M. Meouak, Etudes Et Documents Berberes, 29-30 (2011), Pp. 275-309.

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Etudes et Documents Berbe`res, 29-30, 2010-2011 : pp. 275-309

` RETOUR SUR LA LANGUE BERBERE AU MOYEN AGE ` ` A LA LUMIERE DES GEOGRAPHES - AL-BAKRI ET AL-IDRISI*par Mohamed Meouak

Introduction Dans son fameux Fihrist, compose vers 377-378/987-988, le crivain oriental ` Ibn al-Nadm offre au lecteur averti un passage tout a fait inte ressant sur les - langues du pays des Sudan et dans lequel il inclut les Berbe` res (al-Barbar). Il - - nous dit la chose suivante : al-kalam ala l-Sudan ; fa-amma agnas al-Sudan, -ba wa-l-Baga [...] wa-l-Barbar [...] ; fa-innahum yaktubuna bi-lmitl al-Nu - hindiyya li-l-mugawara, fa-la qalam lahum wa-la kitaba / Le discours sur les - dan : alors que les ethnies des Sudan sont par exemple des Nuba, des Baga - Su [...] et des Berbe` res [...], certes ils e crivent en indien du fait de la proximite , mais ils nont ni plume ni e criture 1. Nous croyons que ce de tour par lOrient, me me sil semble quelque peu risque , permet de voir la profondeur du proble` me de le tude de la langue berbe` re sil est certain que le vocable Barbar renvoie bien aux Berbe` res dont le peuplement se tend du nord de lAfrique jusquau Sahel, et de lAtlantique jusquaux conns occidentaux de lEgypte. Cela dit, et nous venons de le mentionner, nous avons mis en exe` rgue un ` fragment litte raire arabe oriental du IVe/Xe sie` cle 2. Mais, a notre avis, celui-ci est symptomatique des divers enjeux scientiques en circulation et de la ` * Cette e tude a e te en partie re dige e au cours dun se jour effectue a lUniversite Lyon 2 (Lyon) du 1er fe vrier au 31 juillet 2009 en tant que professeur invite . Quil me soit permis ici de remercier cette institution franc aise pour son aide. Je voudrais e galement adresser mes since` res ` remerciements a M. Ouahmi Ould-Braham pour avoir bien voulu me faire part de suggestions et de re fe rences bibliographiques utiles. 1. Ibn al-Nadm, Fihrist, I, p. 21. 2. Voir A. Miquel, 1988, IV, pp. 61-63 consacrant quelques bre` ves observations sur les ` Berbe` res a partir de la riche litte rature ge ographique arabe du Moyen Age. Dans un autre ` registre, pris a le poque coloniale franc aise au Maghreb, il serait instructif de lire les propos de H. Basset, 2007, pp. 23-36 au sujet de ce que les Berbe` res pensaient de leur langue et culture. En lisant le livre de H. Basset, publie dabord en 1920, il ne faut jamais perdre de vue le contexte politique sous-jacent spe cique et la position scientique et e thique de son auteur, franc ais ayant ` ve cu entre la n du XIXe sie` cle et le de but du XXe sie` cle, cest-a-dire en pleine pe riode coloniale.

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` proble matique de lexistence, ou non, dune e criture spe cique en berbe` re a le poque pre moderne qui pourrait avoir eu une inuence notable sur la production litte raire originale dans la propre langue berbe` re 3. ` Si les propos dIbn al-Nadm sont sans nul doute a mettre en relation avec un genre typiquement oriental, e loigne dun Maghreb souvent mal compris et parfois en marge des canons litte raires arabes classiques, il vaut la peine de signaler les dires dun autre e crivain nettement plus tardif et maghre bin. Nous faisons allusion au ce le` bre Ibn Haldun (m. 808/1406), historien tunisien, qui avec le monde berbe` re. Dans la citation que avait eu parfois la main lourde ` nous offrons au lecteur, on verra quil ne mache pas non plus ses mots quant a lide e quil se faisait de ce me me monde. Il dit des choses re ellement inte ressantes pour lhistorien et qui permettent de mieux comprendre le degre de - ` pre juge entretenu vis-a-vis du milieu berbe` re. Dabord sur leurs origines : hada -l min al-agam / Cette population detrangers , ensuite sur leur langue : l-g - . ihtilat al-aswat gayr al-mafhuma / Un me lange de sons incompre hensibles . . sur le fait quun personnage aussi emble matique quIbn Tumart avait e te ou contraint denseigner aux talaba et aux tribus berbe` res les textes classiques . religieux dans leur propre langue sous peine de ne pouvoir transmettre correctement la profondeur du message de lislam (yuallimuhum al-mursida f- l-tawh-d bi-l-lisan al-barbar- / Il leur enseignait Le guide sur lunicite de . Dieu en langue berbe` re ) 4. Ces conside rations, sous forme de ve ritables ide es pre conc ues, en disent long sur le comment on imaginait lun des principaux peuples autochtones du Maghreb. Mais cela dit, il faut e galement rappeler que ` ` cette attitude pourrait bien e tre lie e a une me connaissance du sujet ou a des confusions faites avec dautres peuples et leurs mythes dorigine dont la transmission sest parfois ope re e de manie` re erronne e par lhistoriographie ` arabe ante rieure a le poque dIbn Haldun. En plus, il faudrait e tre en mesure ` de savoir si le fait de sexprimer en berbe` re pouvait engendrer la rele gation a un statut social infe rieur ou bien alors la marginalisation de nitive des groupes berbe` res au sein de la socie te maghre bine au Moyen Age 5.` 3. La question complexe de savoir si le berbere avait e te e crit au moyen dun syste` me alphabetique propre durant la pe riode me die vale de passe largement nos competences et le cadre de ce travail. Pour e tre cernee dans les meilleures conditions possibles, nous pensons ` que cette proble matique doit faire appel a lintervention des pre historiens, des linguistes, des historiens et des archeologues. On peut trouver un excellent exemple de ces recherches pluridisciplinaires dans louvrage dA. Skounti, A. Lemjidi, El M. Nami, 2003, pp. 17-44 sur les inscriptions rupestres du Maroc mises au jour sur treize sites ainsi que la mise au point utile de M. Aghali-Zakara, 2006, pp. 13-20 sur les langues et les e critures pre berbe` res documente es dans les re gions du Sahara et du Sahel. 4. Ibn Haldun, Kitab al-ibar, VI, pp. 176 et ss., 303 et ss. La notice concernant Ibn Tumart ` avait de ja e te signale e par H. Basset, 2007, p. 48. 5. Cest en partie ce que nous souhaitons de velopper dans une e tude en cours de pre paration qui, basee sur une lecture critique des principales sources ibadites du Maghreb me die val, tente de . ` ve rier, entre autres questions, lhypothese selon laquelle il y aurait eu une concurrence linguistique entre berbe` re et arabe et quil est possible de de tecter explicitement ou implicitement dans la documentation e crite.

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` ` Si les e tudes relatives a lhistoire de la langue berbe` re a le poque pre moderne doivent beaucoup aux travaux des chercheurs franc ais du XIXe sie` cle jusquau milieu du XXe sie` cle tels par exemple A. de Calassanti Motylinski, Emile Masqueray, Henri Basset, Georges Marcy et dautres, il est utile de signaler luvre originale de lorientaliste polonais Tadewsz Lewicki. Ce dernier avait notamment travaille sur la base de nombreuses sources ibadites et avait mis au . jour des mate riaux historiques, religieux et linguistiques. On prendra soin de signaler en plus que son travail avait trouve un e cho favorable en la personne ` de Ouahmi Ould-Braham qui a eu a coeur de poursuivre les recherches engage es par le chercheur polonais mais aussi de poser les bases de nouveaux travaux critiques concernant les e tudes sur la langue berbe` re vue notamment au prisme de sources ibadites souvent manuscrites 6. Outre cet ensemble de . noms prestigieux, il ne faudra pas oublier de mentionner les e tudes publie es par ` le berbe risant Salem Chaker surtout dans la de cennie 1980. Cest a lui que lon doit les premie` res recherches syste matiques sur la langue et lonomastique berbe` res dans louvrage dal-Bakr. En effet, en 1981 puis en 1983, S. Chaker e tudia les donne es relatives au berbe` re contenues dans le livre du ge ographe de Huelva et dans ses travaux, il mit au jour plus de quatre-vingt anthroponymes et toponymes ainsi quune quarantaine dinformations dordre philologique 7. ` A la lumie` re de ce constat, il est donc e vident pour le lecteur assidu des textes arabes du Maghreb me die val que luvre dal-Bakr appara t comme fondamentale pour conna tre le tat de la langue berbe` re et de ses variantes re gionales au Ve/XIe sie` cle car elle contient une grande quantite dinformations onomastico-linguistiques 8. Mais alors pourquoi avons-nous choisi de revenir sur ce ` ` texte ? La re ponse a notre interrogation est difcile a formuler mais cela dit nous pouvons indiquer que notre e tude est sensiblement diffe rente pour au ` moins deux motifs lie s a certains aspects non e tudie s dans les deux publications ` du berbe risant ci-dessus nomme . La premie` re raison qui nous invite a reprendre lexamen des donne es dal-Bakr est en relation avec le contexte linguis-

` 6. Pour les auteurs cite s, voir la Bibliographie en n darticle. Quant a lapport scientique de ` lorientaliste polonais, voir par exemple T. Lewicki, 1973, pp. 37-39 allant bien au-dela de la ` seule litte rature ibadite. Pour les recherches sur la langue berbere dans les sources ibadites . . ` poste rieures a celles publie es par T. Lewicki, voir O. Ould-Braham, 1987, pp. 89-122 donnant - dites en berbere mis au jour par T. Lewicki ; idem, ` une e tude linguistique de taille e de textes iba . 1988, pp. 16-25 sur des passages dune chronique ibadite ine dite recueillie par A. de Calassanti . - .Motylinski, et idem, 2008, pp. 53-67 sur le texte arabe de la Mudawwana dAbu Ganim - san (de but du IIIe/IXe sie` cle) traduit poste rieurement en berbe` re. - al-Hura 7. S. Chaker, 1981, pp. 31-33, et idem, 1983, pp. 127-128. Cela dit, il est ne cessaire de rappeler ` ici que Monteil, 1968, pp. 39-40, avait donne une traduction franc aise des passages relatifs a lAfrique du Nord-Ouest contenus dans le livre dal-Bakr sur la base dun manuscrit arabe de pose au British Museum. Le savant franc ais avait e galement offert au lecteur des notes et des commentaires tre` s utiles notamment pour le vocabulaire berbe` re (ibidem, pp. 80-116). 8. Voir par exemple M. Ahmed Za d-Chertouk, 2004, pp. 131-132 quant aux possibilite s de recherche sur la langue berbe` re offertes par louvrage e tudie notamment en ce qui concerne la ` toponymie et lanthroponymie. Pour notre part, nous avons de ja recense plus de deux centaines . de toponymes et une centaine de noms de tribus dans le Kitab al-mugrib dal-Bakr.

