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lusieurs enquêtes telles que Parcours et profils des migrants 3 , l’Enquête longitudinale sur l’inté- gration des primo-arrivants 4 , ou encore Tra- jectoires et origines 5 , ont permis d’étudier le rapport des migrants aux dispositifs d’ac- cueil et son impact sur leur intégration dans la société française. Cependant, ces dernières omettaient d’interroger les migrants sur leur propre perception de leurs besoins en ma- tière d’intégration. C’est précisément ce que propose l’Enquête sur les citoyens immigrés présentée par le Migration Policy Group et la Fondation Roi Baudouin. Surmonter les obstacles érigés par le système français Le principal obstacle perçu par les migrants dans leur parcours d’intégration est l’im- portant pouvoir discrétionnaire des autori- tés. En effet, 38 % des personnes interro- gées affirment que les problèmes rencontrés lors de l’obtention du droit au regroupement familial étaient dus à l’arbitraire des auto- rités. En comparaison, elles étaient 23 % à mentionner des difficultés pour remplir les conditions et 10 % pour obtenir les docu- ments requis. La France est ainsi le seul pays où le pouvoir de discrétion arrive en pre- mière position dans ce domaine. De même, en ce qui concerne l’introduction d’une de- mande de séjour de longue durée 6 , environ 30 % des répondants ont indiqué avoir ren- contré des obstacles qu’ils estimaient liés à un certain arbitraire administratif alors qu’environ 10 % mentionnent à nouveau les difficultés à remplir les conditions et/ou à obtenir les documents requis. Les conditions légales pour accéder à la nationalité – au titre desquelles le niveau de français, les connaissances civiques et les revenus – étaient également considérées comme plus discrétionnaires en France. Les personnes interrogées ont aussi pointé du doigt la lourdeur des procédures et les conditions restrictives corrélées à certaines démarches, notamment pour l’accès à l’em- ploi. En moyenne, 68 % des migrants in- terrogés estiment avoir eu des difficultés à trouver un emploi en France. Contrats d’emplois tempo- raires (40 %), non- reconnaissance des qualifications ac- quises à l’étranger (33 %) et discrimi- nation des em- ployeurs (30 %) étaient les raisons les plus souvent évo- quées. Pourtant, on remarque que si peu de répondants ont déposé une demande de reconnaissance des qualifications, une majeure partie d’entre eux ont réussi à les faire reconnaître complètement ou partiellement. Manque d’information ? Procédures trop compli- quées et trop rigides ? On peut également supposer que les migrants doutent de l’uti- lité d’une procédure de reconnaissance longue et peu claire, dans un contexte éco- nomique où le nombre d’emplois dispo- nibles sur le marché du travail reste limité et où les employeurs restent dans bien des cas méfiants face à leurs candidatures. « Ce n’est pas le manque d’intérêt ou de désir de parti- cipation à la vie sociale qui est ici en cause, relève Antoine Jardin, doctorant au Centre d'études européennes de Sciences Po Paris, mais une difficulté d’accès au ‘courant central’ de la société française marquée notamment par la ségrégation socio-spatiale et l’accès à l’école ». Les facteurs d’intégration sociale Le système français semble mettre des bâtons dans les roues aux migrants préci- sément dans les domaines que ces derniers jugent primordiaux à leur intégration. En effet, l’étude révèle que les migrants ayant bénéficié de certains dispositifs d’intégra- tion (regroupement familial, statut de longue durée ou accès à la nationalité) ressentent principalement des effets positifs sur leur vie de famille ou sur leur intégration sociale. Ainsi, 90 % des bénéficiaires du regroupe- ment familial ont mentionné une vie de fa- mille plus facile, 80 % se sentaient « mieux installés » dans le pays et environ 65 % constataient que cela les avait aidés à s’im- pliquer davantage dans leur communauté locale (écoles, associations ou activités poli- tiques). De même, ceux devenus résidents de longue durée ont déclaré que ce statut les avait aidés à se sentir « mieux installés » (80 % environ), mais aussi que cela leur a souvent permis d’avoir un meilleur niveau d’enseignement (69 %). Parallèlement, près de 80 % des répondants naturalisés ont dé- claré que la citoyenneté leur permettait de se sentir davantage inclus dans la société française. L’accès à la nationalité : la désillusion Les migrants fondent leurs plus grandes at- tentes pour s’intégrer dans l’accès au sta- tut de résident de longue durée mais aussi dans l’acquisition de la nationalité. Pourtant, en ce domaine, les demandeurs doivent faire face à d’importantes contraintes procédu- rales, à nouveau alourdies en 2011. Ainsi, l’enquête montre que si une demande de nationalité peut généralement être dépo- sée après cinq ans de résidence en France, les étrangers introduisent leur demande en moyenne douze ans après leur arrivée. Sur- tout, seuls 56 % des migrants ayant passé plus de vingt ans sur le territoire français sont devenus citoyens. Dès lors, pourquoi près de la moitié des migrants ne demandent-ils pas la naturalisation alors même que celle-ci semble être à leurs yeux un facteur important d’intégration ? La complexité des procédures y est naturellement pour beau- coup (50 %), mais cette étude montre également que plus de 45 % des migrants pensent que l’accès à la nationalité n’aura que peu d’impact sur leur quotidien. Ce résul- tat interpelle, notamment au regard du grand nombre de migrants interrogés ayant ré- pondu qu’ils voteraient s’ils en avaient la pos- sibilité 7 . Antoine Jardin souligne toutefois que « si beaucoup de personnes valorisent le vote en théorie, cela ne veut pas dire qu’elles l’exercent en pratique, notamment à cause d’un niveau de confiance très faible à l’égard des partis et des responsables politiques ». Preuve probante du décalage entre les politiques d’intégration mises en œuvre par les autorités françaises et les besoins des migrants, l’enquête a également interrogé ces derniers sur la perception de leur degré de bonheur. Il en résulte que la France, avec l’Italie, est le pays où les migrants déclarent être les moins heureux. Gageons que les politiques publiques mettent à profit cette nouvelle étude afin d’élaborer des disposi- tifs d’intégration plus éclairés et plus efficaces. Le Migration Policy Group et la Fondation Roi Baudouin ont publié en mai dernier une enquête recen- sant des témoignages de migrants afin de comparer les perceptions de leur intégration dans sept pays européens 1 . Au vu des résultats, la France 2 compte parmi les mauvais élèves, notamment en matière d’accès à la nationalité, facteur clé de l’intégration. de France terre d’asile L'Observatoire LETTRE BIMESTRIELLE DE FRANCE TERRE DASILE N°53 JUIN 2012 P Quelle perception les migrants ont-ils de leur intégration en France ? SOMMAIRE La parole à. Antoine Jardin, Centre d’études européennes de Science Po …………………………2 Europe. Donner la voix aux migrants pour repenser les politiques d’intégration européennes ………2 Actualités juridiques et sociales …4 Libre opinion. La force du symbole !…………………………..4 Mineurs isolés étrangers. Pour une meilleure détermination de l’âge ….3 Réinstallation. Quand la société allemande s’empare de la question de la réinstallation ……………….3 1 Voir p. 2 Europe. 2 Près de 1 000 personnes ont été interrogées à Paris et à Lyon. 3 DREES, Parcours et profils des migrants récemment arrivés ou régularisés en France-PPM, 2006. 4 DSED et SOFRES, Enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants, 2010. 5 INED et INSEE, Trajectoires et origines, enquête sur la diversité des populations en France, 2010. 6 Carte de résident permanent, valable dix ans et renouvelable de plein droit. 7 Voir p. 2 La Parole à. L'observatoire N53_correct3 19/06/12 18:09 Page 1

