L’Organisation Qualifiante Des Chantiers

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 L’or g a nis a t i on q ua l i fian t e de chan t i er El i sabet h C am pagnac N i col as Fr om ent LATT S-ENPC Laborat oi r e Technique, Terri t oi r es et So ci étés Éco l e N at i onale d es Pont s et C haus s ées Études et Expérimentations Chantier 2000

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:L’organisation qualifiante des chantiers

Transcript of L’Organisation Qualifiante Des Chantiers

  • Lorganisation qualifiantede chantier

    Elisabeth Campagnac Nicolas Froment

    LATTS-ENPCLaboratoire Technique, Territoires et Socits

    cole Nationale des Ponts et Chausses

    tudes et ExprimentationsChantier 2000

  • 3Sommaire

    Introduction

    5 Les enjeux de lorganisation qualifiante pour le Btiment

    6 Les principes dune organisation qualifiante

    Conception et dfinition de la Ralisation Exprimentale

    9 Les diffrentes priodes de lintervention10 Les constats de la phase de diagnostic11 La dfinition des principes de la Rex14 Des interrogations concernant le champ de la

    Rex

    Le droulement de laRalisation Exprimentale

    15 Les difficults rencontres dans la mise enuvre

    16 Les caractristiques du chantier17 largissement de lautonomie

    Le traitement vnementielde lactivit

    19 Les diffrentes phases de lappropriation de ladmarche

    21 Les vnements abords en runion28 Des enseignements tirs des entretiens

    Conclusion

    31 L'valuation de la Rex : les diffrentes repr-sentations de la performance en prsence

    33 Deux schmas de lorganisation qualifiante ?34 Les enrichissements que lorganisation quali-

    fiante peut apporter au Btiment34 L'ouverture vers de nouvelles pistes de

    recherche

  • Dans cette tude, on se propose de dgager les enjeuxet des conditions d'application dune organisation qua-lifiante au Btiment partir dune ralisation expri-mentale portant sur une opration de soixante loge-ments sociaux vreux (Matre d'ouvrage : SAIEMd'Evreux ; Matre d'uvre : ATAUB ; Entreprise gn-rale : SOGEA Nord-Ouest).Aprs avoir dgag, dans cette introduction, les enjeuxque reprsente l'organisation qualifiante pour leBtiment et en avoir prcis la dfinition, nous consa-crerons notre rapport l'expos des conditions de miseen uvre et des rsultats obtenus sur l'opration exp-rimentale dEvreux. Cet expos s'organise autour dedeux chapitres :- La conception de l'organisation qualifiante et la dfi-nition de ses modalits dans le cadre dune Rex.- Lanalyse de son droulement.

    LES ENJEUX DE LORGANI-SATION QUALIFIANTEPOUR LE BTIMENT.L'organisation qualifiante, dont nous dfinirons plus prci-sment les composantes par la suite, prsente a priori unintrt vident pour le Btiment. Les potentialits qu'elleouvre pour le secteur sont la mesure des contraintesengendres par les grandes volutions de marchs.Ces potentialits de l'organisation qualifiante peuventtre rapportes en particulier quatre sries d'enjeux :

    Des enjeux relatifs la redfinition de la performanceAu cours de ces dernires annes, de nombreux travaux1

    ont montr comment, sous l'effet des nouvelles

    contraintes de marchs, l'on a assist dans le Btiment un certain dplacement des sources defficacit. Nousrenvoyons ces travaux. L'organisation qualifiante, quant elle, s'apparente aux proccupations de "performanceglobale", dans la mesure o elle met en avant l'impor-tance de la dimension organisationnelle et sociale de laperformance. En cela elle semble mme de rpondreaux caractristiques actuelles des marchs, aux volutionsde la demande comme aux exigences des projets. Cesvolutions appellent de ncessaires qualits d'adaptation,de flexibilit, de qualit et d'efficacit qui se joue auniveau des organisations. La prvention des dysfonction-nements, par exemple, perue comme nouvelle sourced'efficacit, suppose une qualit des anticipations et descoordinations qui se jouent pour une large part dans lescapacits relationnelles de dialogue, de comprhension etd'ajustement entre les diffrents acteurs et les diffrentesfonctions. Ceci vaut pour le projet comme pour le chantier.

    Des enjeux lis la qualit de la relation sociale sur lechantierDans cette perspective de la performance globale, la qua-lit de la relation sociale joue un rle dcisif. Tandis quele dplacement des sources d'efficacit et la ncessairemarge d'autonomie du chantier soulignent le caractreinadapt des modes de relation et des rapports sociaux

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    Introduction

    1. C. DU TERTRE, Les dterminants de la production dans le btiment, revueTravail, n 16, fvrier 1989.M. CAMPINOS-DUBERNET, La rationalisation du travail dans le secteur dubtiment : des avatars du taylorisme orthodoxe au no-taylorisme, in Le tay-lorisme, sous la direction de M. DE MONTMOLLIN et O. PASTR, ditions LaDcouverte, 1984.Du chantier lentreprise : de nouvelles approches de la productivit, n 34,PCA-EMVB, juin 1989.Travail et productivit dans le btiment, n 34 de PCA Actualits, mars 1990.

    Lorganisation qualifiante faire merger des potentialits la mesuredes contraintes engendres par les grandes volutions de marchs.

  • hrits du taylorisme, le diagnostic pralable que nousavons pu tablir, sur l'opration d'Evreux, a mis l'accentsur les faiblesses constates dans ce domaine dans leBtiment. Par certains cts, on peut mme dire que lefoss a eu tendance se creuser au cours de ces der-nires annes, du fait d'un dcalage trs fort entre d'unepart, toute la partie amont de l'entreprise focalise surl'amont du projet et qui a fait l'objet d'un certain nombred'innovations, et d'autre part, la partie chantier qui n'apas toujours connu, loin s'en faut, des avances compa-rables. Lorganisation qualifiante en mettant l'accent surl'interaction et la communication apparat, sous certainesconditions, mme d'amliorer cette dimension de larelation sociale sur le chantier.

    Des enjeux lis la monte des proccupations degestion et leurs implications sur la marge et le contenude l'autonomie du chantierLa fin de la priode de croissance a conduit les entre-prises accrotre leur vigilance sur la gestion de chantier.Une grande partie des innovations dveloppes au coursdes annes 80, notamment par le biais de linformatique,a concern le contrle de gestion. Ce phnomne a ren-forc limportance alloue une dmarche reposant surla fixation et le contrle des objectifs plutt que sur lastricte prescription directe des tches.Lune des questions souleves par ces volutions est desavoir si le contrle de gestion a renforc ou non lauto-nomie du chantier. A la suite de certains auteurs2 on peutfaire lhypothse que cette logique gestionnaire au sensconomique du terme a favoris lautonomie du chantiermais aussi la puissance du contrle3. Une logique de ges-tion conomique et financire a dsormais pris le pas surla logique technique dans lorganisation du chantier. Lalogique technique remonte en amont au niveau destudes et la logique conomique descend au niveau duchantier.Par rapport cette volution de lentreprise, lorganisa-tion qualifiante peut reprsenter un intrt dans lamesure o elle vise dvelopper l'autonomie desquipes. Il reste savoir quelle acception de l'autono-mie elle se rapporte.

    Des enjeux lis la mobilisation et la gestion de lamain-d'uvreL'accroissement de la pression concurrentielle et le carac-tre plus fluctuant de la demande ont donn lieu deuxgrands types de stratgies : la recherche prioritaire d'unabaissement des cots de la main d'uvre, la recherchede son meilleur usage dans le procs de travail. Ces deuxtypes de stratgies ne sont pas, bien sr, exclusives l'une

    de l'autre. Mais la premire a, beaucoup plus que la seconde, encourag le recours des formes d'emploiprcaires et la dstabilisation des collectifs de travail. Cesdonnes n'ont pas contribu amliorer l'image duBtiment auprs des jeunes, alors que par ailleurs cer-taines expriences ont su faire valoir les potentialits quiexistent dans ce domaine. Elles ont soulign, comme parexemple dans le cas de certains sites pilotes ou chantiersde rhabilitation, le rle dcisif que la qualit de l'organi-sation et la qualit de la relation sociale jouent dans laconstruction de l'image de marque auprs des jeunes.

    Des enjeux lis la redfinition des comptencesncessaires pour rpondre la complexification descontraintes de la production et de sa gestion, et la red-finition correspondante des modes d'apprentissage etd'acquisition de ces comptences. Cet aspect n'chappepas aux responsables des ressources humaines,conscients que les volutions techniques, conomiques etsocitales dsignent cette question comme un enjeu cldans les annes venir. Les entreprises, par rapport aucaractre complexe des oprations, sentent la ncessitdu renouvellement de la qualification de leur mainduvre mais cette demande reste trs floue sur la dfi-nition des comptences prcises dont elles aurontbesoin4. Ces comptences mobilisent diffrents compo-sants techniques, relationnelles, savoir-faire qui sont dli-cats rsumer en quelques principes simples.

    LES PRINCIPESDUNE ORGANISATIONQUALIFIANTEEncore faut-il dfinir lorganisation qualifiante laquellenous nous rfrons. En effet, derrire le caractre globalde celle-ci, des acceptions varies peuvent apparatre.Nous nous rfrons pour notre part aux principes dePhilippe Zarifian pour dfinir lorganisation qualifiante5 :

    Former des quipes de travail gres parobjectifs plutt que par prescription.

    Ces quipes sont dfinies la fois partir de l'ensembledes activits qu'elles assument (la notion de mission rem-

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    2. E. CAMPAGNAC, J. BROBROFF, C. CARO, Approches de la productivit etmthodes dorganisation dans les grandes entreprises de la construction,PCA, mars 1990.

    3. E. CAMPAGNAC, Culture dentreprise et mthodes dorganisation : lhistoirede Bouygues, ENPC-CERTES, mars 1987.

    4. Les nouvelles comptences dans le btiment, J.P. LE GOFF, n 27 PCAActualits, janvier 1987.Polyvalence et autonomie dans le btiment, J. BROBROFF et J.P. LE GOFF, n 29PCA Actualits, septembre 1987.Lencadrement de chantier, renouvellement et enjeux, cahier thmatiquePCA-EQF, juillet 1993.

    5. P ZARIFIAN, Acquisition et reconnaissance des comptences dans une orga-nisation qualifiante, ducation Permanente n 112, octobre 1992.

  • place alors celle de tche) et des objectifs de perfor-mance qu'elles doivent atteindre. Dans le cadre de sa mission, l'quipe peut se doter de ses propres outils degestion (indicateurs, tableaux de bord etc..).

    Le champ d'action de chaque quipe se distingue de lasimple polyvalence en ce qu'il n'est pas conu commeune additivit de tches mais comme une articulationde ces tches autour d'une mission qui lui donne coh-rence et par rapport des objectifs.