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tique du Maghreb au Ve/XIe sie` cle, et dans ce sens nous avons essaye chaque fois que cela e tait possible de restituer les citations contenant des fragments de la langue berbe` re dans un ample contexte historique sans perdre de vue lensemble du texte matrice. S. Chaker avait effectivement releve des informations de grande valeur mais sans se soucier ve ritablement du comment elles e taient apparues et dans quel cadre elles avaient e te cite es par al-Bakr, et me me si parfois il donnait quelques bre` ves informations supple mentaires. Le ` ` deuxie` me point est quant a lui lie a la perspective foncie` rement historique de notre recherche. Nous avons tente de re tablir le cadre historique car nous pensons quune telle de marche serait susceptible de mieux faire comprendre le ` pourquoi de tel fait linguistique apparaissant a telle e poque ou dans telle re gion 9. Tout ce qui vient de tre dit quant aux travaux de S. Chaker ne doit en rien faire penser que nous minimisons la valeur de son apport. Bien ` au contraire, cest grace a ses deux articles quil nous est possible de rouvrir le dossier de la langue berbe` re au Moyen Age mais en y ajoutant des informations susceptibles de circonscrire puis de comprendre les proble` mes historiques du berbe` re, du contact des langues (berbe` re-arabe-latin-grec) et ` participer, aussi modestement que possible, a le tude dun domaine encore en marge chez les historiens me die vistes spe cialistes du Maghreb. Signalons ` enn a titre indicatif que notre travail est force ment partiel du fait que toutes les citations berbe` res existantes ne contiennent pas toujours des e le ments permettant de les situer dans un contexte historico-culturel plus large. En outre, certaines informations mises au jour par S. Chaker ont e te prises en compte et dautres, nouvelles car absentes de ses e tudes, sont offertes aujourdhui au lecteur 10. Une fois explique notre objectif sur al-Bakr, quen est-il de luvre -s soumise a le tude ? Il faut reconna tre ici que les choses sont a la ` ` dal-Idr fois diffe rentes du point de vue de la qualite des donne es offertes et similaires ` quant aux outils me thodologiques utilise s. Cela dit, indiquons que mises a part des citations sporadiques dans quelques publications, rien navait e te re elle` ment entrepris avant la publication des Notes de Kamal Na t-Zerrad. La encore, on regrettera le caracte` re purement linguistique du travail effectue par le chercheur mentionne . Certes la perspective de son e tude, comme celle ` dailleurs de S. Chaker, nest autre que philologique mais on a de la peine a comprendre comment peut-on e tudier des faits de langue sans tenir compte plus profonde ment des facteurs historiques, ge ographiques voire religieux. Les -` renseignements fournis a partir du ge ographe al-Idrs par K. Na t-Zerrad, dix` huit au total, ont e te puise s au lexique commun du berbe` re, a la toponymie et aux noms de tribus. Nous arrivons maintenant au point ou il est indispensable `9. Sur ces questions, voir M. Meouak, 2006a, pp. 330-331 ; idem, 2008, pp. 56-58. 10. Outre nos propres remarques, on peut se faire une ide e de la question des variantes linguistiques au sein de la langue berbe` re en lisant les observations anciennes mais suggestives faites par H. Basset, 2007, pp. 37-41.

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de signaler que louvrage du ge ographe contient une somme impressionnante dinformations : plus de trente toponymes en ta- et autres noms de lieux, plus de cent noms (ethnonymes et anthroponymes), des re fe rences sur le comment est contextualise lutilisation de la langue berbe` re (bi-lisan al-Barbar ; ila . . -n ; bi-lugatihim ; bi-l-barbariyya ; etc.) 11 ainsi quune lugatihim ; mutabarbaru foule de donne es sur les modes de peuplement du Maghreb par les tribus ` berbe` res. Certains exemples de ja fournis dans la recherche mentionne e ont e te repris dans notre e tude qui ne constitue en re alite que la premie` re pierre de touche dun futur projet se proposant de mettre au jour toutes les donne es linguistiques et historiques sur la langue berbe` re contenues dans la Nuzhat al-mustaq dal-Idrs. Arrive presque au terme de lintroduction, on signalera que notre souhait ` de voir la langue berbe` re e tudie e a la lumie` re dune meilleure contextualisa` tion historique se voit en partie re compense a la lecture dune e tude re cente publie e par Helena de Felipe. Consacre e aux contacts linguistiques dans ` lOccident musulman (Maghreb et al-Andalus) a partir des textes arabes, la recherche de larabisante espagnole fournit un tableau particulie` rement inte ressant et suggestif de la situation linguistique de la re gion en offrant des renseignements historiques, ge ographiques, culturels et religieux 12. On y de couvre, non sans une certaine satisfaction, des observations pertinentes notamment sur le possible antagonisme entre langue e crite (larabe) et langue orale (le berbe` re), la proble matique de la traduction et autres faits connexes. Si le travail en question se base sur plusieurs sources, mais non exclusivement -` sur les ouvrages dal-Bakr et dal-Idrs, il constitue, a notre avis, un excellent point de de part pour entreprendre le pe riple au coeur du domaine berbe` re vu, dans notre cas, au prisme de deux ge ographes arabes des Ve/XIe et VIe/XIIe sie` cles. An de ne laisser subsister aucun doute sur les objectifs poursuivis dans notre travail, il nous semble important dindiquer au lecteur que nous avons seulement pris en compte les mots et les locutions pour lesquels nous relevions des indications plus ou moins pre cises sur la langue berbe` re : mot/locution berbe` re + traduction arabe/indication de lorigine berbe` re. Nous avons ajoute quelques informations dinte re t sur les modes de peuplement et des toponymes spe ciques issus de ce que nous pourrions appeler un me tissage linguistique berbe` re/arabe. Finalement, nous sommes de sormais convaincus que le tude -` compare e des deux textes, celui dal-Bakr et celui dal-Idrs e crits a un sie` cle11. En marge de cette proble matique relative aux noms de lieux, on pourra faire une - - - - ` ` comparaison avec un texte e crit en berbere nafusien a la n du XIXe sie` cle par Brahm Uslman - al-Sammah- consacre aux habitants du gabal Nafusa et dans lequel on recueille, comme dans - - - - dautres textes ante rieurs, plusieurs donne es sur la toponymie en ta- (Brahm Uslman A(l-)Sam- h, Igasra d-I-br-dan d-I-draran n-I-nfusan, passim). Voir H. De Felipe, 2008, p. 23 qui signale - .- ma quelques formules tire es de sources arabes autres que celles e tudie es dans notre article. 12. H. De Felipe, 2008, pp. 19 et 33-34 pour la pre sentation de son e tude et les conclusions obtenues.

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dintervalle 13, permettrait sans aucun doute de mettre en valeur quelques ` phe nome` nes linguistiques observe s a des e poques pre cises et offrirait aussi lopportunite de mesurer le volution de lusage e crit et oral des langues en ` pre sence au Maghreb me die val a savoir le berbe` re, larabe, le latin et le grec. Pour cela, il faudrait reprendre de fac on syste matique le de pouillement des donne es contenues dans lensemble des sources me die vales relatives au Maghreb 14. Cest en partie, semble-t-il dans la direction indique e par le crivain dorigine berbe` re, Ibn Abd al-Halm, dans son ouvrage sur les ge ne alogies . des Berbe` res, quil serait ne cessaire de travailler plus encore. Lauteur maghre bin faisait en effet le commentaire suivant sous forme davertissement : wa- man wagada f- hada al-magmuc hataan aw-wahman fa-l-yusalihuhu, fa-inn. . . - katabtu- min bacd kutub al-tawar-h wa-bacduhu min afwahi al-nas / katabtu ma . . erreur ou une illusion, quil la Celui qui trouverait dans cette somme une ` corrige. En re alite , jai e crit ce que jai e crit a partir de quelques livres dhistoire et de quelques traditions orales 15. Abu Ubayd al-Bakr ou lexceptionnelle e rudition dun ge ographe andalousien a) Notes biographiques Le crivain andalousien al-Bakr est sans nul doute lun des plus grands -s, de lOccident musulman et selon E. Le vi-Provenc al, ge ographes, avec al-Idr il pourrait e tre conside re comme lun des repre sentants les plus originaux de la culture andalousienne du Ve/XIe sie` cle. Par son pe` re, Abu Ubayd Abd Allah - appartient a lAndalus des muluk al-tawaif, ces principaute s surgies ` al-Bakr . ` de la chute du califat umayyade de Cordoue a la n du IVe/XIe sie` cle. Sur le terme de sa vie, il verra lAndalus de nouveau re unie e sous la dynastie des Almoravides. Au milieu de ces convulsions politiques, la vie dal-Bakr semble se tre e coule e sans heurt majeur, sans aucun voyage en dehors de lEspagne ; ` ` ` elle fut toute voue e a le tude dabord, puis a le rudition et a la re daction de nombreux volumes 16. ` Quand il meurt, a un age relativement avance , al-Bakr fait gure de savant complet. Sans parler de ses dons litte raires et me me poe tiques, il sest illustre comme the ologien, comme philologue et critique, comme botaniste enn. Mais ` cest son uvre ge ographique qui lui a valu de passer a la poste rite . Elle ` consiste en deux livres, dont, a vrai dire, le premier se situe aux conns de la` 13. Pre cisons que dans un tout autre domaine Vanacker, 1973, pp. 659 et ss. avait bien mis a -prot les informations contenues dans les ouvrages ge ographiques dal-Bakr et dal-Idrs pour les besoins dune e tude dhistoire e conomique du Maghreb me die val avec plusieurs cartes. 14. K. Na t-Zerrad, 2008, p. 17 e voque une ide e similaire en proposant de mettre en place un grand projet pour le de pouillement syste matique des donne es berbe` res . 15. Ibn Abd al-Halm, Kitab al-ansab, pp. 18-19. . . Le vi-Provencal, 1960, pp. 155-157. 16. Voir E

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ge ographie en tant que telle : le Dictionnaire des mots inde cis des pays et des villes , en arabe Mugam ma istagama min asma al-bilad wa-l-mawadic, est en . fait un vaste re pertoire de toponymes de lArabie qui ont souleve des controverses dans la critique de la poe sie ancienne ainsi que dans la litte rature de la tradition (had--) ; seule lintroduction, qui trace un tableau de lArabie et de ses . t tribus, pourrait e tre conside re e comme du domaine de la ge ographie. En re alite , linte re t de louvrage est ailleurs. Outre la contribution quil apporte ` ` a la toponymie et a la lexicographie, il reste symptomatique du souci de lAndalus de ne pas rompre les ponts avec cette Arabie lointaine dont les dirigeants se pre tendent les he ritiers directs 17. Luvre essentielle dal-Bakr reste, pour la poste rite , son Livre des routes et des royaumes , en arabe Kitab al-masalik wa-l-mamalik. Acheve vers 460/ 1068, le livre, selon une des plus vieilles traditions de la ge ographie arabe, celle quinaugura Ibn Hurradadbih, de luvre duquel il reprend le titre, veut e tre des e tats musulmans et des itine raires divers et varie s. En un tableau complet ` fait, au-dela de la simple nomenclature, il sagit dune description du monde ` connu a le poque dal-Bakr. Loin de se limiter au monde de lIslam, lauteur donne une se rie de renseignements sur lEurope de son temps ; ainsi les fragments sur les Slaves (Saqaliba) ont plus dune fois, de ce point de vue, . retenu lattention des historiens 18. Il est peut-e tre te me raire de porter un jugement sur une uvre encore aussi mal connue et dont loriginal a sans doute e te fort maltraite . Mais on peut afrmer que la partie essentielle du livre ` ` reste celle-la me me que nous connaissons le mieux, ou le moins mal, a savoir les passages qui traitent de lAfrique du Nord et de lAfrique occidentale 19. En jugeant luvre dapre` s ces passages et dapre` s dautres, comme ceux qui concernent les Slaves, par exemple, on peut se faire une ide e des me thodes ` dal-Bakr et de la porte e de son livre. Contrairement a nombre de ses devanciers, ce nest pas sur le voyage que ce dernier fonde sa description du monde mais uniquement sur le rudition. Or celle-ci est de tre` s grande qualite . Lauteur a compulse non seulement la litte rature ge ographique devenue en son temps classique, mais des documents darchives et, surtout, pour ce qui touche ` a lOccident, musulman ou chre tien, des auteurs dont le Kitab al-masalik wa-l-lik nous a conserve quelques extraits importants : Abu Abd Allah mama - suf al-Warraq, mort en 363/973 (Maghreb occidental et Muhammad b. Yu . - - -- central, Ifrqiya et Sudan), Ibrahm b. Yaqub al-Isral al-Turtus -, IVe/Xe sie` cle . . - l-Abbas Ahmad b. Umar al-Udr, mort en 478/1085 (al(monde slave), Abu . Andalus) et bien dautres e crivains orientaux comme Ibn Abd al-Hakam . 17. Voir E. Le vi-Provencal, 1960, pp. 155-157. 18. Sur les Saqaliba dans lOccident musulman, voir le re sume de P. Guichard & M. Meouak, . 1995, pp. 909-911. ` 19. Quelques informations relatives a lAfrique occidentale me die vale ont e te mises en relief dans le bref article de T. Lewicki, 1965, pp. 9-11 ; H.T. Norris, 1986, pp. 135-139 sur les rapports ` entre le Sahara occidental et le Maghreb, et pp. 141-147 sur les routes sahariennes a la lumie` re dal-Bakr.