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lusieurs enquêtes telles que Parcours et profils des migrants3,l’Enquête longitudinale sur l’inté-

gration des primo-arrivants4, ou encore Tra-jectoires et origines5, ont permis d’étudierle rapport des migrants aux dispositifs d’ac-cueil et son impact sur leur intégration dansla société française. Cependant, ces dernièresomettaient d’interroger les migrants sur leurpropre perception de leurs besoins en ma-tière d’intégration. C’est précisément ce quepropose l’Enquête sur les citoyens immigrésprésentée par le Migration Policy Groupet la Fondation Roi Baudouin.

Surmonter les obstacles érigéspar le système françaisLe principal obstacle perçu par les migrantsdans leur parcours d’intégration est l’im-portant pouvoir discrétionnaire des autori-tés. En effet, 38 % des personnes interro-gées affirment que les problèmes rencontréslors de l’obtention du droit au regroupementfamilial étaient dus à l’arbitraire des auto-rités. En comparaison, elles étaient 23 % àmentionner des difficultés pour remplir lesconditions et 10 % pour obtenir les docu-ments requis. La France est ainsi le seul paysoù le pouvoir de discrétion arrive en pre-mière position dans ce domaine. De même,en ce qui concerne l’introduction d’une de-mande de séjour de longue durée6, environ30 % des répondants ont indiqué avoir ren-contré des obstacles qu’ils estimaient liés àun certain arbitraire administratif alorsqu’environ 10 % mentionnent à nouveau lesdifficultés à remplir les conditions et/ou àobtenir les documents requis. Les conditionslégales pour accéder à la nationalité – au titre desquelles le niveau de français, lesconnaissances civiques et les revenus –étaient également considérées comme plusdiscrétionnaires en France.

Les personnes interrogées ont aussi pointédu doigt la lourdeur des procédures et lesconditions restrictives corrélées à certainesdémarches, notamment pour l’accès à l’em-ploi. En moyenne, 68 % des migrants in-terrogés estiment avoir eu des difficultés à

trouver un emploi enFrance. Contratsd’emplois tempo-raires (40 %), non-reconnaissance desqualifications ac-quises à l’étranger(33 %) et discrimi-nation des em-ployeurs (30 %)étaient les raisons lesplus souvent évo-quées. Pourtant, onremarque que si peude répondants ontdéposé une demandede reconnaissancedes qualifications,une majeure partied’entre eux ont réussi à les faire reconnaîtrecomplètement ou partiellement. Manqued’information ? Procédures trop compli-quées et trop rigides ? On peut égalementsupposer que les migrants doutent de l’uti-lité d’une procédure de reconnaissancelongue et peu claire, dans un contexte éco-nomique où le nombre d’emplois dispo-nibles sur le marché du travail reste limité etoù les employeurs restent dans bien des casméfiants face à leurs candidatures. « Ce n’estpas le manque d’intérêt ou de désir de parti-cipation à la vie sociale qui est ici en cause, relève Antoine Jardin, doctorant au Centred'études européennes de Sciences Po Paris,mais une difficulté d’accès au ‘courant central’ de la société française marquée notamment par la ségrégation socio-spatialeet l’accès à l’école ».

Les facteurs d’intégration socialeLe système français semble mettre des bâtons dans les roues aux migrants préci-sément dans les domaines que ces derniersjugent primordiaux à leur intégration. Eneffet, l’étude révèle que les migrants ayantbénéficié de certains dispositifs d’intégra-tion (regroupement familial, statut de longuedurée ou accès à la nationalité) ressententprincipalement des effets positifs sur leur viede famille ou sur leur intégration sociale.

