sorbonne en expulsant les perturbateurs56 ».
Les policiers arrivent sur les lieux et procèdent à l’évacuation de la Sorbonne. L’intervention
des policiers fait débat. Au nom du principe de « franchise universitaire », les forces de polices
ne peuvent intervenir sans l’accord du doyen. Les étudiants ne comprennent pas cette prise de
décision et estiment que ce mode de répression est inacceptable.
Vers 17h30, au Boulevard Saint Michel un jeune homme lance un pavé et touche en plein visage
d’un policier qui était dans un car. Les affrontements entre étudiants et policiers s’intensifient.
Environ 400 manifestants sont arrêtés par la police. Le soir même le recteur Roche prend une
décision, celle d’ordonner la fermeture de la Sorbonne. Le recteur ayant pris la décision de
fermer la faculté et de prévenir les forces de l’ordre sera considéré par les étudiants comme le
recteur de la répression57.
Le 6 mai, une réunion a lieu au sein d’un amphithéâtre du Panthéon, l’assemblée est composée
en majorité d’étudiants de 4e année (dernière année de licence). Ils sont en majorité non
syndiqués. Il s’agit d’un regroupement spontané qui fait suite aux évènements de la semaine
antérieure. Un mouvement de lutte contre la répression policière se met en place. Les étudiants
54. Le Monde, 3 mai 1968.
55. Annexe 7.
56. Mouvement Communiste, « MAI JUIN 1968 : une occasion manquée par l’autonomie ouvrière », (G. Bouvin),
décembre 2006.
57. Annexe 8.
32
vont donc se concerter afin de rédiger et de distribuer des tracts de sensibilisation dans tout le
Quartier Latin.
La préfecture téléphone au 2e doyen (le second assesseur) de la Faculté de droit de Paris, Jean
Imbert, ce dernier refuse que les forces de police s’établissent devant la Faculté de droit de Paris
au Centre Assas. Près de 2000 personnes ont manifesté avec des lancés de projectiles, devant
l’entrée de la Faculté. Le professeur Imbert prendra la décision, pour des raisons de sécurité
évidente de fermer les portes de la Faculté à plusieurs reprises dans la journée. Sans interrompre
la suspension des cours58.
Le lendemain c’est un amphithéâtre de la Faculté d’Assas qui est occupé, les étudiants en ont
fait la demande au préalable. Le Doyen Barrère donne son accord à Jean Imbert qui attribuera
aux étudiants l’Amphi 1000. Les étudiants l’invitent à venir participer à leurs discussions. Cette
réunion porte essentiellement sur les débouchés et la réforme des études. La réunion se déroule
dans le calme. Pourtant au même moment, dans le même quartier les chosent sont différentes à
la Sorbonne.
C’est la nuit des barricades qui va être l’une des plus violentes59, dans la nuit du 10-11 mai
1968 c’est plus de 6000 policiers60 qui rentrent dans les coups de deux heures du matin en
conflit avec les étudiants, les ruent sont dépavées, les voitures incendiées, des centaines de
blessées et d’arrestations. Dans la journée les tensions sont déjà présentes, un petit groupe
d’étudiant étranger à la Faculté de droit s’introduisent au Centre Assas. Ils se regroupent près
d’un amphi, et les étudiants semblent dissimuler sous leurs vêtements des objets, Jean Imbert
étant spectateur de la scène décide de suspendre les cours et faire évacuer les amphithéâtres, il
laisse cependant les salles de travaux dirigés et de travail accessibles afin que les étudiants
puissent discuter entre eux61.
58. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 11 mai 1968, p. 3-4.
59. Le Monde, 13 mai 1968.
60. Annexe 9.
61. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 11 mai 1968, p. 3-4.
33
Le soir même la violence occupe la rue. Le premier ministre, Georges Pompidou énoncera lors
de son discours radiodiffusé le 11 mai à 23 heures « j’ai décidé que la Sorbonne serait librement
ouverte à partir de lundi62 ». Cette fermeture va faire débat, il ne s’agit pas d’une simple
suspension des cours. Les portes sont fermées, les étudiants et enseignants ne peuvent s’y réunir
pour discuter. La décision de fermeture d’une faculté est en principe de la compétence du doyen
de ladite faculté. Le Gouvernement ne peut intervenir à leur place.
Lors de la journée du 13 mai, il n’y a plus uniquement les étudiants qui sont dans la rue, ils ont
entraîné la classe ouvrière, les syndicats ouvriers. Les étudiants ont donc réussi à les convaincre
que travailleurs et étudiants défendaient une cause commune. Une immense manifestation a
lieu dans les rues de Paris. Après la manifestation, pas moins de 1500 étudiants et enseignants
de la Faculté de droit se rassemblent au Panthéon. L’ensemble des commissions se concertent
jusqu’à tard dans la nuit. Ils appellent tous les étudiants à participer à une Assemblée Générale
pour le lendemain. Comme prévue la vieille, l’Assemblée Générale se réuni et rassemble 1000
étudiants à la rue d’Assas. A l’unanimité moins 8 voix, elle décide : premièrement de se mettre
en grève, le report des examens de deux semaines après la fin de celle-ci, la convocation d’une
nouvelle assemblée générale pour la soirée et la création d’un comité de grève63.
Il a donc fallu dix jours à la Faculté considérée comme étant la plus conservatrice de Paris pour
sortir de son isolement et rejoindre la lutte la grande masse des étudiants. La Faculté de droit
était restée plutôt en retrait par rapport à ces évènements, les facultés les plus contestataires
étant celles des Lettres et Sciences Humaines.
Le 13 mai au soir, à 21h une nouvelle semblée générale est constituée au panthéon. Elle
regroupe 2500 étudiants et confirme la grève votée dans la journée. Elle pose les bases les
revendications qu’elle souhaite obtenir par le biais de la grève qui sont les suivantes : abandon
des poursuites judiciaires et administrative contre les manifestants, évacuation totale et
définitive du Quartier latin par les « force de l’ordre », promulgation de la loi d’amnistie, enfin
surtout, réclamation d’engagement sociales quant à la transformation radicale de l’université
sur les propositions élaborées dans les commissions crées à cet effet et adoptées en AG. La
62. Vidéo de l’INA, La révolte étudiante au quartier latin en mai 1968, 15 mai 1968.
63. F delta 1061 (10), CLERU. BDIC.
34
nouvelle Assemblée Générale affirme d’autre part son étroite solidarité avec l’ensemble du
mouvement étudiant.
Le 15 mai on assiste à une structuration du mouvement au sein de la Faculté de droit. Les
premières commissions siègent et débattent des problèmes suivants : université sociale,
autonomie, cogestion, et des problèmes de sélection. Des rapports sont rédigés dans ces diverses
commissions qui sont ouverte à tous et dans lequel le véritable travail se développe.
Le 16 mai, l’organisation du comité de grève se précise par la création d’un Comité de Liaison
Inter-Fac destiné à assurer la cohésion du mouvement étudiant, et d’une commission
d’information64.
Les étudiants de la Faculté de droit de Paris qui ont manifesté ont pu compter sur le soutient de
leurs professeurs, face à la répression qui s’est déroulé lors de la nuit des barricades.
2 - Le soutien des professeurs de droit
Les professeurs se sont mobilisés pour leurs étudiants en condamnant fermement les violences
policières survenues lors de la nuit du 10 au 11 mai 1968 « première nuit des barricades ».
Trois cents membres du personnel enseignant et les représentants du personnel non enseignant
de la Sorbonne, se sont réunis le 11 mai à dix heures dans l’amphithéâtre Descartes. Les
personnes participant au rassemblement souhaitaient faire entendre leur indignation face à la
répression que le Gouvernement avait lancé en envoyant les forces policières au Quartier Latin.
Selon les professeurs la mesure est injuste, les étudiants n’avaient pas pris « l’initiative de
l’offensive65 ».
Les participants mobilisés réclament une convocation immédiate de l’Assemblée Nationale
ainsi que l’adoption d’une procédure d’urgence pour que soit établie une loi d’amnistie qui
couvrirait l’ensemble des faits relatifs aux évènements qui se sont produits depuis la journée du
3 mai 1968.
64. Annexe 10.
65. F delta 1061 (10), CLERU. BDIC.
35
D’un commun accord, il a été décidé par l’assemblée que la reprise du fonctionnement
« normal » de l’université était subordonnée à l’adoption de la loi d’amnistie et au retrait total
et immédiat des forces de polices qui occupent le Quartier Latin, sans cela les enseignants ont
déclaré lors de cette réunion qu’ils n’assureraient pas leur cours et ne corrigeraient pas les
copies d’examen si les deux conditions qu’ils avaient posées n’étaient pas remplies.
Dans le journal Le Monde du 13 mai 1968, le professeur René Capitant, professeur à la faculté
de droit de Paris, le Doyen de la faculté de droit de Paris ainsi que ses deux assesseurs
soutiennent également les étudiants.
René Capitant énoncera qu’il « considère que c'est là une décision déplorable (…) le ministre
(…) va contre les traditions universitaires. La règle universitaire veut que ce soit les doyens qui
aient la responsabilité de suspendre ou de reprendre le cours, comme de veiller à l'ordre à
l'intérieur de leurs facultés. C'est sur la réquisition d'un doyen seulement, que la police peut
intervenir. Jusqu'à jeudi, j'estime d'ailleurs que le gouvernement avait respecté ces règles. Mais
depuis hier, j'estime au contraire que le gouvernement s'est mis en contradiction avec ces règles
fondamentales (…) Les conséquences seront très importantes. J'en suis persuadé. Et ce que
certains ont cru, n'être, au début, qu'un incident, il pourrait bien résulter une crise profonde,
peut-être le tournant de cette législature ».
Quant au doyen Barrère et ses deux assesseurs, ils se trouvent être « bouleversés par les
événements tragiques de la nuit, et dénonçant une répression policière inadmissible sans rapport
avec les nécessités du maintien de l'ordre, demandent solennellement aux autorités responsables
de mettre fin à cette répression. Se portent garants quant à eux du maintien de l'ordre dans leur
faculté si le quartier Latin est libéré et si les autorités universitaires peuvent décider librement
et sans ingérences extérieures. Expriment leur profonde sympathie aux étudiants et leur
demandent de garder leur sang-froid afin que puisse s'ouvrir sans délai le dialogue
nécessaire66 ».
L’ancien Doyen Vedel déclarera : « les étudiants sont en quelque sorte les frères cadets des
professeurs67 ».
66. L’ancien Doyen Vedel s’est associé à l’élaboration du texte.
67. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 11 mai 1968.
36
Les évènements de la veille ont très fortement rapproché les professeurs des étudiants. Une très
forte solidarité se dresse contre ces violences.
Les étudiants de la Faculté de droit qui ont décidé de manifester hors des murs de la faculté en
allant rejoindre leurs camarades dans les rues, vont également se réunir au sein de la Faculté,
une grève illimitée est alors votée par un comité mais cette grève n’est pas acceptée de tous.
Des groupes étudiants vont donc s’affronter à l’intérieur de la Faculté.
B – Les affrontements au sein de la Faculté de droit de Paris
Deux groupes vont s’affronter au sein de la Faculté de droit de Paris. Le Comité de grève de la
Faculté et les autres regroupements de la Faculté. Le Comité de grève est représenté par les
trois délégués de chaque commission qui ont été créées au sein de la Faculté de droit.
Le mouvement de l’amphi 1000 désigne le comité de grève comme étant le « fauteur de
trouble », leurs actions doivent cesser afin que la Faculté puisse retrouver son calme.
Dans un des tracts du Mouvement de l’Amphi 1000 on peut lire : « NON AUX ORDURES ;
LIBERTE de TOUT TRAVAIL ; Nous sommes chez NOUS dans NOS Facultés, NON AU
RACLEUR DU COMITE DE GREVE68) ». Le mouvement estime que le Comité de grève a
volontairement saboté le déroulement des examens au sein de la Faculté.
Le groupement Autonome des Etudiants en droit (G.A.E.D.) se positionne également contre le
comité de grève « Au moment où le drapeau rouge flotte avec insolence sur notre faculté, au
moment où le comité de grève n’a plus à sa disposition que la brutalité et la violence pour
maintenir son emprise minoritaire, il importe que tous les étudiants se ressaisissent et prennent
enfin leur responsabilité69 ».
La Corpo dans son bulletin d’information du 21 mai 1968, s’attaque aussi au comité de grève.
« La position du comité de grève est plus ambiguë (…) le comité va à l’encontre des décisions
des Commissions d’où il prétend tirer sa légitimité en s’intitulant seul maitre des opportunités
tactiques et stratégiques. Nous voulons des réformes mais ne subissons pas la pression politique
d’un comité de salut public déguisé ».
68. Annexe 11.
69. Annexe 12.
37
Le Comité souhaite poursuivre une grève illimitée jusqu’à ce que leurs revendications soient
accordées70, à l’inverse les autres associations, les regroupements étudiants souhaitent que les
examens aient lieu, et que cesse la grève illimitée initiée par le Comité de grève et que la faculté
connaisse un retour à la normale. Une alliance va naitre entre les différents groupes à l’encontre
du comité de grève. Le comité de grève quant à lui rejoindra un comité de Liaison-Inter Fac, le
comité voit plus grand et ne se cantonne pas uniquement à Paris, il mène une vraie lutte afin
que l’ensemble des problèmes des autres facultés puissent être abordées.
Les manifestations qui à l’origine étaient organisées pour protester contre l’arrestation de
quelques étudiants vont prendre de plus en plus d’ampleur et faire naitre de nouvelles
revendications.
II – Les revendications des étudiants de la Faculté de droit de Paris
Toutes les manifestations qui ont eu lieu étaient organisées afin que les étudiants puissent faire
entendre leur voix, il y aura des revendications relatives à la Faculté de droit de Paris (A) et il
y aura la question de la cogestion qui sera mis en avant (B).
A – Les revendications relatives à la faculté de droit
Les revendications au sein de la Faculté de droit vont se faire par l’intermédiaire des
associations étudiantes mais plus spécialement par les Commissions qui ont été créées
spécialement lors des évènements de mai. Il y aura des commissions qui auront pour
revendication des sujet généraux, des questions concernant la faculté de droit en générale (1) et
d’autres plus ciblées vers l’enseignement, les études juridiques au sein de la faculté (2).
1 – Les commissions générales
Des commissions ont été mis en place afin que les revendications soient entendues et débattus
lors des assemblées générales organisées au sein de la Faculté de droit de Paris. Parmi les
commissions générales, il y a la commission autonomie. Les membres de cette commission
constatent l’inadaptation de l’université héritière de l’époque napoléonienne. Le principe de
l’autonomie permettrait d’assurer l’indépendance de la faculté par rapport aux pouvoirs publics
et aux intérêts privés. Le principe de l’autonomie ne sera pas revendiqué qu’au sein des
70. Le comité s’est mis en grève dès le mardi 14 mai 1968.
38
commission, les associations étudiantes de la faculté vont aussi le demander comme par
exemple les membres de la Corpo qui vont estimer qu’une faculté « de 30 000 élèves n’est pas un
milieu humain, mais un monstre71 ». Le contrôle d’une faculté de cette taille ne peut pas s’assurer
efficacement. Les étudiants ne font plus partie d’une communauté mais « d’une foule »72.
Les membres de l’association étudiante préconisent de créer plusieurs petites facultés d’environ 5000
étudiants, et chacune des facultés aurait une spécialité ces facultés pour qu’elles puissent fonctionner
correctement devront être autonomes.
La Commission examen, avait pour finalité de trouver un accord concernant le déroulement des examens
de fin d’année, les évènements ayant chamboulé le calendrier universitaire, certains souhaitaient que les
examens soient reculés à septembre, octobre et d’autres tenaient à les passer en juin. Le Comité étant
solidaire aux mouvements voulait trouver un terrain d’entente afin que tout le monde soit d’accord sur
la période des examens à déterminer.
Il y avait d’autres commissions : la Commission de la formation des maitres, de la formation
professionnelle, université société. En plus de ces commissions assez générales sur le Faculté
de droit, il y a d’autres commissions dont leurs sujets principaux sont le déroulement des études.
2 – Les commissions « études »
Les commissions relatives aux études sont au nombre de trois au sein de la Faculté de droit, la
Commission Capacité, la Commission Réforme Droit et la Commission Sciences Economiques.
Les deux dernières commissions vont le plus nous intéresser. Ces deux commissions souhaitent
trouver des solutions pour leurs enseignements respectifs et plus particulièrement pour leurs
licences, la licence de droit et la licence en sciences économiques.
La commission de réforme de l’enseignement de la licence de sciences économiques a émis un
rapport en date du 15 mai 1968. La Commission va énoncer plusieurs revendications. Pour
commencer, la commission souhaite une collaboration réelle entre les enseignants et les
étudiants de la Faculté, des allocations d’études, une égalité de droit et de faits entre les
étudiants français et étrangers et une séparation « radicale » des enseignements juridiques et
économiques.
71. Corpo, Bulletin d’information, du Lundi 21 mai 1968.
72. Ibid.
39
Les économistes ne souhaitent plus être assimilés ou confondu avec les juristes, ils souhaitent
désormais prendre leur propre indépendance en revendiquant une faculté unique, une faculté de
sciences économiques à part entière. Ils sont à la recherche d’une réelle formation économiste,
avec une technique d’analyse économique poussée et rejette une formation « d’économiste de
salon ». Ils demandent à ce que les enseignements soient adaptés à l’évolution des
connaissances contemporaines et non uniquement en fonction des besoins du marché.
De son côté la commission de la réforme en droit émet aussi quelques revendications, on
retrouve également la volonté d’une distinction entre les formations juridiques et économiques.
Les membres de la Commission réforme droit demandent à ce que la séparation entre la licence
droit et sciences économiques intervienne dès la troisième année.
La première année servirait de transition entre le lycée et les universités comprenant trois
matières obligatoires plus une matière facultative. La deuxième année permettrait alors de
revaloriser le bac droit. Une augmentation des travaux dirigés est également revendiquée pour
que la troisième et quatrième année soit dorénavant totalement spécialisée.
Concernant le doctorat, il devra favoriser le travail en équipe et comporter dans son cursus la
réalisation obligatoire d’un mémoire. Les juristes sont à la recherche d’une formation beaucoup
plus riche, plus vivante, en effet les membres de la commission ne souhaitent plus recevoir un
enseignement « d’une culture morte ». La licence devrait se détacher du passé et aborder des
enseignements au contenu évolutif, c'est à dire des enseignements juridiques en tenant compte
de l’évolution de la société.
Les deux commissions sont d’accords, la scission doit se faire. Une autre revendication nait au
sein de la Faculté de droit celle de la participation étudiante, de la cogestion au sein de la faculté.
B – La question de la cogestion
Parmi les revendications des étudiants, la volonté de participer aux conseils des universités, à
celle des facultés. On va leur donner l’occasion de s’exprimer pour la première fois lors d’une
assemblée générale (1). Cependant le principe de cogestion n’est pas le même en fonction des
étudiants et des professeurs (2).
40
1 – Les prémices de la cogestion
Une séance de l’assemblée de la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris s’est
tenue le mardi 21 mai 1968, elle était composée du Doyen Alain Barrère ainsi que de ces trois
assesseurs ainsi que d’autres membres de la faculté. Parmi les autres membres des professeurs
d’université (titulaire, sans chaire, associés, honoraires), des chargés des chargés de cours, des
maitres assistants.
Le doyen prend alors la parole en précisant qu’il a décidé de faire entrer la délégation étudiante
afin que leur point de vue soit entendu de tous, il considère cela comme une mesure
d’information. On peut déjà observer par cette action du doyen une sorte de participation. En
effet c’est la première fois qu’une assemblée d’une faculté parisienne accepte de recevoir une
délégation étudiante.
La délégation étudiante énonce que : « Les étudiants de la Faculté de droit et des sciences
économiques de Paris n’ont pas été à l’origine du mouvement actuel de contestation qui s’est
développé dans l’ensemble du pays. Ils ne l’ont pas, non plus simplement suivi. Ils sont dans le
mouvement ». Les étudiants de droit ne semblent pas se désigner comme des acteurs principaux
des évènements. Il y a d’une part une sorte de dédouanement de leur responsabilité. En
revanche, ils énoncent que « L’unité s’est faite dans l’ensemble du monde étudiant dès les
premiers jours, contre la répression policière ». Les étudiants pointent du doigt les agissements
du Gouvernement en énonçant que tout ce désordre a été mis en avant afin de crée une situation
d’urgence qui aurait pour objectif de mettre en place, voire imposer de manière très autoritaire
« sans débat parlementaire, et surtout sans consultations des intéressés, enseignants et
étudiants » une réforme universitaire.
