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Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires U.G.F.F. Numéro 151 Avril 2008 Fonction Publique 1968 - 2008 regards militants Fonction Publique 1968 - 2008 regards militants Manifestation du 29 mai 1968, Paris. ©Michel Smolianoff IHS-CGT.

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Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires

U.G.F.F.

Numéro 151Avril 2008

Fonction Publique

1968 - 2008

“regards militants”

Fonction Publique

1968 - 2008

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Rassemblons-nous pourla Fonction publiqueSalaires en berne, Restriction Générale des PolitiquesPubliques, remise en cause du Statut Général : lesfossoyeurs de la Fonction publique sont à l’oeuvre.

Les aspects multiformes que prennent leurs attaques nedoivent en rien masquer la cohérence de leur projet.Moins de fonction publique, moins de fonctionnaires – etpas mieux payés -, moins - voire, plus du tout - de StatutGénéral, telles sont leurs ambitions à peine résumées.

Pas une autoroute dégagéeA l’évidence, les libéraux, la droite débridée, sont loind’avoir gagné la partie.Sondages après enquêtes d’opinion confirmant que lescitoyens demeurent profondément attachés à la Fonctionpublique – aux valeurs qu’elle représente – et trèssatisfaits des agents qui y oeuvrent quotidiennement.

Dans le même temps des luttes importantes sedéveloppent (dans lesquelles la CGT tient une placeincontournable) qui freinent les velléités de nosadversaires, leur imposent des reculs, quand ce n’est pasqu’elles obtiennent des avancées.

Convergence et élargissementJustement, parce que nous avons affaire à une politiquecohérente, l’heure est au rassemblement et à laconvergence de toutes les mobilisations. Partout, lesactions doivent se développer en portant d’autresexigences pour la Fonction publique. Elles doivent serejoindre pour peser le plus fort possible.

C’est tout le sens de l’engagement de l’UGFF àconstruire, en recherchant l’unité la plus large, unesemaine de mobilisation pour la Fonction publique du 13au 16 mai, avec un temps fort de grève et manifestationsle jeudi 15 mai.

C’est aussi tout le sens des initiatives citoyennes pourlesquelles la CGT milite sans compter. L’appel (1) pourune autre Fonction publique, rendu public le 15 avril, enest un exemple parmi les plus significatifs.

Tous ces mouvements se complètent et se nourrissent.C’est en les renforçant et en les inscrivant dans la duréeque nous ferons valoir d’autres choix, réellementporteurs de progrès pour tous.

(1) L’appel est signable à l’adresse suivant :http://service-public-notre-richesse.fr

cOup dE GueUle !!!

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Fonction Publique n° 151Actu.

par PJ

Le trait de l’actu.

Moments d’illusionsEntrez, entrez, et vous verrez….les plus extraordinaires

numéros du moment, de l’exclusif, du rarement égalé, prenezvos places, prenez vos billets !Vous pourrez admirer un superbe numéro de funambulisme,dans lequel, en équilibre totalement instable, l’artiste vousproposera des budgets toujours plus contraints et des emploisqui disparaissent, tout en vous affirmant qu’on peut toujoursfaire mieux avec moins…Et ce superbe dompteur qui vous montrera comment, avec unedose d’autoritarisme, une autre de « rémunération au mérite »,une bonne poignée de précarité à laquelle vous ajoutez unbouquet de concertation bidon, on vous fait une potion miracle,de celles qui vous mettent à bas les garanties statutaires,tellement ringardes….Sans oublier le roi du bonneteau qui vous fera passerl’effondrement de votre pouvoir d’achat pour un maintien si cen’est pas, et il en est capable dans un bon jour, un progrès decelui-ci…Et pour terminer, mesdames et messieurs, en prime, vous aurezdroit à l’artiste des artistes, le clou du spectacle, celui qui avecson faux nez de la modernité, vous convaincra que de larestriction ça n’est que de la régulation, et que privatisations etsuppressions de missions vont dans le sens du progrès…

Et en sortant, n’oubliez pas de remercier les artistes : ilsvous auront offert un grand moment d’illusions !

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Le Conseil des Ministres du 9 avril 2008 a validé leprojet de loi dit « relatif à la mobilité et aux parcoursprofessionnels», et ce malgré le refus majoritaire desorganisations syndicales aux Conseils supérieurs del’Etat et de l’Hospitalière et l’avis négatif exprimé parle Conseil supérieur de la Fonction publique Territo-riale.

L’objectif essentiel est de faciliter les suppressionsmassives de postes dans la Fonction publique (35000 à40000 emplois par an), en articulation avec les mesuresannoncées dans le cadre de la Révision Générale desPolitiques Publiques (RGPP).

La RGPP, qui traduit le profond désengagement del’Etat, induit l’affaiblissement voire la suppression ou laprivatisation de missions et de services ainsi que ladétérioration des conditions de travail et l’accroisse-ment de la précarité. Le tout se réalisant sans aucundébat public ! Cette politique est d’ailleurs renforcéepar la mise en œuvre des conclusions du rapport Lar-cher sur la politique de Santé et par la volonté affichéede contraindre les collectivités territoriales à suivre lemême plan de rigueur.

En mai,mobilisation et

convergence des luttes !C’est en fait un véritable plan social que subit laFonction publique !Auquel s’ajoutent les pertes de pouvoir d’achat des per-sonnels que le Ministre a refusé de prendre en compte.

Pour une Fonction publique et des services publics réel-lement modernes, sont nécessaires :- un véritable débat démocratique sur la réforme del’Etat et de la Fonction publique en partant des besoinsde la population ;- un emploi public, statutaire et qualifié, permettantdes services publics de qualité accessibles à tous surl’ensemble du territoire ;- l’amélioration du statut du fonctionnaire qui garan-tit la neutralité et l’impartialité, et l’indépendance desagents dans l’exercice de leurs missions ;- le développement de la mobilité choisie, qui s’op-pose à la flexibilité, au recours à l’intérim et auxmenaces de licenciements massifs porté par le projet deloi ;- des mesures générales augmentant significative-ment les traitements et les pensions ;

Pour gagner sur ces revendications, l’UGFF-CGTappelle à faire converger les luttes de tous les per-

sonnels en y associant l’en-semble de la populationentre le 13 et le 17 mai2008 et décide de faire dujeudi 15 mai, une étape dela mobilisation notam-ment par la grève et lesmanifestations.

Pouvoir d’achat des salaires :Ça n’est plus une baisse, c’est un effondrement !0,8 % de hausse officiel des prix pour le seul mois de mars. La revalorisation du 1ermars (0,5) est d’ores et déjà absorbée, submergée avec prés de 1% de hausse desprix depuis le 1er janvier, et rien n’est prévu d’ici lamini mesure de 0,3% (!!!) en … octobre prochain.Déjà, l’an passé la valeur du point dans lafonction publique avait évolué 2 fois moins viteque les prix. Cette année, alors que nombre deprévisionnistes parlent d’une inflation de l’ordrede 3 % (3,2 en moyenne européenne) ce seraitencore pire. Quant aux retraités, la situation esttout aussi sérieuse avec une revalorisation de1,1 % au 1er janvier. En quelques années lepouvoir d’achat de la valeur du point dans lafonction publique s’est littéralement effondré.Ca n’est pas acceptable.Faisons entendre avec plus de force encorenos exigences de forte revalorisationimmédiate des salaires et des retraites.

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Avril 2008 Actu.

En 1968 tout comme aujourd’hui, ilétait « impossible d’améliorer le pouvoir d’achatou de réduire la durée du travail, sans mettre en

péril tout à la fois l’équilibre du budget,l’expansion économique et la place de la Francedans le monde »… et pourtant, en ouvrant les

discussions dans la fonction publique le 28 mai, lepremier ministre G. Pompidou devait déclarer « A

état exceptionnel (…) efforts exceptionnels »pour ne pas dire « face à des luttes de cetteampleur nous devons céder ». Et les salaires

furent augmentés de 14% en moyenne (entre 10et 30%), selon les niveaux.

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C’est le 17 avril dernier que Jean-Ludo-vic SILICANI – rapporteur de son état –a remis son fameux livre blanc aux auto-rités gouvernementales.Est-il besoin de rappeler que sa mise enroute avait fait l’objet, autour des « mis-sions, valeurs et métiers » de la Fonc-tion publique, d’un lancement à coups degrands renforts médiatiques le 1eroctobre 2007 ?

Concertationet dialogue ?Une parodie !

Demanderesse depuis des années d’unvéritable et large échange sur les mis-sions de la Fonction publique, la CGT abien sûr participé à cette consultation quiaura censément duré environ 5 mois.Mais, à l’évidence, les dès étaient pipés.

En effet, pour l’essentiel, il est aisé deconstater que les grandes lignes du livreblanc sont les mêmes que les premières« investigations » dont Jean-LudovicSILICANI nous gratifia lors de notrepremière rencontre bilatérale à l’automne2007. Le calque est même quasi parfait.Dans ces conditions, il serait vain et illu-soire de chercher à retrouver la moindreproposition de la CGT.

Quoi qu’en dise le rapporteur, il est éga-lement frappant de remarquer combienles contours de la Fonction publique

qu’il dessine s’intègrent parfaitement à laRGPP (Révision Générale des PolitiquesPubliques).

De vieilles recettesDans ses diverses prestations, Jean-Ludovic SILICANI affirme qu’il souhai-te refonder une Fonction publique statu-taire et de carrière.Ce faisant, même s’il parle d’un systèmeà « bout de souffle », il se présentecomme un rénovateur des principesposés en 1946 et réactualisés en 1983 –86.

La vérité, c’est qu’il y a loin de la coupeaux lèvres.Les vieux démons de SILICANI – qu’ilexprimait dès le milieu des années 80 –sont toujours présents. Eux-mêmes pui-sent d’ailleurs leur source dans les pré-ceptes libéraux des années 70.On peut, sans crainte de se tromper debeaucoup, résumer l’essentiel de cetteantienne ainsi : moins de Fonctionpublique avec un statut réduit auxacquêts.

Loin d’une révolution, il s’agit en faitd’un retour en arrière de plus de 60 ans.

Les principaux axesdéveloppés

Le rapporteur reprend à son compte l’ap-pellation « Fonc-tion publique demétiers ».Certes, le terme demétiers n’est pas ensoi condamnable.En proposer uneexploration dans laFonction publiquene constitue pasune démarche obs-cène.

Mais, il ne faut pasde leurrer. Ce quepropose, avec biend’autres, Jean-Ludovic SILICANIn’est rien d’autrequ’un glissementvers une Fonctionpublique d’emploi.Les choses ont beauêtre habillées habi-

lement, c’est bien de cela dont il s’agit.

C’est si vrai que, poussant son raisonne-ment, le rapporteur indique qu’il est à sesyeux indispensable de mettre en place undouble système de rémunération. L’undes pans – dit « statutaire » - serait liéau grade détenu, l’autre – dit « fonction-nel » - serait lié à l’emploi occupé.

A terme, cela signifie la fin de la sépara-tion du grade et de l’emploi pour le fonc-tionnaire, socle sur lequel repose le Sta-tut Général. Autrement dit, l’agent publicserait potentiellement soumis aux pres-sions de tout genre et le citoyen perdraitsa garantie d’un fonctionnaire exerçantses missions en toute impartialité et neu-tralité.De manière concomitante, la mise enoeuvre d’un tel système sera synonymede cloisonnement et rigidification à l’ex-cès.

Est-il besoin de préciser que Jean-Ludo-vic SILICANI, qui ne recule devantaucune audace, propose en parallèled’étendre et d’accroître la part de rému-nération au mérite. Ce troisième étage dela fusée – dont on connaît le caractèresubjectif et discriminatoire – rendra lefonctionnaire encore plus malléable.

Améliorer la Fonctionpublique passe par

un autre cheminD’autres aspects mériteraient égalementque l’on s’y attarde (nouveaux cadres derecrutement des non titulaires et gestionsous le droit privé, généralisation del’évaluation, etc.) : nous le ferons rapi-dement.

Mais, d’ores et déjà, il est clair que laCGT ne peut être que globalement hostileà un projet s’inscrivant peu ou prou dansune RGPP que nous combattons parceque porteuse de lourdes régressions.

Oui, il y a des réformes à entreprendrepour faire en sorte que la Fonctionpublique remplisse encore mieux sonrôle auprès de toute la population. LaCGT est porteuse de nombreuses propo-sitions allant dans ce sens.

C’est pour ces raisons que lelivre blanc ne sera pas notrelivre de chevet.

Un blanc pas synonymede nouveauté

RGPP

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Fonction Publique n° 151Fonction Publique

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Dispositions denature statutaire

Ministère du budget, descomptes publics et de lafonction publique

1Projet de loi relatif à la mobilitéet aux parcours professionnels

dans la Fonction publique :

Ce texte concerne les personnelstitulaires et non titulaires des troisversants de la fonction publique ainsique les fonctionnaires de la Poste.

Le rapprochement du contenu de cetexte avec les choix gouvernemen-taux de RGPP est évident. En effet,ce texte est le facilitateur (ses pro-moteurs parlent de « boite àoutils ») pour les mobilitéscontraintes, la déréglementation desstatuts et y compris pour les planssociaux de suppressions d’emploisavec à la clef le licenciement déguisédes fonctionnaires sous la forme de« mise en disponibilité d’office » oude « mise en retraite » (cf.article 7)

L’analyse de l’ensemble du projet aété largement diffusée. Actuellement(17-04-08) le projet est en discussionau sénat. La commission des lois duSénat a présenté un certain nombred’amendements le 16 avril, amende-ments consultables sur le site duSénat.

Le texte devrait être examiné en pre-mière lecture les 29 et 30 avril 2008.Au niveau CGT nous intervenonsauprès des groupes parlementairespour leur faire part de notre analysesur le texte et ses enjeux. Bien enten-du cela n’exonère pas des luttesnécessaires, bien au contraire.

Lors du conseil supérieur du 18avril, à partir d’une rencontre préa-lable, à l’initiative de la CGT, nousobtenions un vote unanime des 8organisations syndicales pour leretrait des articles 6, 7, 8, 9.

Autres amendements CGT etrésultats des votes :

> Demande de retrait de « l’inté-gration directe dans l’ensemble duprojet de texte » :

Vote sur l’amendement :

Pour : CGT (4), FO (3),UNSA (4), FSU (3),Solidaires (1)

Contre : CFDT (3), CFTC(1), Administration(20)

Abstention : CGC (1)

> Demande de retrait de l’article 3qui permet aux fonctionnaires civilsd’intégrer par détachement lescorps militaires.

Vote sur l’amendement :

Pour : CGT (4), FSU (3),Solidaires (1)

Contre : CGC (1), UNSA (4),CFTC (1), Adminis-tration (20)

Abstention : FO (3), CFDT (3).

Vote sur le texte amendé :

Pour : 20 –Administration(20)

Contre : 16 : CGT (4), FO(3), UNSA (4), FSU(3), CFTC (1), Soli-daires (1)

Abstention : 4 : CFDT (3), CGC(1)

A noter pour mémoire :

Vote sur le projet de texte au Conseilsupérieur de la fonction publiqueterritoriale : (26 mars 2008)

Pour : 0Contre : CGT, FO, FA-FPT,

CFTCAbstention : CFDT, CGC, repré-

sentants employeurs

2Projet de décret organisant lesconditions d’exercice des fonc-

tions, en position d’activité, dansles administrations de l’Etat

Ce projet de décret « généralise lapossibilité pour les fonctionnaires del’Etat d’exercer, en position d’activi-té, les fonctions correspondant à leurgrade dans un département ministé-riel ou un établissement public del’Etat autre que celui qui assure lagestion de leur corps. »

Dans un contexte de suppressionsd’emplois d’une part et d’autre partconnaissant la volonté du gouverne-ment d’aller vers des mobilitéscontraintes et vers le métier en sub-stitution du corps nous ne pouvionsque rejeter un tel texte.

Vote sur le projet de texte :

Pour : CGC (1), CFDT (3),CFTC (1), Adminis-tration (20)

Contre : CGT (4), FO (3),FSU (3)

Abstention : UNSA (4)

Ministère de l’intérieur, del’outre-mer et des collectivitésterritoriales

3Projet de décret complétant ledécret n° 84-38 du 18 janvier

1984 fixant la liste des établisse-ments publics de l’Etat à caractèreadministratif prévue au 2° de l’ar-ticle 3 de la loi n° 84-16 du 11 jan-vier 1984 : Agence nationale destitres sécurisés

Il s’agit de l’inscription dérogatoirepour recruter des non titulaires. Enl’occurrence ce recrutement concer-ne des téléopérateurs (environ 60personnes de catégorie C) au siègede l’ANTS située à CharlevilleMézières. L’ANTS est l’ « Agencenationale des titres sécurisés », éta-blissement public administratif, créé

CONSEIL SUPÉRIEUR

18 avril 2008 g

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Avril 2008 Fonction Publique

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par le décret n° 2007-240 du 22février 2007 et regroupant les struc-tures et les activités des différentsministères en charge des titres sécu-risés d’identité, de séjour et de voya-ge tant pour les citoyens français quepour les étrangers. Ce regroupementpermet ainsi de mutualiser lesmoyens existants des différentsministères pour les études, le déve-loppement et la gestion des applica-tions informatiques ou encore l’achatdes équipements (par exemple :puces, lecteurs etc.).

La création de l’ANTS et de sesfinalités est un problème, la concep-tion de l’emploi et du tissu social enChampagne Ardennes avec ce typed’activité et d’emploi est un autreproblème, le recrutement dérogatoirerencontre notre désapprobation.

Vote sur le texte :

Pour : Administration (20)Contre : CGT (4), CGC (1),

CFTC (1), Solidaires(1), UNSA (4), FO(3), CFDT (3), FSU(3)

Ministère de l’enseignementsupérieur et de la recherche

4Projet de décret relatif auxcomités de sélection, modifiant

le décret n° 84-431 du 6 juin 1984fixant les dispositions statutairescommunes applicables aux ensei-gnants chercheurs et portant sta-tut particulier du corps des profes-seurs des universités et du corpsdes maîtres de conférences et abro-geant le décret n° 88-146 du 15février 1988 relatif aux commis-sions de spécialistes de l’enseigne-ment supérieur

Ce décret relatif aux « comités desélection » reprend et aggrave lesdispositions inacceptables de la loiLRU n° 2007-119 du 10 août 2007,concernant les modalités de recrute-ment dans l’enseignement supérieur.Ces modalités vont à la fois contreles aspirations du monde universitai-re et contre les règles de la fonctionpublique. Elles n’offrent pas degarantie de qualité de l’examen descandidatures, ni d’égalité de traite-ment des candidats. La compositionet le mode de désignation des comi-

tés de sélection, comme le droit deveto du Président, ouvrent la voie àdes recrutements inégalitaires etopaques. Les dispositions concernantles mutations remettent encore plusen question le droit, déjà mal recon-nu, des enseignants chercheurs à lamutation.

Vote sur le texte :

Pour : UNSA (3), CFDT (2),CFTC (1), Adminis-tration (20)

Contre : CGT (3), FO (3),FSU (3), Solidaires(1).

Abstention : CGC (1)

5Projet de décret relatif à l’inté-gration et au recrutement dans

les corps de professeurs des uni-versités-praticiens hospitaliers etde maîtres de conférences des uni-versités-praticiens hospitaliers desdisciplines pharmaceutiques etportant diverses dispositions statu-taires et indemnitaires relativesaux personnels enseignants et hos-pitaliers des centres hospitaliers etuniversitaires

Vote sur le texte :

Pour : UNSA (3), CFDT (2),Administration (20)

Contre : FO (3), FSU (3),Solidaires (1)

Abstention : CGC (1), CFTC (1),CGT (3)

Dispositionde nature indiciaire

Ministère du budget, descomptes publics et de lafonction publique

6Projet de décret modifiant ledécret n° 48-1108 du 10 juillet

1948 portant classement hiérar-chique des grades et emplois despersonnels civils et militaires del’Etat relevant du régime généraldes retraites : Mesure de simplifi-cation

Ce projet de texte est en fait unemodification statutaire d’un décretintervenant sur le domaine indiciaire.

Le classement dans ce chapitre« indiciaire » n’est pas de la naïvetéde la part de l’administration maisune volonté évidente de minimiser laportée des modifications proposées.

Pour la CGT le décret de 48 est inti-mement lié au statut du 19 octobre1946. Il ne s’agit pas d’un simpleformalisme. Ce décret fixe l’en-semble des bornages indiciaires descorps et grades et constitue un docu-ment unique.

Nous avons demandé de moderniserla forme de présentation des décretsannexes et de conserver le documentunique de telle sorte qu’en terme debornages indiciaires des corps etgrades, le décret de 48 reste la Réfé-rence inséparable du statut.

Nous avons noté, depuis quelquestemps la mise à l’ordre du jour duconseil supérieur du retrait des« corps morts » du décret de 48,ceci ne facilitant pas le retour à l’in-dexation des pensions sur les salaires(indexation disparue depuis la loi2003 sur les retraites).

Nous avons rappelé que nous étionspour le retour à l’indexation des pen-sions sur les salaires, et pour lesretraités ayant atteint l’indice som-mital, en cas de réévaluation de cetindice, pour la prise en compte dansle nouveau calcul de la pension.