Ainsi, 90 % des bénéficiaires du regroupe-ment familial ont mentionné une vie de fa-mille plus facile, 80 % se sentaient « mieux installés » dans le pays et environ 65 %constataient que cela les avait aidés à s’im-pliquer davantage dans leur communautélocale (écoles, associations ou activités poli-tiques). De même, ceux devenus résidentsde longue durée ont déclaré que ce statut lesavait aidés à se sentir « mieux installés » (80 % environ), mais aussi que cela leur asouvent permis d’avoir un meilleur niveaud’enseignement (69 %). Parallèlement, prèsde 80 % des répondants naturalisés ont dé-claré que la citoyenneté leur permettait dese sentir davantage inclus dans la sociétéfrançaise.

L’accès à la nationalité : ladésillusion Les migrants fondent leurs plus grandes at-tentes pour s’intégrer dans l’accès au sta-tut de résident de longue durée mais aussidans l’acquisition de la nationalité. Pourtant,en ce domaine, les demandeurs doivent faireface à d’importantes contraintes procédu-rales, à nouveau alourdies en 2011.

Ainsi, l’enquête montre que si une demandede nationalité peut généralement être dépo-sée après cinq ans de résidence en France,les étrangers introduisent leur demande enmoyenne douze ans après leur arrivée. Sur-tout, seuls 56 % des migrants ayant passéplus de vingt ans sur le territoire français sontdevenus citoyens. Dès lors, pourquoi près de

la moitié des migrants ne demandent-ils pas la naturalisation alors même que celle-ci semble être à leurs yeux un facteurimportant d’intégration ? La complexité desprocédures y est naturellement pour beau-coup (50 %), mais cette étude montre également que plus de 45 % des migrantspensent que l’accès à la nationalité n’aura quepeu d’impact sur leur quotidien. Ce résul-tat interpelle, notamment au regard du grandnombre de migrants interrogés ayant ré-pondu qu’ils voteraient s’ils en avaient la pos-sibilité7. Antoine Jardin souligne toutefoisque « si beaucoup de personnes valorisent levote en théorie, cela ne veut pas dire qu’ellesl’exercent en pratique, notamment à caused’un niveau de confiance très faible à l’égarddes partis et des responsables politiques ».

Preuve probante du décalage entre les politiques d’intégration mises en œuvre parles autorités françaises et les besoins des migrants, l’enquête a également interrogéces derniers sur la perception de leur degréde bonheur. Il en résulte que la France, avecl’Italie, est le pays où les migrants déclarentêtre les moins heureux. Gageons que les politiques publiques mettent à profit cettenouvelle étude afin d’élaborer des disposi-tifs d’intégration plus éclairés et plus efficaces.

Le Migration Policy Group et la Fondation Roi Baudouin ont publié en mai dernier une enquête recen-sant des témoignages de migrants afin de comparer les perceptions de leur intégration dans sept payseuropéens1. Au vu des résultats, la France2 compte parmi les mauvais élèves, notamment en matièred’accès à la nationalité, facteur clé de l’intégration.

de l’asile et des réfugiés de France terre d’asile

L'Observatoire LETTRE BIMESTRIELLE DE FRANCE TERRE D’ASILE N°53 JUIN 2012

P

Quelle perception les migrantsont-ils de leur intégration en France ?

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La parole à. Antoine Jardin, Centre d’études européennes deScience Po …………………………2Europe. Donner la voix aux migrantspour repenser les politiques d’intégration européennes ………2

Actualités juridiques et sociales …4Libre opinion. La force du symbole !…………………………..4

Mineurs isolés étrangers. Pour unemeilleure détermination de l’âge ….3Réinstallation. Quand la sociétéallemande s’empare de la questionde la réinstallation ……………….3

1 Voir p. 2 Europe.2 Près de 1 000 personnes ont été interrogées à Paris et à Lyon.3 DREES, Parcours et profils des migrants récemment arrivés ou régularisés en France-PPM, 2006.4 DSED et SOFRES, Enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants, 2010.5 INED et INSEE, Trajectoires et origines, enquête sur la diversité des populations en France, 2010.6 Carte de résident permanent, valable dix ans et renouvelable de plein droit.7 Voir p. 2 La Parole à.

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Donner la voix aux migrants pour repenser les politiques d’intégrationeuropéennes

ien que les politiques d’intégrationsoient au cœur des débats dans denombreux pays européens, les

études réalisées auprès des migrants eux-mêmes restent assez rares. L’Enquête sur lescitoyens immigrés, menée par la FondationRoi Baudouin et le Migration Policy Group,entend combler ce vide1. Première étude vi-sant à faire entendre la voix des migrantsd’une manière suffisamment forte et repré-sentative, elle a pour objectif de vérifier siles politiques d’intégration sont à la mesuredes espoirs et des besoins des migrants enEurope. L’enquête a été conduite dansquinze villes de sept principaux pays euro-péens d’immigration (Allemagne, Belgique,Espagne, France, Hongrie, Italie, Portugal)et a permis d’interroger près de 7 500 mi-grants2 sur les problématiques liées à l’em-ploi, aux langues, à la participation civiqueet politique, au regroupement familial, à larésidence de longue durée et à la nationalité.

Thomas Huddleston, chargé de l’analyse despolitiques au Migration Policy Group, rap-pelle que la Fondation Roi Baudouin et leMigration Policy Group « ont cherché à ceque les résultats augmentent les connaissancessur les besoins, les expériences et les aspira-

tions des migrants, aident les acteurs poli-tiques à élaborer des politiques d’intégrationplus efficaces et à se pencher sur les autres fac-teurs qui influencent le processus d’intégra-tion et démontrent que les enquêtes menéesauprès des migrants sont précieuses pour éclai-rer les politiques et le discours public ».

