Louis Bazin_Introduction +á l'+¬tude pratique de la langue turque [1994]

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Louis BAZIN INTRODUCTION A L'ÉTUDE PRATIQUE DE LA LANGUE TURQUE TROISIÈME ÉDITION REVUE ET CORRIGÉE LIBRAIRIE D'AMÉRIQUE ET D'ORIENT ADRIEN MAISONNEUVE J. MAISONNEUVE, suce. 11, rue Saint Sulpice, Paris 6 e

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Louis BAZIN

INTRODUCTION

A L'ÉTUDE PRATIQUE

DE LA LANGUE TURQUE

TROISIÈME ÉDITION REVUE ET CORRIGÉE

LIBRAIRIE D'AMÉRIQUE ET D'ORIENT

ADRIEN MAISONNEUVE J. MAISONNEUVE, suce.

11, rue Saint Sulpice, Paris 6e

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INTRODUCTION A L'ÉTUDE PRATIQUE

DE LA LANGUE TURQUE

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Louis BAZIN

INTRODUCTION

A L'ÉTUDE PRATIQUE

DE LA LANGUE TURQUE

TROISIÈME ÉDITION REVUE ET CORRIGÉE

LIBRAIRIE D'AMÉRIQUE ET D'ORIENT

ADRIEN MAISONNEUVE J. MAISONNEUVE, suce.

11, rue Saint Sulpice, Paris 6e

1994

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ISBN 2-7200-1050-2 © Librairie d'Amérique et d'Orient, Paris 1987

Adrien Maisonneuve, 11, rue Saint-Sulpice (75006 Paris)

«La Loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les 'copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective' et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, 'toute représentation ou ayants-droit ou ayants-cause, est illicite' (alinéa 1er de l'Article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 525 et suivants du Code Pénal ».

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AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR

Le présent ouvrage n'a d'autre prétention que de donner au public de langue française un accès aussi direct que possible à la connaissance pratique du turc d'aujourd'hui, tel qu'on l'écrit et le parle en Turquie.

S'agissant d'une langue dont la structure est très différente de celle du français, une vulgarisation efficace et correcte exige l'introduction d'un mini-mum de notions nouvelles. Il est, en effet, spécieux de décrire le turc en se servant des termes traditionnels de la grammaire française, ce qui aboutit le plus souvent à réunir sous un même vocable des catégories de faits radicalement différentes. Afin d'éviter de telles confusions, qui n'ont pas seulement des inconvénients intellectuels, mais aussi de fâcheuses conséquences pratiques, nous devrons employer des termes grammaticaux en partie originaux pour caractériser les faits turcs.

Mais ces termes seront toujours expliqués avec la plus grande simplicité possible, en langage courant, le lecteur n'étant pas supposé connaître nécessairement le vocabulaire technique de la linguistique moderne. Nous nous efforcerons de les illustrer à l'aide d'exemples concrets, faciles à interpréter. L'effort, nullement surhumain, qui sera demandé pour assimiler des notions grammaticales nouvelles (mais au fond simples) sera vite récompensé par une acquisition plus aisée des mécanismes mentaux qui conditionnent à la fois l'expression en langue turque d'une pensée et la compréhension d'une phrase turque.

Orienté délibérément vers la pratique et vers l'actualité, notre exposé laissera de côté la pure théorie et l'histoire de la langue (sujets cependant fort dignes d'intérêt), se contentant d'y jeter de brefs regards toutes les fois qu'elles aideront à comprendre ou à retenir les faits. De même, il négligera volontairement nombre de détails accessoires, afin de concentrer sur l'essentiel l'attention des commençants, à qui il s'adresse avant tout.

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I. L'ALPHABET ET LES SONS

Pendant toute la durée de l'Empire Ottoman, le turc, sous l'influence de la culture islamique, était écrit en caractères arabes. Ceux-ci restent utilisés, dans l'usage manuscrit et privé, par beaucoup de personnes nées avant 1920, Depuis 1928, la République de Turquie a adopté un alphabet latin, proche de celui du français (il comprend : en moins, les caractères Q, W, X, remplacés respectivement par K, V, KS ; en plus, les caractères Ç, G, I sans point, Ö, Ş, Ü) :

AtB,&, Ç, D, E, F, G, G, H} I, ï, Jt K, L, M, N, O, Ö, P, R, S, Ş, 7\ U, Ü, V, Y, Z.

L'écriture est phonétique, et la prononciation découle automatiquement de l'écriture : les difficultés orthographiques sont presque réduites à néant ; toute lettre est toujours prononcée,

A, a : se prononce comme a français dans « Paris ». B, b : comme b français. C, c : comme dj français dans « adjectif », avec cette différence qu'il

s'agit, en turc, d'une consonne unique. Ç, ç : comme tch français dans « afcAoum » ; ici encore, il s'agit, en turc,

d'une consonne unique. D, d : comme d français. E, e : n'a jamais la valeur de « e muet » français, mais toujours celle de

« e ouvert », comme dans « père » ; éviter soigneusement la prononciation « é fermé » : le turc dede « grand-père » se prononcera (c dèàai n, et non « dédé ».

F, { : comme / français. G, g : comme g dur français dans « gare », ou comme gu français dans

« guerre » ; n'a jamais la valeur « j » : le turc git « va-t-en » se prononcera « guitte ». Voir Remarque 2.

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Ğ, ğ : n'existe pas à l'initiale d'un mot ; sa prononciation est réalisée de deux façons bien différentes, selon la nature de la voyelle qui le précède dans le mot : après e, i, ö, ü, il est prononcé comme y consonne dans « Cajyenne » et se confond dans la prononciation avec y turc (voir cette lettre) ; après a, ı sans point, o, u, il est à peine prononcé, et remplacé par une brève suspension de la voix (légère contraction du larynx), comme entre les deux a du français « ahaner » ; si, après at ı sans point, o, u, il est situé en fin de mot ou de syllabe, ou s'il suit ces voyelles dans la première syllabe du mot, il provoque l'allongement de la voyelle qui le précède : turc dağ « montagne » sera prononcé « dâ » ; turc ağa « agha » sera prononcé « â'a ».

H, h : toujours prononcé, avec une nette expiration d'air ; ce son, qui a disparu de la prononciation courante du français, tend fâcheusement à être omis par les gens de langue française parlant le turc ; il faut faire effort pour le prononcer « aspiré » (ou plus exactement expiré : souffle perceptible), afin d'éviter de ridicules confusions : havuç « carotte » ne doit pas être prononcé comme avuç « paume de la main ».

/ , i : comme i français ; noter le point sur la majuscule ; I majuscule sans point est prononcé tout autrement : voir la lettre suivante.

I,i : « / sans point » (pas de point sur la minuscule !) est une voyelle sans équivalent français ; c'est une erreur grave que de la prononcer comme « i », ou comme « e muet », ou encore comme « eu » dans le français « beurre » (qui correspond au turc ô\ voyelle en tout différente) ; en réalité, il s'agit d'une voyelle prononcée à peu près dans les mêmes conditions que « i », mais avec l'extrémité de la langue ramenée franchement en arrière (vers le milieu du palais) ; on pourra s'exercer à la produire en prononçant d'abord le turc yıldırım « foudre » comme « yil-dirim », puis en continuant à prononcer ce mot avec la pointe de la langue ramenée en arrière.

J, j : comme j français. Kt k : comme k français. Voir toutefois Remarque 2. L, l : comme l français. Voir toutefois Remarque 3.

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M, m : comme m français ; mais ne se combine jamais avec la voyelle précédente pour former une voyelle nasalisée comme dans le français « ambre », « ombre », « timbre » : il est toujours prononcé isolément, comme dans le français « dawe » ; ainsi, turc ambar « grenier, entrepôt » est prononcé « amebar ».

N, n : comme n français ; mais, pas plus que m, il ne se combine avec la voyelle précédente : on « dix » est prononcé « onne ».

O, o : comme o français dans « or ». ö, ö : comme eu français dans « beurre » ; « petit-beurre » se dit en turc :

pötibör. P, p : comme p français. R, r : se réalise d'une toute autre façon que le « r » grasseyé du français

courant ; il faut à tout le moins le prononcer comme « r roulé » de certains parlers provinciaux ; il est, en réalité, produit par vibration de la pointe de la langue contre les alvéoles des incisives supérieures.

S, s : comme s français, mais n'est jamais prononcé « z » ; ainsi, kesik « coupé, rogné » est prononcé « kessik ».

Ş, s : « S cédille » ; se prononce comme ch français dans « cAeval ». T, t : comme t français. U, u : comme « ou » français dans « toujours » ; voir le suivant : U, ü : comme « u » français dans « \u ». V, v : comme v français. Y, y : comme y consonne en français dans « Cayenne » ; n'est jamais pro

noncé comme une voyelle « i » ; ne forme pas de combinaisons du genre diphtongue avec la voyelle précédente : ay « lune, mois » est prononcé comme le français « ail ».

Z, z : comme z français.

REMARQUES :

i. L'accent circonflexe est utilisé dans les mots d'origine arabe ou persane sur les voyelles a, i, u pour indiquer Y allongement de ces voyelles ; mais il note, en plus, la mouillure de g ou k précédant la voyelle longue (voir Remarque 2), ou, également, la prononciation «plate » de / devant cette voyelle (voir Remarque 3), longue ou brève.

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2. Mouillure de g et de k : devant e, i, ö, il, ainsi que devant les voyelles longues (d'origine arabe ou persane) a, î, iî, les consonnes g et k sont prononcées « mouillées », c'est-à-dire qu'on entend, entre elles et la voyelle, comme un y consonne furtif : gel « viens l », prononcé « guiel » ; gör «.vois ! », prononcé « guieur » ; kedi « chat », prononcé kièdi » ; köşk « kiosque », prononcé « kieuchk» ; kâtip « secrétaire », prononcé « kiâtip » ; mahkûm « condamné », prononcé « mahkioûm» ; gâvur « mécréant », prononcé « guiavour » ; gûyâ « comme si », prononcé « guioûyâ ».

3. Variantes de l : devant ou après ef i, ö, ü et les longues a, î, u, ainsi qu'en début de mot et dans presque tous les mots empruntés par le turc à des langues étrangères (arabe, persan, français, etc.), / est prononcé comme / français, c'est-à-dire comme un « / plat », avec la langue relativement plate ; au contraire, dans les mots d'origine turque, devant ou après a, t sans point, ot u, la langue se creuse « en gouttière » pour la prononciation de /, qui est alors dit « / creux ».

4. L'apostrophe servait au début à noter un bref arrêt de la voix dans des mots d'origine arabe : te*sir « impression », sa'at « heure » ; cet usage tend à disparaître ; en revanche, l'apostrophe est normalement employée pour signaler (sans aucune valeur pour la prononciation) la fin du radical d'un nom propre, avant les suffixes qui lui sont ajoutés : ainsi, alors qu'avec le suffixe -da on aura : avda « à la chasse », on écrira : Ankara'da « à Ankara ».

5. U accent tonique n'est pas marqué par l'écriture. Il porte le plus souvent, comme en français, sur la dernière syllabe du mot, auquel cas nous ne ferons, dans notre exposé, aucun commentaire à son sujet. Toutefois, il y a en turc des suffixes et des particules non accentués [enclitiques) qui, faisant corps, dans la prononciation, avec le mot précédent, développent sur la syllabe qui les précède immédiatement un accent tonique fort. Ils seront signalés comme tels au cours des chapitres qui suivront.

EXEMPLES :

Nous nous bornons, afin de familiariser le lecteur avec le maniement de l'alphabet turc, à citer ici des mots déjà bien connus (d'origine française, notamment ) :

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abajur « abat-jour » abone « abonné » abonman « abonnement » acyo « agio » (« adjio ») adrenalin « adrénaline » adres « adresse » ağa « agha » (« â'a ») a&för « acteur » aliimin « alumine » awtew « antenne » arşidük « archiduc » asansör « ascenseur » burjuva « bourgeois » &#/£ « buffet » aw « djinn » et « gin » Cakarta « Djakarta » Çek « Tchèque » dekolte « décolleté « tfàsfra « extra » elektrik « électric(ité) » elektroliz « électrolyse » /as*s/ « fasciste » fayans « faillance » filozof « philosophe » gara; « garage » gerilla « guérilla » g^ott « guidon » hol « hall » Istanbul « Istanboul » i>a& « Irak » (7rak »)

jelatin « gélatine » ywn" « jury » kupon « coupon » lisans « licence » w#f « match » noter « notaire » otobüs « autobus » ojen « Eugène » />#£# « pacha » paviyon « pavillon » rrtd yo « radio » randevu « rendez-vous » sinema « cinéma » $aA « chah » stk « chic » (« chic ») şömine « cheminée » tirbuşon « tire-bouchon » tfwmtf « touriste » Vrai « Oural » üniversite « université » «r£ « urée » vagow « wagon » ztefctôV « vecteur » ws& « whisky » vofto; « voltage » yatağan « yatagan » (« yata'anne » y^ms^y « Ienisseï » yoğurt « yoghourt » (« yô'ourte » Yugoslav « Yougoslave » zodyak « zodiaque ».

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II. RÈGLES PHONÉTIQUES GÉNÉRALES

A) VOYELLES

i) Le turc n'a que des voyelles simples, et pas de diphtongues ; dans les mots étrangers empruntés, les diphtongues sont éliminées par divers procédés, comportant notamment l'insertion des consonnes v ou y : burjuva « bourgeois », fayton « phaéton », ekvator « équateur ».

2} De même, dans un mot proprement turc, deux voyelles ne peuvent se suivre immédiatement ; les mots où existe un « hiatus » sont toujours d'origine étrangère : arkeoloji « archéologie » (du français), saat «heure, montre, horloge » (de l'arabe).

3) Sauf dans un nombre restreint de cas exceptionnels, les mots proprement turcs (c'est-à-dire ceux qui ne proviennent pas d'un emprunt étranger plus ou moins récent) sont soumis à des lois d'harmonie vocalique qui règlent de la façon suivante la succession des voyelles, d'une syllabe à la suivante, dans un même mot :

— après « o u ï , on a : a ou 1 ; — après e ou i, on a : e ou i ; — après 0 ou u, on a : a ou u ; — après ö ou ü, on a : e ou ü.

Exception principale : après les consonnes labiales P, B, M, V, on a souvent u là où, d'après la règle, on attendrait 1 ; exemples : tapu « cadastre », kambur « bossu », yağmur « pluie », tavuk « poule ».

Une conséquence de la loi précédente est que les voyelles 0 et ö ne se rencontrent, en principe, qu'en première syllabe d'un mot proprement turc (Exception : l'ancien verbe autonome -yor, devenu suffixe : geli-yor « il vient »).

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EXEMPLES DE L'HARMONIE VOCALIQUE :

babasına « à son père » ; yıldırım « foudre » ; yapmamıştı « il n'avait pas fait » ; kışta « en hiver » ; bebeğine « à son bébé » ; bitişik « contigu » ; gelmemişti « il n'était pas venu » ; gitti « il est parti » ; oturmadi « il ne s'est pas assis » ; orda « là-bas » ; toplulukta « dans la société » ; buyurunuz ! « à vos ordres ! » ; kulağınız « votre oreille » ; öldürmeyin ! « ne tuez pas ! » ; gtf/rfé « dans le lac » ; köylülükte « dans la paysannerie » ; gülünüz ! « riez ! » ; üşümedik « nous n'avons pas eu froid ».

B) CONSONNES

i) En début de mot comme en début de syllabe, le turc ne tolère normalement qu'une seule consonne ; dans ces positions, les accumulations de consonnes des mots étrangers empruntés sont en général dissociées par l'insertion d'une voyelle (ı, i ; ut Ü) ; exemples : tiren « train » ; sipor « sport » ; buluz « blouse » ; sütürüktür « structure ».

2) En fin de mot comme en fin de syllabe, le turc ne tolère qu'un nombre limité de groupes de consonnes (jamais plus de deux à la fois), tels que : l ou r suivis de p, t, k ou ç ; rs ; n suivi de t, k, ou ç ; mp ; s suivi de p, t ou k ; şt, şk ] ft ; ht ; yk\ dans ces positions, les autres groupes de consonnes des mots étrangers empruntés sont dissociés comme précédemment (ci-dessus, i) ; exemples : fikir « pensée » = arabe fikr ; zebir « zèbre », du français ; katil « meurtre » = arabe qatl. Mais la voyelle ainsi insérée est instable, et elle disparaît si le mot reçoit un suffixe commençant par une voyelle ; ainsi, l'accusatif en -i des mots précités sera : fikri, zebri, katli.

3) En fin de mot comme en fin de syllabe, les consonnes B, D, G et C s'assourdissent : B est prononcé P ; D est prononcé T ; G est prononcé K ; C est prononcé Ç : cet assourdissement est souvent noté dans l'écriture : mikrop « microbe », metot « méthode », buldok « bulldog », Hallâç « Hallâdj », nom d'homme (arabe).

4) Les consonnes B, D, G et C s'assourdissent de la même façon à l'intérieur du mot quand elles suivent immédiatement l'une des consonnes sourdes, qui sont au nombre de 8 : P, T, K, Ç, F, S, H, Ş ; cet

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assourdissement peut se combiner avec celui signalé au paragraphe précédent : ainsi, le mot (persan) abdest « ablution rituelle », est prononcé (et souvent écrit) aptest.

5) Les consonnes assourdies comme il a été dit au paragraphe 3 redeviennent sonores (et reprennent donc leur forme d'origine) quand le mot terminé par elles reçoit un suffixe commençant par une voyelle ; si G se trouve alors entre deux voyelles, il devient G ; ainsi, l'accusatif en -i (avec harmonie vocalique) des mots cités plus haut sera : mikrobu, metodu, buldoğu, Hallacı.

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III. PHONÉTIQUE DES SUFFIXES

Toutes les formes d'un mot turc (nom ou verbe) ainsi que ses différents dérivés entrant dans le vocabulaire, s'obtiennent par un procédé unique : l'addition d'un ou de plusieurs suffixes à un radical (nominal ou verbal) qui reste pratiquement invariable, réserve faite des légers changements phonétiques automatiques signalés au chapitre II, B 2 à 5.

Par exemple, sur le radical nominal Türk « Turc », on formera : Türkler-e « aux Turcs », Türk-lük « le turquisme », et même, à la limite, des mots aussi complexes que le suivant, qui constitue à lui seul une phrase : Türk-le-ş-tir-e-me-dik-ler-im-iz-den-mi-sin-iz ? « êtes-vous de ceux que nous n'avons pu turquifier ? ». Ou encore, sur le radical verbal gör- « voir », on formera : gör-üş « vue, façon de voir », gör-dü « il a vu », gör-ül-me-yecek-ti-k « nous n'aurions pas été vus ».

Savoir manier la langue turque, c'est donc, en premier lieu, connaître le rôle de signification des suffixes (qui sont en nombre assez limité, mais dont les combinaisons multiples permettent d'exprimer des notions très variées), et savoir quelle forme phonétique leur donner en fonction du radical auquel ils s'ajoutent. Or, sur ce dernier point, qui va nous occuper maintenant, il suffit d'appliquer les règles phonétiques générales étudiées au chapitre II :

A) VOYELLES

Les suffixes turcs n'ont que 2 voyelles-types : une voyelle ouverte, symbolisée par E, et une voyelle fermée, symbolisée par / .

1) La voyelle ouverte E prend la forme e quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle e, i, ö, ou ü ; elle prend la forme a quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle a, 1, 0, ou u ; ainsi dans le suffixe du

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pluriel -1er : ev-ler « les maisons », Eti-ler « les Hittites », aktör-ler « les acteurs », Turk-ler « les Turcs » ; baba-lar « les pères », Franstz-lar « les Français », kol-lar « les bras », kutu-lar « les boîtes ».

2) La voyelle fermée ï prend la forme i quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle e ou i ; elle prend la forme t quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle a ou ı ; elle prend la. forme ü quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle ö ou il ; enfin, elle prend la forme u quand la syllabe précédente du mot a pour voyelle o ou u ; air^si dans le suffixe siz « sans... » : ev-siz « sans maison », dişsiz » « sans dents », kapaksız « sans-couvercle », kışsız « sans hiver », banliyösüz « sans banlieue », sütsüz « sans lait », radyosuz « sans radio », tuzsuz « sans sel ».

3) Quand des suffixes complexes, de plusieurs syllabes, s'ajoutent à un radical nominal ou verbal, le timbre de chaque voyelle suffixale est donc conditionné, de proche en proche, à partir de la dernière voyelle du radical suffixe, et cela de façon automatique ; on s'habitue très vite, dans la pratique, à ce conditionnement, qui peut paraître déroutant au premier abord, mais dont la parfaite régularité permet aisément la fixation.

On peut résumer comme suit la phonétique des voyelles suffixales :

VOYELLE-TYPE E : E après E, I, Ö, Ü. A après A, I, O, U.

VOYELLE-TYPE ï : I après E, I. I après A, I. Ü après Ö, U. U après O, U.

EXCEPTIONS :

i° Après -/ final de mots d'emprunt (arabes, persans, français, etc.) on a respectivement e, i, ü au lieu de a, t, u attendus (ceci afin d'éviter la prononciation « creuse » de /, cf. chapitre I, remarque 3) : istiklâl-e « à l'indépendance », misâl-in « ton exemple », rol-ü « son rôle » ; on a de même e, i, ü au lieu de a, t, u après -t, -k, -rb, -rf de mots arabes : saat-ler « les heures », emlâk-i « ses propriétés », harb-e « à la guerre » (ce sont là des survivances d'un usage scolaire, qui tendent à s'effacer).

2° Un certain nombre à!anciens mots autonomes devenus récemment des

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suffixes gardent une voyelle de timbre fixe, non soumise à l'harmonie voca-lique avec la dernière voyelle du mot suffixe : -yor (verbe progressif), -ken («étant... »), -ki (relatif), -daş (« compagnon »).

B) CONSONNES

On observera, dans la pratique, les deux règles suivantes :

i) Quand un suffixe commençant par D, G, ou C s'ajoute à un mot terminé par l'une des 8 consonnes sourdes du turc (P, T, K, Ç, F, S, H, S), la consonne initiale du suffixe s'assourdit : D devient T, G devient K, C devient Ç. Exemples : avec le suffixe locatif -de « dans... », on a : ev-de « dans la maison », çicek-te « dans la fleur », kar-da « dans la neige », kış-ta « en hiver » ; avec le suffixe -gin qui, à partir d'un radical de verbe, forme un nom (souvent adjectif) exprimant un état, on a : bit-gin « savant », kes-kin « coupant », dal-gm « distrait », çap-km « paillard », üz-gün « vexé », küs-kün « fâché », dur-gun « stagnant », tut-kun « épris » ; avec le suffixe -cik de diminutif, on a : tepe-cik « petite colline », Mehmet-çik « Petit-Mehmet » (pour désigner le soldat turc), arpa-ctk «orgelet», kanat-çik « ailette », göl-cük « petit lac », kök-çük « petite racine », kuzu-cuk « petit agneau », tavuk-çuk « poulette ».

2) Quand un suffixe terminé par K est suivi d'un suffixe commençant par une voyelle et que K se trouve, de la sorte, placé entre deux voyelles, K devient G ; ainsi, les mots iyi-lik « bonté », kit-lxk « pénurie », kötü-lük « méchanceté », bol-luk « abondance », formés avec le suffixe de généralisation -lik, s'ils reçoivent le suffixe -i d'accusatif, deviennent respectivement : iyi-lig-i, kxt-lxg-i, kötü-lüğ-ü, bol-luğ-u.

Exception : -k final d'un suffixe reste inchangé, même entre deux voyelles, s'il constitue la fin du radical d'un verbe ; ainsi, le verbe bir-ik-« se réunir, se rassembler », formé sur bir « un », gardera son radical sans aucun changement : birik-ir « il se réunit ».

EXEMPLES RÉCAPITULATIFS :

Avec le suffixe -dik de nom verbal, suivi du suffixe complexe -ler-i de 3 e personne du pluriel, on a : bil-dik-leri « ce qu'ils savent », kes-tik-leri

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« ce qu'ils coupent », al-dik-lan « ce qu'ils prennent », at-hk-lari « ce qu'ils jettent », gör-dük-leri « ce qu'ils voient », dök-tük-leri « ce qu'ils versent », bul-duk-lari « ce qu'ils trouvent », tut-tuk-lari « ce qu'ils tiennent ».

Avec le même suffixe -dik, joint aux mêmes radicaux verbaux, mais suivi, cette fois, du suffixe complexe -im-iz de i r e personne du pluriel, on a : bil-dig-imiz « ce que nous savons », kes-tig-imiz « ce que nous coupons », al-dxg-imiz « ce que nous prenons », at-tığ-ımız « ce que nous jetons », gör-düğ-ümüz « ce que nous voyons », dök-tüğ-ümüz « ce que nous versons », bul-dug-umuz « ce que nous trouvons », tut-tuğ-umuz « ce que nous tenons ».

On voit que ce suffixe -dik prend 16 formes différentes, mais ces transformations complexes sont le résultat de la combinaison automatique de 3 transformations plus simples : D/T ; 1/I/Ü/U ; K/G, commandées par la structure phonétique générale de la langue.

Avec le suffixe -ci, qui forme des noms de métiers à partir d'un radical de nom, suivi du suffixe -1er de pluriel, suivi lui-même du suffixe -in du complément de nom (génitif), on a : kahve-ci-ler-in « des cafetiers », çiçek-çi-ler-in « des fleuristes », pasta-cx-lar-m « des pâtissiers », bahk-çi-lar-m « des poissonniers », büyü-cü-ler-in « des sorciers », kürk-çü-ler-in « des fourreurs », odun-cu-lar-tn « des bûcherons », top-çu-lar-m « des artilleurs ». On observe ici que le suffixe -ci prend 8 formes différentes, par combinaison de 2 transformations : C/Ç et Î/I/Ü/U. Mais l'ensemble de suffixes -ler-in qui le suit ne peut prendre que 2 formes : -ler-in et -lar-tn.

Le débutant ne doit pas se laisser impressionner par ces transformations phonétiques automatiques : il doit en assimiler le mécanisme, dont la plupart des éléments sont très simples (D/T ; C/Ç ; K/G ; E /A), et dont le seul élément un peu plus complexe est la quadruple variation l/1/ü/U.

Nous ne répéterons pas, dans les chapitres qui suivront, la description des transformations automatiques des suffixes dont il sera question : cette répétition encombrerait l'exposé, sans rien apporter de nouveau ; le premier effort (indispensable) demandé pour l'apprentissage correct du turc est d'assimiler intégralement le contenu du présent chapitre, qui commande toute la morphologie. C'est plus un effort de logique qu'un effort de mémoire.

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C) VOYELLES ET CONSONNES DE LIAISON

i) Quand un suffixe dont l'élément constitutif initial est une voyelle s'ajoute à un mot terminé par une voyelle, il apparaît entre ces deux voyelles une consonne de liaison, qui évite l'hiatus (auquel le turc répugne, cf.chapitre II, A, 2). Cette consonne de liaison est presque toujours Y ; elle est parfois N ; dans deux cas isolés, elle est S ou S. Voir exemples plus bas.

2) Quand un suffixe dont l'élément constitutif est une consonne unique s'ajoute à un mot terminé par une consonne, il apparaît entre ces deux consonnes une voyelle de liaison, qui évite l'accumulation de consonnes (à laquelle le turc répugne, cf. chapitre II, B). Cette voyelle de liaison est toujours ï (soumis à Y harmonie vocalique, donc : I/I/O/U, comme pour les voyelles suffixales proprement dites, cf. chapitre III, A, 2). Voir exemples ci-dessous.

Par convention, nous indiquerons toujours, dans les chapitres suivants, les voyelles et consonnes de liaison entre parenthèses au début des suffixes.

EXEMPLES :

i° Suffixe du complément d'objet (accusatif) -(y)i : ev-i « la maison », dede-yi « le grand-père », av-i « le gibier », baba-yi « le père », göz-ü « l'œil », ütü-yü « le fer à repasser », kol-u « le bras », kutu-yu « la boîte ». Suffixe du complément du nom (génitif) -(n)in : ev-in « de la maison », dede-nin, av-ın, baba-ntn, göz-ün, ütü-nün, kol-un, kutu-nun. Suffixe de 3 e personne (possessif) -(s)i : ev-i « sa maison », dede-si « son grand-père », av-t « son gibier », baba-si « son père », göz-ü « son œil », ütü-sü « son fer à repasser », kol-u « son bras », kutu-su « sa boîte ». (La comparaison avec les exemples précédents montre qu'aux formes sans consonne de liaison il y a confusion avec le suffixe de l'accusatif, ce qui est une des difficultés de la langue). Suffixe distributif -(s)er : bir-er « chacun un », iki-şer « chacun deux », on-ar « chacun dix », altı-şar « chacun six ».

20 Suffixe possessif -(i)m de i r e personne du singulier : ev-im «ma maison », deie-m « mon grand-père », av-tm « mon gibier », baba-m « mon père », göz-üm « mon œil », ütü-m « mon fer à repasser », kol-um « mon bras », kutu-m « ma boîte ».

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IV. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA MORPHOLOGIE

Rappelons d'abord (cf. début du chapitre III) que la morphologie turque a pour procédé unique la suffixation, (Des préfixes n'apparaissent que dans les mots étrangers empruntés).

La morphologie turque ignore l'opposition des genres (il n'y a ni masculin, ni féminin, ni neutre) et celle des nombres (singulier/pluriel) n'y joue, comme on verra, qu'un rôle restreint. De même, Y accord morphologique des mots entre eux (en genre, nombre et cas) n'existe pas en turc : ainsi, le nom employé comme adjectif épithète ou attribut sera toujours invariable.

77 n'y a pas non plus de classes morphologiques telles que diverses déclinaisons ou conjugaisons : un suffixe unique étant affecté à une fonction grammaticale déterminée, il n'y a qu'une déclinaison et qu'une conjugaison (si même on peut employer ces termes pour l'addition mécanique de suffixes à des radicaux pratiquement invariables).

Si l'on met à part les interjections et quelques particules diverses (dont de rares conjonctions), on observe qu'il n'y a en turc que deux grandes catégories de mots : le nom et le verbe, qui ont des systèmes de suffixation différents (en dépit de nombreux éléments communs) et qui s'expriment dans le vocabulaire par des radicaux presque toujours différents.

Les verbes turcs sont présentés dans les dictionnaires avec addition au radical du suffixe -mek d'infinitif : ver-mek « donner », al-mak « prendre », gör-mek « voir », konuş-mak « parler ». Le radical verbal, sans addition d'aucun suffixe, a la propriété de former une 2e personne du singulier de l'impératif : ver! « donne ! », al! « prends ! », gör ! « vois ! », konuş ! « parle ! ». Le radical nominal, sans addition de suffixe, peut; de son côté, former le sujet ou l'attribut d'une proposition, et être employé devant un autre nom en fonction d'épithète ; ainsi at « cheval », et güzel « beau, belle » dans les propositions : at, koşuyor « le cheval court », güzel, koşuyor « la belle court », at, güzel « le cheval est beau », güzel at, koşuyor « le beau

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cheval court » ; le radical nominal fonctionne aussi, parfois, comme adverbe : at, güzel koşuyor « le cheval court joliment » (la seule forme verbale des exemples précédents est koş-uyor, du verbe koş-mak « courir », impératif koş ! « cours ! »).

On a pu observer ci-dessus que le même radical nominal, güzel, a pu être employé aussi bien comme substantif («la belle »), que comme adjectif («beau») ou comme adverbe («joliment»). C'est dire qu'en turc la catégorie du nom forme un ensemble unique, où la différenciation en substantif, adjectif, adverbe correspond à des différences d'emploi, mais non pas de nature (le pronom n'étant, lui-même, qu'une variété de nom) ; toutefois, la signification spécifique du nom intervient souvent pour lui faire jouer de préférence (parfois même exclusivement) un rôle de substantif, d'adjectif, ou d'adverbe.

Quand le nom turc est employé adjectivement ou adverbialement, il est invariable : güzel at-lar koşuyor « les beaux chevaux courent », güzel at-lar-ı görüyor « il voit les beaux chevaux », güzel kızlar koşuyorlar) « les belles filles courent ». Cette invariabilité de Vadjectif est une grande simplification pour l'apprentissage de la langue.

De même, Y absence de tout genre grammatical (masculin, féminin, ou neutre) et de toute règle d'accord morphologique facilite beaucoup la tâche du débutant. Elle a cependant comme contrepartie certaines ambiguïtés : ainsi, kardeş signifie aussi bien « frère » ou « sœur », terzi « tailleur » ou «couturière», efendi-m «Monsieur», «Madame», ou «Mademoiselle»... En général, le contexte permet de se décider pour l'un ou l'autre sens. Il y a d'ailleurs de nombreux mots qui désignent spécifiquement l'appartenance à un sexe : oğlan « garçon », kız « fille » (mais kız-oğlan « vierge » !), boğa « taureau », inek « vache », etc. ; ils n'ont pas pour autant de genre grammatical. Les mots erkek « mâle », kız « fille », kadın « femme », dişi « femelle (pour les animaux surtout) » servent aussi, comme épithètes ou en apposition, à préciser le sexe en cas de besoin : erkek kardeş « frère », kız kardeş « sœur », terzi kadın « couturière », erkek köpek « chien », dişi köpek « chienne », etc.

Seul le nom turc employé substantivement possède une morphologie, constituée par un système de suffixes dont l'étude fera l'objet du chapitre qui va suivre.

(La morphologie du verbe sera étudiée ultérieurement).

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V. MORPHOLOGIE DU NOM (SUBSTANTIF)

Les suffixes qui s'ajoutent au nom turc employé substantivement, pouf former ce qu'on peut, à la rigueur, appeler la « déclinaison » (d'ailleurs unique) de la langue turque, appartiennent à 3 catégories bien distinctes, qui sont, dans Vordre {obligatoire) d'adjonction au nom de base :

i° Suffixe de nombre, 2° Suffixes de personne, 30 Suffixes de cas.

Le nom de base, ou base nominale (forme sous laquelle, par exemple, les noms figurent dans le dictionnaire), peut recevoir cumulativement, dans l'ordre précité, zéro ou un suffixe de chacune de ces trois catégories, donc de zéro à trois suffixes, et jamais plus d'un dans chaque catégorie.

Voici les combinaisons possibles, pour le nom ev «maison», avec le suffixe de nombre -1er (pluriel), le suffixe de personne -(i)m ( i r e sg.), et le suffixe de cas -de (locatif) : ev « maison », « la maison » ; ev-ler « les maison » ; ev-im « ma maison » ; ev4er-im « mes maisons » ; ev-de « dans la maison » ; ev-ler-de « dans les maisons » ; ev-im-de « dans ma maison » ; ev4er-im-de « dans mes maisons ». Il est impossible, dans les formes à plusieurs suffixes, de modifier l'ordre d'apparition de ces suffixes : les débutants devront veiller particulièrement à respecter cet ordre rigoureusement obligatoire.

A) BASE NOMINALE

La base nominale est précisément caractérisée en tant que nom dépourvu de tout suffixe de nombre, de personne, et de cas. Ainsi ev, ci-dessus. La base nominale à l'état pur représente un nom « non pluriel » (singulier ou collectif), impersonnel (non possessive), et au cas absolu (qui est celui du sujet, ou de l'attribut, entre autres fonctions possibles) : ev, güzel « la maison est belle ».

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Une base nominale peut être radicale, c'est-à-dire constituée par une racine nominale indécomposable en «racine + suffixe » dans l'état actuel de la langue ; ainsi : ev. Elle peut également être dérivée, c'est-à-dire comporter, outre une racine (nominale ou verbale), un ou plusieurs suffixes de dérivation (qui sont différents des suffixes de « déclinaison » précités) : ev-li « marié » (« qui a une maison »), ev-li-lik « fait d'être marié », ev-len-me « mariage » (dérivé en -me du verbe dérivé ev-len- « se marier ») ; koş-u « course » (de koş- « courir », verbe), koş-u-cu « coureur », gör-üş-me « entrevue » (dérivé en -me du verbe gör-üş- « s'entre-voir », lui-même dérivé du verbe radical gör- « voir »).

Les bases nominales dérivées reçoivent exactement la même « déclinaison » que les bases nominales radicales.

L'« adjectif substantivé », c'est-à-dire le nom généralement adjectif, mais employé comme substantif, se décline aussi de la même façon.

L'étude des suffixes de dérivation qui forment des noms à partir de noms ou de verbes est plutôt du ressort du vocabulaire que de celui de la grammaire. Toutefois, nous passerons rapidement en revue, ci-dessous, quelques suffixes de dérivation très fréquents, qui forment des noms (bases nominales) à partir d'autres noms (les noms dérivés de verbes seront étudiés plus tard, après la morphologie du verbe) :

— Suffixe -li «muni de..., qui a... » ou « originaire de... » : at-h « cavalier » (de ai « cheval »), sakal-h « barbu » (de sakal « barbe »), Paris-li « Parisien », köy-lü « paysan » (de köy « village ») ; ce suffixe a très souvent une valeur adjective : tuz-lu « salé » (de tuz « sel »), etc.

— Suffixe -siz « dépourvu de..., sans... » : işsiz « chômeur » (de iş « travail »), sakalsız «imberbe»; valeur adjective très fréquente : renksiz « incolore » (de renk « couleur »).

— Suffixe 4ik « endroit où se trouve... », et suffixe de généralisation, formant notamment des abstraits : ağaç-lık «lieu boisé » (de ağaç « arbre »), güzel-lik « beauté » ; également valeur adjective avec sens de destination : manto-luk « destiné à faire des manteaux » (tissu) ; ce suffixe se combine avec les deux précédents : köy-lü-lük « paysannerie », issiz-lik « chômage », ainsi qu'avec les deux suivants.

— Suffixe -ci de noms de métier ou de profession idéologique : iş-çi « travailleur », beton-cu « cimentier », DögoVcü « gaulliste ».

— Suffixe -daş de compagnonnage, ancien mot autonome, ne suit pas

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l'harmonie vocalique : meslek-taş « collègue » (de meslek «profession »), dindaş « coreligionnaire » (de din « religion »).

— Suffixe -cik de diminutif : voir exemples chapitre III, B, i ; et ses variantes élargies -ci gez et -ceğiz : madam-cağız « petite madame ».

REMARQUES SUR LA PHONÉTIQUE DES BASES NOMINALES :

i° Outre les cas signalés au chapitre II, B, 2, il y a quelques noms turcs proprement dits, de 2 syllabes, dont la seconde voyelle est instable^ et tombe devant un suffixe commençant par une voyelle : ağ(ı)z « bouche », al(i)n « front », bağ(ı)r « entrailles », ben(i)z « teint, carnation », bey(i)n « cervelle », boy(u)n « cou », böğ(ü)r « flanc », bur(u)n « nez, cap », göğ(ü)s «poitrine», gön(ü)l «cœur», kar(i)n «ventre», koy(u)n «giron, sein», yağ(ı)r « échine (du cheval) », noms de parties du corps, auxquels il faut ajouter : og[u)l « fils » et uğ(u)r « chance ; but moral, bonne cause ». L'accusatif en -i de ces noms, par exemple, sera : ağzı, alnı..., boynu..., uğru, tandis que leur pluriel en -1er sera : ağızlar, alınlar..., boyunlar..., uğurlar.

2° Comme dans les cas signalés au chapitre II, B, 3 et 5, il y a en turc de nombreuses bases nominales à la fin desquelles B alterne avec P ; D avec T ; G (et G entre voyelles) avec K ; C avec Ç. On peut pratiquement les considérer comme des mots dont la consonne finale intrinsèque est sonore (B,D, G, C), mais où cette sonore s'assourdit dans la prononciation et dans l'écriture (P, T, K, Ç) en finale absolue et en fin de syllabe (quand le mot reçoit un suffixe commençant par une consonne). Sont dans ce cas :

a) Tous les noms de 2 syllabes et plus qui figurent au dictionnaire avec des finales -P, -T, -K, -Ç et qui sont d'origine turque (ce qui exclut, notamment, beaucoup de mots arabes ou persans terminés par -t ou -k).

b) Un nombre restreint de monosyllabes d'origine turque qui figurent au dictionnaire avec ces mêmes finales :

dip «fond », kap « récipient » ; ad ou at « nom », ant « serment », art « dos », but « cuisse », dört « quatre », dut « mûre », kurt « loup » et « ver », od ou ot « feu » (mot vieilli), öt ou öd « bile », süt « lait », tat « goût », yurt « pays » ; çok « beaucoup », denk « équilibre, contrepoids, pareil », gök « bleu, ciel », yok « néant, rien, absent ».

c) Les mots d'emprunt qui, dans leur langue d'origine, se terminent par -B, -D, -G, -C (phonétiquement).

Dans les mots appartenant aux catégories a), b) et c) ci-dessus définies,

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la consonne se maintient sourde (P, T, K, Ç) en finale absolue et devant suffixe commençant par une consonne, mais elle devient sonore (respectivement : B, D, G, C) devant suffixe commençant par une voyelle, G devenant en outre G, s'il se trouve entre deux voyelle. Dans les autres mots, les consonnes se maintiennent toujours sourdes (P, T, K, Ç).

EXEMPLES OPPOSANT L'ACCUSATIF -i AU PLURIEL -1er :

a) çorap « chaussette, bas » : çorabı, çoraplar ; dolap « armoire, noria » : dolabı, dolaplar ; geçit « passage, gué » : geçidi, geçitler ; kanat « aile » : kanadı, kanatlar (hésitation pour quelques polysyllabes en -t ; bulut « nuage » : buludu, plus souvent bulutu et : bulutlar) ; ayak « pied » : ayağı, ayaklar ; çiçek «fleur » : çiçeği, çiçekler fağaç « arbre » : ağacı, ağaçlar ; sevinç « joie » : sevinci, sevinçler.

b) dip : dibi, dipler ; kap : kabı, kaplar ; ad ou at : adı, atlar, plus souvent adlar pour éviter la confusion avec at « cheval » ; ant : andı, antlar ; art : ardı, artlar ; but : budu, butlar ; dört : dördü, dörtler ; dut : dwiw, dutlar ; &wrl : kurdu, kurtlar ; od ou ol : oi«, otlar, plus souvent oifar pour éviter la confusion avec ot « herbe » ; öt : ödü, ötler ; sül : südü (aussi : sütü ; hésitation), sütler ; fal : tadı, tatlar ; jywrl : yurdu, yurtlar ; co^ : çoğu, locatif çokta ; denk : dengi, denkler ; gö£ : gög#, gökler ; 3>o& : yo£w (aussi : yoku ; hésitation), yoklar.

c) mikrop « microbe, mouchard » : mikrobu, mikroplar ; fo'fa^> (arabe fo'fao) « livre » : kitabı, kitaplar ; A#r/> (arabe harb) « guerre » : harbi, harpler (cf. chapitre III, A, exceptions i°) ; metot «méthode » : metodu, metotlar ; adet (arabe }aded) « nombre » : adedi, adetler ; evlât (arabe evlâd) « fils » : evlâdı, evlâtlar ; buldok « bulldog » : buldoğu, buldoklar ; renk (persan reng) « couleur » : rengi, renkler ; ahenk (persan âheng) « harmonie » : ahengi, ahenkler ; ihtiyaç (arabe ihtiyâç) « besoin » : ihtiyacı, ihtiyaçlar ; saç (arabe sac) « tôle » : sacı, saçlar, aussi saclar pour éviter la confusion avec saç « chevelure » ; fa£ (arabe tâc) « couronne » : tacı, taçlar.

Hors de ces trois catégories : at « cheval » : afo, atlar ; ol « herbe » : ol«, olfar ; millet (arabe millet) « nation » : milleti, milletler ; âdet (arabe 'âdet) « coutume » : a<&&, âdetler ; etc., et l'ensemble des monosyllabes d'origine turque qui ne figurent pas dans la catégorie b) ci-dessus : top « balle » : topu, toplar, etc.

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B) SUFFIXE DE NOMBRE : Pluriel :-fer.

Ce suffixe, qui s'ajoute immédiatement à la base nominale, est loin de correspondre, dans"son emploi, au pluriel français. Il fait défaut dans beaucoup de cas où le français emploie le pluriel. Il n'apparaît généralement qu'arc cas de nécessité pour le sens, afin de préciser la pluralité. Il s'agit le plus souvent d'une pluralité définie : evler « les maisons (en question) >y

Son absence est de règle :

i° pour exprimer le singulier : ev « la maison » ; le turc, qui n'a pas d'article défini, peut exprimer, comme en français, le singulier indéfini en utilisant le nom de nombre bir « un » : bir ev « une maison » (mais bir n'a pas toujours cette valeur indéfinie ; il peut être utilisé comme simple numéral avec un nom défini : bir ev désignera « une maison (quelconque) » ou « une (certaine) maison ».

2° pour exprimer le collectif, l'ensemble d'objets ou d'êtres non individualisés, notamment pour le pluriel indéfini : ev gördüm «j'ai vu des maisons », kitap aldım « j'ai acheté des livres », erik yedim « j 'ai mangé des prunes ».

3° quand le nom est précédé d'un qualificatif de nombre ou de quantité : beş ev gördüm « j'ai vu cinq maisons », çok ev gördüm « j'ai vu beaucoup de maisons », beş kilo erik aldtm « j 'ai acheté cinq kilos de prunes », beş adam geldi « cinq hommes sont venus » ou « les cinq hommes sont venus » (le verbe geldi « est venu » reste lui-même au singulier !) ; les étrangers doivent faire particulièrement attention à ne pas employer le pluriel -1er après les noms de nombre.

Les entorses aux règles ci-dessus sont rares, et correspondent toujours à une intention précise. Il s'agit alors, ou bien de donner au suffixe -1er une valeur emphatique ou d'abondance : karlar « les neiges = beaucoup de neige », bir şeyler « des choses (inattendues) » ; ou bien de former un nom propre : Beş-Evler « Cinq-Maisons », localité des environs d'Ankara.

On verra ci-après (C) que le suffixe complexe 4er-i de personne (3e pi.) ne donne pas forcément de sens pluriel au nom auquel il se joint : at-lar-i « leur cheval » (ou « leurs chevaux », ou « ses chevaux » selon le contexte).

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C) SUFFIXES DE PERSONNE

Une des originalités grammaticales du turc, c'est que le nom peut, à l'aide de suffixes spécialisés, y recevoir, tout comme le verbe, la marque de la personne : Jre, 2e et j e personnes du singulier et du pluriel.

Les suffixes nominaux de personne s'ajoutent à la base nominale, soit directement, si le suffixe -1er du pluriel n'y est pas préalablement adjoint, soit aussitôt après ce suffixe -1er : ev-im « ma maison », ev-ler-im « mes maisons ».

Ces suffixes nominaux de personne sont couramment appelés « suffixes possessifs », car ils remplissent entre autres un rôle semblable à celui des adjectifs possessifs des langues occidentales. Mais leur fonction présente un caractère plus général ; ils expriment de façon extensive la relation qui peut exister entre le nom et telle ou telle personne du singulier ou du pluriel ; relation de possession : ev-im « ma maison » ; relation d'appartenance : smif-tm « la classe à laquelle j'appartiens » ; relation de sujet, avec les noms d'action : gördüğ-üm « ce que je vois » [gör-dük « action de voir ») ; relation de destination : kahve değirmen-i « moulin à café » (kahve « café » : 3e personne ; -i : ici, suffixe de 3 e personne sg.) ; avec le suffixe de 3e personne, relation du nom complément au nom complété : Türkiye Cümhuriyet-i « la République de Turquie » ; Paris sehr-i « la ville de Paris » ; noter, d'après cet exemple, que le turc construit comme complément un mot qu'on pourrait concevoir comme apposition ; c'est de même qu'il exprime les noms géographiques en général, ainsi que les noms botaniques avec ağaç « arbre », ot « herbe », et les noms zoologiques avec kuş « oiseau », böcek « insecte » ; etc. : Baykal göl-ü « le lac Baïkal » ; akasya ağac-ı « acacia » ; maydanoz ot-u « persil » ; kanarya kuş-u « canari » ; etc., avec suffixe de 3 e pers. ajouté au second terme.

Aux premières et deuxièmes personnes du singulier et du pluriel, on peut généralement traduire les suffixes nominaux de personne par des possessifs français ; aux troisièmes personnes, cette possibilité subsiste dans beaucoup de cas, mais il en est aussi beaucoup d'autres où elle est écartée : baba-sı çocuğunu seviyor « le père aime son enfant » (baba « père », -si suffixe de 3e personne sg. exprimant la relation avec « enfant », çocuk) ;

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bulması kolay « c'est facile à trouver» (bul-ma « fait de trouver », -si suffixe de 3e pers. renvoyant implicitement à « la chose en question » ; kolay « facile » ; ici, la relation avec bulma est celle d'objet) ; mantolara bak : mavi-si güzel « regarde les manteaux : le bleu est beau » [mavi « bleu », -si suffixe de 3 e pers. renvoyant à « manteaux » exprimé précédemment ; le suffixe de 3 e pers. sert couramment à substantiver l'adjectif, avec valeur partitive : « celui qui est bleu parmi les manteaux en question »), etc.

v Les suffixes de personne des i r e et 2e du singulier sont respectivement

-m et -n, avec voyelle (i) de liaison ; ceux des i r e et 2e du pluriel sont dérivés des précédents par adjonction d'un suffixe -iz : -(i)m, -(i) n, -(i)m-iz, -(i)n-iz.

Le suffixe de 3e personne est -i, avec consonne (s) de liaison : -(s)i. Il s'emploie pour la 3 e du singulier, mais aussi parfois pour la 3 e du pluriel. Si, cependant, on veut préciser (ce qui est fréquent) qu'il s'agit d'une 3e

du pluriel, on fait précéder ce suffixe du suffixe de pluriel -1er : -ler-i. En ce cas, il ne peut y avoir cumul avec le suffixe -1er de nombre. Le résultat est qu'il y a parfois ambiguïté de sens, car on ne peut savoir, en dehors d'un contexte le précisant, si le suffixe -1er figure alors comme suffixe de nombre, de personne, ou des deux à la fois : evleri peut signifier « ses maisons » (evler-i), ou « leur maison » (ev-leri), ou « leurs maisons » (evler + leri avec confusion des deux « 1er »).

Le suffixe de 3e du pluriel -ler-i n'est habituellement employé que pour renvoyer à des personnes animées, et non pas à des choses (pour lesquelles on emploie surtout le suff. de 3 e du singulier ~(s)i) : göçebelerin yaşayış-lan « le mode de vie des nomades », mais : denizlerin dib-i « le fond des mers ». Même pour les personnes animées, on se contente parfois du suffixe de 3e du singulier : göçebelerin yaşayış-ı « le mode de vie des nomades ».

Deux suffixes de personne ne peuvent se cumuler. Si une expression du type « complément du nom + nom » (avec suffixe de 3 e pers. dans le second terme) doit recevoir la marque possessive de la i r e ou 2e pers. du singulier ou du pluriel, le suffixe de 3 e pers. tombe devant ceux de i r e

ou de 2e : « boîte d'allumettes » se disant kibrit kutu-su, « ma boîte d'allumettes » se dira kibrit kutu-m ; « votre boîte d'allumettes », kibrit kutunuz) etc.

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Quand au suffixe de 3e personne s'ajoute un suffixe de cas, une consonne nasale « n » apparaît entre les deux suffixes.

Autrement dit, les suffixes de 3e personne prennent alors les formes : ~(s)in- et -1er-in- : ev-in-de « dans sa maison » ev-lerin-de « dans leur maison », au locatif ; à l'accusatif : ev-in-i « sa maison », ev-lerin-i « leur maison ». Nous noterons ce n adventice entre crochets dans le tableau suivant des sumxes de personne du nom :

DU SINGULIER DU PLURIEL

I r e PERSONNE

-(i)m -(i)m-iz

2 e PERSONNE

-(i)n -(i)n-iz

3 e PERSONNE

-(s)i [n] -ler-i [n]

Remarque : le mot su « eau » prend la forme suy- devant les sumxes de personne (sauf -leri) : suyum « mon eau », etc.

D) SUFFIXES DE CAS

L'unique « déclinaison » du turc, en ce qui concerne les cas, présente un système tout à fait différent de celui des langues flexionnelles à cas (latin, grec, russe par exemple). En particulier, tout nom turc peut être .employé sans aucun suffixe de cas et remplir néanmoins les fonctions grammaticales les plus variées. Ainsi, çocuk «enfant», dans les emplois suivants :

Sujet : Çocuk, gülüyor « L'enfant rit ». Apostrophe : Çocuk ! gel ! « Enfant ! viens ! ». Complément du nom : Çocuk araba-st-yok « Il n'y a pas de voiture d'en

fant » (araba « voiture », avec suff. -si de 3e pers. qui renvoie à çocuk ; yok « inexistant »).

Complément d'objet direct : Bu kadın, üç çocuk yetiştirdi « Cette femme a élevé trois enfants » (bu démonstratif, kadın « femme », üç « 3 », yetiştirdi verbe transitif).

Complément de destination : Çocuk için elma verdim « J'ai donné des pommes pour l'enfant » (için « pour », elma « pomme »).

— 3i —

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Divers compléments circonstanciels : Çocuk gibi oynarsın « Tu joues comme un enfant » (gibi « comme »).

Çocuk ile gittik «Nous sommes partis avec l'enfant » (ile «avec»). Etc.

Nous appellerons ce cas sans suffixe : cas absolu. A ce cas absolu s'opposent 5 cas marqués par des suffixes. Ils se répar

tissent, d'après la nature de leurs fonctions, en deux catégories bien distinctes : cas grammaticaux, et : cas spatiaux.

Les cas grammaticaux (au nombre de 2) expriment la relation de complément défini, soit du nom : génitif en -(n)in, soit du verbe : accusatif en -(y)i. Les compléments indéfinis de nom et d'objet sont au contraire, comme on l'a vu dans les exemples précités, exprimés au cas absolu sans suffixe.

Les cas spatiaux (au nombre de 3) expriment des relations spatiales réelles ou symboliques ; la base nominale désignant le lieu de référence, les suffixes de ces cas indiquent, soit une direction vers ce lieu : directif en -(y)e, soit une situation dans ce lieu : locatif en -de, soit une translation à partir de ce lieu : ablatif en -den. Le locatif, par sa signification statique, s'oppose à la fois aux deux autres cas spatiaux, qui, à leur tour, s'opposent entre eux comme exprimant des mouvements de sens contraire (approche, éloignement).

Comme il a été dit antérieurement, les suffixes de cas prennent nécessairement place après le suffixe -1er et les suffixes de personne quand le nom en est pourvu : ev-ler-de « dans les maisons », ev-im-de « dans ma maison », ev-ler-im-de « dans -mes maisons ».

