L'évolution des systèmes de production en France

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L'évolution des systèmes de production en France Philippe Grundeler J usqu'au début des années quatre-vingt, l'organisation industrielle des principales usines d'automobiles euro- péennes était largement inspirée des normes américaines, dont les principes tayloristes en matière de productivité se traduisaient par : - la croissance en volume pour réaliser des économies d'échelle et abaisser les coûts ; - la production de longues séries nécessitant des machines rapides, des changements d'outillages longs et peu fréquents et des stocks impressionnants (ateliers d'emboutissage avec stockages grande hauteur associés) ; - une organisation du travail parcellisée en tâches simples permettant la mobilité d'une main d'oeuvre non qualifiée. Ce système était en adéquation avec une structure de marché ou l'offre maîtrisait une demande en expansion constante. Mais la demande s'est progressivement stabilisée, puis s'est mise à fluctuer irrégulièrement, la clientèle, devenant de plus en plus exigeante, - conséquence d'une concurrence mondiale très forte. Aujourd'hui pour vendre, il faut non seulement disposer de produits très perfor- mants aux niveaux de la qualité, des délais et des prix, mais aussi posséder des systèmes de production très flexibles, fiables et capables de s'adapter presque instantanément aux fréquentes fluctuations du marché, aux règlements concernant la sécurité et l'environnement, 154

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L'évolution des systèmes de production en France

Philippe Grundeler

Jusqu'au début des années quatre-vingt, l'organisation industrielle des principales usines d'automobiles euro­péennes était largement inspirée des normes américaines, dont les principes tayloristes en matière de productivité se traduisaient par :

- la croissance en volume pour réaliser des économies d'échelle et abaisser les coûts ;

- la production de longues séries nécessitant des machines rapides, des changements d'outillages longs et peu fréquents et des stocks impressionnants (ateliers d'emboutissage avec stockages grande hauteur associés) ;

- une organisation du travail parcellisée en tâches simples permettant la mobilité d'une main d'œuvre non qualifiée.

Ce système était en adéquation avec une structure de marché ou l'offre maîtrisait une demande en expansion constante. Mais la demande s'est progressivement stabilisée, puis s'est mise à fluctuer irrégulièrement, la clientèle, devenant de plus en plus exigeante, -conséquence d'une concurrence mondiale très forte. Aujourd'hui pour vendre, il faut non seulement disposer de produits très perfor­mants aux niveaux de la qualité, des délais et des prix, mais aussi posséder des systèmes de production très flexibles, fiables et capables de s'adapter presque instantanément aux fréquentes fluctuations du marché, aux règlements concernant la sécurité et l'environnement,

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différents d'un pays à l'autre et en évolution permanente, et aux produits conçus par les marketings et les bureaux d'études pour contrer la concurrence.

Le recours aux nouvelles technologies, avec l'introduction massive de la robotique et de l'automatisation, n'a pas permis de faire, dans le monde occidental, des progrès suffisants pour endiguer ceux réalisés durant cette même période par les indus­triels japonais grâce au « toyotisme », c'est-à-dire au système d'organisation industrielle conçu par Taiichi Ohno pour Toyota.

Les Etats-Unis sous l'égide du MIT (Massassuchets Institute of Technology) ont lancé vers le milieu de la dernière décennie, une étude colossale sur les performances comparées des usines d'assemblage automobile au Japon, aux Etats-Unis et en Europe.

Le grand mérite de cette étude, menée en collaboration avec les constructeurs, est qu'elle constitue une base de données indiscutable et aujourd'hui indiscutée, chiffrant l'écart de per­formances entres les entreprises occidentales et japonaises.

Le premier des deux tableaux montre l'avance importante des constructeurs japonais, notamment au niveau de l'implication de tous les acteurs (suggestions) et de la qualité (nombre de défauts d'assemblage et surface des aires de retouche).

Le second tableau fait apparaître qu'en moyenne les cons­tructeurs japonais sont plus performants, mais les moins bons d'entre eux sont battus par les meilleures usines européennes. Tout espoir n'est pas perdu.

La controverse fondamentale sur la possibilité d'adapter le toyotisme dans d'autres pays que le Japon a été relancée par la publication récente, par trois des chercheurs impliqués dans l'étude initiale du MIT, de : the Machine that Changed the World.

