L'évaluation du système éducatif...

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L'évaluation du système éducatif français Claude Thélot L'évaluation est désormais au coeur des systémes éducatifs pays développés: soit au niveau global (quels sont le coût, le fonctionnement et les résultats de l'Ecole ?), soit à des niveaux intermédiaires (quelles sont les inégalités régionales ?), soit au niveau des établissements (quelle est la valeur ajoutée d'un lycée et comment l'évaluer ?), soit enfin dans les classes (pour fournir des outils aux enseignants de façon. à individualiser au maximum leurs pratiques pédagogiques). A ces différents niveaux, la Direction de l'Evaluation et de la Prospective du ministère de l'Education nationale a apporté depuis quelques années des contributions substantielles, sur lesquelles on s'appuie pour présenter ici l'état actuel du système éducatif français. A l'évaluation de cet état, s'ajoute l'évaluation régulière d'expérimentations et innovations pédagogiques qui sont conduites dans le système; cette évaluation est bien entendu utile à fa décision politique. Aux différents niveaux, du ministre aux enseignants, se constitue ainsi progressive- ment une" culture de l'évaluation" dans le système éducatif français, principal levier de son améliora- tion. , E valuer est une préoccupation récente dans le système èducatif français. Mis à part quelques travaux de recherche (INETOP, INRP, ... J, c'est au cours des annèes 80 que cette préoccupation sur- git et depuis 6 ou 7 ans qu'elle s'affirme avec force. Elle est née sous la pression conjuguée de plusieurs facteurs. D'abord, et ceci dans tous les pays, les systèmes éducatifs coûtent cher; même si en proportion du PIS ce n'est guère plus qu'il y a quinze ou vingt ans, il est devenu nécessaire, en ces temps l'État doit être plus svelte et plus efficace, de mettre en regard de ces coûts les résultats du système, c'est-à-dire de rendre compte. La demande d'évaluation est devenue très forte, en même temps que la société fran- çaise jugeait l'investissement éducatif de plus en plus nécessaire et que d'acteurs, désormais, interviennent à côté de l'Etat, dans le système. Les collectivités territoriales, les ménages, les entreprises sont devenus à la fois des fjnanceurs, des partenaires et des usagers - souvent, et à juste titre, exigeants. Le pilotage du système éducatif, depuis les lois de décentralisa- tion et le mouvement de déconcentration au sein de l'État, a cessé de reposer principalement sur des moyens que l'État distribue, pour être davan- tage lié aux besoins de ces multiples usagers. À un pilotage centralisé, l'offre joue un rôle majeur, se substitue progressivement un pilotage décentralisé et déconcentré reposant partiellement sur la demande infranationale. L'évaluation en est un outil fondamental au niveau central (que " vaut" le système éducatif français ?), intermé- diaire (comment se situent les diverses acadé- mies?) ou au niveau des lieux d'éducation eux- mêmes, l'établissement et la classe: évaluer un Revue Française de Pédagogie, 107, avril-mai-juin 1994, 5-28 5

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L'évaluationdu système éducatif français

Claude Thélot

L'évaluation est désormais au cœur des systémes éducatifs d~s pays développés: soit au niveau global(quels sont le coût, le fonctionnement et les résultats de l'Ecole ?), soit à des niveaux intermédiaires(quelles sont les inégalités régionales ?), soit au niveau des établissements (quelle est la valeur ajoutéed'un lycée et comment l'évaluer ?), soit enfin dans les classes (pour fournir des outils aux enseignants defaçon. à individualiser au maximum leurs pratiques pédagogiques). A ces différents niveaux, la Directionde l'Evaluation et de la Prospective du ministère de l'Education nationale a apporté depuis quelquesannées des contributions substantielles, sur lesquelles on s'appuie pour présenter ici l'état actuel dusystème éducatif français. A l'évaluation de cet état, s'ajoute l'évaluation régulière d'expérimentations etinnovations pédagogiques qui sont conduites dans le système; cette évaluation est bien entendu utile àfa décision politique. Aux différents niveaux, du ministre aux enseignants, se constitue ainsi progressive­ment une" culture de l'évaluation" dans le système éducatif français, principal levier de son améliora­tion.

,

Evaluer est une préoccupation récente dans lesystème èducatif français. Mis à part quelques

travaux de recherche (INETOP, INRP, ...J, c'est aucours des annèes 80 que cette préoccupation sur­git et depuis 6 ou 7 ans qu'elle s'affirme avecforce. Elle est née sous la pression conjuguée deplusieurs facteurs. D'abord, et ceci dans tous lespays, les systèmes éducatifs coûtent cher; mêmesi en proportion du PIS ce n'est guère plus qu'il ya quinze ou vingt ans, il est devenu nécessaire, ences temps où l'État doit être plus svelte et plusefficace, de mettre en regard de ces coûts lesrésultats du système, c'est-à-dire de rendrecompte. La demande d'évaluation est devenuetrès forte, en même temps que la société fran­çaise jugeait l'investissement éducatif de plus enplus nécessaire et que beaucou~ d'acteurs,désormais, interviennent à côté de l'Etat, dans le

système. Les collectivités territoriales, lesménages, les entreprises sont devenus à la foisdes fjnanceurs, des partenaires et des usagers ­souvent, et à juste titre, exigeants. Le pilotage dusystème éducatif, depuis les lois de décentralisa­tion et le mouvement de déconcentration au seinde l'État, a cessé de reposer principalement surdes moyens que l'État distribue, pour être davan­tage lié aux besoins de ces multiples usagers. Àun pilotage centralisé, où l'offre joue un rôlemajeur, se substitue progressivement un pilotagedécentralisé et déconcentré reposant partiellementsur la demande infranationale. L'évaluation en estun outil fondamental au niveau central (que" vaut" le système éducatif français ?), intermé­diaire (comment se situent les diverses acadé­mies?) ou au niveau des lieux d'éducation eux­mêmes, l'établissement et la classe: évaluer un

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collège, un lycèe aide à le piloter et est demandépar les familles comme en témoigne le succès dunuméro du Monde de l'Éducation publiant lesrésultats de chaque lycèe au bac; dans la classeelle-même enfin et pour l'enseignant, pouvoir èva­luer est un facteur important d'amèlioration.

Outil fondamental du pilotage, l'évaluation n'estpourtant pas le seul: la connaissance du systèmeéducatif - ses tendances, ses évolutions, ... - laprospective à court, moyen ou long terme sur cesystème sont également nécessaires. L'intuitiondu Ministre R. Monory créant ia Direction del'Évaluation et de la Prospective début 1987, et luiconfiant ces trois outils du pilotage - connais­sance, évaluation, prospective - était profonde etfut féconde. Nombre de pays étrangers envientcette structure et sa maîtrise sur les troisdomaines, qui s'étayent et s'améliorent ainsi l'unl'autre. Encore doit-on, au seuil de cet article,souligner que ces trois missions doivent s'exercerà la fois:

- de façon interne, pour conseiller le Ministre,informer la structure, fournir des outils aux acteursdu système;

- et de façon externe, en direction de l'opinionpour favoriser l'émergence d'une connaissanceprécise et de « bons» débats publics sur, l'école.

Dans la typologie des paradigmes récemmentproposée par de Ketele [1], la conception actuellede l'évaluation du système éducatif en Francerelève de deux d'entre eux: elle est au service dela décision dans ie système éducatif, et elle enconstitue un processus de régulation.

L'effort principal au cours des dernières annéesa porté sur deux dimensions : évaluer l'état dusystème et des unités d'enseignement, fournir desoutils d'évaluation aux acteurs pour qu'ils s'enservent comme levier d'action, Je vais m'attacherà ces deux aspects majeurs dans les deux pre­mières parties de cet article, puis dans une troi­sième partie aborder la dimension, complémen­taire, des études et des évaluations de politiqueéducative, avant de conclure brièvement sur l'idéede « culture d'évaluation ",

ÉVALUER LE SYSTÈMEET LES UNITÉS ÉDUCATIFS

Le schéma conceptuel sur lequel repose l'éva­luation du système et des unités éducatifs est

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standard et plus descriptif qu'explicatif. D'abord lesystème, ou l'établissement, est dans un environ­nement dont il faut tenir compte pour l'évaluer.Ensuite l'évaluation repose sur trois volets: lecoût du système; son fonctionnement ou, ce quirevient au même, les services qu'il offre; lesrésultats qu'il obtient.

Rapporter:

- le fonctionnement au coût, c'est parler de1'« efficience» du système (ou de l'établisse­ment, ...);

- les résultats au fonctionnement, c'est parlerde 1'« efficacité» ;

- les résultats au coûts, c'est parler du « ren­dement ",

Tant pour le système éducatif global, qu'au ni­veau intermédiaire - académie, département, ...- qu'au niveau de l'établissement scolaire (ouuniversitaire), des indicateurs d'environnement, decoût, de services offerts, de résultats constituentla panoplie à partir de laquelle un «squelette»d'évaluation peut être établi. Pourquoi simplementun squelette? Pour, fondamentalement, deux rai­sons.

Autant il est important et nécessaire d'évaluer,autant il faut affirmer avec force qu'une évalua­tion, quelle qu'elle soit, ne sera jamais qu'uneapproximation. Ceci est la première raison pourlaquelle j'emploie le mot « squeiette » : avec desindicateurs, quantitatifs ou qualitatifs, (j'évaluationd'une académie, ou d'un collège, par exemple, onne vise qu'à une appréciation du premier ordre,qui doit ensuite être confirmée, approfondie, enri­chie, infléchie par des démarches complémen­taires où les acteurs interviendront directement.Les Inspections générales, en particulier, peuvent,conformément à la mission que leur a confiée laloi d'orientation, exercer cette fonction d'évalua­tion approfondie complémentaire.

La deuxième raison tient au mode actuel depilotage du système éducatif qui donne toute saplace à la notion de projet. L'articie 18 de la loid'orientation le prévoit explicitement pour les éta­blissements, et nombre d'académies en élaborentun. Qui dit projet dit nécessairement évaluationpour partie spécifique. On ne saurait évaluer uni­quement de façon standard, par des indicateurscommuns, une unité qui s'est donné un projetparticulier. L'évaluation doit être mixte: le sque-

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lette standard et général, nécessaire parce quechaque unité appartient à un système éducatifnational, doit être complété par un volet particulieradapté au projet spécifique de l'unité.

Ces considérations générales étant avancées, jJpeut être utile de rappeler quelques élémentsconcrets sur le coût, le fonctionnement et lesrésultats de notre système éducatif.

Le coût du système éducatif

Le coût global, consenti par l'ensemble de lasociété française - État, collectivités territoriales,entreprises, ménages - à son École a été, en1992, de 461 milliards de francs, c'est-à-dire8 050 F par habitant, ou 28 100 F par élève ouétudiant ou encore 6,6 % du PIB [2]. Est-ce peu,est-ce beaucoup? Au-delà du jugement absolu, laréponse à cette question est facilitée par deuxaspects importants que toute évaluation devraitpermettre: l'évolution dans le temps, les compa­raisons internationales. 6,6 % du PIB est une pro­portion moyenne en référence aux pays déve­loppés [3] et, depuis 20 ans, le coût de l'éduca­tion a toujours été compris, en France, entre6,3 % et 6,8 %, ce qui signifie que sa croissancea été assez proche de celle de la richesse natio­nale (légèrement supérieure en fait). Et, de fait,depuis 1974, le coût de l'éducation - ou ladépense pour l'éducation, ce qui revient au même- a crû, une fois écartée l'inflation c'est-à-dire enfrancs constants, de 2,6 % par an. Ceci est consi­dérable, puisque cela signifie qu'elle double enmoins de 30 ans (27 exactement).