Deux suffixes de cas ne peuvent pas se cumuler. Le tableau ci-dessous rassemble les cinq suffixes de cas :

CAS GRAMMATICAUX

CAS SPATIAUX

GÉNITIF : -(n)in ACCUSATIF : - (y) i

DiRECtiF : -(y)e LOCATIF : -de ABLATIF : -den

— 32 —

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Remarque : le mot su « eau » a un génitif formé sur une base suy- : suyun ; ses autres cas sont réguliers.

On n'oubliera pas, d'autre part, ce qui a été dit précédemment du -n-qui apparaît devant tous les suffixes de cas après le suffixe de 3e pers. Exemple : evi « sa maison », gén. evinin, acc. evini, dir. evine, loc. evinde, abl. evinden.

Dans la langue ancienne, cet -n, seul, marque l'accusatif : evin = evini actuel.

E) PRÉCISIONS SUR L'EMPLOI DES CAS

i° GÉNITIF : Il marque le complément défini du nom : çoban-tn ev-i « la maison du berger » (d'un berger défini) ; le complément indéfini du nom, au contraire, reste au cas absolu : çoban ev-i « la maison de berger » (de berger en général) ; dans les deux constructions, la présence du suffixe de 3e personne (ev-i) est obligatoire après le nom complété. Voir exceptions, chapitre XXV, A, i°, c et A, 30, remarque.

Le suffixe du génitif peut ne pas apparaître, même si le complément du nom est défini, quand ce caractère défini n'a pas besoin d'être spécifié, notamment dans les expressions toutes faites : Cumhur Başkan-ı « le Président de la République », Ulus Meydan-ı « la Place de la Nation ».

On notera qu'en turc le complément de matière n'est pas traité comme un complément du nom, mais comme épithète au cas absolu (au même titre qu'un adjectif), sans suffixe de 3e pers. dans le second terme : taş köprü « (le) pont de pierre » (taş « pierre » se construit comme épithète de köprü « pont » de la même façon que büyük « grand » dans büyük köprü «le grand pont»). On peut aussi, pour le complément de matière, employer l'ablatif : voir plus loin, 5°.

De même, en turc, l'expression de la quantité est rendue par une épi-thète (formée souvent de plusieurs mots), et non pas par une construction avec complément du nom : beş kilo ekmek « 5 kilos de pain » (beş kilo « 5 kg » est épithète de ekmek « pain » au même titre que, par exemple, kuru « sec », dans kuru ekmek « pain sec »).

Au contraire, le turc rend par des constructions avec complément de nom et suffixe de j e pers. dans le nom complété des expressions que le français forme avec des épithètes : les noms turcs qui désignent des nations.

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des ethnies, des groupes sociaux divers (religions, partis, etc.) ne sont pas construits adjectivement, mais comme compléments du nom : Türk çocuğ-u «l'enfant turc» (et non pas «Türk çocuk»), Osmanlı Devlet-i «l'État Ottoman » (et non pas « Osmanlı Devlet ») ; la présence du sufL de 3e pers. (-u, -i), caractéristique du nom complété, indique bien que Türk et Osmanlı « Ottoman » ne sont pas traités comme épithètes, mais comme compléments.

2° ACCUSATIF : Il marque le complément d'objet direct défini du verbe transitif : ev-i gördüm « j 'ai vu la maison (en question) », bir ev-i gördüm «j'ai vu une (certaine) maison (bien définie) » ; le complément d'objet direct indéfini, au contraire, reste au cas absolu : bir ev gördüm «j'ai vu une maison (quelconque) », ev gördüm «j'ai vu des maisons (quelconques) » (ev, ici : collectif indéfini).

30 DIRECTIF : Il exprime un mouvement réel ou symbolique en direction de quelque chose ou de quelqu'un (but, destination, approche, pénétration) : İstanbul'a gidiyorum « je vais à Istanboul », ev-e bakıyorum « je regarde (vers) la maison » (bakmak « regarder » se construit avec le directif, et non avec l'accusatif), ev-e yaklaştı «il s'approcha de la maison », ev-e girdik « nous sommes entrés dans la maison ».

C'est aussi par le directif qu'on exprime le complément d'attribution : çocuğ-a bir elma verdi « il a donné une pomme à l'enfant » ; c'est pourquoi les grammairiens appellent généralement ce cas « datif ».

Le directif sert aussi à exprimer le complément de prix : beş kuruş-a bir elma « une pomme à 5 piastres » ; la question et la réponse concernant ce prix seront toutes deux formulées au directif : kaç-a P -beş kuruş-a ! « Combien ? — Cinq piastres ! » (« Pour combien ? »).

Certains compléments de temps sont aussi au directif : akşam-a geleceğim « je viendrai le soir » ou « ...ce soir » (« Vers le soir »).

40 LOCATIF : Il exprime la situation dans un lieu, la localisation. On le traduit souvent à l'aide de propositions françaises exprimant le lieu (« dans », « sur », parfois « à ») : Paris'te yaşıyor « il vit à Paris » ; ev-de dolaşıyor « il se promène dans la maison » ; ev-de kaldı « il resta chez lui » (« dans la maison ») ; yüz-ün-de bir ben vàr « elle a un grain de beauté sur le visage » (remarquer le sufîixe de 3 e pers. -ün- « son visage » ; ben « grain

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de beauté » ; var « existant » : « sur son visage, un grain de beauté (est) existant ») ; biz-de üç kedi var « chez nous, il y a trois chats » (biz « nous », üç « 3 », kedi « chat »).

Le locatif exprime aussi la localisation dans le temps : bin sene-sin-de « en l'an mil » (bin « i ooo » ; sene « année » ; remarquer le suffixe de 3 e pers. -sin- : bin est traité comme complément du nom sene « l'an de 1 000 ») ; sene-de üç defa « 3 fois dans Tannée ».

50 ABLATIF : Il exprime la translation à partir d'un lieu, l'éloignement, la sortie, le point de départ, l'origine, le passage suivi d'éloignement, et même la traversée d'un espace.

Exemples : ev-den uzaklaşıy ordum « je m'éloignais de la maison » ; evden çıktı « il sortit de la maison » ; bu yer-den öte « au-delà de cet endroit » (öte « au-delà ») ; bu yer-den beri « en-deçà de cet endroit » (beri « en-deçà ») ; ev-den sesler geliyordu « des cris provenaient de la maison » (ses « voix, cri ») ; Paris'ten üç kadın « trois femmes de Paris » (« venues de Paris » : origine).

Passage, traversée : Paris'ten geçtim « je suis passé par Paris » ; köprüden geçtim « j'ai traversé le pont ».

L'éloignement peut être symbolique ou psychologique : patates-ten bıktım «je suis dégoûté des pommes de terre»; köpek-ten korkarım «j'ai peur du chien ».

Du sens d'origine, on passe aisément à celui de cause : susuzluk-tan öldü « il est mort de soif » ; bunu kıskançlık-tanyaptı « il a fait cela (bunu, ace.) par jalousie » ; ce sens de cause permet à l'ablatif, pour les noms d'êtres inanimés seulement, de servir aussi de complément d'agent (inanimé) d'un verbe passif : soğuk-tan yorulur « il est fatigué par le froid ». Pour le complément d'agent animé (avec tarafindan), voir chapitre IX, D, remarque.

Le point de départ peut être temporel : dün-den beri « depuis hier » ; yarin-dan itibaren « à partir de demain » ; o zaman-dan evvel « avant cette époque » (0 démonstratif, zaman « temps ») ; o zaman-dan sonra « après cette époque ».

L'ablatif exprime aussi la provenance dans les locutions de sens partitif : at-lar-dan üç-ü « trois des chevaux » ; dans ce type de construction, la présence dans le second terme du suff. de 3e pers. (ici : -ü) est obliga-

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toıre, comme après un complément du nom. Un peut d'ailleurs exprimer aussi le partitif comme un complément défini du nom, avec le génitif, et avec le suff. de 3 e pers. dans le second terme : at-lar-m üç-ü « trois des chevaux ».

L'ablatif exprime aussi la matière à partir de laquelle un objet est fabriqué : taş-tan köprü « pont (fait) de pierre » ; on peut dire aussi taş köprü, cf. plus haut, i°.

Il faut enfin souligner que l'ablatif exprime le point de départ d'une comparaison («en comparaison de... »), et qu'il sert ainsi à former des locutions comparatives. Le turc n'a pas de formes grammaticales de comparatif. Pour exprimer que « Mehmet est plus âgé qu'Ahmet », il dira que « Mehmet (est) grand en comparaison d' (abl.) Ahmet » : Mehmet, Ahmet-ten büyük. C'est la seule présence d'un complément de comparaison à l'ablatif (Ahmet-ten) qui donne ici à büyük « grand » le sens comparatif.

D'une manière analogue, le turc n'ayant pas de forme spécifique du superlatif, les locutions superlatives sont formées à l'aide d'un complément à Vablatif (ayant alors à la fois un sens partitif et de comparaison), le nom (adjectif) de sens superlatif recevant alors le suffixe de 5e pers. au même titre que dans les locutions de sens partitif mentionnées plus haut : Mehmet, çocuk-lar-dan büyüğ-ü « Mehmet est le plus âgé des enfants » (« Mehmet est le grand parmi les enfants »). Une construction de même sens est possible avec le complément au génitif : Mehmet, çocuklar-m büyüğ-ü.

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VI. LES PRONOMS

Les pronoms ne sont en turc qu'une catégorie spéciale de noms. Us présentent de légères particularités morphologiques, qui seront signalées pour chacun d'eux.

A) PRONOMS PERSONNELS

Le turc n'a de pronoms personnels proprement dits que pour les premières et. deuxièmes personnes du singulier et du pluriel (pour les troisièmes personnes, il se sert des démonstratifs : voir plus loin, B). Ces pronoms sont :

i r e PERSONNE DU SINGULIER : ben «je, moi»

2e — — : sen « tu, toi » I r e PERSONNE DU PLURIEL : biz « nOUS »

2e — — : siz « vous «.

Leur cas se forment comme ceux des noms (voir chapitre V, D). Toutefois, les directifs de ben et de sen sont respectivement : bana « à moi », sana « à toi » ; et les génitifs de ben et de biz sont respectivement : benim « de moi », bizim « de nous », Les autres cas ont des formes régulières.

Seuls biz et siz peuvent recevoir le suffixe du pluriel, avec une valeur emphatique : bizler « nous autres », sizler « vous autres ».

Les génitifs des pronoms personnels servent, en concurrence avec les suffixes de personne, à exprimer la possession : benim ev = evim « ma maison » ; on peut aussi cumuler les deux procédés : benim evim. La tournure benim ev a un caractère populaire.

Le tutoiement, en turc, est normal dans le peuple, sans aucune nuance

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d'irrespect. Le vouvoiement de politesse existe. Il y a en outre une tournure originale de modestie qui consiste à dire biz « nous » au lieu de ben, en parlant de soi-même.

Remarque : Le mot kendi « la personne-même », augmenté des suffixes nominaux de personne, donne les formes : kendim « moi-même », kendin « toi-même », kendisi « lui-même » (réfléchi ou non), etc. Employé adjectivement, il signifie « propre » : kendi babası « son propre père ». Kendi (şans -si) peut aussi servir pour la 3e personne et se décline alors au siri^ gulier avec apparition d'un -n- devant les suffixes de cas : kendi-n-den « de lui-même », kendine « à lui-même » ; on peut donc le figurer sous la forme kendi[n] (cf. -si[n), 3e pers.).

B) DÉMONSTRATIFS

Ils sont au nombre de 3 : bu, su, 0. Employés comme adjectifs démonstratifs, ils sont invariables : bu adam

lar-a « à ces hommes ». Employés comme pronoms démonstratifs (et personnels de la 3 e pers.),

ils se déclinent au singulier et au pluriel, avec les mêmes suffixes de cas que les noms. Toutefois, au singulier et au pluriel, il y a apparition d'un -n- (cf. si[n\ et kendi[n]) après leur radical, qu'on peut donc figurer ainsi :

bu[n], şu[n], o[n\.

Avec -siz « sans », on a bunsuz, şunsuz, onsuz «sans lui ». Exemples : Directifs buna, şuna, ona ; pluriels bunlar, şunlar, onlar. Bu « ce », « celui-ci », « celle-ci », « ceci » (pas de genre en turc !), « il »,

« elle », désigne en principe un être ou un objet proche de celui qui parle ; d'autre part, dans un texte ou dans un récit, il désigne ce qui précède.

Şu désigne en principe un être ou un objet proche de celui à qui l'on parle ; d'autre part, dans un texte ou dans un récit, il désigne ce qui va suivre.

O ace », « celui-là », « celle-là », « cela », « il », « elle », désigne en principe un être ou un objet plus éloignés ; d'autre part, c'est, des trois, celui qui est le plus souvent employé en fonction de pronom personnel de la 3 e pers.

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C) INTERROGATIFS-INDÉFINIS

Kim « qui ? » interroge sur les personnes ; il est seulement pronom (jamais adjectif) ; il a une déclinaison complète et régulière. Avec les suffixes des personnes du pluriel, il peut prendre une valeur partitive : kimimiz ? « lequel des nôtres ? » ou « qui d'entre nous ? ». Avec les formes hypothétiques en -se du verbe, il prend une valeur indéfinie : kim gelse « qui que ce soit qui vienne » (gel-se « s'il vient ») ; kim ise (i-se « s'il est ») peut se contracter en kimse, qui devient à son tour un pronom indéfini déclinable signifiant « quelqu'un » (et « personne » dans les propositions de sens négatif). Avec le suffixe nominal de 3e pers., kim-i signifie « certain » ; kimi..., kimi... signifie : « l'un (e)..., un (e) autre... ». Kim peut aussi s'employer exclamativement : kimlere inandın ! « à quels gens tu t'es fié ! ».

Ne « quoi ? » interroge sur les choses en tant que pronom ; mais il est aussi adjectif, avec le sens de « quel » : ne gördün ? « qu'as-tu-vu ? » ; ne zaman geldi ? « à quel moment est-il venu ? ». Ne a, d'une part, une déclinaison complète et régulière, et, d'autre part, des formes parallèles formées sur un radical ney- devant tout suffixe commençant par une voyelle : ne-miz var ? ou ney-imiz var ? « qu'avons-nous ? » (mot-à-mot : « quelle chose nôtre (est) existante ? ») ; à côté du direct if ne-y e ? «pour quelle chose ? » existe un doublet niye ? « pourquoi ? ». Ne prend une valeur indéfinie dans les mêmes conditions que kim : ne ise « ce que cela peut être » ou « quoi qu'il en soit », ou, contracté en neyse, divers sens tels que a bon, enfin, eh bien ! ». Ne peut aussi être exclamatif : ne adam ! « quel homme ! »

Il ne faut pas confondre ne interrogatif avec ne..., ne..., négation double « ni..., ni... », empruntée au persan.

Hangi « quel ? » est adjectif et interroge sur la qualité : hangi renk ? « quelle couleur ? ». Augmenté des suffixes nominaux de personne, il devient pronom, avec une valeur partitive : Hangi-miz ? « Lequel d'entre nous ? » ; hangi-si ? « lequel (d'entre eux) ? ». Il prend une valeur indéfinie dans les mêmes conditions que les précédents : hangi renk olsa « quelque couleur que ce soit ». Il n'a pas d'emploi exclamatif (pour cela, c'est ne qu'on utilise).

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Kaç « combien ? » interroge sur le nombre (pour la quantité on utilise ne kadar ? « quelle quantité ? »). Il est pronom et adjectif. Il peut prendre comme les précédents (et comme ne kadar) une valeur indéfinie : kaç adam gelse « quel que soit le nombre d'hommes qui viennent » ; ne kadar yese « autant qu'il puisse manger ». Au directif, kaça ? signifie « pour combien ? », « à quel prix ? », et « à quelle heure ? ».

Avec ne pour premier élément sont formés, entre autres, les interroga-tifs nasıl [ne asti) ? « comment ? » et niçin [ne için) ? « pourquoi ? ». v

D) LOCUTIONS PRONOMINALES

L'adjonction du suffixe nominal de 3e pers. ~(s)i[n] transforme en pronoms un certain nombre de noms-adjectifs : bir « un », bir-i « l'un, quelqu'un » (et même, pléonastiquement, avec 2 suffixes : birisi, même sens), bir-biri « l'un l'autre » (réciproque) ; o bir, öbür « autre (de 2) », obür-ü « l'autre (des 2) » ; başka, diğer « autre », başka-sı, diğer-i « un autre ».

Le nom-adverbe hep « entièrement », « toujours », avec une suffixation de même type, mais irrégulière, hep-si, signifie « la totalité, tous » (emploi pronominal ; pour l'emploi adjectif, il faut se servir de bütün « tout, tous ») : hepsi geldi « ils sont tous venus » ; bütün gece uyudum « j'ai dormi toute la nuit ».

E) LE PRONOM-SUFFIXE -Kİ

Ancien élément autonome devenu suffixe, il ne subit pas l'harmonie vocalique (sauf dans dün-kü « d'hier » et bu-gün-kü « d'aujourd'hui »), du moins dans la langue littéraire.

Il s'ajoute à un génitif, à un locatif, ou à un nom-adverbe, avec une signification relative « qui est... ». Dans ses emplois pronominaux, il se décline, au singulier et au pluriel, comme kendi (voir plus haut, A, Remarque) : ki\n\.

i° Avec le génitif, il signifie «ce qui appartient à... » : benim-ki «le mien », Ahmedin-ki « celui d'Ahmet », doktorun-ki « celui du médecin » ; il est seulement d'emploi pronominal et non adjectif (au lieu de « benimki kitap », on dit benim kitap ou benim kitabım « mon livre », etc.).

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2° Avec le locatif ou un adverbe, il signifie : « (ce) qui est... » : evde-ki « (celui, celle, ce) qui est dans la maison » ; karsi-ki « (celui, etc.) qui est en face » ; son emploi est alors aussi bien adjectif que pronominal : karşıki ev « la maison d'en face » ; evdekiler « ceux qui sont dans la maison ». La construction avec -ki est possible avec tous les locatifs ; elle n'est, en revanche, possible qu'avec une partie des noms-adverbes, spécialement avec ceux de lieu et de temps : öteki [öte « au-delà ») « celui qui est au-delà », « l'autre » ; yarınki hayât « la vie de demain » (yarın « demain »).

Dans ses emplois pronominaux, -ki peut être décliné de façon complète, avec suff. du pluriel -lery suff. nominaux de personne, et sufï. de cas : benimkine « au mien », bizimkilere « aux nôtres ». On peut, ainsi, rencontrer des formes aussi complexes que, par exemple : evlerinizdekileri-mize « à ceux d'entre nous qui sont dans vos maisons » ; toutefois, de telles accumulations de suffixes sont assez rares.

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VII. NUMÉRATION

Les noms de nombre turcs peuvent être employés comme adjectifs (invav

riables) : dört adama « aux 4 hommes », voire comme adverbes (invariables) bir vurdular « ils frappèrent une fois », ou comme substantifs, avec une déclinaison complète et régulière ; dörd-ün-ü gördüm « j'en ai vu 4 » (« j'ai vu 4 d'eux » : valeur partitive fréquente du suffixe de personne, ici 3e pers.). Ils existent sous 3 formes : cardinale, ordinale et distributive.

A) NOMBRES CARDINAUX

L'arabe sıfır « zéro » (qui a donné notre mot « chiffre ») n'est employé que dans le langage arithmétique ; autrement, on dit hiçbir « aucun » (hiç « rien » et bir « un ») : hiçbir adam gelmedi « aucun homme n'est venu » (avec négation -me- obligatoire en pareil cas dans le verbe). Les autres noms de nombres cardinaux turcs proviennent directement du turc ancien (à l'exception de milyon « million » et milyar « milliard », du français) et constituent un système décimal. Il y a des noms spéciaux pour les unités d'une part, pour les dizaines d'autre part, puis pour « 100 » et « 1 000 ». Parmi les noms de dizaines, seuls ceux de 60 à 90 sont en rapport étymologique avec ceux de l'unité correspondante. En voici la liste :

U* 1 : 2 ;

3 4 5 6 : 7 8 : 9

riTÉs : bir : iki : üç : dört : beş : altı : yedi : sekiz : dokuz

DIZAINES 10 : on 20 : yirmi 30 : otuz 40 : kırk 50 : elli 60 : altmış 79 : yetmiş 80 : seksen 90 : doksan

CENT

MILLE

MILLION

MILLIARD

: yüz

: bin

: milyon

: milyar

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Les nombres complexes se forment, d'une façon très semblable à celle qu'on observe en français, par tranches de milliards, millions, milles et unités, en mentionnant dans chaque tranche les centaines, puis les dizaines, puis les unités. Exemple :

316 457 208 915 : üç yüz on altı milyar dört yüz elli yedi milyon iki yüz sekiz bin dokuz yüz on beş.

Il n'y a pas comme en français de nombres complexes de dizaine + unité : « douze » se dit on iki «10 + 2 », etc.

Quand on ajoute, aux noms de nombres complexes, des suffixes de dérivation (cf. ci-dessous, B, C) ou de déclinaison, seul le dernier terme reçoit les suffixes : « à 145 », au directif, se dira : yüz kırk beş-e.

Il est extrêmement courant de faire suivre immédiatement le nom de nombre du mot tane, ou adet « unité (de compte) », sans aucune modification du sens : iki tane yumurta « deux œufs » ; on beş adet tavuk « quinze poules ». A la question : kaç ? « combien ? », on répondra presque toujours : iki tane « deux », et non iki seul.

L'adjonction, à la fin du nombre cardinal simple ou complexe, du suffixe -(s)V[n] de 3e pers. donne une expression substantive, qui peut avoir un sens partitif : iki yüz altmış yedisi « les 267 » ou « 267 d'entre eux » ; si l'on veut préciser que le sens n'est pas partitif, mais doit être compris comme « tous les X », on ajoute, aussitôt après cette expression, la particule dejda, qui s'écrit à part, mais subit l'harmonie vocalique ; cette particule inaccentuée (enclitique) provoque l'apparition d'un accent tonique sur la syllabe qui la précède immédiatement : on altısı da « tous les 16 », yedi yüz dördünü de gördüm « je les ai vus tous les 704 ».

B) NOMBRES ORDINAUX

Ils se forment en ajoutant à la fin du nombre simple ou complexe le suffixe : -(i)nci. Exemples : onuncu « 10e », iki yüz kırk dokuzuncu « 249e ».

« Premier » ne se dit birinci que dans une série « Ie r , 2e, etc. » ; sinon, il se dit ilk : ilk adam « le premier homme » ; birinci mevki « i r e classe » (des trains ou des bateaux, par opposition à ikinci mevki «2e classe »). « Dernier » se dit son ou sonuncu. « Médian » se dit ortanca (de orta « milieu »).

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Les ordinaux sont substantivés par addition du suff. de 3e pers. : on altıncısı « le 16e ».

C) NOMBRES DISTRIBUTIFS

Ils se forment en ajoutant à la fin du nombre simple ou complexe le suffixe : -(ş)er.

Ils s'emploient surtout comme adjectifs ou adverbes. Non répétés, Ü£ signifient « X à chacun » ; répétés, ils signifient « par groupes de X », « X par X ».

Exemples : onlara dörder erik verdik « nous leur avons donné 4 prunes à chacun » ; dörder dörder yürüyorlar « ils marchent 4 par 4 » ; birer kitap aldınız « vous avez pris chacun un livre » ; birer birer girdiler « ils entrèrent un par un ».

D) FRACTIONS

« Un demi » se dit yarım (adjectif) ; « moitié » se dit yarı (substantif) ; « quart » se dit çeyrek (substantif, du persan) pour les unités de temps, sinon : dörtte bir : yarım kilo et « 1/2 kg de viande » ; elmanın yarısı « la moitié de la pomme » ; mais : elmanın dörtte biri « le quart de la pomme ».

« ...et demi» se dit buçuk : iki buçuk kilo « 2 kg 1/2 ». Il ne faut pas confondre buçuk « ...et demi » avec yarı m « demi » : bir buçuk kilo süt signifie « un litre et demi de lait », et non p .s « un demi-litre », qui se dit yarım kilo süt !

En dehors des « demis » et des « quarts », le turc n'a pas de mots spéciaux pour les fractions, mais recourt à un procédé logique, d'application générale : « X sur Y » se dit « dans Y (locatif -de), X ». Exemples : 3/4 : dörtte üç ; 5/6 : altıda beş ; 234/707 : yedi yüz yedide iki yüz otuz dört'.

Ces expressions fractionnelles deviennent substantivés par adjonction d'un suffixe nominal de personne : dörtte üçümüz « les 3/4 d'entre nous » ; elmanın dörtte üçünü yedi « il a mangé les 3/4 de la pomme ».

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E) OPÉRATIONS

Pour les calculs simples et dans le langage courant, on emploie, pour l'addition, daha « en plus » après le second terme : beş, dört daha, dokuz (eder) «5 et 4 (font) 9 » ; pour la soustraction, « 5 moins 4, reste 1 » peut se dire : beşten dört çıkarırsak, bir kalır « si, de 5 (ablatif), nous retirons 4, 1 reste », mais on dit plus couramment : beşten dört çıktı, bir (kalır) « 4 est sorti de 5, reste 1 » ; pour la multiplication, on se sert du mot kere « fois » : beş kere dört, yirmi eder « 5 fois 4 font 20 » ; pour la division, du mot taksim « partage » : yirmi, taksim dört, beş eder « 20, divisé par 4, font 5 ».

Mais dans le langage mathématique, on emploie artı « + », eksi « — », çarpı « x », bolü « : », dans les mêmes conditions qu'en français : 47 bolü 9 « 47 divisé par 9 », etc.

' F) APPLICATIONS PRATIQUES

i° Le prix (fiât), pour les petites sommes, est exprimé en kuruş « piastres » (centième de la livre, lira), au cas absolu, ou au directif : Fiati ne kadar ?— Yüz elli ! « Quel prix ? — 150 piastres ! » (soit : 1 livre 1/2) ; Kaça ? — Yüz elliye I « Combien ? — 150 ! » (même sens). Pour les plus fortes sommes, on compte en livres, en exprimant, en principe, le mot lira. « Compte » se dit hesap (hesab).

2° Les dates s'expriment comme en français par les nombres cardinaux : « 25 mars 1972 », yirmi beş Mart (bin) dokuz yüz yetmiş iki (on peut sous-entendre bin « mille ») ; les dates abrégées sont exprimées au locatif : « le 25 », ayın yirmi beşinde ; « en 1972 », (bin) dokuz yüz yetmiş ikide. Les dates réduites au jour de la semaine (hafta) sont exprimées au cas absolu, parfois suivi de günü (gün « jour » + suffixe de 3 e pers.) : Pazar günü « dimanche ». Pour l'avenir, on emploie le datif : Pazara « dimanche prochain ».

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Les noms des mois (ay « mois » et « lune ») sont :

janvier février mars avril mai juin

: Ocak : Şubat : Mart : Nisan : Mayıs : Haziran

juillet août septembre octobre novembre décembre

Temmuz Ağustos Eylül Ekim Kasım Aralık

Pour les jours, on a : Pazar « dimanche » ; Pazartesi « lundi » ; Sah « mardi » ; Çarşamba « mercredi » ; Perşembe « jeudi » ; Cuma « vendredi » ; Cumartesi « samedi ».

3° IS heure s'exprime aussi par les cardinaux, en utilisant le mot saat « heure » (et « montre », « horloge »), parfois sous-entendu (le mot dakika « minute » étant, lui, presque toujours sous-entendu). « Quelle heure est-il ? » se dit : Saat kaç ? ; « A quelle heure ? » se dit : Saat kaçta ? (locatif).

Pour les heures et les demies, on dit : Saat yedi « il est 7 h » ; (Saat) yedide « à 7 h » ; Saat yedi buçuk « il est 7 h 1 /2 » ; (Saat) yedi buçukta « à 7 h 1/2 » ; etc. ; on peut préciser en faisant précéder le chiffre de sabah « matin », akşam « soir », ou gece « nuit » : on ikide « à midi » ; gece on ikide « à minuit ».

« Il est 8 h 20 » se dit : (Saat) sekizi yirmi geçiyor « 20 dépasse 8 (accusatif) » ; « à 8 h 20 » : sekizi yirmi geçe, « 20 dépassant 8 ».

« Il est 8 h moins 20 » se dit : (Saat) sekize yirmi var « il y a 20 pour (arriver à) 8 (directif) » ; « à 8 h moins 20 » : sekize yirmi kala « 20 restant (à passer) pour (arriver à) 8 ».

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VIII. FONCTIONS ADJECTIVE ET ADVERBIALE DU NOM

Comme on Ta vu, le nom employé adjectivement est invariable ; s'il est épithète, il se place obligatoirement avant le mot auquel il se rapporte : güzel hava « le beau temps » {hava güzel signifierait « le temps est beau » !). Les noms exprimant des qualités, et ceux formés par dérivation à l'aide des suffixes 4it -siz, -lik (voir chapitre V, A) ont une vocation particulière à la fonction adjective : kara bulut « le nuage noir », dağlık bir memleket « un pays montagneux », tuzlu ekmek « pain salé », tatsız bir yemek « un mets insipide » [tat «saveur »).

Le turc n'a pas de formes de comparatif ni de superlatif ; on a vu (chapitre V, E, 50) quelles constructions (avec complément à l'ablatif) en tiennent lieu. On peut toutefois préciser le sens comparatif à l'aide du mot daha « plus » : Mehmet, Ahmetten daha büyük « Mehmet est plus âgé qu'Ahmet », et le sens superlatif à l'aide du mot en « le plus » : Mehmet, çocuklardan en büyüğü « Mehmet est le plus âgé des enfants » (avec büyük « grand » au sens d' « âgé »).

Tout nom-adjectif peut être employé tel quel comme adverbe {invariable) : iyi « bon », iyi yaptı « il a bien fait ». Il peut alors entrer dans des constructions de sens comparatif ou superlatif toutes semblables aux précédentes : Ahmetten (daha) iyi yaptı « il a fait mieux qu'Ahmet » ; en iyi o yaptı « il a fait au mieux ».

Nous étudierons, dans ce court chapitre, les formations qui sont spécifiques des fonctions adjective et adverbiale du nom.

A) ADJECTIFS-ADVERBES INTENSIFS

Pour donner un sens intensif à un nom employé comme adjectif ou comme adverbe, le turc dispose des mots çok « très », pek « extrêmement » : çok iyi, pek iyi « très bon, très bien ».

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Il peut aussi parfois redoubler l'adjectif-adverbe : büyük büyük lâflar « des paroles exagérées ».

Mais ce redoublement intensif peut avoir une forme très particulière, consistant à prendre pour premier élément, non pas le mot entier, mais son début (jusqu'à sa première voyelle incluse) suivi d'une consonne -p, -m, -s, -r, ou du groupe -pe : kara « noir », kap-kara « tout noir » ; boş « vide », bom-boş « tout vide » ; doğru « droit », dos-doğru « tout droit » ; çıplak « nu », çır (il)-çıplak « tout nu » ; düz « plat, uni », düm-düz « tout plat », düpe-düz « tout uni(ment), très franchement », etc.

B) SUFFIXES DE SENS ADVERBIAL

i° -(y)in et -le-yin. Ils forment surtout des adverbes de temps : kış-tn « en hiver », yaz-m « en été », öğle-yin « à midi », sabah-la-ym « le matin », gece-le-yin « nuitamment », etc.

2° -li ...-U (redoublé). Signifie « à la fois ceci et cela » : sağ-lı sol-lu « à droite comme à gauche » ; sabah-h aksam-h « matin et soir ».

3° -ce. Signifie « à la manière de ». Très usité, il peut se joindre à toutes les bases nominales, éventuellement pourvues de sufhxe de personne, mais non de suffixe de cas (dont -ce tient lieu !). Il est non accentué (enclitique) et développe un accent tonique sur la syllabe précédente : çocuk-ça « comme un enfant », bén-ce « selon moi », fikr-'im-ce « à mon avis », bun-ca « autant que ceci », « seulement ceci » (remarquer le n qui apparaît après bu, démonstratif, comme dans sa déclinaison ; de même : onca, şunca, kendince, et avec suffixe de 3 e pers. : fikr-ïn-ce « à son avis » ; -ce se comporte donc presque comme un suffixe de cas, sauf pour l'accent tonique).

Se joint couramment à un nom (ou nom-adjectif) pour lui donner une valeur adverbiale hükümet-çe « gouvernementalement », « par le gouver-nement » (cf. chapitre IX, D, fin) ; sabırsız-ca «impatiemment » (sab(i)r « patience ») ; güzel-ce « joliment » ; etc..Noter aussi : yüz-ler-ce « par centaines », bin-ler-ce « par milliers ».

Il peut se confondre dans récriture avec un suffixe -ce (accentué!) qui a une valeur originelle de diminutif (cf. -cek : oyun « jeu », oyun-cak « jouet » ; voir aussi chapitre III, B, 1 et V, A : -cik, -ceğiz, -ciğez, suffixes apparentés) et qui se joint à des noms et à des noms-adjectifs : kitap-çe

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« opuscule » ; güzel-ce « assez joli(e) » (accentué sur la fin, à la différence de giizél-ce « joliment »).

Avec des noms de peuples, -ce désigne les idiomes : franstz-ca « le français », türk-çe « le turc », formant ainsi de nouveaux mots qui se déclinent normalement (accent sur la fin) : fransizcadan türkçeye çevirmek « traduire du français en turc ».

Remarque : le suffixe complexe -ce-sin-e (3e pers. + direct if) est un élargissement du précédent, avec valeur d'insistance : çocukçastna « tout à fait comme un enfant ».

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IX. POST-POSITIONS

Les mots turcs qui jouent le même rôle que les prépositions du français sont toujours placés après le nom auquel ils se rapportent ; c'est pourquoi on les appelle post-positions. Les noms qui dépendent des post-positions, sont, selon la nature de celles-ci, soit au cas absolu, soit au directif, soit à Y ablatif.

A) AVEC LE CAS ABSOLU

i° ile « avec », « et ».

Cette post-position non accentuée (enclitique) développe un accent tonique sur la syllabe qui la précède immédiatement. Dans la langue actuelle, elle est devenue, par usure phonétique, un véritable suffixe atone : -(y)le, qui suit l'harmonie vocalique, avec présence de y après voyelle seulement : babam ile, babamla « avec mon père » ; babasi ile, babasıyla « avec son père » (toutefois, quand ile se contracte ainsi avec un mot pourvu du suffixe de 3 e pers., on peut aussi avoir des formes du type babasiyle, babasïle).

Comme dans le français « avec », le sens peut être d'accompagnement : Mehmet'le « avec Mehmet », ou d'instrument, de moyen : bir taşla ezmek « écraser avec une pierre ».

Bien souvent, le sens, atténué, correspond (dans l'accompagnement) à celui du français « et » : Mehmetle Ahmet geldiler « Mehmet et Ahmet sont venus » ; il ne faut jamais négliger cette possibilité de traduction, faute de quoi l'on peut commettre des contresens.

Suivi de beraber ou birlikte, ile signifie « en compagnie de » ou «malgré » : bununla beraber « malgré cela ».

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2° için « pour ».

Indique le but, la destination : Mehmet için « pour Mehmet », namus için « pour l'honneur », gitmek için « pour partir ».

Avec les noms d'action en -dik et en -(y)ecek dérivés de verbes, cette post-position a un sens causal : « à cause de ». Exemples : buraya geldiğimiz için « parce que nous sommes venus ici », buraya geleceğimiz için « parce que nous viendrons ici » (au contraire, avec l'infinitif et le nom d'action en -me, için a toujours le sens de but : gelmek için « afin de venir », gelmemiz için « pour que nous venions »). Cf. bunun için «c'est pourquoi».

3° gibi « comme ».

Post-position comparative de manière : « à la façon de », « de même que ». Çocuk gibi konuşuyor « il parle comme un enfant ».

4° kadar « autant que »; denli «id. ».

Post-position comparative de quantité : Ahmet, Mehmet kadar yemek yer « Ahmet mange autant que Mehmet » ; après les noms de nombre, signifie « environ » : elli kadar « 50 environ ». Peut signifier « aussi grand que » : tavuk kadar bir karga gördüm « j'ai vu un corbeau aussi grand qu'une poule ».

Avec le directif, kadar a un sens différent (« jusqu'à »).

50 üz(e)re « sur », « pour ».

Avec l'infinitif, « pour » et « à condition de » : yazmak ilzre « pour écrire » (vieilli ; on dit maintenant : yazmak için) ; iade etmek üzre « à condition de (le) rendre » (emprunt) ; seul sens très courant : « sur le point de » : gitmek üzre « sur le point de partir ».

6° sıra « tout près de », « tout contre ».

Cette post-position ne s'emploie que dans un petit nombre d'expressions : yanım sıra « tout près de mon côté » = « tout près de moi » ; ardım sıra « juste derrière moi » {art « dos »), etc.

70 içre «dans» (archaïque).

Aujourd'hui, seulement en poésie : deniz içre « dans la mer ».

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Remarque : Ces 7 post-positions se construisent avec le cas absolu des noms ordinaires ; mais, si elles se rapportent à un pronom personnel, démonstratif, ou interrogatif, celui-ci doit prendre la forme du génitif : benimle « avec moi », bununla « avec ceci » (et, suivi de beraber, « malgré cela » !) ; kimin için ? « pour qui ? », onun için « pour cela » et « à cause de cela », sizin gibi « comme vous » (on peut toutefois dire : bu gibi « comme ceci, de ce genre » ; mais bunun gibi « comme lui »), bizim kadar «autant que nous», etc. Cette règle ne s'applique, parmi les interrogatifs, qu'à kim ; avec ne, on dit : néyle ? « avec quoi ? », niçin « pourquoi » ?', ne gibi ? « comme quoi ? », ne kadar ? « autant que quoi ? » = « quelle quantité ? ».

B) AVEC LE DIRECTIF

i° doğru « vers ».

Souligne simplement la notion de direction, déjà contenue dans le cas directif : eve doğru « vers la maison ».

20 göre « selon », « d'après ».

Exemples : bana göre « selon moi », bu metoda göre « selon cette méthode ».

30 kadar « jusqu'à », dek, değin, même sens.

Pour kadar ne pas confondre avec l'emploi mentionné plus haut (A, 40) : eve kadar « jusqu'à la maison » = eve değin. La post-position dek est parfois jointe dans l'écriture : burayadek « jusqu'ici ».

40 karsx « face à ».

Avec les deux sens de « en face de » : eve karşı « face à la maison », et de « contre » (hostilité) : bize karşı « contre nous » ; signifie aussi « à l'égard de » : bize karşt « à notre égard » (selon le contexte).

50 rağmen « malgré », karşın « id. ».

« Malgré cela » se dit : buna rağmen (ou encore : bununla beraber, cf. plus haut, A, Remarque), buna karşın.

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C) AVEC L'ABLATIF

i° Post-positions signifiant « avant » (önce, evvel) et « après » (sonra). Idée d'origine : harpten evvel « avant la guerre », ondan sonra « après cela ».

2° Diverses post-positions de lieu, avec idée d'origine : dışarı « hors de » yukarı « en haut de », aşağı « en bas de », ileri « en avant de », geri « en arrière de », beri « en-deçà de », öte « au-delà de ».

3° Post-position de cause : dolayı « à cause de ». 4° Post-positions d'exception : başka, gayrı « à part, excepté, outre » ;

fazla « en plus de, outre ».

Remarque : Dans les diverses significations ci-dessus, il y a toujours, plus ou moins clairement, l'idée d'un « point de départ », qui justifie l'ablatif. Plus étrange et rare est l'emploi, avec l'ablatif également, de la post-position içeri « à l'intérieur de » : evden içeri girdi « il entra à l'intérieur de la maison » ; il est possible que cette construction soit simplement analogique de celles des post-positions de même terminaison : ileri, geri, beri.

D) NOMS DÉCLINÉS FAISANT OFFICE DE POST-POSITIONS

Outre les post-positions invariables étudiées ci-dessus, le turc emploie très fréquemment un certain nombre de noms de lieu déclinés (éventuellement avec suffixe de personne) à l'un des j cas spatiaux : directif, locatif, ablatif, qui remplissent avec plus de souplesse un rôle tout semblable. Citons les principaux :

üst et üzer- (ce dernier toujours avec suffixe de personne) « le dessus » ; ait « le dessous » ; ön « le devant » ; arka, art (ard-) « l'arrière » \ iç « l'intérieur » ; dış « l'extérieur » ; ara « l'entre-deux, l'intervalle » ; yan « le côté » ; taraf « le côté, la direction » ; baş « la tête, le début » ; uç « l'extrémité » ; yer « le lieu, la place ».

Exemples : kitabı masanın üstüne koydum « j'ai mis le livre sur la table » (masa « table ») ; kedi masanın altından geçti « le chat est passé par-dessous la table » ; önümüzde durdu « il (elle) s'arrêta devant nous » ; evin arkasına

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gittim «j'allai derrière la maison »; evin içine girdim «j'entrai dans la maison » ; aramızda kalsin ! « que (cela) reste entre nous ! » ; yanıma geldi « il vint près de moi », etc.

D'autre part, les mots yüz (« face » ; ici « responsabilité ») avec suffixe de personne et ablatif, et sebep « cause » avec suffixe de 3 e pers. et ile, forment des locutions signifiant « à cause de » : benim yüzümden « à cause de moi » (sens surtout défavorable : «par ma faute ») ; hastalık sebebiyle « pour cause de maladie ».

Remarque : En plus de sa valeur spatiale {şehir tarafina baktım « je regardai en direction de la ville »), le mot taraf avec suffixe de personne et ablatif forme, pour les êtres animés, le complément d'agent du verbe passif : Mehmet tarafından görüldün « tu as été vu par Mehmet » ; bizim tarafımızdan yapıldı « (cela) a été fait par nous ». Bien noter cet emploi très important.

Pour les être inanimés, ce complément d'agent est formé parfois avec Xablatif de cause (chapitre V, E, 50), mais bien plus souvent avec la postposition ile « au moyen de, par » : engerek, bir taşla ezildi « la vipère fut écrasée par une pierre ».

Dans un nombre restreint de cas, « par » est rendu par le suffixe adverbial -ce (chapitre VIII, B, 30) : hükümetçe yasak edildi « (cela) a été interdit par le gouvernement » (« gouvernementalement ») ; cette tournure s'emploie surtout avec des noms d'institutions.

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X. PROPOSITION NOMINALE

Dans toute langue, une proposition comprend nécessairement un élément qu'on appelle le prédicat, qui contient l'essentiel de la déclaration, alors que le sujet, lui, peut être implicite, sous-entendu, inexprimé.

En turc, on peut former des propositions élémentaires ne comprenant qu'un prédicat : koşuyor « (il, elle) court » {verbe) ; ou : tilki « (c'est un) renard » {nom) ; ou : güzel « (c'est) beau » {nom-adjectif). On voit déjà que, même isolé, le prédicat turc peut être, ou verbal, ou nominal (sans verbe !).

De même, dans la proposition avec sujet exprimé, le prédicat sera verbal, ou nominal : at koşuyor « le cheval court » (prédicat verbal) ; at güzel « le cheval est beau » (prédicat nominal), babası doktor « son père est médecin » (prédicat nominal).

Signalons qu'en turc il y a entre le sujet et le prédicat une pause que l'on note souvent dans l'écriture par une virgule (exceptionnellement, un point-virgule !) : at, koşuyor, ou : at, güzel.

Normalement, le sujet est exprimé avant le prédicat ; mais, dans la langue parlée, et parfois écrite, il peut y avoir inversion : koşuyor, at « il court, le cheval » ; güzel, at « il est beau, le cheval ». Cette inversion apporte le plus souvent une nuance exclamative. Elle n'est possible qu'en maintenant la pause (virgule) entre le prédicat et le sujet : güzel at, sans pause, ferait de güzel une épithète, « le beau cheval », et l'on n'aurait pas, alors, une proposition.

A la différence du français, qui ne forme presque pas de propositions sans verbe, le turc utilise abondamment le prédicat nominal, pour former des propositions nominales (sans verbe), dont l'étude fera l'objet du présent chapitre.

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A) ÉLÉMENTS DE LA PROPOSITION NOMINALE

Le sujet de la proposition (nominale ou verbale) est un nom (ou pronom) au cas absolu : Mehmet, küçük « Mehmet est petit » ; ben, Mehmet « je suis Mehmet » ; bu hayvan, tilki « cet animal est un renard » ; oğlumuz, talebe « notre fils est étudiant ».

Le prédicat nominal peut être un nom (pronom, ou nom-adjectif), le plus souvent au cas absolu, mais éventuellement à tout cas, sauf l'accusatif (qui est réservé au complément d'objet d'un verbe, donc n'apparaît qu'en proposition verbale) ; pour le cas absolu, voir les exemples précédents ; exemples avec les autres cas :

GÉNITIF : bu kitap, Mehmed'in « ce livre est (celui) de Mehmed » ; ev, benim « la maison m'appartient ».

DIRECTIF : siz, nereye ? « où (allez-)vous ? » (nere « quel endroit ? ») peut avoir pour réponse : ben, İstanbul'a « je (vais) à Istanboul ».

LOCATIF : kitap, masada « le livre est sur la table » ; Mehmet, istanbul'da « Mehmet est à Istanboul » ; très fréquent.

ABLATIF : hastalığı, soğuktan « sa maladie (provient) du froid ».

Au sujet comme au prédicat nominal peuvent d'autre part se joindre (normalement en les précédant) des compléments du nom (au génitif ou au cas absolu) et divers déterminants construits comme épithètes (au cas absolu) ou formant des compléments à divers cas (sauf l'accusatif). Ainsi se constitue ce que nous appellerons groupe du sujet, et groupe du prédicat :

Bütün Türkiye'nin pehlivanlarından en kuvvetlisi Mehmet, buralı « Mehmet, le plus fort des lutteurs de toute la Turquie, est d'ici » [pehlivan « lutteur » ; kuvvet « force », bu-ra-li « originaire d'ici ») ; le groupe du sujet comprend toute la proposition, sauf buralı.

Le groupe du prédicat peut recevoir pour déterminants des adverbes et divers compléments circonstanciels, plus généralement tous les déterminants que pourrait recevoir un prédicat verbal, à l'exception du complément d'objet :

Ali, köyünün civarındaki bütün yerlerde o zamandan beri cesaretinden dolayı fevkalâde meşhur « Ali est, depuis ce temps, extrêmement célèbre pour son courage dans tous les lieux voisins de son village » (köy « village »,

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civar « environs », cesaret « courage », fevkalâde « extrêmement », meşhur « célèbre ») ; le groupe du prédicat comprend toute la proposition, sauf Ali.

On voit donc que l'on peut construire en turc des propositions nominales étendues et complexes.

L'ordre des mots dans toute proposition turque (nominale ou verbale) est normalement régi par une loi d'ensemble, selon laquelle tout déterminant grammatical est placé avant le mot ou goupe de mots qu'il détermine, auquel il se rapporte : le sujet avant le prédicat, l'épithète ou l'adverbe avant le nom ou le verbe, tout complément avant le mot ou groupe de mots complété.

Cet ordre des mots est le plus souvent très différent de celui qu'on observe en français : on s'en convaincra, par exemple, en comparant ceux des phrases françaises et turque équivalentes dans les deux exemples qui précèdent ; une analyse détaillée de ces exemples pourra toutefois montrer que l'ordre turc, pour déroutant qu'il puisse être aux yeux d'un débutant francophone, n'a rien d'arbitraire, mais est au contraire très logique et clairement fixé par la loi d'ensemble, fort simple en son principe, ci-dessus mentionnée.

Divers éléments affectifs ou de style peuvent toutefois modifier cet ordre habituel des mots turcs, le mot ou groupe de mots déplacé se trouvant alors mis en relief : M ekmedin kravatı, son moda « la cravate de Mehmet est (à) la dernière mode », ordre normal ; Son moda, M ekmedin kravatı « elle est à la dernière mode, la cravate de Mehmet » (son moda mis en relief) ; Kravatı son moda, Mehmedin « Mehmet, sa cravate est à la dernière mode » (Mehmet mis en relief ); Kravatı, M ekmedin, son moda <c sa cravate, à Mehmet, elle est à la dernière mode » (kravatı mis en relief).

De telles modifications de l'ordre habituel sont très fréquentes dans la langue parlée, en poésie, et même dans la prose moderne turque. Restent toutefois obligatoires : la présence de l'épithète simple avant le nom qualifié ; la présence de la post-position après le mot qui s'y rapporte, celle du complément du nom au cas absolu avant le nom complété.

B) PROPOSITION NOMINALE ÉPITHÈTE

Le turc présente une particularité remarquable, sans équivalent en français : dans certaines conditions, un groupe de mots qui, isolé, cons-

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tituerait une proposition nominale, peut être placé comme épithète complexe devant un nom, spécialement lorsque le sujet de cette quasi proposition est affecté d'un suffixe de j e personne qui renvoie au nom qualifié.

Ainsi, la proposition nominale : baba-sı doktor « son père est médecin » peut servir d'épithète au nom talebe « étudiant » dans la construction : babası doktor talebe « l'étudiant dont le père est médecin ».

C'est à l'aide d'une telle épithète complexe qu'on traduit bien souvent une relative française avec « dont » et verbe « être » ; pour dire, par exemple^ « la maison dont le toit {dam) est rouge [kırmızı) », on formera d'abord la proposition nominale « son toit est rouge », dam-ı kırmızı (suffixe -t de 3e pers. obligatoire), puis damı kırmızı sera placé comme épithète devant ev « maison » : damı kırmızı ev.

(Avec un nom d'objet comme dam « toit », on pourrait aussi affecter l'expression kırmızı dam « toit rouge » (ici, kırmızı épithète de dam /), prise en bloc, du suffixe de dérivation -li « pourvu de... » employé adjectivement pour donner à ev une épithète : kırmızı dam4ı ev « la maison au toit rouge »).

Il faut prêter une attention particulière à cette construction d'une proposition nominale comme épithète complexe, qui déroute toujours les débutants, mais qui devient fort claire dès qu'on en a compris le mécanisme.

C) SUFFIXES NOMINAUX PRÉDICATIFS (remplaçant le présent du verbe « être »).

Le turc n'a pas de présent du verbe « être ». Il peut, dans certaines situations, s'en passer entièrement par la pratique des propositions nominales : ben, Türk « je suis turc » ; sen, Türk « tu es turc » ; o, Türk «il (elle, cela) est turc»; biz, Türk «nous sommes turcs»; siz, Türk « vous êtes turcs » ; onlar, Türk « ils sont turcs » ou « elles sont turques ».

Mais il peut aussi, sans exprimer nécessairement le sujet par un nom ou un pronom, affecter le nom prédicat (attribut) d'un suffixe de personne spécialisé (suffixe prédicatif, différent des suffixes nominaux de personne du type « possessif » étudiés chapitre V, C), qui précise à lui seul la personne du sujet : Turk-üm « je suis turc » ; Tûrk-sün « tu es turc » ; Tftrk-tür « il est turc » (ou « elle est turque ») ; Tùrk-uz « nous sommes turcs » ;

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Turk-sünüz « vous êtes turcs » ; Tùrk-tur ou Ti'irk-tiir-ler « ils sont turcs » ou « elles sont turques ».

Ces suffixes nominaux prédicatifs sont inaccentués (enclitiques) et développent un accent tonique sur la syllabe qui les précède. Ils apparaissent éventuellement après les divers suffixes nominaux de pluriel, de personne (non prédicatifs), et de cas :

Turklér-dir « ce sont les Turcs » ; dostunïiz-um « je suis votre ami » ; ondân-dir « c'est à cause de ça » (abl. de cause de o).

Leur caractère inaccentué les distingue des suffixes nominaux de la « déclinaison » : Turk-üm « je suis turc » s'oppose à : Türk-f'tm « mon Turc » et à türku-m « ma chanson ».

Ils servent à former des propositions nominales à suffixe prédicatif, dans lesquelles le sujet peut être exprimé, ou non :

sen, Türk-sün «tu es turc», ou : Turk-sün (même sens). Quand le sujet est exprimé, leur présence est facultative : biz, Türk, ou : biz, Türk-üz « nous sommes turcs » ; Ali, Türk ou :

Ali, Türk-tür « Ali est turc ». Voici quels sont les suffixes prédicatifs :

DU SINGULIER. DU PLURIEL . .

I r e PERSONNE

-(y)im -(y)iz

2 e PERSONNE

-sm -siniz

3 e PERSONNE

-(dir) -(dir)(ler)

Ils ne doivent pas être confondus avec les suffixes de personne non prédicatifs (possessifs) étudiés au chapitre V, C.

Pour leur traitement phonétique, voir chapitre III (notamment B pour -dir I-tir).

On rencontre -1er pour -dir 1er : evdéler « ils sont à la maison ».

D) NÉGATION NOMINALE

Pour le verbe, le turc a un suffixe négatif -me- qui s'ajoute au radical verbal : gel-di « il est venu » ; gel-me-di « il n'est pas venu ».

Mais pour nier le nom, le turc utilise la négation nominale qui consiste

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à faire suivre du mot : değil le nom sur lequel porte la négation. Exemples : Ahmet değil, Mehmet geldi « ce n'est pas Ahmet, c'est Mehmet qui est venu » ; Ali, Türk değil, iranlıdır « Ali n'est pas turc, il est iranien » ; Mehmet, evde değil, sokaktadır « Mehmet n'est pas à la maison, il est dans la rue » ; bugün değil, yarın geleceğim « je viendrai, non pas aujourd'hui, mais demain ».

La négation değil est accentuée normalement ; elle s'écrit séparée du mot précédent et est invariable.

Quand elle porte sur le prédicat nominal, elle peut être, ou non, suivie d'un des suffixes prédicatifs étudiés ci-dessus, C :

Mehmet, hasta değil, ou : Mehmet, hasta değildir « Mehmet n'est pas malade » ; siz, Türk değil, ou : Türk değilsiniz, ou : siz, Türk değilsiniz « vous n'êtes pas turc » ; ben, doktor değil, ou : doktor değilim, ou : ben, doktor değilim « je ne suis pas médecin ».

E) PARTICULE INTERROGATIVE : mi

Cette particule, qui n'est pas accentuée (enclitique) et qui développe un accent tonique fort (intonation interrogative) sur la syllabe qui la précède, se place en turc après le mot, quel qu'il soit (nom ou verbe), sur lequel porte l'interrogation.

Elle suit l'harmonie vocalique, mais s'écrit habituellement séparée du mot précédent. Exemples :

Ahmet, dün Ankara'ya gitti « Ahmet est parti hier potir Ankara » ; Ahmét mi, dün Ankara'ya gitti ? « est-ce Ahmet, qui est parti hier pour Ankara ? » ; Ahmet, dün mü Ankara'ya gitti ? « est-ce hier, qu'Ahmet est parti pour Ankara ? » ; Ahmet, dün Ankara'ya mı gitti? «est-ce pour Ankara, qu'Ahmet est parti hier ? » ; Ahmet, dün Ankara'ya gitti mi ? « Ahmet est-il parti hier pour Ankara ? ».