Enrichir le débat sur l’intégrationÀ travers les différents domaines d’intégra-tion étudiés, les résultats permettent de mieuxcerner les expériences personnelles des mi-grants. Les décideurs politiques peuvent ainsipercevoir la manière dont les politiques d’intégration sont appliquées, utilisées et influencent la vie de ces personnes.

L’enquête montre notamment que les au-torités négligent bien souvent l’impact de lasécurité du statut juridique des migrants surleur intégration au sens large dans la société.Alors que ces derniers sont ou souhaitentmajoritairement devenir résidents de longuedurée ou citoyens, les politiques nationaleset les procédures viennent souvent décou-rager les postulants (pouvoir discrétionnairedes autorités en France, en Italie et au Portugal, restrictions concernant la doublenationalité en Allemagne ou les documents

exigés en Allemagne et en Belgique). Demême, les migrants ayant bénéficié du re-groupement familial, devenus résidents delongue durée ou citoyens ont déclaré quecette démarche avait eu un impact positif surleur vie : ils se sentent « mieux installés »,ont de meilleures perspectives profession-nelles et, dans certains cas, reçoivent unemeilleure éducation ou s’impliquent davan-tage dans la communauté.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire,les migrants sont plutôt positifs à l’égard deleur situation et de leur expérience des politiques d’intégration. Ils apprécient cer-taines offres d’intégration (comme les coursde langue et d’intégration dans le pays), veu-lent faire partie de la société dans laquelleils vivent (intérêt pour l’apprentissage deslangues, le vote, le séjour de longue durée etla citoyenneté) et sont généralement aussisatisfaits de leur vie que le sont les personnesnées dans le pays.

L’enquête souligne par ailleurs les nombreuxproblèmes auxquels les migrants sont spécifiquement confrontés : qu’ils soientstructurels, tels que l’insécurité en matièred’emploi, ou d’ordre personnel, relatifs auxcompétences linguistiques, au manque detemps pour étudier ou à l’équilibre entre viefamiliale et professionnelle.

Une enquête utile pour l’avenirdes politiques d’intégration

« Des changements pourraient être nécessaires,non seulement pour résoudre les problèmesstructurels de la société, mais aussi pour modifier les attitudes et les actions du publicen général » estime Thomas Huddelston.Outre les problèmes bien connus (discri-minations sur le marché du travail, attitudesdes employeurs vis-à-vis des qualificationsétrangères et intérêt public limité pour uneplus grande diversité ethnique en politique),l’enquête révèle surtout « un potentiel d’investissement considérable dans des coursd’intégration plus larges comme la reconnais-sance des qualifications acquises à l’étrangeret les politiques de participation politique ».

Les acteurs gouvernementaux et non gou-vernementaux peuvent désormais utiliserl’enquête sur les citoyens immigrés commebase de données3 et ainsi préconiser des politiques plus adaptées. À noter enfin quecette publication n’est qu’une premièreétape. Le Migration Policy Group et sespartenaires conduisent actuellement uneanalyse approfondie des résultats et évaluent la manière selon laquelle l’Unioneuropéenne pourrait mieux utiliser et sou-tenir les études réalisées auprès des migrantsà l’avenir.

1 FONDATION ROI BAUDOUIN et MIGRATION POLICY GROUP, Enquête sur les citoyens immigrés. Comment les immigrés vivent-ils l’expérience del’intégration dans 15 villes européennes ?, mai 2012, 91 p. Disponible sur le site : www.kbs-frb.be

2 Étrangers issus d’un pays non-européen en séjour régulier et citoyens naturalisés, résidant dans le pays depuis plus d’un an.3 Principaux résultats consultables sur le site www.immigrantsurvey.org

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LA PAROLE ÀA

La participation civique et politiquedes migrants en France

AEUROPE

B

Antoine JARDIN, doctorant au Centre d'étudeseuropéennes de Sciences Po Paris

L’Enquête sur les citoyens immigrés s’inté-resse en particulier au souhait des migrantsde participer aux élections. Que révèlentles résultats français par rapport aux résultats européens ?L’enquête montre que les migrants présents enFrance sont ceux qui souhaitent le plus s’en-gager dans un processus de participation poli-tique électorale et ce, qu’ils possèdent la natio-nalité française ou non. Ils sont près de 92 % àdéclarer vouloir participer aux élections, vien-nent ensuite les personnes vivant en Espagne(87 %), en Italie (78 %), en Belgique (76 %)et au Portugal (74 %). Les migrants vivant enAllemagne sont les moins nombreux à indi-quer vouloir voter, avec un niveau de 56,6 %.Ces résultats indiquent un niveau élevé d’in-térêt et d’implication des migrants dans la viepolitique nationale. Nous observons des résul-tats similaires dans les enquêtes sur les descen-dants de migrants. Par ailleurs, cela souligne laspécificité du rapport au vote en France, avecun rappel de la norme civique et participativeintense, intériorisée sur le plan des valeurs parles individus, même si les pratiques ne sont pastoujours en cohérence.

Quelles conclusions peut-on tirer de l’ana-lyse détaillée de l’intention de participa-tion électorale des migrants en France ? On note que les variables classiques (âge, diplôme, genre) pèsent peu une fois que l’on a contrôlé le rapport à l’immi-gration des individus. Toutefois, il faut être prudent, ces faibles effets pouvant être la conséquence des limites statistiquesde notre échantillon. Toutes choses égalespar ailleurs, les migrants ayant la nationali-té française ont deux fois plus de chancede souhaiter participer aux élections.Quant à l’effet de la région d’origine, cesont les migrants d’Europe de l’Est quitémoignent du plus faible niveau d’intérêt.Par rapport à cette référence, les migrantsmaghrébins et turcs ont trois fois plus de chances de souhaiter participer, lesmigrants d’Afrique subsaharienne deux fois plus, et pour les autres groupes les effets sont non statistiquement signifi-catifs.