Les étudiants ne veulent pas être mis à l’écart et cherche un soutien, une volonté d’unité avec
le corps professoral afin qu’ils puissent créer de concert l’Université qu’ils souhaitent.
Cette nouvelle université souhaitée par les étudiants repose sur plusieurs principes
fondamentaux : l’autonomie des universités, la cogestion ou la participation de manière
paritaire entre les étudiants et les enseignants et une liberté politique et syndicale. La délégation
conclura en énonçant « nous demandons de construire avec nous l’avenir de la faculté de droit
et des sciences économique de Paris auquel nous sommes profondément attachés ».
41
Après que la délégation étudiante se soit retiré et les une minute de silence en mémoire du
professeur Maurice Bye, la séance commence et le doyen donne la lecture d’un texte qui a été
élaboré par l’équipe décanale et qui présente l’ensemble des principes que devront régir
l’organisation de la future faculté tout comme vient de le faire la délégation quelques instants
auparavant. On retrouve les trois mêmes principes que ceux de la délégation, à savoir le principe
de cogestion, d’autonomie et de liberté. Cependant il y a quelques modifications par exemple
le principe de cogestion : avec d’une part les professeurs et enseignants de carrière et d’autre
part les étudiants et les assistants temporaires. Une divergence quant à la notion de « parité »
est établie.
2 – une cogestion contestée
Le comité de grève a une définition de la cogestion qui diffère de celle l’assemblée de la faculté
de droit de Paris. Pour le comité de grève, la cogestion est un principe associant une assemblée
paritaire enseignant et étudiant. Pour l’assemblée de la faculté il y a d’une part les professeurs
et enseignants de carrière et d’autre part les étudiants ainsi que les assistants.
Les étudiants estiment que la parité ne peut se concevoir que sur la base d’une égalité entre les
deux parties en présence c'est à dire enseignants et étudiants. La commission « Autonomie et
Cogestion » énoncera dans l’un de ses rapports que « Les assemblés de Faculté de droit de Paris
(…) sont représentés les professeurs, les maitres assistants, les assistants et les étudiants (…)
Les étudiants composent 50% de l’effectif total.
Les étudiants mettront en avant que la cogestion n’est pas le synonyme de la collaboration et
qu’elle doit impliquer des responsabilités égales. De plus les étudiants représentent la plus
grande part des effectifs de la faculté. Ils considèrent qu’étant nombreux ils doivent avoir plus
de droit mais vont finir par opter pour une représentation 50/5073.
Les professeurs quant à eux ont un avis différent. Ils sont favorables à la cogestion mais pour
eux les assistants devaient être considérés comme des étudiants. Le professeur de Jean-François
Lemarignier va se déclarer favorable à la participation des étudiants74, le professeur de droit
73. Rapport de la commission « Autonomie-Cogestion » de la Faculté de droit de Paris, 21 mai 1968.
74. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 21 mai 1968.
42
privé Berthold Goldman énoncera : « la représentation des professeurs, des maitres-assistants
et des assistants telle qu’elle est à envisager ne soulève pas de difficultés », la seule inquiétude
de plusieurs professeurs est de savoir quel sera le mode de désignation des délégués étudiants.
Les étudiants ont vu là une façon de diminuer fortement la représentation étudiante. Il y a une
tentative d’imposer unilatéralement la composition de l’Assemblée alors que celle-ci devait être
discutée entre les parties concernées. Les assistanats n’ont même pas été consultés.
Les étudiants ont donc donné leur avis afin que les statuts puissent être établis
« démocratiquement », mais il est évident que seule la commission de la faculté de droit était
habilitée à prendre une décision définitive quant à la composition de la nouvelle assemblée de
la Faculté. La représentation est donc très inégalitaire au sein de la faculté.
Il était difficile de voir dans une immense foule d’étudiant ou lors d’un grand rassemblement
d’un amphithéâtre de la Sorbonne, qui appartenait à quelle faculté. En effet, comment pouvons-
nous reconnaitre un étudiant en droit, en histoire ou en médecine derrières des barricades ? Les
étudiants en droit ont surtout agi au niveau de leur faculté. Le 3e assesseur avait énoncé lors de
la séance de l’assemblée générale du 11 mai de la Faculté de droit de Paris ce qu’il avait vu à
Nanterre. Il tenait à féliciter le « climat de confiance, de l’esprit de dialogue et du désir de
coopération des étudiants du Centre de Nanterre Droit. (…) Les étudiants du Centre juridique
et économique de Nanterre étaient inquiets devant ces évènements et demandèrent souvent les
conseils de leur professeurs ». Les étudiants de la Faculté de droit ont été particulièrement
calme. C’est à travers les tracts de la Faculté que la révolte fait rage, les étudiants en Lettres et
Sciences Humaines, sont les plus virulents.
A la fin des évènements une mesure est annoncée par le Président de la République, celle de
réformer l’université par le biais d’une loi, la loi d’orientation de l’enseignement supérieur.
43
Deuxième partie - L’adoption de la loi Faure
Les évènements de mai 68 l’ont bien montré, l’université française doit être réformée. Dans
cette seconde partie sera abordée la mise en place de la loi d’orientation de l’enseignement du
supérieur du 12 novembre 1968.
Nous étudierons l’élaboration de la loi d’orientation (Chapitre 1) ainsi que sa réception auprès
du monde universitaire (Chapitre 2).
44
Chapitre 1 - L’adoption du projet de la loi d’orientation
Le président de la République Charles de Gaulle avait vu juste, lorsqu’il avait énoncé que
« L’Université sous l’impulsion du grand ministre que j’y aurai appelé, sera, de par la loi,
réformée de fond en comble », le moment est enfin arrivé. L’Université connaissait des
blessures, des difficultés et une remise en cause bien avant les évènements de mai 68, elle devait
être réformée (I), c’est le projet de la loi d’orientation qui va rendre cette réforme possible (II).
I – La nécessité d’une réforme de l’enseignement supérieur
Pour l’opinion publique la loi d'orientation de l'enseignement supérieur ne semble être qu’une
simple réponse à la crise de mai 68, l’idée qui est mise en exergue est qu’il faut réformer de
toute urgence l’enseignement supérieur afin de pouvoir encadrer les débordements actuels et
les limiter pour l’avenir. Pourtant lorsqu’on consulte les articles de presse ou encore les comptes
rendus des colloques relatifs à l’enseignement d’avant les évènements, on constate qu’il y avait
déjà des réflexions quant à la nécessité de réformer de l’enseignent supérieur. (A) En réponse
à la crise, mais pas uniquement, le général de Gaulle va faire appel à un nouveau ministre de
l’éducation, en vue de la préparation d’une loi qui aura pour mission de réformer l’Université
(B).
A – Les réflexions sur l’enseignement supérieur antérieur à 68
L’Université était en crise bien avant les évènements de mai, entre la massification étudiante,
le manque de place dans les facultés, les débouchés jugés trop « traditionnels », et l’absence de
liberté, l’Université véhiculait une image assez archaïque. Dès 1964 on réfléchit à une réforme
de l’université75. Les colloques de Caen (1) ainsi que la pensée du général Charles de Gaulle
(2) vont venir souligner les faiblesses de l’université. Certaines de ces réflexions vont servir de
base ou être reprises au moment de l’élaboration de la loi d’orientation de 1968.
75. Cf. Revue Esprit, « Faire l’université : dossier pour la réforme de l'enseignement supérieur », n° 5-6, mai-juin
1964 (numéro spécial) et l’étude « La Réforme de l'enseignement supérieur », par Bertrand Girod de l'Ain, Paris,
Le Monde, 1964.
45
1 – Charles de Gaulle et l’Université
Le général Charles de Gaulle avait un rapport assez détaché du monde de l’Université,
d’ailleurs, il n’avait pas fait ses études supérieures au sein d’une faculté mais à l’école de Saint
Cyr76. Malgré cet éloignement, le Général n’en reste pas moins préoccupé par les problèmes de
l’Université.
En 1959, il tient à montrer son profond respect envers toutes les universités françaises, en visite
à l’université de Toulouse, le Général énonce que « A travers l’université de Toulouse, je salue
tout l’enseignement français, je salue les chercheurs, les maitres et les étudiants. En même
temps je leur rends témoignage parce qu’ils servent celui qu’il faut servir, c'est-à-dire l’homme
tout simplement77». Pour De Gaulle, réformer l’université française devient une nécessité voire
une obligation. Cette réforme doit reposer sur trois grands principes : celui de la sélection,
l’orientation et enfin la démocratisation.
Charles de Gaulle souhaite instaurer une sélection à l’université. Au regard de la massification
étudiante que subit la France, la sélection apparait comme être la meilleure des solutions. Lors
du Conseil des ministres du 12 décembre 196278, le Général demande que soit fixés trois
objectifs relatifs à l’Éducation Nationale. Le premier objectif que doit poursuivre l’Université
est la sélection, il préconise une « sélection appropriée79». Les filières devaient selon le Général
définir très précisément le nombre d’étudiants, qu’elles étaient capables d’accepter avant
chaque rentrée universitaire. La sélection aurait pour objectif de limiter le nombre d’étudiants
à l’université et par la même occasion préserver le milieu érudit de l’enseignement supérieur en
ne recrutant que les meilleurs étudiants après le baccalauréat.
La réforme de l’Université devait aussi passer par l’orientation. Il s’agissait de mettre en place
une orientation individuelle propre à chaque étudiant en fonction de leurs capacités
76. Le Monde, 11 mai 2012, à l'école des présidents de la Vème République. Saint Cyr est une grande école
militaire, fondée le 1er mai 1802 par Napoléon Ier.
77. Discours prononcé le 14 février 1959 à l’université de Toulouse, il est possible de visionner l’intégralité du
discours en ligne sur le site internet de l’INA.
78. Il s’agissait du premier Conseil du gouvernent Pompidou.
79. La carte scolaire : « Que sais-je ? » n° 3820.
46
« intellectuelles » tout en gardant d’autre part la mise en place d’une orientation collective, c'est
à dire d’orienter, d’emmener les étudiants à suivre un cursus qui aurait pour finalité de servir
les intérêts de la société, en fonction des besoins de la nation. Les étudiants vont donc devoir
adapter leurs études en fonction des besoins de la République.
La démocratisation était le troisième objectif. Le Général voulait que l’Université diversifie les
enseignements qu’elle proposait en donnant une place plus importante à l’enseignement
technique. Les enseignements techniques se caractérisaient par la mise en place à côté des
formations dites longues des formations plus courtes. La participation au sein de l’Université
était également un des points que le Général voulait voir se développer.
Lors d’une interview par le journaliste Michel Droit (1923-2000), en date du 7 juin 1968, le
Général en direct du Palais de l'Élysée. Le Général revient sur les journées du 29 et 30 mai
1968, puis donne sa vision de l’Université, en énonçant que : « Il n'y a pas de doute que cette
université est à reconstruire complètement (…) Alors sur quels principes faut-il reconstruire
l'université ? Il s'agit de faire en sorte qu'elle ne vive plus pour elle-même en dehors des
réalités. Il faut qu'elle corresponde aux besoins modernes de notre pays. Notre pays a des
activités diverses, et parfaitement distinctes les unes des autres. Eh bien, il faut que l'université,
et c'est ce que le pays lui demande, que l'université lui fournisse des élites adaptées à chacune
de ces activités-là. Ce qui veut dire : que chaque discipline universitaire, doit correspondre
directement à un certain domaine pratique et qu'inversement ce domaine pratique assure des
débouchés aux étudiants qui ont été formés dans cette discipline-là.
(…) Il va de soi que l'université doit être ouverte, devra être ouverte, à tous les étudiants qui
ont des chances, et qui ont l'intention d'en suivre les cours, et d'en passer les examens. Mais
que les autres, qui n'y sont que pour gaspiller leur temps et celui de leurs camarades soient
accueillis ailleurs ou même commencent tout de suite leur vie active. Après tout, on peut être
un homme de premier ordre sans être nécessairement licencié ou agrégé de l'université. Mais
aussi, je dirais presque surtout, il faut que la refonte et le fonctionnement de l'université se
fassent avec la participation de ses maîtres et de ses étudiants. De tous ses maîtres et de tous
ses étudiants. Autrement dit, qu'ils y soient tous directement intéressés (…) Voilà comment doit
être faite l'université80 ».
80. Vidéo de l’INA, Entretien avec Michel Droit, 7 juin 1968.
47
Les idées de De Gaulle sur l’université sont posées : démocratisation, sélection, participation et
orientation, à cette pensée deux colloques vont venir poser d’autres revendications quant aux
objectifs que devrait poursuivre l’Université, afin qu’elle soit plus dynamique, plus moderne et
qu’elle se détache de l’Université de 1896.
2 – Les Colloques de Caen
Le premier colloque de Caen s’est tenu du 1er du 3 novembre 1956, à l’initiative de
l’A.E.E.R.E.S ce colloque et a été présidé par Pierre Mendes-France (1907-1982). Le choix
d’une ville de province pour l’organisation de ce colloque sur l’enseignement et la recherche
ne sait pas fait hasard, en effet la ville de Caen a été choisi dans le but de décentraliser
l’enseignement supérieur et la recherche. Les organisateurs du colloque ont voulu de part ce
choix « insuffler une vie nouvelle » aux provinces. L’idée mise en avant est que les provinces
se trouvent sacrifiés au regard de Paris81.
Dix ans après la première édition, le Colloque de Caen se reforme en 1966 et il cette fois-ci
présidé par le mathématicien, André Lichnerowicz. Le colloque réunis pas moins de trois cents
participants venus de toute la France.
Lors de ce second colloque de Caen82, plusieurs thèmes concernant l’enseignement supérieur
vont être abordés : celui des finalités et de l'organisation de l'enseignement et de la recherche,
mais aussi de la formation des maîtres, et de l'éducation permanente. Ce colloque va mettre en
avant la nécessité de la constitution d'universités autonomes, se substituant au système
centralisé des facultés « napoléoniennes ».
Les participants étaient essentiellement des enseignants et chercheurs issus de discipline
scientifiques venus des quatre coins de la France. Le colloque a néanmoins suscité quelques
critiques en raison de la représentativité presque quasi scientifique des membres.
81. Bulletin quotidien d'information n°3, Les Cahiers de la république, Colloque sur l'enseignement et la recherche
scientifique. (Caen, 1-3 Novembre 1956).
82. Ce second de Colloque de Caen s’est déroulé du 11 au 13 novembre 1966.
48
Les membres du colloque vont organiser leurs revendications et vont définir quinze
recommandations à l’attention de l’Etat sous forme de quinze points83.
On peut en retenir quelques-unes qui vont être réutilisées dans les débats lors de la rédaction du
projet de la loi d’orientation : La demande d’une création à titre expérimental, d'universités
publiques autonomes avec l’élection d’un président. Ces universités publiques devront être
compétitives, diversifiées, et ne disposer d'aucun monopole sur une aire géographique, et
d’aucunes facultés afin de permettre la diversification et le regroupement original des
disciplines (point 1).
La suppression des cloisonnements entre les facultés existantes, les professeurs de faculté
devenant professeurs d'université (point 3).
La limitation des effectifs de chaque université à un chiffre raisonnable, le nombre retenu pour
étant « raisonnable » est de « 20.000 au maximum ». Il est également demandé à ce que soit
constitué une quinzaine d'universités distinctes dans la région parisienne (point 4).
Ce quatrième point de Caen semble être l’un des plus intéressant, car tout un débat va avoir lieu
sur la nécessité de créer des universités à taille humaine. On pourrait finir par penser que le
colloque a proposé et que l’Etat ou plus précisément la loi ait disposé.
Déjà avant 68, il y a des réflexions sur la nécessité de reformer l’université française, de la
rendre plus autonome, plus ouverte. La centralisation des facultés et surtout des facultés
parisiennes est pointée du doigt. Puis arrive la crise de 1968, Charles de Gaulle Fait appel à
Edgar Faure en tant que ministre de l’éducation.
B – Un nouveau ministre pour une nouvelle loi
Edgar Faure est celui qui a été choisi par le président de la République Charles de Gaulle afin
de mettre en place « LA » loi sur l’université.
83. « Les quinze points de Caen », in l'Université face à sa réforme - Revue de l'enseignement supérieur, N°4 1966
- pp.141-145, les points sont également consultables en ligne sur le site http://www.esu-psu-unef.com/, il s’agit
d’un site consacré à l’histoire contemporaine des luttes sociales et politiques dans la France des années 1960 à
1971.
49
Avant d’aborder la loi dans ses détails commençons par un petit aperçu biographique de
l’homme qui a donné son nom à la loi (1) ainsi que sa vision de l’université (2) pour essayer de
comprendre les choix qui ont été faits en vue de l’élaboration de la loi d’orientation.
1 – Edgar Faure : l’homme
Député et sénateur du Doubs et du Jura, ministre des finances, de la justice, des affaires
étrangères, de l’éducation nationale, de l’intérieur, des affaires sociales, deux fois président du
Conseil des ministres mais également président de l’Assemblé Nationale.
L’ensemble de ces fonctions ont été exercées par un seul et même homme, Edgar Faure84. Né
à Bézier le 18 aout 1908 et mort à Paris le 30 mars 1988, il est surnommé comme le « caméléon
de la politique ». Douze fois ministre sous la IVe République et trois fois sous la Ve. Il ne lui
manque qu’un seul mandat, celui de la présidence de la République. En plus de ses fonctions
politique Edgar Faure était un écrivain, un romancier85, et un parolier86.
Il débute ses études à la Faculté de droit de Paris tout en étant en parallèle inscrit à l’école des
langues orientales vivantes87 où il étudie le russe. Il rencontre Pierre Mendes France d’un an
son ainé sur les bancs « de la fac », les deux hommes se lie très rapidement d’amitié.
En 1929, Edgar Faure devient avocat à la Cour de Paris, il n’est âgé que de vingt-et-un ans et
deviendra par le plus jeune avocat de France et le deuxième plus jeune secrétaire de la
conférence du stage des avocats. Il a d’ailleurs fait partie de l’équipe des dix personnes qui ont
84. L’intégralité de ses fonctions n’ont pas été énoncées, pour une biographie plus détaillée sur le ministre, voir
YVERT Benoît, « Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989 », 1990 p. 788-799 - JEAMBRUN Pierre, « Les sept
visages d'Edgar Faure », Jas, 1998 - KRAKOVITCH Raymond, « Edgar Faure, Le virtuose de la politique »,
Économica, 2006 ou consulter le site de l’association Edgar Faure qui lui est consacré : http://www.edgarfaure.fr/.
Une partie de ses documents personnels sont conservés aux Archives nationales sous la cote 505AP.
85. On peut trouver ses œuvres littéraires sous le pseudonyme Edgar Sanday (Edgar sans « D ») ou encore Ed
Faure.
86. Certaines de ses chansons ont été reprises par les chanteurs Jean-Claude Pascal et Serge Reggiani.
87. Il s’agit actuellement de l’INALCO.
50
assisté le procureur Auguste Champetier de Ribes, lors du procès de Nuremberg qui s’est
déroulé du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946.
Edgar Faure était un homme doté d’un grand sens de l’humour et de grande capacités
intellectuelles, brillant, ambitieux il était également très narcissique, on lui doit d’ailleurs cette
célèbre phrase « Deux hommes auraient pu éviter la Révolution française : Turgot, mais il était
déjà mort, et moi, mais je n'étais pas encore né ». Lorsqu’un journaliste lui demande "Qu'est-
ce qui est le plus important en Franche Comté ?" Edgar Faure répondra « Tout d'abord, moi et
surtout Edgar Faure ».
Le président de la République Jacques Chirac énoncera dans une lettre du 30 mars 1998 adressé
à Thierry Cornillet, président du parti radical, pour le 10e anniversaire de la disparition d'Edgar
FAURE « Edgar Faure demeure l'une des figures de la IVe et de la Ve République. Sa
personnalité, son originalité et l'extraordinaire éventail de ses talents auront marqué son
temps88 ». Après avoir vue les traits de personnalité du ministre, nous allons ce qu’il souhaitait
et ne souhaitait pas pour l’avenir de l’Université.
