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Revue du livre et de la lecture en Limousin publiée par ALCOL - Centre régional du livre en Limousin 21 4,50 MACHINE à FEUILLES BD EN LIMOUSIN

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Revue du livre et de la lecture en Limousin publiée par ALCOL -Centre régional du livre en Limousin n° 21

4,50 €

MACHINE à FEUILLES

BD EN LIMOUSIN

Pour aborder lathématique de la bande

dessinée en Limousin,le comité de rédaction se

trouvait dans l'état d'espritde “Deux ou trois choses

que je sais d'elle”. Nous savions néanmoins que

Gilles Ratier et Michel Janvierseraient de parfaits éclaireurs

pour orienter nos recherches ouplutôt celles d'Olivier Thuillasqui a mené quasi totalement la

réalisation de ce numéro.À vous de plonger dans le 9e art

(à propos quel est le 8e art ?)

Par ailleurs, ne soyez pas étonnés dene plus voir le calendrier des

manifestations, notre site internetwww.crl-limousin.org vous permettra

d'avoir toutes ces informations, demanière plus complète et actualisée.

Je vous incite aussi à vous abonner carnous souhaiterions que cette revue

parvienne principalement à ceux quisouhaitent la lire.

Je souhaite, en cette période de vœux, remercier ceux qui m'ont précédé à laprésidence d'ALCOL-CRL en Limousin, tout d'abord notre ami Jean Moyen qui a su,avec une équipe renouvelée et dynamique, donner un souffle nouveau à notreassociation et en faire un Centre régional du livre tout en conservant ses fonctionsprimitives de coopération. Je voudrais ensuite, rendre un hommage tout particulier àJean-Paul Lecertua qui nous a quittés trop vite, je sais tout l'intérêt qu'il a portéaux métiers du livre dans les différentes fonctions qu'il a exercées : enseignant,créateur des PULIM et du DEUST -métiers de la culture, observateur attentif dudéveloppement des bibliothèques lors de son passage au Conseil économique etsocial, mais aussi défenseur de la langue et de l'édition française à son poste àl'Ambassade de France à Mexico. ALCOL-CRLL aurait très certainement connuun nouveau développement sous sa présidence. Qu'ils soient tous les deux,ainsi que nos partenaires privilégiés, que sont la DRAC et le Conseil régionaldu Limousin, assurés de ma volonté de suivre leurs traces et de pérenniserleurs actions en faveur de tous les métiers du livre.

Pour cette année 2005, je souhaite attacher une attention toute particulièreà la fonction Centre de ressources qu'ALCOL-CRLL doit être à même demener au service de l'ensemble des métiers du livre. La création du siteweb au premier trimestre doit nous permettre de mettre en lignel'ensemble des bases de données que nous avons su accumuler aucours de ces 18 années d'existence. Le guide des parutions sera ainsimis à jour régulièrement, de même que les répertoires de nosdifférentes professions, les informations concernant les animationsautour du livre, les stages et les formations proposés pour tousseront également disponibles sur le site, quittant Machine à feuillesdont la parution restera trimestrielle. L'ensemble des activitésd'ALCOL-CRLL seront continuées : économie du livre et soutien à ladiffusion, la distribution et la mise en valeur de l'édition en région,développement de la lecture dans les prisons et les hôpitaux,journées interprofessionnelles et de formations, vie littéraire avecen particulier Coquelicontes en mai et une carte blanche àGeorges-Emmanuel Clancier en juin.

Toutes ces activités impulsées par ALCOL-CRLL et son équipede permanents, ne pourront se développer que grâce à l'aidede tous les professionnels du livre de la région que j'invite àadhérer ou renouveler leur adhésion, et à participer auxdifférents groupes de travail qui sont régulièrement mis enplace. Nous avons besoin de votre participation et de votrepartenariat pour que les missions confiées à notreassociation permettent à chacun de s'y retrouver etd'œuvrer pour le développement du livre et de la lectureen Limousin.

À toutes et à tous je souhaite une excellente année 2005.

Jean-Pierre Jacquet,président

Marie-Laure Guéraçague,directrice

ÉDITO

LE MOT DU PRÉSIDENT

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2 • Sommaire.

3 • Édito / Mot du président.

4 • Colloques/Formations.

6 • Marque-page d’ALCOL -Centre régional du livre en Limousin.

8 • Marque-page.

BD EN LIMOUSIN

10 • Avant-propos.

12 • Le Pied-Tendre.

14 • La bonne santé insolente de la bande dessinée.

16 • « Nous vivons l'âge d'or de la bande dessinée ».

17 • Auteurs en Limousin.

32 • L'édition de BD en Limousin.

34 • « Tajikara pourrait être un manga limousin ».

36• Le “journal” de Véronique Brissaud.

38 • Librairies spécialisées en bande dessinée.

41 • Les éditions Flblb & la librairie-galerie Le Feu rouge à Poitiers.

42• Le “Mai du Livre“ entièrement consacré au 9e art…Guéret fête la BD.

43 • Le Salon de la bande dessinée à Collonges la Rouge.

44 • Univers Comics.

45 • Livré chez soi.

47 • Feuilles reçues en Machine.

52 • Feuilles lues.

56 • Machin & machine.

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RE Machine à feuilles n° 21janvier 2005

Publié par ALCOL -CRL en LimousinAssociation limousine

de coopération pour le livre -Centre régional du livre

en Limousin34, rue Gustave-Nadaud

87000 Limogestél. 0555 774749fax 0555 10 9231

e-mail [email protected]

Directeur de publication :Jean-Pierre Jacquet, président

d’ALCOL - CRL en Limousin

Rédactrice en chef :Marie-Laure Guéraçague

Coordination :Olivier Thuillas

Mise en page :Terre-lune* communication

Imprimeur :Lavauzelle graphic, Panazol

ISSN : 1286-9228Dépôt légal : janvier 2005

Ont participé à l’élaboration et à la rédaction de ce numéro :

• Fabrice Angleraud• Jean-Marie Arnon

• Pierre Bacle• Laurent Bourdelas

• Marie-Laurence Boucheron• Stéphane Bein

• Véronique Brissaud• Raphaël Camaréro

• Flora Clément• Agnès Denis

• Marc-André Dumonteil• Alexis Horellou• Anne-Lise Gal

• Marie-Laure Guéraçague• Michel Janvier

• Gilles Laplagne• Aurélien Morinière

• Monique Pauzat• Gilles Ratier

• Hélèle Richard• Eva Rollin

• Patrick Sobral• Olivier Thuillas• Frédéric Tréglia

• Claude Ventejoux• Dominique Véret

Que soient remerciés :• Frédérique Avril• Yves Chagnaud

• Fanny Duban• Thierry Félip

• Christine Fourloubeyx• Hermann Huppen• Michaël Kapstein

• Michel Kluczkowski• Annie Laval• Rémi Lucas

• Lucien Souny• Jean-Marc Thévenet

• Anne-Gaël Vautrin• Jean-Louis Verdon

ainsi que tous ceux qui ont fourni lesinformations nécessaires à larédaction de cette publication.

couverture :

dessin d’Aurélien Morinière

pour Machine à Feuilles

ALCOL -CRL en Limousin est principalement financé par le ministère de la Cultureet de la Communication, Direction régionale des affaires culturelles du Limousin, et par le Conseil régional du Limousin.Il reçoit le soutien de la Direction régionale des services pénitentiaires,de la jeunesse et des sports, du ministère de l’Éducation nationale et desConseils généraux de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne.

COLLOQUES/FORMATIONS

Les 30 mars et 1er avril, Centre national de la fonction publique territoriale,Limoges (87).Formation : “Gestion et animation d'une petite bibliothèque”.Proposée par le CNFPT.Contact : Dany Dubourg-Margain, CNFPT, 05553008 82.

Le 7 avril, Bibliothèque départementale de prêt de la Haute-Vienne, Limoges (87).Formation “Récupérer des notices”.Proposée par la BDP 87.Contact : Danièle Chauffier, BDP 87, 05553188 90.

Le 7 avril, Bibliothèque départementale de la Creuse (BDC), Guéret (23).Formation “La vidéo pour la jeunesse : les différentes techniques de filmsd'animation”, avec un intervenant du Centre régional d'éducation à l'image de Brive.Proposée par la BDC et l'ABF.Contact : Marie-Pascale Bonnal ou Viviane Olivier, BDC, 0544302626.

Le 8 avril, ERPL site AFPA, Limoges (87).Journée d'études : “Les troubles du langage et les retards d'apprentissage.Dyslexie et illettrisme” animée par Florence Marquet.Proposé par l'ERPL.Contact : Marie Peyrat, ERPL, 0555 314970.

Le 27 avril, FRAC Limousin, Limoges (87), 18h30.Cours d'histoire de l'art : “Land art – Arte povera”.Proposé par le FRAC Limousin.Contact : 0555 778677.

Le 29 avril, Bibliothèque départementale de la Creuse (BDC), Guéret (23).Formation “Le roman historique”, avec Stéphane Manfrédo, formateur et auteur.Proposée par la BDC et le CDDP.Contact : Marie-Pascale Bonnal ou Viviane Olivier, BDC, 0544302626.

Les 16, 17 et 18 mai, Bibliothèque départementale de la Creuse (BDC), Guéret (23).Formation “L'art de conter”, avec Pierre Rosat, conteur.Proposée par la BDC et Lire en Creuse.Contact : Marie-Pascale Bonnal ou Viviane Olivier, BDC, 0544302626.

Le 18 mai, FRAC Limousin, Limoges (87), 18h30.Cours d'histoire de l'art : “Les nouveaux médias dans l'art contemporain”.Proposé par le FRAC Limousin.Contact : 0555 778677.

Le 27 mai, Bibliothèque départementale de la Creuse (BDC), Guéret (23).Formation “Connaissance de la musique classique, de la Renaissance auBaroque”, avec Vincent Péchenart.Proposée par la BDC et le CNFPT.Contact : Marie-Pascale Bonnal ou Viviane Olivier, BDC, 05 44302626.

Du 1er au 3 juin, BFM de la ville de Limoges (87).Formation interrégionale : “L'accueil des publics handicapés en bibliothèque”.Proposée par le CNFPT-Limousin, la DRAC-Limousin, ARSEC, et CRLL-ALCOL enpartenariat avec la BFM de la ville de Limoges.Contact : Dany Dubourg-Marguin, CNFPT, 05553008 82 ouMarie-Laure Guéraçague, CRLL, 055577 4977. M

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COLLOQUES/FORMATIONS

Le 26 janvier, FRAC Limousin, Limoges (87), 18h30.Cours d'histoire de l'art : “La performance : Fluxus, art corporel”.Proposé par le FRAC Limousin.Contact : 0555 778677.

Le 1er février, Bibliothèque départementale de la Creuse (BDC), Guéret (23).Formation “Comment établir un projet d'accueil ? Comment recevoir un auteur, unillustrateur ?”, avec Marie-Laure Guéraçague, directrice du Centre régional du livreen Limousin.Proposée par la BDC et le CDDP.Contact : Marie-Pascale Bonnal ou Viviane Olivier, BDC, 0544302626.

Du 21 au 23 février, C.I.R.M.L.D. de Poitiers (86)“UNIMARC : Être capable de cataloguer en format UNIMARC”. IntervenanteBrigitte Thibault. Proposé par C.I.R.M.L.D Poitiers.Contact : 0549 453373.

Le 23 février, FRAC Limousin, Limoges (87), 18h30.Cours d'histoire de l'art : “Art Minimal”.Proposé par le FRAC Limousin.Contact : 0555 778677.

Les 9 et 10 mars, Centre Régional de Documentation Pédagogique du Limousin,Limoges (87).Formation nationale organisée dans le cadre du Pôle National de Ressources (PNR)“Écritures contemporaines francophones et théâtre” sur le thème : “De l'écrivain àl'éditeur : parcours découverte en francophonie”.Proposée par le CRDP du Limousin.Contact : Alexandra Magnaudeix, CRDP Limousin, 0555 435721.

Le 10 mars, Bibliothèque départementale de prêt de la Haute-Vienne, Limoges (87).Formation “Petite réparation de livres”.Proposée par la BDP 87.Contact : Danièle Chauffier, BDP 87, 05553188 90.

Du 21 au 23 mars, Brive (19).Formation “Lecture à voix haute”.Proposée par le CNFPT-Limousin.Contact : Dany Dubourg-Marguin, CNFPT, 05553008 82.

Le 22 mars, Bibliothèque départementale de la Creuse (BDC), Guéret (23).Formation “Édition Jeunesse : de l'album au premier roman, les principalescollections pour les 6/9 ans”, avec Julia Giraud, librairie “Au fil des pages”, Guéret.Proposée par la BDC et Lire en Creuse.Contact : Marie-Pascale Bonnal ou Viviane Olivier, BDC, 0544302626.

Le 23 mars, FRAC Limousin, Limoges (87), 18h30.Cours d'histoire de l'art : “Art conceptuel”.Proposé par le FRAC Limousin.Contact : 0555 778677.

Le 23 et 24 mars, ERPL site AFPA - 68, rue de Babylone, 87036 Limoges Cedex.“Échange de pratiques d'animation d'ateliers d'écriture” : Permettre à desformateurs, des animateurs, des intervenants dans le cadre de la formation debase, de la lutte contre l'illettrisme ou, de manière plus générale, de l'insertion,d'échanger autour de leurs pratiques spécifiques d'ateliers d'écriture.Intervenante : Odile Pimet.Proposé par l'ERPL.Contact : Marie Peyrat, ERPL, 0555 314970.

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• Limoges, avril 1905, par Joël Nivard, éditions Le bruit des autres.• Six pieds sur terre, par Daniel Soulier, éditions Le bruit des autres, 2004, 10 €.• Off-Shore, par Philippe Braz, éditions Le bruit des autres.• Vous non pas, par Isabelle Pinçon, éditions Le bruit des autres, 2004, 10 €.• Zouve, par Isabelle Pinçon, éditions Le bruit des autres, 2004, 8 €.• Gorée île baobab, par Tanella Boni, éditions Le bruit des autres.• Déclaration d'absence, par Jean Mailland, coédition Neige et Le bruit desautres, 2004, 13 €.• Je me souviens du paradis, par Kalouaz, éditions Le bruit des autres, 2004, 10 €.• Théâtre, par Antoine Dubernard, éditions du Chamin de Sent-Jaume, 2004,2 volumes, 38 €.• Aubiat, par Michel-François Lavaur, édité par Friches-Cahiers de poésie verte.• Sur les chapeaux de pou, par Nathalie Vallée et Daniel Fadel, Le Sablieréditions, 2004, 25 €.

Janvier 2005 : www.crl-limousin.orgTout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le livre en Limousin sansjamais oser le demander sera bientôt accessible en ligne sur le site internetdu CRL en Limousin : www.crl-limousin.org

Machine à feuilles gâte ses lecteurs toute l'année…Vous venez de vous abonner à Machine à feuilles? Vous avez bien fait carvoici les thèmes des numéros de notre revue pour cette année 2005 :

• N° 22 : “Être éditeur aujourd'hui” avec un hors-série “Le répertoire deséditeurs en Limousin”

• N° 23 : Livre et animation• N° 24 : Écrire

25e Salon du livre de Paris : Lettres russes à l'honneur du 18 au 23 marsLe CRLL, ayant marqué une pause pour l'organisation d'un stand collectif“Limousin” au Salon du livre de Paris, se propose d'organiser, pour la journéeprofessionnelle, avec la FFCBmld (Fédération française de coopération entreles bibliothèques et les métiers du livre et de la documentation), à l'attentiondes libraires et des bibliothécaires, des parcours fléchés à travers les petitséditeurs des stands régionaux.

Coquelicontes 2005 : du 16 au 29 maiLes conteurs Pierre Rosat, Christèle Pimenta, Frédéric Naud, Gilles Bizouerne,Sophie Houen, Patrick Ewen, Colette Migné, Jean-Claude Bray, Le P'tit pianosans bretelles, Sophie Wilhelm, Michèle Nguyen, Suzy Ronel et Monica Burgenchanteront la 9e édition de ce festival itinérant du conte en Limousin.

“L'accueil des publics handicapés en bibliothèques”1er, 2 et 3 juin à la BFM de LimogesFormation interrégionale organisée par le CNFPT-Limousin, la DRAC-Limousin,l'ARSEC, et ALCOL-CRLL en partenariat avec la Bibliothèque francophonemultimédia de la Ville de Limoges.Objectifs : Sensibiliser à l'accueil et aux services apportés aux personnes ensituation de handicap, mieux connaître les collections accessibles sur tous lessupports pour ces publics.

• 1er juin : Quelle architecture, quels aménagements, quel confortd'usage? Quel accueil dans les bibliothèques pour lespersonnes en situation de handicap?

• 2 juin : Quelles actions culturelles pour les personnes handicapées?• 3 juin : Des lois, des convictions, des évolutions?

“Carte blanche à Georges-Emmanuel Clancier” : juin 2005Esquisser quelques moments importants de son itinéraire littéraire, rendrecompte des domaines de la création qui lui sont chers (arts plastiques,théâtre, audiovisuel, littérature), favoriser les retrouvailles avec d'autresartistes ou auteurs qu'il admire : tels seront les principaux axes desrencontres, lectures, expositions que nous organisons avec et autour deGeorges-Emmanuel Clancier.

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Soutien à l'édition : 44 manuscrits aidés en 2004En 2004, les commissions d'expertise du CRLL ont examiné 57 projets portéspar 24 structures éditrices. 44 manuscrits ont reçu un avis favorable (soit 77 % desprojets examinés), 25 en commission “Savoirs” et 19 en commission“Création”. À la suite de ces commissions, le Conseil régional et le DRAC duLimousin ont attribué 208138 € de subventions aux éditeurs.Voici la liste des ouvrages ayant reçu un avis favorable :

Commission “Savoirs” :• Millevaches en Limousin, par Georges Chatain et Patrick Fabre, éditionsCulture & Patrimoine en Limousin, (collection Regard), 2004, 39 €.• La Belle Limousine, par Philippe Grandcoing et Raymond Julien, éditionsCulture & Patrimoine en Limousin (collection Patrimoine en poche), 2004, 21 €.• Travaux d'Archéologie Limousine, Tome 24, revue annuelle publiée parl'Association des antiquités historiques du Limousin.• Bulletin n° 132 de la Société archéologique et historique du Limousin.• Tome n° 49 des Mémoires de la Société des sciences naturelles,archéologiques et historiques de la Creuse, revue annuelle publiée par laSociété des sciences naturelles, archéologiques et historiques de la Creuse.• Archives en Limousin, n° 23, publié par l'association Archives en Limousin.• Rêveries d'un enfant de Laguenne ou le Mahabharata guennois, par Jean-PierreLafond, édité par la revue Lemouzi, 2004, 20 €.• Dictionnaire des noms de personnes : Limousin, Périgord, Marche, par YvesLavalade, éditions Lucien-Souny, 2004, 24 €.• Les Églises de la Haute-Vienne, par Alain Mingaud, éditions Lucien-Souny,2004, 49 €.• Tulle 1944 : les pendaisons, par Bernard Karthauser, éditions Krautgarten,2004, 40 €.• Parlez-moi d'Oradour : 10 juin 1944, par Sarah Farmer et Serge Tisseron,éditions Perrin, 2004, 27 €.• L'Explosion et la culture, par Jouri M. Lotman, traduit du russe par InnaMerkoulova, éditions PULIM (collection Nouveaux actes sémiotiques)• L'Espace poétique de Gaston Miron, par Claude Filteau, éditions PULIM(collection Francophonies).• Contrôler les agents du pouvoir, sous la direction de Laurent Feller, éditions PULIM.• Images de l'étranger, sous la direction de Bernadette Lemoine, éditionsPULIM (collection Espaces humains).• Un siècle militant : engagements(s), résistance(s) et mémoire(s) auXXe siècle en Limousin, sous la direction de Vincent Brousse et PhilippeGrandcoing, éditions PULIM.• A Viola da Gamba Miscellanea, ouvrage collectif édité par Susan Orlando,éditions PULIM, (collection Ensemble baroque de Limoges-Christophe Coin).• Temporalités n° 1, revue du centre de recherche historique de l'Université deLimoges, publiée par les éditions PULIM, 2004, 15 €.• Contribution à l'étude juridique de la norme locale d'urbanisme, par VincentLecoq, éditions PULIM (collection Droit public), 2004, 30 €.• Contribution à l'analyse du comportement politique en Limousin, par EricMoratille, éditions PULIM.• Queneau en scène, par Jean-Pierre Longre, éditions PULIM.• Le Roman préhistorique, par Marc Guillaumie, éditions PULIM.• Identités impériales, par Patricia Lorcin, éditions PULIM.• Les Forçats espagnols des GTE de la Corrèze (1940-1944), ouvrage collectif,éditions Les Monédières.• Les Antitout, par Jean Bourgoin (nouvelle édition), éditions Les Monédières.

Commission “Création” :• Cahiers Robert-Margerit n° 8, revue annuelle publiée par Les amis de RobertMargerit, 2004, 16 €.• André Meynieux, Supplément aux Cahiers Robert Margerit n° 1, publié parLes amis de Robert Margerit, 2004, 14 €.• Jean Marie Amédée Paroutaud, Supplément aux Cahiers Robert Margerit n° 2,publié par Les amis de Robert Margerit.• Littérature en Marche 2004, revue annuelle publiée par la collectionLa main courante.• Le Voyage d'Orient, par Alin Anseew, collection La main courante, 2004, 14 €.• Gravé à l'esprit, par Sin Ming, collection La main courante, 2004, 15 €.• Katabase, par Denise Le Dantec et Jean Paul Ruiz, éditions Jean Paul Ruiz.• Les Sensations insolentes, par Pierre Debauche (nouvelle édition), éditionsLe bruit des autres.

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Laurent Bourdelas : vingt ans d'édition, vingt ans d'écriture

D'Analogie à L'Indicible frontière, Laurent Bourdelas fête en 2005 les vingtans de son activité d'éditeur de revues littéraires. Une exposition au jardind'hiver de la BFM de Limoges aura lieu à cette occasion au mois de mars.Plusieurs manifestations sont prévues en région puisque Laurent Bourdelascélèbre également ses vingt ans d'écriture. Une soirée littéraire lui seranotamment consacrée au Théâtre de la Passerelle (5, rue du général duBessol, à Limoges) le 22 mars à 20h30.

Contact : Laurent Bourdelas, Tél. 0555 00 8542,ou le site internet : www.indicible.monsite.wanadoo.fr

Des lettres bruyantes

pour les élèves de

Bosmie L'Aiguille !

Dans le numéro 19 de Machine àfeuilles, nous avions évoqué untravail en cours, mené par les élèveset les enseignantes de deux classesdes écoles maternelle et élémentairede Bosmie L'Aiguille. Un très joli livreen est le fruit, qui inaugure du mêmecoup un nouveau pan des activitésde l'association Delta-Phot : l'édition.À travers le regard desphotographes, les enfants semblentse réjouir de prêter leur corps à cetabécédaire vivant.

Contact : Delta-Phot, 55 av. des Coutures, 87000 Limoges.

L'artiste éditeur : exposition au FRAC Limousin

À mi-chemin entre la série illimitée et l'œuvre unique, l'artiste peut choisir dediffuser son travail autrement que par l'exposition. Ce sont des multiples qui,sous diverses formes (affiches, revues, panneaux signalétiques, livres,objets), sont proposés à un plus large public. Le Fonds Régional d'ArtContemporain (FRAC) Limousin nous offre une palette très riche de plus devingt artistes. Économiques, politiques et artistiques, leurs démarches nemanquent pas d'humour, voire même d'auto dérision. Un paradoxe demeure :tous les chemins de traverse conduisent-ils à une exposition? !

L'artiste-éditeur. Exposition du FRAC-Limousin, du 10 décembre 2004 au12 mars 2005.

Contact : FRAC, les Coopérateurs, impasse des Charentes, 87000 Limoges,Tél. 055577 9070.

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Le bruit des lettres : les enfants de l'école de BosmieL'Aiguille, Éditions Delta-Phot, 2004, 12 €.

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eSpiègleune nouvelle revue de création artistique et littéraire en Limousin.

Il se passe toujours quelquechose sur le Plateau deMillevaches : la preuve avec lepremier numéro prometteurd'une nouvelle revue publiéepar l'association Matteo Rezcoà Bugeat (19). 64 pages decréation littéraire, de poésie,de photographies et dedessins autour du thème de“La peau”, sous la houlette deLaurence Biberfeld, CésarCassarine, Erdal Célik,Christophe Coré et BernadetteVentadour. On attend déjà avecimpatience le numéro 2,annoncé autour du thème“Vos désirs font désordre”.

eSpiègle, N° 1, La peau, 2004, 15 €.

Contact : Matteo Rezco, 1, rue Croix Moude, 19170 Bugeat,Tél. 055595 6753.

Une librairie franco-anglaise à Bénévent-L'Abbaye

Une nouvelle librairie vient d'ouvrir en Creuse, à Bénévent l'Abbaye. RalphWade, qui pallie une pratique encore approximative du français par une bonnehumeur communicative, propose un fonds de littérature, d'ouvrages sur lepatrimoine et de livres pour enfants en français, en anglais ou en bilingue.

Contact : Ralph Wade, 18, rue du marché, 23210 Bénévent l'Abbaye,Tél. 055562 0663.

Mois du patrimoine écrit 2005

Le mois du patrimoine écrit 2005 aura pour thème “Se réunir et se distraire :les espaces de la sociabilité”. Cette thématique recouvre un territoire trèsvaste qui va de l'étude des cercles bourgeois à celle des salons littéraires etpolitiques, du rôle du spectacle de rue sous l'Ancien Régime à celui descabarets et des clubs à la veille de la Révolution française ou, plus largement,des cafés du XVIIe siècle à nos jours, sans oublier l'immensité du champassociatif : associations de gymnastique et de tir sous la troisièmeRépublique, associations d'originaires (“société des amis de la Lozère”, etc.)académies et sociétés savantes. Et encore : bals publics, orphéons, sociétés“bachiques”, sociétés chantantes, syndicats…

Contact : Michèle Faurie, FFCBmld, 54, boulevard Richard-Lenoir, 75011 Paris,Tél. 014357 8502 ou sur le site internet : www.ffcb.org

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© Aurélien Morinière

Gen d'Hiroshima T. 4par Keiji Nakazawa

Éditions Vertige Graphic (18 euros)

Avec son dessin caricatural privilégiant la lisibilité (dans ladroite ligne du maître Tezuka), Keiji Nakazawa continue ànous émouvoir avec son “Hadashi no Gen” (littéralement

“Gen aux pieds nus”) : vibrant témoignage graphique sur leJapon et sur l'horreur qui suivi le bombardement atomique

d'Hiroshima. Cette œuvre bouleversante, où l'auteurs'inspire de son terrible vécu en le restituant d'une façondantesque, pourrait enfin se voir intégralement traduite en français : il ne reste plus que6 volumes de plus de 200 pages à éditer ! Notons qu'au Japon, sa parution (à partir de1973, dans le magazine Shônen Jump) suscita des réactions violentes car le sujet était

encore tabou. Interrompue à plusieurs reprises, cette œuvre monumentale devintpourtant un best-seller et fut adaptée en film, dessins animés et comédie musicale. Leséditions Vertige Graphic ont choisi de la publier dans le sens original de lecture (de hauten bas et de droite à gauche) mais proposent un petit schéma, très utile, pour s'initier à

cette pratique qui est à l'inverse de nos habitudes. Avec ce quatrième opus, leprocessus dramatique prend de plus en plus la forme d'un récit de fiction alors que

l'action est moins condensée que dans les précédents volumes. Elle se déroule sur lesdeux années qui correspondent à l'occupation américaine et à la découverte des

conséquences mortelles des radiations nucléaires mais la narration n'en est pas moinspertinente et captivante !

Avant-propos

Par Olivier Thuillas.

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Le Limousin est, on le sait, un pays de richessesdiscrètes. Le domaine de la bande dessinée ne faitpas exception à cette règle : notre région fourmilled'auteurs et d'illustrateurs allant de la BD franco-belge au réalisme pur, en passant par le manga, laBD historique et “l'heroic-fantasy” ; mais ces dernierssont, par nature, seuls, attablés à leur planche àdessin. Notre envie dans ce numéro était de mieuxvous les faire connaître. On sait peu, par ailleurs,qu'une des plus anciennes séries de BD historique,Les Aigles décapités 1, qui va fêter en 2006 ses vingtans d'existence, prend sa source à Crozant (23), àl'époque médiévale.

Ce cahier spécial tente de faire un tour d'horizon desdifférents professionnels de la BD en région, ceuxqui ont été oubliés ne manqueront pas, je l'espère,de se signaler auprès de nous, tant il est vrai que leCentre régional du livre en Limousin, comme c'estmalheureusement le cas de beaucoup d'institutionsculturelles, n'a pas toujours donné à la BD la placequ'elle mérite dans le monde du livre.

Au moment où disparaît Will Eisner, un des pèresfondateurs de la BD moderne, son souhait derapprocher la littérature et les cases dessinéessemble enfin se réaliser. La bande dessinée a, eneffet, désormais atteint un âge adulte et gagné saplace dans le monde de la littérature. Comme unadulte, elle sait aussi revenir sur son passé pour

mieux comprendre les productions actuelles :Gilles Ratier2 signale ainsi qu'en 2004, 70 titres datantde plus de vingt ans ont connu une réimpression oumême une première édition. Les écrits et études surla BD sont aussi plus nombreux 3 (86 livres dont41 monographies ont été publiés en 2004).