Face à ces arguments, l’administra-tion a promis « la mise en ligneaccessible d’un document uniquereprenant l’ensemble des corps etdes grilles indiciaires ». Cette miseen ligne peut être intéressante – si lapromesse est tenue- en terme detransparence et d’accessibilité à tousles agents, mais elle ne remplacerapas la sécurisation juridique des bor-nages indiciaires demandée en un« seul texte »

Vote sur le texte :

Pour : Administrat ion :(20)

Contre : CGT (3), FO (3),CGC (1)

Abstention : UNSA (3), CFDT (2),FSU (3), CFTC (1),Solidaires (1)

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Fonction Publique n° 151Fonction Publique

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Avril 2008

Dans le cadre de la modernisationdes politiques publiques dont l’objec-tif est de faire économiser 7 milliardsd’euros à l’état d’ici 2011, le gouver-nement qui a déjà annoncé desmesures, en particulier celles de laréorganisation des services de l’état,dont la création de directions dépar-tementales et régionales de cohé-sion sociale, s’en prend aujourd’huiau pouvoir d’achat des familles.Après la suppression des avantagesfinanciers de la carte famille nom-breuse annoncée, puis retirée (maisfinancée différemment), deuxmesures vont amputer le pouvoird’achat des familles avec enfants : - à compter du 1er mai, les alloca-tions familiales seront réduites. Alorsqu’elles étaient majorées de 33,51€

à partir de l’âge de 11 ans, et59,57€ à 16 ans, il n’y aurait plusqu’une revalorisation de 59,57€ à14 ans .Ce décret concerne 4.5 mil-lions de parents d’adolescents quivont perdre en moyenne 600€ paran. Au total le gouvernementescompte faire 138 millions d’ « éco-nomies » sur le dos des familles. Etil ose affirmer que « l’objectif est unredéploiement qui permet d’avoirune politique familiale soutenue »alors que l’augmentation de l’alloca-tion de frais de garde d’enfant (Paje)– objet de ce « redéploiement » -

coûtera 35 millions d’euros. Au totalc’est bien une somme de l’ordre de100 millions d’€ qui est ponctionnéedans la poche des familles- en septembre, le montant de l’allo-cation de rentrée scolaire (ARS)devrait être modulé suivant l’âge del’élève. Cette allocation de 272euros en 2007, accordée sousconditions de ressources, pourraitêtre diminuée de manière importan-te pour les enfants du primaire et neserait pas totalement compenséepar des montants plus élevés pourceux du collège et du lycée.On est loin d’une politique familialeambitieuse La CGT revendique des allocationsfamiliales universelles, ouvertes dèsle premier enfant, d’un montant de230€ mensuels par enfant.La CGT revendique que l’ARS soitversée pour tous les enfants scolari-sés. Dès la primaire à hauteur de272€, revalorisée en 2008, et unemajoration significative pour lesenfants scolarisés au collège ou aulycée.

Seule la mobilisation de tous lessalariés et des parents peut empê-cher ces mauvais coups. Seule lalutte peut imposer la satisfaction desbesoins des familles.

Quelle réformepour l’hôpital ?Ce n’est pas la question d’uneréforme de l’hôpital qui poseproblème, mais le sens et lesfinalités qu’on entend lui donner, lesmoyens qu’on y accorde, et laméthode qu’on utilise.

Alors que la question des moyens(en personnels, en ouvertures de lits,en équipements…) y est posée avecforce, et que l’accès aux soins sedégrade (avec 14% des assuréssociaux qui ont renoncé aux soinspour des raisons financières -32%chez ceux qui n’ont pas decomplémentaire santé-) tout lemonde est d’accord pour uneréforme.Mais pour avancer dans la qualitéet l’efficacité du service public,pas pour reculer !

Or ce qui se prépare au travers d’unprojet de loi qui serait soumis auparlement à l’automne, estalarmant :-coté sens et finalité de la réforme,elle est déterminée par une visionstrictement comptable et restrictive(qui d’ailleurs élude totalement laquestion du financement et desressources nouvelles indispensables).-coté moyens, la logique quis’engage entre pleinement dans lesens de celle de la RGPP, avec despropositions du rapport Larcher quisont élaborées dans ce cadre, uneannonce de 5 milliards d’économiesde dépenses de la sécurité socialequi ne peuvent pas être sans effetssur l’hôpital, .-coté méthode, et outre le fait qu’onest loin du large débat nécessaire surde tels enjeux, il y aurait unvéritable chantage à la mise enœuvre de restructurations« désertificatrices » de l’offre desoins qui conditionneraient desfinancements !

Non, c’est bien une toute autreréforme qu’il faut pour l’hôpital. Etsi elle ne peut ignorer le limitesfinancières, elle doit avant tout partirdes populations, des malades, desbesoins de soins sur tout leterritoire...

Social

Le relevé de conclusion Oudinot, auterme des grèves de 1968 dans la fonction

publique, stipule que « l’ensemble des problèmes àcaractère social… sera examiné par une commission

constituée à cet effet ». Sur cet aspectparticulier, les syndicats poseront deux préalables

: la masse des crédits affectés aux servicessociaux (3% de la masse salariale globale) et lesmodalités de gestion (afin qu’elle soit confiée aux

représentants des personnels). C’est aussi de cetteoffensive sur le terrain de l’action sociale quenaîtra, en juin 1970, le Comité Interministérieldes Services Sociaux (devenu depuis le CIAS).

Les allocs dans le viseurdes « économies »

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Fonction Publique n° 151Luttes

Depuis plusieurs semaines, àl’appel de l’UNL et de la FIDL, leslycéens multiplient les initiativesrevendicatives dans les établis-sements, le plus souvent en lienavec les enseignants et lesparents, et les manifestations.

Ils agissent contre les baissesdrastiques qui frappent les mo-yens horaires attribués aux col-lèges et aux lycées pour la ren-trée 2008, conséquences des 11200 suppressions d’emplois pro-grammées.

Ils protestent également contre laliquidation de nombreuses sec-tions de BEP consécutives à lagénéralisation à marche forcéedu bac pro en 3 ans.

Ce mouvement, qui ne cesse demonter en puissance, rejoint ainsiles luttes engagées depuis plu-sieurs mois par les salariés del’Education sur ces mêmes sujetset qui exigent parallèlement lesmoyens pour une véritable reva-lorisation de leur métier.

Les convergences qui se sontconcrétisées à différents mo-ments, notamment les 10 et 15avril en région parisienne, pardes actions communes de grèveset de manifestations, vont s’am-plifier avec l’appel de l’ensembledes fédérations de l’Education etdes syndicats de lycéens à unenouvelle journée nationale degrève le 15 mai prochain.

Handicapés :L’exigence de vraies réponsesLa manifestation nationale du 20 Mars, que l’on peut qualifierd’historique, a rassemblé à Paris des dizaines de milliers de personneshandicapées, malades ou invalides. Le même jour de nombreusesmanifestations avaient lieu en régions. Pour exprimer leur colère etl’exigence de revenus décents alors que l’Allocation AdulteHandicapés demeure bien en dessous du seuil de pauvreté (817 €mensuels), et qu’ils sont 810 000 personnes handicapées qui ne

peuvent pasou plustravailler à lapercevoir.Il y a doncurgence às’attaquerfermementtant à laquestion del’accès àl’emploi deshandicapés,qu’à assurercomme ils lerevendiquent,« un revenud’existencedécent », aumoins égal auSMIC.

Education NationaleLes luttes montent en puissance

Résultatsélectoraux

Inspection du travailAu delà d’une augmentation trèsnette de la participation, le scrutindu 4 avril dernier démontre unebonne tenue des listes CGT, avec unprogrès de prés de 1 point (à28,58%) chez les inspecteurs dutravail, et une première placelargement confortée ; Chez lescontrôleurs du travail, malgré ungain de prés de 100 voix mais avecla présence d’une liste de plus, laCGT recule légèrement (elle passede 25,09 à 24,20%), mais confortelargement là aussi sa première place(SUD reculant de plus de 3 points).

Assistantsde bibliothèquesAvec 16,48%, la CGT continue saprogression (+ 1,35 point parrapport aux élections de l’an passé),qui lui fait plus que doubler sareprésentativité depuis 2001 (alors à7,32%).

PréfecturesLes élections à la CAP du corps desadjoints techniques qui viennentd’avoir lieu dans les préfecturesouvrent des perspectives nouvellespour la CGT. En présentant 4 listeslocales (sur les 8 SGAP) elle réussità obtenir un élu au SGAP deBordeaux et un à celui de Rennes.Et de plus, même avec un score(8,14%) qui ne demande qu’àprogresser amplement etrapidement, pour la première fois laCGT obtient un siège en CAPnationale.

La Culture… du résultat !L’influence de la CGT continue deprogresser au ministère de laculture, comme le montrent lesélections aux CAP des techniciensde recherche, où sa représentativitéaugmente de prés de 7 points(30,55%), ou encore celles pour laCAP des ingénieurs d’études oùelle recueille 21,47%, (soit + 6,41).Par dizaines de milliers pour les moyens de vivre

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Avril 2008

Que ce soit au ministère de la culture, où les initiatives sesont multipliées mettant en évidence une forte détermina-tion à s’opposer à une RGPP qui, déclinée dans ce ministè-re, signifie « la destruction programmée de la Direction desMusées de France, de la Réunion des Musées Nationaux etdu réseau des musées nationaux…

A la centrale du Ministère de l’Education Nationale et del’Enseignement Supérieur, où une AG doit se tenir pourque, après la suppression de 120 postes, ne soit pas mis enœuvre l’engrenage prévu par la RGPP qui s’attaque à denombreuses directions ainsi qu’ au service des pensions…

Dans la recherche, où, sous prétexte de « rationaliser larecherche publique », c’est en fait une « détitularisation »de l’emploi, la multiplication de personnels de droit privédans des structures de doit privé, de CDD, avec une placede plus en plus importante de la précarité, une « amorce dela fin du statut de chercheur à temps plein » comme ledénonce le SNTRS-CGT, et dans le même temps uneemprise croissante des entreprises sur le pilotage de larecherche, à l’opposé, d’une recherche qui fasse progresserle front de la connaissance sans être soumise aux intérêtsfinanciers…

Au trésor et aux impôts où les luttes se développent contredes restructurations qui portent atteinte tant au contenu et àla qualité des missions qu’à l’emploi public..

A l’Agence Nationale d’Accueil des Etrangers et desMigrations ( ANAEM), créée depuis juste un peu plus dedeux ans et qui, pour les besoins de la cause de la RGPP,

La Restriction Généraledes Politiques Publiques ne passe pas !

est qualifiée de « sous performante », avec des procéduresobsolètes (déjà ?), et des affirmations de « doublons » (for-mation linguistique des primo-arrivants) là où il n’y en apas, et ou PERSONNE ne peut prouver qu’il y en a tant lesfaits sont têtus…

Ou encore (pour s’en tenir à quelques exemples) au servicedes droits des femmes et de l’égalité, qui a pour mission defavoriser l’égalité des femmes et des hommes aux respon-sabilités politiques et économiques, de favoriser l’accès àl’emploi des femmes et de promouvoir l’égalité salariale etprofessionnelle, de garantir les droits fondamentaux, de

préserver les acquis, et de lutter contre les vio-lences faites aux femmes, - rien que cela - etdont l’approche transversale et partenariale est,de par la RGPP, aujourd’hui mise en péril et lastructure menacée de démantèlement.

…Et partout ailleurs, de l’Éducation Nationale àla Défense en passant par les douanes, lesAffaires Sociales, la DGCCRF, l’ingénierie oùdes mesures protectionniste en faveur du secteurprivé sont prises, ou encore toutes les missionsqui sont « décentralisées » vers des collectivitésde qui on exige désormais de mettre en œuvre ,elles aussi, une RGPP, etc, etc, etc…quelle quesoit la présentation dont on l’affuble, c’est bienla RGPP, sa logique et sa finalité qui est mise enœuvre un peu partout. Et qui ne passe pas !

Le rassemblement revendicatif qui a accueilli leprésident de la république à cahors où il faisait,le 8 avril dernier, sa déclaration publique (et évi-demment avant tout médiatique) illustre que savision de l’avenir des services publics, outilssolidaires de la nation pour répondre aux besoinsdes populations, comme aux besoins du dévelop-

pement économique, scientifique, culturel, de la cohésionet du progrès social, est loin, très loin, d’être partagée. Etles luttes quis’organisent ontbien pour objec-tif de mettre enéchec ces objec-tifs destructeurs,tout autant quede construire,dans un, desgrand(s) débat(s)démocratique lesservices publicsdont la Franced’aujourd’hui etde demain abesoin.

Luttes

Contre la RGPP, occupation des locaux de la Direction des Musées de France

A Cahors un accueilde lutte contre la

RGPP

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Fonction Publique n° 151Retraites

Non à l’allongementde la durée de

cotisationAllonger indéfiniment la durée desservices nécessaires pour bénéficierd’une retraite à taux plein ne permetabsolument pas de rééquilibrer lesfinances des régimes de retraite. Lesréformes Fillon de 2003 et celle de1993 pour le régime général le mon-trent.La seule conséquence de ces allon-gements c’est la baisse des pensions.Les déficits continuent de se creuseret dans le même temps les entre-prises persistent à se débarrasser destravailleurs avant qu’ils atteignent 60ans.

Revenir à l’indexationdes pensions

sur les salairesLa reprise de l’inflation accroît l’ur-gence de ce dossier. Le COR lereconnaît lui-même : « l’ajustementactuel demeure fondé sur une prévi-sion d’inflation et ne permet pas degarantir le maintien du pouvoird’achat des pensions » (Lettre duCPR d’avril 2008). Ce qui est déjàun problème en soi. Mais au-delà il ya aussi le fait que le mécanisme d’in-dexation des pensions sur l’indicedes prix à la consommation, qui éli-mine toute prise en compte de l’évo-lution du pays, des richesses créées,du niveau de vie, et qui, concernantle fonction publique, ne prend pasen compte les réformes catégoriellesintervenant pour les actifs, va rapide-ment produire un décrochage dupouvoir d’achat moyen des retraitéspar rapport à celui des actifs.Dans les conditions actuelles, unretraité perd, tous les quinze ans,20% de pouvoir d’achat par rapportau salaire moyen des actifs.Il est indispensable de revenir à uneindexation sur les salaires, faute dequoi les retraités vont massivements’appauvrir et se retrouver dans lasituation que connaissait la France ily a cinquante ans.

S’opposer à lagénéralisation del’épargne retraite

Bien qu’il se targue de défendre larépartition, le gouvernement ne cessede prendre des mesures qui la fragili-sent. Notamment en incitant les sala-riés à recourir à l’épargne individuel-le pour compenser les baisses pro-grammées des retraites. Voire mêmeen rendant ce recours obligatoirepour les fonctionnaires avec le régi-me additionnel assis sur les primes etautres éléments de rémunérations deplus en plus nombreux et de plus enplus « larges » (le RAFP).

Medef et gouvernement refusent deprendre les mesures permettant d’ac-croître le financement de la réparti-tion, mais ils incitent chacun àdépenser davantage dans des méca-nismes d’épargne aussi coûteuxqu’incertains.Les coûts de gestion des produitsd’épargne sont de deux à trois foisplus importants que les frais de ges-tion du système par répartition.Quant au niveau attendu de la futurerente, il est surestimé. D’après uncalcul de la Fédération des Sociétésd’assurance, un salarié devrait pla-cer, depuis l’âge de trente ans,l’équivalent d’un mois de salairetous les ans pour espérer au mieux

une augmentation de 15 % du niveautotal de sa retraite (-15%, c’est laperte programmée avec les disposi-tions de la loi Fillon).

Dans la Fonctionpublique

Si les dossiers retraites du public etdu privé sont devenus largementcommuns, plusieurs questions spéci-fiques aux régimes des fonction-naires (pensions civiles et CNRA-CL) doivent être d’urgence mises àl’ordre du jour. En particulier : leminimum de pension qui, contraire-ment aux affirmations des auteurs dela loi Fillon, est en baisse ; lesavantages familiaux, en particulierceux liés aux femmes et aux enfants,qui doivent être revus, notammentles amputations rétroactives de cal-cul de retraites (enfants nés horsactivité professionnelle…).

Par ailleurs, la menace de créationd’une caisse de retraite pour lesfonctionnaires d’Etat et le dévelop-pement programmé du RAFPconduisent à faire converger nosmobilisations pour les retraites aveccelles pour les rémunérations, ladéfense de notre pouvoir d’achat etdes garanties statutaires.

Mobilisation pour les retraites

Validation de services de non titulairesRappel : depuis le 1er janvier 2004, les demandes de validationdes services des non titulaires doivent être déposées dans le délaide deux ans à dater de la notification de la titularisation (article L 5du code des pensions).Une disposition transitoire prévoit toutefois que les fonctionnairestitularisés avant le 1er janvier 2004 peuvent demander la valida-tion de leurs services de non titulaires avant leur radiation descadres et au plus tard le 31 décembre 2008 (article 66 I de la loiFillon du 21 août 2003).

Attention, donc, à cette date butoir, pour les fonctionnaires quiauraient « mis de côté » une décision à prendre en matière deservices de non titulaires validables.

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Maquette :

Impression :

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Avril 2008

Le gouvernement, le MEDEF etnombre de médias ne cessent depleurer sur le retard pris par la Fran-ce dans sa réforme des retraites etdans l’insuffisances des mesuresengagées, comparativement à ce quise fait dans les pays voisins.Le tableau ci-dessous, qui présentel’évolution du taux de remplacementrésultant à terme des réformesconduites dans 10 pays de l’UnionEuropéenne, montre une réalité biendifférente. Réalité qui fait de la Fran-ce le pays ou la réforme provoqueles reculs les plus importants pourles salariés, d’autant que ces chiffresadditionnent le régime de base et les

régimes complémentaires obliga-toires.

Avec près de 21 %, la régressionfrançaise est parmi les plus impor-tantes. Si pour l’Italie et le Portugalles chiffres de baisse du taux de rem-placement sont supérieurs, il fautconsidérer que dans ces deux pays letaux de départ était de 90 %. Pourl’Allemagne, le pilier « régime obli-gatoire » est historiquement plus baset complété par des régimes profes-sionnels (qui ne sont pas pris encompte dans l’étude). Quant auRoyaume Uni, il est sans doute diffi-cile de descendre plus bas !

L’Impact des réformes dans plusieurs pays européens

LE SITE INTERNET DE L’UGFF ?

www.ugff.cgt.fr

Taux de remplacement brut avant et après réformepour les salaires moyens

avant après écart en %

Allemagne 48,7 39,9 - 18,07Autriche 90,0 80,1 - 11,00Finlande 66,3 63,4 - 4,37France 64,7 51,2 - 20,87Hongrie 57,7 76,9 + 33,28Italie 90,0 67,9 - 24,56Pologne 62,2 62,1 - 0,16Portugal 90,1 54,1 - 39,96Royaume Uni 30,8 30,8 0,00Suède 78,9 62,1 - 21,29

Evolution des taux de remplacement au niveau du salaire moyen, pour lesrégimes obligatoires (hommes), dans les pays ayant procédé à une réformedes retraites.

NOTE : le « taux de remplacement » est le rapport en % entre la pension et lesalaire d’activité (ici en net).

Source : OCDE Les pensions dans les pays de l’OCDE. Rapport juin 2007.

Sommaire :Actu.

Rassemblons-nous pourla Fonction publique . . . . . . . . p 2En mai, mobilisation etconvergence des luttes ! . . . . p 3Pouvoir d’achat . . . . . . . . . . . p 3

Fonction publiqueUn blanc pas synonymede nouveauté . . . . . . . . . . . . . p 4Conseil supérieur . . . . . . . . . . p 5

SocialLes allocs dans le viseurdes “économies”. . . . . . . . . . . . p 7

LuttesEducation Nationale,Handicapés. . . . . . . . . . . . . . . p 8Restriction générale . . . . . . . . p 9

RetraitesMobilisation pourles retraites . . . . . . . . . . . . . . . p 10L’impact des réformes . . . . . . p 11

Le Dossier1968-2008“regards militants” . . . . . . . . . . p 12

Imprimerie Rivet Presse Edition24 rue Claude-Henri-Gorceix,

87022 Limoges cedex 9Tél. : 05 55 04 49 50Fax : 05 55 04 49 60

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-La France se situe dans une étapenouvelle du développement du capi-talisme, avec une place renforcée durôle de l’État au service de celui-ci.Si entre 59 et 67, la productivité dutravail a considérablement progres-sée (+ 50% sur l’ensemble de l’in-dustrie) ainsi que la production inté-rieure brute qui est passée (en francscourants) de 293 milliards à 467 mil-liards de francs, cela ne s’est pas faitau bénéfice des salariés et de lapopulation : 4 millions de tra-vailleurs gagnent moins de 600

francs mensuels, le pouvoir d’achatdes revenus mensuels nets moyensdes ouvriers n’a pas progressé depuisune décennie, le chômage s’estaggravé avec 500 000 chômeurs, lepouvoir d’achat des allocationsfamiliales a baissé de prés de 30%,les loyers ont presque doublé, et lesimpôts touchent 5 millions de fran-çais supplémentaires. Si la duréelégale du travail est de 40 heures parsemaine (depuis les acquis de Frontpopulaire), le temps de travaileffectif n’a cessé de progresser

pour atteindre le niveau le plusélevé en Europe (46,6 h pour

l’ensemble de l’industrie,54,8 h pour les industriesmanufacturières). Au total les salariés neprofitent pas de la crois-sance.Au contraire on assiste àun durcissement du pou-voir face aux revendica-tions sociales. G. Séguyécrit dans « Le Mai de laCGT » : «Lorsque nousproposons (…) de négo-cier, nous nous heurtons àun refus absolu aussi biende la part du gouverne-ment que du ConseilNational du Patronat Fran-çais. Les impératifs decompétitivité dans lecontexte d’une concurren-ce internationale qui s’ac-centue exigent une rigueursur le plan social ».- Les confédérations syn-dicales CGT et CFDT

concluent un accord d’unité

Pas un coup de tonnerredans un ciel serein

Fonction Publique

1968-2008“Regardsmilitants”

PPoouurrqquuooii ddoonncc NN.. SSaarrkkoozzyyvveeuutt «« lliiqquuiiddeerr »» ll’’hhéérriittaaggee ddee mmaaii 6688 ??