2 – La pensée d’Edgar Faure
Pour Edgar Faure « l’agitation des étudiants ne s’explique ni par l’énergie d’une poignée de
meneurs, ni par le nihilisme, ni même par le gout de la violence. Il y a à l’origine de cette colère
un malaise profond 89». Il estime que la conception napoléonienne de l’université centralisée
et autoritaire est « périmée ». Sa priorité est de faire disparaitre cette ancienne conception très
traditionnelle de l’université. Désormais elle devra être plus moderne.
A l’inverse de Charles de Gaulle, Edgar Faure est un universitaire. Ayant été étudiant puis
professeur il a directement été confronté aux problèmes de l’Université. Selon lui la réforme
doit se faire tant au niveau administratif qu’au niveau pédagogique de l’université.
88. La lettre est consultable dans son intégralité sur le site de l’association Edgar Faure à la rubrique témoignages.
89. Assemblé Nationale, 24 juillet 1968 p. 2525.
51
Le système de relation entre les enseignants et les enseignés doit également être revu, estimant
que l’objectif de démocratisation de l’enseignement qui est poursuivi ne commence pas
uniquement aux portes de l’universités, il énonce que la démocratisation de l’enseignement doit
se faire dans son intégralité c’est à dire de « la maternelle à l’université90».
Il observe que les étudiants français sont deux fois plus nombreux que les autres pays comme
l’Allemagne ou l’Italie, il préconise que la France prenne exemple sur l’Angleterre en créant
des universités à taille humaine c'est à dire entre dix mille et douze mille étudiants, avec des
petits groupes d’environ de vingt-cinq élèves, pour les travaux pratiques un groupe d’environ
quarante élèves, et lors des cours magistraux un nombre de deux cent cinquante élèves au
maximum. Les étudiants étant trop nombreux il énonce que « s’il y avait deux fois moins
d’étudiants, ils feraient deux fois moins de bruit91 ».
Le bâtiment de l’ancien siège de l’OTAN avait été proposé afin d’y installer les nouveaux
bureaux du ministère de l’éducation. Edgar Faure conscient du problème de manque place des
facultés parisiennes énonce qu’il est préférable d’utiliser l’ancien siège de l’OTAN afin d’’y
accueillir des nouveaux étudiants92 plutôt que des bureaux ministériels. « Nous avons pensé
qu'il était impossible de donner plus de place aux bureaux, alors qu'on était contraint d'en
refuser aux études (…) Il faut, je le répète, choisir les emplacements et les libérer ; il faut
aménager les constructions existantes et en créer là où il n'y en a pas93 ».
90. Edgar Faure, Philosophie d’une réforme, Paris : Plon, 1969 p. 20.
91. Op. Cit. p. 24.
92. Installé à Londres jusqu'en 1952, le siège de l'OTAN fut transféré au Palais de Chaillot à Paris dans des locaux
temporaires en attendant la construction du siège définitif sur un terrain à proximité de la Porte Dauphine. Le
Palais de l'OTAN y fut officiellement inauguré le 15 décembre 1959 et y restera jusqu'en 1966 suite à l'annonce
de la décision du général de Gaulle de retirer la France du commandement intégré des forces de l'OTAN. Le Palais
laissé vide est investi par le Centre universitaire Dauphine en 1968 et qui deviendra Université Paris IX-Dauphine
en 1970.
93. Assemblé Nationale, 24 juillet 1968 p. 2526.
52
Tout comme le général de Gaulle, Edgar Faure estime que la participation est un principe qui
participera au bon développement de l’Université. Là où les deux penseurs s’opposent c’est au
niveau de la sélection. Voulu par Charles de Gaulle elle est rejetée par Edgar Faure pour
plusieurs raisons. Edgar Faure déclarait que « La sélection n’est nullement une idée absurde
mais nous l’avons pas retenu 94». Face à ce refus de sélection, il donne un argument juridique,
un bachelier a un droit à s’inscrire dans une faculté, c’est un droit qui lui est acquis. Le
baccalauréat est en quelques sorte son ticket d’entrée.
La seconde raison est relative à la conjoncture économique, la volonté d’une sélection n’est
voulue uniquement car il y a une augmentation de bacheliers, mais que va-t-il arriver si d’une
année à l’autre il y a un nombre décroissant de bacheliers ? et que vont devenir les bacheliers
qui se verront refuser des facultés ? Il risque d’y avoir un déséquilibre, les grandes universités
deviendront très exigeantes et auront les meilleurs étudiants aux détriments des petites
universités qui finiront par prendre les étudiants n’ayant pas été sélectionné.
Des réflexions sur la réforme de l’enseignement supérieur initiées avant les évènements de mai
68, un président de la République voulant la sélection, tandis que son ministre de l’éducation la
refuse de son coté, un nombre d’étudiants ne cessant d’accroitre et pourtant un problème plus
urgent est à régler celui d’assurer la rentrée étudiante de 1968-1969. C’est dans ce climat que
va être élaborée le projet de la loi d’orientation.
II – L’élaboration du projet de loi
On peut d’ores et déjà diviser l’élaboration du projet de la loi d’orientation en deux phases.
Premièrement il y a la phase de la préparation du projet de loi (A) et ensuite du vote du projet
(B).
A – La phase de préparation
La préparation de la loi commence tout d’abord par la constitution de l’équipe du ministère de
l’éducation qui aura pour mission la rédaction ainsi que le vote du projet (1) et d’organiser les
dispositions de la future loi (2).
94. Edgar Faure, Philosophie d’une réforme, Paris : Plon, 1969 p. 30.
53
1 - La composition de l’équipe rue Grenelle
Vendredi 12 Juillet 1968, à dix heure et demi95, Edgar Faure est convoqué par le Général De
Gaulle en vue de sa participation au nouveau gouvernement de Maurice Couve de Murville96.
Pendant leur entretien, le général de Gaulle demande à Edgar Faure : « est ce que vous
demandez l’éducation nationale ? » ce à quoi répond Edgar Faure « Non, mon général, je ne
vous le demande pas. Je pense qu’une candidature à ce poste dénoterait de ma part une certaine
inconscience. Cependant, comme je vous l’ai dit de façon générale, si vous entendez me le
confier je ne le refuserai pas97 ».
Edgar Faure nommé le jour même ministre de l’éducation nationale doit composer son équipe.
Il choisit en principaux collaborateurs Gérald Antoine (1915-2014), philologue et grammairien
français, il est appelé en 1962 à créer l'Académie d'Orléans-Tours dont il sera le recteur98.
Conseiller technique chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche de 1960 à 1961,
auprès des ministres Louis Joxe, Pierre Guillaumat et Lucien Paye. Edgar Faure fait appel à lui
pour être son chargé de mission99.
Il va également s’entourer de Michel Alliot (1924-2014), fondateur de l'université et des
grandes écoles de Madagascar entre 1959-1961, ce dernier est un spécialiste de l'anthropologie
du droit. Professeur de droit à la Faculté de Dakar puis à celle de Paris, il est nommé directeur
de cabinet du ministre100.
95. Edgar Faure, Ce que je crois, Paris : Grasset, 1971 p. 19
96. Conformément à l’article 12 de la constitution du 4 octobre 1958, l’Assemblée Nationale est dissoute par le
Générale de Gaulle le 30 mai 1968. Il nomme un nouveau Premier ministre en la personne de Maurice Couve de
Murville, qui entrera en fonction le 10 juillet 1968.
97. Op. Cit. p. 32.
98. Jusqu’en 1974.
99. Edgar Faure lui aurait dit : « Me voilà ministre de l'Éducation Nationale, je vous prends comme chargé de
mission ; vous allez travailler auprès de moi la loi de réforme que me demande d'élaborer le général de Gaulle.
Je ne vous connais pas, j'ai préparé un questionnaire en treize points ». Sur les treize points Gérald Antoine n’était
d’accord que sur les douze premier. Témoignage de Gerald Antoine « Le général de Gaulle et son action pour la
jeunesse », Actes du colloque Charles de Gaulle et la jeunesse, Plon, 2004.
100. Michel Alliot était également un ami de longue date du ministre.
54
Yann Gaillard (1936-), inspecteur adjoint des finances en 1966, était l’ancien conseiller
technique d'Edgar Faure, lorsque ce dernier était ministre de l'agriculture. En 1968, il rejoint le
cabinet du ministre en tant que directeur adjoint de cabinet.
Jean Sirinelli (1921-2004), helléniste et professeur de lettre et de français est chargée de 1962
à 1967, des enseignants français à l’étranger au ministère des Affaires étrangères en tant que
chef du service de l’enseignement et des œuvres de la direction générale des Affaires culturelles
et techniques. Il devient recteur de l’Académie de Limoges en 1967 et rejoint le cabinet d’Edgar
Faure, qui le nomme à la direction des enseignements supérieurs. Jean Sirinelli sera assisté
d’André Casadevall qui occupera le poste de directeur adjoint des Enseignements supérieurs.
Edgar Faure s’entourera également de Xavier Beauchamp qui sera son attaché de presse, de
l’avocat d’affaire Jean Denis Bredin101, et de Jacques de Chalendar (1920-2015), comme
conseiller technique, ce dernier déjà en place dans l’ancien gouvernement, il est décrit par Edgar
Faure comme un homme généreux ayant une grande ouverture d’esprit102. Du 20 au 11 juin
1968, Jacques de Chalendar a rédigé au total cinq notes sur la réforme des universités. Selon
lui le texte à venir devait consacrer une place à l’autonomie et la participation étudiante, parmi
ses notes, il en rédige une sur les modalités de la réforme à mettre en œuvre concernant le
problème de la sélection mais aussi une sur les différents niveaux des nouvelles instances
universitaire qui devront être créées103.
L’équipe du Cabinet Edgar Faure est hétérogène, il sera entouré de plusieurs spécialistes de
l’éducation mais pas uniquement, à ses côtés travailleront des juristes, des enseignants, des
historiens, des anciens recteurs et anciens doyens. L’équipe ayant été mise en place il ne reste
plus qu’à commencer la rédaction du projet de loi.
101. En aout 1968, Jean Denis Bredin va réparer un préambule qui définira les missions de l’enseignement
supérieur. Ce préambule deviendra le premier article de la loi d’orientation.
102. Edgar Faure, Ce que je crois, Paris : Grasset, 1971, p.43.
103. Jacques de Chalendar « De mai 1968 à juin 1969 », in La loi Edgar Faure : réformer l’université après 1968
(Dir.) Bruno Poucet, David Valence, p. 224-225.
55
2 - Le projet de la loi Faure
Lors d’un débat à l’Assemblée Nationale sur les problèmes de l‘éducation nationale104, Edgar
Faure en profite pour faire part de sa vision de l’université, concernant le projet de loi, il n’a
pas vraiment de réel programme définitivement arrêté, ni les nouvelles mesures qui vont être
appliquées. Il énonce néanmoins qu’il est « prêt pour les semaines qui viennent à écouter les
interlocuteurs, à prendre en considération les propositions et à envisager toutes les formes de
l'information et de l'échange qui paraitront opportunes ». La participation au sein de
l’université, Edgar Faure la veut également pour les parlementaires. A la fin du débat une chose
est sur la rentrée sera bel et bien assurée.
La toute première rédaction du projet de loi débute en aout, de la propre main du ministre105.
Les grands traits sont déjà présents. Edgar Faure débute par une partie intitulée « mission des
universités ». Dès la première rédaction, il fait référence à la personnalité juridique et
l’autonomie financière, la pluridisciplinarité des établissements universitaires.
La participation est également au rendez-vous en revanche la sélection à l’entrée de l’université
en est écarté, sauf pour les grandes écoles auquel l’accès restera subordonné à la réussite d’un
concours. L’orientation est aussi énoncée avec la possibilité de passer un stage d’orientation,
afin de pouvoir émettre une recommandation106 à l’étudiant intéressé et l’orienter vers d’autres
départements, vers des études plus courtes ou alors le laisser dans le même département.
Les grandes lignes de la loi d’orientation sur l’enseignement supérieur ont tout abord été
soumises le 5 septembre 1968, devant la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée Nationale107.
104. Assemblée Nationale, séance du 24 juillet 1968.
105. Une partie du manuscrit de la loi se trouve dans l’ouvrage de Jacques de Chalendar, Une loi pour l’université,
Paris : Desclée de Brouwer, 1970, p. 256.
106. Il ne s’agit pas d’une recommandation obligatoire, l’étudiants à le choix de prendre en compte ou non cette
recommandation.
107. Il s’agit de la commission la plus nombreuse de l’Assemblée, elle compte 122 députés.
56
La commission était présidée par le prédécesseur d’Edgar Faure, l’ancien ministre de
l’Education Nationale Alain Peyrefitte (1967-1968) et le bureau était entièrement composé de
gaulliste, des vices présidents au rapporteur du projet de la loi108.
Alain Peyrefitte avait énoncé que les auditions des personnalités auxquelles la commission a
procédé du 5 au 19 septembre 1968, étaient « très instructives ». Il ajoute d’ailleurs que les
commissaires ont été frappés par « l'extrême diversité des opinions » et ont pu se faire une idée
plus claire et plus précise109.
Le 17 septembre 1968, le projet de loi d'orientation sur l'enseignement supérieur a été approuvé
par trente voix et quatre abstentions par le Conseil supérieur de l'éducation nationale. Cette
instance était composée de quatre-vingts membres, mais plus de la moitié des membres ont
quitté la séance avant le scrutin. Ce conseil était composé de représentants des mouvements
d'étudiants, et pour la première fois de l’UNEF110 était présente, représentée par le président du
syndicat Jacques Sauvageot. L’avis du conseil n’était qu’à titre consultatif.
Le projet de loi est définitivement approuvé 19 septembre 1968 par le Conseil des ministres.
Ce projet se compose donc de disposition sur les différents conseils qui vont être crées. Il y a
tout d’abord le conseil des UER, formé pour partie de professeurs et pour partie d'étudiants avec
la possibilité de faire appel à des tiers, les conseils régionaux d'enseignement supérieur et de la
recherche, et Conseil national de l'enseignement supérieur qui comprendra des représentants
élus des universités, des représentants élus des établissements publics extérieurs aux
universités, et pour un tiers des personnalités extérieures compétentes, notamment dans le
domaine économique et social.
108. Le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est Jean Capelle (1909-1983),
agrégé de mathématiques et docteur en sciences et ancien normalien, il fut professeur à l’université de Nancy et
à l'École nationale supérieure d'électricité et de mécanique. Recteur de l’université de Dakar de de 1947 à 1949 et
de 1954 à 1957. Il fonde en 1957 L'INSA de Lyon. En 1961, Jean Capelle devient directeur des lycées au Ministère
français de l'Éducation nationale, il mettra d’ailleurs en place la réforme portant à 16 ans l'âge de l'obligation
scolaire. Le rapporteur de la commission est donc un grand spécialiste de l’éducation.
109. Le Monde, 23 septembre 1968.
110. Le syndicat étudiant avait souvent décliné les invitations qui lui avaient été faites, afin de discuter du projet
de loi.
57
Philippe Dechartre, secrétaire d'État et secrétaire général du bureau exécutif de l'Union de la
gauche Ve République (UGV) souligne, au sujet du projet de loi d'orientation de l'enseignement
supérieur, « la nécessité d'une large ouverture de l'enseignement supérieur sur le monde
d'aujourd'hui, de façon à mieux répondre aux besoins des hommes que l'on forme et aux
exigences des techniques qu'ils emploient, de façon aussi que l'Université joue un rôle accru
dans l'évolution de notre société. Il lui apparaît ainsi indispensable que le conseil des universités
comprenne des personnalités du monde économique, des syndicats et des collectivités
locales111 ».
En revanche Edgar Faure ne souhaitait pas que des personnalités non universitaires fassent
obligatoirement partie du conseil qui administrerai les nouvelles universités. En plus de la
constitution des conseils, ce projet de loi comporte des dispositions sur les libertés des étudiants,
qui passe par la liberté d'information en ce qui concerne les problèmes politiques, économiques
mais aussi sociaux. Il y a une limite à cette liberté qui ne doit en aucun cas porter atteinte aux
activités d'enseignement et de recherche, et son exercice ne doit pas prêter à monopole ou
propagande, ni être de nature à troubler l'ordre public. Les élections des collèges et l’autonomie
financière sont aussi régie par le projet de loi.
Le projet de loi étant approuvé, le ministre va devoir le défendre afin que sa loi puisse être
définitivement promulguée.
B – Le vote de la loi
Une fois l’approbation définitive du projet de loi, il reste à ce que le projet soit débattu à
l’Assemblée Nationale et au Sénat (1), afin que la loi puisse être promulguée (2)
1 – Le débat au parlement : une loi de circonstance ?
Nombreux ont été les amendements envers le texte d’Edgar Faure, ce dernier a dû à de
nombreuses reprises monter à la tribune afin de défendre son texte coute que coute. Les débats
parlementaires en séance publique ont eu lieu devant l’Assemblée Nationale du 3 au 10 octobre
1968. En raison de l’importance de la loi, le débat à l’Assemblée Nationale étaient très attendus,
111. Le Monde, 20 septembre 1968.
58
le débat étant en séance publique, tout le monde était invité à le suivre, que ce soit dans la presse
quotidienne, ou alors tous les après-midis à la télévision avec la journaliste Danielle de
Breem112. Elle était considérée comme la première journaliste ayant fait « entrer les caméras de
télévision à l’Assemblée Nationale ». Le débat a été organisé dans la limite de trois séances. Le
projet de loi sera ensuite débattu au Sénat du 23 au 25 octobre 1968.
Un des points du débat était la contestation du sens de la loi d’orientation, il y avait deux
groupes, le premier qui soutenait l’idée que la loi d’orientation était une réforme fondamentale
qui devait s’engager dans l’avenir et de façon durable. De l’autre côté les « adversaires » de la
loi, qui considéraient que la loi d’orientation n’était en réalité qu’un simple document de
circonstance qu’il fallait se débarrasser au fur et à mesure que le spectre de Mai 68 s’estompait.
Lors de la séance auprès de l’Assemblée Nationale du 4 octobre 1968, Alexandre Sanguinetti,
alors député de la Haute Garonne s’adresse à Monsieur le ministre de l’éducation national,
Edgar Faure et à l’Assemblée en énonçant que : « Ce que je reproche à la loi d’orientation c’est
de ne pas être un texte fondamental mais un texte de circonstance113 ». Christian Fouchet quant
à lui député de Toul énonce : « Le projet de loi n'a pas été inspiré par les impératifs du progrès
scientifique, mais bien plutôt par les troubles du printemps qui pourraient bien être une révolte
contre ce progrès. Ne risque-t-il pas d'instaurer chez nous une Université comme il arrive
parfois d'en trouver clans certains pays du Tiers-Monde ?114».
La Faure n’est pas une loi qui a été mis au point uniquement pour par rapport aux évènements
de mai, comme nous l’avons vu la volonté de la réforme de l’enseignement supérieur est
antérieure aux évènements, Mai 68 a juste été une sorte de « coup de pousse » obligeant le
gouvernement à se presser afin de mettre au point rapidement une réforme mais les bases de la
loi avaient déjà été réfléchies, il s’agit d’une semi-loi de circonstance, car même si les
évènements n’avaient pas eu lieu, il est fort probable que le gouvernement aurait quand même
mis en place une réforme, similaire. Mai 68 s’est présentée comme le moment opportun pour
agir.
112. Bruno Poucet, David Valence (Dir.) La loi Egard Faure : réformer l’université en 1968, Presses
Universitaires de Rennes, 2016, p. 86.
113. Assemblée Nationale, séance du 4 octobre 1968, p.3072.
114. Ibid, p. 3085.
59
2 – L’adoption définitive de la loi
Le projet de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur a été déposé le 21 septembre 1968
à l’Assemblée Générale du Conseil d'Etat. Il a ensuite été adopté à l’unanimité par l’Assemblée
Nationale le 10 octobre 1968. En effet il y a eu 441 voix en faveur de la loi, 31 abstentions de
la part des députés des communistes et 6 des députés U.D.R et 0 contre115.