Nous tenons ici à remercier l'ensemble des auteurs,éditeurs, libraires et organisateurs de salons qui ontaccepté de travailler avec nous : ce numéro est aussien grande partie le leur. Ce cahier thématiquen'aurait probablement pas pu voir le jour sansl'aide de deux “figures” de la BD en Limousin :Gilles Ratier, tout d'abord, secrétaire général del'ACBD (Association des Critiques et journalistes deBande Dessinée) qui nous a guidés tout au long denotre travail et qui a accepté de nous livrer ses20 BD préférées de l'année 2004 ; Michel Janvierensuite, qui a accepté de nous accorder un entretienet nous a fourni les coordonnées d'une grande partiedes personnes ressources que l'on trouve dansce numéro.

PS : la plupart des références bibliographiquesprésentes dans ce numéro sont extraites du siteinternet : www.bedetheque.com

Gilles Ratier, responsable du rayon BD àla BFM de Limoges et secrétaire généralde l'ACBD, nous propose, tout au long dece numéro spécial, un tour d'horizon des20 BD qui ont marqué l'année 2004.

1 Dernier tome paru: Le Châtiment du banni, scénario d'Arnoux,dessin de Pierret, Tome n° 17, éditions Glénat, 2003.2 Dans un rapport publié dans Le Monde, daté du 21 décembre2004 et intitulé « 2004 : l'année de la concentration ».3 On trouvera une sélection d'ouvrages théoriques récents sur laBD sur le site internet de l'Université de Lille 3 à l'URL suivante:www.univ-lille3.fr/jeunet/selections/biblio/bibbd.htm

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On riait aux aventures de Pif et Hercule, les frèresennemis, de Dicentim le petit Franc, de Placid etMuzo, on s’amusait avec le Concombre masqué et laJungle en folie, on tentait de résoudre les énigmesde Ludo. Et puis, chaque semaine, il y avait legadget à monter soi-même – inévitablement, c’étaitmon père qui s’en chargeait, j’étais tropmaladroit…

Une année, on se prit tous de passion pour lespois sauteurs du Mexique. Le Primaire n’étant pasmixte (on croisait les étranges petites filles –ces étonnantes créatures – au catéchisme),on découvrait les joies du masculin/féminin à lalumière des bisbilles de Corinne et Jeannot.D’autres préféraient le Journal de Tintin ou celui deSpirou, on se les échangeait parfois. Ainsi allait lavie, de dessins colorés en phylactères…ainsi passait le temps, à déchiffrer les palabresinterminables d’Achille Talon, à s’inspirer des gaffesde Gaston et à rêver d’avoir un chien comme Cubitus.

Plus tard vinrent toutes les autres B.D. (initialesalors honnies par certains professeurs) et lafantastique revue « Pilote » (ah ! les formesrebondies des héroïnes de Lauzier). Les B.D.empruntées à bibliothèque SNCF, au bord desvoies, ou à la section jeunesse de la vieillebibliothèque municipale, avec ses linos et sesnéons, les B.D. achetées et offertes, lues assisdans le rayon des grands magasins, les B.D.volées – dissimulées sous les vestes écossaisesalors à la mode. Et puis il y eut le salond’Angoulême, où l’on allait dans le froid à motoou bien en train – avec ces filles diaphanes,blondes et amoureuses –, et puis il y eut lesB.D. reçues en service de presse pour lesémissions de radio. À tel point qu’il y en aaujourd’hui partout, en plus de tous les autreslivres, dans le grenier de mes parents, là-bas,près de la gare des Bénédictins, et dans labicoque au milieu des champs : à la cave,dans les bureaux et le salon, et dans lachambre d’un fils amusé qui se prépare àles découvrir.

Je ne sais toujours pas pourquoi samère ne veut pas lire Corto Maltese.

Tous les nostalgiques de « Pif gadget »trouveront leur bonheur sur le site :www.pif-collection.com

Les enfantspar Jean-Philippe StassenÉditions Dupuis (12,95 euros)

Après son très remarqué Déogratias, Jean-PhilippeStassen récidive avec une autre fable africaineremplie de sensibilité. Les enfants est une tragédiepessimiste qui ressemble à un état des lieux dudésespoir humain. Elle met en scène la rébellionnaissante de gosses qui tentent de survivre dans unmonde où règnent la pauvreté, la guerre etl'hypocrisie. Une jeune suédoise, pétrie de bonssentiments, gère un centre humanitaire dédié à laconfection et à la vente d'objets d'artisanat local ;ce refuge, financé par une O.N.G., est le seul foyerpour quatre petits africains qui se racontent leurslarcins et leurs obsessions sexuelles entre deuxséances de tressage de paniers. Dans cette ville oùle calme apparent masque mal les hostilités et lebruit des armes à venir, on sent que ces enfants ontdéjà connu l'insoutenable. L'un d’eux a du mal àcommuniquer (il ne parle bien qu'avec des animaux),un deuxième a mal à la tête et parle de la fois où ila tué ses parents, tandis qu'un autre, vantard etbonimenteur, refusecette misèreomniprésente… Ce récitdépouillé n'est en aucuncas moralisateur maisnous incite simplementà une réflexion politique.Le dessin, doté d'aplatscolorés, s'apparente àun style naïf qui soutientla tendresse, l'humanitémais aussil'intransigeance del'auteur, lequel évoquele drame de ce continentau passé très troublé età l'avenir plusqu'incertain.

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Il y avait la chaleur de la main de maman :nous traversions le boulevard de la Cité àLimoges pour aller chercher le « Journal deNounours » ; je me souviens d’une grandecouverture de Noël, tout enrubannée de feuillesde houx et de fruits rouges, un peu comme la

vitrine que le boucher de la rue Raspail décorait.Et puis, il y eut l’opération traumatisante – ce n’estpas rien pour un petit garçon de six ans de savoirqu’on va lui ouvrir le ventre ! (Ainsi l’intérieur seraittout plein de sang, comme la viande chez le boucher,malgré les décorations?). Pour faireoublier la cicatrice fraîche, mesparents m’offrirent à la clinique unalbum de Lucky-Luke, le cow-boyqui tirait plus vite que son ombre,et je me plongeai avec délice dansles aventures du Pied-Tendre, unnouveau venu dans l’Ouestsauvage, à qui l’on n’épargnaitpas le goudron et les plumes !Moi aussi, j’étais un Pied-Tendrehésitant et fragile face à laviolence du Monde, et je le suisresté. Le soir, mamanobscurcissait ma chambre enplaçant un grand album deBabar à couverture orangedevant la lampe de chevet(plus tard, je faisais semblantde dormir, elle éteignait, et jeme dissimulais sous les drapspour lire à la lumière d’unelampe de poche).

Dès lors, la bande dessinéeallait accompagner ma vie,parallèlement à la littératureet à la poésie, jusqu’àaujourd’hui. De Sylvain etSylvette aux vieux comicsaméricains de petitsformats, en mauvaispapier, avec Akim ouMandrake le magicien, auxBécassines ayantappartenu à mes parents,d’Astérix lu et relu –l’époque bénie deGosciny - à Iznogoud,

voulant être calife à la place du calife, et surtoutPif Gadget, édité par les éditions Vaillant, proches duParti communiste, auquel je fus longtemps abonné.Qui n’a pas connu ce magazine hebdomadaire ne saitpas vraiment ce que furent certains enfants desannées 1970, qui se retrouvaient dans ces idées defraternité. Bien sûr, dans la cour de récré de l’écolede la Monnaie, on se prenait pour Docteur Justice– le médecin karatéka de l’O.M.S. redresseur detorts – ou pour Rahan, l’homme dunéolithique.

LE PIED-TENDREPar Laurent Bourdelas1

écrivain et éditeur.

1 Dernier ouvrage paru :Des champs de fraisespour toujours, l’Harmattan, 2004.

Où le regard neporte pas… T. 1 et 2

par Olivier Pont etGeorges Abolin

Éditions Dargaud (14 euros)

Cet émouvant diptyque débutedans un joli petit port italien, audébut du XXe siècle. La quiétude de ce

village de pêcheurs méditerranéen(endroit paradisiaque, lumineux et

chaleureux) est troublée par l'arrivée etl'installation d'un couple londonien et de

leurs deux enfants. Cette tentatived'intégration est le prélude à un drame

qui prendra toute son intensité dans le deuxième volume de cetteaventure, laquelle a mûri lentement dans la tête des deux scénaristes-dessinateurs. C'est surtout l'histoire d'une amitié entre quatre gossesréunis par un lien indéfectible et par cette attitude insouciante, face à

la vie, que leur donne leur jeunesse. Devenus adultes, ils se retrouventconfrontés à la dureté de la vie, à Istanbul puis au Costa Rica, après des

années de séparation. Ce récit mélancolique nous rappelle un peu lesromans de Marcel Pagnol, Jean Giono, Carlo Lévi… On sent toutefois queles deux auteurs, plus connus comme humoristes (avec divers récits chez

Vents d'Ouest) mais aussi pour Kucek, une série d'aventures chez lespirates, ont peaufiné ce long-métrage poétique et un brin chamaniste.

Les rapports de tendresse entre les enfants, les non-dits et les silencesentre les adultes, permettent à l'histoire de bien prendre forme tandis

que le dessin, séduisant, rend grâce à la démesure des paysages et aufoisonnement des personnages. Enfin, signalons les très belles

couvertures simples et efficaces : deux des protagonistes assis sur unrocher, un ciel bleu…, et un titre qui nous invite au voyage…

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car l’évolution des technologies en facilitel’adaptation : de nombreuses scènes spectaculairesétaient, jusqu’à présent, difficilement transposables.L’arrivée de réalisateurs du 7e art (Georges Lautner,Jean-Jacques Beineix, Claude Lelouch…) commescénaristes pour le 9e art est également de bonaugure pour ces fiançailles entre BD et ciné.On retrouve ce même engouement pour la BD dansles dessins animés, les sitcoms télévisés, les jeuxvidéo ou de société, les pièces de théâtre…Quant aux produits dérivés, leur exploitation a prisune véritable tournure industrielle ! La bandedessinée est donc partout ! Jouant sur diverstableaux, elle possède ses propres stars, sespropres best-sellers… : elle est donc aujourd’huidéfinitivement sortie de son ghetto !

INSOLENTEDE LA BANDE DESSINÉE

Corps à corpspar Grégory MardonÉditions Dupuis (12,94 euros)

Quoique travaillantprincipalementpour les dessinsanimés, GrégoryMardon nous avaitdéjà concocté uneexcellente BD enhommage à songrand-père :Vagues à l'âme(aux Humanoïdesassociés). Aprèsune collaborationavec Charles Berberian (Cycloman chez

Cornélius), le revoici seul maître à bord pour une chroniquejubilatoire où les apparences s'avèrent trompeuses :les personnages s'entrecroisent, se rencontrent parfois mais seratent souvent. Cette démarche très fréquente dans le milieucinématographique d'aujourd'hui fait défiler les destins de gensaussi différents qu'un secrétaire médical à la recherche de sapersonnalité, qu'un apprenti comédien doublant la voix d'unnounours, qu'une fille de producteur s'acoquinant avec un jeunedealer ou qu'une femme mûre à la recherche de perfectionesthétique adepte de chirurgie plastique… L'ensemble desfantasmes liés aux modifications du corps, volontaires ou subies,est le fil conducteur de cette peinture réaliste des relationsamoureuses contemporaines. Le lecteur est emporté par untourbillon de sentiments pour un plaisir de lecture totalementmaîtrisé par ce jeune créateur au trait adroit et ample.

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La Frontière invisiblede François Schuitenet Benoît PeetersÉditions Casterman (12,75 euros)

Divisée en deuxvolumes pour desraisonséconomiques, cetteFrontière invisibleclôt, au moinstemporairement,l'ensemble desrécits rassemblés,depuis plus de 20ans, sous le titregénérique des Cités obscures. Trop curieuxpour se limiter à la fiction, l'écrivain BenoîtPeeters et le dessinateur architectural FrançoisSchuiten ont décidé de se détourner de la BDclassique et de ses codes contraignants. Ilsdemeureront toutefois dans l'univers éditorialdes raconteurs d'histoires en images !Pourtant, cet ultime volet narratif d'un universparallèle, marqué par la foi dans le progrès etpar un esthétisme rappelant l'Art Nouveau dudébut du XXe siècle, repousse, une fois deplus, les frontières physiques et morales del'image BD. Reprenant la suite du parcoursentamé par un jeune cartographe que laconnaissance livresque a éloigné de la réalitédu monde, les auteurs accumulent les coupsde griffes à un système trop administratif etles métaphores sociopolitiques : allusions auxdécoupages arbitraires des territoires ou auxbarrières linguistiques ou religieuses. Souscouvert d'une histoire d'amour, ils nouspassionnent et nous prouvent que l'on ne peutpas mettre en cartes un monde qui esttoujours en mouvement !

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Grâce à un programme assez riche enlocomotives, la bande dessinée (“BD”pour les intimes) affiche une insolentebonne santé éditoriale : elle pèse 13 %dans le marché du livre (on estimequ’un livre vendu sur dix est une BD)

et en reste le secteur éditorial le plus porteur, avecles ouvrages pour la jeunesse ou les livres pratiqueset parascolaires. Alors que le climat économiquegénéral reste morose, sa production (3 070 livresappartenant au monde de la BD ont été publiésen 2004) et ses ventes augmentent régulièrement,et ce depuis neuf ans. Le marché de la BD est doncporteur (il est estimé, par Livres Hebdo, à240 millions d’euros, soit 30 millions d’albumsvendus) car son public se rajeunit constamment(notamment grâce aux amateurs de mangas et decomics) et se féminise de plus en plus : c’est unexcellent signe pour l’avenir de ce secteur en phaseavec notre civilisation de l’image ; en pleineeffervescence, la BD défriche sans arrêt denouveaux territoires avec des ouvrages proches de lalittérature, du reportage ou de l’essai, tout eninvestissant des secteurs déjà bien balisés, maistoujours appréciés, comme l’imaginaire ou l’humour.Bénéficiant de cette diversification et d’un profondrenouvellement de la création, la BD a rationaliséses méthodes de publication en se mettant aumarketing et a réussi à absorber trois fois plus deproductions qu’à la fin des années 1980. Aujourd’hui,on ne peut plus parler de la bande dessinée commed’un genre ou d’une seule entité : elle comportedésormais des segments clairement identifiés quis’épanouissent indépendamment les uns des autreset qui prouvent que l’on peut tout faire avec ce média !

Ce marché est entre les mains d’une vingtained’éditeurs spécialisés en ce domaine mais plus de40 % des activités du secteur sont réalisées par legroupe Média-Participation (avec Dargaud, Le Lombard,Kana, Lucky Comics, Blake et Mortimer et, toutrécemment, Dupuis) suivi par Glénat (avec Ventsd’Ouest et Caravelle) puis par Flammarion (avecCasterman, Audie et J’ai Lu) ; ils sont talonnés parSoleil et Delcourt puis, dans une moindre mesure,par Les Humanoïdes associés et Albin Michel ; il fauttoutefois noter les montées en puissance demaisons de moindre importance comme Panini,Semic, Tonkam, Pika ou SEEBD (spécialisées plus oumoins dans les mangas et les comics) ou commeBamboo, Milan et Bayard (qui confirment une viveeffervescence dans le domaine de la BD pour la

jeunesse) ou encore comme Paquet, EP Éditions(un label de La Martinière), Erko, Joker, Mosquito,USA, Theloma et Le Seuil. Tous ces prolifiqueséditeurs laissent peu de marge de manœuvre auxnouvelles maisons d’édition ou aux labelsindépendants (Akileos, L’An 2, L’Association,Atrabile, La Boîte à Bulles, Charrette, Clair de Lune,Cornélius, Le Cycliste, Dynamite, Ego comme X,L’Employé du moi, FLBLB, FRMK, Groinge, IPM,Joie de lire, Loup, Le 9e Monde, Petit à petit, PLG,Psikopat, Rackham, Les Requins Marteaux, Six Piedssous Terre, Tartamudo, Toth, Vertige Graphic…).Ces petites maisons d’édition ont pourtant constituédes catalogues qui sont de vraies pépinières denouveaux talents et, d’une manière générale, ellesont développé un certain professionnalisme tout enconsolidant leurs activités. Leurs politiqueséditoriales, souvent novatrices, devraient cependantporter leurs fruits puisque le marché n’a jamais étéaussi réceptif !

Il faut également noter l’importance prise par la BDjaponaise (les mangas) qui est la plus traduite surle territoire francophone. Grâce aux mangas, la BDretrouve un public populaire (plus jeune et plusféminin), sensible au fait que ces BD en noir etblanc, pour la plupart, soient peu onéreuses et queles nouveaux tomes de chaque série se succèdentdans des délais très rapprochés : c’est d’ailleurs l’undes principaux facteurs d’augmentation de laproduction BD. Notons également, qu’au Japon, laproduction est segmentée à l’extrême et que lemarché en réclame toujours plus : la montée enpuissance du manga (et de ses méthodes de travail)en Europe est donc inévitable. D’ailleurs,aujourd’hui, toutes les librairies ont des rayonsspécialisés en mangas et tous les éditeurstraditionnels de BD ont une collection ou un labelspécialisé dans ce secteur lucratif dominé parGlénat, Dargaud (avec Kana) et Pika puis parTonkam, Panini (avec Génération Comics),Flammarion (avec J’ai Lu et Casterman Manga),Delcourt (avec Akata), Soleil (avec Végétal Manga),SEEBD (avec Saphira, Kabuto et Tokébi)… Ainsi,21 éditeurs se partagent désormais la forcecommerciale de ce secteur phare qui représente30 % du marché de la BD.

L’intérêt exponentiel des milieux audiovisuels est unautre facteur qui favorise la légitimation de la BD.Cette expression culturelle est devenue unfantastique vivier de scénarios et de personnages

LA BONNE SANTÉ INSOLENTEpar Gilles Ratier,

secrétaire général de l’Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée.

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Originaire de Bellac, Gilles Laplagne s'estnourri dans son enfance de revues comme Pifgadget et de recueils de BD de petits formats

comme Bleck le Roc, le trappeur canadien à latoque de fourrure et aux épaules rassurantes. Puissont venus les comics américains achetés avecl'argent de poche ; les précieux albums cartonnésétaient plus rares, cadeaux d'anniversaire ou deNoël, Tintin ou Astérix.

Si l'envie de faire des BD est venue de ces lectures,Gilles Laplagne a toujours eu le goût des aventurescollectives pour une activité – dessiner des BD –purement solitaire. Au collège, ils sont une bandede petits camarades qui inventent des histoires etles dessinent, ils en commencent beaucoup maisen terminent bien peu ! Les choses plus sérieusescommencent au début des années 1980, lorsque lejeune Bellachon intègre la section “arts plastiques”du lycée Renoir. C'est encore de l'énergie d'ungroupe de dessinateurs en herbe que naît le fanzineContre-jour, recueil de BD, de dessins et de textesqui aura trois numéros. Gilles Laplagne s'essaiealors au dessin comique, à l'illustration et donneune histoire fantastique d'une quarantaine depages. Le trait est déjà réaliste et précis, avec ungoût pour l'étrange, les histoires policières et lefantastique. C'est ce même esprit que l'on retrouvedans les quatre recueils collectifs qu'il publie dansles années 1990 : Les Carnets de l'étrange. Il ydonne notamment deux histoires qui ont pour cadredes musées d'art contemporain (Rochechouart etVassivière) et décrivant d'étranges disparitions oumeurtres de guides ou d'artistes se confondant peuà peu avec les tableaux qu'ils ont côtoyés1. Pour cesquatre recueils, il crée une petite maison d'édition,Espace Contre-jour ainsi qu'un site internetwww.espacecontrejour.com.

Ayant fait délibérément le choix de garder uneactivité professionnelle bien distincte de la BD pourpréserver un indispensable lien social, GillesLaplagne a eu le loisir de continuer de collaboreravec de nombreux fanzines, dont Mad' Moselle,publié en Lorraine, Fun-en-bulles et Pulsar. C'estdans ce dernier fanzine qu'il publie une histoirepolicière étrange se déroulant dans un villageimaginaire inspiré de Saint-Léonard-de-Noblat (87) :Réminiscences2.

Après plusieurs années passées à Paris, ledessinateur est revenu vivre à Bellac. À près de

quarante ans, il reste un lecteurpassionné de BD réalistes d'aven-ture et d'histoires de politique-fiction comme XIII 3 ou la série desLargo Winch4. Dessinateur désormaisreconnu, il dédicace ses albumssur une douzaine de salons dansl'année, dont Angoulême et Brive.Depuis cinq ans et sa rencontreavec le scénariste J. Aiffvé, il est

entré dans le cercle des passionnés d'aéronautiqueen dessinant la série La Stratégie des Sentinelles5.Novice en matière de dessin d'aviation, GillesLaplagne a rassemblé une documentationimportante, travaillé d'arrache-pied son dessin etvisité plusieurs bases militaires. Il maîtriseaujourd'hui à merveille le dessin de ces avions deguerre, ceux des deux guerres mondiales commeles avions de chasse ou les gros por teurscontemporains. « Mes dessins sont toujours viséspar des spécialistes qui corrigent les petits détails,explique-t-il, l'aviation est un univers de passionnéssouvent pointilleux : il m'arrive de rencontrer desenfants de 12 ans qui ont déjà une connaissanceencyclopédique en la matière ! » Gilles Laplagnesemble avoir trouvé son bonheur avec cette série :« J'ai toujours eu le goût pour les dessins réalisteset les scènes d'action, je travaille avec plaisir surcette série : le scénariste me donne les histoirescomplètes, je mets environ un an pour dessinerl'ensemble des cases. Je ne connaissais pas lemilieu de l'aéronautique, mais j'y ai peu à peu prisgoût : le jour où la série sera terminée, j'espèrepouvoir continuer dans cette veine, qui a gagné seslettres de noblesse depuis quelques décenniesavec Tanguy et Laverdure (par Charlier et Uderzo auxéditions Dargaud), Buck Danny (par Charlier etHubinon aux éditions Dupuis) ou Yoko Tsuno (parLeloup aux éditions Dupuis). »

• Site internet de l'éditeur Zéphyr éditions :www.zephyreditions.net

• Contact e-mail de Gilles Laplagne :[email protected]

1 La Rose et le sang, dans Les Carnets de l'étrange n° 1,scénario de Frédéric Duplessy et dessins de Gilles Laplagne,et Disparitions, de Gilles Laplagne, également dans LesCarnets de l'étrange n° 1 éditions Espace Contre-jour, 1998.2 Réminiscences, de Gilles Laplagne, troisième éditionpubliée chez Espace Contre-jour, 1999.3 Dernier album paru: Opération Montecristo, Tome 16,scénario de Jean Van Hamme, dessin de William Vance,éditions Dargaud, 2004.4 Dernier album paru: Le Prix de l'argent, Tome 13, scénariode Jean Van Hamme, dessin de Philippe Franck, éditionsDupuis, 2004.5 La Stratégie des Sentinelles, scénario de J. Aiffvé, dessinde Gilles Laplagne, Zéphyr BD éditions, quatre tomes parusentre 2001 et 2004.

Gilles LAPLAGNEautoportraitoriginal de GillesLaplagne pourMachine à Feuilles

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Marie-Laure Guéraçague pour Machine à feuilles :Je vous remercie de nous accorder une peu de votretemps si précieux avant l'ouverture du 32e festival,du 27 au 30 janvier. Est-il exact ou simpliste derépartir l'édition de la BD sur le plan internationalen trois grandes “écoles” : la BD franco-belge, l'écolejaponaise (manga) et l'école américaine (comics)?

Jean-Marc Thévenet : Il faut plutôt parler de marché.Il y a un grand particularisme en France, on y découvreencore effectivement l'existence de la bande dessinéefranco-belge traditionnelle cartonnée de 48 ou 64 pages,que plusieurs générations ont connue et qui se vendtoujours en France et en Belgique, mais nous assistonsà un nouveau phénomène aussi bien ici que dans lespays voisins européens : l'émergence du manga, avecses dessins en noir et blanc, qui peut avoir de 60 à200 pages et qui peut courir sur deux ou soixante dixvolumes, dans une sorte d'inflation éditoriale. Le mangan'est aujourd'hui plus du tout un phénomène passager,il est en train de s'ancrer dans la nouvelle générationde lecteurs des 15 - 25 ans et un lectorat aussi bienféminin que masculin. La bande dessinée était, à unecertaine époque, l'univers des jeunes garçons, les fillesayant la poupée. Ce temps-là est révolu : aujourd'hui lalecture de la bande dessinée est à parité hommes /femmes, le manga prend différentes formes de la plusesthétique à la plus bête comme les différentes filièresfranco-belges. Une troisième école a émergé, il y a unequinzaine d'années, c'est le roman graphique qui estun mixte entre la littérature et la bande dessinée, avecun découpage complètement différent, beaucoupmoins structuré en apparence qu'un album traditionnelet qui trouve un public qui ne s'intéresse pas habituel-lement à la bande dessinée, à mi chemin entre lalittérature, le cinéma et autre expression artistique.Un public d'une trentaine d'années, urbain, curieux,une nouvelle génération donc, non pas de classe d'âgemais d'appartenance socio-culturelle.

MàF : Pouvez-vous nous en donner un exemple ?

Jean-Marc Thévenet : Il y en a beaucoup, en particulierla maison d'édition l'Association1 parmi lesquelles uneauteure comme Marjane Satrapi 2. C'est étonnantd'ailleurs, car, alors que la BD franco-belge a beaucoupde mal à s'exporter, le roman graphique connaît plusde succès à l'étranger, peut-être parce que c'est uneforme plus adaptable à toutes les générations un peucurieuses de littératures et d'images : Marjane Satrapise vend très bien en Allemagne ou aux États-Unis. Ily a des auteurs de BD traditionnelle qui ne se vendentplus dans les pays européens. Je cite l'Allemagne car àla foire de Francfort d'octobre dernier il fut frappant deconstater que le marché franco-belge s'est relâchéau profit du manga ou du roman graphique.

MàF : Mais dans les autres pays d'Europe,que lisent les lecteurs ?

Jean-Marc Thévenet : Des mangas. La France est restéeune vraie exception culturelle dans le bon sens du terme,vraisemblablement parce qu'il y a eu pendant trèslongtemps une école française qui remonte à la fin desannées 50 et qui a été relayée par la presse écrite, lesmagazines Tintin, Métal hurlant et bien d'autres, qui ontcréé un creuset qui lui-même a généré une nouvelleécole dans les années 70, en coïncidence avec lacréation du festival d'Angoulême. Ce fut comme uneécole de formation, comme si on avait su préparerl'avenir. Alors qu'à l'inverse, la presse BD a émergé unpeu en Allemagne, en Espagne, en Italie mais de manièretrès marginale ou sporadique avec une diffusion relati-vement modeste et fragile. Alors qu'en France et enBelgique, après la guerre, il y a eu une volonté de restruc-turation morale de la jeunesse, un mouvement social quia participé au développement et à la bonne santé de labande-dessinée. C'est donc une histoire française dontles éditeurs et auteurs français sont tout à fait conscients.En Angleterre, il y a un salon de la bande-dessinéeunderground plus proche de l'art contemporain.

MàF : Nous pourrions dire que seul le manga a unlectorat international…

Jean-Marc Thévenet : Oui, c'est vrai que l'on retrouvelà l'efficacité japonaise : la bande dessinée franco-belge est encore artisanale alors que le manga est uneindustrie. Par exemple si vous voulez inviter un éditeurde manga, il faut s'y prendre trois ans à l'avance.Les thématiques abordées sont aussi très attirantes.

MàF : Que souhaiteriez-vous ajouter sur le Festivalque vous dirigez ?

Jean-Marc Thévenet : Nous vivons l'âge d'or de labande dessinée. Le festival est un lieu d'observationet un rendez-vous international : un journalisteespagnol, japonais, un auteur italien etc, s'y retrouvent.C'est le moment de l'année où la région Poitou-Charentes est un réceptacle du monde. Nous sommesà ce moment de réflexion : comment gérer l'arrivée desmangas, comment la traiter intelligemment – c'est ceque font la plupart des éditeurs qui ont maintenant unecollection manga –, tout en protégeant etdéveloppant la production franco-belge auprès d'unlectorat plus nombreux ? La génération des 15-25 ansest, à cet égard, particulièrement intéressante.

1 L'Association : 16 rue de la Pierre levée - 75011 Paris2 Marjane Satrapi. Dernière publication, Poulet aux prunes,L'Association, collection Ciboulette, 2004.

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« Nous vivons l'âge d'orde la bande dessinée »

Entretien avec Jean-Marc Thévenet, directeur général du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême.