L'organisation industrielle japonaise, reflet de la culture de la société nippone, devrait pouvoir être adaptée dans lès pays occidentaux en tenant compte de leur propre culture, de leur histoire et des implantations industrielles existantes. De nom­breux analystes et observateurs en sont aujourd'hui convaincus ; parmi eux les principaux responsables de stratégie industrielles des constructeurs et équipementiers français.

Le projet de rapport du groupe de Stratégie industrielle automobile du Commissariat général du plan, ainsi que les exposés présentés à l'occasion du dernier congrès international de la SIA tenu en mars à Paris en sont la preuve.

PRINCIPES, RÈGLES ET RECETTES DU TOYOTISME

Le système de production Toyota, mis en place par Taiichi Ohno l'inventeur de la méthode kanban, a pour base une pro­grammation de la production totalement décentralisée, tenant uniquement compte de la demande du client (l'aval tire l'amont), programmation en opposition, dans ses principes, avec le système centralisé et très directif basé sur l'offre qui a régi l'industrie automobile occidentale, pendant plusieurs décennies.

Dans ce contexte, la recherche de la compétitivité s'appuie sur une organisation locale et adaptée de la production et du travail, qui permet de tirer le meilleur parti des équipements et des hommes.

Le flux de production est segmenté. La responsabilité du bon fonctionnement de chaque tranche de production est confiée aux opérateurs (10 à 12) animés par un chef d'équipe (plutôt qu'un contremaître). Chaque équipe est ainsi responsable des quantités produites et de la qualité de sa prestation, des amélio­

rations des moyens de production et de leur maintenance, et elle a à cœur de servir au mieux, « juste à temps » (JAT) le client suivant. C'est dans cet esprit que sont nés les cercles de qualité (kaizen). Le chef d'équipe, ses opérateurs et ceux qui connaissent le processus de fabrication cherchent régulièrement en commun les améliorations potentielles en faisant au besoin appel à des experts.

Pour pratiquer le juste à temps, il s'agit de se procurer les biens dont on a besoin au moment où l'on en a besoin, et dans les

Performances:

Productivité (heures/véhicule)

Qualité (défauts d'assemblage pour 100 véhicules)

Installations :

Surface (pieds carrés par véhicule/an)

Taille de l'aire de retouche (% de la surface d'assemblage)

Stocks (en jours pour un échantillon de 8 pièces)

Main d'œuvre :

% de main d'œuvre en travail collectif

Rotation de poste (0 = aucun, 4 = fréquent)

Suggestions/employé

Nombre de classifications

Formation des nouveaux opérateurs de productions (h)

Absentéisme

Automatisation

Soudure

Peinture

Assemblage

Usines japonaises

des construaeurs

japonais

16,8

60,0

5,7

4,1

0,2

69,3

3,0

61,6

11,9

380,3

5,0

86,2

54,6

1,7

Usines

nord-américaines

des construaeurs

japonais

21,2

65,0

9,1

4,9

1,6

71,3

2,7

1,4

8,7

370,0

4,8

85,0

40,7

1,1

Usines

nord-américaines

des construaeurs

américains

25,1

82,3

• 7,8

12,9

2,9

17,3

0,9

0,4

67,1

46,4

11,7

76,2

33,6

1,2

Toutes usines

européennes

36,2

97,0

7,8

14,4

2,0

0,6

1,9

0,4

14,8

173,3

12,1

76,6

38,2

3,1

Source : IMVP World Assembly Plant Survey, 1989, etJ.D. Power Initial Quality Survey, 1989, (tableau figurant en anglais dans The Machine that Changed the World {ci. bibliographie en fin d'article).

Pays où l'usine est implantée

et nationalité du constructeur

Usines japonaises des

constructeurs japonais

Usines nord-américaines des

constructeurs japonais

Usines nord-américaines des

constructeurs américaines

Usines européennes des

constructeurs américains et

japonais

Usines européennes des

constructeurs européens

Usines des nouveaux pays

industrialisés

Productivité (heures par véhicule)

Meilleure

performance

13,2

18,8

18,6

22 ,8

22,8

25,7

Moyenne

16,8

20,9

24,9

35,3

35,5

41

Plus

mauvaise

performance

25,9

25,5

30,7

57,6

55,7

78,7

Qualité (nombre de défauts d'assemblage pour 100

véhicules)

Meilleure

performance

37,6

36,4

35,1

ne

63,9

27,6

Moyenne

52,1

54,7

78,4

ne

76,4

72,3

Plus

mauvaise

performance

88,4

59,8

168,6

ne

123,8

190,5

Source : IMVP World Assembly Plant Survey (MIT), chiffres cités dans The Machine that Changed the World {ci. bibliographie en fin d'article).

