M2.TH1.CHAPITRE 3.fiche 1 - Free

3
GEOPOLITIQUE ECS1 1 MODULE II – Thème 1 – CHAPITRE 3 Fiche 1. Éléments de géographie urbaine A. Nommer la ville Depuis la fin du XIX e siècle, les critères de définition de la ville ont évolué, et la terminologie avec : Le critère de densité s’impose d’abord à la fin du XIX e siècle chez Paul Meuriot (Français) et Adna Weber (Américain) pour définir l’agglomération urbaine, dépassant le cadre administratif jusqu’ici retenu. Patrick Geddes, sociologue et urbaniste anglais, utilise les premiers moyens aériens pour appréhender les nouvelles formes tentaculaires que prennent les villes sous l’effet des lignes de chemin de fer. Il définit ainsi la conurbation en fonction du temps de trajet domicile-travail qui ne doit pas excéder, selon lui, une heure. Enfin, une autre réalité urbaine est mise en évidence au tournant des XIX e et XX e siècles : le rôle d’articulation entre le local et le mondial joué par la métropole, littéralement « ville-mère ». Au cœur de cette analyse, menée successivement par Halford Mackinder, Paul Vidal de la Blache puis Roderick MacKenzie, se situent les réseaux qui permettent cette articulation. L’émergence des métropoles comme nœuds principaux des réseaux explique la sélection géographique qui s’opère, la concentration des fonctions urbaines et l’extension de l’aire urbaine sous l’effet de l’amélioration de la qualité des réseaux : « l’heure » de Patrick Geddes permet en effet d’habiter de plus en plus loin grâce à des réseaux de plus en plus efficaces. A partir de ces travaux, la définition de la ville évolue pour prendre en compte non plus uniquement la taille ou la forme, mais l’organisation de cet espace particulier : dès 1949, le bureau du recensement américain utilise le terme de Standard Metropolitan Area, définit sur les migrations alternantes internes, pour recenser la population urbaine ; l’aire métropolitaine est ensuite adoptée par la Grande-Bretagne (Standard Metropolitan Labour Area, 1967) et la France (Zone de Peuplement Industriel et Urbain en 1962, Aire urbaine en 1996) notamment. Mais dans le même temps, naît aux Etats-Unis, puis au Japon et en Europe, de véritables régions urbaines qui ne sont plus commandées par un centre et qui n’offrent plus une continuité parfaite : les mégalopoles sont identifiées par ce terme dans les années 1960 par Jean Gottmann qui publie un ouvrage sur la Mégalopolis. On en observe seulement trois, qui renforcent l’idée d’une domination de la Triade car elles s’y situent : la Mégalopolis au Nord-Est des Etats-Unis (55 millions d’habitants), la mégalopole du Kantô au Japon (83 millions) et la dorsale européenne de Londres à Milan (80 millions). B. Mesurer la croissance urbaine L’urbanisation est un phénomène indiscutable à l’échelle de la planète depuis un siècle. Il est cependant très inégal selon les régions. Cela s’explique par des décalages dans le temps, par la vigueur du phénomène et la réserve de population rurale disponible : Tous les pays ne sont pas confrontés aux facteurs d’urbanisation au même moment. Il en découle un décalage dans le processus d’urbanisation : tous les pays n’ont pas effectué leur « transition urbaine » pour reprendre le terme de Wilbur Zelinsky, inventé en 1971. Transition urbaine : la transformation historique d’un peuplement rural, fait de petites unités très nombreuses, homogènes et dispersées, en un peuplement urbain, hiérarchisé, concentré, formé d’entités beaucoup plus hétérogènes. A l’instar de la transition démographique, on peut comparer les pays selon la phase engagée dans la transition urbaine, qui désigne le passage d’une population majoritairement rurale à une population majoritairement urbaine. On relève 4 phases dans cette transition qui peuvent être définies en utilisant les taux d’urbanisation, qui ne prêtent pas à polémique : o Phase A : le taux d’urbanisation reste faible et la croissance reste faible o Phase B : accélération rapide et croissance de type exponentiel o Phase C : l’accélération décroit et la croissance prend une forme logarithmique o Phase D : la croissance devient quasi-nulle car l’essentiel de la population vit en ville Lorsque l’on fait le bilan de la transition urbaine d’un pays qui l’a achevée, on obtient une courbe en « s » (voir page suivante). Elle se traduit par une croissance du nombre et de la taille des villes par concentration de la population urbaine.

Transcript of M2.TH1.CHAPITRE 3.fiche 1 - Free

Page 1: M2.TH1.CHAPITRE 3.fiche 1 - Free

GEOPOLITIQUE ECS1 1 MODULE II – Thème 1 – CHAPITRE 3 Fiche 1. Éléments de géographie urbaine A. Nommer la ville Depuis la fin du XIXe siècle, les critères de définition de la ville ont évolué, et la terminologie avec :

• Le critère de densité s’impose d’abord à la fin du XIXe siècle chez Paul Meuriot (Français) et Adna Weber (Américain) pour définir l’agglomération urbaine, dépassant le cadre administratif jusqu’ici retenu.

• Patrick Geddes, sociologue et urbaniste anglais, utilise les premiers moyens aériens pour appréhender les nouvelles formes tentaculaires que prennent les villes sous l’effet des lignes de chemin de fer. Il définit ainsi la conurbation en fonction du temps de trajet domicile-travail qui ne doit pas excéder, selon lui, une heure.