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- (mort en 257/871), al-Tabar (mort en 310/923), al-Masud (mort en 355 ou . 20 Au total, donc, uvre 356/957), Ibn Rustah (mort vers 300/913), etc. ` de rudition, mais dont la documentation reste remarquable. Puise e a des ` sources se rieuses, e crite en une langue claire, a loccasion matine e dhispanis mes, et fourmillant de renseignements sur la vie e conomique, lorganisation politique des pays de crits, le peuplement des espaces, lagriculture, les questions de langue, les proble` mes de voisinage entre de nombreux groupes ethniques die rents, etc. luvre dal-Bakr me rite mieux que les jugements 21. Sans doute, et cest cela, au fond, se ve` res et sommaires parfois porte s sur elle ` que de pareils jugements trahissent a leur insue, vient-elle apre` s les chefsduvre que constituent les ge ographies dIbn Hawqal et dal-Muqaddas. Il . reste cependant quelle occupe une position tre` s importante dans le volution de la ge ographie arabe du Moyen Age : par sa place, qui est lOccident, par son temps, qui est celui des grands changements intervenus apre` s le Ve/XIe sie` cle, et par sa me thode, entie` rement fonde e sur le pari, largement tenu, de la compilation des connaissances. b) Informations historico-linguistiques sur la langue berbe`re recueillies chez al-Bakr-22 Parmi les premiers renseignements fournis par al-Bakr, nous trouvons une notice relative aux usages linguistiques de la ville de Surt 23, au sud-est de Tripoli de Lybie, sur la cote me diterrane enne, et dans laquelle il est dit la chose - suivante : wa-lahum kalam yataratanuna bihi laysa bi-arab- wa-la agam- wa-la . . - wa-la qubt- wa-la yarifuhu gayrahum / Et ils parlent dans un jargon barbar . qui nest ni arabe, ni persan, ni berbe` re, ni copte ; personne ne les comprend excepte eux-me mes 24. Outre la description des diverses pratiques linguistiques de la re gion de Surt, nous relevons une information de choix sur la ` signication du nom de Tripoli prise a la langue grecque puis traduite en arabe : mad-nat Atrabulus wa-yudkaru anna tafs-r Atrabulus bi-l-agamiyya al. . -- . -t mudun wa-sammaha al-Yunaniyyun Tarbal-ta wa-dadika bi- igrqiyya -alat . -t mudun li-anna tar manahu talat wa-bal-ta yan- mad-na lugatihim aydan -ala. . t . - -- - wa-yudkaru anna Asfarus qaysar huwa allad- banaha wa-tusamma aydan mad-. . --nat Anas / La ville de Tripoli : on dit que son interpre tation nat Atrabulus mad . en langue e trange` re, en grec, est trois villes. Les Grecs la nommaient` 20. Pour les sources mises a prot par al-Bakr, voir la liste e tablie par A. Ferre , 1986, pp. 186208. 21. Sur le proble` me des sources et les questions en suspens, voir A. Ferre , 1986, pp. 208-209. 22. Il existe une autre e dition de louvrage dal-Bakr, Kitab al-masalik wa-l-mamalik, e d. A. Ferre & A. Van Leeuwen, Carthage, Be t el-Hikma, 1992, 2 vol. Celle-ci na malheureusement pas pu e tre prise en compte dans notre e tude. 23. Sur la ville de Surt et ses environs, voir H.R. Idris, 1962, I, p. 42, II, p. 463 ; J. Thiry, 1995, pp. 311-316. . 24. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 6/19. Voir H. De Felipe, 2008, p. 25.

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Tarbalta, ce qui, dans leur langue, signie trois villes : tar dont la signi. . . ` cation est trois et bal-ta, cest-a-dire la ville. On rapporte que cest le ce sar . Se ve` re qui la t construire. Elle se nomme aussi ville de la communaute 25. ` ` Au sujet des environs du site de Nafzawa 26, a six jours a louest de Kairouan, on dit quil y avait une rivie` re de couleur jaune : wa-li-mad-na .Nafzawa ayn tusamma bi-l-barbariyya taw(a)rga / Dans la ville de Nafzawa, . - 27 - w(a)rga . Mais cette dernie` re e vocail y a une rivie` re appele e en berbe` re ta tion nest pas sans rappeler le sens du mot dans le contexte des re seaux hydriques et de lirrigation des terres. En effet, on trouve le mot targa (pluriel tirganen) dans la re gion de Tabelbala (nord-ouest du Sahara alge rien) qui ` de signe a la fois la terre irrigue e par leau de la foggara (fuggara) et le re seau de 28. Toujours dans le Sahara alge rien, on trouve distribution de cette me me eau e galement quelques variantes du mot. Par exemple au Mzab, on trouve le vocable targa (pluriel tir@gwin) avec les sens de canal dirrigation, rigole ; et ` a Ouargla, on recueille le vocable targa (pluriel targiwin) = rigole dirrigation, canal ou ruisseau . Plus au nord du Maghreb central, dans lactuelle Kabylie, on a la variante targa (pluriel tiregwa) qui correspond au canal, fosse dirrigation, caniveau, se guia 29. Dans la me me direction se mantique, on conna t un autre terme inte ressant ` ` de signant un puits a trente-cinq kilome` tres a lest de Nouakchott, et appele aujourdhui Targa et venant du berbe` re ze naga Tarkah (Targa wa-asluha bi-l. . - rga dont lorigine en berbe` re est barbariyya Tarkah wa-huwa al-gubar / Ta ` Tarkah et qui est la poussie` re ) 30. De ja dans le Hodna occidental, nous relevons une indication au sujet de conduites deau, de constructions antiques, situe es dans le site de Bechilgia (ex-Zabi), au sud de Msila 31, et que lon25. Al-Bakr, ibid., pp. 6-7/19-20. Sur lhistoire de la ville de Tripoli dans les sources arabes me die vales, voir J. Thiry, 1995, pp. 53-63, 118-123, 182-193, 211-227, 258-270, 437-447, 537-540, 544-550, et E. Savage, 1997, pp. 38, 45, 46, 56, 57, 58, 62, 65, 66, 80, 100, 106, 110, 111, 128, 134, 135, 143, 151. 26. Sur le site de Nafzawa, voir H.R, Idris, 1962, II, pp. 5, 48, 104, 105, 133, 162, 223, 399, II, .412, 467, 469, 470 (sur le toponyme Taw(a)rga), 474, 497, 521, 718, 746, 758, 761 ; J. Thiry, 1995, pp.47, 120, 163, 164, 165, 166, 176, 190, 254, 263, 264, 275, 338, 339, 407, 472. . . 27. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 47/101. Signalons e galement le site de Targa, entre Ceuta et - ds, mentionne dans la chronique dAbu Abd Allah al-Tanas, Nazm al-durr wa-l-iqyan, Ba . p. 41. Voir S. Chaker, 1981, p.41 ; Kossmann, 2004, pp. 54, 56 sur le terme tahga / tharga = ` canal dirrigation dans les dialectes berberes situe s au nord du Touat (Alge rie). On se - souviendra de la mention dIbn Hawqal, Kitab surat al-ard, I, p. 105 faite au sujet de la tribu . . . des Targa localise e non loin de Sigilmasa, et sur laquelle on verra les observations de T. Lewicki, .1971, p. 173 ; V. Pre vost, 2008, pp. 60, 64, 66, 75, et 175, 300 (sur un ayn Taw(a)rga). 28. Sur cette question, voir P. Trousset, 1986, pp. 179, 180. 29. Sur ces trois variantes re gionales, voir J. Delheure, 1984, p. 172 sub voce {RG} ; idem, 1987, p. 272 sub voce {RG}, et J. Dallet, 1982-1985, p. 712 sub voce {RG}. - 30. Ibn Ahmad Yurah al-Dayman, Ihbar al-ahbar, p. 41/25. . . 31. Sur le site de Msila et sa re gion, voir, entre autres e tudes, H.R. Idris, 1962, II, pp. 2124,32, 33, 34, 92-95, 153, 154, II, 484-486, 491, 492, 493 ; M. Forstner, 1979, pp. 8, 58, 65, 72-77, 81, 94, 97, 102, 108, 150, 185-187, 195, 197, 204, 219, 227 ; P.-L. Cambuzat, 1986, II, pp. 157-164.

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e voque comme suit : minha mad-na li-l-awwal hirba yuqalu laha Bas-lqa f-ha -n min ma adb galabahu al-awwal ilayha yuqalu laha tarqa-an-uda - - - gadwala ` tafs-ruhu saqiyat al-samn / De la, les ruines dune ville ancienne nomme e Bas -lqa ; celle-ci est traverse e par deux rigoles deau douce dont les conduits - - sont anciens ; on les appelle tarqa-an-uda dont linterpre tation est la rigole de beurre fondu 32. Outre les donne es pre ce dentes en relation avec le vocable targa, indiquons quau Maghreb occidental, on rencontre des toponymes ` ` presque identiques au terme soumis a lexamen. Grace a une e tude mono - Sidq Azayku, on est en mesure de - - graphique du chercheur marocain Al - ` fournir deux formes de rive es supple mentaires de targa, a savoir tarka (pluriel - -rkkayu(w)) e quivalent de grand canal , et Tarkan, nom dun village situe a ` t -proximite de Tafnkaw(a)lt, dans la province de Taroudant, au Maroc 33. Une fois revenu en Ifrqiya, nous trouvons une indication sur un lieu appartenant au territoire proche de Tozeur arrose par trois ruisseaux et couvert de sable blanc n comme de la farine, et re pondant au nom de saras - [ e coulement ] : yusamma dalika al-mawdi bi-lisanihim saras / Et dans leur . langue, ils appellent cet endroit saras 34. La locution bi-lisanihim dans leur ` langue place e dans un tel contexte peut, a notre avis, laisser entendre quil sagit sans doute de la langue berbe` re. Dans louest alge rien, on trouve la mention dune station situe e dans lactuelle zone de A n Fare` s, et elle porte le - nom de abar al-askar qui est imme diatement traduit en berbe` re par arsan : -bar al-askar yur-duna askar Uqba wa-yusamma bi-l-barbariyya turafu bi-a ` arsan / Connue comme puits de larme e cest-a-dire larme e de Uqba et qui est appele arsan [puits] en berbe` re . Signalons aussi que le vocable tirsin avec le sens de puits est bien connu et largement documente dans les variantes dialectales berbe` res du Mzab 35. Remontant plus au nord du Maghreb central, au sud-ouest dAlger, dans la - Mattga, on trouve un nom de site signiant le torrent, le ravin, le fosse , etc. et . . - ` ` re pondant au nom digzar : wa-minha ila mad-nat Igzar / De la jusqua la ville . dIgzar 36. Au sujet de ce dernier terme, il est curieux dobserver que Mac Guckin de Slane, e diteur et traducteur du livre dal-Bakr, a introduit une phrase dans le corps de la traduction mais qui est inexistante dans le texte arabe. Celle-ci est en fait la translation du terme et se pre sente ainsi sous la plume du traducteur : petite rivie` re en berbe` re . Ce terme se retrouve notamment dans. 32. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 59/125. Voir S. Chaker, 1981, p. 41, et N. Van Den Boogert, 2000, pp. 369, 373. Sur le toponyme Bas -lqa, voir T. Lewicki, 1953, p. 444, et sur le Hodna occidental comprenant la micro-region de Msila, voir M. Meouak, 2009, pp. 118-121. - 33. A.S. Azayku, 2004, pp. 144-145. . . -, Kitab al-mugrib, p. 48/103. Voir V. Pre vost, 2008, pp. 176-177. 34. Al-Bakr -, ibid., p. 72/147. Voir S. Chaker, 1981, p. 39 ; J. Delheure, 1984, p. 175 sub voce 35. Al-Bakr {RS} pour le berbe` re mozabite. 36. Al-Bakr, ibid., p. 66/136. Voir E. Masqueray, 1876, p. 463 donnant le terme irhzer avec le - ` sens de torrent en berbe` re s aw (Aures) ; M. Forstner, 1979, p. 230 (+ carte p. 310) ainsi que S. Chaker, 1981, p. 39.