Quand elle porte sur le prédicat nominal, elle peut être, ou non, suivie d'un suffixe prédicatif (comme değil, ci-dessus) :

Mehmet, hasta mı ?, ou : Mehmet, hastâ mıdır ? « Mehmet est-il malade ? » ; siz, Türk mü ?. ou : Türk müsünüz ?, ou siz, Türk müsünüz ? « êtes-vous turc ? » ; ben, doktor mu ?, ou : doktor muyum ?, ou : ben, doktor muyum ? « suis-je médecin ? ».

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L'interrogation négative portant sur un nom se forme en faisant suivre de la particule mi la négation nominale değil étudiée ci-dessus, D : değil-mi ? « n'est-ce pas ? ». Exemples :

Mehmet, hasta değîlmi, ou : Mehmet, hasta değil midir ? « Mehmet n'est-il pas malade?»; siz, Türk değilmi, ou : (siz), Türk değil misiniz? « N'êtes-vous pas turc ? » ; ben, doktor degllmi?, ou : (ben), doktor değil miyim ? « ne suis-je pas médecin ? ».

On remarquera que, dans ce cas, les suffixes prédicatifs s'ajoutent à mi, et non pas à değil : en effet, le suffixe prédicatif doit toujours venir à l'extrême fin du prédicat,

F) PRÉDICAT NOMINAL D'EXISTENCE ET DE NON-EXISTENCE

Distinctes de l'affirmation ou de la négation du prédicat (étudiées ci-dessus), le turc a des tournures particulières pour affirmer, d'une part l'existence du sujet, d'autre part sa non-existence (ou son absence).

Il le fait au moyen de propositions nominales (pourvues ou non des suffixes prédicatifs nominaux) ayant pour prédicat les noms-adjectifs : var « réel, existant », ou : yok « absent, non existant » :

Orada, bir ev var « là-bas, il y a une maison » ; Vânm « j'existe », « je suis bien là !» ; Kimse var mı ? « y a-t-il quelqu'un ? » ; Otelde, Fransızlar vardır « à l'hôtel, il y a des Français ».

Orada, ev yok « là-bas, il n'y a pas de maisons » ; Yôksun « tu n'existes pas » ou « tu n'es pas là » ; Kimse yok mu ? « N'y a-t-il personne ? » ; Mehmet, evde yok « Mehmet ne se trouve pas à la maison » ; Otelde, Fransız yôktur « à l'hôtel, il n'y a pas de Français ».

L'expression : ne var, ne yok ? signifie : « quelles nouvelles ? ». Les noms var et yok sont employés adjectivement dans certaines expressions : var kuvveti « sa force existante » = « toute sa force, toutes ses forces » ; yok pahasına « pour sa valeur nulle » = « pour un prix dérisoire ». Ils peuvent être aussi substantifs et par conséquent déclinés : varını yoğunu verdi « il a donné ses choses existantes et inexistantes » = « il a entièrement donné tout ce qu'il possédait ».

Le turc ne possédant pas de verbe « avoir », c'est au moyen de var et de yok, entre autres, qu'on exprime les idées d'« avoir » et de « n'avoir

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pas », en donnant pour sujet à ces prédicats d'existence et de non-existence le nom de la chose possédée, pourvu d'un suffixe nominal de personne (possessif) :

bir kitab-ım var « j'ai un livre » (« un mien livre existe ») ; kitab-ımyok « je n'ai pas de livre » (« mon livre n'existe pas ») ; Fatma'nın güzel bir ses-i var « Fatma a une belle voix » ; otomobil-iniz yok « vous n'avez pas d'auto ».

Yok ! sert comme négation : « Non ! » (plus énergique que : hayır « Non ! ») ; « oui » se dit : évet ! ^

« J'en ai un(e) », « J'en ai », « Je l'ai », se dit : bende var. « Je ne l'ai pas », « Je n'en ai pas » : bende yok.

— te —

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XL RADICAL VERBAL ET BASES VERBALES DÉRIVÉES

Les suffixes qui s'ajoutent au verbe turc pour former ce qu'on peut, à la rigueur, appeler la « conjugaison » (d'ailleurs unique) de la langue turque, appartiennent à 3 catégories bien distinctes, qui sont, dans l'ordre {obligatoire) d'adjonction au verbe de base :

i° Suffixes de dérivation, 2° Suffixe de classe, 30 Suffixe de personne.

Le verbe de base, ou base verbale (qui figure dans les dictionnaires augmentée du suffixe -mekj-mak d'infinitif), peut recevoir cumulativement, dans l'ordre précité, zéro, un ou plusieurs suffixes de la i r e catégorie, et zéro ou un suffixe des 2* et j e catégories.

Une base verbale avec ou sans suffixe de dérivation, et sans suffixe de classe ni de personne, est une forme d'impératif de 2e personne du singulier : ver ! « donne ! » (vermek « donner »), anla ! « comprends ! » (anlamak « comprendre »), anla-t ! « explique » (verbe dérivé anla-t-mak), anla-t-tir ! « fais expliquer ! » (verbe dérivé anlattırmak).

Une base verbale avec ou sans suffixe de dérivation, sans suffixe de classe, mais avec suffixe de personne, est un impératif à une personne autre que la 2e du singulier : ver-in ! « donnez ! », anla-ym(iz) ! « comprenez ! », 'anlat-akm « expliquons ! », anlattırsın ! « qu'il fasse expliquer ! »,

Une base verbale avec ou sans suffixe de dérivation, avec suffixe de classe, mais sans suffixe de personne, est une j e personne du singulier (ou du pluriel non exprimé) non impérative du verbe non composé : ver-di « il, elle a donné » ; anla-mis « il, elle a compris », anlat-mis « il, elle a expliqué » ; anlattir-acak « il, elle fera expliquer ». Le turc n'ayant pas de genre grammatical, la 3 e personne est à exprimer en français, selon le contexte, par « il » ou « elle ».

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Afin de ne pas encombrer inutilement l'exposé, nous traduirons habituellement les 3CS personnes avec « il » (« ils » au pluriel), étant bien entendu qu'on peut aussi comprendre « elle » [ou « elles »).

De même, nous citerons les verbes en remplaçant le suffixe -mekj-mak d'infinitif par un tiret, pour simplifier l'exposé et faire clairement apparaître la base verbale, à laquelle s'ajoutent les suffixes de classe et de personne dans la conjugaison. Nous écrirons, par exemple : ver- « donner » (infinitif : vermek) ; anla- « comprendre » (infinitif : anlamak) ; anlat- « expliquer » (infinitif : anlatmak) ; anlattır- « faire expliquer » (infinitif : anlattırmak) ; etc.

A) RADICAUX VERBAUX (NON DÉRIVÉS)

Une base verbale peut être radicale, c'est-à-dire constituée par une racine verbale indécomposable en « racine + suffixe » dans l'état actuel de la langue ; ainsi : ver- « donner ». Nous l'appellerons alors radical verbal.

La plupart des radicaux verbaux turcs sont monosyllabiques et nettement différenciés, dans le vocabulaire, des radicaux nominaux (ou noms-racines) : al- « prendre » (verbe) s'oppose à al « écarlate » (nom) ; aç- « ouvrir », à aç « affamé », etc.

Dans un nombre limité de cas, il arrive qu'un radical verbal ne se présente pas, dans le vocabulaire, sans suffixe de dérivation (tel que -n- du réfléchi, -/- du passif, ou 4- du factitif) ; en ce cas, on peut restituer le radical (inusité) par comparaison des formes dérivées existantes : öğren-« apprendre (pour soi) », öğret- « enseigner », radical inusité öğre- ; dağıl-« être dispersé », dağıt- « disperser », radical inusité dağ-.

Mais la plupart du temps, le radical verbal (non dérivé) est directement utilisé comme verbe : gel- « venir », sev- « aimer », tut- « tenir », kal- « rester », ol- « devenir », öl- « mourir », etc.

B) BASES VERBALES DÉRIVÉES DE NOMS

Une base verbale peut être dérivée, c'est-à-dire comporter, outre une racine (nominale ou verbale), un ou plusieurs suffixes de dérivation, différents des suffixes de « déclinaison » : su-la- « arroser, abreuver », dérivé

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de su, nom de l'« eau » ; ev-le-n- « se marier », dérivé de ev « maison » ; çoğal- « s'augmenter », dérivé de çok « beaucoup » ; gör-ül- « être vu » et gör-üş-tür- « faire s'entre-voir », dérivés de gör- « voir ».

Les bases verbales dérivées reçoivent exactement la même « conjugaison » que les bases verbales radicales.

Les verbes dérivés de verbes (verbes déverbatifs) seront étudiés ci-après, C.

L'étude des suffixes de dérivation qui forment des verbes à partir de noms (verbes dénominatifs) est surtout du ressort du vocabulaire. Toutefois, certains forment des verbes si courants, qu'il convient de les signaler ici, tout en notant bien que leur emploi est limité par Vusage et qu'ils ne permettent pas de former des verbes à partir de n'importe quel nom :

i° -le- ; très usité : av « chasse, gibier », av-la- « chasser » ; baş « tête, début », bas-la- « commencer » (intransitif, se construit avec le cas direc-tif) ; ot « herbe », ot-la- « paître » ; göz « œil », göz-le- « guetter » ; iş « travail », is-le- « travailler (transitif) » et « fonctionner » ; temiz « propre », temiz-le- « nettoyer » ; hop, onomatopée du saut, hop-la- « sauter » ; pat, onomatopée de bruit, pat-la- « éclater » ; certains verbes ne sont pas formés avec -le- seul, mais avec, en plus, les suffixes -n- du réfléchi ou. -s- du contributif : ev-len- « se marier », türk-leş- « se turquifier », etc.

2° -de- ; très fréquent après des onomatopées de 2 syllabes comportant un élément suffixe -il ou -ir : patır (cf. plus haut pat), bruit, patir-da-« faire un bruit violent»; parıl, éclat lumineux (cf. par-la- «briller»), paril-da- « luire vivement » ; kımıl, « agitation, kımıl-da- « s'agiter », etc.

30 -(e)l- «devenir... »; ce suffixe, d'emploi limité, vient du verbe ol-« devenir » : az « peu », az-al- « devenir moindre, diminuer » ; çok « beaucoup », çog-al- « s'augmenter » ; düz « plan, uni », düz-el- « s'aplanir, s'améliorer » ; diri « vivant », diri-l- « ressusciter » ; kısa « court », kisa-l- « se raccourcir ».

40 -(e)r- « devenir, être... » ; emploi limité : ak « blanc », ag-ar- « devenir blanc » ; kara « noir », kara-r- « (se ) noircir » ; deli « fou », deli-r « divaguer, devenir ou être fou ».

5° -(i)k- ; emploi très limité ; verbes instransitifs d'état : bir-ik- « se réunir » ; aç « affamé », ac-ik* « avoir faim » ; geç « tard », gec-ik- « tarder » ; göz « œil », göz-ük- « apparaître ».

6° -se- « désirer... » ; rare ; su « eau », su-sa- « avoir soif ».

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C) HASES VERBALES DÉRIVÉES DE VERBES

Le turc possède un ensemble bien défini et cohérent de suffixes, d'emploi général, qui forment une base verbale à partir d'une autre base verbale (verbes déverbatifs). Ces suffixes, ou modificateurs verbaux, s'ajoutent soit à un radical verbal (non dérivé), soit à une base verbale dérivée d'un nom, et sont les mêmes dans les deux cas.

On appellera base verbale élémentaire toute base verbale (radicale, du dérivée d'un nom) dépourvue de modificateur verbal.

Les.modificateurs verbaux, qui peuvent se cumuler selon des règles précises, transforment le sens fondamental du verbe pour lui donner une valeur réfléchie, contributive, factitive, passive, négative ou impossible.

(Pour la phonétique des bases verbales recevant des suffixes, on se repor tera en D, à la fin du présent chapitre ; elle ne pose d'ailleurs presque aucun problème.)

Les suffixes modificateurs verbaux s'ajoutent à la base verbale élémentaire dans Tordre où nous les citons ci-après, étant bien entendu que la présence de tel ou tel n'est jamais nécessaire avant tel autre, mais qu'on ne peut les intervertir.

i° RÉFLÉCHI : -(*)«-.

Indique que le sujet subit les effets de l'action qu'il exerce. Le sens peut correspondre à celui d'un réfléchi français avec «se... » : giy- «revêtir», giy-in- « s'habiller » ; gez- « parcourir », gez-in- « se promener » ; gôr-« voir », gör-ün- « se voir ». Il peut aussi s'agir de « faire quelque chose pour soi » (parfois transitif) : et- « faire v>,para ed-in- « se faire de l'argent » ; sev- « aimer », sev-in- « aimer pour soi, se réjouir de... (complément au direc-tif) ». Les verbes de sentiment sont très souvent réfléchis : uta-n- « avoir honte » (radical ula- inusité), kiska-n- « jalouser » (radical kiska- inusité).

Les verbes qui, pour des raisons morphologiques, ne peuvent avoir de passif en -{i)l- le remplacent par le réfléchi en -{i)n- ; les valeurs sont alors celles du passif (cf. plus loin, 40), y compris la valeur impersonnelle.

20 CONTRIBUTIF : -{i)s-.

Indique que le.sujet participe à une action exercée en même temps par d'autres sujets ou d'autres éléments. Le sens peut être « faire ensemble » :

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gül-üş- « rire ensemble », de gül- « rire » ; koş-uş- « courir ensemble » et « faire la course », de koş- « courir ». La réciprocité s'exprime par le contributif : gör-üş- « s'entre-voir » ; döv-üş « échanger des coups, se battre », de döv- « battre ». Le suffixe de contributif est très fréquent à la fin des verbes dont le sens implique un contact physique ou moral : yet- « parvenir », yet-is- « rejoindre » ; türk-le-ş « se turquifier » (au contact des Turcs).

Certains verbes exprimant un contact n'existent que sous la forme contributive : yapış- « adhérer, être collé » (radical yap- « recouvrir », attesté en turc ancien, mais inusité actuellement).

Remarque : le suffixe -(i)ş- du contributif ne peut se cumuler avec le suffixe -(i)n- du réfléchi.

3° FACTITIF : a) -t-, après une base verbale de plus d'une syllabe, terminée par voyelle, L ou R.

b) -dit- dans les autres cas : après base monosyllabique ou terminée par consonne autre que L ou R.

Indique que le sujet fait effectuer l'action, ou parfois qu'il la laisse effectuer. Exemples : anla- « comprendre », anla-i- « faire comprendre, expliquer » ; düzel- « s'aplanir, s'améliorer », düzel-t- « corriger » ; geberik crever » (en parlant d'un animal), geber-t- « faire crever » ;ye- « manger », ye-dir- «faire manger» ; öl- «mourir», öl-dür- « tuer » ; tut- « tenir », iut-tur-« faire tenir, faire prendre » ; gez- « parcourir », gez-dir- « faire parcourir », Avec le sens de « laisser faire » : anla-t- « laisser comprendre » ; duzel-t-« laisser s'améliorer »*; geber-t- « laisser crever » ; ye-dir- « laisser manger » ; tat-tur- « laisser tenir » ; gez-dir- « laisser parcourir ».

Le sens peut être « se faire faire » ou « se laisser faire » : öp- « donner un baiser, embrasser », öp-tür- « se faire embrasser » ou « se laisser embrasser » ; çal- « dérober », çal-dtr- « se faire voler, se laisser dérober quelque chose » , etc.

Quelques verbes très courants ont des factitifs irréguliers : -Suffixe -(i)r- : bat-ir- « faire plonger » ; bit-ir- « achever » (de bit- « prendre fin ») ; doğ-ur- « enfanter » (de doğ- « naître ») ; doy-ur- « rassasier » (de doy- « être rassasié ») ; duy-ur- « faire entendre » ou « faire ressentir » ; düş-ür- « faire tomber » ; geç-ir- « faire passer » ; göç-ür- « faire déménager » ; iç-ir- « faire

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boire » ; kaç-ır- « faire fuir » ; pis-ir- « faire cuire » ; şiş-ir- « faire enfler, gonfler » ; tas-ir- « faire déborder » ; uç-ur- « faire envoler ».

-Suffixe -er- : gid-er- « faire partir » (de git-) ; çık-ar- « faire sortir » ou « faire monter » ; kop-ar- « casser » (de kop- « se briser »).

-Suffixe -it- : ak-it « faire couler » ; kok-ut- « faire sentir » ou « faire puer » ; kork-ut- « faire craindre » ; sap-it- « faire dévier » ; sark-tt- « laisser pendre (un objet) » ; ürk-üt- « effrayer » (de ürk- « s'effrayer »).

Autres factitifs irréguliers : gel- « venir », getir- « faire venir, apporter » ; Afl/£- « se lever », « s'en aller », « cesser », kaldır - « lever », « faire partir » « faire cesser ».

Tous ces factitifs irréguliers ont également le sens de «laisser... ».

Remarque : Le suffixe -dit- du factitif peut s'ajouter, soit à un réfléchi en -(i)n-, soit à un contributif en -(i)ş- : giy-in-dir- «faire s'habiller» ; sev-in-dir- « réjouir » ; uta-n-dir- « donner honte » ; kıska-n-dır- « faire jalouser » ; koş-uş-tur- « faire courir ensemble » ; döv-üş-tür- « faire se battre » ; yet-is-tir- « faire rejoindre » et « faire parvenir à son point normal de croissance » (« élever » des animaux ou des enfants ; « faire pousser » des plantes). Ce dernier exemple montre que les verbes déverbatifs prennent parfois des significations spéciales, plus ou moins inattendues.

• De plus, sur un factitif simple, on peut, en ajoutant un nouveau suffixe de factitif (régulier : -t- après -dir- ou -ir-, -er- ; -dir- après -t- ou -it-), former un factitif de factitif, ou factitif second, et ainsi de suite ; mais on ne va pas normalement plus loin que le factitif troisième (3 suffixes de factitif cumulés) : anla- « comprendre », anla-t- « faire comprendre, expliquer », anla-t-hr- « faire expliquer » (factitif second), anla-t-tir-t- « dire de faire expliquer », «inviter à demander des explications » (rare et insolite).

4° PASSIF : -(i)l-.

Ce suffixe ne peut pas être employé après une base verbale terminée par voyelle ou L, auquel cas il est remplacé par le réfléchi en -(i)n-, qui prend alors les mêmes sens que ceux du suffixe -(*')/- : anla-n- « être compris », al-m- « être pris » ; si la base verbale ne comporte pas la consonne L, on peut, pour plus de précision, ajouter le suffixe de passif -(i)l- après le suffixe -(i)n- : ara- « chercher », ara-n- ou ara-n-il- « être recherché »,

Le suffixe de passif -(i)l- n'apparaît donc qu'après une base verbale ter-

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minée par une consonne autre que L. Il indique que le sujet subit l'action exercée par un autre ou par un élément qui lui est extérieur : gez-il-« être parcouru, visité » ; gör-ül- « être vu » ; ed-il- « être fait » ; sev-il-« être aimé ».

En outre, le passif turc peut être employé, même avec des verbes intransitifs, avec valeur d'impersonnel (français : « on... »). Ainsi, à la 3e personne du singulier du parfait en -di, on aura : gid-il-âi « on est parti » (git-« partir ») ; kos-ul-du « on a couru » ; gez-il-di « on a parcouru » ; gör-ül-dü « on a vu » , etc.

Mais si le verbe impersonnel est transitif et que, dans la tournure personnelle correspondante, il aurait un complément d'objet direct (à l'accusatif ou au cas absolu), ce complément d'objet, dans la tournure impersonnelle, devient sujet, au cas absolu : yıldız-ı gördü « il a vu l'étoile », donc : yıldız gör-ül-dü « on a vu l'étoile » (« l'étoile a été vue »). Le verbe impersonnel, en effet, ne peut pas avoir de complément d'objet direct.

Remarques : I) Le suffixe -{i)l- du passif-impersonnel peut se cumuler avec tous ceux précédemment étudiés, et vient obligatoirement après eux : kıska-n-ıl- « être jalousé » ; anla-ş-ıl- « être compris (par plusieurs personnes à la fois) » ; anla-t-il- « être expliqué » ; öl-dür-ül- « être tué » ; bat-tr-tl- « être plongé » ; kop-ar-tl- « être cassé » ; anla-t-tır-ıl- « être l'objet d'une demande d'explications » ; anla-t-tır-t-ıl- « être invité à demander des explications » ; sev-in-dir-il- « être amené à se réjouir » ; döv-üş-tür-ül- « être contraint de se battre », etc.

II) En dehors du passif, la 3e pers. du pluriel peut, en turc, prendre une valeur impersonnelle : derler « ils disent » et « on dit ».

5° NÉGATIF ou IMPOSSIBLE : -me-, ou : ~(y)é-me-.

Le suffixe -me-, qui peut s'ajouter à tous les précédents pour figurer à la fin de la base verbale, rend le verbe négatif : « ne... pas ». On pourrait reprendre toutes les bases verbales citées dans le présent chapitre et y ajouter le suffixe -me- pour obtenir un sens négatif ; c'est la manière obligatoire, en turc, de nier un prédicat verbal ; ce suffixe n'est pas accentué et développe un accent tonique sur la syllabe qui le précède : vér-me- « ne pas donner » ; anld-ma- « ne pas comprendre » ; sulâ-ma- « ne pas arroser » ; giy-ïn-me- a ne pas s'habiller » ; gör-uş-me- « ne pas s'entre-voir » ; ye-dir-

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me- « ne pas faire manger »,« ne pas laisser manger » ; sev-il-me- « ne pas être aimé » ; sev-in-dir-ïl-me- « ne pas être amené à se réjouir », etc.

Le suffixe -(y)é-me- (accentué sur -(y)é-), dont le second élément n'est autre que le suffixe précédent (avec lequel il ne peut pas se cumuler), et qui peut comme lui s'ajouter à tous les autres modificateurs verbaux pour figurer à la fin de la base, exprime Y impossibilité : « ne pas pouvoir...». Exemples : ver-é-me- « ne pas pouvoir donner » ; anla-yâ-ma- « ne pas pouvoir comprendre » ; sev-in-dir-il-é-me- « ne pas pouvoir être amené à se réjouir », etc.

D) PHONÉTIQUE DES BASES VERBALES Les bases verbales turques ne subissent aucun changement phonétique,

à deux types d'exceptions près : i° Le t final de : et- « faire », dit- « carder », git- « partir », güt- « faire

paître », tat- « goûter » se sonorise en d devant la voyelle initiale d'un suffixe ; passifs : ed-il-, gid-il-, etc.

2° Dans quelques bases de 2 syllabes terminées par « ir- » ou « tr- », la seconde voyelle tombe avant un suffixe commençant par i ou 1 : ayır- « séparer », devir- « renverser » ; contributif : ayr-is- ; passif : ayr-il-, devr-il-

Remarque : Quand le suffixe -(y)é-me- se joint à une base verbale terminée par e ou a, le groupe « eye » ou « aya » ainsi formé se transforme phonétiquement en « iye » ou « tya », dans la prononciation et dans l'écriture d'un grand nombre de personnes (facultatif) ; ïharmonie vocalique peut ensuite transformer « iye » en « üye » et « tya » en « uya » : soyle-yé-me-, soyliyéme-, söylüyeme- « ne pas pouvoir dire » ; anhydma- « ne pas pouvoir comprendre » ; topla-yâ-ma-, tophyâma-, topluyâma- « ne pas pouvoir ramasser ».

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XII. IMPÉRATIF

L'impératif turc se distingue de toutes les autres formes conjuguées du verbe en ce qu'il ne comporte pas de suffixe de classe et que, par conséquent, les suffixes de personne s'y ajoutent directement à la base verbale (radicale ou dérivée).

De plus, les suffixes de personne de l'impératif lui sont particuliers. Ce sont les suivants :

DU SINGULIER. DU PLURIEL . .

I r e PERSONNE

manque -(y)elim

2 e PERSONNE

(zéro) -(y)in(iz)

3 e PERSONNE

-sın -sin(ler)

Exemples : ver ! « donne ! » ; anla ! « comprends ! » ; söyle ! « dis ! » ; görüş ! « aie une entrevue ! » (contributif) ; karıştır ! « mélange ! » (« fais s'entre-mélanger », factitif du contributif de kar- «mélanger»).

versin ! « qu'il (qu'elle) donne ! » ; anlasın ! « qu'il comprenne ! » ; söylesin ! « qu'il dise ! » ; görüşsün ! « qu'il ait une entrevue ! » ; karıştırsın ! « qu'il mélange ! ».

ver-elim ! « donnons ! » ; anla-yahm ! (ou : anliyahm /, cf. Remarque ci-dessous) « comprenons ! » ; söyle-yelim ! (ou : söyliyelim /, ou encore : soy-tüyelim !, cf. même Remarque) ; görüş-elim ! « ayons une entrevue ! » ;

ver-in ! (ou ver-iniz !) « donnez ! » ; anla-ym ! (ou : anla-ymiz !) « comprenez ! » ; söyle-yin ! (ou : söyle-yiniz !) « dites ! » ; görüş-ün ! (ou : görüşünüz!) « ayez une entrevue ! » ; karıştır-ın ! (ou : karıştır-ınızl) «mélangez ! ».

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ver-sin-ler! «qu'ils (qu'elles) donnent!»; anla-sm-lar! «qu'ils comprennent ! » ; söyle-sin-ler ! « qu'ils disent ! ; görüş-sün-ler ! « qu'ils aient une entrevue ! » ; kartşHr-sın-lar ! « qu'ils mélangent ! ».

Noter une nuance spéciale après interrogatif : ne yap-stn ? « que doit-il faire ? », ou« que peut-il faire ? ».

A la 2e personne du pluriel (réelle ou avec vouvoiement de politesse), les formes longues en -(y)iniz sont réputées plus courtoises que les formes courtes en ~(y)in : buyurunuz/ « à vos ordres », dé buyur- « ordonner » formule de politesse très courante (« je vous en prie », « je suis à votre disposition »), est encore plus poli que buyurun ! (lui-même très employé). Il ne faut toutefois pas attacher une valeur absolue à cette distinction.

A la 3e personne du pluriel, on peut se servir des mêmes formes que pour la 3e du singulier ; c'est ce qu'on fait normalement quand le sujet est un être inanimé : karlar erisin ! « que les neiges fondent ! » ; c'est aussi le cas le plus fréquent quand il s'agit d'animaux : bu köpekler gebertin ! « que ces chiens crèvent ! ». Pratiquement, la forme en -sin-ler est réservée aux personnes, et surtout dans le style « distingué » : efendiler otursunlar ! « que ces Messieurs veuillent bien s'asseoir ! ».

L'impératif n'a une fonction bien définie que pour donner un ordre direct, c'est-à-dire aux deuxièmes personnes du singulier et du pluriel. Aux autres personnes, son rôle se distingue difficilement de celui de Yop-tatif (voir chapitre VIII, 70), classe du verbe qui exprime le souhait : leurs emplois tendent donc à se confondre, aux dépens de l'optatif, dont la seule forme vraiment courante est maintenant la i r e personne du singulier.

La prohibition s'exprime par l'impératif du négatif en -me- : vérme ! « ne donne pas ! » ; kanştirma « ne mélange pas ! » ; l'accent tonique est alors sur là syllabe qui précède -me\~ma.

Remarque : Quand une base verbale terminée par e ou a reçoit le suffixe de i r e personne du pluriel de l'impératif, -(y)elim, il apparaît un groupe « eye » ou « aya » qui, tout comme ceux provenant de l'adjonction du suffixe d'impossible en -(y)eme-t tend à être prononcé et écrit « iye » ou « tya », l'harmonie vocalique pouvant ensuite transformer ce groupe en « üye » ou « uya » si la voyelle précédente est ö, ü, 0, ou u : anla-yahm ! « comprenons ! » devient anliyahm ! ; topla-yahm ! « ramassons ! » devient

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topltyahm I, puis topluyahm ! ; ilerle-yelim ! « avançons ! » devient ilerliye-lim ! ; söyle-yelim ! « disons » devient söyliyelim ! ou söylüyelim !

Les mêmes évolutions phonétiques se produisent à toutes les personnes de Y optatif en -(y)e et de Vintentif en -(y)ecek. D'une manière analogue, les groupes « eyo » et « ayo » produits par addition du suffixe -{i)yor du progressif de constatation tendent à devenir « iyo » et « tyo », éventuellement « ilyo » et « uyo » (après d, ii, o, u) : anhya, anlıyacak, anlıyor ; toplıyacak, topluyacak, tophyor, topluyor ; söylüyor, etc.

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XIII. CLASSES DU VERBE

Toutes les formes conjuguées (non composées) du verbe turc se répartissent actuellement en dix classes, dont la première, l'impératif, étudiée dans le chapitre précédent, offre seule la particularité de se conjuguer par adjonction directe à la base verbale de suffixes spéciaux de personne.

Dans les 9 autres classes, étudiées ci-après, il y a obligatoirement insertion, entre la base verbale et les suffixes de personne, d'un suffixe de classe, différent pour chacune d'entre elles. Chacun de ces 9 suffixes de classe, non suivi d'un suffixe de personne (suffixe de personne : «zéro »), peut former une 3e personne du singulier.

Les classes en question ne correspondent jamais exactement à des « temps », et plusieurs se rapprochent de ce qu'on appellerait des « modes » dans d'autres langues : elles expriment des modalités très diverses de l'action, dans un système profondément original et logique, mais qui ne se fonde pas sur des notions temporelles en tant que telles.

Le système du verbe turc étant extrêmement différent du système du verbe français, on ne pourra jamais traduire automatiquement telle classe du verbe turc par tel temps ou mode du français : tout dépendra du contexte.

Mais si l'on assimile suffisamment bien les notions fondamentales qui déterminent la signification de chaque classe (et l'opposent à celle des autres), on pourra comprendre aisément la valeur de toute forme verbale turque et lui trouver un équivalent français en fonction du contexte ; inversement, dans un contexte donné, on pourra savoir par quelle classe du verbe turc traduire tel temps ou mode du verbe français.

Laissant de côté (pour le chapitre suivant) l'étude des suffixes de personne qui complètent la conjugaison, nous examinerons successivement, ci-après, les 9 suffixes de classe du verbe turc, dans la forme la plus simple,

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celle qui, sans suffixe de personne, représente une j e personne du singulier (« il... », « elle... », « cela... ») :

i° AORISTE : -er ou -(i)r (-z après -me- négatif !).

Le terme d'aoriste est emprunté à la grammaire grecque (a-oristos « non limité »). L'aoriste exprime l'action dans sa généralité, sans actualisation ni limitation de durée. Il est de rigueur pour exprimer l'action habituelle. Il est essentiellement intemporel : Fil, pek iyi gör-ür « l'éléphant a une très bonne vue » (« voit très bien ») ; dörtle beş, dokuz ed-er « 4 et 5 font 9 » ; Allah, her şeyi bil-ir « Dieu sait tout » [her şey « chaque chose ») ; Mehmet, sigara kullanma-z « Mehmet ne fume pas de cigarettes » ; tren, beşte kalkar « le train part à 5 h » (tous les jours) ; fransızca bil-ir « il (elle) sait le français» (fait permanent).

Nous avons jusqu'ici traduit ces aoristes par des présents du français. Si toutefois le contexte se situe dans le passé, notamment si, à la fin de la phrase, apparaît l'imparfait idi « était » (devenu suffixe : -(y)di), les aoristes sont à traduire par des imparfaits d'habitude : o zaman, Ankara'da otur-ur, Bakanlıkta çalış-ır, çok para kazanma-z-dı « à cette époque, il demeurait à Ankara, travaillait au Ministère, et ne gagnait pas beaucoup d'argent ».

En raison même de sa valeur intemporelle, l'aoriste peut également exprimer une éventualité, soit générale, soit située par le contexte dans des limites temporelles plus ou moins précises : böyle şeyler ol-ur « de telles choses peuvent se produire » ; tren varsa, Mustafa gel-ir « s'il y a un train, Moustafa viendra » ; tren varsa, Mustafa yarın öğleden sonra gelir « s'il y a un train, Moustafa viendra demain après-midi ». L'aoriste se traduit alors très souvent par un futur français.

Remarque : Le suffixe de l'aoriste est -er après une base verbale monosyllabique radicale (non dérivée) terminée par une consonne : yap-ar «il fait » ; ed-er « il fait » ; kaç-ar « il s'enfuit » ; ak-ar « il coule ».

Mais il est -(i)r dans tous les autres cas : après toute base verbale de plus d'une syllabe : bırak-ır « il laisse » ; karıştır-ır « il mélange » ; et après toute base verbale monosyllabique dérivée : ye-n-ir « cela se mange » (réfléchi en -n- de ye- « manger »), opposé à yen-er (de yen- « vaincre », non dérivé) « il vainc ».

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Après toute base verbale terminée par une voyelle (et non négative), le suffixe de l'aoriste se réduit à -r : ye-r « il mange », anla-r « il comprend ».

Après les suffixes négatif en -me- ou &'impossibilité en -(y)eme-, le suffixe de l'aoriste est -z : ye-me-z « il ne mange pas », yiye-me-z « il ne peut pas manger », kal-ma-z « il ne reste pas », kaç-ama-z « il ne peut s'enfuir ».

Exceptions : 13 verbes monosyllabiques et non dérivés dont la base (radicale) se termine par une consonne (L ou R ; N dans un seul cas) ont, contrairement à la règle, l'aoriste en -(i)r : t

al-ır « il prend » ; bil-ir « il sait » ou « il peut » ; bul-nr « il trouve » ; dur-ur « il reste debout » ou « il s'arrête » ; gel-ir « il vient » ; gör-ür « il voit » ; kal-ir « il reste » ; ol-ur « il devient » ; öl-ür « il meurt » ; san-ir « il croit » ; var-ir « il va » ou « il arrive » ; ver-ir « il donne » ; var-ur « il frappe » ou « il tue ».

Il faut connaître tous ces verbes, qui sont parmi les plus fréquents de la langue turque.

20 PROGRESSIF : -{i)yor (0 stable I).

Assez voisin de la forme progressive anglaise, il exprime l'action dans son développement concret, avec une nuance d'actualisation descriptive. Dans la langue littéraire, l'actualisation peut être fictive, l'emploi de cette classe du verbe ayant pour effet de rendre le récit plus vivant.

Le suffixe -[i)yor, dont seul le -(i) initial suit les lois de l'harmonie vocalique, mais où la syllabe yor reste invariable, est le résidu phonétique d'une ancienne forme composée dont le second élément était l'aoriste yonr « il marche, il va », du verbe yon- « marcher », qui ne subsiste plus que sous la forme yürü- « marcher ». Par exemple, la forme ancienne de arıt-ıyor « il est en train de nettoyer » était artt-t yori-r « il va nettoyant ».

Le progressif turc est donc particulièrement apte à exprimer une action présente dont on perçoit le déroulement dans la réalité (ou dans la fiction littéraire) : dikkat ! gel-iyor ! « attention ! il vient ! » şimdi, kar eri-yor « maintenant, la neige fond » ; köpek havh-yor « le chien aboie » (il est en train d'aboyer, et on l'entend ; havla- « aboyer ») ; başım ağrı-yor « j'ai mal à la tête » (« ma tête souffre ») ; Mehmet, kız-ıyor « Mehmet est en colère » (cela se voit).

On conçoit aisément que le progressif turc en -(i)yor soit le

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plus souvent à traduire par un présent français. Cependant, quand le contexte situe la scène dans le passé, notamment si, en fin de phrase, apparaît l'imparfait idi (suffixe ~{y)di) « était », il est à traduire par un imparfait descriptif français : Mehmed'e baktım : sinirlen-iyor, titri-yor, bağr-tyor, ağh-yor-dti « je regardai Mehmet : il s'énervait, tremblait, criait et pleurait » (sinir «nerf», sinir4e-n- «s'énerver » ; titre- « trembler » ; bağtr-« crier » ; ağla- « pleurer »).

Parfois, le progressif en -(i)yor est employé pour exprimer une action future imminente, dont on considère le déroulement comme déjà commencé : yartn çöpçüler grev yap-tyor « demain, les éboueurs font grève ».

Remarque : Pour les transformations phonétiques subies par les bases verbales terminées par e ou a devant le suffixe -(i)yor, voir chapitre XII, remarque finale. On en trouvera ci-dessus plusieurs exemples. En particulier, les formes négatives en -me- ont un progressif en mi... -mi-yor, -mı-yor, -mü-yor, -mu-yor.

3° DURATIF : -mekte.

Évoque l'action dans sa durée, en train de se produire. Dans la presse, cette classe du verbe turc exprime le déroule

ment de faits qu'on n'a pas constatés par soi-même, mais qu'on connaît par des informations.

Le suffixe complexe -mek-te n'est autre que le locatif de l'infinitif en -mek. A la 3 e personne, on y ajoute presque toujours le suffixe prédicatif -dir «est » (cf. chapitre X, C), caractéristique de la langue «cultivée » : gel-mek-te-dir « il est dans le venir » = « il est en train de venir » (fait non constaté, sinon on dirait : geliyor).

Exemples : bakana göre, millî gelirimiz art-makta-dtr « d'après le ministre, notre revenu national augmente » ; gizli müzakereler devam etmektendir « des pourparlers secrets continuent » (devam « continuation », et- « faire ») ; füze, Merih'e yaklaş-makta-dtr « la fusée approche de Mars ».

L'équivalent le plus fréquent du duratif turc en -mek-te est, en français, un présent. Toutefois, si le contexte est au passé, notamment si la phrase se termine par idi ou -(y)di «était», il faut traduire par un imparfait : dün akşam, müzakereler devam et-mekte, müsait surette ilerle-mekte-ydi « hier soir, les pourparlers continuaient et progres-

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saient favorablement » (müsait « favorable », suret « façon », ilerle- « avancer »).

Le duratif en -mekte peut exprimer une action imminente, dont on considère le déroulement comme déjà commencé (mais avec une nuance prudente de supposition) : git-mekte-dir « il part dans un instant (du moins je le suppose)». Littéralement: «Il est en train de partir».

Dans le langage populaire ou familier, ces formes en -mekte ne sont pas habituelles : on leur préfère les formes en -(i)yor, en négligeant la distinction entre progression et durée. Au contraire, celle entre résultat d'action constatée et d'action non constatée qu'exiprime l'opposition des deux parfaits étudiés ci-après est aussi fortement marquée, sinon plus, dans la langue populaire et parlée que dans la langue écrite.

4° PARFAIT DE CONSTATATION : -di.

Il exprime le résultat acquis d'une action ou d'un processus constatés par celui qui parle ou écrit.

A ce titre, il s'impose, notamment, pour l'expression de faits passés et terminés qu'on a pu constater ; en ce cas, très fréquent, il est à traduire par des passés composés (ou simples, dans le récit historique) du français : beni selâmla-dı « il m'a salué » ; evimize gel-di « il est venu chez nous » ; bir lastik patla-dt « un pneu a éclaté (je l'ai entendu )» ; gülümse-di « il a souri (je l'ai vu) » ; elimi tut-tu « il m'a pris la main » ; Mehmet, saat on birde git-ti «Mehmet est parti à n h (je l'ai vu partir) » ; vapurumuz limana gir-di « notre bateau entra dans le port » (vapur « bateau à vapeur ») ; etc.

Mais, dans un nombre de cas non négligeable, ce qui importe le plus dans l'énoncé d'un parfait en -di, c'est le résultat lui-même dans la situation présente. On est alors amené à traduire en français par des présents : ders bit-ti « le cours est terminé (j'y étais) » ; saatim bozul-du « ma montre est détraquée » (boz- « abîmer, détraquer », au passif) ; paltom ıslan-dt « mon manteau est mouillé ». Mais il s'agit toujours de présents français indiquant un état acquis, jamais de présents exprimant une action ou un processus se déroulant.

A la différence de l'aoriste, du progressif (et, on le verra, du parfait de non-constatation en -mis), le parfait de constatation en -di ne peut

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jamais être projeté dans le futur ; il ne peut donc entrer dans la formation d'expressions correspondant pour le sens au futur antérieur français : seul le parfait en -mis peut le faire (cf. ci-dessous, 5°).

La constatation exprimée par le parfait en -di est le plus souvent réelle ; mais, dans un récit littéraire ou historique, elle peut être fictive, et destinée à rendre le récit plus « vécu ».

L'évocation de faits historiques précis et vérifiés est assimilée à une constatation : Sultan Mehmet, bin dört yüz elli üçte istanbul'u feth et-ti «le Sultan Mehmet (II) conquit Istanboul en 1453 ». De même, la conviction en la véracité de dogmes religieux : Allah, âlemi yarat-H «Dieu a créé le monde ».

5° PARFAIT DE NON-CONSTATATION : -mis.

Il exprime le résultat acquis d'une action ou d'un processus non constatés par celui qui parle ou écrit.

Il s'impose donc, notamment, pour l'expression de faits passés et terminés dont on n'a pu constater le déroulement ; il est alors à traduire, généralement, par des passés composés (ou simples) du français : Ali, Erzurum'da bir dükkân aç-mış « Ali a ouvert un magasin à Erzurum » (dira quelqu'un qui n'est jamais allé dans cette ville) ; Mehmet git-miş « Mehmet est parti (mais 'je ne l'ai pas vu partir) » ; o zaman, kadın çok kork-muş « alors, la femme eut très peur » (fait divers de la veille, rapporté par un journaliste non témoin) ; adresimi sor-muş « il a demandé mon adresse (à un tiers) » ; bir kız doğur-muş «elle a, (ai-je appris), mis au monde une fille » (la sage-femme présente dirait : doğur-du) ; Fatma, garip bir rüya gör-müş « Fatma a fait un rêve étrange » [garip « étrange », rüya « rêve », gör- « voir »). Ce parfait exprime aussi un résultat inattendu : paltomu lekelemişim «j'ai taché mon manteau».

Comme le parfait en -di, celui en -mis peut d'autre part, assez souvent, énoncer un résultat qui importe surtout dans la situation présente. Il se traduit alors en français par des présents d'état : şimdi dersler kesil-miş «maintenant, les cours sont terminés» (dira le père de l'étudiant en vacances ; ce dernier dirait : kesil-di) ; cam kırıl-mış « la vitre est cassée (mais je ne l'ai pas vu casser) » ; paltonuz ıslan-mış « votre manteau est mouillé (mais je n'ai pas vu la pluie tomber dessus) ».

Le parfait de non-constatation en -mis peut, à l'aide de l'intentif 61-

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acak « sera » du verbe ol- « devenir », être projeté dans le futur, pour former une construction à traduire par le futur antérieur français : yarın, bu kitabı oku-muş olacak « demain, il aura lu ce livre ». Si, toutefois, le parfait en -mis peut, comme dans les exemples du paragraphe ci-dessus, être traduit par un présent d'état français, l'expression « ,.,-miş olacak» sera rendue par un futur simple d'état : bir ay sonra, dersler bit-miş olacak « dans un mois, les cours seront terminés » [sonra « après » : « un mois après » = « dans un mois »).

Les Turcs appliquent généralement avec rigueur la distinction entre les deux parfaits, de constatation et de non-constatation : de la façon dont un Turc rend compte d'un événement (avec des formes en -di, ou au contraire en -mis) on peut en principe déduire s'il en a été ou non le témoin.

6° INTENTIF : -(y)ecek.

Il exprime l'intention. Quand le sujet est une personne ou un être animé, il s'agit d'une intention psychologique, réelle ou supposée : Mehmet, yarın gel-ecek « Mehmet a l'intention de venir demain » ; köpek ısır-acak « le chien a l'intention de mordre » ; bülbül öt-ecek « le rossignol a l'intention de chanter»; kelebek uç-acak «le papillon a l'intention de s'envoler».

Par une sorte de projection de la faculté humaine (ou animale) d'intention jusque dans les êtres et les choses les plus inconscients, l'intentif est employé pour toutes les actions que le sujet est censé « avoir l'intention » de réaliser, pour tous les faits dont on considère l'accomplissement futur comme déjà « décidé » : bu armutlar ermi-yecek « ces poires ne veulent pas mûrir » ; duvar yıkıl-acak « le mur menace de s'effondrer » (er-« atteindre, mûrir » ; yık- « démolir », yik-il- «s'effondrer ») ; on remarquera que le français lui-même, dans les traductions que nous venons de donner, emploie des tournures qui supposent métaphoriquement une «intention » chez les sujets inanimés « poires » et « mur » : c'est de la même façon que le turc procède.

D'une manière générale, le turc emploie les formes d'intentif en -(y)ecek pour toute action ou tout processus réellement ou métaphoriquement «engagé » par la décision de sujets pensants ou par une tendance inhérente à la nature des choses. A cet égard, il se différencie de l'aoriste en -{i)r ou -er, qui exprime une éventualité conçue ou présentée sur un plan objectif.

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Dans le domaine de la prévision, on peut souvent hésiter quant au caractère de tendance « subjective » (ou supposée telle), ou bien, au contraire, d'éventualité « objective » qu'on attribue aux faits considérés. C'est pourquoi l'on observe de fréquentes hésitations d'emploi entre l'intentif et l'aoriste dans les propositions turques qui correspondent en français à des futurs ou à des tournures du type « il va faire » : dikkat ! köpek ısıracak /, ou : dikkat ! köpek ısır-ır ! « attention ! le chien va mordre ! » (dans le premier cas, on lui en suppose l'intention ; dans le second, on considère comme éventuel ou probable qu'il morde, et il s'y ajoute l'idée qu'il agit ainsi, d'habitude, en pareil cas) ; mutlaka gel-ecek, ou : mutlaka gel-ir « il viendra sûrement » (premier cas : il en a la ferme intention ; second cas : sa venue est objectivement certaine).

Quand une expression comme mutlaka « certainement, à coup sûr », ou şüphesiz « sans aucun doute », ou aslâ « à aucun prix » dans une phrase négative, figure dans la proposition, le caractère objectif de l'aoriste confère à la prévision une certitude plus grande qu'à celle formulée avec l'intentif, qui ne juge que de l'intention (aussi ferme soit-elle). Sinon, les formes en -(y)ecek, par leur caractère « décisif », expriment une probabilité plus forte que celles de l'aoriste d'éventualité : dans l'exemple cité plus haut, köpek ısıracak présente le danger comme plus pressant que köpek ısırır. On ne peut toutefois considérer ces distinctions comme absolues, et tout, en définitive, dépend du contexte.

Dans un contexte passé, notamment avec adjonction, en fin de phrase, de l'imparfait -(y)di « était », l'intention est rejetée dans le passé : Adana'y a yerleş-ecek, orada bir ev al-acak-tı «il avait l'intention de s'installer à Adana et d'y acheter une maison ».

Remarque : Pour le traitement phonétique, après le suffixe -{y)eceky

des bases verbales terminées par -e ou -a, voir chapitre XII, remarque finale.

7° OPTATIF : -(y)e.

Il exprime en principe le souhait. Il est employé dans les formules traditionnelles de vœu, de bénédiction, ou de malédiction : Allah ver-et « Que Dieu (vous) accorde (ce que vous désirez !) », « Dieu le veuille ! ». Il fait généralement figüre d'archaïsme.

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Du souhait, on passe aisément à une incitation, si bien que l'optatif, qui tombe en désuétude (sauf à la i r e personne du singulier), tend à se fondre dans Yimpêratif (étudié au chapitre XII). La différence entre ces deux classes reste bien marquée aux 2es personnes : gel! « viens » ! (impératif : ordre) ; gel-esin « puisses-tu venir ! » (optatif : souhait) ; gel-iniz ! « venez ! » gel-esiniz ! « puissiez-vous venir ! ».

Ailleurs, elle disparaît pratiquement. A la i r e personne du singulier, il n'y a pas de forme d'impératif, et on emploie pour le vœu ou pour l'auto-incitation la forme d'optatif -(y)e-yim, restée bien vivante : « que Revienne ! » ou « puissé-je venir ! », qui est aussi une forme de politesse pour avancer un désir : gid-e-yim! « j'aimerais bien partir (avec votre permission) », spécialement sous forme interrogative : gid-e-yim mi ? « permettez-vous que je parte ? », « puis-je prendre congé ? ». Remarquer la nuance de sens après ne : neyap-ayim ? « que dois-je faire ? ou « que puis-je faire ? » A la i r e du pluriel, l'optatif n'est plus employé et l'on n'utilise que l'impératif : gid-elim ! « partons ! » ou « puissions-nous partir ! », avec, fréquemment, la même nuance de politesse que dans gid-e-yim : gid-elim mi ? « pouvons-nous prendre congé ? ». Aux 3e s personnes, l'optatif ne subsiste que dans des formules figées, où il tend d'ailleurs à être remplacé par l'impératif : Allah versin/, plus courant (et de même sens) que : Allah ver-e! cité plus haut. Exemples d'emploi optatif de l'impératif à la 3e personne : yaşasın Cumhuriyet ! « vive la République ! » ; kahr olsun hırsızlar ! « à bas les voleurs ! » ; çabuk bitsin i « que cela cesse vite ! », etc.

Avec addition de l'imparfait -{y)di « était », le souhait devient rétrospectif : Keşke gel-e-ydi ! « ah, s'il était venu ! » (on dit plutôt : keşke gel-se-ydi, avec Y hypothétique ; cf. ci-dessous, 90).

Remarque : Pour le traitement, à l'optatif, des bases verbales terminées par -e ou -a, voir chapitre XII, remarque finale.

8° DÉONTIQUE : -meli.

Le terme de déontique est dérivé du grec déon « ce qu'il faut » (cf. déontologie « science de ce qu'il faut faire »). Cette classe du verbe turc exprime l'obligation, de quelque nature qu'elle soit : physique, logique, technique, sociale, morale, etc. On peut traduire assez exactement les formes en -meli par le français « il faut... ».

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Le déontique est très employé, à toutes les personnes. A la 3e du singulier, il a, outre le sens personnel, un sens impersonnel, général : Mehmet gel-meli « il faut que Mehmet vienne » (personnel) : dikkat et-meli « il faut faire attention » (en général).

Pas plus que les autres classes du verbe turc étudiées dans le présent chapitre, le déontique n'exprime par lui-même aucune définition proprement temporelle ; celle-ci ne peut découler que de la situation ou du contexte : bunu yap-mah signifiera, selon les cas : « il faut faire cela (maintenant) », ou : « il faudra faire cela (à l'avenir) », ou : « il fallait faire cela (à tel moment du passé) ». Le rejet de l'obligation dans le passé est habituellement précisé par l'adjonction de l'imparfait -(y)di « était » : bunu yap-malı-ydı « il eût fallu faire cela ».

Exemples d'emploi du déontique : öl-meli « il faut mourir » (on ne peut faire autrement) ; babaya itaat et-meli « il faut obéir à son père » [itaat « obéissance ») ; bu çocuk çahs-mah « il faut que cet enfant travaille » ; bu gün çalışma-malı « il ne faut pas travailler aujourd'hui » (déontique négatif : suffixe -me-/).

Exprimant, entre autres, la nécessité logique, le déontique est employé (comme « devoir » en français) pour exprimer une conjecture déduite logiquement de la situation ou du contexte : o adam, Fransız ol-mah « cet homme doit être un Français » (on le déduit de certains indices). Notons que Vintentif est aussi employé avec une valeur analogue : o adam, Fransız ol-acak (même traduction).

9° HYPOTHÉTIQUE : -se.

Il exprime une hypothèse et se traduit par le français asi... ». Il n'est pas nécessaire d'y adjoindre une conjonction quelconque (la conjonction eğer «si... », empruntée au persan, est superfétatoire et appartient surtout à la langue écrite).

L'hypothétique n'indique pas de temps par lui-même, si bien que sa traduction précise dépend du contexte : bunu bil-se « s'il sait cela (maintenant) », ou : « si (un jour) il sait cela » (futur), ou : « si (à ce moment-là) il savait cela » ; toutefois, quand l'hypothèse porte sur le passé, on le précise habituellement par l'adjonction de l'imparfait -{y)di «était» : bunu bil-se-ydi « s'il avait su cela ».

Exemples d'emploi de l'hypothétique : yarın gel-se, iyi olur « s'il vient

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demain, ce sera bien » ; iyi yemek yese, iyileşirdi « s'il avait bien mangé, il se serait guéri » (yemek ye- « manger de la nourriture » : yemek « nourriture » et aussi infinitif de ye-) ; Mehmet onu görse, haber verir « si Mehmet le voit, il nous préviendra » (haber ver- « donner une nouvelle ») ; bunu bilse, öyle yapmazdı « s'il savait cela, il n'agirait pas ainsi » ; Ahmet bir firsat bulsa, buraya gelir « si Ahmet trouve une occasion, il vient ici ».

On a déjà signalé (chapitre VI, C) que les pronoms et adjectifs interro-gatifs, employés dans une proposition où le verbe est à une forme hypo-" thétique, prennent une valeur d'indéfinis : ne yapsa, çabuk yorulur « quoi qu'il fasse, il se fatigue vite ».

L'hypothétique avec un interrogatif gardant sa valeur d'origine est également possible : ne yapsa ? « que supposez-vous qu'il fasse ? » = « que peut-il bien faire ? ».

On peut trouver en turc, comme en français, des phrases formées uniquement d'une proposition hypothétique. En ce cas, la suite de la phrase peut être sous-entendue. Mais il peut s'agir aussi, avec une intonation exclamative, d'un souhait exprimé sous forme d'hypothèse : zengin olsa! « s'il était riche ! » ; ah! bunu görse! « ah, s'il voyait cela ! » ; keşke dün gelse-ydi ! « ah, s'il était venu hier ! ». Dans ces derniers emplois, l'hypothétique remplit les fonctions de l'optatif, mais en gardant toujours une nuance de supposition qui l'en distingue.

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XIV. CONJUGAISON PERSONNELLE DU VERBE

Les suffixes de personne qui, s'a joutant au suffixe de classe du verbe, terminent la forme conjuguée, n'ont des formes particulières qu'après les suffixes de classe -di et -se ; après les y autres suffixes de classe, ils sont identiques aux suffixes prédicatifs nominaux étudiés au chapitre X, C.

A) CONJUGAISON SPÉCIFIQUE

Après les suffixes de classe du parfait de constatation en -di et de Y hypothétique en -se, les suffixes personnels sont les suivants :

DU SINGULIER DU PLURIEL

I r e PERSONNE

-m -k

2 e PERSONNE

-n -niz

3 e PERSONNE

(zéro) .(1er)

A la i r e personne du singulier et aux 2e8 personnes du singulier et du pluriel, ces suffixes sont identiques aux suffixes de personne du nom après voyelle (cf. chapitre V, C) : ayır-dı-m « j 'ai séparé », ayir-dt-n « tu as séparé », ayir-dt-ntz « vous avez séparé », comme : baba-m « mon père », baba-n « ton père », baba-niz « votre père ». Étymologiquement, en effet, la conjugaison personnelle du parfait de constatation en -di n'est autre (excepté pour la i r e personne du pluriel en -k) que cette sorte de « conjugaison » du nom que représentent les suffixes de personne nominaux ; il s'agit en effet, à l'origine, d'un nom d'action déverbatif en 4 (éventuellement sonorisé en -d) muni desdits suffixes : ayxr-t « séparation » (sens

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actuel : « qualité distinctive ») ; ayir-d-im « ma séparation », « j'ai séparé » ; ayir-d-m « ta séparation », « tu as séparé » ; ayır-d-ı « sa séparation », « il a séparé » ; ayir-d-iniz « votre séparation », « vous avez séparé ». La conjugaison a été complétée par l'addition (facultative), à la 3e personne du pluriel, du suffixe (de pluriel nominal !) -1er, et par l'utilisation, pour la i r e du pluriel, du nom verbal en -dik [biz ayır-dık «nous, fait de séparer » = « nous avons séparé »), décomposé ultérieurement en -di-k, d'où le -k suffixe de la i r e personne du pluriel, étendu à l'hypothétique en -se : gel-se-k « si nous venons ».

