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Lombalgie commune en médecine générale Travaux sous la direction du Dr Julien Le Breton 94 avenue Charles de Gaulle 92200 Neuilly sur seine 01 47 45 13 55 - [email protected] - www.lecmg.fr

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LombalgiecommuneenmédecinegénéraleTravauxsousladirectionduDrJulienLeBreton

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LombalgiecommuneenmédecinegénéraleGroupedetravailsousladirectionduDrJulienLeBreton,CollègedelaMédecineGénérale

Sommaire

Avant-propos p.03

1. L’épidémiologieenmédecinegénérale p.04

a. Unepathologiefréquenteenmédecinegénérale p.04b. Dessituationscliniquescomplexes,maldéfinies p.06

2. Leraisonnementcliniqueenmédecinegénérale p.08

a. Ladémarchemédicaledepremierrecours p.08b. LeRésultatdeConsultation p.09c. Ladémarchecindynique p.12

3. Lapriseenchargeglobale p.14

a. L’approchecentréepatient p.14b. Lesenjeuxdutravail p.15c. Lesenjeuxduhandicap p.16d. Lestraitementsnonmédicamenteux p.18e. Lestraitementsmédicamenteuxetchirurgicaux p.18

4. Laquestiondesarrêtsdetravaildansleparcoursdesoins p.19

a. Lesdéterminantsdesarrêtsdetravaildumédecingénéraliste p.19b. Lapertinencedumotifet/oudeladuréedesarrêtsdetravail p.21

5. Unparcoursdesoinsprimaires p.24

a. Uneéquipedesoinsprimairesdansunmodèlebiopsychosocial p.24b. Diminuerlecoutetmieuxprendreenchargenospatients:«Choisiravecsoin» p.24c. Luttercontrelescroyanceserronéesdesprofessionnelsdesantéetdespatients p.25

Référencesbibliographiques p.27

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Avant-propos

Unpeupartoutdans lemondesedéveloppentdes recommandationsvisantàaméliorer laqualitédes soins,àréduirelerecoursàdesinterventionsinutiles,inefficacesvoirenuisibles,àoptimiserlesthérapeutiquesavecunmaximumdechancedebénéficeetavecunminimumderisquedenuisance,letoutàuncoûtacceptable.Ellesnereprésentent cependant qu'un seul des éléments contribuant à une bonne décision médicale, laquelle tientégalementcomptedespréférencesetdesvaleursexpriméesparlespatients,desvaleursetexpériencesliéesauxcliniciensainsiquedesmoyensdisponibles.Ilestjustifiéquecetteattitudepuissedifférerd'unpatientàl'autre,qu'ellesoitadaptéeenfonctiondelapersonneàsoigner.

Messageclé

La lombalgiecommunenécessiteunepriseenchargeglobaleparuneéquipedesoinsprimaires,centréesur lepatientafindediminuersessouffrances,préserverourestaurersonautonomieetéviterlaiatrogénie.C’estunepathologiechroniqueévoluantleplussouventparcrisesavecuneexpressionetdesconséquencesmodéréesousévères.Sasévériténedevraitpasjustifierunepriseenchargecouteuseetiatrogène.

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1Epidémiologieenmédecinegénérale

a. Unepathologiefréquenteenmédecinegénérale

La Société Française deMédecine Générale (SFMG) a porté pendant 20 ans un Observatoire de laMédecineGénérale (OMG), maintenant fermé par manque de financement pérenne. De 1993 à 2012, les médecins del’OMG ont recueilli les données de leur pratique en temps réel pendant leurs consultations. Ils utilisaient unthesaurus de diagnostics standardisé : le Dictionnaire des Résultats de consultation® [1]. La base de donnéesrecense plus de 690 000 patients pris en charge lors de 6 millions d'actes, avec 8 millions de Résultats deconsultationet15millionsdelignesdeprescriptionsmédicamenteuses.

Aproposdelalombalgie,lesdonnéesdel’OMGmontrent

Enmoyennechaqueannée,unmédecingénéralistefrançaisvoit92patientspourunelombalgie,quiconsultentenmoyenneunefoisetdemipourceproblème(Tableaun°1).

Tableaun°1:Lombalgiesparpatientetparan

Moyenne Bornesinterquartile(Q25-Médiane-Q75)

Patients 91.9 54-80-116

Actes 163.9 81-141-223

La répartition des patients lombalgiques par tranche d’âge nemontre pas de différence significative entre leshommes et les femmes (Figure n°1). La lombalgie touche principalement les patients de 30 à 70 ans et plusparticulièrementles40-60ans.

Figuren°1:Répartitiondeslombalgiquespartranched'âgeetpargenre

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L’évolution de la prévalence de la lombalgie sur 15 années d’observation (1995 à 2009), montre uneaugmentationrégulièredelombalgiequipassede5.2%à6.9%soituneaugmentationde14%(Figuren°2).

Figuren°2:Evolutionannuelledescasdelombalgiesur15ans

La lombalgie est un trouble fréquent en médecine générale. Elle se situe en 8ème position des Résultats deConsultation, tous patients confondus. Pour les patients de 40 à 50 ans, elle passe en 4ème position, devantl’HTA,pouratteindre11%despatients(Tableaun°2).

Tableaun°2:Classementdes15RésultatsdeConsultationlesplusfréquents,suruneannée

Nbpatients % Nbpatients %1 EXAMENSSYSTEMATIQUESETPREVENTION 16556 24.28 1 EXAMENSSYSTEMATIQUESETPREVENTION 1820 20.242 ETATFEBRILE 11849 17.38 2 ETATFEBRILE 1228 13.663 HTA 8935 13.10 3 ETATMORBIDEAFEBRILE 966 10.744 RHINOPHARYNGITE-RHUME 8418 12.34 4 LOMBALGIE 949 10.555 VACCINATION 8224 12.06 5 HTA 938 10.436 ETATMORBIDEAFEBRILE 7838 11.49 6 RHINOPHARYNGITE-RHUME 859 9.557 HYPERLIPIDÉMIE 5700 8.36 7 REACTIONASITUATIONEPROUVANTE 722 8.038 LOMBALGIE 4689 6.88 8 TABAGISME 673 7.489 ARTHROPATHIE-PERIARTHROPATHIE 4063 5.96 9 VACCINATION 641 7.1310 DOULEURNONCARACTERISTIQUE 3483 5.11 10 DOULEURNONCARACTERISTIQUE 589 6.5511 ANGINE(AMYGDALITE-PHARYNGITE) 3175 4.66 11 ARTHROPATHIE-PERIARTHROPATHIE 575 6.3912 REACTIONASITUATIONEPROUVANTE 3125 4.58 12 HYPERLIPIDÉMIE 542 6.0313 RHINITE 2944 4.32 13 PROCEDUREADMINISTRATIVE 463 5.1514 PLAINTEABDOMINALE 2758 4.04 14 CONTRACEPTION 455 5.0615 CONTRACEPTION 2658 3.90 15 RHINITE 404 4.49

Les15RClesplusfréquentspourtouslespatients Les15RClesplusfréquentspourles40-50ans

Cesquelques chiffres confirmentque la lombalgieestun trouble fréquemment rencontréetprisen chargeenmédecinegénérale.

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b. Dessituationscliniquescomplexes,maldéfinies

La lombalgie constitue un problème de santé publique aux répercussions humaines et socio-économiquesmajeures. La prévention primaire de la lombalgie et la prise en charge des patients souffrant de lombalgiechronique ont montré des résultats décevants, notamment en regard des coûts engagés. Plus récemmentl’intérêt s’est porté vers lapriseen chargeprécocedespatientsprésentantune lombalgie aiguë.Dépassant lestrictmodèlebiomédical,desfacteursderisquepsychosociauxdepassageàlachronicitéontétémisenévidence[2-5].Néanmoins,àcejour,celanes’estpastraduitparunemeilleureefficacitédesinterventionsproposées[6-11]. Les liensentre facteurspsychosociauxet lombalgiechroniquesontprobablementencoremalcompris.Parailleurs,l’applicationuniformed’interventionsàtouslespatientsprésentantunelombalgiesembleinappropriée.

Laclassificationdeslombalgiesenaiguësouchroniques,surlaquellereposentlesstratégiesdepriseencharge,apparaitnonpertinentepourlessoignantsdepremierrecours,etnotammentlesmédecinsgénéralistes(MG),quioccupent pourtant uneplace privilégiée pour la prise en charge précocedes facteurs psychosociaux. L’analysebibliographiqueapprofondienousamontréquelamaladiechroniquesedéfinissaitessentiellementenfonctiondupointdevue:celuidelasciencemédicalenerecouvrepasnécessairementceluidupatientoudel’assureuroudumédecinpraticien.Dans la sciencemédicale, lanotiondemaladie chroniqueétait abordée selon lemodèlebiomédical[12],avecunevisionphysiopathologiquedelamaladie.Pourlepatient,lamaladiechroniqueévoquelanotiondehandicapfonctionneletd’altérationdelaqualitédevie[13].Pourl’assureur,c’était laquestiondegestionducoûtsocialdelamaladiequiprévaut[14].