« …il s’agit de savoir si l’héritage de mai 68doit être perpétué ou s’il doit être liquidéune bonne fois pour toutes ». Ces propostenus le 29 avril 2007 à Bercy par le candidatSarkozy aujourd’hui président, sont illustratifsde ce qui peut exister de plus réactionnairesdans la pensée politique.Les accusations outrancières portées contre «mai 68 », comme d’ailleurs les réécritures–persistantes et pas innocentes – selon les-quelles il y aurait eu deux mai 68, celui des étu-diants à l’avant-garde et celui des travailleursqui n’auraient fait que suivre lorsqu’ils ne frei-naient pas, participent du même objectif : nierla force du monde du travail rassemblé dansl’action, combattre tout esprit de résistance etde conquête pour mieux imposer les reculssociaux .En réalité, comme l’écrit GeorgesSéguy, « il n’y a eu qu’un mai 68, durant lequeltravailleurs étudiants, et bien d’autres se retrou-vèrent unis dans une même lutte contre l’injusti-ce sociale et culturelle d’un système arriéré,

conservateur, idéologiquement totalitaire, etintellectuellement ringard ! »Et c’est cela que craignent encore et toujoursles forces politiques conservatrices et le patro-nat.Nombre des témoignages que nous publions iciapportent des éclairages sur la réalité de ladimension du conflit, sur son contenu, sur sesacquis, sur ses enseignements. Ils mettent enévidence l’importance de la parole prise, decompter enfin, de compter pour un, la nécessitéde réponses solidaires, les richesses que recè-le l’intelligence collective, les potentialités deprogrès sociaux et sociétaux que peut apporterl’action de masse….Ce mai 68 là n’est pas pour nous l’imagejaunie d’un passé lointain, plus d’actualité,mais au contraire un ferment qui nourrit leprésent de nos engagements, de nos luttespour construire un avenir de progrès, desolidarité, de liberté et de paix.

Certains veulent « liquider » 68..D’autres n’en font, pour les besoinsde leur cause, qu’une présentationdans laquelle est caricaturée, voiregommée, ce qui en fut unedimension essentielle, à savoir cetimmense mouvement social aprèslequel, comme l’écrit un destémoins, « plus rien n’était pareil ».Le dossier que nous produisonsdans ce numéro de « FonctionPublique » a pris délibérément leparti d’un regard CGT, un « regardmilitant », sur les luttes « de 68 »,en y situant notre secteur.Alors que très rares sont les agentsen activité dans les services qui ontconnu ce conflit comme salarié, cedossier se veut ce témoin qu’unegénération transmet à celled’aujourd’hui, non pour sacraliser« 68 », mais pour mieux faireconnaître ce qu’en a été ledéroulement, le vécu militant, cequ’y ont gagné les salariés, ce qui abougé en profondeur dans lasociété et qui gène tant encoreaujourd’hui, afin d’en tirerenseignement pour les luttesrevendicatives.Simplement cela… mais aussi toutcela.

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UGFF-CGT Fonction Publique n° 151

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d ’ a c t i o n( j a n v i e r1966) quistimule lacombativité.Le mouve-ment socials’amplifie etde nom-b r e u s e sg r è v e sna t iona lesmarquerontla période qui suit. En 1967 lenombre de journées de grève comp-tabilisées par le ministère du travailsera supérieur de 30% à celui del’année précédente.

-Doté des pouvoirs spéciaux, legouvernement édicte à l’été 1967 desordonnances qui portent atteinte à laSécurité Sociale –éclatement de lacaisse nationale, suppression del’élection des membres des conseild’administration, un ticket modéra-teur évolutif et plafonnement desremboursements mutualistes, dérem-boursements de médicaments, remi-se en cause du tiers payant….. - (larevendication de l’abrogation de cesordonnances deviendra une desrevendications portées par les luttes).Le mouvement syndical CGT de laFonction publique est très impliquésur cette question. Sa presse détaillelargement tous les enjeux au sujetdesquels « il ne faut absolument passe limiter à la bataille parlementaire,même si elle est importante » et« tout mettre en œuvre pour (…) unvaste mouvement mobilisant tous lesbénéficiaires de la Sécurité Sociale »lit-on par exemple dans « l’Agentdes routes » de novembre 1967.- La guerre d’Algérie a vu se déve-lopper de fortes mobilisations pourexiger la paix. Les répressionsféroces telles que les ratonnades des17 et 18 octobre 1961 et le massacrepolicier de 9 manifestants à Charon-ne (février 1962) à l’occasion d’unegrande manifestation pour la paix enAlgérie, ne feront pas faiblir ce mou-vement, bien au contraire. Le paysen reste marqué. De manière généra-le les luttes contre les guerres colo-niales sont au cœur d’un vaste mou-vement qui concerne une large frac-tion de la jeunesse dans plusieurspays et qui, en France notamment,contribue aussi à construire – aprèsles luttes contre la guerre en Algérie

- des liens intergénérationnels. Lesmobilisations se multiplient à traversle monde contre la guerre menée parles Etats Unis au Sud-Est asiatique etparticulièrement au Vietnam. Dès1965 ont lieu les premiers autodafésde livrets militaires et les premièresmanifestations aux Etats-Unis. Letribunal sur le Vietnam se réunira enoctobre 67 à Stockholm. En 1966 ontlieu des manifestations à Berlin. Enjanvier 1968, au Japon, en février enRFA, en Mars à Londres et à Rome,en Espagne. En France de nombreux« comités Vietnam » sont consti-tués, et la mobilisation pour le retraitdes forces américaines (« US gohome ») et la paix au Vietnamconnaît une large ampleur

- Un mouvement de contestation dela situation faite aux femmes etd’émancipation des femmes seconstruit aux quatre coins du monde,notamment aux USA (parution de« la Femme mystifiée » de BettyFriedan en 1963). Il n’est pas absenten France et sa dimension s’intègredans les luttes sociales. La CGTorganisera, les 8 et 9 avril 1967, unerencontre nationale soutenue par unappel d’associations et personnalitésqui dénoncent notamment les diffé-rences salariales, les discriminationsà l’embauche, pour l’accès à la for-mation et pour les promotions, ainsique le fait que dans l’administration« de nombreux postes restent inac-cessibles à leur promotion » (ce quidemeure toujours d’une actualitécriante). Parmi les signataires ini-tiaux, des responsables syndicauxCGT de la Fonction Publique(Antoinette Baudois, Odette Grata-doux, Charles Ravaux, MadeleineVignes…), mais aussi un ancragefort dans les services de la Fonctionpublique avec par exemple la prépa-ration de la deuxième conférencenationale des femmes organisée parle SNETP-CGT (Enseignement

Odette Boursinhac(INSEE en 1968)(…) en 1968, je n’étais pas encore syndiquée.Je travaillais juste depuis un an. Ce qui m’aimpressionnée ce sont les importantesmanifestations étudiants-salariés, et j’aisurtout gardé en mémoire cette solidaritédes gens entre eux, notamment quand toutétait paralysé, plus d’argent, plus d’essence…J’étais à l’INSEE à cette époque et il y avaitde nombreuse AG (auxquelles je neparticipais pas), des distributions de tract(surtout de la CGT,), l’euphorie ambiante etsurtout les charges policières qui mefaisaient un peu peur : des flics casqués etarmés jusqu’aux dents avec boucliers,matraque et grenade lacrymogène chargeantdes manifestants au pas de course, ça faitfroid dans le dos quand on a 20 ans et qu’onarrive de sa province toute calme…lamultiplication des contrôles policiers aussi…Voilà, en fait je suis passée à cotéd’évènements importants, et je regretteencore de ne pas avoir été syndicaliste àcette époque.

Jean Corbeau(Trésor – 22).(…) Le syndicalisme au trésor était peuorganisé en Bretagne avant le mouvement demai 1968 : Il y a trouvé son essor. La grèvea tout de suite été totale ; elle a duré 15jours dans le département des Côtes duNord et dans les autres départementsbretons, comme dans la plupart des régions.Une assemblée générale des personnels (…)se tenait chaque matin….on y construisait unesociété idéale et on y débattait aussi de laconduite de la grève. J’y ai soutenu uneorientation du syndicat du Trésor visant àassurer le paiement des pensions pour ne pasnuire aux intérêts des catégories sociales lesplus modestes et éviter que la grève nedevienne impopulaire. Les responsables duSyndicat majoritaire FO s’y sont opposés Lesguichets de pensions et les caisses sontrestées fermés (…) Je retiens de cetteexpérience locale que mai 68 a été un grandmoment de prise de conscience syndicale. Lesyndicalisme CGT du Trésor a connu surcette lancée un développement important.Les rapports avec la hiérarchie

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Avril 2008 UGFF-CGT

68parolesmilitantes

Les personnels des labos des Ponts et Chaussées,à Rouen, dès 66… (Archives R. Privat)

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administrative n’ont plus été les mêmes : lesfonctionnaires et leurs représentants y ongagné, en plus de droits importants, de laconsidération.

Perennes Michel(Travaux Equipement -29)A la fin du premier trimestre 1968 il y a uneforte montée du mécontentement et on parled’un mouvement revendicatif de grandeampleur(…)La répression policière à la Sorbonne sert dedéclencheur. Le 22 mai notre syndicat nationalappelle à la grève illimitée. A Pont-Aven il y a100 % de grévistes et la subdivision del’équipement est fermée.Avec des responsables de syndicats CGTd’usines et des enseignants nous créons uncollectif qui se réunit en mairie pour étudierla situation des salariés et de leurs famillesafin de leur venir en aide avec les fonds mis àla disposition par la mairie. Au bout de 15jours de grève, craignant ne pas pouvoir faireface à la situation financière de leur famillequelques agents décident de cesser lemouvement. J’interviendrais auprès de da laDirection Départementale qui assure que lestraitements seront intégralement versés etces agents reprennent la lutte. A l’annonce desnégociations le mouvement est suspendu et lavigilance sur les résultats est maintenue.Après appréciation sur ce qui a été obtenu, lemot d’ordre d’action sera levé.Les agents ayant participé au mouvement engarderont de la fierté (…).

J.P. Junet,(agent de lycée Rhône)(…) La nationalisation des lycées et collègesmunicipaux doublait les effectifs, notre champde syndicalisation et nos syndiquésaugmentaient proportionnellement, nous nousorganisions en conséquence. De nombreusesactions de grèves avaient été engagées,souvent dans l’unité syndicale (…)Pour nous l’engagement fut la grandemanifestation du lundi 13 mai avec uneparticipation énorme, du jamais vu. Appel à lagrève générale dans la soirée, et le lundimatin, appel de tous les militantsdépartementaux et d’établissements partéléphone (…)14 mai au matin nous sommes grévistes, et lapremière surprise est de voir sur le dôme durectorat, de l’autre coté du Rhône, un drapeaurouge qu’avaient accroché les étudiants. Del’inimaginable.Dans la matinée, j’ai assisté avec mon collègueBrousse des labos, à la première assembléedes lycéennes de « Juliette Récamier »quise déclaraient en grève, (…). Situationinimaginable quelques jours auparavant.En milieu de semaine, convocation d’un conseild’administration extraordinaire, et, pour lapremière fois les représentants des agentsprennent la parole, apportent leur soutien auxélèves en grève, et exposent leursrevendications. Toujours inimaginable jusque là(…).

Technique et Professionnel), ouencore les 400 signatures de soutienà l’initiative recueillies à la Caissedes Dépôts….

- Le pasteur Martin Luther King, lea-der du mouvement pour l’égalitéraciale est assassiné (avril 1968). (Ilest à noter que cette lutte contre laségrégation raciale conduira TommieSmith, vainqueur du 200 m aux jeuxolympiques de Mexico,– qui serontprécédés par une répression sauvaged’une manifestation étudiante, cau-sant 200 à 300 morts, - à lever, avecun autre athlète noir américain -Car-los- un poing ganté de noir sur lepodium.). - Les dimensions de lutte contre lesinjustices sociales, de solidarité etd’émancipation, imprègnent forte-ment le mouvement social. - Les luttes se développent, dans lecadre de journées ou de périodesd’action interprofessionnelle à l’ini-tiative CGT et CFDT (les 1er février,17 mai, 13 décembre et la semained’action du 9 au 14 octobre 1967),dans de nombreuses grandes entre-prises en France, ainsi que sur lesterritoires….….et aussi dans la Fonctionpublique…Après que , le 6 décembre 1966, sesoit tenu un meeting commun CGT,CFDT ,FO, FEN et fédération desretraités qui a rassemblé 3000 mili-tants , ce qui constituait une donnéeunitaire nouvelle et une impulsionindéniable aux initiatives revendica-tives, les actions se multiplient dansla Fonction publique : début janvier1968, sur une période couvrant 3semaines, les personnels des « Pontset Chaussées » développent uneaction de « respect intégral de l’ho-raire normal de travail » et de« refus de toute heure supplémentai-re » pour les rémunérations, la titu-

larisation des non titulaires, lesreclassements. Puis une action degrève a lieu le 5 février 1968 ; unepétition pour la titularisation de tousles personnels auxiliaires est signée àl’initiative de la CGT. ; dans les ser-vices du Travail et de la Maind’œuvre, une grève très massive alieu le 16 Mars ; grève à l’appel duSNETP-CGT du SGEN-CFDT et de3 organisations de la FEN le 26février pour la zone A et le 4 marspour la zone B. En avril journéed’action dans les collèges d’ensei-gnement technique pour l’allègementdes maxima de service. La question des salaires se pose avecforce, et le gouvernement manœuvreexpliquant que « la notion de pou-voir d’achat doit être entendue nonpas au niveau de l’individu, mais surl’ensemble du budget dit social ».Décidément le discours n’est aujour-d’hui guère renouvelé. Suppressiondes abattements de zones, intégrationde l’indemnité de résidence sont desrevendications qui prennent de l’am-pleur. L’accentuation de la pressionfiscale est dénoncée avec force, etune campagne est engagée à l’initia-tive de la fédération des financesCGT. Parallèlement le projet de bud-get pour 1968 est combattu. Dans unéditorial de « la Tribune des fonc-tionnaires » le secrétaire général del’UGFF, Roger Loubet, dénonce uneévolution des crédits qui « ne cou-vrira même pas la hausse des prix etcelle des impôts » et qui, « a plusforte raison ne permettra (…) aucunrattrapage du retard des rémunéra-tions ni aucun reclassement des caté-gories surexploitées ».Dans l’enseignement supérieur et larecherche les personnels s’élèventcontre la contractualisation de per-sonnels (dans l’enseignement supé-rieur le projet de budget prévoit lasuppression de plus de 1900 emplois

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Les péniches bloquent le réseau fluvial de Lille,Deule, 25 mai 1968. ©DR IHS-CGT.

En 1967, en 1968 les pénichesbloquées sur les canaux.

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de personnels techniques fonction-naires et la création d’autant d’em-plois de contractuels type CNRS),les projets de « création d’universi-tés compétitives » etc ; les person-nels de service et de laboratoire del’éducation nationale, à l’appel de laCGT, CFDT et autonomes, se met-tent en grève à 80% les 23 et 24octobre ; actions également auCNRS, à la DGI ; des grèves deséclusiers le 1er novembre puis les 30et 31 décembre ont paralysé la circu-lation sur les rivières et canaux ; unepétition CGT – CFDT pour une aug-mentation immédiate des salaires estmassivement signée parmi les tra-vailleurs de l’État. 75% de grévistesà la météo le 1er janvier 68.Manifestation des personnels duministère des finances (CGT etCFDT) et de la banque de France le13 décembre (journée d’action inter-professionnelle) ; Une « grèveadministrative massive de 33 joursaux impôts qui a soldé à l’avantagedes personnels, vingt années deconfrontation sociale avec l’adminis-tration » (A. Narritsens) ; au Trésor,la « réforme du réseau », annonce lasuppression autoritaire de très nom-breux postes comptables et unaccord CGT- CFDT – FO trace lesperspectives d’actions communes.Les 26 février (zone nord) et 4 mars(zone sud) se déroulent des grèves etmanifestations largement suiviesdans le second degré, et le 17èmecongrès du Snetp-Cgt formule laproposition d’arrêts de travail en mai« soit le 13, soit le 20 »Au total un mécontentement trèsfort qui engendre une montée consi-dérable des luttes. Et un refus obsti-né du pouvoir de répondre aux exi-gences. R. Loubet écrira (Tribunedes fonctionnaires de février 1968) :

« Pour opiniâtre qu’elle soit, cetterésistance du pouvoir sera vaincue ».Fin mars se tiendra le 12ème congrèsde l’UGFF qui pointe les grandsenjeux revendicatifs, tant au niveaugénéral (dont particulièrement lesordonnances, l’emploi, la répartitiondu revenu national…) que propres àla Fonction publique (salaires,reclassement des C, D et auxiliaires,intégration de l’indemnité de rési-dence, suppressions des zones desalaires, relèvement des débuts decarrière…) ou concernant le devenirdu Service public (On lit dans la Tri-bune des fonctionnaires d’avril 68rendant compte des travaux ducongrès : « … s’ajoutent, dans laFonction publique, les graves dan-gers que porte en elle une réformeadministrative qui, insidieusement etpar touches successives, modifie lesstructures de nos services, s’attaqueà nos garanties statutaires, menacenos droits acquis les plus fondamen-taux »)- le 22 mars, au lendemain d’uneaction contre la guerre au Vietnamqui avait dégénéré (saccage du siègede l’American express, arrestation demanifestants), 150 étudiants occu-pent la salle du conseil des profes-seurs de la fac de Nanterre (qui àl’époque compte un millier d’étu-diants), reprenant les revendicationsd’accès à la résidence universitaireféminine sans interdit, exigenceexprimée 1 an plus tôt lorsqu’ungroupe d’étudiant avait investi lebâtiment de la cité administrativeréservée aux étudiantes.- Les organisations syndicales de laCGT préparent (au travers deréunions qui ont déjà rassemblé plusde 20 000 participants) le festivalnational de la jeunesse prévu pourles 17,18 et 19 mai. Dans ce cadre, la

J. Serramalera.(Enseignant en CET à St Denis 93)(…) Je ne me souviens plus à quel moment leCET (…) s’est déclaré en grève. Sans douteaprès le 13, mais de toute façon il n’y avaitplus classe depuis longtemps faute d’élèves.Avec un comité de grève nous assurions lasécurité et la gestion de l’établissement,personnels de service et enseignantsensemble. Ainsi nous avions réussi à nous fairedonner des avances sur traitementsD’assemblées générales en assembléesgénérales, (…), nous élaborions nosrevendications. La pédagogie nous préoccupaitbeaucoup, mais pas seulement : conditions detravail, rémunérations, titularisation desauxiliaires, solidarité interprofessionnelle,faisaient partie du débat permanent.(…) pour les déplacements afin de se rendre àla bourse du travail ou aux manifs il fallait sedébrouiller. Pas de transports en communs,pas de carburant.Pour ma part j’ai pu apprécier un grandmoment de solidarité : près de chez moihabitait un couple de vieux artisans ambulantsdont les anciens véhicules pourrissaient surplace dans leur jardin. Ils avaient tenu à tirerde l’essence des fonds de réservoirs pourm’offrir quelques bidons. Ils avaient connu 36et avaient ainsi le sentiment de continuer leurcombat. « Pour l’effort de guerre » disaientils !

Y. Ernoul(Paierie générale)J’étais en poste à la Paierie Générale, où il yavait plus de mille agents, et secrétaireadjoint de la section syndicale.Pour moi le mouvement a commencé le samedi11 mai, pour préparer la journée du 13. Le lundi13 au matin nous distribuions le tract etdébattions avec les agents.La grève illimitée a débuté à la Paierie le lundi20 juin. Ce fut l’occasion de ma première AGdes personnels, sous le porche d’entrée, avecla participation d’environ 300 agents. Lesresponsables de chaque syndicatintervenaient, mais c’est celle du secrétaireCGT, René Léger, aidé par de jeunesadhérents qui « poussaient », qui s’est avéréedécisive.C’est ce même camarade qui, alors qu’un matinnous distribuions un tract demi format, decouleur jaune, vierge, et à l’interrogation dufondé de pouvoir qui s’étonnait qu’il n’y eûtaucun texte sur le tract, lui répondit toutsimplement : « la couleur ça suffit ! ».Les mots d’ordre étaient purementrevendicatifs : Traitements, remises,carrières, durée du travail, accueil des jeunes.(…) je suis allé une fois à la Sorbonne où lesdébats m’ont semblé très loin despréoccupations des personnels.Vers la fin du mouvement, à l’époque desnégociations nous avons occupé avec unecentaine d’agents, et durant plusieurs heures,les couloirs de la direction de la comptabilitépublique.