On voit donc que tous les suffixes de cette conjugaison « spécifique » sont d'origine nominale. Primitivement, ils n'étaient employés que pour le parfait de constatation en -di ; plus tard, ils se sont étendus analogiquement à l'hypothétique en -se ; dialectalement, ils s'étendent aussi à l'optatif en -(y)e, notamment à la i r € personne du pluriel, qui fournit alors des expressions de même sens que l'impératif en -(y)elim : gid-e-k ! = gid-elim ! « partons ! ».

Nous donnerons ci-dessous, à titre d'exemple, la conjugaison personnelle complète de quelques parfaits de constatation en -di et de quelques hypothétiques en -se :

geldim « je suis venu », geldin, geldi, geldik, geldiniz, geldi(ler) ; gelsem «si je viens », gelsen, gelse, gelsek, gelseniz, gelse(ler).

attım « j'ai lancé », attın, attı, attık, attınız, attı(lar) ; atsam « si je lance », atsan, atsa, atsak, atsanız, atsa(lar).

buldum « j'ai trouvé », buldun, buldu, bulduk, buldunuz, buldu(lar) ; bulsam «si je trouve», bulsan, bulsa, bulsak, bulsanız, bulsa(lar).

tuttum « j'ai tenu », tuttun, tuttu, tuttuk, tuttunuz, tuttu(lar) ; tutsam « si je tiens », tutsan, tutsa, tutsak, tutsanız, tutsa(lar).

gördüm « j 'ai vu », gördün, gördü, gördük, gördünüz, gördü(ler) ; görsem «si je vois», görsen, görse, görsek, görseniz, görse(ler).

düştüm « je suis tombé », düştün, düştü, düştük, düştünüz, düştü(ler) ; düşsem « si je tombe », düşsen, düşse, düşsek, düşseniz, düşse(ler).

A la 3 e personne du pluriel, l'emploi du suffixe -1er est facultatif ; la langue parlée ne l'utilise normalement qu'après des sujets qui sont des personnes et qui comportent déjà le suffixe -1er du pluriel : çocuklar geldiler « les enfants sont venus » (on dit aussi : çocuklar geldi) ; mais : köpek-

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1er havladı « les chiens ont aboyé » ; kayalar kaydı « les rochers ont glissé ». La langue écrite fait souvent un plus grand usage du suffixe -1er. Il en est de même pour toutes les formes du verbe (cf. chapitre XII, et ci-dessous, B).

B) CONJUGAISON PRÉDICATIVE DE TYPE NOMINAL

Après tous les suffixes de classe autres que -di et -se, c'est-à-dire après ceux de Y aoriste en -er ou -(/> (ou -z avec le négatif -me-\ du progressif en -(i)yor, du duratif en -mekte, du parfait de non-constatation en -mis, de Yintentif en -(y)ecek, de Y optatif en -(y)e, et du déontique en -meli, donc pour 7 classes du verbe, les suffixes personnels ne sont autres que les suffixes nominaux prédicatifs, étudiés précédemment au chapitre X, C.

Nous renvoyons donc au tableau de ces suffixes donné au chapitre X, C. Signalons toutefois que le suffixe -dir de 3 e personne, toujours facultatif

et peu employé dans la langue parlée, n'est jamais employé après les suffixes d'aoriste en -er ou -(i)r, ni d'optatif en -(y)e : gelir « il vient », gele « puisse-t-il venir», et jamais «gelirdir» ni «geledir». Après le suffixe -(i)yor, il est très rare, et réservé à une forme d'insistance : geliyordur « voici précisément qu'il vient ». Dans la langue écrite, il est habituel après -mekte : gelmektedir « il vient », et assez fréquent après -mis, -(y)ecekt et -meli : gelmiştir « il est venu », gelecektir « il a l'intention de venir », « il viendra », gelmelidir « il faut qu'il vienne » ou « il faut venir ».

Quant au suffixe -1er de 3 e personne du pluriel, lui aussi facultatif, ses conditions d'emploi sont les mêmes que celles signalées au chapitre XII pour l'impératif et ci-dessus, A (fin), pour les formes en -di et en -se : çocuklar gelecekler (ou : gelecek) « les enfants viendront » ; mais : köpekler havlı-yacak « les chiens aboieront » ; kayalar kaymış « les rochers ont glissé ».

A la 3e personne du pluriel, le double suffixe -dir-ler ou -ler-dir, qui appartient surtout à la langue écrite, a le plus souvent une valeur d'insistance : gelmişlerdir (rarement : gelmiştirler) «certainement, ils sont venus »,

Remarque I : Dans la conjugaison de Y aoriste négatif en -mez, le suffixe de classe -z disparaît obligatoirement aux i r e s personnes du singulier et du pluriel : gélmem « je ne viens pas », gelmeyiz « nous ne venons pas ». Par

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conséquent, seule l'accentuation distingue la i r e personne du singulier de l'aoriste négatif de la forme avec suffixe de i r e personne du singulier du nom d'action non négatif en -me (voir chapitre XIX, 2°) : gitmem* je ne pars pas », mais : gitmém muhakkak « mon départ est certain » (gitmé « départ » ; gitme/ « ne pars pas ! ») ; il faut faire très attention, en parlant, à cette différence d'accent tonique ; comme elle n'est pas marquée dans l'écriture, il convient d'être attentif, en lisant, à éviter de fausses interprétations : Gitmem, muhakkak/ «je ne pars pas, c'est sûr ! » ; Gitmem muhakkak « je pars certainement ».

Remarque II : Dans la conjugaison de Yintentif en -(y)ecek, la langue parlée, et parfois écrite, contracte couramment la i r e pers. du sing. -(y)ece-girn en -(y)ecem, et la i r e pers. du pi. ~(y)eceğiz en ~(y)ecez ; on rencontre même, par analogie avec la conjugaison des formes en -di et -se, des formes de 2e pers. du sing. en -(y)ecen : gitmiyecem « je ne partirai pas » ; gelecez « nous viendrons » ; yapacam « je ferai » ; tutacaz « nous tiendrons » ; gelecenv- tu viendras » (cette dernière forme est considérée comme « incorrecte » dans la langue écrite).

EXEMPLES DE CONJUGAISON PRÉDICATIVE DU TYPE NOMINAL :

gelirim « je viens, je viendrai », gelirsin, gelir, geliriz, gelirsiniz, gelir [1er), kalıyorum «je reste», kalıyorsun, kalıyor, kalıyoruz, kalıyorsunuz, ka

lıyorlar). kalmam (aoriste négatif) « je ne reste pas », kalmazsın, kalmaz, kalmayız,

kalmazsınız, kalmaz(lar). olmaktayım «je deviens», olmaktasın, olmaktadır, olmaktayız, olmakta

sınız, olmaktadırlar). tutacağım ou tutacam « je tiendrai », tutacaksın, tutacaktır), tutacağız ou

tutacaz, tutacaksınız, tutacak(lar). vereyim « que je donne ! », veresin, vere (vereyiz, archaïque, remplacé par

l'impératif : verelim), veresiniz, vere(ler). almalıyım «il faut que je prenne», almalısın, almalı(dır), almalıyız,

almalısınız, almalı(dırlar) ; on notera qu'à la 3 e personne du pluriel du déontique en -meli, le suffixe -1er est employé quand le suffixe -dir figure déjà dans la forme ; « ils doivent venir » se dira : onlar gelmeli ou : onlar gelmelidir, ou : onlar gelmelidirler (mais rarement «gelmeliler» !).

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XV. ÉQUIVALENTS TURCS DES VERBES « ÊTRE » ET « AVOIR »

A) ÉQUIVALENTS DU VERBE «ÊTRE»

Le présent du verbe « être » français a pour équivalents turcs les suffixes nominaux prédicatifs étudiés au chapitre X, C, auquel nous renvoyons : Türküm « je suis turc » (ne pas confondre avec : Türküm « mon Turc » !) ; turistim « je suis un touriste » {turistim « mon touriste ! ») ; hastayım « je suis malade » ;. Fransizsm « tu es français » ; sporcusun « tu es sportif » ; büyüktür « il est grand » ; ucuzdur « c'est bon marché » ; iyidir « c'est bien » ; yorgunuz « nous sommes fatigués » ; açız « nous avons faim » (« nous sommes affamés ») ; aboneyiz « nous sommes abonnés » ; evdesiniz « vous êtes à la maison » ; hastasınız « vous êtes malade » ; Türksünüz « vous êtes turc » ; dçtir(lar) « ils sont affamés ».

D'autre part, l'ancien verbe turc er- « être », disparu de l'usage, et dont le radical s'est usé phonétiquement au point d'être réduit à « i- » (défec-tif), subsiste sous 3 formes conjuguées, très employées, correspondant éty-mologiquement au parfait de constatation en -di, au parfait de non-constatation en -mis, et à l'hypothétique en -se, mais dotées de valeurs et d'emplois particuliers :

i° IMPARFAIT : idi ou -(y)di.

L'ancien parfait de constatation i-di a pris la valeur d'un imparfait : idi « il (elle) était », tout à fait comparable dans ses emplois à l'imparfait français. Comme toutes les formes de radical « i- », idi n'est pas accentué (enclitique), et développe un accent tonique sur la syllabe qui le précède ; de plus, son usure phonétique se poursuivant, il est devenu, dans l'usage

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actuel, un verbe-suffixe non accentué, -(y)di, qui suit l'harmonie vocalique, avec y apparaissant après voyelle et disparaissant après consonne :

hastaydı (hasta idi) « il était malade » ; yorgundu (yorgun idi) « il était fatigué ».

L'imparfait idi ou.-(y)di se conjugue comme le parfait en -di des autres verbes : idim «j'étais», idin, idi, idik, idiniz, idi(ler) ; habituellement : -(y)dim, -(y)din, -(y)di, -(y)dik, -(y)diniz, ~(y)di(ler), avec harmonie vocalique et assourdissement de d en t après consonne sourde (p, t, k, ç, /, s, h, ş). Exemples :

hastaydım «j'étais malade»; yorgundum «j'étais fatigué»; âçtim « j'étais affamé » (ne pas confondre avec açtım « j'ai ouvert ! ») ; evdeydin « tu étais à la maison » ; küçüktün « tu étais petit » ; güzeldi « c'était beau »; dçti « il était affamé » (ne pas confondre avec açti « il a ouvert ! ») ; sporcuydu « il était sportif » ; Fransaddydik « nous étions en France » ; memnunduk « nous étions contents » ; sarhoştunuz « vous étiez ivre(s) » ; tatildeydiniz « vous étiez en vacances » ; büyüktüler) « ils étaient grands » ; evimizdéydi(ler) « ils (elles) étaient dans notre maison ».

2° DUBITATIF : imiş ou -(y)mis.

L'ancien parfait de non-constatation i-miş a pris la valeur d'un dubitatif, c'est-à-dire d'une forme qui exprime un doute quant à la vérité ou à la réalité des faits évoqués : ce doute peut aller, selon le contexte, la situation, ou l'intonation, de la simple réserve de prudence « ..., paraît-il », « ..., semble-t-il », à la contestation indignée « ..., a-t-on l'audace de prétendre ! », en passant par toutes les nuances de l'incertitude : « ..., pré-tend-t-on », « ..., peut-être ». Ces valeurs ne doivent pas être confondues avec celle du parfait de non-constatation, qui signale seulement qu'on n'a pas été témoin de l'action, mais qui ne conteste pas la réalité de son résultat : yorulmuş (de yor-ul-, passif, « être fatigué ») « il est fatigué » (on ne l'a pas vu se fatiguer, mais c'est un fait acquis qu'il est fatigué) ; yorgûnmuş (deyorgun « las, fatigué ») «on prétend qu'il est fatigué » (mais c'est douteux).

En plus de sa valeur de doute, qui est constante, le dubitatif en imiş ou -(y)miş peut, ou non, avoir une valeur d'imparfait : il fonctionne, à volonté, soit comme dubitatif présent, soit comme dubitatif imparfait : hastâ imiş « il paraît qu'il est malade », ou « il était malade, paraît-il »,

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Il faut toujours avoir présente à l'esprit la possibilité de ces deux valeurs différentes, entre lesquelles le contexte ou la situation permettent seuls de choisir.

De même que idi, imiş n'est pas accentué (enclitique), et développe un accent tonique sur la syllabe qui le précède ; de plus, son usure phonétique en a fait, dans la langue actuelle, un verbe-suffixe non accentué, -(y)mis, qui suit Y harmonie vocalique.

Il se conjugue comme le parfait en -mis des autres verbes : imişim « je suis, paraît-il » ou « j'étais, paraît-il », imişsin, imiş, imişiz, imişsiniz, imiş(ler) ; habituellement : -(y)mişim, -(y)mişsin, -(y)miş, -(y)mişiz, -(y)mişsiniz, -(y)miş(ler), avec harmonie vocalique. Exemples :

hastâyrnışım « il paraît que je suis (que j'étais) malade » ;yorgünmuşsun « il paraît que tu es (que tu étais) fatigué » ; doktôrmus « il paraît qu'il est (qu'il était) médecin » ; sarhôsmusuz « il paraît que nous sommes (que nous étions) ivres » ; küskünmüşsünüz « il paraît que vous êtes (que vous étiez) fâché (s) » ; tatildéymisler «il paraît qu'ils sont (qu'il étaient) en vacances ».

Exceptionnellement, le dubitatif est employé sans valeur de doute, mais pour exprimer la surprise qu'on ressent à découvrir un fait, jusqu'alors insoupçonné : a ! burdâymış ! « ah ! il était ici ! » ou « tiens ! il est ici ! ».

3° SUPPOSITIF : ise ou -{y)se.

La forme hypothétique du radical défectif « i- », i-sef cette fois sans transformation notable de sa valeur, mais avec des emplois morphologiques particuliers, est devenue le suppositif du verbe « être » : ise « s'il est » (sans précision quant au temps ; cf. chapitre XIII, 90). Comme idi et imiş, il n'est pas accentué (enclitique) et développe un accent tonique sur la syllabe qui le précède ; de plus, son usure phonétique en a fait, dans.la langue actuelle, un verbe-suffixe non accentué, -(y)se, qui suit l'harmonie vocalique.

Il se conjugue comme l'hypothétique en -se des autres verbes : isem « si je suis » ou « si j'étais », isen, ise, isek, iseniz, ise(ler) ; habituellement : -(y)sem, -(y)sen, -(y)se, -(y)sek, -(y)seniz, -(y)se(ler), avec harmonie vocalique. Exemples :

yorgünsam « si je suis fatigué » ; abonéysem « si je suis abonné » ; evdéysen « si tu es à la maison » ; öyleyse « si c'est ainsi » ; Turkse « s'il

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est Turc » ; hazirsak « si nous sommes présents » ; turïstsek « si nous sommes touristes » ; ordâysalar « s'ils sont là-bas » ; evlïyseler « s'ils sont mariés » ; memnûnsalar « s'ils sont contents ».

Remarque : Le radical « i- », outre les 3 formes conjuguées étudiées ci-dessus, ne donne qu'un gérondif invariable, iken, -(y)ken « en étant », et, à titre d'archaïsme, un nom verbal complexe en -dik (cf. chapitre XX), idik, -(y)dik. Il ne peut donc fournir, pour l'expression du verbe « être », une conjugaison complète. D'où la nécessité de recourir à un autre radical pour exprimer les valeurs du verbe « être » auxquelles ne correspondent ni les suffixes nominaux prédicatifs, ni les formes idi, imiş, ise.

En conséquence, pour toutes les valeurs du verbe « être » qui ne correspondent ni au présent, ni à l'imparfait, ni au dubitatif, ni au suppositif, on se sert du verbe ol- «devenir », qui présente alors les deux sens d'« être » et de « devenir » (double possibilité qu'il convient d'avoir toujours à l'esprit !). Exemples :

ol 1 « sois ! » ou « deviens ! » (impératif) ; olur « il sera (éventuellement) » (aoriste) ; oldu « il fut » ou « il devint » (parfait de constatation) ; olmuş « il fut » ou « il devint » (parfait de non-constatation) ; olacak « il sera » ou « il deviendra » (intentif) ; ola ! « puisse-t-il être (ou devenir) ! » (optatif) ; olmalı « il faut être (ou devenir) » (déontique).

B) ÉQUIVALENTS DU VERBE «AVOIR»

On a déjà vu (chapitre X, F, fin) que le turc ne possède pas de verbe «avoir» (sous aucune forme !) et qu'il exprime, notamment, l'idée d'« avoir» et de « n'avoir pas » en donnant pour sujet à var « existant » et à yok « non existant, absent » le nom de la chose possédée, pourvu d'un suffixe nominal de personne (possessif) :

bir kitabım var « j'ai un livre » ; kitabım yok « je n'ai pas de livre ». Au lieu de propositions purement nominales (var et yok sont des noms,

et nullement des verbes !) du type précédent, on peut aussi construire des propositions avec les divers équivalents turcs du verbe « être » (suffixe prédicatif -dir, imparfait idi, dubitatif imiş, suppositif ise, et toutes les formes tirées de ol- « être » ou « devenir »), ce qui permet d'obtenir des équivalents d'une conjugaison complète du verbe « avoir » :

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adresiniz vardır « vous avez une adresse » ; evi yoktur « il n'a pas de maison » ; atları vardır « il a des chevaux », ou « ils ont un cheval », ou « ils ont des chevaux » ; on n'emploie jamais -1er après -dir dans ce genre d'expressions : M ekmedin kardeşleri vardır « Mehmet a des frères » (noter qu'à la 3e personne le sujet du verbe « avoir » français doit apparaître au génitif : « des frères de Mehmet sont existants »). çocukların oyuncakları yoktu « les enfants n'avaient pas de jouets » ;

hakkınız vardı « vous aviez raison » (hak(k) « droit, raison »). Fatma'nın bir kızı varmış « il paraît que Fatma a (ou avait) une fille » ;

paranız yokmuş « vous n'avez (n'aviez) pas d'argent, dit-on ». vaktiniz varsa « si vous avez le temps » (vak(i)t « temps », de l'arabe) ;

şansımız yoksa « si nous n'avons pas de chance ». Mais quand on doit employer, pour exprimer l'idée d'« être (existant,

ou inexistant) », le verbe ol- (qui a aussi le sens de «devenir »), on ne peut pas se servir des mots var et yok, car, avec eux, ol- n'a que le sens de « devenir » : var oldu « c'est devenu une réalité » ; paramız yok oldu « notre argent a disparu » (« est devenu rien ») et non pas « nous n'avons pas eu d'argent » !

C'est pourquoi, dans les tournures signifiant en français « avoir » où doivent intervenir des équivalents du verbe « être » qui, ne correspondant ni au présent, ni à l'imparfait, ni au dubitatif, ni au suppositif, devront être formés sur le radical ol-, on se sert (sans var ni yok) de ol- au sens d'« exister », et du négatif olma- au sens de « ne pas exister, être absent » :

şansımız oldu « nous avons eu de la chance » ; paramız olmadı « nous n'avons pas eu d'argent » ; evleri olacak « ils auront une maison » ; vaktiniz olmalı « il faut que vous ayez le temps » ; ateşiniz olmamalı « il ne faut pas que vous ayez de fièvre » [ateş « feu », « fièvre »).

Tout ce qui a été dit précédemment s'applique également aux expressions du type bende var « j'en ai », bende yok « je n'en ai pas » : sizde vardır « vous l'avez », « vous en avez » ; bizde yoktu « nous ne l'avions pas », « nous n'en avions pas » ; bizde olacak « nous l'aurons », « nous en aurons », etc.

On voit que le verbe ol- peut prendre 3 sens : « devenir », « être », « exister », selon les tournures où il est employé.

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XVI. FORMES VERBALES COMPOSÉES

A partir des 9 classes du verbe (non composées) étudiées au chapitre XIII, le turc, par addition au suffixe de classe des 3 formes suffixées du verbe « être » : ~(y)di, -(y)mi§t -{y)set qui portent ensuite elles-mêmes, éventuellement, les suffixes de personne de la conjugaison, forme un nombre important de formes verbales composées.

Seules 3 combinaisons sont impossibles :

a) parfait de constatation en -di + dubitatif en -(y)mi§, puisque la constatation exclut le doute.

b) optatif en -(y)e + suppositif en -(y)se, car le turc conçoit l'action, ou comme souhaitée, ou comme supposée, mais ne mélange pas les deux conceptions.

c) hypothétique en -se + suppositif en -{y)se, car ce serait là une forme pléonastique.

Toutes les autres combinaisons sont usitées (celles formées à partir de l'optatif étant toutefois rares) ; certaines, même, sont très courantes. Il y a donc : (9 X 3) — 3 = 24 formes composées du verbe, qui, s'ajoutant aux 10 formes non composées (impératif, plus 9 classes à suffixes), donnent en tout 34 formes du verbe turc, susceptibles d'exprimer des nuances très variées.

Mais cette morphologie verbale très riche est obtenue par la combinaison d'un nombre vraiment restreint d'éléments (9 suffixes de classe, radical « i- » du verbe « être », et 3 séries très simples de désinences personnelles : pour l'impératif ; pour -di et -se ; pour les autres classes). Son assimilation ne demande guère d'effort de mémoire, mais exige un effort consciencieux de logique. Il faut toujours analyser la signification de fond de la forme turque rencontrée, ou de la forme française à traduire, en se

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méfiant des apparences et en admettant une fois pour toutes, aussi contrariant que cela puisse être, qu'il n'y a jamais correspondance automatique d'une forme turque du verbe à une forme française, ni d'une forme française du verbe à une forme turque : il faut réfléchir et analyser, en dehors de tout automatisme. De ce point de vue, l'étude méthodique du turc représente, pour un francophone, une gymnastique intellectuelle de première valeur.

A) FORMES COMPOSÉES AVEC L'IMPARFAIT idi, -{y)di.

Elles sont très usitées, et possibles avec les 9 classes sufnxées du verbe. L'imparfait idi, -{y)di étant la seule forme verbale turque qui ait intrinsèquement et sans ambiguïté possible une valeur temporelle (passé), c'est avec elle qu'on formera en toute clarté des formes composées de sens passé.

Leur valeur est aisée à définir : projection dans le passé de la valeur de base de la classe du verbe à laquelle s'ajoute -(y)di :

1) AORISTE + -(y)di : imparfait-aoriste, avec valeur fréquente d'imparfait d'habitude : her gün gelirdik « nous venions tous les jours » ; çocukken, şarap içmezdim « étant enfant, je ne buvais pas de vin » ; eski iranlılar Ateşe taparlardı « Les Iraniens anciens adoraient le Feu » (tap- « adorer » + directif) ; noter que le suffixe -1er de pluriel vient de préférence avant le verbe-suffixe -(y)di, tandis que les suffixes de personne proprement dits viennent toujours après lui.

D'autre part, comme l'aoriste peut exprimer Y éventualité, l'imparfait-aoriste peut noter une éventualité passée, révolue (anciennement ou depuis très peu de temps), et par conséquent exprimer Y irréel du passé ou du présent, qui est le plus souvent rendu en français par le conditionnel passé ou présent \yagniur ateşi söndürmeseydi, ev yanardı « si la pluie n'avait pas éteint le feu, la maison aurait brûlé » (yan- « brûler », sön- « s'éteindre ») (irréel du passé) ; paltomu giymeseydim, üşürdüm « si je n'avais pas mis mon manteau, j'aurais froid » (üşü- « avoir froid ») (irréel du présent, si du moins le contexte ou la situation permettent de l'interpréter ainsi ; autrement :«. . . , j'aurais eu froid », irréel du passé).

Notons que le français peut aussi exprimer l'irréel du passé par l'imparfait : « si la pluie n'avait pas éteint le feu, la maison brûlait » ; betontan

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olmasaydı, duvar yıkılırdı « s'il n'avait été en béton, le mur s'effondrait (ou : se serait effondré) » (yık- « démolir ») ; gelmemiş olsaydınız, giderdim « si vous n'étiez pas venu, je partais (ou : je serais parti) ».

Comparer ces exemples avec ceux de 6), ci-après.

2) PROGRESSIF +-(y)di: imparfait-progressif avec valeur descriptive ou actualisante : Ahmet, yere otutmuş, bir sigara içiyordu «Ahmet, assis par terre, fumait une cigarette » [iç- « boire » ou « fumer ») ; geldiği zaman, bir kitap okuyordum « quand il arriva, je lisais un livre »?-

3) DURATIF + -(y)di : imparf ait-dur atif> avec valeur actualisante : Meclis toplandığı zaman, gizli müzakereler devam etmekteydi « quand l'Assemblée s'est réunie, les pourparlers secrets continuaient ».

4) PARFAIT DE CONSTATATION + -{y)di : plus-que-parfait de constatation : bunu çok defa söylediydim « j'avais dit cela bien des fois » ; evimize annesiyle geldiydi « il était venu chez nous avec sa mère » ; onu gördüydük « nous l'avions vu ». On trouve aussi : söyledim-di, gördük-tü.

5) PARFAIT DE NON-CONSTATATION + -(y)di : plus-que-parfait de non-constatation : Timur, Buhara'ya dönmüştü « Tamerlan était retourné à Boukhara » ; biz uyurken, atlarımız kaçmıştı « pendant que nous dormions, nos chevaux s'étaient échappés ».

6) INTENTIF + -(y)di : imparfait-intentif, indiquant une intention passée, ou une tendance passée : o zaman, istanbul'a yerleşecekti « alors, il avait l'intention de s'installer à Istanboul » ; duvar yıkılacaktı « le mur était prêt à s'effondrer ».

Or, une intention ou une tendance qui sont passées, révolues, correspondent souvent à des faits qui ne se sont pas réalisés, ou qui ne se réalisent pas dans le présent, donc à l'irréel du passé ou du présent (cf. plus haut, 1, imparfait-aoriste), le plus souvent rendu en français par le conditionnel passé ou présent : bir ev bulsaydı, Istanbul a yerleşecekti « s'il avait trouvé une maison, il se serait installé à Istanboul » ; tamir edilmeseydi, duvar yıkılacaktı « s'il n'avait été réparé, le mur se serait effondré » (tamir « réparation ») ; bu saatte, işim olmasaydı, dolaşacaktım « à l'heure qu'il est, si je n'avais pas de travail, je me promènerais ». La nuance

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(parfois furt ive) qui distingue ces emplois de ceux de l'imparf ait-aoriste en fonction d'irréel réside dans le fait qu'on suppose dans les faits non réalisés une ancienne intention ou tendance, et non pas une simple éventualité passée.

7) OPTATIF 4- -(y)di : optatif passé] indique un souhait portant sur le passé (donc irréel), presque toujours pour exprimer un regret rétrospectif (forme archaïsante) : keşke dün geleydiniz! «ah, si vous étiez venu(s) hier ! ». L'usage actuel tend à le remplacer par l'hypothétique passé, cf. ci-dessous, 9).

8) DÉONTIQUE + -(y)di : déontique passé, signifie «*7 fallait... », ou « il eût fallu... » : bu şartlar altında, vazgeçmeliydim «dans ces conditions, il me fallait renoncer» ou «...,il m'eût fallu renoncer» (vaz -\- geç- « renoncer ») ; la traduction dépend de la situation et du contexte, le déontique passé n'exprimant pas par lui-même la réalisation ou la non-réalisation historiques de l'action considérée : inad etmektense, vazgeçmeliydiniz « au lieu de vous entêter, vous auriez dû renoncer » (renonciation non réalisée) ; yaptığınız gibi yapmalıydınız « vous deviez agir comme vous l'avez fait » (vous avez eu raison d'agir ainsi : action réalisée).

9) HYPOTHÉTIQUE + -(y)di : hypothétique passé; exprime une supposition portant sur le passé, donc irréelle (« s'il avait fait... ») : gelseydiniz, memnun olurdum « si vous étiez venu, j'aurais été content » ; böyle yapmasaydı, kızmıyacaktım « s'il n'avait pas agi ainsi, je ne me serais pas fâché ».

Employé exclamât i vement, l'hypothétique passé exprime un regret, comme l'optatif passé, qu'il remplace habituellement dans l'usage courant : keşke dün gelseydiniz! « ah, si vous étiez venu (s) hier ! ».

B) FORMES COMPOSÉES AVEC LE DUBITATIF imiş, -{y)miş.

Elles apparaissent chaque fois que l'on veut exprimer un doute sur un fait, et ne sont possibles qu'avec 8 des classes suffixées du verbe, puisqu'elles sont incompatibles avec le parfait de constatation en -di. En plus d'une nuance de doute (constante dans ces formes, mais d'intensité variable selon le contexte : simple réserve, incertitude, ou contestation for-

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melle), elles peuvent ou non apporter une valeur temporelle de passé. Cette dualité temporelle, qui tient à la double valeur temporelle du dubitatif imiş (présent ou imparfait dubitatif), doit être toujours présente à l'esprit quand on interprète ces formes composées.

Chacune d'elles, aura donc 2 valeurs possibles : — ou bien celle de la forme non composée correspondante (cf. cha

pitre XIII), augmentée de l'expression d'un doute ; — ou bien celle de la forme composée en -(y)di correspondante (cf.

ci-dessus, A), augmentée de l'expression d'un doute. On pourrait donc reprendre tous les exemples du chapitre XIII (sauf

ceux du parfait en -ai) en ajoutant -(y)miş au suffixe de classe du verbe, et tous ceux du présent chapitre, A (sauf ceux du plus-que-parfait en -diydi)'en remplaçant -(y)di par -(y)miş, et augmenter leurs traductions d'expressions telles que : « peut-être », « paraît-il », « prétend-t-on », etc.

Nous nous contenterons de donner ici quelques courts exemples :

i) AORISTE + -(y)mis : aoriste dubitatif : gelirmiş « il vient d'habitude, paraît-il », ou « il venait d'habitude, paraît-il », ou « il viendrait éventuellement, paraît-il », ou (notamment après une hypothèse) « il serait venu, paraît-il », etc.

2) PROGRESSIF + -(y)miş : progressif dubitatif. En principe, il peut sembler qu'il, y ait contradiction entre la progression et le doute (cf. l'incompatibilité du parfait en -di et de -(y)miş) ; pratiquement, cette forme est usitée et correspond à 2 cas : tout d'abord, dans la forme en -(i)yorf la progression peut être fictive, ou bien celui qui parle ne fait pas clairement la différence entre progression concrète et durée supposée (on a vu, chapitre XIII, 30, fin, que cette différenciation n'est pas populaire, mais essentiellement intellectuelle) : geliyormuş « il paraît qu'il est en train de venir », ou « il paraît qu'il était en train de venir » ; second cas, celui où le verbe-suffixe -(y)mış exprime, non pas un doute véritable, mais la surprise (cf. chapitre XV, A, 20, fin) : a ! burda yatıyormuş ! « tiens ! il est couché ici ! » ou « tiens ! il était couché ici ! ».

3) DURATIF + ~(y)miş : duratif dubitatif : müzakereler devam etmek-teymiş « on prétend que les pourparlers continuent (ou : continuaient) ».

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4) PARFAIT DE NON-CONSTATATION + -{y)miş : parfait de non-constatation dubitatif : gelmiş imiş, ou gelmişmiş «il paraît qu'il est arrivé» ou « il paraît qu'il était arrivé ».

5) INTENTIF -f- -{y)mis : intentif dubitatif : gelecekmiş « il paraît qu'il a l'intention de venir », ou « il paraît qu'il avait l'intention de venir », ou « il paraît qu'il viendrait », ou « il paraît qu'il serait venu ».

6) OPTATIF + -(y)mis : optatif dubitatif : géleymisl « si par hasard il était venu ! » ; forme d'emploi restreint.

7) DÉONTIQUE -f- -(y)miş : déontique dubitatif : gelmeliymiş « il paraît qu'il faut venir », ou « il paraît qu'il fallait venir », ou « il paraît qu'il eût fallu venir ».

8) HYPOTHÉTIQUE -f -(y)mis : hypothétique dubitatif : gelseymiş « si peut-être il venait » ou « si peut-être il était venu » ; keşke gelseymiş I « ah, si peut-être il était venu ! » ; forme relativement rare.

C) FORMES COMPOSÉES AVEC LE SUPPOSITIF ise, -(y)se.

Elles sont très vivantes, et possibles avec 7 classes suffixées (incompatibilité avec l'optatif en -(y)e et l'hypothétique en ~{y)se).

Leurs valeurs sont très claires : elles transforment en supposition le sens de la classe du verbe à laquelle s'ajoute -(y)se :

1) AORISTE + -{y)se : aoriste suppositif : gelirse «s'il vient d'habitude » ou « s'il vient (éventuellement) » ; yarın gelirse « s'il vient demain ».

2) PROGRESSIF + -{y)se: progressif suppositif : geliyorsa «s'il vient». 3) DURATIF -h -(y)se : duratif suppositif : gelmekteyse « s'il est en

train de venir ».

4) PARFAIT DE CONSTATATION + -{y)se : parfait de constatation suppositif : geldiyse « s'il est venu ».

5) PARFAIT DE NON-CONSTATATION + -(y)se : parfait de non-constatation suppositif : gelmişse « s'il est venu ».

6) INTENTIF + -(y)se : intentif suppositif : gelecekse «s'il a l'intention de venir ».

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7) DÉONTIQUE + -(y)se : déontique suppositif : gelmeliyse « s'il faut venir », « s'il fallait venir » (pratiquement sorti de l'usage).

Les exemples schématiques ci-dessus sont loin de préciser toutes les nuances de signification de ces 7 formes composées : pour plus de détail (notamment sur l'interprétation temporelle, selon le contexte), se repor-. ter au chapitre XIII sur les classes du verbe, et reprendre les exemples donnés en ajoutant -{y)se au suffixe de classe et en transformant la traduction en supposition. Exemples : saatim bozuldu « ma montre est détraquée » ; saatim bozulduysa « si ma montre est détraquée ».

. Rappel: Les verbes-suffixes -(y)di, -(y)miş, -(y)se étant non accentués, Y accent tonique, dans toutes les formes composées, porte sur la syllabe qui précède immédiatement -{y)di, -{y)mis, ou -(y)se : gelmişseniz « si vous étiez venu(s) », accentué sur mis, etc.

D) SUCCESSION DE FORMES PERSONNELLES SEMBLABLES

Quand plusieurs formes personnelles semblables, ayant le même sujet, se succèdent dans une phrase et qu'elles sont conjuguées à l'aide des équivalents turcs du verbe « être » (suffixes prédicatifs ou verbes-suffixes -(y)dit

-(y)mis, -(y)se), il est très usuel, et presque constant dans la langue écrite soignée, de n'exprimer le suffixe prédicatif ou le verbe-suffixe « être », ainsi que le suffixe de personne, que dans le dernier verbe :

erken kalkar, işime giderim « je me lève tôt et vais à mon travail » (kalk-« se lever »).

erken kalkar, çabuk giyinir, işinize giderdiniz «vous vous leviez tôt, vous vous habilliez vite, et vous alliez à votre travail ».

Il faut toujours avoir présente à l'esprit cette particularité grammaticale, si contraire aux normes du français, qui déroute généralement les débutants : dans des phrases telles que celles citées en exemple, non seulement le sujet, mais encore les modalités précises du verbe (l'imparfait, dans le 2e exemple), n apparaissent quà V extrême fin de la phrase. Pour cette raison, et pour d'autres encore, qui tiennent au caractère synthétique de la phrase turque, où des éléments essentiels pour la compréhen-

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sion (même du début) sont rejetés à la fin, on retiendra la règle de prudence suivante :

Ne jamais entreprendre de traduire une phrase turque, aussi longue soit-elle, sans Pavoir lue jusqu'à la fin, car c'est souvent à la fin seulement que le sens s'éclaire.

E) FORMES SURCOMPOSÉES ET FORMES COMPLEXES AVEC ol-.

i) Avec le suppositif du verbe « être » ise ou -(y) se, il est possible, quoique peu fréquent, d'ajouter une valeur suppositive à une forme déjà composée, en particulier à l'imparfait progressif en ~(i)yordu ; on a alors une forme surcomposée, avec deux verbes-suffixes « être » : geliyordııysa « s'il venait ».

2) On construit couramment des formes complexes dont le premier élément est une des classes suivantes du verbe : aoriste en -er ou -(i)r, duratif en -mekte, parfait de non-constatation en -mis, intentif en -(y)ecek} le second élément étant une forme conjuguée, non composée ou composée, du verbe ol- « devenir, être » :

yazar oldum « j'ai pris l'habitude d'écrire » (« je suis devenu quelqu'un qui écrit habituellement » ; de yaz- « écrire »).

çalışmakta olmalıydınız « vous auriez dû être en train de travailler » {çalış- « travailler »).

yazmış olacağız « nous aurons achevé d'écrire », « nous aurons écrit » : expression du futur antérieur (cf. chapitre XIII, 50).

yapmış olsaydı « s'il avait fait » (très courant) : expression du plus-que-parfait hypothétique.

gelecek olsaydı « s'il avait eu l'intention de venir » ; gelecek oldu « il eut l'intention de venir », etc.

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XVII. ÉLÉMENTS INTERCALÉS DANS LA CONJUGAISON

A) PARTICULE INTERROGATIVE : mi.

On a vu (chapitre X, E) que, dans la proposition nominale, la particule interrogative mi se place immédiatement après le mot sur lequel porte l'interrogation, et que, si ce mot est un nom suivi des suffixes nominaux prédicatifs (équivalents du présent du verbe «être»), c'est à la particule mi (et non pas à ce nom) que viennent s'ajouter les suffixes prédicatifs : autrement dit, la particule mi s'intercale entre le nom-prédicat et le suffixe prédicatif.

De même, quand une interrogation porte sur un nom (attribut) suivi des verbes-suffixes -(y)di, ~{y)miş, -(y)se, formes non accentuées (enclitiques) du verbe « être », la particule interrogative mi s'intercale, pour des raisons analogues (suffixes prédicatifs ou verbes-suffixes « être » devant toujours venir à l'extrême fin de la proposition), entre l'attribut et le verbe-suffixe « être » :

Mehmet Türk müdür ? « Mehmet est-il turc ? » ; Ahmet yorgun muydu ? « Ahmet était-il fatigué ? », etc.

Une règle toute semblable s'applique dans toutes les formes de la conjugaison du verbe, non composées ou composées, dans lesquelles interviennent, soit les suffixes prédicatifs, soit les verbes-suffixes « être » : dans ces formes, la particule interrogative mi s'intercale entre le suffixe de classe du verbe et les suffixes prédicatifs ou les verbes-suffixes -(y)di, -{y)miş, ~{y)se.

Rappelons que la particule mi est non accentuée (enclitique) et développe un accent tonique fort (interrogatif) sur la syllabe qui la précède ; rappelons aussi que mi subit l'harmonie vocalique, comme un suffixe, mais est habituellement séparé, dans l'écriture, d'avec le mot qui précède.

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Donnons d'abord des exemples pour les formes non composées du verbe : unutur muyum ? « est-ce que j'oublie (d'habitude) ? » {unut- « oublier ») ;

korkar mısın ? « est-ce que tu es craintif ? » [kork- « craindre ») ; gelir-mi P « va-t-il venir ? » ; bulur muyuz P « est-ce que nous trouverons ? » ; onu sever misiniz ? « est-ce que vous l'aimez ? » ; kalırlar mı ? « est-ce qu'ils vont rester ? ».

anlıyor muyum ? « est-ce que je comprends ? » ; korkuyor musun P « est-ce que tu as peur ? » ; koşuyor mu ? « court-il ? » ; gidiyor muyuz ? « partons-nous ? » ; kalıyor musunuz ? « restez-vous ? » ; geliyorlar mı ? « est-ce qu'ils viennent ? ».

yanılmakta mıyım P « suis-je en train de me tromper ? » ; müzakereler devam etmekte mi(dir) P « les pourparlers se poursuivent-ils ? ».

onu görmemiş miyim P « ne l'ai-jepas vu ?» ; kaçmış mısın ? « t'es-tu enfui ? » ; gelmiş mi ? « est-il venu ? » ; yanılmış mıyız ? « nous sommes-nous trompés ? » ; kalmış mısınız ? « êtes-vous resté ? » ; korkmuşlar mı « ont-il eu peur ? ».

gelecek miyim ? « viendrai-je ? » ; yazacak mısın ? « écriras-tu ? » ; ısıracak mı P « mordra-t-il ? » ; gidecek miyiz P « est-ce que nous irons ? » ; koşacak mısınız P « courrez-vous ? » ; vuracaklar mı ? « frapperont-ils ? ».

kalmalı mıyım P « dois-je rester ? » ; gitmeli misin P « dois-tu partir ? » ; yazmalı mı(dır) P « doit-il écrire ? » ; gütmeli miyiz P « devons-nous rire ? » ; korkmalı mısınız ? « devez-vous avoir peur ? » ; gelmeli midirler P « faut-il qu'ils viennent ? ».

Aux formes simples en -di et en -se, la particule mi ne s'intercale pas, puisque les suffixes de personne ne sont pas les suffixes prédicatifs ; il en est de même à l'impératif :

anladım mı P « ai-je compris ? » ; güldün mü P « as-tu ri ?» ; kaçtı mı P « s'est-il enfui ? » ; bulduk mu P « avons nous trouvé ? » ; sordunuz mu P « avez-vous demandé ? » ; geldiler mi P « sont-ils venus ? ».

kalsam mı P « est-ce si je reste ? » ; gelsin mi P « doit-il venir ? » ; gidelim mi P « devons-nous partir ? ».

Par analogie avec l'impératif (cf. les deux derniers exemples), il n'y a pas non plus d'intercalation de mi à l'optatif :

geleyim mi P « dois-je venir ? » ; gideyim mi P « dois-je partir » ? Donnons maintenant des exemples pour les formes composées du verbe : gelir miydi P « venait-il ? » ; koşuyor muydun P « courais-tu ? » ; okumakta

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mıydı ? « était-il en train de lire ? » ; korktu muyduk ? « avions-nous eu peur ? » ; gitmiş miydiniz ? « étiez-vous parti (s) ? » ; kaçacaklar mıydı ? « avaient-ils l'intention de fuir ? » ; kalmalı mıydım ? « devais-je rester ? », etc.

Dans les formes composées du verbe, Tintercalation de Tinterrogatif mi est partout pratiquée.

B) POST-POSITION COMPARATIVE gibi « comme ». v

Cette post-position, déjà étudiée au chapitre IX, 30), s'intercale dans la conjugaison selon les mêmes règles que mi (cf. ci-dessus, A). Elle forme des expressions verbales comparatives («c'est comme si...», «...quasiment », « on dirait que... », etc.) :

anlıyor gibidir « il a l'air de comprendre » ; korkar gibisin « tu parais craintif » ; ölmüş gibiydi « il était comme mort ».

Elle peut se combiner avec mi interrogatif (qui, en ce cas, la suit), l'ensemble gibi mi s'intercalant dans les mêmes conditions que mi :

anlıyor gibi midir ? « a-t-il l'air de comprendre ? ».

C) NÉGATION NOMINALE değil.

On a vu, au chapitre X, D, qu'en opposition au suffixe négatif -me- des verbes (ajouté à la fin de la base verbale : cf. chapitre XI, C, 50), le prédicat nominal était nié au moyen du mot değil, placé après le nom sur lequel porte la négation, et suivi éventuellement des suffixes prédicatifs nominaux.

Quand un prédicat nominal suivi du verbe-suffixe ~(y)di, -{y)mis, -(y)se est nié, değil s'intercale entre ce nom prédicat et le verbe-suffixe « être » :

Mehmet, hasta değildi « Mehmet n'était pas malade » ; öyle değilse « si ce n'est pas ainsi » ; bu turist, Fransız değilmiş « on prétend que ce touriste n'est pas français ».

Exceptionnellement, au Heu de nier le verbe à l'aide du suffixe -me-, on peut, pour rendre plus énergique la négation, intercaler değil entre le suf-

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fixe de classe du verbe et les suffixes prédiçatifs ou les verbes-suffixes « être » (comme mi et gibi) :

bunu ben yapmış değilim «non, ce n'est pas moi qui ai fait ça ! » ; ondan korkacak değilsin « non, tu n'es pas homme à avoir peur de lui ! ».

On peut aussi exprimer, avec -me- et değil, une double négation (qui se détruit) : korkmamış değilim « ce n'est pas que je n'aie pas eu peur ».

Noter les combinaisons : korkacak adam değil midir ? « n'est-il pas homme à avoir peur ? », ou encore : ölmüş gibi değil miydi ? « n'était-il pas comme mort ? ».

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XVIII. NOMS VERBAUX D'AGENT

En plus des formes conjuguées, dont l'étude a fait l'objet des chapitres précédents, le verbe possède des dérivés nominaux (noms déverbatifs), qui se comportent comme des noms (déclinables s'ils sont employés comme substantifs, invariables s'ils sont adjectifs ou adverbiaux), mais qui peuvent en outre recevoir les mêmes compléments qu'un verbe conjugué (y compris, le cas échéant, le complément d'objet direct au cas absolu ou à l'accusatif).

Certains de ces noms expriment Y auteur de l'action (« celui, celle, ce qui... ») : ce sont les noms d'agent, étudiés ci-après. D'autres désignent Y action elle-même : ce sont les noms d'action, étudiés au chapitre XIX. D'autres, en plus de leurs fonctions possibles comme noms d'agent ou d'action, ont des fonctions grammaticales très particulières (épithètes complexes, équivalant à des propositions relatives françaises de types variés), qui seront étudiées au chapitre XX : ce sont les noms verbaux complexes. D'autres, enfin, les gérondifs (chapitre XX) ont des fonctions circonstancielles variées, de type adverbial.

A) NOM D'AGENT RÉEL : -{y)en.

Il désigne l'auteur d'une action réalisée, soit dans le présent, soit dans le passé : gelen adam « l'homme qui vient (en ce moment) », ou « l'homme qui est venu » ; gelenler « ceux qui viennent (actuellement) » ou « ceux qui sont venus ».

Comme on le voit d'après les deux exemples précédents, ce nom d'agent peut fonctionner à la fois adjectivement (épithète invariable placée devant un nom : gelen adam ; gelen adamlara « aux hommes qui viennent » ou « aux hommes qui sont venus »), ou substantivement (nom déclinable) : ge-

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tenlere « à ceux qui viennent » ou « à ceux qui sont venus » ; gelenlerimize « à ceux d'entre nous qui viennent », ou « ... qui sont venus » (valeur partitive du suffixe de personne avec les noms d'agent au pluriel en -1er7).

Exemples d'emplois adjectifs : minareye bakan bu kızlar, Paris'ten gelen Fransız turistleridir « ces jeunes filles qui regardent le minaret sont des touristes françaises venues de Paris » ; yere düşen çocuk ağlıyor « l'enfant qui est tombé par terre est en pleurs » [ağla- « pleurer ») ; gökte uçan kuşlar, ormanda yürüyen kurttan korkmazlar « les oiseaux qui volent dans le ciel n'ont pas peur du loup qui marche dans la forêt » (yürü- « marcher ») ; kaçan at kişniyor « le cheval qui s'enfuit hennit » (kişne- « hennir ») ; kaçan at ahırına dönmüş « le cheval qui s'était enfui est revenu à son écurie ».

Exemples d'emplois substantifs : bilenleriniz bilmiyenlerinize anlatsınlar ! « que ceux que d'entre vous qui (le) savent (l')expliquent à ceux d'entre vous qui ne (le) savent pas ! » ; gidenler geri dönmemişler « ceux qui sont partis ne sont pas revenus » (geri « en arrière », « en retournant ») ; yerde oturanları gördü « il vit ceux qui étaient assis par terre » ; orada uyuyanlar tehlikede « ceux qui dorment là sont en danger » (uyu- « dormir», tehlike « danger ») ; her gelenden haber sorardı « il demandait des nouvelles à chacun de ceux qui venaient » (her « chaque »).

Le nom d'agent réel en -(y)en du verbe « être », olan, est d'un emploi très fréquent (« qui est » ou « qui sont ») : hasta olanlar gelmesin ! « que ceux qui sont malades ne viennent pas ! » ; yorgun olan çocuk oturdu « l'enfant, qui était fatigué, s'assit » ; yarın ava çıkacağız, yorulanlar arabaya binecekler «demain, nous irons à la chasse; ceux qui seront fatigués monteront en voiture » (av « chasse », çık- « sortir, monter, aller dehors », araba «voiture», bin- «monter sur ou dans qq. ch. »).

On voit que le nom d'agent en -(y)en peut être généralement traduit en français par une proposition relative avec « qui », avec des verbes à des temps très divers.

Il peut aussi se traduire, le cas échéant, par des participes (présents ou passés) : gökte uçan kuşlar « les oiseaux volant dans le ciel » ; Paris'ten gelen turist « le touriste venu de Paris ». Les noms d'agent turcs peuvent d'ailleurs aussi bien être appelés participes, mais ils ne correspondent pas exactement aux participes français. A cet égard, il faut observer qu'en français, les participes passés des verbes transitifs ont un sens passif et doivent, en conséquence, être traduits par des participes passifs turcs :

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« frappant » = vuran ; « frappé » = vur-ul-an ; il convient de prêter attention à cette particularité, dont l'oubli entraînerait de graves erreurs de traduction. Cette remarque vaut également pour les autres noms d'agent (ou participes) turcs dont l'étude va suivre.

Pratiquement, on est plus souvent amené à traduire les noms d'agent turcs par des propositions relatives, que par des participes français : gelen adam « l'homme qui vient », et non « l'homme venant ». L'usage français des participes diffère beaucoup, en effet, de l'usage turc.

B) NOM D'AGENT AORISTE : -er ou -(i)r ; négatif : -z.

Il n'est autre que la classe aoriste du verbe employée, non comme prédicat, mais adjectivement ou substantivement : « (celui, celle-, ce) qui fait (en général) ou qui fera (éventuellement)... ». Pour les diverses valeurs de Y aoriste et pour la répartition entre les formes -er et -(i)r du suffixe, se reporter au chapitre XIII, i°.

Exemples d'emplois adjectifs : yan-ar dağ «la montagne qui brûle» (yan- « brûler », intransitif) = « le volcan » ; gül-er yüz « visage riant, souriant » (gül- « rire ») ; tüken-me-z sözler « deş paroles interminables » (tükenil venir à épuisement »).

Exemples d'emplois substantifs : gel-ir « ce qui vient » = « le revenu (financier )», « l'actif (en comptabilité) » ; gid-er « ce qui part » = « le passif (en comptabilité) », « la dépense » ; vatan sev-er « celui (celle) qui aime la patrie » = « le (la) patriote ».

Jadis employé couramment avec tous les verbes, ce nom d'agent aoriste n'est plus guère employé aujourd'hui que dans des expressions toutes faites, en nombre limité. En dehors de ces expressions fixées par l'usage et qui figurent généralement au dictionnaire, il est remplacé par le nom d'agent réel en -(y)en : «les oiseaux qui volent (en général) » se dira : uç-an kuşlar (autrefois : uç-ar...).

C) NOM D'AGENT PARFAIT : -mis.

C'est la classe de parfait de non-constatation du verbe employée adjectivement ou substantivement : « (celui, celle, ce) qui a fait... ». Pour la

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valeur du parfait, voir chapitre XIII, 40 et 50. Comme le parfait de constatation en -ai n'a pas de nom d'agent qui lui soit propre, le nom d'agent parfait en -mis sert aussi bien dans les cas de constatation que de non-constatation de l'action, à la différence de la classe conjuguée en -mis.

Exemples d'emplois adjectifs : gel-miş adam « l'homme qui est venu » ; geç-miş zaman « le temps passé » ; bas-ıl-mış kitap « le livre imprimé » {bas-« fouler, presser, imprimer »).

Exemples d'emplois substantifs : geç-miş-te « dans le passé » ; oku-muş-lar « les gens instruits » (« ceux qui ont lu »)' ; dol-muş « taxi à participation » (« le rempli » : dol- « être plein »).

Dans l'usage actuel, le nom d'agent parfait en -mis est fortement concurrencé par le nom d'agent réel en -(y)en (cf. ci-dessus, A), surtout dans l'emploi adjectif : gel-en adam « l'homme qui est venu » est plus courant que : gel-miş adam. La raison en est que la forme en -(y)en est clairement nominale (adjective), tandis que celle en -mis risque d'être prise pour un prédicat verbal : gel-miş « il est venu ». Une pratique très courante, quand on veut à la fois préciser le sens parfait (et non pas simplement réel) et le caractère adjectif ou substantif (donc nominal) d'un nom d'agent, consiste à faire suivre la forme en -mis du nom d'agent réel du verbe ol-« être » : « (celui, celle, ce) qui est... ».

D'où une forme de nom d'agent parfait complexe : -mis olan, de plus en plus usitée : gelmiş olan adam « l'homme qui est venu » ; basılmış olanlar «ceux qui ont été imprimés» (en parlant d'écrits).

Les noms d'agent en -mis et -mis olan peuvent être considérés comme des participes, et traduits en français par des participes passés. Mais ils ne correspDndent pas automatiquement aux participes français. En particulier, comme les participes passés français des verbes transitifs ont un sens passif, ils doivent être traduits par des participes passifs turcs : basai imprimer » ; « imprimé » = bas-ıl-mış [olan) (et non pas : bas-mış, dont le sens est « qui a imprimé ! »). Autre exemple : tut-ul-muş olan yer «la place retenue » ; yeri tut-muş olan adam « l'homme qui a retenu la place » (tut-, transitif, « tenir, retenir »). Il faut faire très attention à cette distinction, que les francophones sont portés à oublier.

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D) NOM D'AGENT INTENTIF : -(y)ecek.

C'est la classe d'intentif du verbe, employée adjectivement ou substantivement : « (celuix celle, ce) qui a l'intention de faire » ou « ...qui fera ». Pour la valeur de Yintentif, voir chapitre XIII, 6°. De plus, comme le nom d'agent aoriste tombe en désuétude, il est remplacé, dans ses valeurs d'éventuel, par le nom d'agent en -(y)ecek, qui se trouve donc avoir une valeur plus large que celle de la classe verbale conjuguée à laquelle il cor-' respond : action intentionnelle, ou éventuelle, ou future en général.