    L'enjeu est de permettre aux oprateurs ou aux compa-gnons d'avoir une vision unifie de leur travail, et l'en-treprise de dvelopper une notion de responsabilit, fon-de sur l'atteinte des objectifs et non sur l'excutionstricte des tches.

    Dfinir et dvelopper un "mtier complet",pour la matrise des situations profession-nelles.

    Par "mtier complet", on entend un mtier couvrant etdonnant cohrence une gamme large de savoir faire quipermet dassurer une matrise complte d'une situationprofessionnelle, dans un contexte d'autonomie forte. Laformation un mtier complet suppose de prendre encompte simultanment :

    Une gamme de savoir-faire techniques qui se rapporte aubon fonctionnement du systme technique de ralisation.

    Des savoir-faire d'organisation, qui concernent lamanire de s'organiser pour matriser, individuellement etcollectivement, la situation professionnelle.

    Des savoir-faire de gestion pour piloter conomique-ment la situation professionnelle.

    L'enjeu est de dvelopper les capacits d'autonomie desindividus et de l'quipe et d'accrotre les comptences,individuelles et collectives.

    Redfinir les rgles du management pourtenir compte de la gestion par les rsultatset par le dveloppement des comptences.

    La notion d'organisation qualifiante suppose aussi uneredfinition du rle du management ou du fonctionne-ment de la hirarchie, qui, dans le cadre du dveloppe-ment des comptences de l'quipe et de la reconnais-sance d'une plus grande autonomie, est amene labo-rer des plans d'action, trancher les diffrends, raliserles arbitrages et contrler la ralisation des objectifs plu-tt qu' exercer son commandement selon un mode tra-ditionnel. Ce d'autant plus que la notion d'autonomiepeut inclure une dimension dcisionnelle, dans le cas parexemple d'une dlgation de responsabilit l'quipe

    pour certaines dcisions (ex : diagnostics, dfinition deplans d'action, de ses modes d'valuation etc).

    A partir de ces objectifs, l'organisation qualifiante repose surquelques principes que l'on peut, en suivant la dmarche deP. ZARIFIAN, rsumer ainsi :

    L'organisation qualifiante est une organisation o se faitjour un traitement vnementiel de l'activit industrielle.

    L'organisation qualifiante suppose une rorganisation del'activit industrielle sur une base communicationnelle.

    L'organisation qualifiante est celle qui permet sesmembres de rlaborer les objectifs de leur activit profes-sionnelle.

    L'organisation qualifiante est celle qui permet chaqueindividu de se projeter dans l'avenir en s'impliquant dans desprojets petits ou grands.

    Le traitement des vnements : occasiond'apprentissage et de communication.

    L'organisation qualifiante est conue de manire utilisertoutes les occasions d'apprentissage dans l'exercice dutravail et toutes les possibilits de transfert de connais-sances entre personnes aux comptences diffrentes. Elleest conue de manire valoriser la communication.Ces occasions d'apprentissage sont fournies le plus sou-vent par les vnements. Il importe de distinguer entreles diffrents types d'vnements, tels que :

    L'vnement panne ou l'vnement comme rupturedans le processus. L'vnement dsigne ici tout ce quivient perturber le systme, il reste trs proche de l'ala.

    L'vnement comme rendez-vous d'acteurs. C'est letype d'vnements que l'on rencontre souvent dans lesindustries d'assemblage - auxquelles le Btiment peut treassimil par bien des aspects. La performance se situe icidans la qualit des flux et dans la prcision des rendez-vous.

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    Reconnatre et valoriser les comptences individuelles et collectives

  • L'vnement projet qui met l'accent sur la dynamiqued'volution interne d'un projet, le projet constituant ensoi un macro-vnement en tant que processus decoopration, marqu par une succession de choix et debifurcations qui conduisent des options successives.

    L'vnement peut tre source d'apprentissage et decommunication s'il donne lieu un traitement adquat ;en particulier un travail d'analyse ralis en commun ausein de l'quipe et une dfinition commune des plansd'action qui peuvent tre assortis d'indicateurs, dfinispar les oprateurs ou par les compagnons, et destins valuer la russite de l'action (qualit, fiabilit etc.).

    L'organisation qualifiante appelle unevaluation des comptences.

    La dfinition d'un mtier complet suppose un rfren-tiel de mtier structur selon un certain nombre d'axesde comptences.

    Exemple d'un rfrentiel mtier dans l'industrie qui s'estopr autour de 8 axes de comptences : s'informer,communiquer, prparer la production, raliser, contrler,amliorer, grer/organiser, maintenir.

    Nous reprendrons ici la dfinition de la comptence don-ne par Philippe Zarifian de mme que celle de la logiquede la comptence applique la gestion des ressourceshumaines (en substitution la logique du poste de tra-vail).

    "Par comptence, nous entendons la capacit, directementattache l'individu, quelque soit le lieu prcis o il travaille un moment donn, de matriser, dans ses diffrentesdimensions, une situation industrielle complexe et volutive.Cette comptence, tout en continuant de faire appel laconnaissance de modes opratoires concrets, consiste avanttout en une intelligence la fois conceptuelle et pratique dela situation rencontre, qui assure l'initiative et l'autonomierelle d'action du salari. Cette comptence repose sur lamise en cohrence d'un ensemble de savoirs, acquis parexprience et par formation, et valids par un mtier com-plet au sens o nous l'avons dfini."

    Par logique comptence, nous entendons la fois :- une logique de gestion des ressources humaines fonde surle dveloppement continu, la reconnaissance et l'usage effec-tif de la comptence individuelle au sein d'une organisationadapte cet effet.- une logique de mise en synergie de ces comptences indi-viduelles au sein d'un cadre professionnel, valorisant la com-munication et la co-responsabilit.

    - enfin une logique de parcours professionnels telle qu'elleassure une progression de chaque salari dans et partir deses comptences, au sein des diffrents mtiers de l'entre-prise.

    La question des mthodes les plus appropries pour va-luer les comptences est insparable des rflexions surlorganisation qualifiante.

    Ainsi dfinie par ses grands principes, l'organisation quali-fiante entrane un certain nombre dexigence :

    Une organisation qualifiante suppose lautonomie desquipes de travail. Pour le moment, les quipes de travaildu Btiment fonctionnent suivant une semi-autonomie,cest--dire suivant des objectifs (production, qualit) fixspar lencadrement du chantier, avec la possibilit deprendre certaines dcisions sans en rfrer au niveau hi-rarchique suprieur. Mais ces dcisions concernentpresque exclusivement la planification des tches nces-saires pour atteindre lobjectif de production. Par contre,les quipes ninterviennent pas dans la dtermination deces objectifs. Par ailleurs, le suivi de la gestion appartient lencadrement et non aux quipes.

    Une organisation qualifiante ncessite que soient expli-qus les objectifs et les performances attendues sur leprojet. A partir de l, les quipes dterminent leurspropres objectifs, les outils de suivi et de gestion, les plansdaction et les indicateurs qui leur semblent adapts etpertinents, par exemple un engagement dans une strat-gie qualit.

    Ce point est susceptible de dvelopper la concertation etla communication au sein de lquipe ainsi quavec lenca-drement et les services fonctionnels de lentreprise. Ilappelle donc un dcloisonnement entre les fonctions ausein de lentreprise. La communication sloigne duschma hirarchique traditionnel.

    Lorganisation qualifiante appelle un apprentissage quise joue en particulier autour de lanalyse et du traitementdes situations vnementielles. Ces moments sont mme de dvelopper les comptences individuelles etcollectives. Ils permettent de rduire les dysfonctionne-ments et les alas dans le travail.

    Ces investissements sinscrivent dans une logique dereconnaissance des comptences au sein de lentreprise.

    Lapplication de ces principes conduit un recalage dela matrise sur une activit danimation et de ressourceshumaines. Il y a donc par consquent une redfinition desrgles de management.

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  • La finalit de la Rex tait de concevoir et d'appliquerune organisation qualifiante adapte au secteur duBtiment et de contribuer, dans un premier temps, dgager les conditions favorables son application et son dveloppement futur ventuel.

    La Rex devait tre conue comme une exprimenta-tion correspondant une premire approche propice dgager les conditions et les enjeux de son extensionventuelle l'ensemble de l'entreprise. Lexprimen-tation repose sur lapplication dun certain nombre desprincipes de lorganisation qualifiante.

    Les enseignements envisags devaient permettre enretour denrichir les multiples acteurs qui interviennentsoit lors de lexcution dun btiment (encadrement,matrise, compagnons, mthodes, bureau bton, enca-drement, sous-traitants, fournisseurs), soit lors desphases amont au chantier (commercial, tudes, ser-vices fonctionnels de lentreprise).

    LES DIFFRENTESPRIODES DELINTERVENTIONLa Rex sest droule suivant trois phases successives :- Une phase de dfinition des objectifs de la Rex ralisepar une quipe pilote partir des enseignements dundiagnostic de lorganisation de lentreprise.- Une phase de dfinition oprationnelle des objectifsavec lencadrement du chantier lors de la priode de pr-paration du chantier.- Une phase de mise en uvre de la dmarche lors de lapartie gros uvre du chantier.

    La dfinition des objectifs de la Rex

    Afin de dterminer les objectifs de la Rex, une quipepilote fut runie qui comprenait : lingnieur commercialde lopration et vritable correspondant de la Rex, le

    responsable des ressources humaines, un directeur detravaux, le responsable de la formation et de la scurit,le responsable qualit.Un diagnostic de lorganisation au niveau de lentrepriseet de chantiers fut entrepris partir dentretiens avec desmembres de lentreprise, principalement ceux de lquipepilote, ainsi que lencadrement et des compagnons de dif-frents chantiers.A partir des enseignements du diagnostic et des principesde lorganisation qualifiante, lquipe pilote dtermina uncertain nombre dobjectifs de la Rex. Les principauxconstats du diagnostic et les objectifs de la Rex sont pr-sents au cours des prochains chapitres.

    Une phase de dfinition oprationnelle desobjectifs.

    La dcision fut prise par lquipe pilote que la dfinitionoprationnelle de la Rex devrait tre assure par lenca-drement du chantier, au moment de sa prparation, afinque lexprimentation soit mieux adapte aux diffrentsacteurs ainsi quaux caractristiques de lopration. Cettedisposition permettait une appropriation plus forte, favo-rable lautonomie ultrieure de la dmarche, lencadre-ment devant animer la dmarche auprs des compa-gnons.Cette dfinition comprenait notamment une formulationprcise de la mission confie aux compagnons. Cette phase

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    Conception et dfinition de la Ralisation Exprimentale

    Un projet architectural dcompos suivant deux btiments

  • ne put tre mene de faon aussi approfondie quil avaitt envisag ce qui contribue restreindre les objectifs.