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Manifestation du 1er mai 1968, Paris.©Michel Smolianoff IHS-CGT.

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Et pour l’AG qui devait décider de la reprise,la direction ayant refusé les locauxadministratifs, nous l’avons tenue sur lesmarches du Palais Royal, et avons décidé de nepas rentrer immédiatement et de nereprendre que 24h plus tard !

A.Jaeglé(Institut géographique national.Equipement.)Secrétaire général adjoint de mon syndicat del’IGN, j’étais aussi secrétaire national del’UGIC (qui allait devenir l’UGICT)… Des souvenirs de mai 68 à l’IGN, ce qui merevient ce sont les assemblées générales depersonnels presque tous les jours, et lanégociation de fin de grève où mon rôlepersonnel a été de faire inscrire dans l’accordde fin de mouvement la présence dereprésentants du personnel dans le CA – l’IGN,étant devenu depuis quelques années un EPA -.Après une suspension de séance, etconsultation du ministère sur ce point (quiétait une revendication de l’intersyndicale,mais sur lequel j’étais seul à insister pourqu’elle ne reste pas de coté) le directeur adonné son accord.68, c’est encore les enseignements à tirer desituations particulières : lorsqu’un camarade,m’avait dit en substance à propos d’uneposition que j’avais prise sur la poursuite del’action « tu vois, si nous étions au pouvoir, tuserais condamné à mort ». Bien sûr il n’y avaitpas lieu de prendre les choses au tragique,n’empêche que, et j’y ai souvent pensé, lesminorités qui croient détenir la vérité etjustifient leur action minoritaire avec unephraséologie « de classe », cela existeencore. La conviction acquise aussi, au vu desrésultats aux élections législatives, etcontrairement à l’idée que les travailleurs sontplus conscients politiquement en période delutte et de succès, que les chemins de la prisede conscience politique sont bien pluscomplexes.

J.J Pignan(Impôts -77-)Mai 68 ? Un mois qui fera date dans ma vied’agent de la Direction générale des impôts,de militant Cgt et de citoyen.A l’époque, membre de la Commissionexécutive de Seine-et-Marne du SNACI,j’exerçais, en qualité d’inspecteur, lesfonctions de rédacteur à la Directiondépartementale des Contributions indirectes.De surcroît, le directeur m’avait chargéd’assurer l’intérim de chef du centre deconstatation de Melun (service expérimentalde traitement des TCA à l’instar de celui deLille).Aux charges traditionnelles du Centre, l’équipede direction lui avait dévolu le traitement duremboursement des trop-perçus forfaitaireset l’élaboration du fichier des redevables desTCA à transférer au Centre informatique deReims.Voilà planté le décor.

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Le 3 mai les étudiants se rassemblentpour protester contre l’incendie de lanuit et dans l’attente d’un assautannoncé du groupe fasciste Occi-dent. La fac de lettre de Nanterre estfermée. Le recteur appelle la policequi investit la Sorbonne. C’est larupture avec la tradition de toujoursde franchise universitaire.

Répression contre lesétudiants et développementdu mouvement social.Une manifestation s’organise boule-vard St Michel. La police charge ;les affrontements dureront jusquetard dans la soirée. Il y aura 593interpellations et 27 arrestationsainsi que de nombreux blessés. Dansle même temps les salariés de laBanque de France manifestent placedu Palais Royal.Durant les jours qui suivent des étu-diants sont condamnés par lachambre correctionnelle à de lourdespeines (prison avec sursis ou ferme,amendes).Le mouvement revendicatif prend de

l’ampleur avec des débrayages mas-sifs à Sud Aviation, des arrêts de tra-vail dans les PTT ; 100 000 mineurscessent le travail (le 6 mai) pourimposer des mesures de sécurité.Aux PTT, chez Renault, dans laFonction publique, des actions sontmises en perspectives.Le SNES (Enseignement secondaire)condamne les brutalités policières àl’encontre des étudiants ainsi que lafermeture des facultés et exige lalibération des étudiants arrêtés. Deson coté L’Union DépartementaleCGT de Paris (communiqué du 5mai) condamne également « les pro-vocations gouvernementales et lesbrutalités policières », pointe l’utili-sation par le pouvoir des «agisse-ments irresponsables et aventuristesde certains groupes gauchistes »dénonce le fait que soit tolérée« l’activité d’éléments fascistesd’Occident » et « réaffirme sa soli-darité aux étudiants et aux ensei-gnants qui luttent pour la défense,l’amélioration et la démocratisationde l’enseignement ». Des protesta-tions émanent notamment du

Mai – juin 1968 :un conflit social qui prend

une ampleur sans précédent

fédération des finances CGT organi-se à Vincennes sa première conféren-ce nationale des jeunes des Financesqui accueillera des représentantsvenus de 54 départements.- Le rapport de force montant dansle pays conduira à ce qu’une propo-sition de loi du groupe communiste àl’assemblée soit partiellement adop-tée, généralisant la 4ème semaine decongé payé, mais la partie de la pro-position de loi prévoyant la cinquiè-me semaine pour les jeunes estrepoussée.- Des manifestations départemen-tales ou régionales pour l’emploi etcontre le chômage sont décidées surde nombreux territoires - La réunion de la commissionparitaire de la métallurgie se soldepar un échec et la CGT appelle àl’action.

- Les fédérations CGT et CFDT dutextile appellent à la grève.- Les salariés de Sud Aviation Bou-guenais (Nantes) débrayent à nou-veau et manifestent dans les rues. - Pour la première fois depuis qua-torze ans le pouvoir est contraintd’autoriser une manifestation pour le1er mai dans la capitale à l’appel dela CGT. La CFDT refusera de sejoindre à cet appel sur Paris (commeà Bordeaux, Lille ….alors qu’elleparticipera à Marseille ou à Toulou-se). En définitive ce seront 100 000manifestants qui défileront dans lesrues de Paris.- La fac de Nanterre sera fermée ausoir du 2 Mai, et le mouvement deprotestation étudiante se réorientevers la sorbonne.- Dans la nuit du 2 au 3 mai, unincendie se déclare dans un localsyndical (UGTE) à la Sorbonne.

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Le mouvement social, se déroulant dans notrepays, suscitait l’intérêt du personnel mais lesdirections syndicales restaient localementdans une attitude d’expectative.Dans ce contexte, je proposais aux agents duCentre une Assemblée générale pour évoquerles évènements en cours (crise nationale etalourdissement des charges de travail). Laréunion suscitait un large débat. Pour conclureet à une large majorité, de l’ordre de 80 % àbulletins secrets, décision était prise defermer le Centre et de se mettre en grève.Dans les quarante huit heures, qui suivaient,les personnels des contributions indirectes dudépartement rejoignaient le mouvement socialdans une large proportion.Ce dénouement ne présenterait qu’un intérêtmineur s’il ne révélait trois particularités :mise en pratique d’un vote anonyme qui laissaità chaque participant une totale liberté dechoix ;rôle majeur dévolu aux syndiqués face à unedirection locale hésitante ;effet d’entraînement d’une décision localiséedans un service sur l’ensemble des personnelsdu département.

F. Raffini(enseignante CET-93-)1968… c’était encore le temps desétablissements scolaires distincts pour lesfilles et les garçons (….).

Cette distinction était particulièrement le faitdes collèges d’enseignement technique,devenus depuis les lycées professionnels, enraison de la tradition selon laquelle les métiersétaient réputés soit féminins (la couturefloue, les métiers de bureau, ceux de la petiteenfance) soit masculins (ceux de latransformation de la matière, que ce soit lemétal ou le bois, et du bâtiment (…). Lesprogrammes étaient différents et passeulement en raison de la spécificitéprofessionnelle puisqu il en était égalementainsi pour les mathématiques et les sciencesphysiques.C’est ainsi que j’ai été admise au concours derecrutement de « professeurs d’enseignementgénéral mathématiques-sciences physiques deCET féminin » en 1963. Et que j’ai reçu uneformation d’un an à l’école normale préparant àl’enseignement dans les CET féminins ! C’était le temps où le port du pantalon étaitinterdit aux filles et où les élèvesadolescentes qui osaient le maquillage étaientpriées d’aller se laver.Il arrivait aussi qu’une élève disparaisse deseffectifs pour cause de grossesse… lesystème scolaire n’abordait pas l’informationsur la pilule contraceptive, y compris après laloi Neuwirth.

Enfin, il existait encore un certificatd’aptitude professionnelle (CAP) « Artsménagers » que seules les filles pouvaientpréparer : son débouché professionnel était «employée de maison ». En fait, il était surtoutcensé préparer les jeunes filles à leur futurevie de mères de famille…

SNTRS-CGT (recherche), duSNETP –CGT (enseignants des Col-lèges d’enseignements techniques),du syndicat CGT de la Fac d’Orsay ;un mouvement qui se poursuivra surtoute la période avec notamment lelendemain (7 mai) des protestationsémanant de l’Union générale desingénieurs et cadres CGT, del’USTM CGT (métaux) de la régionparisienne, du syndicat des correc-teurs…. Le Bureau de l’UGFF-CGT (décla-ration du 6 mai) de son côté dénoncel’attitude du ministère de l’Éduca-tion nationale qui tente de mettre encause le droit de grève dans la Fonc-tion publique, apporte sa solidaritéaux étudiants victimes de la répres-sion, et demande la libération desétudiants arrêtés, la levée descondamnations et l’arrêt de toutepoursuite. Tout en désapprouvant« l’activité irresponsable de certainsgroupuscules » qui servent de pré-texte à la répression policière, lebureau de l’UGFF-CGT souligneque c’est au gouvernement qu’in-combe la responsabilité de la situa-tion.La violence policière va, dès lematin et toute la journée du 6, sepoursuivre contre les étudiants quimanifestent à l’appel de l’UNEFplace Denfert Rochereau, puis auquartier latin. Il y aura plus de 500blessés et 422 arrestations

La CGT dénonce larépression policière etrefuse l’engrenageprovocation -répression

Dans une conférence de presse (le 7mai) le secrétaire général de la CGTrappelle que la CGT tient « le pou-voir pour responsable » de la situa-tion, soulignant que « sa politiqueenvers l’université…est en cause ».Il dénoncera avec fermeté « les élé-ments troubles et provocateurs quidénigrent la classe ouvrière » et qui« ont l’outrancière prétention devenir lui inculquer la « théorie révo-lutionnaire » et diriger son com-bat ». (Durant les jours précédentsun groupe gauchiste – la FER – aentraîné quelques étudiants à mani-fester devant la Bourse du travail deParis pour proférer des insultes àl’égard de la direction de la CGT.)Les manifestations gagnent la plu-part des villes universitaires, et àParis la manifestation partie de Den-fert-Rochereau se termine par denouveaux affrontements avec la poli-ce au quartier latin. Les actionsrevendicatives des salariés se pour-suivent et prennent de plus en plusd’ampleur : les services ambulantsles centres de tri et les bureauxgares parisiens des PTT sont engrève ; la grève des taxis est totalesur Paris. Nouveau débrayage (le 7mai) des salariés de Sud AviationBouguenais à Nantes ; les arrêts detravail se multiplient à Renault –Sandouville, à la Caisse PrimaireCentrale de la Région Parisienne.Une journée de grève régionale (8mai) sur les 9 départements del’ouest (Appel CGT, CFDT, ensei-gnants, et syndicats paysans) ren-contre un très large écho.Le Bureau confédéral de la CGTsalue l’importance de la mobilisation

et réaffirme sa « solida-rité aux étudiants etenseignants qui exigentnotamment la réouver-ture des facultés fer-mées, la libérationimmédiate des empri-sonnés et une réformedémocratique de l’en-seignement ».Un important rassem-blement d’étudiants alieu (8 mai) à la fac dessciences (20 000 étu-diants présents). Parmiles orateurs qui s’yexprimeront, CharlesRavaux, secrétaireGénéral du SNTEP –CGT, qui « appelle les

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étudiants à renforcer l’union avecles travailleurs ».L’UNEF lance un appel aux cen-trales syndicales pour qu’elles affir-ment leur solidarité avec la lutte desétudiants et envisagent une manifes-tation « pour la défense des droitsd’expression syndicale et politique etcontre la répression policière ».Alors que le mouvement étudiant sepoursuit dans tout le pays, un accord(le 10 mai) est conclu entre la CGT,la CFDT, La FEN, l’UNEF-UGE etle Snesup pour organiser le 14 maides manifestations dans toutes lesgrandes villes de France, pour l’am-nistie des manifestants condamnés,pour les libertés syndicales et poli-tiques. FO fait savoir son refus departiciper à ces manifestations.Puis les choses vont aller très vite.Des participants à une manifestationestudiantine qui se déroule dans leplus grand calme, se rendent auquartier latin. Des barricades dres-sées par des manifestants sont prisesd’assaut par les forces spéciales derépression (nuit du 10 au 11 mai).Des gaz de combat et des grenadesoffensives sont utilisées contre lesétudiants, des voitures sont incen-diées…. Dans la nuit, le secrétairegénéral de la CGT, Georges Séguyappelle avec force le gouvernement à« retirer immédiatement ses forcesde police du quartier latin », à « pro-noncer l’amnistie » des manifestantscondamnés et à prendre en considé-ration concrètement les revendica-tions légitimes des étudiants et dumonde universitaire ». Il appelle à« préparer activement une puissanteriposte populaire, décidée par lesorganisations syndicales ouvrières,d’étudiants et d’enseignants ».La déclaration du Bureau confédéralqui suivra au matin (11 mai) va dansle même sens. Toutes les organisa-tions de la CGT sont appelées à« mobiliser les travailleurs et organi-ser dès aujourd’hui dans les localitéset dans les entreprises en activité(c’est un samedi NDLR-) toutesformes de protestation ». La CGTpropose une réunion immédiate desconfédérations ouvrières, de la FENet de l’UNEF.Les dirigeants de FO demeurerontintrouvables.Participent à la rencontre la CGT, laCFDT, la FEN, l’UNEF et le Snesup.D’emblée la CGT propose une grèvegénérale le 13 mai avec manifesta-

tions dans toute la France. Aprèsconsultation de son bureau le repré-sentant CFDT (E.Descamps) donneson accord. Les autres organisationsne répondent pas. Un délai leur estlaissé jusqu’à midi.

L’appel à la grève généralede 24 H du 13 maiA midi les confédérations CGT etCFDT appellent à la « grève généra-le de 24 heures le lundi 13 Mai et àde puissantes manifestations aux-quelles la population ne manquerapas de participer massivement ». LaFEN prendra une position identique.FO se ralliera à la décision prise. LaCFTC refuse de s’y associer.Dans le même temps les manifesta-tions de protestation ont lieu dans lesvilles universitaire. Et les rassemble-ments revendicatifs mobilisent(Saint-Étienne, Roanne, Forbach,Lille…).Le premier ministre G. Pompidou,de retour d’Iran, manœuvre en recullors d’une allocution radiotéléviséetard dans la soirée du 11 mai. Pourla CGT cette allocution est « loin derépondre à toutes les questionsposées par les luttes des travailleurs,des étudiants et des enseignants. »Le lendemain, dimanche, les mili-tants et organisations de la CGTmultiplient les initiatives s’appuyantsur le réseau des unions locales.

Le 13 Mai sera une journée d’uneampleur exceptionnelle qui au delàde sa force présente créera les condi-tions d’un puissant développementdes luttes.C’est par millions que les tra-vailleurs répondront au mot d’ordrede grève générale. Les manifesta-tions sont partout très imposantes. AParis, derrière les banderoles affi-chant « étudiants, enseignants, tra-vailleurs solidaires », et, avec desslogans qui vont du « dix ans çasuffit » au « de Gaulle démission »en passant par « des profs pas desflics », « enseignement démocra-tique » ou encore « libérez l’infor-mation », c’est un cortège de 800 000 manifestants qui défilerajusqu’à la nuit.Les fonctionnaires participent massi-vement à la grève. A l’Ecole Natio-nale des Impôts, par exemple, 90%des contrôleurs stagiaires ont partici-pé à la grève et 700 ont tenu mee-ting.

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Bien après, nous nous sommes entendu direque nous avions eu de la chance de commencernotre vie professionnelle au cours des «Trente Glorieuses » et que nous avionsbénéficié de privilèges qui ont lourdementpesé sur les générations suivantes.Ce n’est pas parce que ma mémoire seraitdéfaillante que je m’inscris en faux contre cesassertions : je me rappelle que nousrevendiquions de meilleures conditions detravail, des augmentations de salaire, latitularisation des maîtres auxiliaires, le droitd’intervenir dans la vie de l’établissement etque nous avons participé à plus d’une journéede grève et à des manifestations au cours desannées précédant 1968.(…) et nous sommes entrées dans la grève le13 mai, grève que nous avons menée pendantprès de trois semaines... sans subir la moindreretenue sur traitement !

Y. Pichot(Trésor Nice)… en mai 1968 j’ai été rappelé pour unepériode militaire de réserve, théoriquementdu 2 au 21. En fait compte tenu desévènements et de nos contestations, on nouslibéra plus tôt. A mon retour à Nice, lemouvement était en cours, essentiellementchez les étudiants et les salariés du privé. Autrésor la grève débuta le mardi 21.(…) l’expression du comité de grève qui avaitété constitué avec une ossature FO, alorsincontournable au Trésor, se faisait parl’intermédiaire de la presse et le bouche àoreille.Le mouvement a connu une participationnombreuse, inattendue et dynamique. Lesréunions d’information étaient très suivies…Ce qui m’a le plus marqué, c’est d’avoir réussi àfaire fermer la Trésorerie générale aprèsoccupation (…). Et notre « fait d’armes » estd’avoir imposé une ouverture partielle de la TGet de la Trésorerie municipale pour lepaiement, sous l’autorité du comité, despensions, retraites et allocations de secoursaux chômeurs par exemple….Ici, au Trésor, la grève dura du 21 mai au 4juin, et, indépendamment des avancéesnationales, fit émerger un syndicalismeaffirmé, revendicatif, pris au sérieux parl’administration locale. Ce fut un changementtotal dans les mentalités des uns et desautres.

Robert Privat(Equipement –OrganismeTechnique Régional de Rouen).Mai 68…ce fut un printemps extraordinairemais l’intérêt d’en parler n’est évidemment pasd’égrener des souvenirs nostalgiques d’unecause utopiste en de fols engagements,considérés maintenant par certainsd’inévitables et sympathiques erreurs dejeunesse. C’est pourtant ce qui domine dansles grands médias qui se complaît àn’interroger que les étudiants de l’époque,

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Le Bureau confédéral de la CGTdéclare notamment que « la grèvegénérale d’aujourd’hui et les mani-festations qui se sont déroulées danstoutes les grandes villes de France etavec une ampleur rarement égalée,posent en vérité toutes les revendica-tions économiques, sociales et poli-tiques des travailleurs, des étudiantset des autres catégories sociales vic-times de la politique actuelle » etajoute que ce mouvement recèle« une profonde volonté de change-ment dans le sens du progrès socialet de la démocratie ».Dés le 14 les luttes revendicativesvont se poursuivre. Les métallos deSud Aviation à Bouguenais (44) quimultiplient les actions depuis 3semaines décident l’occupation deleur usine. Des centaines de déléga-

tions portent à l’Assemblée Nationa-le les pétitions recouvertes de 100000 signatures, exigeant l’abrogationdes ordonnances sur la SécuritéSociale. Nouvelle grève des chauf-feurs de taxi parisiens. Une manifes-tation rassemble 10 000 personnes àBordeaux. Face au refus de la direc-tion de négocier un nouvel arrêt detravail à Renault Cléon, l’occupationde l’usine est décidée. Ce sera égale-ment rapidement le cas à RenaultFlins et Renault Le Mans..La CGT lance, le 15 mai, un« Appel aux travailleurs et tra-vailleuses de France » (diffusé à 4millions d’exemplaires) dans lequel

elle tire les enseignements de lapuissance de la grève générale du 13mai qu’elle avait proposée, rappellel’exigence de négocier les revendica-tions à tous les niveaux, invite lessalariés à participer à la détermina-tion des revendications et des moda-lités d’action dans les entreprises, lesbranches d’industries et les régions.Elle condamne avec une grande fer-meté les entreprises de division (« onparle de « crise de civilisation »pour estomper l’antagonisme entre lecapital et le travail… ») ; Dénon-çant les calomnies que déversent surelle, ses militants et ses respon-sables, des dirigeants d’organisationsgauchistes, la CGT rappelle que« …la classe ouvrière est depuislongtemps majeure ; elle n’a nulbesoin de tutelle ; elle sait aussiécarter les provocations qui visent àla diviser, à l’isoler et à la détournerde ses buts. ») et appelle les salariésà intervenir pour « lever les obs-tacles qui demeurent sur le cheminde l’unité ».Dans le même temps la CGT s’élèveavec force – tout comme les journa-listes qui ont créé un comité inter-syndical pour le respect de l’objecti-vité de l’information – contre lamanière dont l’ORTF sous la pres-sion du pouvoir opère une véritablecensure en faisant barrage auxexpressions de la CGT tout en fai-sant une large publicité à quelquesdirigeants étudiants. La CGT revien-dra à de nombreuses reprises surcette question de l’information, de lacensure de la CGT et de l’utilisationde l’ORTF pour « valoriser desactions provocatrices et les proposaventuristes et diviseurs de quelquesdirigeants étudiants ». L’interven-tion du 16 mai du premier ministreG. Pompidou, dans une stratégie quis’affirmera au fil des semaines, s’ap-puiera d’ailleurs sur cela pour réaf-firmer que dans les circonstances« le gouvernement fera son devoir »et « demande de l’aider ». Le 16 mai, les salariés de la plusgrande usine française, après de mul-tiples débrayages, décident d’occu-per Renault Billancourt (pour lessalaire, la réduction du temps de tra-vail, les libertés syndicales, uneindemnité de préretraite ouvrant lapossibilité de partir à 60 ans…) Lagrève s’élargit à quatre usines de lamétallurgie d’Elboeuf, une fabriquede bottes de Coutras (33), la manu-

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aujourd’hui rangés, casés et loyalementintégrés au système capitaliste qui avait alorsmotivé leur éphémère révolte.A l’O.T.R de Rouen nous n’avons pas vécu 1968comme une rupture. Nous abordions l’annéeforts d’une série d’actions, qu’il s’agisse de laparticipation au journées d’actionconfédérales, de manifestations spécifiquesparfois originales telle la « fête à Coquand »,du nom du directeur des routes, qui aconsisté, pour protester – avec une certaineefficacité - contre la désindexation salariale,à organiser à plus de cent un bruyant accueilau directeur et à ses invités lors d’ un banquetqu’il présidait dans le centre de Rouen…L’énorme majorité des personnels ontapprouvé l’arrêt de travail du 13 mai, et ontparticipé au rassemblement des UD. Dès le 17,plus de 20 grandes entreprises de SeineMaritime étaient occupées. Le lundi 20 aumatin nous appelions les personnels à la grèvereconductible. L’accueil fut quasi unanime. Dèsle premier jour de grève le directeur cédaitsur 6 revendications locales dont une prime depoussière dont le rétablissement était refusédepuis des années. Tout était placé sous lecontrôle des personnels qui débattaient aucours des assemblées quotidiennes. Leprogramme revendicatif CGT était largementrepris. Quelques uns préféraient bien insistersur les « réformes de structures »…dont ilsn’arrivaient pas bien à définir les contours…La grève fut reconduite chaque jour et cependant 15 jours.Et, entre autres conquêtes, comment ne pasnoter le changement d’attitude du Directeurqui auparavant faisait preuve d’unautoritarisme d’un autre âge. C’est aussi celaqui avait changé.Lors de l’ultime assemblée, le conseil de lasection syndicale CGT, présentant leremarquable bilan revendicatif tant local quenational, appela à la reprise du travail pour le4 juin. Il y eu débat…et quelquesirréductibles. La reprise fut votée à 90%.