Exemples d'emploi adjectif : bu kitabı oku-yacak adamlar « les gens qui liront ce livre » (soit ceux qui ont l'intention de le lire, soit ceux qui le liront éventuellement) ; gel-ecek zaman « le temps qui viendra » = « le temps futur » ; bas-ıl-acak kitap « le livre à imprimer » (« qui sera imprimé »).

Exemples d'emploi substantif : oku-yacak-lar «les lecteurs futurs ou éventuels » ; gel-ecek-te « dans l'avenir » ; otur-acak-lar-ımız « ceux d'entre nous qui s'asseoiront » (noter la valeur partitive, avec les suffixes de personne nominaux).

Ici encore, on peut parler de participes, mais sans correspondants français exacts (le français n'a pas de participe futur), et il faut distinguer les emplois passifs des autres, pour les verbes transitifs : bas-ıl-acak kitap « le livre qui sera imprimé » ; kitabı bas-acak-lar « ceux qui imprimeront le livre ».

Toutefois, à titre d'exception, la forme en -(y)ecek de verbes actifs turcs peut, dans certaines expressions, avoir un sens quasi-passif analogue à celui du français « à faire » (un travail « à faire » est un travail qui doit être fait) : oku-yacak bir kitap « un livre à lire » ; iç-ecek su « de l'eau à boire » ; yi-yecek şey « quelque chose à manger » (ye- « manger »). Cela n'empêche d'ailleurs pas les mêmes formes de fonctionner comme noms d'agent actifs : kitabı okuyacaklar « ceux qui liront le livre » ; suyu içecekler « ceux qui boiront l'eau » ; bunu yiyecekler « ceux qui mangeront cela ».

Le nom d'agent en -(y)ecek est très usité dans le turc actuel ; il peut, comme celui en -mis, être suivi (sans modification de sens, mais pour signaler clairement son emploi comme nom, et non comme 3e personne

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du singulier de l'intentif conjugué) par le nom d'agent réel du verbe ol-« être ».

D'où la forme de nom d'agent intentif complexe : -(y)ecek olan, surtout fréquente dans la langue écrite : gelecek olan adam « l'homme qui viendra » ; basılacak olanlar « ceux qui seront imprimés » ; cette forme est préférée, pour sa clarté, à la forme simple.

Remarque : Les formes nominales (noms d'agent = participes) du verbe en -er ou -(i)r, en -mis et en -(y)ecek sont respectivement à l'origine de la formation des classes verbales conjuguées correspondantes, qui, on s'en souvient (chapitre XIV, B), reçoivent, comme des noms, les suffixes nominaux prédicatifs : gelecek-sin « tu viendras » signifie à l'origine « tu es celui qui viendra », tout comme : bebeksin « tu es un bébé », etc.

E) NOMS D'AGENT EN ÉPITHÈTES COMPLEXES

On a vu (chapitre X, B) qu'une quasi-proposition nominale, spécialement avec son sujet affecté d'un suffixe nominal de 3e personne renvoyant au nom qualifié, peut former une épithète complexe du type : babası doktor talebe « l'étudiant dont le père est médecin », ou : dam-ı kırmızı ev « la maison dont le toit est rouge ».

D'une manière analogue, on peut former des épithètes complexes où la place du prédicat nominal de la quasi-proposition {doktor, ou kırmızı, dans les exemples précédents) est tenue par un nom d'agent [participe) : baba-sı ölmüş talebe « l'étudiant dont le père est mort » ; dam-ı yanan ev « la maison dont le toit est en feu » {yan-an « qui brûle »).

On peut, en outre (tournure fréquente), faire suivre l'épithète complexe nominale du participe olan « qui est » : baba-sı doktor olan talebe ; dam-ı kırmızı olan ev (mêmes sens que plus haut).

Exemples : çok kitab-ı olan talebe « l'étudiant qui a beaucoup de livres » ; kitab-ı olmıyan talebe « l'étudiant qui n'a pas de livre » (noter le procédé pour traduire le français « qui a », « qui n'a pas ») ; ogl-u Almanya'ya giden köylü « le paysan dont le fils part (ou : est parti) en Allemagne » ; baba-sı evini satmış olan çocuk « l'enfant dont le père a vendu sa maison » ; kardeş-i mektubunu okuyacak asker « le soldat dont le frère lira la lettre (qu'il lui envoie) » ; koyun-lar-ı komşunun tarlasındaki buğdayı yemiş olan çoban

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« le berger dont les moutons ont mangé le blé qui était dans le champ du voisin » (koyun « brebis, mouton » ; komşu « voisin » ; tarla « champ » ; buğday « blé »), etc.

On voit, notamment par ce dernier exemple, que ces épithètes complexes formées ave.c des noms verbaux d'agent (participes) peuvent correspondre, en français, à des propositions relatives étendues : ce sont des quasi-propositions, où le verbe, au participe, peut recevoir toutes sortes de compléments comme un verbe conjugué, y compris des compléments d'objet direct (ci-dessus : evini et mektubunu, accusatifs de la 3e personne;' buğday-ı, accusatif).

Il est moins fréquent (mais non exclu) )que ces quasi-propositions employées comme épithètes complexes et formées avec des participes aient un sujet sans suffixe de 3e personne :

adam bulunmiyan bir yer « un endroit où il n'y a personne» (bul-un-« se trouver ») ; kar olan bir dağ « une montagne où il y a de la neige » ; terlik çıkarılan oda « la pièce où on retire ses pantoufles » (çik-ar- « faire sortir » = « enlever ») ; ce type de construction n'est possible qu'avec un sujet non individualisé (en aucun cas une i r e ou 2e personne du singulier ou du pluriel !), et avec un verbe passif ou indiquant un état.

Dans la construction du type étudié ci-dessus, on peut rencontrer, de préférence au début de la quasi-proposition, un complément (et non pas un sujet) pourvu du suffixe de 3e personne renvoyant au nom qualifié : içinde terlik çıkarılan oda « la pièce à l'intérieur de laquelle on retire ses pantoufles » (iç « intérieur »).

F) NOMS DÉRIVÉS DE VERBES ET EXPRIMANT L'AGENT

En dehors des noms verbaux d'agent (participes) étudiés ci-dessus, et qui peuvent être formés sur tout radical verbal, il existe, dans le vocabulaire turc, un nombre important de noms dérivés de verbes (mais avec certaines restrictions dans leur formation), employés comme adjectifs ou substantifs et qui désignent aussi les auteurs d'une action (active ou passive) ; les plus courants sont :

i° Le NOM DÉVERBATIF D'AGENT PASSIF en -(i)lit surtout employé adjectivement : kapalı « fermé, clos » (kapa- « fermer ») ; asılı « suspendu »

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(as- «suspendre») ; gömülü «enterré» (göm-« enterrer »). Ce suffixe est maintenant d'un emploi assez limité. On doit consulter un dictionnaire pour savoir s'il fonctionne, ou non, avec tel ou tel radical verbal.

2° Le NOM DÉVERBATIF D'AGENT ACTIF en -(y)ici, qui est employé adjectivement et substantivement : kurucu « fondateur » (kur- « fonder ») ; satıcı « vendeur » (sat- « vendre ») ; alıcı « preneur ; client » (al- « prendre » et « acheter ») ; anlatıcı « explicatif » (anla-t- « faire comprendre »), etc. Ce suffixe est d'un emploi assez général et reste très productif dans la formation du vocabulaire : assez rares sont les radicaux verbaux avec lesquels il n'est pas usité ; on peut créer avec lui des expressions nouvelles.

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XIX. NOMS VERBAUX D'ACTION

A) INFINITIF : -mek.

Il correspond en grande partie à l'infinitif français : gelmek « venir » ; yapmak « faire » ; oturmak « s'asseoir » ; etc.

Il est toujours employé substantivement, pour désigner l'action en général ; il ne peut recevoir, ni le suffixe 4er du pluriel, ni les suffixes nominaux de personne, ni les suffixes de génitif et d'accusatif. Il peut seulement, dans la langue actuelle, apparaître au cas absolu ou à l'un des 3 cas spatiaux : directif, locatif, ablatif.

Au cas absolu, il peut être sujet d'une proposition : oturmak lâzım « s'asseoir (est) nécessaire » = « il faut s'asseoir » (proposition nominale) ; il peut être complément du nom : oturmak hakkı « le droit de s'asseoir » (hak(k) « droit », de l'arabe) ; il peut être complément d'objet direct, spécialement du verbe iste- « vouloir » : gelmek istiyor « il veut venir » ; il peut être suivi d'une post-position : gelmek için « pour venir » ; plus généralement, il peut, dans certaines limites, remplir les fonctions d'un nom au cas absolu.

Au directif, il est fréquemment complément de verbes qui sont conçus comme exprimant une direction vers un but : görmeğ-e geldi « il est venu voir)) (« ...pour voir ») ; bakmag-a gitti «il est parti (pour) regarder» ; ko-nuşmağ-a başlıyor « il commence à parler » [başla- « commencer » se construit avec un complément au directif : işime başladım « j 'ai commencé mon travail »).

Au locatif, il signifie principalement « en train de...» : gelmek-te «en train de venir » ; c'est ainsi qu'il constitue la classe verbale du duratif (voir le chapitre XIII, 3°) .'gelmektedir « il est en train de venir » ; autre sens, « dans le fait de... » : buraya oturmakta tehlike var « il y a du danger à s'asseoir ici ».

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A Y ablatif, il a les diverses fonctions d'un nom à ce cas (cf. chapitre V, E, 4°) : gelmek-ten vazgeçti « il a renoncé à venir » ; düşmek-ten korkarım « j'ai peur de tomber » (éloignement) ; ko şmak-tan yoruldu « il est fatigué de courir » (cause) ; ayakta durmak-tan, oturmak daha iyi « mieux vaut s'asseoir que rester debout » (complément de comparaison) (ayak-ta « sur pied » ; daha « davantage »), etc.

B) NOM D'ACTION GÉNÉRAL : -me.

Étroitement apparenté à l'infinitif (qui en est issu par adjonction d'un suffixe -k de renforcement), il exprime, lui aussi, l'action dans sa généralité : çalış-ma « le travail » (çalış- « travailler ») ; gel-me « la venue » ; okuma « la lecture » ; gör-me « la vue », etc.

Employé substantivement, c'est un nom à déclinaison complète (pluriel, suffixes de personne, suffixes de cas) ; en plus de son rôle propre comme nom d'action général, il supplée Vinfinitif dans toutes les formes de la déclinaison que celui-ci ne possède pas : pluriel, formes avec suffixes personnels, génitif et accusatif.

Exemples : çalışmak lâzım « travailler est nécessaire », mais : çalış-ma-lar lâzım « des travaux sont nécessaires », et : çahş-ma-m lâzım « mon travail est nécessaire » — « il me faut travailler » ; okumak hakkı « le droit de lire », mais : oku-ma-nm sevinci « la joie de la lecture », « la joie de lire » (génitif) ; yüzmek istiyor « il veut nager », mais : yüz-me-yi biliyor « il sait la natation » = « il sait nager », et : yüz-me-miz-i istiyor « il veut notre nage » = « il veut que nous nagions » (accusatifs ; le second précédé du suffixe de i r e personne du pluriel).

Au directif, la langue actuelle tend à remplacer l'infinitif par le nom d'action en -me : gör-me-ye geldi « il est venu voir » ; bak-ma-ya gitti « il est parti regarder » ; konuş-ma-ya başlıyor « il commence à parler » (comparer avec les exemples de -meğ-e, -mag-a donnés plus haut, A).

Les suffixes de personne joints au nom d'action en -me indiquent généralement le sujet de l'action : gel-me-m « ma venue » = « le fait que je viens » ; git-me-si « son départ » = « le fait qu'il part » ; etc. Mais il peut aussi arriver qu'ils indiquent l'objet de l'action : bu kitab-m oku-ma-si « la lecture de ce livre » = « le fait de lire ce livre », opposé à : Mehmed-in oku-

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ma-sı yok « la lecture de Mehmet est inexistante » = « le fait que Mehmet lise n'existe pas » = « Mehmet ne sait pas lire ».

Le sujet du nom d'action en -me peut, on le voit, être exprimé par un complément du nom d'action, au génitif (Mehmed-in) ; ainsi, par le génitif des pronoms personnels : siz-in gel-me-niz « votre venue » = « le fait que vous veniez ».

Le nom d'action en -me, qui peut donc être ainsi pourvu d'un sujet (au génitif), peut en outre, comme un verbe, recevoir toutes sortes de compléments, y compris celui d'objet (à l'accusatif ou au cas absolu) ; il peut/ dans ces conditions, servir à constituer une quasi-proposition, parfois étendue, dont l'équivalent français sera une proposition subordonnée :

Ahmet, evinin kirasını kendisine sizin yarın ver-me-niz-i söyledi « Ahmet a dit que vous lui donniez demain le loyer de sa maison » (il veut que vous, le lui donniez : söyle- construit avec le nom d'action en -me comme complément d'objet signifie : « dire de (faire) » et exprime une volonté ; kira « loyer ») ;

Mustafa, babasının bu yaz istanbul'a gel-me-si için, ona para göndermiş « Moustafa, pour que son père vienne cet été à Istanboul, lui a envoyé de l'argent ».

De telles constructions avec le nom d'action en -me sont, notamment, de règle quand l'action est complément d'un verbe principal exprimant la volonté, le désir, l'espoir, la crainte, etc., c'est-à-dire quand l'action est virtuelle :

kardeşinin gel-me-sini istiyorum « je veux que ton frère vienne » ; sizin bu kitabı oku-ma-nızı arzu ederim « je désire que vous lisiez ce livre » (arzu « désir », arzu et- « désirer ») ; iyi sıhhatte ol-ma-nızı dilerim « je souhaite que vous soyez en bonne santé » (sıhhat « santé » ; dite- « souhaiter ») ; Mehmed'in gel-me-sinden korkarım « j'ai peur que Mehmet ne vienne », etc.

Le nom d'action en -me pourvu d'un suffixe de personne peut être aussi bien le sujet d'une proposition, et il est notamment employé pour une action virtuelle : gel-me-si muhtemel « sa venue (est) vraisemblable » = « il est vraisemblable qu'il vienne » ; git-me-niz zor « votre départ (est) difficile » = « il est difficile que vous partiez ».

Remarque : Le nom d'action en -me, dans un nombre limité mais assez important d'expressions, est employé adjectivement et a alors une valeur

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quasi-passive (traduisible par le participe passé, donc passif, d'un verbe transitif français) : bas-ma kumaş « étoffe imprimée » ; yaz-ma kitap « livre manuscrit » ; yap-ma çicek « fleur artificielle » (« fabriquée »).

C) NOM D'ACTION DESCRIPTIF : -{y)iş.

Sa valeur première est d'exprimer la façon dont l'action est réalisée : yürü-yüş « façon de marcher, démarche » ; ara-yış « façon de chercher, méthode de recherche » ; gör-üş « façon de voir » ; bak-ış « manière de regarder, expression du regard », etc.

Mais il peut prendre aussi une signification plus large, et désigner l'action elle-même, conçue comme se réalisant : bak-ış « regard » ; gel-iş « arrivée » ; çık-ış « sortie », etc.

Ce nom d'action, comme celui en -me, est employé substantivement, avec une déclinaison complète (pluriel, suffixes de personne, suffixes de cas).

Il peut être employé à tous les cas, avec les fonctions les plus diverses (sujet, compléments de toutes sortes) et recevoir lui-même tous les compléments que recevrait un verbe, y compris celui d'objet direct.

Les suffixes de personne qui y sont joints indiquent toujours le sujet de l'action, qui peut, de plus, être exprimé par un complément du nom d'action au génitif : gör-üş-ünüz « votre façon de voir » ; Mehmed'in bak-ış-ı « le regard de Mehmet » ; bizim mantar ara-yış-ımız « la façon dont nous cherchons des champignons », etc.

Comme celui en -me, le nom d'action en -(y)iş peut servir.à constituer des quasi-propositions qu'on peut traduire en français par des propositions subordonnées :

Nedim'in bu güzel şiirini mükemmel oku-yuş-unuz için sizi tebrik ederim « je vous félicite pour la façon parfaite dont vous avez récité ce beau poème de Nèdim » (şiir « poésie » ; mükemmel « parfait » ; tebrik « félicitations » ; tebrik et- « féliciter »).

Normalement, les noms d'action en -(y)iş ne sont pas employés adjectivement. Toutefois, certains noms turcs isolés, qui, étymologiquement, sont des noms de cette catégorie, peuvent être employés comme adjectifs : yanlış (de yanil- « se tromper ») « erroné » : yanlış bir fikir « une

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idée erronée » ; mais, dans ces cas, d'ailleurs rares, le mot n'est plus senti comme nom d'action proprement dit.

D) NOMS D'ACTION DÉRIVÉS EN -lik.

i° DÉRIVÉS DE. L'INFINITIF : -mek-lik. Ils ont une valeur abstraite : türkçe bil-mek-lig-iniz « le fait que vous savez le turc » ; yüz-mek-lik « le fait de nager ». v

2° DÉRIVÉS DU PARTICIPE AORISTE NON NÉGATIF : -er-lik OU -(i)r-Hk. Abstraits eux aussi, ils expriment «le fait de faire habituellement (ou éventuellement) telle chose » : duy-ar-hk « la sensibilité » (duy- « ressentir ») ; yara-r-hk « fait de se rendre utile, services rendus » (yara- « être utile »).

3° DÉRIVÉS DU PARTICIPE AORISTE NÉGATIF : -mez-lik. Ils servent à la fois de négatif aux précédents, et aux dérivés de l'infinitif en -mek-lik : bil-mez-lik « ignorance » (contraire de : bil-mek-lik) ; yara-maz-hk « fait de ne rien valoir, d'être un vaurien » (« polissonnerie » en parlant des enfants).

On peut aussi former des dérivés en -lik sur le suffixe d'aoriste d'impossibilité en -(y)emez : ol-amaz-hk « impossibilité, fait qui rend quelque chose impossible ».

Par une curieuse redondance d'expression, les dérivés du participe aoriste négatif (ou d'impossibilité) sont fréquemment pourvus d'un suffixe négatif supplémentaire, qui fait pléonasme et insiste sur la négation (ou sur l'impossibilité) ; on a alors des suffixes : -me-mez-lik et -(y)eme-mez-lik.

Exemples : gör-memezlik « fait de ne pas voir, de rester aveugle devant quelque chose » ; anlaşıl-amamazhk « impossibilité complète de s'entendre ».

4° DÉRIVÉS DU PARTICIPE PARFAIT : -miş-lik. Ils ont une valeur moins abstraite que les précédents et expriment surtout « l'occasion (réalisée) qu'on a eue de faire quelque chose » : bu adamı iki üç gör-müş-lüğ-üm var « j'ai eu deux ou trois fois l'occasion de voir cet homme ».

Ces divers noms d'action dérivés en -lik ne sont pas d'un usage très général et constituent rarement des quasi-propositions. Ils figurent surtout dans un certain nombre d'expressions toutes faites.

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XX. NOMS VERBAUX COMPLEXES

Ces noms verbaux, qui sont au nombre de deux seulement (suffixes -dik et -(y)ecek), peuvent fonctionner à la fois comme noms d'agent et comme noms d'action ; de plus, ils servent, augmentés de suffixes de personne qui en indiquent le sujet logique, à créer des quasi-propositions êpithétiques qualifiant un nom, équivalant à des propositions relatives françaises assez diverses.

A) NOM VERBAL COMPLEXE DE RÉALITÉ : -dik.

Il est employé lorsque l'action est réelle : soit réalisée présentement, soit réalisée dans le passé ; à cet égard, il n'est pas sans rapports de valeur avec le nom d'agent réel en ~(y)en étudié au chapitre XVIII, A.

i° EMPLOI COMME NOM D'AGENT : assez étendu dans l'ancien turc, il est devenu rare aujourd'hui, et limité à un petit nombre d'expressions consacrées par l'usage ; il peut y être employé comme adjectif ou comme substantif ; formé sur le radical d'un verbe transitif, il a souvent une valeur quasi-passive et peut se traduire par un participe passé (passif) français :

çık-ma-dık candan ümit kesilmez « on ne coupe pas (son) espoir d'une âme (ou : vie) qui n'est pas sortie (du corps) » — « tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir » (proverbe) ; gör-me-dik şeyler (ou : gör-ül-me-dik şeyler) « des choses qu'on n'a jamais vues » ; işit-me-dik sözler (ou isit-il-me-dik sözler) « des paroles inouïes » (qu'on n'a pas entendues, jamais) ; bil-dik şeyler « des choses qu'on sait bien » ; bir tanı-dığ-a rastladım « j'ai rencontré une personne de connaissance » (tani-dik « connu », « personne connue »).

2° EMPLOI COMME NOM D'ACTION : extrêmement fréquent, il a lieu dans des conditions fort analogues à celles observées (chapitre XIX, B) pour le nom d'action en -me, dont il se distingue clairement par la signification ;

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en effet, alors que le nom d'action en -me exprime l'action en général, et notamment l'action virtuelle, le nom d'action en -dik exprime l'action réelle, présente ou passée, le fait positif, ou, par extension, ce qu'on considère comme un fait positif.

De même qu'avec les noms d'action en -me, le sujet est indiqué par des suffixes personnels nominaux, et aussi, éventuellement, exprimé par un complément du nom d'action (au génitif) ; le nom d'action en -dik peut également recevoir toutes sortes de compléments, y compris ceux d'objet et servir à former une quasi-proposition, traduisible par une subordonnée française.

Le nom d'action en -dik avec suffixe de personne peut avoir, à volonté, deux valeurs voisines, mais non identiques, et qui se traduiront différemment en français :

a) il peut exprimer le fait même de l'action : söyle-diğ-im « le fait que je dis (ou : que j'ai dit) » ;

b) Il peut exprimer le contenu de l'action : söyle-diğ-im « ce que je dis (ou : ce que j 'ai dit) » ; c'est cette dernière valeur qui prévaut quand le suffixe -dik s'augmente du suffixe de pluriel -1er : söyle-dik-ler-im «les choses que je dis (ou : que j'ai dites) ».

Exemples d'emploi avec la première valeur («le fait que... ») ; Paris'e gel-diğ-i muhakkak « le fait qu'il vient (ou est venu) à Paris est certain » = « il est certain qu'il vient (ou qu'il est venu) à Paris » ; il s'agit d'un fait positif (certain : muhakkak) ; le nom d'action en -dik s'oppose par le sens au nom d'action virtuel en -me, qui serait employé si l'action, au lieu d'être certaine, n'était que possible, ou éventuelle : Paris'e gel-me-si mümkün « il est possible (mümkün) qu'il vienne à Paris » ;

Paris'e gel-diğ-iniz-i biliyor « il sait que vous venez (ou : êtes venu) à Paris » ; comparez : Paris'e gel-me-niz-i istiyor « il veut que vous veniez à Paris » (fait virtuel : -me) ;

Paris'e gel-diğ-im için seviniyor « il se réjouit parce que je viens (ou : suis venu) à Paris » ; après le nom d'action réelle en -dik, için signifie « parce que », tandis qu'après le nom d'action virtuelle en -me il signifie « pour que » : Paris'e gel-me-m için bana mektup yazdı « il m'a écrit pour que je vienne à Paris » (mektup « lettre ») ;

o zaman, Ahmed'in bu kitabı dikkatle oku-duğ-unu anladtm « alors, je compris qu'Ahmed avait lu ce livre avec attention » ;

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Mehmet, sizin hasta ol-duğ-unuz-u bana söyledi « Mehmet m'a dit que vous êtes (ou : avez été) malade » ;

les noms d'action en -dik sont fréquemment employés comme compléments d'objet direct des verbes signifiant « dire, penser, comprendre » et, d'une manière générale, des verbes exprimant des opérations de l'esprit sur un plan intellectuel et objectif (ou considéré comme tel) ; au contraire, ce sont les noms d'action en -me qui doivent être employés comme compléments des verbes exprimant le désir, la crainte, et en général, les activités subjectives.

Exemples d'emploi avec la seconde valeur (-dik désignant le contenu de l'action ; dans ce cas, le nom d'action n'a pas de complément d'objet) :

benim bu yaz İstanbul'da gör-dük-ler-im-i size anlatacağım « je vais vous raconter ce que j'ai vu cet été à Istanboul » ;

söyle-diğ-im doğrudur « ce que je dis est vrai » (doğru « droit, juste, vrai ») ; cette proposition pourrait aussi signifier, avec la première valeur : « il est vrai que je le dis (ou : que je l'ai dit) » ; seul le contexte, en ce cas, permet de décider entre les traductions possibles ; dans le langage parlé, la pose serait plus marquée entre les deux mots pour le sens : « il est vrai que... ».

benden iste-dik-ler-ine razıyım « je consens à ce qu'il me demande » (razı « consentant » ; mot-à-mot : « je suis consentant aux choses qu'il veut de moi ») ; en raison de l'ambiguïté du suffixe -ler-i(n) (cf. chapitre V, C), on pourrait aussi traduire, si le contexte y invite : «je consens à ce qu'ils (ou : elles) me demandent ».

On voit, une fois de plus, qu'une proposition turque ne peut jamais être traduite en français qu'en fonction de la situation et du contexte : ce sont eux, aussi, qui permettent de choisir entre le sens présent ou passé du nom verbal en -dik.

Remarque : Quand le sujet du nom d'action est exprimé comme complément de ce nom d'action, il est en principe au génitif (ayant un caractère défini), et c'est bien ce qui a lieu avec le nom verbal en -dik dans tous les cas où il forme des expressions non stéréotypées. Mais, dans un certain nombre de tournures où le nom en -dik forme des locutions géron-dives de structure fixe (voir chapitre XXI, C), son sujet logique reste au cas absolu ; ainsi dans sa construction avec için : Mehmet gel-diğ-i için

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«parce que Mehmet est venu » (et non «Mehmed-in...») ; il en sera de même quand -dik entre dans une épithète complexe pour former une quasi-proposition de temps (cf. ci-après, 30) : Mehmet geldiği zaman « quand Mehmet est venu ».

3° EMPLOI ÉPITHÉTIQUE COMPLEXE : extrêmement fréquent, il consiste à construire comme épithète d'un nom une quasi-proposition (équivalant à une relative française de type variable) formée à partir du nom verbal, complexe en -dik, augmenté d'un suffixe de personne et au cas absolu (qui est de règle pour l'épithète en turc : construction de type adjectif !).

Il faut prêter une attention particulière à cette construction, qui n'a rien de mystérieux une fois qu'on en a bien compris le principe. Ce qui déroute le plus les étrangers, c'est que la relation logique qui existe entre le nom qualifié par la quasi-proposition épithétique et Y action évoquée par la forme en « -dik + suffixe de personne » est essentiellement variable et ne dépend que du contexte : elle peut correspondre à toute relation de complément à verbe (complément d'objet, d'attribution, de lieu, de temps, etc.) étant seule exclue la relation de sujet à verbe (correspondant à une traduction par une relative française avec « qui »), qui est, elle, exprimée par les noms d'agent (autrement dit, participes), étudiés au chapitre XVIII.

Premiers exemples succincts de diverses relations possibles : ver-diğ-im para « l'argent que j 'ai donné » ; yansım verdiğim para « l'ar

gent dont j'ai donné la moitié» (yarı «moitié»; cette construction est proche de l'épithète complexe nominale : voir chapitre X, B, et chapitre XVIII, E) ; para ver-diğ-im fukara « le pauvre à qui je donne de l'argent » ; fukaraya para ver-diğ-im yer « l'endroit où je donne de l'argent au pauvre » ; para ver-diğ-im gün « le jour où je donne (j'ai donné) de l'argent » ; para al-dığ-ım banka « la banque d'où je tire l'argent » (al-« prendre, retirer ») ; geç-tiğ-im sokak « la rue par laquelle je passe » ; yakınında otur-duğ-um cami «la mosquée près de laquelle j'habite »; sans «yakm-mda » (= « dans sa proximité»), la construction : otur-duğ-um cami signifierait « la mosquée que j'habite » ; dans tous ces exemples, on peut comprendre, à volonté, l'action comme présente ou passée («je donne », « je donnais », « j'ai donné », ou « j'avais donné » ; « j'habite », «j'habitais», «j'ai habité», ou «j'avais habité») : tout dépend du contexte.

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Dans la série d'exemples qui suivent, nous montrerons comment la quasi-proposition épithétique formée avec le nom verbal en -dik peut contenir tous les termes de la proposition ordinaire de sens correspondant à la seule exception (bien évidente) du terme qualifié par l'épithète, qui doit obligatoirement la suivre, tout comme un nom doit suivre l'adjectif épithète qui s'y rapporte (büyük salon « la grande salle ») :

Siz, geçen hafta, pencerenizden bahçeme bir kâğıt attınız « La semaine (hafta) dernière (geç-en «passée»), vous avez jeté (at~) un papier (kâğıt) dans mon jardin (bahçe) par votre fenêtre (pencere) ».

Sizin geçen hafta pencerenizden bahçeme at-tığ-ınız kâğıdı aldım « j 'ai ramassé le papier que vous avez jeté, la semaine dernière, dans mon jardin par votre fenêtre ».

Sizin geçen hafta pencerenizden bir kâğıt attığınız bahçemde dolaşıyordum «je me promenais dans mon jardin, où, la semaine dernière, vous avez jeté un papier par votre fenêtre ».

Sizin geçen hafta bahçeme bir kâğıt attığınız pencerenizin camlarını kıracağım « je casserai (kır-) les vitres (cam) de votre fenêtre, par laquelle, la semaine dernière, vous avez jeté un papier dans mon jardin ».

Sizin pencerenizden bahçeme bir kâğıt attığınız hafta, bir şey söylemedim « la semaine où, de votre fenêtre, vous avez jeté un papier dans mon jardin, je n'ai rien dit ».

Nous allons maintenant, à des fins pratiques, montrer comment procéder pour traduire en turc à l'aide du nom verbal en -dik une relative française (qui ne doit évidemment pas commencer par « qui » sans préposition, auquel cas c'est un participe qu'il faut utiliser) :

« Le garçon dont j 'ai rencontré le père l'an dernier en Turquie travaille à Paris ». Isolons la relative. Reste la principale : « le garçon travaille à Paris » = oğlan Paris'te çalışıyor. Quant à la relative, elle devra être construite comme épithète de son antécédent (oğlan), donc exprimée avant. Le plus commode, pour les débutants en turc, est, en pareil cas, de former la proposition simple de sens correspondant : «j'ai rencontré son père l'an dernier en Turquie » (ce « son » est essentiel pour rendre le sens de « dont ») = babasına geçen sene Türkiye'de rastladım (« rencontrer » = rastla-, construit avec le directif). Il ne reste plus qu'à transformer rastladım en un nom berval en -dik (de réalité : action réelle, et non virtuelle), pourvu du suffixe nominal -(i)m exprimant la personne (i r e du singulier) :

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rastla-dığ-ım, et à placer en bloc l'épithète complexe ainsi formée devant oğlan « garçon », à qui elle se rapporte. On obtient ainsi la traduction correcte :

Babasına geçen sene Türkiye'de rastladığım oğlan, Paris'te çalışıyor. Si, au lieu de « j'ai rencontré », on avait à traduire « mon fils a rencon

tré », il faudrait donner au nom en -dik le suffixe de 3e personne du singulier : rastla-dığ-ı, et, de plus, exprimer le sujet logique « mon fils » (oğl-um), au génitif, en tête de la quasi-proposition épithétique :

Oğlumun babasına geçen sene Türkiye'de rastladığı oğlan, Paris'te çalı-şıyor. « Le garçon dont mon fils a rencontré le père l'an dernier en Turquie travaille à Paris ».

Autre exemple : « Mon camarade Mehmet m'a apporté le livre de géographie que je lui avais demandé hier ». Isolons et traduisons la principale : Arkadaşım Mehmet, coğrafya kitabını bana getirdi (arkadaş-ım « mon camarade » est construit comme épithète de Mehmet). La proposition simple de sens équivalent à l'épithète complexe recherchée sera «je lui avais demandé hier » (et non « je le lui avais demandé hier », car le livre est le nom qualifié par l'épithète, puisqu'il est l'antécédent français de la relative, et ne doit donc pas être représenté dans la quasi-proposition) ; lui, ici, sera rendu par « lui-même », kendisi (pour renvoyer avec précision à Mehmet, sujet principal), à Y'ablatif de provenance : c'est «de lui» que j'ai cherché à obtenir le livre ; donc : kendisinden. On a ainsi : kendisinden dün istemiştim. Remplaçons maintenant le verbe conjugué par la forme en -dik de même sujet logique : iste-diğ-im. L'épithète complexe sera : kendisinden dün istediğim. Elle devra se placer aussitôt avant « le livre de géographie », coğrafya kitabını (accusatif de 3 e pers. du singulier), qu'elle qualifie, donc, s'insérer à l'intérieur de la principale, entre Mehmet et coğrafya. D'où la traduction :

Arkadaşım Mehmet, kendisinden dün istediğim coğrafya kitabını bana getirdi.

Si, au lieu de « je lui avais demandé », on avait à traduire « mon frère (kardeş-im) lui avait demandé », le nom en -dik prendrait le suffixe de 3e personne du singulier (istediği), et de plus, son sujet logique «mon frère », exprimé au génitif (kardeşimin) viendrait au début de la quasi-proposition (kardeşimin dün kendisinden istediği), qui serait insérée de la même façon devant coğrafya kitabını :

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Arkadaşım Mehmet, kardeşimin dün kendisinden istediği coğrafya kitabını bana getirdi.

On voit qu'une analyse logique attentive de la phrase française est absolument nécessaire pour la traduire en turc. Elle s'impose aux débutants. Ils pourront plus tard s'en affranchir si, leur pratique devenant suffisante, ils arrivent à penser directement en turc, selon les structures de la langue turque (bien différentes, on le constate, de celles du français), les idées qu'ils voudront exprimer. Mais ils y parviendront d'autant plus vite qu'ils se seront astreints au départ à des analyses plus rigoureuses du contenu des phrases françaises à interpréter.

B) NOM VERBAL COMPLEXE INTENTIF : -(y)ecek.

Il est employé lorsque l'action n'est pas une réalité positive (auquel cas on se sert du nom en -dik), mais lorsqu'elle est intentionnelle, éventuelle, et, plus généralement, future. Ce nom verbal est identique à la classe verbale de Yintentif (chapitre XIII, 6°) qui fournit aussi le nom d'agent intentif étudié au chapitre XVIII, D. Mais il a une acception plus large que la classe verbale conjuguée, puisqu'il exprime tout l'éventuel et le futur, et cumule ainsi les valeurs de l'intentif et de l'aoriste en tant qu'éventuel.

i° EMPLOI COMME 'NO'M D'AGENT : très fréquent ; il a déjà été étudié en détail au chapitre XVIII, D, auquel nous renvoyons.

2° EMPLOI COMME NOM D'ACTION : très fréquent lui aussi, il a lieu dans des conditions tout à fait semblables à celles décrites au chapitre XIX, B, pour le nom d'action en -me, et à celles observées dans le présent chapitre, ci-dessus, A, 2°, pour le nom d'action en -dik.

T a différence de valeur entre le nom d'action en -(y)ecek et celui en -dik est évidente, puisque le premier exprime essentiellement une intention du sujet, une éventualité, ou un futur, tandis que le second exprime une réalité présente ou passée. En gros, les correspondances avec le français seraient les suivantes : présent et passé \-dik ; futur : -(y)ecek.

Plus délicate, encore que bien claire, est la différence de valeur entre le nom d'action en -{y)ecek et celui en -me exprimant une action virtuelle

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(cf. chapitre XIX, B). Elle réside en ceci, que le nom en -me est employé pour exprimer une action virtuelle conçue comme objet de volonté, de crainte, de désir, etc. (bref, d'une impulsion psychologique non objective) de la part d'un sujet qui est autre que celui de cette action virtuelle (si le sujet est le même, on emploie Y infinitif : gelmek istiyorum « je veux venir », düşmekten korkuyorum « j'ai peur de tomber »), tandis que le nom d'action en -(y)ecek exprime, soit une éventualité ou un futur conçus objectivement (geleceğini zannediyorum « je crois qu'il viendra » ; zann « conjecture » + et- = «conjecturer, croire à titre de conjecture»), soit une intention prêtée au sujet logique de Vaction future (l'exemple ci-dessus peut aussi être compris : « je crois qu'il a l'intention de venir »).

Ainsi, « je veux qu'il vienne demain », même s'agissant d'un futur, ne pourra être traduit avec une forme en -(y)ecek et se dira nécessairement : yarın gelmesini istiyorum. « Je dis qu'il viendra demain » (information) se traduira : yarın geleceğini söylüyorum ; mais « Je dis qu'il vienne demain » (ordre) se dira : yarın gelmesini söylüyorum. Il y a quelques cas-limites où Ton peut hésiter sur la forme à employer, par exemple avec les verbes signifiant «espérer»;si l'espoir est conçu avec une nuance de conjecture (objective), on aura : yarın geleceğini ümid ediyorum « j'espère qu'il viendra demain (et je crois qu'il viendra) » ; s'il comporte plutôt une nuance de volonté (subjective), on aura : yarın gelmesini bekliyorum « j'espère qu'il viendra demain (et je désire qu'il vienne) ».

Le nom d'action en -(y)ecek, qui possède une déclinaison complète (pluriel, suffixes de personne précisant le sujet, suffixes de cas), et qui, de plus, peut recevoir un complément (au génitif) exprimant son sujet logique, ainsi que tous les compléments d'un verbe, est employé dans les mêmes constructions que le nom en -dik et forme comme lui des quasi-propositions traduisibles par des subordonnées françaises.

Le parallélisme des constructions faites avec les noms en -dik et en -(y)ecek est tel, que nous pouvons reprendre, avec seulement quelques légères modifications, les exemples donnés précédemment (A, 2°) à propos de -dik, ce qui nous évitera d'en répéter le commentaire, auquel nous renvoyons :

söyli-yeceğ-im « le fait que je dirai » ; ou « ce que je dirai » » ; söyli-yecek-ler-im « les choses que je dirai » ;

Paris'e gel-eceğ-i muhakkak « il est certain qu'il viendra à Paris » ; Pa-,

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Y is e gel-eceğ-iniz-i biliyor « il sait que vous viendrez à Paris » ; Paris'e gel-eceğ-im için seviniyor « il se réjouit parce que je viendrai à Paris » ;

o zaman, Ahmed'in bu kitabı dikkatle oku-yacağ-ını anladım « alors, je compris qu'Ahmed lirait ce livre avec attention » ;

Mehmet, sizin hasta ol-acağ-ınız-ı bana söyledi « Mehmet m'a dit que vous seriez malade » (par exemple, si vous mangiez telle chose qui vous est contre-indiquée) (éventualité) ;

bu yaz istanbul'da gör-ecek-ler-im-i size anlatacağım « je vous raconterai ce que je verrai cet été à Istanboul » ;

söyli-yeceğ-im doğrudur « ce que je dirai est vrai » ; ou « il est vrai que je le dirai » ;

benden isti-yecek-ler-ine razıyım « je consens à ce qu'il me demandera » (ou « à ce qu'ils (elles) me demanderont »).

Remarques : 1) L'observation faite, à la fin de A, 2°, sur la construction du sujet logique au cas absolu (et non au génitif) dans certaines locutions gêrondives avec -dik vaut aussi pour celles de même type formées divec-(y)ecek : Mehmet gel-eceğ-i için « parce que Mehmet viendra » (et non « Mehmed-in... ») ; cf. aussi l'épithète complexe (ci-après, 30) de la quasi-proposition de temps : Mehmet gel-eceğ-i zaman « quand Mehmet viendra ».

II) Il subsiste des traces d'un nom verbal en -(y)esi qui a des valeurs voisines de celles du nom en -(y)ecek. Comme nom d'action, il signifie « envie de... » ou « intention de... » : gör-esi « envie de voir », iç-esi « envie de boire, soif » ; cf. quelques expressions au directif : öl-esiye vurmak «battre quelqu'un jusqu'à ce qu'il meure» ; ver-esiye almak « acheter à crédit» (avec l'intention de donner l'argent plus tard). Comme nom d'agent, il a une valeur optative, surtout dans des malédictions : kör olası adam « cet homme — qu'il devienne aveugle ! —... » ; geber-esi herif cet individu — qu'il crève ! —... ». Usage limité, mais qui a tendance à s'étendre chez plusieurs auteurs actuels.

30 EMPLOI ÉPITHÉTIQUE COMPLEXE : très fréquent, il est rigoureusement parallèle à celui observé avec le nom en -dik ; nous renvoyons donc, pour tous commentaires, aux pages précédentes, A, 30, et nous nous contentons de reprendre les mêmes exemples, avec les quelques légères modifications qui s'imposent :

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ver-eceğ-im para « l'argent que je donnerai » ; yansını vereceğim para « l'argent dont je donnerai la moitié » ; para vereceğim fukara « le pauvre à qui je donnerai de l'argent » ; para vereceğim gün « le jour oü je donnerai de l'argent » ; para al-acağ-ım banka « la banque d'où je tirerai l'argent » ; geç-eceğ-im sokak « la rue par laquelle je passerai »; yakınında otur-acağ-ım cami « la mosquée près de laquelle j'habiterai » ; otur-acağ-ım cami « la mosquée que j'habiterai ».

Siz, gelecek hafta, pencerenizden bahçeme bir kâğıt atacaksınız « la semaine prochaine, vous jetterez un papier dans mon jardin par votre4

fenêtre » (gel-ecek hafta « la semaine qui viendra » = « prochaine »). Sizin gelecek hafta pencerenizden bahçeme at-acağ-ınız kâğıdı alacağım

« je ramasserai le papier que vous jetterez, la semaine prochaine) dans mon jardin par votre fenêtre ».

Sizin gelecek hafta pencerenizden bir kâğıt atacağınız bahçemde dolaşacağım «je me promènerai dans mon jardin, où, la semaine prochaine, vous jetterez un papier par votre fenêtre ».

Sizin gelecek hafta bahçeme bir kâğıt atacağınız pencerenizin camlarını kıracağım « je casserai les vitres de votre fenêtre, par laquelle, la semaine prochaine, vous jetterez un papier dans mon jardin ».

Sizin pencerenizden bahçeme bir kâğıt atacağınız hafta, bir şey söylentiye-ceğim « la semaine où, de votre fenêtre, vous jetterez un papier dans mon jardin, je ne dirai rien ».

Babasına gelecek sene Türkiye'de rastlıyacağım oğlan, Paris'te çalışıyor « le garçon dont je rencontrerai le père l'année prochaine en Turquie travaille à Paris ».

Oğlumun babasına gelecek sene Türkiye'de rastlıyacağı oğlan, Paris'te çalışıyor « le garçon dont mon fils rencontrera le père l'année prochaine en Turquie travaille à Paris ».

Arkadaşım Mehmet, kendisinden yarın istiyeceğim coğrafya kitabını bana getirecek « mon camarade Mehmet m'apportera le livre de géographie que je lui demanderai demain » (yarın « demain »).

Arkadaşım Mehmet, kardeşimin kendisinden yarın istiyeceği coğrafya kitabım bana getirecek «mon camarade Mehmet m'apportera le livre de géographie que mon frère lui demandera demain » ; dans ces deux derniers exemples, yarın pourrait aussi être placé avant kendisinden.

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XXI. GÉRONDIFS ET LOCUTIONS GÉRONDIVES

On appelle gérondifs des dérivés nominaux invariables du verbe, de type adverbial (circonstanciel), qui, non seulement reçoivent, comme les noms d'action, tous les compléments d'un verbe, y compris ceux d'objet, mais, en outre, peuvent être pourvus à volonté d'un sujet au cas absolu, comme celui d'une proposition ordinaire. Ils forment ainsi des quasi-propositions circonstancielles, qui correspondent en français à des propositions subordonnées circonstancielles (parfois même à des propositions coordonnées).

Leur emploi, très abondant dans la langue écrite, où ils suppléent à la carence des conjonctions (rares en turc : cf. chapitre XXII), est fréquent dans la langue parlée elle-même.

A côté des gérondifs proprement dits, le turc emploie des locutions gé-rondives invariables, qui ont les mêmes fonctions et les mêmes constructions, mais qui sont formées de noms verbaux déclinés, figés dans une de leurs formes. Enfin, d'autres locutions gérondives, elles aussi avec sujet au cas absolu et compléments semblables à ceux du verbe, sont invariables, en cas mais non pas en personne, et apparaissent avec les divers suffixes nominaux de personne.

Nous étudierons successivement ces 3 catégories :

A) GÉRONDIFS PROPREMENT DITS

Ils sont actuellement au nombre de 8 :

1° GÉRONDIF PRÉALABLE : -{y)tp.

Il doit avoir le même sujet que celui de la proposition principale dont il dépend (et quil précède, compte tous les gérondifs et locutions gérondives). Il exprime en principe une action antérieure à celle de la principale :

Mehmet, kapıyı açıp, gitti « Mehmet a ouvert la porte, puis il est parti »

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(« Mehmet, ayant ouvert la porte, partit ») ; la façon la plus simple, en français, de traduire ce gérondif est de coordonner deux propositions par « puis », ou simplement « et » : « Mehmet a ouvert la porte, et il est parti » ; mais on peut aussi se servir, pour rendre le gérondif, de participes français (« ayant ouvert ») ; tout dépend du contexte et du style.

Onu görüp, yanına geldim « l'ayant vu, je vins près de lui » (yan « côté »), ou « je le vis, et vins près de lui ».

Le turc, qui n'avait pas anciennement le mot signifiant « et » (ve « et » est un emprunt à l'arabe wa), a l'habitude de coordonner les propositions ayant même sujet et pouvant avoir des verbes à la même forme en remplaçant tous ces verbes, sauf le dernier, par le gérondif en (y)ip ; comme ce dernier est formé directement sur la base verbale, les suffixes de classe ou les verbes-suffixes disparaissent dans les gérondifs, ainsi que les suffixes personnels, si bien qu'il faut souvent attendre la fin de la phrase pour connaître les modalités précises des verbes, et même leur sujet (si celui-ci n'a pas été exprimé au début) :

Paris'ten Marsilya ya trenle gidip, vapura binip, istanbul da bir hafta kalıp, oradan Anadolu ya geçip, Ankara'yı gezeceğiz. « Nous irons de Paris à Marseille par le train, nous prendrons le bateau (bin- « monter sur », avec directifj, nous resterons une semaine à Istanbul, et, de là, passant en Anatolie, nous irons visiter Ankara» (gez- «parcourir, visiter»). Cette construction est normale et évite la répétition de formes verbales semblables : Paris'ten Marsilya'ya trenle gideceğiz, vapura bineceğiz, istanbul'da bir hafta kalacağız, oradan Anadolu'ya geçeceğiz ve Ankara'yı gezeceğiz. On sait que le turc répugne généralement à une telle répétition ; cf. chapitre XVI, D.

On voit que le gérondif en -(y)ip joue un rôle important de coordination des propositions de même sujet. Dans de telles séries, le mieux est de le traduire par des propositions juxtaposées, et de coordonner la dernière par « et ». Inversement, il sera souvent indiqué de traduire à l'aide de ce gérondif les propositions juxtaposées ou coordonnées par « et » du français, ce qui simplifie et allège la phrase :

« Il est venu et est reparti » : Gelip gitti. Interrogation indirecte avec -(y)ip : voir p. 146.

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2° GÉRONDIF CONCORDANT : -(y)e OU -(y)i.

Ces deux suffixes, de valeur semblable, peuvent se joindre à tous les verbes, mais il faut employer l'un, ou l'autre, selon la nature de la construction. Ici encore, le sujet du gérondif doit être le même que celui du verbe principal. Il ne s'agit plus ici d'une action antérieure, mais d'une action simultanée à celle de la principale.

Le gérondif en -(y)e n'est plus employé seul qu'avec le verbe de- « dire », sous la forme diye « en disant », qui suit (et ne précède jamais) l'expression d'un discours ou d'une pensée muette présentés au style direct. A son tour, diye est suivi d'un verbe principal (conjugué), qui est souvent l'un des suivants : söyle- « dire » ; sor- « demander (questionner) » ; cevap ver- « répondre » ; bağır- « crier » ; düşün- « penser » ; zann et- « croire (conjecturer) » , etc. Avec les verbes exprimant une pensée (muette), le sens de diye n'est plus « en disant », mais « en se disant ». Le discours ou la pensée exprimés au style direct ne sont pas nécessairement mis entre guillemets, ce qui déroute souvent les débutants.

Exemples : Ahmed'e : -Ne zaman geleceksin ? diye sordum. O da bana : — Yarın

akşama diye cevap verdi. « J'ai demandé à Ahmed : — « Quand viendras-tu ? ». Il m'a répondu : — « Demain soir ».

Mehmet : — Evimize gelirseniz, çok memnun olurum diye söyledi. « Mehmet a dit : « Si vous venez chez nous, je serai très content » (...diye söylemek est populaire et considéré comme lourd).

Ben, bu çocuk duvardan düşecek diye çok korkuyordum « J'avais très peur, en me disant : — Cet enfant tombera du mur ! » = « J'avais très peur que cet enfant ne tombât du mur ».

Ona, çabuk gelsin diye bir mektup yazdım « Je lui ai écrit, en (me) disant : qu'il vienne vite ! » = « Je lui ai écrit, afin qu'il vienne vite ».

Mustafa ise, fena bir vaziyetteyim diye düşünmüş « Quant à Moustafa (ise « si c'est » = « quant à »), il pensa en se disant : je suis dans une mauvaise (fena) situation (vaziyet) » = « Quant à Moustafa, il pensa qu'il était dans une mauvaise situation ». x

On remarque que le contenu du discours ou de la pensée au style direct est inséré entre le sujet et diye (qui souvent tient lieu de guillemets). Noter aussi que ces tournures correspondent fréquemment à des constructions

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subordonnées françaises où le discours, la pensée, sont exprimés au style indirect, ce qui suppose parfois des changements de personne (cf. le dernier exemple).

La présence de diye est constante quand on rapporte des paroles ou des pensées. On ne dit pas : « Ne zaman ? sordum », mais : « Ne zaman ? diye sordum », « quand ? ai-je demandé ».

Diye mis à part, le gérondif en -(y)e n'apparaît sans adjonction d'un autre suffixe et sans redoublement que dans des couples de verbes qui forment des expressions toutes faites :

a) -(y)e + bil- signifie « pouvoir (faire) » ; les deux verbes sont souvent écrits d'un seul tenant : gelebildi « il a pu venir » ; oturabilecek « il pourra s'asseoir » ; anlahlabilir « cela peut être expliqué » ; la forme négative correspondante est obligatoirement celle en -{y)eme-, cf. chapitre XI, C, 50 : gelemedi « il n'a pas pu venir », etc.

b) -{y)e + yaz- « manquer de (faire), « faillir (faire) » ; écrits d'un seul tenant : düşeyazdı « il a failli tomber » ; boğulayazdı « il a falli se noyer » (boğ- « étouffer » ; au passif : « être étouffé », notamment par noyade) ; le verbe yaz- « faillir », qu'il ne faut pas confondre avec yaz- « écrire », ne s'emploie pas en dehors de cette tournure (cf. son dérivé : yazık « péché » ; maintenant « dommage ! »).

c) -{y)e + divers verbes d'état, de mouvement, etc., dans un nombre limité de locutions fixées par l'usage : şaşakaldı « il est resté stupéfait » ; yapa-gelmek « faire depuis longtemps » ; yapagörmek « veiller à faire » (gör-« voir »), etc.

Quant au gérondif en -(y)i, il sert exclusivement à former des couples de verbes analogues aux précédents :

d) -(y)i + ver- « (faire) vite », « (faire) aisément » ; écrits d'un seul tenant : kapıyı açıver ! « ouvre vite la porte ! » ; vaziyeti anlay iverdi « il a tout de suite compris la situation » ; başarıverdi « il a réussi aisément ».

e) al-i -h ko(y)~ « retenir, empêcher, mettre à l'écart » ; alikodu ou alıkoydu « il a empêché ».

Remarque : Dans les couples de verbes formés avec -{y)e, l'accent tonique est sur le suffixe du gérondif : düşeyazdı. On observera d'autre part que e ou a final de la base verbale devient i ou 1 devant le suffixe -(y)e : soyle-yé bildi, söyliy ehildi « il a pu dire » ; anla-yd bildi, anhyâbildi « il a

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pu comprendre » ; il peut même ensuite y avoir passage de i à ü ou de ı à u, après voyelles arrondies : söytüyebildi, toplayabildi « il a pu rassembler » {topla-).

3° GÉRONDIF CONCORDANT REDOUBLÉ : ...-(y)e .-.-(y)e-

Formé de la succession immédiate de 2 gérondifs en -{y)e, il a lui aussi un sens de simultanéité et doit avoir le même sujet que celui du verbe principal. Il peut avoir 2 significations : « en (faisant) » et « à force de (faire) » :

koş-a koş-a geldi « il est venu en courant » ; koş-a koş-a yoruldu « à force de courir, il s'est fatigué ».

Dans la langue populaire, il peut être remplacé par un double impératif : koş koş, nihayet yoruldum « à force de courir, à la fin je suis fatigué ». Une combinaison des deux tournures existe dans : git gide (ou : gitgide) « à force d'aller » — « progressivement » ou « de plus en plus ».

La construction par redoublement du même gérondif est applicable à tous les verbes. De plus, quelques expressions sont formées de 2 gérondifs en -(y)e de verbes différents :

düşe kalka « en tombant et en se relevant » = « avec des hauts et des bas, avec bien des difficultés » ; ağlaya sızlaya « en pleurant et gémissant », etc.

40 GÉRONDIF CONCORDANT RENFORCÉ : -{y)e-rek.

Très employé, il a un sens de simultanéité : « en (faisant) », « tout en (faisant) », et doit avoir le même sujet que celui du verbe principal :

ağlıyor ak yürüyordu « il marchait en pleurant » ; çiçek toplıyarak gezdik « nous nous sommes promenés tout en cueillant des fleurs » {topla- « rassembler », « ramasser ») ; bilerek söyledim « je l'ai dit sciemment » (« en le sachant »).

Le gérondif olarak de ol- « être » signifie « en étant » et « en tant que » : Paris'e turist olarak geldi « il est venu à Paris en touriste ».

5° GÉRONDIF TEMPOREL DE DÉPART : -{y)eli.

Il signifie « depuis que... » et peut avoir un sujet autre que celui du verbe principal :

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Sen gid-eli, canım sıkılıyor « depuis que tu es parti, je m'ennuie » (can « âme » ; sık- « comprimer » : « mon âme est comprimée » = « je m'ennuie »).

Ce gérondif est souvent renforcé par un suffixe d'ablatif suivi de beri « depuis » : -(y)eliden beri, généralement écrit d'un seul tenant ; la forme -(y)eli beri- est également usitée :

Sergi açilalı(dan) beri, on bin ziyaretçiden fazla geldi « depuis que l'exposition est ouverte, il est venu plus de dix mille visiteurs ».