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quantités désirées. Les kanbans (étiquettes) sont un des moyens simples pour le faire, et ils vont transmettre l'ordre de fabrication d'un poste de travail à un autre poste de travail situé en amont. L'opérateur du poste de travail aval (le client) s'alimente en pièces (produit acheté) au poste de travail amont (le magasin) en fonction de ses besoins. Le lancement de fabrication au poste de travail amont a pour objet de réalimenter le magasin.

Depuis l'aval, la série des commandes de poste à poste remonte vers l'amont, de telle manière qu'à un moment donné il n'y a dans le flux de production que la quantité de pièces strictement nécessaire. Le « zéro stock » est réalisé.

Si on élimine les aléas de production (défauts et pannes) grâce à l'action permanente des équipes responsables de chaque segment et si, par réduction des temps de changement des outils permettant de produire d'autres références, on estompe les effets néfastes du travail en campagne, on atteint progressivement le flux tendu :

- avec zéro défaut, - zéro panne, - zéro stock, - zéro délai, - zéro campagne, et la fameuse lean production^ littéralement production

« maigre ». Cette production est dite maigre parce que, par rapport à la

production de masse, elle utilise moins de chaque chose, moins de travail dans l'usine, moins d'espace, moins d'investissements en machines, moins d'heures de bureau d'études.

L'objectif zéro stock est une des composantes essentielles de la lean production, puisqu'il vise à minimiser les coûts financiers provoqués par les stocks, mais aussi à faire disparaître tous les dysfonctionnements du système de production masqués par les stocks intermédiaires conduisant à s'accommoder des problèmes existants sans chercher à y porter remède.

Pour compléter cette analyse succincte, nous donnons en annexe par ordre alphabétique quelques définitions et recettes tirées du glossaire du livre de Taiichi Ohno, l'Esprit Toyota.

L'ÉVOLUTION DES SYSTÈMES DE PRODUCTION, LES AXES STRATÉGIQUES DE PROGRÈS

Dans le domaine des « moyens de production », après l'introduction massive au cours des années quatre-vingt de l'élec­tronique dans les procédés industriels et dans les systèmes de communication, les jeux sont pratiquement faits, les principales orientations technologiques étant arrêtées, les modes de produc­tion ne connaîtront probablement pas de véritables révolutions d'ici la fin de ce siècle, à part quelques infléchissements directe­ment liés aux problèmes d'environnement (démantèlement des véhicules, élimination progressive des rejets de solvants toxiques dans l'atmosphère par utilisation de peintures hydrosolubles...).

En revanche, l'adaptation du « toyotisme » dans les systè­mes de production occidentaux influencera très fortement l'orga­nisation technique et sociale de la filière industrielle.

Bien entendu, cette indispensable mutation devra être accompagnée par des changements importants dans le comporte­ment des hommes, la formation (initiale ou continue), et les compromis sociaux. Ce sont les points les plus importants du challenge, ils ne seront pas spécifiquement traités dans l'exposé

qui suit, volontairement axé, sur l'évolution de l'organisation générale du système de production global (équipementiers et fournisseurs inclus), les moyens eux-mêmes, la manière de les réaliser plus vite et mieux et d'accroître leur efficacité. Tous les acteurs devront veiller à bien maîtriser les axes stratégiques de progrès suivants :

- le décloisonnement des secteurs de la conception initiale à la production (études, méthodes, production, fournisseurs) avec, comme objectifs principaux, l'ingénierie simultanée et le développement du partenariat entre constructeurs et équipementiers ;

- la maîtrise de la logistique interne et externe ; - la disponibilité et la maintenabilité de l'appareil de pro­

duction ; - l'utilisation à bon escient et après expérimentation préa­

lable des nouvelles technologies.

Le décloisonnement des secteurs

La compétitivité de l'industrie automobile se joue autant dans la façon de produire que dans la conception du produit, aussi l'optimisation réciproque du dessin, des procédés, et des compé­tences humaines, est un important gisement de progrès.