Gabriel Bonabe(enseignant CET – 93-)… Avec les élèves on est passé instantanémentd’un comportement dominant, voired’autoritarisme, à la reconnaissance d’uninterlocuteur qui pouvait prendre une part deresponsabilité dans les décisions de la viescolaire. Et ce n’était pas une perted’autorité, voire de responsabilité des adultes,contrairement à ce qu’affirment « certainsrévisionnistes » aujourd’hui.… C’est au lendemain « des premièresbarricades » au quartier latin, que nous lesprofs, un matin, avons été confrontés à unproblème inédit : les élèves étaient devantl’entrée du CET, dans l’indécision ducomportement à adopter, entrer ou ne pasentrer ?Pour nous que faire ? Heureusement deux éléments étaient en notrefaveur : premièrement, la relation étaitrécente donc non conflictuelle, notre CETvenait d’ouvrir et nos élèves étaient issus desderniers concours de recrutement, donc

Sur les murs s’affiche la solidarité…(Les photos d'affiches sont de lacollection P. Judith)

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relativement décisionnels de leur choix deformation professionnelle. Deuxièmement, lechef d’établissement absent, l’intérim revenaitau chef des travaux qui, heureuse et nonnégligeable coïncidence, était aussi lesecrétaire de la section CGT. Une ambiguïtéd’habitude, un gros avantage ce jour là.Réunion syndicale sur le tas et décision estprise d’aller parlementer avec les élèves,toujours dehors. Nous leur proposionsd’assurer les cours normalement jusqu’à10 h, ensuite nous leur donnions la liberté dedébattre entre eux et avec nous, classe parclasse. Tout étant nouveau, nous n’étions pascapables d’aller au delà à ce moment de lajournée.

Je me souviens cependant, afin de donner lechange à la structure traditionnelle de laclasse, avoir enlevé ma blouse, fait ouvrir lesfenêtres et accepté que l’on fume. C’étaitl’espace de liberté qui leur a suffi pourentamer un débat. Rapidement, d’une façoncalme, responsable et démocratique, ils ontdésigné des responsables et nous ont demandéde mettre des classes à leur disposition pourdébattre des sujets qu’ils avaient choisis.La journée s’est déroulée sur cette base etnotre étonnement a été grand de constaterleur capacité à pratiquer un fonctionnementdémocratique. Aucune dégradation, aucuneexaction n’a été commise. Nous pensions queles jeunes reviendraient, malheureusement lechef d’établissement, de retour précipité, a« viré » tout le monde. D’une situationstabilisée, nous sommes passés à un « beaub… ».Résultat, nous n’avons jamais revu nos élèvesen mai 68. L’intransigeance de la direction aaiguisé notre conscience de l’enjeu etl’occupation du CET a été votée.

J.P Prunier(S.G - CGT-INRA en 1968)Dès l’annonce d’un appel à une grève généralele lundi 13 mai, un camarade est venu chez moiet a proposé d’organiser un appel CGT àl’INRA. Après contact avec quelques membresdu Bureau, nous rédigeons un tract, et l’UL deTrappes nous accueillera pour le tirer. Le lundi13 au matin l’appel à l’action était diffusé àl’entrée des centres de Versailles et de Jouyen Josas. Il y avait une affluence record auxassemblées générales. L’entrée dans la grèvene sera décidée qu’après quelques jours (…)età la fin de la semaine des contestatairespartisans de la « démocratie directe », (…)réussissent dans une ambiance houleuse àfaire écarter les responsables syndicaux de lacoordination et à les faire remplacer par des« indépendants ».(…) les débats seront très confus avec denouveaux animateurs, souvent peuexpérimentés….on verra surgir la propositionde remplacer les syndicats jugés trop politiséspar une amicale syndicaliste maison regroupanttout le personnel. Les syndicalistes dontl’expérience s’avère précieuse continuentcependant d’apporter pour l’élaboration de

facture d’arme de Bayonne….. Dans la Fonction publique, les« aiguilleurs du ciel », pourtantinterdits de grève, les premiers de laFonction publique à entrer dans lemouvement général, paralysent lacirculation aérienne dès le 16 mai à19 heures. La IVe conférence nationale de lajeunesse qui ouvre ses travaux le 17mai, les clôt aussitôt après avoiradopté un appel aux jeunes tra-vailleurs de France. Alors que l’onfaisait état de 100 000 travailleursen grève le matin du 17, on enannonce 200 000 en début d’aprèsmidi lorsque se réunit le ComitéConfédéral National de la CGT (laplus haute instance de l’organisationentre deux congres), et il y en aura300 000 lorsque le secrétaire géné-ral de la CGT entouré des secrétairesconfédéraux rencontrera la presse enfin de journée.Cette réunion du CCN confirmel’analyse et la démarche portée parla CGT depuis le début. Elle seconclura par une déclaration quiplace les revendications des salariésau cœur du conflit (abrogation desordonnances sur la Sécurité Sociale ;augmentation des salaires et conclu-sions de véritables conventions col-lectives ; réduction du temps de tra-vail sans diminution des salaires etabaissement de l’âge de la retraite ;une véritable politique de l’emploi ;les libertés syndicales à l’entreprise).Cette même déclaration juge quel’évolution de la situation « donneune nouvelle dimension à la lutteentre les forces ouvrières et démo-cratiques et un pouvoir placé devantla faillite de sa politique », et met denouveau en garde « contre les tenta-tives d’immixtion extérieure dans laconduite des luttes, contre tous lesactes de provocation qui serviraientde prétexte aux forces de répressionpour tenter de compromettre l’essord’un mouvement en plein dévelop-pement » et donne mandat aubureau pour établir les relationsnécessaires avec les forces degauche.

La généralisation de la grèveRendant compte de ses travaux quiconfortent la démarche engagée,Georges Séguy déclarera à la presse :« On pouvait attendre de nous unmot d’ordre de grève générale. Ceuxlà seront déçus. Nous préférons de

beaucoup la prise de responsabilitédes travailleurs eux-mêmes qui déci-dent des propositions qui leurs sontfaites par les syndicats.Nous attachons beaucoup de prix àce que le mouvement engagé soitbien entre les mains des travailleurset de leurs organisations. ». Lorsd’une émission sur Europe 1, le 18mai au soir, G. Séguy aura l’occa-sion de revenir sur ce point qui faitdébat en répondant à la question desavoir pourquoi la CGT n’appellepas aujourd’hui à la grève générale :« Eh bien tout simplement parce quecette grève générale (….) nous pré-férons de beaucoup qu’elle restesous le contrôle démocratique destravailleurs et que chacun ait à déter-miner les responsabilités qui luiincombent dans une situation aussiimportante. ».En fin de journée du 17 la grèveavait gagné de très nombreusesentreprises : Snecma, Sud aviation,Nord aviation, Hispano – Suiza,Rateau, Babcock, Berliet, Schneider(Le Creusot), Rhodiaceta, RhônePoulenc, Air France, Les lignes debanlieues SNCF….Le 18 mai au matin on comptera1 million de grévistes avec notam-ment l’extension de la grève aux ser-vices publics (PTT, SNCF,RATP…).Dès après la réunion du CCN,l’UGFF, qui a réuni les responsablesdes syndicats nationaux, lance unappel aux fonctionnaires dans lequelelle souligne que « la fonctionpublique ne demeure pas à l’écart »et que les militants feront preuve dela plus large initiative pour « provo-quer la décision démocratique despersonnels sans se laisser anesthésierpar les tergiversations éventuellesdes dirigeants d’autres organisa-tions ». « La Tribune des fonction-naires » (mai 68) souligne :« L’orientation est donnée : les déci-sions seront prises sur les lieux detravail. L’UGFF ne lancera pas unmot d’ordre général. ». Il y auradébat, mais l’UGFF maintient sonrefus de lancer un ordre de grèvegénérale et « multiplie les contactsavec les syndicats nationaux et avecla province pour favoriser les initia-tives de grève ».

Le 19 mai, alors que les décisions degrève continuent de se multiplier –banques, assurances, Sécurité Socia-

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l e ,hôpitaux, mines …- H. Krasuckiécrit dans l’éditorial d’un numérospécial de « La Vie Ouvrière »« Plus de deux millions en grève cedimanche, et combien lundi ? ». Le19 à 10 heures du matin l’UGFF estinformée que « les douaniers deRouen ont décidé la grève avecoccupation des lieux, suivis peuaprès par ceux de Lyon, Chalons, LeHavre. Le dimanche soir les 2/3 dela corporation seront en grève »(Tribune des fonctionnaires de mai68).Le 20 mai, ce sont désormais descentaines de grandes entreprises quisont occupées, de nouveaux centresdes PTT rejoignent la grève, tous lesmineurs ont cessé le travail, les pro-fesseurs du second degré ont cesséles cours, la grève est unanime àl’ORTF,… « Le Populaire de Paris »parle de 7 millions de grévistes. Cette journée du 20 mai sera consi-dérée comme « décisive pour laFonction publique ». Citons la Tri-bune des fonctionnaires datée de mai68 qui retraçant « le film de lagrève » interroge « Les fonction-naires, organisés en syndicats natio-naux, accoutumés aux mots d’ordrevenus du sommet, vont-ils rompreavec leurs habitudes centralisatriceset décider à la base (…) leur partici-pation au mouvement ». Et d’ajou-ter : « A 17 heures le pari est gagné :le tableau de bord allume ses cligno-tants. A Paris et en banlieue, lescomités de grève se multiplient », etde nombreux services arrêtent le tra-vail : « Paierie de la seine, Recettedes Finances, puis toute l’adminis-tration du Trésor, Caisse des Dépôtset Consignations, Contributions Indi-rectes, Navigation Aérienne, Naviga-tion Intérieure, Ponts et Chaussées,Institut Géographique National,ONIC, Musées et Jardins de Paris,

Manufacture desGobelins, MobilierNational, Manufacturede Sèvres, Agents duMinistère des AffairesCulturelles, agents delycées ». Il est égale-ment précisé que «dans d’autres secteurs,la grève s’accompagnede l’occupation desbureaux : auxdouanes, au ministère

des Finances, à laBanque de France, à la

Météo, à l’Imprimerie Nationale,dans les laboratoires du CNRS, dansplusieurs directions de la SécuritéSociale, du ministère de l’Equipe-ment…. A l’ORTF les 14 000 agentsse mettent en grève. ».LeSNETP–CGT qui a appelé égale-ment à l’extension du mouvement (le 19 mai) et qui « apprécie positive-ment la position de la FEN d’enga-ger enfin les enseignants dans l’ac-tion effective » appelle, contraire-ment à celle-ci, les grévistes à «maintenir l’occupation des locauxsous la forme d’un comité de grève»... (Note G. Montant)La vie du pays s’organise en fonc-tion de cette réalité de la généralisa-tion de la grève. Les travailleurs enlutte prennent les dispositions quis’imposent pour garantir le ravi-taillement des populations en nourri-ture ou en produits pharmaceutiquespar exemple. La fédération des tra-vailleurs du livre CGT décide d’en-trer dans le mouvement mais, pource qui est des travailleurs de la pres-se, ceux-ci continueront de faire lesjournaux quotidiens pour répondreaux besoins d’information sur lemouvement (Il y aura également,avec ce même souci, des informa-tions à la télévision malgré la grève).Dans la Fonction publique des déci-sions de même nature seront prises(voir par exemple dans les témoi-gnages les dispositions prises sur lepaiement des pensions ou encorel’entretien des expériences en coursdans les labos). Sous l’impulsion de la CGT lemouvement fait preuve d’unegrande maturité et d’un grandesprit de responsabilité.Dans la période, la CGT rencontrerales partis politiques de gauche, réaf-firmant à chaque fois la disponibilitéde la CGT pour une concertation des

revendications argumentées. Ils serontréintégrés, aux cotés des leaders« indépendants » dans la direction dumouvement revendicatif. A noter que denombreux agents iront régulièrement dans leslaboratoires pour assurer le suivi desexpériences en cours et l’entretien dumatériel de travail vivant…Les 2 axes principaux sur lesquels portaientdes demandes spécifiques (structures defonctionnement de l’institut, et cadre titulaireunique)) connaîtront eux aussi des avancées àplus ou moins longue échéance.De ce grand bouillonnement je garde lesouvenir d’un travail accaparant, intense,captivant, mais aussi d’un véritable exercicede la liberté, de l’égalité, de la fraternité quimarquera de façon durable la sociétéfrançaise.

R. Christmann(Trésorerie générale Strasbourg)La CGT comptait alors 3 adhérents, et il afallu un certain temps aux responsables locauxFO et CFDT pour surmonter leurs hésitations.Puis les personnels furent rassemblés dans lehall d’entrée de la Trésorerie Générale et lagrève décidée à l’appel des syndicats FO,CFDT et CGT.Sauf quelques rares exceptions la grève étaitbien suivie.Après 3 semaines de grève ce furent lessuccès revendicatifs…avec les jours de grèveintégralement payés.Et 80 adhésions à la CGT !

G. Larroucau(Météo - Paris)Lundi 13 mai, il règne une agitationinhabituelle dans les couloirs de la climatologieinstallée au rez de chaussée d’un bâtiment quiappartient à la Présidence « Elysée », (…) lesmécanographes, environ 80 (…) quittent parpetits groupes le bâtiment. Un militant CGT,M. Laporte, nous apprend que celles-ci ontvoté la grève. L’information du vote de lagrève par les mécanographes se propage dansles différents bâtiments, arrive dans lesservices d’exploitation, transmission, prévision.Des réunions informelles se créent,progressivement des arrêts de travail sontvotés en assemblée. Les 5 ou 6 polytechniciensrécemment recrutés sont chaleureusementapplaudis lorsqu’ils déclarent qu’ils se joignentau mouvement.Les grévistes constatent cependant que desingénieurs ayant pris la place des techniciensgrévistes effectuent les tâches dévolues auxtechniciens, des prévisionnistes élaborent desbulletins de prévision sans les documents debase.(…) La colère monte, les météos grévistesvotent à la quasi unanimité l’occupation deslocaux. Le lendemain matin un piquet de grèveinterdit de pénétrer dans les locaux. Et l’aprésmidi un commissaire accompagné d’unevingtaine de policiers se présente pour faireévacuer les locaux. Les grévistes exigent quecelui-ci inspecte, accompagné du secrétairenational CGT, H. Cazalé, tous les locaux et que

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soit mentionnée dans le rapport la bonnegestion du matériel qui est en parfait ordrede marche.Les techniciens, par sécurité débranchent lescircuits, exceptés les réseaux internationauxet ceux alimentant les armées qui, seront sousla responsabilités de militaires (…).Le 27 mai les négociations débutent avec ladirection. Je participe à la « commissionfonction » qui traite de nombreux pointsrevendicatifs qui demandent des modificationsstatutaires : conditions d’inscription auconcours de chef technicien, conditions depréparation sur dispenses de service auxconcours d’ingénieur et d’ingénieur destravaux, ouverture aux femmes durecrutement dans le corps de technicien….J. Berthelin(Ministère de la Défense).En mai 68, j’étais auxiliaire de bureau, dans unétablissement militaire.A la maison nous suivions les informations à laradio, informations qui au début étaient plutôtfavorables aux étudiants, puis qui sontdevenues plus critiques alors que les manifsdevenaient plus violentes.Dans le même temps, le mouvements’organisait dans les usines avec des ouvriersqui voulaient garder la maîtrise de leursactions par rapport aux étudiants et quientendaient protéger leur outil de travail.Mon père qui travaillait à la SNECMA futassez vite en grève.Un matin, il y avait une cinquantaine detravailleurs devant l’établissement et desprises de parole. J’ai pris les tracts, écouté.La grève, qui débutait assez tard par rapportaux arsenaux du ministère, fut votée. Elledura trois jours.Mon frère également était en grève, ce quifait qu’à la maison sur les 3 qui travaillaient,les 3 étaient en grève.Un dimanche, en revenant de chez notre oncleoù nous avions cueilli des cerises, nous enavons laissé 2 cageots aux collègues de monpère qui tenaient le piquet de grève de laSNECMA, Bd Kellermann. Geste de solidaritéparmi tous ceux qui ont marqué les luttesd’alors.A la reprise du travail, nombre de mescollègues me faisaient part de leurinquiétude sur ma titularisation qui devaitintervenir l’année suivante. J’ai su quelquesannées plus tard, que ma demande étaitpartie de l’établissement avec un avisdéfavorable…et que, malgré cela, et c’étaitune première, celle-ci était intervenue.

C. Ernoul(permanente au syndicat duTrésor CGT)Le secrétaire général, Roger Bergdoll, et latrésorière, Lucienne Moreau, n’étaient quedemi – permanents. J’étais de mon cotépermanente et l’essentiel de mon travailconcernait la confection et l’expédition despublications.

deux partis de gauche et de la CGT,la CFDT, FO et la FEN., précisantque « si la gauche ne veut pas lais-ser passer sa chance, elle n’a pas uneheure à perdre » (G.Séguy à laconférence de presse du 21 mai).Lors de cette même conférence depresse, après avoir souligné que « lemouvement est bien trop puissantpour qu’il puisse être question de lestopper par des formules creuses :autogestion, réforme de structures,plan de réformes sociales et universi-taires et autres inventions qui abou-tissent toutes à reléguer à l’arrièreplan les revendications immédiates »le secrétaire général de la CGT rap-pellera qu’ « il faut que l’on sacheque la CGT monte la garde autourdes revendications ouvrières et elle ace qu’il faut pour les défendre »,précisant que « nous ne saurionsnous engager et engager les tra-vailleurs sans garanties sérieuses surles plans revendicatif, économique,social, démocratique. ».Dans la Fonction publique, RenéBuhl, secrétaire confédéral, rappellequ’il n’y a pas de dialogue possibledu fait du refus du gouvernement denégocier.Le mouvement continue de prendrede l’ampleur et on dénombrera plusde 9 millions de grévistes le 22 mai.La CGT se renforce considérable-ment (il y aura 350 000 adhésionsnouvelles à la CGT ).

