Logistique: approvisionnement production soutien

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LOGISTIQUE Production • Distribution • Soutien Yves Pimor Michel Fender SÉRIE | GESTION INDUSTRIELLE 5 e édition

description

Référence incontournable,cet ouvrage offre une synthèse opérationnellecomplète sur la logistique, en donnant toutes les clés pour :•concevoir et mettreenœuvre une stratégie logistique adaptée auxenjeux actuels de la supply chain ;• piloter les flux et lesstocks, en production et en distribution ;•concevoir et gérer des entrepôts ;• mettreenœuvre une politiquede transport ;• organiser la logistiquede soutien ;• maîtriser les outils informatiquesutilisés en logistique.Plus qu’une simple mise à jour ,cette cinquième édition propose unéquilibre plus marquéentrepriseen comptedes connaissancesacadémiques et des pratiques des entreprises, entre maîtrise dessolutions techniques et vision stratégique de la logistique, entre acteurset fonctions amont et aval.Cet ouvrage constitue un outil de travail indispensable pour lesresponsables et praticiens de la logistique, les consultants ainsiqueles étudiants et élèves-ingénieurs du domaine.« Soyons clair :cel ivre est un des meilleurs documents qui existe enfrançais sur le sujet. Un véritable outil de travail qui doit absolumentfigurer dans la bibliothèque de tout bon logisticien qui se respecte.»Stratégie logistique

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SRIE

| GESTION INDUSTRIELLE

Yves Pimor Michel Fender

LOGISTIQUEProduction Distribution Soutien5e dition

LOGISTIQUEProduction Distribution Soutien

CHEZ LE MME DITEUR

F. MONCHY Maintenance : mthodes et organisations, 2e dition, 528 p.

G. JAVEL Pratique de la gestion industrielle : organisation, mthodes et outils, 656 p.

M.-M. DAMIEN Dictionnaire du transport et de la logistique, 2e dition, 552 p.

F. BLONDEL Aide-mmoire de gestion industrielle, 2e dition, 552 p.

Yves Pimor Michel Fender

LOGISTIQUEProduction Distribution Soutien

5e dition

Dunod, Paris, 1998, 2005, 2008ISBN 978-2-10-053561-3

Avant-propos la cinquime dition

Avant-propos la cinquime dition Avant-propos la cinquime ditionLa cinquime dition de la Logistique de Yves Pimor, ouvrage de rfrence dans les publications en logistique, revt un caractre trs particulier et mouvant. Jai rencontr Yves Pimor chez France Telecom dans le milieu des annes 90 et nous avons tout de suite accroch car au-del des valeurs humaines que nous avions vite identifies comme communes et de notre got pour la pdagogie, nous uvrions pour une reconnaissance sa juste valeur de la logistique au sein des entreprises et des organisations. De par nos expriences professionnelles et nos formations respectives, nous tions complmentaires et combinions des approches techniques et stratgiques, organisationnelles et fonctionnelles, tactiques et oprationnelles et ce, toujours avec une vision de monte en puissance de la fonction logistique. Cette reconnaissance et ce respect mutuels taient visibles dans ldition prcdente au niveau des rfrences douvrages cites par Yves Pimor dont je suis lauteur pour la plupart avec mon compre et ami, Philippe-Pierre Dornier. Il y a quelque temps, Yves, se sachant malade et eu gard la qualit de notre relation, mavait contact pour me proposer de le rejoindre afin de prparer cette dition, toute nouvelle dition tant toujours un gros travail. Je le lui avais promis et ai rempli ma mission avec enthousiasme. Il nest plus l au moment o je rdige ces quelques lignes davant-propos pour feuilleter cette cinquime dition et je suis heureux de lui avoir t fidle dans la promesse que je lui avais faite.

Michel Fender

V

Table des matires

Table des matires Table des matires

AHistorique et volutions : de la logistique au concept de supply chain1 Logistique et supply chain1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 Dfinitions des logistiques Le paradigme de la supply chain Flux de produits et rseaux valeur ajoute Techniques danalyse des flux de produits Urbanismes logistiques Les principes logistiques de base au sein des rseaux Les fonctions logistiques et de management de supply chain au sein des entreprises

34 5 13 22 27 41 56

2 Histoire de la logistique2.1 Les origines militaires de la logistique et ses dveloppements 2.2 Informatique et recherche oprationnelle : apparition dune logistique savante 2.3 Rvolution du juste--temps et cole de Toyota 2.4 Les grandes manuvres logistiques de la distribution 2.5 Mondialisation des flux et dveloppement des entreprises transactionnelles 2.6 Apports des militaires et des grands projets : la logistique intgre 2.7 Conclusion : lavenir des logistiques

6363 71 72 77 80 84 86VII

Table des matires

BLogistique des flux et des stocks3 Pilotage des flux3.1 Stocks et supply chain : le bullwhip effect ou le thorme fondamental de la supply chain 3.2 Le DRP (Distribution Resource Planning ou Distribution Requirement Planning) 3.3 Utilisation du DRP pour des tudes de flux

9595 105 110

4 Les stocks4.1 4.2 4.3 4.4 Dfinition Analyse dun stock Autres analyses des stocks Pilotage des stocks

113113 117 124 124

5 Prvision des besoins et de la demandeImportance de la prvision et ides cls Quest-ce quune prvision de besoins ? tablir la prvision : agrgation ou modlisation des besoins Modlisation partir de lanalyse du pass Analyse diachronique Progiciels et mthodes de prvision Processus et organisation de la prvision de la demande et des besoins 5.8 Prvision cooprative entre entreprises 5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 5.6 5.7

149149 151 159 164 169 184 193 198

6 Entrepts et plates-formes, emballages et manutention6.1 Entrepts et plates-formes 6.2 Ingnierie de la cration dentrepts et plates-formes 6.3 Problmatique du positionnement gographique 6.4 Conception de lentrept 6.5 Le stockage 6.6 Emballage et conditionnement 6.7 La manutention 6.8 Lautomatisation des entrepts 6.9 Le circuit des marchandises 6.10 ConclusionVIII

203203 204 218 233 241 248 262 269 274 287

Table des matires

7 Les transports7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 7.8 7.9 Les transports en France et en Europe Les vhicules de transport routier Conducteurs Organisation des transports routiers conomie du transport routier : tablissement dun tarif de contrat de transport Le contrat de transport intrieur routier Stratgie du donneur dordre de transport Techniques de transports ferroviaires Problmatique du transport : le transport multimodal

289289 294 295 297 308 320 330 336 344

8 Supply side : production et approvisionnement8.1 Organisation gnrale de la production 8.2 Objectifs de la rgulation des flux de production 8.3 Une approche dterministe de la rgulation de la production : le MRP2 8.4 Une approche par les stocks : le kanban 8.5 Les autres approches de gestion de production 8.6 Comment amliorer la gestion des flux de production ? 8.7 Place de la logistique de production

351351 357 361 371 378 383 385

9 Demand side : distribution9.1 9.2 9.3 9.4 9.5 9.6 9.7 Les trois ges de la distribution La logistique de la grande distribution Le cross-docking Logistique des promotions ECR et CPFR Quelques exemples de logistiques de distribution La logistique du dernier kilomtre : VAD et B2C

389390 398 413415

420 431 436

CLogistique de soutien10 De la Logistique Militaire au soutien logistique intgr10.1 La logistique militaire 10.2 Origines du SLI 10.3 Mise en uvre du SLI 10.4 Les outils du SLI 10.5 Mthodes civiles de conception de produits et dquipements 10.6 Dtermination du cot de cycle de vie total

451452 475 480 489 490 491IX

Table des matires

11 Organisation et planification de la maintenance11.1 11.2 11.3 11.4 La maintenance Organisation de la maintenance : les mthodes RCM et MBF Organisation et gestion de la maintenance Contractualisation du SLI et maintenance en conception

497497 504 506 516

12 Formation et documentation12.1 Les origines militaires 12.2 Ingnieries du facteur humain 12.3 Documentations pour la production/exploitation et la maintenance

523523 525 533

13 Gestion des pices de rechange13.1 Qui gre des stocks de pices de rechange ? 13.2 Diffrents types de pices de rechange 13.3 Dtermination des lieux de stockage et des quantits stocker 13.4 Gestion des pices de rechange

543543 551 558 568

14 La logistique inverse (reverse logistics)14.1 Recyclages et flux de retour 14.2 Environnement et logistique : llimination des dchets 14.4 Laudit du recyclage global des produits fabriqus et de leurs emballages 14.5 La logistique des retours

575575 577 591 591

DLogistique, organisation, informatique et stratgie de lentreprise15 Stratgie et logistique15.1 Les points de vue stratgique 15.2 Le point de vue de la performance financire 15.3 Le point de vue du marketing et du service logistique 15.4 Le point de vue de lintgration 15.5 Du trade marketing la thorie de la coopration logistiqueX

605607 608 617 628 633

Table des matires

16 Organisation16.1 16.2 16.3 16.4 16.5 Difficults dorganisation Typologie des organisations logistiques Organisation de la logistique de soutien Achats et logistique Indicateurs et critres de qualit de la logistique

637637 639 645 646 649

17 Informatique logistique17.1 17.2 17.3 17.4 Diffrentes catgories Logiciels et progiciels spcialiss Irruption dInternet et problmes darchitecture LEDI logistique (change de donnes informatises)

659659 660 669 672

18 Schmas directeurs logistiques18.1 18.2 18.3 18.4 18.5 Pourquoi un schma directeur logistique ? Principes gnraux La mthode SCOR Organisation du projet tapes

699699 703 704 710 714

Conclusion Sigles et abrviations Index des sujets Index des auteurs Index des socits et marques