Ces différences traduisent aussi l’effet del’ancienneté des parcours migratoires, lespersonnes arrivées le plus récemment enFrance étant celles qui déclarent le plusfaible niveau d’intérêt pour le vote.

L’étude montre que les migrants souhaitentdavantage de parlementaires issus de l’im-migration. Comment analyser ces résultats ?La demande de diversité en politique n’estpas exclusive à la France, il s’agit d’une ten-dance globale dans les pays européens.Mais elle s’articule à un niveau de sociali-sation politique assez élevé, qui rend cettedemande peut-être plus pressante qu’ellene l’est dans d’autres pays. D’autre part, laFrance se caractérise par un niveau d’accèsencore faible des descendants de migrantsau pouvoir politique et ce, que ce soit auniveau local ou national.

Souhaiter être représenté par des personnesqui partagent nos caractéristiques socio-démographiques est une demande habi-tuelle qui n’est pas spécifique aux migrants.Il ne semble pour autant pas que cela soit laconséquence d’un vote « ethnique » maisplutôt le souhait d’avoir des élus quiconnaissent les expériences sociales duracisme et de la discrimination et qui pren-nent en compte ces enjeux dans leur actionau pouvoir.

Peu de répondants avaient connaissanceou étaient affiliés à une organisation de

migrants en France. Comment expliquerque cette proportion soit si faible par rapport à d’autres pays européens ?Il est assez difficile de répondre à cettequestion pour le moment, nous ne sommesqu’au début de l’exploitation des résultats.On peut avancer une hypothèse, qui seraitcelle d’un accès plus important desmigrants vivant en France aux organisa-tions et associations « généralistes », quijouent dans une certaine mesure le rôle desorganisations de migrants dans les autrespays européens. Ainsi les organisations syn-dicales sont assez fortement investies par lessalariés, notamment pour les thématiquesliées au droit de séjour en France. Dans lemonde étudiant, les dynamiques sont simi-laires.

Aussi, ce n’est pas parce qu’une organisa-tion n’est pas a priori spécifiquement desti-née aux migrants, qu’elle n’est pas utiliséeet investie par les migrants. Les différencesque nous observons pourraient doncdépendre davantage de la structure du tissuassociatif en France que d’un faible niveaud’implication des migrants eux-mêmes.

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Pour une meilleure détermination de l’âge

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ébattre sur la détermination del’âge pourrait surprendre tant lesprogrès scientifiques semblent

pouvoir tout résoudre. Les évaluationsmenées dans la plupart des pays européensreposent pourtant sur des méthodes mé-dicales dont les défaillances sont avérées1.Or, la détermination de l’âge est une étape inévitable pour de nombreux mineurs isolés étrangers ; celle-ci définit,par l’établissement de la minorité ou non,la prise en charge sociale et juridique dont ils relèvent. Par extension, cette pro-cédure est aussi garante du système deprotection de l’enfance. Étant donné l’impact de la décision sur le parcours administratif et social de la personne, il est aujourd’hui primordial de dévelop-per des méthodes plus fiables. Quellessont aujourd’hui les améliorations envisageables ?

Le doute et la présomption deminoritéLorsqu’un jeune non accompagné arriveen Europe et possède des documents attestant son âge, l’authenticité de ceux-ciest régulièrement contestée. Afin de

réduire l’arbitraire et la méfiance systé-matique des autorités, une justification etune notification des doutes seraient né-cessaires avant d’entamer toute procédured’expertise de l’âge. Si l’invalidité des do-cuments est prouvée ou si le jeune n’est pasen mesure de présenter des papiers, la pro-cédure peut alors être lancée. L’incertitudene doit cependant pas éclipser le respectdes droits de l’enfant. La présomption deminorité doit être garantie : elle impliqueque le jeune soit considéré mineur et traitécomme tel, tant qu’une décision sur l’âgen’a pas été prise.

Évaluations médicales : les garan-ties minimales nécessairesEn matière de détermination de l’âge, la plupart des pays européens s’obstinentà fonder essentiellement les décisions surles examens médicaux (osseux, dentairesou évaluant la puberté) et ce, en dépit des critiques2. Dès lors, comment est-il pos-sible de parer au manque de fiabilité deces méthodes ?

En Suède, non seulement les évaluationsmédicales sont utilisées en dernier recours

mais il est également reconnu officielle-ment une marge d’erreur de l’examen os-seux de trois ans entre dix-sept et dix-huitans. Cela implique que cette marge soit toujours interprétée au bénéfice dujeune, c’est-à-dire que celui-ci est déclarémajeur uniquement si les deux examensmédicaux lui donnent un âge de vingt-et-un ans ou plus. Ainsi, la reconnaissancede la marge d’erreur et le respect du bénéfice du doute en faveur du mineurapparaissent comme des garanties mini-males indispensables pour se prémunirdes erreurs.

L’approche pluridisciplinaireMais il y a mieux à faire. Le Royaume-Unitente, depuis une dizaine d’années, de mettre en place une évaluation pluridisciplinaire. Depuis 2003, les critères dits « de Merton » font office de référence pour qu’une expertise d’âge puisse être considérée commefiable. D’après ces critères, la décisiondoit être prise par les services sociaux, à partir d’une évaluation menée par un personnel qualifié. Celle-ci doit comprendre un entretien individuel et tenir compte du parcours du jeune (histoire familiale, éléments culturels, scolarisation, activités récentes). Un jugement de mai 20093 a en outre établique les examens médicaux ne sauraientavoir plus de poids que l’estimation d’un

travailleur social expérimenté, ce qui rendde fait cette pratique négligeable.