Jean-Marie Arnon a travaillé en Corrèzependant cinq ans comme bûcheronindépendant. Aux courtes journées de

travail intenses et physiquement épuisantessuccèdent de longues soirées de crayonnageet de scénarios ébauchés. Cet homme auphysique imposant, au regard doux et à lavoix posée a vécu au fond des bois, et il y atrouvé une partie de son inspiration, puisqu'ila commencé par créer une série d'albumspréhistoriques. « C'est vrai que la vie isoléedans les collines limousines vous renvoie à une vieprimitive, cela a contribué à mon goût pour leshistoires préhistoriques ; mais mon grand-père déjàétait passionné de préhistoire, il m'a transmis celaet m'a fait découvrir les traces qui restentnombreuses en Basse-Corrèze et dans le Quercy. »

L'auteur travaille seul, écrit la trame d'un album,puis attaque le dessin au crayon. Cette longuepériode de crayonnage puis d'encrage lui permetaussi de modifier le déroulement de l'histoire,d'affiner son scénario. « Le danger, à la longue,confesse-t-il, c'est de s'enfermer dans son propredessin, de se couper de la réalité et de reprendre enpermanence ses propres codes graphiques, des'auto alimenter en quelques sortes. Avec le temps,j'ai appris les “ficelles” du métier, j'apprendsmaintenant à m'en méfier aussi. C'est pourquoi jereviens dès que je le peux à des croquis faits sur levif, pour des choses aussi simples que desvoitures, des arbres ou des corps humains. »

Ses quatre premiers albums se déroulent donc àl'ère préhistorique1, mais il ne faut pas y chercherun rendu réaliste de la vie de nos ancêtres, Arnonest d'abord un auteur exalté, énergique et libre,pétri de comics - son trait est d'ailleurs très prochedes séries mythiques comme Strange - et influencépar la mouvance de “l'underground” américain,aussi bien au niveau du rock que de la BD, avec unauteur fétiche comme Robert Crumb2. Violenceoutrancière, dialogues pimentés et érotisme assuméfont ainsi de lui un auteur étiqueté “pour adultes”.

« Provocation etliberté sous toutesses formes: c'étaientdes revendicationsfortes et légitimesdans les années1970. Aujourd'huij'ai l'impression quel'on est revenu unpeu de tout cela. »C'est assez naturel-

lement que le père des Neanderthal girls3 a trouvésa place dans les pages de L'Écho des Savanes, larevue mensuelle de contre culture et de dérision quiplace l'humour et la provocation au-dessus du bongoût. Ses planches sortent donc régulièrement enfeuilleton avant d'être éditées en album chez AlbinMichel. À la demande de L'Écho des Savanes, ils'est lancé dans une série située à l'époquecontemporaine : Je suis une sorcière4, avec toujoursles éléments qui font le succès de ces séries :humour, dérision et jeunes femmes aux formesavantageuses.

Réussir à vivre de sa passion est une réelle satis-faction pour Jean-Marie Arnon, mais il avoue queson ancien métier de bûcheron lui manque parfois :« l'activité physique reste pour moi indispensable, etvous savez, lorsqu'on vit dans un petit village, il estprobablement plus facile de s'intégrer lorsque l'onest bûcheron ; les gens se demandent ce que je faisde mes journées devant une planche à dessin, c'estassez difficile à vivre. En ville, vous pouvez sortir vousaérer, marcher dans les rues, vous nourrir sanscomplexe de l'activité des gens ; à la campagne, aucontraire, j'ai du mal à me promener les mains dansles poches au milieu des gens qui travaillent la terreou soignent leurs bêtes. Ceci dit, le monde rural estun formidable réservoir à histoires, mais qui, hélas,n'intéresse guère les éditeurs de BD. »

1 Wanda et les dinosaures, (intégrale des quatre albums parusaux éditions Zenda) par Arnon, Albin-Michel, 2000.2 (voir notamment) Amerika, de Robert Crumb,éditions Cornélius, 2004, et Kafka, de Robert Crumb etDavid Zane-Mairowitz, éditions Actes-sud, 1999.3 Neanderthal girls, Tome 1: Cœur de Silex, par Arnon,Albin-Michel, 1997.4 Je suis une sorcière, par Arnon, coffret de deux tomes, Albin-Michel, 2004.

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Jean-Marie Arnon a également publié :

• L'Invasion, éditions Albin Michel, 2000. Un album descience-fiction située dans le milieu de la “Techno”.

• Exobiologie, éditions Organic comix, 2000 (épuisé).Recueil de petites histoires de science fiction pouradultes.

• Les Furies, éditions Albin Michel, 1996. Une histoirede femmes pirates semant la zizanie sur un navire.

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Nourri dès son plus jeune âge de comicsaméricains (Strange, Mustang, Titans…),Fabrice Angleraud était dessinateur de

BD avant même de le devenir. Sur sa fiche d'orien-tation, en classe de sixième, il trace sans vergogneson ambition, il sera “dessinateur de BD” et il sesouvient que c'était déjà son désir en classe de CP.Ce natif de Neuvic-Entier (Haute-Vienne) a opté trèstôt pour le dessin fantastique qui permet toutes lesoutrances graphiques, dans la tradition de la BDanglo-saxonne : « la BD fantastique pour adulte estun vrai espace de liberté, explique-t-il, la violencey est outrancière, fantasmée, sans souci decrédibilité, de réalisme. Autant je suis secoué par laviolence réelle que nous montre quotidiennement latélévision, autant je m'amuse à dessiner desscènes où la violence est excessive, tout saufréaliste et que les lecteurs prennent souvent ausecond degré ». Il partage ce goût pour les histoiresrocambolesques avec le scénariste Franck Tacito,avec qui il a créé la série Magika 1 : « on voulaitcasser les codes de la BD traditionnelle, on faitmourir tous les héros, les méchants deviennentgentils ! ». Si cette série, plus confidentielle, n'a pasconnu en France le succès de la série Atlantis2, ellefait désormais son chemin aux États-Unis où elleest reprise en feuilletons depuis 2002 dans lefameux magazine américain Heavy Metal(l'équivalent du magazine français Métal hurlant).

Le dessin de Fabrice Angleraud est très proche del'image cinématographique. Pour lui, la BD est à mi-chemin entre la littérature où il faut tout imaginer, etle cinéma où tout est montré. Tout l'ar t dudessinateur est de visualiser une séquence enmouvement et de choisir l'arrêt sur image quinourrira le mieux l'imaginaire du lecteur. En cela, lamise en page de la planche est presque aussiimportante que le dessin lui-même, avec cette

spécificité de la BD qu'est l'ellipse. « Je crois que jemaîtrise aujourd'hui assez bien ce que j'aimedessiner : les scènes d'action, les batailles. Le plusdifficile pour moi, ce sont les scènes intimistesdans lesquelles je dois faire passer les émotionsdes personnages. Je dois alors soigner mon dessinpour monter les visages en gros plan et rester trèsfidèle au texte du scénariste ». Définissant sa placede dessinateur comme “un mercenaire duscénario”, il insiste sur le fait que le dessin est làavant tout pour servir l'histoire, et le scénario lecontraint à aller là où ses envies ne le porteraientpas obligatoirement : « Je ne suis pas attiré par lesvéhicules en général, mais j'ai dû me documentersur les chars d'assaut pour les dessiner. De même,je n'ai jamais vu les États-Unis mais j'ai dû dessinerdes scènes de villes américaines ! ».

Passionné par le Moyen-âge, Fabrice Anglerauds'attaque en ce moment avec beaucoup de plaisiraux dessins d'une série de “médiéval fantastique”,Harkhanges, pour laquelle il retrouve le scénaristeFroideval. C'est aussi l'occasion pour lui dereprésenter enfin les paysages limousins qu'ilconnaît bien, en particulier les forêts. « Je crois quel'on peut placer dans le Moyen-âge beaucoupd'éléments qui nous touchent aujourd'hui : l'époquemédiévale, c'est un peu notre western à nous, lesEuropéens » s'enthousiasme-t-il.

1 Magika, scénario de Tacito, dessin d'Angleraud, couleurs deGuénet, éditions Glénat, collection Zenda, 3 tomes parusentre 2002 et 2004.2 Atlantis, scénario de Froideval, dessin et couleursd'Angleraud, éditions Glénat, collection Zenda, 4 tomesentre 1997 et 2000.

La Malle Sandersonpar Jean-Claude Götting

Éditions Delcourt (14,95 euros)

C'est avec grand plaisir que l'on retrouve la patte élégante de Jean-Claude Götting pour cette magnifiqueBD en un volume, alors qu'il avait plus ou moins abandonné le genre depuis douze ans, lui préférantd'autres modes d'expression (peinture, dessins…). Son héros, le magicien Sanderson, exprime son

talent d'illusionniste, de Paris à New York, faisant salle pleine à chaque représentation. En cesinsouciantes années 1930, il porte toute son attention à la préparation d'un spectaculaire numérod'évasion, digne du grand Houdini. Quant à sa vie amoureuse, elle est dictée par un seul principe:

ne jamais courtiser une femme mariée… Pourtant, sa rencontre avec Marie Van Nolde, jeune époused'un riche homme d'affaire, pourrait bien faire changer les choses. Pris aux pièges de ses passions,

le prestidigitateur risque de subir le dérèglement de la mécanique, pourtant bien huilée, sur laquelle il afondé sa vie et sa carrière. Ce récit poignant d'un tragique chassé-croisé amoureux où tout n'est

qu'illusion nous permet de nous placer du côté du héros. Le talentueux Götting joue aussi sur l'enversdu décor et sur tous les niveaux de lecture avec sa narration limpide, son trait stylé et ses personnages

totalement crédibles… Il réussit ainsi une nouvelle entrée fracassante dans le monde de la BD!

Fabrice ANGLERAUD

autoportraitoriginal de Fabrice

Angleraud pourMachine à feuilles

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est devenue Les Musicos en 2004. Le changementde titre a permis de rendre l’album plus lisible à côtédes titres “phares” de la collection Jobs de Bamboo(Les Profs, Les Gendarmes…) et nous sommes ainsipassés à des tirages de 5000 à 17000 exemplaires.C’est aussi aux débuts de ces années 2000 que j’aicommencé à confier les couleurs des Musicos àFrédérique Avril. Nous avons réalisé ensemble égale-ment en 2002 l’album Horoscomics avec MichelRodrigue et le caricaturiste Jean Claude Morchoisne.

MàF : À côté de ces BD d’humour à base de gags,vous reprenez aussi en ce moment la fameuse sérieDocteur Monge…

Michel Janvier: J’ai toujours eu envie de faire de laBD réaliste, ma formation dans l’illustrationdocumentaire m’aurait naturellement conduit verselle. Lorsque j’ai appris que l’ancien dessinateur deMonge, Éric Chabbert, souhaitait arrêter pour semettre à la science-fiction, j’en ai profité pourproposer de reprendre les dessins. Le sixième tome,et le premier que je dessine, devrait sortir toutprochainement. J’ai eu la chance de pouvoir m’entourerde jeunes très doués qui m’ont aidé dans ce travailde longue haleine : Alexis Horellou a réalisé unepartie de la mise en scène des pages, StéphaneBein a fait la préparation des zones de couleur pourFrédérique Avril, enfin, Anne-Gaël Vautrin a fait lescouleurs de la couverture : toute une équipe deLimousins donc, qui se complètent pour cet albumdu Docteur Monge.

MàF : Comment, d’après vous, la BD a-elle évoluédans ces vingt dernières années ?

Michel Janvier : Le point le plus marquant, à monsens, c’est le passage d’“un” public BD à “des”publics BD. Certains ne lisent que du manga,d’autres uniquement de “l’heroic fantasy” ou de laBD franco-belge : cet art très populaire au débutoccupe désormais un champ plus vaste qui aborde

aussi bien l’autobiographie que les sujets politiques.La BD d’aujourd’hui s’adresse autant aux adultesqu’aux enfants, et elle a dans le même temps gagnéses lettres de noblesse. La grande nouveautéactuellement c’est l’arrivée dans la BD d’auteursvenant du cinéma (Lelouch, Beineix) ou de lalittérature (Picouly, Van Cauwelaert).Elle est également devenue plus sérieuse, mieuxreconnue par le milieu des enseignants ou desbibliothécaires, avec l’apparition des projets

éducatifs ou des ateliers BD dansles écoles. D’autre part, lesateliers BD se multiplientégalement dans les hôpitaux oules prisons : on a enfin comprisque la BD, par sa facilité d’accèset son coût peu élevé, pouvaitjouer un rôle social et permettreà des personnes en difficulté des’exprimer. Mais elle a su garderce côté populaire que n’a pas lalittérature générale : elle est undes seuls médias qui puisseencore se passer de la télévisionpour vivre, et bien vivre :200 000 personnes chaque

année à Angoulême, des tirages à faire pâlir d’envieles éditeurs de littérature générale et plus de150 festivals spécialisés BD chaque année.

MàF : D’où vient ce succès croissant de la BD?

Michel Janvier: Je pense que le choix y est pourbeaucoup : tout le monde peut trouver une BD qui luicorresponde, ensuite elle n’est pas chère, entre 10et 12 € pour un album cartonné en couleur ; enfin,n’oublions pas qu’une BD se lit et se relit de nom-breuses fois, en moyenne six ou sept fois et qu’on ydécouvre à chaque fois quelque chose de nouveau.

MàF : Et vos auteurs BD de référence ?

Michel Janvier: Difficile à dire, il y en a tellement…Uderzo, Morris, Franquin restent des références pourmoi dans le domaine de l’humour. Dans les dessi-nateurs plus jeunes, j’aime beaucoup Zep, qui vientde montrer, avec Le Monde de Zep 3, qu’il est capablede faire tout autre chose que du Titeuf. Je suis aussiun grand admirateur de dessinateurs avec un traitplus artistique, comme le sud américain AlbertoBreccia 4 ou l’Italien Dino Battaglia 5.

3 Le Monde de Zep, par Zep, éditions Glénat, 2004.4 Voir notamment : Cauchemars, par Alberto Breccia, éditionsRackham, 2003.5 Voir notamment : Maupassant: contes et nouvelles de guerre,par Dino Battaglia, éditions Mosquito, 2002.

SES LETTRES DE NOBLESSE… »

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Olivier Thuillas pour Machine à feuilles : La BD estsouvent une passion qui commence très tôt, était-ce également le cas pour vous ?

Michel Janvier: Bien sûr, et il me semble que j’aicommencé à en dessiner en même temps que j’en ailu: je recopiais Tintin, Mickey, Donald et tous lespersonnages de Disney. Dès le collège et le lycée j’aiparticipé à des fanzines, déjà avec des histoires quitournaient autour du rock. Il faut dire que j’avais unscénariste promis à un bel avenir puisqu’un de mesmeilleurs camarades de collège était Philippe Barbot,aujourd’hui journaliste spécialisé “rock pop” à Télérama!J’ai ensuite suivi des études supérieures à Orléans oùj’ai participé à un fanzine étudiant, L’Abcès, dont nousavons réussi à publier 25 numéros. Le dessinateurVuillemin nous a d’ailleurs donné ses premiers strips dece qui allait devenir Les Sales blagues de l’Echo1, ilavait juste 17 ans. Pour ma part, la BD restait alors unhobby, je me destinais plutôt à un avenir professionneldans le design automobile. C’est une rencontre qui aorienté en grande partie ma vie : je passais mesvacances en Creuse et j’y ai fait la connaissance deRené Chabroullet, qui illustrait les guidestouristiques Michelin. Il m’a fait découvrir son métieret sa technique. C’était un travail très particulier,d’une finesse exceptionnelle, à la plume, sur descartes à gratter, dans un pur style réaliste.Il se trouve que ce monsieur est décédé assez peude temps après ; je terminais juste mon servicemilitaire, j’ai rencontré les responsables des GuidesVerts Michelin, les essais étant satisfaisants, j’aiattaqué à la fin de 1977 ma carrière d’illustrateuravec le Guide vert “Belgique”. Cette collaboration aduré presque vingt ans, jusqu’aux débuts desannées 1990, avec plusieurs centaines de dessins.Cette expérience m’a été très utile pour le travail enBD réaliste, puisque le traité du dessin est assezproche. J’ai par la suite diversifié mes collaborationsd’illustrations réalistes dans les secteurs scolaire etencyclopédique. Au début des années 1980, j’aicommencé une longue collaboration avec leséditions des Deux coqs d’or dans le domaine desproduits dérivés : je dessinais des albums à colorierou des textes illustrés dérivés de dessins animéscomme les Walt Disney, Tom et Jerry ou Mayal’abeille. Autant vous dire que je n’avais aucuneliberté dans le style, tout étant scrupuleusementcontrôlé, jusqu’à la taille des oreilles de Mickey !Je commençai peu à peu à passer de l’illustrationdocumentaire à la BD. J’ai frappé à la porte deséditions Dargaud qui m’ont proposé, en 1983, detravailler sur des produits dérivés de Lucky Luke,emballages de jouets et autres. Dès l’annéesuivante, j’ai rencontré les deux scénaristes XavierFauche et Jean Léturgie avec lesquels nous avonslancé des gags sous la forme de strips pour la

presse, autour du personnage de Rantanplan, queje dessinais : ces strips ont rapidement connu unsuccès international. En dix ans, nous avons crééprès de cinq cents gags puis sept albums d’histoireslongues qui ont généré la série Rantanplan. J’aiégalement dessiné un album de Lucky Luke en1986, Le Ranch maudit 2. Bien sûr, c’était toujoursMorris qui signait, mais mon nom était mentionné.

MàF : C’est une période très longue pendantlaquelle vous n’êtes jamais un créateur depersonnages, vous recopiez souvent le travaild’autres dessinateurs. N’est-ce pas un peu frustrant?

Michel Janvier: Je ne le ressentais pas comme tel :je n’étais probablement pas encore prêt. On medemandait de dessiner “dans le style de”, cela meconvenait parfaitement, c’est ce que je faisais lemieux et je n’avais pas alors de velléités de création!Il faut dire aussi que j’étais très occupé puisquej’avais parallèlement commencé à travailler sur lelettrage des albums d’Astérix. Vous allez me dire quec’est encore un travail d’exécution au service d’un autredessinateur, mais Uderzo lui-même estime que le lettrageest un dessin à part entière, et puis Astérix est toutde même la BD la plus vendue dans le monde…C’est en 1996 que j’ai eu l’idée des Rob, Wed and Co,tout simplement en regardant mes enfants joueravec leur groupe de rock. C’est aussi l’époque oùj’ai fait la connaissance de Véronique Brissaud, qui ajoué un rôle important dans cette “bascule” vers lacréation personnelle. Elle a réalisé pour moi lescouleurs de différentes participations que j’ai donnéesdans des albums collectifs en hommage à Uderzo ouà Julien Clerc (aux éditions Soleil). C’est également àcette époque et avec elle que j’ai dessiné monpremier album personnel, Histoire de la Porcelaine,publié en 1999 par Philippe Deshoulières.C’est finalement en janvier 1998 que nous avonspublié les premiers strips de Rob, Wed and Co dansL’Écho du Centre. Véronique Brissaud et moi avonsensuite auto édité le premier album reprenant nosstrips : Premières mesures, qui a été vendu en àpeine cinq mois, uniquement sur des salons de BD ;nous avons rapidement enchaîné, en 1999, avec undeuxième recueil, avant de trouver enfin un éditeur,les éditions Bamboo. Le troisième tome de cesaventures musiciennes, À la bonne vautre ! a paru en2002 avec deux nouveaux scénaristes, qui étaientaussi des amis, Jenfèvre et Erroc. Bamboo m’aensuite proposé de changer le nom de la série, qui

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« EN 20 ANS, LA BD A GAGNÉ SES

Entretien avec Michel JANVIERILLUSTRATEUR ET DESSINATEUR DE BANDES DESSINÉES

1 (dernier tome paru) Les Sales blagues de l’Écho, par PhilippeVuillemin, tome 12, éditions Albin-Michel, 2004.2 Lucky-Luke: Le Ranch maudit, dessins de Morris et Janvier,scénario de Fauche et Léturgie, couleurs de Léonardo, éditionsDargaud, 1986.

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1 Demon Yäk, scénario de Tarek, dessins de Morinière,couleurs de Stambecco, Tome 1: Schizophréniesanglante…, éditions Pointe noire, 2002 (Prix du MeilleurPremier album, festival de Moulins, 2002);Tome 2: La boîte de Pandore, éditions Soleil, 2003.

2 Les Aventures d'Irial, scénario de Tarek, dessins etcouleurs de Morinière, Tome 1: Monsieur Lune, éditionsSoleil, 2003 (retenu dans la liste des BD conseilléespar le Centre National de Documentation Pédagogique(CNDP) et Meilleur album jeunesse au festival deChambéry 2004); Tome 2: Rufus le Loup, éditionsSoleil, 2004 (Meilleur album jeunesse à la Fête du livrede Saint-Étienne 2004).

On comprend alors que le talent et la fine précision dutrait du jeune gaucher ne suffisent pas : « Vous savez,les bons dessinateurs ne manquent pas. Bien sûr, ilfaut maîtriser les “codes” de la BD, savoir manier cetart de l'ellipse dont je vous parlais et animer une pageuniquement faite de dialogues par exemple, mais ilfaut aussi dépasser ces codes communs pour trouverson propre style. Après quatre albums, il me sembleque je commence juste à me “dépuceler”, et à trouverce que pourrait être le mien ».

Cet admirateur de Moebius et Toppi a eu la chance devoir rapidement aboutir ses projets : « ma rencontreavec Tarek, mon scénariste, et la série (2 tomes) desDemon Yäk1 est née assez vite. J'avais très envie dedessiner de la BD jeunesse : le rendu doit être trèscoloré, plutôt ludique, le dessin est spontané, frais,on recherche aussi la part d'enfance qui reste au fondde nous. Mais d'un autre côté, la BD jeunessereprésente pour moi un vrai challenge : être lisible pardes enfants tout en gardant une vraie exigencegraphique. Et le verdict des enfants est sans appel,s'ils n'aiment pas votre album, ils n'hésitent pas àvous le dire mais s'ils l'aiment, on sait que c'estsincère ». Une des clefs du succès rapide de cetancien étudiant en arts plastiques est peut-être là,dans la grande exigence qu'il impose à son travail :modeste, il se dit rarement satisfait de lui, voit avanttout ce qui manque dans ses planches et visetoujours plus haut. « À mon âge, si je commençais àêtre trop sûr de moi, il vaudrait mieux que j'arrête cemétier ! » Il aurait pourtant des raisons de sesatisfaire de ses quatre premiers albums : le duo qu'ilforme avec Tarek depuis deux ans est sans doute undes couples les plus prometteurs de la BDd'aujourd'hui. La série des Aventures d'Irial se tailled'ailleurs un beau succès en librairies – les premièreséditions ont été rapidement épuisées – et collectionneles prix2. Cette reconnaissance du public et desprofessionnels, loin de les blaser, donne aux deuxcompères l'envie d'aller plus loin et de varier lesgenres et les registres. « Tarek a des dizaines deprojets à me soumettre, notamment une série de BDadulte plus littéraire qui serait comme une fictiongraphique proche du roman, que je voudrais dessineren noir et blanc… mais pour l'instant, je suis très prispar le Koukri ».

Pour plus d'informations sur Aurélien Morinière :www.moriniere-bd.com

N.B. : Voir à ce propos l’exposition “Miyasaki-Moebius” jusqu’au 13 mars à la Monnaie de Paris,11 quai Conti, 75016 Paris.

L'Orme du Caucasepar Jirô Taniguchi et Ryuichiro UtsumiÉditions Casterman (12,75 euros)

Après le succèsmérité de son

remarquableQuartier lointain, le

dessinateur japonaisJirô Taniguchi nous

livre ici uneadaptation

remarquablementréalisée et dessinée

de huit nouvellesécrites par Ryuichiro Utsumi. Le premier récit est

assez proche de L'homme qui marche, autrefable contemplative du même Taniguchi, prônantle respect de la nature et du temps qui passe : il

raconte l'hésitation d'un couple de retraités àcouper un vieil arbre à la suite des plaintes des

voisins car, à l'automne, ses feuilles mortesengorgent les cours et les gouttières. Avec grâce

et délicatesse, Taniguchi développe aussi sesthèmes favoris (les relations familiales) en nous

parlant d'une petite fille confiée à ses grands-parents, d'un père qui se rend à l'exposition des

peintures de sa fille qu'il n'a pas vue depuis20 ans ou d'une vielle dame qui tombe

amoureuse sur un banc public. Chacune de cestranches de vie, qui n'ont pourtant rien

d'exceptionnel, souligne l'importance dudialogue entre les générations et le respect del'expérience des anciens. Enfin, la qualité de la

traduction et de l'adaptation des œuvres deTaniguchi par Frédéric Boilet, dessinateur

français qui vit au Japon, y est aussi pourbeaucoup dans le plaisir que nous avons à lireL'orme du Caucase : ouvrage tout en pudeur etsensibilité. Donc, voilà encore un manga subtil,

baignant dans une douce sagesse, qui peutservir de passerelle avec la BD franco-belge !

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Deux yeux pétillants au milieu d'unebarbe rousse, Aurélien Morinièrenous reçoit chez lui, dans un petit

village aux confins de la Creuse et de laHaute-Vienne. S'il goûte les longuespromenades dans les forêts avoisinantespour s'aérer l'esprit, il a pour plusieursmois la tête dans les steppes de l'AsieCentrale, entre Mongolie et Kazakhstan : ilprépare en effet sa seconde série de BDpour adultes, Le Koukri des véridiques, àparaître à l'été 2005 aux éditions Soleil.Plus qu'une BD de plus dans le genre“heroic fantasy”, le jeune dessinateur etson scénariste Tarek ont l'ambition d'offrirune véritable BD épique où le médiévalfantastique serait traité avec sérieux :« Nous ne voulions pas d'un énièmealbum avec seulement des dragons, desmagiciens, un héros tout en muscles etdes femmes aux poitrines opulentes ! ».Entre huit et douze heures par jour, lejeune homme (il n'a pas encore trenteans) tire la langue devant sa planche àdessin, crayonnant d'abord chaque case,avant d'encrer la planche et de l'envoyer àson éditeur. Ce dernier lui renvoie lesfichiers numériques qu'il colorie lui-mêmeà l'ordinateur. Cet album de 46 pagesreprésente environ un an de travail pour undessinateur “réaliste” comme Aurélien Morinièrequi ne peut guère s'accorder de fantaisie graphique.En effet, s'il maîtrise bien les bases de la BD quesont le dessin, la perspective et la morphologie(« un corps humain raté, ça ne pardonne pas, ça sevoit tout de suite ! »), la plus grande difficulté estd'“animer sa page”, de la rendre à la fois fluide à la

lecture et percutante. « Je cherche vraiment à fairepasser graphiquement un récit. En cela, je suisprobablement plus influencé par le cinéma que pard'autres dessinateurs de BD : plans fixes, contre-plongées, gros plans et même travelling : chaquecase est pensée comme une partie d'un film quedéroule le lecteur, avec cette spécificité de la BDqu'est l'ellipse : on ne montre pas tout. »

Aurélien MORINIÈRE

Fagin le juif par Will Eisner

Éditions Delcourt (12,95 euros)

Avec son habituelle originalité et intelligence, le doyen américain desdessinateurs de BD (il vient de s’éteindre à 87 ans) signe un nouvel

ouvrage fort réussi qui pose la question de la représentation des juifs dansla littérature. Doté d'un formidable éclectisme, Will Eisner n'a de cesse de faire évoluer son média et

prend ici l'exemple du roman Olivier Twist pour nous montrer l'antisémitisme qui peut résulter decertaines caricatures. Il s'agit, en l'occurrence, de celle de la canaille qui sévit dans cette œuvre majeure

de Charles Dickens. S'appuyant sur des recherches historiques approfondies, notre légende vivante du9e art a entrepris d'inventer la biographie complète de Fagin the Jew, personnage présenté comme un

stéréotype du juif de l'époque : voleur et professeur de vol, ayant fuit l'Europe Centrale pour se réfugieren Angleterre où la société lui semblait plus accueillante. En prenant un ton très militant mais sans

s'apitoyer sur son personnage et sans tomber dans la compassion, Eisner fait raconter son histoire, àDickens lui-même, par un Fagin vieillissant, afin que le romancier corrige le portrait peu flatteur qu'il a fait

de lui. Du coup, ce roman graphique et tragi-comique de 122 pages, réalisé au lavis, nous donne enviede lire (ou de re-lire) Olivier Twist, quoique la méconnaissance de l'ouvrage de référence ne soit

absolument pas gênante pour apprécier cette passionnante lecture.

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Blankets : manteau de neigepar Craig Thompson

Éditions Casterman (24,75 euros)

Énorme pavé de presque600 pages dans unformat proche du roman,cette BD retracel'enfance de CraigThompson dans unefamille ultra chrétiennedu Wisconsin :une véritable thérapiepour ce dessinateuraméricain qui avait déjàété remarqué avecChunky Rice (publié chezDelcourt) ; cette nouvelleauto-fiction est traduite

dans la collection « Écritures » qui se veut unasile pour des œuvres étrangères ambitieuses.Passant allégrement des terreurs de l'enfanceà la complexité des premières amoursadolescentes, l'auteur observe aussi, de façonperspicace, cette Amérique profonde, repliéesur elle-même, violente, raciste et intolérante.Face à l'autoritarisme de son père, auxbrimades qu'il subit régulièrement à l'école etaux sentiments de culpabilité qu'il peut avoirpar rapport au sexe, le jeune Craig se réfugiedans le dessin. Grâce à l'évolution d'uneaventure amoureuse, il finira par se libérer detoutes ses contraintes morales pour passer,enfin, à l'âge adulte. Le romantisme dessituations est mis en exergue par un dessinqui joue volontiers avec les cadrages et avecl'épaisseur du trait : surprenant !