729 731 739 743 747

XI

Introduction

Introduction IntroductionCette cinquime dition sinscrit dans la continuit de la prcdente. Nous avons conserv le terme Logistique dans son titre car il nous semble dfinitivement appropri aux champs de savoir et de pratiques que nous couvrons dans cet ouvrage. Loriginalit de notre approche rside selon nous dans ltroite association des oprations logistiques et des problmatiques stratgiques au sein des chanes de valeur logistiques. Cest ce qui nous a toujours passionn : faire prendre conscience aux comits de direction des entreprises et aussi, dans le cadre de formations, aux professionnels quils appartiennent ou non la communaut mtier des logisticiens des enjeux logistiques en combinant une double lgitimit business et technique. Il est illusoire de penser formuler une stratgie logistique moyen ou long terme sans avoir une connaissance mtier approfondi des techniques et des technologies propres aux activits logistiques. La prise en compte du terrain au niveau des oprations et des acteurs humains est primordiale. Cette nouvelle dition propose un quilibre plus marqu entre prise en compte des connaissances acadmiques et des pratiques des entreprises, entre matrise des solutions techniques et vision stratgique de la logistique, entre acteurs et fonctions amont et aval. Gardons en mmoire que la performance logistique doit autant aux professionnels de la logistique quaux fonctions qui interagissent avec elle savoir le dveloppement des nouveaux produits, les ventes, les achats et la production. Cest pourquoi de manire ambitieuse mais raliste, ce livre se veut un levier de comprhension de certaines briques techniques logistiques mais aussi et surtout un passeport pour comprendre les collaborations que doivent entretenir entre elles les fonctions cls gnratrices de valeur. Cette ide fondamentale de la coopration sy trouve renforce. La structure de louvrage est inchange et sappuie fondamentalement sur une approche bottom-up qui consiste expliciter et analyser les briques fonctionnelles et oprationnelles constitutives de toute chane logistique. Aprs une premire partie ddie dfinir les enjeux, lobjet et le primtre des logistiques et rvler les volutions cls qui ont marqu son histoire, nous passons en revue dans une seconde partie les fonctions et les moyens dont la logistique a la responsabilit. Cest dans cette partie que sont abords le pilotage des flux, la gestion des stocks, les prvisions de la demande, le supply chain planning, le transport et les infrastructures logistiques mais aussi la distribution. Nous ddions une partie la logistique des systmes complexes et au soutien logistique qui constitue certes un champ part mais renseigne sur des solutions innovantes et utiles la logistique des flux. La certification et la normalisation sont des exemples de passerelles entre ces deux mondes logistiques. Nous traitons enfin dans une quatrime et dernire partie les questions de la planification stratgique qui encore une fois ne peut se raisonner sansXIII

Introduction

une rfrence aux solutions techniques, de lorganisation logistique, des systmes dinformation associs et des projets logistiques. Ceux-ci comportent des spcificits quil est important de prendre en compte pour sassurer du succs de la mise en uvre des nouvelles solutions. La capacit de prendre connaissance du contenu selon les centres dintrt, les comptences, le profil professionnel ou les besoins du lecteur a t conserve. Il est possible dentrer dans louvrage de manire indpendante, chaque chapitre jouant le rle de porte daccs la connaissance et au savoir-faire logistique. La logistique est systmique et pour comprendre le jeu de ses rouages interactifs, en avoir une lecture modulaire est une bonne approche. Nous souhaitons que cette pdagogie soit soutenue par la lecture de ce livre.

XIV

1 Logistique et supply chain

AHISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

Historique et volutions : de la logistique au concept de supply chain

A

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1 Logistique et supply chain

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1 Logistique et supply chain

1 LOGISTIQUE ET SUPPLY CHAINAIl existe de multiples dfinitions de la logistique et il en est de mme de la supply chain (en franais chane dapprovisionnement ou chane logistique1 , mais les logisticiens prfrent utiliser lexpression amricaine). Il est impossible actuellement den donner une dfinition accepte par tous et dans tous les pays ; aussi est-il prfrable den examiner les divers sens. La logistique dsigne soit un domaine technique tel que celui dont on trouvera ici une analyse, soit un certain nombre de fonctions que lon trouve dans les entreprises, armes, administrations, etc. Bien entendu, mme sil existe une plage commune de recouvrement, les fonctions regroupes sous le nom de logistique changent dune entreprise lautre et le domaine technique couvert par le mot logistique est diffrent dans chaque ouvrage ou programme universitaire. Au niveau universitaire, il est possible didentifier plusieurs courants au sein du champ logistique dont il faut reconnatre a priori les difficults de dlimitation de champ. Ces courants sont essentiellement de deux natures : Le poids de la recherche oprationnelle, le recours aux modles conomiques appliqus en particulier au processus doptimisation des transports. Ce courant est particulirement bien reprsent par les coles dingnieurs et les universits amricains telles que le MIT ; La prise en compte de la dimension marketing qui identifie la logistique comme un levier complmentaire au traditionnel marketing mix et qui applique les notions de fonction dutilit pour le consommateur, celle du service ajout aux produits et qui se focalise souvent sur les problmes de logistique de distribution. Ce sont plutt les coles de management, de gestion et les business schools telles que la Michigan University, Cranfield et en France lEssec qui ft sans aucun doute prcurseur en la matire. Enfin dans cette premire approche introductive, il faut reconnatre un cart entre le monde anglo-saxon trs pragmatique centr sur les oprations, les systmes dinformation et le recours systmatique aux metrics et le monde europen qui sinterroge sur la place de la logistique au sein des organisations et sa contribution aux enjeux business. Lintgration et la combinaison de ces deux approches constituent un must qui donne un avantage concurrentiel aux entreprises qui russissent cette fusion. En ce qui concerne lexpression supply chain, on peut distinguer lexpression supply chain qui dsigne le domaine technique et celle management de laHISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

1. La norme franaise NF X 50-600 prconise lexpression chane logistique qui reste cependant peu utilise.

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1 Logistique et supply chain

1.1 Dfinitions des logistiques

supply chain qui dsigne la fonction. En France, le terme logistique recouvre assez souvent le terme supply chain et les universits enseignent le plus souvent, mais pas toujours, le management de la supply chain lintrieur de programmes de logistique entendue dans un sens trs large. Aux tatsUnis, les deux expressions sont distingues et le management de la supply chain est plus souvent enseign lintrieur de programmes relatifs aux operations ou lindustrial management alors que lenseignement de la logistique renvoie plutt au transport et au magasinage. Avec beaucoup duniversitaires franais et quelques-uns nord-amricains, il nous parat prfrable de rassembler ces deux aspects sous le mme nom de logistique et nous verrons quil y a bien des raisons de le faire. Nous restons donc attachs au terme logistique.

1.1 Dfinitions des logistiquesLa logistique recouvre toujours des fonctions de transport, stockage et manutention et, dans les entreprises de production, tend tendre son domaine en amont vers lachat et lapprovisionnement, en aval vers la gestion commerciale et la distribution. On cite souvent la dfinition dorigine militaire : La logistique consiste apporter ce quil faut, l o il faut et quand il faut. On peut cependant distinguer plusieurs logistiques diffrentes par leur objet et leurs mthodes : une logistique dapprovisionnement qui permet damener dans les usines les produits de base, composants et sous-ensembles ncessaires la production ; une logistique dapprovisionnement gnral qui permet dapporter des entreprises de service ou des administrations les produits divers dont elles ont besoin pour leur activit (fournitures de bureau par exemple) ; une logistique de production qui consiste apporter au pied des lignes de production les matriaux et composants ncessaires la production et planifier la production ; cette logistique tend absorber la gestion de production tout entire ; une logistique de distribution, celle des distributeurs, qui consiste apporter au consommateur final, soit dans les grandes surfaces commerciales, soit chez lui en VAD par exemple, les produits dont il a besoin ; une logistique militaire qui vise transporter sur un thtre dopration les forces et tout ce qui est ncessaire leur mise en uvre oprationnelle et leur soutien ; une logistique de soutien, ne chez les militaires mais tendue dautres secteurs, aronautique, nergie, industrie, etc., qui consiste organiser tout ce qui est ncessaire pour maintenir en opration un systme complexe, y compris travers des activits de maintenance ; une activit dite de service aprs vente assez proche de la logistique de soutien avec cette diffrence quelle est exerce dans un cadre marchand par celui qui a vendu un bien ; on utilise assez souvent lexpression management de services pour dsigner le pilotage de cette activit ; on notera cependant que cette forme de logistique de soutien tend de plus en plus souvent tre4

1 Logistique et supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain1.2.1 Le concept de supply chainCest un concept relativement rcent une quinzaine dannes mme si les militaires utilisent la mme expression depuis beaucoup plus longtemps. Il dcrit des activits et les fonctions de management de ces activits. On pourrait le traduire par chane dapprovisionnement , mais le mot approvisionnement ne permettrait pas dexprimer le sens que lon veut donner supply chain et il est prfrable dutiliser lexpression amricaine pour dcrire ce concept nouveau 1. On a vu quaux tats-Unis, ce concept positionne des enseignements que lon regroupe plus volontiers en France sous le terme de logistique . Mais cest aussi un concept moteur en ce sens quil vhicule une certaine conception de lorganisation et du management des entreprises et qu cet gard il est loin dtre neutre. Ceux qui lutilisent cherchent promouvoir, soit la vente doutils tels des progiciels, soit la vente de conseils pour accder certaines formes de management, soit une certaine dimension du management dans leur propre entreprise, ou parfois mme une certaine conception de lconomie qui mrite rflexion. On dfinit assez souvent la supply chain comme la suite des tapes de production et distribution dun produit depuis les fournisseurs des fournisseurs du producteur jusquaux clients de ses clients (dfinition du Supply Chain Council). La figure 1.1 est assez caractristique de ce qutait autrefois la chane des intervenants ncessaires dans la distribution classique pour amener un produit jusquau consommateur final.

1. On pourrait aussi bien parler, comme le fait remarquer Nathalie Fabbe-Costes, de demand chain puisque cest dsormais la demande qui en principe tire la supply chain (Fabbe-Costes N., Le pilotage des supply chains : un dfi pour les systmes dinformation et de communication logistiques, Gestion 2000, vol. 19, n 1, 2002, pp. 75-92).

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HISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

exerce par des spcialistes du soutien diffrents du fabricant et de lutilisateur et dits Third Party Maintenance ; des reverse logistics, parfois traduites en franais par logistique lenvers , rtro-logistique ou encore logistique des retours , qui consiste reprendre des produits dont le client ne veut pas ou quil veut faire rparer, ou encore traiter des dchets industriels, emballages, produits inutilisables depuis les paves de voiture jusquaux toners dimprimantes. Une distinction commode est celle que lon fait souvent entre les logistiques de flux, production et distribution dune part, et les logistiques de soutien dautre part. Ces deux catgories de logistique ont en effet des caractristiques assez diffrentes, les premires tant plus lies aux techniques de gestion de la production et aux techniques de marketing et de ventes, les deuximes tant plus lies des mthodes de maintenance et de gestion de rechanges, particulirement dveloppes dans le domaine militaire ou dans celui de la maintenance des quipements techniques. Il y avait donc bien des logistiques diffrentes jusqu ce que le concept de supply chain ne vienne apporter une certaine unit en ce domaine.

