L'intégration des immigrés d'origine turque en Allemagne

8/8/2019 L'intgration des immigrs d'origine turque en Allemagne

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Lintgration des immigrs

dorigine turque en Allemagne______________________________________________________________________

Martina Sauer

Novembre 2010

Comit dtudes des relations franco-allemandes

NNoottee dduu CCeerrffaa 7799


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LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).

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Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit de lauteur.

Cette Note du Cerfaest publie dans le cadre du Dialogue davenir franco-allemand , un projet men en coopration par le Comit dtudes des

relations franco-allemandes de lInstitut franais des relations internationales,la Deutsche Gesellschaft fr Auswrtige Politik et la

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M. Sauer/ Les immigrs dorigine turque en Allemagne

Rsum

Les dbats sur la politique dintgration se concentrent en Allemagnesur les immigrs turcs musulmans et postulent la plupart du tempsque lintgration choue parce que les immigrs refusent de sint -grer. En raison de son histoire migratoire propre, la sphre politiquena reconnu qu contrecur que lAllemagne tait devenu un pays

dimmigration. Jusquau dbut de la dcennie, la conception domi-nante tait celle dun retourdes travailleurs invits (Gastarbeiter),partage tant par la socit allemande que par les immigrs eux-mmes.

Ainsi, aucun sentiment commun dappartenance na mergen Allemagne, bien que la plus grande partie de la population turquequi vit en Rpublique fdrale y soit ne ou y ait grandi, et quun tiersdentre elle ait acquis la citoyennet allemande. Lintgration desimmigrs figure certes maintenant sur lagenda de tous les partisreprsents au Parlement, mais la dfinition de cette intgration restelargement floue ; les conditions structurelles et sociales sont rarementprises en compte. La controverse vise dterminer si lintgrationsociale et lidentification sont plutt la consquence dune intgrationconomique vcue comme positive, ou si lintgration sociale etlidentification sont des conditions pour lintgration structurelle.

Les rsultats de sondages raliss chaque anne, depuis1999, par la Stiftung Zentrum fr Trkeistudien und Integrations-forschung (Centre dtudes turques et de recherche sur lintgration)tayent la thse dune intgration partielle qui, au cours des derniresannes, a progress plus rapidement dans les domaines delidentification et de linteraction que dans ceux de lacculturation et delintgration sur le march du travail. Aucun lment ne vientconforter la thse dun renforcement des structures parallles ou

dune sgrgation croissante.


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Auteur

Martina Sauer est directrice du service recherches socialesempiriques au Centre dtudes turques et de recherche surlintgration dEssen (Zentrum fr Trkeistudien und Integrations-forschung, ZfTI) depuis 2000.

Elle a obtenu un diplme Magister Artium en histoire contem-

poraine, conomique et sociale et en sciences politiques luniversitde Mannheim en 1992. Elle est collaboratrice au sein dun pro-gramme de recherche de la Deutsche Forsungsgemeinschaft de1993 1998 avant de soutenir un doctorat en sciences politiques luniversit de Mannheim en 1999.

Ses principaux champs dtudes portent sur la recherche tantthorique quempirique sur lintgration, en particulier sur lintgrationdans le systme dducation et le march du travail.


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Sommaire

LE DEBAT SUR LINTEGRATION EN ALLEMAGNE.. 4

Un pays dimmigration malgr lui .. 4

Vers une politique dintgration de rattrapage ...7

Ltude du ZfTI :objectifs, mthode et principaux rsultats10

LINTEGRATION PAR LEDUCATION ET LE TRAVAIL12

Une intgration cognitive insuffisante.. 12

Des dficits structurels dintgration 14

LINTEGRATION ET LIDENTIFICATION A LALLEMAGNE.17

Une identification lAllemagneet une intgration en progression... 17

Un fort dficit en termes de participation politique... 20

CONCLUSION 25

BIBLIOGRAPHIE 26


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Le dbat sur lintgrationen Allemagne

Un pays dimmigration malgr lui

Lorsquil vient porter sur les questions lies lintgration en

Allemagne, le dbat public, politique et social se concentre trsrapidement sur lchec suppos de lintgration, en particulier celledes immigrs dorigine turque musulmane

1, qui reprsentent 3 % dela population totale et constituent le groupe le plus important parmiles immigrs2. Ces dbats sont le plus souvent dclenchs par lescandale n des reportages relatifs aux comportements anomiquesdimmigrs qui semblent remettre en question la stabilit de la socit

les crimes dhonneur, la violence lcole et le laxisme deprofesseurs dbords, lislamisme extrmiste3 ou bien encore,comme cela a t le cas rcemment, par trs mdiatis de ThiloSarrazin4. On reproche alors aux migrants de pratiquer une sgr-

gation dlibre, de refuser de sintgrer, de se retrancher dans dessocits parallles (non dfinies) et dimposer une influence tran-gre excessive la communaut de valeurs allemande ( berfrem-dung ). La russite de lintgration des immigrs se mesure le plusfrquemment laune de leur adaptation culturelle au mode de vie occidental et ses valeurs, dont on postule quils seraientncessairement contraires la faon de vivre et de penser des

1Jusquen 2001, les migrants ou les trangers taient dsigns sous le vocable

strotyp de Turcs ; depuis, ils sont appels Musulmans - ce nest pluslorigine nationale, mais lappartenance confessionnelle qui sert de critre de

laltrit. Dans une approche rductrice, lintgration et les problmes dintgrationsont limits ce groupe dimmigrs.2

Prs de 16 millions de personnes (19% de la population totale) issues delimmigration vivaient en Allemagne en 2009, dont 3,3 millions de rapatris (descendants de minorits allemandes tablies, parfois depuis des gnrations, enEurope centrale et orientale, en Europe du Sud-Est et en partie en Asie) et 2,5migrants originaires de Turquie. Source : Office fdral de Statistiques, 2010.3

Pour une analyse des mdias sur ce thme : Weber-Menges, 2005.4

NdT : Thilo Sarrazin, qui tait alors membre du SPD et du directoire de laBundesbank, a publi en septembre 2010 un livre intitul Deutschland schafft sich ab( LAllemagne court sa perte ), dans lequel il tenait des propos jugsxnophobes qui ont provoqu un scandale.