Disposer d'indicateurs corrects du coGt supposel'élaboration d'un compte de l'éducation fiable oùsoient retracés l'ensemble des flux financiers. Telest le cas en France où un tel compte, satellite dela Comptabilité Nationale, est établi pour chaqueannée depuis 1974. A un niveau infranational, lecoût de l'éducation est très divers par académieou établissement. Ainsi, à titre d'exemple, en 1991la dépense du Ministére de l'Éducation nationalepar élève variait, autour d'une moyenne (en métro­pole) de 18 300 F, de 16 200 F (Pays de la Loire),à 21 500 F (Limousin), soit une variation de plusde 30 % entre ces académies extrêmes. L'ancien­neté et le grade des enseignants et, à un degrémoindre, les frais d'internat expliquent ces diffé­rences [4J. Dans un esprit voisin, la contributiondes collectivités locales n'est pas partout iden­tique.

La montée des collectivités locales dans le fi­nancement de l'éducation est d'ailleurs sensibledepuis les lois de décentralisation qui leur ontconfié construction, entretien et équipement desbàtiments: elles assurent aujourd'hui 18 % ducoût global, contre 14 % seulement il y a quinzeans. Cependant le poids de l'État, en légèredécrue, reste majoritaire (66 %). La socialisationdu coût, de façon générale, est très marquée etcroissante: 9 % seulement du coût de l'éducationest à la charge directe des familles (une foisdéduites les bourses). Les ampleurs respectivesdu financement par l'impôt et de l'accès à l'ensei­gnement du supérieur des diverses catégoriessociales devraient être comparées de façonapprofondie pour apprécier dans quelle mesure cefinancement très socialisé est ou non redistributif.

Dans tous les pays développés, le coût parélève est croissant avec les ordres d'enseigne­ment. Ce qui caractérise la France, c'est l'étroi­tesse de l'échelle: le coût d'un étudiant est seule­ment 2,2 fois plus élevé que celui d'un élève duprimaire. Ce rapport était de 3 en 1974, il vaut,par exemple, 2,4 en Allemagne et 2,8 aux États­Unis. Ceci traduit la faiblesse de la dépense quela France consacre au supérieur : en dépit desefforts notables de ces toutes dernières années(budget de l'État, contribution des collectivités,plan Université 2000), la progression de ladépense dans le supérieur n'a fait qu'accompa­gner la croissance très rapide du nombre d'étu­diants : nous avons dépensé, en 1992, 41 000 Fpar étudiant, un peu plus mais pas beaucoup plusqu'il y a vingt ans (38000 F en 1975, en francs de1992, soit + 0,4 % par an).

Si au lieu d'évaluer le coût, une année donnée,d'un élève typique (écolier, collégien, lycéen, ...)on essaie d'apprécier le coût d'une scolaritécompléte, la perspective change: à partir du coûtactuel des quinze années qui vont de la ma­ternelle à la dernière année du lycée (optique" transversale ,,) on peut estimer le coût de « pro­duction" d'un bachelier n'ayant jamais redoublé(carrière scolaire" longitudinale ,,) : 392000 F. Il Ya vingt ans, ce même coût s'élevait à 275000 F,soit une croissance de 2 % par an en francs cons­tants. A partir de ce type d'estimation, un BTScoûte moins qu'un DUT, du moins si l'on raisonnesans redoublement. Au contraire, un étudiantayant un BTS aprés avoir redoublé un fois encollège ou en lycée aura coûté davantage qu'unétudiant ayant eu le DUT sans redoubler.

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Les services offerts

Les services offerts par le système èducatif ouune académie, ou un établissement avec cetteressource constituent la deuxième dimension del'évaluation. Par exemple, la France, pour un coûtdonné, scolarise davantage de jeunes que lesautres pays: le système éducatif français est pluséconome que les autres ou, pour reprendrel'expression proposée ci-dessus, plus" efficient ".C'est caractéristique en rapprochant France etAllemagne [3, 5j : l'Allemagne consacre à la for­mation initiale une part plus faible de sa richesseque la France (5,4 % contre 6 % du PIB), mais lecoût par élève y est presqu'un tiers plus élevé.C'est dans le second degré que i'écart est le plusnotable, traduisant peut-ètre en partie ie coût spé­cifique du système dual (en tout cas ce coût paradolescent tient bien entendu compte de ce quecela représente pour les entreprises allemandes,et qui est beaucoup plus élevé en Allemagnequ'en France).

Une des caractéristiques majeures de l'Écolefrançaise est, comme l'on sait, l'importancequ'elle donne au préélémentaire : tous les enfantsde 3 ans sont désormais scolarisés (c'était unobjectif de la loi d'orientation), 35 % de ceux de2 ans (ce qui représente plus de la moitié de ceuxqui ont effectivement 2 ans lors de la rentrée), cequi ne se voit nulle part ailleurs (bien que laBelgique et la Nouvelle-Zélande scolarisent aussileurs enfants de façon très précoce). D'ailleurs,autre signe de l'importance que nous donnons aupréélémentaire, le coût global en est élevé, ce quiest naturel puisqu'il concerne beaucoup d'en­fants; le coût par élève est, lui aussi, plus élevéque dans certains pays (l'Allemagne ou la Belgi­que, par exemple) où il s'agit davantage de " jar­din d'enfants» que d'« école ».

Pour résumer ces différents aspects de la scola­risation, il est utile de calculer une espérance descolarisation estimant, comme l'espérance de vieà la naissance l'estime pour la longévité, le tempsmoyen (fictif puisqu'il s'agit d'un indice" transver­sai,,) que passera dans le système éducatif unenfant' qui y entre aujourd'hui.

L'espérance de scolarisation est actuellementde 18,3 années, en augmentation sensible depuis1a ans. Ainsi, des ressources croissantes ont per­mis un allongement de la scolarité. Mais celle-ci amoins crû que celles-là, ce qui fait conclure à unebaisse de l'efficience de l'école française au Cours

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des années quatre-vingt: les ressources par élèveont augmenté de 1,4 % par an depuis 10 ans, etl'espérance de scolarisation seulement de 1 % paran. Si l'on préfère, une année de scolarisationcoùte plus, en moyenne aujourd'hui qu'il y a dixans. Ceci ne doit pas surprendre: l'allongementde la scolarisation résulte, pour l'essentiel, del'ouverture du lycée, et du supérieur, à beaucoupplus d'élèves qu'auparavant : lycée de masse(61 % d'une génération accède maintenant auniveau IV), voire supérieur de masse (tous lesbacheliers généraux, 83 % des bacheliers techno­logiques et de l'ordre de 30 % des bacheliersprofessionnels continuent dans l'enseignementsupérieur). Or, le coût de ces ordres d'enseigne­ment est plus élevé que celui des autres.

Les résultats du système éducatif

Le concept d'efficience, qui rapproche coût etservices offerts, a cependant un intérèt limité carces services n'ont pas leur légitimité en eux­mêmes: on ne scolarise pas pour scolariser, onne fournit pas au lycéen moyen 1 087 heures(théoriques) de cours par an pour le plaisir. Cesservices sont offerts pour atteindre certains résul­tats. La troisième dimension de l'évaluation - laplus importante à mes yeux, mais aussi la plusrécente et la plus difficile à approcher - a traitaux résultats du système éducatif.

Qui dit résultats dit objectifs: on n'évalue pasun établissement scolaire, un système global surdes résultats sans savoir a quels objectifs ratta­cher ces résultats. La réflexion, en France, sur lesobjectifs du système éducatif est à la fois trop etpdS assez développée: elle l'est trop, en ce sensque nulle part ailleurs dans le monde on nes'interroge autant, aussi souvent et en des termesaussi généraux sur ce que doit réussir j'école;elle ne l'est pas assez, en ce sens que laréflexion, pour être consensuelle, reste trop abs­traite, trop générale pour servir réellement deguide aux acteurs. Il n'est pas sûr qu'on puisse,en fait, spécifier avec le détail et la hiérarchievoulus les objectifs du système: d'où une inter­prétation possible de l'idée de projet - projetd'établissement, d'académie - qui laisse auxacteurs locaux le soin de cette spécification,d'une specification qui leur soit adaptée, au seindu cadre général seul susceptible d'être définicentralemen!. Ce cadre est constitué de quatredimensions, trois objectifs et une exigence que lesystème éducatif doit satisfaire:

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• transmettre une culture, des savoirs;

• préparer à la vie professionnelle, avec ce quecela suppose de savoir-faire, voire de savoir-être;

• former le futur citoyen et, ainsi, contribuer àla construction et à l'identité du pays;

• favoriser, entre élèves, la plus grande équitépossible.

Chacune de ces quatre lignes générales mérite­rait de longs développements qui ne sont pas demise ici. Il suffit de reconnaître que les résultatsdu système éducatif doivent s'évaluer à l'aune deces trois objectifs et de cette exigence d'équité.

Ceci implique d'abord l'intérèt et la nécessitéd'èvaluer les acquis, cognitifs ou non, des élèves:évaluer dans l'absolu (que savent-ils ?) ce qui estdifficile, évaluer de façon comparative dans letemps, ce qui risque de privilégier des connais­sances pérennes, ou traditionnelles, ou de base,au détriment de celles qui ont trait à desdomaines neufs, évaluer de façon comparableentre pays ce qui pose des questions redoutablesquant aux protocoles à construire.

Les évaluations comparatives, dans le temps ouentre pays, sont assez rares. J'en ai fait un recen­sement [6], duquel on retire l'impression que lesacquis cognitifs des élèves français sont bons etcroissants: meilleurs, en moyenne en orthographe(du moins qu'il y a 120 ans), meilleurs qu'ailleursen lecture en particulier à la fin du collège, bienplacés à 13 ans en mathématiques, plus modeste­ment en sciences ou en géographie, ne progres­sant guère ces dernières années en langue vivanteécrite, ayant bien progressé depuis 13 ans (1980­1993) en mathématiques à l'entrée en 6', davan­tage en géométrie qu'en calcul, ayant peu pro­gressé en français (et même lêgèrement régresséen orthographe) (cf. B. Ernst ci-après). Voilà lestraits principaux du bilan. Il est très satisfaisantquoique certaines dimensions ne soient pas mesu­rées (oral, arts, ...), quoique d'autres puissent etdoivent être améliorées (notamment en sciences).Les tests du Ministère de la Défense le confirmenten montrant les progrés du niveau général desjeunes hommes depuis vingt ans: en moyenne, ils'est élevé de 21,5 %. À noter que cette augmen­tation du niveau général se voit en particulierparmi l'élite scolaire, c'est-à-dire les meilleursélèves (agrégés, docteurs, élèves d'une grandeécole). Ceci est peu souligné, puisqu'au contrairela plainte sur la baisse du niveau porte souvent,implicitement, sur cette élite, mais réel. J'ai d'ail-

leurs engagé des travaux sur les copies etépreuves de certains grands concours depuistrente ou quarante ans lorsqu'elles étaient inchan­gées - agrégations, École Polytechnique, Écoledes Chartes, concours général, ... - pour repérerles dimensions dans lesquelles a progressé etcelles dans lesquelles a régressé le " niveau sco­laire de l'élite scolaire ».

Au cours de leur scolarité maintenant et nonplus au cours du temps, les élèves progressent,contrairement à ce qu'on entend parfois et, à laréflexion, c'est heureux. Ainsi durant leurs pre­mières années de collège, les élèves, en moyenne,maltrisent mieux le français et les mathématiques(mais le progrès sur la maîtrise des opérations estfaible en raison, sans doute, d'un usage excessifde la calculatrice [8]). Même constat si l'on étendl'observation à tout le collège. De même, et sansqu'on s'y attarde ici puisque M. Thaurel-Richardet N. Serra le développent, les acquis en françaiscomme en mathématiques a,u cours du CE2 s'ac­croissent: sur l'ensemble de ces deux disciplineset à partir du même protocole le progrès est enmoyenne de l'ordre de 25 %, ce qui est soutenu.