A

1 Logistique et supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain

Flux de produits de grande consommation

Usine et magasin national

Magasins rgionaux

Grossistes

Boutiques

Logement

Commandes

Commandes

Commandes

Dplacement du consommateur

Figure 1.1 La distribution historique.

Les nouvelles organisations de la distribution, par exemple celles de la grande distribution moderne ou, plus rcemment, celles qui sont lies Internet, ralisent de nouvelles chanes dapprovisionnement sensiblement diffrentes des chanes prcdentes. Une supply chain est donc la chane de tous les intervenants de toutes les entreprises qui contribuent apporter un produit : des consommateurs ; on parle alors de business to consumers (en abrg B to C ou encore B2C) ;

Fournisseur du fournisseur de composants

Fournisseur de composants

Fabricant du produit

Grossiste

Client final

Figure 1.2 Reprsentation schmatique de la supply chain. 6

1 Logistique et supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain

1.2.2 Modularit de la chaneLa chane elle-mme peut tre dveloppe autant quon le dsire. Ainsi le maillon qui reprsente sur la figure 1.2. le fabricant du produit peut tre considr lui-mme comme une chane constitue de diffrents maillons avec, par exemple : le magasin de rception des composants ; le 1er atelier de transformation du produit ; le 2e atelier ; latelier de conditionnement ; le magasin de produits finis de lusine ; les magasins rgionaux du fabricant, etc.

1.2.3 Solidarit de toutes les entreprises et de tous les services de chaque entreprise qui participent la supply chainOn dit que la rsistance dune chane est celle de son maillon le plus faible ; pour la supply chain cela peut se vrifier de bien des faons : si un fabricant de carte lectronique ne reoit plus un composant quil fait fabriquer en Asie, ce fabricant ne peut plus produire, grossistes et dtaillants ne peuvent plus vendre ; si le vendeur final nassure pas la mise en service et laprs-vente dans des conditions convenables, cest la marque tout entire qui subit le prjudice ;7

HISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

des entreprises utilisatrices pour produire dautres biens ou les consommer et lon parle alors de business to business (en abrg B to B ou encore B2B). Elle se reprsente couramment par le dessin propos figure 1.2 : les flches noires reprsentent les produits et les flches blanches reprsentent les informations qui, le plus souvent, remontent la chane, par exemple des commandes successives. Flux physiques, flux dinformation mais aussi flux financiers rythment lcoulement dune chane logistique laquelle se greffent des questions de nature juridique relatives en particulier au transfert de proprit des marchandises et de responsabilit. Une chane logistique se dfinit par consquent comme une succession doprations et dinteroprations. Les premires sont souvent gnratrices de valeur alors que les secondes sont communment associes des cots et des pertes de temps. Un enjeu consistera comme nous le verrons ultrieurement en dtail liminer les oprations non valeur ajoute dans des approches du type Lean Supply Chain Management et beaucoup mieux combiner les oprations et les interoprations ce qui conduira une grande proximit entre sites industriels et sites logistiques voire leur confusion au sens physique du terme. Une approche modulaire de conception des produits, des processus de production et des processus Supply Chain permet de mettre en uvre une telle dmarche.

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1 Logistique et supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain

sil y a un retard la fabrication ou en transport entre deux participants, cest tout le processus qui prend du retard et lon verra que le temps de traverse de la supply chain en est une caractristique essentielle.

1.2.4 Information et supply chain ct des flux de produits, le management de la supply chain demande de traiter des informations nombreuses qui pour une part importante dentre elles remontent la supply chain en sens inverse des produits : commandes des distributeurs, ordres de fabrication, commandes de produits de base et composants, prvisions de besoins, etc. Dautres informations prcdent ou accompagnent les marchandises : avis dexpdition, bons de livraisons, lettres de voiture, etc. Ces flux dinformations alimentent des bases de donnes, vritables stocks dinformations logistiques : fichier produit, historique des ventes, tat des stocks, etc. La notion de supply chain na finalement merg qu travers les dveloppements dune informatique dite de supply chain qui a permis dintgrer toutes les applications relatives aux flux et stocks de produits. Si, par exemple, une nouvelle mode se dveloppe pour des vtements de couleur rose, les demandes des clientes vont se manifester dans les boutiques qui vont commander leurs propres fournisseurs, des grossistes, qui vont leur tour commander au fabricant qui va commander du tissu rose une entreprise qui va constater cette augmentation de la demande de ces articles lorsque la couleur rose sera dmode ou presque On peut songer modifier la fabrication en commandant du tissu blanc et en ne le teignant que dans lentrept du distributeur juste avant la livraison aux boutiques. Cest ce quon appelle du post-manufacturing. On peut aussi transmettre tous les soirs les rsultats des ventes dans les boutiques de la chane une base de donnes informatique laquelle tous les participants auront accs en permanence selon la figure 1.3. videmment ce nest pas trs facile raliser lorsquil sagit dentreprises diffrentes qui participent la supply chain : les relations entre un fabricant et un distributeur peuvent tre cordiales malgr des intrts divergents mais de l ce que le distributeur fournisse ses informations au fabricant ou aux fournis-

Base informatique

Fournisseur du fournisseur de composants

Fournisseur de composants

Fabricant du produit

Grossiste

Client final

Figure 1.3 La base de donnes informatique de la supply chain. 8

1 Logistique et supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain

1.2.5 Le paradigme de la supply chain et le managementLa supply chain nest donc pas un concept neutre, strictement descriptif. Cest un concept moteur qui joue le rle dun paradigme au sens de Kuhn , cest--dire dune reprsentation implicite qui contribue orienter les efforts des logisticiens. On peut cet gard souligner quelques traits de la supply chain telle quelle est prsente le plus souvent.

La vitesse de circulation des produits dans la supply chain, mesure de son efficacitOn peut remarquer que le concept de supply chain est n dans le sillage dun autre concept qui en est proche : le juste--temps. Cest en sefforant de mesurer les vitesses de circulation des matires au sein de lentreprise de production que lon a constat tout dabord le rle des stocks et des en-cours. Des dlais de plusieurs mois entre lentre dun composant dans lusine et sa sortie, intgr un produit fini, manifestaient une source de gains possibles en rduisant les stocks et en pilotant mieux les flux. Ce ntait cependant pas tant le cot financier de ces stocks qui tait en cause. Si un fabricant a en moyenne trois mois de stock de composants ou matires premires, quinze jours den-cours et un mois et demi de stocks moyens de produits finis entre son magasin dusine et ses entrepts rgionaux, cela signifie quun composant mettra cinq mois pour traverser la supply chain du fabricant : or dans certains domaines, comme la fabrication de microordinateurs, la dure de vie en production est de lordre de six mois. Une telle situation nest plus acceptable. Lobjectif global en mettant sous tension le flux est la recherche dune nouvelle rapidit dadaptation aux volutions techniques et de march, une agilit au sein de lentreprise, mesure au moins en partie par un temps de parcours de la supply chain tout entire aussi bien chez les fournisseurs du fabricant que dans les circuits de distribution.

Le concept de supply chain est porteur de changements dorganisation au sein des entreprisesOn sest donc attach progressivement piloter les flux de matires et de produits au sein de lentreprise, et de nouveaux besoins de coordination entre9

HISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

seurs du fabricant, il reste un certain nombre de problmes rsoudre que lon examinera travers lECR, par exemple. On peut donc dfinir le management de la supply chain comme le pilotage de ses flux et la gestion de ses stocks travers une gestion informatique de lensemble des informations nes de la chane, aux fins dobtenir un niveau de performance dsir cot minimum. On distinguera cependant deux types de supply chain du point de vue du traitement de linformation : celle qui traite seulement les informations dune entreprise ; celle qui traite lensemble des informations des diverses entreprises qui participent la mme chane, soit quune entreprise unique centralise toutes les informations (entreprise tendue), soit que plusieurs entreprises conviennent dchanger des informations (change de donnes informatises et Efficient Consumer Response).

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1 Logistique et supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain

directions et services en sont rsults. En ce qui concerne lorganisation de lentreprise de production, cela sest traduit de faon trs diffrente selon les entreprises, depuis des directions logistiques en charge du pilotage de lensemble des flux jusqu des coordinations plus subtiles travers des organigrammes plusieurs dimensions. Les entreprises franaises ont dailleurs souvent plus de difficults que leurs homologues anglo-saxonnes sadapter ce pilotage transverse. Elles taient en effet souvent organises selon un modle hirarchique strict o chaque direction et service conservait lensemble des fonctions relatives au transit des produits travers leur organisation, chacune ayant son stock, ses moyens de manutention et de transport, ses plannings et ses rgles de gestion avec un minimum de coordination transverse, et parfois pas du tout. On a parfois cru trouver de nouveaux modes de fonctionnement, mieux appropris aux nouvelles conditions du march et des techniques, travers la mise en place de lassurance qualit avec de multiples contrats entre directions et services. Parfois, on ne faisait ainsi que renforcer les rigidits. On peut se demander en quoi cette prgnance hirarchique peut bloquer le dveloppement de la supply chain. Il suffit pour cela de comparer une organisation militaire une organisation industrielle (figure 1.4). Une arme en ligne de bataille ou qui tient un front est compose dunits lmentaires alignes les unes ct des autres ; les compagnies sont regroupes en bataillons, les bataillons en rgiments et les rgiments en corps darme avec chacun un poste de commandement et donc un chelon de transmission, ce qui permet de faire remonter trs vite une information concernant le front en trois ou quatre tapes de transmission, filtrage et synthse. Les ordres peuvent descendre aussi vite. Lennemi, en face, est organis de la mme faon, et ses structures hirarchiques sont tout fait efficaces 1. Chaque unit tient son secteur et rapporte lchelon immdiatement suprieur.