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immigrs dorigine turque ou musulmane5. Ce prisme masque les

conditions sociales et structurelles ou les superpose des consid-rations culturelles ; ladaptation culturelle conditionne la participation la vie sociale et conomique le noyau de lintgration6. On faitporter aux seuls migrants la responsabilit de lintgration (en parti-culier lorsque celle-ci est qualifie dchec), au mpris du caractrerciproque de ce processus, qui ncessite aussi une volontdintgration, douverture et dacceptation de la part de la socitdaccueil (Schiffauer, 2008, Aumller, 2009).

De surcrot, les efforts dintgration dj fournis par nombrede migrants sont sous-estims (Trnhardt, 2009) ; on passe soussilence le fait que lhistoire rcente de limmigration en Allemagne estbeaucoup moins empreinte de tensions et que les migrants y sontnettement moins victimes de sgrgations sociale et spatiale quedans beaucoup dautres tats (Koopmans, 2008). Seule une trspetite minorit de migrants vit dans des structures sociales parallles

et les ghettos monoculturels sont rares (Halm et Sauer, 2006, Saueret Halm 2009, Schnwlder et Shn, 2007). Et mme si les migrantssont surreprsents dans les milieux sociaux dfavoriss et sil existedes foyers de tensions sociales dans les grandes villes, lAllemagnena jusqu prsent pas connu dexcs et de manifestations violentescomparables ceux survenus dans les banlieues franaises en 2005.

Cependant, pendant 40 ans, lAllemagne na gure men depolitique au niveau fdral visant encourager ou soutenir lintgra-tion des immigrs (Bade, 2009). Larrive de migrants dorigineturque et musulmane en Allemagne a commenc dans les annes1960. En raison dune pnurie de main-duvre qui touchait en

particulier les postes non qualifis de lindustrie, on recruta dans lebassin mditerranen des travailleurs dont le temps de sjour taittout dabord limit. En 1973, on arrta dembaucher et, sous leffet delarrive massive des conjoints et des enfants, ce sjour duredtermine se transforma en une situation provisoire de plus longterme7. Jusque dans les annes 1990, ni la socit allemande, ni lesimmigrs eux-mmes ne conurent cette immigration de travailcomme une immigration durable. Loption du retour resta longtempsdterminante dans les actes et les penses tant des immigrs quedes Allemands. Aucune mesure ne fut prise pour favoriser lintgra-tion ; dans un premier temps, la partie allemande nadressa aucuneexigence dintgration ou dassimilation aux immigrs aucuneimportance ntait mme accorde lacquisition de comptences

5 Ainsi Thilo Sarrazin na-t-il pas seulement rduit le dbat sur lintgration des

considrations culturalistes, mais aussi essay dexpliquer gntiquement ladsintgration structurelle.6 Les ressortissants dEtats non membres de lUE doivent tre naturaliss pour

pouvoir participer la vie politique. Comme la double nationalit est exclue enAllemagne, ils se voient donc exiger une assimilation exclusive.7

Ainsi les travailleurs invits ( Gastarbeiter ) taient-ils ds le dbut intgrsau systme social allemand (assurances vieillesse, maladie et chmage).


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linguistiques en allemand. Les immigrs furent dabord livrs eux-mmes, confronts seuls la tension entre migration, retour ouimmigration, tant dans leur parcours personnel que dans leur viefamiliale.

Aussi longtemps que lindustrie et la manufacture offraient desemplois en quantit suffisante, lintgration des migrants fonctionnait

du point de vue de la socit allemande au travers du march dutravail8. Jusque dans les annes 1990, on parlait de travailleursinvits , qui taient tolrs mais non accueillis, et les politiques lan-crent le slogan LAllemagne nest pas un pays dimmigration ! .Les analyses contradictoires et mises en garde adresses tant parles chercheurs que par les praticiens ne furent pas prises en compte9.Par consquent, aucune politique dintgration ne fut mise en uvre lchelon fdral et aucun programme ne fut dvelopp en ce sens.Dans les annes 1980, en particulier, dominait une politique dincita -tion au retour. Bade (2008) parle cet gard dun pays dimmigration

malgr lui , tat-providence qui organisa pragmatiquement, dansle quotidien de ladministration, lintgration des immigrs, avec laidequapportaient en particulier des organisations caritatives, la socitcivile, les communes, et des agents chargs des immigrs lchelondes Lnder et de ltat fdral (Bade, 2008, p. 14, Bommes, 2007). Ilsagit ici dune diffrence centrale par rapport aux tats qui ont unetradition dimmigration ou aux anciennes puissances coloniales, danslesquels tant la socit daccueil que les migrants ont une autreperception deux-mmes. Dans ce contexte, il nest gure surprenantde noter que les immigrants nont dvelopp quune faible identifi-cation lAllemagne, ne se considrant pas comme des citoyens oudes composantes de la socit mais comme des travailleurs invitsavec un billet retour, et quils nont commenc que tardivement sengager socialement et politiquement en et pour lAllemagne. Ilnest pas tonnant non plus que les immigrants soient toujoursperus comme des trangers dans la socit allemande, ni que lasocit soit divise entre eux et nous 10.

Aujourdhui, seule une petite partie des migrants dorigineturque qui vivent en Allemagne appartient la premire gnrationdes travailleurs invits ; la plus grande partie est constitue deleurs enfants ns ou levs en Allemagne. Larrive de nouveauximmigrants est limite aux mariages avec des partenaires venus dupays dorigine. Dans leursituation objective tout comme dans leurtat desprit, les gnrations suivantes se distinguent nettement de la

8 Ds 1972, les salaris trangers obtinrent le droit de voter et de se prsenter llection du comit dentreprise. Lengagement des migrants dans les syndicats taitdonc lev, qui soccuprent les premiers de leur intgration socitale et sociale. A lamme poque, les organisations caritatives et les glises mirent en place descentres de conseil et dautres lieux daccueil.9 Par exemple Heckmann, 1981.10 Ceci explique aussi la large adhsion de la population allemande aux thses trscontroverses de Thilo Sarrazin.


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premire : la premire gnration reste partie intgrante de sa cultureet de son pays dorigine par ses valeurs et conceptions, notamment en ce qui concerne son projet initial de vie, alors que la deuximegnration vit (involontairement) ltranger et perd le rapport saculture dorigine, sans que ce manque ne soit combl de maniresatisfaisante par de nouvelles valeurs et identits. Cette gnrationest celle des immigrs sans conscience de limmigration (Bade,2009 ; Reif, 2006 ; Sackmann, Schulz, Prmm et Peters, 2005).