A côté des comparaisons dans le temps, dansl'espace et au cours d'une scolarité, il est néces­saire d'évaluer de façon absolue. Dans quellemesure est atteint, par exemple, l'objectif - légi­time - de maîtrise de la lecture, du calcul, del'écriture ou, plus généralement, des compétencesde base? Ici. l'évaluation a souffert jusqu'à unedate récente d'un manque de nomenclatures perti­nentes et simples dans lesquelles interpréter ceque signifie savoir Ure ou non, écrire ou non,calculer ou non, etc. La DEP a donc, avec l'aidede l'Inspection générale et des Directions pédago­giques, mis sur pied des grilles de lecture quisoient des compromis entre une complexitéexcessive qu'affectionnent trop souvent lesexperts (Cl vous savez, savoir lire est très difficile àdéfinir et à mesurer ») et un schématisme lui aussiexcessif qu'affectionne tout ou partie de l'opinion(x % ne savent pas lire, (1 - x) % savent lire, l'il­lettrisme a telle ampleur, se répand, etc.). C'estl'objet de l'article de B. Ernst où l'on voit, parexemple, que 12 % des enfants entrent en sixièmesans avoir les <c compétences de base» en lecture(c'est-à-dire qu'ils ne comprennent pas bien lesmots et les phrases), soit un sur neuf, ce quiest beaucoup mais moins que ce qu'on entendparfois; ou encore que 17 % n'ont pas lesII compétences de base» en calcul (c'est-à-direqu'il n'utilisent pas parfaitement les entiers et ne

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connaissent pas parfaitement les régies sur lesdécimaux), ce qui, là encore, est trop et doit, enparticulier, conduire les enseignants à s'interrogersur leurs pratiques.

Professionnalisation des études

Il n'y a guére d'indice direct à partir duquelapprécier si l'école prépare bien, mieux ou moinsbien qu'autrefois ou qu'ailleurs, à la vie profes­sionnelle. Quelques éléments méritent d'êtresignalés, par exemple une petite baisse, en débutde collége (mais peut-être rattrapée par la suite)de la " technologie du travail ',ntellectuel" (organi­sation du travail, stratégie de travail, ...), domaineutile non seulement à l'acquisition de savoir maisaussi dans la vie professionnelle ultérieure [8];plus précisément la baisse est visible chez lesgarçons, inexistante chez les filles. Face aux qua­lités et compétences que demandent les em­ployeurs (privés et publics d'ailleurs) au futur sala­rié et qu'ils souhaitent donc que l'école, pour unepart, fasse acquérir - adaptabilité, créativité, tra­vail en équipe, compétence technique, ." -, nedisposer que de la mesure de cette baisse, c'estmaigre. Force est donc, pour évaluer la capacitéde l'école à préparer à la vie professionnelle, derecourir à des indices indirects. Trois peuvent êtretrés rapidement évoqués: la protection contre lechômage, le lien entre le diplôme et le sataire,l'impact de la formation de la main-d'oeuvre sur laproductivité de l'économie et des entreprises fran­çaises,

Le diplôme protége du chômage, chacun lesait; ce qu'on sait moins, peut-être, c'est qu'il enprotége plus qu'il y a quinze ans. En ce sens, lediplôme s'est revalorisé, et non dévalorisé. Et larécente dégradation de la situation des cadres etdes diplômés du supérieur ne doit pas faireoublier cette vérité d'évidence: la crise, le chô­mage frappent d'abord et surtout, depuis 15­20 ans, les salariés non et peu formés, non et peuqualifiés. Le diplôme est un rempart plus efficacequ'autrefois: par exemple, l'écart entre taux dechômage des diplômés du supérieur et des non­diplômés s'élargit: parmi les jeunes, il est passé,en vingt ans, de 3 points à 27 points (si l'onpréfère raisonner non sur la différence mais sur lerapport des taux de chômage, la conclusion estidentique: en 1973, les jeunes non-diplômésétaient 2,5 fois plus au chômage que les jeunesdiplômés du supérieur; aujourd'hui 3,2 fois plus).

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La formation est donc aujourd'hui, à l'aune duchômage, un investissement plus rentable qu'au­trefois, ce que les Français ont parfaitement com­pris (identifiant d'ailleurs, et de façon excessive,accroissement de formation et poursuite d'étudesinitiales). Les jeunes qui sortent sans qualificationsont beaucoup moins nombreux qu'il y a vingt ans(88 000 contre 224 000 en 1973) mais sont, enfait, beaucoup plus handicapés qu'au début desannées soixante-dix.

L'ampleur du chômage des jeunes ne sauraitétre attribuée, de façon exclusive ni sans doutemème principale, à l'état actuel du systéme édu­catif : elle résulte d'abord de la faiblesse de lacroissance, de la compétil'lvité de l'économie fran­çaise (liée, il est vrai, à la formation que lessalariés ont reçue, donc aux performance passéesdu systéme éducatif), des comportements desacteurs (employeurs, salariés en place, syndi­cats...) sur le marché du travail. Mais le systémeéducatif porte une part de responsabilité, avec lesystéme productif, en ce sens que le sas entrel'école et l'emploi ne fonctionne pas bien, pasassez bien, pas aussi bien qu'en Allemagne (aumoins ex-fédérale), et ceci en dépit de progrèsnotables depuis dix ou douze ans. D'où l'impor­tance capitale de l'alternance, sous contrat detravail comme sous statut scolaire, certes parcequ'elle reconnaît l'employeur comme lieu de for­mation (y compris l'employeur public, insuffisam­ment mis à contribution, mais où, désormais, desjeunes devra',ent pouvoir obtenir un contrat d'ap­prentissage), mais surtout parce qu'elle organisece sas. Il ne faut guère chercher ailleurs la meil­leure insertion dans l'emploi des apprentis, àdiplôme et spécialité égaux, que celle des élèvesissus des lycées professionnels [9].

Avec un autre étalon, [es salaires liés auxétudes et non plus l'évitement du chômage,['investissement éducatif était au milieu desannées quatre-vingt moins rentable qu'en 1970:certes, aujourd'hui comme hier, plus les étudesont été longues, plus, en moyenne, le salaire estélevé. Mais ce surcroît est moins important qu'il ya vingt ans: une année supplémentaire d'étudesavait un « rendement" de ['ordre de 12 % pour lagénération née en 1950, il n'est plus que del'ordre de 1a % pour la génération née en1965 [10], Ceci provient directement de la politi­que menée en faveur des bas salaires et notam­ment du SMIC, au cours des années soixante-dixet quatre-vingt. Lorsque l'éventail des salaires seresserre, la rentabilité des études, mesurée en

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termes de salaire, se réduit. Si l'on met de côtécette politique en faveur des bas salaires, l'affai­blissement de la rentabilité salariale des étudesdiminue d'un tiers.

Le troisiéme indice indirect des résultats entermes de préparation à la vie active n'est pasindividuei - risque de chômage, gain salarial ­mais collectif: les gains de productivité apparentedu travail dans l'économie française sont pourpartie dus à i'élévation de la quaiification dessalariés: depuis vingt ans la valeur ajoutée paractif occupé augmente, selon les périodes de2,1 % à 3,7 % par an et l'impact, sur ces taux, dela hausse de la qualification de la main-d'oeuvre apu étre estimé à 0,6 % par an [11J, soit entre lesixième et le quart du taux de croissance de laproductivité. De tous les facteurs ayant un effetsur la croissance de la productivité apparente dutravail, la hausse de la quaiification est, avec levolume du capital, le plus important.

Au niveau des entreprises, la reiation est d'ail­leurs visible entre leur productivité et la qualifica­tion de leur main-d'oeuvre. Il est par exemplepossible de déduire des rapports de productivitémarginale de différentes catégories de sala­riés [12]: en moyenne les ingénieurs et cadrestechniques seraient de 3 fois à 3,5 fois plus pro­ductifs, selon les entreprises, que l'ensembleouvriers et employés non qualifiés; ies cadrescommerciaux le seraient de 1,5 à 2,5 fois plus;l'ensemble des ouvriers et empioyés qualifiés ieseraient de 1,4 à 1,7 fois plus. Bien que beaucoupd'ingénieurs et surtout de cadres commerciauxsoient autodidactes, bien que beaucoup d'em­ployés et ouvriers soient qualifiés non parce qu'ilssont plus formés scolairement que ies autres,mais parce qu'ils ont acquis cette qualification entravaillant, ces écarts importants de productivitéillustrent à nouveau, de façon indirecte et par­tielle, le rôle de la formation en moyenne plusélevée chez ces salariés que chez les employésou ouvriers non qualifiés.

Culture civique

Evaluer dans quelle mesure le troisiéme objectif- former le futur citoyen - est atteint est, enl'état actuel des instruments, quasiment impossi­ble. Il y a là un champ de recherches et d'étudesà explorer, puis à transformer en protocolesd'évaluation opérationnels. Tout au pius peut-onsouligner

- qu'au début du collège la « culture civique .,des jeunes paraît encore faible [8] ;

- et qu'en matière de connaissances civiquesou institutionnelles stricto sensu, les jeunes ensavent moins que leurs aînés [13], même s'ilssemblent mieux maîtriser le vocabulaire politiqueque les jeunes d'il y a 15-20 ans [141.

Ces divers éléments, très lacunaires, ne suffi­sent manifestement pas à apprécier la culture, lesconnaissances et les comportements civiques desjeunes, et encore moins la contribution particulièreéventuelle de l'école à cette maîtrise.

Réduction des inégalités scolaires

L'exigence d'égalité des chances court à traverstoute l'histoire de l'Ecole française, transversaleaux trois grands objectifs auxquels les résultatsprécédents ont été rapportés. (Ceci ne se voitd'ailleurs pas avec la même force dans d'autressystêmes éducatifs, notamment anglo-saxons).D'où .Ia nécessité de compléter l'évaluation desrésultats du système éducatif par un bref aperçusur l'évoiution des inégalités devant l'Ecole. Laprincipale conclusion ne fait pas de doute: ellesse sont réduites. Le mouvement peut se voir àtravers les différentes dimensions dans lesquellesdes mesures sont disponibles.

D'abord les inégalités géographiques [4]. Au­jourd'hui, par exemple, le niveau générai desconscrits des diverses régions de France estmoins différent qu'il y a dix ans. Assez souvent,cette réduction des inégalités géographiques derésultats s'est accompagnée d'une réduction desécarts entre moyens consacrés à l'éducation(c'est en particulier sensible entre les départe­ments d'outre-mer et les académies de métro­pole). Parfois, cependant, les écarts de moyens sesont creusés, précisément pour obtenir une réduc­tion des inégalités de résultats. La décennie qua­tre-vingt est en effet celle où équité et égalité ou,pour mieux dire, égalité de moyens et égalité derésultats ont cessé de s'identifier. Les «zonesd'éducation prioritaire» (ZEP), par exemple, ontreçu davantage de moyens pour compenser ie faitd'être dans un environnement défavorable à laréussite scolaire. De même, récemment, les rec­teurs des régions où la structure sociale ne favo­rise pas les chances de réussite scolaire et où, defait, cette dernière est un peu faible ont reçudavantage de moyens [15J.

L'évaluation du système éducatif français 11

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Au niveau individuel maintenant, les écarts deconnaissances ou d'acquis entre élèves sontaujourd'hui beaucoup plus faibles qu'il y a quel­ques années ou décennies. Ceci est sensible, ànouveau" parmi Jes conscrits. Mais ceci se voitégalement sur des connaissances purement sco­laires. Il suffit de rappeler, par exemple, que sur ladictée de Fénelon les adolescents se "ressem­blent " plus aujourd'hui que vers 1875 : il y a, à lafois, moins de jeunes qui font trés peu de fauteset moins de jeunes qui font énormément de fautes[6, 16J. Le caractère "homogénéisateur" del'École sur longue période se voit ici nettement.

Enfin, il est intéressant d'apprécier l'évolutiondes inégalités sociales devant l'École. À nouveau,c'est toujours à la même double conclusion quel'on est conduif. D'abord, elles se sont réduites aucours des dernières années; ensuite, elles n'ontpas disparu et, tout en s'étant parfois dêplacées,sont encore visibles.