Sous la pression de la concurrence internationale, le produit automobile doit aujourd'hui satisfaire à de nombreux impératifs parmi lesquels :

- la diversification (ou flexibilité) par accroissement des possibilités de motorisation, des variantes de carrosserie et des équipements optionnels ;

- les réglementations encore différentes d'un pays à l'autre aussi bien pour la dépollution que pour la sécurité ;

- l'abaissement des coûts, nécessaire pour la compétitivité commerciale ;

- la limitation des investissements avec récupération opti­male de l'existant ;

- les délais de développement et de mise en production qui conditionnent la réactivité vis-à-vis de la concurrence ;

- la qualité dont le niveau élevé n'est pas seulement un problème de fabrication interne mais dépend également de la conception et des fournisseurs extérieurs. Elle sera encore pré­sente, en aval de l'acte de vente avec la « qualité du service ».

Il n'est pas possible de concevoir un produit sans intégrer et optimiser la totalité de ces contraintes. Le processus est déjà en route mais, dans les années à venir, il devra et sera de plus en plus formalisé. Dès le départ des études du produit sous toutes ses formes, les concepteurs de moyens, les responsables de la fabrica­tion et de la qualité, et les fournisseurs extérieurs, seront non seulement consultés, mais vraiment associés dans le cadre d'équi­pes pluridisciplinaires, transversales et décloisonnées.

C'est le problème de l'ingénierie simultanée pour laquelle il va falloir développer des outils méthodologiques et des systèmes de communication permettant de rationaliser son application à l'intérieur de l'entreprise et avec les fournisseurs.

Cette démarche ne peut être développée avec les fournis­seurs que dans l'objectif d'un véritable partenariat, en particulier avec les équipementiers, dans le cadre d'une « architecture modulaire » du produit.

De plus en plus, la fourniture demandée sera un sous-ensemble lié à une fonction ou a un ensemble de fonctions, livré contrôlé, juste à temps et à l'emplacement d'utilisation sur les

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chaînes de montage. Pour être en mesure d'effectuer correctement le travail

d'optimisation de ce sous-ensemble, le fournisseur devra avoir la possibilité d'intégrer ou de supprimer des pièces, de simplifier le process, de rationaliser la fabrication des composants. Les idées nouvelles devront être prises en compte dans la phase d'orienta­tion du projet, il faut donc que le fournisseur soit impliqué par le constructeur dans la réflexion amont. Par ailleurs, pour participer activement à ces travaux et être motivé, il faut qu'en cas de réussite il soit assuré d'une part du marché. Les rapports traditionnels client-fournisseur, basés sur les prix concurrentiels, vont devoir évoluer considérablement. Les deux entités, au lieu d'être oppo­sées, seront à l'avenir étroitement associées, et progresseront ensemble. C'est le « partenariat » à la japonaise.

Tous les centres de production seront touchés par cette nouvelle manière d'appréhender les systèmes de conception et de fabrication ; mais c'est au niveau des usines terminales, qui abritent l'essentiel du personnel des constructeurs (70 % contre 23 % pour les usines d'organes mécaniques et 7 % pour les fonderies), qu'il y aura d'ici à la fin du siècle le plus d'évolution.

Dans ces usines terminales, la mutation des moyens de production est largement engagée pour les ateliers d'emboutissage et de peinture.

Pour les premiers, l'automatisation entre presses, les chan­gements rapides d'outils et la diminution des stocks sont déjà largement appliqués par tous les constructeurs.

Pour les seconds, un certain nombre d'installations de peinture ont été soit rénovées, soit totalement reconstruites avec introduction systématique de l'automatisation des applications et de la mise en condition « hors poussières » (salles blanches).

L'organisation industrielle des deux autres types d'ateliers,

le ferrage (assemblage tôlerie) et surtout le montage final, sera très influencée par la conception modulaire du produit.

Ferrages

Les ferrages modernes sont déjà polyvalents et très automa­tisés, mais certains fonctionnent encore sous la forme avec des sous-ensembles diversifiés mis en stock avant d'être utilisés sur le berceau d'assemblage final d'où sortira une caisse sans ouvrants :

un bloc avant + un plancher = un soubassement ; un soubassement + deux panneaux de côté + un pavillon + deux ailes + un panneau arrière = une caisse.