Vers une politique dintgration de rattrapage

Ce nest que vers la fin des annes 1990 que la politique, impulsepar la coalition gouvernementale entre sociaux-dmocrates et Vertsqui tait alors au pouvoir (1998-2005), permit un changement de

paradigme, lAllemagne se concevant dornavant comme un paysdimmigration. Jusqualors, les Verts taient le seul part i politique quistait explicitement saisi de la question de lintgration. Aujourdhui,le thme de la politique dintgration appartient au logiciel program-matique de tous les partis et labsence de politique dintgration a tpartiellement comble : une politique dintgration de rattrapage (Bade, 2007) a t mise en place, qui est poursuivie tant par lagrande coalition SPD-CDU (2005-2009) que par lactuelle coalitionentre les libraux et les conservateurs (depuis 2009).

Le statut de pays dimmigration a t reconnu politiquement etdans les faits, en 2005, par une loi sur limmigration. Le droit de la

nationalit a t modifi en 2000 (le principe de jus solis remplaantcelui de jus sanguinis). Le Plan national dIntgration et la Confrenceallemande sur lIslam (DIK), lancs en 2006, ont tout le moins initi undbat politique. Nanmoins, il manque toujours une loi sur lintgration etun ministre de lIntgration. De nombreux efforts entrepris au cours desdernires annes lont apparemment t contrecur et semblaientrelever plus dune politique de la dissuasion que dune ouverture lendroit des immigrants. Ainsi, la nouvelle loi sur limmigration empcheplus limmigration quelle ne lencourage ; puisque les partis conser-vateurs sont intervenus dans le dbat lgislatif pour viter que lanouvelle loi sur la naturalisation permette aux ressortissants dtats nonmembres de lUE davoir une double nationalit11, lidentit mtisse de

nombreux migrants est nie. Un Plan national dintgration a t

11 Les arguments avancs contre la double nationalit (ou la conservation de lanationalit dorigine) des ressortissants dEtats non membres de lUE taient lerisque dun conflit de loyauts et la possibilit de se heurter des problmes de droitinternational public. Les citoyens de lUE et les rapatris peuvent en revancheconserver leur nationalit dorigine, ce que font 95% de ceux qui demandent lanaturalisation. Ceux qui critiquent la double nationalit dfinissent laccession lanationalit allemande comme un aboutissement, comme la rcompense pour desefforts dintgration, et non comme une tape dans le processus dintgration. Cf.Bade (2009).


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labor en 2007, avec le concours de scientifiques, de reprsentantsdassociations de migrants, de groupes de la socit civile, de com-munes et de Lnder. Ce plan numre des champs daction centrauxidentifis depuis longtemps par les chercheurs, prsente des pistesdaction et doit veiller leur mise en uvre concrte12.

Les principaux problmes dintgration qui y sont nomms et qui ont depuis t repris dans les dclarations politiques de tousles partis se trouvent dans les domaines de la langue, de laformation scolaire et professionnelle, de laccs lemploi et dumaintien sur le march du travail. Cest justement dans ces domainesque les manquements des dernires dcennies ont entran delourds dficits dintgration : les lves issus de limmigration nontsouvent quune connaissance imparfaite de la langue allemandelorsquils arrivent lcole, ils obtiennent moins souvent les qualifica-tions suprieures ; les migrants adolescents terminent plus rarementune formation professionnelle ou mme le cycle court du secondaire ;

le taux de chmage des migrants est plus lev, tout comme lerisque dtre pauvre ou de dpendre des allocations sociales. Lescomparaisons internationales font apparatre que les critres sociauxet ethniques jouent un rle important dans le systme dducation etde formation allemand ; le niveau de formation et donc la place dansla socit sont hrits (Sauer, 2010). Le systme ducatif com-pense moins facilement les ingalits lies lorigine sociale et eth-nique en Allemagne que dans dautres pays ceci vaut par ailleursaussi pour les enfants dorigine allemande issus de milieux sociale-ment dfavoriss (OCDE, 2006 et 2007)13.

Lintgration a certes t place par les partis au centre de leur

mission et rclame par lopinion publique allemande, et la diversitdcrite comme une chance. Nanmoins, les dclarations et communi-qus des partis conservateurs, mais aussi du camp social-dmocrate,laissent transparatre lexigence dune adaptation culturelle et duneassimilation, ainsi que des mises en garde contre lapparition desocits parallles et une islamisation. Les migrants doivent tresoutenus, mais on exige deux quils acceptent les offres dintgration.Dans les milieux conservateurs, on rflchit la rduction des presta-tions sociales en cas de refus. De plus, les partis conservateurssemblent tre tents de revenir sur les aides destines spcifiquementaux migrants. Le soutien ne serait alors plus conditionn par le statutmais par les besoins : les programmes mis en place ne sadresseraient

plus spcifiquement aux migrants, mais tous ceux qui auraientbesoin dun rattrapage. Cependant, lexprience a montr que seulsdes programmes spcifiques pouvaient tre efficaces. De plus, lesmesures semblent se concentrer fortement sur le soutien linguistique.

Cependant, les lignes de fracture partisanes se brouillent detemps autre sur la question de lintgration. De manire consensuelle,

12Bundesregierung (2007).

13Voir aussi Diefenbach (2007), Kalter (2006).


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tous les partis saccordent sur limportance de la question de lintgrationet sur les principaux champs de laction politique. Les partis ne sedistinguent qu la marge sur la mise en uvre des mesures et il estparfois difficile dattribuer une position un parti prcis. Ainsi ArminLaschet, ancien ministre CDU de lIntgration du Land de Rhnanie duNord-Westphalie passe-t-il pour tre un combattant davant-gardeprogressiste, qui dfend la double nationalit, alors que le chef du SPD,Sigmar Gabriel, peut tout fait sintresser lide de poser des exi-gences aux immigrs. Des voix critiques lencontre de lislam, voireislamophobes, se font entendre tant gauche qu droite. En revanche,les dclarations de Thilo Sarrazin relatives au danger dune alinationdes valeurs allemandes, la rsistance des immigrants contre lintgra-tion et au caractre gntique de lintelligence ont t vivement criti-ques par des reprsentants de tous les partis.