La réduction des inégalités sociales devantl'Ecole se voit de multiples manières (pour uneanalyse d'ensemble, voir [17]). Ainsi, l'acc~s aubaccalauréat est-il beaucoup moins concentré surles enfants issus du haut de la structure sociale.Au début des années soixante, les enfants d'ou­vriers qui étaient entrés en sixième (à une époqueoù ce n'était pas la règle puisqu'environ un tiersdes enfants y entraient) étaient 12 % à obtenir lebaccalauréat; les enfants de cadres et d'ensei­gnants 55 %. Vingt ans aprés, ce sont le quartdes enfants d'ouvriers et les trois quarts desenfants de cadres et d'enseignants qui y parve­naient. La réduction de l'écart est donc sensible- quelle que soit la façon dont, à partir de cesproportions, on le mesure. Et encore l'apprécie-t­on avant les effets du lycée de masse: aujour­d'hui, les enfants d'ouvriers ont beaucoup plus dechances d'obtenir le bac qu'il y a seulement dixans. La rèduction des inégalitès s'est alors pour­suivie, comme on peut le voir, par exemple, sur leseul bac C cette fois-ci: aujourd'hui, les enfantsde cadres et d'enseignants ont environ huit foisplus de chances d'obtenir le bac C que lesenfants d'ouvriers (ce qui est élevé), mais il y aune dizaine d'années ils en avaient de l'ordre dequinze fois plus [18). L'analyse est analogue,s'agissant de l'accès à l'Université: compte tenude leur importance respective dans la sociétéfrançaise, les enfants d'ouvriers ont six fois moinsde chances d'accéder à l'Université que lesenfants de cadres et d'enseignants. Mais il y atrente ans, ils en avaient quarante fois moins [191.

L'éducation de masse se traduit par définitionpar un fort développemenf de l'accès à desfilières et des niveaux d'éducation de jeunes issusde milieux qui autrefois n'y avaient pas ou guèreaccès. Au-delà de cet effet, en quelque sortemécanique parce que sans être négligeable il estl'expression même de la démocratisation desétudes, peut-on déceler des inflexions plus mar­quées? Posée autrement, 'a question est la sui­vante: la réduction des inégalités, indiscutable,n'est-elle que la conséquence de l'enseignementde masse, ou va-t-elle au-delà? Question difficile,car la réponse dépend en partie des instrumentsde meSure. Mais il semble bien qu'il faille conclurepar la première branche de "alternative. C'estd'abord parce que l'enseignement s'esf démocra­tisé que l'accès à des diplômes autrefois à peuprès inconnus dans les classes populaires estdevenu, sinon la règle, du moins fréquent; etc'est à travers ce mouvement et grâce à lui queles inégalités sociales devant l'École, qui restentfortes, se sont réduites, ce n'est pas en l'ampli­fiant [20].

L'École favorise la mobilité sociale ascendante,et c'est d'ailleurs une des fonctions qui lui estassignée: au-delà de la stricte réduction des iné­galités scolaires, il importe, en effet, qu'elle parti­cipe au renouvellement des élites. La mobilitésociale dans notre société s'est accrue par rap­port à ce qu'elle était avant-guerre. Ceci est pourune large part dû au développement économiqueet social lui-même. La réflexion est ici la mêmeque pour la réduction des inégalités scolaires: lamajeure partie des évolutîons est "structurelle»en ce sens qu'elle dérive de la croissance et desévolutions de notre société, bien que de généra­tion en génération la circulation dans la structuresociale se soit accrue un peu au-delà de cequ'exigeait le développement économique etsocial. Dans cet accroissement de la mobilitésociale, l'École joue bien entendu un rôle essen­tiel, même si, avec le même diplôme, on n'occupepas ia même position sociale selon le milieu donton vient [21J.

L'évolution du (~rendement» du systèmeéducatif

Résumons les lignes précédentes en poussant àson terme le souci de fournir des ordres de gran­deur à partir desquels des approfondissementssont possibles (et nécessaires) : face à l'évolution

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Tableau 1. - Eléments pour une appréciation de "évolution du «rendement Il de l'Ecole

60.8 sur 110 (1971) 73,9 sur 110 (1992)

Indices de coût du système éducatif• Coût moyen par élève (francs de 1992) .• Coût moyen par habitant (francs de 1992) .• Coût d'un bachelier (francs de 1992) .

Indices de résultats du système éducatif

• Acquis des élèvesA1 : Niveau général des conscrits. . . . . . . . .. ., .A2: Proportion d'une génération atteignant au moins le niveau

du CAP ou du BEP .A3: Proportion d'une génération ayant le bac .(Moyenne simple des trois taux d'évolution A1, A2, A3) .

• Effets de fa professionnalisation des étudesP1 : Différence Ou rapport entre le taux d'emploi des jeunes (J)

et le taux d'emploi général m .

Début de période(milieu des années

soixante-dix)

19494 (1974)5576 (1976)

275 000 environ(1974)

71 % (1974)23,7 % (1974)

1974: 93,6 % (J)~ 97.2 % (T)

= - 3,6 points(ou rapport: 0,963)

Fin de période(début des annéesquatre-vingt-dix)

28 100 (1992)8050 (1992)

392 000 (1992)

93,6 % (1992)51,2 % (1992)

1991: 81,7 % (J)- 90,6 % (T)

= - 8,9 points(ou rapport: 0,902)

Taux de croissanceannuel moyen ouvariation annuelle

moyenne

2,1 %2,1 %2,0 %

0,9 %

1,3 point (ou 1,5 %)

1,5 point (ou 4,4 %)

(2,2 %)

- 0,3 point (T)(ou - 0,4 %)

P2: Différence ou rapport entre le taux d'emploi des jeunesdiplômés (0) et celui des jeunes non diplômés (ND) ..... 1974: 95,7 % (0)

- 93,3 % (ND)= + 2,4 points

(ou rapport: 1,026)P3: Taux de croissance annuel moyen de la valeur ajoutée (ou

de la productivité du travail) dû à l'augmentation de laqualification des actifs .

P4: Baisse annuelle (de 1970 à 1985) du bonus de salairerésultant d'une année d'étude en plus .

(Moyenne simple des quatre taux d'évolution P1 à P4) ....

• Formation du futur citoyenC1 : Proportion de jeunes maîtrisant bien le vocabulaire

politique 33 % (1975)

SynthèsesMoyenne simple des huit taux d'évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . -Moyenne simple des trois taux les plus significatifs (A1, P2, P3) -

1991 : 85,0 % (D)-71.6 % (ND)

= + 13,4 points(ou rapport: 1,187)

53 % (1989)

+ 0,7 point(ou 0,9 %)

+ 0,6 %

- 0,1 point(ou - 1 %)

(0,0 %)

1,4 point (ou 3,4 %)

1,3 %0,8 %

Lecture: Sur le moyen-long terme (de 1974 à 1992), le coOt moyen par élève a crû, en francs constants, de 2,1 % par an. Ceci veut dire qu'il double enun tiers de siècle.

du coût du système éducatif, mettons dans letableau 1 (tiré de [13]) des éiéments sur les résui­tats, mesurés à l'aune des trois objectifs assignésprécédemment à notre système éducatif.

L'évolution du coût est, mesurée de diversesfaçons, de l'ordre de 2 % par an depuis vingt ans.

Quel est l'ordre de grandeur de l'évolution desrésultats?

Selon le premier objectif de l'Ecole, le niveaugénéral des conscrits a crû de 0,9 % par an enmoyenne depuis vingt ans. Ceci est une mesureminimale, car les connaissances des filles, non

L'évaluation du système éducatif français 13

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comptées dans cet indicateur, ont crû plus vite. Sil'on tient compte de deux taux d'accès importants(accès à un niveau minimum de ,qual;ficati~n,accès d'une génération au baccalaureat), la crOIs­sance des connaissances apparaît plus forte (res­pectivement 1,5 % et 4,4 % par an). Mais cetteintroduction est discutable pUisque condUIre lesélèves à un niveau peut ne pas être considéréexactement comme un objectif et qu'il n'est passûr que les bacheliers d'aujourd'hui aient le mêmestock de connaissances que ceux d'hier (notonscependant que les éléments tirés des tests duministère de la Défense vont dans ce sens PUIS­que le niveau général des conscrits ayant le bac,sans avoir de diplôme du supérieur, est quasimentconstant sur dix ans et que celui des bacheliersqui ont fait des études supérieures est plus élevé).Au total, s'agissant de la transmission desconnaissances, la croissance est visible à traversles quelques indices dont on dispose et elle estpeut-être comprise entre 0,9 % et 2,2 % par an :significative, mais sans doute inférieure à celle ducoût par tète.

Selon le deuxième objectif, l'évolution de longuepériode peut également être approchée par quei­ques indices. La baisse du taux d'emploi depuis1974 a été plus forte parmi les jeunes que dansl'ensemble de la population: ceci illustre bien ladégradation relative de leur position et. est pourune part imputable a des défauts du systèmeéducatif. À l'opposé, la baisse de ce même indi­cateur a été plus sensible pour les non-diplômésque pour les diplômés, ce qui est a mettre aucrédit de l'École. De même, l'accroissement de laqualification de la main-d'oeuvre est responsabled'une croissance du PIS (ou du PIS par actifoccupé) de 0,6 % par an. En revanche, la rentabi­lité individuelle des études, mesurée en termes desalaire, a légèrement diminué (- 1 % par an). Autotal, la contribution de l'Ecole, au. titre de laprofessionnalisation des études, peut donc êtreapprochée diversement; à retenir une moyennedes indicateurs proposés ici, le progrès serait trèsfaible certainement inférieur à la croissance desresso~rces que le pays a consacrées a l'École.

Enfin sur la formation du citoyen, les indicessont encore plus maigres. Les jeunes paraissentconnaître beaucoup mieux qu'autrefois le vocabu­laire politique et civique, mais d'abord ce n'estpas exclusivement imputable au système éducatif,ensuite cela ne garantit pas nécessairement que lefutur citoyen soit mieux formé (même si vont aussi

éventuellement dans ce sens la reconnaissance etl'usage de droits lycéens).

Au total, en se fondant sur les huit indicesretenus (et s'ils ont été retenus plutôt que d'au­tres, notamment s'agissant du marché du travail,c'est parce qu'ils ont paru plus significatifs), leprogrès des résultats de l'École pourrait êtreestimé a 1,3 % par an depuis quinze ans. En selimitant aux trois indices les plus ,( sérieux» carapprochant au moins mal et l'idée d'objectif et lacontribution de l'École, le progrès est estimé a0,8 % l'an. Ceci fournit peut-ètre une fourchette apartir de laquelle on conclut que les résultats del'École auraient moins progressé que les res­sources mises par le pays à sa disposition. Ainsi,non seulement le rythme de progrès des résultatsn'aurait pas été a la hauteur de l'accroissementdes attentes en direction de l'Ecole, mais il n'au­rait pas été non plus suffisant pour empêcher unedégradation du « rendement" du système (au sensde relation entre résultats et coûts).

Conclusion qui doit faire réfléchir, même s'iln'est pas nécessaire de souligner sa fragilité.Citons en effet quelques raisons de cette fragilité:incertitude des mesures, illégitimité partielle de ladémarche (mais elle n'est rien d'autre, commetoute évaluation, qu'une approximation), absencede prise en compte des progrès dans la réductiondes inégalités devant l'École (ce qui rehausseraitquelque peu le bilan). Une dernière réflexion peutêtre faite, identique a celle qui a été formulée apropos de l'efficience: n'est-il pas, au fond, nor­mal qu'a se développer, le système éducatif entredans des zones de rendement décroissant,l'obtention de résultats étant plus difficile (pour uncoût donné) au lycée qu'a l'école élémentaire?