Les critères de Merton comportent toutefois le risque d’accorder une trop grande importance à la crédibilité du récit, ce qui peut être préjudiciable aux jeunes s’ils sont mal informés ou traumatisés. La décision repose en effet largement sur l’appréciation du travailleur social. Il est ainsi indispen-sable d’assurer une formation de qualité à ces professionnels et de faire en sorte que la prise de décision soit collective, pluridisciplinaire et indé-pendante, ce qui reste à améliorer auRoyaume-Uni. Le lieu et la durée de l’évaluation doivent également être réfléchis.

L’estimation de l’âge répond à une nécessité juridique liée au système de protection de l’enfance, fondé sur lavulnérabilité des mineurs. Par la déter-mination de la minorité, il s’agit doncd’apprécier les besoins de protection de la personne. Seule une approche pluridisciplinaire peut prétendre à cettemission. Tout repose maintenant sur la volonté des autorités nationales et européennes à mettre en œuvre cette démarche, en conformité avec les ré-centes recommandations du Conseil del’Europe4.

onvaincre la société civile et lesvilles de s’impliquer dans la priseen charge de réfugiés issus des

programmes de réinstallation, telle est l’idéede la campagne « Save me » menée depuisprès de quatre ans en Allemagne. À l’ori-gine de la démarche, en 2008, le Conseil desréfugiés de Bavière, membre de l’organi-sation nationale Pro Asyl, souhaitait voir laville de Munich se positionner en faveur del’accueil de réfugiés réinstallés. Parvenantà récolter le soutien de près de 1 000 citoyens volontaires pour parrainer des ré-fugiés, le Conseil a obtenu gain de cause enquelques mois. Saluant la réussite de cetteinitiative locale, Pro Asyl a permis de relayerla démarche à l’échelle nationale.

Fin 2009, l’engagement de l’Allemagne au-près du Haut Commissariat des Nations uniespour les réfugiés à accueillir 2 500 réinstallésirakiens a constitué un pas en avant pour lesacteurs de la campagne. Cependant, ceux-ciespéraient surtout que l’État s’engage à mettreen œuvre un programme continu de réinstal-lation. Avec l’annonce du gouvernement, endécembre dernier, de garantir un quota an-nuel de 300 réinstallés pour les trois annéesà venir, la campagne « Save me » a connu unvéritable succès dont l’influence pourraits’étendre au-delà des frontières germaniques.

Le secret du succès : la communi-cation Une campagne de sensibilisation d’enver-gure a été menée auprès des politiques et dela société civile, investissant toutes lessphères, ce qui a permis de dépasser le cadredes structures institutionnelles existantes.Si un soutien financier et technique a été ap-porté par Pro Asyl, l’organisation a refuséd’instaurer un leadership et de s’immiscerdans la gestion même des groupes locaux.Ainsi, les initiatives locales, s’organisant defaçon autonome, ont recherché le soutiende partis politiques, d’organisations cultu-relles, d’associations et de célébrités, pous-sant les villes ainsi que les volontaires ci-vils à s’engager.

Les responsables de la campagne ont usé de tous les médias à leur disposition. Se dotant d’un site internet1 (chaque villeimpliquée dans la campagne ayant aujour-d’hui le sien) ainsi que d’une page Face-book2, ils ont par ailleurs réalisé une brochure sur la réinstallation en Allemagne,diffusée à près de 20 000 exemplaires. Cette« hyper-médiatisation » a permis de diffu-ser à l’échelle nationale le programme et ses succès, incitant toujours plus de villesà s’engager.

Depuis le lancement du projet, 54 groupeslocaux de soutien ont rejoint la campagne,composés d’acteurs institutionnels et as-sociatifs mais également de groupements re-ligieux ainsi que de nombreux citoyens vo-lontaires (employés, étudiants, retraités,etc.). Par ailleurs, 60 organisations d’en-vergure nationale ou régionale ont déclaréappuyer la campagne et 65 conseils muni-cipaux ont signifié par décision officielle yadhérer (dont Berlin, Cologne, Stuttgart,etc.). Enfin, près de 10 000 personnes ontofficiellement pris fait et cause pour le pro-jet, la plupart se portant volontaires pourparrainer des réfugiés.

Les collectivités territoriales,acteurs de la concrétisationeffectiveL’intérêt manifesté par les collectivités terri-toriales pour la réinstallation et leur capaci-té à impliquer leurs habitants, attestant deleur soutien à la démarche entreprise, a aus-si été pour beaucoup dans la réussite de lacampagne.

L’engouement de la population pour ce pro-jet a constitué un moteur puissant et néces-saire à la légitimité de l’action politique en-treprise par les collectivités. Les décisionsdes conseils municipaux ont ainsi permisune quasi-institutionnalisation du mouve-ment. Ces décisions véhiculent un « signal

clair » quant à la volonté générale de por-ter assistance aux réfugiés, ce qui constitueselon Andrea Kothen, responsable des re-lations publiques de Pro Asyl, « l’objectifmajeur » du processus. La multiplication deces engagements a engendré une capacitéà influer sur la politique de l’État, ce qui mo-tivait toute la démarche.

Une source d’inspiration à l’échel-le européenneCette campagne est indéniablement une réussite. En revanche la prise en chargeeffective des réfugiés sur l’ensemble du processus de réinstallation a parfois soulevédes difficultés. Qu’elles soient d’ordreconjoncturel (crise du logement) ou directement liées à l’intégration des primo-arrivants (adaptation difficile de certains réfugiés à un nouvel environnement socialet culturel et déception de certains par-rains), ces difficultés révèlent la nécessitéd’un travail d’information préalable plusapprofondi.