La place centrale de lintgration cognitive ou acculturation(dfinie comme lacquisition de connaissances et de comptences

transmises le plus souvent par des instances de socialisation et deformation) et de lintgration structurelle (la place sociale, cest--direlidentit professionnelle, mais aussi lacceptation par la socit) danslensemble du processus dintgration nest aujourdhui plus contes-te (Esser, 2001 ; Filsinger, 2008). Cependant, la controverse portetoujours sur deux points : lintgration et lidentification sociales sont-elles, et dans quelle mesure, plutt la consquence dune intgrationconomique vcue de manire positive, ou, au contraire, condition-nent-elles lintgration structurelle ? (Filsinger, 2008, p. 9).

La controverse et finalement le cur du dbat allemandautour de lintgration visent toujours dterminer quelle part dadap-

tation culturelle est ncessaire et quelle part de diffrence culturelleest possible et comment elle est accepte (Berry, 1997 ; Esser,2004, 2008). Le consensus trouv a minima implique lacceptation dela Loi fondamentale et de ltat de droit, ainsi que lapprentissage dela langue allemande. En revanche, il nexiste aucun accord sur lancessit dune adaptation plus complte ou sur le droit uneautonomie culturelle : de la gauche la droite du spectre politique,toutes les positions sexpriment, de lide dune socit multiculturelle celle dune socit monoculturelle qui prendrait la forme dunevaste communaut de valeurs (allemandes), en passant par lasocit interculturelle (Schiffauer, 2008). Cependant, lintgrationculturelle et lidentification sont justement les critres utiliss gnra-lement par lopinion publique pour mesurer le degr dintgration etdassimilation

14. Les dbats autour de la dsintgration portent moinssouvent sur les difficults sur le march du travail, le taux lev dechmage, la discrimination ou les faibles possibilits de participationpolitique qui affectent les immigrs.

14 Il en va notamment ainsi dans le dbat sur les socits parallles ; cf. Meyer(2002) et Janssen et Polat (2006).


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Ltude suivante prsentera le rsultat dtudes menes ausujet des domaines centraux de lintgration des migrants dorigineturque en Allemagne. Le but est de faire apparatre tant les effortsdintgration couronns de succs que les checs, et ainsi dapporterune contribution empirique la question de ltat et du dveloppe-ment de lintgration de ces migrants.

Ltude du ZfTI: objectifs,mthode et principaux rsultats

Le Centre dtudes turques et de recherche sur lintgration (Zentrumfr Trkeistudien und Integrationsforschung, ZfTI) mne depuis 1999une enqute tlphonique annuelle15auprs dun panel reprsentatifde migrants adultes dorigine turque. Ltude est certes limite au

Land le plus tendu et le plus peupl, la Rhnanie du Nord-Westphalie 34 % de lensemble de la population dorigine turque enAllemagne y vivent. Cependant, lorsque ltude a t tendue unefois lensemble du territoire allemand, en 2008, les rsultats enRhnanie du Nord-Westphalie ne se distinguaient gure de ceuxenregistrs dans lAllemagne entire et les ordres de grandeur taientcomparables. Les observations faites en Rhnanie du Nord-Westphalie peuvent donc tout fait tre extrapoles.

Les donnes utilises ci-dessous pour dcrire ltat de lint-gration des migrants dorigine turque ont t collectes au moyendune tude mene, au dbut de lt 2009, en deux langues, partlphone et avec un soutien informatique, auprs dun panel repr -sentatif de 1 009 migrants adultes dorigine turque vivant enRhnanie du Nord-Westphalie. Lchantillonnage des foyers compre-nant des personnes dorigine turque16 a t gnr par un procdonomastique17 : une liste de noms de famille turcs tablie par le ZfTIpermet le tirage au sort de numros de tlphone dans un annuairelectronique. Le tirage au sort des noms garantit quune distorsionsystmatique de groupes sociaux peut tre exclue et que la structuresociale de la population dorigine turque vivant en Allemagne estreflte : en langue turque, les noms ne sont pas marqus par descaractristiques sociales particulires18. Une base denviron 90 000numros de tlphone fixe a ainsi t constitue. Un algorithme

gnr par ordinateur a alors permis la slection de lchantillon

15 A lexception de lanne 2007.16 Sont dsignes sous ce terme les personnes ayant des racines familiales enTurquie, quelles que soient leur appartenance ethnique (turque, kurde, armnienne,etc.) et leur nationalit.17 Cf. Gabler et Hder, 2002.18

Les noms de famille nont t introduits en Turquie quen 1923. Le nombre denoms de famille est ainsi relativement rduit par rapport dautres nationalits. Deplus, la formation du nom nest ni ethnique, ni rgionale. Cf. Humpert etSchneiderheinze (2000), p. 36 et suivantes ; Gabler et Hder (2002).


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selon la rgle du hasard. Pour garantir le caractre alatoire du choixdu membre du foyer qui serait interrog, les questions ont t poses la personne dont la date danniversaire tait la plus rcente. Lacomparaison des donnes relatives au groupe de sonds (ge, sexe,situation professionnelle) ne fait apparatre aucune sur- ou sous-reprsentation essentielle19.

Lorsque lon compare les diffrentes gnrations entre elles,on constate que lintgration de la premire gnration est consid-rable mme si lintgration des suivantes est, dans toutes ses dimen-sions, clairement plus forte. On ne peut donc pas parler empirique-ment dune gnration rate . Bien que certains sous-groupesaient connu dimportants succs, les immigrs dorigine turque dansleur ensemble souffrent nanmoins dimportants dficits par rapport la population majoritaire, en particulier en ce qui concerne lintgra -tion cognitive et structurelle. Ces dficits nont gure pu tre comblsau cours des dernires annes. Le niveau dducation et de forma-

tion des gnrations suivantes a certes considrablement augment,mais un rythme nettement infrieur celui qua connu la gn-ralisation de la formation dans le reste de la population allemande aucours des 30 dernires annes (Konsortium Bildungsberichter-stattung, 2006 ; Riphahn, 2005). Lintgration sociale et lidentificationnont progress que lentement dans les dernires annes (Sauer etHalm, 2009).

Il convient de souligner que lintgration ne diffre passeulement selon les gnrations, en fonction des cadres et modalitsde la migration, mais que le groupe plus jeune des immigrs turcs estlui aussi trs htrogne : outre les enfants et petits-enfants des

travailleurs invits , qui sont ns en Allemagne ou y ont t levs,une part non ngligeable des jeunes migrants et migrantes se com-pose de conjoints venus en Allemagne rcemment, aprs avoir t lcole en Turquie et pous une personne vivant en Allemagne. Aucours de lanne 2008, environ 20 000 adultes ont quitt la Turquiepour sinstaller en Allemagne. Ce chiffre est en diminution depuis desannes. Leur intgration est moins avance que celle des vraies deuxime et troisime gnrations. Ils rencontrent de grandes diffi-cults sur le march du travail, puisquils nont quune connaissancesommaire de la langue allemande et que leurs diplmes ne sont pasreconnus, cest--dire quils ne sont daucune utilit sur le march dutravail allemand.