Même s'il n'est peut-être pas a la hauteur de laprogression des efforts consentis, le bilan del'École est positif: ses résultats s'améliorent, elleremplit mieux, ou moins mal, les objectifs qui luiont été assignés. Mais cela ne doit pas aveugler:en dépit de sa relative réussite, notre systèmeéducatif est confronté a quelques questions trèsdifficiles, en particulier a l'existence de plusieursdizaines de milliers de jeunes démunis, à l'issuede leur scolarité, de formation, de qualification, et,peut-être au-dela, de capacité d'insertion écono­mique et sociale. Deux fois et demie moins nom­breux qu'autrefois, leur situation est pourtant plusdifficile en raison des exigences accrues de lacompétitivité des économies et des sociétés.Incontestablement, l'attention à l'échec scolaire

14 Revue Française de Pédagogie, nQ 107, avril-mai-juin 1994

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doit être prioritaire, encore plus prioritaire qu'aucours des dernières années.

La valeur ajoutée par l'École

Dès qu'on quitte le système global pour essayerd'évaluer des unités d'enseignement on ne sauraitse contenter de résultats. Il faut, au moins, lesrapporter de façon explicite à l'environnement.

Une bonne façon de faire consiste à définir et àmesurer le concept de valeur ajoutée par l'unitéd'enseignement. Par exemple, un collège reçoit en6e des élèves vivant dans certaines conditions(environnement social), ayant eu déjà une carrièrescolaire (certains sont en avance, d'autre accu­sent déjà des retards importants) et disposantd'un bagage scolaire et intellectuel (tel que, parexemple, la DEP le mesure lors de l'èvaluation demasse à l'entrée en 6', du moins pour le françaiset les mathématiques). Ce qu'il importe d'évaluer,c'est la valeur que le collège va ajouter à cesenfants. Valeur qui, bien entendu, doit être rap­portée aux objectifs généraux du système éducatifet au projet dont ce collège s'est doté.

Il est assez difficile et malcommode, mêmeaprès avoir développè ce concept de valeur ajou­tée - ce que je ne fais pas ici -, de le mesureren suivant des cohortes d'élèves. D'abord parceque, comme toute mesure longitudinale, cettemesure serait en retard sur l'événement puisqu'ilfaut attendre que toute la cohorte ait parcouru lecollège, ou le lycée, ou le lycée professionnel. Orun retard de quelques années est excessif quandon sait la vitesse avec laquelle un établissementpeut se modifier (ne serait-ce qu'après un change­ment de principal ou de proviseur). Ensuite lesmouvements d'élèves entre établissements sontnombreux, beaucoup plus qu'on ne croit d'ordi­naire ; or ils réduisent la pertinence du suivi de lacohorte, car à quel établissement affecter lavaleur acquise par un collégien qui a fait deux outrois collèges?

D'où l'intérêt d'user d'une autre moyen que lesuivi de cohorte pour évaluer la valeur ajoutée parun établissement. À la fin de la scolaritè dèlivrèepar l'établissement, on mesure le niveau desélèves par une procédure quelconque (évaluationspécifique ou réussite à un examen). Les élèvesde cet établissement ont, rappelons-le, un certainprofil: par exemple ils sont plutôt de telle originesociale, plutôt en avance, à l'heure, ou en retard(d'autres caractéristiques peuvent étre retenues,

mais ce sont les deux plus importantes). On cal­cule alors ce que devrait être le niveau moyenfinal des élèves si, dans cet établissement, lesélèves de chaque profil rèussissa',ent comme lamoyenne des élèves de ce profil en France. Oncompare alors le niveau moyen effectif avec cen',veau théorique. Si la diffèrence est positive, lesélèves de cet établissement réussissent enmoyenne mieux que ce que leur profil suppose etl'ètablissement peut être créditè d'une bonnevaleur ajoutée; au contraire, si le niveau moyenobservè est infèrieur au niveau thèorique, l'établis­sement n'ajoute pas une valeur aussi grandequ'ailleurs, puisque ses élèves réussissent moinsbien que ceux qui, ayant les mêmes caractèristi­ques, apprennent ailleurs. Un lycée peut avoir debons résultats et une mauvaise valeur ajoutée:cas typique d'un lycèe dont l'environnement socialet culturel est trés favorable à la réussite scolaireet où les résultats ne sont pas, compte tenu decet environnement, exceptionnels. À l'inverse, untaux de réussite au bac médiocre peut, en fait,recouvrir une forte valeur ajoutée.

À l'heure actuelle, une telle approche de la va­leur ajoutée, lycée par lycée, n'est pas disponible(elle devrait l'être au printemps 1994) (2). Mais ellea été retenue pour des unités plus vastes, enparticulier les académies (graphique l, tiré de [4]).JI est alors particulièrement intéressant de repérerdes académies où les acquis sont plus faibles quece qu'ils devraient être compte tenu de leur struc­ture sociale (cas typiques: académies de Paris etde Versailles) et d'autres où c'est le contraire quiprévaut (académies de Bordeaux, Limoges, Cler­mont-Ferrand, Rennes, Nantes, Besançon). Natu­rellement cette mesure de la valeur ajoutée d'uneacadémie peut être faite il différents momentsimportants du systéme scolaire: aux débuts d'unecarrière scolaÎre mais aussi lorsqu'elle est bienavancée, par exemple sur le taux d'accès auniveau du baccalauréat. À nouveau, la proportiond'une génération qui, aujourd'hui, accède à ceniveau n'est pas nécessairement conforme, dansune académie donnée, à ce que sa structuresociale laisserait attendre: l'accés au bac est plusimportant qu'attendu (c'est-à-dire que la valeurajoutée, mesurée ainsi, est grande) en particulieren Bretagne, dans le Limousin, en Lorraine; il esten revanche plus faible qu'attendu (la valeur ajou­tée est donc, mesurée ainsi, faible voire négafive)en Alsace, en Languedoc-Roussillon, en Aquitaine(graphique Il, tiré [4]). Ainsi l'Alsace est l'exempletype d'une région où l'enseignement technique et

L'évaluation du système éducatif français 15

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Graphique 1. Scores moyens observé et attendu en français et mathématiques confondus, à l'entrée au CE2et à l'entrée en 66 par académie

Effets de la structure socialeCornparaison des scores acadérniques observés, et attendus, compte tenu de la structure sociale

CE2 (mathématiques + français - 1992)

140

- .......1-- Score observé

1IIlllllllll!llll Score attendu

110 '- ..-1115

125

120

135 moyenne~ métropolitaine

130

120

110

125

115

130

140

135

Note de lecture;· il',l' acadtmil's du grou{Jt' dt' gaucht' du graphique, d'III,\ Mm,I'<,i/iI' à V,'LIII/lln, Ihlli.'I'lIt dl'.I' f1<'1fOrmaNct'.I' globales .l'igrujicativemelll

plusjaibil'.l· qlle la mOYI'IIII1' m!tropolitailll';,il'.l' acad~mil'.I·du groupl' dll ('/'/Ilrl' du graphique, d" f)ljoll il SlroshOl/I'.li. rëa/i,\"'1/1 de.\' {J{'/!OI"llWIICI'S R/o/)a/f'.I' !quivalnlfl'S à la moyenlle

métropolitaini' ;· It's a('(u/fmies du !:roupl' dl' droill' du !:ra(Jhiqlll', dl' 81'.1"0111'011 à Tu/ilol/I"'. rhilisl'lIl dl'.I· pl'ljonnfllll"i',I' lSioha!e.l' .jjgnificativement plus

forrl~.r qut' la mO)'('/1fI1' mrrropolitaù//'.

Gème (mathématiques + français -1992)

155 155

115 L-- ..-I

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· h.l' (/cadémil's du group!' dll cellt!'1' du graplliqlll', dl' ({/l'II li S/J'fl.l'htJIlI"lj f rmétropolitailll' " . ' r « {,l'Nil dl'.I" F"rjortf/afll'I',\" globall's Iquil'all'lItl's d la moynme

, les acadhnii's du gr(lupe dl' droite du grajJ/liqul', dU' j. 1{ l' l'sllIl\,on Il <III (JIHI', ,faJùnJ! til'.l' !11'r{onnalll'I',l" "1-;('''10.." . ;/' '){lrte,~ quI' la mOYNlrIl' mhropo!ilrll'Ill'. J' " ' ". <, .1'IKflf)t("(11I1I1'1Il1'f11 plils

16 Revue Française de Pédagogie, nO 107, avril-mai-juin 1994

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Graphique II. - Taux d'accès * observé et attendu au baccalauréat par académie

Évolution du taux d'accès au baccalauréat de 1975 à 1992

70 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

60 -----

50

40

30

20

10

0

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C'est-à-dire proportion d'une génération y accédant.

Taux en 1992

Ledure : Si les jeunes de l'académie deStras!JOllrg parl'enaient au baccalauréaldans les proportions relevées nalionale­,m'nI tlan,r les tlijJhentl!'S cnlégories so­ciales, le taux d'accè,\' régional serail de59,6 % contre 60,6 %, moyenne de lamétropole: cet écart mesure le « désavan­taxe" lié li la structure sociale académi­que, Le taux réellement observé liS/rashourx en /992 se situe en dessou,ç de('('/le wileur «aItendue», puisqu'il s'éta­blit à 54 %.

Ce graphique figure. avec un commen­taire spécifique. drillS rf'lal de ['t('olepublié en. octohre 1993.

',,::::~:~~~~::,~ :,:;:lq Taux d'accès "attendu"

compte tenu de la structuresociale de l'académie

• Taux d'accès réeJl$mentobservé

L'evaluation du système éducatif français 17

Page 14: L'évaluation du système éducatif françaisife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/revue...L'évaluation du système éducatif français Claude Thélot L'évaluation est

professionnel court a une forte légitimité (y com­pris par l'apprentisSage) de sorte qu'assez peu ­moins que ce qu'on attend - de Jeunes ~arVlen­

nent au niveau du bac, même si ceux qUi Y par­viennent « sélectionnés» par conséquent, sonttrés so~vent reçus: chaque année, le tau,x desuccès au bac des jeunes Alsaciens est eleve,voire le plus élevé, mais ceci s'accompagne d'untaux d'accès faible.

Comparer la valeur ajoutée" au début" (CE2 ou6e) et " à la fin" du second degré (accès au bac)est alors particulièrement instructif, Il Y a desacadémies - Nord - Pas-de-Calais, par exemple ­où les acquis des jeunes élèves sont inférieurs àce que leur structure sociale laisserait attendre,mais où l'accès au bac est plus élevé, On peutvoir là, sans doute, le signe d'une confianceaccordée à l'école (du côté de la demandesociale) - confiance redoublée, peut-être, de l'ef­fet pervers des difficultés économiques de larégion - et d'une politique éducative volontariste(du côté de l'offre), L'académie de Bordeaux pré­sente le profil inverse: la plus grande réussitequ'attendu aux évaluations s'accompagne ici d'unfaible accès au baccalauréat compte tenu de sastructure sociale. À nouveau, c'est soit lademande sociale, soit la politique éducative, soitles deux qu'il faut interroger devant ce décalage,En particulier, l'Aquitaine, comme la plupart desrégions du sud du pays (académies de Montpellieret Nice notamment) n'a pas su ou voulu ou puprendre le virage des baccalauréats technologi­ques et professionnels, de sorte que ces régions,souvent bien placées il y a quinze-vingt ans, sontaujourd'hui à la traîne dans le classement selon letaux d'accès au bac,

L'ÉVALUATION COMME OUTIL D'AMÉLIORATIONDES PRATIQUES

L'amorce de réflexion contenue dans les lignesprécédentes illustre bien une fonction fondamen­tale de l'évaluation telle qu'elle est pratiquéeactuellement dans le système éducatif: non seu­lement donner à notre société les éléments objec­tifs d'un débat sur l'École, qui devrait ainsi deve­nir plus rationnel et plus fécond, mais aussi servird'aliment à la réflexion des acteurs sur leurs pro­pres actions et pratiques dans le système, Lesrecteurs, les inspecteurs d'académies, les mem­bres des corps d'inspection, les chefs d'établisse-

18 Revue Française de Pédagogie, n" 107, avril-mai-juin 1994

ment et, finalement et surtout, les enseignantsdoivent et peuvent s'interroger: pourquoi lesacquis des élèves ne sont-ils pas, dans mon aca­démie, mon établissement, ma classe, ce qu'ils« devraient », ce qu'ils sont ailleurs (même entenant compte de l'environnement, d'où l'intérêtde raisonner en termes de valeur ajoutée)?Quelles sont les voies par lesquelles des progrèsseraient envisageables? Quelles sont les modifi­cations qu'il serait utile que j'apporte à mes prati­ques? C'est en ce sens que, comme je l'écrivaisau début de cet article, l'évaluation contribue à larégulation du système éducatif: favorisant la prisede conscience des résultats des actions de cha­cun, mettant une certaine distance entre l'activitéquotidienne et l'atteinte des objectifs, elle devientun outil, un levier sur quoi le changement peutprendre appui: non seulement les instructions,circulaires ou même les grandes décisions politi­ques, qu'elles émanent du Ministre et de sonCabinet, des directions d'administration centrale,des recteurs, des inspecteurs d'académie; maissurtout, plus profondément, les changements dansla vie quotidienne, dans les établissements, dansles classes, spontanés, sans instruction, reflet dela diffusion d'une culture de l'évaluation surlaquelle je reviendrai.