    Une phase de mise en uvre de la dmarche.

    Cette dernire phase correspondait la mise en uvreeffective des principes de lorganisation qualifiante. Lesmodalits de lvaluation reposaient sur un principe den-tretiens rguliers avec les acteurs du chantier aux diff-rentes tapes davancement du chantier. La mise enuvre effective subit certains dcalages temporels quirduisirent la dure et la porte de lexprimentation.

    LES CONSTATS DE LAPHASE DE DIAGNOSTICCe diagnostic de lorganisation de lentreprise reprsentela synthse des entretiens raliss avec les membres delquipes pilote et des entretiens avec des compagnons etlencadrement de plusieurs chantiers en cours en ralisa-tion. Les constats correspondent sensiblement aux ten-dances que lon retrouve dans le Btiment. Nous livronsdans ce chapitre une version succincte du diagnostic quipermet de situer quelques uns des enjeux partir des-quels dfinir une organisation qualifiante.

    Les constats et les enjeux au niveau delentreprise

    Un dveloppement de lentreprise reposant sur lac-croissement de la productivit partir de laxe technique(innovation sur le matriel et les matriaux, renforcementdu poids des mthodes) mais peu suivant laxe social,cest--dire que la concertation avec les compagnons estfaible, pour ne pas dire absente.

    La performance technique semble avoir atteint un seuiloptimum ce qui suscite maintenant un intrt pour laxesocial comme autre composante de la performance pourrsister aux volutions du march.

    Un renforcement constant de la rationalisation du tra-vail notamment par le biais des bureaux des mthodes(carnet de rotation) avec un raisonnement bas sur lacharge des matriels (grue, banches) mais qui prend peuen considration la qualit des flux de matriaux.

    La reconnaissance dune absence de rflexion longterme incorporant la dimension sociale du chantier.

    Une difficult dgager des "stratgies" long termeen raison de lincertitude et de lvolution des marchs,

    do la ncessit dune organisation ractive, adapta-tive, avec un personnel dexcution possdant une fortepolyvalence afin de matriser plusieurs types de btiments(logements, btiments industriels).

    Les constats et les enjeux au niveau duchantier

    La nature des projets augmente le nombre de micro-dcisions ncessaires lors des processus de la ralisationce qui place lencadrement de chantier en situation dedbordement. Ce phnomne reprsente une partieconsquente des causes de dysfonctionnements rencon-trs au niveau du chantier.

    Un encadrement qui marche lautorit, ce quilimite la communication entre les niveaux hirarchiques.

    Laccent mis sur un dveloppement partir de la com-posante technique sans que la composante sociale soitdveloppe simultanment, le renforcement descontraintes lies l'accroissement de la productivit sanscontreparties consquentes pour les compagnons, latti-tude de la hirarchie qui dveloppe une communicationverticale descendante ont pour rpercussion de favori-ser auprs des compagnons lide qu'ils ne sont que desimples excutants.

    Le raccourcissement des dlais et des objectifs de pro-duction qui concentrent les compagnons autour destches dexcution au dtriment des autres composantesque peuvent reprsenter la qualit et la scurit.

    Une logique de gestion du chantier qui considre letravail comme un cot. Cette logique influe fortement surles conditions de travail des quipes ce qui pse sur leffi-cacit et la performance.

    Une difficult de communication entre les compa-gnons et lencadrement du chantier et entre le chantier etles services fonctionnels de lentreprise.

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    Quand la technique prdomine le social

  • Ce diagnostic met plus en lumire plusieurs points spci-fiques qui influencent le dveloppement de la perfor-mance.Lorganisation est oriente vers le rendement ce qui pro-voque la spcialisation progressive des fonctions et desmtiers dans lentreprise. La dfinition de la performancese fait en amont du chantier, ce qui entrane un isole-ment de celui-ci par rapport au reste de la structure,sans une connaissance spcifique de comment elle estobtenue. Cette logique conduit une rupture importanteentre les reprsentations des acteurs de lentreprise et duchantier. Cette rupture explique en grande partie la com-munication restreinte qui maintenant devient prjudi-ciable latteinte de la performance.Aprs restitution du diagnostic, ces points particulierssont devenus des enjeux pour cette exprimentation.

    LA DFINITION DESPRINCIPES DE LA REX

    Les attentes des membres de lquipe pilote

    Chacun des membres de lquipe manifeste des attentesprcises l'gard de la Rex, celles-ci varient en fonctionde leur position dans l'entreprise.Pour le responsable des ressources humaines, cette Rexest loccasion denrichir sa reprsentation du climat socialet davoir une connaissance plus importante de la moti-vation des compagnons. Lexprimentation lui permetgalement dalimenter une rflexion stratgique sur lvo-lution des qualifications par lapport dinformations sur lanotion de comptence.

    Pour les fonctions plus techniques, cest loccasion depouvoir cerner les dysfonctionnements du chantier qui

    affectent sa performance. Ces connaissances permettenten retour denrichir les pratiques et les mthodes dubureau des mthodes et par l daffiner certains de leursdonnes. Lexprimentation est galement attendue pourclairer sur les comportements des compagnons quichappent, parfois, leur comprhension.Le responsable de la formation et de la scurit attend delexprimentation de pouvoir faire voluer, partir deconnaissance de lactivit, les modes pdagogiques detransmission de savoir. De plus, la Rex permet dclairerla scurit non plus traite en tant que telle, isole ducontexte de production, mais au contraire en linscrivantdans sa relation avec la mission de production.Le directeur de travaux, quant lui, est pris entre deuxfeux, entre une communication qui peut remettre encause l'autorit de lencadrement et sa mission de ges-tionnaire du chantier demande au contraire une certainefermet.Par ailleurs, lquipe pilote souligne quune organisationqualifiante est susceptible de favoriser le rajeunissementdes quipes de chantier par la proposition dune organi-sation correspondant mieux aux reprsentations desjeunes.

    Les premires perceptions des principes delorganisation qualifiante

    La dcouverte des principes de lorganisation qualifiantepar lquipe pilote suscita plusieurs ractions lies lin-novation quils reprsentent mais aussi au dcalage quilsprovoquent par rapport aux reprsentations desmembres de lquipe et par rapport lorganisation delentreprise.Lorganisation qualifiante est perue, dans un premiertemps, comme un super-plan qualit, qui permet defaire prendre en charge les dysfonctionnements du chan-tier, sources de non-performance, par les compagnonssans que lentreprise ait de contreparties mettre enuvre. Cette premire perception de lorganisation qua-lifiante va dans le sens dune additivit de tches mais ellene prend pas en considration les lments ncessairespour que les compagnons prennent en charge cette mis-sion, ni la manire dont les relations entre les acteurs duchantier sont affectes.Par la suite, le deuxime temps de lappropriation semanifeste par une certaine rserve devant les transfor-mations quengendrent le changement organisationnel.Lencadrement recherche de nouvelles comptences surle chantier partir de processus de responsabilisions indi-viduelles et collectives.En mme temps, il est attendu de la nouvelle organisationqu'elle garantisse une performance au moins identique,sinon suprieure, celle obtenue avec l'organisation enplace. Celle-ci est considre comme stable et satisfai-sante car le contrle et la rgulation sont matriss.

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    Concilier des reprsentations diffrentes sur le chantier mais gale-ment dans lentreprise

  • Lorganisation qualifiante, en favorisant lautonomie et lareconnaissance des comptences, est perue commeaffectant, en partie, les formes du contrle sans pourautant garantir une performance quivalente.

    Les objectifs retenus pour la Rex

    Sur la base de ce diagnostic et des principes de lorgani-sation qualifiante, la conception de la Rex a t dfinieautours de quatre points :- Llargissement de la mission des compagnons.- Le traitement vnementiel de lactivit.- Llargissement de lautonomie des quipes.- La dfinition des modalits pour la dfinition des com-ptences.

    Une mission largie des compagnons autour dequatre axes de lactivit.

    Elle se traduit par la dfinition dun mtier complet sui-vant quatre axes principaux : la production, la scurit, lalogistique, la qualit. Cette notion de mtier completdonne corps llargissement de lautonomie et au trai-tement vnementiel de lactivit.

    A noter les difficults de lencadrement de prciser lescomposantes du mtier complet et llargissement de lamission. En effet, personne ne sait vraiment apprhenderce principe en raison de la difficult envisager un dcou-page du travail entre les quipes diffrent de celui quifonctionne actuellement. Ce dernier se fonde sur desquipes charges dun certain nombre de tches, dansune relative polyvalence, mais partir de la distinctionentre les parties horizontales et verticales de louvrage,distinction dont la logique se trouve la fois dans la sp-cialisation des outils mcaniques et dans la rationalisationde la production (saturation de la grue et rotation desoutils). Il y a donc une difficult remettre en cause cette

    reprsentation de lorganisation, do la propositiondlargir ces missions dans le cadre de lorganisation exis-tante aux fonctions de production, scurit, logistique,qualit.

    Le traitement vnementiel de lactivit.

    L'apprentissage de cette mission largie et de ce qu'ellepeut reprsenter en efficacit s'opre grce lanalysedes vnements qui permet de montrer lensemble desacteurs les interactions entre les dcisions prises et leurseffets directs et indirects.

    Un principe de runions hebdomadaire au cours des-quelles les compagnons et lencadrement du chantier ana-lysent lorigine des vnements du chantier. Plusieursobjectifs sont fixs ces runions :- Favoriser la communication entre les niveaux hirar-chiques mais aussi permettre une communication trans-versale sur le chantier, voire avec les autres dpartementsde lentreprise.- Dvelopper des comptences collectives par lanalysedes vnements du chantier qui influe sur lefficacit et laperformance.- Rechercher des solutions en commun, ce qui est pro-pice lexplicitation de certains choix/dcisions oprspar la hirarchie et permet celle-ci de faire des choix enayant la connaissance des consquences qu'ils impliquent.- Dvelopper les analyses suivant les quatre axes de lamission largie avec la mise en vidence des relationscauses/effet et des interactions entre ces quatre axes.- laborer des plans dactions pour suivre la pertinencedes solutions retenues et apporter ventuellement dessolutions correctrices.

    Lensemble de ces points reprsentent un processus dap-prentissage et de recomposition entre les diffrents che-lons hirarchiques

    Llargissement de lautonomie des quipes auxcycles de rotation.

    La finalit recherche est une recomposition des tchesau sein du chantier entre les diffrents chelons hirar-chiques depuis le conducteur de travaux jusquaux com-pagnons qui permette, dune part, lencadrement de neplus tre en surcharge de travail, dautre part, aux com-pagnons d'acqurir une plus grande matrise de lorgani-sation de la production. Cette autonomie se fonde surlappropriation de certaines tches rserves habituelle-ment lencadrement comme les commandes, la gestiondes stocks de matriaux. Une transformation attenduecorrespond au phnomne de dlgation ou de rparti-tion des tches entre les diffrents acteurs de la ligne hi-rarchique.