19 Pour ce qui concerne les mthodes permettant dassurer la reprsentativit

dchantillons : Deutsche Forschungsgemeinschaft, 1999, p. 19.


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Lintgrationpar lducation et le travail

Une intgration cognitive insuffisante

Lintgration cognitive ne progresse que peu au cours de len-semble de la priode considre. Lexamen du niveau dtude selonles groupes dge fait apparatre des diffrences claires : plus lessonds sont gs, plus la part de ceux qui nont aucun diplme ounont suivi que lenseignement primaire est leve. Aujourdhui, plusde la moiti (51 %) de tous les migrants dorigine turque vivant enRhnanie du Nord-Westphalie ont t scolariss en Allemagne et/ouy ont obtenu un diplme. Parmi ceux-ci, le niveau de formation estcertes beaucoup plus lev que parmi les autres, mais encorenettement infrieur au niveau de formation des autochtones20. Leprofil des diplms na que peu chang au cours du temps, unelgre augmentation du niveau de formation tant perceptible : la part

des lves quittant le systme scolaire aprs la 9

me

classe (appelsHauptschulabsolventen) diminue lgrement, tout comme la part deslves scolariss dans ces coles (Hauptschulen) ; la part des lvesdisposant dun diplme dlivr au terme de la 10e anne (appelsRealschulabsolventen ) ou dunAbitur, qui donne accs lenseigne-ment suprieur, a augment un peu. Dans la classe dge la plus jeune, le niveau de formation des femmes, qui ont termin leurformation scolaire en Allemagne, est nettement plus lev que celuides hommes, beaucoup de femmes tant titulaires dunAbituret trspeu dun diplm dlivr par une Hauptschule.

20En 2007, parmi la population de Rhnanie du Nord-Westphalie ge de 20 29

ans, 3% navaient aucun diplme, 15% avaient un Hauptschulabschluss(certificat defin dtudes pass la fin de la 9

me anne dcole et permettant laccs une

formation professionnelle), 20% un diplme dlivr par une Realschule (pass lafin de la 10

meanne dcole, il permet laccs des formations technologiques ou

des qualifications professionnelles), 36% un diplme sanctionnant au moins 12 ou 13annes de scolarit (Fachschulreifeet Hochschulreife).


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Tableau 1 : Diplme le plus lev des personnes ges de 18 29 anset formes en Allemagne, par sexe (en %)

Encorelcole

Haupt-schule(9eclasse)

Real-schule(10eclasse)

Fachschule/Fachabitur(12e, voietechnologique)

Abitur( partir dela 12e, voiegnrale)

Moins de30 ans

Hommes 6,7 27,5 33,3 20,8 10,0

Femmes 9,3 14,0 25,6 23,3 25,6

Total 7,8 21,8 30,1 21,8 16,5

Les dficits dans la formation scolaire se rpercutent sur laformation professionnelle : plus de la moiti des migrants turcs gsde plus de 18 ans na pas de formation professionnelle. Parmi ceuxgs de moins de 30 ans, ce taux est de 28 %, bien que le niveau deformation du groupe le plus jeune augmente lentement.

Tableau 2 : Formation professionnelle par tranche dge (en %)

Pas dediplme

Apprenti

Brevet dematrise /technicien

Hoch-schule

En formation

Tranchedge

Moins de 30ans

27,9 28,8 0,9 3,9 38,4

30 44 ans 49,3 35,7 4,8 8,0 2,4

45 59 ans 72,6 18,4 2,0 7,0 -

60 ans etplus

82,0 9,0 4,5 4,5 -

Total 52,6 27,5 3,3 6,4 10,1

Plus les migrants sont jeunes, plus la part de personnes dipo-sant de bonnes et trs bonnes connaissances en allemand est le-ve. Parmi ceux gs de moins de 30 ans, 84 % ont affirm com-prendre bien ou trs bien lallemand. Les connaissances linguistiquesdes personnes ges de plus de 60 ans sont nettement moinsbonnes. Comme on pouvait sy attendre, le problme de la langue sepose donc nettement moins pour les sonds les plus jeunes, mmesil existe un petit groupe qui ne matrise que mal lallemand.


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14 Ifri

En mme temps, les migrants dorigine turque sont particuli-rement conscients de limportance de la formation scolaire et profes-sionnelle, puisque lamlioration de laccs la formation constitueaux yeux des migrants un problme politique central, ct desproblmes lis lemploi.

Figure 1 : Connaissances en allemand (comprhension)par tranche dge (en %)

Des dficits structurels dintgration

Les dficits structurelsdintgration se refltent dune part dans letaux lev de personnes sans activit professionnelle (50 %). Parmiles femmes, la part des peu ou non actifs est particulirementimportante (66 %).

58,3 31,9 9,8

35,8 45 19,2

40,1 45,9 14

59,5 32,4 8,1

84,3 11,4 4,4

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Total

60 ans et plus

45 59 ans

30 44 ans

18 29 ans

Trs bien et plutt bien

Moyen

Trs mauvais et plutt mauvais


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15 Ifri

Firgure 2 : Activit professionnelle de 1999 2009 (en %)

Lexamen du statut professionnel fait apparatre un recul lentde la proportion des ouvriers, qui sont proportionnellement trs surre-prsents, et une progression lente de la proportion des employs.Alors que le niveau de formation scolaire et la proportion des person-nes disposant dune formation professionnelle augmentent nettemententre la premire et la deuxime gnration, le statut professionnelvarie peu. L encore, il existe un dficit par rapport au reste de lasocit et la situation ne samliore que peu pour les gnrationssuivantes.