Les médecins généralistes prennent en charge certaines maladies (chroniques selon la science médicale) demanière aiguë, par épisodede criseouparpoussées, commepour la lombalgie. Elles sont gérées commeunesériedenouveauxépisodesetnoncommeunesériedecaspersistants[15].Plusieursélémentspeuventexpliquerlesdiscordancesentrelavisiondelamaladiechroniqueparlesmédecinsetlasciencemédicale,etlaréalitédelapratiquemédicaleensoinsprimaires.

Larémunérationàl’actedesmédecinstraitantspeutlesinciteràaugmenterlenombredeconsultationsmoyenqu’ils donnent en une heure et à traiter chaque problème de manière ponctuelle. Ce phénomène peut êtreaggravé par l’absence d’utilisation de logiciels médicaux performants permettant une vision diachronique desproblèmesdesantédechaquepatientEnfin,cemodederémunérationnefavorisepaslesconsultationsdepriseenchargechroniqueprolongées[16].

Il peut s'agir d'une mauvaise reconnaissance de certaines pathologies ou symptômes chroniques par lesmédecins. La lombalgie chronique en soins primaire concerne des symptômes récurrents sans diagnostic decertitude. La mauvaise connaissance de ces symptômes chroniques entraine une prise en charge souventinadaptée, comme la prescription redondante d’actes médicaux et paramédicaux, mais inefficaces carn’appréhendant le phénomène dans sa globalité temporelle et générant une insatisfaction du praticien, dupatient,etuneaugmentationdesdépensesdesanté.

Une autre hypothèse peut être lemanque d’enseignement de la gestion des pathologies chroniques lors desformations initialesdesmédecinsouen formationcontinue. La formationdesmédecinsest traditionnellementbasée sur le modèle de soins des maladies aiguës : les soins sont centrés sur la maladie, ou l’organe, et letraitement est sous surveillance étroite par lemédecin et les soignants [17]. Jusqu’à récemment, lamédecineprenaitavanttoutenchargelamaladieaiguë,leplussouventinfectieuse:unecrisequipeutêtreguériechezunpatientplutôtpassif.

Il est également possible que lemalade ne consulte que ponctuellement (à sa demande), quand il amal. Cespatientsquineconsultentqueparépisodes«aigus»,nepeuventbénéficierd’unsuiviaulongcours,depriseenchargeplusprécoce,etilestplusdifficilepourlemédecind’instaurerunealliancethérapeutiqueaveclemaladeet de développer un plan de soins personnalisé, avec un programme d’éducation thérapeutique pour unemeilleurepriseencharge[18].

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Dans l’Enquête de santé et protection sociale de 2012 [19], conduite en population générale par l’institut derechercheetdocumentationenéconomiedelasanté(IDRES),23000individusontétéinterrogéssurleurétatdesanté, leur recours ou renoncement aux soins. Au sein de la liste proposée par les auteurs des principalesmaladies chroniques déclarées, caracole en tête la lombalgie (19,2%), bien devant l’Hypertension artérielle(13,1%)ou leDiabète (8.5%). Ces résultats ont superposables à ceuxd’uneenquêtede santébelgemenéeenpopulation[20].Lalombalgieestunepathologiequialtèrelaqualitédeviedumalade,etpourlaquelleonauraunedemandedepriseencharge.Maisdanslaréalitédelapratique,cettepathologieesttraitéeetgéréecommeun problème aigu par le médecin traitant, qui ne perçoit pas toujours la demande dumalade avec la mêmesensibilitéquelui.Lamaladiedumédecin(disease)etmaladiedumalade(illness)diffèrent:lamaladiedupatientcorrespondàunétatdemal-êtrequinecorrespondpassystématiquementàundiagnosticdemaladieselon lemédecin[21].

Malgré une littérature abondante sur la lombalgie, les caractéristiques du recours au MG par les patientslombalgiquesaucoursdutempsnesontpasdécrites.Quelssont lesdifférentsprofilsdepatients lombalgiquesconsultant le MG ? Comment le recours au MG par ces patients évolue-t-il au cours du temps ? Lescaractéristiquesdu recoursauMGpeuvent-ellesconstituerun indicateurpertinentpour lapriseenchargedespatientslombalgiques?

Unprojetreposantsur l’exploitationd’unevastebasededonnées,baséesur l’activitécontinued’unréseaudeMGdepuis20ans(OMG),permettraitde:

1) DéterminerlafréquencedurecoursauMGparlespatientslombalgiques:pourlalombalgieelle-même;pourdesproblèmesdesantéd'ordrepsychosocial;pourdesplaintesmédicalementinexpliquées

2) RéaliserunetypologiedespatientsprisenchargeparleMGpourlombalgie

3) Décrirel'évolutionàlong-termedurecoursauMGparlespatientslombalgiques

4) ModéliserlerisquederecoursrépétéauMGparlespatientslombalgiques

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2Leraisonnementcliniqueensoinsprimaires

a. Ladémarchemédicaledepremierrecours

LeCarrédeWhite

Lesdonnéesépidémiologiquesissuesdesconsultationsnerendentpascomptedelalombalgiedanslapopulationgénérale, ce que nous appelons la « maladie sans médecin ». En effet, un certain nombre de personnesressentent des troubles de santé sans nécessairement faire appel aumédecin. C’est en effet le cas pour les «mauxdedos».

LeCarrédeWhite (Figuren°3) illustre lemodèle"d'écologiedes soinsdesanté"etaideàcomprendreque lesdémarchesdiagnostiquesdumédecingénéralisteetdupraticienhospitaliersontdifférentes[22].Ladémarchedupraticien hospitalier, grâce à lamobilisation de compétences techniques, va consister à identifier la cause dutroubleprésentéparlepatient.Celledumédecingénéraliste,quiestenamontdansleCarrédeWhite,s'organiseprioritairement en fonction des fréquences de maladies et des risques à éviter. Ainsi le praticien hospitaliertravaille légitimement sur un mode de recherche systématique d’étiologie, quand le médecin généralistefonctionne,toutaussilégitimement,surunmodeprobabiliste.

Figuren°3:LecarrédeWhiterevuparGreen

Unstadeprécoce

Parcequelemédecingénéralisteestsouventlapremièrepersonnedusystèmedesoinsàentrerencontactavecle patient, il est contraint d’agir «à un stade précoce et non différencié des maladies, qui pourraientéventuellement requérir une intervention rapide» [1]. Or, en soins primaires, l’incidence et la prévalence desmaladiesconfirméessontfaibleset lessymptômesn’ysontpastoujourssynonymesdemaladies[23].Mêmesilessignescliniquesd’unemaladiespécifiquesontgénéralementbienconnus,lessignesinitiauxsontsouventnon-spécifiquesetcommunsàdenombreusesmaladies.Braunexpliquequ’eneffet,lemédecingénéralisten’aboutitque rarement àundiagnostic et doit donc agir en«situationnonélucidée» [1]. Cettenotion impliqueque lemédecindevraprendresesdécisionsencontexted’incertitudedediagnostic.

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Descontraintesd’exercice

Lemédecingénéralisteestconfrontéauquotidiendanssonexerciceàplusieurscontraintes.D'unepart,ilestfaceà des troubles de santé au stade précoce de leur évolution qui présente rarement le tableau complet d'unemaladie, et d'autre part il a des moyens diagnostiques limités, sans plateau technique. Enfin, il est amené àprendredesdécisionsdansuntempscourt(18minutesenmoyenne).Pourcesraisons,ilsetrouvebiensouvent,à l'issue de la consultation, dans l'incapacité d'avoir une certitude sur l’étiologie de la situation et/ou sonévolutionversunemaladie.Lepraticienfaceàcetteincertitudediagnostique,s'exposealorsàdeuxécueils.Celuideréduirelediagnosticauseulmotifdeconsultationetceluideposerundiagnosticsanspreuve.Pourévitercesdeuxécueilsetafindeprendredesdécisionsadaptées, lemédecindoitadopteruneméthode,reproductibleetrassurante[24].

Le sablier de la démarchemédicale schématise l'organisation de la pensée dumédecin généraliste lors de laconsultation.Comme lemarinnepeut tracer son cap sansprendre le tempsde faire lepoint, lemédecindoitdénommer précisément le tableau clinique pour éliminer des risques d'étiologies graves correspondant à lasituationetpouvoirprendredesdécisionsquirépondentauproblèmeàprendreencharge[25].

Figuren°4:Lesablierdeladémarchemédicale-SFMG©

Danslapartiehautedusablier,celuidurecueildesinformations,ilestimportantdesoulignerlaplaceprimordialedel’entretien.Ilestparticulièrementfructueux,puisquel’hypothèseémiseàsonissueestconfirméedansplusde75%descas[26].

b. LeRésultatdeConsultation

Dans 70% des cas le médecin de premier recours est face à des symptômes et des syndromes, en situationd'incertitude diagnostique. Comment faire pour relever et inscrire dans notre dossier médical précisément,quotidiennementetdemanièrereproductiblelessituationscliniquesquenousrencontrons?

LeDictionnairedesRésultatsdeConsultation®,estunoutilderecueiladaptéauxsoinsdepremierrecours,quipermet de nommer avec rigueur ces situations cliniques. Il regroupe les cas, de fréquence régulière, qu'un

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médecingénéralisterencontreenmoyenneaumoinsunefoisparan.IlssontnommésRésultatsdeConsultation.Lepraticienformaliseàl’aideduDictionnairesoncheminementcliniqueen3étapes:

a. IlchoisitleRésultatdeconsultationcorrespondantlemieuxàlasituationcliniquequiseprésenteàlui.

b. IlvérifiesiunautreRCnecorrespondraitpasmieuxaucasclinique.c. Iltientcomptedesmaladiesgravesquipourraientcorrespondreautableaucliniquedécrit.