6° GÉRONDIF PRÉCURSEUR IMMÉDIAT : -(y)ïnce.

Accentué sur Y avant-dernière syllabe, il signifie « dès que... », « aussitôt que... » et peut avoir un sujet autre que celui du verbe principal :

Bahar gelince, çiçekler açılır « dès que le printemps vient, les fleurs s'ouvrent ».

Sergi açılınca, oraya koştum « dès que l'exposition s'est ouverte, j 'y suis accouru ».

Mehmed'i görünce, ondan soracağım « dès que je verrai Mehmet, je lui demanderai ».

On voit par ces 3 exemples que les gérondifs ne contiennent par eux-mêmes aucune définition absolue de temps, et que leur interprétation temporelle dépend du contexte.

Le sens de ce gérondif est parfois affaibli, et on peut alors le traduire par : « lorsque... » :

Bunu görünce, yerimde kaldım « lorsque j'ai vu cela, je suis resté à ma place ».

Remarque : Ce même gérondif, augmenté du suffixe de directif et suivi de la post-position kadar « jusqu'à » ou des particules dek ou değin (même sens) signifie : « jusqu'à ce que... ». On a ainsi un gérondif temporel d'aboutissement : -(y)inceye kadar, ou : -(y)inceyedek, ou -(y)inceye değin.

Exemples : Siz gelinceye kadar, bekliyeceğim «j'attendrai jusqu'à ce que vous arriviez » ; Sergi açılıncayadek bekledik « nous avons attendu jusqu'à ce que l'exposition s'ouvrît » ; Mehmet, güneş batıncaya değin tarlasında çalıştı « Mehmet a travaillé dans son champ jusqu'au moment où le soleil s'est couché » ; (dek se joint généralement au gérondif dans l'écriture, mais ne subit pas l'effet de l'harmonie vocalique) ; la fofme avec kadar est la plus courante, de beaucoup, dans la langue parlée.

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7° GÉRONDIF DE CARENCE : -meden.

Il provient du suffixe négatif -me-, et, comme lui, n'est pas accentué (enclitique) et développe un accent tonique sur la syllabe qui le précède. Il signifie : « sans (faire) », et peut avoir un autre sujet que le verbe principal :

kimse duymadan bize geldi « il est venu chez nous sans que personne le sache » {duy- « percevoir, entendre, entendre dire ») ;

bir şey söylemeden odadan çıktım « je suis sorti de la pièce sans rien dire ».

Remarque : Par suite d'une confusion avec l'ablatif du nom d'action en -me, ce même gérondif de carence, tout en gardant l'accentuation particulière signalée ci-dessus, est également employé pour signifier : « avant de (faire) », « avant que... », et peut être alors suivi {ou non) des postpositions evvel ou önce « avant ». On a ainsi un gérondif d'antériorité : -meden {evvel), ou : -meden önce.

Exemples : istanbul'u fethetmeden, Türkler Rumeli'yi işgal ettiler « avant de conquérir Istanboul, les Turcs occupèrent la Roumélie » {feth « conquête » ; işgal « occupation » ; + et- « faire »).

Cevap vermeden evvel, biraz düşün ! « réfléchis un peu avant de répondre ! ».

Tren kalkmadan önce, bir gazete alacağım « avant que le train (ne) parte, j 'achèterai un journal».

Ce gérondif d'antériorité existe aussi avec la forme de l'abblatif du participe aoriste négatif : -mez-den au lieu de -meden :

Mehmet gelmezden evvel, sofrayı hazırlıyacağım « avant que Mehmet (n')arrive, je préparerai la table » {sofra « table pour le repas » ; hazır « prêt », hazir-la- « préparer »).

Quand on veut éviter toute confusion avec le sens d'« avant que... », on peut exprimer le gérondif de carence d'une autre façon : avec le suffixe -mek-siz-in, dérivé de l'infinitif, étudié plus loin, B, 40, e.

8° GÉRONDIF DU VERBE « ÊTRE » : iken, ou : -{y)ken.

Il est dérivé du même radical du verbe « être » que les formes idi, imiş, ise. Comme elles, il peut devenir un suffixe non accentué (enclitique), déve-

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loppant un accent tonique sur la syllabe qui le précède ; mais il ne subit Pas Vharmonie vocalique.

Il peut avoir un autre sujet que le verbe principal. Il signifie « en étant », « tout en étant », ou « pendant que... », « alors que ... » (suivis d'une forme du verbe « être »).

Du sens de « tout en étant... », ou « alors que... », on passe éventuellement à un sens d'opposition : « bien que... ».

Exemples : Ben hastayken (ou : hasta iken), Mehmet beni ziyaret efti « pendant que j'étais malade, Mehmet m'a rendu visite».

Ben hastayken, neden beni rahatsız ediyorsunuz ? « alors que je suis malade, pourquoi m'importunez-vous ? » (rahat «tranquillité»).

Mustafa, çocukken, çok usluydu « Moustafa, (étant) enfant, était très sage » (uslu « sage »).

Babası evdeyken, Fatma gürültü yapmazdı « quand son père était à la maison, Fatma ne faisait pas de bruit ».

Siz, Müslüman iken, nasıl jambon yiyebilirsiniz ? « alors que vous êtes musulman, comment pouvez-vous manger du jambon ? ».

Çok akıllıyken, ihtiyatsızlık eder « bien que fort intelligent, il commet des imprudences » (ak(i)l « intelligence » ; ihtiyat « prudence »).

Le gérondif -(y)ken peut, en gardant les valeurs ci-dessus décrites, se joindre aux participes aoriste en -er, -(i)r ou -z, parfait en -mis, intentifen -(y)ecek, ainsi qu'au locatif de l'infinitif, -mek-te, et parfois au suffixe -(i)yor du progressif ; dans ces emplois, avec des sujets à la 3e personne du pluriel, il peut en outre être précédé du suffixe -1er :

Çocuklar oynarken, bir köpek geldi « pendant que les enfants jouaient (oyna-), un chien arriva ».

Efendileri yemek yerlerken, kedi onlara bakardı « pendant que ses maîtres mangeaient, le chat les regardait ».

Hiç bir şey anlamazken, âlim gibi konuşuyor « bien qu'il ne comprenne absolument rien, il parle comme un savant ».

Çok yorulmuşken, hâlâ çalışıyordu « alors qu'il était très fatigué, il travaillait encore ».

Buraya geleceklerken, benden bir mektup almışlar « alors qu'ils s'apprêtaient à venir ici, ils reçurent une lettre de moi ».

Paşalar oturmaktayken, vezir odaya girmiş « alors que les pachas étaient assis, le vizir entra dans la pièce ».

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Mehmet geliyorken, biz pencereden bakıyorduk « alors que Mehmet arrivait, nous regardions par la fenêtre ».

De toutes ces constructions, la plus usitée, de beaucoup, est celle formée sur l'aoriste. Elle tend d'ailleurs à perdre sa valeur spécifiquement aoristique, pour devenir un gérondif concordant composé : -er-ken, -(i)r-ken, avec un sens très voisin de celui en -(y)e-rek (étudié plus haut, 40), qu'il remplace dans le cas où le sujet du gérondif n est pas le même que celui du verbe principal :

Çiçek toplıyarak gezdik « nous nous sommes promenés tout en cueillant des fleurs » ; mais :

Çocuklar çiçek toplarken, biz gezdik « nous nous sommes promenés, pendant que les enfants cueillaient des fleurs ».

B) LOCUTIONS GÉRONDIVES INVARIABLES

Formées à partir de noms verbaux divers, elles sont assez nombreuses, mais ne présentent généralement pas de difficultés d'interprétation. Nous les classerons d'après leur origine :

i° DÉRIVÉES DU PARTICIPE EN -(y)en (cf. chapitre XVIII, A) :

a) -(y)en-e kadar, ou -(y)en-e-dekt ou -{y)en-e değin ; cette locution gérondive temporelle d'aboutissement a pratiquement la même valeur que le gérondif en -{y)inceye kadar étudié [plus haut, A, 6°, Remarque : « jusqu'à ce que... ».

Exemples : siz gelene kadar bekliyeceğim «j'attendrai jusqu'à ce que vous arriviez » ; sergi açılanadek bekledik « nous avons attendu jusqu'à ce que l'exposition s'ouvrît » ; Mehmet, güneş batana değin tarlasında çalıştı « Mehmet a travaillé dans son champ jusqu'au coucher du soleil ».

b) -(y)en-de ; locution gérondive temporelle, signifiant « au moment où », « quand... » ; d'origine dialectale (anatolienne), elle tend à se répandre :

ben gelende, Mehmet evinde yoktu « quand je suis arrivé, Mehmet n'était pas chez lui » ; siz gidende, ben de yola çıkacağım « quand vous partirez, je me mettrai aussi en route » (çık- « sortir »).

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2° DÉRIVÉES DU PARTICIPE AORISTE EN -er, -{ï)rt ou -z (cf. chapitre XVIII , B) :

a) -er ...-mez, ou -(i)r ...-mez ; participe aoriste suivi immédiatement de sa forme négative ; signifie : « dès que... » ; très employé :

Mehmet gelir gelmez, bana haber verin ! « dès que Mehmet arrivera, avertissez-moi ! » {haber « nouvelle ») ; kuş konar konmaz, kedi sıçrar « dès que l'oiseau se pose, le chat bondit [sıçra-) » ; siz yazar yazmaz, paketi gönderdim « dès que vous avez écrit, j ' a i envoyé le paquet ». v

Remarque : Cette locution a la même valeur (en un peu plus énergique) que le gérondif en -(y)ince étudié plus haut, A, 6°. Il existe encore une tournure de sens très voisin, qui n'est pas morphologiquement un gérondif, puisqu'il s'agit du parfait en -ai conjugué et suivi de l'interrogatif mi, mais qui en remplit les fonctions : Mehmet geldi mi, bana haber verin ! « à peine Mehmet sera-t-il arrivé, avertissez-moi ! » ; kuş kondu mu, kedi sıçrar « à peine l'oiseau s'est-il posé, que le chat bondit » ; siz yazdınız mı, paketi gönderirim « dès que vous aurez écrit, j 'enverrai le paquet ».

b) -mez-den evvel ou -mez-den önce ; locution gérondive d'antériorité : « avant que... » ; voir plus haut, A, y0, Remarque.

Exemple : ben cevap vermezden evvel, gitmişti « avant que je n'aie répondu, il était parti » ; kar yagmazdan önce yola çıkalım ! « mettons-nous en route avant que la neige (ne) tombe ! ».

3° DÉRIVÉES DU PARTICIPE INTENTIF EN -(y)ecek (cf. chapitre XVII I , D ) :

a) -(y)ecek kadar ; locution gérondive de comparaison quantitative : « autant qu'il faut pour que... », «assez pour que... » ;

Exemples : size anlatacak kadar izahat vereceğim « je donnerai assez d'explications pour vous faire comprendre » ; ben açlıktan ölmiyecek kadar para kazanırım « je gagne (juste) assez d'argent pour ne pas mourir de faim ».

b) -(y)ecekyerde ; cette locution gérondive signifie « au lieu de... », « au lieu que... ».

Exemples : bağıracak yerde yardım ediniz ! « au lieu de crier, aidez-(nous) ! » ; bana bir mektup yazacak yerde, telefon etti « au lieu de m'écrire une lettre, il (m')a téléphoné ».

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4° DÉRIVÉES DE L'INFINITIF EN -mek (cf. chapitre XIX, A) :

a) -mek yerine ; même sens que la locution gérondive précédente : « au lieu de... », « au lieu que... » ; peu usité.

Exemples : bağırmak yerine yardım ediniz ! ; bana bir mektup yazmak yerine, telefon etti (mêmes sens que précédemment).

b) -mek-tén-se ; accentuée sur l'avant-dernière syllabe : ablatif + sup-positif du verbe « être » ; s'emploie au sens de « plutôt que... », spécialement pour écarter la plus fâcheuse des deux hypothèses défavorables ; exemple : böyle yaşamaktansa, ölmeye razıyım « plutôt que de vivre ainsi, je consens à mourir ».

c) -mék-le ; accentuée sur l'avant-dernière syllabe : post-position ile (enclitique) « avec » ; c'est en principe une locution gérondive de moyen mais parfois voisine du sens de cause : « au moyen du fait que... » et « parce que... » .

Exemples : günlerce yağmur yağmakla, sular taştı « la pluie étant tombée des jours entiers, les cours d'eau débordèrent » ; konuşmaları dinlemekle, çok şey öğrenirdi « en écoutant les conversations, il apprenait bien des choses ».

d) -mék-le beraber, ou -mék-le birlikte ; cette locution, dont le sens initial est «tout en... », a maintenant une valeur nettement adversative : « malgré le fait que... », « bien que... » :

babası zengin olmakla beraber, kendisinin parası yok « bien que son père soit riche, lui-même n'a pas d'argent » ; ben, Türkiye'ye üç defa gitmekle birlikte, Bursa1 yi göremedim « bien que je sois allé trois fois en Turquie, je n'ai pas pu voir Brousse ».

Remarque : On peut exprimer la même valeur adversative en faisant suivre le verbe hypothétique en -se (ou à une forme composée avec le suppositif ise) de la particule non accentuée (enclitique) dejda « même » ; du sens de «même si... », on passe à celui de «bien que... » : babası zenginse de, kendisinin parası yok ; ben, Türkiye'ye üç defa gittiysém de, Bursa yi göremedim (accent tonique fort avant de ou da) ; mêmes sens que ci-dessus.

e) -mek-siz-in ; c'est une forme adverbiale en -in d'un dérivé de l'infinitif avec suffixe -siz « sans » ; locution, gérondive de carence : « sans (faire) », « sans que,.. » ; même valeur que -meden (cf. ci-dessus, A, 70) :

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siz olmaksızın bir şey yapamam « je ne pourrai rien faire sans que vous soyez-là » ; anlamaksızın bakıyordu « il regardait sans comprendre ».

5° DÉRIVÉES DU NOM VERBAL EN -dik (cf. chapitre XX, A).

a) -dik-te ; ce locatif du nom verbal a une valeur de localisation dans le temps : « au moment où... », « lorsque... », « quand ...» ; il a le même sens que la locution gérondive en -(y)en-de étudiée plus haut (B, i°, b) et est bien plus courant :

ben geldikte, Mehmet evinde yoktu « quand je suis arrivé, Mehmet n'était pas chez lui » ; siz gittikte, ben de yola çıkacağım « quand vous partirez, je me mettrai aussi en route ». (Tournure dialectale).

b) -dik-ten sonra ; cet ablatif suivi de sonra « après » est la seule tournure turque pour traduire « après que »... :

ben gittikten sonra, kapıyı kapatacaksınız « après que je serai parti, vous fermerez la porte » ; yemek yedikten sonra, dolaşırlar « après avoir mangé, ils font un tour (dolaş-) » ; siz bu kitabı okuduktan sonra, ben de okudum « après que vous eûtes lu ce livre, je (le) lus, moi aussi ».

c) -dik-ten başka, ou -dik-ten maada (ce dernier plutôt archaïque) ; cette locution gérondive signifie : « outre que... », et peut aussi se traduire en français : «non seulement... (mais encore...)».

Exemples : babası hasta olduktan başka, kendisi işsizdi « outre que son père était malade, il était lui-même sans travail », « non seulement son père était malade, mais lui-même était sans travail » ; türkçe öğrendikten başka, coğrafya öğreniyorum «outre que j'apprends le turc, j'étudie la géographie ».

d) -dïk-çe ; accent tonique sur l'avant-dernière syllabe ; cette locution gérondive a pour premier sens : « au fur et à mesure que... » ; mais elle signifie aussi : «chaque fois que... » et « sitôt que... ».

Exemples \fiatlar arttıkça, daha az yemek yiyoruz « au fur et à mesure que les prix augmentent, nous mangeons moins », « plus les prix augmentent, moins nous mangeons » ; ben çekirdekleri attıkça, tavuk onları yiyordu « à mesure que je jetais les pépins, la poule les mangeait » ; hava açıldıkça, kuşlar öter « chaque fois que le temps s'éclaircit, les oiseaux chantent » (hava « air », aç-il- « s'ouvrir, se découvrir, se dégager — des nuages —» ; öt-« chanter », seulement pour les oiseaux) ; mais ce dernier exemple peut être aussi compris : « sitôt que le temps s'éclaircit, les oiseaux chantent » ;

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Mehmet bunu anladıkça, çok kızar « sitôt que Mehmet comprendra cela, il sera très en colère » ; la locution gérondive gittikçe « plus ça' va » est employée comme un adverbe, au sens de « de plus en plus » : gittikçe zengin oluyor « il devient de plus en plus riche ».

C) LOCUTIONS GÉRONDIVES VARIABLES AVEC SUFFIXE NOMINAL DE PERSONNE

Formées à partir du nom d'action en -me ou des noms verbaux complexes en -dik et en -(y)ecek construits normalement dans la phrase, pourvus de suffixes nominaux de personnes variables désignant le sujet logique, mais figés dans un cas immuable et suivis éventuellement de post-positions ou de noms à fonction adverbiale, ces locutions gérondives ont un sujet au cas absolu (et non pas génitif), quand, du moins, il est exprimé. Nous les classerons d'après leur type de construction ; nous présenterons ensemble les locutions en -dik et en -{y)ecek, qui ont presque toujours des constructions identiques et des emplois rigoureusement parallèles (exception principale : la forme en -{y)ecegine, ci-après, n'a pas d'équivalent avec •dik) ; nous les indiquerons sous leur forme de 3 e personne du singulier :

i° NOMS VERBAUX DÉCLINÉS (SEULS).

a) -{y)eceg-in-e ; signifie « au lieu de... », « au lieu que... » ; cf. précédemment : B, 30, b, et B, 40, a et b.

Exemples : bağır-acağ-ımz-a yardım ediniz ! « au lieu de crier, aidez-(nous) ! » ; bana bir mektup yaz-acağ-ın-a, telefon etti « au lieu de m'écrire une lettre, il (m')a téléphoné ».

b) ^ddğ-in-de et -{y)eceg-in-de ; localisation dans le temps; signifie « au moment où... », «lorsque», «quand... » :

Mehmet geldiğinde, evde yoktum « quand Mehmet est venu, je n'étais pas à la maison » ; gideceğinizde, ben de yola çıkacağım « quand vous partirez, je me mettrai aussi en route » ; cette locution est très proche de celle {invariable) décrite plus haut, B, 50, a.

c) -diğ-in-den et -{y)eceg-in-den ; ablatif de cause : « en raison du fait que... », « parce que... », « puisque... » :

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o sandık çok ağır olduğundan, onu getiremedim « cette caisse étant très lourde, je n'ai pu l'apporter » ; Ankara'ya gideceğinizden, sizi rahatsız etmek istemedim «puisque vous allez partir pour Ankara, je n'ai pas voulu vous déranger ».

2° NOMS VERBAUX SUIVIS DE POST-POSITIONS.

a) -me-si için ; cette locution, où le nom d'action en -me a une valeur virtuelle (cf. chapitres XIX, B et XX, A, 2°, remarque), a un sens de finalité : « afin que... », « pour que... », qui l'oppose clairement à celui de' cause qu'a la locution correspondante en -dik ou en -(y)ecek, étudiée ci-après ; à la différence des autres locutions gérondives, celle en -me-si için conserve intégralement le mode de construction des noms d'action, en ce sens que son sujet, s'il est exprimé, l'est au génitif :

Mehmed'in gelmesi için, ona para gönderdik « pour que Mehmet vienne, nous lui avons envoyé de l'argent » ; iyice anlamanız için, size bir fotoğraf göstereceğim « afin que vous compreniez bien, je vais vous montrer une photographie ».

b) -diğ-i için et ~{y)cceğ-i için ; sens causal, opposé à celui de la locution précédente ; sujet au cas absolu ; signifie « parce que... », « du fait que... », « étant donné que... » :

Mehmet geldiği için, gidip onu gördüm « puisque Mehmet est venu, je suis allé le voir » ; iyice anladığınız için, size fazla izahat vermiyorum «puisque vous avez bien compris, je ne vous donne pas davantage d'explications » ; Mehmet geleceği için, ona mektup yazmadım « puisque Mehmet viendra, je ne lui ai pas écrit » ; le sens de cette locution est extrêmement proche de celui de la locution en -diğ-in-den étudiée plus haut, C, i°, c ; dans la pratique, on hésite souvent entre les deux locutions, l'une et l'autre très usitées,

c) -diğ-i gibi et -(y)eceğ-i gibi ; locutions comparatives de manière (et non de quantité, cf. ci-dessous, d) ; signifient «de même que... », et sont parfois employées avec des valeurs correspondant au français « non seulement... (mais encore...) », ou «..., (en outre...) », «... (et aussi...) » :

gençler, içki içmedikleri gibi, sigara da kullanmazlar « les jeunes, de même qu'ils ne boivent pas de boissons alcoolisées {içki), ne fument pas de cigarettes {sigara) » {kullan- « utiliser ») ; biz türkçe öğreneceğimiz gibi, Türkiye coğrafyası da okuyacağız « de même que nous apprendrons le turc, nous

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étudierons la géographie de la Turquie », ou « non seulement nous apprendrons le turc, mais encore..., etc. » ; gölde yüzebileceğiniz gibi, balık ta tutabileceksiniz « vous pourrez nager clans le lac, et aussi prendre des poissons ».

d) -diğ-i kadar et -{y)eceği kadar ; locutions comparatives de quantité; signifient « autant que ...» :

Mehmet akıllı olduğu kadar çalışkandır « Mehmet est aussi travailleur qu'intelligent » ; siz istiyeceğiniz kadar balık tutacaksınız « vous prendrez du poisson autant que vous en voudrez ».

e) -diğ-in-e göre et -(y)eceğ-in-e göre ; ces locutions signifient : « selon ce que... » ou « d'après ce que... » :

öğreneceğinize göre, ya kalacaksınız, ya gideceksiniz « selon ce que vous apprendrez, ou bien vous resterez, ou bien vous partirez » ; Ankara'dan öğrenildiğine göre, Meclis bu akşam toplanmış « d'après ce qu'on a appris d'Ankara, l'Assemblée s'est réunie ce soir ».

f) -me-sin-e rağmen ; locution adversative : « en dépit du fait que... », « bien que... » ; elle peut être construite, comme le nom d'action en -me ordinaire, avec un sujet exprimé au génitif (cf. ci-dessus, a), tandis que les locutions gérondives avec -dik et -{y)ecek ont normalement leur sujet au cas absolu ; en principe, l'action exprimée par -me est plutôt virtuelle ou générale; karşın remplace rağmen en öz türkçe.

Exemples : Ankara'ya gitmeme rağmen, kendisine telefon etmemi istiyor « bien que j'aille à Ankara, il veut que je lui téléphone » ; babasının istememesine rağmen, Mustafa rakı içer « bien que son père ne veuille pas, Moustafa boit du raki » ; yüzmesine rağmen, balina balık değil « bien qu'elle nage, la baleine n'est pas un poisson ».

g) -diğ-in-den dolayı et -(y)eceğ-in-den dolayı ; cette locution gérondive de cause a le même sens que celle étudiée précédemment, C, i°, c, dont elle n'est que le renforcement à l'aide de la post-position dolayı « à cause de » :

siz türkçe bildiğinizden dolayı, size türkçe yazıyorum « puisque vous savez le turc, je vous écris en turc » ; Mehmet Ankara'ya gideceğinden dolayı, orada görüşebilirsiniz « puisque Mehmet ira à Ankara, vous pourrez vous voir là-bas » ; on trouvera ci-dessous, 30, e, un rappel des diverses locutions gérondives turques exprimant la cause.

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3° NOMS VERBAUX SUIVIS DE NOMS A FONCTION ADVERBIALE.

Ces noms à fonction adverbiale sont, soit au cas absolu (a), soit au locatif (b, c), soit suivis de la post-position ile (d, e) ; le nom verbal employé dans ces locutions est, sauf dans le dernier cas (e), un nom verbal complexe (en -dik ou en -(y)ecek pour chaque locution) ; il reste au cas absolu, ne subissant d'autre variation que celle des suffixes de personne ; son sujet est toujours au cas absolu :

a) -diğ-i zaman ou -(y)eceğ-i zaman ; le mot zaman « temps » peut êt^e remplacé par le mot vakit « moment, temps », ou même par un nom de sens temporel comme devir « période », asır « siècle », sene ou yıl « année », ay « mois », hafta « semaine », gün « jour », saat « heure », dakika « minute », saniye « seconde », sabah « matin », akşam « soir », gece « nuit », (ilk) bahar « printemps », yaz « été », son bahar ou güz « automne », kış « hiver », etc. ; ces locutions gérondives signifient « quand... », « lorsque... », ou, avec un nom de temps particulier, « l'année où... », « le jour où... », etc. ; elles ont toujours un sens temporel (pour les autres locutions signifiant « quand... », cf. plus haut : A, 6° ; B, 50 , a ; C, i ° , b).

Exemples : hava güzel olduğu zaman, bahçede dolaşırız « lorsque le temps est beau, nous nous promenons dans le jardin » ; Mehmet geldiği vakit, ben evde yoktum « quand Mehmet est venu, je n'étais pas à la maison » ; siz bu kitabı okuyacağınız zaman, ne düşündüğümüzü anlıyacaksımz « quand vous lirez ce livre, vous comprendrez ce que (ne = « quoi ? ») nous pensons (düşün-) » ; yağmur yağdığı gün, köydeydim « le jour où il a plu (yağmuryağ-), j 'étais au village (köy) ».

Remarque : Quand le nom' de sens temporel (par exemple, gün « jour ») n'est pas employé adverbialement au cas absolu, mais joue un rôle de sujet ou de complément dans la proposition principale, la construction est celle des noms en -dik et en -(y)ecek dans leur emploi épithétique complexe (cf. chapitre XX, A, 3 0 et B, 30), et le sujet logique est au génitif : Mehmed'in geldiği günü hahrhyorum « je me rappelle le jour où Mehmet est venu» (hahr «souvenir», hatır-la- «se rappeler»); de plus, avec les mots autres que zaman et vakit, on trouve aussi, même quand ils sont employés adverbialement, des constructions avec sujet au génitif (voir les exemples du chapitre XX, A, 3 0 et B, 3 0 , avec gün et hafta qualifiés par l'épithète complexe).

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b) -diğ-i takdirde ; le mot (d'origine arabe) takdir (ou taktir) signifie ici « supposition, cas hypothétique » ; le sens de la locution est : « au cas où... » :

Mehmet yorulduğu takdirde, barda kalsın ! « au cas où Mehmet serait fatigué, qu'il reste ici ! ».

c) -diğ-i halde ou -(y)eceğ-i halde ; le mot (d'origine arabe) hal signifie « état, situation » ; le sens premier de la locution était « dans la situation où... » ; mais elle a pris maintenant un sens différent, adversatif : « malgré le fait que... », « bien que... ». Cette dernière signification est la plus fréquente, de beaucoup, et l'on a alors une véritable locution gérondive de sens adversatif, avec sujet au cas absolu, tout à fait semblable pour le sens à celles déjà rencontrées : chapitre XXI, A, 8° ; B, 40, d et remarque ; C, 20, f. Au contraire, quand subsiste le sens initial «dans l'état où...», le sujet est au génitif :

Mehmed'in içinde bulunduğu halde, siz ne yapardınız ? « dans la situation où se trouve Mehmet, qu'auriez-vous fait ? ».

Exemples de la locution gérondive adversative : o adam, Türkiye'de üç seneden beri oturduğu halde, türkçe hiç bilmiyor

a cet homme, bien qu'il habite en Turquie depuis trois ans, ne sait absolument pas le turc » ; hava çok güzel olduğu halde, ben bu gün evimden çıkmadım « bien que le temps soit très beau, je ne suis pas sorti de chez moi aujourd'hui »; Mehmet istanbul'a iki defa geldiği halde, Aya Sofya'yı görmemiş « Mehmet, bien qu'il soit venu deux fois à Istanboul, n'a pas vu Sainte-Sophie » ; şehirde çalışacağım halde, köyde oturacağım « bien que je doive travailler à la ville (şeh(i)r), j'habiterai au village ».

d) -diğ-i cihetle ou -(y)eceğ-i cihetle ; le mot (d'origine arabe) cihet signifie « direction » ; suivi de la post-position (enclitique) ile (d'où l'accentuation : cihétle, sur l'avant-dernière syllabe), il signifie « en raison de ce que... », et forme une locution gérondive de sens causal (cf. la suivante, e) ; c'est une tournure qui fait figure d'archaïsme et n'est plus très employée :

halk cinlere inandığı cihetle, onları gücendirmekten korkar « étant donné que le peuple croit aux djinns, il craint de les irriter {gücen- « s'irriter, se vexer ») » ; siz Mekke'ye gideceğiniz cihetle, Kabe'yi ziyaret edeceksiniz « puisque vous irez à La Mecque, vous visiterez la Kaaba ».

e) -me-si sebebï(y)le ; le second terme (accentué sur l'avant-dernière syllabe) est constitué par le mot (d'origine arabe) sebeb « cause », suivi du

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suffixe de 3 e personne et de ile : « à cause du fait que... » ; c'est là une des diverses locutions gérondives causales ; pour les autres, voir chapitre XXI, B, 40, c ; C, i°, c ; C, 20, b et h ; C, 30, d, ci-dessus.

Exemples : hasta olması sebebiyle, gelemedi « il n'a pu venir, pour cause de maladie » ; on emploie de préférence sebebiyle après un nom : hastalık sebebiyle « pour cause de maladie ».

D) COMBINAISON D'UN GÉRONDIF ET D'UN NOM VERBAL

L'interrogation indirecte s'exprime en turc par le gérondif en -(y)ip suivi de la forme négative en -me- du nom verbal en -dik- ou en -(y)ecek décliné. Le sujet exprimé est au génitif.

Exemples : Ahmed'in gelip gelmediğini bilmiyorum «je ne sais pas si Ahmed est venu » ; gelip gelmiyeceğinizi bilmiyordu « il ne savait pas si vous viendriez».

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XXII. CONJONCTIONS

Primitivement, la langue turque n'avait pas de conjonctions. Les mots ou les phrases ayant entre eux un rapport logique que le français exprime par des conjonctions de coordination étaient simplement juxtaposés (avec une pose entre eux), et le rapport logique, s'il ne ressortait pas simplement du contexte (cas le plus fréquent),'était exprimé par des adverbes signifiant, par exemple : « aussi », « cependant », a autrement », etc. De même, il n'y avait pas de conjonctions de subordination, non plus que de relatifs proprement dits, et ce qui correspond en français à des propositions subordonnées était rendu par des quasi-propositions formées à l'aide des noms verbaux (participes, noms d'action, nom verbal complexe), des gérondifs ou des locutions gérondives (cf. chapitres XVIII à XXI), la proposition hypothétique (« si... ») étant d'autre part exprimée à l'aide de la classe hypothétique du verbe (cf. chapitre XIII, 90 et XV, 30).

Aujourd'hui, cette situation persiste en grande partie dans la langue parlée, et surtout dans le turc populaire. Par exemple, l'équivalent du français « et » se rend, soit par la juxtaposition : bu ev büyük, güzel « cette maison est grande et belle », soit par la post-position ile « avec » : Mehmet'le Mustafa geldiler « Mehmet et Moustafa sont venus », soit, pour relier deux verbes, par le gérondif en -(y)ip : gelip gitti « il est venu et reparti », etc. Le mot ve « et », d'origine arabe, n'est fréquent que dans la langue écrite. De même, dans la langue parlée, la subordination s'exprime normalement sans conjonctions, par les divers procédés mentionnés au paragraphe précédent.

Les conjonctions que nous allons étudier ont presque toutes été empruntées, du xie siècle au xm e , à Y usage persan : conjontions persanes proprement dites, ou conjonctions arabes usitées en persan, ou calques turcs d'expressions conjonctives persanes. Le persan était, en effet, jusqu'au xm e siècle, la langue écrite principale des lettrés turcs musulmans. Les conjonctions restent encore caractéristiques de la langue écrite, à l'excep-

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tion de quelques-unes (ama « mais », fakat « mais », y a et veya « ou », çünkü « parce que », et &i' complétif et consécutif), bien adoptées par le turc parlé.

A) CONJONCTIONS DE COORDINATION

i° CONJONCTIONS DE LIAISON.

a) ve « et ». Fréquente dans la langue écrite (et dans le parler des lettrés, mais non

du peuple), elle a dans l'ensemble les mêmes usages que « et » français : bu ev büyük ve güzeldir « cette maison est grande et belle » ; Mehmet ve Mustafa geldiler « Mehmet et Mous t af a sont venus » ; geldi ve gitti « il est venu et reparti » ; comparer avec les expressions parallèles de la langue parlée mentionnées au début de ce chapitre (2e paragraphe), sans ve.

b) Particule enclitique dejdaj(tejta) « et aussi ». Plutôt qu'une conjonction proprement dite, c'est un ancien adverbe

(dahi « aussi » ; cf. daha « encore, plus ») contracté en de, inaccentué (enclitique), provoquant donc l'apparition d'un accent tonique sur la syllabe qui le précède, subissant l'harmonie vocalique et, facultativement, l'assourdissement de d en t après consonne sourde (p, t, k, ç,f, s, h, ş), d'où les 4 formes sus-mentionnées ; il se place, comme une post-position, après le mot qu'il s'agit de relier au contexte précédent, et doit s'écrire séparé, bien qu'il fasse corps dans la prononciation avec le mot précédent (cette prescription orthographique, bien utile pour le distinguer du locatif -de, est hélas souvent négligée). Dans l'usage oral, c'est son caractère inaccentué qui le distingue de -de locatif accentué : év de « la maison aussi », evdé « dans la maison ».

Il peut avoir un sens fort : « et aussi », « et même » : Mehmet akıllı, babası da « Mehmet est intelligent, et son père aussi » ; Danimarka'da, yalnız erkekler değil, kadınlar da puro içer « au Danemark, non seulement les hommes (mâles), mais même les femmes fument le cigare ».

Il peut aussi s'employer avec une valeur atténuée « et » : bu ev büyük, güzel de a cette maison est grande et belle » ; Mehmet de Mustafa da geldiler « Mehmet et Moustafa sont venus » ; dans cet emploi, s'il relie deux verbes, de peut, contrairement à la règle générale, se placer entre eux ; geldi de gitti « il est venu et reparti » ; baktı da kaçtı « il a regardé et s'est enfui » ; gördük te anladık «nous avons vu et compris». (Voir aussi c et d, ci-après.)

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c) hem..,, hem (de)... « à la fois... et... » Le second hem peut être, ou non, suivi de la particule de étudiée ci-

dessus : bu ev, hem büyük, hem de sağlam « cette maison est à la fois grande et solide » ; hem sizi, hem beni istiyorlar « ils nous réclament, et vous, et moi » ; hem gülüyor, hem ağlıyor « il rit et pleure à la fois ». (Employé seul et en début de phrase, hem signifie « d'ailleurs » : Sizi aldatmış. Hem ben size söylediydim « Il vous a trompé. D'ailleurs, je vous l'avais dit »).

d) ne..., ne (de)... « ni..., ni... ». Ici encore, la particule de est facultative après le second ne. Dans la

langue correcte, cette double négation, héritée du persan (langue indoeuropéenne, cf. latin nec, français ni), suffisant à nier par elle-même, ne doit pas être suivie du verbe négatif (non plus que de la négation nominale değil) : o herif, ne akıllı, ne de çalışkan « cet individu n'est ni intelligent, ni travailleur » ; ne et ne balık yerler « ils ne mangent ni viande, ni poisson » ; ne okur ne yazar « il ne lit ni n'écrit ». La langue populaire transgresse parfois cette règle. On peut, même dans le style correct, employer une forme négative du verbe si elle est, par ailleurs, exigée par l'emploi d'un mot comme hiç « rien », qui, lui, exige absolument d'être associé à un verbe négatif : ne et, ne sebze, hiç bir şey yemedi « il n'a rien mangé, ni viande, ni légumes ».

On peut, par ailleurs, rendre le sens de « ni..., ni... » en joignant deux expressions négatives par la particule de « aussi » (« non plus » dans un contexte négatif) : bakmaz, dinlemez de « il ne regarde ni n'écoute » ; o herif, çalışkan değil, akıllı da değil « cet individu n'est pas travailleur ; il n'est pas non plus intelligent ». Il peut même suffire d'une expression négative, la seconde étant sous-entendue : et yemedi, sebze de « il n'a pas mangé de viande ; de légumes non plus » ; Mehmet okumaz, Mustafa da « Mehmet ne lit pas ; Moustafa non plus ».

La négation ne ne doit pas être confondue avec ne ? interrogatif (marqué par son intonation interrogative) : ne okur, ne yazar « il ne lit ni n'écrit » ; né okur, né yazar ? « que lit-il, qu'écrit-il ? ».

2° CONJONCTIONS ALTERNATIVES.

a) ya, veya, yahut, ve yahut « ou », « ou bien ». La conjonction y a, d'origine persane, qui ne doit pas être confondue

avec l'exclamation turque ya ! « eh bien ! » ou « bien sûr ! », apparaît sur-

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tout dans l'emploi redoublé : y a bu, y a şu ! « c'est ceci, ou cela ! » ; y a Ali gelecek, ya Mehmet « ou Ali viendra, ou Mehmet » ; ya kalsın, ya gitsin ! « qu'il reste, ou qu'il parte ! ».

Dans l'emploi non redoublé, elle est généralement renforcée par ve «et » : veya « ou » ; elle peut l'être aussi par -hut (« même », du persan höd) : yahut « ou même », « ou bien » ; dans la langue écrite, on trouve aussi le double renforcement : ve yahut : su veya kahve getir ! « apporte de l'eau ou du café ! » ; bu akşam, sinemaya yahut tiyatroya gideceğiz « ce soir, nous irons au cinéma, ou bien au théâtre » \fr ansızca romanlar veyahut şiirler okurdu « il lisait des romans français, ou encore des poésies ». On rencontre également la combinaison : ya...t yahut... : ya gel, yahut git! « ou viens, ou pars ! ».

b) yoksa « sinon », « ou bien ». C'est le prédicat nominal de non-existence yok (cf. chapitre X, F), suivi

du suppositif ise : « s'il n'y a pas » = « sinon » ; il est accentué sur la première syllabe. Sa signification en principe exclusive (« sinon ») s'atténue en un simple sens alternatif : sén bana gelmiyeceğini söylemedin, yoksa sinemaya giderdim « tu ne m'as pas dit que tu ne viendrais pas ; sinon, je serai allé au cinéma »; tiyatroya mı gideceğiz, yoksa sinemaya mı? « irons-nous au théâtre ou au cinéma ? ».

C'est normalement yoksa qui est employé pour une interrogation alternative : oğlan mı, yoksa kız mı ? « est-ce un garçon, ou une fille ? ». En fin de phrase int errogative, yoksa signifie « ...par hasard ? » : anladı mı yoksa? « aurait-il compris, par hasard ? » ; hasta mısın yoksa ? « serais-tu donc malade ? »

c) ister..., ister... « ou bien..., ou bien... ». C'est l'aoriste du verbe iste- « vouloir », dans un emploi invariable et

redoublé : ister gel, ister git ! « ou bien viens, ou bien pars ! » (« à volonté ») ; ister yaz, ister yazma ! « écris ou n'écris pas ! »

d) ...olsun, ...olsun «soit..., soit...». Cette 3 e personne du singulier de l'impératif du verbe ol- « être » a une

valeur semblable à celle du français « soit » ; elle doit suivre chaque membre de l'alternative : kahve olsun, su olsun, bir şey içelim ! « buvons quelque chose, soit du café, soit de l'eau ! ».

Cette locution peut aussi signifier « aussi bien... que... » : zengin olsun, fakir olsun, herkes ölür « que ce soient les riches ou les pauvres, tout le

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monde meurt », « tout le monde meurt, aussi bien les riches que les pauvres ».

e) gerek(se)..., gerek(se)... ce aussi bien... que... ». Le mot gerek signifie « nécessaire » (cf. aussi le verbe gerek- « être néces

saire ») ; mais dans cet emploi, où il peut être suivi du suppositif ise (« s'il le faut »), enclitique (accent sur rek), il a un sens très semblable à celui de la locution étudiée ci-dessus, d, « soit..., soit... », ou plus souvent encore « aussi bien... que... » : gerek zengin, gerek fakir, herkes ölür, même sens que ci-dessus.

f) gâh... ,gâh... «tantôt..., tantôt...». Cette double conjonction est empruntée au persan, et plutôt littéraire :

gâh İstanbul'da oturur, gâh Ankara da «il demeure, tantôt à Istanboul, tantôt à Ankara » (Alternative temporelle). La langue populaire, utilisant kimi..., kimi... « l'un..., l'autre... » (cf. chapitre VI, C) avec vakit « temps », la remplace par la locution : kimi vakit..., kimi vakit... : kimi vakit istanbul'da, kimi vakit Ankara'da oturur, même sens.

3° CONJONCTIONS ADVERSATIVES.

a) am(m)a « mais ». Empruntée à l'arabe, cette conjonction est très usitée, jusque dans les

parlers populaires, où elle a toujours la forme avec un seul m, ama (dia-lectalement : eme) : çirkindir, ama kuvvetli « il est laid, mais fort » ; söylemiş, ama işitmedim « il l'a dit, mais je n'ai pas entendu » ; dans cet emploi, similaire à celui du français « mais », en tête du 2e terme de l'opposition, âm(m)a est accentué sur la première syllabe.

Mais ama peut aussi être lié dans la prononciation au terme précédent, et devient alors une particule inaccentuée (enclitique), comme de (plus haut, i°, b), l'accent portant sur la syllabe précédente : söylemiş ama, işitmedim (même sens que ci-dessus) ; cet emploi est le plus fréquent dans la langue parlée. Il permet aussi la présence de ama en fin de proposition, avec une valeur exclamât ive : görmedim ama ! « mais je ne l'ai pas vu ! » ; görmedim, işittim ama! « je ne l'ai pas vu ; mais je l'ai entendu ! ».

b) fdkat « mais ». Cette conjonction (arabe faqat « seulement »), accentuée sur la première

syllabe, a les mêmes emplois que « mais » en français et est très usitée, notamment pour opposer deux propositions ou deux phrases, ou encore

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après une négation : çirkindir, fakat kuvvetli « il est laid, mais fort » ; görmedim, fakat işittim « je n'ai pas vu, mais j'ai entendu ». La langue littéraire archaïsante peut employer en tête de phrase : ve fakat « mais, cependant... ».

c) lâkin « mais ». De l'arabe ; plutôt littéraire ; accent sur la première syllabe ; mêmes

emplois que « mais » en français : farsça bilir, lâkin arapça bilmez « il sait le persan, mais il ne sait pas l'arabe », etc.

d) âncak et yâlnız « seulement », « mais ». Ces deux adverbes turcs, accentués sur la première syllabe, signifient

d'abord « seulement » (« ne... que... ») : ancak türkçe bilir «il ne sait que le turc » ; yalnız sebze yerler « ils ne mangent que des légumes » {yalnız,

. accentué sur la finale, est adjectif et signifie « seul » : yalnız geldi « il est venu seul»). Du sens de «seulement», on passe, comme en français, à celui de « toutefois », « cependant », « mais » : Mehmet akıllıdır, ancak çalışkan değil « Mehmet est intelligent, seulement, il n'est pas travailleur » («..., mais il n'est pas travailleur ») ; türkçe iyi bilir, yalnız telâffuzu kötü « il sait bien le turc, seulement (mais) sa prononciation {telâffuz) est mauvaise ».

B) CONJONCTIONS DE SUBORDINATION

i° CONJONCTION ENCLITIQUE ki.

Ses emplois sont empruntés à ceux de la conjonction persane ke ; mais sa forme a subi une contamination avec l'interrogatif-indéfini turc kim « qui ? » (cf. chapitre VI, C) ; en ottoman classique, cette conjonction apparaît indifféremment sous les formes ki et kim ; cette dernière subsiste encore dialectalement (ainsi que dans la conjonction composée, nitekim, cf. ci-après, 2°).

La conjonction ki (qu'on ne doit pas confondre avec le pronom-suffixe -ki[n], cf. chapitre VI, E) n'est pas accentuée ; elle est rattachée dans la diction (mais non dans l'écriture) au mot qui la précède, avec apparition d'un accent tonique sur la dernière syllabe de ce mot.

a) emploi complétitif : La conjonction ki, incorporée à la fin de la proposition principale, sert

à annoncer une proposition complétive (français : « que... »), spécialement

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après des verbes exprimant la parole ou la pensée : dedi ki, vaziyet iyileşmektedir « il a dit que la situation est en train de s'améliorer » ; düşündüm ki, çok dikkat etmek lâzım « j'ai pensé qu'il fallait faire très attention » {lâzım « nécessaire » : proposition nominale !).

Les propositions complétives annoncées par ki peuvent, certes, se traduire par des propositions françaises avec « que... », au style indirect, mais il ne faudrait pas croire qu'elles en sont exactement l'équivalent ; en effet, après ki, le contenu des paroles ou des pensées annoncées est le plus souvent exprimé au style direct, si bien que ki a pour équivalent français, non pas « que », mais deux points suivis de guillemets : dedi ki, hava güzel, bu gün öğleden sonra parkta dolaşacağım « Il a dit : « Aujourd'hui, il fait beau ; cet après-midi, je vais me promener dans le parc ». Il convient de se méfier des erreurs de personne qu'entraînerait en français la traduction mécanique de telles phrases avec « que » : « Il a dit que je me promènerai dans le parc » serait, pour la phrase précédente, un contresens. Il est donc recommandé, chaque fois que le contexte le permet, d'interpréter au style direct l'énoncé qui suit ki, et de ne passer qu'ensuite, si toutefois cela semble préférable pour le style, à sa transposition en style indirect, avec les changements de personne, de temps, ou de mode que cela peut exiger en français.

Comparer ce qui a été dit à propos de diye (chapitre XXI, A, 2°). Noter que les constructions avec ki et diye, qui reviennent au même dans l'usage complétif, ne peuvent se cumuler.

b) emploi final : Suivi de Y optatif ou de V impératif aux personnes autres que la 2e, ki

signifie « afin que... » : anlat ki, anhyayim! « explique, pour que je comprenne ! ».

c) emploi consécutif : C'est la conjonction ki (toujours rattachée à la fin de la proposition

principale) qu'on doit employer comme équivalent de « que » français dans des expressions signifiant «tel que...», «tellement que...», « à ce point que... », «si bien que... », etc.

Dans cet emploi, ki est habituellement annoncé par o kadar « tellement », o derece « à ce point », öyle « tel », et expressions de sens analogue, ou par un démontratif, ou encore par bir :

o kadar koştu ki, yoruldu « il a tellement couru, qu'il est fatigué » ; o

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derece akıllıdır ki, her şeyi anlar « il est si intelligent, qu'il comprend tout » ; {öyle) bir pasta yedik ki, bayıldık « nous avons mangé un gâteau tel, que nous nous (en) sommes pâmés » ; adam ki herkesle kavga eder, dostsuz kalır « un homme tel, qu'il se dispute avec tout le monde, reste sans amis ».

Ce dernier exemple montre que ki peut signifier « qui est tel que... », ce qui lui confère un rôle relatif-consécutif parfois voisin de celui du relatif ordinaire (« un homme qui se dispute avec tout le monde reste sans amis ») ; mais il y a toujours, dans ces cas d'emploi relatif de ki, une. nuance consécutive, fût-elle légère. Les étrangers commettent souvent des erreurs à cet égard, en se servant de ki comme du relatif d'une langue occidentale ; il faut éviter cet emploi abusif.

d) emploi exlamatif : En fin de phrase, ki, précédé d'un accent tonique fort sur la syllabe

antérieure, donne à l'énoncé une valeur exclamative : «eh quoi... ! », ou «mais... ! », ou «eh bien... ! », ou «c'est que... ! » (à l'origine, on sous-entend une consécutive) : koş ! sen ihtiyar değilsin ki I « cours ! eh quoi, tu n'es pas si vieux ! (sous-entendu : que tu ne puisses courir) » ; bilmiyorum ki!«c'est que je n'en sais rien ! » (si bien que je ne peux vous renseigner).

2° CONJONCTIONS DÉRIVÉES DE ki.

Elles sont toutes accentuées sur Y avant-dernière syllabe, celle qui précède ki (ou kim dans nitekim, où a subsisté la confusion entre ki et kim signalée plus haut, B, i°).

a) ta ki « jusqu'à ce que » et « afin que » : yedi, yedi, yedi, tâki çatladı « il a mangé tellement qu'il a éclaté » ;

açık söylüyorum, ta ki herkes anlasın « je parle franchement, afin que chacun comprenne » (on néglige souvent le circonflexe sur ta, qui cependant est toujours prononcé avec voyelle longue; mot persan).

b) çünkü (de çûn-ki) « parce que » : gidemedim, çünkü işim vardı « je n'ai pu (y) aller, parce que j'avais du

travail » ; très usité ; parfois post-posé, avec valeur d'explication exclamative : bir söz söylemedi ; gücendi, çünkü! « il n'a pas dit un mot : c'est qu'il est vexé ! »

c) mademki « du moment que », « puisque » : mademki istemiyorsun, gelme ! « puisque tu ne veux pas, ne viens pas ! »

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d) nasıl ki et nitekim << ainsi que », a de même que » : gördüm, nasıl ki siz de gördünüz « je (l')ai vu, ainsi que vous l'avez vu » ;

gördüm, nitekim siz de gördünüz, même sens. e) vakta ki, ou ne vakit ki, ou ne zaman ki « au moment où » : vakta ki padişah geldi, yeniçeriler bağırmaya başladılar « quand le

Sultan arriva, les janissaires se mirent à crier»; les tournures avec ne vakit ki ou ne zaman ki tendent à être abandonnées.

f) halbuki « il n'en est pas moins vrai que... » : Cette conjonction signifie « la situation {hal) est ceci, que... » ; mais elle

a maintenant le sens de « cependant » ; Mehmet az para kazanıyor ; halbuki çok çalışıyor « Mehmet gagne peu d'argent, et pourtant il travaille beaucoup » ; halbuki peut commencer une phrase, avec le sens de : « Toutefois... ».

3° AUTRES CONJONCTIONS DE SUBORDINATION.

a) zira « parce que », « car » : Acceftt sur la première syllabe ; voyelle longues ; cette conjonction

(persane) est surtout littéraire ; elle a la même valeur que çünkü (ci-dessus, 2°, b) : vezir korkmuştu, zira yeniçeriler ayaklanmak üzre idiler « le vizir avait peur, car les janissaires étaient sur le point de se révolter ».

b) eğer « si » : Cette conjonction (persane) est superfétatoire, et n'ajoute rien, pour

le sens, aux formes en -se du verbe (cf. chapitres XIII, 90 et XV, 30), quelle ne dispense nullement d'employer pour exprimer une hypothèse. Elle prend place généralement au début de la proposition hypothétique, mais peut aussi être placée à la fin ; elle appartient surtout à la langue écrite :

eğer bunu görseydiniz, çok memnun olurdunuz « si vous aviez vu cela, vous eussiez été très content » ; eğer vient en fin d'énoncé si la proposition hypothétique se trouve rejetée après la principale ; çok memnun olurdunuz, bunu görseydiniz eğer, même sens (tournure plus proche de la langue parlée : « vous auriez été content, si vous aviez vu ça ! »).

c) gerçi et her ne kadar « quoique » : Originellement, eger-çe « même si », du persan (cf. la précédente) ; sous

la forme turquifiée gerçi, cette conjonction signifie « bien que », « quoique » ; elle tombe en désuétude ; ellç peut être remplacée par her ne kadar

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« quoique » ; dans ce dernier cas, construction avec Y hypothétique en -se du verbe : her ne kadar ısrar ettiysem, kabul etmedi « quoique j'aie (beaucoup) insisté, il n'a cependant pas accepté»; gerçi ısrar ettim.,., même sens.

d) meğer « à moins que », ou « or » : Étymologiquement, négation (persane) de eger « si... ne... pas » ; comme

conjonction turque : « sauf si », « à moins que » (avec l'optatif ou l'hypothétique) ; également sous la forme meğer ki : bu iş bitmiyecek, meğer (ki) siz de yardım edesiniz « ce travail n'en finira pas, à moins que vous m'aidiez, vous aussi ».

Mais le sens le plus courant de meğer est « or » (pour introduire une révélation surprenante) ; dans cet emploi, meğer peut être rejeté à la fin de la proposition : meğer dolabın altında bir kedi gizlenmiş, ou dolabın altında bir kedi gizlenmiş meğer « or, un chat s'était caché sous l'armoire ».

e) kaçan ou haçan « lorsque » : Dialectal. Dans la langue littéraire, très archaïque.

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XXIII. INTERJECTIONS, GESTES, FORMULES DE POLITESSE

A) INTERJECTIONS

En turc comme dans toute langue, une partie des interjections, proches du cri, sont soumises à des variations individuelles de forme et d'emploi. Il ne saurait être ici question de les examiner toutes. Nous nous bornerons à signaler celles qui sont bien fixées par l'usage, et qui ont des valeurs caractéristiques.

i° INTERJECTIONS D'APPEL.

a) a! et e! Ces deux interjections, outre leur emploi indépendant, sont suscep

tibles d'être utilisées comme enclitiques post-posés à des noms (accent sur la syllabe qui les précède) : M émet a ! « eh, Mehmet ! » ; ou M émet e ! (tendance à l'harmonie vocalique). Dialectal.

Avec la 2e pers. du sg. ou du pi. de l'hypothétique, on a : gelsen e! t< viens donc, toi ! », qui finit par devenir une véritable forme d'impératif renforcé de la 2e personne, avec harmonie vocalique : gelsene ! mais kaisana ! « reste donc ! » {kal-) ; il y a donc apparition d'un nouveau suffixe d'impératif : -séné; 2e pi. : -seniz e!

Avec une intonation hésitante, e ! exprime l'incertitude ou la résignation.

b) ey ! C'est l'interjection d'appel de la langue littéraire (également arabe et

persane) : ey sâki ! « ô échanson !» ; de ey oğul ! « ô, fils ! », on a mainte-tenant : ayol ! « dis donc ! » (familier).

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c) hay ! et hey ! Employées seules : appel, « hola ! », ou jurons. Suivie de de enclitique

(cf. chapitre XXII, A, i°, b) : hâyde !, hdydi /, lidde ! hâii ! « allons ! », avec valeur incitative ; très fréquentes. Hay hay ! (redoublée) = acquiescement, voir ci-après, 40, b.

d) yahu! Interpellation très familière (cf. hu ! cri d'appel, surtout féminin) ; dans

l'ordre inverse des syllabes, yuha! sert à conspuer. e) be! ou bre! Du grec more ! « fou » ! ; interpellation brutale.