Ce vote est une grande première, en effet c’est la première fois sous la Ve république qu’une
réforme fondamentale qui s’applique à un secteur aussi important et qui de plus revêt d’un
caractère politique est adoptée au Palais Bourbon sans qu’un seul député ne se prononce contre
le projet116.
Même schéma auprès du Sénat, traditionnellement considéré comme assez conservateur, le
texte de loi est également adopté à l’unanimité le 25 octobre 1968. Sur un nombre de 278
votants, il y a eu 18 abstentions, toute de la part des membres du partis communistes et 260
voix en faveur de la loi d’orientation et 0 contre117.
Le texte est ensuite adopté par la commission mixte paritaire. Le texte définitif de la loi, est
adopté le 7 novembre 1968, et la promulgation a lieu le 12 novembre. Cela donnera naissance
à la loi n°68-978 du 12 novembre 1968 sur l'enseignement supérieur communément désignée
« La loi Faure ».
La loi est publiée le 13 novembre au Journal Officiel de la République Française. Elle est
composée de neuf titres et de quarante-six articles. Les signataires de la loi sont le président de
la République Charles de Gaulle, le premier ministre Couve de Murville, le ministre d’Etat
chargé des affaires sociales Maurice Schumann, le ministre de l’économie et des finances
François Ortoli, du ministre délégué auprès du premier ministre, chargé de la recherche
scientifique et des questions atomiques et spatiales Robert Galley et enfin celui à qui on doit la
Loi d’orientation, le ministre de l’Éducation Edgar Faure118.
115. Assemblée Nationale, séance du 10 octobre 1968, p. 3275.
116. Le Monde, 12 octobre 1968.
117. Sénat, séance du 25 octobre 1968, p. 964.
118. JORF du 13 novembre 1968 p.10584,Loi n°68-978 du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement.
60
La loi Faure est une loi qui va profondément changer l’université et pourtant elle a été établie
dans des délais très court. Il ne s’est écoulé que quatre-vingt-douze jours entre la formation du
Gouvernement Maurice Couve de Murville119 et l’adoption de la loi par l’Assemblée Nationale.
Dans le chapitre suivant sera étudié la réception de la loi auprès des acteurs de l’université mais
aussi auprès du monde politique. Car oui, la loi a été un succès, zéro abstention ni au Sénat, ni
à l’Assemblée pourtant les avis ont été très mitigés sur quelques dispositions de la loi et
spécialement sur la participation.
119. Le gouvernement Maurice Couve de Murville a vu le jour de 10 juillet 1968.
61
Chapitre 2 -La réception de la loi Faure dans le milieu
universitaire
Le projet de loi a été adopté, et la loi promulguée. Dans le milieu politique le débat autour de
la loi ne s’est pas fait sans tensions, très critiquée dans le milieu gaulliste, soutenue par les
socialistes, la loi a finalement été acceptée de tous. Mais qu’en est-il dans le milieu
universitaire ? Dans un premier temps nous verrons comment a été accueillie la disposition de
la loi concernant la participation (I) et la réception de la loi dans le milieu enseignants (II).
I – Les syndicats universitaires et la participation
La loi Faure a été votée à l’unanimité devant le Sénat et l’Assemblée Nationale, pourtant les
syndicats universitaires ne sont pas tous d’accord concernant les dispositions de la loi. La
participation semble être la « bête noire » de la loi d’orientation. Elle est contestée auprès des
syndicats universitaires autant à droite (A) qu’à gauche (B).
A– L’UNI et la participation
L’UNI est une association qui a été créée suite aux évènements de mai 68120. Il s’agit de l’aile
droite de l’Union des Jeunes pour le Progrès121. En réalité l’association avait déjà commencé à
se former progressivement, au fur et à mesure des évènements de mai. Pourtant les statuts n’ont
été déposés à la préfecture de police de Paris que le 12 février 1969, soit neuf mois après
l’agitation étudiante.
Les statuts ont été déposés par le journaliste Jean-François Chauvel, de Jacques Rougeot122, un
jeune assistant de la Sorbonne et le professeur Pierre de Vernejoul. On pouvait d’ores et déjà
qualifier cette association d’intergénérationnelle, en raison de sa composition. Parmi les autres
120. Présentation sur le site de l’association : http://www.uni.asso.fr.
121. François Audigier, Génération gaulliste : L'Union des jeunes pour le progrès, une école de formation
politique, 1965-1975, Presses universitaires de Nancy, 2005, 479 p.
122. Jacques Rougeot succède à René Deheuvel à la présidence de l’UNI, un mois plus tard après la démissionne
de celui-ci.
62
membres fondateurs on compte également, en tant que secrétaire générale, Suzanne Marton,
étudiante à l’IEP ou encore le physicien Gérard Daury.
L’UNI se définie comme une association indépendante qui rassemble « tous ceux (lycéens,
étudiants, enseignants, socio-pro, retraités …) qui s’intéressent aux problèmes de
l’enseignement et de la recherche et qui souhaitent promouvoir la connaissance et la culture
auprès de l’ensemble des français ». L’UNI refuse à ce qu’elle soit qualifiée de syndicat
étudiant.
L’UNI se trouve partagée entre d’un côté son devoir de soutien envers son parti politique et de
l’autre elle tient tout de même à exprimer tout son mécontentement envers la loi Faure. Cette
association qui a tout d’un parti politique, ne voit pas la loi Faure comme une loi positive bien
au contraire, les membres en abordant le sujet de la loi énonceront qu’elle est « avec six mois
de retard une coquète de mai et elle permet au parti communiste de recueillir toute légalité les
fruits de son long travail et de sa patience stratégique123 ».
Comme son sigle l’indique, l’UNI a pour champs d’action principal l’université. Selon ses
membres la loi Faure est une « trahison124». La participation est la disposition de la loi la plus
contestée au niveau des membres, vue d’un mauvais œil, l’idée avancée est que la participation
favoriserait d’une façon générale la montée du parti de gauche au sein des universités
françaises. En effet de manière assez générale les syndicats étudiants et même enseignants sont
majoritairement associés au parti de gauche, ils auraient donc un pouvoir de décision plus
important au sein des universités aux détriments des syndicats classés à droite.
L’UNI va encore plus loin en énonçant que cette loi finalement reviendrait à récompenser les
mêmes personnes qui ont soutenus le mouvement de mai et surtout ceux qui ont pris part aux
violences. L’université deviendrai en quelques sortes une « base rouges ».
123. Frédéric Deloffre, Jacques Rougeot, Union Nationale Inter-universitaire, L'Université enjeu politique (1968-
1983), CED, 1983 p. 29.
124. Nassera Mohraz, « l’Union nationale interuniversitaire : l’opposition de droite la plus virulente à la loi Faure
(1968-1984) », in la loi Edgar Faure : réformer l’université après 1968, Presses Universitaires de Rennes, 2016,
(Dir.) Poucet Bruno, Valence David, p. 106.
63
La participation n’est pas le seul point négatif de la loi. Le changement de structure des
établissements mais également le changement mode d’organisation aurait pour finalité de
désorienter le repère des étudiants.
L’UNI va donc entrer en opposition avec l’UJP, appartenant à l’origine à la même famille, il
va un avoir une scission avec l’annonce de la réforme par le ministère de l’éducation. Deux
groupes vont alors se former celui des gaullistes dits de gauche et celui des gaullistes dits de
droite. Edgar Faure « est détesté de l’UNI », il sera désigné par l’association comme un « agent
de la subversion125» qui aurait permis la consécration de l’esprit soixante-huitard. Le moyen
d’action va se faire principalement par leur bulletin d’information, intitulé l’action universitaire,
mais aussi par l’intermédiaire des brochures de l’UNI, des distributions d’affiches et
d’autocollant.
Il n’y a pas que les syndicats de « droite » qui sont opposés la loi Faure, l’UNEF l’un des
syndicats les plus influents et du même avis, la participation ne doit pas être acceptée à
l’université.
B – L’UNEF et la participation
L'UNEF est un syndicat étudiant qui a été créé en mai 1907, lors du Congrès de Lille, à
l’occasion de l’inauguration de la Maison des étudiants de la ville. Lors de ce rassemblement
est fondée l’Union nationale des associations générales d’étudiants de France (U.N.A.G.E.F.)
que l’usage va transformer en Union Nationale des Étudiants de France. Les membres de
l’UNEF soutiennent pour la majorité d’entre eux les idées des partis politique dits de
« gauche ». Le porte de parole de l’UNEF était Jacques Sauvageot initialement vice-président,
il prend de droit la tête du syndicat à la suite de la démission de son président, Michel Perraud.
L’UNEF considère que la loi Faure n’apporte rien de nouveau et qu’elle ne fait que reprendre
des plans qui avait déjà été mis en place comme le plan Peyrefitte ou Fouchet, donc la
démocratisation qui est prônée par la loi Faure ne changerai en réalité pas grand-chose. Le
syndicat estime que la mise en place des nouvelles structures de l’université par le biais des
125. Op. cit, p. 108.
64
commissions, des conseils aurait pour finalité de dénaturer et d’étouffer les revendications
étudiantes.
L’inscription des votants sur les listes d’émargement est également remise en cause. En effet
avec un tel système il est possible de voir qui sont les personnes qui ont participé au vote ou
non. L’UNEF à travers ses communiqués tient à mettre en avant les conséquences néfastes de
la participation en dénonçant les pressions que les professeurs, ont pu mettre aux étudiants pour
qu’ils aillent voter, créant une compétition pour savoir quelle classe a été la meilleure élève en
fonction des taux de participation aux élections.
Le syndicat considère également que ce n'est pas dans les commissions que les étudiants
peuvent obtenir satisfaction de leur revendication, mais en fonction de la lutte qu'ils mènent. Le
fait de pouvoir participer ne changera en aucun cas leur sort à l’université.
Les membres du syndicat feront faire circuler des affiches126, des tracts avec comme titre « Le
mouvement étudiant refuse la participation par la loi d’orientation », « Plus que jamais la lutte
contre la participation et la loi Faure est à l’ordre du jour », « NON à la loi Faure, NON A LA
PARTICIPATION », voici les mots d’ordre du syndicat« Nous voulons refuser la participation
parce que la participation n'est que la collaboration à la mise en oeuvre d'une loi et d'une
politique que nous jugeons fondamentalement mauvaise127 ».
Selon l’UNEF la participation est vue comme l’ennemi, elle reviendrait à cautionner le rôle de
l’université. L’université française est considérée comme une université de classe, une
université sélective. La loi Faure serait un leurre. La participation est donc refusée par l’UNEF
mais pas par l’UNEF tout entière. En effet il va y avoir une scission avec d’une part ceux qui à
l’intérieur même du syndicat vont préconiser le boycott des élections universitaires, en refusant
la participation étudiante sous le prétexte que « la cogestion est une forme de validation des
réformes universitaires ». L’autre tendance est composée de ceux qui préconisent la
participation des étudiants. Ces derniers se justifient en arguant que la participation permet
d’améliorer et de modifier ce qu’ils jugent néfaste dans les réformes.
126. Annexe 13.
127. UNEF/INFORM du 8 Novembre 1968.
65
De première abord ont aurai pu s’arrêter aux préjugés qui sont souvent véhiculé, à savoir que
les syndicats de droite sont assez conservateur et aurait été contre la participation tandis que les
syndicats de gauche, vu comme des militants se seraient réjouis que la participation des
étudiants soit enfin accordée. Ce n’est pourtant pas le cas, il n’y a pas eu de clivage
droite/gauche. Les syndicats étudiants sont unis et refuse la participation. Les syndicats
enseignants128vont aussi avoir une opinion sur la loi Faure.
II – La loi Faure et les syndicats enseignants
L’université étant également composées d’enseignants, ces derniers ne pouvaient se trouver en
dehors du débat, afin de déterminer que serait le futur de l’université française.
Les syndicats enseignants avaient en réalité déjà pris position avant les évènements de mai, en
raison des transformations des universités, ils avaient émis des revendications et des projets de
réformes. Leurs positions se radicalisent après mais 68 créant une scission entre deux groupes
ceux qui accueillent positivement la loi d’orientation (A) et ceux qui y sont plutôt hostiles, ayant
pour crainte de voir l’université se dénaturer (B).
A – SGEN-CFDT : le Syndicat enseignant favorable à la loi d’orientation
Le SGEN-CFDT, est un syndicat qui a été fondé en novembre 1937. Les fondateurs du syndicat
sont trois professeurs, Guy Raynaud de Lage (1905-1993)129, François Henry130 et Paul
Vignaux (1904-1987)131.
128. On compte beaucoup de syndicats enseignant en France, (enseignant du premier degré, second degré,
supérieur), ne pouvant pas faire un exposé complet des syndicats, seul les syndicats les plus important au niveau
de l’enseignements supérieur vont être abordé.
129. Ancien normalien, agrégé de lettre. Il débute sa carrière comme professeur au lycée, puis devient professeur
de langue et littérature française du Moyen Age à la faculté des lettres et sciences humaines de Clermont-Ferrand.
130. Agrégé d’histoire, il débute également sa carrière en tant que professeur de lycée, au Lycée d’Orléans.
131. Il s’agit de Paul Vignaux le philosophe et non de l’homme politique. Paul Vignaux est également ancien
normalien, il est agrégé en philosophie. Professeur à l’EPHE, il explore l’histoire des théologies chrétiennes
médiévales, en particulier franciscaines, à la section « sciences religieuses ». En 1933, il occupe le poste de
directeur d'études à l’EPHE au sein de la même section. Paul Vignaux était aussi un citoyen engagé dans l’action
66
Dès sa création, le SGEN va s’affilier à la CFTC. Les statuts affirment le caractère laïc, général
et national de la formation syndicale. Le SGEN est la seule organisation de la CFTC qui ne se
qualifie pas de chrétienne. Il s’agit d’un syndicat « de gauche ».
Les membres du syndicat sont plutôt favorables à « une démocratisation de l’enseignement
supérieur132». En avril 1967, le syndicat prônait une volonté de réforme des universités avec
comme point l’élection d’un président d’université, l’autonomie, mais aussi des universités
« transdisciplinaires ». Un an plus tard toujours dans la continuité d’une volonté de voir
l’université reformée, le SGEN-CFDT présente un projet de sa Commission enseignement
supérieur en date du 10 juin 1968, là aussi le projet comportait quelques grandes lignes de la
loi d’orientation, Etant pour le renouveau des universités c’est tout naturellement que le
syndicat décidera de soutenir la loi Faure au côté de la FEN. Le syndicat et la fédération auront
souvent les mêmes points de vue concernant la loi d’orientation.
Cependant, il va apparaître des tensions internes, avec les évènements de mai 1968. Les
contestations portent n’ont seulement sur la politique du SGEN mais aussi sur son
fonctionnement. Deux clans vont se former dans le syndicat, il y aura une partie du syndicat qui
sera à tendance plus radicale, représentée de manière générale par des jeunes militants et de
l’autre une tendance à vocation réformiste représentée par Paul Vignaux.
Néanmoins malgré ces tensions, le loi Faure est globalement bien reçue auprès des membres.
Le syndicat ira d’ailleurs à la rencontre du ministre de l’Éducation Nationale et de son équipe
afin de discuter des disposions de la loi le 23 juillet et 17 septembre 1968. Les principaux
interlocuteurs seront Jean Sirinelli, Jacques de Chalendar et Gérald Antoine.
Avant comme après l’adoption de la loi Faure la SGEN-CFTC n’a pas changé de point de vue,
malgré les tensions au sein du syndicat, il y a toujours eu autour du syndicat l’idée qu’une
réforme de l’enseignement supérieur était nécessaire afin que l’université puisse être gérée
qualitativement et quantitativement. En revanche ce n’est pas le cas de certains syndicats
syndicale. De 1923 à 1928, il fait partie du comité général de l'Association catholique de la jeunesse française,
militant la Jeunesse ouvrière chrétienne il est en 1934, il est responsable de l’Institut de formation de la CFTC.
132. Ismail Ferhat, « une loi à front renversée ? la loi Faure et les syndicats enseignants (1967-1969) » p. 126 in
La loi Edgar Faure : réformer l’université après 1968, PUR, 2016.
67
d’autre vont être hostile à la loi Faure et vont progressivement adopter une position plus
modérée.
B - Les syndicats enseignants opposés de la loi Faure
Ici nous allons voir deux syndicats enseignants un à tendance radicale et l’autre plus modéré.
Tout premièrement les deux syndicats vont se positionner d’emblée comme hostiles à la loi
pourtant leurs idées de base diffèrent. En effet le FNSAESR est contre l’idée d’une
transformation de l’université tandis que le SNESup est pour une transformation radicale de
l’université.
La FNSAESR a été fondée en 1948133. Il s’agit d’une fédération rassemblant plusieurs syndicats
autonomes, dont le syndicat autonome du droit. Cette Fédération syndicale a une sensibilité
modérée et assez conservatrice. Elle a la particularité d’avoir été dirigée par plusieurs
professeurs de droit ayant enseigné à la faculté de droit de Paris.
Parmi les anciens présidents de la fédération, il y a eu Jacques Moreau qui a dirigé le syndicat
de 1957 à 1959, Charles Eisenmann de 1960 à 1964, Roger Houin en 1964 et le doyen de la
Faculté de droit de Paris Georges Vedel de 1964 à 1972.
Avant même l’adoption de la loi d’orientation il y a déjà des divergences d’opinions au sein du
syndicat, par exemple sur la question de la sélection à l’entrée de l’université. Il y a d’un côté
l’ancien doyen Vedel (Faculté de droit) qui semble plutôt adopter une position modérée quant
à la sélection en préconisant une sélection « progressive »134 et de l’autre le doyen Zamansky
(Faculté des sciences de Paris) qui adopte quant à lui une position beaucoup plus ferme, en
voulant une sélection dès l’entrée à l’université.
133. Elle est connue aujourd’hui sous le nom de SupAutonomne FO, à l’origine il s’agissait d’une association crée
en 1946 mais suite du vote de la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires,
l’association prend alors la forme d’un syndicat.
134. Op. Cit Ismail Ferhat p.127.
68
Georges Vedel a été auditionné le 17 septembre 1968 devant la Commission des Affaires
culturelles, il énoncera lors de son audition que « l’autonomie et la fragmentation de l’université
peuvent aller à la ‘clochermerlisation’135 des établissement universitaires136 ».
La FNSAESR est réticente à la loi Faure elle refuse un changement, une transformation trop
radicale de l’Université. Le syndicat émet plusieurs réserves quant au recrutement sans garantis
des enseignants, la présence des étudiants dans les jurys d’examen. Le syndicat craignait
également que la loi ait pour conséquence une politisation croissante voire violente dans les
établissements universitaires. L’appréhension du syndicat venait principalement des modalités
d’application du texte de la loi. Alors que mai 68 avait radicalisé les syndicats étudiants et
enseignant, la FNSAESR se modère de plus en plus et va finir par soutenir en 1969 la loi Faure.
Le second syndicat est le SNESup, fondé en mars 1956. Il est issu d'une scission du Syndicat
National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (SNESR) affilié à la FEN. Le SNESR
a donné naissance à deux syndicats le SNCS (Syndicat National des Chercheurs
Scientifiques) et le SNESup.
En 1968 le SNESup était dirigé par l’extrême gauche. Le syndicat est proche de l’UNEF,
plusieurs membres du SNESup étaient des anciens membres de l’UENF comme par exemple
Alain Geismar137. Le syndicat aura pour revendication la demande de création d’un corps
unique d’enseignant des universités, cela va créer des tensions notamment avec les membres
communistes du syndicat. Le SNESup refuse la loi Faure, et adopte une position
« antigouvernementale ». D’ailleurs le syndicat refusera d’être auditionné par la Commission
des affaires culturelles en septembre 1968.
135.Clochemerle est un nom inventé par Gabriel Chevallier en 1934, il désigne désormais
petite communauté déchirée par des querelles.
136. Op. Cit. Ismail Ferhat, p.133.
137. Né en 1939, il est l’un des leaders de Mai 68 avec Jacques Sauvageot et Daniel Cohn-Bendit (Annexe 14).
Alain Geismar, alors en classes préparatoire scientifiques se syndique en 1956 à l’UNEF, en 1965 il rejoint le
SNESup en tant que secrétaire-général adjoint du syndicat.