LeDictionnairecontient279RésultatsdeConsultation,classésparordrealphabétique.L’ensembledesRésultatsdeConsultation (RC) représenteplusde97%dessituationscliniquesprisesenchargeenmédecinedepremierrecours. Intégrédansun logiciel, leDRCestmisà jourannuellement,aprèsvalidationparunComitédeMiseàjour.Ilestimplémentédanscertainslogicielsmédicauxcommercialisés,maisestaussidisponiblesurlesitedelaSFMGsousformed’unmoduletéléchargeableoud’unlienweb.

ChaqueRCcomporte:

- Untitre- Unedéfinitionavecdescritèresd’inclusionetdescomplémentssémiologiques- UnelistedeVoirAussi- UnelistedeDiagnosticsCritiques- UnecorrespondanceaveclaCIM-10- UnecorrespondanceaveclaCISP-2- Unargumentaire

DanslecasdelaLOMBALGIE,ladéfinitionestlasuivante

++++DOULEURDURACHISLOMBAIRE++1|spontanée++1|lorsdesmouvementsactifs++1|àlapalpation++1|pressionaxialed'épineuse++1|pressionlatéraled'épineuse++1|pressionlatéralecontrariée++1|pressiondesligamentsinterépineux++1|pressionfrictiondesmassifsarticulairespostérieurs++++ABSENCEDENÉVRALGIE+-hyperalgique+-effortdéclenchant+-débutbrutal+-traumatismeancien+-positionantalgique+-rythmemécanique+-rythmeinflammatoire+-contracturemusclesparavertébraux+-irradiation+-syndromepériosto-cellulo-téno-myalgique

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Cettedéfinitioncomportedescritèresobligatoirespourpouvoirêtrerelevéeetcorrespondreaucascliniquedupatient.Cescritèresobligatoiressontmatérialisésparles++++:unedouleurdurachislombairesansnévralgie.

Cette douleur peut-être spontanée, aux mouvements, à la palpation (un ou plusieurs de ces critères sontpossibles).Lescomplémentssémiologiques+-serventàcompléter,décrireplusprécisémentcettedouleur.

L'argumentaireduRCLOMBALGIE

L’argumentaire, dont la lecture est accessible lors de la recherche d’une définition, sert à expliciter le champd’actionduRCpours‘assurerquenoussommesentraindereleverleRCquicorrespondlemieuxàlasituationclinique.

DénominationDésignelesdouleursdurachislombairepouvantêtreidentifiéescommetellesautermedel'examen.

Critèresd'inclusionIl doit exister une douleur du rachis lombaire soit spontanée soit à lamobilisation active ou passive, soit à lapalpationselonaumoinsunedestechniquesindiquées.

Il ne doit pas y avoir de névralgie antérieure, essentiellement névralgie sciatique ou crurale, par opposition àl'atteintedelabranchepostérieuredunerfrachidienresponsabledusyndromecellule-périoste-myalgique.

ComplémentssémiologiquesIls permettent de noter les informations recueillies lors de l'examen et notamment le type de la douleurmécaniqueouinflammatoire,lesirradiations,oul'associationdedouleursmusculairesassociéesàlalombalgie.

CorrespondanceCIM10M54.5:lombalgiebasse–douleurlombaire–lumbagoSAI

CorrespondanceCISPL03:Symptômeetplaintedeslombes

Avantdeconfirmercechoix,ilfauts'assurerdenepass'êtretrompédeRC.

Chaque Résultat de Consultation est associé à une liste de RC voisins ou concurrents, les plus prochessémiologiquement.CesRCvoisinssontappelés«Voiraussi».Lemédecin,pendantlaconsultationregardecettelisteavantdeconfirmersonchoixetdereleverlebonRCdanssondossier.LechoixduRCs'ilselimitaitàceluidescritèresd'inclusion,siprécissoient-ils,n'auraitaucunevaleur.CeRCn'estpertinentqu'aprèsvérificationdesalistedeVoiraussi.C'estbienparcequ’onaexclu,leplussouventcliniquement,lesautresRCdelalistedesVoiraussi,quel’onpeutconfirmerquec’estbienceRCquicorrespondlemieuxàlasituationcliniqueprésentée.

DOULEURNONCARACTÉRISTIQUE:sil'originerachidiennedeladouleurnepeutpasêtreaffirmée.

MYALGIE:lorsqueladouleurpeutêtreattribuéeuniquementàunmuscledelarégionlombaire,endehorsd'untraumatismerécent.

NÉVRITENÉVRALGIE : l'existencedenévralgiemême s'il existedesdouleurs lombairesdoit faire classer le casdansceRC.

SCIATIQUE:serarelevéencasd'uneassociationavecunesciatique.

Cetteméthodedetravailpermetdebiendifférencier la lombalgieditecommunede lalombosciatiqueoude lacruralgie.

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c. Ladémarchecindynique

Lemédecindepremier recoursest tenudegarderà l'esprit l'éventualité, souvent faiblemaisnonnulle,d'unemaladie grave. Le danger est que le praticien n'évoque pas, devant le RC choisi, des maladies dont lesconséquencespeuventaltérerl'étatdupatient.Ladifficultépourlepraticienestdetenircomptedeséventuelsdangers sous tenduspar leRC, toutenne se lançantpasdansunedémarched'investigation systématiquequiserait anxiogène, coûteuse, voire iatrogène, avec une forte probabilité de résultats négatifs. Evaluer le risqueconsisteàtenircompte,pourchaquedanger,desagravité,desonurgence,desacurabilité,etdelavulnérabilitédu patient, d'où l'appellation «Diagnostic Critique». En pratique, afin d'aider le médecin, le Dictionnaire desRésultatsdeConsultation®affichepourchaqueRC la listedemaladiesgravesàévoquer,classéesparordredefréquence,pondéréesdeleurcriticité.

LesDiagnosticsCritiquesdeLOMBALGIE

• Psychogène• Herniediscale• Arthrose• Tassementostéoporotique• Rhumatismeinflammatoirechronique• Cancer• Sténoseducanalmédullaire• MaladiedeScheuerman• Chondrocalcinose• Spondylolisthésis• Tumeurbénigne• Spondylodisciteinfectieuse• MaladiedePaget

LesDiagnosticsCritiques sont classésdans la liste ci-dessusparordredeprévalencedécroissanteenmédecinegénérale : dudiagnostic leplus fréquentauplus rare.Onvoitbienque la criticité attribuableà chacunde cesdiagnosticsnetientpascomptedecettefréquence:l’originepsychogènedelalombalgieestfréquentemaisnoncritique,alorsquelaspondylodisciteinfectieuseestcritique(grave,urgente,curable),maisrare.

DansleprolongementduchoixduRC,del'éliminationdupremierrisqueparles«Voiraussi»et l'évocationdudeuxièmerisqueparlesDiagnosticsCritiques,laSociétéFrançaisedeMédecineGénéraletravailleàlarédactiondeconduitesàteniradaptéesauxsituationslesplusfréquentesenmédecinedepremierrecours.Nousn'avonspas retenu le terme de conduite à tenir. Il a certes l'avantage d’être connu de la communauté médicale. Enrevanche, cetteexpressionest connotée surunversantbiomédical, organique, faisantpeudeplaceà la visionplus globale de la médecine générale. Par ailleurs, elle sous-tend une notion de règles incontournables, plusgênante au regard de la diversité des facteurs intervenant dans la prise en charge d’une situation de premierrecours.Lacindyniquedugreckíndunos,danger,estunmot récentquidatede1987. Il s’agitd’unethéorieetd'uneméthodologie visant à rendre intelligible, par une approche globale, les risques endogènes et exogènesd’unsystème.Cettenotioncorrespondbienànotreproblématique.

Enpratique,àchaqueRCcorrespondraunedémarchecindynique,démarched’aideàlagestiondurisqueliéàlasituationcliniqueprésentéeparlepatient.

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LadémarchecindyniquedeLOMBALGIE

C'est le 8èmeRésultat de consultation le plus fréquemment rencontré enmédecine générale. Lors de chaquerelevéduRCLOMBALGIE,lepraticiendevraévaluerlacomposantepsychogène.

Un rythme inflammatoire doit faire évoquer une spondylodiscite infectieuse ou un rhumatisme inflammatoirechronique.Danscesdeuxsituations,ilestnécessairederechercherunsyndromeinflammatoirebiologiqueetderéaliser une imagerie du rachis d'emblée. Un effort déclenchant peut faire évoquer une hernie discale sansurgencediagnostique.

Quatre-vingt-dixpourcentdeslombalgiesontuneguérisonenmoinsd’unesemainesousantalgiquesdepalierI,2 semainesen l'absencede traitement.Une lombalgieévoluantdepuisplusde6 semainesou récidivantedoitdonc interpeller le praticien.Une évolution cyclique alternant périodes algiques et non algiques évoquera unepathologie inflammatoire, une chondrocalcinoseouunepathologie dégénérative type arthrose, oumaladie dePagetselonl'âgedupatient.Uneévolutionprogressivementcroissanteévoqueraunepathologieinfectieuse.