CAMARÉROCréateur de la série de recueils de BDLes Papys Sinistres avec son comparseAlexis Horellou, Raphaël Camaréro estinstallé depuis deux ans en Limousinaprès des études aux Beaux-ar tsd'Angoulême. Son travail apparaîtcomme un prolongement de sespréoccupations personnelles : le dessinserait pour lui, et depuis son plus jeuneâge, à la fois une échappatoire face àun monde qu'il a du mal à appréhender,et un moyen pour décrire ce monde, del'englober dans une réalité qu'il créepour mieux la cerner.Influencé successivement par lesComics américains, l'univers oniriquede Moebius et la peinture surréaliste,ce jeune clermontois de 26 anspoursuit une recherche personnelleincarnée dans le personnage d'Atcha,héros en quête d'identité propulsédans un monde oscillant entre rêve etréalité. Parallèlement à cette démarchecréative, Raphaël Camaréro anime desateliers de dessins et de BD, réalisedes affiches et des logotypes et exposerégulièrement ses travaux à la galerieCirculation Res Reï à Limoges.

L'Autre laideur, l'autre foliepar Marc MalèsÉditions Humanoïdes associés (12,35 euros)

Certes, beaucoup de BD utilisent le cadre attirant de l'Amérique desannées 1930 ; mais peu se le sont aussi élégamment approprié quece beau roman graphique en noir blanc qui nous parle des différences et desvaleurs humaines. Jamais non plus, Marc Malès n'aura si bien montré l'étendue deson art graphique alors qu'il fut l'illustrateur de la saga mafieuse De silence et desang ou des biographies de Hammet et d'Hemingway. Comme le prouve sa

prolifique carrière, l'auteur est fasciné par cette époque ; ici, il nous dévoile un trait sensible,souple et cinématographique convenant parfaitement à ce genre d'histoires sombres etromanesques. La maîtrise des atmosphères et son jeu avec les compositions sont omniprésentsdans sa narration, exercice qu'il assume seul, comme à ses débuts. Dans L'autre laideur, l'autrefolie, une vieille dame souffrante, arpentant le quai d'une gare désaffectée, se souvient… 50 ansplus tôt, c'est dans ce même lieu qu'elle rencontra un homme à la laideur exceptionnelle, alorsqu'elle n'était qu'une jeune fille un peu folle parlant à son miroir comme s'il incarnait sa sœurjumelle. Ces deux êtres fragiles, opposés par leur plastique, vont se trouver des points communset arriveront à se libérer de leurs démons…

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dessin original deStéphane Bein pourMachine à feuillesa ut

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À 23 ans, ce jeune paloisd'origine s'est installé àLimoges en 2002 aprèsdes années de formationen ar t appliqué puis àl'école des Beaux-ar tsd'Angoulême. C'est dansla « capitale de la BD » qu'ilrencontre Raphaël Camaréro avec lequel il crée un fanzine :Les Papys sinistres. En deux ans, ils publient six numéros decette revue regroupant entre quatre et sept auteurs. C'estl'occasion de montrer avant tout des expérimentationsgraphiques, de nouvelles formes dans les styles les plusdivers possible. La démarche créative d'Alexis Horellou setrouve déjà dans ce fanzine : rechercher librement denouvelles formes graphiques en gardant une grande exigencede qualité. Car le graphisme prime souvent chez lui sur lescénario. Son projet est d'ailleurs de créer une maisond'édition, « La septième marche », qui publierait des recueilsde narration graphique dans lesquels la succession d'images,sans aucun texte, formerait justement cette trame narrative.Pratiquant avec un talent époustouflant aussi bien la peintureque le trait à l'encre de Chine, ce fan de Dave McKean(notamment Cages, éditions Delcourt, 1998) nous révèle unegénération montante de la BD, passionnée d'image soustoutes les formes (dessins, peinture, photographie, vidéo,graphisme, illustration…).

Conscient qu'il place parfois le médium de l'image avant lecontenu qu'il veut faire passer, il reconnaît avoir besoin d'unscénariste qui puisse entrer dans son univers graphique.En attendant, il réalise des affiches et des travaux d'info-graphiste, et vient de réaliser une partie du story-board (miseen scène d'une page de BD) de la dernière production deMichel Janvier, Le Docteur Monge à paraître au début de 2005aux éditions Glénat.

Alexis HORELLOU

Raphaël CAMARÉRO

Dessinateur dans une entreprise de communication publicitaire, Stéphane Beinpratiquait déjà la BD en parallèle, la fermeture de son entreprise a précipité sareconversion naturelle vers le métier d'auteur dessinateur de BD. La rondeur et laprécision du trait de cet admirateur de Tardi ne vous sont pas inconnues si vousappréciez les petits « strips » (série de trois cases) mettant en scène des animauxbavardant au comptoir de « Chez René ». Après le succès du premier tome d'AnnaSponge, il vient de publier le deuxième à compte d'auteur, Le Mystère descatacombes. Depuis qu'il exerce son activité à plein temps, ce trentenaire originairedu Bassin d'Arcachon fait feu de tout crayon : coloriste pour Michel Janvier et GillesLaplagne, il a écrit à la demande de la ville d'Aixe-sur-Vienne une histoire policière quiparaît dans le journal municipal. Sa plume fait merveille pour rendre l'esprit et la lignedes bâtiments limougeauds, qu'il dessine à main levée à partir de photographies. Enprojet pour Stéphane Bein : les trois derniers tomes d'Anna Sponge et la publicationen album de ses petits « strips ».

Stéphane BEIN

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MARILOÀ cheval entre la BD et le dessin de presse, Marilo a commencé par la BDdans les années 1980, en illustrant notamment les parutions du Cerclelimousin d'études occitanes (CLEO). C'est au CLEO qu'elle publie unpremier album artisanal en occitan : Las Zinzoinas de la Serp Chais-Tort.Sollicitée par l'éditeur Lucien-Souny, elle sort en 1984 un album surGuingouin et la Résistance en Limousin, Lo Gran. Alors pilier du fanzine« À l'aise », elle y teste déjà ses thèmes de prédilection : le dessind'humour et les histoires animalières. Elle aime raconter des histoires etsait, depuis toute petite, qu'elle est plus à l'aise pour dessiner que pourécrire. Mais le talent et les idées ne suffisent pas, dans un métier trustépar les hommes, Marilo a du mal à trouver un éditeur pour ses projets :« Dans les années 1980, pour une femme, il fallait faire du Brétécher,sinon on n'avait pas sa place ! ».

À la fin des années 1980, elle entre au Populaire du Centre en tant que dessinatrice de presse. Cette lectricede Pilote, Charlie, Spirou et du Journal de Tintin a l'esprit vif : elle se prend vite au jeu de cet exercice difficilequi consiste à exprimer une idée, à faire rire en une seule image et dans un délai très court. « On mecommuniquait l'article auquel devait correspondre mon dessin et je devais trouver “l'idée géniale” dansl'heure, puis la mettre au propre, voire en couleur en guèreplus de temps. J'ai fait cela pendant quinze ans, – j'avoueque c'était vraiment un travail passionnant. J'aimeessayer de m'exprimer (et si possible d'être drôle) enune seule case, une seule image. La chance que l'on adans la PQR (Presse Quotidienne Régionale NDLR), c'estqu'on a une relation plus directe et rapide avec leslecteurs qu'en BD. »

Remerciée au début de l'année 2004 par le quotidienrégional, il est bien possible que Marilo revienne àses premières amours, la BD. Un album decaricatures est en préparation.

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Le Sang des Valentinespar Christian de Metter et Catel

Éditions Casterman (13,50 euros)

Un couple vit retiré dansles Pyrénées. Depuis la

mort de leur enfant,la femme a sombrédans la dépression.La première guerre

mondiale éclate et lemari, alors quelque peu

délaissé par sonépouse, doit rejoindre le

front. Durant tout leconflit, dans les

tranchées, il lit et relitles lettres illustrées de dessins - les Valentines dutitre -, que lui adresse son épouse. Grâce à cette

longue correspondance qu'il entretient avec elle, iltrouve la force de survivre et de sortir de l'enfer

dans lequel il est plongé. L'armistice signé, ilretourne chez lui, quittant le camp dans lequel il

était prisonnier en Belgique. Il découvre alors qu'onlui a caché la mort de sa femme : mais qui lui aenvoyé ces lettres enflammées, si ce n'est-elle ?

Ce psychodrame tournant autour de secretsdestructeurs et de sentiments forts (seul l'amour,

même reposant sur le mensonge, engendre l'espoir)est mis en valeur par le graphisme expressionnistede Christian de Metter. Adepte de la couleur directeaux dominantes sombres, le dessinateur n'en offre

pas moins une belle lisibilité à son récit. Notons qu'ilest aidé, pour l'illustration des Valentines, par Catel(dessinatrice de la très recommandable série Luciedont le deuxième tome vient de paraître, également

chez Casterman). Cette dernière a égalementcontribué à la réflexion sur le scénario et a renforcé

le réalisme de la trame principale en introduisantune dimension poétique.

Fiction s'appuyant sur des élémentsautobiographiques, le premier volet du Combatordinaire fut à la fois remarqué par la critique et par legrand public. Manu Larcenet a ainsi prouvé qu'une BDpeut être sensible et intelligente tout en réussissant àtoucher les “non spécialistes”. Une suite était-ellecependant nécessaire? À la lecture de ce deuxièmetome, la réponse est évidente: c'est oui ! Jouant,sans prévenir, entre les situations cocasses duquotidien et les difficultés de la vie, Larcenet soulèvedes interrogations sur la condition humaine avec uneintense pudeur, ne jugeant jamais. Sa maîtrise desdialogues et l'évolution constante de son dessin nousfont même accepter la lecture de pages entières deréflexions sur lui-même: elles interviennent commedes pauses obligatoires et bienvenues. Marco vitdésormais avec sa copine et la présente à sesparents: c'est ainsi qu'il apprend que son père estatteint de la maladie d'Alzheimer. Cet événementfamilial intervient alors que Marco prépare uneexposition des photos qu'il a prises sur le chantiernaval où a travaillé son paternel. Il y revoit deshommes complètement perdus, brisés par desannées de travail : des gens ordinaires qui basculentdans des choix discutables… Faut-il vraiment lescondamner, au non d'une certaine éthique, ou faut-ilaccepter que chacun d'entre nous change, évolue et,quelques fois, regrette…?

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S O B R A LÀ32 ans, Patrick Sobral vit un véritable conte de

fée. Il faut dire que des anges aux yeux bridésveillent depuis longtemps sur son berceau.

Voici encore deux ans, ce jeune limougeaudd'origine portugaise était décorateur sur porcelainedans une usine de la région, quand les difficultésfinancières de l'entreprise l'amènent à accepter unlicenciement économique. Des projets de BD pleinses cartons à dessins, il démarche les maisonsd'édition. Après deux projets refusés et neuf moisseulement après avoir entamé ses démarches, ilsigne en septembre 2003 un contrat aux éditionsDelcourt pour une série intitulée Les Légendaires1.Deux tomes sont déjà parus, avec des tiragesambitieux de 15000 exemplaires, le troisième estprévu pour mars 2005, et Patrick Sobral est prêt àen faire une dizaine. La clef de succès fulgurant ?Son dessin, très inspiré des mangas japonais. « J'aitoujours été fan de mangas, enfant déjà j'achetaisdes mangas importés directement du Japon, je nelisais pas la langue, mais j'étais fasciné par legraphisme et le dynamisme des dessins. À côté, laBD franco-belge m'a toujours semblé figée, commeun roman-photo. » Fan de la BD manga Video Girl Aï 2,il a aussi grandi avec les comics américains mais ilsuffit d'ouvrir un album des Légendaires pour voirque ses influences sont vraiment du côté du manga.« C'est vrai que mon trait est proche du manga, j'aireproduit naturellement ce que j'aimais, mais jecrois que mes albums sont le produit de différentesinfluences : je fais de “l'heroic fantasy” pour enfantset adolescents, un mélange de Seigneur desanneaux et de Disney, avec des dessins mangas ! ».

Scénariste, dessinateur, coloriste, Patrick Sobraltravaille vite (cinq mois en moyenne pour boucler unalbum). « À raison de cinq à sept heures par jour, jecrois que je peux tenir le rythme de deux albums paran. J'adore vraiment construire ces histoires pourles enfants et les adolescents, je ne fais pas passerde messages, de choses personnelles, je cherchejuste à leur donner un bon divertissement. Depuisque j'ai signé chez Delcourt, je suis sur un petitnuage, j'ai l'impression que tout est presque tropbeau, trop facile ! ». Passer en quelques mois dustatut d'ouvrier porcelainier à celui d'auteurdessinateur de BD réserve en effet d'agréables

surprises : « j'étais habitué à une relation de travailouvrier/patron, je pensais que cela allait être pareilentre un éditeur et son auteur ! » En fait, il est choyépar son éditeur, véritable ange gardien qui leconseille pour apaiser un brin les mises enpages souvent trop nerveuses de ses planches.Il découvre aussi le monde des salons, desdédicaces, rencontre ses premiers fans et avouesa surprise : « je pensais que les enfants seconcentraient sur les dessins et survolaientl'histoire, en fait, ils sont très attentifs à l'intrigue,aux rapports entre les personnages. »

Au milieu de son conte de fée, Patrick Sobral faitdes rêves, celui de voir ses Légendaires adaptéesen dessins animés ou celui de publier un projetancien qui lui tient à cœur, un manga pour adultesintitulé Démons. En attendant les démons, ce sontplutôt les anges qui papillonnent autour de saplanche à dessin depuis qu'il a, en 2000, participéavec succès à un concours de nouvelles en BDorganisé par les éditions Tonkam. Le thème imposéaux participants : « les anges »…

Patrick

1 Les Légendaires, de Patrick Sobral, éditions Delcourt,deux tomes parus en 2004, 9,45 € chacun.2 Video Girl Aï, scénarios et dessins de Masakazu Katsura,15 volumes parus, éditions Tonkam.

Le Combat ordinaire T. 2 :Les Quantités négligeables

par Manu LarcenetÉditions Dargaud

(12,60 euros)

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auteursenLimousin

« Hebdomadaire Tintin, 1968. On vient juste deramener nos héros – échappés de la frontière del'enfer et fort mal en point – à l'hôpital. Là, à l'entréede la cage d'ascenseur, le rouquin Barney Jordan seretrouve en face de l'ignoble Sarakélian, le directeurdu bagne de Suong-Bay dont ils se sont évadés.Les portes se referment pudiquement sur une desplus belles raclées de la BD du vingtième siècle :voilà mon premier aperçu des aventures de BernardPrince (série publiée aux éditions Lombardentre 1971 et 1999), qui devint mon héros préféré.Un scénario de Greg et des images réalistes, fortes,vraies, d’Hermann, dessinateur belge né en 1938près de Liège, dont Polanski dira plus tard “devantun album d’Hermann, je pense souvent : ça, c'est ducinéma !”. Pour une revue de BD réalisée en unexemplaire avec mon frère, moi aussi je créais monhéros d'aventures au nez écrasé, au menton carré età la bouche lippue que je baptisais Morgan, et ce nesont que des années plus tard que je m'apercevraique Bernard Prince était publié sous ce patronymeen Allemagne !

Ancien décorateur d'intérieur au Canada, Hermannavait débuté dans l'hebdomadaire Spirou en 1963en illustrant des Belles histoires de l'Oncle Paul, ilémigra au journal Tintin en 1966, où, en plus deBernard Prince et d'Histoires vraies, il dessina aussiles deux premiers albums de la série historiqueJugurtha – qui me valut en cinquième une bonnenote en histoire, car j'étais le seul à connaître ce

Numide ! Et ce diable d’Hermann se mit en plus auwestern, en 1969, avec Comanche (quinze volumesparus aux éditions Lombard puis aux éditionsDargaud) et son héros, Red Dust. Toujours dans lespages de Tintin, j'avais découvert sa photo et sapassion pour le vélo. Puis notre dessinateur, dontj'étais devenu un fan, eut la vedette de Sphinxnuméro 7, un fanzine mi-ronéo mi-offset de 1973 etqui fut mon premier achat du genre. Le temps passaet Hermann inventa, en 1979, Jeremiah 1, lapremière série pour laquelle il est à la fois scénaristeet dessinateur, pour un nouvel hebdomadaireeuropéen nommé Super-As de ce côté du Rhin.Encore de l'aventure avec des héros aux trognestourmentées, mais aussi du fantastique !

Lorsque j'appris qu'il allait abandonner BernardPrince, je lui écrivis et il eut la gentillesse de merépondre avec un dessin dédicacé du blondaventurier. Il dessina ensuite les rêveries de“Nic” dans l'hebdomadaire Spirou puis débuta lapassionnante saga médiévale des Tours de Bois-Maury 2 en 1984. Loin de la presse BD moribonde,Hermann se consacra ensuite à des œuvres plussanguines ; des “one-shot” (albums uniques) dontSarajevo-Tango 3, Caatinga 4, Manhattan Beach1957 5… où il affirme ses opinions avec fougue,hargne, fiel mais aussi humour, par le biais d'undessin toujours en évolution.Aujourd'hui, en plus d'être une vedette de sérietélévisée aux États-Unis, Jeremiah continue sonbonhomme de chemin, à pied, à cheval ou en motoet Hermann poursuit le sien au travers de sesplanches et à vélo, sur les routes du pas si plat paysbruxellois ou du Limousin, à côté de Bellac, où il afixé voici quinze ans une table à dessin à usageestival. »

Marc-André

Pour tout savoir sur Hermann, son site Internet esttrès complet : www.hermannhuppen.com

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1 La série est toujours en cours, dernier tome paru : Jérémiah:Et si un jour, la terre…, par Hermann, éditions Dupuis,Tome 25, 2004.2 Dernier tome publié : Les Tours de Bois-Maury : Rodrigo,scénario d'Yves Huppen, dessin d'Hermann, éditions Glénat,Tome 12, 2001.

L'un des plus importantsauteur-dessinateur de BD de ces

cinquante dernières années, leBelge Hermann Huppen, vit

désormais une partie de l'annéedans sa maison de campagne

près de Bellac (87). Ceprestigieux auteur est donc

maintenant un peu Limousin !Il nous est présenté par un deses plus fervent admirateurs :

Marc-André Dumonteil.

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3 Sarajevo-Tango, par Hermann, éditions Dupuis, 1995.4 Caatinga, par Hermann, éditions Le Lombard, 1997.5 Manhattan Beach 1957, scénario d'Yves Huppen, dessind'Hermann, éditions Le Lombard, 2002.

Croquis (extraits dusite internetd’Hermann)préparatoires du tomen° 23 de Jérémiah :qui est Renard Bleu?éditions Dupuis,2002.

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Dessinateur, graphiste et historien dela Bande dessinée, le LimougeaudMarc-André Dumonteil (qui signe ses

dessins et articles Marc André) est unauthentique passionné de BD. Collaborateurde nombreux fanzines français, américainsou danois, pilier du fanzine limousin Àl'aise dans les années 1980, son activitéde graphiste-maquettiste indépendant l'aconduit à réaliser de nombreuses BDpublicitaires. Dessinateur au trait épurédans la tradition de l’“École de Marcinelle”né du journal Spirou, Marc André a égalementpublié trois albums, dont le dernier 1 a étéédité par l'ASPEL (Association pour lasauvegarde du patrimoine et de l'environ-nement en Limousin). Travailleur pointilleuxet sérieux, mais ne se prenant jamais au sérieux, Marc André explique volontiers que la plupart desmagazines ou des fanzines auxquels il collabore cessent de paraître dès qu'il y met les pieds ! Il enva ainsi du bimestriel Mustang qui en était à son 312e numéro lorsqu'il a commencé à y participer,et qui a baissé pavillon au numéro suivant ! Exception notable, le trimestriel Hop ! 2 auquel ilcollabore depuis quinze ans et dont il est le rédacteur en chef adjoint. Véritable encyclopédie vivantede la BD mondiale, Marc André tient d'ailleurs dans Hop ! la rubrique “nécrologie” et rendrégulièrement hommage à des auteurs ou des séries tombés dans l'oubli. Il nous a d'ailleurssignalé que le créateur de Barbarella, Jean-Claude Forest, possédait une maison en Creuse, prèsdu lac de Vassivière. Des indices sur cette résidence creusoise se trouveraient d'ailleurs dans ledernier album de Barbarella, Le Miroir aux tempêtes, dessiné par Daniel Billon et paru en 1982 auxéditions du Fromage.

Contact : Marc-André Dumonteil, 77, rue des cèdres, 87280 Limoges.e-mail : [email protected]

1 La Tour du diable: une légende du château de Lastours en Limousin,par Marc André, éditée par l'ASPEL, 1996.2 Hop!, Revue trimestrielle d'information et d'études sur la BD,103 numéros parus, 56, Boulevard Lintilhac, 15000 Aurillac.

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Marc-André DUMONTEIL

Julius Corentin Acquefacques T. 5 :La 2,333 e dimension

par Marc-Antoine Mathieu

Éditions Delcourt (12,50 euros)

Après neuf ans d'absence, revoici Julius CorentinAcquefacques, probable antihéros créé en 1990. Ce rêveur

impénitent nous revient avec une aventure onirique à mi-chemin entre la deuxième et la troisième dimension et à

mi-parcours entre l'univers de Kafka et celui de Borges. Marc-Antoine Mathieuintervient, comme d'habitude, sur le support même de son histoire qui devient, alors,

prétexte à une nouvelle exploration des différentes facettes techniques etmétaphysiques du 9e art. Son héros, passé derrière la ligne d'horizon en emportant

ce qui crée la perspective et le relief, se réveille dans un monde devenu plat !Scénographe reconnu, l'auteur est habitué aux différentes mises en espace desœuvres dessinées mais il multiplie ici les points de fuite et aborde une mise en

couleur devenue nécessaire à la vision en 3D de ce monde à la limite de l'absurde.C'est pourtant le superbe jeu avec le noir et blanc qui soutient l'évidente humanité du

récit, parsemé d'humour souvent sarcastique. Après avoir découpé des fenêtres et desspirales dans les précédents tomes, il nous projette, ici, dans l'espace infini de la

bande dessinée où tournoient les planètes de ses confrères. Grâce à un énormetravail sur ordinateur et avec l'aide de lunettes adaptées, il n'hésite pas à nous

plonger dans des pages en trois dimensions : histoire de nous rappeler, forthabilement, la diversité et la profondeur des propos tenus en BD.

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Anne Gaël Vautrin et Frédérique Avril interviennenttoutes deux pour la mise en couleur des albumsde Michel Janvier. Le hasard a conduit Anne

Gaël Vautrin à téléphoner à Michel Janvier alors quece dernier cherchait un peintre pour mettre en couleurla couverture de son album, le tome 6 de la sérieDocteur Monge qui doit paraître tout prochainement.Il s'agissait de traiter, dans une ambiance colorée etavec une texture propre à la peinture, les couleurssombres de la nuit, l'atmosphère dramatique d'unemaison qui brûle et d'évoquer les dangers que courentles personnages, Ninette et Docteur Monge. Unepremière assez excitante, pour cette ancienne élèvede l'École Estienne dont le rêve était de faire de la BD,mais que la vie orientait plutôt vers la peinture.« Michel Janvier connaissait mon travail, mes couleursassez vives, assez “flashantes”, mon goût pour lesrouges et les tons chauds. » Anne Gaël a travaillé àl'acrylique, sur un papier aquarelle épais avec dugrain, à un format supérieur à la mise en pagedéfinitive, avec à la fois l'assurance de son savoir-faire d'ar tiste et l'appréhension d'intervenirdirectement sur un objet unique, le dessin dequelqu'un d'autre. La couverture a été pensée commeun tableau ; elle doit avoir le même type d'impact,attirer le regard du lecteur, lui suggérer une émotion.

« Amener une couleur, c'est amener le lecteur à voiren trois dimensions », précise Frédérique Avril,complice de Michel Janvier depuis quelques albums.« C'est comme si, de l'environnement qui nousentoure, il ne subsistait que les lignes, et qu'avec lacouleur, on restituait le volume : la couleur rend la BDplus dynamique ; elle doit attirer l'attention du lecteursur certains détails de l'histoire, certaines situations.Elle doit être cohérente par rapport au récit, au trait. »Le mélange est assez subtil à vrai dire et Frédériqueavoue ne pas bien savoir de quoi il est fait. Elle nousdit manier le pinceau informatique de “Photoshop” àl'instinct, cependant : « les couleurs sont assez

symboliques, pour une ambiance calme on mettra duvert ou du bleu, pour plus de mouvement du rouge. »Les demandes de la part de l'auteur ou de l'éditeursont rarement très directives : plus ou moins deréalisme, de la diversité dans les couleurs, desindications d'ambiance. « L'auteur a envie d'être surpris,finalement, de voir ce que son dessin devient lorsqu'ill'abandonne dans d'autres mains. » Beaucoup d'auteursréalisent encore eux-mêmes la mise en couleur deleurs dessins mais elle est de plus en plus confiée àdes coloristes. Souvent ce sont pour des raisonsfinancières et éditoriales essentiellement. Les maisonsd'édition veulent sortir très vite les albums. Les délaissont raccourcis ; alors que le dessinateur n'a pasterminé, le coloriste peut déjà commencer le travail ;le temps gagné est précieux. De plus la perspectivedu travail en équipe est réjouissante : « on se posemutuellement des questions sur le dessin, sur lacouleur, sur ce que l'on veut dire, on retouche audernier moment… »

Frédérique est venue à la BD par la rencontre avecMichel Janvier et n'a pas de formation particulière decoloriste. Diplômée de l'ENAD de Limoges, elle s'estinstallée en Corrèze comme photographe-journalisteindépendante. Cette touche-à-tout, qui trouve motivantd'intervenir dans plusieurs domaines à la fois,reconnaît toutefois que son expérience de la photo etdu cadrage a été un atout. « J'ai un œil exercé àobserver la lumière et les couleurs. J'avais faitbeaucoup de photos de spectacles donc je n'ai pas eude problème pour imaginer l'éclairage des scènesdans Les Musicos1. »

Tombées, presque par hasard, dans le chaudronmagique de la BD, nos deux coloristes ont envie depoursuivre l'aventure de la couleur avec MichelJanvier, bien sûr, mais aussi de se laisser soumettred'autres projets et pourquoi pas de réaliser leurpropre album.

Monique Pauzat

1 Les Musicos, tome 1, scénario de Jenfèvre et Erroc, dessin deJanvier, couleur d'Avril, éditions Bamboo, 2004.

Hautes en couleurs...

Mariée par correspondancepar Mark KalesnikoÉditions Paquet (17 euros)

La nouvelle collection Ink (consacré aux romans graphiques) deséditions Paquet est inaugurée avec deux ouvrages du dessinateuraméricain (né en Colombie Britannique) Mark Kalesniko. Après s'être formépendant plusieurs années dans le cinéma d'animation (il a participé, entre

autres, au Roi lion des studios Disney), il s'est orienté vers une carrière de dessinateur indépendant.Son récit le plus ambitieux (Mariée par correspondance) raconte l'histoire d'un célibataire canadiende 39 ans, marchand de jouets et de bandes dessinées, qui a décidé de s'offrir une femmeCoréenne. Il la commande par correspondance dans une revue (spécialisée dans ce genre de mariagearrangé) et se prépare à l'accueillir à l'aéroport de la petite ville de Bandini. Entre le quadragénaireattardé et la jeune femme cultivée, curieuse de tout, le choc des cultures est inévitable ; entre eux, lefossé va inexorablement se creuser. Poussant ses personnages jusqu'à leurs derniersretranchements en les emmenant au-delà de leurs fantasmes et illusions, l'auteur dresse ici unportrait sans complaisance, à la fois cruel, drôle et pathétique du couple métissé alors que lanarration, remarquablement fluide, ne dédaigne pas non plus s'attarder sur des plages érotiques oupoétiques. Seul le graphisme quelquefois un peu trop rigide pourrait, peut-être, gêner cette lecturejubilatoire le long de ces 260 pages en noir et blanc.

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Yves CHAGNAUD

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Coloristes de BD réputés, Yves et son frèreJean-Jacques Chagnaud ont travaillé entre1975 et le début des années 1990 avec

les plus grands dessinateurs. Ce sont eux quiont réalisé les couleurs des plus grandes sériesde Giraud, Manara, Fred, Greg ou Ribera. Mais,si la couleur est aujourd'hui reconnue commeune partie artistique à part entière d'un album,les coloristes n'avaient pas, à leurs débuts,une grande reconnaissance de la part deséditeurs - leur nom n'apparaissait querarement sur les couvertures des albums parexemple.

C'est au début des années 1990 que lescoloristes professionnels prennent consciencedu tournant technique que prend leur métier :un jour ou l'autre, il leur faudra remiser leurspinceaux et se mettre à l'informatique. YvesChagnaud est alors un des premiers às'essayer à la couleur par informatique, quel'on croyait au début “froide et rigide”. Ils'initie au logiciel ”Adobe Photoshop” dès1993, et travaille sur la série Nomad 1,première BD française “échappant” à lacouleur traditionnelle. C'est désormais avecune palette graphique que le coloriste vatravailler. En 1995, il crée son entreprise,Image et couleur, et investit dans unéquipement informatique important,soutenu financièrement par celui qui vadevenir son client presque exclusif : lamultinationale Disney. Cette dernièretrouve dans cette petite entreprise unsavoir-faire artistique reconnu doubléd'une par faite maîtrise de l'outilinformatique et de la réalisation de maquettes. Trèsrapidement, Yves Chagnaud réalise une bonne partiedes produits dérivés imprimés de la multinationaleaux grandes oreilles : les BD du Roi Lion, dePocahontas, d'Aladin ou de Rox et Rouky sont misesen couleur chez lui. L'entreprise passe rapidement deune à cinq personnes et diversifie ses travaux deconception et de mise en couleur en réalisant desproduits pour la presse enfantine (le Journal deMickey, Bambi ou Winnie) ou des fascicules éducatifs(My First Magic english ou les Cahiers d'activités deséditions Fleurus).