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    Une difficult prciser le contour dun mtier complet

  • - Entre le conducteur de travaux et le chef de chantier enprincipe soulags de la surcharge de micro-dcisions, cequi leur permet de se consacrer leur mission respectivede prparation et de planification de certaines tches surun horizon moyen terme.- Entre le chef de chantier et les chefs d'quipe avec latransformation du chef de chantier qui accompagne etassiste les chefs d'quipe dans leur nouvelle mission.- Au sein de lquipe avec la dlgation de certainestches du chef d'quipe pour faire face au temps que cedernier doit consacrer la prparation du cycle.

    Dfinir les modalits pour lvaluation des com-ptences.

    A partir du moment o la Rex tait conue comme lapremire tape vers une extension de la dmarche ausein de lentreprise, il semblait ncessaire d'identifier lescomptences acquises au cours de lexprimentation.L'ide d'tablir une grille de comptences fut unmoment envisag.

    Modalits dapplication retenue par lquipepilote

    L'application de la Rex fut limite aux seuls compagnonsde la partie gros uvre du chantier. Ce choix, bien quelimitatif, fut dcid en raison de difficults pratiques etjuridiques qu'aurait souleves l'application aux sous-trai-tants dont la Rex aurait pu tre la source. Cette positionaffaiblissait les perspectives d'enseignements sur les rela-tions entre les compagnons et les sous-traitants et surlarticulation de la qualit entre le gros uvre et lesecond uvre.

    Lquipe pilote retint galement un principe de fonction-nement autour de lappropriation de la dmarche par lesacteurs du chantier, cest--dire que la dmarche devenaitautonome ds sa mise en uvre sur le chantier. Pour cela,lencadrement du chantier devait dfinir de faon dtailleau moment de la prparation du chantier, les modalitsde llargissement de lautonomie, en particulier la rpar-tition des tches et les formes de communication entreles quipes et lencadrement de faon ne permettreaucune ambigut sur la mission de chacun.

    Lvaluation de la Rex

    Plusieurs moyens dvaluation ont t retenus. Dunepart, lvaluation des transformations organisationnelleset sociales reposait principalement sur des entretiensrguliers avec les diffrents acteurs du chantier sur les dif-frents thmes denjeux de la Rex comme lautonomie, laresponsabilisation, la communication, les relations entre

    les diffrents niveaux hirarchiques, les reprsentationsde lorganisation, etc. Des observations informellesvenaient complter le dispositif dvaluation.

    Dautre part, il fut demand que cette approche soitcomplte par des donnes quantifiables afin de montrerobjectivement linfluence et la contribution de ladmarche la performance du chantier. Lindicateurretenu, malgr quelques rserves, fut le coefficient dalasutilis par le bureau des mthodes dans le calcul destemps de chantier (faire une note explicative).Lhypothse retenue reposait sur le fait que limportancedes dysfonctionnements serait rduite.

    Cette mesure apportait une quivoque sur l'objectif delexprimentation, susceptible damoindrir la participationdes compagnons. En effet, cela pouvait laisser croire auxcompagnons quune des finalits de lorganisation quali-fiante reposait sur la recherche de laccroissement de laproductivit et non sur la possibilit dune recompositionsociale partage.

    La mission des valuateurs

    Plusieurs missions incombaient au chercheur assurant lesuivi et lvaluation de la Rex. Dj un rle de conseil toutau long de la dure de lexprimentation dans un premiertemps auprs de lquipe pilote puis par la suite auprsdes acteurs du chantier. Au moment de la prparation duchantier, assister lencadrement du chantier dans la dfini-tion oprationnelle de la Rex. Pendant la dure du chan-tier, le rle envisag initialement tait plus du domaine delaccompagnement, voire dassistance en cas dhsitation,auprs de lensemble des acteurs.

    Enfin une mission dvaluation tout au long des diffrentespriodes de la Rex pour laquelle nous tions les obser-vateurs extrieurs laction des diffrentes priodes detransformations ; appropriation de la dmarche, mise enuvre, comprhension des rserves, des freins, des rti-cences ou au contraire des enthousiasmes afin de pouvoirexpliquer, restituer.

    La mission de l'valuateur se limitait aux entretiens. Lesdonnes quantitatives pour apprcier lefficacit reve-naient aux acteurs. Elle s'tablissait alors en fonction desdmarches spcifiques lors de la mise en uvre de plansdactions et de suivi dvnements.

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  • DES INTERROGATIONSCONCERNANT LE CHAMPDE LA REXDeux dmarches taient possibles pour valuer l'organi-sation qualifiante.

    Soit mettre en uvre lensemble des principes de lor-ganisation qualifiante dans lentreprise sur un moyenterme afin que lvaluation porte sur des rsultats repr-sentatifs. Ceci est possible dans lindustrie quand lentre-prise connat une relative stabilit de march et de pro-duction.Mais peu dentreprises du btiment se lanceraient dansdes changements organisationnels dune telle ampleursans avoir la certitude dune performance identique. Orle march du btiment ne prsente pas de stabilit sur unmoyen terme, lactivit dune entreprise de Btiment nestpas constante dune anne sur lautre.

    Soit, au contraire, faire une mise en uvre partielledes principes de lorganisation qualifiante. Cette solutionrduit la porte et la fiabilit des rsultats, mais ne remetpas en cause la performance conomique de lentreprise.Cette dmarche permet dapporter un ensemble den-seignements et de connaissances utiles pour une pren-nisation ultrieure de la dmarche. L'entreprise prfraretenir cette seconde solution.

    Il est nanmoins ncessaire de souligner des lments quiont eu une influence sur cette Rex et qui sont suscep-tibles damoindrir la porte de la ralisation.

    Une organisation qualifiante concerne lensemble de len-treprise, le chantier ne reprsentant quune partie singu-lire de ldifice. Il est donc difficile de lisoler pour letemps dune exprimentation mme s'il reprsente len-jeu principal des recherches de performance.

    Une organisation qualifiante favorise la communication,lautonomie, le dveloppement des comptences. Cesont des phnomnes qui sinscrivent, se construisentdans le temps, ce qui vient en contradiction avec la duredun chantier de gros-oeuvre de six mois.

    Le diagnostic souligne la rupture des reprsentationsentre les diffrents acteurs du chantier, cette rupturetant lie aux volutions de lorganisation. En face de lim-portance de cette rupture, une interrogation subsistepour savoir si la dure de lexprience est suffisante pourfavoriser ltablissement dune confiance propice la par-ticipation de lensemble des acteurs. Ltablissement duneconfiance est dautant plus fragile que lexprimentationconcerne un chantier unique sans certitude de reconduc-tion sur dautres chantiers, ce qui signifie que linvestisse-ment des acteurs devrait tre ponctuel.

    Par ailleurs, les principes de lorganisation qualifiantereprsentent une innovation par rapport lorganisationen cours. Or il nest pas sr que son appropriation par lesacteurs soit compatible avec la dure de la Rex.

    La dure de la Rex entrane donc une incertitude surlampleur des transformations ce qui nempche pas pourautant den comprendre la logique.

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  • La mise en uvre de la dmarche se caractrisa parune succession de dcalages par rapport au planninginitial ce qui ne profita pas la pleine ralisation desobjectifs. Sur les trois principes qui concernaient direc-tement le chantier, seul le traitement vnementiel delactivit fut rellement mis en pratique pendant ladure du chantier.

    LES DIFFICULTSRENCONTRES DANS LA MISE EN OEUVREAfin de favoriser l'appropriation de la dmarche par lesacteurs ds le dbut du chantier, un programme dactionsfut envisag au moment de la prparation du chantier :

    Lencadrement du chantier devait complter la dfini-tion de la Rex par la prcision des modalits de lautono-mie des quipes : rpartition des tches revenant auxquipes et lencadrement, prcision des relations entreles quipes et lencadrement. Lencadrement devait gale-ment dfinir les modalits du traitement des vnements.

    Les chefs dquipe devaient assister lencadrementpour valider et enrichir les choix de lencadrement sur lesmodes opratoires, les moyens matriels et lorganisationgnrale du chantier en fonction de leurs besoins pourassurer lautonomie largie des quipes.

    Lensemble des compagnons devait tre sensibilis auxprincipes de lorganisation et aux modalits de la Rexavant le dmarrage du chantier.Dans les faits, ce programme na pas pu tre suivi dans satotalit, seules les modalits relatives aux runions dana-lyse dvnement ont fait lobjet dune dfinition prcise.

    La mise en uvre de la dmarche rencontra certainesdifficults de nature amoindrir la porte de la Rex et laparticipation des compagnons. La nomination des chefsdquipe et des compagnons tait prvue avant le dbutdu chantier afin de les sensibiliser lexprimentation.Ceci ne fut pas possible malgr l'intrt que cela aurait

    reprsent pour l'exprimentation en raison de lorgani-sation de lentreprise qui, pour tre en permanence rac-tive, dsigne les compagnons seulement au moment desbesoins exprims par le chantier. Les chefs dquipefurent nomms aprs larrive de lordre de service.Cette dcision eut pour effet de retarder l'informationdes compagnons mais aussi dempcher la participationdes chefs dquipe la prparation du chantier. Ceciaurait permis denrichir la prparation du chantier deleurs remarques tout en permettant ltablissement derelations directes avec lencadrement et lappropriationdu projet.

    Cette dcision eut galement dautres effets de nature contrarier la participation des compagnons. Alors quilaurait t souhaitable quune confiance stablisse entreles acteurs et que la finalit de lexprimentation soit clai-rement tablie, lentreprise introduisit au contraire lideque lexprimentation ne reprsentait pas un enjeu suffi-samment important pour modifier son organisation.Nous retrouverons plus tard la trace de ce doute, aumoment des entretiens avec les compagnons par lvoca-tion de deux missions distinctes, dune part, assurer laproduction, dautre part, participer lexprimentation.

    La formation des chefs dquipes puis des compagnonsest intervenue lorsque lensemble des compagnons etdes chefs dquipe fut prsents sur le chantier, soit unmois aprs le dbut du chantier, ce qui rduisait la durede lexprimentation. Ce dcalage eut galement poureffet de rduire le nombre de sries dentretiens avec lescompagnons.

    Lensemble de ces raisons conduisit redfinir le contenude la Rex. Lobjectif concernant lautonomie des quipesfut cart en raison de son manque de prparation et dela raction des acteurs qui le trouvaient peu adapt auxconditions actuelles du chantier. Le traitement vne-mentiel de lactivit fut mis en uvre dans des conditionsd'autonomie ingales, la dmarche devant faire lobjetpendant un temps dune sollicitation des valuateurs.Nanmoins les enseignements sur les transformations etles raisons de ces changements permettent de com-prendre les enjeux que pourrait reprsenter un dvelop-pement ultrieur.