Figure 3 : Statut professionnel* selon lge** (en %)

72,6 18,5 8,9

72,7 16,2 11,1

74,1 17,8 8,1

66,7 25,6 7,7

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Total

45 59 ans

30 44 ans

18 29 ans

Ouvrier / Ouvrier spcialis

Employ

Profession librale

* variable synthtise, excluant les fonctionnaires et les apprentis** le groupe des personnes ges de plus de 60 ans na pas t reprsent car ilcompte trop peu dactifs

0

0

0

0

0

0

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009

Activit temps pleinActivit temps partielActivit rduiteSans activit


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16 Ifri

Lintgration cognitive plus importante de la gnration sui-vante ne se traduit que marginalement par une amlioration du statutprofessionnel. Puisque le taux dactivit et la position dans lastructure demploi sont infrieurs, le revenu moyen des foyers turcsest nettement plus faible (2 061 par mois) que celui des foyersautochtones. Aprs un fort recul, ce revenu moyen est nouveau enhausse lgre depuis 2006, ce qui est principalement d laugmentation de lactivit temps plein. Nanmoins, la part desfoyers turcs menacs de pauvret (34 %) est considrablement plusleve que pour les foyers autochtones (10 %). Les retraits et leschmeurs, ainsi que les personnes sans formation professionnelle,sont particulirement touchs.


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17 Ifri

Lintgration et lidentification lAllemagne

Une identification lAllemagneet une intgration en progression

Le niveau didentification reste globalement constant au cours de ladernire dcennie, bien que ltat de lopinion ait des rpercussionsrelativement marques, qui ont dabord conduit un recul puis, aucours des dernires annes, une progression de lidentification lAllemagne. Une majorit de 60 % se sent aujourdhui chez elle enAllemagne et ne prvoit plus de rentrer en Turquie, ce qui est moinsfrquemment le cas chez les migrants de la premire gnration quechez ceux des gnrations suivantes. Lattachement lAllemagneprogresse lgrement mais continuellement au cours des derniresannes. Plus dun tiers des sonds se sent li aux deux pays, ce quirend difficile de faire un choix clair entre tre turc ou tre

allemand et montre que la sollicitude envers lAllemagne nest pasncessairement lie un dtachement de la culture dorigine.

Figure 4 : Identification (indice, en %)

15

25,632

27,4TournverslaTurquiePlutttournverslaTurquiePlutttournversl'AllemagneTournversl'A

llem

agne


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18 Ifri

Lexamen des diffrents indicateurs de lidentit21 rvle que

la majorit des migrants dorigine turque a une identit mtisse. Ceciest particulirement valable pour les migrants croyants et pour ceuxde la premire gnration, qui endossent difficilement une identifi-cation unique lAllemagne. Il faut donc postuler que les migrantsdorigine turque ont une identit double ou mtisse, qui se main-tiendra lavenir.

Lintgration sociale, qui est perue par lopinion publiquecomme le domaine central de lintgration, augmente en revanchelgrement depuis 1999 et notamment au cours des derniresannes. La densit des contacts est leve et stable ; il ne sauraittre question dun retrait ou dun isolement croissant. Du point de vuedes migrants, les relations amicales ne sont pas si rares : 40 % dessonds entretiennent des relations amicales, troites, avec desAllemands, quils rencontrent presque quotidiennement (20 %) oufrquemment au moins une fois par semaine (20 %).

Figure 5 : Contacts interpersonnels pendant le temps librede 2001 2009 (en %)*

* Catgories synthtises : souvent = (presque) chaque jour ou au moins une foispar semaine ; parfois = au moins une fois par mois ; rarement = plusieurs fois par anet jamais

21Indice constitu des indicateurs suivants : attachement une terre

(Heimatbindung), projet de retour, citoyennet, projet de naturalisation. Lesindicateurs ont t cods comme suit : 0 = orient vers la Turquie et 1 = orient verslAllemagne (attachement une terre : Turquie = 0, Allemagne et les deux pays = 1 ;projet de retour : oui = 0, non = 1 ; citoyennet et projet de naturalisation : citoyen-net turque et pas de projet de naturalisation = 0 ; citoyennet allemande ou projetde naturalisation = 1). Les indicateurs encods de la sorte ont t additionns etdiviss par le nombre dindicateurs (N = 3), ce qui a gnr un indice avec quatredegrs, de 0 = orient vers la Turquie 1 = orient vers lAllemagne. Les rponsesde 194 sonds nont pas pu tre intgres lindice en raison de valeurs manquan-tes, de telle sorte que lindice a t construit partir des rponses de 819 sonds.

05

101520253035404550

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009

RarementParfoisSouvent


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19 Ifri

Ici encore, lintgration des gnrations suivantes est nettementplus marque que celle de la premire gnration et des migrantsmatrimoniaux , qui ont suivi leur conjoint. Seule une trs petite minorit,dont le chiffre est stable entre 1 et 2 %, sisole dlibrment de lasocit allemande, nentretient pas de contacts avec elle et ne souhaitepas en avoir. Il est clair que le manque de contacts nest pas toujours li un manque de volont des migrants, mais est possiblement d unmanque doccasions ou bien aussi un rejet des Allemands.

Figure 6 : Relations avec les Allemands et souhait de contactssupplmentaires (en %)

La perception de discriminations se situe globalement unniveau lev : 67% ont dj fait lexprience dingalits de traite-ment. Cette proportion a cependant lgrement recul depuis 2008.Les secteurs soumis la concurrence conomique sont particulire-ment touchs par les discriminations.

La sgrgation spatiale ne connat gure de changements,bien quun cinquime des sonds vive principalement dans des quar-tiers peupls majoritairement de personnes de la mme ethnie. Lesmigrants participent un peu moins souvent des organisations collec-tives que par le pass mais lorsquils le font, cest autant dans desorganisations allemandes que dans des organisations turques. On neremarque pas, en tout cas, quils se retireraient de manire crois-sante dans des associations monoethniques. Lune des motivations

centrales de lengagement dans des organisations turques rsidedans le besoin de retrouver un lien culturel et religieux, besoin queles organisations allemandes ne peuvent pas satisfaire.

On nobserve pas, pendant la priode considre, dapparitionde structures sociales parallles , bien quun petit groupe auxeffectifs stablesde migrants dorigine turque ne soit gure attach la socit allemande. Parmi ceux-ci se trouvent principalement desmigrants de premire gnration, ainsi que des migrants matrimo-niaux . La faiblesse de lintgration structurelle de ceux qui viventsgrgs de la socit allemande apparat clairement.