69
La prise de position à l’encontre de la loi Faure n’est pas absolue, le SNESup reconnait quelques
aspects positifs de la loi. Le syndicat appartient à la FEN et pourtant leurs prises de position
sont très différentes, les deux groupes vont prendre leur distance à la suite de la dénonciation
de la FEN relatif au comportement de la SNESup.
Le SNESup demandera le boycott des élections universitaires. Depuis 1967 le syndicat était
dirigé par l’extrême gauche, ces derniers se sont radicalisés à la suite des évènements de mai.
Cependant lors du 6e congrès du PSU à Dijon138, la direction du SNESup va être « re » passer
entre les mains des communistes. Après ce changement le syndicat va abandonner sa
revendication sur la mise en place d’un corps unique d’enseignant dans le supérieur.
Ils vont avoir une nouvelle demande celle d’une « augmentation conséquente des moyens
financiers à l’enseignement supérieur pour permettre une véritable application de la loi
Faure »139. Même avec le retour des communistes il subsiste toujours quelques dispositions ou
le SNESup a des réticences envers la loi, mais de manière globale elle va enfin être « tolérée »
par le syndicat.
La loi Faure est à l’origine de plusieurs fractures au sein des syndicats tant enseignants
qu’étudiants. Ne trouvant pas d’entente certains se sont détachés afin de faire cavalier seul ou
rejoindre d’autres fédérations. Ce que l’on peut retenir c’est que finalement comme lors du vote
de la loi auprès du Parlement, malgré les divergences d’opinion des syndicat la loi Faure de
manière générale une nouvelle fois l’unanimité. Reste à voir les conséquences que la loi a
apportée au sein des universités, et plus spécialement à la Faculté de droit de Paris.
138. Le congrès s’est déroulé du 14 au 16 mars 1969.
139. Op. Cit. FERHAT Ismail, p.138.
70
Troisième partie - Les conséquences de la loi Faure
Il va être étudier dans cette troisième et dernière partie, les conséquences de la loi sur les facultés
mais aussi son impact sur la Faculté de Droit de Paris. La loi a donné naissance à des nouvelles
universités issues des revendications antérieures (Chapitre 1) et a participé au démantèlement
de l’Université de Paris (Chapitre 2).
71
Chapitre 1 - La fin de l’Université napoléonienne
L’Université de 1896 n’est plus, la loi Faure fait entrer l’Université dans une « nouvelle ère »,
celle du changement et de la modernisation. Le changement s’opère au niveau de l’organisation
des universités (I), et la modernisation avec l’évolution du rôle du recteur et la venue de
nouveaux acteurs (II).
I – Les principaux piliers de la loi Faure
La loi d’orientation de l’enseignement a répondu à certaines des revendications exprimées
antérieurement à Mai 68 mais aussi à celles survenues pendant les évènements, en introduisant
trois grands principes à l’intérieur des universités françaises : l’autonomie (A), la
pluridisciplinarité (B) et la participation (C).
A - Une université autonome
La loi d’orientation de l’enseignement supérieur de 1968 a eu pour conséquence de permettre
aux universités de décider de leurs propres objectifs à atteindre, de décider de leur propre
fonctionnement et de leur organisation.
Cependant l’autonomie réservée aux universités n’est pas absolue. Il y a trois formes
d’autonomie qui ont été mises en place.
Premièrement, les universités disposent désormais d’une autonomie administrative qui est
prévue à l’article 12 de la loi : « Les établissement publics à caractère scientifique et culturel
sont administrés par un conseil élu et dirigés par un président élu par ce conseil ».
Deuxièmement l’autonomie est pédagogique, les universités peuvent déterminer « leurs
activités d’enseignement, leurs programmes de recherche, leurs méthodes pédagogiques, les
procédés de contrôle et de vérification des connaissances et des aptitudes140 » mais la limitation
n’est pas bien loin « sous la réserve des dispositions de la présente loi, des statuts des
personnels appelés aux fonctions d’enseignement et de recherche et de règlements établis après
consultation du conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ».
140. Titre IV, article 19 de la loi d’orientation et de l’enseignement du 12 novembre 1968.
72
A l’article suivant141, il est énoncé que pour les études qui conduisent à des diplômes nationaux,
elles relèvent de la compétence du ministre de l’éducation. Les conditions d’obtention de ces
diplômes et les modalités de protection des titres qu’ils confèrent sont définies par ce dernier
sur l’avis ou la proposition du CNESER.
Il s’agit donc ici d’une autonomie pédagogique assez relative. En effet les étudiants qui
s’inscrivent à l’université viennent presque tous pour décrocher l’un de ces diplômes nationaux.
Le champ de l’autonomie pédagogique est de ce fait très limité.
Enfin troisièmement, il y a l’autonomie financière qui est régie par le titre V de la loi. L’article
26 de la loi énonce que les universités « disposent pour l’accomplissement de leur mission, des
équipements, personnels et crédit qui leur sont affectés par l’Etat », elles « disposent en outre
d’autres ressources, provenant notamment de legs, donations et fondations, rémunérations de
services, fonds de concours et subventions diverses ».
Tout comme l’autonomie pédagogique, l’autonomie financière se trouve très restreinte. Les
ressources des universités vont en réalité provenir pour une grande partie de l’Etat. Les
universités sont dotées d’un agent comptable, ce dernier est choisi par le conseil de l’université
mais doit obligatoirement inscrit sur une liste d’aptitude nationale. Il est issu d’une
administration financière de l’Etat142. Sa mission sera de veiller à la gestion des ressources et
dépenses des universités.
La loi de 1968 pose le principe qui se caractérise en une simple base de « l’autonomie ».
Néanmoins son adoption constitue une grande avancée. Depuis 1896, il y avait toujours eu la
volonté de mettre en place une autonomie mais sans succès. La loi Faure a réussi à imposer le
principe, malgré son caractère et sa portée assez modeste. Il faudra attendre encore quelques
années avant qu’une réelle autonomie puisse voir le jour au sein des universités françaises.
En plus d’être un établissement autonome, la loi prévoit que l’Université devra être
pluridisciplinaire.
141. Ibid., Titre IV article 20.
142. Ibid, Titre V, 5e alinéa de l’article 29.
73
B - Une université pluridisciplinaire
Louis Liard énonçait que « L'enseignement, c'est une fonction de l'Etat, car c'est un besoin de
la nation. Par suite les écoles doivent être des établissements de l’Etat et non des établissements
dans l’Etat (…) Par suite encore comme l’Etat est un, ses écoles doivent être partout les mêmes.
Etant donné leur caractère essentiel, elles ne peuvent avoir chacune sa charte particulière143,
Louis Liard employait le terme « école », mais qu’entendais-t-il par « école » ? Cela
comprenait-il l’Université ? Pensait-il que les universités ne pouvaient être configurer de
manière différente avec des enseignements différents, voire pluridisciplinaires ?
Bien avant le vote de la loi, la question de la « suppression des cloisonnements » était débattue.
Lors du colloque de Caen en 1966, l’une des revendications était de supprimer « les
cloisonnements entre les facultés existantes, les professeurs de facultés devenant professeurs
d’universités144 ».
Mais de manière assez contradictoire, les événements de mai 68 l’ont bien montré, certains
acteurs ont essayé d’obtenir leur indépendance afin que leurs domaines d’enseignement ne
soient plus « confondus ». On peut le voir par exemple au sein la Faculté de médecine de Paris,
avec les dentistes ne souhaitant plus être assimilés et qui voulaient se détacher des médecins ou
comme nous l’avons vue dans les développements précédents avec les économistes qui
souhaitaient prendre leur indépendance vis à vis des juristes à la Faculté de droit de Paris. La
mise en place de la « pluridisciplinarité » n’est pas acceptée de tous, certains ne veulent ni
l’entendre et encore mois la voir s’installer au sein des universités.
Néanmoins, il y a d’autres acteurs, qui a l’inverse sont plutôt favorable à la mise en place de la
pluridisciplinarité, par exemple le sociologue Alain Touraine qui écrivait qu’ : « Un helléniste
n’aura pas connaissance des travaux de l’ethnologue; un historien ignorera à peu près tout de
la sociologie et de l’économie moderne; le sociologue, dont la formation est plus diversifiée,
ignorera tout des méthodes de la biologie, sans parler de son ignorance officialisée par les
récentes réformes, de l’histoire des sociétés qu’il étudie. Tous n’acceptent pas cette
professionnalisation et cherchent alors hors de la formation universitaire une ouverture
143. Louis Liard, L’Enseignement supérieur en France, 1789-1889, vol II, Paris : Armand Colin et Cie, 1894, p35.
144. Il s’agit du troisième point de Colloque de Caen.
74
d’esprit, une diversité d’informations que la faculté leur refuse. Les revues littéraires et
politiques, les hebdomadaires de grande information, la télévision ou mieux encore des
groupements d’inspiration politique ou religieuse, complètent la formation professionnelle
donnée par l’Université, ce qui crée une rupture profonde entre les éléments de l’éducation qui
devraient être unis145 ».
Un autre acteur était également contre le cloisonnement des enseignements, il s’agit du ministre
Edgar Faure. Bien au contraire, il en est même très convaincu, selon lui « les nouvelles
universités seront pluridisciplinaires » cette affirmation est présente depuis la première
rédaction du projet de loi et va aussi l’être dans toutes les versions qui vont suivre. Pour le
ministre il est primordiale de voir coexister des disciplines qui étaient autrefois divisées voire
isolées. La pluridisciplinarité va permettre aux étudiants d’ouvrir leurs horizons, de pouvoir
favoriser chez eux, une activité intellectuelle beaucoup plus diversifiée. La prise de position du
ministre était cohérente, en effet Edgar Faure était un homme « touche à tout146 ».
Le principe des universités pluridisciplinaires est régi par le 2e alinéa de l’article 6 de la loi
d’orientation qui dispose que : « Les universités sont pluridisciplinaires et doivent associer
autant que possible les arts et les lettres aux sciences et aux techniques. Elles peuvent cependant
avoir une vocation dominante ». Il y a une rupture avec la période d’avant mai
68, l’Université qui était souvent utilisée au singulier et définissait une institution plutôt
monolithique, et représentait tout le contraire de la pluridisciplinarité avec des blocs de faculté
dans des domaines très précis (sciences, lettres, droit). Désormais le principe est régi par la loi
et cela le fait exister. Mais en réalité sa portée a été dans son ensemble assez limitée.
La mise en place des UER devait favoriser la pluridisciplinarité au sein des nouvelles
universités, mais ces UER sont souvent directement issues des anciens départements des
facultés. Il y aura des UER juridiques, de géographie, de philosophie. La pluridisciplinarité
n’est donc pas vraiment au rendez-vous, cela va plutôt avoir pour effet de créer de toute petites
facultés au sein des universités nouvellement créées.
145. Alain Touraine, Le Mouvement de Mai ou le communisme utopique, Paris : Le Seuil, 1972, p. 88.
146. Edgard Faure était un homme curieux avec une forte ouverture d’esprit, il semble avoir eu plusieurs vies :
avocat, homme d’Etat, romancier, parolier.
75
Il semblerait que la pluridisciplinarité prévue par la loi d’orientation de l’enseignement
supérieur de 1968, soit en réalité caractérisée par une plus grande offre de disciplines. Or
lorsqu’on parle de pluridisciplinarité, on a tout de suite à l’esprit une image de croisement, de
complémentarité des matières qui sont de premier abord très différent et qui vont au final crée
un enseignement cohérent, on peut prendre comme exemple la licence Administration
Economique et Sociale147 qui est le parfait exemple d’un enseignement pluridisciplinaire. Le
fait par exemple de mettre au sein d’une même université des UER juridiques et scientifiques
mais sans qu’il y ait de réel lien, de cours en commun, revient à une cohabitation au lieu d’une
coexistence. Les étudiants et les enseignants vont être dans des établissements
pluridisciplinaires sans que cela ait de répercussion sur leurs enseignements.
Tout comme l’autonomie, la pluridisciplinarité a été consacrée par la loi mais sa portée est très
fortement limitée. Reste à voir le troisième et dernier pilier de la loi Faure : la participation.
C – Une université démocratique
La participation avait été le point le plus discuté pendant le processus d’élaboration du projet et
du vote de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur. Ce qu’on peut déjà énoncer, c’est
que la participation des étudiants n’est pas vraiment une innovation, en effet le décret
Capitant148, de 1945, avait déjà institué la participation des étudiants élus aux sur la base du
suffrage universel aux assemblées des facultés et près des conseils des universités. Mais en
pratique on n’y avait presque jamais recours. La participation ne s’exprime pas uniquement à
travers des élections, il y a aussi la participation au niveau des travaux des commissions, ou
alors l’assistance aux différentes séances du conseil.
147. Il s’agit d’une licence composée d’enseignement différents : histoire, droit, sociologie, économie, gestion …
Cette formation va être fondée en 1973.
148. Du nom de l’ancien Ministre de l’éducation, René Capitant (1901-1970), fils du professeur Henri Capitant, il
a été ministre de l’Éducation Nationale de 1944 à 1945.
76
Depuis la loi du 16 avril 1955149, il est permis aux étudiants élus de siéger auprès des pouvoirs
publics dans les conseils d’administration. Ils participaient à la définition de la politique
générale du Centre national et des Centres régionaux et se prononcent sur le budget du CNOUS
et les répartitions de crédits de l’Etat entre les CROUS. Les étudiants étaient aussi associés à
l’accueil des nouveaux étudiants, à l’animation de la vie universitaire et aux activités d’aide à
l’insertion professionnelle.
Il a fallu attendre la loi Faure pour que le principe de participation soit enfin reconnu à
l’université. Avant la loi, les assemblées n’étaient composées que de professeurs titulaires,
d’agrégés de l’enseignement supérieur, des chargés de cours et des maitres de conférences
pourvu du grade de docteur150. Dans les facultés de droit il y avait également des représentants
des maitres assistants. Quant au conseil, il était composé des professeurs titulaires.
Les étudiants étaient donc absents du processus de décision de l’université. Pourtant c’était le
reproche des étudiants, ils ne souhaitent plus être de simples spectateurs, ni des acteurs de
second rôle au sein de leur université. Ils représentaient d’ailleurs la plus grande part des
effectifs, au sein de l’université, leur « voix » devait donc se faire entendre.
Désormais « les conseils sont composés, sans un esprit de participation, par des enseignants,
des chercheurs, et par des membres du personnel non enseignant151 ». L’université se veut si
démocratique, que la loi permet également à des personnes extérieures choisies en raison de
leur compétence de siéger auprès du Conseil.
Les élections se font au scrutin de liste, à la proportionnelle. Il s’agit d’un suffrage universel,
tous les étudiants inscrits à l'université sont automatiquement électeurs. On ne pourra étudier
ici que les élections du conseil des UER et non celles du Conseil de l’Université qui ont été
mises en place plus tardivement152.
149. Loi n°55-425 du 16 avril 1955 portant sur la réorganisation des services des œuvres sociales en faveur des
étudiants.
150. Jacques Chalendar, Une loi pour l’université, Paris : Desclée de Brouwer, 1970, p. 97.
151. Titre III, article 13 de la loi d’orientation et d’enseignement du 12 novembre 1968.
152. Les premières élections du conseil d’université datent de 1970-1971.
77
C’est entre février et mars 1969 que vont se sont jouer les premières élections étudiantes au
niveau des conseils des UER, les résultants vont s’avérer plus que satisfaisant. Le taux moyen
de participation dans les UER de droit et sciences économique est de presque 60%153.
Là où l’autonomie et la pluridisciplinarité avaient « échoué », la participation au contraire a été
un véritable succès.
En plus de ces trois dispositions majeures, la nouvelle organisation des universités a également
eu pour conséquence le changement de certains acteurs au sein de l’université.
II – Des nouveaux rôles pour des nouvelles universités
Le recteur va voir sa tache modifiée (A) et deux nouveaux acteurs vont faire leur entrée dans
les universités : Les présidents d’université (B), les présidents d’UER (C)
A - Le nouveau recteur
Dans la première partie de ce mémoire, il a été exposé le rôle du recteur au sein de l’Université
avant les évènements de mai 68, mais qu’en est-il après la loi d’orientation ? Les recteurs se
sont retrouvés très exposés lors de la « Commune étudiante154 ». La loi Faure a procédé à un
déplacement des pouvoirs au sein de l’Université. Le recteur qui avait une très grande marge
de manœuvre et un réel contrôle sur l’Université d’autrefois, a perdu une partie de son autorité
presque quasi absolue sur l’Université, désormais il représente le ministre de l’Éducation
Nationale auprès des organes statutaires des universités et auprès du conseil général dont il en
est le président155.
Il a tout de même la possibilité d’assister aux séances du conseil des universités et s’y faire
représenter. On trouve dans la loi une disposition lui permettant en cas de raison graves, cas de
force majeure de suspendre les délibérations jusqu’à la décision du ministre de l’éducation
153. Op. Cit. Jacques de Chalendar p. 139.
154 . Edgar Morin, Le Monde, 17 mai 1968.
155. Titre II, article 10.
78
nationale156. Le recteur veille également au respect du budget des universités de son ressort. Il
est d’ailleurs habilité à arrêter le montant du budget en cas de défaut de vote de la part du
conseil.
Même si le recteur n’en n’est pas totalement exclu, la loi Faure a limité le pouvoir du recteur
au sein de l’enseignement supérieur, une de ces limitations est due entre autres à l’arrivé d’un
nouvel acteur au sein des universités : le président.
B - Le président de l’université
Les facultés ont laissé place aux universités, et les doyens font de même envers les présidents
d’université. Le terme « président d’université » apparait comme en décalage avec les
appellations d’autrefois : recteur, doyen, ces appellations sont assez historiques et reconnus
dans le monde universitaire français comme aussi dans les universités étrangères. L’emploi de
« Président » est un terme assez commun. Le président de l'université apparaît largement
comme un nouveau venu, il n’est ni un doyen, ni un recteur.
Le président va exercer son autorité sur l’ensemble de l’université, il en est la voix et le gardien.
Elu pour cinq ans, le président d’université n’est pas immédiatement rééligible et il est
inamovible durant son mandat157. Le mandat du président de l’Université peut être abrégé est
en cas de démission, cela ne peut pas lui être refusé, mais également en cas d’empêchement
définitif résultant d’un cas de force majeure.
Membre du conseil, il doit être choisi parmi les professeurs titulaires, mais il est possible de
déroger à cette règle en élisant un professeur non titulaire, si ce dernier réunit la majorité des
deux tiers des membres du conseil. Le président préside tous les conseils de l’université et
travaille en collaboration avec un secrétaire général et un agent comptable.
Les présidents de l’ancienne faculté de droit sont au nombre de deux : le premier est un homme
politique et juriste spécialiste de droit constitutionnel, François Luchaire (1919-2009), avocat
au barreau de Caen en 1938, il commence sa carrière de professeur de droit à l’université de
156. Ce dernier doit statuer dans les trois mois, après la consultation du CNSESR.
157. Titre III, article 15 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968.
79
Nancy avant de devenir professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de Paris. En
1958, il fait partie du groupe d'experts chargé de rédiger l'avant-projet constitutionnel et de
1965 à 1974, il siège au Conseil constitutionnel158.
Le second est professeur spécialiste en droit public Georges Vedel (1910-2002), agrégé des
Facultés en droit public en 1936, il enseigne tour à tour dans les facultés de droit de Poitiers en
1937, de Toulouse en 1939, et à Paris à Partir de 1949. Son enseignement ne s’arrête pas qu’aux
universités, il enseigne notamment dans les grandes écoles comme HEC, l’IEP de Paris, ou
encore l'école des Mines. Conseiller juridique de la délégation française dans les négociations
sur le Marché commun et l'Euratom de 1956 à 1957, il est nommé Doyen de la Faculté de droit
de Paris (1962-1967), et sera le premier président de l’Université Paris II159.
Les universités n’ont pas toutes été créées immédiatement après la promulgation de la loi
d’orientation, c’est d’ailleurs le cas des universités Paris I et Paris II qui n’ont été créées qu’en
1970, soit deux ans après la promulgation de la loi. Il y avait néanmoins la mise en place des
UER qui étaient organisées par des directeurs d’UER.
C - Le directeur d’UER
Les anciennes facultés ont été remplacées par les UER, la fonction de doyen est supprimée au
profit du directeur des UER. Le directeur d’UER est élu pour une durée de trois ans. Il doit être
élu parmi les professeurs titulaires, maitre de conférences ou par les membres assistants de
l’établissement. Si ce n’est pas le cas sa nomination par dérogation doit être approuvée par le
ministre de l’Education Nationale après un avis du conseil de l’université dont l’UER fait
partie160.