Chezunpatientayantunantécédentdecancer,unelocalisationsecondairedevrafaireréaliserunescintigraphieosseuse.Chezunepersonneâgée,ostéoporotiqueouayantreçuunecorticothérapieau longcourt, lepraticiendevra suspecterun tassementvertébral.Chezunpatient jeune,ou immunodéprimé,ouusantdedrogue IV, lepraticiendevras'assurerde l'absenced'une fièvreoud'un rythme inflammatoirede ladouleurconstituantdesarguments pour une suspicion de spondylodiscite. Une lombalgie apparaissant chez un enfant en période decroissance devra faire évoquer la maladie de Scheuermann. Le médecin recherchera alors la présence d'unecyphose dorsale et d'une hyperlordose lombaire douloureuses. Dans un contexte de traumatisme ancien oud'existencedepathologiedégénérativeouchezunpatientsportif,ilfaudrarechercherunspondylolisthésis.

AssociéàuneASTHENIE-FATIGUEet/ouunAMAIGRISSEMENTleRCLOMBALGIEdoitfairepenseràuneétiologiedecancer.

Lalombalgieneconnaitaucunecomplicationorganiquemaislaprésenced'unedouleurchroniqueourécidivantepeutconduireàunretentissementsurl'humeur,voireàuneréelledépression.Enfin,saprincipalecomplicationestd'ordresocioéconomiqueenraisondesesconséquencessurl'activitéprofessionnelle.Ils'agitdelapremièrecaused’invaliditéautravailchezlesmoinsde45ans.

Laprescriptiond'examenscomplémentairesdevantleRCLOMBALGIEn'estpasnécessaireenpremièreintention.Le praticien aura pour fonction de proposer un traitement antalgique de palier I type ParacétamoléventuellementassociéàdesAINS.Unarrêtdetravailpeutêtrenécessaireenfonctionducontexte.Il insisterasurun impératif : reprendre auplus vite et progressivement les activitésduquotidien. La guérisonmusculairepassantparlamobilisationetnonparlerepos.Lakinésithérapien'estpasunethérapeutiquede1èreintention.Elleapourprincipalefonctiondeprévenirlesrécidives.Toutemanipulationenpériodeaiguëétantaucontraireunfacteurd'aggravation.

Denombreuxélémentsdeladémarchediagnostiquecliniquereposentsurdesavisd'experts.Enparticulier,lorsde lombalgie commune chronique, il n’existe pas suffisammentdedonnéesprobantes pour recommanderdesexamens complémentaires spécifiques (imagerie, biologie, électromyographie, techniques interventionnelles etévaluation de la condition physique). Ce manque de données probantes relatives à la validité des testsdiagnostiquess’expliqueenpartieparl’absencede«goldstandard»pourlediagnosticdelombalgiechronique.

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3Lapriseenchargeglobale

a. L’approchecentréepatient

L’approchecentréesurlepatient[27]estunedémarchedécisionnelle,trèssouventutiliséeensoinsprimaires,àl’insu même parfois des médecins qui l’utilisent. Il s'agit d'un modèle dont l’origine est issue des travaux deMichaëlBalint[28].Bienqu’ancréedansuneperspectivehumaniste,intégrantlesmêmesvaleurs,ilnes’agitpasàstrictementparlerde«l’approchecentréesurlapersonne»tellequ’elleaétépréconiséeparCarlRogers[29]qui avait pour but principal le soutien de la personne malade en favorisant un climat favorable à la relationpsychothérapeutique.ProchedumodèlebiopsychosocialdéfenduparEngels[30],l’apportprincipaldel’approchecentrée sur le patient est de mettre l’accent sur les aspects personnels, subjectifs, autant que sur lesdéterminantspsychosociauxquiprésidentà ladécision, etdeproposerdesmodalitéspouraider lemédecinàadopter une démarche réellement centrée sur le patient. Il s’agit d’inciter les soignants à utiliser unmode defonctionnement permettant une décision et une action qui tiendrait compte de la maladie mais aussi de lapersonnemalade. L’objectif est d’offrir en toutes circonstances des soins de qualité en élargissant le modèledécisionnelclassique(biomédical)pourprendreencomptelaperspectiveetlespossibilitésdupatientdanssonenvironnement tout au long de la démarche décisionnelle. C’est Stewart et al qui ont défini les préceptes del’approchecentréesurlepatient[31]:

1. Explorerlamaladie,maisaussil’expériencedelamaladievécueparlepatient2. Comprendrelapersonnedanssaglobalitésubjective,personnelle,psychosociale3. S’entendreaveclepatientsurleproblème,lessolutionsetlepartagedesresponsabilités4. Établiretmaintenirlarelationmédecinpatient

Pourcesauteurs,lemédecindoitêtreenmesurederépondreauxcinqquestionssuivantes:

1. Quiestlepatient?Sesintérêts,sontravail,sesrelationsetc.2. Quelles sont ses attentes à l’égard de la médecine en général ? À l’égard du médecin en

particulier?3. Quelleestl’influencedelamaladiedanssavie?4. Quelleestsacompréhension(représentation)desamaladie?5. Commentlepatientvit-ilsamaladie?

End’autrestermes,ilssuggèrentaumédecind’avoirlacuriositélorsdeladémarchedécisionnelle,dedemanderaupatientdeparlerde lui-mêmemaisaussid’avoir lapatienced’attendreetd’écoutercequ’ilaàdireetd’entenirréellementcompte.

Ilnes’agitnullementdeselimiteràadoptercetteapprochepourcertainesactivitésbienparticulièrescommeparexemple pour « l’éducation du patient » ou pour certains types de soins, mais bien d’inciter les médecins àmodifier radicalement leurs modes de fonctionnement en laissant définitivement tomber le strict modèle dedécisionetdecommunicationbiomédical,centréuniquementsurlamaladie,pouradopterenpermanenceuneposturedifférentequiintègredansladémarchedécisionnellelemaladeautantquelamaladie.

Apartird’uneconceptionélargiedelamaladie,cemodèleproposeunmoded’entretienstructuréaveclemaladetrèsdifférentduclassique«interrogatoiremédical»puisqu’ildemandeaumédecindefairepreuved’empathie,dequestionnerdefaçonouverteetdeprendreencompteréellementlevécudelamaladie,lesperspectivesetles possibilités du malade dans son environnement. Le mode de communication qui en résulte modifieprofondément la relationmédecinmalade. Ce type d’approche est actuellement valorisé et enseigné dans lesdépartementsdemédecinegénéraledeplusieurspaysdans lemonde,enparticulierauCanada,quienontfaitunedesspécificitésdeladémarchedécisionnelleensoinsprimaires.

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EnFrance,c’estl’approchequiaétéplébiscitéeauniveaunationalparlesenseignantsdemédecinegénérale.Ellesemble être actuellement la seule capable de prendre réellement en compte à la fois la globalité (visionholistique) et la complexité des situations (vision systémique) auxquelles lemédecin généraliste est confrontéquotidiennement. Ilnoussemblequecetteposture facilite le travaild’éducationdupatient,alorsquecellequiconsisterait à changer de mode fonctionnement comme de casquette selon que le médecin serait dans unedémarchedécisionnelledesoinsclassique(modèlebiomédical)oudansunedémarcheéducative(modèlecentrésur lepatient)neparaitni réalistenimêmesouhaitable.Mêmes’il n’estpas toujours conscientisé, ce typedefonctionnementestsouventdefaitimposéaumédecingénéralistedufaitdesaproximitéaveclepatient.

b. Lesenjeuxdutravail

Le travail, sa nature et ses conditions d'exercices, sont des déterminants clé de la santé dont les effets sontsouventméconnus ou sous-estimés. Il peut être à la fois un facteur de risque et un facteur de protection, enfonctiondescontextesindividuelsoucollectifs.Dansl'entretienmédicalhabituel,desquestionssimplessuffisentpourintégrerlesrisqueséventuelsliésautravailactueloupassé(Queltypedetravailfaites-vous?Pensez-vousquevosproblèmesdesantépourraientêtreliésàvotretravail?Etes-vousexposéàdesgestesrépétitifs,bruits,produitsàrisques,etc.?Constatez-vousdeschangementspendantvosvacances?Descollèguesdetravailont-ilsdessymptômescomparablesauxvôtres?).Cesinformationsessentiellesdoiventêtrerecherchéesetenregistréesdans les dossiers médicaux au même titre que d'autres facteurs de santé (IMC, niveau tensionnel, activitéphysique,donnéesdebiologie,etc..)etellesparticipentàlanotemédicaledesynthèsedupatient.L'analysedesdossiers médicaux témoignent du recueil limité du métier et des catégories socioprofessionnelles (CSP) desconsultants. La mise en relation entre les problèmes de santé et les activités professionnelles est rarementretrouvéedanslesdossiersmédicaux.