• Enfin, une autre réalité urbaine est mise en évidence au tournant des XIXe et XXe siècles : le rôle d’articulation entre le local et le mondial joué par la métropole, littéralement « ville-mère ». Au cœur de cette analyse, menée successivement par Halford Mackinder, Paul Vidal de la Blache puis Roderick MacKenzie, se situent les réseaux qui permettent cette articulation. L’émergence des métropoles comme nœuds principaux des réseaux explique la sélection géographique qui s’opère, la concentration des fonctions urbaines et l’extension de l’aire urbaine sous l’effet de l’amélioration de la qualité des réseaux : « l’heure » de Patrick Geddes permet en effet d’habiter de plus en plus loin grâce à des réseaux de plus en plus efficaces. A partir de ces travaux, la définition de la ville évolue pour prendre en compte non plus uniquement la taille ou la forme, mais l’organisation de cet espace particulier : dès 1949, le bureau du recensement américain utilise le terme de Standard Metropolitan Area, définit sur les migrations alternantes internes, pour recenser la population urbaine ; l’aire métropolitaine est ensuite adoptée par la Grande-Bretagne (Standard Metropolitan Labour Area, 1967) et la France (Zone de Peuplement Industriel et Urbain en 1962, Aire urbaine en 1996) notamment.

• Mais dans le même temps, naît aux Etats-Unis, puis au Japon et en Europe, de véritables régions urbaines qui ne sont plus commandées par un centre et qui n’offrent plus une continuité parfaite : les mégalopoles sont identifiées par ce terme dans les années 1960 par Jean Gottmann qui publie un ouvrage sur la Mégalopolis. On en observe seulement trois, qui renforcent l’idée d’une domination de la Triade car elles s’y situent : la Mégalopolis au Nord-Est des Etats-Unis (55 millions d’habitants), la mégalopole du Kantô au Japon (83 millions) et la dorsale européenne de Londres à Milan (80 millions).

B. Mesurer la croissance urbaine L’urbanisation est un phénomène indiscutable à l’échelle de la planète depuis un siècle. Il est cependant très inégal selon les régions. Cela s’explique par des décalages dans le temps, par la vigueur du phénomène et la réserve de population rurale disponible :

• Tous les pays ne sont pas confrontés aux facteurs d’urbanisation au même moment. Il en découle un décalage dans le processus d’urbanisation : tous les pays n’ont pas effectué leur « transition urbaine » pour reprendre le terme de Wilbur Zelinsky, inventé en 1971.

♥ Transition urbaine : la transformation historique d’un peuplement rural, fait de petites unités très nombreuses,

homogènes et dispersées, en un peuplement urbain, hiérarchisé, concentré, formé d’entités beaucoup plus hétérogènes.

A l’instar de la transition démographique, on peut comparer les pays selon la phase engagée dans la transition urbaine, qui désigne le passage d’une population majoritairement rurale à une population majoritairement urbaine. On relève 4 phases dans cette transition qui peuvent être définies en utilisant les taux d’urbanisation, qui ne prêtent pas à polémique :

o Phase A : le taux d’urbanisation reste faible et la croissance reste faible o Phase B : accélération rapide et croissance de type exponentiel o Phase C : l’accélération décroit et la croissance prend une forme logarithmique o Phase D : la croissance devient quasi-nulle car l’essentiel de la population vit en ville

Lorsque l’on fait le bilan de la transition urbaine d’un pays qui l’a achevée, on obtient une courbe en « s » (voir page suivante). Elle se traduit par une croissance du nombre et de la taille des villes par concentration de la population urbaine.

Page 2: M2.TH1.CHAPITRE 3.fiche 1 - Free

GEOPOLITIQUE ECS1 2 MODULE II – Thème 1 – CHAPITRE 3

Source : World Population Data Sheet, Population Reference Bureau, 2010

• On constate un décalage de la transition urbaine entre les pays développés et les pays en

développement (Amérique latine exceptée). Comme pour la transition démographique, le phénomène de rattrapage explique la vigueur de la croissance démographique au Sud (3 à 4% par an contre 1 à 2% dans les PDEM au XIXe siècle). Sur le document (page suivante), on observe un classement quasi-inverse de celui présenté au document précédent : plus la transition urbaine est tardive, plus la dynamique est forte. Attention, l’échelle est logarithmique ! On retrouve toutefois les différentes phases de la transition :

o L’Afrique et l’Asie connaissent toujours une croissance exponentielle (Phase B) o L’Amérique, l’Océanie et le monde connaissent une croissance linéaire (passage à la Phase C) o L’Europe connaît une croissance logarithmique en phase de stagnation (fin de phase C)

On constate qu’alors que l’Amérique a un taux d’urbanisation plus fort que l’Europe, elle est encore en croissance linéaire. Cela s’explique par la croissance démographique naturelle des urbains qui reste plus forte qu’en Europe. L’exode rural n’explique donc pas tout. Il faut donc aussi tenir compte de la réserve démographique qui explique l’importance de l’Asie qui concentre seule plus de la moitié de la population urbaine mondiale. Partout, les taux de croissance de la population urbaine ralentissent, mais les réserves rurales restent considérables dans les pays encore peu urbanisés : cela explique l’écrasante domination asiatique et la forte croissance de la part de l’Afrique dans la population urbaine.

Page 3: M2.TH1.CHAPITRE 3.fiche 1 - Free

GEOPOLITIQUE ECS1 3 MODULE II – Thème 1 – CHAPITRE 3 Évolution de la population urbaine sur la période 1950-2050

Source : « Les villes mondiales » in Questions internationales, mars-avril 2013