La CGT tient ferme surl’exigence de répondre auxrevendications.La question de la réponse aux reven-dications est posée avec toujours

plus de force. Alors que l’on fait étatd’un possible référendum autour dela participation des travailleurs à lagestion et de l’intéressement, AndréBerteloot, secrétaire confédéral, rap-pelle devant l’assemblée des gré-vistes d’Orly que « les travailleursne se laisseront pas tromper. Il s ontengagé la lutte pour leurs revendica-tions ; leur lutte se poursuivra tantque des satisfactions concrètes suffi-santes ne seront pas intervenues ».La CGT et la CFDT qui refusenttoute décision unilatérale du pouvoir,rappellent les points revendicatifsqui fondent leur accord de 1966 –salaires, temps de travail, salaireminimum, indemnisation du chôma-ge, droits syndicaux à l’entreprise,investissements publics pourrépondre aux besoins sociaux,emploi, refonte de la fiscalité….. -(auxquels s’ajoute l’exigence d’abro-gation des ordonnances antisocialeset d’élections pour désigner lesadministrateurs salariés de la sécuri-té sociale) et sur lesquels elles enten-dent négocier.La CGT annule une rencontre avecl’UNEF, prévue à la demande decette dernière et dont le vice prési-dent déclarait quelques heures avantque l’UNEF n’avait pas sollicitécette rencontre et affirmait sa volon-té d’en appeler aux salariés par delàles organisations syndicales pour cequi est de la conduite des luttes et lesobjectifs de celle-ci. Dans le mêmetemps, 2 dirigeants de l’UNEF et duSnes sup, J. Sauvageot et A. Geis-mar, appellent à une manifestationde protestation contre l’interdictionfaite à D. Cohn Bendit de rentrer enFrance. La CGT met en garde la

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population et demande aux tra-vailleurs de rester vigilants en occu-pant les usines. La manifestation nerassemblera que quelques milliersd’étudiants qui s’affronteront auxforces de l’ordre.Dans le même temps, au Parlementune motion de censure est repoussée.Les manœuvres visant à briser lecaractère général du mouvement semultiplient. La CGT qui est prêtepour des négociations vers un accordsur les revendications générales destravailleurs, appelle les salariés àmaintenir leur unité dans l’action età faire preuve de fermeté et de vigi-lance et demande à ses organisationsde prendre toute mesure pour que,dans la foulée de ces négociationsgénérales, les revendications soientnégociées avec les chambres patro-nales et les directions d’entreprises.On estime alors que le mouvementatteint son point culminant. Dans lanuit du 23 au 24 mai des affronte-ments ont lieu boulevard SaintMichel.

Le 24 mai se déroulent d’impor-tantes manifestations (400 000manifestants à Paris et dans sa ban-lieue….) organisées le plus souventpar la seule CGT. Les paysans agis-sent également.

Le 1er Ministre contraintd’ouvrir des négociations Le 1er Ministre annonce ce mêmejour au matin qu’il se propose d’en-

gager des négociations lelendemain, 25 mai, à 15heures. Le général de Gaulle, deretour de Baden-Baden enAllemagne (où il a ren-contré le général Massuqui l’assure de la fidélitéde l’armée) prononce uneallocution radio télévisée(dans laquelle il fera étatde la « participation », etd’un « référendum plé-biscitaire ») qui, de l’avisde toutes les organisa-tions syndicales, n’appor-te aucune réponse auxproblèmes de l’heure.Par la voix de G. Séguy,la CGT en réponse,appelle à la veille de l’ou-verture des négociations,« tous les travailleurs engrève à renforcer leur

pression (…) pour que soit obtenu leplus grand succès possible ».La manifestation parisienne organi-sée dans la soirée par l’UNEF et leSnesup en solidarité avec D. Cohn-Bendit conduira à des affrontementsextrêmement violents au quartierlatin, avec des dizaines de barri-cades. On dénombrera près de 1000blessés. Il en sera de même à Bor-deaux, Strasbourg, Rennes et Lyon(300 blessés et un mort). Le 25 mailes négociations s’ouvrent à 15heures et seront suspendues le len-demain à 4h10 du matin pourreprendre à 16h30 l’après midi.B. Frachon soulignera d’entrée « unmouvement de grève et d’occupationd’entreprises qui n’a jamais connud’égal dans notre pays, même en1936 » et l’engagement de la CGT àassurer la transparence sur les négo-ciations pour que les salariés « puis-sent se prononcer en connaissance decause sur la cessation ou la poursuitede leur action ». G. Séguy, poursui-vra par l’exposé des revendicationsque la CGT entendait négocier.Celles-ci s’articulent autour despoints suivants : abrogation desordonnances, paiement des jours degrève, minimum salarial à 600 F etrelèvement proportionnel du pouvoird’achat, suppression des abattementsde zones, des abattements d’âge etautres discriminations qui affectentnotamment les jeunes, les femmes etles immigrés, mise ne place d’uneéchelle mobile des salaires ; réduc-

La question de l’information des agents étaitprimordiale. Je tapais et tirais les tracts,surtout durant la deuxième partie de la grève,avec le démarrage de négociations. Pour ladiffusion sur la région parisienne ce sont lescamarades des postes qui venaient chercherces tracts et les affichaient sur les portesdes trésoreries.Pour aller afficher nos publications, la marcheà pied était le moyen de déplacement le plusutilisé ; parfois un peu de stop rendait latournée moins fatigante. Et c’est ainsi qu’unsoir, avec une copine, le sac rempli desprécieux tracts, nous fûmes prises à bordd’une voiture… de police ! Pouvaient-ils sedouter qu’ils contribuaient ainsi àl’élargissement du mouvement ?

G.Montant(SNETP – CGT).… en juillet 67 je rejoignais – sansenthousiasme à 26 ans - le régiment du génieà Satory- versailles.J’étais dans cette situation (…) lorsque lesévènements de 1968 sont venus troubler « lagrande muette ». De nombreux incorporés enjuillet 67 étant des sursitaires, et lesévénements dans les universités lesconcernant directement, il y avait des débatsde même type que ceux que l’on devait trouverdans les entreprises ou les universités :certains pro-mouvement du 22 mars, d’autresplus circonspects. Dans leur grande masse lesappelés regardaient les événements avec unecertaine indifférence. Puis quand la grève pritde l’ampleur, que certains des leurs setrouvèrent en grève, l’indifférence setransforma en soutien, certes bien symbolique(…). Mais très rapidement les autoritésmilitaires commencèrent par distribuer trèsparcimonieusement les permissions, puis parles supprimer, ce qui provoqua une certaineforme de retournement de l’opinion contre lesmanifestants et les grévistes. (…) les unités sesont vu armer chaque matin de fusils, créantainsi psychologiquement un malaise dans lerégiment : cela suffisait à certains pour secroire déjà les défenseurs de l’Ordre.… Pendant cette période, le régimentparticipait au transport des versaillais surParis, tâche qui devint recherchée, car nemontaient dans les camions que ceux et cellesqui étaient généreux avec nos valeureuxpioupious. Ce comportement se reproduisitlorsque les mêmes furent appelés pourparticiper au ramassage des poubelles, seulsles concierges qui savaient se conduirecorrectement, comme le disaient certainséboueurs d’un jour, se voyaient débarrassésde leurs ordures qui s’amoncelaient.J’eus la « chance » de passer 16 mois sousles drapeaux au lieu des 12 que j’aurais dûfaire en ma qualité de père de famille de 2enfants, tout simplement parce que je m’étaisinquiété au moyen du téléphone de la casernede l’entrée tardive de mon établissement dansla grève, insistant pour que le syndicat prenneses responsabilités…. Je fus dès lors surveillécar considéré comme un dangereux meneur !

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J. Chaumette(météo – Orly)(…) comme tout le monde, début mai, nousobservons avec intérêt et circonspection lesmanifestations des étudiants.(…)Après le 15 mai, je crois, (…) à l’initiative de laCGT, dynamisée par la forte personnalité d’A.Ruiz – décédé peu après – fut convoquée uneAG très suivie, où la grève illimitée, sansoccupation des locaux fut votée à une fortemajorité. Une intersyndicale fut constituée,dotée d’un bureau présidée par A. Ruiz. Il futdécidé une A.G quotidienne le matin, unepermanence de jour pour la surveillance desinstallations, et la constitution de groupes detravail sur les propositions à formuler. Cetteorganisation a fonctionné jusqu’à la fin (…).Des collègues qui n’avaient jamais participé àune réflexion syndicale s’enthousiasmaient.Nous réorganisions, améliorions, codirigions.La direction locale recevait des groupes, cequi pour nous signifiait le grand tournant. Jeme souviens très bien que nous voulions –entre autres – travailler moins et gagner plus.Nous devenions les maîtres de la maison. Lepossible devenait immense. Puis vint lamanifestation du 30 mai aux Champs Elysées,organisée par Pasqua pour réanimer un pouvoirfoudroyé de stupeur. Et, début juin, la reprisedu travail. (…) la déception fut grande commepratiquement dans toutes les grandes grèvesau dénouement imprécis. Le rêve était fini, laréalité oubliée ne s’était pas évanouie pourautant. Et je voudrais rendre hommage à monami Alfred Ruiz qui conduisit ce mouvement defaçon exemplaire.Tout ne fut pas perdu loin de là… ce futl’expression d’un besoin irrépressible delibertés nouvelles : libertés syndicales,libertés pour les femmes, libertés pour lesjeunes etc. Les conventions bourgeoises du19ieme siècle, la morale chrétienne, les règleshiérarchiques rigides étaient rejetées…

D.Guin(Ponts et chaussées - Vaucluse)Je faisais partie des personnels technico-administratifs, recruté en qualité d’auxiliaire,sans aucun statut, sans déroulement decarrière, rémunéré sur les « tas de cailloux »- ce qui fait qu’administrativement nousn’existions pas - dans une situation deprécarité extrême. Une durée légale du travailde 45 h, mais en réalité c’était souvent de 70à 80 h. La révolte étudiante qui couvait depuisplusieurs mois m’a amené à prendre consciencedu contexte social conservateur.Cela a été pour moi, le réveil revendicatif.L’explosion du mouvement social pour le mondeouvrier m’a conduit à rechercher à m’organiseravec d’autres …Sans qu’un mouvement organisé syndicalapparaisse dans l’action naissante, noussommes entrés dans un processus revendicatifcollectif en participant à l’occupation du site,avec piquet de grève quotidien (…). Lesmanifestations prenaient de l’ampleur. Lesmilitants syndicaux étaient dépassés au niveaude l’organisation, de l’information et même des

tion de la durée du travail sans dimi-nution de salaire et abaissement del’âge du départ en retraite ; sécuritéde l’emploi et garantie deressources ; extension et garantie desdroits syndicaux.La CGT y ajoutera que la réponse àces revendications doit s’accompa-gner - de l’accroissement des investisse-ments productifs et publics pourrépondre aux besoins sociaux, de laréduction des dépenses improduc-tives.- d’une réforme démocratique dusystème d’enseignement et de for-mation professionnelle.- d’une refonte démocratique de lafiscalité.- de la fin des privilèges consentisaux grandes sociétés privées.Peu avant le reprise des travaux du26 mai après midi, la CommissionAdministrative de la CGT appelleraà organiser dès le lendemain, lundi,des assemblées de salariés, à renfor-cer la grève pour peser sur les négo-ciations, et à être vigilants pourmettre en échec toute provocation.

La CGT refuse de signer leprocès verbal des discussionset en appelle aux salariés.Les discussions prendront fin le 27mai à 8 heures du matin. Un procèsverbal sanctionne les débats. Ladélégation CGT refuse de le signer.La teneur de celui-ci sera portée à laconnaissance des grévistes au coursde milliers de réunions.

La Commission Administrati-ve débattra du contenu de cequi résulte de la négociation.B. Frachon y soulignera qu’«il est clair que les résultats desnégociations de la rue de Gre-nelle ne sont pas suffisantspour amener une solution auconflit. Les salariés ne sau-raient s’en satisfaire ». Sideux points importants ont étéobtenus (l’augmentation de35 % du SMIG et la recon-naissance de l’exercice desdroits syndicaux dans lesentreprises), d’autres sontactés sans donner lieu à desdécisions concrètes immé-diates (réduction du temps detravail vers la semaine de 40h, emploi et garantie de res-sources) ou encore renvoyés àdes discussions avec le patro-

nat pour ce qui est de l’instaurationde véritables conventions collec-tives, ou avec le gouvernement pource qui est des fonctionnaires etautres personnels de l’État.Au total le compte n’y est pas.Alors que des discours privilégient laprise du pouvoir par la classe ouvriè-re, B. Frachon devant la CommissionAdministrative de la CGT soulignera« nous devons rappeler avec forceque l’objectif de la grève reste lasatisfaction des revendications éco-nomiques et sociales pour lesquelleselle a surgi ». Il appellera à mettreen garde contre ceux qui estimentque les revendications sont secon-daires, et à « poursuivre le combat» pour peser sur les négociations quidoivent s’ouvrir par branches.

Le maintien de la grève etdes occupations pour desnégociations par brancheet secteurs.Loin des réalités de ce qui vient dese passer et des perspectives tracées,la grande presse s’attache à dénatu-rer ce qui a résulté des discussions etce qu’est le positionnement de laCGT. Le soir du 27 mai se tiendra à Char-lety, à l’appel de l’UNEF, et en pré-sence de P. Mendès-France,M. Rocard (PSU), J. Chérèque etE. Maire (CFDT), J. Sauvageot(UNEF), A. Geismar et D. CohnBendit, un rassemblement dont l’es-sentiel des mots d’ordre sera orienté

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contre la CGT et son secrétaire géné-ral. Le mouvement de grève continue, etla CGT fait état dans un communi-qué ( 28 mai) de ce que la réponsed’une immense majorité des tra-vailleurs consultés « est nette : lesconcessions patronales et gouverne-mentales sont notoirement insuffi-santes » et qu’en conséquence « lagrève continue ». Les personnels duministère de l’Agriculture votent enassemblée générale et à une fortemajorité, la grève à partir du 28 mai(la reprise du travail y sera votée le 4juin). Des négociations sont en coursaux Charbonnages, à la SNCF, laRATP, l’Eclairage ou encore parexemple dans la Fonction publique.Dans le même temps des tractationspolitiques se déroulent et on parle iciet là du cas où une majorité de« non » au référendum conduirait legénéral de Gaulle et son gouverne-ment à partir. F. Mitterrand évoque laconstitution d’un gouvernement pro-visoire dont il dit qu’il pourrait–comme d’autres précise-t-il, dontparticulièrement Pierre Mendès-France – assurer la responsabilité.De son côté la CGT poursuit sonaction pour que satisfaction soit don-née aux revendications tout en souli-gnant que ce combat contribue aussià un changement politique de pro-grès social et de démocratie. Dans cebut elle propose à la CFDT, à FO età la FEN d’organiser des manifesta-tions communes le lendemain 29mai. A défaut de réponses de ses par-tenaires syndicaux la CGT appelleraseule aux manifestations. Et une foisde plus, à l’appel de la seule CGT,on assiste à des manifestationsimpressionnantes par leur puissance,leur calme, leur détermination. AParis, de la Bastille à St Lazare, il yaura quelque 800 000 participants ;ils seront 70 000 à Marseille et àLyon, 40 000 à Nancy, 20 000 à StEtienne, 10 000 à Limoges….Des contacts sont renoués entre laCGT et l’UNEF, même si ceux-ci nedissipent pas tous les désaccords(dans son communiqué, la CGT pré-cise qu’elle « ne saurait accepter…des préalables qui feraient caution-ner n’importe quelles opérationspolitiques »).Alors que pour des millions de sala-riés on en est, ce 30 mai, au 12èmejour de grève, des manifestations,décidées préalablement à l’appel au

29, se déroulent avec de larges parti-cipations dans plusieurs villes deprovince (Nîmes, Grenoble, Toulon,Lille, Dijon, Epernay, Laval, Châ-teauroux…).

Le chef de l’état ne répondpas et menace.L’événement marquant de la journéedu 30 mai sera l’allocution du Géné-ral de Gaulle. Dans son discours vio-lemment anticommuniste, le chef del’état annonce qu’il dissout l’Assem-blée Nationale et qu’il sera procédédans les délais légaux à des électionslégislatives, diffère la date du réfé-rendum, menace « pour maintenir laRépublique » d’utiliser « d’autresvoies que le scrutin immédiat dupays », et appelle à organiser « l’ac-tion civique » pour « aider le gou-vernement » et « localement, lespréfets ». La CGT, commed’ailleurs les autres organisationssyndicales, dénonce ces menacescontre les travailleurs en lutte et rap-pelle que « ce ne sont pas desmesures de coercition qui rétablirontune situation normale, mais la priseen compte des revendications destravailleurs et des autres catégoriesde la population laborieuse ».Dans la foulée de ce discours (quidébute à 16h30) l’Assemblée Natio-nale est dissoute à 17h30 et dans lemême temps débute, place de laConcorde, la manifestation de sou-tien à de Gaulle qui relevait d’unemobilisation nationale préparée bienen amont. Ses organisateurs parle-ront d’1,5 millions de manifestants,des observateurs feront état d’ uneparticipation de 300 000 manifes-tants, et, fait à noter, la Préfecture dePolice n’avancera aucun chiffre.Les intimidations du chef de l’étatn’ont pas les résultats escomptés parleur auteur. La grève et les occupa-tions se poursuivent. Les électionsannoncées sont fixées au 23 et 30juin. Si des avancées concrètes sontopérées lors des négociations parbranche, pour ce qui est de certainssecteurs ce n’est pas le cas partoutet, notamment, pas pour les secteursdont la solution dépend du gouverne-ment, qu’il s’agisse du secteur publicou nationalisé ou encore de la Fonc-tion publique.Le 1er juin, la CGT donne à la pres-se l’état des négociations en cours,en relevant trois situations- dans un certain nombre de

cahiers revendicatifs (…).A la mi mai, je cherchais à rencontrer unmilitant syndical pour adhérer. Un premiercontact avec un militant du syndicat trèsmajoritaire parmi les personnels technico-administratifs – Force ouvrière - qui n’a portéaucun intérêt à ma demande. Puis avec unmilitant CGT, ancien résistant, qui a engagé ledialogue. J’ai adhéré à la section CGT.Des avancées majeures ont été gagnées auministère, dont, une des plus importantes pourles précaires que nous étions, un règlementintérieur pour les non titulaires avec un petitdéroulement de carrière, une amélioration dela couverture sociale, une commissionconsultative paritaire….Ceux qui veulent éradiquer cet esprit de lutteen seront pour leurs frais (…) il y aura unautre printemps qui imposera une autre étapede progrès social.

A. Taillefer(Trésor. 53)…à l’époque j’étais « secrétaire » d’une« section de 3 ou 4 adhérents. Notredétermination, notre calme – pas facile àgarder sur la droite comme sur la « gôche » -notre sens de la démocratie, nous ont valudans les mois qui ont suivi, l’engagement deconvaincus de la justesse de notre action, etla vingtaine d’adhérent nous plaçait lapremière organisation à la Trésoreriegénérale.Des anecdotes : le trésorier payeur généralpassant dans sa DS noire au milieu des joueursde pétanque grévistes dans la cour de laTrésorerie Générale.Ou encore le drapeau rouge flottant une heureou deux maximum – mais quand même – sur lefronton, de la mairie de Laval. A porter aucrédit d’un très fort syndicat des communauxCGT dans cette ville oh combienréactionnaire !... avec un secrétaire général dela mairie voulant à tout prix prendre unephotos pour la postérité…Peut être étions nous tellement dans l’actionque nous n’imaginions pas alors toute la portéede cette belle aventure. Et les médiasparlaient – déjà – dix fois plus des voituresbrûlées au quartier latin que des succèsobtenus grâce à la poussée du mouvementsyndical. Attention, N. Sarkozy et ses sousfifres, mais aussi Cohn – Bendit et sessuccesseurs, ne vont pas nous faire de cadeausur l’histoire telle qu’elle était. Trop belexemple… mais tous ceux, et ils sont desmillions, qui souffrent de plus en plus, sont ilsprêts à demander l’impossible ?

H. Boudeville(Greffière au TGI de Paris)Le milieu de travail d’alors était assezmisogyne. Il y avait peu de femmes greffierset j’étais en 59 la 3ème de France à êtrenommée à Paris, venant de province. Au fil desannées les conditions de travail s’étaientfortement dégradées : matériel dépassé,règles de sécurité non appliquées ; pas decantine pour un effectif d’environ 1 500

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personnes ; il était mal vu que les femmes semettent en pantalon, et à la cour de cassationune circulaire l’interdisait……Les greffes ayant été fonctionnarisés nousavons décidé de nous organiser dans un milieupeu habitué à revendiquer. D’abord enassociation, dont j’étais la secrétaire, puis, enavril 68, en syndicat national CGT. Les droitssyndicaux « étaient quasiment ignorés » tantau Palais qu’au ministère et il n’existait qu’unsyndicat autonome aux ordres.Pour moi 1968 a été synonyme de liberté, deplus de liberté sur un plan général, plus deliberté sur le plan du travail. Le personnelparticipait à des arrêts de travail avec desrassemblements dans la salle des pas perdus.Courant mai 1968 nous avons défilé en robes –fonctionnaires et magistrats – du Palais dejustice au Châtelet : c’était une première !