Le directeur de l’UER est placé sous l’autorité du président de l’université, son rôle est en effet
subordonné au président qui a pour charge l’université dans son ensemble tandis que le directeur
158. Il a été nommé par le président du Sénat, Gaston Monnerville.
159. Nous verrons plus en détail dans le chapitre suivant de ce mémoire la mise en place de ces deux universités.
160. Titre III, second alinéa de l’article 15 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre
1968.
80
de l’UER est en charge uniquement de « son département ». Ses missions comportent des
aspects liés à la recherche et à l’enseignement.
En définitive la loi Faure semble calquer le modèle de l’université sur celui de la société, « Un
état dans l’Etat », avec des élections, un président. L’université de la loi Faure se veut
démocratique et démocratisée. Vue comme une loi révolutionnaire sa portée sera toutefois
limitée, il faudra attendre plusieurs dizaines d’années après l’adoption de la loi Faure pour voir
les universités se doter d’une plus large autonomie et proposer de réels enseignements
pluridisciplinaires. Le modèle des nouvelles universités ayant été posé, le gouvernement a dû
procéder à l’éclatement de l’Université de Paris en vue de répondre à la massification étudiante.
81
Chapitre 2 - Le démembrement de la Faculté de droit de
Paris
La loi Faure de 1968 est généralement considérée comme étant l’origine immédiate de
l’éclatement de l’Université de Paris et par conséquent celle de la Faculté de Droit de Paris. Le
décret Guichard de 1970 va être l’origine de l’organisation des universités comme on les connait
aujourd’hui (I). Ce décret va avoir un impact sans précédent sur la faculté de droit allant même
jusqu’à crée un problème de répartition des biens et des locaux de l’ancienne Université de
Paris (II)
I – Des cinq facultés aux treize universités
Le décret Guichard161 va réaliser la reconfiguration institutionnelle de l’ancienne Université de
Paris. De ce décret va découler la mise en place des U.E.R (A) au sein des treize universités
autonomes nouvellement créés en Ile de France (B)
.
A – La mise en place des UER
Les UER ont été mises en place par la loi du 12 novembre 1968. Avant les UER, on trouvait
dans les grandes facultés des départements. C’est au niveau du département que tout se jouait :
regroupement des enseignants et étudiants pour discuter des réformes, naissance de la volonté
des juristes et des économistes de prendre chacun leur indépendance, mais c’était également à
ce même niveau qu’était organisée la mise en place des enseignements et les contrôles des
connaissances.
Selon Jacques de Chalendar, on trouve dans la toute première rédaction du projet de la loi
d’orientation de l’enseignement supérieur de 1968 la définition suivante des départements :
161. Olivier Guichard (1920-2004), est considéré comme l’un des « barons du gaullisme » il fait des études de
droit, lettres et sciences politiques, et s'engage dans les campagnes de France et d'Alsace en 1944. Chargé de
mission du RPF de 1947 à 1951. Il est directeur-adjoint du cabinet de Gaulle en juin 1958, conseiller technique à
l'Elysée en janvier 1959 puis chargé de mission auprès de Georges Pompidou de 1962 à 1967. Elu député de la
Loire-Atlantique en mars 1967, il est successivement ministre de l’Industrie 1967 à 1968, du Plan et de
l'Aménagement du territoire de 1968 à 1969 de l'Éducation Nationale de 1969 à 1972.
82
« les établissements universitaires sont des départements et des universités… le département
est constitué autour d’une discipline dominante, homogène et de ses disciplines connexes162 ».
Le terme « département » ne semble pas être le plus approprié, en effet la volonté du ministre
est de mettre en place un tout homogène au sein de l’université, en créant une certaine mixité
des enseignements avec au centre une base, qui serait ici la discipline dominante et autour des
disciplines connexes.
Cependant le terme département au sein des universités françaises mais aussi au sein des
universités étrangères désigne une discipline unique, par exemple le département de droit ou le
département d’histoire d’une université. Lorsqu’on voulait aborder le terme de la recherche on
parlait généralement d’institut163. Un des autres problèmes était que toute les universités
n’étaient pas divisées en département, pour l’Université de Paris du fait de sa taille cela était
plus facile mais comment faire avec des plus petites facultés ? Afin de définir les prochaines
composantes des nouvelles universités qui allaient être crée il fallait trouver un terme plus
adéquat, plus général et applicable pour toute sorte d’universités.
Le terme alors d’unités d’enseignement de recherche et d’enseignement est proposé par le
ministre de l’éducation, mais certain sont contre, comme le député Xavier Deniau (1923-
2001)164 qui demande un amendement de terminologie, l’amendement propose de remplacer
les mots « unités d’enseignement » par « départements ».
Xavier Deniau énonce devant l’Assemblée Nationale lors de la deuxième séance du 8 octobre
1968165 que : « L'expression unités d'enseignement et de recherche me parait vague et j'estime
162 . Jacques Chalendar, Une loi pour l’université, Paris : Desclée de Brouwer, 1970.
163. La cinquième recommandation du second Colloque de Caen était : « l’Articulation dès maintenant des
facultés actuellement existantes en départements d’enseignement et instituts de recherche dotés de présidents élus
pour un temps limité. La pleine responsabilité de l’enseignement de chaque discipline devrait incomber au
département correspondant et ne plus être le privilège d’une ou plusieurs chaires » pour voir les autres
recommandations : « Les quinze points de Caen », in l'Université face à sa réforme - Revue de l'enseignement
supérieur, N°4 1966 - pp.141-145.
164. Député du Loiret élu dans la 4e circonscription de décembre 1962 à août 1972 et d’avril 1973 à juin 2002.
165. Assemblée Nationale, 2e séance du 8 octobre 1968, p. 3112.
83
préférable de la remplacer par une formule plus précise », en revanche la commission estime
que c'est une interprétation restrictive et préfère le maintien du terme utilisé.
Edgar Faure va alors préciser son choix de terminologie : « Faut-il préférer le mot
“ département ” au mot “ unités ” ? Volontairement, nous avons écarté le mot “ département ”
après l'avoir d'abord envisagé et nous avons finalement retenu le terme “ unité ”. Pourquoi ?
Justement — cela parait un peu paradoxal — pour qu'on ne l'emploie pas. Nous ne voulons
pas, en effet, préjuger de la forme que prendront ces organismes (…) L'unité, cela peut-être un
département, une faculté (…) “ Pourquoi étudie-t-on une partie de l'histoire à la faculté des
lettres, une autre à la faculté de droit, une autre encore dans tel ou tel institut, alors qu'il s'agit
toujours de la même matière ? Nous allons donc créer un département d'histoire”.
Actuellement, il n'existe pas de faculté d'histoire. Le département d'histoire qui aura été ainsi
créé constituera encore une unité. Le terme d'unité est souple et général. Je ne voudrais même
pas que quelqu'un dise “ Nous faisons une unité de ceci ou de cela ”. Je préférerais qu'il me
spécifie exactement ce qu'il compte créer. Ce flou est volontaire. Il correspond à l'idée que cette
loi doit être un appel qui attend une réponse, et une réponse précise166 ».
Après avoir débattu sur la terminologie, l’étape suivante était l’établissement des premières
listes d’UER. Il ne s’agit pas d’une liste définitive mais d’une liste provisoire. Le ministre de
l’Education Nationale, devait respecter un délai qui avait été prévu par la loi du 12 novembre
1968167, pour établir une liste d’UER destinée à constituer les différentes universités. A la date
prévue on compte environ 600 UER créées.
L’université de Paris I sera composée à sa création de 8 UER incluses dans leur totalité : des
UER de gestion des entreprises, d’analyse et politiques économique et économétrie, de travail,
de l’institut d’administration des entreprises, de l’institut d’études du développement
économique et social, de l’institut des sciences sociales du travail, du tiers monde et de l’institut
de démographie.
166. Ibid.
167. En vertu de l’article 39 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur : « Avant le 31 décembre 1968, le
ministre de l'éducation nationale établira, après consultation des diverses catégories d'intéressés, une liste
provisoire des unités d'enseignement et de recherche destinées à constituer les différentes universités ».
84
Elle comptera 7 UER incluses de manière partielle, les UER de droit des affaires,
d’administration publique, de sciences politique, de relation internationale, de géographie,
d’histoire, de philosophique et esthétiques. L’université Paris I se veut dès sa création
pluridisciplinaire, en effet elle est composée d’UER juridique, économique et de sciences
sociales168. On peut le voir comme une forte volonté de se rattacher à l’ancienne Sorbonne tout
en gardant l’héritage de l’ancienne Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris. Il
est également prévu la création de trois départements, celui des sciences sociales, de langues
vivantes pratique et d’histoire de l’art. On réfléchit à l’idée de mettre en place une convention
de coopération avec l’IEP de Paris.
L’université Paris II va également se montrer pluridisciplinaire mais de manière plus nuancée
que Paris I, ou simplement orienter son université vers une forte dominance juridique. Ces 4
UER incluses en totalité sont les études judiciaires et contentieux, les sciences et sociologie
criminelles, l’histoire et sociologie des institutions de l’économie, l’institut français de presse.
Pour ses UER incluses en partie, il y a 4 : le droit des affaires, l’administration publique, les
sciences politiques, les relations internationales169. Il va y avoir la création d’un institut
universitaire de technologie qui se trouvera au boulevard de Grenelle avec plusieurs
départements : celui des sciences économiques, de droit du travail, de psychologie sociale et
psychologie juridique, de langue vivante et d’institutions et civilisation étrangères et un
département d’informatique appliqué à la gestion, à la documentation et à la prévision. Tout
comme l’université Paris I une convention entre Paris II et l’IEP de Paris est envisagée. On
constate ici que Paris II se voit uniquement héritière de la faculté de droit, en laissant un peu de
côté les sciences humaines, et en n’intégrant aucune UER scientifique.
Les universités revendiquant toutes leur part d’héritage par exemple Paris I et Paris II se veulent
être les héritières de la Faculté de droit, Paris III celle de la Faculté des Lettres avec Paris IV,
Paris V de Médecine ou encore Paris VI des Sciences, il va se poser la question de régler le sort
du partage de l’ancienne Université de Paris.
168. JORF, 22 mars 1970 p. 2755.
169. Ibid, p. 2755-2756.
85
B – La création de treize universités
L’université de Paris contenait un nombre trop important d’étudiants, pour Edgar Faure il était
nécessaire de créer des universités à taille humaine c’est-à-dire entre 10 000 et 15 000 étudiants
maximum, mais l’université de Paris c’est 139 175 étudiants inscrit en 1967170. Soit 10 fois plus
d’étudiants qu’une université « raisonnable ».
Les grandes universités de province ont été divisées en deux comme à Marseille, ou en trois à
Bordeaux mais à Paris étant donné son statut spécial la division s’est faite en treize universités
changeant entièrement l’Université de Paris.
En juin 1964, la revue Esprit publie un numéro spécial intitulé « Pour la réforme de
l’enseignement supérieur ». A la question que pensez-vous de l’Université de Paris, Laurent
Schwartz, et signataire de l’appel du 11 mai 1968 contre les violences policières, énonce que :
« La concentration actuelle à Paris est un phénomène monstrueux (…) en tout état de cause, il
doit exister une ou plusieurs grandes universités parisiennes. Presque inévitablement, plusieurs
universités distinctes ».
De plus le premier alinéa de l’article 6 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur de
1968 disposait que : « une ou plusieurs universités peuvent être créées dans le ressort de chaque
académie ».
Le décret Guichard, met en action l’article 6 en procédant à l’organisation des treize universités
autonomes, ce sont « des établissements publics à caractère scientifique et culturel ». On
reprend dans le décret la définition des universités donnée par le troisième article de la loi du
12 novembre 1968171.
170. Statistique des étudiants issues de l’annuaire de l’Université de Paris de 1967-1968.
171. Le troisième article de la loi du 12 novembre 1968, dispose que « Les universités sont des établissements
publics à caractère scientifique et culturel, jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie financière ». La
loi Savary du 26 janvier 1984 a ensuite changé leur appellation en « établissements publics à caractère scientifique,
culturel et professionnel » (EPSCP).
86
On peut avancer que ce décret est équivalent aux grandes césures historiques que représentent
la suppression des universités par la Convention du 1793 au nom de l’abolition des privilèges
ou encore la loi du 10 juillet 1896 qui recrée des universités en France.
Désormais les universités nouvellement composées sont toutes désignées de la même manière
seul le numéro change. On a donc la formule « Université de Paris » suivi d’un numéro en
chiffre romain allant de I à XIII, Université de Paris I, Université de Paris II, Université de Paris
III …
Cette transformation va constituer une rupture majeure pour l’enseignement supérieur dans
l’Académie de Paris. La carte universitaire de la région parisienne est redéfinie. Avec la création
des universités on libère Paris de ses innombrables étudiants172, en effet on ne veut plus qu’une
telle contestation puisse revoir le jour dans les universités, voire dans les établissements en
général. L’idée est née qu’en créant plusieurs établissements, cela pouvait participer à la
réduction des problèmes des capacités de l’université, et à y favoriser la pluridisciplinarité avec
le regroupement des UER. Désormais on a des établissements dans toute l’Ile de France. Les
universités de Paris I à Paris IX sont à Paris, et les autres universités de Paris X à Paris XII
s’installent en banlieue parisiennes.
La recomposition des universités qui a plus des allures de démantèlement n’a pas suivi un enjeu
uniquement territoriale. Le premier objectif de cette reconfiguration des universités semble être
de sortir du cloisonnement des facultés. En 1968 il y avait déjà un projet en place qui était de
créer des centres dits « expérimentaux » dans des domaines nouveaux et variés par exemple
dans le domaine de la gestion avec le centre Dauphine qui est devenu ensuite l’université Paris
IX ou encore les lettres et sciences humaines avec le centre Vincennes devenu l’université Paris
VIII173. Ces centres ont également été mis en place pour permettre une importante absorption
des flux caractérisés par l’entrée des nouveaux bacheliers de l’année 1968.
172. On avait pourtant créé des transferts de certaines facultés en banlieue, comme à Nanterre ou Orsay mais en
vain. Les étudiants continuaient à être de plus en plus nombreux.
173. Le Centre universitaire de Vincennes crée fin 1968 était initialement installé au Bois de Vincennes dans le
12e arrondissement de Paris. En 1980, le centre universitaire devenu l’Université Paris VIII dix ans auparavant,
déménage dans la ville de Saint Denis en banlieue parisienne – Cf. Reportage de Virginie Linhart, Vincennes,
l'Université Perdue, diffusé le 1 juin 2016, Arte.
87
Le démantèlement a donc poursuivi deux objectifs, le premier étant celui de créer une université
qui regroupe plusieurs facultés (lettres, droit, sciences …) et le second objectif était de réduire
la taille des facultés parisiennes pour disperser la contestation universitaire et éloigner le spectre
de la « chienlit174 ». Les universités franciliennes ayant été créé, il faut en assurer la répartition
au sein des anciennes facultés.
II – Entre la division et le partage de l’ancienne Université de Paris
La création des treize universités franciliennes ayant été mise en place, deux problèmes auquel
il a été nécessaire de trouver une solution de manière assez rapide afin de pouvoir assurer la
prochaine rentrée universitaire se sont posés. Le premier problème est qu’en procédant au
démantèlement des facultés, il a fallu par la même occasion gérer la répartition des biens
matériels et fonciers des ancienne facultés (A) et le second problème concerne le partage des
locaux administratifs et universitaires (B).
A – Le partage des biens de l’ancienne Université de Paris
Mai 68 a vraiment été une rupture majeure pour l’Université, cependant trois ans après les
évènements, le sort de la gestion des nouvelles universités crées n’est toujours pas fixé. Il va
naitre une idée, celle de créer un établissement distinct des universités en vue de préserver le
devenir des biens de La Sorbonne175 (1) cela va donner naissance à la création de la chancellerie
des universités. (2)
174. Le chienlit, un mot à l’origine masculin et orthographié chie-en-lit est initialement un personnage du Carnaval
de Paris. Le terme entre dans l'histoire de la politique lors de son utilisation par le général de Gaulle en août
1944 lorsque, s'adressant Georges Pompidou, pendant la descente de l'Avenue des Champs-Élysées, de Gaulle lui
dit « alors Bidault c'est la chienlit » puis le 19 mai 1968 auquel a été attribué cette phrase : « La réforme, oui ; la
chienlit, non », qu'il aurait prononcée, d'après le Premier ministre Georges Pompidou, répondant aux journalistes
à la sortie d'un Conseil des ministres. Le chienlit désigne désormais le désordre, l’anarchie sociale ou politique.
Cf. Vidéo de l’INA, Georges Pompidou, 19 mai 1968.
175. Le terme « La Sorbonne » est ici utilisé par métonymie pour désigner l’ancienne Université de Paris.
88
1 - La volonté d’un établissement distinct
Il semble que le gouvernement ait oublié de penser, au moment de l’adoption de la loi du 12
novembre 1968, à la question du sort du patrimoine de l’ancienne Université de Paris. Que va
devenir La Sorbonne nationale ? Internationalement reconnu pour son patrimoine intellectuel,
La Sorbonne possède également nombre important de meubles, d’objets précieux, de biens
immobiliers en France comme à l’étranger, issue souvent de des dons et des legs. On peut citer
par exemple La Villa Finaly176 à Florence, en Italie ou encore la Cité Internationale
Universitaire de Paris crée en 1925.
André Monteil (1915-1998), sénateur du Finistère, énoncera même lors d’un débat
parlementaire de 1971 que : « L'Université de Paris est un des propriétaires, notamment dans
le domaine foncier, les plus riches de France177 ». L’Université de Paris ayant disparu, il faut
rapidement trouver une solution quant au sort de la personne morale de l’ancienne Université.
Un personnage va avoir un rôle très important quant à la mise en place de la répartition des
biens de l’Université de Paris, il s’agit de Pierre Bartoli (1913-2008)178.
Ce dernier, va envoyer une note à Michel Jobert (1921-2002), secrétaire général de la
présidence de la République179, à l’attention du Président de la République George Pompidou,
intitulée « Mort de l’Université de Paris ». Pierre Bartoli y demande la création d’un
établissement public distinct des universités et qui aurait pour rôle de gérer l’organisation de
l’ancienne Université de Paris, il énonce ensuite que l’une des conséquences de la loi
176. La Villa a été léguée à l’Université de Paris par la famille Landau-Finaly en 1953, Cf. Le site de la
Chancellerie des Universités de Paris.
177. Sénat, séance du 28 juin 1971, p. 1421.
178. Né à Paris, il effectue sa licence de droit à la faculté de droit et des sciences économique de Paris et obtient à
l’âge de vingt ans le diplôme de l'École des sciences politiques de Paris (section Finances publiques), reçu premier
au concours de rédacteur du ministère de l'Éducation nationale, il entre à la Direction de l'enseignement supérieur.
En 1951, le recteur Jean Sarrailh cherche un jeune collaborateur, René Capitant lui recommande Pierre Bartoli. Il
va ensuite être détaché dans les fonctions de secrétaire général de l'académie ainsi qu’à l'université de Paris le 1er
octobre 1951. Il y restera jusqu' en 1976, année de son départ à la retraite.
179. On emploi couramment le terme de « secrétaire général de l'Élysée ».
89
d’orientation de l’enseignement serait : « la disparition de l’héritage intellectuel, moral et
matériel de l’Université, cette disposition étant particulièrement dramatique pour la Sorbonne,
de beaucoup la plus importante, la plus célèbre, la plus riche en bien matériels et en souvenirs
précieux (…)
Il semble qu’il n’y ait qu’un remède à cette solution : la création, sous une forme juridique à
déterminer, d’un établissement public distinct des nouvelles universités qui hériterait de tout
ce qui, dans le patrimoine de la vielle Sorbonne, est à la fois indivisible et imprescriptible ».
N’ayant pas de réponse, Pierre Bartoli va se tourner en la personne de Jean Berthoin (1895-
1979) ancien ministre de l’éducation nationale, et sénateur de l’Isère. Ils vont tous deux
travailler ensemble afin de proposer un amendement. Pierre Bartoli va se charger de la rédaction
de l’amendement et Jean Berthoin va avoir pour mission de la faire voter au Parlement180.