1,4

2,3

48,1 44,3 3,9

0% 20% 40% 60%0% 00%

Volontairement isol Involontairement isol Satit Contacts supplmentaires souhaits Autre cas


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20 Ifri

Si lon construit un indice relatif aux liaisons sociales quentre-tiennent les immigrs avec la socit majoritaire cest--dire lescontacts interethniques, les contacts nous pendant les loisirs, lisole-ment volontaire, limplication dans la socit civile et la sgrgationspatiale des logements , on peut mesurer lintgration sociale desimmigrs. Daprs cette mesure, 45 % des migrants dorigine turquevivant en Rhnanie du Nord-Westphalie peuvent tre qualifis depleinement intgrs : ils ne prsentent aucune des quatre caractris-tiques de la non-intgration. En revanche, 3 % ne sont plutt pas lis la socit majoritaire (trois caractristiques de la non-int-gration). Seul un sond est apparu ne pas tre intgr du tout : pourchacune des quatre variables considres, sa rponse relevait de lanon-intgration.

Figure 7 : Intgration sociale (indice synthtique) (en %)

Un fort dficit en termes de participation politique

La participation politique est marque par des dficits consid-rables, mme si les structures de la socit majoritaire (gouverne-ments des Lnder et gouvernement fdral, partis politiques) sont deplus perues par les migrants dorigine turque comme des institutionspouvant reprsenter leurs intrts. (Cette prise de conscience estlente et son point de dpart se situe un niveau trs faible.) Nan-moins, lintrt pour la vie politique allemande est moins importantque pour la vie politique turque, bien que le premier progresse un peuet que le second soit en lger recul.

47,0 35,9 15,9

2,8

0,1

0% 20% 40% 60% 80% 100%Pleinement intgr Plutt intgr Moiti/moiti Plutt pas intgr Pas du tout intgr


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21 Ifri

Figure 8 : Intrt pour la politique allemande et la politique turqueentre 1999 et 2009 (en %)

La participation politique sexprime aussi par la participationaux lections. Les lecteurs issus de limmigration reprsentent enAllemagne 9 % du corps lectoral (5,6 millions).

Plus dun cinquime (21 %) de ceux qui sont naturaliss etdonc titulaires du droit de vote22nirait pas voter ou ne parvient pas

22A lchelon de lEtat fdral et lchelon des Lnder, les migrants de nationalit

trangre nont pas le droit de voter, ni dtre lus. Au niveau communal, seuls lesressortissants des Etats membres de lUnion europenne peuvent voter. Lesressortissants extra-europens ne peuvent pas participer la dimension

Intrt pour la politique allemande

0

10

20

30

40

50

60

70

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009

Fort

Moyen

Faible

Intrt pour la politique turque

0

10

20

30

40

50

60

70

999 000 001 002 003 004 005 006 008 009

Fort

Moyen

Faible


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22 Ifri

se prononcer en faveur dun parti, ce qui conduit souvent labsten -tion. Cette proportion est beaucoup plus leve parmi les personnesqui nont pas le droit de vote, mais ceci nest gure tonnant, puisquepar construction la question porte sur une action qui est purementhypothtique pour les intresss.

Les positions des partis quant la politique dintgrationsemblent attester, au moins jusquau milieu des annes 1990, dunconflit fondamental entre lemprunt de caractristiques dun modlede socit monoculturel (soutien limmigration et lintgration des rapatris , limitation de limmigration, de ltablissement prenneet de la naturalisation dautres groupes) et un modle multiculturel(soutien aux demandeurs dasile et lintgration de travailleurstrangers). Ceci a longtemps eu une incidence notable sur le choixpartisan des immigrs23. Ainsi les rapatris tendaient-ils setourner vers le camp conservateur, alors que les citoyens naturalissdorigine turque taient plus proches des partis de gauche24. Le

clivage partisan qui doublait le conflit fondamental autour de lapolitique dintgration semble sattnuer depuis que la Rpubliquefdrale se dfinit comme un pays dimmigration tous les partisconsidrent aujourdhui que lintgration de lensemble des immigrsest prioritaire et que cette responsabilit relve de la socit toutentire. Nanmoins, certaines positions de principe adoptes par lespartis nont pas disparu et lattachement de certains groupes dimmi -grs une formation politique prcise persiste.

Ainsi, si lon tudie les prfrences partisanes des lecteurs inscrits, sans tenir compte des abstentionnistes et des indcis, onconstate que les suffrages exprims des migrants dorigine turque

sont explicitement en faveur du parti social-dmocrate (SPD) et duparti Vert (Bndnis 90/Die Grnen). Les chrtiens-dmocrates (CDU)et les libraux (FDP) nont reu que peu de voix ; le parti de gaucheDie Linke/PDS en obtiendrait un peu plus.

Lorsquon interroge les migrants dorigine turque vivant enRhnanie du Nord sur le bulletin quils mettraient dans lurne si leslections lgislatives avaient lieu le dimanche suivant, leurs rponsesfont apparatre de grandes diffrences par rapport aux rsultats dusondage ralis en juin 2009 auprs des lecteurs allemands de cemme Land25.

parlementaire de la vie politique. Ils ont seulement la possibilit de voter lors deslections pour les comits dintgration ou conseils des trangers . Cesinstances tant principalement consultatives, la participation politique est l encorelimite dans les faits, ce qui explique le faible taux de participation aux lections, quidpasse rarement les 20%.23

Ce sujet est abondamment trait dans Wst (2007), p. 155 et suivantes.24

Cf. Wst (2007), p. 156.25

Source : sondage ralis par Infratest-dimap pour le compte du magazine politiqueWestpol(chane de tlvision publique WDR) auprs dun panel reprsentatif de 1 00citoyens disposant du droit de vote en Rhnanie du Nord-Westphalie en juin 2009 :


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23 Ifri

Figure 9 : Prfrence partisane des migrants dorigine turquedisposant du droit de vote en Allemagne et de lensemble du corps

lectoral de Rhnanie du Nord-Westphalie en juin 2009 (en %)