Aussi, l’important est-il toujours de prouverque les villes et leurs populations sont prêtesà accueillir et soutenir les réfugiés nouveauxvenus grâce à la création d’un cadre socio-culturel adapté et la mobilisation d’acteurscompétents en matière d’intégration.1 www.save-me-kampagne.de

2 https://www.facebook.com/pages/Save-me-M%C3%BCnchen/10150127886595346

RÉINSTALLATION A

AMINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS

C

D

1 En ce qui concerne la France, voir : COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT, 51e session, Examen des rapports soumis par les États parties en appli-cation de l’article 44 de la Convention, Observations finales du Comité des droits de l’enfant : France, CRC/C/FRA/CO/4, 22 juin 2009, par. 88.

2 FRANCE TERRE D’ASILE et AL., L’accueil et la prise en charge des mineurs non accompagnés dans huit pays de l’Union européenne, 2010.3 UNITED KINGDOM SUPREME COURT, A v. London Borough of Croydon, 26 novembre 2009.4 ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE, Résolution 1810 (2011), Problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfantsnon accompagnés en Europe.

Quand la société civile allemande s’empare de la question de la réinstallation

L'observatoire N53_correct3 19/06/12 18:09 Page 3

Page 4: L©Obse rvat oire - France terre d'asile · 4 DSED et SOFRES,Enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants,2010. 5 INED et INSEE, Trajectoires et origines, enquête

f Fin de la condition de résidence pour effectuer unrecours au droit au logementopposable (Dalo)En vertu de l’article 1er du décret d’applicationn°2008-908 du 8 septembre 20081, les ressor-tissants étrangers non communautaires titu-laires d’un titre de séjour d’un an pouvaientfaire une demande Dalo à condition qu’ils aientrenouvelé deux fois leur titre de séjour et qu’ilsrésident en France depuis au moins deux ans.Plusieurs associations ont déposé une requêteen 2008 devant le Conseil d’État afin de deman-der l’abrogation de cet article à caractère discri-minatoire, mettant à mal le principe d’égalité etviolant la Convention internationale des tra-vailleurs migrants. Cette position a égalementété défendue fin 2009 par la Haute Autorité delutte contre les discriminations et pour l’égalité(Halde). Dans un arrêt du 11 avril 20122, leConseil d’État a décidé d’abroger l’article préci-té. Cette décision non-rétroactive prendra effetle 1er octobre 2012. Le ministère du Logementet le ministère de l’Intérieur travaillent actuelle-ment sur un nouveau projet de décret.

f Publication du rapport d’activité 2011 de l’Office fran-çais de protection des réfugiéset des apatrides (Ofpra) Le 7 mai dernier, l’Ofpra a publié son rapportd’activité 2011. Le bilan révèle que lesdemandes d’asile ont augmenté de 8,7 %entre 2010 et 2011, portant leur nombre à 57 337. En dépit de l’augmentation desmoyens octroyés à l’Ofpra, le délai moyen detraitement s’est allongé, passant de 145 joursen 2010 à 174 en 2011. Les demandeursd’asile sont principalement originaires duBangladesh (8,5 %), de la République démo-cratique du Congo (7 %), de l’Arménie (6,5 %)et du Sri Lanka (6,3 %). Avec 10 702 admis-sions pour l’année 2011, le taux global d’admission s’élève à 25 %, contre 27,5 % en2010. Les personnes admises au statut deréfugié pour l’année 2011 sont majoritaire-ment de nationalité sri lankaise (14,4 %),russe (13,7 %), congolaise (RDC) (7 %),kosovare (6,9 %) et érythréenne (5,1 %). Lespersonnes admises au titre de la protectionsubsidiaire sont principalement de nationa-lité malienne (18,5 %), guinéenne (10,1 %), kosovare (9,9 %), somalienne (8,9 %) etafghane (7,9 %).

f La CNDA publie sonrecueil de jurisprudence 2010 Le 18 mai 2012, la CNDA a publié son recueilde jurisprudence pour l’année 2010 présentantles décisions les plus significatives renduespar la CNDA, le Conseil d’État ainsi que de laCour de cassation dans le contentieux de l’éli-gibilité au statut de réfugié et à la protectionsubsidiaire ainsi qu’une analyse approfondiede la problématique de la famille. La jurispru-dence est classée selon cinq thématiques : lesconditions d’octroi ou de refus de la protec-tion, les effets de l’attribution de la protectionsubsidiaire, la compétence de la CNDA et laprocédure afférente. Par ailleurs, la Cour étantcompétente pour saisir le Conseil constitution-nel depuis 2010, le recueil contient plusieursarrêts novateurs ayant donné lieu à des ques-tions prioritaires de constitutionnalité.

f Audience par visioconfé-rence à la CNDA Le 6 avril dernier, le décret d’application n°2012-460 de la loi n°2011-677 du 16 juin 2011 quimodifie l’article L733-1 du Code de l’entrée et duséjour des étrangers et du droit d’asile a étépublié au Journal officiel. Suite à ce décret, leprésident de la CNDA peut désormais prévoirque les audiences se dérouleront par visioconfé-rence. La salle d’audience est alors reliée endirect par un moyen de communication audiovi-suelle à une seconde salle d’audience relevant duministère de la Justice. Si le demandeur estassisté d'un avocat, ce dernier doit être présent.Du fait de cette disposition, le demandeur n’aurapas à débourser de frais de transports pour serendre à Paris, mais il reviendra à l’avocat de sedéplacer. Le risque est que la procédure soitinéquitable par rapport aux requérants physique-ment présents. Le requérant séjournant enFrance métropolitaine peut refuser une audiencepar visioconférence ; à sa demande, il sera alorsentendu dans les locaux de la Cour.