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    Le droulement de la Ralisation Exprimentale

  • Commentaires

    Lorganisation qualifiante reprsente une innovation quirend dlicate son appropriation par lencadrement. Lamission de ce dernier est, en effet, dassurer la planifica-tion et la gestion du chantier pour atteindre un objectif deperformance. Cette mission repose sur l'ide qu'une cer-taine efficacit est obtenue par une organisation et par unmode de commandement. Lexprimentation proposetransforme cette organisation, connue et matrise, ce quiest peru comme une source de risque de ne plus treen mesure datteindre lobjectif de performance. Duncot, lexprimentation suppose une recomposition entreles acteurs, une recomposition du circuit de dcisions ; delautre cot lencadrement accorde sa prfrence uneorganisation qui fait ses preuves. Cette ambigut rencon-tre au cours de cette Rex provoque une dualitconstante entre assurer la mission de production et assu-rer lapplication de la Rex. Il est possible de traduire cettecontradiction par lopposition entre une situation dontl'efficacit est connue et matrise et une innovation pro-metteuse mais incertaine. Dans cette double mission, lapriorit fut donne le plus souvent la mission confiepar lentreprise.

    Dautre part, lencadrement ne sattendait pas treen situation de contribuer la dfinition du contenu delexprimentation. Son attente allait vers une mthodeprte lemploi sans implication personnelle fournir.La prparation de lexprimentation modifiait largementce cadre organisationnel et mettait ces acteurs en situa-tion de dfinir les modalits dune innovation pourlaquelle ils avaient quelques rserves.

    Un facteur qui a galement influ sur la dfinition desmodalits de lautonomie concerne une difficult de com-prhension entre lencadrement et les valuateurs, les unsapportant une exprience pratique, les autres uneapproche thorique, ces deux approches ntant pas for-cement complmentaires en toute occasion.

    Au moment de la dfinition de lautonomie, la premireraction de lencadrement fut : Cela va nous foutre le bor-del sur le chantier, ce qui traduit la crainte de ne plus ma-triser parfaitement lorganisation du chantier. Par la suite, ilsera difficile de dfinir les modalits de cette autonomie caraux yeux de lencadrement elle na pas lieu dtre, tout aumoins sous la forme propose. Lautonomie des compa-gnons se rsume leur fournir les moyens que lencadre-ment considre ncessaire latteinte dun objectif, aprsils se dbrouillent. Cette reprsentation de lautonomieexplique partiellement le manque de prparation de cetobjectif. En revanche, les modalits du traitement des v-nements ont t prcises plus facilement car lenjeu desdysfonctionnements correspond une attente prcise delencadrement, et remet beaucoup moins en cause, priori, leur autorit ou leur lgitimit.

    LES CARACTRISTIQUESDU CHANTIERLes hommes du chantier

    Tous les acteurs sont expriments et reconnus dans len-treprise pour leur savoir-faire professionnel.

    Au niveau de lencadrement le directeur des travaux etle conducteur avaient dj ralis ensemble plusieursoprations.

    Les compagnons sont tous des professionnels qui ontau moins dix ans dexprience sur les chantiers (10 35ans), leur professionnalisme est reconnu dans lentreprise.La majorit dentre eux fait partie du mme noyau. Lechef de chantier est dsign pour la Rex en raison de sesmthodes de travail qui se rsument parfaitement parsur ses chantiers on ne crie pas. Ce chantier reprsenteune premire collaboration avec le tandem directeurde travaux et conducteur de travaux.

    Les compagnons sont organiss en deux quipes lunecharge des voiles et lautre des planchers. Ils prsententune forte polyvalence avec un savoir-faire qui porte surdes chantiers plus importants notamment sur des bti-ments industriels. La majorit des compagnons dcou-vrent cette technique de faade en agglomrs.

    La grande exprience des compagnons et le fait que laplupart dentre eux travaillent ensemble depuis plusieursannes leur ont permis de dvelopper une forme dauto-nomie collective.

    Les faits marquants du chantier

    Lordre dexcution des btiments envisag par lestudes est invers par le directeur des travaux lors de laprparation du chantier.

    Les escaliers du premier btiment sont livrs aumoment des fondations du deuxime btiment ce quiprovoque une priode de transition entre les deux bti-ments dlicate grer pour lencadrement.

    Le retard du premier btiment se traduit par la dfini-tion dune rotation plus courte dune journe pour ledeuxime btiment.

    Le chef dquipe responsable des planchers est affectsur un autre chantier lors des fondations du deuximebtiment.

    Pendant la priode estivale, la presque totalit de lef-fectif ouvrier est remplac par des intrimaires.

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  • LARGISSEMENT DELAUTONOMIECet objectif na pu tre mis en uvre sur le chantier, toutau moins sous sa forme initialement envisage, car il necorrespond pas la ralit du chantier et aux reprsen-tations des diffrents acteurs.Lobjectif trouvait sa cohrence dans la responsabilisationdes compagnons par llargissement de lobjectif de pro-duction au cycle en provoquant : la possibilit de prendredes dcisions, la comprhension les causes relles lori-gine des vnements et des dysfonctionnements quoti-diens afin de dvelopper une co-responsabilit entre lesdiffrents acteurs. Celle-ci se construisant par la commu-nication au sein des collectifs de travail et la concertationentre les niveaux hirarchiques dans le travail mais gale-ment au moment des runions danalyse dvnements.

    A lorigine, nous navons pas mesur que dans sa formu-lation cet objectif correspond une logique daddition detches peu compatible, entre autres, avec lactivit et lacharge de travail des compagnons, ni que cela ncessitaitun processus dapprentissage consquent, que devait pr-cder une prparation minutieuse et une formation ad-quate. Lors du diagnostic, lautonomie formule par lescompagnons ne reposait pas sur llargissement de ladure de lautonomie mais sur la possibilit dtre res-

    ponsable de son travail, de pouvoir organiser et planifierson activit, de ne plus avoir une prescription qui tombede la hirarchie.Par ailleurs, lautonomie ne se construit pas simplementau niveau individuel mais galement entre les compa-gnons dans le cadre des collectifs de travail. Cela se tra-duit par des ajustements permanents entre les acteursmais galement par la mise en commun de problmespour aboutir des dcisions partages par lensemble desacteurs. Il faut donc intervenir dabord au niveau desconditions qui favorisent cette construction entre descompagnons responsables.

    La proposition de cet objectif a suscit plusieurs ractionset commentaires :

    Les compagnons manifestent une incomprhensiondevant la re-responsabilisation des compagnons que laisseentendre lexprimentation alors que le mouvement derationalisation pendant vingt ans sest traduit par une ten-dance inverse. Ceci est compris comme une contradic-tion suspecte. Dans un cas, la responsabilit des compa-gnons est rduite tout en augmentant la productivit.Maintenant, lentreprise tente de redonner de la respon-sabilit aux quipes. Les compagnons sinterrogent sur lasignification de ce mouvement. Les interprtations avan-ces par eux vont dans le sens dun nouvel accroissementde la productivit et dune rduction du nombre deniveaux hirarchiques.

    Une partie des compagnons ne sait pas expliquer ceque reprsente exactement le terme dautonomie. Lareprsentation de leur travail leur fait comprendre, le plussouvent, exprience ou anciennet. Pour eux, il y a unerelation entre les deux termes, lautonomie volue aveclexprience acquise des compagnons. La perception cen-trale de lautonomie sappuie sur la notion de sedbrouiller tout seul, cest--dire entre compagnons etsans solliciter un chelon hirarchique suprieur.

    Lautonomie est possible sur plusieurs jours conditionque certaines tches soient assures par lencadrementnotamment ce qui est du domaine des commandes.Celles-ci introduiraient une responsabilit laquelle ilsnont jamais t confronts dans le pass et qui fait appel des connaissances quils ne matrisent pas. De plus, lescompagnons soulignent quil est peu ais, dans lecontexte actuel, de concilier simultanment la produc-tion, la planification de la production et les commandessans une refonte importante des missions confies cha-cune des fonctions prsentes sur le chantier. Cetterflexion ne leur semble pas ncessaire dans un procheavenir mais lorganisation du chantier devrait voluer versune consolidation des collectifs et un changement desmodes de commandement.

    Concernant une possible dlgation de tches entreles niveaux hirarchiques pour assurer une autonomie lar-gie. Pour le conducteur de travaux, llargissement de lau-

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    Le chantier se situe dans une ville moyenne de 50000habitants.- Le programme comprend 60 logements PLA dispossuivant deux btiments principaux (28 et 32 loge-ments), avec un parking souterrain sous le btiment leplus important, 25 garages individuels extrieurs, unlocal technique indpendant et mur de soutnementsur une partie de la longueur du terrain. Les btimentssont excuts lun aprs lautre.- Chaque btiment comprend quatre cages descaliers.Le nombre dtages varie de deux trois tages. Lesescaliers et les coques des escaliers sont sous-traits.- La dure du chantier est de douze mois dont six moispour le gros uvre. Le chantier dbute en mars 1995.Leffectif moyen est de 20 personnes.- Une grue tour sur rail qui dessert un seul btiment la fois avec une translation de celle-ci entre les deuxbtiments.- Planchers et voiles en bton, faades en agglomr.Prfabrication sur place des prdalles et des balcons.Incrustation des rseaux lectrique et de la plomberie.- La plomberie, llectricit et la maonnerie sont sous-traite.- Le terrain est en dclinaison, long en surplomb sur salongueur par une voie ferre dsaffecte ce qui nces-site un mur de soutnement.

  • tonomie des compagnons lui permettrait davoir une visionplus globale du chantier et davoir plus de temps consa-crer la prparation. La diminution de sa charge de travaillui permettrait de prendre des dcisions plus pertinentes.

    Le phnomne de dlgation fait apparatre le problmede la confiance et de la responsabilit et non la simpleacquisition de savoir-faire. En effet, la dlgation est inter-prte comme la conservation de la responsabilit vis--vis de la hirarchie, ce qui entrane la ncessit duneconfiance avec la personne qui les tches sont confies.Ce raisonnement tenu initialement par lencadrement estpartag galement au niveau des chefs dquipe. Celaconfirme la nature de lorganisation actuelle qui reposesur un commandement hirarchique et non sur le par-tage dune co-responsabilit.Quand lencadrement envisage la dlgation de tches, ilconsidre que la personne qui est confie la tche doitatteindre immdiatement la mme efficacit, cest--direque la personne soit dj comptente avant que la res-ponsabilit dune tche, comme le traage, lui soitconfie. L rside une contradiction importante car enparallle il est considr que les impratifs de productionne permettent dassurer la mme qualit dapprentissage.Le raisonnement tenu correspond une tendance duBtiment qui prfre une organisation qualifie, cest--dire que les individus soit dj qualifis avant de rentrerdans une nouvelle organisation, alors que lorganisationqualifiante propose un schma diffrent autour du prin-cipe que lensemble des salaris voluent simultanment.