C'est ici que les évaluations diagnostiques demasse, qui constituent une des grandes origina­lités et nouveautés du systême éducatif françaisau cours de ces dernières années, prennent touteleur valeur.

Ce n'est pas, bien entendu, pour mesurer defaçon globale les acquis des élèves que nousconduisons les évaluations de masse de CE2, de6', de seconde (générale et professionnelle) : desmesures sur échantillons d'élèves suffiraient. Sices évafuations sont exhaustives, c'est-à-direconcernent tous les élèves c'est d'abord pouraider les enseignants à repérer les acquis et leslacunes de chacun, et, à partir de là, à adapterleurs pratiques pédagogiques en les individuali­sant au maximum, Être un outil de repérage etdonc une source d'amélioration en aidant à faireface à l'hétérogénéité, croissante, des élèves, telleest l'ambition première des évaluations de masse,Ambition seconde, aider les familles (pour lesjeunes élêves) ou les élêves eux-mêmes dans lecadre de leur projet personnel (pour les lycéens) àfaire le point sur ces acquis et lacunes, et enrichirle dialogue entre êlèves et familles d'une part,enseignants d'autre part.

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En ce sens, ces opérations tirent leur légitimitéde Jeur aval, de ce qu'elles permettent de faire:aident-elles à remédier aux difticultés des élèves,favorisent-elles, en seconde, la définition desmodules - c'est-à-dire des enseignements et desélèves à qui donner Ces enseignements -, c'est àc~tte aune que, finalement, elles doivent être ju­gees.

Il n'est sans doute pas nécessaire de décrire endétail ces opérations qui existent chaque annéedepuis 1989 (en CE2 et en 6e) ou depuis 1992(seconde générale, seconde professionnelle) (pourun telle description, cf. [13]). Je vais me borner àen souligner quelques traits majeurs.

Un premier aspect marque bien le côté « outil»ou « levier» des évaluations de masse: elles sontdirectement articulées à la politique éducative,puisqu'elles ont été décidées lors de rénovationset qu'elles se situent en début de cycle. C'estdans le cadre de la nouvelle pontique de l'êcole,pour accompagner la mise en place des cycles,que l'évaluation CE2/6e est décidée en 1989. Deméme, l'évaluation de seconde générale et profes­sionnelle est un des volets importants de la réno­vation pédagogique des lycées, entrée en vigueuren seconde à la rentrée 1992. L'évaluation deseconde est d'ailleurs directement liée auxmodules [22], puisque son objectif essentiel etexplicite est d'aider les enseignants à bâtir ceuxdu premier trimestre de l'année scolaire. Elle estd'ailleurs, pour ce motif, concentrée sur les disci­plines modulaires: français, mathématiques, pre­miére langue vivante (anglais, allemand et, grâce âdes initiatives académiques, espagnol, portugais,arabe), histoire-géographie en seconde générale;sciences et techniques industrielles, et économieet gestion en seconde professionnelle, auxquelleson a ajouté le français et les mathématiques. Laqualité de l'articulation entre évaluation etmodules est un des étalons auxquels il convientd'évaluer... l'évaluation. De cette optique résolu­ment instrumentale découle le fait de conduire lesévaluations de masse en début d'année, le plusprés possible du début: toute confusion avec unexamen est alors exclue, ou devrait l'être, dansl'esprit de chacun enseignants, élèves,parents, ... - et la double conception de cetteévaluation, diagnostique et formative, se dégageavec clarté.

Le protocoie sur lequel repose l'évaluation ­c'est une deuxième considération - doit être irré­prochable et pertinent.

Irréprochable parce que c'est une condition mi­nimale et nécessaire pour convaincre les ensei­gnants de l'intérêt et de l'utilité de l'opération et,au-delà, pour qu'ils s'en inspirent, en cours d'an­née, dans leurs pratiques: reprendre tout ou par­tie des exercices du protocole, en bâtir d'autresplus ou moins dérivés, etc., puisqu'on sait que ceréglage de l'enseignement par l'évaiuation est undes facteurs de son efficacité.

Pertinent, c'est-à-dire articulé aux objectifs ducycle au début duquel l'évaluation prend place:cycle des approfondissements (pour celle de CE2),cycle d'observation (pour celle de 6e), cycle dedétermination (pour celle de seconde générale etprofessionnelle). Loin d'être d'abord un bilan desconnaissances acquises grâce aux années anté­rieures, l'évaluation diagnostique, qui se veutouverte sur l'avenir, est structurée par les objec­tifs du cycle qui s'ouvre. Le même état d'espritconduit à privilégier, notamment en seconde, lescompétences aux connaissances. JI s'agit bien, àtravers les disciplines modulaires et dans la pers­pective des remédes qui devront être apportésdans le cadre des modules, de mettre en évidencelacunes et acquis en « technologie du travail intel­lectuel ». La construction du protocole se déroulealors ainsi: sélection, à partir des référentiels ducycle - c'est particulièrement vrai de la secondegénérale et professionnelle -, des capacitésgénérales que l'on cherche à évaluer, spécificationde ces capacités générales en compétences plusprécise~, déclinaison de ces dernières en compo­santes evaluables. On trouvera deux exemples dece triptyque dans les tableaux 2 et 3 : il s'agit descapacités, compétences et composantes retenuespour l'évaluation de la rentrée 1994 en français enseconde générale, et en mathématiques enseconde professionnelle. En mathématiques, lechamp d'application - tableaux et graphiques,tr~vaux numériques et algébriques, travaux géo­metnques - est en plus précisé. Dans les deuxcas, l'accent mis sur les capacités et compé­tences transversales plutôt que sur les connais­sances stricto sensu (s'informer, structurer, com­prendre un texte argumentatif, ...) est clair. À par­tir de tels tableaux d'objectifs ainsi structurés entrois volets, on crée la dernière étape du proto­cole, c'est-à-dire les exercices eux-mêmes arti­culés aux composantes évaluables.

Ce processus d'élaboration, capacités-compé­tences-composantes-exercices, s'effectue, sous laresponsabilité de la DEP, par des groupes de

L'évaluation du système éducatif français 19

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Tableau 2. - Tableau des capacités et des compétences évaluées en septembre 1994 en françaisEnseignement général

Ministère de ! EducatIon natIonale Direction de 1Evaluation et de la Prospective (DEP).

Composantes évaluéesNuméro de

. Capacités Compétences l'item

Mettre la ponctuation 37Savoir présenter matériellement

Marquer les paragraphes 38Produire untexte lisible Recourir à des constructions correctes 39

Respecter le code linguistiqueEmployer un vocabulaire approprié 40

Faire une entrée en matière 41Introduire et conclure

Achever explicitement le texte 42Réaliser Produire unun message texte cohérent Eviter les digressions 43écrit

Assurer la logique du discoursEnchaîner les propos 44

Prendre en compte le libellé 45Respecter les consignes

Répondre à la question posée 46Produire un

texte pertinent Produire des arguments pertinents 47Argumenter

Fournir des exemples adaptés 48

Identifier des traits morphologiques et syntaxiques 19Identifier le sens de mots appartenant au vocabulaire courant ou abstrait 20

Observer Identifier des marques de désignation des personnages 21Identifier des marques de temps et/ou de lieu 22

Identifier des procédés de style 23

Etablir un relevé ordonné de traits morphologiques et syntaxiques 24

Mettre en Etablir un relevé ordonné d'ensembles lexicaux 25Comprendre Etablir un système des personnages 26/26 bis

un texte relationEtablir un relevé ordonné des marques de temps et/ou de lieu 27/27 bis

narratif Etablir un relevé ordonné des procédés de style 28

Interpréter les spécificités morphologiques et syntaxiques 29Interpréter des ensembles lexicaux 30

Construire Interpréter le système des personnages 31/31 bisun sens Interpréter l'organisation temporelle et/ou spatiale 32/32 bis

Jnterpréter des procédés de style 33Proposer une interprétation d'ensemble 34-35

Identifier des traits morphologiques et syntaxiques 1Identifier le sens de mots appartenant au vocabulaire courant ou abstrait 2

Observer Prendre en compte l'organisation matérielle 3Identifier le thème du texte 4

Identifier des connexions logiques 5Identifier des procédés de style 6~

ComprendreDégager des traits morphologiques et syntaxiques significatifs 7

Dégager des ensembles lexicaux significatifs 8un texte Mettre en Dégager des éléments du problème posé 9-10argumentatif relation Dégager des arguments 11Dégager l'agencement des connexions logiques 12

Dégager la valeur argumentaire des procédés de style 13

ConstruireExpliciter le système d'énonciation 14Expliciter le schéma argumentatif 15un sens Expliciter la thèse 16-17

Prendre position sur la thèse 18-

20 Revue Française de Pédagogie, n° 107, avril-mai-juin 1994

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Tableau 3. - Tableau des capacités, compétences et supports évalués en septembre 1994 en mathématiquesEnseignement professionnel

Compétences Tableaux Travaux TravauxCapacités mises en Composantes évaluées et numériques géomé·et

œuvre graphiques algébriques triques

• Rechercher - Recenser des informationsl'information - Consulter une source de documentation

- Repérer une figure, un modèle, une fonction- Désigner des éléments (vocabulaire de base)- Traduire des symboles, des consignes, des observations- Différencier abscisse et ordonnée sur un graphique

S'INfORMER - Différencier les données du problème de la question posée(analyser)

• Organiser - Classer des éléments en fonction de critères donnésl'information - Sélectionner et restituer les connaissances adaptées au sujet

- Comparer une situation à des modèles connus- Utiliser des symboles et des signes- Remplacer une lettre par un nombre- Annoter une figure à l'aide de signes et de symboles

• Choisir - Décider de la méthode ou de l'outil adaptés à une résolution(observables à travers les productions fournies)

- Identifier une figure géométrique (définition ou propriété caractéris-tique)

• Traiter - Mettre en œuvre une méthode, une formule, une technique- Transformer une formule

RÉALISER - Calculer la valeur numérique d'une expression littérale- Résoudre une équation- Construire un graphique

• Exécuter - Compléter un tableau, un graphique- Exécuter un calcul, une mesure, une constructrîon géométrique, un

graphique- Exploiter un graphique: lecture de coordonnées

• Contrôler - Contrôler la vraisemblance d'un résultat- Contrôler un ordre de grandeur- Vérifier l'exactitude d'un résultat- Constater la conformité à un modèle

APPRÉCIER • Valider - Justifier un résultat à partir d'éléments donnés- Rejeter ou accepter un résultat

• Critiquer - Prouver qu'un résultat est juste ou faux en fournissant desarguments (propriétés, définitions, cohérence)

- Prendre une décision à partir de résultats obtenus

• Présenter - Présenter un résultat sous la forme demandée: tableau, tracé,graphique, formulation d'un résultat dans un langage correct

- Présenter les résultats avec soin et lisibilitéRENDRE - Présenter un résultat en cohérence avec le problème posé (ordre deCOMPTE grandeur, unités)

• Structurer - Décrire l'enchaînement des différentes étapes d'une constructiongéométrique ou d'un calcul

Ministère de l'Education nationale - Direction de l'Evaluation et de la Prospective (DEP).