Installée depuis quelques mois à Saint-Junien (87),Image et couleur travaille désormais à 90 % pour lesproduits dérivés imprimés de Disney, en lien directavec la société d'édition installée à Marne-la-Vallée.Dans le respect absolu des chartes graphiques etde couleur établies par Disney et son insolentrejeton Pixar, Yves Chagnaud ne se contente plus deréaliser les couleurs mais prend désormais encharge la réalisation presque complète de produitsdestinés au marché international : « Les managersde Disney nous font vraiment confiance sur les travauxqu'ils nous confient, se réjouit le néo-Saint-Juniaud,ils savent que l'on respecte scrupuleusement leurs

chartes graphiques et que l'onrend toujours des travaux très propres. Je me rendscompte aussi qu'avec le temps, nous avonsaccumulé une mémoire unique au monde d'archivesdes images de Disney. » Quand on lui demande s'ila des remords à travailler pour une grandemultinationale américaine après des années decollaboration directe avec des auteurs de BD, YvesChagnaud balaie rapidement ses éventuels étatsd'âme : « Vous savez, en France, les coloristes sontvraiment la troisième roue du luxueux carrosse de laBD, on commence les couleurs d'une série mais onn'est jamais sûr de la finir : je suis plus en sécuritéen travaillant pour Disney, d'autant que j'ai su peu àpeu gagner leur confiance ».

Image et couleur, Yves Chagnaud,16, rue Louis-Codet, 87200 Saint-Junien.Tél. : 0555 027022e-mail : imageetcouleur@ imageetcouleur.com

1 Nomad, Tome 1: Mémoire vive, scénario de Morvan,dessin de Savoia et Buchet, couleurs de Chagnaud,éditions Glénat, collection “Akira”, 1994.

Muchacho T. 1par Emmanuel Lepage

Éditions Dupuis (12,94 euros)

Après son remarqué Terresans mal (sur scénariod'Anne Sibran, dans la

même collectionAire Libre), Emmanuel

Lepage nous propose lapremière partie d'un

diptyque fort prometteur.En rendant hommage àses maîtres graphiques

(Pierre Joubert etRené Follet), il fait preuve

une nouvelle fois de son époustouflante virtuositédans le dessin et dans le traitement de la couleur.Au sommet de son art, il se risque ici à écrire un

scénario de haute volée qui nous plonge dansl'atmosphère moite et étouffante d'un Nicaragua

sous domination militaire. Après être parti plusieursmois en Amérique du Sud, ce dernier a pris le temps

de faire mûrir cette histoire bouleversante quiraconte le choc subi par un enfant de la hautesociété confronté aux gens “d'en bas” et à un

univers impitoyable dont il avait été préservé jusque-là.En s'identifiant fortement à son héros, l'auteur nous

fait partager les ambiguïtés de ce jeune peintreséminariste tourmenté par la foi, la chair et la

recherche picturale, alors qu'il doit retranscrire lapassion du Christ sur les murs de l'église locale.Exhorté à peindre les gens tels qu'ils sont par le

prêtre du village (« Il faut soulever la peau deschoses, vous comprenez? »), ce surdoué du dessinva tenter de comprendre et d'aimer cette humanité

complexe, généreuse et mouvementée, malgré larépression omniprésente de la Guardia civile et la

révolution qui gronde !

cette aventure créative. Le jeune scénariste adéjà réuni autour de lui une douzaine de jeunescréateurs qui se retrouvent chaque soir dansles locaux de la nouvelle friche industrielle àvocation culturelle “Mais… l'Usine” situés dansla rue de la Réforme à Limoges. Expositions etpublications sont prévues dès le printemps 2005alors que le numéro 0 du nouveau fanzine,L'Aquarium, est prévu pour le tout début del'année 2005. Plusieurs jeunes dessinateurssemblent, d'après Frédéric Tréglia, promis à belavenir, comme Guillaume Dorémus dans ledomaine de “l'heroic fantasy” ou Jenny Gray, quidessine des mangas.

Côté édition, Megalithes productions devrait publierquatre albums en 2005. Tout d'abord un livre decontes préhistoriques inventés par Jean Depelley àpartir des dessins et sculptures de Jean-MarieArnon : Totems : idoles oubliées de Xaintrie ; ensuiteun livre pour enfants de Sabine Faugère, Eugénie,une maman extra pas ordinaire, à paraître àl'automne ; enfin, le tome 2 d'Yzaak, sur un scénariode Frédéric Tréglia avec des dessins de LucilePouget.

La Beauté à domicilepar Jean-C. Denis

Éditions Dupuis (12,94 euros)

Le nouvel albumintimiste de Jean-

Claude Denis nouspropose l'envoûtantportrait d'une jeunefemme qui peut être

successivementange ou démon.

Quel secret cache-t-elle pour être aussi

changeante etdésarmante?

Différente desautres, cette jolie esthéticienne à domicile

séduit un musicien bohème qui ne peuts'empêcher de la suivre lorsqu'il la voit,

pour la première fois, marcher dans la rue.Or, depuis peu, cette fille indépendante et

joyeuse, qui semblait parfaite pour le jeunehomme, devient une étrangère dure et

froide. En la déposant à un de ses rendez-vous professionnels, il est même soulagé :

libéré de sa présence. Cette étrange histoired'amour qui s'effrite bizarrement est l'un

des multiples détours que prennent parfoisles relations entre un homme et une femme.

L'auteur tente, dans un premier temps,de nous faire comprendre ce qui a pu se

détraquer et l'on s'aperçoit alors que cettehistoire n'est pas si simple : l'album repose

sur une construction originale, en deuxparties, comme les deux faces de son

héroïne. Le trait caricatural, très ligne claire,semble un peu décalé par rapport au ton

sentimental et mélancolique ambiant maiscolle pourtant parfaitement aux

rebondissements qui parsèment les76 pages de ce bel album de la collectionAire libre. Même s'il se positionne un petit

cran en dessous de son très réussiQuelques mois à l'Amélie, il mérite

largement le détour !

EN LIMOUSIN

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1 Lo Gran : Guingouin 1940-44, par Boucheron,éditions Lucien-Souny, 1984.

2 Limougeauds : Le Gué d'Auguste, La Ville double etLa Cité rebelle, par Jourde, éditions Lucien-Souny,2004, 19 €.

À l'image de l'ensemble du secteur dulivre, l'édition BD connaît depuis deux

ans une période de forte concentrationqui place entre les mains d'une

vingtaine d'éditeurs les trois quarts des3 000 albums paraissant annuellement.

La plupart des grosses maisonsd'édition sont en région parisienne, à

l'exception notable de Glénat, qui amaintenu une grande partie de ses

activités à Grenoble (38).

En Limousin, l'édition de BD est marginale alors quele nombre d'auteurs n'est pas négligeable. Il n'y apas dans notre région d'éditeur professionnelspécialisé en BD, mais plusieurs albums paraissenttout de même chaque année, soit chez des éditeursde la région qui publient occasionnellement des BD,soit par le biais d'associations qui publientponctuellement des albums.

Ce sont les éditions Lucien-Souny qui ont lecatalogue de BD le plus fourni en Limousin, puisquesept albums sont parus à ce jour. Si Lucien Sounyse refuse à être catalogué comme éditeur de BD, il atout de même une certaine expérience en la matière.Il met en avant une motivation pédagogique pour lesdeux BD historiques qu'il a éditées à 20 ansd'intervalle : Lo Gran 1, album sur Georges Guingouinet Limougeauds 2, BD sur l'histoire de Limoges :le but est de faire connaître, notamment aux plusjeunes, l'histoire de notre région. Entre 1984et 1987, il publie cinq autres albums de BD d'assezbonne facture : c'est une époque faste pour la BD àLimoges, notamment grâce à la présence denombreux auteurs rassemblés autour du fanzineDommage. Un de ces albums mériterait vraimentd'être redécouvert (et pourquoi pas réédité) : MateoFalcone, de Clavaud et Duret, publié en 1986 ;l'histoire se déroule dans la Corse du XIXe siècleavec une trame policière sur fond de sens exacerbéde l'honneur et de la famille, le tout servi par undessin en noir et blanc de bonne qualité. Éditeuroccasionnel de BD, Lucien Souny prépare pour 2005un album sur les contes et légendes du Limousin,dessiné par Pascal Jourde.

L'auteur et illustrateur Gilles Laplagne a créé en1997 avec Frédéric Duplessy les éditions Espacecontre jour. Ils publient Les Carnets de l'étrange,dont quatre numéros sont sortis entre 1997et 1999. Plusieurs histoires complètes sont éditéesensemble, avec pour thème commun le fantastiqueet l'étrange.

Les libraires spécialisés BD de Limoges publientaussi ponctuellement des albums. “Mille bulles”espère sortir quatre ou cinq nouveautés en 2005alors que “BD Rêve” a effectué en 2004 un vraitravail d'édition pour sortir un album inédit de FranckLe Gall : Les aventures de Valry Bonpain : Aventuresen mi-bémol, tiré à 1000 exemplaires numérotés etsignés par l'auteur, vendus 35 €.L'éditeur de BD le plus ambitieux est probablementFrédéric Tréglia qui, encouragé par le succèsd'Univers Comics, son répertoire annuel de la cotedes Comics en français, a créé en octobre 2003 unemaison d'édition, Mégalithes productions, destinée àmettre en valeur et à publier des BD d'auteurs de larégion Limousin. Il a par ailleurs créé un “studiographique et plastique” ouvert à tous les auteurs,scénaristes et dessinateurs désirant participer à

L'ÉDITION DE BD

Lovecraftpar Enrique Breccia et Keith GiffenÉditions Soleil (19,50 euros)

Adaptation en BD, parl'auteur de comics KeithGiffen (Lobo, JusticeLeague of America,etc.), d'un scénario defilm écrit par HansRodionoff, cette faussebiographie de l'écrivainculte Howard PhilipLovecraft estremarquable.Les auteurs posent un

regard surréaliste et psychanalytique surl'enfance de ce maître de l'horreur, où se mêleson amour sans limites pour sa mère (quil'habillait comme une petite fille) et ses visionsd'un monde imaginaire et cauchemardesque.Nous découvrons la vie, pour la moins étrange,d'un Lovecraft reclus dans son propre monde dedémons et de mort, coincé entre la réalité, songénie et la folie. Cette BD a été réalisée en2003 pour le label Vertigo des éditions DCComics et diffère de la production habituelle quinous arrive des États-Unis ! Outre le traitementoriginal de la narration et l'habile mélanged'éléments réels et inventés (aussi effrayantsles uns que les autres), le dessin flamboyant etvirtuose de l'Argentin Enrique Breccia contribueà la réussite de cet ouvrage fort bien mis envaleur par le luxueux écrin de la collectionLatitudes. Son père, le légendaire AlbertoBreccia, l'un des maîtres du noir et blanc etchef de file de la BD argentine, avait déjàillustré avec talent les œuvres de Lovecraft(Les mythes de Cthulhu qui viennent d'êtreréédités chez Rackham) ; le fils a su suivreses traces, colorant et renouvelant songraphisme de façon remarquable !

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MàF : Comment voyez-vous l'édition actuelle dumanga?

Dominique Véret : Le manga est en ce début d'annéevictime de son succès, il est trop l'otage d'une culturede marché. Nous allons arriver à une situation decrise car trop de titres sans grand intérêt sontpubliés. Il se publie pourtant aussi de plus en plusde bons titres ayant de grandes qualités graphiqueset des scénarios impressionnants de maturité. Maisce n'est que la nouvelle tendance qui monte. Lescatalogues des éditeurs japonais sont tellementriches qu'il sera proposé aux lecteurs à l'échéancede cette crise des œuvres de plus en plus fortes.Un titre, pour jeune adulte, comme Coq de combat 3,propose une histoire très dure mais il a été reçucomme une gifle très violente par le lectorat habitueldu manga. Beaucoup de jeunes pensaient que lemanga avait pour rôle de perpétuer une nostalgie auxémissions de Dorothée. Mais il s'avère que cemédia a les capacités de les rendre plus adultes.La majorité de ces lecteurs lisent encore desmangas qui sont publiés au Japon pour des enfantset des ados (de 8 à 16/17 ans), alors que dans cepublic, garçons et filles ont maintenant entre 20 et30 ans. Le changement éditorial qui s'annonce vales obliger à s'ouvrir à ce qui intéresse les Japonaisde la même génération qu'eux.

MàF : Comment avez-vous vous choisi le Limousin?

Dominique Véret : Ma femme est d'origine chinoisepar son père et limousine par sa mère. Jeconnaissais donc cette région depuis une quinzained'années. Nous avions fondé, avant de venir nousinstaller ici, une maison d'édition, Tonkam,spécialisée dans le manga. Elle a eu beaucoup desuccès et a été leader pour tout ce qui se passaitdans le manga pendant toutes les années 90. Maisil y eut divergence dans l'entreprise car on voulaitpoursuivre une ligne éditoriale très exigeante.Comme c'était impossible, nous sommes partis.C'est dans ces circonstances que nous avons eu uncoup de cœur pour cette maison qui se trouve à côtéd'une pagode bouddhiste. Elle était un boncompromis pour notre couple et pour nos enfants,un Limousin encore fort d'une identité française eten même temps un espace asiatique. Je suis dunord mais j'ai été très sensible à la sensation d'unLimousin qui se refuse à disparaître. J'aime leLimousin et sa magie car j'ai beaucoup traîné auNépal. Le Limousin invisible, ses guérisseurs, sesostensions, ses pierres organisées et ses maçonsme font l'effet d'un monde prêt à rejaillir et à seressouder comme cela l'est toujours dansl'Himalaya. Un des mangas que j'ai d'abord adaptéet ensuite sévèrement supervisé, Tajikarao 1, raconteune histoire qui pourrait être limousine. C'estl'histoire d'un village et de ses habitants âgés qui neveulent pas mourir face à un monde moderne

complètement corrompu. La puissance des forcesproduites par les pratiques religieuses et animistesdes générations qui se sont succédées dans levillage finira par balayer l'adversité et les gens de laville. La capacité de résister à tout a besoin de laforce des croyances de nos ancêtres et de la nôtre.Le Japon bénéficie d'un avantage par rapport à lamajorité des autres pays, il se trouve sur la ceinturede feu du Pacifique. À n'importe quel moment, unegrande partie du territoire peut être détruite par untremblement de terre ou submergé par un Tsunami.Cette réalité a provoqué dans ce pays une culturequi sait transcender la mort, elle est omniprésentedans ses BD. La politesse et la capacité de vivreensemble de 120 millions de personnes sur unesurface équivalente au quart de la France a aussi dequoi nous donner des leçons. Le monde vient de seprendre une tragédie à la face avec le drame qu'aconnu l'Asie du Sud. La prise de conscience desdangers qui guettent maintenant l'humanité nouséveille à la sensation de notre possibilité de faireface à la mort de plus en plus souvent. Notre réveilà la nature et sa contemplation respectueuserisquent de faire partie à nouveau de notre éducation.Cohabiter ensemble et harmonieusement sur toutela surface de notre planète surpeuplée va êtreimpératif. Le Japon est largement en avance surnous pour faire face à toutes ces réalités.C'est peut-être pour cela que sa culture populaire,dont les mangas sont le meilleur ambassadeur,connaît depuis plus de dix ans un formidableengouement. Le Japon est condamné à rayonnerpendant une grande partie du 21e siècle, qu'on leveuille ou non. Le Limousin peut jouer un rôle enFrance par rapport à cette réalité. Limoges estmaintenant jumelée avec Seto et le passé de larégion a connu des périodes dont les croyances etles idéaux ont des points communs avec ceux desJaponais. La nature en Limousin a conservé uncaractère suffisamment fort et authentique pour séduireles Japonais et cette région a tout à gagner à valoriserses relations avec un pays qui va savoir transformerle retour au naturel en économie. Nous aimerionsvaloriser le manga en faisant venir des auteurs emblé-matiques de tous les changements en cours et déjàpubliés dans notre région, dans le cadre d'une manifes-tation régulière, à définir avec des personnes ayant àcœur de vivre une nouvelle aventure certainement.

1 Tajikarao, l'esprit de mon village de Jimpachi Mori et KanjiYoshikaï. 4 tomes. Delcourt Akata, 2003. (voir aussi larubrique “Feuilles lues”)2 Kei-ichi Suzuki, Flic à Tokyo, Delcourt/Akata, 5 tomes,2004. Collection Také (Collection Také = initiation de papierau masculin).3 Izo Hashimoto et Akio Tanaka, Coq de combat,Delcourt/Akata, 9 tomes, 2003. Collection Ginko (collectiongingko = La tradition sous l'écorce de la modernité).

ÊTRE UN MANGA LIMOUSIN »M

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Marie-Laure Guéraçague, pour Machine à feuilles:Comment est né l'engouement pour le manga, en France?

Dominique Véret : Pendant que les parents de lagénération 68 allaient à des concerts de rock, leursenfants restaient devant la télé pour regarder“Goldorak”. Ils sont devenus la première générationdu tout audiovisuel, des chaînes nationales aumonde d'images que véhicule Internet. Ils se sontformés de manière empirique et sans l'aide desadultes, à une grammaire de l'audiovisuel et à laculture qu'a véhiculée une multitude de dessinsanimés japonais. La production de dessins animésétant très coûteuse dans les années 70, il y a eupeu de créations françaises fortes pour perpétuernos valeurs, nos croyances, nos mythes. Lesproducteurs d'émission pour les jeunes sont doncallés acheter de l'animation au Japon pour un prixdérisoire. Cela sans jamais réfléchir au fait qu'ilsallaient éduquer des enfants à une autre culture.Les Japonais furent les premiers surpris de cetteexportation, leur culture n'étant pas basée sur leprosélytisme comme a pu l'être la nôtre.

MàF : Comment s'est faite l'évolution en France?

Dominique Véret : Cette “génération Goldorak”,comme on l'a parfois appelée, sensibilisée depuis lapetite enfance à la façon de raconter et àl'esthétique japonaises, s'est précipitée sur lespremiers mangas traduits à la fin des années 80.C'est sa demande qui a produit l'offre. Ces mangasfaisaient d'ailleurs partie de ceux qui ont un stylegraphique un peu caricatural, proches des dessinsanimés avec des personnages aux grands yeux quicorrespondent à ceux s'adressant aux enfants etadolescents au Japon. À la fin des années 90, lapremière vague de lecteurs ayant vieilli, elle acommencé à s'intéresser à des récits plus adultes.On peut maintenant publier d'autres stylesgraphiques et des histoires encore plus japonaises.Je pense que la raison d'être de cet engouementpour la bande dessinée japonaise est une quêteempirique d'un ressourcement culturel, unerecherche d'identité à travers celle de ce pays.Les extrêmes orientaux dont la pensée a été façonnéepar le shintoïsme, le taoïsme, le confucianisme, lebouddhisme et la modernité sont aussi attentifs aupositif qu'au négatif, au bien et au mal pour trouverleur propre voie, en général celle du milieu,l'équilibre. C'est tout le contraire de l'ambiancegénérale et médiatique actuelle dans notre société.L'approche de la vie qu'apporte aux jeunes français,les histoires contenues dans les mangas est dénuéede cette dictature mentale que représente mondialementun personnage comme George Bush en affirmantque le mal c'est ça et que lui connaît le bien. C'estplus qu'une révolution par rapport à leurs parents quicourbent la tête et n'arrivent plus à faire face aumachiavélisme ambiant.

MàF : Quels sont vos choix éditoriaux dans ledomaine manga “Akata” dont vous avez la chargechez Delcourt ?

Dominique Véret : Nous allons maintenant plus loinet traduisons des auteurs qui nous mettent encoreplus face à nos convictions culturelles, dans unmonde que nous dominons mais qui s'effrite.Le Japon est un pays industrialisé et organisé,comme le nôtre, mais il appartient historiquement àune autre sphère culturelle. Oser le faire connaître àtravers des choix éditoriaux nous apprend à réellementnous ouvrir aux autres cultures. À part dans certainsgroupes sociaux comme chez les artistes et les enfantsissus de l'immigration, nous sommes pour l'instantincapables de nous mettre réellement à la place del'autre pour le comprendre. Nous ne le connaissonsqu'à travers sa copie plus ou moins conforme et digéréede notre modèle. Le manga a commencé à briser destabous et des convictions et, chaque fois qu'unéditeur traitera avec succès d'un sujet qui surprend,il sera suivi par d'autres. Notre culture de marché seprépare à provoquer un Tsunami culturel en Occident.Chez Delcourt, notre catalogue manga, aussi bienpour les adolescents que pour les adultes, est fondésur des titres porteurs de sens ou d'initiations àcertains aspects de la culture japonaise. Ils parlentde situations proches de celles que connaît notresociété mais avec des points de vue d'auteursjaponais. Par exemple, pour les adolescents, nousavons publié Flic à Tokyo 2. L'histoire est celle d'unjeune policier, ancien délinquant. Avec lui nousdécouvrons les failles, surtout humaines, de la policejaponaise et certaines formes nouvelles de délinquancedues aux nouvelles technologies. Avec cette courtesérie (8 volumes), nous nous identifions à un hérosqui est aussi critique vis-à-vis de l'état actuel de sonmétier qu'avec les voyous. Nous en avions marred'entendre toujours les jeunes parler vulgairement dela police et, comme elle en prend aussi légitimementpour son grade, nous avons pris plaisir à publier untitre que peuvent lire les flics et les voyous issus dela “génération Goldorak”. Ce titre a une utilité socialetout en n'étant pas dénué d'humour.Nous préparons en ce moment avec un maître boulanger,meilleur ouvrier de France, la sortie d'une série dontle titre japonais est Yakitate japan. Il va supervisertoutes les parties où il est important de connaître lelangage de ce métier et écrira des articles qui setrouveront à la fin de chaque volume pour faire mieuxconnaître son métier. Ce manga connaît un très grandsuccès au Japon et il raconte l'histoire d'un jeune quitravaille avec passion pour réaliser son rêve : devenirun très bon boulanger pour créer ce qui sera le vraipain japonais. Nous allons utiliser cette série pourvaloriser un métier manuel et la bonne bouffe auprèsdes jeunes. Avec des choix pertinents de mangas onpeut agir là où une multitude d'intervenants sociaux,éducatifs et politiques actuels sont impuissants. Lemanga pour ados est une BD plus sociale que la nôtre.

« TAJIKARAO 1 POURRAIT ÊTRE UN MANGA LIMOUSINEntretien avec Dominique Véret,directeur de la collection manga Delcourt/Akata

J'ai un petit faible pour Raymond Parent, je nedevrais peut-être pas le dire par égard pour lesautres auteurs mais tout de même, Bi Bop me faitbien rire. Raymond Parent pourrait être le frèrejumeau de Geluck, sauf que son héros est uncanard. Mon deuxième coup de cœur, c'est Jean-PaulEid avec Le Naufragé de Mémoria - Scaphandre 8aux éditions 400 coups. Après Ledroit dans Xoco auxéditions Vents d'Ouest, voilà enfin un autredessinateur qui ose des cadrages et des mises enpages audacieux, en mélangeant par exemple le noiret blanc et la bichromie dans une même page.

En jetant un œil rapide dans les rayons qui composela section BD, j'ai constaté que les mangas prenaientune grande place. Je pose donc la question à Éric, unde mes collègues, qui m'explique le phénomènemanga au Québec : « Le Québec n'a pas échappé luinon plus au raz de marée Dragon Ball Z au milieu desannées 1990. Cela dit, les mangas ont toujours lacote, autant auprès du jeune public, que de l'ancienlectorat rendu plus mature. Il y en a maintenant pourtous les goûts, et les traductions se sont multipliéesà un point tel, qu'en librairie, on craint de voirimploser les tablettes

sous la masse de nouveautés. D'ailleurs, cetteprolifération de titres, de qualité variable, incite deplus en plus d'amateurs de BD disons, plustraditionnelles, à regarder du côté est-asiatique.Arrive alors Taniguchi et son prix reçu à Angoulêmepour Quartier Lointain. Du coup, tous les yeux setournent vers cette production qu'on disait violenteet misogyne. Pour plusieurs, c'est la révélation !Un nouveau langage narratif resté trop longtempscaché. Pour d'autres, c'est le sens de lecture"inversé" qui brime le plaisir et ne justifie pasl'effort. »« En chiffre, pour une librairie spécialisée BD,le manga représente presque le tiers des ventes,ce qui est très important et demande du coup uneconnaissance beaucoup plus approfondie du sujet. »

Et, aujourd'hui, alors que je boucle mon article pourMachine à feuilles, un de mes collègues me donnele rapport de Gilles Ratier pour Le Monde danslequel il annonce 3070 titres parus dans l'espacefrancophone en 2004.Au Québec, ce sont plutôt 30 albums qui sortent paran, en comptant les traductions américaines et ilfaut savoir que depuis 1995, la production est stable.

À noter : Lucky Luke : La belle province de Gerra etAchdé, c'est vendu à 75000 exemplaires à ce jourau Québec, ce qui constitue un record sachant quela population québécoise est de 7 millions d'habitants.De même Paul a un travail, c'est vendu à 16000exemplaires, sachant qu'un très gros tirage auQuébec est de 1000 à 1200 copies et que la plupartdes éditions tirent entre 300 et 500 exemplaires.Cela dit, il y a de plus en plus de collectionneurs deBD au Québec. Il n'est pas rare de voir sortir unclient avec toute la collection d'un auteur !

Merci à Éric Lacasse, Francis Hervieux, Michel Viau et à l’OFQJ

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Chute de vélopar ÉtienneDavodeauÉditions Dupuis(12,94 euros)

Pendant l'été, un couple et leurs enfants, aidésd'un oncle et d'un ami, retapent la maison de lagrand-mère avant de la mettre en vente. La vieilledame, hospitalisée, perd sérieusement la mémoiremais elle est autorisée à séjourner une dernièrefois dans sa demeure, pendant quelques jours,avec sa famille. De l'autre côté de la rue, un maçonet son arpette remettent en état une baraque ayantpris feu quelque temps auparavant. Pendant cetemps-là, les enfants se chamaillent et le plus petitapprend à faire du vélo… C'est à ce moment-là quela mamie disparaît ! L'ambiance, les personnages etles situations sont mis en place, la tragi-comédiepeut commencer ! En s'attachant à peindre, avecfraîcheur et naturel, les portraits de gens simples,Étienne Davodeau prend le quotidien à rebrousse-poil, lui donnant des allures d'enquêtes policières.Sans exagérer, avec sérénité et apaisement, il nousexplique certaines duretés de la vie et lacomplexité des rapports humains, tout en faisantressurgir des secrets bien enfouis dans lesmémoires. Rehaussé par des couleurs très douces,son trait léger et juste passe du réalisme à lacaricature aussi aisément que son récit bascule ducomique à la tristesse : une narration exemplaire !

DE VÉRONIQUE BRISSAUD

Montréal, décembre 2004

une petite anecdote sur le puritanisme local :

Scandale à la bibliothèque de Gatineau : le4 septembre 2001, à la demande d'une citoyennepersistante, l'Hôtel de ville de Hull (aujourd'huiGatineau) adoptait un règlement obligeant labibliothèque municipale à ranger les albums BD pour“lecteur averti” dans une pièce à part, accessible parles employés seulement. Une campagne deprotestation a été déclenchée. À la suite de cetteplainte, 180 livres ont été retirés des rayons. Voiciquelques exemples : “Torpédo, Pin up, Attila… monamour, Les Mères, Agrippine, Docteur Monge, LesInnommables, Mammouth et Piston, Largo Winch,Pervers Pépère, Lolo et Sucette, Liens de sang, Un étéindien, L'Étoile du désert, Rapaces, Jessica Blandy,Le Boche, Salade de plomb pour Miss Paméla…”.

Ce qui m'a frappé,en arrivant dans la

librairie dans laquelle je travaille, c'est d'ytrouver toutes nos bonnes BD Franco-belgo-suisse:Astérix, Tintin, Lucky Luke, Titeuf, Spirou, Lanfeust…

— « Mais… où sont donc les BD québécoises?— Là ! me répond Éric, un des deux libraires

spécialisés BD !— Quoi ! Juste ce petit coin !!?

Mais, ils sont où vos auteurs québécois???…— En France ! »

En effet, quelques auteurs québécois sont éditésen France. Il s'agit de François Miville-Deschênes,dessinateur de la série Millénaire aux éditionsHumanoïdes Associés, de François Lapierre,créateur de la série Sagah Nah aux éditions Soleil,de Thierry Labrosse, auteur de Moréa aux éditionsSoleil, de Voro, dessinateur de la série Tard dans lanuit aux éditions Vents d'Ouest et de Guy Delisle,dessinateur de la série Inspecteur Moroni auxéditions Dargaud, collection Poisson Pilote, mais,aussi de deux albums aux éditions l'Association.