20 INTERJECTIONS AFFECTIVES.

Soumises à bien des variations. Citons : â ! (étonnement, impatience) ; ay ! et vay ! (douleur, surprise, frayeur) ; âh ! (peine, regret : ah et- « soupirer ») ; vahl et eyvah! « malheur ! » ; 0! (surprise) ; oh! (contentement, notamment quand on rencontre un ami) ; of ! (découragement, plainte) ; uf! (impatience) ; öf! « pouah ! » (dégoût), etc.

30 INTERJECTIONS DÉMONSTRATIVES.

Monosyllabique : ha ! « tiens ! » (mais, avec redoublement, valeur d'identification : ha hoca Ali, ha Ali hoca « c'est le hodja Ali ou Ali-hodja » = bonnet blanc et blanc bonnet). De deux syllabes, avec accent sur la première : işte « voici ! », « voilà ! » ; imdi, indi « alors ! » ; gel indi ! « viens donc ! ».

40 INTERJECTIONS AFFIRMATIVES.

a) ya ! «< oui ! », « bien sûr ! » ; mais peut aussi prendre, selon l'intonation, une valeur interrogative : ya yağmur yağarsa P « et s'il pleut ? (que ferons-nous ?) », ou de renforcement de l'interrogation :ya ! geliyor mu ? ou geliyor mu, ya ? « est-ce qu'il vient, donc ? ».

b) hay hay! « bien sûr ! », « volontiers ! », « d'accord ! ». Exprime l'acquiescement, avec une nuance d'empressement. c) evet! « oui ! » (forme normale d'affirmation).

50 INTERJECTIONS NÉGATIVES.

a) yok ! (cf. chapitre X, F) ou yô !, yoo ! « non ! » ; populaire, moins distingué que la suivante (en principe !).

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b) hayır ! « non ! », forme de poiitesse (hayır, mot arabe, signifie « bon.» : on dit « bon ! » pour ne pas dire « non ! » : vestige de la célèbre politesse ottomane !),

6° CLIC NÉGATIF : T... « non ! ».

Ce son, inverse d'une consonne T (produit comme T, mais en inspirant l'air !), est la façon la plus courante de dire « non », aussi bien en Turquie que dans tout le Moyen-Orient. Il s'accompagne souvent d'un mouvement, vers le ciel, de la tête ou des yeux.

B) GESTES

Il ne saurait être question d'étudier ici tous les gestes en usage en Turquie. Nous voulons seulement attirer l'attention sur le fait que le langage gestuel est, lui aussi, en grande partie conventionnel, et que la valeur d'un geste turc n'est pas forcément la même que celle d'un geste français.

Pour acquiescer, ou marquer sa satisfaction, on incline la tête de haut en bas.

Pour dire « non ! », on lève la tête ou les yeux vers le ciel, avec ou sans prononciation du «clic» négatif (cf. ci-dessus, A, 6°).

Pour appeler, ou dire « approchez ! », on tend le bras en avant, la paume de la main vers le sol, les doigts repliés à angle droit, puis on rapproche la main de l'épaule.

Pour saluer, on porte la main au front (ou sur le cœur, en signe d'affection).

Dans l'usage traditionnel, délaissé par les modernistes, le baise-main fait en posant le front sur la main d'autrui après l'avoir effleurée des lèvres, est, sans distinction de sexe, une marque de profond, respect, envers les personnes âgées surtout.

Divers gestes qui peuvent sembler étranges à un Occidental (par exemple, faire semblant de crachoter) ont pour but d'écarter la malchance, le « mauvais-œil » (nazar, ou göz « l'œil »), sans aucune intention déplaisante.

D'une manière générale, tant qu'on n'a pas une certaine expérience

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de la vie turque, il faut se garder d'interpréter les gestes turcs en fonction des habitudes occidentales, et être circonspect dans ses propres gestes, qui peuvent être mal compris.

Une observation attentive des gestes et des mimiques permettra d'ailleurs d'en acquérir assez vite la compréhension. Naturellement, en Turquie comme ailleurs, les coutumes gestuelles varient sensiblement selon les milieux et les niveaux culturels, de même qu'elles varient selon l'âge et le sexe.

C) FORMULES DE POLITESSE

Il y a coexistence d'anciennes formules héritées de l'époque ottomane, d'expressions islamiques (empruntées à l'arabe), et de tournures modernes de création récente, plus ou moins calquées sur des usages occidentaux.

Nous devons ici nous limiter à passer rapidement en revue les expressions les plus courantes :

i° SALUT, ACCUEIL, DÉPART, ETC.

Merhaba/ « bonjour ! », ou Günaydın! (le premier peut être dit en tout temps, le second seulement de jour : gün « jour », aydın « brillant »). Salutation islamique : Selâm aleyküm « le Salut soit sur vous ! » (on répond : Aleyküm selâm). En général, selâm! = « salut! », est employé pour adresser des salutations à des absents.

Hoş geldin(iz) ! « Sois (soyez) le(s) bienvenu(s) !» ; on doit répondre : — Hoş bulduk ! (« nous avons trouvé agréable (votre accueil) »).

Nasılsın(ız) ? Iyi misin(iz) ? « Comment allez-vous ? Allez-vous bien? ». Réponse classique : — Teşekkür ederim « Merci ! » (éventuellement, on ajoute : iyiyim «je vais bien») ; réponse islamique : —Elhamdülillah! « Grâce à Dieu (sous-entendu : je vais bien) ! », ou — Hamd olsun ! (même sens).

Buyur ! (tutoiement) ou Buyurun(uz) ! littéralement : « Ordonnez ! » (« je suis à vos ordres ») ; s'emploie pour inviter à s'asseoir, ou pour offrir quelque chose, ou pour se mettre à la disposition de l'interlocuteur.

Rica ederim! «je vous prie ». Mersi! ou Teşekkür ederim! « merci ! ». Affedersiniz ! « excusez i » — Bir şey değil ! « ce n'est rien ! »

Efendim ? « plaît-il ? » (pour faire répéter). Lütfen «s'il vous plaît».

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— Estağfurullah ! (formule islamique : Dieu pardonne !) ; se dit pour protester, par politesse, contre un remerciement ou des éloges, ou contre des paroles auto-critiques de l'interlocuteur : « je vous en prie ! » ou « vous vous calomniez ! ».

Autres expressions islamiques : Maşallah ! (« ce que Dieu veut ») = <( c'est bien ! » ou « félicitations ! » ou « bravo ! » ; inşallah ! (« si Dieu le veut ») = « espérons ! » ou « peut-être ! ».

Müsaadenizle... « avec votre permission » (se dit avant de partir). Allaha ısmarladık! «au revoir!» («nous (vous) avons recommandé à Dieu»), dit celui qui s'en va. On répond : — Güle güle ! « au revoir ! (littéralement : en souriant) ! ».

2° TITRES ET APPELLATIONS.

Depuis les réformes républicaines, il n'existe que deux appellations officielles : Bay « Monsieur » et Bayan « Madame » ou « Mademoiselle », qui se placent avant le nom propre, comme en français.

Mais on utilise très couramment (plus couramment que les premiers, dans la conversation) les appellations traditionnelles, placées après le nom propre : hanım « Madame » ou « Mademoiselle » ; bey « Monsieur » (pour les fonctionnaires, intellectuels, et gens d'assez haut niveau social) ; efendi « Monsieur » (pour les hommes du peuple qui savent lire et écrire) ; usta « Maître », pour les artisans (non apprentis) ; çavuş « Sergent », pour les (anciens) sous-officiers, etc. On entend encore même paşa, bien que le titre soit officiellement aboli, après le nom de certains généraux. Dans la combinaison « Nom propre + Titre », seul le titre se décline : Ali usta ! (pour appeler) ; Ali ustayı çağırdım «j'ai appelé M. Ali».

Pour s 'adresser aux gens, on emploie indifféremment : Efendim /, qui signifie « Monsieur ! », « Madame ! » ou « Mademoiselle ! » et peut être dit à tout le monde. Pour les dames, on peut aussi dire : Hanım ! ou Hanımefendi /, ce dernier tendant à être prononcé « Hamfendi ! » ; pour les jeunes demoiselles : Küçük Hanım! Pour les hommes de rang élevé : Bey! ou Beyim! (ou même Paşam! pour un général), ou encore Beyefendi !

C'est surtout en milieu populaire urbain qu'on dit : Bay ! ou Bayım ! « Monsieur », Baylar ! « Messieurs », et Bayan ! « Madame ! », « Mademoiselle ! ».

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A la campagne, les gens aisés ou riches sont dotés du titre d'ağa « agha » (après le nom propre) : Mehmet ağa.

Les noms de famille, dont la généralisation est encore très récente, ne sont pas habituellement employés dans la conversation ni dans l'appellation directe : en parlant d'une dame nommée Bayan Fatma Aksel, et en s'adressant à elle, on dira « Fatma Hanım » (ou « Fatma » si on ne veut pas marquer un respect affirmé). Cet état de choses explique que les Turcs appellent volontiers les étrangers par leur prénom, qu'ils considèrent comme le nom véritable (le nom de famille ayant surtout un usage om-' ciel et administratif).

3° FORMULES ÉPISTOLAIRES.

Sur l'enveloppe : Bay... ou Bayan..., éventuellement précédés, comme marque de respect, de Sayın « Honorable ».

Au début de la lettre, Sayın Bay ! ou Sayın Bayan ! ont quelque chose d'officiel et d'administratif ; on préfère dans la pratique : Muhterem Efendim! « Honorable M. (ou Mme, ou Mlle) », ou Sevgili Efendim! « Cher... », ou Aziz ve muhterem Efendim! « cher et honorable... », ou Sayın (ve sevgili) Efendim! « Honorable (et cher) M. (ou Mme, ou Mlle) », etc.

A la fin de la lettre, les formules les plus courantes se terminent par : sunarım «je présente » (sun-) ; ainsi : selâmlarımı sunarım « je (vous) présente mes salutations»; ou hürmetlerimi (ou saygılarımı) sunarım « ...mes respects » ; ou sevgilerimi sunarım « ...mes affections» ; si l'on cumule plusieurs de ces expressions, on les réunit par ile, -(y)le « avec », « et » : en samimî selâmlarımla derin saygılarımı sunarım «je (vous) présente, avec mes salutations les plus sincères, mes respects profonds ». Dans un style moins moderne, on peut employer, au lieu de sunarım : takdim ederim (construit de la même façon, avec l'accusatif).

On peut faire précéder la signature de Sizin... « Votre... ».

4° POLITESSES DIVERSES.

On peut, par respect pour l'interlocuteur, parler de soi-même à la i r e personne du pluriel, ou en s'appelant : bendeniz « votre serviteur » (persan : bende) ; cet usage est assez fréquent.

« Meilleure santé ! » se dit : Geçmiş olsun ! « que ce soit passé !» ; on

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emploie aussi cette formule pour souhaiter « Meilleure chance ! » après un ennui.

Güle güle + Impératif s'emploie comme formule de félicitations pour quelqu'un qui a un objet neuf : güle güle giyiniz! pour un vêtement ; güle güle kullanınız ! pour un instrument ; güle güle oturun ! pour une maison, etc.

Afiyet olsun! = « bon appétit ! ». Kolay gelsin ! s'emploie pour souhaiter bon courage et heureuse réus

site à quelqu'un qui accomplit une tâche (« que cela vienne facilement! »). Etc., etc. (formules très nombreuses).

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XXIV. VESTIGES GRAMMATICAUX DE L'OTTOMAN CLASSIQUE

Pendant des siècles, les lettrés turcs, sous l'influence de la culture islamique arabo-persane, ont écrit une langue composite, l'ottoman classique (en caractères arabes), où figurait, dans un cadre grammatical turc et à côté d'un vocabulaire turc plus ou moins étendu, une masse énorme d'expressions arabes et persanes.

Aujourd'hui, la politique culturelle de la République de Turquie tend au contraire à l'élaboration d'une langue écrite purement turque (öz türkçe), en remplaçant le plus possible de termes arabes ou persans par des mots pris au vocabulaire turc proprement dit, ou par des néologismes formés sur des radicaux turcs.

Mais il subsiste, en plus ou moins grande quantité selon les auteurs (davantage chez les plus âgés, ou les plus fortement imprégnés de traditions islamiques), un ensemble de formes arabes et persanes dont la compréhension exige parfois la connaissance de certaines particularités grammaticales de l'arabe ou du persan.

Nous nous bornerons ici à signaler les plus importantes :

A) QUELQUES FAITS DE MORPHOLOGIE ARABE

i° Pluriels :

On trouve en turc très peu de pluriels arabes masculins « externes », avec suffixe : -în (mümin « croyant », müminin « les croyants = les musulmans ») ; plus nombreux sont les pluriels arabes féminins « externes », avec suffixe : -ât (souvent écrit : -at) qui, ou bien s'ajoute à un radical terminé par une consonne, ou bien se substitue à une terminaison arabe

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en -at (ou -a après chute de t), devenue dans les emprunts turcs : -et, -at, -e, ou -a : teşkil « formation », teşkilât « organisation » (les pluriels arabes n'ont plus forcément un sens pluriel en turc !) ; münasebet « relation », münasebât « relations, analogies » ; hareket « mouvement », harekât « mouvements » ; muhasebe « compte, comptabilité », muhasebat « comptes », etc.

Assez nombreux sont encore les pluriels arabes « internes », c'est-à-dire formés, selon un procédé caractéristique des langues sémitiques, par des modifications de voyelles, seules les consonnes constituant la racine : küâb (kitap) « livre », pluriel : kütüb (kütüp), par exemple dans le composé arabo-persan kütüp-hane « maison des livres = bibliothèque » ; âlim « savant », pi. ulemâ « les savants, les docteurs de la Loi, les ulémas » ; fik(i)r « pensée », pi. efkâr « opinion » ; sefine « vaisseau », pi. sefain, etc.

Beaucoup de pluriels arabes sont utilisés par les Turcs comme singuliers :fukara « un pauvre » (pi. de fakir « pauvre ») ; tüccar « commerçant » (pi. de tâcir) ; talebe « étudiant » (pi. de tâlib), etc.

2° Féminins :

Des noms terminés par une consonne ont un féminin en -a(t), qui devient en turc : -et, -at, plus souvent -e, -a : râhib « moine (chrétien) », rahibe « nonne ».

Encore assez fréquents sont les féminins arabes en -iye(t) (-iyât au féminin pluriel), avec souvent une valeur d'abstraction, formés à partir des adjectifs arabes en -î : ilâh « divinité, dieu », ilâhî « divin » (et « cantique »), ilâhiyet « caractère divin », ilâhiyât « théologie » ; umum « communauté, ensemble », umumî « général », fém. umumiye comme adjectif, et umumiyet comme nom abstrait « généralité » : umumiyetle « en général », etc.

3° Adverbes :

Des mots arabes au cas adverbial en -an (-â) sont encore assez fréquents en turc, où ils apparaissent avec des finales -en, -an ou -â (noté -a) : fi'l (fiil) « acte » (et « verbe »), fîlen (filen) « en fait, effectivement » ; tercih « préférence », tercihan « de préférence » ; mutlak « absolu », mutlaka « absolument », etc.

Remarque : La morphologie persane a laissé beaucoup moins de traces dans le turc contemporain ; les pluriels persans en -ân (mebus « député »,

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mebusân « les députés », au xixe siècle) sont rares et désuets ; seuls quelques suffixes persans restent en usage : -ce diminutif {kitap-çe « petit livre, opuscule »), et surtout -âne (écrit -ane, mais on prononce la voyelle a longue !) qui forme un assez grand nombre d'adverbes : dost « ami », dostane « amicalement » ; muhafazakâr « conservateur », muhafazakâr ane « d'une manière conservatrice » ; le turc, qui distingue assez peu l'adverbe de l'adjectif, utilise d'ailleurs adjectivement ces adverbes : dostane bir mektup « une lettre amicale » ; muhafazakâr ane bir fikir « une pensée conser-, vatrice ».

B) CONSTRUCTION PERSANE AVEC -i ENCLITIQUE DE LIAISON

Le persan possède une construction avec -e inaccentué (-i dans la prononciation turque traditionnelle du persan), qui a pour fonction de relier : i° un nom à un nom suivant, complément du premier ; 2° un nom à un adjectif suivant, épithète de ce nom. Cette construction s'est introduite massivement dans l'ottoman classique, où elle est nommée izâfet « liaison», ou terkîb « composition ». Il en subsiste des vestiges.

Le -i atone (enclitique) en question, qui provoque l'apparition d'un accent tonique sur la syllabe qui le précède, tend à devenir dans la prononciation turque moderne un suffixe enclitique -(y)i, semblable à celui de l'accusatif à son accentuation près, et qui suit souvent Y harmonie voca-lique.

i° Nom + Complément du nom.

Les deux noms ainsi reliés doivent, en principe, être persans ou arabes, mais non turcs d'origine : avec les mots persans âb « eau », ru « visage », der « porte », et les mots arabes : hayât « vie », seadet « félicité », on a les expressions : âb-i ru, abıru « eau du visage » = « honneur » ; âb-i hayât, abıhayat « eau de jouvence », Der-i Seadet « la Porte de Félicité » = Istan-boul ; hayât-i seadet « vie de félicité ».

2° Nom -\- Adjectif épithète.

Cette fois encore, le vocabulaire utilisé doit, en principe, être arabe ou persan. Quand le nom et l'adjectif sont tous deux arabes, la construction

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se complique d'une application des règles arabes d'accord de l'adjectif avec le nom qu'il qualifie : si le nom est masculin singulier, l'adjectif est sous sa forme masculine en 4 ; si le ncm est féminin singulier (en -et, -at, -e, -a) ou féminin pluriel (en -ât) ou, ce qui paraît étrange aux habitués des grammaires occidentales, masculin pluriel, dans ces trois derniers cas l'adjectif prend la forme féminine en -iye.

Exemples : avec fik(i)r, masc. sing., « pensée », et son pluriel efkâr, on a respectivement : fikr-i umumî « pensée générale » et efkâr-i umumiye « opinion publique » ; avec sultan, masc. sing., son pluriel selâtîn, et devlet « État », féminin, on a : sultan-i osmanî « le sultan ottoman », selâtîn-i osmaniye « les sultans ottomans », et Devlet-i Osmaniye « l'Empire Ottoman ».

La question ne se pose pas pour les mots persans, qui n'ont pas de féminin s'opposant au masculin : l'adjectif hümayun « auguste, impérial » reste invariable, et l'on dit aussi bien, avec le masculin sing. arabe bâb « porte » et le féminin sing. devlet « État », Bâb-i Hümayun « la Porte Impériale » = Porte du Sérail, que Devlet-i Hümâyun « l'État Impérial » = l'Empire Ottoman.

3° Combinaison des deux constructions.

Chacune de ces constructions est considérée grammaticalement comme une expression nominale complexe, qui peut à son tour recevoir, par le même procédé de liaison (-i enclitique), soit un nom complément, soit un adjectif épithète (avec continuation de l'accord pour les adjectifs arabes), ou qui peut être elle-même complément d'un nom (avec -i de liaison) :

âb-i rû-i selâtîn « l'honneur des sultans », âb-i rû-i osmanî « l'honneur ottoman », âb-i rû-i selâtîn-i osmaniye « l'honneur des sultans ottomans », padişah-t devlet-i osmaniye « le souverain de l'Empire Ottoman » ; âb-i rû-i padişah-t hümayun-i devlet-i osmaniye « l'honneur du souverain auguste de l'Empire Ottoman ».

4° Traitement morphologique turc de ces expressions.

Aussi longues qu'elles puissent être (cf. la dernière), les expressions ainsi formées sont considérées morphologiquement, en turc, comme un seul mot composé, et, si elles sont déclinées pour remplir un rôle dans une proposition, seul le dernier terme reçoit des suffixes de déclinaison : padişah-t

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devlet-i- osmaniye-nin fermant neşredildi «le firman (ferman) du souverain de l'Empire Ottoman a été publié (neşr-et-) », avec génitif -nin à la fin du terkîb complexe.

Remarque : Sans parler de l'étrangeté, pour un Turc, de règles telles que celles d'accord de L'adjectif arabe, on observera que l'ordre des mots, dans ces constructions, est rigoureusement inverse de l'ordre turc (qui veut le complément du nom avant le nom complété et l'adjectif épithète avants le nom qualifié). C'est pourquoi ces tournures, qui n'ont jamais été vraiment populaires, tombent entièrement en désuétude aujourd'hui. On les évitera.

C) PARTICIPES ET NOMS D'ACTION ARABES

De même que les participes et noms d'action turcs, les participes et noms d'action (masdar) arabes, tout en étant traités morphologiquement et syntaxiquement comme des noms, peuvent en outre recevoir les mêmes compléments que les verbes, y compris le complément d'objet direct.

Les grammairien ottomans ont donc assimilé grammaticalement ces formes arabes aux formes turques correspondantes, si bien que ces noms, que rien, extérieurement, selon les normes turques, ne signale comme noms verbaux, peuvent recevoir un complément d'objet direct (qui les précède), construit au cas absolu ou à l'accusatif selon qu'il est, ou non, défini :

hâiz (haiz, hayiz) « possédant, contenant », du participe actif arabe haiz « qui possède », se construit fréquemment avec l'accusatif : ehemmiyeti haiz bir mesele « un problème important » (« qui possède l'importance ») ;

irsal (irsal) « envoi », du masdar arabe irsàl « le fait d'envoyer », peut être traité exactement comme le nom d'action turc gônder-me « fait d'envoyer », et l'on pourra rencontrer la construction : mektub-u irsal « fait d'envoyer la lettre, envoi de la lettre (accusatif !) », parallèle à : mektubu gönderme, etc.

D) VERBES COMPOSÉS

Utilisant les propriétés verbales (décrites ci-dessus) des participes et noms d'action arabes, la langue ottomane classique a formé une quantité

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considérable de verbes composés arabo-turcs en faisant suivre ces noms verbaux arabes des auxiliaires et-, eyle-, kıl- «. faire », ou ol- « être ». Ces verbes composés, qu'on écrit maintenant souvent d'un seul tenant, se comportent morphologiquement et syntaxiquement comme les verbes ordinaires, ayant une conjugaison complète, des formes dérivées (passifs en edil-, eylen-, kılın-, factitifs en ettir-, kıldır-, réfléchi-passif en olun- ayant souvent la même valeur que le passif en edil-, etc.), et recevant normalement des compléments, y compris celui d'objet direct, si leur sens est transitif (actif) :

kabul et- « accepter, recevoir », passif : kabul edil- ou kabul o\un- (arabe qabûl « acceptation ») ; zannet- « conjecturer, croire », passif : zannedil-(arabe %ann « opinion ») ; kaybet- « perdre », passif : kaybedil-, et kay-bol « disparaître » (arabe gayb « disparition » : noter la transformation phonétique !) ; mecbur kıl- « forcer, contraindre » ou mecbur et-, même sens, et mecbur ol- « être forcé » (arabe mecbur « contraint », participe passif), etc.

Remarquer qu'avec les participes arabes de sens passif, on peut avoir un sens réfléchi-passif même avec auxiliaire et- « faire » : teşekkül et- « se former, être formé» (avec le part, actif : teşkil et- «former»).

L'auxiliaire eyle- est maintenant tombé en complète désuétude, et kil-est réduit à des emplois très limités ; seuls sont très usités et-, ol-, et leurs dérivés.

Étendant largement ce procédé de composition de verbes, l'ottoman classique s'est aussi servi de noms d'action persans pour former, par exemple :

ümid et- « espérer », feryad et- « gémir ». Finalement, il a utilisé de la sorte des noms étrangers de toute provenance,

et même des noms turcs : prova et- « faire un essayage, essayer (transitif) » (de l'italien) ; vaftiz et- « baptiser » (du grec moderne) ; yasak et- « interdire » (du turc yasak « interdit »).

Aujourd'hui, quand le turc emprunte à une langue étrangère (au français notamment) un mot de sens verbal, il le fait avec l'entremise des auxiliaires et- et ol-, sous forme de verbes composés :

abone et- « abonner » (transitif) ; abone ol- « être abonné », etc. Les mots étrangers terminés par -b, -d, -g, -c, dont la consonne finale

est assourdie en -p, -t, -k, -ç en finale absolue ou devant suffixe commen-

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çant par une consonne, retrouvent leur consonne sonore d'origine devant les auxiliaires et- (ou eyle-) et ol- :

takip « poursuite », takib et- « poursuivre, suivre » ; irat « citation », irad et- « citer » ; ahenk « harmonie », aheng et- « festoyer » ; ihraç « exportation », ihrac et- « exporter », etc. ; on trouve aussi des graphies telles que takip et-, irat et-, ahenk et-, ou ihraç et-, mais elles ne sont pas conformes à la prononciation.

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XXV. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE CONSTRUCTION ET D'ORDRE DES MOTS

Nous avons déjà eu maintes fois l'occasion d'exposer les détails de diverses constructions de mots, de groupes de mots, ou de propositions, et de préciser leur ordre de succession. Nous reprendrons maintenant cette question dans son ensemble, en dégageant d'abord les règles générales suivies par la prose écrite traditionnelle, puis en signalant les entorses qu'elles peuvent subir en poésie, dans la langue parlée, et dans le style « moderniste » et « populiste » de nombreux prosateurs contemporains.

A) RÈGLES DE LA PROSE ÉCRITE TRADITIONNELLE

On possède des textes turcs se suivant chronologiquement, de façon ininterrompue, depuis plus de douze siècles : les Inscriptions turques archaïques de Mongolie (région de l'Orkhon, notamment) et de Sibérie (Haut-Iénisséï), écrites dans un alphabet spécial, remontent jusqu'à l'an 700 environ de l'ère chrétienne ; puis viennent les manuscrits en alphabet cursif ouigour (uygur) du Turkestan chinois, et, à partir du xie siècle, les premiers écrits turcs islamiques en caractères arabes, préfigurant les deux grandes littératures qui, du xive siècle au xixe, se développeront dans le monde turc islamisé : à l'Est, au Turkestan, la littérature tchaghataî (ça-gatay) ; à l'Ouest, en Turquie, la littérature ottomane (osmanh), suivie par la littérature turque moderne.

Or, dans cette longue tradition écrite, jusqu'aux environs de 1940, un certain nombre de règles immuables sont observées avec rigidité par les prosateurs (les poètes prenant toujours quelques libertés) ; elles ont pour

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effet de donner à la phrase turque une construction synthétique rigoureuse, où la place de chaque mot est, en principe, strictement déterminée par sa fonction. Bien que bousculées systématiquement par les nouvelles générations d'écrivains turcs, elles dominent encore largement l'ensemble de la prose écrite non littéraire. On peut les définir de la façon suivante, non sans remarquer que, tout en ayant des conséquences très complexes, elles reposent sur des principes logiques extrêmement simples :

i° Tout mot qui se rapporte à un autre mot est placé avant lui. C'est la règle d'où découle l'ensemble de la syntaxe de position traditionnelle du turc. On l'exprime aussi en disant que le déterminant se place avant le déterminé. Conséquences :

a) le sujet se place avant le prédicat (que celui-ci soit un nom ou un verbe, cf. chapitre X, début) :

Mustafa, doktor « Moustafa est médecin » ; bahar geldi «le printemps est venu ».

b) Yépithète se place avant le nom qualifié : deli Mustafa « Moustafa le fou » ; güzel bahar « le joli printemps » ; gelen

bahar « le printemps qui vient » (participe épithète) ; gördüğüm kuş « l'oiseau que je vois » (nom verbal complexe épithète), etc.

c) le complément du nom se place avant le nom complété : Mehmed'in evi « la maison de Mehmet » ; av köpeği « le chien de chasse » ;

gelenin adı « le nom de celui qui vient » ; düşmek tehlikesi « le danger {tehlike) de tomber ». Dans les expressions (cf. chapitre V, E, i°) où le complément du nom n'est pas au génitif, mais au cas absolu, cette loi de préséance du complément n'est jamais enfreinte, même dans le parler le plus décousu ou la prose la plus «non conformiste » ; il en résulte que, dans les expressions toutes faites, d'emploi courant, groupant deux noms dont le premier est au cas absolu, on est automatiquement amené à interpréter le premier comme complément du second, et le suffixe de 3 e personne qui se joint habituellement au nom complété n'est pas indispensable à une exacte compréhension (on a vu qu'il disparaît devant un suffixe possessif de i r e ou 2e personne : kibrit kutu-m « ma boîte d'allumettes », chapitre V, C ; on n'en comprend pas moins bien que kibrit « allumette(s) » est complément de kutu « boîte », puisqu'il est placé immédiatement avant) ; c'est pourquoi, dans un grand nombre d'expressions toutes faites du type

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« nom + nom yy (le Ier, complément du second), en particulier dans des noms propres (surtout dans les toponymes), le suffixe de j e personne peut disparaître après le 2e terme : on a alors de véritables noms composés formés de 2 noms accolés sans suffixes ; ils sont souvent accentués sur la-première syllabe ; exemples : Kadıköy « le Village du Cadi », près d'Istan-boul ; Atmeydan « l'Hippodrome » (de Byzance) ; les noms de rue sont traités par simple juxtaposition ; Karanfil sokak « rue de l'Œillet », etc.

d) le complément d'objet se place avant le verbe complété : sigara kullanmaz « il ne fume pas de cigarettes » ; evi gördüm « j 'ai vu. la maison » ; cf. complément indirect : ona bakhm « je l'ai regardé »,

e) le nom régi par une post-position se place avant elle : gülmek için « pour rire » ; babası ile « avec son père » ; eve doğru « vers

la maison ». Cette règle n'est jamais enfreinte. / ) le complément au directif (attribution, destination) se place avant le

nom ou le verbe complétés : onlara selâm « salut à eux » ; Mehmed'e söyledim « j'ai dit à Mehmet ». g) les adverbes et compléments circonstanciels divers se placent avant

le nom ou le verbe auxquels ils se rapportent : fevkalâde güzel « extrêmement beau » ; dostane konuştu « il a parlé ami

calement » ; gece geldi « il est venu la nuit » ; bahçede oynayan « celui qui joue dans le jardin» (participe de oyna-) ; sözde âlim «savant en paroles» = « prétendu savant » ; sokakta geziyor « il se promène dans la rue » ; candan dost « ami par l'âme » = « ami sincère » ; şehirden çıktık « nous sommes sortis de la ville » ; yorgunluktan öldük « nous sommes morts de fatigue », etc.

h) d'une manière générale, tout mot complément se place avant le mot complété, quelle que soit la nature du complément :

Mustafa dan büyük « plus grand que Moustafa » (compl. de comparaison) ; taştan balta « hache de pierre » (compl. de matière) ; su dolu « plein d'eau » (l'adjectif dolu « plein », se construit avec un compl. au cas absolu !; cf. compl. de matière au cas absolu : taş köprü « pont de pierre »), etc.

Naturellement, ces règles de préséance s'appliquent aux mots (noms, verbes) autonomes, et non pas aux suffixes (accentués ou enclitiques) ou particules enclitiques (mi interrogatif, de « aussi », etc.), qui, eux, suivent nécessairement le mot auquel ils se rapportent, ou, plus exactement, en font partie, soit intégralement (suffixes), soit pour l'accentuation (parti-

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cules enclitiques), cette intégration étant généralement soulignée par l'harmonie vocalique. C'est précisément cette différence fondamentale qui permet de distinguer clairement, en turc, les mots autonomes des suffixes et particules « intégrés ».

2° L'ordre n'est libre que pour deux (ou plusieurs) mots apposés remplissant la même fonction grammaticale.

Exemples : Mehmet, Ahmet, Ali geldiler « Mehmet, Ahmet et Ali sont venus» : on peut aussi bien dire : Ali, Ahmet, Mehmet geldiler (3 sujets du même verbe : ordre libre) ; kahve, çay içeriz « nous buvons du café, du thé », ou çay, kahve içeriz (2 compl. d'objet du même verbe : idem) ; çocuk oynadı, hopladı « l'enfant a joué, a sauté », ou çocuk hopladı, oynadı (2 verbes prédicats du même sujet : idem) ; bahçede, sokakta oynuyor « il joue dans la rue, dans le jardin », ou sokakta, bahçede oynuyor (2 compl. de lieu du même verbe : idem), etc.

L'ordre de noms ou de verbes ainsi apposés, s'il est libre grammaticalement, est toutefois éventuellement déterminé par des considérations logiques, chronologiques, sociales (de préséance), etc., ou par des habitudes linguistiques, notamment dans des appositions toutes faites, constituant un ensemble sémantique unifié, dont l'ordre est généralement imposé par Vusage (et non par la grammaire) :

ana baba « les parents » (« mère (et) père ») ; les deux mots sont accentués normalement, c'est-à-dire sur la fin : and baba ; s'ils sont déclinés, tous deux prennent des suffixes : anayâ babaya « aux parents », « aux père et mère » ; au contraire, s'il s'agit d'un nom composé (cf. plus haut, i°, c, fin), comme babaanne « mère du père » = « grand'mère paternelle », l'accent n'est pas sur la finale, et le mot, décliné, ne prend qu'un suffixe (à la fin) : babaanneye « à la grand'mère paternelle » ; c'est ainsi, par l'accentuation et la suffixation, que les noms apposés (tous deux sur le même plan fonctionnel) se distinguent des noms composés (le premier, complément du second).

karı koca « le couple » (« femme (et) mari ») ; ici, l'ordre est fixé par une nécessité accidentelle : le mot koca signifie à la fois « vieux » et « mari » (sens premier : « vieux » : « mon vieux » = « mon mari ») ; si donc on renversait l'ordre des mots, on aurait koca karı, qui signifie « vieille femme », « vieille bonne femme » ; ici, comme koca karı n'est pas un nom composé,

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mais un groupe normal « épithète -+- nom », l'accentuation n'apporte pas de discrimination ; seule la suffixation en établit une : karıya kocaya « au couple » ; koca karıya « à la vieille ».

3° Les groupes de mots reliés par des dépendances grammaticales sont traités, quant à l'ordre (et, le cas échéant, quant à la suffixation), comme le seraient des mots uniques. Conséquences :

a) Un mot ou groupe de mots qui sert de sujet, de complément, d'épi-thète, ou, plus généralement, de déterminant à un autre mot ou groupe de mots se place avant lui.

b) Un groupe de mots formant un ensemble relié par des dépendances grammaticales (et constituant un ensemble de signification), s'il joue dans la proposition un rôle grammatical que doivent marquer un ou plusieurs suffixes, reçoit ce ou ces suffixes une seule fois, en fin de groupe.

Exemples de la conséquence « a » ci-dessus : Mehmed'in babası (groupe du sujet), ona bir elma verdi (groupe du pré

dicat) « le père de Mehmet lui a donné une pomme » ; Mehmed'in babasının (groupe du complément du nom) büyük evi (groupe du nom complété), fevkalâde güzel (groupe du prédicat — nominal — par rapport auquel l'ensemble des deux groupes précédents constitue le groupe du sujet) « la grande maison du père de Mehmet est extrêmement belle » ; dün sokakta gördüğüm (groupe de l'épithète) büyük köpek (groupe du nom qualifié )(l'ensemble des deux groupes = groupe du sujet), Mehmed'in evine doğru (groupe du complément de lieu) koşuyordu (verbe complété) (l'ensemble des deux groupes précédents = groupe de prédicat) « le grand chien que j'ai vu hier dans la rue courait vers la maison de Mehmed » ; hasta olduğundan (groupe du complément de cause), gelemedi (groupe du prédicat, sans sujet exprimé, complété par le complément de cause) « il n'a pu venir, parce qu'il était malade ».

Exemples de la conséquence « b » ci-dessus : büyük köpeği gördüm « j 'ai vu le grand chien » ; l'ensemble [büyük kö

pek), complément d'objet, reçoit le suffixe ~i de l'accusatif ; dans le dernier exemple du paragraphe précédent, l'ensemble (hasta olduk) « fait d'être malade » reçoit les suffixes de 3e personne et d'ablatif de cause -un-dan, etc.

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Remarque : Quand un ensemble « nom complément -|- nom complété », où il y aurait normalement un suffixe de 3e personne après le second terme doit être muni du suffixe -li « pourvu de, qui a » ou du suffixe -siz « sans », comme cet ensemble est alors traité comme le serait un nom unique, et que ces suffixes, quand ils s'ajoutent à un nom, doivent s'ajouter à la base nominale dépourvue de tout suffixe de déclinaison (y compris les suffixes de personne), le suffixe de j e personne disparaît devant les suffixes -li et -siz : meyve ağac-ı « arbre à fruit (s) », meyve ağaç-lı bir bahçe « un jardin qui a des arbres fruitiers » ; kibrit kutusu « boîte d'allumettes », kibrit kutu-suz « sans boîte d'allumettes ».

40 Les propositions et quasi-propositions subordonnées s'ordonnent, par rapport aux éléments de la proposition principale, comme le feraient des mots uniques remplissant les mêmes fonctions.

On a vu, ainsi, que les divers types de quasi-propositions (chapitre XVIII à XXI) se placent toujours avant les éléments de la proposition principale dont elles sont les déterminants. De même, la subordonnée hypothétique. Donnons encore un exemple :

ilk okulda okuyan Mehmet, fevkalâde dalgın olduğundan, ders bitince, hocantn dediklerini unuttu « Mehmet, qui étudie à l'école primaire, comme il est extrêmement distrait, a oublié, sitôt que la leçon s'est terminée, ce qu'avait dit le maître » ; dans cette phrase, la place des quasi-propositions (ilk okulda okuyan, épithète du sujet ; fevkalâde dalgın olduğundan, compl. de cause ; ders bitince, compl. de temps ; hocanın dediklerini, compl. d'objet) est exactement la même que, respectivement, celle des mots de même fonction (küçük « petit » ; dalgınlıktan « pour cause de distraction » ; dün «hier»; çantasını «son cartable», accusatif) dans la phrase plus simple :

küçük Mehmet, dalgınlıktan, dün çantasını unuttu « le petit Mehmet, par distraction, a hier oublié son cartable ».

Exceptions : Étymologiquement étrangères à la langue turque, puis-qu'empruntées au persan, les conjonctions ki, tâ ki, çünkü, zira, meğer sont traitées comme en persan et introduisent des subordonnées qui suivent la principale (cf. chapitre XXII, B) ; de même la locution conjonctive formée avec ki, halbuki. On se souviendra d'autre part que les con-

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jonctions de coordination (cf. chapitre XXII, A), simples liaisons logiques entre des propositions grammaticalement autonomes, n'entraînent pas l'antéposition de la proposition coordonnée.

5° Quand plusieurs déterminants de même fonction se rapportent à un mot, ils se placent avant lui d'autant plus près que le rapport de signification qu'ils ont avec lui est plus étroit.

Le cas le plus fréquent est celui des épithètes du nom. Prenons le nom saat « montre », et ajoutons lui des épithètes de diverses natures : bu saat « cette montre » (démonstratif) ; üç saat « 3 montres » (numéral) ; güzel saat « belle montre » (adjectif qualificatif) ; altın saat « montre en or » (épithète de matière). Celle de ces épithètes qui entretient avec saat le rapport le plus intime est altın « or », qui indique la matière même dont l'objet est constitué. Le qualificatif güzel « belle », qui implique un jugement à la rigueur contestable, présente un rapport moins intrinsèque avec saat que le nom de matière. Mais ce rapport, fondé sur la nature même de l'objet, est quand même moins accidentel que celui de nombre, üç « 3 », car on peut à tout moment ajouter ou retrancher une belle montre en or à un groupe de 3, modifiant ainsi le nombre, sans que les montres en question cessent pour autant d'être belles (ni d'ailleurs d'être en or). Enfin, le fait que le locuteur désigne ou non les objets par un démonstratif est encore plus contingent : qu'il le fasse ou non, cela ne change rien à leur matière, à leur qualité, à leur nombre. L'ordre d'intimité des rapports de signification entre les épithètes et saat va croissant en passant de bu à üç, puis de üç à güzel, enfin de güzel à altın ; conformément à la règle exprimée plus haut, c'est dans cet ordre d'intimité croissante que ces épithètes, si elles se cumulent, seront placées devant le nom saat :

bu saat « cette montre » ; bu üç saat « ces 3 montres » ; bu güzel saat <{ cette belle montre » ; üç güzel saat « 3 belles montres » ; bu üç güzel saat « ces 3 belles montres » ; bu alim saat « cette montre en or » ; üç altın saat « 3 montres en or » ; güzel altın saat « la belle montre en or » ; üç güzel altın saat « 3 belles montres en or » ; ou, enfin, avec les 4 épithètes dans l'ordre exigé : bu üç güzel altın saat « ces 3 belles montres en or ».

Remarque : Quand bir « un(e) » détermine un nom pourvu par ailleurs d'une épithète qualificative ou de matière, il se place avant le groupe

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« épithète + nom » si ce groupe est conçu comme îormant un ensemble in-time. Celui qui veut acheter une chemise bleue (mavi gömlek) en tant que telle (par exemple, une chemise bleue de travail), ou une montre en or en tant que telle (par exemple, pour sa valeur métallique), dira : bir mavi gömlek alacağım, ou bir altın saat alacağım (al- « prendre » et « acheter »). Mais celui qui, faisant des achats sans idée préconçue, a acheté une chemise qui se trouve être bleue, ou une montre qui se trouve être en or (après avoir, par exemple, hésité devant une chemise grise ou une montre en argent), dira : mavi bir gömlek aldım, ou altın bir saat aldım. Dans le premier cas, le numéral-indéfini bir est épithète de l'ensemble « mavi-gömlek » ou « alhn-saat » ; dans le second cas, mavi et altın sont les épi-thètes accidentelles des ensembles « bir-gömlek » (« une chemise ») et « bir-saat » (« une montre »). D'où la variété de la place de bir par rapport à l'épithète du nom auquel il se rapporte.

B) ENTORSES AUX RÈGLES PRÉCÉDEMMENT ÉNONCÉES

Il y a quelques cas particuliers où, même dans la prose turque la plus classique, l'ordre « déterminant + déterminé » peut s'inverser, afin de manifester une volonté ou une émotion :

L'impératif vient fréquemment en tête de la proposition, avant ses compléments : vér bana ! « donne-moi ! » (les pronoms personnels et démonstratifs compléments de l'impératif sont pratiquement traités, dans la plupart des cas, comme des enclitiques post-posés) ; öp beni ! « embrasse-moi ! ». Quand le complément de l'impératif n'est pas un pronom, mais un nom, sa place peut varier ; getir bir kahve ! « apporte un café ! » sera plus pressant que : bir kahve getir!

Les propositions exclamatives, de caractère affectif, présentent de même des inversions : geçti, hayât ! « elle a passé, la vie ! ».

En turc comme dans presque toute langue, la poésie, pour des raisons affectives ou esthétiques, quand ce n'est pas pour des raisons techniques de versification, pratique de fréquentes inversions :

Gördün mü dün güreş tutuşan pehlivanları ? « as-tu vu, hier, les athlètes s'empoignant à la lutte ? »

(vers de Nedim, débuts du xvm e siècle) ; en prose classique, on écrirait :

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Dün güreş tutuşan pehlivanları gördün mü ? [güreş « lutte » ; güreş tut-« lutter », avec forme contributive en -ş-).

De toute façon, la prose parlée, dans sa spontanéité souvent émotive, multiplie les entorses à l'ordre classique des mots, le mot déplacé par rapport au schéma « normal » se trouvant mis en valeur.

C'est à son imitation que des écrivains contemporains, dans un souci de renouveau et de réalisme, rompant avec les constructions rigides, d'avance déterminées, qui rendaient si monotone la prose ottomane classique, désireux aussi de se rapprocher du goût populaire, recherchent la plus grande liberté dans l'ordre des mots. Les exemples que nous donnerons ci-après, tirés d'auteurs actuels, pourraient aussi bien valoir comme illustrations du turc parlé :

Doğru bütün bunlar « tout cela est vrai ». Kurnazdır onlar « ils sont rusés, ces gens ». Prédicats (doğru « droit, vrai », et kurnaz « rusé » + -dir prédicatii) avant les sujets.

Eli davul gibi şişti âbimin « sa main, à mon frère, elle a enflé comme un tambour ». Complément du nom (âbim-in « de mon frère aîné », forme populaire de : ağa-bey-im-in) rejeté en fin de phrase, bien après le nom (el4 « sa main ») auquel il se rapporte.

Açıkça söyledi istediğini « il l'a dit clairement, ce qu'il voulait ». Complément d'objet (istediğini) rejeté après le verbe.

Altı ay önce gelmişti istanbul'a «il était venu six mois auparavant à Istanboul ». Complément de lieu, au directif, rejeté à la fin.

Erkek görünmüyordu aralarında « (aucun) homme n'apparaissait parmi elles ». Complément de lieu, au locatif (ara-larin-da « dans leur intervalle ») rejeté à la fin.

Görebiliyorum buradan « d'ici, je peux (le) voir ». Complément de lieu, à l'ablatif, rejeté.

Paganmışız bir zaman «il paraît qu'en un temps nous étions des païens ». Complément de temps rejeté.

Kitaplarım vardır sadece « j'ai des livres, simplement ». Locution adverbiale de manière : sade-ce (sade « pur, simple ») re jetée à la fin de la proposition qu'elle détermine.

Sigara bile almıştım, vakit geçirmek için «j'avais même pris des cigarettes, pour passer le temps ». Quasi-proposition de but re jetée après la principale.

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Kudurtnadım yazısını okuyunca « je ne suis pas devenu enragé en lisant son écrit (yazı) ». Quasi-proposition gérondive rejetée après la principale.

Ces exemples ne doivent pas faire croire pour autant qu'on peut s'exprimer en turc en plaçant les mots dans un ordre quelconque. Les divers types d'inversion précités ne sont pas possibles dans toutes les conditions de contexte. On ne peut se les permettre que si nulle confusion n'en résulte. Les débutants feront donc bien de montrer la plus grande prudence dans leurs entorses à l'ordre classique des mots tel qu'il a été défini dans la première partie (A) du présent chapitre. Faute de quoi ils seraient victimes de quiproquos fâcheux ou comiques.

Par exemple, le complément du nom ne peut être rejeté en arrière que s'il est au génitif ; le complément d'objet direct (sauf rares exceptions, dans des phrases où nul doute n'est possible), que s'il est à l'accusatif.

Notons, en outre, qu'il y a trois cas où nulle interversion des termes n'est possible ; ce sont les constructions :

i° « Epithète simple + Nom » : güzel hava « le beau temps » (hava güzel aurait un autre sens : « le temps est beau ») ; bu adam « cet homme », avec démonstratif (adam bu signifierait : « l'homme est celui-ci ») ; bir kitap « un livre », avec numéral-indéfini (kitap bir signifierait « le livre est unique ») ; üç saat « 3 montres », avec numéral (saat üç signifie « il est 3 h »), etc. Le rejet après le nom transforme l'épithète en prédicat, donc altère le sens.

20 « Complément du nom, au cas absolu + Nom » : kibrit kutusu « boîte d'allumettes » (kutusu kibrit signifierait « sa boîte est une allumette », ou plus exactement n'aurait aucun sens) ; av köpeği « chien de chasse » (köpeği av signifierait «son chien est un gibier ! »). Ici encore, le rejet du complément au cas absolu le transformerait en prédicat, bouleversant le sens.

3° « Nom + Post-position » : sıhhat için « pour la santé » (için sıhhat signifierait « ton intérieur, c'est la santé », ou plus exactement ne signifierait rien).

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BIBLIOGRAPHIE

Les problèmes phonétiques du turc de Turquie sont exposés d'une façon très complète dans :

Jean DENY, Principes de grammaire turque ; Paris, 1955 (Adrien Maisonneuve éditeur) ; 179 p. grand in-8°.

Une excellente description linguistique, avec bibliographie très complète, se trouve dans :

Philologiae Turcicae Fundamenta, tome 1 ; Mainz, 1959 (Franz Steiner éd.) ; XXIII -j- 813 p. grand in-8° ; pages 182 à 239 : Jean DENY, Vosmanli moderne et le türk de Turquie ; le reste de l'ouvrage (collectif) comprend des descriptions de toutes les langues, anciennes et modernes, appartenant au groupe turc (de la Mongolie aux Balkans), avec une carte linguistique (hors-texte). Le tome II, Mainz, 1964 (même éd.), LXXII -h 963 p. gd. in-8°, contient l'étude des littératures existant en ces diverses langues, notamment, des pages 1 à 147, celle de la littérature orale et populaire par Pertev BOR AT AV (en français), et, des pages 465 à 634 : Kenan AK YÜZ, La littérature moderne de Turquie ; Bibliographies pour chaque littérature.

La description la plus complète de l'ottoman classique et moderne en caractères arabes est donnée par :

Jean DENY, Grammaire de la langue turque (dialecte osma?ili) ; Paris, 1920 (Ernest Leroux éd.) ; xxx -f 1216 p. in-8° jésus.

Un excellent choix de textes turcs contemporains, avec un appendice sur la nourriture, les formules de politesse, les institutions, etc., notes explicatives en anglais et vocabulaire turc-anglais fort bien fait, se trouve dans :

ANDRÉAS TIETZE, Turkish literary reader; Bloomington, 1963 (éd. Mouton Se Co., La Haye ; publication de l'Université d'Indiana) ; 275 p. in-8°.

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Les débutants pourront utiliser le dictionnaire de poche Français_7urc_Français Europa (éd. Larousse).

On peut citer, parmi les dictionnaires Français-Turc :

Mehmet Ali ACAKAY, Fransızca-Türkçe Sözlük; Ankara, 1962 (éd. Tüjfc Dil Kurumu); 632 p. grand in-8°.

Tahsin SARAÇ, Fransızca-Türkçe Büyük Sözlük; Ankara, 1976 (éd. Türk Dil Kurumu); 2 volumes; 1379 p. grand in-8°; le plus complet et le meilleur exilant actuellement.

Parmi les dictionnaires Turc-Français :

Yalcın KOCABAY, Grand dictionnaire Turc-Français; Ankara, 1968 (Başnur Matbaası); 828 p. grand in-8°.

Les dictionnaires composés par des auteurs turcs, qui sont les seufe a s s e z complets, sont destinés à des Turcs plutôt qu'à des Français. Il advient donc a$$ez souvent qu'ils n'éclairent pas suffisamment le lecteur francophone. Celui-ci fera bien de vérifier les sens du dictionnaire Français-Turc dans le Turc-Français, et réciproquement.

Dès qu'on sera un peu familiarisé avec le turc, il y aura grand avantage à recourir au dictionnaire Turc-Turc suivant, riche en explications, et surtout en exemples :

Mehmet Ali ACAKAY, Türkçe Sözlük; Ankara, 1974 (6e éd.), Türk Dil Kurumu; xvi+ 893 p. grand in-8°.

Pour le turc ottoman en caractères arabes, voir la Bibliographie de Jean DEN Y, article précité dans Philologiae Turcicae Fundamenta, I. Citons ici :

Diran KELEKIAN, Dictionnaire turc français; Istanbul, 1928 (éd. Kanaat Kütüphanesi); rééd. phototypique ; 1374 p. in-8°.

Les mentions qui précèdent sont loin d'être exhaustives: il existe notamment, en Turquie, de nombreux dictionnaires Turc-Français, dont aucun n'est bien satisfaisant, du moins jusqu'à présent.

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INDEX

Les chiffres renvoient aux pages. Les suffixes turcs figurent sous la forme conventionnelle qui leur a été donnée

dans l'exposé; consonnes initiales: c pour c/ç, d pour d}t, g pour g/k; voyelles e pour eja, ou / pour i/ıfü/u; etc. Tous les suffixes avec voyelle de liaison (/) sont à chercher sous /. Tous les suffixes avec 0 ) initial apparaissant après voyelle sont à chercher sous y. Si donc on ne trouve pas un suffixe à la place attendue, chercher sous c, d, ou g pour ç, /, ou k, avec voyelles e ou / seulement; ou encore, chercher le suffixe précédé de i ou y. De même, le suffixe de génitif en -{n)in est classé sous n, celui de 3e pers. en (s)i sous -s, et celui du distributif en -(ş)er sous ş.

a! (interjection) : 157. â! (interjection): 158. -a (féminin arabe) : 164-165.

ablatif: 32, 35-36, 53. aboutissement (gérondif temporel d') : 134.

— (subordonnée d') : 154. absolu : voir cas absolu, accent circonflexe : 11-12. accent tonique : 12, 72. accord : 22-23.

— en construction perdane : 167. accusatif: 32, 34; voir complément d'objet direct. action (noms verbaux d') : 114-118, 119-122, 125-127.

— (noms arabes d') : 168-170. adet (aded) : 43. adjectif: 22-23,47-48, 165, 172, 177-178.

— substantivé : 25, 30. adverbe : 23, 47-49, 165-166, 173. affectivité : 57, 178-179. affirmation (interjections d') : 158. agent (complément d'agent du verbe passif) : 54.

— (nom verbaux d') : 106-113, 119, 125.

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ah! (interjection): 158. al- «prendre»: 76. alphabet: 9-13. alt : 53. alternances sourde/sonore : mêmes références que pour G/K/G. ama {amma): 151. -an (cas adverbial arabe) : 165. ancak : 152. -âne (suffixe persan d'adverbes) : 166. antériorité (gérondif temporel d') : 135; voir gérondives (locutions), 12°. aoriste : 75-76, 87-88.

— (formes composées) : 95, 98, 99. — (nom d'agent) : 108; voir -mez.

apostrophe (signe) : 12. — (appel, vocatif): 31.

appellations et titres : 161-162. apposition: 29, 174-175. ara : 53. arabe: 9, 11-12, 14-15. arithmétique (vocabulaire) : 42-46. arka : 53. art (ard-) : 53. article : 28. asıl : voir nasıl. assourdisement des consonnes : 15-16, 19; et mêmes références que pour G/K/C. aşağı : 53. -at (féminin arabe): 164-165, 167, -ât (féminin pluriel arabe) : 164-165, 167. attribut : 55-60 ; voir prédicat nominal. attribution (complément d*) : voir directif. auxilaires (verbes): 94-101, 168-170. «avoir» (verbe) : 61-62, 92-93. ay! (interjection): 158.

B/P (alternance) : 15-16, 26-27, 169-170. bana : 37. base nominale : 24-27. base verbale : 63-70. baş : 53. başka : 40-53; dikten başka : 140. 6e/(interjection): 158 ben : 37-38. benim : 37.

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benimki: 40-41. beri : 53 ; -(y)eliden beri : 134. bil- «pouvoir, savoir» : 76; -{y)e bil- : 132. bir: 28, 34, 40, 42-44, 153-154, 177-178. biz : 37-38. bizim : 37. bizimki: 40-41. bre! (interjection) : 158. £w:38, 177. bul- « trouver » : 76. but: 153, 154; voir gérondives (locutions), 1°.

C/Ç (alternance) : 15-16, 19, 26-27, 169-170. cardinaux (nombres) : 42-43. carence : voir gérondifs et gérondives (locutions), 2°. cas: 31-36; passim.

— absolu : 31-32, 50-51, 56; passim. catégories de mots : 22-23. cause (complément de) : 35, 53-54.