L'évaluation du système éducatif français 21

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travail fonctionnant toute l'année, composésnotamment de membres de corps d'ins~ectlon(inspecteur généraux, 1PR-IA, IEN) et d e,nsel­gnants, renouvelés assez régulièrement pour eVlterla routine, pour bénéficier de la façon la plus iargepossible des capacités et initiatives en cedomaine, enfin pour élargir progressivement lecercle des « initiés ». Groupes de travail nationaux,académiques, par discipline, proposent ainsi enpermanence des exercices, des épreu.ves, et leprotocole final résulte d'une selection asse~

sévère, L'abondance des propositions et la qualltede la sélection faite par ies groupes nationauxaboutissent à un protocole de grande qualité, per­fectible néanmoins, et exprimant à la fois les eXI­gences, les attentes et les conceptions de la« ligne » pédagogique (enseignants et Inspecteurs)du ministère.

Ces évaluations, pour ètre utiles dans lesclasses, dans les établissements, doivent êtreexploitées, Au protocole est alors attaché, et c'estun maillon important, difficile à optimiser mais oùil a fallu faire preuve d'imagination - sans que cesoit encore parfait à l'heure actuelle - un ensem­ble d'outils d'exploitation constitué de divers élé­ments, D'abord définir les "items" attachés àchaque exercice, c'est-à-dire les prises d'informa­tion liées à ['exercice. Ceci peut être conceptuel­lement difficile (quelies informations est-il perti­nent de retenir pour évaluer la compréhensiond'un texte français ?) et, difficile ou non, requiertde trouver un bon compromis entre prendre beau­coup d'informations pour avoir le diagnostic leplus riche possible et peu d'informations pourminimiser le travail des enseignants qui, pour unepart au moins (en seconde les élèves y participenttout naturellement), auront à le faire, En particulieril est souvent insuffisant et frustrant de ne retenirqu'un item binaire a réussi /a échoué dans l'exer­cice; repérer le type d'erreur (raisonnement ounumérique, en mathématiques; ou grammatical oulogique en compréhension) est évidemment plusriche, plus utile aussi pour l'enseignant au regardmême des objectifs de l'évaluation: ceci est lié austatut de l'erreur dans le processus d'apprentis­sage. Depuis deux ans, nouS réduisons la chargedes enseignants (d'environ le quart chaqueannée), en essayant de conserver le maximum derichesse à la prise d'informations.

Une fois l'information prise, il faut la saisir et latraiter, et ici ont été peu à peu réalisés de grandsprogrès en matière de logiciel fourni aux ensei­gnants pour analyser les résultats, Décrire le profil

22 Revue Française de Pédagogie, nQ 107, avril-mai-juin 1994

d'un élève, d'un groupe, d'une classe; repérer lesélèves qui se ressemblent sur telle ou telle com­pétence ou croisement, de compét~nces, soitqu'ils aient des atouts VOISinS, SOit qu ils aient lemême genre de lacunes; constituer des sous­groupes homogènes dans telle capacité ou combi­naison de capacités (par exemple comprenantbien une langue étrangère à l'oral, mais ayant ,defaibles compétences linguistiques), tout cecI aidele jeune ou sa famille à faire le point, aide l'ensei­gnant à mieux connaître sa classe (et, au-dei a,chacun de ses élèves), à bàtir des modules, àtravailler avec ses collègues, aide la communautééducative à connaître ses élèves, en particulierceux qui entrent dans l'établissement en 6e ou enseconde et donc peut aider à réfléchir au projetd'établissement. Des analyses manuelles sont évi­demment possibles, et sont encore faites dans uncertain nombre de cas, mais l'utilisation du iogl­ciel mis à disposition sur le micro-ordinateur del'établissement est bien entendu beaucoup plusriche. Secondairement, ceci aide nombre d'ensei­gnants à vaincre une réserve ou une hostilité àl'encontre de la micro-informatique, dès lors qu'ilssont conscients de l'intérêt pédagogique desquestions que le iogiciel permet de formuler etdes réponses qu'il suggère, Ces réponses et, plusgénéralement, l'interprétation des items, deserreurs ou réussites des élèves, sont enrichiesgrâce aux commentaires contenus dans le cahierde l'enseignant. De plus en plus tournés versl'action et la «remédiation" pédagogiques, cescommentaires sont destinés aux enseignants, biensûr, mais peuvent aussi servir dans le cadre desformations qui leur sont dispensées (soit dans lesIUFM, soit par les MAFPEN),

Quel impact ont ces évaluations de masse,quelle utilisation les enseignants et chefs d'éta­blissement en font-ils, bref quelle évaluation del'évaluation peut-on avancer? Voici un quatrièmeaspect intéressant à aborder. Pour aller immédia­tement à la synthèse, cinq profils d'enseignantsdu premier degré ou du collège se dégagent, qu'ilest possible de regrouper en trois types (23] :

- 40 % des enseignants sont convaincus ouadhérents, ils ont une attitude positive: l'évalua­tion sert dans l'établissement, ils la jugent indis­pensable, il s'en servent, etc, ;

- 28 % sont indécis, estimant que l'évaiuationa peu d'impact sur ies pratiques, bien qu'ils lajugent utile pour mieux prendre en compte lesditiicultés des élèves;

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- 32 % sont sceptiques ou conservateurs, ju­geant souvent que c'est inutile, lourd, coûteux,etc.

D'une taçon générale, les instituteurs sont plustavorables à l'opération que les professeurs defrançais et mathématiques de 6', et ils s'appuientdavantage dessus.

En seconde, la première évaluation a donné lieuà des appréciations encourageantes [24J : si 41 %des professeurs s'expriment négativement, lamajorité soit est partagée (29 %) soit estime l'opé­ration positive (26 %). Les professeurs de françaisfurent les plus réservés ou les plus sceptiques, lesprofesseurs de langues et d'histoire-géographieles plus satisfaits, estimant que cette évaluation aété utile pour eux et pour leurs élèves. Laseconde édition, celle de la rentrée 1993, est éva­luée encore plus positivement.

Une autre illustration des comportements nou­veaux que font naître ces évaluations s'appuienon plus sur les déclarations des enseignantsmais sur les résultats des élèves. L'évaluationmenée en 1989 à l'entrée au CE2 a montré queles élèves étaient d'un niveau assez modeste engéomètrie. La simple mise en évidence de cerésultat, qui n'a été accompagnèe d'aucune ins­truction ou circulaire de l'administration centrale,a permis aux instituteurs de prendre conscienceque le niveau en géométrie était faible. L'annéesuivante, dans la même opération et avec desitems comparables, le niveau des élèves en géo­métrie avait augmenté.

Enfin, cinquième observation, la logique de l'ou­til nous a conduit, au-delà des èvaluations demasse, à créer et à diffuser auprès de chaqueenseignant une banque d'items, c'est-à-dire unensemble d'exercices articulés là encore auxobjectifs de chaque cycle, que l'enseignant estlibre d'utiliser, au cours de l'année, à son gré.Comme pour les évaluations de masse, chaqueexercice est accompagné de commentaires favori­sant son interprétation et son utilisation - plusprécisément favorisant l'interprétation des erreursqui peuvent être faites et des conséquences à entirer. D'une façon générale, les concepteurs de labanque ont pour préoccupation de « fournir, grâceaux informations tirées des exercices qu'ils propo­sent, une aide dans la réponse ou les réponsesqu'il est possible d'apporter aux difficultés desélèves" [25J.

On voit bien la logique instrumentale de l'éva­luation poussée à son terme: est mis à disposi-

tian de chaque enseignant un ensemble d'outils,en libre service, qu'il peut utiliser ou non, dont ilpeut s'inspirer ou non pour élaborer ses propresinstruments. De telles banques ont été diffuséesau printemps 1992 en français et en mathéma­tiques, adaptées aux trois cycies de l'écoleprimaire [26J. Sont diffusèes au printemps et àl'automne 1994 les banques en français et enmathématiques pour le cycle d'observation (c'est­à-dire les deux premières années du collège) et ensciences et histoire pour les trois cycles du pri­maire. Ainsi se réalise petit à petit une grandenouveauté: le ministère de l'Éducation nationalefournit des outils aux enseignants avec l'ambitionexplicite de les aider et, par là-même, il indiqueimplicitement ce qu'il attend d'eux. Car tant lesévaluations de masse que la banque ont pourfonction, du moins pour effet, de faire sentir lesobjectifs de l'École et les attentes concrêtes for­mulées à l'égard des élèves (et donc des ensei­gnants). C'est en entendant, sur cassette, lesexercices de compréhension orale en anglais et enallemand en début de seconde générale que cer­tains professeurs ont pris conscience de certainesexigences. C'est en voyant les protocoles de 6' etde seconde que certains instituteurs de CM2 elcertains professeurs de troisième générale outechnologique respectivement comprennent mieuxce qu'on attend en aval. Le risque de bachotageest faible car, chaque année, les exercices chan­gent, même si le tableau des capacités-compé­tences-composantes est très stable. Au demeu­rant, si l'enseignement était, pour une part, réglésur ce tableau, loin d'y déplorer un bachotagenégatif, il faudrait s'en réjouir puisque ce tableauest articulé sur les objectifs de la fin du cycleultérieur et que J'on sait que l'explication desattentes et objectifs, de la part des enseignants,est un facteur important de la réussite scolairedes élèves.

ÉTUDES ET ÉVALUATIONSDE POLITIQUES ÉDUCATIVES

Entre l'évaluation des systémes et unitésd'enseignement, synthétique certes mais descrip­tive, et la fourniture d'outils opérationnels, unetroisième dimension, logique et objet de soinsparticuliers de la Direction, doit, pour achever cetarticle, être présentée. Il s'agit des études quenous conduisons ou finançons à des équipes uni-

L'évaluation du systeme éducatif français 23

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versitaires, des centres de recherche ou dessociétés de service - études dont certaines sontstructurées en évaluation de politiques, innova­tions ou expérimentations éducatives.

La Direction, en réalisant et finançant desétudes, s'efforce de jouer pleinement son rôled'intermédiaire. Intermédiaire, d'abord, entre lemonde de la recherche et celui de la politique:ces études, qui aident à interpréter les données etconstatations, doivent ainsi alimenter la réflexiondu Ministre et de son Cabinet. Autrement dit, soitdirectement, soit par le truchement de courtessynthéses faites par la DEP et articulées auxpréoccupations du moment - illustration de lafonction d'intermédiaire - ies études sur le sys­tème et la politique éducatifs doivent revêtir unecertaine utilité en plus de leur qualité scientifiqueintrinsèque.

Intermédiaire, ensuite, entre l'intérieur et ['exté­rieur du système éducatif: comme directiond'administration centrale, la DEP est bien entendud'abord au service du Ministre et du ministère.Mais eile doit aussi informer et alimenter laréflexion de l'opinion. D'où un système de publi­cations, dont j'ai déjà cité quelques titres, cou­vrant ie spectre des informations brèves (Notesd'Information, hebdomadaires) aux analyses etétudes (revue Éducation et Formations et ses dos­siers, trimestrielle) et aux ouvrages de synthèse(l'État de l'École, Géographie de l'École, Repèreset références statistiques), et largement diffuséeset commercialisées.

Les thèmes d'études sont très divers, résultantà la fois d'occasions inopinées et d'une program­mation explicite dans le programme annuel de laDirection, établi et diffusé lors de chaque auto­mne. Citons quelques exemples.