L'arrêtdetravailetl'accidentdetravailsontuneopportunitésimpleetfréquentepourrechercher,compléteretactualiser lacomposante"travail"desconsultants.L'importance, latraçabilitéet l'impactdurabledescertificatsmédicauxétablispourletravailsontindissociablesdecequiaétévolontairementouinvolontairementécritet/ouomis.Lerôlesoignantdumédecingénéralistetraitantcomporteunefonctiond'informateur,detraducteuroudemédiateurentreles instancesmédicales,professionnellesetadministratives.Lemédecindutravail,notammenten charge de vérifier l'aptitude d'une personne à son poste ou à la reprise de son travail, est une personneressource insuffisammentutiliséepouraider lepatient-travailleurcommesonmédecin.Lesréponsesmédicaleset/ou administratives relatives aux questions spécifiques du travail, des maladies professionnelles et desmodalitésdecommunicationentreacteurssontdisponiblessurdessitesInternetadhoc.Laméconnaissanceetlesreprésentationsnégativesréciproquesentremédecinsdutravailetmédecinsgénéralistessontd'autantpluspersistantesqueleurséchangesactuelsrestentlimités.Lesecretprofessionnelliantlemédecintraitantvisàvisdumédecindutravailestunfacteurlimitantmaisiln'empêchepasleséchangesnécessaires.

Les situations extrêmes fortement médiatisées de la souffrance au travail sont l'arbre qui cache la forêt. Lesimpactsnégatifssomatiques,psychiquesetsociauxdutravailrestentsous-estiméspourleplusgrandnombredespersonnesalorsquedeschangementsoudesadaptationsdutravailfontpartiedestraitements.Unretraitéestun ancien travailleur et la reconstitution de la biographie professionnelle parfois précaire ou chaotique est unélémentimportantpouvantrévélerdesrisquespassésoupersistantsignorés.Lesuivimédicalpostprofessionneldoit intégrercesfacteursderisquesspécifiques.Lesenquêtessuccessivessur lasantéautravailtémoignentdel'ampleur et de la diversité des risques anciens et nouveaux pour l'ensemble des métiers et des catégoriessocioprofessionnelles, et du fait qu'aucune profession n'est épargnée. Les évolutions de la place et des rôlessociauxattribuésdutravailetauxtravailleursdanslessociétésmodernesconduisentàs'interrogersurlesens,leshiérarchiesetconflitdevaleursmisentenjeuselonlesentreprisesetlespersonnesquiytravaillent.Sil'activitéprofessionnelleestunco-facteurdesanté,le"nontravail"subienestunautre.Lechômageponctueloudurable,

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laretraiteprématuréeinvolontaire,laprécaritéprofessionnelleontaussideseffetsdémontrésdanslechampdelasantécommedessoins.

Dans la lombalgie, lesmédecins du travail et lesmédecins conseil jouent un rôle crucial afin deminimiser lesconséquencesdumaldedostantpourlepatientquedupointdevuesociétal.Lepremierrôledecesmédecinsdoitêtreunrôled'informationdestravailleurs:lemaldedosestuneaffectionfréquente,certainesfonctionsetpositionsprésententplusderisques,lemaldedosaiguserésoutfréquemmentdemanièrespontanée(90%dansles six semaines), il est importantde resteractifmalgré ladouleur. Si les contraintesphysiques liéesau travailjouentunrôlesur leplanétiologique,des facteurspsychosociaux(telsque lestress, l'anxiétéou lemanquedesatisfactionautravail)influencentlagravitédel’évolutionetlaprobabilitéd’unpassageàlachronicité.Danscedomaine,lesdonnéesscientifiquesrestentmoinstranchées.Unsecondrôledecesmédecinsestlapromotiondestratégiesdepréventionpouréviterlepassageàlachronicité.Lalittératureoffredesdonnéesprobantespourlesécoles du dos (sur le lieu du travail et incluant une composante d’exercices) et pour les interventionsmultidimensionnellesoumultidisciplinaires.

c. Lesenjeuxduhandicap

Lamultiplicitéet l’enracinementd’obstacles individuelsetenvironnementauxcréentunesituationdehandicap,danslaquellel’individunepeutplusretourneràseshabitudesdevie.Laplupartdesobstaclespouvantlimiterlareprisedesactivitéshabituelles,ycomprisletravail,lorsdelalombalgiepersistanteontétéidentifiés[32].

Obstaclesindividuels• Douleurpersistante• Perceptionduniveaud’incapacité• Peursetcroyances

- Projectiondupatientfaceauretourauxactivités- Perceptionnégativedel’impactdel’activitésurlacondition- Perceptiondupatientd’uneatteintegrave- Perceptionerronéedupatientsursonpronostic

• Perceptiondupatientqu’ilreçoitlesmauvaistraitements• Perceptiond’investigationmédicaleinachevée• Catastrophisme/sinistrose• Dépression• Présencedediagnosticsmultiples• Perceptiond’étatdesantégénéraldégradé• Autresévénementsstressantsparallèles• Pauvresoutiensocial• Conflitsavecl’assureur

Obstaclesliésautravail• Perceptiondupatientquesescapacitésnecorrespondentpasauxexigencesdutravail• Exigencesélevéesdetravail• Travailperçucommeétantmonotone• Longuepérioded’absencedetravail• Absencedepossibilitédetravailmodifié

Le clinicien doit systématiquement identifier ces obstacles afin de bien en saisir l’impact sur la situation dehandicapdupatient,etd’entenircomptedansleplandetraitement.

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Larevuedelalittératuremetenévidencelerôledel’exercicecommefacteurclépourlaguérison.Uneapprochemultidisciplinaire combinantunprogrammed'exercicesetunepriseen chargepsychologiqueet/ou socialeestparticulièrementbénéfique.

Iln'existepassuffisammentdepreuvespourrecommanderuntraitementdekinésithérapiedanslaphaseaiguëdelalombalgie.Lesagentsphysiquestelsqueglace,chaleur,ondescourtesdiathermiques,massages,ultrasons,de même que le T.E.N.S., sont communément utilisés comme soulagement symptomatique. Ces méthodespassives n'apparaissent pas avoir un quelconque effet sur le devenir clinique. Des études récentes semblentindiquer que le fait de rassurer et conseiller le patient, en association avec une reprise précoce des activitéshabituellespeuventêtreplusefficacesquelaphysiothérapie.Parcontre,ilexistesuffisammentdepreuvespourconseillerlaprescriptiondekinésithérapiedanslalombalgiechronique.Lerôledelakinésithérapieapparaîtdoncdans lapriseen chargedes lombalgiespersistanteset résidedans l'établissementd'unprogrammed'exercicessupervisésparlemédecin.

- Le massage et le réchauffement local éventuel par des techniques de physiothérapie, agréablementperçus, et vécus comme bénéfiques par le patient, pourraient être le premier temps d'une séance dekinésithérapiefacilitantlarelationentrelethérapeuteetsonpatient.Toutefois,ilnepeuts'agirqued'unadjuvantdecourtedurée.

- Larééducationproprioceptiveainsiquel'améliorationdelamobilitélombo-pelvienneavec,entreautres,l'apprentissagedelabasculedubassin

- L'apprentissageduverrouillagelombaireenpositionintermédiaire

- L'améliorationdesperformancesmusculaires:• desextenseursdurachisentravaillantl'auto-grandissementetlesexercicesdeposture• desabdominauxpourleurrôledansleverrouillagelombaireetlecaissonabdominal• desquadricepspuisqu'ilfautpréférerlaflexiondeshanchesetdesgenouxàlaflexionantérieuredu

tronc

- L'assouplissement de l'étage sous-pelvien, notamment l’étirement des muscles ischiojambiers, trèssouventrétractéschezleslombalgiques,etdesdroitsantérieurs

- Lereconditionnementàl'effort

Lesécolesdudosontuneefficacité lorsqu'elles sontorganiséesdans le cadredumilieude travail. Par contre,l'efficacitéendehorsducadreprofessionneln'apasencoreétédémontrée.Adresserunpatientdansuneécoledu dos organisée fait partie des conseils généraux que l'on peut donner pour l'aider à mieux comprendre sapathologie,àapprendrelesprincipesd'économierachidiennedanslesgestesdelaviequotidienneetàdevenirunpartenaire actif dans le traitement de son affection. Elle est toujours plus efficace lorsqu'elle est organiséedanslecadreprofessionnel.

La majorité des médecins généralistes constatent que peu de patients réalisent les exercices proposés. Cesexercices sont difficiles à obtenir du patient car, comme pour les autres conseils hygiéno-diététiques, on nechangepasfacilementdeshabitudesetd’hygiènedevie.Deplus,ilestutopiquedecroirequ’ilslesferontseuls.Lesmédecinsgénéralistesestimentquelekinésithérapeuteestlepartenaireadéquatdanslapriseenchargederevalidation d’un lombalgique. Toutefois, il est nécessaire que le kinésithérapeute soit intéressé et compétentdanscedomaine.

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d. Lestraitementsnonmédicamenteux

Lecliniciendevraitpromouvoiretguiderlapoursuiteoulareprisegraduelledesactivitéshabituellesdupatient.