Vous connaissez aussi, sûrement, Michel Rabagliatipublié aux éditions de La Pastèque, avec le premierde sa série Paul à la campagne, où, le tempsd'une fin de semaine au chalet de ses parents,

Paul se souvient desa jeunesse. À lireégalement : Paul enappartement (unetranche de vie àMontréal) et Paul aun travail d'été.Michel Rabagliatiest un peu le“Dupuy etBerbérian”québécois !

Ayant maintenant mes habitudes à la librairie,je pars avec une pile de livres sous le bras pourdécouvrir ce “nouveau monde” ! Je commence par laBD féminine. Je connais déjà une jeune auteure deBD franco-québécoise : Éva Rollin. Son premieralbum Mademoiselle, ou l'imparfaite célibataire auxéditions Marchand de Feuilles (ça ne vous rappellerien?), très apprécié par la critique, est encore unpeu trop français dans le texte pour certains etpeut-être plus assez pour d'autre. Mais, pour ce quiest du contenu, tout lemonde est d'accord “c'estl'fun” ! Cet album en noiret blanc (comme beaucoupd'albums BD ici) traite ducélibat féminin maiss'adapte aussi très bien,dans certaines situationspour les hommes. Les petits problèmes esthétiques(boutons, poils…) et les préparatifs avant unpremier rendez-vous, on a tous connu ça (garçon oufille), l'amour, la cigarette, la vie de tous les jours…

“Icitte”, au Québec, Éva Rollin est souvent comparéeà Claire Brétécher et à Gigi Perron. Pour ClaireBrétécher pas besoin de vous faire un dessin, parcontre, si je vous dis Gigi Perron vous me répondezquoi? Une autre histoire triste bien entendu ! et,Bande d'humains évidemment, aux éditions L'oie deCravan. Ces albums, en noir et blanc aussi, nousentraînent dans la vie de tous les jours ; l'humanité,l'amour, la guerre, l'être humain etc. Là aussi unpersonnage (sans case, sans bulle) dont lesréflexions font plus grincer les dents que rire.La BD féminine québécoise n'est pas passée àcôté de la période underground, Julie Doucet enest la preuve avec Ciboire de Crisse aux éditionsl'Association. Avec L'affaire Madame Paul, publiéeaux éditions L'oie de Cravan, Julie Doucet nouspropose un feuilleton BD en 40 épisodes avec uneintrigue, du suspense, des rebondissements,comme un feuilleton télé…

En résumé, je dirais que la BD féminine québécoiseest moins conventionnelle ou originale dans lestyle, le cadrage ou le scénario, mais beaucoupplus percutante que celle des hommes.

Passons à la BD masculine québécoise, moinsconnue en Europe parce que ce sont souvent desauto-éditions, ce qui n'enlève rien à leur talent.

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LE “JOURNAL”

Montréal, octobre 2004

Dessinatrice et coloriste de BD, VéroniqueBrissaud a quitté le Limousin pour passerquelques mois au Québec grâce au soutien del’Office franco-québecquois pour la jeunesse(OFQJ). Elle nous envoie son journal de Montréal,où elle travaille dans une librairie spécialisée enBD et en littérature pour la jeunesse.

Montréal, novembre 2004

dessin originald’Eva Rollin pourMachine à Feuilles

choix assorti d'un conseil infaillible, servi par desannées d'expérience professionnelle dans le secteur.« Nous avons toujours travaillé dans la BD : c'estd'abord par plaisir que nous faisons ce métier delibraires d'anciens. La BD est un art encore jeunecomparé à la littérature, mais elle a ceci de magiquequ'elle nous renvoie des images de notre propreenfance. Et puis la BD commence à avoir unehistoire aussi, pensez aux albums de La familleFenouillard, de Christophe et à ceux de Tardi, quisont déjà des classiques ».Tirages de tête, éditions numérotées, éditionsoriginales et même planches originales : lescollectionneurs ne manqueront pas de pousser laporte de leur librairie dans le vieux Brive mais ilspourront aussi les retrouver au Festival d'Angoulême,où ils ont un stand dans l'espace Marengo. Les prixne sont pas toujours élevés, il suffit de fouiller unpeu et on trouvera des albums anciens à partir de15 €. Pour les grands classiques, la demande esténorme et relayée par les

médias : les prix flambent, notamment pour leséditions originales des albums de Tintin : pour unexemplaire en bon état de Tintin au pays desSoviets, il faut ainsi compter entre 12000 et15000 €.Retrouvez la librairie Lemarié et son catalogue surwww.lemarie.correze.net

Michaël Kapstein, librairie Mille Bulles,6 bis, rue Lansecot, LimogesTrois ans après son ouverture, la librairie Mille bullesa trouvé sa place malgré la présence de la librairieBD “historique” de Limoges, BD Rêve. Il faut direque le marché florissant de la BD permet aux deuxlibraires de se maintenir, en attendant l'arrivée dela FNAC…Mille Bulles draine, d'après Michaël Kapstein, une

clientèle plus jeune que son concurrent.Âgé lui-même de 28 ans, il se sent plusproche des 15-30 ans qu'il conseillequand il ne prend pas avec eux un cafédans le débit de boisson qui fait face àsa boutique. Submergé par les 3000nouveautés qui sortent chaque année,il essaie tout de même de commanderà peu près tout, même s'il laissebeaucoup de petits éditeursindépendants sur la touche.« La clientèle aussi est débordée parcette surproduction, regrette le jeunelibraire : même les passionnés aisésqui dépensent près de 300 € parsemaine dans mon magasin doiventfaire des choix. » Passionné lui-mêmede BD franco-belge et de BDhistorique, Michaël Kapsteinconstate, à l'instar de son collègueThierry Felip, que les mangasprennent de plus en plus de placedans son magasin comme dans sonchiffre d'affaires.Des idées plein la tête, cet ancienétudiant en histoire diversifieactuellement ses activités. Déjàprésent sur plusieurs salons dansl'année, dans lesquels ilreprésente souvent les éditionsSoleil, le jeune libraire voit plusloin en projetant de monter en2005 une petite structure dediffusion permettantde commercialiser une dizaine detitres par an. « Je compte diffuser

SPÉCIALISÉES

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Le Photographe T. 2par Emmanuel Guibert et Didier LefèvreÉditions Dupuis (12,94 euros)

Fort justement récompensé par le PrixCanal BD, décerné par les librairesspécialisés, le premier tome de cette BDreportage mettait en scène le péripled'une équipe de Médecins sansFrontières et d'un photographe tentant derejoindre l'Afghanistan, en plein conflitentre les Moudjahidin et les Soviétiques :le mélange original de dessins encouleurs et de photos en noir et blanc(deux formes d'art se complétant, ici, àmerveille) a su séduire critiques et grand

public. Le deuxième volume, axé sur les conditions de travail deces hommes et de ces femmes qui tentent d'apporter réconfort etaide aux nombreuses victimes, nous replonge immédiatementdans l'univers Afghan. Le lecteur peu attentif pourrait croire à uneredite qui n'apporte rien de nouveau aux émotions que l'objectif etle crayon avaient déjà pu nous procurer dans le premier opus ;mais cette fugitive impression est très vite balayée dès que lesmédecins sont confrontés aux horreurs engendrées par la guerre :le dessinateur venant à la rescousse quand le photographe n'a paseu la force d'appuyer sur le déclencheur. De temps en temps, laphoto laisse aussi la place à une BD plus classique où lesprotagonistes expriment leurs sentiments, leurs peurs, leur détressemais aussi leur amour et leur admiration pour cette fascinantecivilisation. Ce témoignage inédit, dont un troisième et derniertome devrait relater le voyage du retour, est aussi bouleversantqu'enrichissant.

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Thierry Felip, librairie BD Rêve,19, rue du Temple, LimogesThierry Félip a commencé dans le métier de librairespécialisé BD comme on entre en religion : trèsjeune et avec une foi sans faille. Il est encore lycéenquand il vient donner un coup de main aupropriétaire de “BD Rêve”, la librairie spécialisée BDde Limoges, créée en 1980. Il y passe tous sesmercredis après-midi et ses samedis et finit par êtreembauché à plein-temps. À 19 ans, il est un desplus jeunes libraires de France. En 1984, le décèssoudain du propriétaire des lieux le pousse àprendre la relève. Vingt ans plus tard, il est toujourslà, toujours fan de BD, un peu plus regardant sur laqualité, mais toujours garant d'une offreincomparable dans la région. Bien sûr, les annéesl'ont rendu un rien blasé, mais il y voit désormaisassez clair dans la production : « Au bout de vingtans de métier, j'ai fini par classer les BD en troiscatégories : celles réalisées par des artistes, c'esttrès rare, celles réalisées par de bons artisans,c'est plus fréquent et celles qui sont bonnes à jeterà la poubelle, j'en reçois tous les jours, et j'en vendsaussi ». Dans la BD comme dans le reste del'édition, la tendance est à une production toujoursplus importante : avec 3 000 albums publiés par an,soit dix fois plus qu'il y a vingt ans, la durée de viede chaque livre s'est considérablement réduite, maisla charge de travail a considérablement augmenté !« Mon travail, résume Thierry Félip, c'est de proposerle plus grand choix de BD possible. C'est simple,j'ai toujours essayé d'avoir au moins un exemplairede tout ce qui sortait. Aujourd'hui, je présente 95 %de ce qui est publié, car je ne peux plus présentertoute la production des éditeurs indépendants.Comme beaucoup de libraires, j'ai un réel problèmede place. »En tant que libraire indépendant, Thierry Felip atoujours défendu la BD de qualité, celle faite par devrais artistes, comme Franquin ou Tardi. Il constate àprésent que les bons dessinateurs sont légion, maisque ce sont les scénaristes talentueux quimanquent, même si la veine actuelle de la BDautobiographique apporte une vraie fraîcheur avecdes auteurs comme Lewis Trondheim 1, ManuLarcenet 2 ou Craig Thomson 3, qui prennent la relèvede scénaristes de talent comme Alan Moore 4.En 20 ans, Thierry Felip a connu toutes les modes,toutes les tendances : « J'ai vu apparaître, exploser,puis se calmer des modes comme la passion dutirage de luxe ou celle des objets dérivés. Mais lavéritable révolution du marché de la BD de cesdernières années, c'est l'explosion du marché desmangas. Ce n'est pas un effet de mode, c'est unevraie tendance durable et qui s'accentue : les

mangas représentent à présent un tiers de monchiffre d'affaires. Il y a des mangas pour tous lesgoûts, tous les âges. C'est un phénomène quitraverse toutes les classes sociales, avec uneparticularité, les lecteurs de mangas sont desboulimiques chroniques : ils commencent à en lirevers l'âge de 12 ans et ne s'arrêtent plus, le mangales accompagne dans toutes les périodes de la vie.Au contraire, parmi les lecteurs traditionnels de BD,on voyait bien que les garçons, notamment, étaientde gros lecteurs jusqu'à l'adolescence, puis qu’ilscommençaient à s'intéresser à d'autres choses,avant de revenir à la BD (mais une BD différente)autour de 18 ou 20 ans ; avec les mangas, il n'y apas de rupture. »Retrouver la librairie BD rêve surwww.bdreve.com

M. et Mme Verdon, librairie Lemarié,14 bis rue Ernest-Breuil, 191 10 BriveSpécialisée en livres anciens, la librairie Lemarié estaussi la seule du Limousin à offrir un choixconséquent de BD anciennes. On y trouve desmilliers d'albums anciens, mais aussi des dizainesde revues parues tout au long du XXe siècle,notamment le mythique Journal de Mickey. Il fautdire que le propriétaire des lieux, Jean-Louis Verdon,est tombé dans la BD ancienne lorsqu'il était petit :« en vacances chez mes grands-parents, onm'envoyait souvent au grenier pour éviter que jegêne les grandes personnes affairées à la cuisine.En ouvrant les vieilles malles, je découvrais desalbums des Pieds Nickelés, de Zig et Puce, desexemplaires du Journal de Mickey des années 1920et 1930 ou de vieux Bécassine : j'étais fasciné parces BD du passé, je retrouvais aussi l'enfance demes parents et des mes grands-parents. J'ai donccommencé par lire de la BD ancienne avant mêmede lire celle qui m'était contemporaine ! »Jean-Louis Verdon et sa femme offrent donc un choixunique en Limousin de BD et de revues anciennes,

LIBRAIRIES SPÉCIALISÉESen bande dessinée

1 (Voir notamment) Les aventures extraordinaires de Lapinot, deLewis Trondheim, éditions Dargaud, collection Poisson pilote, 8tomes entre 2001 et 2004.2 Le Combat ordinaire, de Manu Larcenet, éditions Dargaud,2004, 2 tomes, 12,60 €.3 Blankets : Manteau de neige, de Craig Thompson, éditionsCasterman, collection Écritures, 2004, 24,75 €.4 (Voir notamment) V pour Vendetta, d'Alan Moore, dessins deDavid Loyd, éditions Delcourt, collection Contrebande, 3 tomesparus, 39,90 €.

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Les éditions Flblb (prononcer flebeleb) sontnées en 2001 dans la continuité de la revueFLBLB (créée en 1996) avec pour objectif depublier de jeunes auteurs expérimentant lerapport image-texte sous des formes

diverses : bande dessinée, roman-photo, dessind'humour, carnets de voyages, “flip-book”…Le catalogue compte à ce jour une trentaine de titresd'auteurs français et étrangers, parmi lesquelsNylso, Rémi Lucas, Matt Broersma, Otto T.,Grégory Jarry et Yann Fastier.

Depuis 2002, afin de faire découvrir les richesses dela petite édition et des métiers du livre en général,les éditions Flblb ont étendu leurs activités avec laLibrairie Galerie Le Feu Rouge et des rencontres etateliers auprès de publics divers.Dans un contexte où la production éditoriale engénéral subit les conséquences de rachats desdifférentes maisons indépendantes par des grandsgroupes, la Librairie associative Le Feu Rougeprésente une sélection de petits éditeurs etd'éditeurs indépendants, qui connaissent depuis unedizaine d'années un regain de créativité etd'invention. L'objectif du Feu Rouge est de mettre enévidence le travail et la qualité de ces éditeurs etauteurs en général peu connus et peu diffusés, etdont la place dans les librairies traditionnelles estmarginale.

Si la plupart des livres présentés ont pour pointcommun l'utilisation conjointe du texte et de l'image,la librairie s'ouvre à différents modes d'expression(poésie, sciences humaines, littérature, CDautoproduits et vidéos).

La Galerie du Feu Rouge accueille de nombreusesexpositions (6 à 8 par an), proposant le plus souventà un artiste plasticien de répondre par une créationoriginale (installation, photos, sculptures…) au

travail d'un auteur. La galerie est également un lieude rencontres, conférences, projections (vidéo,projections Super 8 tous les deux mois) et débatsentre créateurs et public.Les éditions Flblb, comme la Librairie et la Galerie duFeu Rouge, sont gérées par une même associationqui regroupe salariés et bénévoles, auteurs, lecteurset éditeurs. Enfin, l'association organise égalementauprès de différents publics des ateliers d'écriturequi donnent chacun lieu à la publication d'un petitlivre. Ces différentes activités permettent àl'association de s'appuyer sur un réseau d'auteurs,d'éditeurs et d'associations particulièrement actif,et débordant les frontières. Le résultat, ce sont desprojets en cascade, rencontres, livres, expos etfestivals.

Hélène Richard

• Éditions FLBLB - Association LNCF1 rue Paul Verlaine86000 PoitiersTél. : 0549 [email protected]

• Librairie-Galerie Le Feu Rouge15 rue Descartes86000 PoitiersTél. : 0549 378533www.lefeurouge.com

Les éditions FLBLB& la librairie-galerie

LE FEU ROUGE à Poitiers

Rendez-vous avec les éditions Flblbau “Week-End Bande dessinée”

à l'Atelierà Royère-de-Vassivière (23)

les 14 et 15 mai 2005

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et distribuer, à partir d'unentrepôt, des titres épuisésdont j'aurais racheté les stocksauprès des éditeurs, et desalbums que je compte moi-mêmeéditer. Je crois qu'il y a un bonpotentiel d'auteurs dans la régionqui peut me permettre d'éditerquatre ou cinq titres dansl'année. » À partir d'un fichier de300 points de vente comprenantdes librairies spécialisées et desgrandes surfaces culturelles,Michaël Kapstein compte mettre(ou remettre) dans le circuit devente des ouvrages très différents,certains très grand publiccomme un album de BD sur leshoroscopes, Horos Comics(par Janvier, Rodrigue etMorchoisne), et d'autres plusspécialisés comme lesouvrages de Stéphane Beinou d'Alexis Horellou.

Librairie jeunesse Rêv' en Pages,16, rue Othon-Péconnet, LimogesSpécialisée dans les livres jeunesse, la librairieRêv' en Pages propose un rayon BD qui s'adresse auxenfants scolarisés en école primaire et qui entamentdonc leur (longue) vie de lecteur. Ils trouveront ainsiles petits albums de la collection “Ainsi va la vie”publiée aux éditions Calligram, toutes les BD deséditions Bayard, notamment Tom-Tom et Nana, lesturbulents rejetons des propriétaires du restaurant“À la bonne fourchette”, et les ouvrages des éditionsMango et Flammarion.

Michel Kluczkowski,vente par correspondance et sur les salons de BD.Installé à Limoges, Michel Kluczkowski est spécialisédans la BD d'occasion et les éditions originales.Présent chaque année sur une vingtaine de salons enFrance (Chambéry, Blois, Bassillac, Montluçon,Orléans…), il propose entre 2000 et 3000 BDd'occasion, qui sont en fait souvent des exemplairesneufs que les éditeurs ont cessé de commercialiser etdont il négocie l'achat auprès de grossistes.Michel Kluczkowski travaille aussi par correspondanceet peut effectuer des recherches pour sa clientèle.Contact : Michel Kluczkowski, 0677 187125.

Secrets T. 1 : L'Échardepar Marianne Duvivier et Frank GiroudÉditions Dupuis (12,94 euros)

C'est en se promenant dans le cimetière duPère-Lachaise, avec la dessinatrice MarianneDuvivier, que le scénariste du Décalogue acommencé à évoquer les secrets enfouis dans

les mémoires familiales. Il a eu ensuite la très bonne idée decréer une véritable collection, au sein du nouveau label“Empreinte(s)” des éditions Dupuis, afin d'y regrouper diversrécits axés sur ces silences ou ces mensonges de famille qui ontsubi les soubresauts de l'Histoire. L'écharde, la première de seshistoires en deux volumes, se passe à Paris pendant mai 68.Un mois plus tôt, deux sœurs, étudiantes à la capitale, sont envacances chez leurs parents dans les gorges de la Crouze.C'est alors que l'une d'elle découvre son père pendu dans sonatelier… Traumatisée par ce suicide incompréhensible, elle vamener son enquête, ouvrant les archives et obligeant les languesà se délier. Cela va raviver certains souvenirs douloureux d'uneépoque sombre de notre histoire, à Drancy, pendant l'été 1942.Pourtant, la première concernée, sa mère, semble ailleurs…Curieusement, elle va rendre visite, pour la première fois, à sesfilles dans leur appartement parisien alors que les événementset les troubles s'accélèrent, débordant le cadre universitaire…Les dessins tout en finesse, un peu comme ceux de FrançoisBourgeon, illuminent cette passionnante histoire dont lesdialogues sont parfaitement ciselés par l'orfèvre Frank Giroud.

Pour connaître la cote de vos BD anciennes, il existeune encyclopédie de référence dont la quinzièmeédition actualisée vient de sortir :

BDM : Les Trésors de la BD 2005-2006, catalogueencyclopédique, par Michel Berra, Michel Denni etPhilippe Mellot, éditions de l'Amateur, 2004, 48 €.

La plupart des points de vente delivres en Limousin proposent des BD,parmi les librairies traditionnelles,voici celles qui ont un rayon BDimportant :

Creuse :• Les Belles images,

20, rue Eugène-France, Guéret.

Corrèze :• Librairie Ventadour, Gilles Pégourier,

Place de la république, Ussel.• Espace culturel Les 3 épis,

9, avenue de Paris, Brive.• Librairie Trarieux,

Dominique Trarieux,100, avenue Victor-Hugo, Tulle.

• Librairie, Anastasia Fornaro,13, rue François-Monéger, Égletons.

Haute-Vienne :• Anecdotes,

19, rue du Consulat, Limoges.• Page et plume,

4, place de la Motte, Limoges.• Librairie Petit,

Place Denis-Dussoubs, Limoges.• Librairie Maison de la Presse,

Centre Saint-Martial, Limoges.

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Organisé par l'association “Ici même”, ce salonspécialisé semble avoir trouvé, pour sasixième édition en 2004, son rythme de

croisière : « nous nous limitons à quinze auteurs pourprendre le temps de bien s'occuper d'eux, nousvoulons que notre salon garde une taille humaine »explique Claude Ventejoux, propriétaire de la librairie-maison de la presse de Meyssac (Corrèze) etcheville ouvrière, avec Michel Joos, de l'associationorganisatrice de l'événement. Ce salon s'est affirméen quelques années comme le lieu de rendez-vousdes bédéphiles de la région et au-delà : « au début,nous avions surtout un public de lecteurs locaux etcorréziens ainsi que des touristes venus plus pour lafameuse pierre rouge de Collonges que pour la BD,explique le libraire bédéphile ; mais depuis deux ansles fans de BD viennent de plus en plus nombreux,et de plus en plus loin, les Limousins représentantdésormais moins du tiers des visiteurs. »

Pendant les deux jours que dure le salon, lesvisiteurs peuvent découvrir des planches originalesprêtées par les auteurs, acheter une bonne partiedes nouveautés des derniers mois et se fairedédicacer les BD par les auteurs présents.Les écoles et les collèges des alentours sontégalement sollicités pour participer à un concours deBD : les élèves doivent réaliser une histoire en une

planche ou deux à partir d'un thème imposé.L'an passé, plus de 100 planches ont été reçues,grâce aux efforts de l'illustrateur Christophe Caronet d'une enseignante de lettres, Sandrine Lacombe.Un prix récompensant un jeune auteur de BD (ayantpublié moins de quatre albums), le “Prix de la chaisedu Diable” est également remis pendant le Salon.Les projets ne manquent pas pour développer encorele Salon, comme des débats et des tables rondessur des sujets liés à la BD ou des rencontres avecles autres acteurs de la BD que sont les coloristes,les scénaristes ou les éditeurs.

Malgré un budget limité (10000 € par an), le salonde Collonges accueille chaque année des pointuresdu monde de la BD : « les auteurs sont très sollicitéstout au long de l'année, il y a des festivals de BDquasiment chaque semaine. Nous essayons de lesaccueillir le mieux possible pour qu'ils aient envie derevenir ». Et certains reviennent tous les ans,comme le Limougeaud Michel Janvier. L'an passé,l'invité d'honneur était Hermann, le père de Jeremiah(éditions Niffle) ou de la série Les Tours de BoisMaury (éditions Glénat). En 2005, c'est FlorenceMagnin, auteur entre autres de la série L'Autremonde et de L'Héritage d'Émilie, aux éditionsDargaud, qui sera à l'honneur. Les autres auteurspressentis pour cette édition qui se déroulera les9 et 10 juillet 2005 : Janvier, Stalner, Picard,Hausman, Cossu, Moréno, Franck P., Ledroit,Lambert, Meels et quelques autres.

Le Salon dela bande dessinée àCOLLONGES LA ROUGE

4 000 visiteurs en deux jours, plus de1 500 albums vendus : le principal salonde la BD en Limousin est sans doutecelui de Collonges la Rouge (19) quiréunit au début du mois de juillet unequinzaine d'auteurs de BD sous la Hallede Collonges. Un site idéal pour ungenre qui aime depuis longtemps fairerevivre l'époque médiévale dans desalbums de “médiéval fantastique”.

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Pour la cinquième année consécutive,la ville de Guéret organise du 9 au14 mai 2005 son festival du livre.

Sous l'appellation récurrente“Mai du Livre”, l'événement se

singularise par un choix thématiqueannuel. Le policier était ainsi à

l'honneur en 2001, la science-fiction en2002, l'aventure en 2003 et,

bicentenaire oblige, l'année 2004 étaitconsacrée à George Sand. Cette année,

c'est la BD qui est mise en avant.Pour les nostalgiques de la ligne claire,

pour les amateurs de fiction futuriste,les fervents d'esthétique zen,

les aventuriers de l'ailleurs,les découvreurs de l'intime etc. : c'est

toute la BD qui sera présente à Guéret.

Le programme de cette cinquième édition n'est pasencore définitif, mais nous en donnons ici lesgrandes lignes. Les rencontres-dédicaces avec lesauteurs seront naturellement au cœur de cettemanifestation et se dérouleront l'après-midi duvendredi 13 mai et toute la journée du samedi14 mai, dans la grande salle de l'Hôtel de Ville.Les auteurs, illustrateurs, scénaristes et coloristespressentis pour ce “Mai du livre” sont, à l'heure oùnous imprimons : Fabrice Angleraud, Jean-MarieArnon, Frédérique Avril, Edmond Baudoin, StéphaneBein, Gilles Cazaux, Cécile Chicault, Yann Fastier,Michel Janvier, Johanna, Pascal Jourde, Alexis

Horellou, Gilles Laplagne, Aurélien Morinière,Dominique Rousseau, Patrick Sobral et Thierry Souflard.Toute la ville sera mobilisée autour de ce thème trèspopulaire. Ainsi, le cinéma “Le Sénéchal”programmera pour l'occasion des films d'animationet des adaptations cinématographiques de BD.De nombreuses expositions seront présentées,notamment à la bibliothèque municipale, au cinéma,à la crèche municipale ou à l'Espace Fayolle. Enamont de la manifestation, des ateliers BD aurontlieu à l'espace Fayolle pendant les vacances dePâques et le Musée de Guéret proposera aux jeunesde la ville un atelier “Mangas”, ce genre étantparticulièrement prisé puisque 30 % environ des BDvendues aujourd'hui sont des mangas.

Le public scolaire sera également convié à participerau projet. Des rencontres avec les auteurs sontprévues dans de nombreuses écoles ainsi que dansles collèges et lycées des communes de laCommunauté de Communes du Pays de Guéret.Enfin, une conférence sur le thème “la BD et l'école”aura lieu le mercredi 11 mai à 18 heures à l'IUFMde Guéret.

Ateliers, lectures, rencontres, conférences viendrontencore s'ajouter à cette manifestation qui prometd'explorer tous les aspects du 9e art.

Pour tout renseignement :Agnès Denis, Bibliothèque municipale,Place du Conventionnel-Huguet, 23000 Guéret.Tél. : 055581 9208e-mail : [email protected]

Le “Mai du Livre” entièrementconsacré au 9e art…

GUÉRET FÊTE LA BD

Un festival Disque et BDchaque 11 novembre à Limoges

Les amateurs de disques et de BD ont rendez-vouschaque année au salon “Disques et BD” qui a lieule 11 novembre au Pavillon Buxerolles à Limoges.Organisé par l'Association des Collectionneurs deDisques du Centre (ACDC), ce salon, dont ce sera laquatorzième édition en 2005, est très prisé descollectionneurs de disques comme de BD, puisqu'ilattire en moyenne près de 1500 personnes sur uneseule journée. Il faut dire que les liens entre disqueet BD sont nombreux et, de Franck Margerin àMichel Janvier, les auteurs de BD sont souvent desfans de musique rock (et inversement). Unesoixantaine d'exposants y proposent des BD et desdisques neufs, d'occasion ou de collection. Cinq ousix auteurs dédicacent leurs albums à cetteoccasion.

Pour tout renseignement : M. Béranger, ACDC,10, rue Pillots, 18100 Vierzon. Tél. : 02 48753225

BDcibels : premier festival rock et BDà La Souterraine les 8 et 9 avril 2005.

L'association SBRA et l'Espace de l'Écluseorganisent à la Souterraine (23) le premier festival“Bdcibels”, deux journées pour les amateurs demusique rock et de BD. Franck Margerin sera l'invitéd'honneur de cet événement, il sera accompagné deJean- Marc Stalner, Hugues Labiano, Michel Janvier,Aurélien Morinière, Erroc, Henri Jeanfèvre, AlexisHorellou, Jean-Pierre Gibrat et Stéphane Bein quidédicaceront leurs albums. Côté musique, quatorzegroupes sont attendus dont Lofofora.

Pour tout renseignement : Espace de l'Écluse,1, avenue de la liberté, 23300 La Souterraine.

Tél. : 0555 634646.

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Conditions d’adhésion à ALCOL -Centre régional du livre en Limousin, incluant l’abonnement à Machine à feuilles (pour l’année civile en cours)

cc Premier collège : 46,00 €

(organismes et personnes relevant du droit privé : associations, éditeurs, libraires…).

cc Deuxième collège : 46,00 €

(collectivités territoriales et établissements publics au titre des bibliothèques, archives, musées, centresde documentation…).

cc Troisième collège : 15,00 €

(personnes physiques — adhérents individuels — qui ont des activités ou projets liés à la promotiondu livre, de la lecture et du patrimoine audiovisuel).

Nom : ................................................ Prénom :.............................................................Établissement : .............................................................................................................Adresse : ......................................................................................................................Code postal :..................................... Commune : .........................................................

Règlement à l’ordre d’ALCOL - 34, rue Gustave-Nadaud, 87000 Limoges.