2 – La création de la Chancellerie des universités
L’amendement proposé par Pierre Bartoli porte sur l’article 11 du projet de loi aménageant
certaines dispositions de la loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur.
L’idée initiale de mettre en place un établissement public de Bartoli resurgit, mais cette fois ci
il va donner plus de détails quant au statut de l’éventuel établissement, il devra être placé sous
l’autorité du recteur et fixé par décret.
Jean Berthoin procède au dépôt de l’amendement sur l'article 11 du projet de loi. Cet
amendement a ensuite été repris par la commission des affaires culturelles181. Le ministre de
l’Éducation Nationale, Olivier Guichard va s’opposer au vote de l’amendement, en vain, car il
aura finalement été adopté182.
180. « De l'Université de Paris à la chancellerie des universités de Paris - Le rôle de Pierre Bartoli (1951-1978) »,
Marie Claude Delmas, in De l'Université de Paris aux universités d'Ile-de-France (Dir.) Florence Bourillon,
Eléonore Marantz, Stéphanie Méchine et Loïc Vadelorge, Presses Universitaires de Rennes, 2016.
181. Amendement n°30 de la commission des affaires culturelles.
182. Pour voir le débat autour de l'amendement en détail, il figure au compte rendu des débats du 28 juin 1971,
pp. 1420-1421. Ce document a été numérisé et est consultable sur le site du Sénat, dans la rubrique comptes rendus
(antérieur à 1996).
90
Le texte de l'amendement va compléter, l'article 42 de la loi du 12 novembre 1968 par un nouvel
alinéa qui dispose que : « Toutefois, les biens et les charges des anciens établissements
provenant de libéralités et qui, par leur nature ou par la volonté des auteurs de libéralités, ne
sont pas susceptibles de division seront, dans le cas où le transfert prévu à l'alinéa précédent
aboutirait à un partage de propriété, administrés par un établissement public placé sous
l'autorité du recteur ; les attributions et les règles de fonctionnement de cet établissement public
seront fixées par décret ». La proposition d’amendement qui avait été rédigée par Pierre Bartoli
est ici reprise dans son intégralité, au mot près183.
Six mois après le vote de l’amendement, le décret n°71-1105 du 30 décembre 1971 relatif aux
chancelleries est publié. La mission des chancelleries est définie au second article du décret
n°71-1105 du 30 décembre 1971. La Chancellerie de Paris aura donc pour mission de gérer les
biens en indivision des treize universités franciliennes. La chancellerie de Paris tout comme les
autres chancelleries est administrée par un conseil d’administration et dirigée par un recteur.
Il faut bien faire attention à ne pas confondre et surtout bien distinguer le rôle du recteur, ici
dans le cadre de la Chancellerie, il agit en en tant que chancelier. Il est uniquement chargé d’une
part d’assurer le partage des biens qui sont cessibles entre les treize nouvelles universités et
d’autre part d’assurer la gestion et la conservation des biens qui sont inaliénables. Il en est
chargé en tant que responsable de la personne morale de la chancellerie.
Pour la question du partage des locaux de l’Université de Paris, le recteur reprend un autre rôle,
il assure le partage des locaux universitaires et administratifs en sa qualité de délégué du
ministre de l’éducation nationale. C’est justement le partage des locaux de l’ancienne
Université de Paris et de manière plus approfondie de la Faculté de Droit de Paris que nous
allons étudier.
B – Le partage des locaux de la Faculté de Droit de Paris
Nous allons voir dans cette dernière partie, comment l’ancienne Faculté de Droit de Paris a-t-
elle été divisée, entre les deux universités héritières (1), et comment a été opéré le partage du
Centre historique, Le Panthéon (2).
183. Marie Claude Delmas, Op. Cit., p.139.
91
1– Les héritières de la Faculté de droit de Paris
On ne peut absolument pas le contester, Paris I et Paris II sont indéniablement les universités
héritières directes de l’ancienne Faculté de Droit et des Sciences Economique de Paris. On peut
le vérifier en regardant les UER des deux universités, en effet, parmi les treize universités
franciliennes, ces sont les seules à avoir le plus grand nombre d’UER dans le domaine juridique
et économique.
L’université Paris I se proclame être une université pluridisciplinaire, cela est visible dès les
premières lignes des statuts de l’université de 1970 et en caractère gras : « L’université de
PARIS I pluridisciplinaire184». Les statuts énoncent également qu’il s’agit d’une université plus
orientée dans l’ensemble des sciences sociales. En raison de de sa pluridisciplinarité, Paris I est
donc en plus du Panthéon prétendante à autre bâtiment universitaires parisien, la Sorbonne. Elle
choisira le nom Panthéon-Sorbonne afin de confirmer ses deux héritages, celui de la Faculté de
Droit et des Sciences Economique de Paris d’une part et de l’autre la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines de Paris d’autre part. Le nom Panthéon-Sorbonne rassemblant la
dénomination des anciens bâtiments des deux anciennes facultés.
En revanche l’université Paris II se positionne à l’inverse d’emblée comme l’université de
« droit, économie et sciences sociales de Paris », toutes ses UER sont juridiques et
économiques à l’exception de son institut de presse et son institut universitaire de technologie.
Paris II semble s’accrocher à la Faculté de Droit de et des Sciences Economique de Paris, il n’y
a au sein de cette université aucune UER de lettres, ou de sciences qui est proposée afin de
diversifier son domaine d’enseignement.
Une question est en suspens, à quelle université va revenir le centre Panthéon, et son antenne à
la rue d’Assas ? Les négociations ont donc débuté dès 1970 avec les deux présidents
d’universités François Luchaire (Paris I) et George Vedel (Paris II) avec au centre le recteur,
chargé de la gestion de la répartition des locaux.
Aucune des deux universités n’a souhaité renier son appartenance à l’ancienne Faculté de Droit
de Paris, cela revenait à laisser son siège à « l’adversaire », il a donc été conclu, en raison de
184. Annexe 15.
92
leur nouvelle configuration et cela de manière tout à fait légitime voir logique qu’il y ait deux
sièges au fameux « 12 place du Panthéon », c’est à ce moment-là que débute le partage des
locaux185.
2 – Le partage du Panthéon
Le partage du panthéon a été une affaire délicate186, il ne s’agit pas que d’un simple bâtiment
universitaire, il s’agit de la maison mère des juristes parisiens, une construction chargée
d’histoire et qui a été érigée presque deux siècles avant la création des universités et
spécialement pour l’enseignement du droit. Néanmoins le partage ne s’est pas fait dans la
violence, les deux présidents ont chacun fait des concessions afin que ce partage puisse se faire
dans les meilleures conditions.
Cet effort va être féliciter par le ministre de l’éducation nationale dans une lettre : « Vous avez
bien voulu me faire connaitre les solutions que vous aviez arrêtées en commun en vue d’utiliser,
dans les meilleures conditions, les locaux mis à votre disposition pour l’année universitaire
1970-1971. Je ne puis que me féliciter de ce climat de collaboration qui laisse bien augurer de
l’avenir de vos universités187 ».
Le partage des locaux s’est déroulé par l’intermédiaire de lettres interposées entre les présidents
des universités et le recteur d’Académie de Paris mais aussi par le biais de réunion au sein du
cabinet du recteur avec parfois les représentants des universités.
La répartition des locaux s’est fait de manière très précise, au mètre carré près, avec des
pondérations, des calculs des effectif afin de repartir l’ensemble de l’ancienne faculté de droit
et des sciences économiques de Paris de manière juste et équitable. On pourrait penser que le
185. L’Université Paris I va installer sa Présidence aux coté de Paris II au Centre Panthéon et sa Vice-Présidence
à la Sorbonne aux côtés des universités Paris III et Paris IV. (Annexe 15).
186. C’est d’ailleurs toujours le cas, plus de quarante ans après la création de ces deux universités, la question du
partage des locaux n’est toujours pas définitivement arrêtée.
187. Lettre SP 1860, du 5 octobre 1970 destiné aux présidents des assemblées constitutives des Universités de
Paris I et Paris II en réponse à leur lettre conjointement adressé du 25 septembre 1970.
93
partage allait être simple, diviser le Panthéon en deux et faire moitié moitié. En revanche en
procédant à une telle division on omettait un détail, Paris I avait plus d’étudiants que Paris II.
L’université Paris I demandait à ce que le partage du Panthéon soit pondérée par rapport
l’effectif des étudiants et proposait un partage 60/40. L’université de Paris II proteste et
demande une répartition égalitaire, pour Paris II « La division par moitié doit demeurer la
règle ».
Le ministre énonce dans une lettre au recteur que les propositions faites aux présidents ne sont
pas définitive et qu’il « souhaite que chaque université puisse disposer des locaux dont elle
aurait la responsabilité propre », des modifications seront alors possible au fur et à mesure que
les nouvelles surfaces soient en service188.
De nombreux courriers ont été échangés entre le recteur et les présidents afin de trouver une
entente. Le nombre d’étudiant ne cessant d’augmenter, il a été décidé d’utiliser un nouveau
centre, celui Clignancourt et d’en crée un nouveau, le centre Tolbiac afin de gérer la masse des
étudiants et du personnel administratif, de Paris I.
Cependant Paris I refuse le centre Clignancourt au motif que le centre « est peu utilisable à des
fins administratifs ». L’université préfère attendre la construction de Tolbiac. Paris II conscient
du problème des effectifs de Paris I, propose d’accueillir provisoirement l’université au sein du
centre Assas à condition que le partage du Panthéon soit égalitaire.
Paris II va obtenir l’angle Soufflot189, et sa présidence se trouvera dans les anciens cabinets
décanaux, tandis que Paris I, obtiendra La partie de l’aile Cujas (les nouveaux locaux) et sa
présidence au 4e étage.
Dans un but de simplification et d’unité de gestion, une convention entre les présidents François
Luchaire et Jean Boulouis190 a été signée le 10 octobre 1971.
188. Lettre SP 1859, du 5 octobre 1970.
189. Il s’agit de la partie la plus prestigieuse du Centre Panthéon.
190. Jean Boulouis (1927-1997) professeur de droit public et expert en droit communautaire, est élu à la présidence
de Paris II en 1971.
94
Des règles vont être fixées quant à la gestion des locaux du Panthéon191. Les salles gérées à
100% sont gérées directement par les universités intéressées par exemple, les salles de droit
privé d’Afrique et d’outre-mer, de science sociale du travail, d’économie politique, le centre
d’étude du tourisme revenait à Paris I, et les salles de droit international privé, droit pénal, les
instituts de droit romain, de criminologie, de droit comparé revenait à Paris II. Une liste était
dressée avec le numéro de la salle, le nom de la salle, et le pourcentage de gestion.
Pour les centres et les salles gérés à part égale par chacune des deux universités, il fallait voir à
quelle université appartenait le directeur de la salle. Pour les autres salles, elles revenaient à
l’université ayant la plus importante participation192.
Cependant, pour la salle Goullencourt et de droit public, la participation des universités était
égale. La gestion se faisait donc par alternance bi annuelle. La salle de Goullencourt revenait à
Paris II pour l’année 1972-1973 et la salle de droit public à Paris I pour la même année.
Il s’agit donc plus d’un partage qu’une division de locaux, le problème est sans cesse renouvelé
chaque année. Pour la question de l’ancienne bibliothèque de la Faculté de droit et des sciences
économiques de Paris, Cujas qui a été ouverte en 1829, à la suite des évènements de mai, été
intégrée parmi les bibliothèques interuniversitaires avant de revenir à Paris I et Paris II.
La loi Faure aura eu pour conséquence de moderniser les universités, de les rendre plus libres,
plus accessibles, plus humaines. Elle a opéré de nombreux changement même s’ils n’ont été
que minimes au début. La loi Faure est à voir comme un élan, une première pierre que l’on
pose.
191. Annexe 16.
192. Il s’agit d’une participation financière.
95
Conclusion
Les évènements de mai 1968, comme nous l’avons vu ont profondément bouleversé l’ensemble
des facultés de France, sans épargner la très grande Faculté de droit de Paris. En effet, la Faculté
de droit de Paris a changé dans sa structure, et a été décimée dans plusieurs bâtiments tout en
gardant son siège sur la Montagne Sainte-Geneviève, au cœur du Quartier Latin. Enseignants
et enseignés ont également été les premiers touchés par ce changement. Ces derniers ont vu
leurs rôles se modifier mais surtout évoluer au sein de l’Université.
Liberté, démocratie, pluridisciplinarité, autonomie, modernité et deux universités Paris I
Panthéon-Sorbonne et Paris II Panthéon-Assas, voici l’héritage que Mai 68 a légué à l’ancienne
Faculté de droit de Paris.
Ce changement n’aurait sans doute pas été possible sans l’intervention de la loi d'orientation de
l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968 qui peut être considérée comme la loi la plus
marquante et importante du XXe siècle concernant les universités. Cette loi a eu un impact sans
précédent et pourtant il ne s’agit que d’une demi réussite car ses effets n’ont pas été
immédiatement visibles, et ont été très limités au sein des universités.
Néanmoins, la loi d’orientation a réussi l’un de ses principaux objectifs, celui d’assurer la
rentrée universitaire de l’année 1968-1969. Il faudra cependant attendre une quinzaine d’années
pour que les dispositions mises en place par la loi Faure soit renforcées et complétées par la loi
Savary193.
Par exemple, les UER vont devenir des UFR, les universités qui sous la loi Faure étaient « des
établissements publics à caractère scientifique et culturel, jouissant de la personnalité morale
et de l'autonomie financière » deviennent sous la loi Savary des « établissements publics à
caractère scientifique, culturel et professionnel (…) jouissant de la personnalité morale et de
l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière ».
193. Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.
96
L’autonomie universitaire discutée dès la fin du XIXe siècle avait sous l’impulsion de la loi
Faure pris une autre dimension, tout en étant assez limitée, la loi Savary avait aussi voulu
compléter ce dispositif, mais c’est la Loi n°2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et
responsabilités des universités, dite loi LRU qui va mettre au sein des universités une réelle
autonomie. Désormais la loi Faure est perçue comme celle ayant posée les premières bases de
l’université moderne.
Plusieurs problèmes étaient au cœur des facultés, le débat autour de la sélection, la massification
étudiante, le manque de place dans les amphithéâtres, quarante-huit années plus tard, ces mêmes
problèmes sont toujours d’actualité.
Pour la sélection qui avait été refusée par Edgar Faure mais soutenue par Charles de Gaulle,
désormais la sélection se fait à l’entrée de l’université pour certains diplômes, par exemple pour
les universités Paris I et Paris II, certaines de leurs formations juridiques proposées, et ce dès la
première année de licence sont soumises à l’étude de dossier des candidats au préalable, il y a
également une sélection « rude » et nationale au niveau des masters 2, surtout auprès de ces
deux universités en raison de leur grande renommée, et plus spécialement pour leurs masters
juridiques qui font partis des formations les plus convoitées.
Les amphithéâtres de l’ancienne Faculté de droit de Paris, se trouvent ne plus être adaptés au
regard du nombre d’étudiants qui ne cesse d’accroitre chaque année. L’université Paris I
Panthéon-Sorbonne représente 42 000 étudiants, 1430 enseignants et enseignants-chercheurs et
1150 membres du personnel administratif répartis dans 25 centres194, tandis qu’à l’Université
Paris II Panthéon-Assas, on compte 19 086 étudiants195, 2 048 enseignants et 364 personnels
administratifs répartis sur 19 sites196. Nous sommes bien loin des universités à « taille
humaine » que le ministre Faure souhaitait instaurer.
Mai 68 a accentué cette volonté, qui était déjà présente, de diviser les établissements afin de
limiter la trop grande concentration étudiante au sein d’un même établissement ou dans une aire
194. Panthéon Sorbonne en chiffre, avril 2015.
195. Dont 14 847 étudiants inscrit dans une formation juridique.
196. Université Paris II Panthéon Assas, les chiffres clés (2013-2014).
97
géographique « étudiante », mais on assiste aujourd’hui à un retour en arrière qui a débuté en
2006 avec la création des PRES. Ce sont des groupements d’universités et d’établissements
d’enseignement supérieur qui visaient à renforcer l’efficacité, la visibilité et l’attractivité du
système d’enseignement supérieur et de recherche français à l’étranger. Ils ont été remplacés
par les COMUE par une loi du 22 juillet 2013. Les grandes écoles qui historiquement sont les
concurrentes directes des universités, se trouvent désormais regroupées.
Ce qui semble étonnant c’est que l’une des revendications de Mai 68 était d’en finir avec
l’université élitiste, et surtout désacraliser la Sorbonne. Il y avait un rejet total de la Sorbonne.
Dès leurs créations, certaines universités franciliennes voulaient prendre leur indépendance à
l’exception des universités Paris I, Paris III et Paris IV qui avaient ajouté la marque Sorbonne
à leur nom.
On peut aujourd’hui observer que sur les quatre COMUE de l’Académie de Paris, il y en a trois
qui portent le nom « Sorbonne » : Sorbonne Paris Cité, HeSam Université (Hautes études
Sorbonne arts et métiers) dont fait partie l’Université Paris I, et Sorbonne Universités dont fait
partie l’Université Paris II.
La Sorbonne étant mondialement connu, le fait d’être rattaché à cette dernière permet aux
établissements d’être beaucoup plus visibles à l'international, ce rattachement va par la même
occasion permettre d’atteindre les meilleures places dans les classements des établissements
supérieurs français mais aussi dans les classements internationaux.
L’Université Paris II qui avait « claqué la porte » du PRES et refusé d’entrer dans une COMUE
a fait marche arrière et a rejoint la COMUE Sorbonne Universités197. En 2014 il y avait même
une discussion qui avait amené les deux universités Paris I et Paris II à un éventuel
rapprochement. Le président de l’Université Paris II, Guillaume Leyte avait énoncé en 2014
que le rapprochement entre les deux universités aurait « permis de faire émerger une très
grande université juridique, la première de France, avec une forte visibilité à
l’international198 ».
197. Educpros, interview du 19 septembre 2013.
198. Educpros, interview du 18 novembre 2014.
98
Cependant le rapprochement n’a pas abouti, mais le 24 mai 2016, un nouvel accord de
partenariat a été signé entre l’Université nationale du Vietnam à Ho Chi Minh Ville, et les deux
universités rivales mais appartenant pourtant à la même maison Paris II et Paris I en vue de la
création de deux formations d'excellence dans le droit privé français.
Jean Claude Colliard, avait énoncé que pendant longtemps le terme droit et Sorbonne était
presque incompatible, il avait énoncé que « le Droit n’était pas la Sorbonne et la Sorbonne
n’était pas le Droit199 ». Ces paroles sont donc aujourd’hui à nuancer, désormais avec Paris I et
Paris II se trouvent au sein de deux COMUE « Sorbonne », plus que jamais le droit est
définitivement présent à la Sorbonne.
On peut retenir que Mai 68 a eu pour conséquence la disparition de la Faculté de Droit de Paris,
mais il n’est pas impossible qu’un jour la faculté de droit puisse renaitre de ces cendres,
d’ailleurs sa plaque gravée « UNIVERSITE DE PARIS FACULTE DE DROIT » se trouve
toujours à l’entrée principale du Panthéon.
199. Jean Claude Colliard, « Avant-propos », L’école de droit de la Sorbonne dans la Cité (Pascale Gonod, Anne
Rousselet-Pimont, Loïc Cadiet Dir.), Paris : IRJS-Editions, 2012, p. 21.
99
Table des Annexes
Annexe n°1 ............................................................................................................................... 99
Annexe n°2 ............................................................................................................................. 100
Annexe n°3.............................................................................................................................. 101
Annexe n°4 ............................................................................................................................. 102
Annexe n°5 ............................................................................................................................. 103
Annexe n°6 ............................................................................................................................. 104
Annexe n°7.............................................................................................................................. 105
Annexe n°8 ............................................................................................................................. 106
Annexe n°9 ............................................................................................................................. 107
Annexe n°10............................................................................................................................ 108
Annexe n°11............................................................................................................................ 109
Annexe n°12............................................................................................................................ 110
Annexe n°13............................................................................................................................ 111
Annexe n°14............................................................................................................................ 112
Annexe n°15............................................................................................................................ 113
Annexe n°16............................................................................................................................ 114
100
Annexe n° 1
Tableau 1. Effectifs dans les universités françaises par cursus.