Dans les années à venir, l'interaction conception-produc­tion permettra de réduire les types de « caisses » à produire, sans pénaliser la gamme complète de véhicules demandée avec tous ses niveaux d'équipements : tout simplement en standardisant au maximum la fixation des accessoires différents aujourd'hui d'une variante à l'autre.

Le nombre des caisses étant réduit (exemple : Safrane par rapport à R 25) le travail en flux tendu devient possible avec des ateliers de sous-ensembles alimentant directement et dans l'ordre requis le berceau d'assemblage.

Le flux tendu impose évidemment un haut degré de fiabilité des moyens (ce qui n'était pas le cas au milieu des années quatre-vingt). De plus, il faudra procéder au préalable à des études

Au niveau du montage final, il faut continuer à développer sans relâche le principe de h « moduhrisation ». Des lignes « modukbles » comme ici à l'usine Citroën de Rennes-La Janais permettent l alternance souple et L· cohabitation de deux types de tâches, celles qui sont effectuées normalement par l'homme, dans les meilleures conditions ergonomiques et celles qui sont automatisées à poste fixe : Remontage robotisé des portes. Cl. Citroën.

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précises de simulation de flux , tenant compte des résultats réels, obtenus moyen par moyen.

Montage final

Dans la conception de ces ateliers, il faudra continuer à développer sans relâche le principe de la modularisation en « reportant la diversité sur la préparation de sous-ensembles dont le mode de fixation sur caisse sera identique quelle que soit leur complexité et dont la qualité de fonctionnement sera contrôlée avant le montage sur voiture ».

Avec comme conséquences principales : - la réduction du nombre de postes sur la ligne principale

et un bon équilibrage de la main d'oeuvre ; - la possibilité d'implanter des lignes « modulables »

(Citroën XM à Rennes par exemple) permettant l'alternance souple et la cohabitation de deux types de tâches, celles qui sont effectuées manuellement par l'homme, dans les meilleurs con­ditions ergonomiques, et celles qui sont automatisées à poste fixe ;

- la possibilité dans le cas de montage manuel (lignes ou sous-ensembles) de placer toutes les pièces nécessaires à un opérateur dans le pas de chaîne (pas de coureurs à pieds) ;

- l'automatisation progressive dans les lignes de sous-en­sembles (à la japonaise) ;

- la fourniture de sous-ensembles complets livrés en JAT par des fournisseurs-partenaires, permettant la réduction, si né­cessaire, de la concentration d'activités dans le bâtiment de montage, mais nécessitant l'implantation de fournisseurs dans une zone proche de l'usine terminale du constructeur ;

- l'enrichissement des tâches.

La maîtrise de la logistique interne et externe

La mise en place des flux tendus ne concerne pas seulement les implantations des ateliers de production ou les liaisons inter­usines du constructeurs.

Cette mise en place dans la perspective de Γ« entreprise élargie » aux fournisseurs et aux clients devra intégrer les flux externes en provenance des fournisseurs (amont) et les flux externes vers les clients (livraison des voitures), et, dans tous les cas, assurer la circulation de l'information dans l'entreprise et avec ses partenaires (fournisseurs et clients).

Dans le cadre historique du tissu industriel français, cela pose de sérieuses difficultés et nécessitera beaucoup d'imagination de la part des directions « logistique » des constructeurs chargées de battre la mesure de cet immense ballet, sans être aidées par la proximité fournisseur-client dont bénéficient les entreprises japo­naises servant de référence en matière de flux tendus.

Deux types de relations sont à prévoir si on exclut la relation constructeur-client.

Flux entre usines du constructeur

Ils sont considérables (moteurs, boîtes, liaisons au sol et tôleries lorsque l'usine terminale a une puissance d'emboutissage insuffisante).

Le choix du matériel (emballages compris), l'optimisation du remplissage, les lieux de chargement et de déchargement, ainsi que les horaires de livraison sont définis en commun par les responsables de la logistique, des méthodes et de l'exploitation.

Les livraisons sont journalières et programmées.

Flux externes amont (fournisseur)

Ils sont plus difficiles à maîtriser, en raison des conditions d'achat, franc de port des pièces ou ensembles. Les directions de la logistique doivent donc composer avec les fournisseurs en leur imposant par cahier des charges les fréquences de livraison, le conditionnement et la taille des lots.