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les parlers mozabite et kabyle et il a respectivement les formes et les signica. tions suivantes : ig@zran ou valle e e troite, lit de rivie` re, ravin, fond de valle e ; .w . ig ezran (pluriel igwezrawen) ou ravin, cours deau dun ravin 37. En relation . . . avec le mot igzar, indiquons quil est pre sent en tant que toponyme dans le Gourara alge rien sous la me me forme. Cette re gion du Sahara central aurait abrite e quelques lignages importants qui se taient, pour la plupart dentre eux, consacre s notamment aux e tudes religieuses et avaient construit des q@sur de` s le . e e 38. de but du VII /XIII sie` cle De retour au Maghreb occidental, al-Bakr donne le quivalent du nom de -nat Tanga turafu bi-l-barbariyya Wal-la / Et la Tanger en berbe` re : wa-mad . -la en berbe` re 39. Dans le ville de Tanger est connue sous le nom de Wal . ` chapitre consacre aux Bargawata et a leur expansion au Maghreb, le ge o. -graphe donne le nom de leur prophe` te Salh en plusieurs langues : wa-zacama . . - l-carab- Salih wa-f- l-suryan- Malik wa-f- l-agam- Alim wa-fan ismuhu f . . - l-cibran- Urabbiya wa-f- l-barbariyya Uryawara / Il afrma que son nom en arabe e tait saint, en syriaque possesseur, en persan savant, en he breu monseigneur et en berbe` re celui apre` s lequel il ny a rien 40. Dans le me me sens, nous savons que la proble matique des origines ge ographiques et du . ve ritable role politico-religieux des Bargawata continue de poser certains . proble` mes, et dans cette optique il est possible de dire que le crivain al-Bakr alimente, sans doute involontairement, cette situation dincertitude en nous introduisant dans le domaine de lusage des langues au Maghreb occidental. Lon en veut pour preuve une notice inte ressante sur la gene` se du nom . Bargawata dans laquelle on lit : wa-samma man atbaahu Barbat- lamma . . -na min Barbat tumma ahaluhu bi-alsinatihim wa-radduhu ila lugatihim fa-- .ka . . - . - -qalu Bargawat- / Etant de Barbat, il de signa tous ceux qui le suivaient du nom . . de Barbat- ; puis ils le passe` rent vers leur langue en le restituant dans leur . . ` langue, et ils dirent Bargawat- 41. A la lecture de la notice, on se rend compte . aise ment dune certaine lourdeur dans la n du syntagme avec la re pe tition du .terme langues : alsina et lugat. Alors, lorsque il est question des locutions bi- .alsinatihim ( dans leurs langues ) et ila lugatihim ( vers leurs langues ), ` celles-ci pourraient e tre interpre te es comme e tant une re fe rence a la langue .. berbe` re. En outre, le vocable lugat, pluriel de luga, serait peut-e tre un fait militant en faveur de lexistence, pour al-Bakr, de plusieurs variantes du ` berbe` re voire de dialectes pre cis. Cela dit, il faut la encore avancer les hypothe` ses avec pre cautions car le proble` me est complexe et on ne sait pas

. 37. Pour la version mozabite du mot, voir J. Delheure, 1984, p. 157 sub voce {GZR} et pour le . kabyle, voir J. Dallet, 1982-1985, p. 636 sube voce {GZR}. ` 38. Dapres le tude de R. Bellil, 2003, pp. 378-380. . 39. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 108/213. -, ibid., p. 136/261. Voir S. Chaker, 1981, pp. 35, 43-44. 40. Al-Bakr 41. Al-Bakr, ibid., p. 138/265.

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exactement quel e tait le niveau de connaissances du ge ographe arabe sur les langues du Maghreb me die val 42. Cest dans un contexte similaire que lon de couvre la longue notice qual. Bakr a consacre e aux pratiques religieuses des Bargawata notamment en ce . - kus comme e quivalent dAllah. Il qui concerne les prie` res et lusage du mot Ya vaut la peine de donner en extension le fragment dans son ensemble car il est plein denseignements sur cet important groupe parfois qualie de sectaire et he re tique 43. Voici le texte tel quil nous est parvenu : wa-ihramuhum an yada . . - yadayhi ala l-uhra wa-yaqulu a-bis(a)m an-Yakus tafs-ruhu bi-ism Allah ihda . -kus tafs-ruhu al-kab-r Allah wa-yadauna ayd-him mabsuta f- l-ard tul muqqar Ya . . .. - yatasahaduna wa-yaqrawna nisf Quranihim f- wuquhim wa-nisfuhu fma . . . -rukuihim wa-yaquluna f- tasl-mihim bi-l-barbariyya Allah fawqana lam yugib -t anhu say f- l-ard wa-la f- l-sama -umma yaqulu muqqar Yakus hamsan wa-isr-n . -han Yakus mitl dalika wa-manahu al-wahid Allah wardam Yakus mitl marra . . - -- -lika wa-manahu la-ahad mitl Allah / Leur ihram consiste a placer lune des ` da . . ` mains sur lautre et a dire : a-bis(a)m an-Yakus ! Son interpre tation est au nom - kus dont linterpre tation est le grand cest Dieu 44. de Dieu, puis muqqar Ya Pendant quils prononcent la profession, ils tiennent les deux mains ouvertes et applique es sur le sol ; ils re citent la moitie de leur Coran en se tenant debout, et lautre moitie en faisant les prosternements. Dans leur salutation, ils prononcent en berbe` re Dieu est au-dessus de nous, rien ne lui est cache de ce qui est sur la terre et dans le ciel. Ensuite, ils re pe` tent vingt-cinq fois le grand cest Dieu, et autant de fois les mots -han Yaqus dont le sens est lunique cest . - m Yakus dont le sens est il ny a point de semblable a ` Dieu ; puis, warda Dieu 45. Si lon en croit le ge ographe arabe Ibn Hawqal, il y avait e galement . -une tribu berbe` re re pondant au nom de Ilasyakus et un e thnonyme Mazalya` kus . Dans ces deux exemples, il est tout a fait inte ressant de voir comment le nom berbe` re de Dieu , Yakus , a perdure dans le stock onomastique 46. Outre les donne es fournies sur le mot Yakus , on noubliera pas de mentionner le fait

42. Sur cette proble matique fort complexe, voir par exemple larticle suggestif de L. Galand, ` 1985, pp. 175-177, 177-178, 178-181 e voquant les difculte s inhe rentes a la denomination dinstruments de communication oraux/e crits dans le domaine berbe` re. . 43. Sur les Bargawata, voir par exemple le tude classique de M. Talbi, 1973, pp. 217-221. Pour . une approche renouvelee de la vision arabe me die vale e tablie sur ce groupe tribal du Maghreb occidental, voir M. Na mi, 2004, pp. 91, 92, 93, 94, 113, 115, 116, et J. Iskander, 2007, pp. 37 et ss. - 44. A.S. Azayku, 2004, pp. 118-120 dans lequel on rele` vera des informations inte ressantes . .selon lesquelles le terme -mqqur ( le grand , le fort ) serait la forme de base pour amgar .(pluriel -mgarn) avec le me me sens. Il semble donc que le ge ographe arabe conserve bien la forme . ` e crite du mot avec la consonne q a la place de la consonne g. . 45. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 100/198. - 46. Ibn Hawqal, Kitab surat al-ard, I, p. 106. Sur ce nom, voir les observations de T. Lewicki, . . . 1959, pp. 131 et 133. Au sujet du nom Yakus , Dieu en berbe` re, voir A. De Calassanti Motylinski, 1905, pp. 142-146 ; G. Marcy, 1936, pp. 33-37 ; T. Lewicki, 1966, pp. 227-229 ; idem, 1973, p. 38 ; ` S. Chaker, 1981, p. 44, ainsi que M. Elmedlaoui, 2006, pp. 108-109 concentrant, quant a lui, ses efforts sur des questions de traductologie sans tenir compte de la documentation arabe me die vale.

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quil existe un autre vocable pour de signer Dieu en berbe` re. Il sagit de Yus qui, selon les travaux dO. Ould-Braham, est parfaitement bien documente dans des sources ibadites de la Tripolitaine 47. . Dans un domaine en rapport avec la diffusion du texte coranique parmi les populations en majorite berbe rophones du Maghreb occidental, il serait ins- tructif de rendre compte de la notice relative au fameux Ha-Mm (mort vers 315/ . . -` 927-928). Ce personnage, dorigine gumar appartenant a la tribu des Magkasa xe e pre` s de Te touan, avait eu lide e de donner aux habitants de la re gion un Coran re dige dans leur langue . Mais donnons plutot le fragment an de mieux comprendre le fait en question : wa-wadaa lahum Quranan bi-lisanihim fa. - turgima minhu / Il e tablit dans leur langue un Coran dont on t la mimma ` .- . traduction 48. Quelques lignes apre` s, dans un autre fragment relatif a Salih b. . ` Tarf, prophe` te des Bargawata, on recueille une donne e similaire a la pre cedente . . -nuhum allad-wadaa lahum Salih b. Tar-f / Cest et dans laquelle il est dit : Qura . . . . Salih b. Tarf qui leur avait e tabli un Coran 49. Outre les observations faites en . . . 1929 par Georges Se raphin Colin sur linte re t incontestable des deux notices compile es par al-Bakr, nous pouvons dire que celles-ci mettent en relief plu` sieurs e le ments importants quant a la question du transfert dun texte re ve le en ` langue arabe comme le Coran a une autre langue. En effet, Quranuhum leur -nihim / dans leur langue et fa-mimma turgima minhu / dont Coran , bi-lisa on t la traduction , sans oublier lusage du verbe wadaa qui implique ici . ` leffort de mise en forme dun texte, sont autant de formules qui nous invitent a ` penser, avec toute la prudence dusage, que le Coran avait de ja pris forme, tout ou en partie, en langue berbe` re de` s le IVe/Xe sie` cle. Dans ce sens, on souscrira comple` tement aux ide es de G.S. Colin qui e mettait ainsi la remarque suivante : . Lexistence certaine dun Quran berbe` re chez les Bargawata permet de sup. . - ra e tait e galement e crit poser avec quelque vraisemblance que celui des Guma dans cette langue... 50 . ` Peu apre` s le re cit consacre a la dynastie des Bargawata, al-Bakr donne, au . . cours de la narration dune bataille qui opposa les arme es bargawatiennes aux . - troupes sanhagiennes, un renseignement sur la langue et les liens ge ne alogiques . - en vigueur chez les Sanhaga : wa-qatala min Sanhaga hassa f- waqat wahida alf . . . .. . . wagd wa-l-wagd indahum al-munfarid al-wah-d allad- la ah lahu wa-la ibn amm . -- . . / En une seule bataille, il tua mille wagd des Sanhaga ; chez eux le wagd est .47. Voir O. Ould-Braham, 1987, pp. 93, 95, 105, 108, 112 ou le terme Yus est mentionne ` plusieurs fois dans la documentation ibadite, et idem, 2008, p. 60 signalant la pre sence du . - .` me me mot dans le glossaire arabo-berbe` re re dige a la suite de la Mudawwana dAbu Ganim - san. On rele` ve e galement les mots yus et ayus pour de signer Dieu au Mzab (J. Delheure, - al-Hura 1984, p. 243 sub voce {YS}). . 48. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 139/267. -, ibid., pp. 140/268-269. 49. Al-Bakr 50. Voir G.S. Colin, 1929, p. 45 qui avait jadis signale linte re t de ces deux informations dans . ` le cadre dune e tude plus ample sur le dialecte berbere des Gumara ; H. Basset, 2007, pp. 45-46 avait e galement releve les deux notices.