H. Salaün(Douanes Paris- La chapelle)Au lendemain du 13 mai, les douaniers dubureau de la chapelle – qui se situait dans lagare de fret SNCF – trouvent les grillesd’accès fermées : Les cheminots occupaient lagare.En l’absence du secrétaire syndical, avecquelques jeunes douaniers militants CGT, nousdécidons de « prendre le pouvoir » etappelons – avec l’accord des responsables cgtdes cheminots - tous les douaniers à entrerdans la gare pour tenir une AG. La grève a étévotée.A une poignée, principalement des jeunes, nousavons participé en permanence à l’occupationdes locaux….nous suivions l’évolution de lasituation à partir du poste de communicationSNCF, et communiquions avec les sections deprovince. Les cheminots montaient desexpéditions contre les groupes « Occident »qui attaquaient des piquets de grève et, avecd’énormes gourdins, nous montions sur deslocomotives qui nous amenaient gare du nord.On n’a pas eu beaucoup l’occasion de se« fritter » avec les « fachos » mais quellesparties de rigolade. De plus étant la seulefille, j’étais « chouchoutée ». On dînait tousles soirs chez « mauricette », notre QG, etla patronne, « maman jeanne », nous y aappris l’internationale.Informés que des médicaments destinés à desenfants allemands en séjour de soins en Loire-Atlantique, étaient bloqués dans des colis sousdouane, nous avons retrouvé ceux-ci, effectuéla régularisation douanière, et, avec un autredouanier, nous sommes partis à bord de ma 4Llivrer ces médicaments. A l’arrivée un repasde fête nous était offert. Ce qui me reste, c’est cette ambiance dans lesrues, les quartiers. Les gens se parlaient. Lesentiment fort de vivre une page d’histoireabolissait les barrières. Mon salaire étaitpassé de 780 francs à plus de 900 francs, soitune augmentation presque équivalente à monloyer !

branches et de secteurs, les négocia-tions se sont conclues par des vic-toires incontestables pour les reven-dications essentielle, et les consulta-tions sont en cours (Electricité et gazde France, Travailleurs de l’État–arsenaux-, Pétrole, Papier carton,Agriculture, Textile Naturel, Habille-ment, Verre, Chaussure, Transportsroutiers)- dans d’autres branches ou secteurs,certains points ont abouti maisd’autres demeurent en discussion(comme par exemple dans lesbanques et assurances)- enfin dans d’autres branches lasituation est très difficile. C’est lecas du Commerce où le patronatveut remettre en cause la conventioncollective nationale qu’il avait précé-demment acceptée, de la Métallur-gie, du caoutchouc, du Bâtiment, oùle patronat bloque toute avancéesatisfaisante, mais aussi des chemi-nots, de la Ratp, des mineurs ou dela Fonction publique, où c’est legouvernement qui freine toute pro-gression de la discussion.L’UNEF appelle seule à une mani-festation. La CGT ne soutient pas cetappel, et « regrette cette décisionqui, dans le moment présent, est nonseulement inopportune, mais com-porte des dangers évidents de provo-cation ». Celle-ci rassemblera unetrentaine de milliers de manifestantsautour de mots d’ordre particulière-ment aventuristes (« élections –tra-hison », « un million de travailleursà l’Élysée »…).

La contre offensivedu pouvoirLe pouvoir n’est pour autant pas « àramasser » comme d’aucuns sem-blent le penser. Il organise sa contreoffensive.La radio et la télévision d’État sontrepris en main et, à l’aide d’une infi-me minorité de journalistes toutacquis à sa cause, développe uneoffensive en direction de l’opinionpublique notamment en cherchant àconvaincre que les reprises du travailse généralisent ce qui est totalementfaux.Parallèlement, sous couvertd’« action civique », les Comités deDéfense de la République sontconstitués « afin de faire front àl’entreprise de subversion qui restemenaçante » (!!!), et sont coordon-nés sous la responsabilité de R Frey

(ministre de l’Intérieur lors desassassinats de Charonne). Diversesagressions seront perpétrées contreles salariés en lutte. Le 2 juin le bureau confédéral de laCGT relève que dans un certainnombre de secteurs des résultatsimportants sont obtenus, ce qui est lecas notamment de l’ensemble de laFonction publique, de l’EDF, destravailleurs de l’Etat et de plusieursindustries du secteur privé.Par contre des blocages forts demeu-rent à la RATP (où sur le conseil dela CGT les salariés consultés rejet-tent les propositions faites), chez lescheminots, dans les charbonnages, etdans plusieurs grandes industries dusecteur privé (métallurgie, bâtiment,chimie, caoutchouc, Air France).Invitant les travailleurs à « n’accor-der aucun crédit aux informationsqui n’émanent pas de ses organisa-tions » alors qu’est orchestrée unecampagne sur une reprise générali-sée du travail, la CGT « appelle lestravailleurs des entreprises et indus-tries qui n’ont pas obtenu satisfac-tion (…) à renforcer leur grève etleur unité et à poursuivre la lutte(…) », ajoutant que des dispositionsseront prises pour organiser « unesolidarité matérielle massive àl’égard de ces travailleurs contraintsde prolonger leur grève (…) ». Le pouvoir, qui prépare leséchéances électorales , use de l’anti-communisme pour diviser (Le pre-mier Ministre Pompidou déclarerapar exemple à la radio - le 3 juin- « ils’agit de savoir si on est pour oucontre ce communisme tota-litaire… »), et entretient un climat detroubles. L’ORTF est investi par lesforces de police et militaires.

La CGT maintient son capA l’assemblée parisienne des mili-tants (3 juin), Henri Krasucki déclare« Pour la CGT, dont la mission fon-damentale est la défense des intérêtsdes travailleurs, rien n’est plusimportant que d’assurer le succès desrevendications et de mener la grève àune issue victorieuse. » en ajoutantque « ces résultats renforcent laconfiance, l’unité et l’organisationdes travailleurs », créant ainsi lesconditions « pour une victoire plusvaste »…faisant ainsi référence àl’ « exigence d’un pouvoir populaireet d’union démocratique » qui estprésente sous différentes formes

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(notamment la disponibilité répétéede la CGT pour une rencontre desconfédérations syndicales et desforces politiques de gauche).Après que la situation se soit déblo-quée chez les cheminots (à noter lepoids qu’a eu dans cette évolution ladécision de l’organisation CGT del’EDF d’interrompre la consultationdes salariés de leur secteur si leschoses ne bougeaient pas chez lescheminots).Un peu partout les consultations dessalariés ont lieu sur des projets d’ac-cord qui vont au delà du « projet deprotocole de Grenelle », avec le plussouvent des résultats très importants,et les 5 et 6 juin, la reprise du travailest effective dans de nombreux sec-teurs.Reste que la grève continue dans lamétallurgie, chez les dockers, lesprincipaux chantiers du bâtiment(alors que les fédérations CFDT,CGC et FO ont signé un accordséparé dans la nuit du 5 au 6 juin),les taxis, les théâtres, chez les com-munaux, à Air France…Les « comi-tés d’action civique » multiplient lesprovocations. A l’ORTF où la grèves’affermit le comité d’action civique,composé de « 23 jaunes », ne recu-le devant aucun moyen, allant jus-qu’à la délation. La police intervientà Renault Flins.Le SNES appelle à la reprise du tra-vail pour le mardi 11 juin.

Une « affaire nationale »jusqu’au bout.Pour la CGT, la poursuite des luttesauxquels sont contraints les salariésde plusieurs branches (métallurgie,caoutchouc et une partie de la chi-mie, du bâtiment, du textile artifi-ciel) et entreprises, face à unpatronat particulière-ment rétrogra-de et

qui « n’a rien compris » à la pro-fondeur du mouvement, constitueune affaire nationale.La solidarité, y compris financière,avec les travailleurs en lutte s’orga-nise. La CGT verse 20 millions d’an-ciens francs prélevés sur le fondsconfédéral de solidarité. La solidaritéfinancière internationale arrive(FSM, syndicats d’union soviétique,CGIL italienne…). Les salariés desarsenaux et d’EDF sont appelés parleurs fédérations CGT à verser unejournée de salaire, modalité de soli-darité qui s’élargira à un mot d’ordreconfédéral en direction de tous lestravailleurs. Des collectes sont orga-nisées dans les villes et villages.Cette solidarité se manifesteranotamment par la remise d’unchèque de 45 millions d’anciensfrancs lors du meeting des grévistesde Renault Billancourt.Les manœuvres et provocations vontse multiplier. Un groupe« gauchiste » va occuper les locauxdu SNI (syndicat national des institu-teurs). Un autre, conduit par A. Geis-mar, ira à Renault Flins, où un évé-nement dramatique se produira : unlycéen de 18 ans se noiera enessayant d’éviter la rafle policière(10 juin) ; une organisation intitulée« Fédération des élèves de l’ensei-gnement Technique » dirigée et sou-tenue par des éléments provocateurs,veut organiser une réunion d’élèvesdans les locaux syndicaux duSNETP-CGT, ce à quoi ce derniers’opposera. Des provocations nom-breuses auront également lieu dansles grands magasins en grève ; Unprétendu « comité National Provisoi-re de

D. Sallandre(Ministère des affaires sociales)Auxiliaire de bureau, j’avais 17 ans, et donc unabattement de salaire comme tous les moinsde 18 ans. L’ambiance était ringarde. Lesfemmes n’avaient pas le droit de venirtravailler en pantalon. Alors moi qui arrivaisdans cette ambiance « vieillotte », à 17 ans,avec un enfant de deux ans, sans être mariée,j’ai vraiment souffert des mentalités del’époque.Je ne savais pas ce qu’était un syndicat, jen’avais aucune formation politique. Après avoirété pris dans une manifestation au hasardd’une course au quartier latin avec mon fils, etavoir eu très peur, j’ai décidé de m’intéresserà ce qui se passait.J’ai voulu être partie prenante desévènements, je me sentais pleinementconcernée en raison de tout ce que jesubissais. La révolte montait en moi face àtoutes les injustices, ma rébellion grandissaitet j’osais enfin m’exprimer pour dénoncercertains comportements. Comme à l’époque jevivais seule à St Michel sur Orge, qu’il n’yavait plus de transports, que je n’avais pas devoiture, pas de télé, pas de téléphone, pendant8 jours je suis restée chez moi, coupée detout sans parler à personne et sans pouvoiraller voir mon fils qui était en nourrice. Pasd’argent non plus. Une semaine très dure.Lorsque j’ai pu de nouveau me déplacer, j’aiparticipé à des débats, à l’Odéon, à laSorbonne, mais curieusement j’étais coupée dece qui se passait au ministère.

Après 68 le ministère n’a plus été le même.Les rapports avec la hiérarchie notamment. Ona vu apparaître une certaine « socialisation »et de la solidarité dans les services.

J. Bergdoll(Trésorerie « amendes » paris)La trésorerie « amendes » c’était unecinquantaine d’agents, un très fort taux desyndicalisation, une CGT très dynamique. C’estle 13 mai qui a servi de déclencheur.Réunion des personnels. La grève votée à laquasi unanimité. Il était déjà question en cedébut d’année de supprimer des postescomptables et des emplois. Lors de la réunionde la commission exécutive qui s’était tenueune dizaine de jours auparavant, nous étionstous demeurés indécis et perplexes quant à lapossibilité de riposte. Il n’est pas facile d’êtreprophète en son pays, de sonder les pensées,la limite du ras le bol, la combativité !C’est la raison pour laquelle nous rendionscompte chaque jour de l’évolution desrevendications, des démarches et desmanifestations prévues. Les services duTrésor n’ont pas été le fer de lance dumouvement, nombre de postes sont restésouverts, les grévistes étaient sans doutemajoritaires.Je suis allée deux fois à la Sorbonne. Sansanalyser ici ce que j’en ai retenu, avec messouvenirs et le recul du temps, je pense queles propos de ceux qui se voulaient être les

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De nombreux rappels à l’“ordre”

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meneurs du mouvement étudiant laissaientaugurer de ce qu’ils deviendraient.Autre chose étaient les liens de solidariténoués, à l’occasion des repas servis auxgrévistes par la mairie d’Ivry, par exempleavec les travailleurs de l’usine des…. et ceuxdu Pierrot Gourmand, qui avaient desconditions de travail inouïes. Ils poursuivaientla grève alors que nous avions repris, et nousavons organisé une collecte (qui a d’ailleursété généreuse) pour ces travailleurs dont nousavions été proches.

J.R Bouesc(DDE Bouches du Rhône)Mon témoignage est aux antipodes des clichéstélévisés. La TV a effrayé le peuple françaisavec le quartier latin, les pavés, les gazlacrymogènes etc..Moi, en 68, j’ai 27 ans, je suis conducteur detravaux, responsable d’un réseau routier avecune équipe de 15 hommes. J’étais syndiquédepuis 1966, avec des responsabilités aubureau de la section (640 adhérents).La grève durera 3 semaines avec des comitésde grève dans chaque subdivision ; pourassurer la sécurité, le camion d’interventionaffichait « comité de grève ». AssembléeGénérale tous les 2 jours, commissionexécutive de la section syndicale tous les 2jours avec cahiers revendicatifs national,départemental, local, vote de la grève.L’essence nous manque pour aller à Marseille :On ponctionne les engins pour alimenter lesVL. Les chefs de service rentrent dans lerang, et lorsqu’ils souhaitent venir aux AG, ilscomptent pour une voix, comme chacun d’entrenous.Après, rien ne sera pareil. Le syndicat serarespecté, il deviendra aussi plus démocratique(et à la marge moins bureaucratique). 68, cesont aussi toutes ces anecdotes qui reviennenten mémoire. Le chef de subdivision, ingénieurTPE, ami personnel de mon père qui, lors de lapremière AG, demande à assurer laprésidence. Je me présente contre lui et suisélu puis délégué d’Aix pour aller à laCommission Exécutive…. nous étions blesséstous les deux…Après plusieurs jours de grève les salaires nesont pas tombés. Certains parlent de reprise…Nous arrivons, avec le chef du personnel, LPeretti, également CGT, à convaincre leDirecteur départemental d’une choseinsensée : sa DS noire, escortée de 2 motardsCRS, transportera à travers les Bouches duRhône des millions de francs en liquide pouraller dans toutes les villes donner des avancessur salaires !A la reprise du travail, l’ingénieur avait faitmettre 2 jerricans vides à l’entrée du garagepour que nous remplacions l’essence qui avaitété pompée. Au bout de 2 semaines les bidonsétaient toujours vides… et furent remplisgrace aux deniers personnels de l’ingénieur.Le résultat de la grève, c’est aussi que mafemme et moi qui roulions en cyclomoteuravons acheté une 2CV : ma femme avait étéaugmentée de 50% et moi de 30%.

Pour ce qui est des succès revendica-tifs, ils relèvent tout d’abord du soclegénéral qu’est le contenu du constatde Grenelle, des acquis résultant desnégociations de branche ou de sec-teur, ainsi que de ceux obtenus auplan des entreprises, des services…Sans entrer ici dans tous les détails,nous en rappellerons quelquesdimensions essentielles.

Le constat de GrenelleConcernant les résultats des négocia-tions de Grenelle, la CGT s’est refu-sé à signer tout accord. Il en résulteun constat qui comporte des acquisextrêmement importants :La revalorisation de 35 % duSMIG, et de 56 % du SMAG (parsuppression et remplacement par leSMIG). Alors que 400 000 tra-vailleurs étaient au SMIG, et comptetenu du relèvement considérable decelui-ci, ce sont les 3 800 000 sala-riés qui percevaient moins de 600 Fpar mois qui connaîtront des relève-ments très importants de leurssalaires. Au total, pour 15 millions

de salariés, la hausse de salaire seraau moins de 10 %.Pour le droit syndical, qui est recon-nu par la loi de 1884 mais demeureune abstraction sur l’entreprise où ildemeure soumis à l’arbitraire patro-nal, le gouvernement s’engage àlégiférer sur le « droit syndical àl’entreprise », ainsi que, « avec lesprécisions et compléments permet-tant son adaptation aux nécessité deces services », dans les entreprisespubliques et la Fonction publique.Cela portera notamment sur le droitde constitution de syndicats ou desections syndicales dans l’entreprise,la protection des délégués syndicaux,les prérogatives du syndicat et desdélégués, les moyens d’expression,le congé éducation, le respect dudroit de grève…Sur la durée du travail, la décisionde la conclusion d’un accord cadreentre le CNPF (le patronat) et lesconfédérations pour une réductionprogressive vers les 40 h, un proces-sus d’une réduction de 2 h pour lesdurées supérieures à 48 h et d’une

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Des acquis considérables

grève » s’auto désigne pour « relan-cer la grève générale illimitée »… Pour 1 million de travailleur de lamétallurgie c’est la quatrième semai-ne de grève qui commence.Alors que la reprise du travail esteffective après des succès revendica-tifs importants, par exemple chez lesdockers, la métallurgie, particulière-ment, reste un secteur d’affronte-ment du fait de l’intransigeancepatronale. « Dans l’industrie auto-mobile la grève est très solide » sou-ligne J. Breteau secrétaire général dela Fédération des métaux CGT (le 11juin). La grève se poursuit égalementchez les taxis parisiens et à l’ORTF.Chez Peugeot à Sochaux Montbé-liard, un affrontement entre les gré-vistes et les forces de répressionentraîne la mort d’un jeune ouvrierde 24 ans (un second atteint par unegrenade offensive décédera le lende-main). Dans la soirée du 11 juin lesmanifestations de l’UNEF, soutenuespar le Snes sup et le PSU tournent àl’émeute à Paris, Lyon, ClermontFerrand et Toulouse.La CGT appelle à un arrêt de travail

national pour le 12 juin de 15 à 16 h.Il sera très largement suivi. Lesforces de police sont retirées en par-ticulier de Renault Flins et deSochaux. Les négociations s’ouvrentou reprennent dans plusieurs grandesentreprises.Kléber – Colombes ,« l’un des bas-tions de la résistance patronale,tombe » (G. Séguy, « le mai de laCGT» ) et les travailleurs après unincontestable succès revendicatifdécident massivement la reprise dutravail.Le 15 juin, après 35 heures de dis-cussions, la négociation chezRenault débouche sur un résultat quela CGT apprécie comme un succès.La reprise du travail est très large-ment votée (78 % des horaires et86 % des mensuels à Billancourt,58 % à Flins, 75 % à Cléon, 79 % auMans, 71 % à Choisy le Roi,70 % àOrléans, prés de 100 % à Sandou-ville (cité dans « le mai de la cgt »).Citroën résistera encore aux revendi-cations et le travail n’y reprendraque le 25 juin après 36 jours degrève.

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heure pour celles comprises entre 45et 48 h est enclenché dès 1968.Pour ce qui est de l’emploi, si lepatronat n’a rien cédé sur la revendi-cation de « pas de licenciement sansreclassement préalable » des reculssont imposés concernant l’indemni-sation du chômage partiel et desengagements sont entérinés pour laformation et le perfectionnementprofessionnels.La révision de conventions collec-tives est acquise avec l’objectifnotamment de la révision dessalaires minima et leur rapproche-ment des salaires réels, la réductionde la part des primes par leur inté-gration dans les salaires, la révisiondes classifications….La revalorisation de l’allocationminimum versée aux personnesâgées et aux grands infirmes,Concernant la Sécurité Sociale, legouvernement n’a pas reculé sur les

ordonnances, il a été toutefois étécontraint de ramener le ticket modé-rateur à 25 %.Selon le constat de Grenelle lesjours de grève seront indemnisés àhauteur de 50 %, théoriquementrécupérables, mais acquis si la récu-pération n’a pas été possible avant lafin de l’année, ce qui allait permettred’aller plus loin dans de très nom-breuses branches.Les acquis contenus dans le constatde Grenelle sont donc très importants.Au delà de ce qui relève du« constat de Grenelle », mesurerles acquis c’est intégrer aussi tout cequi a bougé en profondeur dans lasociété française tant dans les rap-ports sociaux, la vie sociale, au tra-vail et hors du travail…qu’au niveaude l’individu, de son émancipation,des libertés conquises, à commencercelle de la parole, renvoyant en plei-ne actualité cette phrase du grand

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J. Gouellain(personnel de service intérieur –La Sorbonne)En 1968, j’exerçais les fonctions de « chef duservice intérieur » dans la partie de LaSorbonne qui appartenait à la faculté deslettres. J’étais aussi le secrétaire d’un petitsyndicat qui adhérait à la FEN.(…). Depuis lafin de la guerre d’Algérie, c’est la réforme desétudes (« réforme Fouchet ») qui avaitmobilisé les associations d’étudiants. A laSorbonne, c’était l’UNEF qui dirigeait lesmanifestations en direction du secrétariatdont on fermait les portes (…) le doyen de lafaculté, un brave homme de latiniste, trèsreprésentatif de la suffisance des éminentsqui l’avaient élu, s’éclipsait par la cour du bas,tandis que le secrétaire Général, GeorgesBourjac, allait faire face aux revendications.Un homme qui se tirait très bien de cesentretiens (si bien que lorsqu’il mourut enfonctions, 3 ans plus tard, l’ancien comitéd’occupation de la Sorbonne assistait à sesobsèques. Ce qui montre que 68 ne fut pasobligatoirement un conflit de générations).Les jeunes gens nous pressaient – tout en nous

prenant pour des syndicalistestraditionnels, pour des ringards –

de décréter la grève générale,illimitée jusqu’à satisfactiontotale des revendications.Dans le même temps ilsavaient constaté qu’un desmeilleurs moyens de bloquerles cours, c’était que les« appariteurs » n’ouvrissentpas les portes des amphis, etc’était moi qui avait la clé del’armoire aux clés de rechange.Nous avions réussi ce coup unjour de mars (…) mais la foissuivante notre secrétairegénéral se fit remettre la cléde l’armoire la veille de lagrève…Et ce ne sont pas lesévénements de Nanterre quinous encourageaient à lasolidarité avec les étudiants« gauchistes ». Là bas noscollègues – y compris lessyndiqués - ne suivaient pasles « 22 mars ». De plus leDoyen Grappin, qui avait étéprofesseur d’allemand dansnotre faculté avait notresympathie. Ancien résistant,militant du Snes sup., il avaitpubliquement pris positioncontre l’OAS… c’était unhomme austère, discipliné,autoritaire, pas tout à fait cequ’il fallait pour affronterCohn Bendit. Mais eût il toutcédé que « le 22 mars » luien eussent réclamé encoreplus. C’est à lui que va monestime et pas à son adversairedont l’évolution ultérieure etactuelle montre le poids de

AA pprrooppooss ddee qquueellqquueess éélléémmeennttssqquuii mméérriitteenntt dd’’êêttrree mmiieeuuxx ccoonnnnuuss

PPaarr RReennéé BBiiddoouuzzee,, sseeccrrééttaaiirree ggéénnéérraall ddee llaa ffééddéérraatt iioonn ddeessff iinnaanncceess eenn 11996688,, ppuuiiss ddee ll ’’UUGGFFFF..