Deux types de livraisons : - Recor (REmplacement Consommation Réelle), le kanban

japonais. Il peut être quotidien et multi-quotidien avec des groupages dans des « centres de livraison régionaux » permettant des expéditions par camions complets ;

- coordonnées et synchrones, avec livraison directe par des véhicules spécialement conditionnés pour le chargement et le déchargement, de sous-ensembles généralement terminés en fonc­tion des caractéristiques des voitures déjà en lignées sur le montage final du constructeur. Cela nécessite une implantation du fournis­seur proche de l'usine terminale (exemple : livraison de sièges par Bertrand Faure à l'usine de montage Citroën de Rennes).

La maîtrise de la logistique devient un élément clef de la réussite industrielle. Aussi, dès la conception d'un nouveau produit, les responsables de la logistique devront être intégrés dans l'équipe du projet.

La maintenance et la disponibilité de Voutil de production

Les méthodes responsables du choix et de la mise en place des moyens de production se situent chronologiquement entre la conception du produit et sa fabrication.

Les investissements retenus doivent, dans le respect des définitions du produit, permettre de réaliser les volumes deman­dés tout en satisfaisant aux objectifs de qualité, de coûts et d'investissement. N'ayant pas la possibilité de réaliser une pré­industrialisation en vraie grandeur, pour valider les choix faits, les méthodes doivent s'appuyer sur des méthodologies, des outils associés et des bases de données réelles, pour améliorer la qualité de leurs prestations.

Très schématiquement, les outils et moyens dont l'utilisa­tion devra être amplifiée sont les suivantes.

- Les AMDEC (Analyse des Modes de Défaillances, de leur Effets et de leur Criticité) moyens de production. Ils permettent de valider les choix faits. C'est le résultat d'un travail de groupe (représentants des études, des méthodes, de la fabrication, de la qualité, des fournisseurs) qui, pendant la phase de définition d'un procédé (ou d'un moyen), recherche à l'aide d'une méthode très structurée, les défauts potentiels pouvant être engendrés par le procédé, et apporte a priori les corrections nécessaires.

- La simulation du flux de production permet de s'assurer du bon déroulement du process. Après avoir mis au point un modèle de fonctionnement de l'installation prévue, on fait varier les paramètres et l'on visualise sur PC les points sensibles des différents scénarios.

- La définition des cahiers de charges d'automatisme (3 niveaux : général, atelier, moyen). Elaborés par des équipes pluridisciplinaires, ils permettent d'obtenir des modes de fonc­tionnement homogène, pour l'ensemble des équipements indus­triels, d'avoir un langage commun vis-à-vis des fournisseurs et des maintenances, de faciliter la formation et de gagner du temps au démarrage ;

- Le simulateur de fonctionnement. Ensemble informati­que lié à la partie commande d'une machine (ou d'une installa-

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tion), qui permet de simuler son fonctionnement avant sa réali­sation physique et ainsi de gagner du temps dans la mise au point des automatismes, et dans la mise en route.

- L'aide au diagnostic. Elle permet la détection, l'analyse et la mesure des anomalies dans les temps de cycle élémentaires d'un moyen. Utilisée pour la mise au point, les réceptions et la surveillance de l'exploitation.

- Les banques de données. Informations en provenance de la production sur les conditions de fonctionnement des moyens. Elles sont analysées et transformées en valeur de disponibilités puis stockées sur ordinateur. Elles permettent la quantification de la disponibilité prévisionnelle des moyens, les études AMDEC et la simulation des flux.

Grâce à ces outils, il sera possible d'optimiser a priori les nouveaux moyens mis en place, ce qui n'exclut pas, tout au contraire, que les exploitants à la japonaise poursuivent inlassablement la recherche de l'amélioration des performances.

Les nouvelles technologies de production

En France, les résultats des travaux de recherche-développe­ment dans le domaine des process industriels étaient jusqu'à ce jour valorisés à l'occasion du lancement de nouveaux modèles. Au Japon, la volonté de valorisation des progrès réalisés s'exprime en plus par l'amélioration systématique et continue de processus déjà existants.