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. lindividu qui na ni fre` re ni cousin 51. Toujours parmi les Bargawata, nous . apprenons que le nom du Prophe` te de lIslam y est dit de la manie` re suivante : unzur Muhammadan wa-ibara dalika bi-lisanihim imun-- Mamat fa-Mamat . . Muhammad / Regarde Muhammad ! Dans leur langue, cette expression est . . - imun- Mamat et Mamat est Muhammad 52. Si on continue notre pe riple au . Maghreb occidental, on trouvera, dans les plaines atlantiques, un lieu - re pondant au nom de Tihammamn qui se trouve sur la route allant de . . - ` Sigilmasa a Agmat (min Sigilmasa ila Tihammam-n yawman / De Sigilmasa . - mn [les bains], il y a deux jours ) 53. Ce nom de lieu est ` a Tihamma . ` construit a partir dune base morphologique arabe, hammam ( bain ) . puis sest vu accompagne e par une particule structurelle (ti-) et phone tique ` avec lajout dun pluriel en -n. A propos de ce dernier terme, il serait inte ressant de signaler les observations faites par linfatigable berbe risant franc ais du XIXe sie` cle, Emile Masqueray, qui avait sillonne de nombreuses contre es berbe rophones dAlge rie (Aure` s et Mzab notamment). Cest au cours dune de ses missions, dans la re gion dOued Taga en plein pays ` aure sien, quil recense le nom dune petite plaine appele e Tahammamt et a . propos duquel il indique la chose suivante Tahammamt, la chaude. Je ` ` remarquerai a ce propos quen berbe` re chawi, lorsquun mot est destine a caracte riser un lieu, il prend le plus souvent la forme fe minine... 54. Enn, signalons que selon les re sultats de fouilles arche ologiques faites au tout de but du XXe sie` cle, il semble quil existait aussi un site re pondant au nom de Tiha(m)mam-n. Ce lieu est localise non loin de la commune alge rienne de . ` Mektara (wilaya de Bordj-Bou-Arreridj), entre loued Ziatine, a lest et ` loued Chelkhane, a louest. Nous savons quautour de lanne e 1903, une ` enceinte longue de plus dun kilome` tre avait e te mise au jour a lissue dune intervention arche ologique 55. Dans un ordre dide es presque identique, il est ` e galement inte ressant de noter lexistence de noms de lieux forme s a partir de - - - nisba-s. Cest le cas, parmi bien dautres, du toponyme nafusien Tarumt (ta + rum-t = celle-ci la chre tienne ) dont la morphologie rappelle le nom - hammamt 56. Ta . Dans la re gion dAgmat 57, dans le sud marocain, il y a un site appele de la . - manie` re suivante en berbe` re : wa-minha ila fahs afyah fas-h yurafu bi-fahs .. . . ... 51. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 136/262. Voir S. Chaker, 1981, p. 40. -, ibid., pp. 140/269-270. Voir S. Chaker, 1981, pp. 39-40. 52. Al-Bakr 53. Al-Bakr, ibid., p. 152/290. Voir S. Chaker, 1981, p. 43. 54. Voir le de tail des observations dE. Masqueray, 1876, pp. 454, 455, 46, 457, 465. 55. Ces donnees ont e te fournies par P.-L. Cambuzat, 1986, II, pp. 226-228 se basant notamment sur les re sultats de fouilles archeologiques dA. Robert publie s dans le Recueil de notices et memoires de la societe archeologique de Constantine. Signalons au passage quil nous a e te impossible de consulter directement la revue mentionne e. - - - - - - - .- - 56. Brahm Uslman al-Sammah-, Igasra d-Ibr-dan d-Idraran n-Infusan, p. 45 (texte berbe` re)/ p. 142 (traduction arabe). . 57. Sur le site dAgmat, voir le re sume utile de L. Erbati, 2004, pp. 289-293.

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. Nazar wa-Nazar bi-l-barbariyya al-girbal sibhu bihi li-annahu mudawwar wa` huwa mawdi mugawwaf / De la, une ample et vaste plaine appele e plaine de . Nazar ; nazar signie crible en berbe` re parce quelle a une forme circulaire et . ` concave 58. Une fois au-dela de la zone dAgmat, nous lons vers Sigilmasa et ` la nous relevons quelques renseignements de choix sur la langue berbe` re dont - - voici linte gralite : wa-minhu ila tuwann-n-an-ugall-d tafs-ruhu abar al-am-r - aman--ss-dan tafs-ruhu ma al-naam wa-minhu ila marhala wa-minhu ila . - ` ` ` aggar-an-ussan ay faddan al-d-b / A une e tape de la jusqua tuwannn-an- - - - galld dont linterpre tation est les puits du roi ; de la jusqua aman-ssdan ` ` u - ` ` dont linterpre tation est leau des autruches ; de la jusqua aggar-an-us s an ou 59. Au sujet du mot tuwannn, signalons quau Mzab, le champ des chacals on trouve le mot tuwann-n ( les puits ) qui pourrait e tre mis en relation avec le terme tiwuna ( mortier ) car sagissant dun ustensile e vase , large et profond. ` En revanche, a Ouargla, on a le substantif sous forme de verbe -awanni qui ` e quivaut a lide e de faire un trou, une rigole avec la cuiller dans le couscous... pour recevoir la sauce 60. Enn, ajoutons une dernie` re pre cision sur le point pre ce dent en relation avec lide e dobjet large et concave. En effet, nous savons ` ` quil existe a Djerba lanthroponyme fe minin Tmuyemen, a la signication encore obscure, et dont on pourrait rapprocher lorigine avec le terme me die val tamwuiyaman, e quivalent de cruche 61. En continuant notre voyage, ` cette fois-ci a travers le sud du Maghreb occidental, nous sommes sur la route . . .` ` qui relie Agmat a Fe` s, et la, nous trouvons un site appele Ag-ga. Dans louvrage du ge ographe andalousien, on trouve la notice suivante : Warz-ga . .- . .ila mad-nat Ag-ga wa-mana Ag-ga higara yabisa li-annaha mabniya bi-l-hagar . . . .-n wa-hiya al-yawm haliya / De la jusqua la ville dAg-ga ; la ` ` bi-gayr t . . . . signication dag-ga est pierres se` ches ; il en est ainsi car cest une construction sans ciment ; la ville est aujourdhui de serte 62. La mention de - . .la locution wa-mana ag-ga higara yabisa laisse penser quil sagit dun nouvel . effort consenti par le crivain pour traduire en arabe un terme berbe` re relatif au vocabulaire de la construction.

. 58. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 154/293. Voir S. Chaker, 1981, p. 40. . -, Kitab al-mugrib, p. 156/296. Voir E. Masqueray, 1876, p. 469 offrant le terme 59. Al-Bakr - - ussan avec la signication de chacal en berbe` re s aw (Aure` s) ; S. Chaker, 1981, pp. 37 et 42 ; idem, 1983, p. 129 ; idem, 1985, no 52, p. 491 : le mot yesdan est donne sans de nition. Mais ne pourrait-il pas, avec toutes les pre cautions dusage, e tre mis en relation avec -ss-dan ?, et no 79, -wann-n-an-ugall-d, aman--ss-dan et aggar-anp. 493 : A-gellid (= le roi ). Sur les locutions tu - ussan, voir N. Van Den Boogert, 2000, pp. 369, 373. Ajoutons enn que dans la chronique dal- - Baydaq, Tar-h al-Muwahhid-n, p. 106/176 on rele` ve le toponyme Aman Mallulnn = eaux .. blanches . 60. Voir J. Delheure, 1984, p. 227 sub voce {WN}, et idem, 1987, p. 352 sub voce {WN}. 61. Sur ce point, voir ce quen dit V. Brugnatelli, 2004, p. 35, ainsi que O. Ould-Braham, 1988, p. 122 pour lanalyse philologique du vocable tamuwiyaman. . 62. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 155/295. Voir S. Chaker, 1981, p. 38.

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. ` Puis, nous nous dirigeons vers le territoire de Tamdult Awdagust 63, et la ` nous relevons le nom dun lieu que aurait, semble-t-il, correspondu a un site - habite et que lon nomme selon la formule suivante : ila ma nazr yuqalu lahu -zaqqa wa-tafs-ruhu al-bayt / Jusqua une source peu abondante que lon ` Ta nomme tazaqqa dont linterpre tation est maison 64. Faisons une parenthe` se pour indiquer quil y a des variantes du mot en mozabite, en ouargli et en kabyle qui existent respectivement sous les formes suivantes : taz@qqa (pluriel tiz@qwin) ou pie` ce dune maison ; chambre ; taz@qqa (pluriel tiz@qqwin, tizqwin) ou pie` ce dun appartement, chambre dans une maison, surtout ` chambre a provisions, cellier ; tazeqqa ou maison de mac onnerie et . . tizegwa (pluriel tizegwin) ou maison (en mac onnerie ; pierre, pise ) 65. Un peu plus loin sur le me me itine raire du ge ographe, nous trouvons un toponyme berbe` re nomme : ila mawdi yuqalu lahu aqqar-tand- tafs-ruhu mugtamac . - / Jusqua un endroit nomme aqqar-tand dont linterpre tation est ` al-ma 66. Non loin du pays des Noirs , nous arrivons a la lisie` re du ` amas deau - Sahara et on rele` ve le nom de lieu suivant : wa-minha ila gabal yusamma bi-l-r-an-uzzal tafs-ruhu gabal al-had-d / De la jusqua la mon- ` ` barbariyya adra . - tagne appele e adrar-an-uzzal en berbe` re dont linterpre tation est montagne de fer 67. Puis, nous avons une mention inte ressante au sujet de la me` re du -ce le` bre souverain almoravide Abd Allah b. Yasn et dans laquelle nous retrouvons son nom, sous la forme dun pronom de monstratif inde ni accompagne par le substantif agneaux , ainsi que des renseignements sur ses origines ge ographico-tribales : wa-ism ummihi t-n -zammarin min ahl - - azula min qarya tusamma Tamamanawut f- taraf sahara mad-nat Gana / G . . . -n -zam(m)arin [celle aux agneaux] qui Et le nom de sa me` re e tait t - - ` appartenait aux Gazula du village de Tamamanawut a lextre mite du de sert. -63. Sur les territoires de Tamdult et Awdagust, voir les citations releve es dans al-Idrs, Uns al-muhag, pp. 141, 158, 159, 184. Voir R. Osswald, 1986, pp. 41, 45-47, 54, 58, 60-62, 64. 66, 113-15 sur Awdagust et pp. 58, 62, 66, 95 sur Tamdult ; H.T. Norris, 1986, pp. 140-141, - mdult ; M. Na mi, 2004, pp. 65, 66, 80, 102, 118, 132, 146, 174, 191, 197, 204, 144-145 sur Ta . 207-208 sur Tamdult et pp. 145, 153, 188 sur Awdagust ; sur Tamdult, voir e galement P. Cressier, 2004, pp. 277-280 sur les donne es textuelles et pp. 280-282 pour lapproche arche ologique. . 64. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 157/297. Voir M. Forstner, 1979, pp. 225, 309 ; S. Chaker, ` 1981, p. 42 ; J. Peyras, 1995, p. 219 pour une interpre tation du terme a partir des sources anciennes : Tezaga urbs de la tribu des Afris ; A. El Mountassir, 2005, pp. 174-175 sur les divers ` vocables construits notamment a partir de la racine {ZQ} habiter , construire , etc., ainsi que M. Meouak, 2006b, p. 181 sur un toponyme identique situe en Petite Kabylie et documente -dans la Nuzhat al-mustaq dal-Idrs. 65. Pour le mozabite, voir J. Delheure, 1984, p. 253 sub voce {ZQ} ; idem, 1987, p. 395 sub .voce {ZQ} pour le ouargli, et J. Dallet, 1982-1985, p. 952 sub voce {ZQW} et p. 972 sub voce {ZGW} pour le kabyle. . 66. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 157/299. Voir J. Thiry, 1995, p. 377, et S. Chaker, 1981, p. 37. 67. Al-Bakr, ibid., p. 164/310. Voir S. Chaker, 1981, p. 37 ; J. Dallet, 1982-1985, p. 153 sub ` voce {DR} donnant le vocable adrar e quivalent a montagne en kabyle, et H. de Felipe, 2008, pp. 27-28.