Lors de l’examen clinique, une information rassurante donnée au patient est un élément fondamental de lathérapeutique, supporté par des données probantes de qualité. Pour la prise en charge thérapeutique de lalombalgie chronique, plusieurs traitements conservateurs non invasifs sont à privilégier : les programmesd’exercices, les interventions de type comportemental (sans définition précise possible de leur contenu), lesinterventionsbrèvescomprenantuneéducationdupatientet les interventionsmultidisciplinairesrépondantaumodèle biopsychosocial. Une approche multidisciplinaire comprenant plusieurs interventions (tellesqu’éducation,programmesd'exercices,approchecomportementale,relaxationetvisitesurlelieudutravail)estplusefficacequ'uneinterventionisoléeouunepriseenchargeclassique.Al’opposé,desdonnéesprobantesdequalité existent en défaveur de l’utilisation des tractions et de l’«EMG biofeedback» pour le traitement de lalombalgiechronique.

e. Lestraitementsmédicamenteuxetchirurgicaux

Ilexistepeud’étudescliniquesdequalitépermettantderecommanderl’efficacitédetraitementsmédicamenteux(sauf pour le tramadol et la codéine). Les études manquent en particulier pour le paracetamol et les anti-inflammatoires. Les conclusions sont identiques pour les traitements invasifs non chirurgicaux (techniquesd’injections) et pour la chirurgie : peu d’étudesmontrent leur valeur ajoutée et aucune publication n’analysespécifiquement les effets secondaires. Or ces techniques sont fréquemment utilisées, génèrent des coûtsimportants et peuvent s’accompagner de complications graves et d’invalidité. Demanière plus spécifique, desdonnéesprobantesexistentendéfaveurdel’arthrodèse,alorsquedenombreusesinterventionsdecetypeontétépratiquées.

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4Laquestiondesarrêtsdetravaildansleparcoursdesoins

En matière de prescription d’arrêt de travail, le médecin généraliste est le premier prescripteur en volumed’indemnités journalières avec 75% des arrêts prescrits [33] et une prescription d’arrêt lors de près d’uneconsultationsur8[34].En2004,l’AssuranceMaladieimposequetouteprescriptiondeprolongationd’arrêtsoitréaliséeparlemédecinprescripteurinitialouparlemédecintraitant[35].Puis,en2010,ellepeutsuspendreleversement des indemnités journalières sur la base d’un contrôle effectué par un médecin mandaté parl’employeur [36], créant un climat de suspicion sur le bien-fondé des prescriptions d’arrêt, confrontant lespraticiensentreeux.

Toutefois, faudrait-il pouvoir définir ce qui est « justifiable » en termes d’incapacité au travail quand ni lesmédecinsprescripteursnilesmédecinscontrôleursnedisposentderéférentieldeprescriptiond’arrêtdetravail,de consensus, d’outils validés. Or, s’il est admissible que la composante biomédicale des pathologies soitrelativement reproductible, laparticipationde la sphèrepsychosociale reste toujours singulière.Ainsi, laHauteAutorité de Santé (HAS) statuait que cette prescription ne trouvait qu’une réponse partielle dans les barèmesindicatifsdeduréed’arrêtdetravailenfonctiondespathologies,créésparl’AssuranceMaladie[37].Concernantleslombalgiescommunes,paruesenmars2010,lesbarèmesdeprescriptionvariaientde0à35jours,enfonctionde lasévéritédutravail (de légerà lourd)etdemandaientdeprendreencompte l’âgedupatient, laconditionphysique, l’impact psychologique de la douleur, lesmodifications de poste envisageable ainsi que le contextesocio-économique.Celaimagebienladifficultédecréerlameilleureéquationavecdesparamètressinombreuxetparfoisdifficilementobjectivables.

L’étude ATAC (Arrêt de Travail : Analyse des Comportements des médecins généralistes), menée par leDépartementdemédecineGénéraledeCréteilentre2007et2011,visaitàexplorerlesdéterminantsintervenantdanslaprescriptiond’arrêtdetravailparlemédecingénéraliste.Danscettedémarcheexploratoire,uncouplaged’étudesqualitativesétaitnécessairepourfaireémergerlesdifférentsfacteursintervenantdansladécision.Lesdémarcheschoisiesontétélarechercheactionetlesentretiensdegroupe.

Concernant, la recherche action, les médecins généralistes devaient décrire des situations vécues dans leurcabinet demanière prospective à l’aide de cahiers d’observation. Les situations décrites étaient défini commel’apparitionlorsdelaconsultationd’unedivergencedepointdevueentremédecinetpatientsurlebien-fondéouladuréed’arrêtdetravaildemandéparlepatient.Aprèsavoirtestélafaisabilitélorsd’uneétudepilotesur12médecins,39médecinsgénéralistesontétéinclus,34ontparticipésàl’étude,aveclarécupérationde176cahiersd’observationexploitables.Deux cahiers avaient été créés : le premier lorsque la divergenceentremédecin etpatientportaitsurlebien-fondédelaprescription(n=76),lesecondlorsqueladivergenceportaitsurladuréedel’arrêt(n=100).

Concernantlesentretiensdegroupe,ontétéréaliséstroisfocusgroupsde8médecinsgénéralistessurlethèmedes « attitudes » des médecins (critères objectifs utilisés, impact, mesures composantes sociales ouprofessionnelles)ettroisfocusgroupsde8médecinsgénéralistessurlethèmedes«perceptions»(regardportésur lepatientdemandeur,enjeupersonnel,placedumédecin traitant,enjeu relationnelavec lepatientet lienavec lemédecinconseilet lesautresprofessionnelsdesanté).Untravail identiquedefocusgroupsutilisant lesmêmes guides d’entretien, était prévu avec les médecins conseils de la CPAM du Val de marne, qui n’a pumalheureusementaboutir.

a. Lesdéterminantsdesarrêtsdetravaildumédecingénéraliste

Quatregrandsaxesontpuêtredégagés: lesfacteursintervenantdansladécision, lesenjeuxrelationnelsentrepatientetmédecin,levécudel’arrêtdetravailensituationcomplexeetladéterminationdefamilledesituationsàrisque.

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Parmilesfacteursintervenantdansladécisiondeprescrireounepasprescrireunarrêtdetravail,onretrouvaittoutd’abordlesélémentspropresàlasituationclinique,avecunrepérageénoncécommesystématiquetantdel’évaluation de la symptomatologie, de son délai attendu selon les connaissances scientifiques, que de laprofession (etdu trajet)dupatient.Etaientaussiprisencompte le risqueencouruencasdenonprescription,l’existencedefacteurspsychologiquesousociaux,quiavaienttoutefoisunepartpondéréedansladécision.Lesmédecinssedéclaraientàl’aiselorsquelespathologiesétaientjugées«lourdes»,lessymptômes«invalidants»ou les conditions de travail « dures ». En revanche, le médecin était en difficulté, plutôt en défaveur d’uneprescription d’arrêt de travail, lorsque les symptômes étaient jugés « peu invalidants » ou sans étiologieretrouvéeouletravail«peuvalorisant»(insatisfactiondupatient,plaintesvis-à-visdel’employeur)oulorsqu’untroublepsychologique(principalementladépression)intervenaitdansletableauclinique.

Intervenaientcommeautredéterminant lerôledumédecinetsaposturerelationnelle.Concernant lesqualitésattenduesduprofessionneldesantéprescripteurd’arrêtdetravail,lesmédecinsinterrogésestimaientquetroisqualitésétaientrequises:desqualitésprofessionnellesd’expertisemédicale(évaluationdessituationscliniquesrigoureusesetenaccordaveclesdonnéesdelascience),desqualitésd’approcheglobaleetd’approchecentréepatient (prise en compte de l’ensemble des champs biopsychosociaux, capacité d’empathie et processus dedécisionpartagée)etdesqualitéséthiques(«honnêtetévis-à-visdelasociété»et«loyautévis-à-visdupatient»).

Lesdifficultésressentiesparlemédecinprescripteurétaientlessituationsmaldéfiniessurleplandessymptômesetde leur répercussion. Ses situationspouvaientameneràdesdésaccordsentremédecinetpatient, avecuneconfrontationde«deuxévaluationssubjectives».Unautreélémentapportéétaitlapeurdenuireàlasantédupatientencasdenonprescriptionavec lesentimentdepasseràcôtéd’undiagnosticpotentiellementdélétèrepour le patient, ses situations étaient surtout liées à des troubles étiquetés par le médecin commepsychologiques ou psychosomatiques. Même si les médecins accordaient aux arguments mis en avant par lepatientuneécouteetuneplacedans ladécision, ilss’estimaientcommelesseulsàêtre légitimedeladécisionfinale.

Eneffet,l’arrêtdetravailn’étaitpasvécu,parlesmédecinsinterrogés,commeunjustificatifadministratifvis-à-vis d’un employeur ou des caisses d’assurancemaladiemais plutôt comme un outil de soins faisant partie del’arsenal du professionnel de santé. L’objectif pouvait être curatif ou thérapeutique : besoin de repos pour lerétablissement ou la guérison de la pathologie. On retrouvait dans cette catégorie : les pathologies post-traumatiquesouliéesàdesmouvementsprofessionnelsrépétés.L’objectifpouvaitêtrediagnostique,lorsqueletableauétaitpeuclairoumultifactoriel,lerepospermettaitd’éliminerlesfacteursliésàlafatigueoul’implicationprofessionnelleet/oupermettaitd’affiner l’évaluationpar lemédecindes répercussionsdes symptômes.Enfin,l’objectif d’une prescription d’arrêt pouvait être considéré commeun outil de suivi, cette notion se retrouvaitdanslessituationsétiquetéescommepsychologiques,dessituationsd’épuisementprofessionneloudetroublesostéo-articulaireschroniques.