À l'heure actuelle, une certaine attention estconsacrée aux pratiques pédagogiques dans lesclasses. L'article M. Thaurel-Richard et N. Serrafournit quelques éléments issus de déclarations depratiques d'instituteurs de CE2 et les relie auxprogrès de leurs élèves en français et mathémati­ques. Au-delà de ces déclarations, la DEP ademandé à quatre équipes universitaires d'obser~

ver les pratiques effectives auprès de certains deces instituteurs (volontaires). Dans le mème esprit,l'article de J. Fijalkow sur les typologies de décla­rations des pratiques d'apprentissage de la lectureprovient d'une étude qu'il a conduite à lademande de la Direction. L'intérèt scientifique de

24 Revue Française de Pédagogie, n° 107, avril-mai~juin 1994

ces investigations ne fait aucun doute: si 1'« effet·maître" joue un rôle essentiel [27, 28, 29], ilconvient d'en apprécier les modalités, tentativestrop peu fréquentes jusqu'à maintenant en France,et ceci mème si la plupart des études anglo­saxones sur le sujet en montrent la complexité.Mais, outre cet intérêt scientifique, voici laseconde raison pour laquelle la DEP effectue etfinance ce genre de recherches: elles devraientaider à bâtir une politique de formation (initiale et,surtout, continue) des enseignants. Comme l'aindiqué le Ministre à plusieurs reprises, si l'onparvient à dégager des pratiques efficaces (aumoins sous certaines conditions, d'environnementsocial notamment), et si elles s'avèrent au moinsen partie transférabies (c'est-à-dire non stricte­ment incorporées au maître qui les utilise), laconstruction des programmes, des stages etmodules de formation devrait s'en trouver enri­chie. La fonction intermédiaire entre recherche etpolitique trouve ici une première illustration.

La demande que la DEP adresse au monde dela recherche peut être structurée en appel d'of­fres. Nous en avons lancé deux au cours des troisdernières années, renouant ainsi avec une procé­dure certes classique mais un peu abandonnéepar le ministère. (( L'investissement éducatif et sonefficacité ", lancé en 1991, voulait inciter à réflé··chir sur l'École autrement qu'en termes de coûts.Une quinzaine de projets ont été retenus - dontcertains proposés par l'INRP - sur environ70 propositions (sur cette procédure, cf. [30]). Ilsarrivent à échéance actuellement. À dominanteéconomique (croissance endogène, rentabilitédans différents pays, ...), sociale (insertion, trajec­toires scolaires et sociales, ...) ou didactique(acquis des élèves, ...), ils analysent et, parfois,quantifient différentes dimensions de cette effica­cité. Une synthèse de Ces travaux devrait voir lejour en 1994. L'appel d'offres, lancé avec la MIRE(Mission Interministérielle Recherche-Expérimenta­tion du Ministère du Travail) au printemps 1993(( L'éducation des enfants et des adolescents, unenjeu pour les familles, les institutions éducativeset les réseaux sociaux» a eu, lui aussi, un succèsconsidérable puisqu'environ 130 offres nous sontparvenues; une vingtaine ont été retenues quidonneront lieu à des travaux dans les trois ans àvenir. La question cruciale de l'échec scolaire, enparticulier, sera ainsi éclairée par différentes ap~

proches.

Les priorités de l'action ministérielle conduisentà entreprendre et diffuser des ensembles d'études

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coordonnées, soit régulièrement soit sous formede dossier approfondi ponctuel. Les résultats desévaluations de masse de CE2 et 6' sont ainsipubliés tous les ans (cf. pour le dernier [31]), demême que des scénarios d'évolution à long termede notre systéme éducatif desquels on tirel'expression des besoins annuels en nouveauxenseignants des premier et second degrés (cf.pour le dernier [32]).

De façon plus ponctuelle, la réunion des minis­tères de l'Éducation nationale et de la Culture futl'occasion, il la demande du Ministre J. Lang, fin92-début 93, d'une étude très remarquable sur lalecture où, pour la première fois, les deux ver­sants - celui de la lecture comme culture etloisirs et celui de la lecture comme apprentissageet activité scolaires - ètaient réunis [33]. Lesmatériaux de celte analyse étaient soit des don­nées existantes réanalysées, soit des données ori­ginales car résultant d'une enquête quantitative etd'investigations qualitatives spécifiques confiées ildeux sociétés de service. À côté des centres uni­versitaires ou de recherche en effet, passer descommandes à des sociétés de service capablesde réaliser en peu de temps des études fondéeset pertinentes se révèle fructueux. Aujourd'hui, lespriorités du Ministre ont conduit à diffuser récem­ment, pour éclairer la réflexion sur le collège, undossier fourni et original sur les élèves en diffi­culté [34] et il préparer un dossier sur les ensei­gnants (celte publication a eu lieu au premiertrimestre 1994: Éducation et formations n' 37,spécial « Connaissance des enseignants »).

Dans certains cas, ces études se présentent, enréalité, comme des évaluations de politiques ouexpérimentations éducatives explicites. Elles sontalors conduites soit il l'initiative de la Direction,soit sur la demande expresse du Ministre. Assezsouvent, le Ministre passe d'ailleurs une com­mande et aux Inspections générales (IGEN etIGAEN) et il la DEP ; les évaluations qui en résul­tent sont souvent complémentaires. Prenons, rapi­dement et pour achever ce petit tour d'horizon,trois exemples.

L'enseignement précoce des langues vivantesest une expérience de très grande ampleur puis­qu'il touche aujourd'hui 38 % des élèves de CM2.Le Ministre L. Jospin (et, il nouveau, le MinistreF. Bayrou tout récemment) a demandé il l'Inspec­tion générale et il la DEP d'évaluer ses effets. Lebilan est nuancé, voire réservé [35, 36]. Par exem­ple, selon l'Inspection générale, «l'expérimen-

tation a montré que J'enseignement d'initiationremplit avec succès sa fonction d'éveil, maisn'améliore qu'assez peu dans le strict domainelinguistique les connaissances et Jes savoir-fairedes élèves" ; sur un autre aspect, le transfert, lejugement de la DEP est également négatif: «onconstate que, toutes choses égales d'ailleurs,l'enseignement précoce des langues vivantes n'aaucune influence sur les performances en françaiset en mathématiques ». Doit-on, peut-on, arrêterune telle expérimentation au vu de ces juge­ments 7 Celte question entraînerait trop loin:autant l'évaluation de politiques et expérimenta­tions éducatives doit entrer dans la décision(arrêt, extension, généralisation, avec ou sansmodifications, ...), autant elle ne saurait, bienentendu, en être le seul élément.

L'évaluation de la politique conduite dans lesZEP est un second exemple. À nouveau les Ins­pections générales (les deux cette fois-ci, defaçon commune) et la DEP ont établi un bilan [37,38]. À le résumer schématiquement, on peut direque, dans des contextes sociaux et économiquesqui se sont accusés, les établissements situés enZEP n'ont certes pas rattrapé les autres, mais ilsne s'en sont pas non plus éloignés: d'où l'impres­sion, qui mériterait peut-être d'être approfondie(un article il paraître dans la RFP est réservé il cetégard [39]), d'une certaine efficacité des moyensspécifiques, non négligeables, accordés il ces éta­blissements. Cela étant, une certaine proportion(10 % il 15 %) des ZEP ne paraissent pas Ouguère «justifiées » : d'où l'intérêt qu'il y aurait àpoursuivre celte politique mais en modifiant légé­rement la carte des ZEP. À nouveau, celte déci­sion, lorsqu'elle a été prise, n'a bien entendu pasreposé sur ce seul constat.

Enfin, la semaine de quatre jours est un troi­siéme exemple éclairant: le Ministre F. Bayrou ena demandé une évaluation. Nous sommes en traind'y travailler; elle sera rendue publique au prin­temps 1994. Des études précédentes menéesdans le cadre de l'évaluation interministérielle despolitiques publiques ont montré que l'aménage­ment des rythmes de vie de l'enfant avait un effetquasi nul sur les acquis immédiats des élèves enfrançais et mathématiques, mais qu'il était associéil un plaisir légèrement plus grand d'aller il l'école(porteur d'acquis futurs plus importants 7) et,peut-être, il une certaine réduction des différencesentre élèves. Tout ceci est assez ténu, et il estpossible qu'en matière de semaine de quatre

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jours, la conclusion soit analogue. La faiblesseéventuelle des effets risque de conduire alors àdes décisions où le poids de l'évaluation seramodeste (3).

CONCLUSION: POUR UNE CULTUREDE L'ÉVALUATION

Les premières tentatives pour mesurer les ac­quis des élèves datent (recherche mise à part) dela fin des années soixante-dix, l'existence d'uncompte de l'Éducation en bonne et due forme, dela fin des années quatre-vingt, les évaluations demasse sont apparues en 1989 (CE2 et sixième) et1992 (seconde générale et seconde profession­nelle), la publication d'indicateurs synthétiques surl'état de l'École date de 1992 également, desindicateurs d'évaluation des établissements dusecond degré ont vu le jour en 1994. Sur un planorganisationnel, la Direction de l'Évaluation et dela Prospective (c'est d'ailleurs la seule directiond'administration centrale qui ait le mot "évalua­tion" dans son titre) eXiste depuis le début 1987,les Inspections générales se sont vu confier desmissions générales d'évaluation par la loi d'orien­tation de 1989.

En somme, la préoccupation d'évaluation dusystème éducatif est récente: elle date de cinq àdix ans. La fécondité de cette démarche sauteaux yeux: outils, connaissance, réflexion se sont,

NOTE

pêle-mêle, développés, affinés, enrichis. L'évalua­tion n'a pourtant de légitimité que par ce qu'ellepermet, par ce qui la suit, par ce qui est en aval:amélioration des pratiques des enseignants dansles classes, meilleure conduite du changementdans le système, meilleure appréciation par lasociété française de son École, et, par là, débatspublics à la fois plus sereins, plus fondés etmoins stériles, etc. La réflexion de chacun doits'en trouver alimentée, pour progresser dans sonaction; une meilleure connaissance de ce quefont d'autres (d'autres établissements, d'autressystèmes éducatifs, etc.) dans des circonstanceset des environnements comparables, et l'émula­tion qui en résulte, sont une deuxième source deprogrès. Au-delà de ces voies d'influence diffuses,une certaine liaison, souple, entre évaluation etpolitique doit aider cette dernière, aux différentsniveaux où elle s'exerce, à être plus adaptée, plusefficace.

Résumons d'un mot ces différentes dimensions,qui, sans être identiques, se rattachent cependanttoutes à une même orientation générale: il fautfavoriser, dans notre système éducatif, une« culture de l'évaluation ", c'est-à-dire l'émergenced'un état d'esprit, d'habitudes, de réflexes même,gràce auxquels sont appréciés régulièrement l'étatcourant et les actions conduites pour, en retour,infléchir ces dernières si nécessaires. Alors, l'éva­luation sera l'un des leviers les plus puissants àpartir duquel, dans les années prochaines, la réus­site de l'École s'amplifiera.

(1) Je remercie Bernard Ernst, Michel Euriat, Jean Férole e1Claudine Peretti pour les améliorations que leur lecture d'unepremière version de ce texte a permis d'apporter.

(2) Elle ne l'était pas au moment de la rédaction de cet article.Lors de la correction des épreuves elle l'est: la valeur ajou-

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tée de chaque lycée figure dans Les Dossiers Éducation etFormations, n"41, juin 1994.

(3) Au moment de la relecture d~s épreuves, cette évaluation estp,ubliée. Cf. Les Dossiers Education et Formations, n° 37.L effet d~ la semal~e d~ 4 Jours sur les progrès des élèvesen français et mathematlques est, toutes chOses égales d'ail­leurs, neutre: ni pOSitif, ni négatif.

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28 Revue Française de Pédagogie, nO 107, avril-maHuin 1994