Ennemi

Achats

Production 1

Production 2 Dir. production

Dir. des ventes

QG

Supply Chain Direction gnrale Management ?

Direction financire Direction du personnel

Figure 1.4 Organisation militaire et organisation industrielle.

1. Tout cela est peut-tre en train dvoluer trs vite, dabord parce quil ny a plus toujours de lignes de front, ensuite et surtout depuis que la numrisation de lensemble des informations et la connexion des rseaux permettent des organisations trs diffrentes, dont larme amricaine est le prototype avec une volution trs rcente dont on na peut-tre pas encore mesur la porte stratgique et tactique, y compris en logistique.

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1 Logistique et supply chain

1.2 Le paradigme de la supply chain

Comme laurait un jour dclar le clbre industriel japonais Matsushita Herv Serieyx, Vos structures sont hirarchiques mais le pire est que vos ttes le sont aussi . Il suffit pour sen convaincre de relire ce qui a t longtemps le brviaire des dirigeants issus des grands corps de ltat, le clbre Administration industrielle et gnrale de Henri Fayol, qui dcrit lentreprise industrielle comme un arbre : Au point de vue du dveloppement, sur la jeune tige unique de larbre, prennent naissance des branches qui se ramifient et se couvrent de feuilles. Et la sve porte la vie dans toutes les branches et jusque dans les rameaux les plus tnus, comme lordre suprieur porte lactivit jusquaux extrmits les plus infimes et les plus lointaines du corps social (Fayol, 1934). Il est trs significatif que l ordre suprieur porte lactivit jusqu ceux qui sont considrs comme les extrmits les plus infimes du corps social , ce qui nest gure encourageant pour eux. Ce sont cependant eux qui font avancer les produits tout au long de la supply chain et ce nest pas lordre suprieur mais les appels des clients, les horaires des camions, les programmes de chaque machine, les messages dEDI qui font avancer la production pour livrer sans retard, ce mal autrefois endmique des entreprises franaises. On notera que cette approche transverse de lentreprise est trs voisine des mthodes de ringnierie par processus dune part et des mthodes comptables ABC/ABM dautre part qui ont des objectifs voisins. Ce rapprochement nest pas fortuit et cest une nouvelle forme de management qui sesquisse ainsi au sein dune discipline que lon peut continuer appeler logistique mais qui senrichira progressivement de ces diffrents aspects de management. Dune part, lexpression supply chain na plus le sens dune simple description des processus mais reprsente aussi lensemble des moyens concerns par ces processus ; dautre part, les flux concerns ne sont plus seulement les flux de matires et marchandises mais aussi les flux dinformation et financiers relatifs ces flux de marchandises. Il en rsulte que le pilotage de la supply chain nest plus un simple ajustement des quantits et des plannings pour devenir une activit stratgique dorganisation du pilotage gnral de lentreprise et de ses relations avec ses partenaires.

Les facteurs de dveloppement de lapproche par la supply chainDsormais tous les cours de management industriel en Amrique du Nord consacrent beaucoup de temps aux problmes du management de la supply chain. De nouvelles formations la logistique et au management de la supply chain se crent chaque anne en France, non parfois sans une certaine ambigut sur leurs contenus. On pourrait se demander sil sagit l dune nouvelle mode managriale comme on en a dj connue, comme le juste--temps ou11

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Nous avons construit nos entreprises sur le mme modle et il est vrai quil prsente des avantages : responsabilisation des cadres, gestion simplifie du personnel, etc. Il a suffi dattribuer chaque direction ou service des indicateurs financiers et de juger chacun des responsables sur ses rsultats pour en raliser une modernisation apparente. Et pourtant cela ne peut pas marcher. La raison est simple : en face de chaque unit, il ny a pas une unit de larme ennemie. Il ny a rien. Chaque service reoit ses informations et ses produits dun service voisin et transmet les unes et les autres un service voisin. Il ny a rien de frontal : tout est transverse.

A

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1.2 Le paradigme de la supply chain

la Qualit. On peut donc sinterroger lgitimement sur ce qui explique le succs des concepts issus de la supply chain dans le management moderne. Il y a tout dabord le dveloppement de lintgration de linformatique et des tlcommunications lintrieur des entreprises (ERP et APS par exemple), et lextrieur (EDI, XML). Il est dsormais possible de faire communiquer fichiers et applications et la tentation est grande de raliser ce qui devient possible techniquement des cots acceptables. Il nest que de lire des journaux spcialiss ou de participer des manifestations dinformation pour constater que les vendeurs de progiciels et ceux qui assistent les entreprises dans leur mise en place, les socits de conseil, jouent un rle essentiel dans la promotion des concepts de la supply chain. On pourrait refaire lhistorique des concepts de la supply chain en suivant le dveloppement de nouveaux progiciels et des concepts qui vont avec : MRP, DRP, EDI par serveurs, SCM, ERP, Internet, etc. Cest dailleurs une des caractristiques de notre poque industrielle quune grande partie de lexprience du management industriel et gnral se diffuse travers des progiciels, vritables accumulateurs dexprience. Il y a aussi le contexte des relations naturellement tendues entre producteurs et distributeurs pour le B2C et producteurs et fournisseurs pour le B2B. Il existe dans ces relations des trends de longue dure tels que la concentration progressive de la grande distribution. Le chapitre consacr la logistique de la distribution sefforce de montrer comment les relations logistiques entre les uns et les autres rsultent de rapports de force qui voluent avec le temps. Or le dveloppement des nouvelles formes de collaboration entre entreprises qui accompagne la prise en compte des concepts de la supply chain nest pas indpendant des volutions de lorganisation conomique gnrale. Ce nest pas un hasard si les expriences les plus significatives de lECR ont t menes entre fabricants internationaux de produits incontournables et de grands distributeurs. Ce nest pas non plus un hasard si les nouveaux rapports entre assembleurs et quipementiers se sont dvelopps dans lautomobile dans un contexte particulier de concurrence exacerbe et dvolution rapide des mthodes de management de la production. Un dernier contexte intresse plus le logisticien : cest celui de lvolution de la logistique elle-mme. On pourrait penser que la logistique est une science ancienne aux mthodes bien analyses et diffuses. notre avis, il nen est rien. Lhistoire de la logistique militaire, la plus ancienne, montre quelle a continu de balbutier jusquau milieu du XXe sicle. La logistique civile nest pas beaucoup plus avance. Sur le plan thorique, lhistoire de la logistique est celle dune suite dapproximations successives aux bases logiques trs incertaines, que lon pense la gestion des stocks ou la tarification des transports Quant la pratique, lexprience quotidienne montre que les expressions extatiques de satisfaction de nombreux managers logistiques quant leurs rsultats, ne correspondent pas souvent la ralit du terrain et sont plus du domaine de la publicit dimage de firme. Nous avons cependant la chance de vivre une priode de progrs rapide autant dans la recherche logistique encore balbutiante que dans les volutions concrtes. Le concept de supply chain et, plus encore, celui de rseau valeur ajoute qui en est le dveloppement plus logique, vont se rvler des outils essentiels danalyse et dorganisation.12

1 Logistique et supply chain

1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajouteLe concept de supply chain, aussi efficace soit-il sur le plan pratique, ne permet pas dassurer une reprsentation pertinente des flux de marchandises : mme sil existe un seul fabricant dun produit, il existe le plus souvent plusieurs distributeurs et chaque distributeur a plusieurs surfaces de vente si bien que la chane logistique est alors une arborescence ; il existe le plus souvent partir dune entreprise plusieurs circuits de distribution pour un mme produit ou pour des produits diffrents : grande distribution, circuits classiques grossistes-dtaillants, VPC, etc. Chacun de ces circuits reprsente une supply chain dont beaucoup dlments sont communs, par exemple ceux de production ; physiquement, lentreprise peut livrer partir de plusieurs entrepts ; elle peut livrer tantt un entrept ou une plate-forme de distributeur et tantt une surface de vente directement, voire le consommateur directement en vente par correspondance ou travers le e-commerce. En ralit, la supply chain nest pas une chane mais un graphe orient dont chaque arte reprsente un flux, cest--dire un dplacement de produit, et chaque sommet une tape entre plusieurs flux et, ventuellement, un stockage. On distinguera donc par la suite deux sortes de sommets : les entrepts, points daccumulation de produits o ceux-ci sont stocks en plus ou moins grande quantit et pour une dure plus ou moins longue ; les plates-formes, dites parfois plates-formes de transit, o les produits ne sont pas stocks mais passent seulement pour aller dun flux un autre avec parfois un simple transit et parfois un regroupement ; lon parle alors de crossdocking. Il existe bien entendu toutes les situations intermdiaires et il peut arriver que la dure de sjour dune marchandise en entrept ne soit que de quelques jours ou quelques heures si celui-ci est gr en juste--temps alors que sur une plate-forme de distributeur par exemple, il peut y avoir en permanence quelques jours de consommation. Aussi est-il prfrable danalyser lensemble de ces circuits sous forme de rseaux et, depuis quelque temps, a-t-on tendance parler de rseaux valeur ajoute par rfrence la valeur quapporte au produit le passage par chaque point du rseau. On verra dailleurs que les mthodes danalyse de supply chain les reprsentent le plus souvent sous forme de rseaux. Dautre part, le dveloppement des entreprises virtuelles conduit prendre de plus en plus en considration des rseaux dentreprise et cette approche tend se renforcer travers le dveloppement des rseaux dentreprise internet quil sagisse par exemple des places de march du B2B, ou des galeries marchandes ou Fourth Party Logistics du B2C. Certaines dfinitions de la supply chain ne retiennent plus que cet aspect. Ainsi Lisa M. Ellram (cite par Halley, 2000) dfinit la supply chain comme un rseau dentreprises en interaction dont lobjectif est de livrer un produit ou un service lutilisateur final, en intgrant les flux partir des matires premires jusqu la livraison du produit fini . Laccent nest plus mis sur lentreprise, ses fournisseurs et ses clients mais sur un rseau dentreprises.13

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1 Logistique et supply chain

1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

Cest donc partir de ces concepts que nous nous efforcerons de prsenter la faon dont on peut le mieux analyser et piloter des flux logistiques, mme si nous continuerons dutiliser lexpression supply chain en lentendant dans ce sens tendu dun rseau.