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- - . ` samma agram-an-Ikamman ay hisn al-uhud / De Tadimakka a Kairouan, tu .. ` auras a marcher pendant cinquante jours dans le de sert pour atteindre Ouargla, qui compte sept forteresses appartenant aux Berbe` res, et dont la plus . - grande se nomme agram-an-kamman ou la forteresse des pactes 74. Plus au nord-ouest de la re gion de Ouargla, dans le Mzab, nous trouvons encore le . . . mot ag@rm (pluriel ig@rman, ig@rmawen) avec les sens de cite , ville, village entoure de remparts, de murs 75. -Abu Abd Allah al-Idrs ou lhistoire dun ge ographe singulier a) Jalons biographiques De son nom complet Abu Abd Allah Muhammad b. Muhammad b. Abd . . - h b. Idrs al-Sarf al-Hasan al-Qurtub, notre auteur e tait un ge ographe et Alla . . ` botaniste andalousien, ne soit a Ceuta, soit en Sicile 76, vers 493/1100 et mort ` probablement vers 560/1165. Il doit sa renomme e a la re daction dun ouvrage -q f- ihtiraq al-afaq ( Diver- de ge ographie descriptive intitule Nuzhat al-musta ou Kitab Rugar Le tissement pour celui de sireux de traverser les horizons ) ` Livre de Roger . Ce livre fut compose a la demande de Roger II, roi normand de Sicile, pour illustrer et commenter un grand planisphe` re en argent construit -` par al-Idrs, qui est probablement mort en Sicile, a cause dune probable interdiction de revenir dans sa terre natale ou il aurait e te conside re comme une ` sorte de rene gat au service dun roi chre tien comme Roger II. On conna t -tre` s peu de choses sur la vie dal-Idrs. Il aurait voyage au Maghreb, en al-Andalus, et peut-e tre me me en Asie mineure, rapportant de ses voyages dabondantes notes sur la ge ographie et la ore des re gions visite es. On est ` e galement mal renseigne sur les circonstances de sa venue en Sicile ou il arrive a ` ` Palerme en 533/1138. Le roi normand de Sicile laurait appele a sa cour pour y re aliser un grand planisphe` re en argent et surtout pour e crire le commentaire ge ographique correspondant. Ce travail lui prendra environ dix-huit anne es de sa vie. On perd sa trace en 553/1158, apre` s quil eut effectue ce travail. Les historiens situent la date de sa mort entre 560/1165 et 576/1180 77. -Linspiration principale dal-Idrs est venue de deux ge ographes de le` re pre islamique : Paulus Orosius, voyageur originaire de la pe ninsule Ibe rique et auteur dune histoire, e crite au Ve sie` cle, qui comprend un volume de ge ographie descriptive, et Ptole me e, lun des plus grands auteurs classiques, dont la Geographie, re dige e au IIe sie` cle, a e te perdue pour lEurope, mais a e te pre serve e dans le monde musulman dans une traduction en arabe. Louvrage74. Al-Bakr, ibid., p. 182/340. Voir M. Forstner, 1979, p. 205, et S. Chaker, 1981, p. 38. . 75. Voir J. Delheure, 1984, p. 154 sub voce {GRM}. 76. Voir les observations dA. Nef & A. Amara, 2001, pp. 123-126. 77. G. Oman, 1970, pp. 1058-1059.

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.de la ville de Gana 68. Le terme -zam(m)arin est aussi signale dans une notice ` relative a la re gion des Ziban de Biskra, plus exactement au lieu-dit saqiyat - saqiyat Ibn Hazar yusammunaha izamar-n / - Hazar, non loin de Bentious (ila Jusquau canal dIbn Hazar quils appellent Izam(m)arn 69. Cest aussi aux coutumes vestimentaires des Almoravides que dans un fragment relatif lon trouve une information curieuse concernant les e trangers et autres ` individus de passage. Ces derniers, a la diffe rence des membres de la confe de ration almoravide qui portaient, semble-t-il, en permanence le voile (niqab), ne lexhibent pas. Par conse quent, e tant ve tus de manie` re diffe rente, ils sont - ainsi appele s : wa-yusammuna man halafa ziyyahum hada min gam-c al-nass . -h al-dubban bi-lugatihim / Et a ceux qui diffe` rent deux en matie` re ` afwa dhabillement, ils les appellent, dans leur langue, bouches de mouches 70. . ` ` La encore, il y a fort a parier que la formule bi-lugatihim ( dans leur langue ) ` ` corresponde a un renvoi a lutilisation de la langue berbe` re. Continuant notre pe riple africain, nous nous retrouvons dans la re gion du - Wad Dara, situe dans le sud du Maroc actuel, et nous relevons une informa- tion linguistique sur un curieux type de pierre : wa-min hada al-gins higara bi. . -d- Dara tusamma bi-l-barbariyya tamatgust / Et de cela, il y a un type de Wa . - pierre au Wad Dara qui est appele tamatgust [amiante ?)] en berbe` re 71. En ` plein Adrar des Ifoghas, nous arrivons a la ville de Tadimakka 72, et sur ce - nous donne la de nition du toponyme sahe lien berbe rise : wapoint al-Bakr - Tadimakka asbaha bilad al-dunya bi-Makka wa-mana Tadimakka hayat - dimakka est celle qui ressemble Makka / De toutes les villes du monde Ta ` le plus a La Mecque, et cela signie forme de La Mecque 73. Enn, sur la ` route de Tadimakka a Kairouan, il y a le site de Ouargla, tre` s connu des e crivains arabes du Moyen Age, que lon atteint en cinquante jours de voyage. ` ce propos, al-Bakr donne un renseignement sur le contexte topographique A du site de Ouargla : min Tadimakka ila l-Qayrawan fa-innaka tas-ru f- l-sahra . . -n yawman ila Waraglan wa-hiya sabcat husun li-l-Barabir akbaruha yu- hams . . 68. Al-Bakr, ibid., p. 165/312. Voir S. Chaker, 1981, p. 39 ; idem, 1983, p. 136. -, ibid., p. 72/147. Sur ce lieu, voir la mention faite par Ibn Hawqal, Kitab surat al- 69. Al-Bakr . . - (Izamratan ?), et T. Lewicki, 1971, p. 176, et M. Na mi, ard, I, p. 106 avec la graphie Bazmarnata 2004, p. 98. Sur le site de Bentious, voir P.-L. Cambuzat, 1986, II, pp. 51-52 ainsi que M. Meouak, 2001, pp. 69-71. 70. Al-Bakr, ibid., p. 170/321. 71. Al-Bakr, ibid., p. 179/336. Voir S. Chaker, 1981, p. 41. Dans louvrage dal-Baydaq, .-h al-Muwahhid-n, p. 72/116 nous relevons le toponyme Tamadgust. Tar .. 72. Sur le site de Tadimakka, voir T. Lewicki, 1981, pp. 439-444 ; R. Osswald, 1986, pp. 33, 45, 63, 69, 70, 96 ; J. Thiry, 1995, pp. 412-420, 424, 446, 459, 473, 485, 489, 497, 501, 506, 509, 524 ; P.F. De Moraes Farias, 2003, pp. CXXXV-CXL et CXLIV-CXLV qui fournit des informations de taille es ; M. Na mi, 2004, pp. 40, 62, 63, 64, 78, 79, 80 ainsi que V. Pre vost, 2008, pp. 370-372, 391-398. . 73. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 181/339, et les bre` ves mentions releve es sur Tadimakka dans -s, Uns al-muhag, pp. 147, 162, 163. Voir S. Chaker, 1981, p. 41 sur la morphologie al-Idr berbe rise e du nom Tadimakka.

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-ge ographique dal-Idrs propose, au milieu du VIe/XIIe sie` cle, une exploration ` du monde par un savant arabe vivant a la cour cosmopolite du roi normand Roger II de Sicile. Cest un atlas qui de crit de manie` re tre` s codie e les pays, leurs villes principales, leurs routes et leurs frontie` res, les mers, les euves et les -montagnes. Al-Idrs commente ces cartes en suivant des itine raires, comme un ve ritable guide routier. Il livre des informations de toute nature, ge ographiques bien sur, mais e galement e conomiques et commerciales, historiques ` et religieuses. Outre la compilation des connaissances de ja pratique e par ses -s sest dote dune me thode relativement performante pre de cesseurs, al-Idr pour comple ter et ve rier ses informations. Le Livre de Roger comprend une description de la Sicile, de lItalie, de la pe ninsule Ibe rique, de lEurope du Nord et de lAfrique, ainsi que de Byzance. Cest une description qui sinscrit dans un cadre re solument universaliste comprenant aussi bien la ge ographie physique que les activite s humaines. Ses connaissances des aires ge ographiques ` sahe liennes (Mali, Niger), du Soudan et du Nil sont tout a fait remarquables pour son e poque. Louvrage a vraisemblablement be ne cie de la situation particulie` re du royaume normand de Sicile au VIe/XIIe sie` cle et du syncre tisme entre civilisations byzantine, normande et arabe qui le caracte risait 78. b) Donnees historico-linguistiques sur la langue berbe`re recueillies chez al-Idr-s-79 Lune des premie` res notices offertes par le ge ographe arabe concerne le peuple berbe` re dans son ensemble et plus particulie` rement ses coutumes - vestimentaires et alimentaires : wa-yarbituna cala ruusihim camaim al-suf al. . - -t bi-l-karaz- / Ils se couvrent de turbans en laine appele s karaz 80 musamma et dajouter un peu plus loin : wa-gulla tacamihim wa-ahfalahu al-tacam al. . . - bi-l-barbariyya asallu / Leur met le plus appre cie et le plus courant musamma est appele asallu en berbe` re 81. Nous savons en outre quau Moyen Age, cet - correspondait bien a une espe` ce de pate faite a base de ble re duit en ` ` asallu masse avec du beurre et du miel en quantite e gale pour e tre ensuite cuit. Cest, selon toute vraisemblance, dans le Sahara occidental que lon avait lhabitude78. Voir G. Oman, 1970, pp. 1058-1061. 79. En raison de contraintes mate rielles, il nous a e te impossible dutiliser le dition du livre -dal-Idrs publie e sous le titre de Opus Geographicum, e ds. A. Bombaci et al., Naples-Rome, Istituto universitario orientale-Istituto italiano per il Medio ed Estremo Oriente, 1970-1984, 9 fascicules. Me me si cette e dition est meilleure que celle employee dans notre e tude pour ce qui rele` ve du Maghreb me die val, signalons toutefois quelle comporte quelques erreurs de lecture notamment pour la toponymie et lanthroponymie. -80. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 74/65. Sur les karaz-, voir un exemple de poque almohade dans al-Baydaq, Tar-h al-Muwahhid-n, p. 81/131, et chez le ge ographe al-Himyar, al-Rawd al. .. . mitar, p. 134, sub nome Takrur au sujet des karaz- al-suf. Voir R. Dozy, 1845, pp. 380-382, et . . J. Thiry, 1995, p. 428, note 256. -81. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 74/65. Nous transcrivons le mot tel quil appara t dans le dition. Mais il semble quil faille e crire as@llu.

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de consommer cette pre paration, notamment pendant les longues traverse es caravanie` res 82. ` Dans la longue notice consacre e a la ville saharienne de Nul-Lamta 83, le . ge ographe arabe nous informe sur un ve tement typique en usage parmi les Berbe` res et re pondant au nom de safsariyya : wa-tabaa al-aksiya al-musammat . -riyya wa-l-baran-s allat-yusaw-al-zawg minha hams-n dirhaman d-naran bi-l-safsa wa-aqall wa-aktar / On y vend des ve tements appele s safsariyya et des burnous dont une paire vaut cinquante dinars [en dirham ?], parfois plus, parfois moins 84. Puis, nous relevons, dans le paragraphe sur la ville dAzukk/Azuqq/Azgg, mot berbe` re exprimant laction de circuler et la couleur 85, des re fe rences aux habitudes vestimentaires de ses habitants. rougeatre - t Voici le passage en question : wa-ahluha yalbasuna muqandarat -iyab bi-l-suf . . -naha bi-lugatihim al-qadawir / Sa population porte des gandouwa-yusammu ras en laine quils appellent, dans leur langue, qadawir 86. ` A la suite du tableau fourni sur le site dAzukk/Azuqq/Azgg, nous avons - sa dans laquelle on trouve une infor` la partie consacre e a la ville de Sigilma ` mation relative a un type dorge qui pousse dans cette re gion 87 : wa-tusamma -dihi al-hinta -rdan-tazwaw / Ce type de froment est appele -rdan-tazha . . waw 88. Une autre information est fournie sur les pratiques alimentaires singulie` res de ses habitants puisquils e taient, semble-t-il, connus pour manger des le zards : wa-ahl Sigilmasa yakuluna al-kilab wa-l-hayawan al-musamma al. -nahu bi-lisan al-Barbar aqz-m / La population de Sigil hirdawn wa-yusammu . - sa mange les chiens et du gros le zard nomme hirdawn et quils appellent ma . dans la langue des Berbe` res aqzm 89. Protons de ce passage, pour attirer82. Voir T. Lewicki, 1973, p. 35. Il sagit e galement dune pre paration alimentaire typique des les Canaries appele e goo et he rite e, semble-t-il, des Guanches. 83. Sur le site de Nul-Lamta, voir P. Cressier, M. Na mi, A.A. Touri, 1990, pp. 394-398 ; . M. Na mi, 2004, pp. 53-54, 75-76, 142-143, 145-147, 150-151, 153, 244-247, 262-264. -84. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 75/66. Sur ce ve tement, voir R. Dozy, 1967, I, p. 658, et K. Na t-Zerrad, 2008, p. 13. -85. Sur le site dAzukk/Azuqq/Azgg dans les sources arabes, voir par exemple al-Idrs, Uns al-muhag, pp. 142, 158, 182 et al-Himyar, al-Rawd al-mitar, pp. 28, 134. Voir R. Osswald, 1986, . . . pp. 37, 79, 97, 98-100, 115 ; H.T. Norris, 1986, pp. 39, 42, 139, 165, 243 ; J. Thiry, 1995, pp. 197, 411, 489 ; M. Na mi, 2004, pp. 40-41, 75-78, 112-113, 150, 153, 170, 171, 173-175. -86. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 76/66. Sur le port des qadawir = muqandarat, voir J. Thiry, 1995, p. 427, note 251. 87. Sur le site de Sigilmasa, voir H.T. Norris, 1986, pp. 135-136, 154-155, 160-161, 172-173 ; M. Na mi, 2004, pp. 111, 130, 145, 147-148, 153, 167, 188, 193, 211. -88. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 76/67. Dans une note infrapaginale, le diteur du texte dal-Idrs indique que dautres manuscrits fournissent la lecture t-zwaw au lieu de -(ya)rdan tazwaw. Sur ce type de froment, voir T. Lewicki, 1973, p. 36 ; N. Van Den Boogert, 2000, pp. 361, 373 ; K. Na t-Zerrad, 2008, p. 14 ainsi que les dictionnaires de J. Delheure, 1984, p. 169 sub voce {RD} ` pour le berbere mozabite ird@n = froment, ble et J. Dallet, 1982-1985, p. 706 sub voce {RD} pour la variante kabyle avec la forme irden (pluriel irdawen) ou ble . -89. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, pp. 77/68. Voir les donne es fournies par M. Canard, 1953, ` pp. 2-4 sur les motifs conduisant a la consommation de viande de chiens dans les milieux