Laprescriptiond’arrêtdetravailétaitjugéeparlesmédecinsinterrogéscommelagestionnonmédicamenteusedesituationstoujourscomplexes,intriquantdifférentschamps.Ainsichaqueprescriptiondevenaitsingulière.Ilssedisaientendifficultéfaceàl’absencederéférentiel,sesentaientparfoisendifficultépourfaireuneévaluationobjectivede l’interventiondesdifférents champs, surtout celledu champ social parfois vécu comme l’élémentdominantdutableauclinique(bénéficessecondairesoutableaupsychosomatique)mais leplussouventcommeun«facteursurajouté»quinedevaitpasforcémentprendreplacedansladécisiondeprescription.Lesmédecinsétaientsoucieuxdurisquede«chronicisation»etdesarrêtsdelonguesdurées.Ilsl’évoquaientparrapportàdesexpériencespasséesaveccertainsdeleurspatientsmaisaussiparconnaissancequ’undélaitroplongd’arrêtétaitàrisquetrèsélevédenon-retouràl’emploietparconvictionqu’uneduréelongueimpliqueraitunechronicisationde la pathologie ayant motivé cet arrêt. Cela était d’autant plus cité dans le champ de la dépression et destroubles ostéo-articulaires, et surtout dans le cadre d’un accident de travail. Ainsi, les médecins évoquaientcomme situations problématiques dans le choix de prescrire ou de ne pas prescrire un arrêt de travail ces

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situationsàhautrisquedechronicisation.Ilsévoquaientaussilesplaintesinexpliquées(fatigue,douleur…)etlestroublespsychosomatiques.

C’était dans ces situations que les médecins évoquaient les autres professionnels de santé impliqués dans laprescriptiond’arrêtdetravaildécritssoitcomme«desacteursde l’expertise»soitcommedes«acteursde lapressionsociale». Lesacteursde l’expertiseétaientvécuscommeuneaideàaffiner lediagnostic situationnel,celapouvaitêtre le spécialisted’organe (psychiatre, rhumatologue,médecin internisteétaient lesplus souventcités), d’autresmédecins généralistes, à travers les groupesd’échangedepratique, lemédecindu travail, plusapteàl’évaluationdelapénibilitéetdesmodificationsàapporteraupostedetravailoulemédecinconseil,quipermettaitdedonneruncadrelégislatifet«autoritaire».Acontrario,lesmédecinssesentaient«jugés»etsousautoritédanslecasdecontrôledesarrêtsdeleurspatientsparunmédecinindépendantoulemédecinconseil.Ils estimaient qu’ils n’avaient pas dans leur fonction d’avoir un rôle social sur les conditions de travail ou lesproblèmessociauxdespatients.Lesarrêtsmaladiedevantrépondreàdesproblèmesliésaumilieuprofessionnel(harcèlement, risquede licenciement,età contrario,mécontentementdusalarié…)ouàdescontextes sociauxcomplexesnedevaientpasêtregérésdans lecadredessoinsprimairesetrépondaientàunegestionsocialeetnonmédicale.

Lesgrandsmessagesétaientlessuivants:

1. Laprescriptiond’unarrêtdetravailestunoutildesoinsdumédecingénéraliste.

2. L’évaluation de la capacité physique ou psychologique à exercer sa profession nécessite une approchebiopsychosociale.

3. Les grandes difficultés sont l’évaluation des champs psycho-sociaux et leur intrication dans lasymptomatologieetlerisquedechronicisation.

4. Lessituationslespluscomplexesnécessitentunedécisioncollégiale.

b. Lapertinencedumotifet/oudeladuréedesarrêtsdetravail

Cetteétudeapermisdedécrire176situationscliniquesauthentiquesvécuespar34médecinsgénéralistes.Lessituationsdécritess’intéressaientexclusivementauxconsultationspendantlesquellesétaitapparuundésaccordpermanententrelemédecinetlepatientsurlebien-fondéouladuréedel’arrêtdetravail.Deplus,ledésaccordétaitdanslesensd’unedemandeparlepatient,jugéeparlemédecincommeinjustifiéeoutroplongue.N’étaientpas incluses lessituationsoù lepatient refusaitunarrêtproposépar lemédecinoudemandaituneduréepluscourte.

Les désaccords ont porté plus sur la durée (n=100) que sur le bien-fondé (n=76). La répartition par genre despatients était homogène, l’âgemédiande40ans. Lemédecin traitant était lemédecin consultédans62%dessituationsdedésaccordsurlebien-fondéet54%dessituationsdedésaccordsurladurée.

La typologie des motifs de consultation était : les troubles ostéo-articulaires, les infections aigues et lessyndromesanxio-dépressifs,dansunerépartitionhomogène.

Les demandes des patients étaient majoritairement explicites, étaient le plus souvent exprimés en début deconsultationensituationdedésaccorddebienfondé(45%),alorsqu’ellespouvaientêtreformuléesàn’importequel moment de la consultation en situation de désaccord sur la durée. Le ressenti des médecins étaitprincipalement de l’agacement ou de la colère (plus de 40% dans les deux situations de désaccord) contreseulement20%desentimentd’adhésiondumédecinsuiteà lademande.Deuxtiersdesmédecinsrépondaientd’embléeàlademandesoitparunrefussoitparunquestionnement.Seuluntiersattendaitlafindeconsultationpourévoquerlaprescriptiond’arrêtdetravail.

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Lesargumentsmisenavantparlespatientspourjustifierleurdemandeétaient:

- leurcontexteprofessionnel incompatibleà leurétatdesanté,etessentiellement lapénibilitédutravail(58%dansledésaccordsurlebien-fondéet68%dansledésaccordsurladurée),

- leurincapacitéphysiqueoulerisquedenonguérisonsansrepos(43%dansledésaccordsurlebien-fondéet40%dansledésaccordsurladurée),

- l’existenced’unétatde santédifficile/fatigue (36%dans ledésaccord sur lebien-fondéet35%dans ledésaccordsurladurée).

Un tiers desmédecins ne donnait aucune explication sur la « non prescription » de l’arrêt demandé. Pour lesautres, les arguments principaux donnés étaient des explications biomédicales sur l’absence d’incapacitéphysiqueoupsychologique,unreposnonnécessaireaurétablissement.Parfois,unepropositionderéévaluationcliniqueétaitfaiteencasdepersistance.

En fin de consultation, 71%des consultations se clôturaient par la prescription d’un arrêt de travail en cas dedésaccordsurlebien-fondé,laduréeprescriteétaitdanscettesituationnon«négociable»,toutesinférieuresà5jours.Danslessituationsdedésaccordssurladurée,48%desconsultationsseclôturaientparladuréedemandéeinitialementparlepatient.

Lesvariablesdesatisfactiondumédecinenfindeconsultation,adhésiondupatient,modificationdelarelationontétéévaluéesparlesmédecinssurdeséchellesdeLikert.Iln’yavaitaucunedifférencesignificativeentrelesgroupes«prescription»et«nonprescription».

L’objectif était d’évaluer s’il existait des facteurs prédictifs de prescription dans les cas de désaccord entremédecin et patient. Pour cette analyse, ce sont les situations de désaccord sur le bien-fondé qui ont étémodélisées.

Enanalyseunivariée,plusieursvariablesétaientcorréléesàlaprescriptiond’unarrêtdetravail:- êtrelemédecintraitantdupatient- unepostured’un«médecincompréhensif»- l’existencedecomorbiditésdupatient,uncontexteprofessionneldifficile- lesargumentsbiomédicauxmisenavantparlepatient

Enanalysemultivariée,nerestaientquelefaitd’êtrelemédecintraitantdupatientetlefaitd’êtreunmédecincompréhensif.

Bienquelepetitnombredecahiers(76)etlenombredevariablesexplicativesnombreuses,rendantlapuissancedumodèlefaible,lefaitimportantétaitqu’aucunevariableàelleseulenepouvaitexpliquerlefaitqu’unmédecingénéralistefinisseparprescrireunarrêtdetravaildontiln’étaitpaspersuadédubien-fondéhormislarelationdeconfiancequ’ilavaitavecsonpatient.

Lesgrandsmessagesétaient:

1. Latypologiedessituationsdedésaccordentremédecinetpatientsurlebien-fondéouladuréed’arrêtdetravailétaientlestroublesostéo-articulaires,lesinfectionsaiguesetlessyndromesanxio-dépressifs

2. Encasdedésaccord,unenégociationavecéchanged’argumentsentremédecinsetpatientsintervenaientdansdeuxtiersdescas.

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3. Lorsqueledésaccordétaitsur lebien-fondé,deuxtiersdesconsultationsseconcluaientenfaveurdelademandedupatient(avecprescriptiondeduréecourte)contreseulement48%encasdedésaccordsurladurée.

4. Lesmédecinsavaientlesentimentqu’unrefusimpactaitpeusurlarelationetleursatisfactiongénérale.

5. Unmodèleexplicatifdefacteursprédictifsdeprescriptionensituationdedésaccordn’avaitmisenavantcomme facteur déterminant que le fait d’être le médecin traitant du patient et d’être en posturecompréhensive.

Lalombalgieestdécritecommeunedessituationsdifficilesàévaluer:douleur,difficileàobjectiverouimpotenceparfoispeu invalidante.Laprescriptiond’arrêtpeutêtreàviséecurative(reposnécessaireà laguérison)ouunoutildesuivi(letempsnécessairepourévaluerlesfacteursintervenant).Lalombalgieestjugéecommeàrisqueélevédechronicisationetderisqued’arrêtdelonguesdurées.Ellen’estpasplusàrisquededésaccord,quelesautrespathologies,entrepatientetmédecinsurlebien-fondéouladuréed’arrêtdetravail.