1.3.1 PrincipeIl est possible de reprsenter lconomie tout entire en termes de flux. Il y a dabord des flux de matires premires et produits de toutes sortes qui vont des champs ou des mines, puits de ptrole, mers, etc., vers des usines, puis dusines en usines, passant par des entrepts travers des moyens de transport et de manutention tels que wagons, camions, chariots lvateurs, etc. ; lintrieur des usines, les produits sont modifis et assembls et les produits finis vont ensuite dentrepts dusines en entrepts ou plates-formes de distributeurs jusquaux grandes surfaces elles-mmes ; le flux ne sarrte pas l car les consommateurs eux-mmes jouent un rle en prlevant ce dont ils ont besoin dans les rayons des supermarchs, poussant leurs caddies jusquaux caisses puis jusqu leur vhicule pour ensuite les transporter jusque chez eux. ct de ces flux de produits, circulent, parfois en sens inverse, des flux dinformations sur papier ou travers les rseaux de tlcommunication : commandes, factures, avis de livraison, feuilles de routes des camions, flux montaires, etc. On peut reprsenter chaque flux lmentaire par une flche qui indique son sens, ce quun mathmaticien appellerait un arc sur un graphe ; aux points de rencontre de plusieurs arcs se trouve ce quon appelle un sommet ou un nud avec des flches qui entrent et des flches qui sortent. Chacun de ces nuds peut tre un entrept o entrent et do sortent des produits ou une usine ou un hypermarch, etc. Lensemble de ces flux constitue un immense rseau qui couvre le monde entier. Voici un extrait dune reprsentation trs simple dun ensemble dentreprises avec des distributeurs (ronds) et des producteurs (carrs) du domaine agroalimentaire (figure 1.5). Ce graphique ne prtend pas reprsenter la gographie mais seulement les flux entre entreprises, chaque flche indique un flux de marchandises. Cet extrait de reprsentation est trs simple si lon considre quune GMS (grande et moyenne surface de vente) peut avoir des centaines de fournisseurs et quon na pas reprsent les clients finaux Dautre part, on sest limit reprsenter des flux de produits mais ces flux de produits ne sont rendus possibles que grce des flux dinformations (propositions, contrats, commandes, bordereaux de livraison, lettres de voiture, etc.) dont la reprsentation serait encore beaucoup plus complexe, et il faudrait encore y rajouter les flux de monnaie, scripturale le plus souvent, avec les intermdiaires obligs que sont les banquiers. La vie conomique est un tissu capillaire dune extrme complexit. Compte tenu de cette complexit des circuits conomiques, pour procder une analyse logistique on est oblig de simplifier en ne retenant quune petite partie de la ralit. On peut pour simplifier, ne reprsenter quune seule entreprise de production avec son fournisseur et ses clients en liminant tout le reste (figure 1.6).14

1 Logistique et supply chain

1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

AHISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

Figure 1.5 Flux de marchandises dans un rseau dentreprises du domaine agroalimentaire.

Figure 1.6 Flux de marchandises, dinformations et de monnaie entre une entreprise de production, ses fournisseurs et ses clients.

Pour obtenir une reprsentation plus significative dun point de vue logistique, il est cependant ncessaire daffiner la reprsentation. La figure 1.7 reprsente, par exemple, des flux de marchandises provenant de deux producteurs et allant vers les surfaces de vente dun distributeur travers la plate-forme rgionale15

1 Logistique et supply chainEntrept Producteur 1

1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

Surface de vente Surface de vente

Usine 1 du Producteur 1 Plate-forme distributeur Usine 2 Producteur 1 Entrept Producteur 2 Surface de vente

Surface de vente

Figure 1.7 Flux de marchandises entre deux producteurs et des surfaces de vente via une plate-forme distributeur.

du distributeur. Les productions de deux usines diffrentes dun des producteurs sont regroupes dans un entrept partir duquel se font les expditions vers les distributeurs. On remarquera quune des surfaces de vente est livre tantt par la plate-forme du distributeur, tantt directement par un des producteurs dont lentrept est proche de cette surface. Bien entendu, ce schma ne reprsente quune toute petite partie des flux rels dun grand distributeur qui dispose de nombreux entrepts rgionaux, ventuellement de ses propres entrepts nationaux ou internationaux, et qui est approvisionn par des milliers de fournisseurs avec leurs entrepts dusine, entrepts de regroupement, plates-formes de leurs transporteurs, etc. On pourrait reprsenter des flches partant de chaque plate-forme de vente et symbolisant les transports assurs par les clients qui emmnent leurs emplettes chez eux dans leurs propres voitures. On pourrait aussi bien reprsenter les flux des fournisseurs des usines qui leur livrent les matires premires et les composants ncessaires. On a distingu jusqu prsent plates-formes o transitent les marchandises et o il ny a pas normalement de stocks et entrepts o lon gre les stocks. Cette distinction est pertinente mais si lon se place dans une optique de flux, il suffit que le dbit des entres de marchandises soit suprieur au dbit des sorties sur un des nuds du rseau quel quil soit, pour que la marchandise saccumule en ce nud et que lon ait alors ce quon appelle un stock jusqu ce que ce stock ait t coul. Cela arrive sur les plates-formes o les marchandises saccumulent parfois plus quon ne le voudrait la suite dune erreur quelconque. On peut donc considrer quil existe chaque nud de graphe un stock rel (entrept) ou virtuel (plate-forme), ce dernier tant un stock que lon sefforce de maintenir un niveau minimum de quelques heures ou quelques jours.

1.3.2 Htrognit des produitsLe principe de supply chain considre que les produits scoulent tout au long de la supply chain depuis les fournisseurs des fournisseurs jusquaux clients16

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1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

des clients . Cependant ce ne sont pas exactement les mmes produits qui scoulent dans les diffrents arcs du rseau. Par exemple, les figures prcdentes pourraient nous faire croire que toutes les flches reprsentant le produit ont la mme signification et traduisent un transfert gographique dun mme bien. Dabord ce nest pas le cas pour une entreprise industrielle.

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Sous-traitants

Usine Vers les distributeurs

Magasin d'usine

Figure 1.8 Distinction des flux selon leur nature entre les intervenants de la chane.

Sur la figure 1.8, on a distingu des flches noires et des flches en pointill. En effet, ce ne sont pas les mmes produits dont le transit est reprsent par ces flches. Les flches en pointill correspondent des envois de matires premires ou composants, tous divers. Les flches noires correspondent des biens fabriqus par lusine et qui intgrent les diffrents composants sous une forme ou sous une autre. Certains composants peuvent ne pas apparatre dans le produit, par exemple llectricit qui a servi produire ces biens et qui a bien t envoye lusine, moins quelle nait ses propres gnrateurs mais dans ce cas, elle recevra du combustible. Les cercles ne dsignent pas de simples stocks : le cercle qui reprsente lusine reprsente des stocks multiples den-cours, des transferts dun lieu lautre dans lusine, des processus de fabrication, etc. Le cercle qui reprsente le magasin dusine peut reprsenter non seulement un stockage avec tout son environnement de rception, prparation, expdition mais aussi des oprations de post-manufacturing : mise sous emballages spciaux pour une promotion, adjonction de modes demploi en diverses langues, etc. Il peut y avoir galement des tempratures ambiantes diffrentes maintenir dans la chane logistique et la solution de porteurs tri-temprature si elle reprsente une solution doptimisation transport attractive gnre en revanche une complexit qui ne pourra tre apprhende que par le recours au concept de familles logistiques. Cette approche permettra dquilibrer les solutions en matire de systmes partags conomes et de systmes spcifiques rpondant des contraintes locales.17

1 Logistique et supply chain

1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

Mme lorsquon reprsente des chanes de distribution, il y a l encore des changements de produits. En effet, un premier producteur envoie par exemple la plate-forme du distributeur des palettes de ses produits. Ces palettes ne sont pas logistiquement la mme chose que les cartons ou mme les articles individuels qui sont expdis aux surfaces de vente aprs regroupement en rolls par exemple. Il faut donc se mfier un peu de ces schmas trs gnraux qui ne correspondent que trs partiellement la ralit du terrain.

1.3.3 Principe darborescenceUn autre aspect important de lorganisation des flux rside dans le principe de double arborescence. Lensemble des flux logistiques constitue au sein de la socit tout entire une sorte de gigantesque graphe. Pour une production particulire cependant, on a vu que, comme sur la figure prcdente, lapprovisionnement des matires premires et composants vers lusine de production constituait une arborescence en remontant depuis lusine vers les sous-traitants de 1 er niveau puis de 2e niveau, etc. De lautre ct de la supply chain, la production sclate sur des entrepts nationaux puis rgionaux du producteur ou des distributeurs puis entre toutes les surfaces de vente, avant dtre clate entre les millions de consommateurs qui vont chacun utiliser le produit. Cest encore une arborescence. Ce schma gnral dune double ou mme de multiples arborescences est un schma universel. On le retrouve aussi bien dans un arbre , le vgtal, dont les racines constituent une premire arborescence qui recueille les substances nutritives, le tronc qui permet de faire monter la sve, les branches matresses qui se dcomposent progressivement en plus petites branches puis en rameaux et feuilles o se ralise la photosynthse. On en retrouve une version diffrente avec les grands rseaux ncessaires aux agglomrations humaines. Ainsi un rseau de tlcommunication est constitu de ce quon appelle la boucle locale , multiples paires de fils, de cuivre le plus souvent, allant depuis chaque abonn jusqu un rpartiteur ; puis les paires se regroupent dans des cbles progressivement de plus en plus gros pour relier les abonns des commutateurs ou des routeurs. Des cbles, le plus souvent en fibre optique grandes capacits, relient les commutateurs et les routeurs et lon obtient ainsi de multiples arborescences relies entre elles par des canaux grande capacit comme des sortes de rhizomes. Chaque fois que lon a une structure de transport de ce type, on constate que, comme pour toute structure hirarchique, le nombre de branches crot de faon gomtrique au fur et mesure que lon descend larborescence avec une consquence importante : pour les artres de grande capacit qui relient entre elles les arborescences, les cots de transport sont faibles pour chaque produit car ils sont partags en un grand nombre de produits ; plus lon se rapproche du consommateur final, plus le cot du transport augmente car les quantits transportes sur chaque trajet particulier sont de plus en plus petites et les transports de moins en moins frquents : il en rsulte un cot de distribution de plus en plus important. La consquence en est que le cot du dernier kilomtre de la distribution, celui qui est support par le18