    Les conditions favorables lautonomie : uncollectif cohrent et un mode de comman-dement ouvert la concertation.

    Lors des entretiens les compagnons ont dtermin lesconditions qui favorisent lautonomie sur le chantier.Celles-ci reposent sur deux arguments prcis comportantune forte inter-relation : le collectif de travail commesource defficacit et de rgulation, et le mode de com-mandement qui influence la mobilisation individuelle etcollective. Les arguments tenus par les compagnons vontdans le sens dune reconnaissance des collectifs de travailet plus particulirement dun noyau regroup autour duchef de chantier. Lautonomie, selon les compagnonscest de faire des groupes homognes et de laisser toutle monde ensemble, pas de changer tout le temps dechefs de chantier.Ces noyaux prsentent lavantage de rgles de mtiersdj labores par les compagnons et de relations quifavorisent lautonomie et la ractivit aux vnements. Enopposition cette stabilisation, la recomposition desquipes, chaque dbut de chantier mais galement encours de chantier, ncessite de rlaborer les relations, lacommunication et les rgles de travail. Il y a donc une dif-frence importante entre des collectifs stables et desquipes en recomposition constante.

    Linfluence du mode de commandement

    Le renvoi de la prescription de la tche sans autre formerelationnelle provoque la stricte application de lordrereu sans quil y ait une forte implication personnelle : Ily a des chefs de chantier qui narrtent pas de gueuler,cela ne sert rien au contraire cela freine les gars. Uneautre citation qui donne la mesure de la relation entre lecommandement et la mobilisation individuelle : Sur cer-tains chantiers, on est pas libre, on est trop command.Si le chef de chantier dit fais cela !, je le fais mais jattendsquil me dise ce que je dois faire. Si le gars nous dit silvous plat alors on travaille sans sen rendre compte.

    Ce commandement change de nature pour aller vers laconcertation avec les compagnons. Les propos des com-pagnons et de lencadrement se compltent en sinscrivantdans latteinte dune efficacit commune partage. Pourles compagnons : Si un chef dit de faire dune manire quimanifestement fait perdre du temps, je peux lui dire quesi je faisais comme cela, ce serait peut-tre plus pratique.Je ne dis pas que ma solution est forcement la meilleure,je dis quil faut voir les deux. Pour lencadrement : Si ungars me dit on peut faire comme cela, ce sera peut tremieux, moi jcoute moi si cela ne marche pas cela nemarche pas mais si cela peut se faire, il vaut mieuxessayer. Lencadrement en acceptant les solutions descompagnons consolide le collectif tout en favorisant lex-pression et la reconnaissance des comptences.

    Le changement de mode de commandement se dclinegalement tous les niveaux hirarchiques du chantierpar une transformation des relations avec les compa-gnons qui permet une appropriation des objectifs :Certains chefs d'quipe, le plan est pli dans leur pocheet il ny a queux qui le regardent, les compagnons tra-vaillent les yeux ferms. Moi je le cache pas, je laisse tou-jours les plans ouverts comme cela ils savent un peu plusce quils font.

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    Certains chefs dquipe, le plan est pli dans leur poche lescompagnons travaillent les yeux ferms

  • Parmi les objectifs de la Rex, les runions danalysedvnements reprsentent lun de ceux qui ont tatteints. Ceci sexplique en partie par le fait que len-cadrement percevait plus facilement son intrt et quesa mise en uvre ne reprsentait pas de transforma-tions importantes de lorganisation.

    La dmarche est devenue rellement oprationnelle avecla tenue rgulire de runions. Celles-ci dbutrent aprsles fondations du premier btiment lorsque leffectif descompagnons fut au complet. Ce dcalage par rapport auplanning initial (runions ds larrive des premiers compa-gnons) sexplique en partie par la charge de travail du CTen dbut de chantier (consultation des sous-traitants) maispeut-tre aussi par le manque de dcision de lencadre-ment face une innovation de lorganisation du chantier.La ralisation du premier btiment est considre commeune priode propice lappropriation et lapprentissagede la dmarche. Pendant la dure du second btiment, ladmarche devait tre pratique de faon autonome etprise en charge directement par les acteurs du chantier,cest--dire sans lintervention des valuateurs. Ce fut lecas pendant une courte priode.

    Sur la dure du chantier, quatorze runions se sontdroules. Celles-ci mettent en prsence les compagnonset lencadrement. La frquence hebdomadaire initiale-ment prvue na pas t possible pendant la dure duchantier, le plus souvent en raison de la charge de travailde lencadrement puis par la suite en raison de la priodeestivale durant laquelle un grand nombre de compagnonsprirent leur cong.

    Les modalits retenues lors de la prparation du chantierprvoyaient que les runions devaient concerner alterna-tivement chacune des quipes. Ce choix de lencadre-ment aurait t guid par la simplicit de mise en uvre,le chantier est en effet moins perturb et la totalit descompagnons dune mme quipe peuvent y assister.Nanmoins cette disposition comporte plusieurs pointdfavorables la dmarche :- La communication transversale entre les quipes restelimite.- Le grutier, acteur important du chantier, nassiste pasaux runions.

    - Les finisseurs alternent leur prsence dune quipe lautre.

    Lors de la transition entre les deux btiments, lquipe encharge du plancher fut largie avec l'intgration des com-pagnons de lquipe voile afin de former une quipe fon-dations.

    LES DIFFRENTES PHASESDE LAPPROPRIATION DELA DMARCHESur lensemble du chantier, il est possible de constaterplusieurs priodes significatives de lappropriation de ladmarche et de la tenue des runions.

    Une mise en uvre dcale en raison de la charge detravail du CT (appel doffre des sous-traitants) mais aussien raison de lincertitude suscite par la nouveaut de ladmarche.

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    Un traitement vnementiel de lactivit partir de runions hebdomadaires

    Le traitement vnementiel de lactivit

  • Une priode de formation et dapprentissage qui cor-respond sensiblement au premier btiment. Les pre-mires runions se tiennent alors que les compagnons nesont pas encore forms ce qui explique que la finalit delexprimentation nest pas toujours correctement per-ue par eux, ce qui limite leur mobilisation.

    Une priode de participation active qui couvre la findu premier btiment, la priode de transition entre lesdeux btiments et le dbut du second btiment. Cettepriode se caractrise par la diversit et limportance desvnements analyss avec notamment plusieurs analysescompltes dvnements qui donnent un aperu dessavoir-faire techniques et organisationnels mobiliss parles compagnons. Nous pensons particulirement la ra-lisation des bandes noyes avec la dfinition dune orga-nisation spcifique qui se perfectionne au cours de lavan-ce du chantier. Cette priode se caractrise galementpar des runions de prsentations du deuxime btimentqui sont loccasion de plusieurs prparations organisa-tionnelles concertes entre les compagnons et lencadre-ment comme lorganisation ncessaire la prfabricationdes balcons. Nous dtaillerons certaines de ces analysesau cours des prochains chapitres.

    Un affaiblissement de la participation aprs les fonda-tions du deuxime btiment.Plusieurs faits permettent dexpliquer cette situation :- Une dsaffection progressive des compagnons pour ladmarche en raison de son aspect exprimental limit un chantier et sans certitude de son application ultrieure lentreprise. De plus, linvestissement des compagnonsne saccompagne pas dun retour immdiat, certaines deleurs demandes ne sont pas toujours prises en consid-ration (demande de matriel supplmentaire). De plus,les compagnons ne se sentent pas accompagns dans ladmarche par un soutien et une attention spcifique delentreprise.- Une partie des compagnons considre que les runionsdoivent avoir lieu au dbut de chaque btiment pour dfi-nir leur besoin en matriel ou pour corriger les pointsqui nont pas t abords par lencadrement lors de laprparation du chantier. Par la suite, aprs que la ralisa-tion des fondations, les runions devraient tre plus espa-ces. Cest donc plus au moment de linitialisation duchantier et au moment des principales difficults tech-niques des btiments, sur ce chantier les fondations, queles runions doivent avoir lieu avec une frquence heb-domadaire. Ce raisonnement sapplique aux btiments delogement o le travail est rptitif mais ne peut tre tenuaux btiments plus complexes comme les btimentsindustriels.

    La dsaffection des acteurs lie l'absence de runionpendant la priode estivale en raison des vacances descompagnons ainsi quau chantier qui est presque achev.- Les compagnons sont pratiquement tous partis en

    vacances, ce qui a provoqu leur remplacement par desintrimaires. Pendant cette priode les objectifs de pro-duction sont atteints, parfois dans des conditions dli-cates, par contre la qualit natteint plus le mme niveau(prsence de quatre finisseurs au lieu de deux pendant lereste du chantier)- Pendant labsence des collectifs constitus la communica-tion prend dautres modalits, les rgles dajustements la-bores auparavant ne sont plus pratiques, ni entretenues.

    Commentaires

    La participation effective ne couvre donc pas la totalitde la dure du chantier. Dune manire gnrale, nousavons le sentiment que la dmarche a plus t peruecomme quelque chose qui venait s'ajouter au travail habi-tuel, alors qu'elle tait conue pour commencer letransformer. Il est dlicat de penser que les comporte-ments puissent voluer dans un temps limit lorsquel'avenir mme de la dmarche n'est pas garanti. Le cotphmre limite donc la mobilisation dautant plus queles principes mme de la dmarche interviennent sur desdomaines sensibles (la reprsentation du mtier, les cir-cuits de dcisions). Une organisation qualifiante est eneffet perue comme loccasion dune reconsidrationsociale entre les acteurs qui, en contrepartie, accrot lef-ficacit du chantier. Elle comporte donc des risques,notamment au niveau de lemploi.

    La dmarche ncessite une personne extrieure auchantier, qui sert de catalyseur, car les contraintes dutravail sont telles quaucun des acteurs ne dsire prendresur lui la conduite de linnovation. Ds que la dmarcheest devenue autonome, c'est--dire prise en charge parles acteurs eux-mmes, elle priclite lentement poursteindre par manque de soutien chacun considrantque le soutien doit venir des autres. Le fait que lentre-prise ne manifeste pas de soutien pendant lexprimenta-tion provoque un sentiment dabandon peu propice la mobilisation. De plus, une autre rserve provient du faitquaucun des acteurs ne sait matriser et grer ladmarche. Cest la difficult de raliser une exprimenta-tion aussi limite dans le temps, nanmoins il est possiblede pressentir des effets allant dans le sens dune organi-sation qualifiante qui permette denvisager son largisse-ment lentreprise.