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5Unparcoursdesoinsprimaires

a. Uneéquipedesoinsprimairesdansunmodèlebiopsychosocial

Lecloisonnementdenotresystèmedesantéetlasegmentationdescompétencesetdesresponsabilitésentrelesprofessionnelsresteunobstaclebienidentifiéàl’améliorationdesprisesencharge.Faceàcesenjeux,laHauteAutorité de Santé (HAS) tente ainsi de promouvoir les parcours de soins permettant un accompagnementpersonnaliséetcoordonnédumaladeavecl’élaborationdeguides«Parcoursdesoins»pourlessoignants,ainsique des outils d’aide à la coordination des soins, tels que le plan personnalisé de soins (PPS) [38]. Dans saconstruction,lemédecintraitants’entouredesaidesetacteursnécessaires,sanitairesetsociaux,quiapportentchacun leurs compétences, et dont il valide les préconisations. La coordination clinique de proximité apparaitainsi comme un facteur d’amélioration potentielle très pertinent. La mise en œuvre d’un PPS entraineprincipalement2changementspourlapratiquedumédecingénéraliste:1/seconcerteraveclepatientet2/seconcerteraveclesprofessionnels.

Le parcours de soins du patient souffrant de lombalgie persistante, doit s’appuyer sur une équipe de soinsprimairespluriprofessionnelle,selonladisponibilitésurleterritoire,capabledemettreenplaceunPPSassociantprise en charge de la douleur, séances d’éducation et de conseils, exercice physique, accompagnementpsychologiqueetréinsertionprofessionnelle.

Lemédecin du travail et lemédecin conseil doivent jouer un rôle beaucoupplus actif dans l’information et lapréventiondelalombalgie,demêmequedansl’accompagnementlorsdelareprisedutravail.Cesactionsserontréaliséesencollaborationétroiteaveclemédecintraitant.

b. Diminuerlecoutetmieuxprendreenchargenospatients:«Choisiravecsoin»

Acetégard,lesimplismen’estpasdemise:raressontlestestsettraitementsquiontfaitleurspreuves.Lesavoiret le redire n’est pas inutile pour éviter de s’engager dans des soins coûteux et peu efficaces. Pas dedécouragementpourtant.Ilexisteeneffetsuffisammentdedonnéesscientifiquespourrecommanderdemanièreunivoquedesdémarchesdiagnostiquesetthérapeutiquesspécifiques.

Les injectionsdecorticoïdeset lesopérationsdoiventêtreévitéesdans lamesuredupossible.Leurutilitén’estpasencoredémontrée.Ellesdoiventêtreréservéesàdescassoigneusementsélectionnés,pour lesquelsaucunautretraitementn’apuaider.

Leschirurgiesdefusiondesvertèbressontpratiquéescommetraitementprincipaldesmauxdedosdepuisplusd’undemi-siècle.Or,rienneprouvequelachirurgiedefusionsoitsupérieureàuntraitementconservateurglobalpour les maux de dos, en l’absence d’une pathologie structurale focale et de symptômes mécaniques ouneurologiquescorrespondants. Il est souvent impossiblede localiser la sourceprécisede ladouleur.Dansbiendes cas, les symptômes sont multifactoriels et peuvent avoir diverses composantes, notamment une douleurcentralen’impliquantpaslacolonnevertébrale.L’immensehétérogénéitédelapopulationsouffrantdelombalgieentraîne des résultats chirurgicaux imprévisibles et systématiquement défavorables pour les patients quiprésententuntroubledégénératifmultiniveaudelacolonnevertébrale.

Lesstéroïdessontdesanti-inflammatoirespuissants,mais la lombalgiesansradiculalgien’estavanttoutpasunétat inflammatoire. D’autant plus que le siège de l’inflammation ne serait généralement pas accessible par lecanalrachidien.L’injectionpériduraledecorticoïdesdonnedesrésultatsbeaucoupmoinsbonspourlalombalgiesans radiculalgie comparés à la radiculopathie causée par une hernie discale. Même si les effets indésirablesgraves sont rares, des événements catastrophiques sont possibles et le soulagement des symptômes par

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l’injectionnedureengénéralquequelquessemaines.Lesavantagesmineursdel’IPCdanslecasdelalombalgieaxialenel’emportentpassurlesrisques,mêmesicesdernierssontrares.

Il n’y a généralement aucun intérêt à soumettre le patient à une multitude d’examens tels des tests delaboratoire,desradiographiesoudesscanners.Ceux-cipeuvent faireplusdetortquedebien. Ilspeuventêtreutiles uniquement lorsqu’unmédecin constate des symptômes spécifiques qui peuvent indiquer une affectionsérieusesous-jacente.

À moins que l’imagerie n’ait une portée directe sur la décision thérapeutique, elle n’est pas requise. Les «anomalies»radiologiquesdelacolonnevertébralechezlespersonnesasymptomatiquessontcourantesetellesaugmentent avec l’âge. Le taux de résultats faussement positifs est extrêmement élevé chez les personnesatteintesde lombalgieet laplupartdesobservationsn’ontaucunlienavec letableauclinique.Dans lamajoritédes cas de lombalgie, l’imagerie de la colonne vertébrale n’améliore pas les soins aux patients et peutmêmeentraînerdesinterventionsinappropriéesetavoiruneffetnéfastesurlerésultatfinal.

Lesmédecinsgénéralistes,dans leurgrandemajorité, sontconvaincusdubien-fondéde la recommandationetacceptentdenepasdemanderlaradiographielorsdela1èreconsultation.Maisilsfontétatdeleursdifficultés,enpratique:

- Il est difficile de résister aupatient qui est souvent demandeur et qui vient d’ailleurs à la consultationdanslebutd’avoiruneradiographie.

- L’attitudedépendradel’anxiétédupatientainsiquedesonobstinationoudesacapacitéd’acceptationdeladécisiondesonmédecin.

- Uneradiographierassuresouvent lepatientetaussi lemédecinqui«pourraitpasseràcôtéd’unautrediagnostic»:lacraintedel'erreur.

- En cas d’accident de travail, il est prudent de réaliser d’emblée une radiographie afin d’éviter toutproblèmemédico-légalultérieur.

- Certains patients ne sont pas encore mûrs pour comprendre qu’un examen clinique est souvent plusinstructif qu’une imagerie. Si le médecin traitant ne demande pas la radiographie, le patient ira seprésenterdansunserviced’urgence,chezunspécialisteouchezunautreconfrèreafindel’obtenir.

- Lepatientpourraitprendrelerefusdelaradiographiecommeunmanqued’intérêtpoursamaladie.Laradiographieconstituepourlepatientsouventlemoyendesesituerdanssonproblème:illuifautune«image»pourmontreràlui-mêmeetàsonentouragelebien-fondédesasouffrance.

c. Luttercontrelescroyanceserronéesdesprofessionnelsdesantéetdespatients

Rassurer le patient qui se présente avec un mal de dos, c’est 1/ fournir au patient l’information essentielle,cohérente,accessibleetvalidesursacondition,et2/corrigeraubesoinlesperceptionserronées.

L’importancedutyped’informationàdonnerauxpatientsayantunelombalgiedèslapremièreconsultationetàchaquevisiteparlasuite,estunintérêtrelativementrécent.Deuxétudesconcordantessurlesujetontmontréquel’informationessentielle,cohérenteetaccessiblepeutavoirunimpactpositifsurlarécupérationdupatient[39, 40]. L’information essentielle est celle qui véhicule un nombre limité (trois à cinq) de messages clairs.L’information cohérente c’est le message verbal du clinicien qui est plus efficace lorsque accompagné d’undocument écrit qui véhicule unmessage identique. Enfin, l’information est dite accessible lorsque adaptée aupatientetàsonétatdesanté.

L’informationaupatientesttrèsimportantedansleslombalgiesparcequ’ellepermetaupatientdecomprendrel’enjeuthérapeutiqueetdes’impliquerdanssarécupérationfonctionnelle.

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L’information peut cependant être une arme à double tranchant puisque des informations divergentes ou demauvaisequalitépeuventalleràl’encontredubien-êtredupatientetretarderleretourauxactivitéshabituelleset au travail. À cet égard, le rôle du clinicien devient très important dans le domaine de l’information etnotammentpourcorrigerlesfaussescroyancesetlesperceptionserronées.

Synthèsedesmessagesclés

• Rassurerlepatientsurlebonpronosticgénéraldumaldedos

• Rassurerlepatientsurlararetéd’atteintesgravesàlacolonneetl’absencedesignessignifiantunetelleatteinte

• Rassurer le patient sur la reprise ou la poursuite des activités, y compris le travail, même s’il y a dessymptômes

• Éviterd’étiqueterlepatienteninsistantexagérémentsuruneatteintespécifiquedelacolonneetsursonimpact

CedocumentaétéréaliséparungroupedetravailsousladirectiondeJulienLeBreton:JulienLeBreton SociétéFrançaisedeMédecineGénérale

DépartementdeMédecineGénérale,UniversitéParisEstCréteil

SandrineBercier DépartementdeMédecineGénérale,UniversitéParisEstCréteil

JulieChouilly SociétéFrançaisedeMédecineGénérale

OlivierKandel SociétéFrançaisedeMédecineGénérale

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