Lengagement et la prsence de migrants sur le devant de lascne politique ne sont pas encore devenus une tradition enAllemagne. Lactuelle chambre basse du Parlement, le Bundestag,compte aujourdhui seulement 21 dputs issus de limmigrationparmi ses 622 lus. Seules quelques personnes dorigine turque

occupent des fonctions politiques en vue au niveau fdral ou fdr.Les exemples les plus connus en sont Cem zdemir, qui dirige leparti Bndnis 90/Die Grnen, et Aygl zkan, ministre des Affairessociales, des Femmes, de la Famille et de la Sant du Land deBasse-Saxe depuis avril 2010, qui est la premire ministre dorigineturque dans le gouvernement dun Land. Il ny a aucun ministre dori -gine turque au niveau fdral. Cependant, le nombre dlus issus delimmigration augmente: aujourdhui, cinq dputs au Bundestagsontdorigine turque, deux dentre eux appartenant au groupe Bndnis90/Die Grnen et les trois autres tant respectivement membres duSPD, du FDP et de Die Linke. Neuf des 16 parlements de Lnder ne

comptent aucun lu dorigine turque dans leurs rangs. Les septautres en totalisent ensemble 2526, dont neuf membres du SPD, huitde Die Linke, six de Bndnis 90/Die Grnen et deux de la CDU

http://www.wdr.de/themen/politik/nrw02/nrw_trend/_mo/fotos_090614.jhtml (31 aot 2009).26

Quatre lus dorigine turque sigent Brme, huit Berlin, trois Hambourg, deuxen Hesse, un en Basse-Saxe, six en Rhnanie du Nord-Westphalie et un dans leSchleswig-Holstein.

60

27

4

38

23

12 214

116

0

10

20

30

40

50

60

SPD CDU Bndnis90/DieGrnen

FDP Linke/PDS

Migrants dorigine turque Corps lectoral allemand
http://www.wdr.de/themen/politik/nrw02/nrw_trend/_mo/fotos_090614.jhtmlhttp://www.wdr.de/themen/politik/nrw02/nrw_trend/_mo/fotos_090614.jhtmlhttp://www.wdr.de/themen/politik/nrw02/nrw_trend/_mo/fotos_090614.jhtmlhttp://www.wdr.de/themen/politik/nrw02/nrw_trend/_mo/fotos_090614.jhtmlhttp://www.wdr.de/themen/politik/nrw02/nrw_trend/_mo/fotos_090614.jhtml


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24 Ifri

La reprsentation des immigrs dans les parlements revttoutefois une trs grande importance pour lintgration poli tique,puisque ces lus reprsentent de manire plus authentique et plusengage les besoins et intrts de cette population. De plus, ils ontune valeur dexemple pour les autres et peuvent les motiver senga -ger leur tour en politique.


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25 Ifri

Conclusion

Quel que soit le domaine dintgration considr, les rsultats dessondages mens depuis 1999 font apparatre des volutions minimeset une grande stabilit, tant dans les conditions de vie que dans lesides et opinions des migrants dorigine turque. Ceci signifie que leprocessus dintgration na progress que trs lentement au coursdes dix dernires annes, bien quil y ait pu y avoir dans certainsdomaines des variations plus marques, dans un sens ou dans un

autre.Les rsultats accrditent plutt la thse dune intgration par-

tielle, qui a rcemment avanc plus rapidement dans les domainesde lidentification et de linteraction que dans ceux de lacculturation etde la place dans la socit. Aucun lment ne vient tayer lhypo-thse selon laquelle les structures sociales parallles ou la sgrga-tion progresseraient. Les corrlations entre domaines de lintgrationse rvlent empiriquement moins marques que lon pouvait syattendre en thorie : la progression du niveau de formation scolaire etprofessionnelle des gnrations suivantes ne se rpercute que souscertaines conditions sur le statut professionnel ; le lien entre, dunepart, lidentification nationale et lorientation sociale et, dautre part, lasituation conomique est limit. Au final, ceci conduit une situationqui, en termes dintgration, se diffrencie nettement de la perceptionquen a lopinion publique: le vrai problme dintgration se rvletre labsence de rpercussions du succs de lintgration cognitiveet sociale sur le rang social. Ce qui se cache derrire cet tat de fait,cest une exclusion structurelle, que lon ne saisit pas lorsquon exa -mine le droulement de lintgration sociale (individuelle). Lorsquelon veut analyser les chances des migrants, il ne suffit donc pas deprendre en considration leurs caractristiques personnelles : limpor-tance des conditions structurelles systmiques ne saurait trenglige.


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Notes du Cerfa

Publie depuis 2003 un rythme mensuel, cette collection estconsacre lanalyse de lvolution politique, conomique et socialede lAllemagne contemporaine : politique trangre, politique int-rieure, politique conomique et questions de socit. Les Notes duCerfa sont des textes concis, caractre scientifique et de nature policy oriented . linstar des Visions franco-allemandes, lesNotes du Cerfa sont accessibles sur le site Internet du Cerfa, o elles

peuvent tre consultes et tlcharges gratuitement.

Dernires publications du Cerfa

T. Wetzling, LAllemagne et le contrle parlementaire desservices de renseignement, Note du Cerfa, n 78, octobre 2010.

R. Schmucker, Le financement de la politique de sant delAllemagne : enjeux et perspectives, Note du Cerfa, n 77, aot 2010.

P. Kauffmann, H. Uterwedde, La France et lAllemagne face la crise de leuro : la recherche de la convergence perdue, Visionsfranco-allemandes, n 17, juillet 2010.

M. Kaim, Lengagement militaire allemand en Afghanistan :conditions, valuation, perspectives, Note du Cerfa, n 76,juillet 2010.


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Le Cerfa

Le Comit dtudes des relations franco-allemandes (Cerfa) a tcr en 1954 par un accord gouvernemental entre la Rpubliquefdrale dAllemagne et la France. Le Cerfa bnficie dunfinancement paritaire assur par le Quai dOrsay et lAuswrtigesAmt ; son conseil de direction est constitu dun nombre gal depersonnalits franaises et allemandes.

Le Cerfa a pour mission danalyser les principes, les

conditions et ltat des relations franco-allemandes sur le planpolitique, conomique et international ; de mettre en lumire lesquestions et les problmes concrets que posent ces relations lchelle gouvernementale ; de trouver et de prsenter despropositions et des suggestions pratiques pour approfondir etharmoniser les relations entre les deux pays. Cette mission se traduitpar lorganisation rgulire de rencontres et de sminaires runissanthauts fonctionnaires, experts et journalistes, ainsi que par destravaux de recherche mens dans des domaines dintrt commun.

Hans Stark assure le secrtariat gnral du Cerfa depuis1991. Louis-Marie Clouet y est chercheur et responsable de la

publication des Notes du Cerfa et des Visions franco-allemandes.Nele Wissmann travaille au Cerfa comme assistante de recherche etest charge de mission dans le cadre du projet Dialogue davenir.

L'intégration des immigrés d'origine turque en Allemagne

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