    Ces runions demandent un temps dapprentissage liau passage dune organisation o la communication estlimite un systme qui place la communication dans uneposition centrale au sein de lorganisation. Il faut noter lecot parfaitement inhabituel des discussions avec desniveaux hirarchiques comme le conducteur de travaux,qui anime toutes les runions, ou avec le directeur de tra-vaux, qui assiste plusieurs runions. Ces deux acteursdu chantier reprsentent lautorit, ils sont galement

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  • associs au pouvoir conomique (les primes) et unpouvoir de carrire (progression professionnelle) au seinde lentreprise.

    Par rapport aux objectifs de la Rex, il tait attendu quelanalyse de certains vnements soit complte par desplans daction permettant leur suivi. Ceci ne sest pasconcrtis pendant la dure de lexprimentation. Lesplans daction reprsentent une nouveaut que les com-pagnons nont pas dsir mettre en uvre car cela necorrespond pas la reprsentation quils ont de leurmtier. Ils considrent que leur travail est dassurer la pro-duction mais pas den assurer sa gestion, mme partielle-ment. Par ailleurs, cela demande un temps de travail sp-cifique peu conciliable avec les objectifs de production.

    Par ailleurs, la communication sur les chantiers est delordre de linformel, cest--dire une communication ver-bale directe entre les compagnons. Les plans dactionncessitent de passer une communication formelle(lcriture). Ils reprsentent galement un engagementdans le temps (suivre sur plusieurs semaines) qui diffredes pratiques actuelles des compagnons plus orientessur des objectifs quotidiens.

    Labsence de plans daction ne nous permet pas dappr-cier les gains obtenus par lapplication de certaines solu-tions. Indirectement cela soulve le problme de lamesure de lefficacit alors que les outils de gestion utili-ss par le chantier sont du domaine de la mesure de l'ef-ficience6. Les indicateurs qui dcoulent de cette mesurede performance ne permettent de mettre en vidence nilefficacit quotidienne atteinte collectivement, ni lin-fluence des vnements rencontrs dans lactivit.

    LES VNEMENTSABORDS EN RUNIONIl tait intressant priori d'observer ce que la notiond'vnement allait recouvrir chez les compagnons et quiallait tre le contenu des runions. En effet, cest bien parune reconnaissance commune dun ensemble dacteurs,donc une convention sociale, quune situation particulireest considre comme un vnement. La notion dv-nement prend par consquent des sens distincts suivantles ensembles dacteurs en fonction de la reprsentationquils ont de leur activit et de celle des autres.

    Cest ainsi que les compagnons apprhendent difficile-ment ce que reprsente exactement un "vnement".

    Leur travail, ce qui fdre et donne une cohrence leurmtier, consiste ragir en permanence, individuellementou collectivement, aux situations quils rencontrent quoti-diennement dans leur activit. Par contre, lencadrementa tendance reprsenter lvnement en fonction de laperformance. Les runions reprsentent par consquentun enjeu intressant car elles sont le moment o deslogiques diffrentes se croisent et sinterfrent, dun cotla performance, de lautre lactivit et son efficacit.

    En faisant un bilan rapide du droulement des runions, ilest possible de constater :- Au cours des runions, lensemble des compagnonsprend la parole quelque soit son niveau de qualification,ce qui indique lintrt suscit par la dmarche et montregalement que les compagnons peuvent tre construc-tifs par une contribution la recherche de solutions.- Les vnements abords par les compagnons concer-nent au premier abord les aspects matriels de lactivit(matriel supplmentaire) pour faciliter lefficacit de lac-tivit et contribuer rduire les contraintes de travail.- Les analyses ralises par les compagnons stoffentprogressivement par lexploration dun nombre plusimportant de solutions avant de retenir la solution quisemble la plus adapte.- Les analyses ont tendance avoir une vise toujoursdirectement oprationnelle plutt que la recherche descauses, des origines des vnements.- Les vnements et les analyses se concentrent sur lesvnements du chantier et les relations transversalesquipes/Finisseurs. Les analyses concernent peu lactionde lencadrement.- Elles concernent principalement les acteurs du chantieret pratiquement jamais les acteurs extrieurs (bureaubton, fournisseurs, autres dpartements de lentreprise).- Bien que les sous-traitants aient t carts de ladmarche par lentreprise, certains vnements ontncessit la prsence des maons certaines runions.

    La classification des vnements

    La classification dont nous nous sommes servi lors de laprsentation de lorganisation qualifiante pour rappellvnement panne, lvnement rendez-vous dacteurs,lvnement projet ne permet pas un classement strictde certains vnements tant peut tre proche dans leBtiment la proximit entre les vnements rendez-vousdacteurs et les vnements projet. En effet, la totalit desdcisions concernant le projet et son organisation nestjamais compltement arrte au moment du dmarragedu chantier. Comment dans ces conditions classer unemodification de cotations demande par larchitecte,comment classer la modification de mode opratoire ?

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    6. Nous entendons par efficacit la capacit atteindre des objectifs etpar efficience la capacit de rendement dun systme volu par rapport un certain niveau de ressources de bases.

  • La plupart des vnements nont pas une origine prcisefacilement identifiable mais sinscrivent plutt dans unetrame de cause/effet. Lorigine dun vnement peut selocaliser dans des dysfonctionnements ou des imprci-sions qui se sont produits en amont et qui peuvent treen mme temps le fait dacteurs diffrents. Cest dailleursl'une des difficults que les acteurs ont rencontres aumoment des runions, la plupart des analyses concernentlvnement sans quil y ait une recherche des facteurs lorigine de son apparition. Nous voyons dans ce fait lin-fluence de lapprentissage, li la nouveaut desrunions : il faut commencer par du concret. Mais onconstate aussi que les compagnons limitent leur analyseau travail ouvrier de faon ne pas faire apparatre ce quiest relatif aux tches de lencadrement. Ce point illustrela reprsentation que les compagnons ont de leurmtier : certaines tches leur appartiennent, dautres sontdu domaine de lencadrement.

    Cette spcialisation (hirarchisation des tches) nest quelgrement remise en cause pendant la dure de lexp-rimentation. Il faut certainement le mettre en relationavec le caractre ponctuel et limit dans le temps de l'ex-primentation. Nous pensons que lapplication des prin-cipes de lorganisation qualifiante lensemble de lentre-prise, et non simplement aux chantiers, ferait voluercette reprsentation en provoquant : une recompositiondes mtiers vers un mtier complet (largissement pro-gressif de la mission), une transformation des relationsentre les niveaux hirarchiques, llargissement de lauto-nomie des compagnons par des interventions anticipa-trices plus prcoces.

    Lvnement comme rendez-vous dacteurs

    Les vnements en relation avec les tches de lencadrement.Les vnements mentionns font apparatre desdfaillances lies labsence de certains matriauxcomme les ferrailles ou des escaliers prfabriqus, oubien encore des lments qui nont pas t pris en consi-dration lors de la prparation du chantier.Labsence de certaines ferrailles implique que les compa-gnons sont dans lobligation den faonner sur place ce quireprsente un temps de travail supplmentaire. Cettetche provoque galement un dsquilibre au sein delquipe. Le travail qui ne peut tre fait par les compa-gnons mobiliss par le faonnage des ferrailles se rper-cute sur les autres compagnons de lquipe. Cela repr-sente, enfin, une perte de lefficacit collective et renforceles contraintes temporelles de lquipe.

    Concernant les escaliers, leur commande ayant t invo-lontairement diffre par le conducteur de travaux se tra-duit par leur livraison au moment de lachvement dupremier btiment. Ceci entrane une priode dlicate

    grer pour lencadrement au cours de laquelle la gruedoit desservir simultanment les deux btiments. Elle nepeut le faire que partiellement. Cette dfaillance pro-voque des contraintes supplmentaires que subissentlensemble des ouvriers prsents sur le chantier, compa-gnons et sous-traitants. Cet vnement fait lobjet deremarques lors de runions sans quil y ait de recherchede solutions pouvant attnuer les effets sur le chantier. Lasituation est considre comme gnante mais courante.

    Un autre vnement quil est possible de rattacher auxprestations de lencadrement concerne laccs certainspoteaux isols qui ncessite la construction dun chafau-dage spcifique. Ce dtail navait pas t tudi par len-cadrement lors de la prparation du chantier. Il en rsulte,dune part, un temps de montage qui nest pas pris enconsidration par le bureau des mthodes dans de lla-boration du carnet de rotation, dautre part, lemprunt dumatriel ncessaire lquipe plancher ce qui limite lenombre de filires disponibles pour raliser sa mission.Cet vnement ne fait pas lobjet dune analyse pour enretrouver lorigine. Par contre, il enrichit lencadrement etles compagnons qui cherchent partir de cet instant anticiper sur le reste du chantier reprer les cas defigures identiques.

    Les vnements en relation avec les sous-traitantsprsents sur le chantier.Un seul vnement est relatif la prestation du plombierles autres concernent les maons. Lvnement concer-nant le plombier est la consquence dune rotation loupepar lquipe charge du plancher, le plombier ne pouvantfaire ses incorporations en raison de son stock insuffisantde matriel. Le chef dquipe a signal cet vnement enrunion alors quil tait dj connu de lencadrement.

    Les autres vnements sont en relation avec les maonsqui assurent la ralisation des faades en agglomr. Lesprincipaux vnements concernent leur cadence de tra-vail qui gne lquipe plancher, des problmes de pro-pret, des problmes relatifs la scurit par labsence depose de garde-corps aux fentres, tche qui rentrait dansles prestations ngocies.

    Les vnements en relation avec les acteurs extrieursau chantierConcernant le bureau bton. Les vnements sontconstitus par les erreurs de cotations qui ncessitent desrecherches supplmentaires, ce qui reprsente une nou-velle fois un temps supplmentaire. Ce sont des vne-ments ponctuels mais qui sont enregistrs par lencadre-ment du chantier et transmis au bureau bton. Ceci cor-respond une communication qui partant des compa-gnons passe par lencadrement pour aboutir aux intres-ss qui sont lorigine de lvnement. Il s'agit d'une inno-

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  • vation en soi car, mme s'il ny a pas de transformation ducircuit de communication, lencadrement ne filtre plus dela mme manire les informations. Le fait que cela ait tabord en runion, lengage transmettre les informa-tions qui proviennent des compagnons alors que dhabi-tude lencadrement transmet les informations quil jugeutile de transmettre.