Les entreprises françaises attribuent l'essentiel de leurs ressources à la conception et au développement des nouvelles technologies, alors que leurs homologues au Japon se concentrent sur leur mise en œuvre (en ayant au préalable effectué un effort important de veille technologique avec éventuellement l'achat de licences).

La vérité se trouve à mi-chemin. Les constructeurs et équipementiers français en sont aujourd'hui conscients, et le caractère technique et futuriste de leurs usines devrait d'ici la fin du siècle se rapprocher des installations réalistes et pratiques japonaises. En d'autres termes, l'effort de R & D sera poursuivi sur les nouveaux matériaux et leurs processus d'élaboration ou sur l'évolution des procédés connus, mais on ne prendra plus de risques inutiles, on recherchera le juste nécessaire, on garantira la fiabilité et on ne franchira pas les étapes sans les avoir validées.

Les thèmes de recherche adaptés aux deux secteurs fonda­mentaux que sont la carrosserie et les organes mécaniques auront les objectifs d'amélioration suivants :

- productivité, flexibilité et fiabilité des installations ; - qualité du produit et facilité en après-vente ; - conception modulaire des moyens ; - délais d'étude et de réalisation plus courts ; - souci de l'environnement ; et les programmes seront probablement orientés comme

indiqué dans l'annexe II).

CONCLUSION Pour relever le défi japonais et être compétitive sur le plan

mondial, l'industrie automobile française devra offrir des pro­duits innovants aux fonctions améliorées et diversifiées, mais ces produits devront également être concurrentiels au niveau des coûts, de la qualité, des délais de mise en plan et de la flexibilité de l'appareil de production.

La compétitivité de l'industrie automobile se jouant autant

dans la façon de produire que dans la conception du produit, parmi les axes stratégiques évoqués pour relever ce défi, la priorité devra être donnée au « décloisonnement des secteurs ».

Ce décloisonnement à l'intérieur des entreprises automo­biles, élargi aux fournisseurs, conduira à la démarche d' « ingénierie simultanée » visant à rassembler, dans une réflexion commune et en temps partagé, les concepteurs de fonctions, les spécialistes des matériaux et des composants et ceux des moyens de production.

Le défi peut et doit être relevé, mais ceci implique des efforts très volontaires des industriels et des pouvoirs publics.

Dans le cadre du Plan de recherche et de développement des industries du transport (Prédit), qui a pour but de promouvoir, avec l'aide de l'Etat, un important effort de recherche dans ce secteur, le comité technologie des véhicules routiers (TVR) a la responsabilité de l'industrie automobile.

Une commission du Comité TVR a pour mission princi­pale de rechercher, développer et mettre en place des outils scientifiques de dialogue permettant à cette ingénierie simultanée de sortir de l'empirisme, et de devenir progressivement une démarche rationnelle et systématique.

Quatre thèmes de réflexion sur les idées les plus pertinentes, qui devraient être soutenues par les pouvoirs publics, ont été ouverts ; ils concernent :

- la méthodologie qui cherche à définir des représentations et des logiques d'interaction ou d'enchaînement des éléments d'un process de conception et de production, et de ses contraintes externes en vue de l'optimisation de critères économiques défi­nis ;

- la simulation/modélisation physique des procédés d'éla­boration (usinage, forge, etc.), y compris les systèmes experts, permettant soit d'introduire la connaissance expérimentale à défaut de théorie physique exacte, soit d'optimiser produit et procédé par itération entre les modélisations correspondantes ;

- les verrous technologiques : recherches ayant pour but de surmonter ce qui empêche des progrès importants ;

- les ressources humaines concernant les actions destinées à favoriser l'interactivité conception/production par la formation et la prise de conscience des changements dans les modes d'action et de pensée.

Les bases pour un développement harmonieux de Γ« usine du futur » sont en place. Elles sont en parfaite adéquation tant du point de vue organisationnel que du point de vue technologique avec le projet européen Eureka.

Bibliographie

Taiichi Ohno, l'Esprit Toyota, Masson, Paris, 1989, 132 pp.

J.P. Womack, D.T. Jones, E. Ross, the Machine that Changed the World, Rawson associate MacMillan publishing cy, New York, 1990, 323 pp.

Société des ingénieurs de l'automobile, congrès international, Logistique, bihn et perspectives, SIA, Paris, mars 1992.

Commissariat général du plan, Automobile, l'avenir d'une industrie en mutation (Projet de rapport), Commissariat général du plan, Paris, 134 pp.+ 92 p. (annexe).