Mon propos se limitant à un bref témoigna-ge, je dois m’en tenir ici à deux ou trois élé-ments inédits ou méconnus, en renvoyant lelecteur aux travaux que j’ai publiés dansdivers ouvrages et études au cours des der-nières décennies, et à ma communicationau Colloque des 14 -15 mai 2008.Il est probable que personne ne se souvien-ne d’une initiative de la Fédération desfinances CGT, dont j’étais le secrétaire géné-ral depuis 1963, qui a conduit le ministère –en marge des discussions générales - à unenégociation spécifique avec l’ensemble desfédérations des finances, et a abouti à unrelevé de décisions concernant les modalitésdu paiement des journées de grève de mai1968 et les principales revendications despersonnels financiers. La première mise en œuvre et les dévelop-pements des engagements gouvernemen-taux contenus dans le constat Oudinot onttenu leur place dans l’action du mouvementsyndical des fonctionnaires à laquelle j’aiparticipé comme secrétaire général del’UGFF de 1970 à 1978 : catégories C et D,problèmes sociaux, droits syndicaux…Mais la donnée majeure de l’après 1968,c’est l’instauration, après une période detâtonnements, d’une « politique contractuel-le » consacrant une globalisation de la ges-tion des rémunérations, des classementscatégoriels et des problèmes généraux de lafonction publique.

Je me bornerai ici à rappeler deux élémentsméconnus ou sous-estimés : - le premier acte de cette politique pour l’en-semble du secteur public et nationalisé futnon un accord salarial de telle entreprisepublique, mais le « contrat » du 10 octobre1969 (non signé par la CGT) concernant les500 000 agents des catégories C et D, sesituant dans le prolongement de la commis-sion Masselin, mais faisant l’objet d’unerécupération gouvernementale d’autant plusinsolite que le fonctionnaire est « vis-à-visde l’administration dans une situation statu-taire et réglementaire » et non pas contrac-tuelle. - si les fédérations des PTT étaient, depuisles origines, présentes aux côtés des fédéra-tions générales de fonctionnaires au Conseilsupérieur de la fonction publique, les person-nels communaux (et hospitaliers) qui avaientrejoint les fonctionnaires de l’Etat dans lanégociation Oudinot, ont ensuite participé àtoutes les négociations « salariales » de lafonction publique. Ainsi était affirmée unedonnée dont l’avenir montrera qu’elle préfi-gurait la publication d’un Statut général desfonctionnaires de l’Etat et des collectivitésterritoriales en 1983-1984. Ainsi était ouvertepour de nombreuses années la voie d’unecoopération sans précédent de l’UGFF etdes fédérations CGT des PTT et des ser-vices publics et de santé.

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faux semblant qu’il valait alors. Que lui et lessiens à force de provocations eussent ététraduits en conseil de discipline dans un localrectoral de la Sorbonne ne nous a pasmobilisés. On sait la suite qui appartient à lagrande histoire (…).

J.Roques(ONIC et fédération PTA)(…) pour la nuit du 10 au 11 mai, du 7èmeétage de la rue du pot de fer où j’habitais,avec Denise Glaser (femme de télévisionextrêmement connue à l’époque. NDLR) quihabitait l’immeuble et avec qui nous étionsamis, nous déversions de l’eau sur lesmanifestants qui avaient les yeux qui piquaienten raison des gaz des grenades lacrymogènes.Certains d’entre eux venaient chez nous pourfuir les attaques de la police.(…) A l’ONIC, je remplaçais le secrétairegénéral Mariani, qui était sur Lyon . C’est avecle secrétaire général de FO, Delahaie, laCFTC s’étant refusée à participer, que nousavons appelé à la grève et au rassemblementdans le hall de l’ONIC. Au siège central de l’ONIC, où travaillaient400 personnes, dont 140 à la CGT, en accordavec FO, nous appelions toutes les 48h lespersonnels à se réunir.C’était à chaque assemblée, de 80 à 100personnels grévistes qui, à pied ou en vélo,venaient participer.(…) Parallèlement, j’avaisdans le cadre de la fédération des PTA(personnels techniques et administratifs), laresponsabilité du secteur « agriculture », (…)Et ça n’était pas simple. Avec, à la centrale,des gens qui voulaient tout casser, nousreprochant de ne pas aller assez loin, (…). Cesgrands révolutionnaires qui risquaient en faitde briser le mouvement, … sont rapidementgentiment rentrés dans le rang et on n’en aplus entendu parler.On a été reçus dès le début juin par EdgarFaure. (…) et nous avons obtenu que tous lesans, dans le cadre des discussions budgétairesdu ministère, soit établi un « plan decharges », incluant diverses dispositions qui aucours des années suivantes constituerontautant d’avancées très significatives pour lespersonnels (corps spécifiques pour lestechniciens vétérinaires, nette revalorisationde la prime « de monte » dans les haras,reclassements…) Où on a avancé beaucoupaussi , c’est sur les droits syndicaux. A cetteépoque il y a eu un changement dans la société,la lutte des droits des femmes y a connu unessor important.

Si la bastille ne fut pas prise une deuxièmefois, ses fondements furent tout de mêmefortement ébranlés. Pour moi cela a été un grand moment de la viesyndicale, après plus rien n’était pareil. Onavait une autre écoute de la direction. Ensortant d’une rencontre, le directeur, MrSalas, me dit: « Monsieur Roques, je vousremercie de la façon dont vous défendez lepersonnel », me laissant perplexe, moi quiavait en tête les propos de Babel appelant à seméfier des compliments selon d’où ils venaient.

poète Louis Aragon : « la parolen’est pas donnée à l’homme il l’aprise ».

Des acquis spécifiques à laFonction publique….Dans la Fonction publique, les négo-ciations se dérouleront les 28 mai(jusqu’au 29, 1 heure du matin) sousla présidence du premier ministre G.Pompidou, et le 1er juin (jusqu’au 2,6 heures de matin), sous la présiden-ce du nouveau ministre de la Fonc-tion publique, R. Boulin. Négocieravec les syndicats constituait unepremière, une victoire en soi, mêmeen 1936 ce ne fut pas le cas. Commel’écrira R. Bidouze, « c’est une cer-taine conception de l’Etat qui estainsi battue en brèche ». Ces négo-ciations se concluront par un relevéde conclusions ou « constatOudinot » (du nom de la rue où siègealors le ministère de la Fonctionpublique) qui lui aussi traduira desavancées très significatives.« Nous l’avait-on assez répété,depuis 10 ans, que nos revendica-tions étaient démagogiques ! (…) Etvoilà que maintenant tout a changé.(…) En 15 jours, les temps ont bienchangé. », soulignera le secrétairegénéral de l’UGFF, R. Loubet.La masse des rémunérations quiinitialement devait progresser de5 %, est en fait revalorisée de13,98 %.Le traitement de base sera augmen-té de quasiment le double que prévu,par des revalorisations de 4 % au 1erjuin et 2,25 % au 1er octobre secumulant avec celle de 2,25 % inter-

venue au 1er février. A cela il faudraajouter le fait que tous les fonction-naires bénéficieront d’une augmenta-tion de 10 points d’indice au 1erjuin.Et au delà, tous les agents dont l’in-dice est inférieur à celui de l’indicesommital de la catégorie C, bénéfi-cieront de 5 points supplémen-taires.Dans son bulletin d’information N°6de juin qui dresse le bilan des acquis,l’UGFF traduit en % les évolutionssalariales résultant des mesuresprises pour l’année 1968 au termedes négociations : elles vont de24 % pour le 1er échelon du bas dela grille à 10/11 % pour la catégorieA en passant par 15 à 20 % selon lesniveaux en catégorie C et à plus de17 % pour les personnels de catégo-rie B.Par contre les mesures de suppres-sion des zones d’abattements duSMIG dans le secteur privé n’ont pasété répercutées dans la Fonctionpublique.Les retraités bénéficieront de l’inté-gration dans le traitement de 2 pointsd’indemnité de résidence.La durée du travail dans la Fonc-tion publique, jusqu’alors variable –48 ou 45 heures - selon la réglemen-tation appliquée (loi de 47 ou décretloi de 1939), fait l’objet d’un enga-gement d’une réduction progressiveà 40 heures, avec une mesure immé-diate ramenant celle-ci respective-ment à 46 h 30 et 44 heures. Lasemaine en 5 jours sera elle aussiacquise (on travaillait alors les – oudes – samedis matins). Les congés

Une grossebouffée d’airpour les salaires.

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annuels ne serontaugmenté qued’une journée (labataille portait surune semaine sup-plémentaire), maisdes acquis supplé-mentaires serontobtenus dans plu-sieurs secteurs.Dans la Fonctionpublique aussi, lesdroits syndicauxseront concernéspar les engage-ments du constat de grenelle et lerelevé de conclusion comporte desobjectifs concernant les organismesparitaires, les conditions d’exercicedu droit syndical, le paiement ducongé éducation.Par ailleurs une commission est miseen place pour examiner « l’en-semble des problèmes à caractèresocial (services sociaux, hygiène etsécurité, médecine du travail,etc..). ». La CGT (représentée parLloubes – PTT – Deverrières etTrunkenboltz – UGFF -) et les autresorganisations syndicales, y deman-dent que les crédits affectés aux ser-vices sociaux soient calculés sur labase de 3% de la masse salariale (ycompris non titulaires et pensions etretraites) et que la gestion soitconfiée aux personnels. La nature de la Fonction publique etla position de ses personnels (statu-taire et règlementaire) font que lesacquis se concrétisent – plus làqu’ailleurs – dans le temps. Ainsirésulteront des luttes de mai 68, leplan Masselin (1969) concernant lescatégories C et D, (et dans la suiteles catégories B puis A ) les disposi-tions de la circulaire Chaban Delmassur les droits syndicaux (1973), destitularisations massives (1972-1976),la création du CIAS (1970), lesmodifications concernant les com-pétences et le fonctionnement desorganismes paritaires, la protectionsociale des non titulaires…..… et le non quantifiable, mais quiest ressenti comme des succès consi-dérables par les personnels, tel quele respect individuel au travail (etdans ce cadre il est frappant de noterque nombre de femmes soulignentcombien la possibilité de se mettreen pantalon après 68 a été ressentieet vécue comme une liberté impor-tante gagnée), le recul de l’autorita-risme et la modification des rapports

hiérarchiques, la parole prise, le sen-timent d’être collectivement uneforce avec laquelle les autorités doi-vent compter….

… et des avancéessupplémentaires dans denombreux services.Ainsi la semaine de travail en 5 joursavec des horaires proches des 40heures est devenue une réalité dansde nombreux services. Bien souventce sont au moins 3 jours de congésupplémentaires qui sont acquis.Quelques exemples :-Aux Finances 2 jours de congé sup-plémentaires seront obtenus, s’ajou-tant à la journée « Fonctionpublique ». La semaine de travail en5 jours est acquise dés le 21 juin etest considéré notamment au Trésorcomme une formidable victoire alorsmême les travaux préparatoiresd’une commission du Conseil Supé-rieur prévoyaient l’ouverture desguichets 6 jours entiers ; des indem-nités sont relevées, la promotioninterne est rediscutée… A la DGI ilest « pris acte » du principe de larécupération du travail et aucun pré-lèvement pour grève ne sera effectué-il s’en suivra une souscription desolidarité qui rapportera 16 millionsd’anciens francs- (note d’A. Narrit-sens) - Dans les Collèges d’Ensei-gnement Technique, une réductionimportante des obligations hebdoma-daires de service des enseignants(présence devant les élèves) est obte-nue : de 25 à 21 heures pour l’ensei-gnement général, de 36 à 26 heurespour l’enseignement professionnelpar voie de décret.-Aux Affaires culturelles avec l’ins-tallation de CTP, l’élection de 3administrateurs à la coopérative, lesautorisations d’absence pour enfants(au lieu et place de congés de mala-

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Et mon camarade Mariani de me dire : « ilvaut mieux entendre ça. D’abord je crois qu’ilest sincère et ensuite cela montre que lemouvement de 68 est passé par là … et qu’ilpèse ».

Piquet(Culture)Si le mécontentement était vif parmi lesfonctionnaires, il n’était pas pour autantcertain que ceux-ci s’engagent dans unmouvement dont l’issue n’était pas évidente.L’UGFF, après réunion de sa commissionexécutive, invita ses composantes à se réuniret à décider de faire des assembléesgénérales des personnels sur les lieux detravail et à y proposer la grève générale avecoccupation des locaux et des administrations.Au ministère de la culture, le syndicat CGTdes personnels administratifs, en contactavec les autres syndicats CGT du ministère,contacta les responsables FO et CFDT, etdécision fut prise de convoquer une assembléegénérale du personnel au 3 rue de Valois. Il aété décidé que je fasse l’interventionliminaire, dans laquelle je soulignaisnotamment combien il serait préjudiciable queles agents de la fonction publique restent endehors du mouvement, rappelant qu’absentsdes luttes de 1936, nous avions également étéexclus des conquêtes sociales obtenues alors.Les discussions furent animées mais en mêmetemps s’exprimait un fort mécontentementdes agents et nombreuses étaient lesrevendications tant générales quepersonnelles. Les aspects positifs du « tousensemble » furent déterminants et lespersonnels votèrent la grève générale avecoccupation. Un comité de grève fut mis enplace et une fois lancée la grève pris une trèsgrande ampleur, les fonctionnaire d’autoritéset d’encadrement furent nombreux soit àparticiper, soit à se déclarer gréviste etsolidaires.Les évènements de 1968 ont eu un grandretentissement au ministère de la culture.Les négociations menées par le ministre lui-même permirent d’obtenir notamment desdroits syndicaux parmi les plus importants detous les ministères, ainsi que la mise en placede CTP précédés de référendums. Et il a falluune lutte sans concession pour faire appliquerpartout le référendum et notamment auxarchives de France où le directeur général,M. André Chamson ne voulait pas en entendreparler et ne semblait pas craindrel’intervention du ministre Malraux, car cedernier espérait qu’A. Chamson lui servirait deparrain pour son élection à l’académiefrançaise.Mais si le Directeur Général était en mesurede braver les instructions du ministre, il serendit vite compte qu’il n’infléchirait pas laCGT et choisit le recul pour ne pas affronterun conflit majeur….

Jacky FOREST(contrôleur du travail)En 1968, j’étais contrôleur du travail et de la

Dès le 25 juin, la semaine en 5 jours !Le syndicat CGT du Trésor informe partélégramme (Archive A. Taillefer).

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main d’œuvre. J’occupais le postede responsable de la garantiechômage au sein du ministère duTravail. J’étais aussi secrétaire dusyndicat national CGT des servicesextérieurs du travail et de la maind’œuvre. J’avais 42 ans et déjà unelongue carrière professionnelle etsyndicale derrière moi. En l’absence de décharge complèted’activité, les tâches syndicalesempiétaient très largement sur mavie personnelle et familiale. Notresyndicat national était bienimplanté parmi les agents descatégories B et C. En revanche,nous ne comptions que très peud’Inspecteurs du travail syndiquésà la C.G.T. A l’époque, le corps del’inspection du travail ne regroupaiten effectif qu’à peine 400 agents(contrôleurs, inspecteurs,directeurs départementaux etdirecteurs régionaux), ce quiexplique la faible syndicalisationparmi ces agents. 1968 a provoqué un formidableappel d’air .En effet, en fonction de lareprésentativité de notre syndicat,nous avons pu obtenir, cette annéelà, deux décharges syndicales àtemps complet. En ma qualité de secrétaire duSyndicat National CGT des ServicesExtérieurs du Travail et de la Main d’Oeuvre,je suis donc devenu permanent le 13 mai 1968.A partir de cette date, j’ai pu me consacrerpleinement à l’activité syndicale au sein duSyndicat CGT des S.E.T.M.O.Jacqueline BRAURE, qui était un peu plus âgéeque moi, et qui occupait, à l’époque un poste desténodactylographe , fut la 2ème permanente.Nous avons donc occupé les locaux syndicauxmis à disposition par l’administration pourexercer notre mandat syndical à tempscomplet. Il s’agissait des combles d’unimmeuble situé au 5 rue d’Aligre à PARIS. LaC.G.T. n’était pas l’organisation syndicale lamieux logée ! Néanmoins, à partir de l’année 1968, notresyndicat a multiplié son influence dans toutesles catégories de personnel ainsi que dans lecorps de l’Inspection du Travail. Nous avonsacquis par la suite des locaux plusconfortables ainsi que des permanentssupplémentaires. Aujourd’hui, jesuis très heureuxd’apprendre que lesyndicat CGT estle premiersyndicat dans lecorps del’Inspection duTravail et qu’il estreprésenté aussidans le grade desdirecteurs.

die), les 2 jours de congé supplémen-taires, l’aménagement de locauxsanitaires dans les domaines impor-tants, la tenue d’assemblées syndi-cales sur le temps de travail, l’octroide permanents syndicaux…-Au CNRS où sera mis en place enmatière d’action sociale un organis-me aux prérogatives analogues àcelles des CE ; la prime derecherche sera désormais accordée àtous les personnels sans discrimina-tion au taux minimum de 65 % deson montant ; la mise en place decomités de gestion locaux est autori-sée, et un comité central provisoire(avec 3 représentants CGT) estconstitué…-A l’Equipement, les conclusions desdiscussions avec les syndicats pré-voient, notamment, qu’il « ne soit

opérée aucune retenue sur lessalaires de juin », les modalitésde récupération devant être« fixées ultérieurement », l’oc-troi de 2 jours de congé supplé-mentaires (hors période norma-le de congé), la mise en placede groupes de travail pour exa-miner les problèmes particu-liers (activités sociales - dota-tions budgétaires et participa-tion du personnel, - non titu-laires – droits syndicaux –réformes statutaires et indemni-taires, formation, promotion,

perfectionnement - …) et l’organisa-tion d’assemblées générales « dansla matinée du 7 juin » pour informerles personnels lors de la reprisegénérale du travail.Les OPA (ouvriers des Parcs et Ate-liers) arracheront, au delà des acquisFonction publique, des avancéesconsidérables, dont une revalorisa-tion des salaires de 15,93 % au 1erJuin,, une augmentation de 3 % de laprime d’ancienneté… Chez les per-sonnels des laboratoires des Ponts etChaussées, c’est la parité totale dessalaires Paris-province pour les per-sonnels techniques, le reclassementdes administratifs, ouvriers, dessina-teurs, la formation sur le temps detravail, l’extension des droits à l’IR-CANTEC… et les salaires de cespersonnels auxiliaires qui, entredécembre 67 et Octobre 68, ont pro-gressé de 23 % !Aux Affaires Sociales sont obtenusun repyramidage des emplois C et D,500 promotions de D en C par listed’aptitude, l’amélioration des pro-motions internes de C en B et de Ben A, des mesures de reclassement,des engagements sur une améliora-tion des régimes indemnitaires, surl’étude de la situation des contrac-tuels et vacataires, la situation del’ANPE, les jours de grève, et unesemaine de congé supplémentaire(cf. témoignage de D. Sallandre)…

Les temps ont alors changé…Par Roger Loubet, secrétaire général de l’UGFF CGT en 1968.

Ce qui domine pour moi de mai 1968 ?Comme pour beaucoup sans doute, c’est le souvenir de ce mouvement revendicatifsans précédent qui souleva et unit le salariat durant plusieurs semaines et qui ébranlamême le pouvoir ; Ce sont ces immenses et joyeux cortèges, ce débat passionné etsans fin, mais aussi cet échec sur les changements plus profonds faute de perspec-tives politiques claires et de volonté unitaire.C’est tout autant pour moi la satisfaction d’avoir vu les fonctionnaires, dans ce environ-nement incitatif, substituer la discussion démocratique des personnels et la décisiondécentralisée des mots d’ordre au pilotage de l’action par le sommet auquel ils restaienttrop souvent habitués.Le résultat fut une telle amélioration du rapport des forces qu’à la suite du « constat »de grenelle au niveau des confédérations, le gouvernement dut, pour la première fois,dépasser les débats techniques qu’il concédait jusque là pour admettre des « négocia-tions » sur tous les aspects financiers des rémunérations, de l’organisation du travail,de l’organisation du travail, des droits syndicaux…On ne s’étonnera pas qu’au-delà des résultats importants sur lesquels ils débouchèrent,cet évènement de la négociation elle-même ait laissé dans mon esprit une empreinteparticulière. Côte à côte, ce qui était là aussi nouveau, les délégués des trois fédérations CGT,Fonctionnaires - PTT-services publics, avec, et à ce titre, un représentant du Bureauconfédéral de la CGT.Et, comme interlocuteurs, Pompidou lui-même les 28 et 29 mai, et, les 1er et 2 juin, sonministre Boulin.Et les discussions se sont ensuite poursuivies dans les ministères et les administrations.

Les temps avaient vraiment changé.Et ils le peuvent encore. Ce serait même nécessaire et urgent.

L’UGFF fait les comptes