    Concernant le service matriel. Les vnements concer-nent les matriels dfectueux comme des trappes sur lesplates-formes des banches ou des garde-corps de cesmmes plates-formes. Ceci montre une proccupationpour la scurit, qui s'explique par le fait que les compa-gnons jugent cette situation de travail porteuse de risquesnotables en raison de la hauteur mais galement de lacontrainte temporelle au moment du coulage. Ceci faitque les compagnons consacrent leur attention aux op-rations de coulage, dont dpend la qualit, et non leursdplacements. Ceci est de nature a provoquer uncontrle plus strict de lencadrement au moment de larception des matriels mais galement faire remonterlinformation au niveau du service matriel pour quecelui-ci soit contrl avant son expdition. Dans le casdune gnralisation de la dmarche, il est possible depenser que la remonte rgulire de ce type dinforma-tion est de nature faire voluer la gestion du servicematriel.

    Les vnements relatifs aux compagnons.Ces vnements concernent les relations entre les finis-seurs et les quipes. Les finisseurs font rfrence lapnibilit de certaines tches qui peut tre diminue pardes mesures simples mettre en uvre comme le grat-tage des pieds de voiles au moment du dbanchage cequi vite des repiquages avec un bton sec. Les finisseurssont galement lorigine de lanalyse de lorganisationncessaire la prfabrication des balcons. Lvnementinitial qui provoque cette analyse repose sur la demandefaite aux compagnons en charge des balcons de faire unerserve afin de mettre les becquets dvacuation deseaux. Cette mesure leur vite, comme la prcdente, desrepiquages dans un bton sec avec une posture pnible.Un autre vnement concerne la scurit et la prfabri-cation des prdalles avec une demande pour que lestreillis ne soient pas coups au ras des rserves de faon viter les chutes au travers des rserves quand quel-quun marche dessus.Il faut remarquer que peu dvnements concernent lesrelations entre compagnons. En effet, les ajustementsncessaires lactivit sont raliss directement au seindes collectifs.

    Lvnement projet

    Le principal vnement que nous classons dans cettecatgorie est la demande formule par les compagnonsde remplacement du chef dquipe en charge des plan-chers. Le chef dquipe est effectivement nomm sur unautre chantier pour des raisons qui ne dcoulent pas sim-plement de la demande des compagnons. Cettedemande est mettre en relation avec le mode de com-mandement du chef dquipe particulirement dirigistedans son travail et qui impose aux compagnons la stricteexcution des tches. Les compagnons sont amens dansces conditions ne mettre en uvre que leurs savoir-faire techniques sans pouvoir faire appel leurs savoir-faire organisationnels. Ce mode de commandementconduit au constat que nous avions relev lors du dia-gnostic o les compagnons se sentent considrs commede simples excutants. La demande des compagnons estintressante car cest loccasion de vrifier lusage quefont les compagnons de la communication quand celle-ciest autorise. En effet, les compagnons dpassent cequi est considr habituellement comme un tabou,cest--dire aborder leurs relations avec un niveau hirar-chique suprieur. La question aborde ne repose pas surun jugement de valeur des qualits du chef dquipe maissur ladquation entre le collectif et les modes de com-mandement.

    Cet vnement est galement loccasion de confirmerque la reprsentation dun mtier complet passe par lamise en pratique des deux types de savoir-faire que nousavons cits, par une communication qui doit stablirentre les niveaux hirarchiques et par un travail qui nestpossible qu'au sein de collectifs cohrents.

    Dautres vnements sont de lordre de lvnement pro-jet en particulier les apports des compagnons sur lesmodes constructifs : exemple, le fractionnement des

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    Une communication transversale aux quipes qui se dveloppe sou-vent partir du travail des finisseurs

  • murs de refend au niveau de la gaine technique les jourso il nest pas possible des les couler en une seule fois.Nous classons cet vnement dans cette catgorie car aumoment de la prparation, lencadrement na pas envi-sag que ce cas de figure puisse avoir lieu pendant ladure du chantier. Il y a donc dans cet vnement uneconfrontation entre le projet pens thoriquement, quise dcline par la suite sur le carnet de rotation, et la ra-lit quotidienne. La solution propose souligne parailleurs la proccupation des compagnons pour la qualit.En effet, le souci de raliser la sparation au niveau de lagaine est guid par la proccupation de prserver ltatdes surfaces de faon que le finisseur nait pas de reprises faire et par le souci de ne pas provoquer un pont acous-tique entre deux appartements.

    Nous classons galement certaines demandes de mat-riels dans cette catgorie en particulier des demandesdtais et de filires supplmentaires. Le service desmthodes a dtermin un nombre idal dtais et defilires suivant un calcul thorique qui ne prend pas enconsidration la pnibilit quentrane une rotation troprapide de ce type de matriel. Il y a donc dans cet vne-ment une confrontation entre le thorique dune dcisionprise au moment de la prparation et la ralit du terrain.

    Nous appliquons un raisonnement identique pour lademande des finisseurs pour des enduits dont le grain estplus gros et qui correspondent la qualit de surface obte-nue des voiles. En effet, les finisseurs disposent dun enduitde finition grains fins qui ncessite le passage de plusieurscouches pour masquer les dfauts daspect des voiles, cequi reprsente un temps de travail supplmentaire.

    Les vnements prcdents indiquent des dfaillances aumoment de la prparation, ou tout au moins ils indiquentquun certain niveau de dtail nest pas suffisamment prisen considration. En revanche, le raisonnement est modi-fi quand les compagnons dcident de transmettre unrapport au service qualit pour souligner les avantages dela vise laser pour la ralisation des planchers. Ce rapportest loccasion de constater que les compagnons sontprts diffuser dans lentreprise des informations quicontribuent aux objectifs de production tout en amlio-rant leurs conditions de travail. En revanche, lenrichisse-ment de certains acteurs ou services (mthodes, mat-riel, bureau bton) qui influent sur les conditions de tra-vail ne fait pas lobjet dun dsir de communicationdirecte. La communication passe alors par le circuit tradi-tionnel de la voie hirarchique.

    Lanalyse dvnements reprsentatifs

    Plusieurs vnements sont loccasion danalyses particu-lirement dtailles qui prennent en considration deslments matriels et organisationnels. Ces rflexions

    collectives amalgament les opinions, les savoir-faire, lex-prience de lensemble des acteurs quelque soit leurniveau de qualification ou son niveau hirarchique autourde la rsolution de problmes. Il en ressort des solutionsoprationnelles qui sont concertes et partages par len-semble des acteurs.

    Lorganisation des bandes noyes :

    Ce cas est reprsentatif de la solution labore collecti-vement en runion pour rpondre une situation qui serpte pendant toute la dure du chantier

    Lanalyse repose sur la demande du finisseur qui signale lafaible qualit dexcution des premires bandes noyes7

    qui provoque des reprises du bton dans des conditionspnibles (bras au dessus de la tte) et un temps de tra-vail consquent.

    Dans un premier temps, un certain nombre de rsolu-tions sont adoptes en runions :- le coffrage des bandes noyes est ralis partir dunnombre rduit dlments (deux au lieu de quatre) defaon diminuer les possibles laitances de bton et par lle nombre de reprises.- les lments du coffrage sont laisss tays afin dvitersa disparition possible entre deux utilisations.- lutilisation des mmes coffrages dun tage lautres, cequi facilite le travail de celui qui assure cette tche etrduit la quantit de bois de coffrage.

    Par la suite, les compagnons compltent deux-mmescette premire analyse sans en faire mention en runion.En particulier, les tais de soutien des prdalles sont lg-rement dcals de faon faciliter la pose du coffrage, cequi indique un ajustement entre compagnons au sein ducollectif. Ces dispositions dureront pendant toute ladure du chantier.

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    7. Coffrage entre deux prdalles.

    A lorigine de certains vnements, la qualit et les conditions detravail, mais aussi lefficacit dans lactivit

  • Commentaires

    - Le schma suit une laboration suivant des tapes suc-cessives. La rsolution dun vnement en runion, samise en pratique, lenrichissement de son organisation.Lanalyse en runion sert de catalyseur, les compagnonsprennent en charge son enrichissement.- Cette organisation est adopte facilement par len-semble des compagnons car elle leur appartient. Elledevient un enjeu qui dure pendant la dure du chantiersans interruption pendant la priode estivale o leffectifdes intrimaires est important.

    On peut aussi voir travers cet exemple que certainesoprations ne sont pas spcifies en amont du chantier.Au moment de la prparation du chantier, ltude desmodes opratoires ne prend pas en considration cetype de dtails dautant plus quils peuvent faire lobjetdune mise au point rapide au moment du chantier soitpar leur spcification par lencadrement, soit par une priseen charge directe par les compagnons.

    Lorsquil y a une prise dinitiative des compagnons, onpeut noter lapport du collectif qui permet de formuler leproblme et de le rgler sous la forme dajustement entreles intresss sans autre mdiation. Lorsque linitiative estfaible en raison du mode de commandement, alors lescompagnons attendent la solution de lencadrement.Dans le cas prsent, lorigine de la demande provient dufinisseur, ce qui correspond une communication trans-versale au chantier. Le fait que cet vnement soit aborden runion, que lanalyse soit conduite par les compa-gnons provoque lofficialisation de la solution, cest--dire partage par lensemble du chantier et appliquependant toute sa dure.

    La prfabrication des balcons

    Lanalyse a lieu au cours de la prsentation du deuximebtiment un moment o les compagnons font desremarques sur les situations qui peuvent tre amliores.Les finisseurs soulvent une reprise qui peut tre viteen ralisant une rserve pour les becquets dvacuationdes eaux au moment de la prfabrication des balcons. Apartir de cet vnement, les compagnons analysent lesconditions ncessaires la ralisation des balcons.Lanalyse fait apparatre les points suivants :

    Une commande et une livraison unique de lensembledes ferrailles ncessaires la ralisation de la totalit desbalcons du deuxime btiment. Cette mesure vite desruptures dapprovisionnement qui occasionnent le faon-nage de ferrailles de substitution. Cette mesure favoriseun lieu de stockage unique dcid par les compagnons proximit du lieu de ralisation plutt quune ventuelledissmination des ferrailles lors du dchargement des dif-frentes livraisons.

    Une commande du bois de coffrage toujours pour vi-ter les ventuelles ruptures de stock, pour ne pas avoir rutiliser des bois qui ont dj servi dautres usages.

    La disponibilit des plans dexcution avant la ralisa-tion des balcons do la prcision des dates de remise desplans au bureau bton.

    Ladoption par lencadrement dune avance dans la ra-lisation des balcons de faon ce que lquipe disposedun stock tampon dune journe plutt quune ralisa-tion en flux tendu qui prsente le dsavantage dune fortesensibilit aux contraintes temporelles. Cette mesurepermet aux deux compagnons qui ralisent les balconsdtre plus disponibles pour participer aux autres tchesde lquipe les jours o celle-ci rencontre des difficults atteindre lobjectif quotidien.

    La pose des rserves pour les becquets demande parles finisseurs.

    Une dcision collective de ne pas utiliser le bois des cof-frages dautres fins afin de ne pas pnaliser les compagnonschargs de la ralisation des balcons. Cet