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` lattention du lecteur, a la lumie` re dune publication de Pierre Bonte consacre e ` a la cynophagie au Maghreb, sur limportance re elle de ce phe nome` ne qui va ` bien au-dela de la simple consommation de viande de chiens mais qui nous ` ` introduit dans lhistoire dune trilogie peu conside re e jusque la, a savoir les - rapports anciens et e troits entre monde berbe` re, harigisme et cynophagie 90. ` Continuant notre route a travers le sud du Maghreb occidental, nous arrivons -- s, et la, al-Idrs donne quelques renseignements concernant dabord ` dans le Su les habitudes vestimentaires : wa-yahtazimuna awsatihim bi-maazir suf wa. . . -naha asfaqas / Ils se ceignent la taille avec des sangles de laine quils yusammu appellent asfaqas . Puis, nous trouvons une information concernant un breuvage typique de la re gion et bien alcoolise : wa-sarabuhum al-musamma -r / Leur boisson porte le nom de anzr 91. anz Dans une description particulie` rement inte ressante de larganier, arbre -typiquement saharo-sahe lien, al-Idrs donne lune de ses multiples variantes - en langue berbe` re : wa-bi-hada al-gabal sagar kab-r yusamma bi-l-barbariyya -n / Dans cette montagne pousse un grand arbre qui sappelle, en berbe` re, arqa arqan 92. En sugge rant une relation hypothe tique avec le mot berbe` re arqan, indiquons que les sources arabes me die vales signalent quil y avait un site appele Argan (Arkan ?) et situe en plein gabal Nafusa. Dans la continuite des e le ments fournis pre ce demment, indiquons que le ge ographe arabe Ibn Haw. - qal et le crivain ibadite al-Sammah- font e tat du lieu en association avec une . - - . femme pieuse re pondant au nom de Zurag al-Arganiyya qui ve cut probablee e 93. En repartant un peu plus au ment dans la premie` re moitie du III /IX sie` cle nord du Maghreb occidental, et une fois situe dans la zone des Miknasa, al-s conrme un fait de ja connu par ailleurs. En effet, il dit que les habitants ` Idr - - vivant au nord de qasr Ban Musa sont des Berbe` res : wa-hum Barabir yalba. -na al-aksiya wa-yarbituna al-karaz-/ Ce sont des Berbe` res qui shabillent de su . - manteaux et se coiffent de karaz 94. En remontant vers le nord-est de la - sa, nous arrivons dans la ville maghre bine par excellence qui re gion des Mikna fut e galement la capitale politique et pole e conomique des cite s du Maroc ` pre saharien et saharien (Ouargla, Mzab, Biskra, Gafsa, Tozeur, Gabes, etc.), et V. Pre vost, 2006, pp. 89-92 sur la cynophagie au Maghreb me die val. 90. Voir P. Bonte, 2004, pp. 347-348 se basant en partie sur les travaux de T. Lewicki consacres aux croyances et aux cultes des Berbe` res-ibadites. . -91. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 78/69-70. Voir T. Lewicki, 1973, p. 36 ; K. Na t-Zerrad, 2008, p. 15. . -92. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 81/72. Dans louvrage dal-Bakr, Kitab al-mugrib, p. 162/ 307, on trouve le mot berbe` re hargan = arganier, et p. 163/308, on rele` ve une autre variante du nom de larbre : halgan. Voir S. Chaker, 1981, p. 38 ; N. Van Den Boogert, 2000, pp. 364, 373 ; F.E. Beyhl, 2004, pp. 2 et 11 ; W. Vycichl, 2005, p. 89, et H. Stroomer, 2008, pp. 107-110 sur largane et larganier en tas alh-t. Il est curieux dobserver que le terme nappara t pas dans la liste . e tablie par K. Na t-Zerrad. - - 93. Ibn Hawqal, Kitab surat al-ard, I, p. 106, et al-Sammah-, Kitab al-siyar, pp. 169, 231 sur le . . . - . site dArgan, et p. 167 sur Zurag al-Arganiyya. -94. Al-Idrs, ibid., p. 98/89.

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` me die val : Fe` s. La, nous apprenons que les habitants e taient principalement des Berbe` res parlant la langue arabe : Fas qutb : wa-mad-nat Fas qutb wa-madar . . . - ; wa-yaskunu hawlaha qabail min al-Barbar ; lakili-mudun al-Magrib al-aqsa . . nahum yatakallamuna bi-l-arabiyya / Fe` s est le pole de gravitation des villes du Maghreb occidental autour duquel sont e tablies des tribus berbe` res mais qui parlent larabe 95. Apre` s avoir fait la traverse e du Maghreb douest en est, nous voici maintenant en Ifrqiya, et plus exactement dans la re gion de Gafsa. Et au sujet de cette zone aride, le ge ographe offre quelques informations de grand inte re t quant ` aux origines de la population et a ses usages linguistiques. Il dit les choses suivantes : wa-ahluha mutabarbarun wa-aktaruhum yatakallamu bi-l-lisan al-n- al-ifr-q- / Ses habitants sont berbe rise s et la plupart dentre eux parlent lat . le latin dIfrqiya [dAfrique ?)] 96. Dans les monts du Waslat, situe s dans la Tunisie centrale, nous savons quil y avait divers sites habite s par des tribus berbe` res : wa-kull hadihi al-bilad yuamiruha qabail min al-Barbar / Et chacune dentre elles e tait peuple e par des tribus berbe` res 97. En repassant au Maghreb central, le ge ographe arabe livre un renseignement sur un site dont le nom est construit sur un sche ma morphologique - ` berbe` re et arabe : wa-minhu [As-r] ila Tamazk-da marhalatan / De la [As -r] . - mazkda, a une e tape . Cet endroit est localise entre As -r et Msila, ` ` jusqua Ta ` cest-a-dire en plein Hodna occidental 98. Il est clair que ce toponyme est bati selon le mode` le ta + mazk-da (ta = celle-ci et le mot arabe masgid berbe rise ) et il pourrait signier alors la locution forme de mosque e suivant lide e que ta- berbe` re est le quivalent du de monstratif fe minin celle-ci 99. En plus du renseignement qui nous est offert, ajoutons que certains textes ibadites . - sa fournissent des occurrences supplementaires du nom sous la du gabal Nafu forme tamazy(i)da avec le sens de mosque e , en tant que lieu de culte et non comme toponyme 100. Si on reste dans le domaine ibadite de la re gion du . - sa, a la n du XIXe sie` cle, on trouve e galement plusieurs mentions du ` Nafu vocable tamazk-da employe comme e quivalent dun emplacement ou sexcerce ` - le culte musulman. En effet, dans la zone du fort ibadite dUram, on rencon. trait encore vers lanne e 1885 trois mosque es (tamazk-da, pluriel tamazk-dyun) - dwt, Alhumt et Arnun 101. - re pondant aux noms suivants : Ta .-95. Al-Idrs, ibid., p. 98/90. -96. Al-Idrs, ibid., p. 139/127. Sur la question de lusage de la langue latine au Maghreb me die val, voir les observations de V. Pre vost, 2007, pp. 472-473, et idem, 2008, pp. 241-242. -97. Al-Idrs, ibid., p. 157/145. -98. Al-Idrs, ibid., p. 108/99 ; idem, Uns al-muhag, p. 197, ainsi que la compilation tardive de Mahmud Maqds , Nuzhat al-anzar, I, p. 86. Voir M. Forstner, 1979, pp. 293, 294. . . 99. Voir les bre` ves observations faites sur le terme par N. Van Den Boogert & M. Kossmann, 1997, p. 319. 100. Voir O. Ould-Braham, 1987, pp. 104, 105, 108. - - - - - - - .- - 101. Brahm Uslman A(al-)Sammah-, Igasra d-Ibr-dan d-Idraran n-Infusan, p. 33 (texte berbe` re)/p. 135 (traduction arabe).

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Plus loin, et toujours au centre du Maghreb, nous sommes renseigne s sur des lieux peuple s par des e le ments berbe` res comme Nahrawayn, Dakkama et Usa- - 102 .- al-Barbar min Kutama wa-Mazata / Dans la hant/Usagt : wa-l-galib alayha . majorite , sa population est berbe` re des Kutama et des Mazata ; wa-ahluha min -ma / Ses habitants sont des Kutama ; wa-hiya qarya li-l-Barbar / Cest Kuta ` un village [appartenant] aux Berbe` res 103. Puis plus a lest de lIfrqiya, dans un ` autre passage relatif a l le de Djerba, le ge ographe fait un commentaire sur les pratiques de langue de sa population : wa-kalamuhum bi-l-barbariyya hassatuhum .. -mmatuhum / Leur langage, tant chez le lite que chez le peuple, est le wa-a ` berbe` re 104. Plus a lest du Maghreb, dans le fameux site de Leptis Magna, le ge ographe arabe nous renseigne sur une importante confe de ration tribale berbe` re. Il dit en effet que parmi les ruines dues aux ravages des Arabes sur le lieu, il y avait deux forts peuple s par des Berbe` res issus des Hawwara : fa-lam yabqa al-an - illa qasran kab-ran, wa-ummaruhuma wa-sukkanuhuma qawm min Hawminha . wara al-Barbar / Il ne reste plus que deux grands forts dont les occupants et les habitants sont des Berbe` res de la tribu des Hawwara 105. ` A lautre extre mite occidentale du Maghreb, nous apprenons que la re gion - de Tanger e tait e galement dote e dun peuplement berbe` re : wa-sukkanuha -bir yansibuna ila Sanhaga / Ses habitants sont des Berbe` res des SanhaBara . . 106. Non loin de Tanger, nous recueillons une information sur le peuple ga - ment berbe` re de la ville (mad-na) de Tis ummis : wa-laha qura amira bi-asnaf . min al-Barbar / Il y avait des villages peuple s par des groupes de Ber` be` res 107. A louest de Tanger, dans la zone de Te touan, nous savons que les territoires e taient habite s par des tribus berbe` res : wa-taskunuha qab-la min - Magkasa / Et elle est habite e par une tribu de Berbe` res al-Barbar tusamma -appele e Magkasa 108. Outre les donne es ante rieures, al-Idrs fournit quelques renseignements importants sur le type de peuplement notamment au Maghreb occidental. Sur les territoires de Day et Tadla, nous savons quil y avait de - ahlat min al-Barbar, wa-f- sarq- Tadla nombreuses tribus berbe` res : wa-ahluha . -y min al-Barabir Banu Wal-m wa-Banu W-zakun wa-Mandasa / Et sa wa-Da ` population est un me lange de Berbe` res puis a lest de Day et Tadla, il y a les - Walm, Banu Wzakun et Mandasa 109. Plus au sud, dans les - - Berbe` res Banu plaines atlantiques marocaines, nous trouvons le toponyme Tabahrt qui est .102. Sur ces sites du Maghreb central, voir P.-L. Cambuzat, 1986, II, pp. 19-20, 57-58, 79-81 et M. Meouak, 2009, pp. 129, 134. -103. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 160/147. -104. Al-Idrs, ibid., p. 172/156. -105. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 175/159. La proble matique de lorigine des Hawwara a ` de ja suscite des de bats parfois ardus. Sur leur histoire, voir par exemple E. Savage, 1997, pp. 119125 et M. Gast, 2005, pp. 30-32. -106. Al-Idrs, Nuzhat al-mustaq, p. 183/166. -s, ibid., p. 185/166. 107. Al-Idr -108. Al-Idrs, ibid., p. 187/170. -109. Al-Idrs, ibid., pp. 93-94/85.