Tableau 2. Effectifs dans les universités françaises par groupes disciplinaires.
Source
Site du Ministère de l’Éducation Nationale, les effectifs universitaires en 2015-2016. Mai 2016
103
Annexe n°4
Source
Cahiers d'économie politique Année 1996, Volume 26 Numéro 1 pp. 610
Portrait d'Alain Barrère (1910-1995).
104
Annexe n° 5
Nombre de professeurs et d'assistants ou maitres-assistants dans les universités françaises
(1950-1971).
Source
Antoine Prost, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Tome 4, Paris,
Nouvelle librairie française, 1982. p 280.
105
Annexe n° 6
Source
Antoine Prost, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Tome 4, Paris,
Nouvelle librairie française, 1982. p 265.
Effectif des universités française (1950-1970) en milliers d'étudiants.
108
Annexe n° 9
Nuit du 10-11 mai 1968, le CRS sur le pied de guerre dans le Quartier Latin.
Source
Site du photographe Marc Riboud
112
Annexe n° 13
Affiches de l'UNEF sur la Participation.
Affiche de 1969-1970 Affiche de 1970
Source
Site esu-psu-unef
113
Annexe n° 14
De gauche à droite : Alain Geismar, Jacques Sauvageot, Daniel Cohn Bendit.
Source
Blog du photographe Jean Pierre Ray
115
Annexe n°16
Convention entre les universités Paris I et Paris II
Source
Archives de l’Université Paris I
116
Bibliographie
Ouvrages.
- Antoine Gérald, Passeron Jean-Claude. La Réforme de l'Université. Conservatisme et
novation à l'Université, Paris : Calmann-Lévy, 1966, 289 p.
- Brucy Guy. Histoire de la FEN, Paris : Belin, 2003, 640 p.
- Centre de regroupement des informations universitaires. Quelle université ? Quelle
société ? Paris : Seuil, 1968, 224 p.
- Charle Christophe. Ferré Régine (Dir.). Le personnel de l'enseignement supérieur en
France aux XIXe et XXe siècles, Paris : CNRS-IHMC, 1985, 283 p.
- Charle Christophe. Verger Jacques. Histoire des universités : XIIe-XXIe siècle, Paris :
Presses Universitaires de France, 2012, 334 p.
- Charmasson Thérèse (Dir.). Histoire de l'enseignement, XIX e -XX e siècles : guide du
chercheur, ENS - INRP, 2006, 728 p.
- Condette Jean François, Legoherel Henri (Dir.), Le recteur d’Académie, deux cents ans
d'histoire, Paris : Editions Cujas, 2008, 316 p.
- Damamme Dominique, Gobille Boris, Matonti Frédérique, Pudal Bernard (Dir.). Mai-
Juin 68, Ivry-sur-Seine : Éd. de l’Atelier, 2008, 445 p.
- De Certeau Michel, La prise de parole, pour une nouvelle culture, Paris, Desclée de
Brouwer, 1968, 167 p.
- De Certeau Michel, La prise de parole, pour une nouvelle culture, Paris : Desclée de
Brouwer, 1968, 165 p.
- De Chalendar Jacques. Une loi pour l'Université, Paris : Desclée de Brouwer, 1970, 265
p.
- Debbasch Charles. L'université désorientée : autopsie d'une mutation, Paris : Presses
universitaires de France, 1971, 173 p.
- Devillairs Laurence, Rotman Patrick. Mai 68 raconté à ceux qui ne l'ont pas vécu, Paris :
Seuil, 2008, Vol 1, 158 p.
- Dreyfus-Armand Geneviève, Mai 68. Les mouvements étudiants en France et dans le
monde, Nanterre : BDIC, 1988, 304 p.
- Durandeaux Jacques. les journées de mai 68, Paris : Desclée de Brouwer, 1968, 164 p.
- Faure Edgar, Ce que je crois, Paris : Grasset, 1971, 223 p.
- Faure Edgar, Philosophie d'une réforme, Paris : Plon, 1969, 186 p.
117
- Faure Edgar, L'Éducation nationale et la participation, Paris : Plon, 1968, 118 p.
- Georges Jacques, Le pari du SGEN, brève histoire : 1934-1995, Paris : SGEN-CFDT,
1995, 95 p.
- Gonod Pascale, Rousselet-Pimont Anne, Cadiet Loïc, (Dir.), L'École de droit de la
Sorbonne dans la Cité, Paris : IRJS-Editions, 2012, 256 p.
- Guerin Jean-Claude, La FEN un syndicat ? Histoire de la Fédération de l'Éducation
Nationale, Paris : Éd. du Cerf, 1973, 96 p.
- Halperin Jean-Louis (dir.), Paris, capitale juridique (1804-1950). Étude de socio-
histoire sur la faculté de droit de Paris, Paris : Éd. Rue d'Ulm, 2011, 219 p.
- Liard Louis. L'Université de Paris. La vieille Université. La nouvelle Université. La
nouvelle Sorbonne, Tome 1, Paris : H. Laurens, 1909, 132 p.
- Mercier Charles. Autonomie, autonomies : René Rémond et la politique universitaire
aux lendemains de mai 1968, Paris : Publication de la Sorbonne, 2015, 283 p.
- Minot Jacques. Quinze ans d'histoire des institutions universitaires, Paris : Ministère de
l'éducation nationale - S.F.A, 1983, 58 p.
- Morin Edgar, Lefort Claude, Coudray Jean-Marc. Mai 1968 : la brèche, premières
réflexions sur les événements, Paris : Fayard, 1968, 142 p.
- Mouriaux René. Le syndicalisme enseignant en France, Paris : Presse universitaires de
France, 1996, 126 p.
- Musselin Christine. La longue marche des universités françaises, Paris : Presses
universitaires de France, 2001, 218 p.
- Paillat Claude, Archives secrètes, 1968-1969 : Les coulisses d’une année terrible,
Paris : Denoël, 1969, 475 p.
- Peries George, La Faculté de droit dans l'ancienne université de Paris, Paris : L.
Larose et Forcel, 1890, 392p.
- Plouvin Jean Yves. Le régime juridique des universités depuis la Loi d’Orientation,
Paris : Economica, 1980, 259 p.
- Poucet Bruno, Valence David (Dir.). La loi Edgar Faure : Reformer l’université après
1968, Rennes : Presse Universitaire de Rennes, 2016, 254 p.
- Prost Antoine. Du changement dans l'école : Les réformes de l'éducation de 1936 à nos
jours, Paris : Éd. du Seuil, 2013, 385 p.
- Prost Antoine. Éducation, société et politiques. Une histoire de l'enseignement en
France, de 1945 à nos jours, Paris : Éd. du Seuil, coll. « Points histoire », 1992, 226 p.
118
- Sicard Germain. Enseignement et politique en France de la Révolution à nos jours Tome
II : De la loi Faure à la loi Pécresse (1968-2007), Paris : Godefroy de Bouillon, 2011,
616 p.
- Singer Madeleine. Histoire du SGEN, 1937-1970. Le Syndicat général de l'Éducation
nationale, Lille : Presses universitaires, 1987, 669 p.
- Singer Madeleine. Le SGEN des origines à nos jours (de 1937 à mai 1986), Paris : Éd.
du Cerf, 1993, 352 p.
- Tuilier André. Histoire de l'université de Paris et de la Sorbonne - Vol. 2, De Louis XIV
à la crise de 1968, Paris : Nouvelle librairie de France, 1994, 657 p.
- Verger Jacques. Histoire des universités en France, Toulouse : Privat, 1986, 432 p.
- Yvert Benoit. Dictionnaire Des ministres (1789-1989), Paris : Perrin, 1990, 1028 p.
- Zegel Sylvain. Les idées de mai, Paris : Gallimard, 1968, 256 p.
Articles.
- Baron Myriam, Berroir Sandrine. « Paris et le système universitaire français : mythe et
réalités », Annales de géographie, n° 655, 2007, pp. 3-22.
- Baron Myriam. « Les transformations de la carte universitaire depuis les années 1960 :
constats et enjeux », Le Mouvement Social, n° 233, 2010/4, pp. 93-105.
- Boussard Isabel. « La participation des étudiants aux élections universitaires en France
(1970-1973) », Revue française de science politique, n°5, 1974, pp. 940-965.
- Boussard Isabel. « Les étudiants et la participation. Les élections aux Conseils d'U.E.R.
et d'Universités », Revue française de sociologie, n° 21-1, 1980, pp. 77-96.
- Conac Gérard. « 1968 : La faculté de droit de paris dans la tourmente ou la fondation
de l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne », Revue d’histoire des facultés de droit et
de la culture juridique du monde des juristes et du livre juridique, n°32, 2012, pp. 107-
136.
- Condette Jean-François. « Le recteur d'académie et la lente construction de l'lnstruction
publique en France (1808-1940) », Carrefours de l'éducation, n° 26, 2008/2, pp. 7-24.
- Condette Jean-François. « Les recteurs d'académie en France de 1809 à 1940 : évolution
d'une fonction administrative », Revue d’histoire moderne et contemporaine no51-1,
2004/1, pp. 62-93.
- Frajerman Laurent. « Entre collaboration et contrepouvoir : les syndicats enseignants et
l’État (1945-1968) », Histoire de l’éducation, n°140-141, 2014, pp. 73-91.
119
- Frajerman Laurent. « L’engagement des enseignants (1918-1968) », Histoire de
l’éducation, n° 117, 2008, pp.57-96.
- Fridenson Patrick. « La politique universitaire depuis 1968 », Le Mouvement Social, n°
233, 2010/4, pp. 47-67.
- Guilhaumou Jacques. « Mémoires d'un étudiant en mai 1968 : le flux des manifestations
et le protagoniste de l'événement », Le Mouvement Social, n° 233, 2010/4, pp. 165-181.
- Jalley Émile. « Loi Faure (1968) et décret Savary (1984) : histoire d'un naufrage
institutionnel », Connexions, n°78, 2002/2, pp. 47-75.
- Jegouzo Yves. « Le président de l'université », Actualité Juridique, Droit Administratif,
1996, pp. 826-835.
- Legois Jean Philippe. « Les années 68, du passé faisons table rase ? », Cent ans de
mouvements étudiants, (Jean-Philippe Legois, Alain Monchablon et Robi Morder)
Paris : Syllepse, 2007, pp. 83-98.
- Mayeur Françoise. « Les carrières de l’enseignement supérieur en France depuis
1968 », Voyages en histoire. Mélanges offerts à Paul Gerbod, (Claude-Isabelle Brelot
et Jean-Luc Mayaud), Annales littéraires de l’université de Besançon, n° 550, 1995,
pp. 71-88.
- Morange Jean. « Le professeur des Facultés de droit entre autonomie et indépendance
», Revue d’histoire des facultés de droit et de la culture juridique du monde des juristes
et du livre juridique, n°30-31, 2009/2010, pp. 39-76.
- Passeron Jean-Claude. « L'Université mise à la question : changement de décor ou
changement de cap (1950-1980) ? », Histoire des universités en France (Jacques
Verger), Privat, Toulouse, 1988, pp. 367-419.
- Picard Emmanuelle. « L’histoire de l’enseignement supérieur français. Pour une
approche globale ». Histoire de l’Éducation, n°122, 2009, pp.11-33.
- Prost Antoine. « 1968 : mort et naissance de l'université française », Vingtième Siècle,
Revue d'histoire, n°23, juillet/septembre 1989. pp. 59-70.
- Prost Antoine. « L'enseignement en France, 1800-1968 », Revue française de
pédagogie, Vol 7 - n°1, 1969, pp. 67-70.
- Toulemonde Bernard. « Nouvelle organisation des académies, nouveaux recteurs. Vers
un alignement sur le droit commun », Actualité Juridique, Droit Administratif, 2016,
pp. 260-264.
120
Journaux.
- Le Monde, du 24 décembre 1967.
- Le Monde, du 3 mai 1968.
- Le Monde, du 13 mai 1968.
- Le Monde, du 17 mai 1968.
- Le Monde, du 23 septembre 1968.
- Le Monde, du 20 septembre 1968.
- Le Monde, du 11 mai 2012.
Dictionnaires.
- Dictionnaire de l'histoire de France, Larousse, 2006.
- Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaire Le Robert, 2010.
- Dictionnaire Le Robert, 2011.
Décret.
- Décret du 17 mars 1808, portant sur l’organisation de l’Université.
- Décret impérial du 31 juillet 1809, concernant les costumes des membres de
l'Université.
- Décret du 9 mars 1852, sur l’instruction publique.
- Décret impérial du 22 août 1854, sur l'organisation des académies.
- Décret du 28 décembre 1885, concernant l’organisation des facultés et écoles
d’enseignement supérieur.
- Décret n°54-343 du 27 mars 1954, modifiant le régime des études et des examens en
vue de la licence en droit.
- Décret n°57-969 du 26 août 1957, modifiant la dénomination des facultés de droit des
universités.
- Décret n°61-187 du 18 février 1961, relatif à la nomination de deux assesseurs auprès
des doyens des facultés.
- Décret n° 62-114 du 27 janvier 1962, portant statut particulier des maîtres assistants des
facultés de droit.
- Décret du 29 mars 1963, relatif à l’attribution du titre de maitre de conférences agrégé
aux agrégés des facultés de droit et des sciences économiques.
- Décret n°66-468 du 1er juillet 1966, portant sur la suppression et création d’emplois au
ministère de l’éducation.
121
- Décret du 1er février 1967, portant sur la nomination du recteur d’Académie adjoint au
recteur de l’Académie de Paris.
- Décret n°67-657 du 31 juillet 1967, relatif à la nomination d'un troisième assesseur
auprès du doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l'Université de
Paris.
- Décret n°70-246 du 21 mars 1970, relatif à la mise en place des universités.
- Décret n°71-1105 du 30 décembre 1971, relatif aux chancelleries.
Lois.
- Constitution du 27 octobre 1946
- Constitution du 4 octobre 1958
- Loi du 15 mars 1850, relative à l'enseignement.
- Loi n°55-425 du 16 avril 1955, portant sur la réorganisation des services des œuvres
sociales en faveur des étudiants.
- Loi n°68-978 du 12 novembre 1968, d'orientation de l'enseignement supérieur.
- Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984, sur l'enseignement supérieur.
- Loi n°2007-1199 du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des
universités.
- Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013, relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Site Internet.
- Site de l’Assemblée Nationale : www.assemblee-nationale.fr
- Site de l’Association Edgar Faure : www.edgarfaure.fr
- Site de la Chancellerie des Université de Paris : www.sorbonne.fr
- Site de l’Europresse : www.europresse.com
- Site de la Fondation de Gaulle : www.charles-de-gaulle.org
- Site de l’INA : www.ina.fr
- Site de Légifrance : www.legifrance.gouv.fr
- Site du Ministère de l’Éducation : www.education.gouv.fr
- Site du Senat : www.senat.fr
- Site de l’Université Paris 1 : www.univ-paris1.fr
- Site de l’Université Paris 2 : www.u-paris2.fr
122
Table des matières
Remerciements ___________________________________________________________ 2
Glossaire des abréviations utilisées __________________________________________ 3
Sommaire _______________________________________________________________ 5
Introduction _____________________________________________________________ 7
PREMIERE PARTIE - LA FACULTE DE DROIT DE PARIS EN MAI 1968 _____ 14
Chapitre 1 - Les acteurs de la Faculté de droit de Paris ________________________ 15
I - Les membres de droit __________________________________________________ 15
A - Le recteur de l’Académie de Paris et son recteur adjoint _______________________ 15
1 – Le recteur de l’Académie ________________________________________________ 15
2 - Le recteur adjoint, recteur d’Académie ____________________________________ 18
B – Le doyen, le chef de la faculté ___________________________________________ 19
1 – Le statut du doyen _____________________________________________________ 19
2 – Le doyen de la Faculté de droit de Paris ____________________________________ 20
II– Les corps de la Faculté ________________________________________________ 22
A– Les corps enseignants __________________________________________________ 22
1 – Les professeurs d’université _____________________________________________ 23
2 – Les autres professeurs de l’université ______________________________________ 23
B – Les étudiants _________________________________________________________ 25
1 – Le statut des étudiants de la Faculté de droit de Paris _________________________ 25
2 - Les associations étudiantes de la faculté de droit de Paris ______________________ 28
Chapitre 2 - La Faculté de droit de Paris face à la contestation étudiante _________ 30
I – Les affrontements de étudiants de la Faculté de droit de Paris ________________ 30
A - Les affrontements aux Quartier Latin ______________________________________ 30
1 - Les journées de mai au Quartier Latin _____________________________________ 30
2 - Le soutien des professeurs de droit ________________________________________ 34
B – Les affrontements au sein de la Faculté de droit de Paris _______________________ 36
II – Les revendications des étudiants de la Faculté de droit de Paris ______________ 37
123
A – Les revendications relatives à la faculté de droit _____________________________ 37
1 – Les commissions générales ______________________________________________ 37
2 – Les commissions « études » ______________________________________________ 38
B – La question de la cogestion ______________________________________________ 39
1 – Les prémices de la cogestion _____________________________________________ 40
2 – une cogestion contestée _________________________________________________ 41
DEUXIEME PARTIE - L’ADOPTION DE LA LOI FAURE ___________________ 43
Chapitre 1 - L’adoption du projet de la loi d’orientation _______________________ 44
I – La nécessité d’une réforme de l’enseignement supérieur_____________________ 44
A – Les réflexions sur l’enseignement supérieur antérieur à 68 _____________________ 44
1 – Charles de Gaulle et l’Université _________________________________________ 45
2 – Les Colloques de Caen _________________________________________________ 47
B – Un nouveau ministre pour une nouvelle loi _________________________________ 48
1 – Edgar Faure : l’homme _________________________________________________ 49
2 – La pensée d’Edgar Faure _______________________________________________ 50
II – L’élaboration du projet de loi __________________________________________ 52
A – La phase de préparation ________________________________________________ 52
1 - La composition de l’équipe rue Grenelle ____________________________________ 53
2 - Le projet de la loi Faure ________________________________________________ 55
B – Le vote de la loi_______________________________________________________ 57
1 – Le débat au parlement : une loi de circonstance ? ____________________________ 57
2 – L’adoption définitive de la loi ____________________________________________ 59
Chapitre 2 -La réception de la loi Faure dans le milieu universitaire _____________ 61
I – Les syndicats universitaires et la participation _____________________________ 61
A– L’UNI et la participation ________________________________________________ 61
B – L’UNEF et la participation ______________________________________________ 63
II – La loi Faure et les syndicats enseignants _________________________________ 65
A – SGEN-CFDT : le Syndicat enseignant favorable à la loi d’orientation ____________ 65
B - Les syndicats enseignants opposés de la loi Faure ____________________________ 67
124
TROISIEME PARTIE - LES CONSEQUENCES DE LA LOI FAURE ___________ 70
Chapitre 1 - La fin de l’Université napoléonienne _____________________________ 71
I – Les principaux piliers de la loi Faure _____________________________________ 71
A - Une université autonome ________________________________________________ 71
B - Une université pluridisciplinaire __________________________________________ 73
C – Une université démocratique ____________________________________________ 75
II – Des nouveaux rôles pour des nouvelles universités _________________________ 77
A - Le nouveau recteur ____________________________________________________ 77
B - Le président de l’université ______________________________________________ 78
C - Le directeur d’UER ____________________________________________________ 79
Chapitre 2 - Le démembrement de la Faculté de droit de Paris __________________ 81
I – Des cinq facultés aux treize universités ___________________________________ 81
A – La mise en place des UER ______________________________________________ 81
B – La création de treize universités __________________________________________ 85
II – Entre la division et le partage de l’ancienne Université de Paris ______________ 87
A – Le partage des biens de l’ancienne Université de Paris ________________________ 87
1 - La volonté d’un établissement distinct ______________________________________ 88
2 – La création de la Chancellerie des universités _______________________________ 89
B – Le partage des locaux de la Faculté de Droit de Paris _________________________ 90
1– Les héritières de la Faculté de droit de Paris ________________________________ 91
2 – Le partage du Panthéon ________________________________________________ 92
Conclusion _____________________________________________________________ 95
Table des Annexes _______________________________________________________ 99
Bibliographie __________________________________________________________ 116