— (subordonnée de) : 154-155; voir gérondives (locutions), 3°. -ce (enclitique) : 48-49, 54. -ce (accentué, diminutif) : 48-49. -ceğiz : 26. -cek : 26. chute de voyelle : voir voyelles instables. -ci : 20, 25. -ciğez : 26. cihetle (locution gérondive avec) : 145. -cik: 19,26. classes du verbe (modalités) : 74-84. clic négatif: 159. collectif: 28. comparaison : 36, 51 ; voir gibi et kadar.

— (subordonnées de) : 142-143, 155; voir gérondives (locutions), 4°. comparatif : 36, 47. compléments : voir cas; 173.

— circonstanciels: 31-36, 173. complément du nom : 29-36, 166, 172-173, 179-180.

— de matière : 33, 36. — d'objet direct: 31-32, 34, 168-170, 173, 178-179.

complétives (subordonnées) : 152-153; voir diye et quasi-propositions, complexes (épiphètes) : voir épithètes complexes.

— (formes du verbe): 101. — (noms verbaux): 119-128.

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composées (formes du verbe) : 94-101. composés (noms) : 172-173.

— (verbes): 168-170. concessives (subordonnées) : 155; voir gérondives (locutions), 5°. concordant (gérondif) : 131-133, 137. conditionnel : 95-97. confomité : voir göre et gérondives (locutions), 6°. conjonctions: 147-156. conjugaison: 71-88, 94-101. consécutives (subordonnées) : 153-154. consonnes : 9-16, 19-21 ; voir assourdissement et sonorisation, construction: 166-168, 171-180; passim. contractions : 88. contributif: 66-67. coopération : voir contributif, coordination (conjonctions de) : 148-152.

çağatay : 171. çok : 47. çünkü : 154.

D/T (alternance) : 15-16, 19, 26-27, 70, 169-170. daha : 45, 47. dahi: 148. •daş : 25-26. dates : 45-46. datif : voir directif. de/da (particule enclitique) : 139, 148-149, 158. <te-«dire»: 131-132, 152-153. -de (locatif) : 32, 34-35; voir locatif. -de- (suffixe de verbe dénominatif) : 65. déclinaison : 24-36. défense (prohibition) : 72. défini : 28, 33-34. değil: 59-60, 104-105. değin : mêmes références que pour kadar; voir ce mot. degrés de comparaison : voir comparatif et superlatif. dek (ou -dek suffixe) : mêmes références que pour kadar; voir ce mot. démonstratifs: 38, 153, 158. déontique (obligation) : 82-83, 87-88, 97, 99, 100. départ (gérondif temporel de) : 133-134. derece (o): 153. dérivation: 24-26, 63-70, 106-128; noms dérivés de noms: 24-26; noms dérivés de

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verbes: 106-128 et voir -gin; verbes dérivés de noms: 64-65; verbes dérivés de verbes : 66-70.

destination : voir directif. déterminant et déterminé : 56-57, 171-178. -di : 78-79, 85-87; voir parfait de constatation, et : -{y)di. -diğ-i (dans des locutions gérondives) : 141-145. -<//*: 20, 119-125. -dik-çe: 140. -dik-te: 140. -dik-ten başka : 140.

— maada : 140. — sonra : 140.

-dir (enclitique, prédicatif) : 58-59, 87-88. -dir- (factitif) : 67-68. directif: 32, 34,52, 173. distributifs (nombres) : 44. di$ : 53. dışarı : 53. dit- « carder » : 70. diye: 131-132. doğru (post-position) : 52. dolayı : 53; dans locution gérondive : 143. dolu: 173. doute : voir dubitatif. dubitatif: 90-91, 97-99. dur- «se tenir debout; s'arrêter» : 76. duratif : 77-78, 87; formes composées : 96, 98, 99.

e! (interjection): 157. -e (féminin arabe) : 164-165. efendi(m): 160-161. eger:83, 155. -(<?)/- : 65. -en : 165. en : 47. enclitiques (suffixes, mots et particules): 12, 48, 50, 58-59, 69-70, 87-88, 89-92, 94-100,

148, 151, 152, 166. épistolaires (formules) : 162. épithète : 22-23, 33, 172, 177-178, 180. épithète complexe: 57-58; avec noms verbaux d'agent (participes): 111-112; avec des

noms verbaux complexes en -dik et -iy)ecek ; 122-125, 127-128. épithète en construction persane : 166-168. er- (ancien verbe « être ») : 89.

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•er (aoriste) : 75-76, 87; voir aoriste. -er-lik: 118. -er- (factitif) : 68. -(e)r- (verbe dérivé de nom) : 65. et- «faire»: 70, 168-170. -et (féminin arabe) : 164-165. état : voir gerondives (locutions), 7°. «être» (verbe) : 55-60, 89-92, 135-137. éventualité: 75, 116. evet: 158. evvel: 53; dans locutions gerondives : 135, 138. ey! (interjection) : 157. eyle-: 169. eyvah! (interjection) : 158. exclamations : 157-159. exclamative (proposition) : 154.

factitif: 67-68. fakat: 151-152. fazla : 53. féminins (arabes) : 164-167; voir genre grammatical. fermées (voyelles) : 17-18. formes complexes du verbe : 101.

— verbales composées : 94-101. — verbales semblables (succession) : 100-101.

formules de politesse : 160-163. — épistolaires : 162.

fractions (arithmétiques) : 44. futur : intentionnel, 80-81 ; éventuel, 75.

— antérieur : 79-80.

G (mouillure): 12. 6 : 9 ; v o i r G / K / Ğ . G/K/Ğ (alternance): 9-10, 15-16, 19-20, 26-27, 169-170. gâh... gâh... : 151. gayrı : 53. geçe (heure) : 46. gel- «venir» : 76; -{y)e gel- : 132. génitif: 32-33, 36, 52. genre grammatical : 22-23. gerçi: 155-156. gerek(se) : 151. geri : 53.

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gérondifs (proprement dits; voir aussi gérondives, locutions) : — de carence (et d'antériorité) : 135. — concordant: 131-133. — concordant composé en -j-ken : 135-137. — préalable: 129-130. — précurseur immédiat : 134. — temporel de départ : 133-134. — temporel d'aboutissement: 134. — du verbe «être»: 135-137.

Voir ci-après : gérondives (locutions) : 137-146; exprimant :

1° but: 142. 2° carence: 135, 139-140. 3° cause: 141-143, 145-146. 4° comparaison : qualitative, 142-143.

— quantitative, 137, 143. 5° concession: 136, 139, 143, 145. 6° conformité («selon, d'après»): 143. 7° état: 133, 135-137. 8° hypothèse: 145. 9° moyen: 139.

10° progression: 133, 140-141. 11° substitution («au lieu de»): 138, 139, 141, 12° temps: 129-138, 140, 141, 144.

gestes: 159-160.

gibi: 51, 104; dans locution gérondive: 142. -gin : 19. gih « partir » : 70. git gide: 133. gittikçe: 140-141. gör- «voir» : 76; ~{y)e gör- : 132. göre : 52; dans locution gérondive : 143. groupes de mots : 175-176. güt- « faire paître » : 70.

i / : 9-10. ha! (interjection) : 158. haçan : 156. hadeihadi): 158. /w/:.voir halde. halbuki: 155. halde : 145 (dans locution gérondive). hangi : 39.

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harmonie vocalique : 14-19. /^/( interjection): 158. hay hay! (interjection) : 158. hayde {haydi): 158. hayır: 159. hem: 149. hep : 40. her ne kadar : 155-156. heure : 46. hiç: 149. hoş: 160. hu! (interjection) : 158. hypothèse: 83-84; voir gerondives (locutions), 8°; conjonctions d'hypothèse : 155-156;

voir hypothétique, hypothétique (forme verbale): 83-84, 91-92, 99-100; formes composées: 97, 99, 100;

voir aussi suppositif.

I/U: 14. i- «être»: 89-92. -/ (enclitique persan de liaison) : 166-168. -i (adjectif arabe masculin) : 165. iç : 53. içeri: 53. için : 51 ; dans locutions gerondives : 142. içre: 51. idi: 89-90, 95-97; voir imparfait. •(i)k- (verbe dérivé de nom) : 65. iken: 92, 135-137. -(/")/- (passif) : 68-69. ile : 50, 54. ileri: 53. -(/")// (nom dérivé de verbe) : 112-113. ~(i)m (suffixe personnel nominal) : 29-31. imdi: 158. imiş : 90-91, 97-99; voir dubatif. -(f)miz (suffixe personnel nominal) : 29-31. imparfait : 89-91, 95-99; voir aussi plus-que-parfait. impératif: 63, 71-73. impersonnel (nom) : 24.

— (verbe) : 69. impossibilité : 69-70. -în (pluriel arabe, masculin) : 164.

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-(/> (suffixe personnel nominal) : 29-31. •(On- (réfléchi) : 66, 68. inaccentués : voir enclitiques. -(Onci : 43-44. indéfini (article) : 28. indéfinis (adjectifs et pronoms) : 39-40, 84.

— (compléments): 31-34. indétermination : voir indéfini(s). indi: 158. infinitif : voir -mek. -(Oniz (suffixe personnel nominal) : 29-31. inscriptions (de Mongolie, de TOrkhon, de Sibérie): 171. insertion de voyelle : 15, 21 ; voir voyelles instables, instables : voir voyelles instables, instrument : 50. intensifs (adjectifs et adverbes) : 47-48. intentif: 80-81, 83, 87-88; formes composées: 96, 97, 99; nom verbal intentif:

110-111, 125-128; voir -(y)ecek.

intention : voir intentif. intercalations: 102-105 (mi: 102-104; gibi: 104; değil: 104-105). interjections: 157-159. interrogatifs (pronoms et adjectifs) : 39-40. interrogation: 39-40,-60-61, 102-105; 146. invariables : 22-23, 47-49. -(/> (aoriste) : 75-76, 87-88. -(Or- (factitif) : 67-68. -(/>-//*: 118. irréel : voir conditionnel. ise : 91-92, 99-100; voir suppositif. ister..., ister... : 150. -(/>- (contributif) : 66-67. işte : L58. -(Or (nom dérivé de verbe) : 85-86. -(Or- (factitif) : 68. - (0M0 (féminin arabe) : 165. •(Oyat (féminin pluriel arabe) : 165. -(Oyor : 16-11, 87-88 ; voir progressif. izâfet: 166-168.

K (mouillure) : 12. K/G/Ğ (alternance) : 19; voir G/K/Ğ.

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-k (terminaison verbale : Ie pers. pi.) : 85-86. kaç : 40. kaçan : 156. kadar : 40, 51, 52; dans locutions gérondives : 134, 138; voir ne kadar et her ne kadar.

- (o): 153. kal- «rester» : 76; -{y)e kal- : 132. kala (heure) : 46. karşı : karşın : 52, 143. kendi : 38. keşke : 82, 84. V

ki (conjonction enclitique) : 152-155. -ki (pronom-suffixe) : 40-41. kıl-: 169. kim : 39-40, 152-155; kimi vakit : 151. kimse : 39. ko(y)-:-(y)i ko{yh 132.

L (variantes) : 12. lâkin: 152. -le- : 65. -1er: pluriel des noms, 24, 26-31; dans la conjugaison des verbes: 59 (-dir-ler); 71-72

(sin-ler); 85-88 (3* pers. pi.). -leri (suffixe personnel nominal) : 28-31 ; voir -(s)i. -leyin : 48. -//': 25; voir le suivant: -//. . .-//: 48. liaison (consonnes de) : 21.

— (voyelles de): 21. lieu : voir ablatif, directif, locatif. -/ût : 25, 118. locatif: 32, 34-35. locutions gérondives : voir gérondives.

-m (terminaison verbale : Ie pers. sg.) : 85-86. maada : dans locution gérondive : 140. mademki: 154. manière : 48, 51. masculin : 22-23, 164-167. masdar (nom d'action arabe): 168-170. matière (complément de) : 33, 36, 177. -me : 115-117; voir les suivants : -me-si için : 142. -me-sine rağmen : 143.

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-me-si sebebiyle : 145-146. •me- (verbe négatif) : 69-70. -meden : 135. meğer : 156. -mek : 22, 63-64, 114-115; voir aussi -me. -mek-le : 139 ; voir le suivant : -mek-le beraber (birlikte) : 139. -mek-lik: 118. -mek-siz-in: 139-140. -mek-le : 77-78, 87-88, 96, 98, 99. -mek-ten-se : 139. •mek yerine : 139. -meli : 82-83, 87-88 ; voir déontique. -mem (Ie pers. sg. aoriste négatif) : 87-88. -me-m (nom d'action, lrc pers. sg.) : 87-88, 115-116. -me-mez-lik (avec double négatif) : 118. -me-yiz ( 1 " pers. pi. aoriste négatif) : 87-88. -me-z : 76, 87-88.

— (après un premier aoriste non négatif) : 138. -mez-den : 135.

— evvel (önce) : 138. -mez-lik: 118. mi: 60-61, 102-105. -mis : 79-80, 87, 108-109; voir parfait de non-constatation et : -(y)miş. -miş-lik: 118. modes verbaux : voir classes du verbe. modificateurs verbaux : 66-70. Mongolie : 171. morphologie (caractères généraux) : 22-23, passim. mot: 22-23; passim; et : 173-174. mouillure: 12. moyen (instrument) : 50; voir gérondives (locutions), 9°.

(n) pronominal : 31, 33, 38, 40. -« (rerminaison verbale : 2e pers. sg.) : 85-86. nasıl : 40. nasıl ki : 155. ne (interrogatif) : 39-40. ne..., ne... (négatif répété) : 149. nécessité : voir déontique. négation : nominale, 59-60, 104-105; verbale, 69-70; verbale double, 105; suffixe redoublé

de négation verbale: 118; négation nominale ou verbale répétée: 149; voir aussi négatives (interjections), ci-après :

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négatives (interjections) : 158-159); clic négatif : 159. ne kadar : 40; her ne kadar : 155-156. ne vakit ki : 155. ne zaman ki : 155. niçin : 40. -(n)in : 32-33 ; voir génitif. nitekim : 155. -niz (terminaison verbale : 2e pers. pi.) : 85-86. nom : 22-36, 55-62: passim. noms composés : 172-173. noms verbaux : voir action, agent, complexes. nombre (grammatical): 22; voir -1er; voir singulier et pluriels (arabes, persans); voir

aussi numération et numéraux, nominale (proposition) : 55-62. numération : 42-46 ; voir le suivant : numéraux : 28 ; voir numération.

O (voyelle): 14. 0 (démonstratif) : 38. 01 (interjection) : 158. o kadar : 153. objet : voir complément d'objet, obligation : voir déontique. of! (interjection) : 158. oh! (interjection) : 158. ol- «devenir; être» : 76, 92-93, 101, 168-170; voir les deux suivants : ... olsun, ... olsun : 150. ol-un- (réfléchi de ol-) : 168-170. « on » : voir impersonnel et passif. on-lar : voir o (démonstratif). onunki: 40-41. opérations arithmétiques : 45. optatif: 81-82, 87-88; formes composées : 97, 99. ordinaux (nombres) : 43-44. ordre : voir impératif, ordre des épithétes : 177-178.

- des mots: 57, 171-180.

— des propositions : 176-177. — des suffixes : 24, 63.

Orkhon: 171. osmanh : voir ottoman, ottoman: 9, 164-170, 171-172. ouigour : 171. ouvertes (voyelles) : 17-18.

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Ö (voyelle): 14. öbür : 40.

öf! (interjection) : 158. öl- « mourir » : 76. ön : 53. önce : 53; mêmes emplois que evvel: voir ce mot. öte : 53. öteki: 41. öyle: 153.

P/B (alternance) : voir B/P. parfait de constatation : 78-79, 85-87; formes composées : 96, 99. parfait de non-constatation : 79-80, 87 ; formes composées : 96, 99. parfait (non d'agent) : 108-109. participes : 106-113, 116-117, 119, 125; voir agent (noms verbaux d1). participes arabes : 168-170. particules : voir conjonctions, enclitiques, intercalations, post-positions. partitif : 35-36. passé : voir classes du verbe, imparfait, parfait, plus-que-parfait. passif: 68-69; voir impersonnel et réfléchi; voir aussi agent (complément d'). pek : 47. persan: 147-156, 166-170. personne : suffixes nominaux, 29-31 ; suffixes verbaux, 85-88. personnels (pronoms) : 37-38. phonétique : 9-21 ; voir, dans la Bibliographie, le premier ouvrage cité. phrase: 171-180. pluriels : voir -1er.

— arabes: 164-165. — persans: 165-166.

plus-que-parfait : 96, 99. politesse (formules de) : 160-163. possessifs (suffixes) : 29-31.

— (pronoms) : 40-41. possibilité: 132, 69-70. postériorité (temporelle) : voir sonra et dik-ten-sonra. post-positions: 50-54, 173, 180. préalable (gérondif) : 129-130. précurseur immédiat (gérondif) : 134. prédicat (nominal et verbal) : 55-62, 172, 175. prédicatifs (suffixes nominaux) : 58-59. préfixes : 22, début (étrangers). prépositions : voir post-positions.

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présent : 74-78. — du verbe «être» : 58-59, 89.

principes généraux de construction et d'ordre des mots : 171-180. prix : 34, 45. progressif: 76-77, 87-88; formes composées : 96, 98, 99. progression : voir gérondives (locutions), 10°. prohibition : 72. pronom : 37-41. pronominales (locutions) : 40. proposition : 55-62, 147-156; voir quasi-propositions.

qualificatif : voir adjectif, quantité: 28, 33, 51. quasi-propositions :

— avec noms d'agent : 106-113. — avec noms d'action : 114-118. — avec noms verbaux complexes : 119-128. — avec gérondifs et locutions gérondives: 129-146; pour le détail, voir gérondif

et gérondives (locutions). quasi-propositions (ordre des) : 176; voir ci-dessus.

racine : voir le suivant : radical : 17, 22-23, 63-70; voir base. rağmen : 52; dans locutions gérondives : 143. réciprocité : 40, 66-67. réel (nom d'agent) : 106-108. réfléchi : 66, 68. -rek: 133. relatives (équivalents turcs): 106-112, 119, 122-128; pour «qui es t . . . » : 40-41; pour

« dont », voir : épithète complexe, relatives-consécutives (avec ki) : 153-154. -.r-ken: 135-137.

san- « croire » : 76. sana : 37. •se : 83-88 ; voir hypothétique et -{y)se. -se de: 139. -se- (verbe dérivé de nom) : 65. sebeb : 54. sebebiyle (locution gérondive avec) : 145-146. sen : 37-38. senin : 37. seninki: 40-41.

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-sen-e! : 157. «si» : voir hypothèse et hypothétique; interrogation : 146. Sibérie: 171. -{s)i (sufTixe personnel nominal; ne pas confondre avec -(>•)/, accusatif): 29-34, 40,

57-58, 172-173. -(s)i-n (accusatif, 3e pers.) : 33. -sin (suffixe prédicatif nominal, 2e pers. sg.) : 58-59, 87-88. -sin (impératif, 3* pers. sg.) : 71-72; voir le suivant : •sin-ler: 71-72. singulier : 28. -siniz (suffixe prédicatif nominal, 2e pers. pi.): 58-59, 87-88. sıra (post-position) : 51. siz : 37-38. sizin : 37. sizinki : 40-41. -siz («sans») : 18, 25; voir aussi -mek-siz-in. sonorisation (des consonnes) : 16, 27-28; et mêmes références que pour G/K/C. sonra : 53; dans locution gérondive : 140. sons: 9-13. souhait : voir optatif, impératif, et : 84. sourdes (consonnes) : 15-16, et mêmes références que pour G/K/C. su: 31,33. subjonctif : voir optatif et impératif, subordonnées: 152-156; voir aussi quasi-propositions, substantif : 22-36. substitution («au lieu de») : voir gérondives (locutions), 11°. succession de formes personnelles semblables : 100-101. suffixes: 17-21, 24,63. sujet: 31, 55-62, 172, 178-179. superlatif: 36, 47; voir en. supposidf (du verbe «être») : 91-92, 99-100; voir aussi : hypothétique, supposition : voir hypothèse et hypothétique, surcomposées (formes du verbe) : 101. syntaxe: 171-180; voir groupes de mots; passim.

-(s)er : 44. şu : 38.

T (clic négatif) : 159. T/D (alternance) : voir D/T. -t (nom dérivé de verbe) : 85-86. -f- (factitif) : 67-68. tâki: 154.

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takdirde (locution gérondive avec) : 145. tarte : 43. taraf : 53-54; voir le suivant : tarafından : 54. tat- «goûter» : 70. tchaghataî: 171. temps (complément de) : 34-35.

— (subordonnée de) : 154-156. (quasi-propositions) : voir gérondifs et gerondives (locutions), 12°

— verbaux : voir classes du verbe, imparfait, plus-que-parfait. terkîb: 166-168. titres et appellations : 161-162. tonique (accent) : voir accent tonique, tout : 40.

U/I: 14. uç : 53. uf! (interjection) : 158. uygur : 171.

üst : 53. üzer- : 53. üz(e)re : 51.

vah! (interjection) : 158. vakit (locution gérondive avec) : 144; voir vakta ki et ne vakit ki. vakta ki : 155. var: 46, 61-62,92-93. var- « aller » : 76. vay! (interjection) : 158. ve: 148-150. ver- «donner» : 76; -(y)i ver- : 132. verbe : 22-23, 63-101 ; passim.

— complexe: 101. — composé: 168-170. — surcomposé: 101.

veya: 149-150. vocatif : voir apostrophe, voyelles : 14-15.

— instables: 15, 26. vwr- «frapper» : 76.

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ya (conjonction de coordination) : 149-150. ya! (interjection): 158. yahu! (interjection) : 158. yahut: 149-150. yalnız : 152. yan : 53. yarı{m) : 44. yaz- «manquer de ...» : (y)e yaz-, 132. ~{y)di : 89-90, 95-97 ; voir imparfait et plus-que-parfait. -{y)e (directif) : 32, 34; voir directif. -{y)e (optatif): 81-82, 87-88; voir optatif. -{y)e (gérondif) : 131-133. -{y)eeeg-i... (dans locutions gérondives) : 141-145. -(y)eceğ-ine (locution gérondive) : 141. -{y)ecek : 80-81, 87-88, 110-111, 125-128; voir intentif. -iy)ecek kadar (locution gérondive) : 138. -{y)ecek yerde (locution gérondive) : 138. -{y)ecem : 88. -{y)ecen : comme le précédent. -{y)ecez ; comme les deux précédents. -{y)eli: 133-134. -(y)eliden beri : comme le précédent. -(y)elim (impératif, lrc pers. pi.): 71-73, 82. -{y)eme- (impossibilité) : 69-70. -{y)emem : voir -mem. -{y)eme-yiz : voir -me-yiz. -{y)eme-z : voir -me-z. •(y)en (nom d'agent, participe): 106-108; 137. -{y)en-de (locution gérondive) : 137. ~{y)en-e kadar {dek, değin) (locution gérondive) : 137. yer: 53. yerine (locution gérondive avec): 139. yerde (locution gérondive avec): 138. -(y)e~rek (gérondif) : 133. -{y)esi: 127. -{y)esi-ye : comme le précédent. -{y)eyim : lre pers. sg. de l'optatif, 81-82. -(y)i (accusatif) : 32, 34; voir accusatif. -(y)* (gérondif) : 131-132. -(y)i (enclitique persan de liaison) : 166-168. -iy)ici: 113. -(y)/m (suffixe prédicatif nominal, lre pers. sg.): 58-59, 87-88. -{y)in (suffixe adverbial) : 48.

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-{y)in(iz) (2e pers. pi. de l'impératif) : 71-72. -iy)ince (gérondif) : 134. -{y)mceye kadar {dek, değin) (locution gérondive) : 134. -0)'/> (gérondif) : 129-130, 146. -OO'J (nom d'action) : 117-118. -(y)iz (suffixe prédicatif.nominal, lre pers. pi.) : 58-59, 87-88. -i}')ken (gérondif) : 92, 135-137. -{y)le (post-position enclitique) : 50; voir ile. -{y)miş : 90-91, 97-99; voir dubitatif. yok: 61-62, 92-93, 158. yokarı = yukarı, voir ce mot. yoksa: 150. yo{o)l (interjection négative) : 158. y on- : 76. -(y)se: 91-92, 99-100; voir suppositif. yuha! (interjection) : 158. yukarı : 53. yürü- «marcher» : 76. yüz « cause ; faute » : 54.

-z (aoriste négatif) : 75-76, 87-88; voir aoriste. -z-lik (nom d'action négatif) : 118. zaman (locution gérondive avec) : 44; voir ne zaman ki. zira: 155.

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TABLE DES MATIÈRES

Pages

AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR 7

I. L'ALPHABET ET LES SONS 9

II. R È G L E S PHONÉTIQUES GÉNÉRALES. 14

III. PHONÉTIQUE DES SUFFIXES 17

IV. CARACTÈRES GÉNÉRAUX D E LA MORPHOLOGIE 22

V. MORPHOLOGIE DU NOM (SUBSTANTIF) 24

VI. PRONOMS 37

VII. NUMÉRATION 42

V I I I . , F O N C T I O N S ADJECTIVE ET ADVERBIALE DU NOM 47

IX. POST-POSITIONS 50

X . PROPOSITION NOMINALE 55

XI . RADICAL VERBAL ET BASES VERBALES DÉRIVÉES 63

XII . IMPÉRATIF 71

XII I . CLASSES DU VERBE 74

XIV. CONJUGAISON PERSONNELLE DU VERBE 85

XV. ÉQUIVALENTS TURCS D E S VERBES « ÊTRE » ET « AVOIR » 89

XVI . FORMES VERBALES COMPOSÉES 94

XVII . É L É M E N T S INTERCALÉS D A N S LA CONJUGAISON 102

XVIII . N O M S VERBAUX D'AGENT 106

X I X . NOMS VERBAUX D'ACTION 114

X X . N O M S VERBAUX COMPLEXES 119

X X I . G É R O N D I F S ET LOCUTIONS GÉRONDIVES 129

X X I I . CONJONCTIONS 147

X X I I I . INTERJECTIONS, GESTES, FORMULES D E POLITESSE 157

X X I V . V E S T I G E S GRAMMATICAUX D E L'OTTOMAN CLASSIQUE 164

X X V . P R I N C I P E S GÉNÉRAUX D E CONSTRUCTION ET D'ORDRE D E S MOTS. 171

BIBLIOGRAPHIE 181

I N D E X 183

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ACHEVÉ D'IMPRIMER EN NOVEMBRE 1994 PAR L'IMPRIMERIE DE LA MANUTENTION

A MAYENNE

N° 355-94

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LINGUISTIQUE

Nous informons MM. les Clients qu'il nous est possible, étant donné notre spécialisation, de leur fournir tous ouvrages de linguistique ou autres sujets relatifs à l'Afrique, Australie, Proche-Orient et Extrême-Orient.

Les titres que nous proposons ici ne représentent qu'un échantillon des productions que nous pouvons fournir en linguistique ou textes relatifs à la linguistique.

AESCOLY (A. Z.). Recueil de textes falachas, introduction, textes éthiopiens (édition critique et traduction index). 1951, in-8 br., 286 pages.

Edition critique, avec trad. en français, d'écrits religieux en guèze (éthiopien classique) des Fala-chas, Juifs d'Abyssinie.

ALVERNY. Cours de langue arabe. Vocabulaire commenté et sur textes. 1982, in-8 br., XII-518 pages. ASSAR (Nourredine). Guide pratique de langue persane. Exposé succinct d'histoire et de géographie. Notions essentielles de Grammaire, phrases usuelles de la conversation, vocabulaire indispensable. Le texte persan suivi de la transcription (prononciation) et tradurJon. 1961, réimpr. 1986; In-16, cart. souple, 2 portraits, 235 pages, grande carte en dépliant.

BACOT (J.). Grammaire du tibétain littéraire. 2 vols, in-8 br. groupés en 1 vol., 1981. Tome I, 86 pages. Tome II : Index morphologique, 153 pages.

Collection d'exemples conçue dans une préoccupation didactique, c'est plus exactement un lexique morphologique et une anthologie.

BARBOT (M.). Évolution de l'arabe contemporain. Tome I. Bibliographie d'arabe modeme et du Levant. Introduction au parler de Damas. Paris, 1981, in-8, 353 pages. Tome IL Les sons du parler de Damas. Paris, 1981, pp. 334 à 1008.

BASSET (A.). Textes berbères de l'Aurès (Parler des Ait. Frah). Intr. de Ch. Pellat, 1961, in-8 br., XII-353 pages (I.E.O. Tome XXIII).

BAZIN (L.). Introduction à l'étude pratique de la langue turque. Paris, 1968, in-8 br., 203 pages.

Émir DJELADET BEDIR KHAN et Roger LESCOT. Grammaire Kurde (Dialecte Kur-mandji). Paris, 1970, in-12 br„ X-372 pages.

BEN CHENEB (Mohammed). Tohfat al-Adab fi Mizan ach'ar al-arab, métrique arabe. 3' éd., 1954, in-8 br., 168 pages.

BENVENISTE (E.). Les infinitifs avestiques. 1935, in-8 br., 117 pages. Introduction. Première partie. Examen des formes douteuses. Deuxième partie: Les infinitifs authentiques. Chap. I. Les infinitifs à désinence casuelle. Chap. II . Les infinitifs en -dhyai. Conclusions : Faits de l'iranien ancien. Infinitif des parlcrs moyens et modernes. Index.

BENVENISTE (E.). Noms d'agent et noms d'action en Indo-Européen. 1948, in-8 br., 175 pages (réimpression 1975).

Avant-propos 1" Partie : Noms d'agents. Introduction. Chap. I". Noms d'agent en indo-iranien. Chap. II. Les noms d'agent en grec. Chap. III. Confrontation dexwp et detr ip . Chap. IV. Noms d'agent en d'autres langues. Conclusions. — II' Partie: Noms d'action. Introduction. Chap. V. Les noms grecs ennç. Chap. VI. Les noms homériques en iuç . Chap. VIL -tu et tti en indo-iranien. Chap. VIII. Les formations latines en -tus et -tio. Chap. IX. Noms d'action simples et composés. Conclusions. — l u ' Partie: Comparatifs et superlatifs. Introduction. Chap. X. Le comparatif. Chap. XL Le superlatif et l'ordinal. Index.

BENVENISTE (E.). Origines de la formation des noms indo-européens. I. 1935, in-8 br., 224 pages (4' lirage, réimpression anasiaiique, 1973).

Préface. — I. Le problème de l'alternance r/n. — IL Classement des alternances. — III. Les formations en -1-. — IV. Les thèmes en -i- et en -u-. — V. La question du locatif singulier. — VI. Formes complexes des suffixes en -m-. — VIL Survivances de neutres dans les dérivés. — VIII. De quelques formes d'infinitifs. — IX. Esquisse d'une théorie de la racine. — X. Structure des plus anciens dérivés nominaux. — XL Valeur de Taffixe -dh-. — Additions et corrections. Index.

BLACHÈRE (R.) et CECCALDI (M.). Exercices d'arabe classique. Nouvelle réimpr. anast. revue et corrigée sur la seconde édit. 1962, in-8 br., 176 pages.

Exercices progressifs ; le texte arabe des premières leçons est voyelle.

Page 204: Louis Bazin_Introduction +á l'+¬tude pratique de la langue turque [1994]

BLOCH (J.). The grammatical structure of dravidian languages. Translation from the original french Poona. 1954, in-8 br., XXXIII, 126 pages, portrait of Jules Bloch, 1 map of Dravidian Languages.

BLOCH (Jules), MASTER (Alfred). Indo-Ayran from the Vedas to modern times. English édition largely revised by the author and translated by A. Master. 1965, in-8 br., IX-336 pages.

BORIS (G.). Documents linguistiques et ethnographiques sur une région du Sud tunisien (Nefzaoua). 1951, in-8 br., XVI-272 pages, 9 planches hors-texte, 1 cane hors texte.

BOURGEOIS (P.). Manuel élémentaire de chinois comprenant en outre une chronologie comparée et une carte de la Chine. (Préface de M. le Prof. Gernct). 1976, pet. in-8 br., VII-262 pages, 1 carte en dépliant.

BOURGEOIS. Manuel intermédiaire de chinois. Paris, 1984, in-12 br., XII, 144 pages. Comprenant des exercices chinois simplifiés avec en marge les caraaères normaux et quelques pages avec la transcription «Pin-Yin». Plus un vocabulaire.

BRIXHE. Le dialecte grec de Pamphylie. Documents et grammaire. Paris, 1976, in-4 br., XV-325 p., 4 canes. XLVIII pi. de photos.

COHEN (Marcel). Traité de langue amharique (Abyssinie). 1986, réimpression 1970, XV-444 pages, XXXIII tableaux, cartonné, toile.

Travaux et Mémoires Inst. d'Ethnologie. Tome XXIV.

COLIN (G.-S.). La vie marocaine. Textes ethnographiques en arabe dialectal sur les usages et les coutumes des citadins et des ruraux du Maroc. 1953, in-8 br., 72 pages.

Textes extraits de la «Chrestomathie marocaine».

COLIN (G.-S.). Recueil de textes en arabe marocain. Contes et anecdotes. 1959, in-8 br., 50 pages.

COUVREUR (F.-S.). Dictionnaire classique de la langue chinoise. Taichung, 1966, in-4 relié toile, XII-1080 pages à 3 colonnes (édition photographique de la 2e édit.).

DELAMARRE (X.). Le vocabulaire indo-européen. Lexique étymologique thématique. Paris, 1984, in-8 broché, 332 pages.

Il n'existait pas en France de recueil synthétique du vocabulaire indo-européen. Le présent ouvrage veut donc combler une lacune.

DEMIEVILLE (Paul). Matériaux pour renseignement élémentaire du chinois, écriture, transcription, langue parlée nationale, 3* édit. révisée. 1974, in-8 br., 111-86-73 et 17 pages.

En dehors des corrections apportées nous signalons la transcription Pin yin qui a été ajoutée et complète utilement ces matériaux.

DENY (J.). Principes de grammaire turque («Turk» de Turquie). 1955, in-8 br., 183 pages.

DICTIONNAIRES ARABES: Al-Fara'id [Belot]. Dictionnaire arabe-français (à l'usage des étudiants). In-8°, 1012 pages.

Mounged de poche français-arabe et arabe-français.

Mounged. Dictionnaire moderne français-arabe, in-8, 981 pages, 1152 illustrations, 30 planches en noir et 28 couleur.

Mounged classique. Petit dictionnaire français-arabe, in-12, 1027 pages.

Fara'id at-Toullab. Petit dictionnaire arabe-français, in-12, VI11-719 pages.

DORDELLON (Mgr). Dictionnaire de la langue des îles Marquises: français-marquisien. 1932, 598 pages, cartonné toile.

Travaux et Mémoires Inst. d'Ethnologie, tome XVIII.

DUMEZIL (G.). Etudes comparatives sur les langues caucasiennes du Nord-Ouest (Morphologie). 1932, in-8 br., 262 pages.

DUMÉZIL (G.). Études Oubykhs. 1959, in-4 br., 76 pages. I.F.A.I. Bib. Arch. et Hist., VII. Préface. — Esquisse grammaticale. — Textes et Haci Osman koy (1955-1957).— Révision des textes de: La langue des Oubykhs (1931) et de A. Dirr Caucasica, IV (1927).

DUMÉZIL (G.) et JABAGI. Textes populaires ingus recueillis par M. Jabagi. Traduits, commentés et précédés d'une introduction grammaticale par G. Dumézil. 1935, in-8 br., 75 pages (autogr.).

FEGHALI (Michel). Textes libanais (en arabe oriental) avec glossaire. 1933, in-8 br., 100 pages.

FEGHALI (Mgr Michel). Proverbes et dictons syro-libanais, texte arabe, transcription, traduction, commentaire et index analytique. 1938, in-8 cart., XVIII-848 pages.

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FUSSMAN (Gérard). Atlas linguistique des parlers Dardes et Kafirs. Paris, 1972, in-8 br., 2 vol. I : cartes classées par ordre alphabétique des mots principaux traités. II : commentaires, XVI, 451 pages. E.F.E.O. LXXXVI. GIRAUDEAU (Mgr) et GORE (P.-Francis). Dictionnaire français-tibétain (Tibet Oriental). 1956, in-4 rel. toile, 1 me, 310 pages sur 2 colonnes pour le dictionnaire et 24 pages pour les termes religieux et historiques. GONDA (J.). Manuel de grammaire élémentaire de la langue sanskrite, suivi d'exercices, de morceaux choisis et d'un lexique. 1966, in-16 br., 157 pages. GUDLLEMINET (P.). et ALBERTY (R.P.J.). Dictionnaire bahnar-français. In-8 br. Tome I : 1959 (lre Partie) A à K. XX-494 pages. Tome II : 1963 (2e Partie) L à U\ pp. 495 à 991. HAMBIS (L.). Grammaire de la langue mongole écrite. 1945, in-8 br., XXII-109 pages, 6 tableaux hors texte. HENRY (Victor). Éléments de sanskrit classique. 1975, in-8 br., XV-284 pages. Réimpression anastatique de l'Edit. 1902. KANJI ET KANA. Manuel de récriture japonaise et dictionnaire des 1945 caractères officiels, par W. Hadamitzky et P. Durmous. Paris, 1988, in-8 br,, 394 pages.

Cet ouvrage est le premier dictionnaire en français comportant les 1945 Kanji officiels. 9000 mots sont donnés à titre d'exemple ou de combinaisons, ce qui porte à 11 000 les caractères présentés. Il est indispensable aux étudiants, aux amateurs d'art ou aux voyageurs recherchant une information précise.

KANJI ET KANA. Index des quelque 9000 «mots composés » japonais extraits du « Kanji et Kana ». Manuel et dictionnaire de l'écriture japonaise de W. Hadamitzky et P. Durmous, établi avec l'aide de Hans Mihm. Berlin, 1985, in-8 br., 120 pages.

Vient de paraître : Index des mots français contenu dans le manuel Kanji et Kana.Environl72 pages. In-8 broché. 1988. Cet index peut servir de dictionnaire français-japonais par le truchement du manuel Kanji et Kana. KANJI ET KANA. Livres d'exercices (d'écriture) par W. Hadamitzky. Livre 1 : hiragana, katakana kanji 1-300. Livre 2: kanji 301-900. Livre 3: kanji 901-1945.

Ces trois livres d'exercices d'écriture sont établis d'après l'ordre du « Kanji et Kana » auquel ils font référence.

Tching KAO et Makoto KANEHISA. Le chinois quotidien. 1976, in-8 raisin, 192 pages. LAFONT (P.-B.). Lexique français-jaraï-vietnamien. (Parler de la province de Plei ku) avec le concours de Nguyen-Van-Trong pour le vietnamien. Paris, 1968, in-8 br., IX-297 pages. E.F.E.O. LXIII. LAROCHE (Em.). Dictionnaire de la langue kmvite. 1959, in-8 br., 180 pages.

I.F.A.I. Bibl. Arch. et Hist., VI. LEFEBVRE (G.). Grammaire de l'égyptien classique, 2* édition, revue et corrigée avec la collaboration de S. Sauneron. 1955, in-4° cart., XIX-471 pages.

I.F.A.O.C. Bibl. Et. T. XII. LEENHARDT (M.). Vocabulaire et grammaire de la langue Houaïlou. 1935, in-8 cart., VI-414 pages. Travaux et Mémoires Inst. d'Ethnologie. Tome X. LEENHARDT (M.). Langues et dialectes de l'Austro-Mélanésie. 1946, in-8 br., XLVIII-676 pages, une carte dépliante (réimpression photomécanique).

Travaux et Mémoires Inst. d'Ethnologie. Tome XLVI. LE GUILLOU (J.-Y.). Grammaire du vieux bulgare (vieux slave). Paris, 1984, in-8 br., 240 pages. LE GUILLOU (J.-Y.). Grammaire du bulgare (moderne). Paris, 1984, in-8 br., 256 pages. LESCOT et BEDIR KHAN. Grammaire Kurde, dialecte Kurmandji. 1970, in-8 br., IX, 372 pages. LETTINGA (J.-P.). Grammaire de l'hébreu biblique. Traduction du néerlandais par A. et A. Schoors. Leiden, 1980. 2 volumes, in-8 br., vol. I, XIII, 202 pages, vol. II, volume complémentaire. Exercices, extraits de l'Ancien Testament et vocabulaires. VIII, 89 pages et 21 tableaux. LOMBARD (D.). Le « Spreach Ende Woord-Boeh » de Frederik de Houtman. Première méthode de malais parlé (fin du xvi* siècle), présenté par D. Lombard avec la collaboration de M"10 W. Arifin et M. Wibisono. Paris, 1970, gd in-8 br., 267 pages dont 92 pour le lexique. U TCHE-HOUA et PIMPANEAU (J.). Récits et nouvelles en Chinois moderne choisis par MM. les Professeurs LI TCHE-HOUA et PIMPANEAU (J-) (Lectures Chinoises). 1968, 2 vol., in-8 br., 1" partie textes, 205 pages, 2e partie vocabulaire, 563 pages.

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MARÇAIS (Ph.). Esquisse grammaticale de l'arabe maghrébin. 1977, in-8 br., 234 pages. PELLAT (Ch.). Introduction à l'arabe moderne. 1956, in-8 br., réimpression 1974, VI-243 pages. PELLAT (Ch.). L'arabe vivant, mots arabes groupés d'après le sens et vocabulaire fondamental de l'arabe moderne. 1952, in-8 br., V-617 et 77 pages d'index arabe, réimpression anastatique, 1975.

L'auteur a complété sa liste de mots par les expressions usitées et deux index : A) des mots français ; B) des mots arabes.

PÈRES (H.). La littérature arabe et l'Islam par les textes, les XIX' et XXe siècles, 6e édit. 1959, revue corrigée et augmentée d'un index des mots expliqués et d'un relevé des constructions grammaticales particulières. Réimpression, 1969, in-8 br., XXVI-273 pages.

PICARD (A.). De quelques faits de Stylistique dans le parler des Irjen (Kabylie-Algérie). De la phrase inorganique à la phrase organisée. 1960, in-4 br., XXII-704 pages. QUITO. Brève instruccion, o arte para entender la lengua comun de los Indios, segun se habla en la Provincia de Quito. Con Licencia de los Superiorcs. En Lima, en la Imprenta de la Plazucla de San Christoval ano de 1753, pet. in-8 br., 2 ff. prél. et ff. 1-30.

Réimpression à 325 ex., numérotés de 1 à 315 et A à K sur beau papier. RECUEIL DE TEXTES tirés de la presse arabe, précédés d'une introduction de M. Ch. Pellat. 1958, gr. in-8 cart., 160 pages. RENOU (L.). Études sur le vocabulaire du Rgveda. 1" série. 1958, in-8 br., 8 m e , 71 pages.

I.F.I.P. n* 5. RENOU (L.). Grammaire sanskrite. Phonétique, composition, dérivation, le nom, le verbe, la phrase. 2e éd. revue, corrigée et augmentée. 1961, 2 tomes en 1 vol. in-8, XVI11-568 et 21 pages, réimpression 1984. (Nous déplorons une erreur de pagination de 226 à 272 inclus.) ROSE-INNES (A.). Beginners dictionary of Chinese-Japanese characters with common abbreviations, variants and numerous compounds, 2nd édit. 1944, in-12 rel., XIX-507 et 25 pages. RUTTEN (M.) (attachée au Musée du Louvre). Éléments d'Accadien (Assyrien-Babylonien). Notions de grammaire. 1937, in-8 br., 1 fnc, 104 pages. SACLEUX (Ch.). Dictionnaire swahili-français. 1939-1941, 2 vol., gr. ın-8 cart., 1 114 pages.

Travaux et Mémoires Inst. d'Ethnologie, tome XXXVI-XXXVII. SAVINA (F.-M.). Le vocabulaire Bé... présenté par A.-G. Haudricourt. 1965, gr. in-8 br., 170 pages (E.F.E.O. LVII). SHIMAMORI (R.) Grammaire japonaise systématique. 1994, XXV, 433 pages. STCHOUPAK (N.). Chrestomathie sanskrite. 1948, in-8 br., 31-34-19 et 2 pages.

Préface. Thèmes, 26 pages. Versions en transcription, 5 pages. Textes en caractères devanagari, 34 pages. Lexique français-sanskrit, 19 pages. Table, 2 pages.

STCHOUPAK (N.), NITTI (L.)> RENOU (L.). Dictionnaire sanskrit-français. 1932. Réimpression anastatique, 1987, in-4 br., IV-897 pages, imprimé sur 2 colonnes.

Publication de l'Institut de Civilisation Indienne, 3e édition. TAMOUL. Le tamoul facile. Méthode de langue tamoule, par Saindivam Chanemougas. 1986, in-8 br., 6 fnc, 162 pages. TCHANG FOU-JOUEI. Initiation à la langue classique chinoise à partir d'un morceau choisi de littérature. Liwazhuan histoire de la belle Li Wa de Bai Xingjian. 1976, in-8° jésus, 64 pages. TISSERANT (Ch.). Dictionnaire banda-français. 1931, in-8 cart., 611 pages.

Travaux et Mémoires Inst. d'Ethnologie. Tome XIV. TISSERANT (Ch.). Essai sur la grammaire banda. 1930, in-8 cart., 185 pages.

Travaux et Mémoires Inst. d'Ethnologie. Tome XIII. WATIN (L.). Contrôleur civil honoraire. — Recueil de textes marocains style administratif. Préface du général Guillaume. 1954, in-4 br., X1V-371 pages. WIEGER (P.-L.). Caractères chinois, étymologie, graphies, lexique... 1963 (réimpression anastatique, éd. 1932). In-8 rel., 943 pages.

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choix d'ouvrages divers extraits du catalogue

ARTS ASIATIQUES. Terne XXXI (numéro spécial). Les nouvelles recherches archéologiques au Vietnam (complément au Vietnam de Louis Bezacier), par Nguycn Phuc Long. Paris, 1975, in-4 br., 154 pages, 296 reproductions dont 8 canes en 27 planches.

AVTCENNE. La philosophie d'Avicenne et son influence en Europe médiévale (Forlong lectures, 1940), par A. Goichon, réimpression de la 2e édit. revue et corrigée, 1951, in-8, XXI, 139 pages.

Avant-propos. — I. Les grandes thèses de la philosophie d'Avicenne. — II. La formation du vocabulaire philosophique arabe. — III. L'influence de la philosophie avicenienne dans l'Europe médiévale.

BASANOFF (V.). Rcgifugium. La fuite du roi. Histoire et mythe. 1943, in-3 carré, XV-189 pages, 1 planche hors-texte pour le Calendrier Préjulien, 1 plan.

Collection d'Études Mythologiques II. CHIH-CHI (Grand Maître des Sectes de Tien-Taï. Dyâna pour les débutants (Traité sur la méditation bouddhique. École du Nord). Suite de conférences données par le Grand Maître Chih-Chi du Tien-Taï au Temple de Shin-Ch'an (Dynastie des Sui, 581-618). Traduction française de G. Constant Lounsbery, d'après la transcription du chinois du Bhikshu Wai-Dau et de Dwight Goddard.

DLÎFOUR (L.). Météorologie, calendriers et croyances populaires: Les origines magico-religieuses: Les dictons. Paris, 1978, in-8 br., frontispice, 240 pages.

Ce travail constitue une des plus rares approches, à la fois scientifique et pratique, réalisée depuis trente ans pour la connaissance du calendrier d'Occident et des dictons s'y rattachant. Dans le texte du Dr Dufour, ancien directeur de l'Institut météorologique belge, « pointe » le bon sens paysan de ses origines.

ESQUIMAUX. La vie des esquimaux de Sibérie par leurs contes. Traduit du russe el adapté par L. Hiu. Paris, 1990, 1 carte en frontispice, , 269 pages. 1 planche et glossaire in texte.

FOL'CHER (A.). La vie du Bouddha d'après les textes et les monuments de l'Inde. Paris, 1987, réimpression d'après l'édition de 1949, in-8 br., 383 pages, 12 pi. hors texte.

GIRARD (Rafaël). L'ésotérisme du Popol-Vuh, traduction française, 1959, réimpression, 1983, in-8 br., 344 pages, nombreuses illustrations.

Extrait du sommaire: Ésotérisme du Popol-Vuh — Cosmogonie et création de l'Univers — Les Ages du Monde : Premier Age ; Deuxième Age ; Troisième Age. La merveilleuse histoire de Hunahpû et de bcbalamqué — Quatrième et dernier Age (Ère culturelle maya-quiché) — Histoire du maïs et de la civilisation maya-quiché — Les tribus originelles maya-quiche et lenca — Panorama de la préhistoire et du peuplement du Honduras — Emigration quiche (extraits de Los Chortis ante el problema Maya. Tome IV).

G LAIZE (M.). Les monuments du groupe d'Angkor. Guide. 4e édil.. revue ci mise à jour. 1993. in-12. couverture souple. XIII. 2£0 pages. 8 pages non chiffrées pour les index. 30 plans, canes, dessins dans ci hors texte cl refonte totale de l'iconographie, portée à 120 planches hors lexie.

GOICHON (A. MO* La philosophie d'Avicenne (Ibn Sina) et son influence en Europe médiévale (Forlong lectures 1940). 2* édit. revue, corrigée et augmentée. 1951, réimpression 1981, in-8 br., XXI-139 pages.

LAO TSE Tao Tö King. Le livre de la voie et de la vertu, texte chinois établi et traduit avec des notes critiques et une introduction par J.-J. L. Duyvendak. 1953, réimpression 1975, in-8 oblong, 1 front. XIII-188 pages.

Le texte chinois publié en regard de la traduction et des notes qui l'accompagnent.

MEVLANA DJELAL-EDDIN-I-ROUML Roubâ'yât. Traduits du persan par Assaf Hâlet Tchelebi, 1950, in-16 jésus, 78 pages.

Depuis le Xlif siècle jusqu'à nos jours, le grand poète mystique Mevlânâ Djelal-Eddîn-i-Roûmî a eu une influence ininterrompue et profonde sur les littérarures persane, hidoustanî et turque. L'ordre des Derviches tourneurs, fondé par ses successeurs en souvenir de lui, a continué à maintenir sa réputation. II a fait de lui un homme extraordinaire, auréolé de mystère et de sainteté.

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MOERENHOUT (J.). Voyages aux îles du Grand Océan, contenant des documents nouveaux sur la géographie physique et politique, la langue, la lirtérarure, la religion, les mœurs, les usages et les coutumes de leurs habitants et considérations générales sur leur commerce, leur histoire et leur gouvernement depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours (Paris, 1837). 1959, 2 vol. rel. en 1 vol. in-8, XV-576 et VI1-520 pages, omé d'une grande cane et de 4 planches. Reproduction par procédé photomécanique de l'édition princeps. NARADA THERA (le Ven). t a doctrine bouddhique de la Re-naissance. Traduction Dr A. Migot, 1953, in-16 carré, 86 pages, 4 planches hors texte.

Préface du traducteur. — I. L'origine de sa vie. — II. La cause de la naissance et de la mon. — III. Raison de croire à une vie antérieure. — IV. La route de la vie. — V. Modes de naissance et de mort. — VI. Les divers plans d'existence. — VII. Comment a lieu la Rc-naissance. — VIII. Qu'est-ce qui re-nait ? Pas une âme. — IX. Responsabilité morale. — X. Descente kammique et ascension kammique. — Conclusion. — Appendice. La re-naissance vue par d'autres. Index des mots pâlis et sanskrits. Index des auteurs cités. — Table des diagrammes. — I. La roue de la vie. — II. Paticca samuppàda. — III. Plans d'existence. — IV. Processus de transformation de la conscience.

ROUX (J.-P.). La mort (la survie), chez les peuples Altaïques anciens et médiévaux, d'après les documents écrits, 1963, in-8 br., 215 pages.

Table des matières. — Introduction. — Documents. — Abréviations. — I1* partie: La mort. — I. Le désir de vivre. — IL Les causes de la mon. — III. La crainte de l'appareil mortuaire. — IIe partie: L'âme et le mort. — L'âme. — II. La survie. — III. Le culte des mons et l'ances-trolâtrie. — IIIe partie: Les funérailles. — I. Divers modes de funérailles. — II. Les cérémonies funèbres. — III. Le tombeau. — Conclusion.

ROUX (J.-P.). Faune et Flore sacrées dans les sociétés altaïques. 1966, in-8 br., 477 pages. Introduction. Documents. Abréviations. — lre panie: Hommes, animaux et végétaux dans l'Univers. — 2e panie : L'homme animal et l'homme plante. — Conclusion. — Bibliographie. — Index.

SCHAYA (Léo). La doctrine souilque de l'Unité. Nouvelle édition revue et corrigée. Paris, 1982, in-8 br., 104 pages.

Initiation à l'Islam, IX.

STARCKY IJ.) ot GAWLIKOWSKI (M.). Palmyre. Édition revue et augmentée des nouvelles découvertes. Paris, 1985, in-8 br.. frontispice, 159 pages. 18 figures et 14 planches in texte et 8 planches couleur hors texte.

Ce nouveau Palroyre rend "compte des fouilles importantes de la Direction Générale des Antiquités de Syrie et des activités de la mission polonaise dont le directeur, M, Gawlikowski. s'est associé pour la nouvelle rédaction et les compléments.

VIAUD (G.). La liturgie des coptes d'Egypte. Paris» 1978, in-8 br., 126 pages, 27 illustrations en 16 planches.

VLADIMIRTSOV (B.). Gengis Khan, traduit du russe par M. Carsow, avec une introduction historique de R. Grousset. 1948, in-8 br., XXXIII-159 pages, 1 grande cane hors texte en dépliant.

VLADIMIRTSOV (B.). Le régime social des Mongols. Le féodalisme nomade. Préface par R. Grousset. Traduction par M. Carsow. 1948, in-8 br., XVII1-291 pages, 1 cane hors texte coloriée en dépliant.

YI-KING (Le) ou livre des changements de la dynastie des Tcheou, traduit pour la première fois du chinois en français, par Philastre. 1885-1893, 2 vol. in-8 br., 491, 608 pages.

Le Yi-King est le Livre des divinisations des Chinois. Il reste encore à notre époque le livre par excellence de référence de cette philosophie, de cette religion, de cène culture. Réimpression photomécanique, sous autorisation en accord avec le Musée Guimet. Annales du Musée Guimet. Tomes VIII et XXIII.

ZARCONE (T.). Mystiques, philosophes et francs-maçons en Islam. Riza Tevfik. penseur ottoman (1868-1949), du soufisme à la confrérie. Paris. 1993, in-8 br.. 576 pages, 20 planches hors texte.

l.F.E.A.I. Bibl. XXXVII.

Page 209: Louis Bazin_Introduction +á l'+¬tude pratique de la langue turque [1994]
Page 210: Louis Bazin_Introduction +á l'+¬tude pratique de la langue turque [1994]

ISBN 2-7200-1050-2