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1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

1.3.4 Le concept de valeur ajouteLanalyse de la valeur est une technique dj ancienne puisquelle fut dveloppe pendant la deuxime guerre mondiale par Larry D. Miles de General Electric. Il sagissait alors dtudier si dans les conditions du temps de guerre, on ne pouvait pas remplacer des composants dun produit par dautres moins rares ou moins coteux. Par la suite, lanalyse de la valeur est devenue une technique classique de rduction des cots qui consiste examiner en dtail tous les composants susceptibles dtre modifis, standardiss ou fabriqus moindre frais. On recommande gnralement ce type danalyse aux acheteurs qui doivent, pour un produit achet en grande quantit : dterminer quelles sont les fonctions de ce produit ; chercher si certaines caractristiques actuelles de ce produit ne sont pas indispensables ; se demander si les spcifications retenues ne sont pas trop leves ; chercher des substituts moins onreux ; voir si on ne peut pas standardiser ce produit pour lutiliser dans un plus grand nombre de cas et donc rduire son prix de revient, dacquisition et dutilisation ; en dfinitive, remplacer ce produit par un autre qui remplira les mmes fonctions un moindre cot. Lexemple classique est celui des bouchons de rservoir des automobiles raliss en acier avec plusieurs composants et que lon a souvent remplacs par une pice en plastique beaucoup moins chre avec moins de composants. Dans labsolu, on devrait pouvoir dterminer la valeur ajoute par un composant un produit et comparer son cot cette valeur. Lanalyse de la valeur doit pouvoir sappliquer la chane logistique. Toute opration de la chane logistique doit apporter de la valeur et lon doit en permanence rechercher si lon ne peut pas obtenir la mme valeur un moindre cot. Par exemple, un transport permet au consommateur de disposer dun produit fabriqu loin de l. Ce transport a un cot et lon peut se demander si lon na pas intrt rduire ce cot en produisant plus prs du consommateur si le march, les conditions de production et les cots de transport des produits de base et composants permettent dobtenir un rsultat positif. La difficult est que lon connat le plus souvent les cots de chacune des oprations et encore pas toujours mais quil est beaucoup plus difficile de dterminer la valeur ajoute. Cest cependant une recherche indispensable, mais lon doit prendre garde quune conomie sur un maillon de la chane peut entraner une augmentation sur un autre. Ceci nest pas toujours dfavorable.19

HISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

consommateur final avec son propre vhicule ou son panier provision, est le cot logistique le plus important. De mme quen tlcommunication la boucle locale est la partie la plus coteuse dun rseau, de mme en logistique de marchandises, la croissance gomtrique des branches fait que le dernier kilomtre est la partie la plus coteuse de la distribution et nous devrons tenir compte de ce phnomne en tudiant les grandes volutions de la logistique de distribution sous la pression dInternet et du e-business.

A

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1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

Par exemple, le dveloppement de la grande distribution a diminu de faon trs importante les cots des PGC (produits de grande consommation), mais elle oblige les consommateurs se rendre avec leur propre vhicule dans les surfaces de vente, raliser le picking, puis le transport jusqu leur rsidence (en passant par les caisses), ce quils navaient pas faire avec le systme des piceries de quartier. Cette contribution lamortissement de leur vhicule est un facteur psychologique important pour chacun dentre eux. Une partie importante des dveloppements trs actuels de la logistique consiste tenter de mesurer les conomies possibles sur lensemble de la supply chain au prix dune augmentation plus faible des cots sur une partie de la chane. Cest un des objectifs de lECR qui suppose une collaboration entre tous les participants la supply chain pour tudier ces amliorations possibles et bien entendu dterminer qui supportera les nouveaux cots et qui profitera, et dans quelle mesure, des gains.

1.3.5 Les trois niveaux dextensionOn a vu le principe de modularit de la supply chain qui permet deffectuer les analyses diffrents niveaux. Il en est de mme de nimporte quel rseau et lon connat bien les chelles en cartographie en fonction desquelles on reprsente avec plus ou moins de dtail chaque lment dun plan. On a vu avec les problmes de valeurs ajoutes et de cots sur les diffrents maillons dune chane que lon ne pouvait tudier son conomie sur une simple portion. Il est en effet vident que lorsquon tudie un phnomne, quel quil soit, sous langle des flux, on a tendance tendre le champ de ltude bien au-del des objectifs initiaux. Les militaires ont dcouvert ce phnomne au e XVIII sicle lorsque les premiers thoriciens ont commenc tudier lart de la guerre comme une science des flux sur le terrain : flux de troupes, de vivres, de munitions, etc. Le caractre un peu abusif de la rduction de la stratgie lart du ravitaillement des troupes, et lexprience nouvelle des campagnes napoloniennes ont conduit D. H. von Blow faire voluer ces analyses autour du concept de bases , passant ainsi des flux aux stocks ce qui ntait dailleurs quun simple changement de point de vue, pour revenir ensuite avec le baron de Jomini, linventeur du mot logistique , au concept de lignes intrieures qui, comme le lui reproche Clausewitz, nest quune approche gomtrique et non vritablement stratgique. Limportant est que cette approche de lart de la guerre travers lanalyse des flux conduisait le nouveau concept de logistique absorber stratgie et tactique. Il en est de mme aujourdhui dans les entreprises et il est donc important de bien voir quel niveau on se situe chaque phase danalyse.

Le service fonctionnelIl est possible de faire des zooms sur une partie du rseau. L o une usine nest reprsente que par un nud du graphe avec en entre des composants et en sortie des produits finis, il est possible de reprsenter les diffrents magasins et lignes de production de lusine avec leurs flux internes de matires premires, composants et en-cours. On pourrait de la mme faon faire un zoom sur un supermarch pour montrer les divers rayons et arrires magasins, analyser les flux de produits des quais de dchargement aux arrires maga20

1 Logistique et supply chain

1.3 Flux de produits et rseaux valeur ajoute

sins puis aux linaires et enfin des linaires aux caisses dans les caddies des clients et enfin aux parkings. Les spcialistes de la grande distribution analysent dailleurs aussi les flux de consommateurs lintrieur de la surface de vente pour les mesurer, les rorienter ou dterminer les emplacements optimaux des produits. On pourrait dire que la logistique est ltude de tous ces flux, mais il faut prendre garde quun tel concept aurait tendance absorber peu peu toutes les activits humaines et toute lconomie, ce qui est un peu trop pour une discipline

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LentrepriseLentreprise est par dfinition un triple rseau de produits, dinformations et de monnaie. Les flux de monnaie sont retranscrits par la comptabilit ; les flux dinformations sorganisent de plus en plus travers son systme informatique, en outre de la communication orale toujours essentielle et des flux de papiers encore importants ; les flux de matires et de produits sont ce quils sont, mais leur organisation navait peut-tre pas donn lieu jusqu prsent une approche mthodique avec la mme rigueur que les deux catgories prcdentes. Les travaux de Forrester ont commenc permettre la modlisation de ces diffrents types de flux et les techniques de gestion de production ont ouvert la voie aux approches intgres actuelles. Il nest cependant pas si simple de rationaliser les flux des produits au sein dune mme entreprise et cest peut-tre le premier acquis du concept de supply chain de faciliter une approche rationnelle de lanalyse des flux au sein de lentreprise, indpendamment des frontires de directions et de services. Les concepts de flux de produits et de rseaux valeur ajoute permettent donc de constituer une mthodologie dintgration pour lanalyse de tous les processus transverses dont lamlioration mobilise actuellement une partie importante des cadres des grandes entreprises.

Le rseau dentreprisesLanalyse du rseau na aucune raison de sarrter la porte dune entreprise. Les entreprises qui participent la satisfaction des consommateurs sont multiples. Chacune dentre elles apporte sa valeur ajoute et rpercute sur les produits tout ou partie de ses charges, dgageant en outre un ventuel bnfice selon la logique des ngociations commerciales entre les unes et les autres sur chacun des marchs. Rien ninterdit de poursuivre lanalyse dune entreprise lautre. Mais ce qui est possible pour lconomiste, lest aussi pour lentrepreneur et lon peut penser engager la ngociation commerciale sur une approche plus globale qui prend en compte lensemble du processus, valuant les conomies possibles sur chaque maillon de la chane logistique, sachant quun supplment de cot pour lun peut tre lorigine dconomies importantes pour lautre. Cest un des points forts de lanalyse par supply chain interentreprises que de rechercher une nouvelle organisation plus conomique et donc profitable tous, y compris au consommateur final, en organisant la rpartition au mieux des profits raliss. On quitte alors le domaine des relations commerciales classiques pour entrer dans de nouveaux modes de collaboration entre entreprises, modes qui ont donn lieu de nombreux dveloppements au cours de ces dernires annes.21

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1.4 Techniques danalyse des flux de produits

La difficult est dorganiser cette collaboration et lon voit se dvelopper de nouvelles organisations conomiques aptes prendre en charge cette nouvelle approche globale de la supply chain : nouvelles relations sous-traitants-assembleurs, dans lindustrie automobile par exemple ; collaborations entre producteurs et distributeurs sous divers noms et diffrentes formes, souvent voques sous le nom dECR et lon verra ce quil faut entendre par l ; nouvelle conomie des places de march internet avec de nouvelles formes de collaboration plus ou moins troites entre entreprises traditionnelles (brick and mortars), nouveaux venus sur le march (pure players), entreprises informatiques et de tlcommunications, et aussi entreprises logistiques plus ou moins engages dans ces collaborations (third party logistics et fourth party logistics) ; entreprises virtuelles , celles qui veulent matriser lensemble de la chane logistique en ne gardant en pleine proprit que ce qui est ncessaire au marketing et au pilotage, en ngociant les fonctions opratoires (production, distribution, transport, entreposage, etc.) sur des bases contractuelles ou plus souvent de partenariats moyen terme.