F. Merrien, le Modèle industriel japonais est-il adaptable dans d'autres pays ?, Commissariat général du plan, Paris, 1991, 12 pp.

Shigeo Shingu, Maîtrise de la production et méthode kanban, le cas Toyota, Les éditions d'organisation, Paris, 1983, 243 pp.

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Annexe I : Quelques définitions et recettes du toyotisme Annexe II : Nouvelles technologies de production

Principaux programmes de recherche

Andon

Auto-activation

Baka-yoke ou poka-yoke

Demandez-vous cinq fois pourquoi ?

Juste-à-temps

Kanban

Les quantités à produire doivent être les quantités demandées

Ne pas avoir peur d'arrêter les lignes

Priorité à l'amélioration de l'organisation

Raccourcir les lots et accélérer les changements d'outils Repérer les gaspillages, et les éliminer

Tableaux indicateurs lumineux qui permettent

de diriger avec les yeux. Vert : tout est correct. Orange : arrêter la ligne pour corriger une ano malie.

Dispositif intelligent permettant de juger ce

qui est conforme ou non à une norme, et de stopper la production pour y remédier, le cas échéant, et éviter de produire des pièces mau

vaises.

Dispositif simple provoquant l'arrêt du procès

sus s'il y a risque de produire un défaut.

Sans commentaires.

Le produit voulu, au moment voulu, en

quantité voulue, au bon endroit, après l'èli mination des gaspillages et des incohérences, avec l'objectif prioritaire de satisfaire le client à chaque stade.

à un poste donné, moyen simple de communi

cation (étiquettes dans une enveloppe vinyle permettant d'exprimer des besoins ou des informations). Les informations mentionnées se résument en deux formules :

- combien et quoi prélever ? en amont ou transférer directement de l'amont vers l'aval ;

- comment faire quoi ? (opérations à effec tuer sur les pièces après prélèvement et transfert de l'amont.

Dans l'adaptation française, kanban = Recor (REmplacement de Consommation Réelle) permettant le renouvellement automatique des quantités consommées

Eviter le gaspillage de la surproduction.

Pour ne pas produire de pièces mauvaises, faire

remonter les problèmes à la surface et les

régler.

Par les gens de terrain, cela permet de résoudre

la plus grande partie des problèmes avant de

songer à dépenser de l'argent pour acheter du matériel nouveau.

Réduction des stocks.

Ils sont de sept types :

. production en excès,

. attentes,

. manutentions inutiles,

. usinages inutiles,

. stocks en excès,

. agitation des opérateurs,

. productions de pièces ou ensembles défectueux.

Emboutissage

Ferrage

Matériaux non métalliques

Peinture

Montage

Matériaux et procédés nouveaux

Fonderie

Traitement des matériaux

Usinage

Technologies générales

. Logiciels de calcul permettant d'accélérer

les phases de conception/faisabilité et mise au point des outils, . longévité des outils, . raboutage des tôles d'épaisseurs différentes . élastoformage, . mise en forme des matériaux , hétérogènes (tôles sandwich) . découpage fin (pour pièces mécaniques).

. Contrôle du process,

. soudure par liaison continue (laser),

. découpe laser et micro-plasma,

. assemblage matériaux hétérogènes , (emmanchement, clinchage, collage structurel, etc.).

. Logiciels de simulation et d'aide à

la conception des outillages,

. modélisation des procédés d'injection de compression, de migration des fibres.

. Traitement des effluents,

. peintures hydrosolubles.

Robot d'assemblage mobile (investisse

ment progressif et récupérable).

. Magnéto formage,

. matériaux céramiques,

. composites à matrices céramiques,

. alliages à mémoire de forme.

. Nouveaux procédés de fonderie (magné sium),

. simulation de procédés de coulée,

. généralisation insertion à la coulée, . squeeze casting (forgeage liquide), . recyclage des matériaux (sable).

. Renforcement des surfaces (usure),

. traitements thermiques avancés,

(induction, refusion, thermochimique).

. Usinage grande vitesse,

. modélisation de la coupe.

. Interconnexion de systèmes ou

d'automatismes intégrés au travers des

réseaux locaux industriels, . modélisation générale d'un système de production, . liaison CAO, calcul CFAO.

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