f Le droit à mener une vie familiale « normale » est un droit indispensable pourl’intégration Les 31 mai et 1er juin derniers s’est déroulée la7e réunion du Forum européen de l’intégrationportant sur l’éventuelle révision de la directiverelative au regroupement familial des ressor-tissants de pays tiers adoptée en 2003. France

terre d’asile, en tant que contributeur au Livrevert de la Commission européenne3, était pré-sente. Ce débat a permis de démontrer que lamajorité des acteurs concernés n’est pas favo-rable à l’ouverture de négociations, craignantun durcissement des règles. Annonçant que ladirective ne serait pas réexaminée, laCommission s’est par ailleurs engagée à trou-ver des moyens pour influencer l’applicationde la directive. Ainsi, elle devrait élaborer deslignes directrices relatives à son interprétationet déclencher d’éventuelles procédures enmanquement contre les États membres ne res-pectant pas ses dispositions.

f 3e rapport annuel de la Commission européennesur l’immigration et l’asile en 2011Le 30 mai 2012, la Commission européenne acommuniqué au Parlement européen et auConseil son 3e rapport annuel sur l’immigrationet l’asile. Elle y expose les initiatives entre-prises pour une adéquation de la politiqueeuropéenne en matière d’asile et de migrationau contexte actuel, notamment : la mise enplace d’un nouveau cadre stratégique et lasignature d’un accord politique sur l’élargisse-ment du mandat de l’Agence européenne degestion des frontières extérieures, mais aussil’adoption de la refonte de la directive qualifi-cation et l’inauguration du Bureau européend’appui en matière d’asile ainsi que la créationde l’Agence européenne pour la gestion opéra-tionnelle des systèmes d’information à grandeéchelle.

f Campagne pour uneEurope plus engagée dans laréinstallation de réfugiésd’ici 2020Dans le contexte de l’adoption du programmeeuropéen commun de réinstallation, six orga-nisations de protection des réfugiés (Amnestyinternational, la Commission des églisesauprès des migrants en Europe, le Conseileuropéen pour les réfugiés et les exilés, laCommission catholique internationale desmigrations, l’Organisation internationale pourles migrations et Save Me) ont lancé, en maidernier, une campagne de sensibilisation intitulée « Resttlement saves lives – 2020 »pour promouvoir l’amélioration tant quantitati-ve que qualitative de la réinstallation enEurope4. L’objectif visé est que, d’ici 2020,l’Europe soit en mesure d’accueillir 20 000réinstallés annuellement (contre 5 500 environaujourd’hui).

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(L’Observatoire de France terre d’asile, Pro Asile et les Cahiers du Social)Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Cette lettre est réalisée dans le cadre du projet Relorefsoutenu par le Fonds européen pour les réfugiés

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La force du symbole !

Toute politique commence par le symbole. À la lecture du premier gouver-nement Ayrault, les défenseurs desdroits de l’homme, qui ne se limitent pasaux associations, ont très vite comprisque le changement allait devoir attendrele résultat… des législatives. L’asile, lesnaturalisations, l’intégration restaientdonc dans le périmètre du ministère del’Intérieur.

Depuis de nombreuses années nousavons tous – intellectuels, syndicalistes,responsables associatifs, hommes etfemmes politiques alors dans l’opposi-tion – affirmé ensemble et avec forceque les questions migratoires nedevaient pas être traitées sous le seulangle sécuritaire. En novembre dernier,nous lisions ceci sous la plume du partisocialiste : « Nous réaffirmons le carac-tère intangible du droit d’asile et du statut de réfugié. Il ne peut pas être unevariable de la politique migratoire de laFrance. »

L’asile doit être distingué de la ques-tion migratoire. Le pilotage de l’Officefrançais de protection des réfugiés etdes apatrides, l’hébergement et l’ac-compagnement des demandeurs d’asilerelèvent d’un processus de justice et/oude solidarité tout comme la protectiondes étrangers malades. Cela ne sauraitsignifier un quelconque laxisme, uneabsence de normes. C’est la garantied’un traitement de dignité et de rigueur.Les politiques en faveur de l’intégrationne peuvent pas davantage relever duministère de la police et de la sécurité.La politique linguistique, la refonte ducontrat d’accueil et d’intégration sontdes problématiques de solidarité etd’égalité qui doivent être portées dansles départements en proximité par lesministères adéquats. La reconstitutiond’un service public de l’accueil et del’intégration sur l’ensemble du territoireest une urgence.

L’espoir suscité par le changementopéré à la tête de l’État français, c’estcelui de doter la France d’une politiquerénovée et plus respectueuse de la per-sonne dans tous les domaines de lamigration. Nous n’en doutons pas !L’asile, comme les naturalisations et l’intégration, ne relève pas d’une logiquesécuritaire et de contrôle des flux. Lereconnaître enfin permettra de ne pasaccommoder nos valeurs à la modesécuritaire, celle qui déferle sur uneEurope tétanisée par la peur de l’autre.

Pierre HENRYDirecteur général de France terre d’asile

PAGE 4LA LETTRE N°53 JUIN 2012

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1 Décret relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant.2 CE, décision n° 322326 du 11 avril 2012.3 Commission européenne, Livre vert relatif au regroupement familial des ressortissants des pays tiers résidant dans l’Union européen, 2011.4 http://www.resettlement.eu/page/resettlement-saves-lives-2020-campaign

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