1.4 Techniques danalyse des flux de produitsLanalyse des flux de produits est toujours la premire tape dune tude de supply chain. Elle est indispensable et doit permettre ensuite de dterminer la situation actuelle avec : les flux de produits de toutes sortes : composants, produits de base, produits semi-finis, produits finis, etc. ; les stocks et plates-formes ou plus gnralement les points daccumulation de marchandises dans lentreprise et tout au long de la supply chain ; les dlais de chaque tape ; les flux dinformations correspondant aux flux de produits ; les cots ; les processus de rgulation tout au long de la chane ; les dysfonctionnements observs. Malheureusement peu de logisticiens sont forms ces tudes de flux. Les descriptions que lon trouve dans les entreprises des lments prcdents sont trs souvent incompltes, voire errones, et trs pauvres : une grande partie des informations restent informules et chacun des participants nen possde quune petite part, plus ou moins exacte et ne permettant aucune synthse. Des tentatives de description par des stagiaires ou des agents de lentreprise travaillant sans mthodes sont rarement trs utiles. Les savoir-faire en ce domaine sont souvent limits quelques logisticiens qui ont eu loccasion de participer de telles tudes dans une autre entreprise, des informaticiens bien forcs de mettre plat lorganisation quils doivent paramtrer dans des logiciels ou des consultants spcialiss.22

1 Logistique et supply chain

1.4 Techniques danalyse des flux de produits

On prsentera donc ici les bases de la mthode SCOR du Supply Chain Council qui a lavantage de prsenter un cadre danalyse que lon peut combiner avec les mthodes classiques danalyse dinformations des organisateurs et informaticiens (voir 1.4.3).

1.4.1 Reprsentations gographiquesLa reprsentation gographique des flux de marchandise est la plus naturelle car elle consiste reprsenter sur une carte gographique les lieux de stockage ou plates-formes entre lesquels les flux de marchandises vont donner lieu transport. Voici un exemple tir dune prsentation de la mthode SCOR, mthode danalyse et de reprsentation de supply chain propose par le Supply Chain Council. Cette prsentation gographique (figure 1.9) nappartient pas vraiment la mthode mais elle prcde la reprsentation de la chane sous une autre forme.

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ACME Taiwan (D3)

Producteur de portables (S1,M1,D1) Distributeur de portables (S1,D1) Semi-conducteur Distributeur (S1,D2) Production de micros (S1,M1,D2) Centre de distribution de micros (D1) Production (S1, M1) Dtaillants de micros (S1,D1)

Dtaillants de portables (S1,D1)

Fabricant de semi-conducteurs (S1,M2,D2)

Centre de distribution d'Amrique du Nord (D1)

Figure 1.9 Exemple de reprsentation gographique des flux de marchandise (supply chain dACME, exemple prsent par SCOR 2001 Supply Chain Council).

Ces reprsentations gographiques ont une grande utilit logistique. Une part importante de linformatique logistique est compose de bases de donnes sur les routes qui permettent de dterminer des itinraires en fonction de paramtres et den valuer la distance, le temps ncessaire les parcourir, le cot du transport, etc. De mme, il existe des programmes pour dterminer sur la23

1 Logistique et supply chain

1.4 Techniques danalyse des flux de produits

carte lendroit le plus judicieux pour localiser un entrept avec des mthodes de barycentre ou de programmation linaire en fonction des transports assurer partir et destination de ces entrepts. Bien entendu, comme toujours en matire de cartographie, lchelle de la reprsentation gographique commande la prcision de la reprsentation des flux : on choisira une tout autre chelle gographique pour reprsenter les flux lintrieur dune usine.

1.4.2 Reprsentations symboliquesUne reprsentation symbolique des flux est comparable une reprsentation gographique puisquelle peut, par exemple, permettre de reprsenter les lieux de stockage et plates-formes sous laspect de sommets dun graphe dont les artes reprsentent les flux et donc les transports entre les lieux de stockage et les plates-formes. La diffrence est que lemplacement de chaque sommet na aucune correspondance gographique et que la longueur des artes est sans rapport avec la distance des trajets. Sur le graphique de gauche de la figure 1.10, on a reprsent la carte de France et lemplacement de deux magasins dusine ainsi que sept magasins rgionaux de distribution. Les trajets entre les uns et les autres nont pu tre reprsents exactement compte tenu de lchelle de la carte ; ils indiquent cependant la direction gnrale des trajets et lordre de grandeur des distances. Sur le graphique de droite, les mmes entrepts et les mmes flux sont reprsents mais sans localisation avec seulement lanalyse des trajets prvus entre les uns et les autres. On va voir que la logistique utilise beaucoup de reprsentations schmatiques de cette sorte, comme toutes les sciences qui sintressent aux flux.

Reprsentation gographique des flux

Reprsentation schmatique des flux

Magasins rgionaux Usines

Figure 1.10 Reprsentations gographique et schmatique des flux. 24

1 Logistique et supply chain

1.4 Techniques danalyse des flux de produits

De la mme faon, voici la reprsentation en utilisant la mthode SCOR de la supply chain de lentreprise ACME (figure 1.11) dont nous avons vu la reprsentation gographique au paragraphe prcdent. Un tel graphe, avec ses flches successives, est trs proche des graphes utiliss pour les analyses de processus, et ce nest pas une simple concidence.

AP1 D3ACME Taiwan

P1

P2

P3

P4

P2

P4

P2

D2Fabricant de semiconducteurs

S1

D2

S1

M1

D1

S1

D1Distributeur de portables

S1Dtaillants de portables

D1

Distributeur de semiconducteurs

ACME ACME ACME Production Production Distribution de portables de portables de portables

Fournisseur des fournisseurs

Fournisseurs

ACME

Clients

Clients des clients

Figure 1.11 Exemple de reprsentation schmatique des flux ( 2001 Supply Chain Council).

Chacune des flches reprsente une opration dont la nature est dtermine par son sigle. On reconnat dans chaque flche les quatre processus types : Source (S) ou approvisionner , Make (M) ou fabriquer , Deliver (D) ou distribuer, envoyer et Plan (P) ou planifier, piloter . Le numro qui suit, par exemple 2 dans D2, prcise seulement la nature plus particulire du processus : ainsi D2 = Livraison pour une commande particulire par opposition D1 qui est une Livraison sur stock . Les flches de type P (planifier ou piloter) sont relatives des flches de niveau infrieur et expriment le pilotage des actions du niveau infrieur. La mthode dveloppe ensuite des conventions beaucoup plus dtailles pour analyser avec plus de dtail chacune des oprations. Une telle reprsentation est dj plus abstraite que la reprsentation prcdente des flux entre usines et entrepts. Elle sapparente aux diffrentes mthodes de reprsentation de processus que lon trouve dans beaucoup dentreprises, avec cependant une spcialisation sur la reprsentation des flux de produits par opposition, par exemple, aux conventions utilises par les informaticiens ou automaticiens pour reprsenter des flux dinformations ou des relations entre concepts (diagrammes entits-associations par exemple). La notion de fil (thread) mrite dtre prcise. En effet, un rseau nest pas une simple chane. Comme on la vu, plusieurs modes de distribution25

HISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

1 Logistique et supply chain

1.4 Techniques danalyse des flux de produits

peuvent exister pour un mme produit avec des parties diffrentes de la chane logistique. Le fil est alors la description complte de lun des processus lintrieur du rseau, description qui permet de sassurer que la description que lon donne de chaque processus est bien cohrente et exhaustive.

1.4.3 Informatique et reprsentation du rseau de lentrepriseLe pilotage des flux et des stocks de lentreprise exige que lon dispose de reprsentations cohrentes de tous les flux et de tous les stocks selon les diffrents axes et aux diffrentes chelles ncessaires pour ces pilotages. Cest en principe lobjectif des ERP dintgrer toutes ces reprsentations ncessaires. En ralit, les ERP sont le produit de lhistoire et de la ncessit. La plupart dentre eux se sont construits autour dune base de donnes comptables interface avec un certain nombre dapplications de gestion. Or la comptabilit est dabord un systme de reprsentation des flux et des stocks reposant sur des principes de base, la partie double par exemple, un plan comptable et des schmas dimputation des comptes : une sortie de stock vers un chantier est traduite en comptabilit par des critures qui transcrivent une partie des caractristiques de lopration : date, article, quantit, prix unitaire, compte de stock, compte de destination, n de chantier, etc. Dautres caractristiques ne sont pas retranscrites par la comptabilit : heure, poids, emplacement en magasin, transport, etc. Dautres applications de gestion de magasin, gestion de production, gestion des transports, etc. viennent donc assurer dautres reprsentations de ces mmes oprations du rseau financier et rel de lentreprise. On a tendance les intgrer progressivement dans des systmes informatiques de management de la supply chain (SCM) ou dans des modules dERP. Il va de soi quon est loin dune intgration conceptuelle complte des reprsentations de lentreprise, ce qui est peut-tre utopique, et mme souvent dune simple cohrence. La comptabilit, mme si les comptables naiment pas le dire, est souvent une reprsentation biaise des flux de lentreprise. Sans entrer dans les dlicats problmes durbanisme informatique des grandes entreprises, qui seront abords dans le chapitre consacr linformatique logistique, on peut noter tout de suite quil existe deux mtiers ou deux groupes de mtiers de la logistique : des mtiers de gestionnaire des flux, et stocks, en utilisant les outils informatiques disponibles ; des mtiers d analystes logistiques mi-chemin de linformatique et de la logistique, qui consistent btir progressivement puis ramnager en permanence la reprsentation des rseaux de lentreprise. De plus en plus souvent, on voit des informaticiens devenir logisticiens, et, peuttre plus souvent encore, linverse. Il nest pas rare de trouver des directeurs de la performance des flux et des systmes dinformation. Cest la reconnaissance dune double comptence et appartenance au mtier de logisticien et darchitecte des systmes dinformation qui soutiennent les flux physiques. Les problmes de reprsentation de concepts, densembles ou fichiers et de mouvements sont dune grande difficult : quiconque a tent de reprsenter un26

1 Logistique et supply chain

1.5 Urbanismes logistiques

secteur dentreprise en diagrammes entits-associations , par exemple, en connat la complexit. Les relations quotidiennes entre logisticiens, informaticiens et comptables sont trs souvent difficiles. Jusqu prsent les concepteurs dERP et de SCM ont t dune grande timidit, se contentant de connecter peu peu par des interfaces des applications prouves puis de fusionner des fichiers au sein de bases de donnes. Le temps est dsormais venu de concevoir des reprsentations plus intgres. Il y a l un gigantesque domaine de recherche, encore une fois transverse, auquel luniversit devrait sintresser