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e galement un calque e vident dun de monstratif berbe` re avec un substantif arabe de la forme ta + bahr-t, litte ralement celle-ci la mer (wa-min Tafar. -t ila hisn Tabahr-t tamaniyat amyal, wa-huwa hisn has-n hasan amir ahl wakan .. . .. . . . - ` lahu marsa maqsud / De Tafarkant a Tabahrt, il y a huit milles ; cest un fort . . solidement construit, habite et pourvu dun port fre quente 110. Il sagirait donc dun terme adjective signiant maritime 111. Cela dit, on rappelera que le mot est e galement en e troite connexion morphologique avec le vocable arabe buhayra ( e tang, e tendue deau, etc. ), et sur ce point, ajoutons que . - A.S. Azayku avait donne dautres occurrences de la base arabe reprise sur une formule en berbe` re : lbhr, lbhira, tubhirt. An de re soudre le proble` me de . . . ` la traduction du vocabulaire, il faudrait donc savoir a quel contexte ge ographique renvoient les citations recueillies dans la documentation arabe me die vale 112.

` Lhistoire du Maghreb me die val a la lumie` re des faits linguistiques : ` une enque te a poursuivre...

` ` Au terme de ce pe riple qui nous a conduit a travers le Maghreb me die val, a ` la recherche de donne es relatives a la langue berbe` re, quelles sont les lec ons que ` nous pouvons en retirer ? Tout dabord, il faut pre ciser a nouveau que notre ` moisson de renseignements sest limite e a des faits linguistiques recueillis dans un contexte concret : le fond historique comme base ne cessaire pour la compre hension des faits mis au jour. Alors, si la quantite dinformations pre sente e ne permet pas vraiment de chaffauder de re elles conclusions, les donne es exhume es de la documentation arabe offre en revanche lopportunite de re e chir sur leur valeur en tant que fait linguistique et sur le poque au cours ` de laquelle elles auraient e te en usage a travers le monde berbe rophone. Le lecteur aura compris que la majorite des termes et expressions releve s appartient principalement au domaine de lonomastique (anthroponymie et topo` nymie) et de la linguistique. Les fruits de la re colte sont a notre avis inte ressants ` ` a plus dun titre, et ils nous aident a pre ciser nos connaissances sur la langue ` ` berbe` re a une e poque donne e. Cette pe riode correspondrait a la n de le` re des Ta fas et au de but du mouvement almoravide si lon accepte le fait quun auteur comme al-Bakr avait rendu compte de faits divers et varie s apparte-` nant au moins a la seconde moitie du Ve/XIe sie` cle. Alors que pour al-Idrs, e e ` re digeant son oeuvre dans la premie` re moitie du VI /XII sie` cle, a la n de le poque almoravide et aux commencements du re` gne almohade, les choses. -110. Al-Idrs, ibid., p. 190/173, ainsi que les donne es fournies par al-Bakr, Kitab al-mugrib, pp. 87/176 et 88/177. Voir M. Forstner, 1979, pp. 270, 276-278 (+ carte p. 311). 111. Voir les observations de S. Chaker, 1981, p. 40. - 112. A.S. Azayku, 2004, pp. 32-36. .

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` ` sont, a notre avis, plus complique es a analyser car si il fournit bien quelques ` e le ments linguistiques, ces derniers sont souvent re duits a leur simple mention. ` Tout cela dit, il faut mettre en relief lide e que les donne es ici pre sente es a propos dal-Bakr, outre celles qui avaient e te signale es par S. Chaker en son temps, rele` vent selon nous dune relative singularite . Mais pourquoi parler dune certaine exception ? Nous pensons que le fait de trouver autant de mate riaux sur la langue berbe` re dans un seul ouvrage comme celui du ge ographe al-Bakr rele` ve presque du miracle. Il est en effet tre` s rare de rencontrer des textes arabes aussi anciens avec de tels volumes dindices. Pour ces motifs, il est, croyons-nous, indispensable de se demander comment un auteur comme al-Bakr avait pu re unir cette somme dindications sans sortir de la pe ninsule Ibe rique. Le sujet est ardu et on se contentera de mettre quelques observations. ` Outre le fait que le ge ographe de Huelva avait sans doute eu acce` s a certaines archives de lEtat umayyade de Cordoue et autres types de sources, nous ` pouvons e galement avancer lhypothe` se selon laquelle il avait pu acce der a des informations orales ou e crites sous forme de notes transmises par des individus ` qui avaient e te amene s a se rendre au Maghreb occidental. Il est certes vrai, et nous lavons dit au de but de cette e tude, qual-Bakr est en grande partie tributaire des informations puise es dans des oeuvres ante rieures souvent - re sume es (al-Tabar, al-Masud, etc.). Sur ce point, nous voudrions nous . arre ter sur un de tail dimportance recueilli dans le dictionnaire bio-bibliographique re dige par al-Dabb, auteur andalousien mort en 599/1203. Dans la . ` biographie quil consacra a le crivain dorigine andalousienne Abu Abd Allah - q, le biographe dit entre autres choses que celui-ci avait re dige al-Warra - - ` plusieurs monographies sur des villes du Maghreb et le pays des Sudan a la demande, semble-t-il, dal-Hakam II, deuxie` me calife umayyade de Cordoue. . An de mieux comprendre notre propos, une partie du passage me rite bien de tre donne e en extension : wa-kadalika aydan allafa f- ahbar T-hart wa. -n wa-Tanas wa-Sigilmasa wa-Nakur wa-l-Basra [...] / Il avait e galeWahra . ment compose des histoires de Tiaret, dOran, de Te nes, de Sigilmasa, de - r et dal-Basra [...] 113. Il para t de sormais assure que la principale Naku . source e crite dal-Bakr, pour ce qui regarde la description du Maghreb et peut-e tre me me certaines re gions de lAfrique subsaharienne, avait e te le ge ographe Abu Abd Allah al-Warraq, et dautant plus que ce dernier est cite , selon notre de pouillement, vingt-quatre fois tout au long du livre 114. Mais ` ce nest pas tout car nous avons releve deux autres citations re fe rant a des - est cite en tant que source relative a un fait ` e crivains andalousiens : al-Udr -. ayant eu lieu dans la montagne de Zg-z situe e dans la re gion de Biskra, et. 113. Al-Dabb, Bugyat al-multamis, no 304, p. 131. Rappelons que cette information avait . ` de ja e te brie` vement signale e par A. Ferre , 1986, pp. 199-200. . 114. Al-Bakr, Kitab al-mugrib, pp. 4/12, 4/13, 8/23, 9/25, 12/30, 28/63, 36/79, 50/108, 53/113, 57/122, 60/126, 68/140, 88/178, 105/206, 107/210, 111/217, 118/231, 142/272, 146/280, 147/281, 152/289, 153/292, 158/301, 160/304.

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- - ` Ahmad b. Muhammad b. Musa al-Raz aurait, quant a lui, rappele quelques . . -la 115. ` vers a propos de la ville de Mal ` Si nous venons de consacrer plusieurs lignes a louvrage dal-Bakr, il ne peut -s. En effet, ` malheureusement en e tre de me me a propos de luvre dal-Idr bien que la Nuzhat al-mustaq ait sans aucun doute be ne cie de nombreuses sources e crites pour sa composition, il est tre` s rare de rencontrer des re fe rences ` explicites aux e crivains mis a prot par le ge ographe arabe. Nous navons seulement pu recueillir que deux mentions concernant les re fe rences utilise es. -La premie` re mention indique qual-Idrs aurait fait usage dun Livre des - ` merveilles a propos de l le atlantique de Raqa (wa-haka sahib Kitab al-agaib . . . / Lauteur du Livre des merveilles a raconte ). La seconde donne e est curieuse car si elle renvoie bien au fameux ge ographe oriental Ibn Hawqal, elle . nen de forme pas moins son nom sous la forme dune nisba. Le fragment ` concerne un e ve nement ou il est question de re coltes de ce re ales a Sigilmasa ` - al-Hawqal- / Al-Hawqal a raconte ) 116. A lheure actuelle, on ` (wa-haka . . . reconna tra ici notre impossiblite de re soudre la question complexe des sources -employe es et cite es par al-Idrs. Pour pre tendre donner une re ponse convenable et plus ample, nous croyons que seule une e tude serre e de tous les ` passages relatifs au Maghreb et a lAfrique subsaharienne permettrait den savoir un peu plus sur cette proble matique. ` Tentons daller plus loin sur la question de la langue berbe` re notamment a partir dun des e le ments documentaires mis en relief par les deux auteurs e tudie s. Nous voulons parler de la toponymie qui est abondemment documen` te e, sujette a de nombreuses interpre tations et qui permettrait de faire quelques observations en rapport avec la linguistique historique et la localisation des variantes dialectales rencontre es dans les textes examine s. Avant dentrer en ` matie` re, nous nous permettrons de rappeler que les toponymes berbe` res, a lexception des e thnonymes, sont pour la plupart dentre eux descriptifs des lieux quils nomment de fac on ge ne ralement de notative. Pour ce faire, ils emploient les champs se mantiques de la terre et de leau, par exemple, ou ` ` ont recours a la me taphore a partir de termes de signant les objets fabrique s par ` lhomme ou les parties du corps 117. A ce stade des conclusions, il faut donc sarre ter sur les possibilite s de discussion offertes par les re sultats fournis par ` les deux ge ographes, a savoir un riche mate riel onomastique. Cette collection ` danthroponymes et de toponymes, nous lavons dit, peut aider a en savoir plus sur les varie te s dialectales du berbe` re et poser ainsi la question de le laboration dune ge ographie linguistique. Si limmense majorite des renseignements concerne le Maghreb occidental, les parties centrale et orientale ont be ne cie , certes dans une moindre mesure, de quelques notations faites par al-Bakr et -s. Alors dun point de vue ge ographique, on pourrait poser des hypoal-Idr115. Al-Bakr, ibid., pp. 52-53/113 et 89/178-179. -s, Nuzhat al-mustaq, pp. 71/61 et 76/67. 116. Al-Idr 117. Sur ces points, voir par exemple M. Meouak, 2008, pp. 66-67.

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` the` ses dans le but de savoir a quelle variante linguistique les auteurs faisaientils re fe rence. Grosso modo, les informations relatives au nord du Maghreb -` occidental pourraient renvoyer a la variante tarft ; les fragments concernant -. le centre du Maghreb occidental renverraient peut-e tre au tamazgt et les ` renseignements sur le sud du Maghreb occidental seraient a assimiler au tas alh-t. Mais prenons bien garde car cette distribution doit e tre nuance e. . En effet, les linguistes-berbe risants savent tre` s bien que pour le monde berbe` re en ge ne ral et le Maghreb occidental en particulier, ces divisions ge o-linguistiques sont loin de tre e tanches et il y a dans tous les cas des contacts entre telle ` ` et telle variante, dune re gion a une autre et dans une me me zone a priori conside re e comme exclusivement unilingue. Pour ce qui regarde le Maghreb central et oriental, les choses se compliquent nettement plus car nous ne disposons que dun modeste e chantillon de donne es. Disons brie` vement que ` dans ces derniers cas, on posse` de des informations linguistiques re fe rant a des zones ge ographiques comme louest alge rien (A n Far