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La bande dessinée a plusieurs appellations :BD en France, Manga au Japon, comics enAmérique… Les “comics strips” (petitesbandes de dessins avec bulles) qui

paraissaient dans les journaux, sont nés de larivalité entre deux empires de presse. Des stripsaméricains, parfois très anciens, ont toujours étépubliés dans nos quotidiens régionaux, les starsétant Le Fantôme du Bengale, Mandrake et Tarzan.Puis cette surenchère amena la création de pagesentières en couleur, publiées le dimanche endernière page du quotidien. Les premières créationsétaient comiques, d'où le terme de “comics”.L'engouement des lecteurs fut tel que certainsréclamèrent des recueils : ainsi sont apparus vers1932 les premiers “Comics Books”. Leur diffusionresta limitée jusqu'à l'apparition d'un Super-héros,Superman, en 1938. Cette BD fut longtemps rejetéepar tous les éditeurs jusqu'à l'audace de l'un d'eux :Détective Comics (D.C.). D'un coup, le “Comic Book”sortit de l'ombre et une multitude de “Super-héros”envahirent le marché naissant : Batman, Flash en1939, puis conjointement en 1940, Wonder Woman,la première Super Héroïne et le héros qui détrônaSuperman : Captain Marvel, enfin, en 1941, CaptainAmerica qui servit le combat de l'Amérique contre lenazisme.Dès leurs débuts, les comics ont envahi les revuespour la jeunesse française : Superman sous le nomde Yordi dans Aventures, Batman sous le nom duMasque Rouge dans Hurrah !. Les éditeurs del'époque traduisaient les textes, changeaient lescouleurs ou gommaient quelques parties du dessin(le S de Superman remplacé par un Y) pour adapterses bandes dessinées aux goûts du public européen.Durant la guerre, les revues publiées en zone libreétaient aussi souvent ornées de Strips ou d'extraitsde Comics Books américains. À la Libération, les“Super Héros” eurent le vent en poupe jusqu'à la loidu 19 juillet 1949 sur le contrôle des publicationspour la jeunesse qui visait principalement cespublications jugées trop violentes, ainsi que desbandes dessinées françaises qui s'en inspiraient,dont Fantax. Les reproches faits aux publicationsaméricaines n'étaient pas toujours infondés, maisdes titres comme Tarzan ne méritaient guèrel'interdiction qui en découla. Toutes furent bannies,sauf Mickey qui réduisit pourtant la voilure !Après un “no man's land” de cinq ans, les Éditionsdu Rempart lancèrent en petit format Le Fantôme duBengale et Mandrake, que la censure toléra. Lessuper-héros Marvel réapparurent avec Strange qui,lourdement retouché, parvint à passer le filtre de lacommission. Mais le risque était grand car la loi

stipule qu'unemaison interdite pardeux fois devrafermer. Strange eutvite un petit frère,Marvel, que lacommission jugeait“limite” ; l'éditeurdut l'arrêter aunuméro 13 !Et le studio del'éditeur effectuapourtant surchaque épisode

des dizaines de retouches !La déferlante “super-héros” ne tarit plus depuis cejour. Strange fut très vite collectionné par despassionnés qui, à la fin des années 1980, pouvaienttrouver une quarantaine de titres en kiosque.Superman et Batman avaient fait leur retour chezSagédition ; Artima Aredit publiait une multitude detitres refusés par d'autres. Le “BDM”1 , référencedes bouquinistes, fit très tôt mention de cetengouement, mais leur volonté encyclopédiqueorientée vers les albums cartonnés ne prit jamais lapeine de référencer les publications des années1990 et la cote des Strange, non remise à jour àchaque parution, s'éloigna des réalités du marché.C'est de ce constat qu'est né Univers Comics, lacote officielle des comics en français. En 1998,j'ai fait paraître, après un an et demi de recherches,l'Univers M qui prenait en compte l'intégralité despublications Marvel en France. Je reçus d'emblée denombreux encouragements et des demandes :les cotes et le répertoire des publications non-Marveln'existaient pas, il fallait l'inventer. Je fus rejointdans ma démarche par d'autres fans aux collectionsplus hétéroclites que la mienne et en 2000 naissaitla cote sous sa forme actuelle avec les éditions DCComics, Image et ses différents studios, les “oldies”comme les Éditions du Rempart. On poursuivit letravail avec Tarzan en 2001, les “Funny Animals”(Tom et Jerry, La Panthère Rose, parmi les pluscélèbres) en 2002, les éditions québécoisesHéritage en 2003 ; ce dernier numéro fut le premierà avoir une impression professionnelle, avec l'aidede la DRAC du Limousin. Désormais, le Répertoirecompte plus de 15000 fascicules répertoriés,accentue les cotations de jouets et produits dérivés.Dès le numéro de l'an 2000, nous avions créé unepartie rédactionnelle comportant des interviews etdes articles.

Univers Comics : la cote officielle des comics en français,le répertoire 2004, publication annuelle éditée parl'association Univers comics, tirage de 1250 exemplaires,2004, 8 €.

1 BDM : les trésors de la BD 2005-2006, catalogueencyclopédique, par Michel Berra, Michel Denni et PhilippeMellot, éditions de l'Amateur, 2004, 48 €.

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UNIVERS COMICSFrédéric Tréglia nous retrace

l'histoire des comics en France et la naissance de son répertoire

annuel Univers comics.

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Je commande les numéros de Machine à feuilles suivants :

c n° 12 - Histoire et mémoire en Limousin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

c n° 13 - Livre & art. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

c n° 14 - Littérature occitane en Limousin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

c n° 15 - Limousin traversé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

c n° 16 - Images d’hier, regards d’aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

c n° 17/18 - « Monsieur le conteur, vous parlez comme un livre ! ». . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

c n° 19 - Librairies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

c n° 20 - Lecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 4,50 = . . . . . . . €

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Certains numérosde Machine à feuillessont encore disponibles.Il vous est donc possible devous les procurer auprès d’ALCOL -CRL en Limousin au prix de 4,50 € l’exemplaire(franco de port).

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Livres, chez les éditeurs du Limousin

PULIM (Presses Universitaires de Limoges),39E, rue Camille Guérin, 87036 Limoges Cedex

• Les Cahiers du CRIDEAU n° 10- Loups et Droit,de Xavier Loubert-Davaine

« Le retour du loup sur le territoire français, au débutdes années 1990, a suscité de nombreuses réactionspassionnées. Emblème des problématiques liées àl’utilisation de la nature, le grand prédateur estégalement porteur d’une symbolique très forte dansnotre culture nationale. Les enjeux de l’agriculture, dela chasse et de la protection de la nature sont en effetexacerbés par le poids d’une histoire conflictuelle etatypique entre la société française et les loups.En essayant de comprendre les mécanismes quipartent du mythe, ou de la peur, pour arriver au Droit,l’auteur nous offre un prisme original qui permet demieux comprendre les difficultés actuelles etd’envisager plus sereinement les pistes à suivre pourune solution acceptable. »

16 x 24 cm, 188 p., ISBN 2-84287-301-7, 2004, 17 €.

• L’Autonomie des collectivités territoriales en Europe. Une source potentielle de conflits ?textes réunis par Hélène Pauliat

« Europe, État, collectivités territoriales,intercommunalités, autant de structures qui doiventdésormais travailler ensemble pour assurer l’efficacitéde l’action publique dans les meilleures conditions. Lenombre de collectivités, la multiplicité des niveaux dedécision, l’enchevêtrement des compétences ontcependant atteint ces dernières années une rarecomplexité. C’est dans ce contexte de recompositionterritoriale, de renouvellement des lieux de pouvoir, denouvelles légitimités, que l’association EUROPA achoisi de s’intéresser, pour son colloque annuel 2003à Limoges, à « l’autonomie des collectivitésterritoriales en Europe, source potentielle de conflits ?Cet ouvrage met l’accent sur les expériences dedifférents pays européens sur ces questions.La confrontation des expériences ne peut qu’êtresource d’innovations. »

16 x 24 cm, 354 p., ISBN 2-84287-329-7, 2004, 20 €.

• Le Triomphe de l’Espagne Catholique à la Fin du Moyen Âge,de Béatrice Leroy

« En 1492, une série de victoires et de décisionspolitiques a permis le triomphe du catholicisme enEspagne. Même si les musulmans gardaient encorequelque temps leur religion, et si les Juifs, contraints àla conversion ou à l’exil, pratiquaient parfois encoreleur religion en secret, l’église des Rois Catholiquesavait obtenu de ses souverains l’observance du seulchristianisme, sur les terres espagnoles, désormaisreconquises et réunifiées, du moins le croyait-on. Unenouvelle lecture de ces textes est nécessaire, poursuivre l’Espagne médiévale élaborer dans le sang etles larmes le triomphe de l’Espagne moderne. »

16 x 24 cm, 212 p., ISBN 2-84287-317-3, 2004, 15 €.

• Contribution à l’étude juridique de la norme locale d’urbanisme,de Vincent Lecoq

Du plan d’occupation des sols au plan locald’urbanisme, cet ouvrage étudie l’évolution des normeslocales d’urbanisme à l’aune de la décentralisation.Une contribution utile à un droit en pleine évolution,celui de l’urbanisme.

16 x 24 cm, 564 p., ISBN 2-84287-303-3, 2004, 30 €.

• La Nature dans tous ses états. Uranium, nucléaire et radioactivité en Limousin,de Philippe Brunet

« Le livre, à partir d’une enquête sociologique, s’attacheà comprendre l’évolution de la question environnementalede l’industrie de l’uranium en Limousin : de 1949 à1995, le CEA puis la COGEMA ont été les exploitantsde la zone minière la plus importante en France.Trois périodes sont ainsi mises en évidence : le tempsbéni de l’uranium, le temps disputé du nucléaire et letemps incertain de la radioactivité. »

16 x 24 cm, 378 p., ISBN 2-84287-319-X, 2004, 28 €.

• Temporalités N° 1. Dossier : Signes, traces et marques dela notoriété de l’époque médiévale à la fin du XIXe siècle

« Ce premier numéro deTemporalités marque lanaissance du Centre deRecherche Historique del’Université de Limoges-CERHILIM.Avec une périodicitéannuelle, Temporalitésveut favoriser et faciliterdes échanges avecd’autres chercheurs etd’autres équipesd’enseignantschercheurs intéressés par les thématiques abordées,inscrites dans les problématiques et lesquestionnements majeurs du CERHILIM. »

15 x 21 cm, 136 p., ISBN 2-84287-293-2, 2004, 15 €.

• Apprendre à douter.Questions de droit, Questions sur le droit.études offertes à Claude Lombois,textes réunis par Jean Pierre Marguenaud, Michel Massé,Nadine Poulet-Gibot Leclerc

« Premier Doyen de la Faculté de Droit et des Scienceséconomiques de Limoges, il est aussi l’un des toutpremiers à avoir attaché son nom au droit pénalinternational qui marque déjà si profondémentl’Histoire du Droit du XXIe siècle.Les maîtres de la nouvelle discipline dont il a favorisél’avènement, ses disciples et ses amis ont tenu à luitémoigner leur fidélité, leur reconnaissance et leuradmiration par un ouvrage où se mélangent les pointsde vue du Droit privé, du Droit public, de l’Histoire duDroit, mais aussi de la Gestion et de l’Économie, surdes questions de Droit et des questions sur le Droit. »

16 x 24 cm, 918 p., ISBN 2-84287-298-3, 2004, 75 €.

EN MACHINEFEUILLES REÇUES

faire peur à ceux qui le veulent bien, et enfin tous cesavions étonnants en forme de flèche, de mouche,d’hirondelle ou de libellule, avec leurs splendidesloopings et leurs vols planés! »

24 x 28 cm, 24 p., ISBN : 2-08165409-1, fac-similé de lapremière édition en 1933.

Les Amis de Robert-Margerit, Centre culturel Robert-Margerit, BP 16, 87170 Isle.

• Cahiers Robert Margerit n° VIIICette livraison annuelle des Cahiers Robert Margeritnous offre à la fois des études précises sur Margerit etun panorama assez large de la production littéraire desécrivains limousins de qualité. Millet, Clancier, Blanzat,Lavergne ou les frères Tharaud trouvent ainsi leurplace dans ces Cahiers. À noter : deux beauxhommages à des figures limousines décédéesrécemment : Amédée Carriat et Pierre Riboulet.

13,7 x 21,5 cm, 272 p., ISBN: 2-911843-10-X, 2004, 16 €.

Éditions Culture & Patrimoine en Limousin,6, rue François Chénieux, 87000 Limoges.

• Un printemps sur Millevaches en Limousin,de Patrick Fabre et Georges Chatain, préface deRichard Millet

« Millevaches au printemps. C’est à cette saison quePatrick Fabre a exploré et mis en images le plateau :

les landes, les forêts,les chaos rocheux, etles signes primitifs etmystiques dont l’ontbalisé des humainsacharnés àdomestiquer cetteterre dont tout porteà penser qu’elle nevoulait pas d’eux.

Mais à vrai dire, les photographies le montrent, celaaurait pu être aussi bien à l’été, l’automne ou l’hiver.Les bruns et les ocres des tourbières, les vertssombres des résineux, les jaunes des mousses et deslichens sur le gris des granits y composent despaysages en mineur, colorés discrètement par lesjonquilles au printemps et les bruyères à l’automne. »

25 x 25 cm, 158 p., ISBN : 2-911167-40-6, 2004, 39 €.

• Le Sanctuaire antique des Arènes de Tintignac,de Christophe Maniquet

« L’existence du site des arènes de Tintignac estconnue depuis le XVIIe siècle ; dès 1838, ProsperMérimée en fait mention dans ses Notes d’un voyageen Auvergne, bien avant les campagnes de fouilles duXIXe siècle. Cet ouvrage permet d’ores et déjà depercevoir l’étendue du site, le caractère exceptionnelde certaines architectures et la magnificence desédifices, surtout pour le temple en usage du 1er siècleavant notre ère jusqu’au IVe siècle. »

20 x 21 cm, 122 p., ISBN : 2-911167-38-4, 2004, 15 €.

• La belle Limousine. La vache en Limousin, un patrimoinehistorique et génétique.de Philippe Grandcoing et Raymond Julien

« La belle Limousine est avant tout un ouvrage àl’approche inédite sur l’une des races bovines les pluscélèbres au monde. Réunissant un historien et unbiologiste autour de cette belle Limousine, ce livrepropose des regards novateurs sur l’histoire d’un animaldepuis longtemps omniprésent dans le paysage régional.

À travers sa grande richesse iconographique, l’ouvragedresse le portrait culturel d’un animal devenu unpatrimoine essentiel de l’identité limousine. »

14 x 22 cm, 158 p., ISBN : 2-911167-39-2, 2004, 21 €.

Maïade éditions, La Nouaille, 19160 Lamazière-Basse.

• Bouligou et farcidure: le cahier d’une gourmande enLimousin,de Régine Rossi-Lagorce (avec la complicité de Marie-France Houdart)

Régine Rossi-Lagorce est restauratrice et reprendrégulièrement les recettes de ses aïeules en lesrenouvelant d’un coup de baguette créative. En françaiset en oc, ce joli Cahier, illustré par Barbara Paczula, esttout à la fois un livre de souvenirs, un cahier de cuisineet une étude des traditions culinaires de notre région.

17 x 22 cm, 158 p., ISBN : 2-9517987-6-8, 2004, 23,50 €.

• La Prairie sur le toit : Techniques de végétalisation des toitures en pente,de Thierry et Marie-France Houdart

« Mettre une prairie sur sa maison ne relève ni duconte ni du rêve, mais répond aujourd'hui au besoinurgent de protéger l'homme et sa planète : elle isoledu froid et du chaud, économise l'énergie, stocke lecarbone, purifie l'air, absorbe la pollution, réduit lesrisques d'inondation, protège du bruit… Après nousavoir fait découvrir la tradition et le renouveau destoitures-prairies en Europe, les deux auteurs, qui fontpousser l'herbe sur les toits depuis de nombreusesannées, nous expliquent leurs techniques »

22 x 24 cm, 132 p., ISBN : 2-9517987-1, 2004, 23,50 €.

Rougerie éditeur, 7, rue Échauguette, 87330 Mortemart

• Instants de plus suivi de En progrès d’ombre,de Joseph Rouffanche

Une poésie de la maturité pour deux visions d’unmême monde. Instants de plus renvoie l’homme à sacondition de mortel alors qu’En progrès d’ombre nouspousse vers l’espoir d’une nature sereine. (Voir aussi“Feuilles lues”)

14,3 x 22,5 cm, 78 p., ISBN : 2-85668-106-9, 2004, 13 €.

• Fragments du jour,de Marc Dugardin

Ce recueil, découpé en six parties, confirme le talentde Marc Dugardin, avec une poésie lyrique et sobre,une économie de mots laissant la place à l’essentiel,aux images et aux sensations : « poème alors/cetteplaie d’herbe noire/où l’insecte/crève entre leslignes/et ne laisse/personne/épeler/les cendres deson nom » (page 50).

14,3 x 22,5 cm, 86 p., ISBN: 2-85668-105-0, 2004, 13 €.

• La Chambre close,d’Olivier Deschizeaux

Si René et Olivier Rougerie ont, depuis plus d’un demi-siècle, fait foi de la fidélité envers leurs auteurs etréciproquement, ils gardent toujours une place dansleur catalogue pour accueillir de nouveaux auteurs.C’est le cas ici avec le jeune Olivier Deschizeaux, quinous délivre, avec ce recueil, un coup de fouet et defeu. Sa prose poétique est dense et sombre, le feu,la solitude, la certitude de la mort, la mélancolie auxaccès baudelairiens affleurent à chaque page: « La naturehumaine est un affreux malentendu, les montreurs d’ourspendent des fœtus aux fenêtres des nuits… » (page 52).

14,3 x 22,5 cm, ISBN : 2-85668-103-4, 2004, 11 €.

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• Henry, Robert et Bertrand de Jouvenel. Crise etmétamorphoses de l’État démocratique (1900-1935),sous la direction de Gilles Le Béguec et Christine Manigand

« Cet ouvrage, issu d’un colloque rassemblanthistoriens, politistes et juristes, renouvelle, à traversl’étude de trois personnalités marquantes de la IIIe

République, Henry, Robert et Bertrand de Jouvenel, lesaxes et thématiques de réflexion pour tous ceux quis’intéressent à l’étude de la période dans le domaineintellectuel comme dans le domaine politique. »

16 x 24 cm, 168 p., ISBN 2-84287-304-1, 2004, 20 €.

Éditions Le bruit des autres,42, rue Victor Thuillat, 87000 LimogesEn co-édition avec Cadex éditions.

• Carnets des solitudes,de René Pons

« Structurés par quatre dialogues quimettent en scène l'ombre de deuxécrivains célèbres, ces carnets,faits de fragments poétiques ouprosaïques, s'interrogent sur lasolitude de l'écrivain qui ne cessede s'adresser à sa propre absence, comme le dit l'undes personnages. »

14 x 21,5 cm, 188 p., ISBN 2-914461-46-1, 2004, 17 €.

Éditions Le bruit des autres, 42, rue Victor Thuillat, 87000 LimogesEn co-édition avec la Galerie L’Œil Écoute.

• Aixe-sur-Vienne, photographies,de Patrizia Di FioreÇa tombe un samedi,de Franck Villemaud

Aux vingt-quatre photographies de Patrizia Di Fiore,regard inattendu sur Aixe-sur-Vienne s’ajoute unpremier roman, celui de Franck Villemaud, invité luiaussi à parcourir la ville. Pour la jeune narratrice deÇa tombe un samedi, l’errance dans cette commune, àla veille de quitter ce monde, s’apparente à tout sauf àde l’oubli : « …et je ne marche plus je cours et j’aimetoujours la vie et ça fait de plus en plus mal ».

14 x 21 cm, 214 p., ISBN 2-914461-45-3, 2004, 15 €.

Éditions Le bruit des autres, 42, rue Victor Thuillat, 87000 Limoges.

• Six pieds sur terrede Daniel Soulier

En faisant revenir (à l’instar de certains contes denotre folklore limousin mais aussi du Faussaire deJean Blanzat) les morts parmi les vivants, DanielSoulier confronte une femme de ferme des environs deBellac, Marthe, à ses trois hommes : le père, mort auxtranchées, l’époux, fusillé en 1943, et le fils mort surla route par une triste nuit d’ivresse. La réunion defamille vire aux règlements de compte, avec l’humourque l’on connaissait déjà à l’auteur : noir mais sansêtre tout à fait féroce. À quand une mise en scène?

16 x 24 cm, 214 p., ISBN 2-914461-45-3, 2004, 10 €.

Édicions dau chamin de Sent jaume, Royer, 87380 Meuzac

• Teatre occitan, Tòme 1 et Tòme 2,de Antòni Debernart

« L’œuvre théâtrale occitane d’Antoine Dubernard(1920-1998) est unique en Limousin et sans doutepour l’ensemble des pays d’oc. On est rarement allé aussi

loin et avec une telle force, une telle noirceur, un esprità la fois désenchanté et compatissant dans le traitementde l’humaine tragédie que dans ses trois piècesmajeures. » Jan dau Melhau réunit ici huit pièces del’auteur qui n’ont pas été jouées. Chaque page en occitanest enrichie d’un lexique permettant aux non occitano-phones de se plonger dans ce théâtre puissant et noir.

14 x 22 cm, 613 p., les deux volumes, ISBN en cours,2004, 38 € les deux volumes.

Édicions dau chamin de Sent-Jaume, Royer, 87380 Meuzacen co-édition avec l’Institut d’études occitanes (IEO) du Limousin, 2, chemin de Couderche, 19510 Masseret.

• Étude sur la limite géographique de la langue d’oc et de la langue d’oïl (avec une carte),de Charles de Tourtoulon et Octavien Bringuier

La section limousine de l’IEO et les éditions du Chaminde Sent-Jaume ont la merveilleuse audace de publierun fac-similé d’un ouvrage paru en 1874, ouvragerésultant d’une mission partiellement remplie quiconsistait à déterminer très exactement la limite entrelangue d’oc et langue d’oïl, et ce, de la côte atlantiqueà la frontière des Alpes. Les deux philologues nepourront effectuer cette minutieuse enquête que sur400 km. L’ouvrage est passionnant, tout autant que laméthode défendue et attestée sur le terrain. Plusieursconclusions n’ont depuis pas été démenties, la plusimportante étant probablement que les deux languesne fusionnent pas, que l’on est toujours dans l’une oul’autre langue. La carte également reproduite est à lafois complète et très décorative.

16 x 24 cm, 64 p., 16 €.

Les Amis du père Castor, 87380 MeuzacÉditions Flammarion, Paris.

• Albums du Père Castor : Ribambelles,Images découpées de Nathalie Parain

« Les ribambelles, c’estpeut-être ce qu’il y a deplus amusant en fait dedécoupage. Cela pourraits’appeler aussi« découpage surprise » ouencore « pliagesdécoupés ». Voilàpourquoi: en découpantdans un rectangle depapier plié en deux lamoitié d’une figure symétrique, vous voyez apparaître lafigure entière quand vous dépliez votre découpage. C’estsouvent une surprise! Essayez, vous verrez! »

24 x 28 cm, 24 p., ISBN : 2-08165408-3, fac-similé de lapremière édition en 1933.

• Albums du Père Castor : Jeux de pliage,par Ferdinand Coeur

« C’est une grenouille, qui fait de vrais sauts, unehirondelle, qui virevolte, ce sont des moulins à vent, quitournent d’eux-mêmes quand on marche, des bateaux,qu’on peut lancer au fil de l’eau jusqu’à la mer, ungobelet, qui vous permet de boire à la fontaine, un“chapeau de gendarme” pour vous protéger contre lesardeurs du soleil, une boîte à chenille qu’on garde avecsoin pour en voir sortir un joli papillon, une poule avecses poussins, un cochon avec ses cochonnets, deséventails chinois et des lampions, une balle avec laquelleon peut jouer, un petit bec qui claque et fait le gourmand,un sac d’où l’on fait jaillir en soufflant un diablotin pour

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Livres, chez les éditeurs hors région

Éditions Picard, 82, rue Bonaparte, 75006 Paris.

• La Sculpture romane en Bas-Limousin,d'Évelyne Proust

« De nombreuses églisesromanes du Limousinméridional, les unesprestigieuses commel'abbatiale de Beaulieu-sur-Dordogne, les autres plusmodestes dans leur cadrede nature, conservent, soità leur portail, soit surquelque 500 chapiteaux, un décor sculptéremarquable. En écho aux grands chantiers de Moissacet de Toulouse, le Bas-Limousin a constitué une aireartistique à part entière, devenant elle-même sourced'influences perceptibles jusqu'en Périgord, en Haute-Auvergne et en Poitou. Vivantes scènes historiées oupittoresques représentations figurées, ces imagesillustrent la profondeur d'une réflexion théologique ouévoquent simplement les hommes du bassin de Briveet de ses abords au XIIe siècle. »

23 x 28 cm, 354 p., ISBN : 2-7084-0705-8, 2004, 80 €.

Éditions Krautgarten.

• Les Pendaisons de Tulle. Le 9 juin 1944. Tome 3,de Bruno Kartheuser

« Le tome 3 de la trétalogie “Walter, agent du SD àTulle” est entièrement consacré aux évènements de1944 : les pendaisons de Tulle, le 9 juin 1944,exécutées par la division blindée SS Das Reich sous laresponsabilité du général Bernhard Lammerding. Lesmois de janvier à juin sont présentés dans une vuepanoramique. On y retrouve l'administrationpréfectorale, les forces du Maintien de l'Ordre et laMilice, les troupes d'occupation, le service de sécuritéallemand SD, la Résistance. Le livre présente ledéroulement des évènements, analyse la logique desmilieux impliqués et démêle les fils qui font la tramede la tragédie de Tulle. La reconstitution démontreégalement l'implication des hauts niveaux decommandements de la Wehrmacht. »

16 x 24 cm, 550 p., ISBN : 2-87316-021-7, 2004, 40 €.

Presses universitaires du Septentrion, rue du Barreau, BP 199, 59654 Villeneuve d'Ascq cedex.

• L'Écrivain-reporter au cœur des années trente,de Myriam Boucharenc

« La tentation du reportage destiné à la grande presse n'aépargné presque aucun des écrivainsdes années trente: Carco, Cocteau,Cendrars, Soupault, Simenon, Kessel,Malraux et combien d'autres encore,se sont lancés, sous le patronage dela figure mythique d'Albert Londres,dans le genre incertain de l'enquête,pour le plus grand plaisir des lecteursdu Matin, de Paris-Soir ou de Voilà. »Myriam Boucharenc a pris, on le sent,beaucoup de plaisir à écrire cetouvrage qui se lit comme un roman.

Très documenté, l'ouvrage pose aussi une questioncentrale de l'histoire de la littérature, celle de la limiteentre livre et journal.

14 x 24 cm, 244 p., ISBN : 2-85939-842-2, 2004, 18 €.

Éditions Le Sablier, Quartier La Rencontre, 04400 Dauphin.

• Sur les Chapeaux de Pou,de Pascale Roux, Nathalie Vallée et Daniel Fadel

« Livre et chansons pour enfants. Dans les têtes de nosenfants il se promène. Il est partout, pourtant on ne levoit nulle part. Il se gratte, il démange ; s'endébarrasser relève de combats incessants. Alors autanten rire, en jouer, le chanter. Poésie et humour, parolesde chansons font la ronde autour du pou. Et l'enfant irala fleur au chapeau vers cette bataille à mener. »

26 x 22 cm, 28 p., ISBN : 2-84390-136-7, 2004, 25 €.

Maison de la Poésie d'Amay, Collection l'arbre à paroles,50, Grand-Route-BP 12, B 4540 Amay.

• Délogée du Monde,de Marie-Noëlle Agniau

Quatrième recueil de poésie de Marie-Noëlle Agniau,Délogée du monde est probablement le plus abouti.Épurée et sensible, l'écriture de la jeune poétesselaisse couler pour nous le lait maternel et le miel d'unamour partagé. Le recueil, découpé en cinq parties,distille de courts textes, dont on retiendra à coup sûrl'économie de mots et la pudique sensualité.

14 x 20 cm, 122 p., ISBN : 2-87406-297-9, 2004.

Parutions, chez les éditeurs du Limousin.

Lemouzi, revue régionaliste et félibréenne du Limousin,13 place Municipale, 19000 Tulle.

• Plateau de Millevaches : Les foires à moutons,l'architecture rurale vernaculaire, Étienne Baluze(1630-1718)- Le Sarrasin. N° 172,sous la direction de Gilles Le Béguec et Christine Manigand

« On peut faire remonter loin dans le temps l'origine desfoires, ces manifestations de plus ou moins grandeimportance se tenant à des dates fixes et en un mêmelieu, désignées aussi sous l'expression de “marchéspublics”. Vraisemblablement jusqu'à nos lointainsancêtres, quand ceux-ci abandonnèrent leurs pratiques dechasseurs pour se fixer sur un territoire et devenirpasteurs, laboureurs, artisans, […] C'est ainsi qu'au coursdes siècles les foires se forgeront une renommée… »

16 x 23 cm, 160 p., ISSN : 0024-0761, 2004, 15 €.

Friches - Cahiers de poésie verte, Le Gravier, 87500 Glandon.

• Spécial Prix Troubadours 2004 : D'un pays sous l'écorce,par Danielle Corre.

Le jury du Prix Troubadours récompense donc cerecueil de Danielle Corre, dont Georges-EmmanuelClancier dit dans sa préface qu'il « nous fait un donlumineux, celui d'une poésie vraie dans sa promessed'aube ». (Voir aussi la rubrique “Feuilles lues”).