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1.5 Urbanismes logistiquesOn utilise lexpression urbanismes pour dsigner les agencements possibles des flux de marchandises et de leurs points de regroupement et de traitement (usines, entrepts, plates-formes, GMS, etc.) de la mme faon que les informaticiens parlent d urbanisme informatique pour dsigner lagencement quils proposent des fichiers et des flux dinformations 1. Bien entendu, lorganisation gnrale des entreprises, et particulirement des entreprises industrielles, ne rpond pas seulement des contraintes logistiques. De nombreux facteurs concourent aux choix durbanisme industriel : capacits de production, productivit machine et productivit homme, cots de la main duvre, rgimes fiscaux, etc. Mais outre que ces choix rsultent aussi de paramtres logistiques (distances de la clientle et des fournisseurs, poids des produits, cots de stockage, etc.), les diffrentes configurations qui en rsultent constituent une typologie que le logisticien ne peut ignorer. Le rseau conomique des flux de produits est dune extrme complexit. Toutes sortes dentreprises de production, distribution, transport ou soutien y participent dans un enchevtrement quasi inextricable dateliers, entrepts et plates-formes, flottes de camions, surfaces de vente et domiciles des consommateurs. Cependant chacun des participants ce rseau nest intress que par une faible partie des flux, ceux des produits quil fabrique, quil utilise, quil transporte, quil distribue ou quil consomme. Il peut tre intressant danalyser les caractristiques principales de ces diffrents points de vue : manufacturier, distributeur, entreprise de services et, titre dexemple type, ensembliers automobiles. On nabordera pas ici les techniques durbanisme logistique qui sont lobjet du chapitre 18 sur les schmas directeurs logistiques. Les principes en sont simples mme si leur mise en uvre peut tre trs complexe et faire appel des moyens sophistiqus. La rduction des cots globaux de la ou des supply chain reste souvent le premier objectif, dont la poursuite suppose ce que les Amricains appellent des trade off, expression que lon peut approcher en traduction par compromis . Il sagit darbitrer limportance dune variable dcisionnelle dont la croissance entrane des effets parallles simultans daugmentation et de rduction des cots et pour lesquels il doit y avoir normalement un optimum.

1. ct de cet urbanisme logistique au sens large, il existe dailleurs une logistique urbaine qui nest pas sans intrt : dtermination des emplacements des GMS en priphrie, approvisionnement des magasins urbains et des boutiques de proximit, ventuellement partir de plates-formes et de camionnettes de livraison spcialises dans les tournes en centre-ville, etc. Ce nest cependant pas ce que nous entendons ici puisquil sagit de lorganisation des flux rels dans les entreprises.

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1 Logistique et supply chain

1.5 Urbanismes logistiques

1.5.1 Le point de vue des manufacturiersLarbre symbolique des entreprises industrielles site de production uniqueLa supply chain classique est dvidence laffaire des fabricants. Le Supply Chain Council (SCC) aux tats-Unis est constitu dabord des principaux manufacturiers, et ce sont les crateurs de progiciels gnraux pour les entreprises de production qui ont assur la promotion du concept. Les ERP (ou supply chain management system) peuvent tre considrs comme le regroupement de systmes de gestion de MRP et de DRP. Ce sont dailleurs les fabricants qui les premiers se sont efforcs de matriser lensemble du rseau ncessaire la fabrication et la distribution de leurs produits comme le traduit la dfinition classique de la supply chain par le SCC : Suite des tapes de production et distribution dun produit depuis les fournisseurs des fournisseurs du producteur jusquaux clients de ses clients . On a vu que, autour des usines, le rseau des produits amont (produits de base et composants) et aval (produits finis) constituait une double arborescence : larborescence amont des fournisseurs de 1 er rang, puis de 2e rang, etc. ; en sens inverse de la prcdente, larborescence aval des entrepts rgionaux du fabricant, sil en dispose en plus dun entrept dusine, et les platesformes et entrepts de ses transporteurs et distributeurs jusquaux GMS et consommateurs finals. On peut la schmatiser sous forme dun arbre comme sur la figure 1.12. Les racines en constituent larborescence amont, le tronc reprsente lusine, les branches les flux de distribution jusquaux consommateurs reprsents par le feuillage. Une telle reprsentation est nettement plus approprie quune chane pour montrer ce quest le double rseau de ses fournisseurs et de ses clients pour un manufacturier.

Distribution Surfaces de vente Plates-formes Grands distributeurs

Production

Approvisionnement Fournisseurs de 1er rang Fournisseurs de 2e rang

Figure 1.12 Larbre logistique. 28

1 Logistique et supply chain

1.5 Urbanismes logistiques

Les entreprises de production multi-sitesLa plupart des entreprises manufacturires ont cependant plusieurs sites de production, selon plusieurs configurations possibles. Il peut y avoir dans un mme pays des sites diffrents : pour tenir compte de la rpartition gographique des produits de base qui servent la fabrication ; cest le cas particulirement des usines de produits agroalimentaires qui ont tendance stablir proximit dans les zones de production : usines de produits laitiers dans les zones dlevage proximit de coopratives de production, conserveries prs des ports de pche ou dans les zones de production de fruits ou de lgumes, etc. ; pour tenir compte de la rpartition gographique de la clientle lorsque la nature et la valeur du produit exigent de rduire les cots de transport ou den rduire la dure : par exemple les usines de cartonnage se rpartissent sur tout le territoire moins de deux ou trois centaines de km de leurs entreprises clientes. La valeur au kg des produits peut tre un bon discriminant en ce domaine. On verra le cas des quipementiers automobiles qui tendent tablir chaque usine proximit dun ensemblier qui en constitue alors le client principal ; pour fabriquer des produits diffrents avec une spcialisation des usines permettant dobtenir une meilleure productivit et donc des prix de revient plus faibles que dans des usines multi-produits. Le rseau qui en rsulte devient naturellement plus complexe que dans le cas prcdent de lentreprise industrielle site de production unique. La figure 1.10 donne un exemple dapprovisionnement de magasins rgionaux en France partir de deux usines, montrant la multiplication des transports dans une telle situation. Un tel modle a cependant tendance voluer avec le temps : Le modle change peu lorsque les usines sont positionnes proximit des zones de consommation. La partie aval de chaque usine constitue une branche de la supply chain aval du groupe. Il peut y avoir de la part des fournisseurs de 1er rang des flux croiss car diffrentes usines peuvent avoir les mmes fournisseurs avec les avantages de rduction des prix dachat que lon peut en attendre. Assez souvent un groupe industriel rsulte de labsorption de plusieurs entreprises diffrentes qui continuent dexercer leur activit selon le mme schma logistique avec une coordination seulement financire ou de marketing. Chaque entreprise conserve alors sa supply chain et les coordinations techniques et logistiques ne se ralisent que trs lentement : comparaisons des productivits et des mthodes au sein de groupes de travail, lancement de produits communs, centralisation progressive de certains achats, dpannage occasionnel dune usine lautre, mouvements de cadres dune entreprise lautre, bureaux dtudes communs, etc. Le cas prcdent se retrouve particulirement dans des groupes europens ou mondiaux qui rsultent de labsorption progressive dentreprises nationales. Chacune des filiales nationales conserve au moins dans un premier temps ses usines de production et ses entrepts nationaux et rgionaux avec ses filires propres de distribution. Les entreprises nationales produisent chacune dans29

AHISTORIQUE ET VOLUTIONS : LE CONCEPT DE SUPPLY CHAIN

1 Logistique et supply chain

1.5 Urbanismes logistiques

une ou plusieurs usines la totalit des produits ncessaires leur march, quil sagisse de produits dsormais communs lensemble du groupe ou de produits spcifiques dun pays. Assez souvent cependant, dans lun et lautre cas prcdent, on assiste aprs quelques annes une rorganisation plus ou moins rapide avec comme objectif une rationalisation de la production et de la logistique. Ces rorganisations se traduisent par : une spcialisation des usines dont le nombre diminue ; une seule usine produit dsormais un type de produits pour lensemble du groupe ou dune zone gographique (Europe par exemple) ; lavantage concurrentiel se traduit par une diminution des prix de revient due la spcialisation et laugmentation des volumes (achats et production) : logistiquement, les cots de transport augmentent puisque chaque usine doit dsormais approvisionner les diffrents entrepts nationaux ; parfois des dlocalisations de productions vers des pays faible niveau de salaires avec corrlativement la constitution de stocks internationaux ; une rduction des entrepts nationaux et rgionaux au profit dun entrept national par pays ou mme dun entrept pour plusieurs pays avec ventuellement dans ces entrepts des tches de post-industrialisation, par exemple de ralisation de conditionnements propres chaque pays ; une centralisation ncessaire du pilotage de la supply chain qui se traduira par exemple au niveau europen par : des prvisions au niveau international qui ne sont plus seulement financires mais en terme de flux rels (DRP), avec une coordination permanente des plans de production et des achats (MRP) ; une tude systmatique par modlisation et ventuellement programmation linaire des emplacements gographiques de production et de stockage ou transit, sans ngliger bien entendu les contraintes sociales ; une organisation centralise des transports au moins entre usines et magasins nationaux, avec assez souvent une externalisation au profit dune ou plusieurs entreprises logistiques internationales ; on parle alors structurellement de logiques de radialisation 1 ; des ngociations centralises aussi bien en ce qui concerne les achats que les ventes pour obtenir de meilleures conditions par effet de masse. Les entreprises organises par branches correspondant chacune un mode de distribution, constituent un nouveau type dorganisation qui peut parfois prendre le relais du modle prcdent pour remdier sa complexit. Le groupe se spare alors en plusieurs branches dont chacune constitue une supply chain particulire avec sa ou ses usines, ses fournisseurs et ses rseaux de distribution. Un groupe comme LOral sest ainsi organis par branches de distribution : coiffeurs, grande distribution, pharmacie et parapharmacie, etc., avec des usines spcialises par branches. De mme, un fabricant de conserves comme Bonduelle sest divis en plusieurs branches, lune consa-