14,5 x 21,5 cm, 52 p., ISSN : 0294-0914, 2004, 12 €.

• Friches : Cahiers de poésie verte n° 88.Pierre Perrin est l'invité du trimestre de cette livraison del'automne 2004. Sept auteurs sont par ailleurs présentés,on retiendra notamment les textes en prose de JeanpyerPoëls et la très amusante “façon de compte rendu”d'Alain Lacouchie sur les journées de poésie de Lodève.

14,5 x 21,5 cm, 72 p., ISSN : 0294-0914, 2004, 7 €.

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CRDP Limousin / Scéren,39 F, rue Camille-Guérin, 87000 Limoges.

• Georges Sand : La femme libre, de François Tacot

« 1804-2004 : La France se souvient, enfin, queGeorge Sand appartient à son Panthéon littéraire.Le bicentenaire de la naissance de l'illustre auteurepermet à travers expositions, colloques, et autrespublications de célébrer une femme écrivain que le20e siècle a trop souvent réduite aux romans ditschampêtres. George Sand, une auteure à redécouvrir…Romancière, dramaturge, journaliste, militante desdroits de la femme, mère de famille, amie fidèle etdévouée, républicaine convaincue, épistolière infatigable(27 volumes de correspondance édités à ce jour). Lelivret d'accompagnement pédagogique permet la réali-sation d'activités interdisciplinaires autour de l'expositionde 15 panneaux qui retracent la vie littéraire, politique,amoureuse et maternelle de cette personnalité hors ducommun qui combattit, entre autres, pour l'émancipationdes femmes. Pour chaque rubrique des suggestions detravaux associant, par exemple, le français, l'histoire,la géographie et la recherche documentaire…Des idées de “sortie sandiennes” en Berry ou à Paris.Un ouvrage qui allie connaissances théoriques etactivités pédagogiques pour le collège et le lycée. »

22 x 30 cm, ISBN : 2-86684-033-2,2004, 33 €.

Société des sciences naturelles, archéologiques ethistoriques de la Creuse, 24, avenue de la Sénatorerie,23000 Guéret.

• Mémoires, tome 49La livraison annuelle de la société savante creusoisefait comme à son habitude une grande place auxcommunications historiques et archéologiques. Unesomme annuelle exemplaire et indispensable auxCreusois comme aux nombreux amoureux de laCreuse. Le lecteur curieux trouve toujours dans cesmémoires, que la mise en page renouvelée rend pluslisible, des informations passionnantes et surprenantes.Pour ma part, je me suis plongé avec délice dansl’article de Daniel Dayen sur « L’imprimerie de PierreLeroux à Boussac entre 1844 et 1849. »

16 x 24,5 cm, 356p., ISBN : 2-903681-31-6, 2004, 22 €.

Éditions Lucien Souny, Le Puy Fraud, 87260 Saint-Paul.

• Églises de la Haute-Vienne,d’Alain Mingaud

« Notre monde va trop vite. Il ne prend plus le tempsd’écouter les paroles des pierres, d’être attentif ausacré, de déchiffrer l’énigme des symboles que nous ontlégués nos ancêtres. Seuls quelques vrais amateurs,touristes exigeants ou autochtones passionnés,s’attardent encore. C’est à eux que ce livre s’adresse.Il nous raconte en plus de 900 photographiesexceptionnelles l’histoire de toutes les églises de laHaute-Vienne et celle des chapelles les plusremarquables. Fruit d’un long travail, il a demandé à sonauteur trente années de patience en quête d’un rayon delumière ou d’une ombre portée pour fixer la beauté d’unportail limousin ou l’humilité silencieuse d’un chœur.Grandes églises gothiques de Limoges, imposanteabbatiale de Solignac, collégiales d’Eymoutiers, de Saint-Léonard ou du Dorat, contrastent ainsi avec les humblessanctuaires qui sont l’âme de la campagne limousine.Aucun monument grand ou petit n’a été oublié. »

20 x 21 cm, 300 p., ISBN : 2-84886-025-1, 2004, 49 €.

• Dictionnaire de noms de personnes : Limousin-Marche-Périgord, Racines occitanes,d’Yves Lavalade

« Dis-moi comment tu t’appelles, je te dirais qui tu es…Tel est le pari qu’a relevé Yves Lavalade en définissantle socle identitaire du Limousin, de la Marche et duPérigord pour composer ce Dictionnaire de noms depersonnes. Il fallait en effet un linguiste rigoureux etoccitanophone pour remonter à la source de nospatronymes et y analyser la marque du celte, du latinclassique et médiéval, des apports germaniques, del’occitan ancien et contemporain. »

16 x 24 cm, 454 p., ISBN : 2-84886-030-8, 2004, 24 €.

• Oradour : la politique et la justice,de Jean-Jacques Fouché

« Jean-Jacques Fouché, Chef de projet et directeur duCentre de la mémoire d’Oradour de 1994 à 2000, metici en évidence les différentes pièces du dossier pourmieux dresser la chronologie de l’errance politico-judiciaire depuis les réactions à la découverte du crimede guerre et les premières enquêtes jusqu’à la clôturede la procédure en Allemagne en 1995, en passant parle procès de Bordeaux de 1953. »

16 x 24 cm, 558 p., ISBN : 2-84886-026-X, 2004, 24 €.

• L’Affaire Guingouin : la véritable histoire du premier maquisard de France,de Michel Taubmann

Cette livraison est une nouvelle édition d’un ouvrageparu il y a dix ans mais qui n’a pas pris une ride etdresse une biographie passionnante du « maquisard deFrance », le colonel Guingouin, communiste atypique etpersonnage hors norme, tour à tour Compagnon de laLibération, emprisonné injustement dans les années1950 et finalement innocenté.

16 x 24 cm, 334 p., ISBN : 2-905262-73-7, 2004, 20 €.

• Petit lexique du symbolisme chrétien,de Michel Desforges

« Trop souvent méconnu (…),le symbolisme chrétienpermet à la fois de mieuxcerner la richesse de notrepatrimoine et d’entrevoir lelien entre l’humain et lecosmique. Fort de 750 entrées,ce petit lexique se veut uneinitiation très synthétique ausymbolisme des formes, desplantes, des animaux, descouleurs, des objets de culte,des nombres, des pierresprécieuses, etc… »(Voir aussi la rubrique “Feuilles lues”).

10,5 x 19,5 cm, 96 p., ISBN : 2-84886-031-6, 2004, 7 €.

• Jean Pic de la Mirandole,de Michel Desforges

« Pic de la Mirandole (1463-1464), l'affamé deconnaissances, selon le portrait que nous en a livré leXVIIIe siècle, est une figure clé de la pensée non passeulement italienne mais occidentale. Durant sa courtevie, riche en voyages et en rencontres, émaillée dequelques polémiques avec d'autres érudits et d'unprocès retentissant intenté par Innocent VIII, il sutconserver le constant soutien de Laurent de Médicis etvouer une grande part de sa fortune à l'acquisition demanuscrits… » (Voir aussi la rubrique “Feuilles lues”).

10,5 x 19,5 cm, 72 p., ISBN : 2-84886-029-4, 2004, 6 €.

EN MACHINEFEUILLES REÇUES

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Tajikarao : l'esprit de mon village 3

de Jimpachi Môri et Kanji Yoshikaï,

Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur le manga,acceptez juste de lire un livre à l'envers (on s'y perd àpeine les dix premières pages) et vous ne leregretterez pas. Vous irez à la rencontre des villageoisdu hameau de Yamagami, dans une zonemontagneuse du sud du Japon, vivant à la manièreancestrale, cultivant les rizières en terrasse, prélevantdans les bois cerfs et sangliers. Le pays est joli, maisles jeunes ne trouvent pas de travail et partentgagner leur vie (et aussi un peu la perdre) en ville. Levillage ne compte plus que quelques vieillards, unprêtre shintô et sa (charmante) petite fille, Hinao. Est-ce la dernière génération avant la fin du village et deses traditions d'agriculture collective ? Nous sommesau plus profond du japon, mais également tout prèsde bien des villages de notre région !Un jeune du village a fait des dettes de jeux en ville,il vient se réfugier à Yamagami, mais les terrifiantsYakuzas (hommes de main) arrivent, pour recouvrer ladette et détruire le village.Derrière cette trame narrative assez classique, setisse une poésie d'une finesse toute orientale,mâtinée de réflexions politique, philosophique etethnologique. La ville a perdu ses repères et c'estdans les traditions villageoises qu'elle peut lesretrouver ; mais les villageois ne peuvent être sauvésque par un jeune étranger qui viendra réveiller etincarner leur dieu Tajikarao. C'est la lutte du collectifcontre l'individuel, du profond contre le superficiel,du bien contre le mal, mais avec la particularitéjaponaise que chaque personnage a en lui, dansl'enfant ou le mari qu'il a été, une part de bien etune part de mal. Ce qui semble manichéen aupremier abord(le village et lepassé idylliquecontre la ville etl'aveuglemodernité) seprécise, s'affinepeu à peu, pardes référencesreligieuses,poétiques ouethnologiquesqui trouvent leurplace dans lecœur même durécit.Finalement, ladanse, le sabre, le feu et l'eau se combinent pourdépartager les belligérants.Les dessins en noir et blanc sont saisissants,notamment les scènes de combat, les paysages duJapon traditionnel et l'expression des personnages ;la mise en page est somptueuse, quasi cinéma-tographique, avec un travail très poussé sur lescadrages, les points de vue, les gros plans ou lesdessins en pleine page.

Olivier Thuillas

3 série en 4 tomes, éditions Delcourt, collection Akata, 2002-2003.

Instants de plus 4

par Joseph Rouffanche.

Deux ensemblescomposent ce onzièmerecueil de JosephRouffanche qui sembleclore un cyclecommencé il y acinquante ans avecson premier livre,Le marteau lourd, chezSeghers. La clé de cesInstants de plus estpeut-être à chercher,curieusement, dans ladeuxième partie de cenouveau volume,

En progrès d'ombre : « Pour tant de bleu / à bouttouchant / instant de plus / en tout petit oiseau » ;c'est dire d'ores et déjà combien la tendresse dupoète sait encore se faire jour au cœur de ces versmélancoliques.Mais la surprise vient de la forme brève, unenouveauté, retenue en ces pages pour dresserl'inventaire des précieux éclats dérobés à la« boutique du souvenir », au temps qui passe(« L'été s'en va / barque sans batelier / enchantéede silence ») et qui sied à merveille au parcoursintime de Joseph Rouffanche. Successivement lucide (« Cruelle mémoire oublieuse/ à la fois cruelle et heureuse : / mémoire précisetuerait ») et nostalgique (« Je nous aimais marcheursdu soir / qui avancions parmi les lampes / dans lerepos ou le tumulte de nos cœurs »), l'auteur, poursecret qu'il sache demeurer, ne se montre pas moinssans fard : « on ne serait pas ange / mais égouttoird'évier : / essorant les détresses ». Ce bilan, donton regretterait tout de même qu'il fût définitif,appelle d'autres lectures : l'œuvre critique de JosephRouffanche mérite également que l'on s'y attarde(sur Jean Follain5, et sur un choix inédit etbienveillant de poètes du Limousin pour Friches 6)sans oublier les nombreux travaux qui ont coursactuellement sur la voix de celui auquel deuxcolloques universitaires viennent d'être consacrés etdont une société des amis de l'auteur naissanteconfirme l'importance, vingt ans tout juste après quele Prix Mallarmé lui ait été décerné.

Pierre Bacle

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4 Instants de plus, suivi de En progrès d'ombre,Rougerie, 2004, 13 €.5 Jean Follain et la Passion du Temps,par Joseph Rouffanche, 354 p., Rougerie, 2001, 33 €.6 12 poètes, 12 voix(es) : anthologie critique précédéede Une crise profonde par Joseph Rouffanche, 533 p.,supplément à Friches n° 58 / Cahiers de Poésie Verte,1996, 28 €.

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D'un pays sous l'écorce 1

par Danièle Corre

Pas de bandeau rouge pour ce Prix Troubadours2004, mais la couverture coutumière - bien quevolante pour l'occasion - des Cahiers de PoésieVerte…Placé sous le signe de la découverte, “défriché pournous” par un jury auquel nous devons déjà denombreuses et belles rencontres (comme le rappellejudicieusement le palmarès inclus dans un petitcahier joint à l'ouvrage), ce onzième recueil primé envingt années d'existence ne nous est pas moinsproposé sur le registre de la fidélité.En effet, Georges-Emmanuel Clancier, qui ouvre lerecueil, s'est déjà vu consacrer des travaux sur sapropre œuvre par la même Danièle Corre qui signecet ensemble, et l'ami Richard Rognet participepareillement à cette chaleureuse présentation. Unfrontispice original, par Sarah Wiame, perpétue quantà lui le dialogue artistique engagé depuis quelquetemps avec l'auteur. Cinq ouvrages d'artiste, troisrecueils avant celui-ci dont L'Arbre de mémoire publiéà l'enseigne de La Batarvelle, et qui lui a valu le PrixJean Follain en 1999, composent la bibliographie deDanièle Corre. Autant de livres que l'on devine« gagnés sur l'obscur », comme elle le souhaite ici,et vers lesquels on ne manquera pas de se tournerdès à présent, tant nous apparaît prometteur cepremier rendez-vous honoré en terre arédienne.Ce témoignage poétique venu d'un pays sensible,“sous l'écorce”, s'inscrit assurément dans« l'aventure universelle », pour reprendre l'expressionéclairante de Clancier, et l'idée d'un “troubadour” etd'impressions itinérantes cachées derrière les motssemble opportune (à moins qu'il ne s'agisse plusexactement, comme s'interroge avec humour AlainLacouchie, d'une “troubadouresse”?).Le voyage est intérieur (« de mue en mue, on ne sereconnaît plus ») et les paysages plus rêvés quevéritablement traversés (« rien n'a varié de ce quinous entoure »). Mais comment ne pas discerner, àtravers le dénombrement de détails que l'on croitinsignifiants, la permanence endeuillée d'objetsscrutés au plus près, à travers l'accélération dutemps également (« le jardin s'est rétréci au pied del'arbre/devenu cèdre en un été ») le fait que nousparticipons aux impossibles adieux d'un poète à sonenfance ? « Tu ne vois plus/la petite ombre/quisautait/derrière toi » regrette Danièle Corre. Car retrouver le regard de l'enfant dans celui del'adulte ne peut s'accomplir sans évoquer les dramesde l'existence, même sous le voile de la discrétion :« le temps a laissé ses ombres » comme il estsouligné dans la préface.

Cette littérature de la pudeur semble prendre sonorigine à la même « fêlure » qu'évoquait Fitzgeraldailleurs et autrefois, à ces « coups d'une autreespèce, qui viennent du dedans » et qui formentl'intelligence, « capable de se fixer sur deux idéescontradictoires sans pour autant perdre la possibilitéde fonctionner ». « Pouvoir comprendre que leschoses sont sans espoir et cependant être décidé àles changer » (Fitzgerald toujours 2), telle pourrait êtrela tâche à laquelle s'est assignée Danièle Corre dansune œuvre qui, pour être douloureuse et exigeante,n'en est pas moins, pour celui qui s'y plonge, lasource d'un durable enchantement.

Pierre Bacle

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1 D'un pays sous l'écorce, par Danièle CorreFriches, Cahiers de Poésie Verte, coll. Trobar, 2004, 12 €.

2 La Fêlure, par Francis Scott Fitzgerald, traduction de DominiqueAury, Gallimard, 1963.

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Petit lexique du symbolisme chrétien 9

de Michel Desforges

Lucien Souny sembleproposer, avec le Jean Pic dela Mirandole écrit par le mêmeauteur, une nouvellecollection : les mystères nesont pas toujours cachés, ilsuffit de mettre un érudit danssa poche ! Ce petit lexique,fort de 75O entrées, est uneinitiation synthétique ausymbolisme des formes, desplantes, des animaux, descouleurs, des nombres et desobjets qui ont tissé l'histoire

du christianisme dans ses différentes expressionscultuelles et artistiques. À notre prochaine visitedans un musée ou une église, notre regard serapeut-être plus habité. Voici trois exemples :

- « Cèdre : l'incorruptibilité (Cantique 1, 17) ;la béatitude céleste ; l'immortalité… »- « Noisetier : La constance (selon Hadewijchd'Anvers) ; le salut… »- « Vigne : le travail ; le recueillement ; Noé qui plantala vigne en sortant de l'arche ; l'Église ; la huitièmebéatitude. »

Marie-Laure Guéraçague

9 Petit lexique du symbolisme chrétien,de Michel Desforges, éditions Lucien-Souny, 2004, 7 €.

Jean Pic de la Mirandole 10

de Michel Desforges

Si l'on s'en tient àcertains succèséditoriaux“extraordinaires”comme L'Alchimiste,Harry Potter, ouDa Vinci code, lesoccidentaux, petits ougrands, sont enrecherche de récitsprimordiaux, depensées qui décryptentles mystères du mondeet en réparent son“désenchantement”.Les savoirsphilosophiques,scientifiques oupoétiques ne semblent pas suffisants. Ce petit livre(par sa taille) nous introduit à une figureemblématique de ces savoirs anciens, Pic de laMirandole, synonyme d'omniscience.Michel Desforges, avec une érudition qui n'a d'égaleque sa concision, nous brosse en 70 pages leparcours de ce “phénix des esprits” né en Italie en1463 et mort à 31 ans, dont la courte vie est une« prodigieuse synthèse intellectuelle de laRenaissance ». Le récit qui nous est donné formeune sorte de roman de cap et d'épée de laconnaissance : Pic de la Mirandole interroge, au plusprès des sources, les philosophes grecs et latins, lesthéologiens chrétiens passés ou contemporains, lespéripatéticiens arabes et les sages Kabbalistiques…Sa quête visait, dans Neuf cents conclusions à« repenser les origines du savoir occidental enétudiant sa transmission de siècle en siècle et depeuple en peuple » Aristote, Platon,St Thomas d'Aquin, Averroès, Avicenne, Savonaroledéfilent sous nos yeux ébahis. Sa dimensionpoétique apaise notre vertige : à son ami etprotecteur Laurent le Magnifique, il dira à proposd'un de ses poèmes « Ainsi dans tesvers, la gravité des philosophes est mêlée aux jeuxdes amants, de sorte que les uns y gagnent endignité et les autres en grâce et en douceur ».

Marie-Laure Guéraçague

10 Jean Pic de la Mirandole,de Michel Desforges, éditions Lucien-Souny, 2004, 6 €.

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Le Coffre du marin 7

par Loïc Josse et Maurice Pommier

Qui n'a jamais connu la lampe de poche sous lesdraps, les yeux rougis, les heures tardives et la têtepleine de ces voyages extraordinaires, chers à JulesVerne, peut bien passer sa route. Ou profiter del'opportune séance de rattrapage que nous ontconcocté Loïc Josse et Maurice Pommier avec celivre destiné à la jeunesse.Et si l'on ne sait pas grand-chose du premier, sinonqu'il a signé les textes, le second nous est un peuplus familier. Maurice Pommier, originaire desalentours de Bellac, est déjà l'auteur d'un très bel

ouvrage, L'Histoirevraie de Noé Martins,sous la forme d'unrécit illustré pourlequel on lui fit fête,lors de sa parution en1991. Ceux qui l'ontrencontré alors ne l'ontpas oublié, tout discretqu'il puisse êtrecomme le sontnaturellement lesvéritables artisans. Et

de suivre depuis ses (nombreuses) contributions aucatalogue des éditions Gallimard qu'il a fini parrejoindre, à Paris : des Drôles d'aventures pour lacollection du même nom (en Folio Junior) à desillustrations pour les écrits bibliques (en FolioBenjamin), c'est un nombre incalculable de petitessilhouettes qu'il a essaimé, car sa techniquegraphique repose sur un traitement du sujet en“ombre chinoise”.Avec l'évocation d'un coffre de marin (seule tracerestante d'un naufrage, celui du “Tadorne”, bateaude pêche parti de Boulogne vers les bancs d'Islandeen 1913) le “dessineux”, comme il aime à se définirlui-même, parcourt un univers qui lui est cher, qui estencore celui de son livre de chevet : Moby Dick.La richesse de ce travail documentaire (sur le petitéquipement, les vêtements et victuailles notamment,qui composaient le contenu de ce seul “chez soi” àbord) s'appuie sur de sérieuses (et fraternelles)recherches : Pierre Archenoux, le malheureux marin,a bel et bien existé, et rien ne nous prouve non plus,à bien y regarder, que la représentation du« plaisancier avec grand sac polochon », qui terminela série illustrée des bagages marins à travers lesépoques en page 3, ne soit pas celle du facétieuxMaurice Pommier lui-même !

Pierre Bacle

7 Le Coffre du marin,par Loïc Josse et Maurice Pommier. Gallimard,coll. Jeunesse, 2004; 14 €.

La Sagesse du jardinier 8

Gilles Clément

Le dernier livre de Gilles Clémentest un peu fou! Répondant àl'invitation d'un éditeur qui, dansune collection intitulée LaSagesse d'un métier, a déjàpublié les méditations dubibliothécaire, du médecin et dupotier, le jardinier creusoisréserve une bien divertissantelecture à ceux qui apprécient sa pensée et seront curieuxde l'accompagner dans une période où il œuvre à unecharte paysagère pour le pays de Vassivière… La Sagesse du jardinier fait référence à Vassivière. Né del'observation des franges intermédiaires, des zones defriches et des déprises agricoles autour du lac, le “Tierspaysage” est le “refuge de la biodiversité”, bref, unerichesse pour le Limousin ! À l'heure où certainsrenoncent à voir dans le Plateau de Millevaches unpossible modèle à Mille Plateaux, Gilles Clément vientdire à sa manière, élégante et généreuse, que les idéesles plus fertiles reposent peut-être dans les terreauxinexplorés. Le commissaire du Jardin planétaire, cette expositionavec laquelle la France inaugura à Paris les célébrationsde l'an 2000, rend un hommage également inspiré aubotaniste Lamarck dont il présente le “transformisme”(sic) comme un antidote efficace aux tentations“évolutionnistes” des partisans du ”libéralismeambiant” ! Car Gilles Clément a des stratégies d'insecte,de reptile : jardiner est sans doute un plaisir, un moyende subsistance, mais c'est aussi à l'évidence un leurre,une carapace pour avancer en terrain périlleux. Celui quidit avoir « longtemps refusé l'improbable mariage entrenature et politique » sait aussi se montrer incisif et,toujours au sujet du “Tiers paysage”, cite Siéyes et sonpamphlet de janvier 1789 : « Qu'est-ce que le tiers-état ?-Tout. -Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordrepolitique? -Rien. -Que demande-t-il ? -À devenir quelquechose ». Ceux-là également qui connaissent « l'hydreadministrative » se délecteront à la lecture de l'emploi dutemps du « concepteur », « humain parmi les humains »,qui « se partage entre les réunions : téléphoniques,informatiques ou physiques pour lesquelles il dresse àchaque fois un compte rendu qui dupliqué au nombredes participants vient grossir la masse des dossiersdont pas une feuille ne doit disparaître au cours des dixannées qui suivent… »Mais pour le lecteur, le plus grand plaisir est encore dechercher chez l'artiste le point où sa pensée opère unemutation. Gilles Clément nous avait enseigné qu'il fallait« faire le plus possible avec la nature et le moinspossible contre ». À présent, l'idée émerge que le mieuxserait peut-être de ne rien faire du tout. C'est là sansdoute un principe difficile. Le nirvana dit-on s'atteindrait ainsi : « vouloir ne pasvouloir ». Le principe est-il applicable à l'aménagementdes territoires ? On a atteint parfois le “rien” voire le“presque rien” par négligence. Le livre de Gilles Clémentsemble timidement demander s'il serait possible de lecultiver désormais par volonté.

Guy Tortosa

8 La Sagesse du jardinier,de Gilles Clément, Paris, éditions L'œil neuf, 2004, 12 €.

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Direction régionaledes affaires culturelles

Limousin

ANNIE LAVAL« Le scientifique et le romancier ne sont pas si loin l’un de l’autre »

ALCOL -CRL en Limousin est principalement financé par le ministère de la Cultureet de la Communication, Direction régionale des affaires culturelles du Limousin, et par le Conseil régional du Limousin.Il reçoit le soutien de la Direction régionale des services pénitentiaires,de la jeunesse et des sports, du ministère de l’Éducation nationale et desConseils généraux de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne.

Enseignante de sciencesphysiques à Limoges jusqu’en1990, Annie Laval est

aujourd’hui une retraitée des plusactives. Secrétaire del’“Association des donneurs devoix”, elle est la cheville ouvrièrede cette bibliothèque sonore, quioffre aux malvoyants et auxaveugles plus de 5000 ouvragesenregistrés (voir Machine à feuillesn° 20, p 36). « Je reçois lesdonneurs de voix, je conviens aveceux des livres à enregistrer, ilm’arrive même d’enregistrer deslivres moi-même, ceux quiconcernent les sciencesnotamment. »Fortement impliquée dans larestauration du village et enparticulier de la chapelle de Clédat(19), elle œuvre également pourdévelopper les actions culturellesde qualité dans ce village et yorganise chaque été un salon dulivre. Qu’est-ce qui a amené cettescientifique à donner une grandepartie de son temps libre à desactivités liées au livre et à lalecture? « Même en tant queprofesseur de sciences, j’aitoujours été une grande lectrice,nous confie-t-elle. Vous savez, jecrois que les sciences ont unedimension beaucoup plus largeque le domaine qui leur esthabituellement attribué. Ellestouchent à l’univers matériel, à lacompréhension de la nature. Lesscientifiques sont donc des gensattachés aux réalités, aux faits :mais je crois qu’ils veulent bienles connaître pour mieux lesdépasser. La démarchescientifique amène à réfléchir sur

l’humain en général : jepense qu’en cela, lescientifique et le romancierne sont pas si loin l’un del’autre. Ce qui faussel’image de la littérature,conclue-t-elle, c’est lafantaisie et la superficialitéqu’on trouve parfois dansles romans à la mode, où ilsuffit d’être un peu brillantet de parler pour ne riendire. En tant quescientifique, je ne puis me

satisfaire de livres superficiels. »Après ces dizaines d’années delecture quotidienne, elle restefascinée par la capacité d’un bonlivre à “l’emmener”, à tel pointqu’elle se retrouve souventsurprise par la fermeture de laBibliothèque francophonemultimédia alors qu’elle estplongée dans un ouvrage ! Sesgoûts de lectrice vont plutôt versles romans qui l’amènent àréfléchir sur elle-même et sur lemonde. « Je n’ai aucun goût, pourtous les petits romans à la modequi fourmillent de nos jours, oùl’auteur écrit, souvent assez mal,ce qui concerne son nombril !Même s’il y a bien sûr des auteursque j’apprécie et qui parlent dumonde en parlant d’eux-mêmes,comme Richard Millet parexemple. »

Deux ans après sa retraite, AnnieLaval décide de reprendre desétudes à l’Université, et se dirigevers l’histoire, qui lui permet decombiner réflexion et projets derecherche. Sa rencontre avecBernadette Barrière, dont elle suitavec assiduité les cours d’histoiremédiévale à l’Université deLimoges, la plonge pour longtempsdans la passion de la recherchehistorique. « J’ai suivi avecbonheur ses cours, nous dit-elle,car elle nous enseignait non pasl’histoire déjà faite mais lafabrication progressive de l’histoireà partir de l’observation, au niveaulocal, des lieux et des écritsanciens. C’est cette méthode quej’ai essayé d’appliquer à Clédat,dont l’histoire est passionnante

puisque toute la région deBonnefond était un important lieude passage entre le Plateau deMillevaches et la Basse-Corrèze.C’est ainsi qu’il y avait à Clédat unhospice pour les voyageurs, lespèlerins et les malades. »

Cette passionnée d’histoire resteune pédagogue, une femme qui aenvie de faire partager, de jouer cerôle de “passeuse” : « En 1998,nous avons créé l’“AssociationRenaissance des vieilles pierresentre Millevaches et Monédières”afin de redonner vie à ce village deClédat, abandonné depuis 1963aux ronces et aux herbes folles.Nous avons pu restaurer lachapelle en 2001, grâce à denombreux dons. » Au-delà de larestauration du bâti, l’associationmène des actions afin, nous ditAnnie Laval qui en est laprésidente, « d’apporter la cultureau plus près des gens quin’auraient autrement pasl’occasion de la recevoir. Nousvoulions que les gens du cantonde Bugeat se réapproprient Clédat,mais par un biais culturel qui éviteun folklore facile et des traditionsfrelatées qui n’ont plus rien devivant ». Théâtre, musique, fête dela rose et salon du livre annuel sesuccèdent désormais à Clédat,avec un vrai succès populairedoublé d’une exigence de qualitérevendiquée par Annie Laval :« Nous jonglons en permanenceentre des manifestationspopulaires susceptibles d’attirer leplus grand nombre, et un niveauculturel que l’on ne veut pas tropbas. Nous avons par exempleorganisé une exposition dematériel agricole ancien, maisnous l’avons assortie d’uneconférence sur l’évolution del’agriculture au cours des siècles.Il est souvent plus aisé d’amenerles gens à la réflexion sur deschoses qu’ils connaissent bien,qui les touchent, les concernent. »

Contact : Association Renaissance desvieilles pierres entre Millevaches etMonédières, 6, rue des Menhirs,19170 Bonnefond.