L’obligation d’information et le devoir de conseil de … de Douai, 1ère Chambre, Section 1, 12...

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l’activité immobilière 73 ème année - n°786 décembre 2017 2 Juridique 1. Cour d’Ap- pel de Douai, 1ère Chambre, Section 1, 12 mai 2016, n°15- 01729 2. Cour de Cas- sation, 3ème chambre civile, 21 janvier 2016, n°14-12144 3. Cour d’Ap- pel d’Orléans, Chambre civile, 29 février 2016, n°14-03703 L’obligation d’information et le devoir de conseil de l’agent immobilier « Le trop grand empressement qu’on a de s’acquitter d’une obligation est une espèce d’in- gratitude » François de la Rochefoucauld. Le professionnel est tenu à une obligation d’information qui ne cesse de s’accroître, bien que limitée à son domaine de compétence. Le principe : l’agent immobilier est tenu d’une obligation d’information… L ’intermédiaire professionnel est tenu d’une obligation d’information et de conseil qui implique non seulement qu’il délivre loyalement toutes les in- formations en sa possession de nature à influer sur la décision de l’acquéreur, mais aussi qu’il se renseigne lui-même sur tous les points d’une certaine impor- tance. L’état de la toiture Les époux C… font grief à l’agence immobilière d’avoir commercialisé le bien en indi- quant que la toiture était neuve, ce qui les a trompés sur la quali- té des travaux et caractérise un manquement de l’intermédiaire à ses obligations d’informa- tion ainsi que de conseil 1 . Les dé- sordres mention- nés par l’expert n’étaient perceptibles que par un professionnel de la construc- tion immobilière ce que n’est pas l’agence Avenir immobilier dont les compétences sur ce plan ne sont que commerciales. L’agent ne pouvait donc mettre en garde les acquéreurs sur l’existence de vices affectant le bien vendu. En l’espèce, les ac- quéreurs font grief à l’intermé- diaire d’avoir présenté la toiture comme neuve sans attirer leur attention sur le fait que le ven- deur avait lui-même exécuté les travaux. Toutefois, ce point n’au- rait d’effet que si les acquéreurs avaient ignoré cette réalité. Or l’acte de vente mentionne que le constructeur est le vendeur et précise qu’aucune police d’as- surance n’a été souscrite pour la réalisation des constructions. Dès lors l’information ayant été portée à la connaissance des acquéreurs, ceux-ci ne peuvent reprocher à l’intermédiaire de ne pas l’avoir lui-même recherchée et transmise. Les normes d’habitabilité L’agent immobilier doit informer les acqué- reurs sur la confor- mité des lieux aux normes d’habi- tabilité 2 . « Attendu qu’ayant décidé, à bon droit, que le principe de la responsabilité délictuelle de l’Agence (…) à l’égard de M. et Mme X... avait été définiti- vement retenu par le jugement du 30 octobre 2008, et relevé que le manquement de celle-ci à son obligation d’information à l’égard des acquéreurs sur la conformité des lieux aux normes d’habitabilité leur avait causé une perte de chance de renon- cer à l’acquisition ou d’en mo- difier les conditions et que, s’ils avaient eu connaissance d’une telle impropriété de l’immeuble à sa destination du fait de son insalubrité, ils auraient vraisem- blablement renoncé à leur inves- tissement, la cour d’appel, qui n’a pas dénaturé les conclusions de M. et Mme X... ni le rapport d’expertise et qui n’était pas te- nue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu déduire, de ces seuls motifs, que l‘ Agence de- vait être condamnée à réparer les préjudices des acquéreurs dont elle a souverainement fixé le montant ». La superficie L’agent immobilier doit égale- ment vérifier l’exactitude de la surface mentionnée dans le com- promis de vente d’une maison, non soumise à la loi CARREZ 3 . La loi CARREZ du 18 décembre 1996 prévoit que « toute pro- messe unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot de copro- L’information et de conseil implique que le professionnel délivre loyalement toutes les informations en sa possession mais aussi qu’il se renseigne lui-même sur tous les points d’importance

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l’activité immobilière 73ème année - n°786 décembre 2017

2

Juridique

1. Cour d’Ap-pel de Douai, 1ère Chambre, Section 1, 12 mai 2016, n°15-01729

2. Cour de Cas-sation, 3ème chambre civile, 21 janvier 2016, n°14-12144

3. Cour d’Ap-pel d’Orléans, Chambre civile, 29 février 2016, n°14-03703

L’obligation d’information et le devoir de conseil de l’agent immobilier« Le trop grand empressement qu’on a de s’acquitter d’une obligation est une espèce d’in-gratitude » François de la Rochefoucauld.

Le professionnel est tenu à une obligation d’information qui ne cesse de s’accroître, bien que limitée à son domaine de compétence.

Le principe : l’agent immobilier est tenu d’une obligation d’information…

L ’intermédiaire professionnel est tenu d’une obligation

d’information et de conseil qui implique non seulement qu’il délivre loyalement toutes les in-formations en sa possession de nature à influer sur la décision de l’acquéreur, mais aussi qu’il se renseigne lui-même sur tous les points d’une certaine impor-tance.

L’état de la toiture

Les époux C… font grief à l’agence immobilière d’avoir commercialisé le bien en indi-quant que la toiture était neuve, ce qui les a trompés sur la quali-té des travaux et caractérise un manquement de l’intermédiaire à ses obligations d’informa-tion ainsi que de c o n s e i l 1 . Les dé-s o r d r e s men t ion -nés par l ’ e x p e r t n’étaient perceptibles que par un professionnel de la construc-tion immobilière ce que n’est pas l’agence Avenir immobilier dont les compétences sur ce

plan ne sont que commerciales. L’agent ne pouvait donc mettre en garde les acquéreurs sur l’existence de vices affectant le bien vendu. En l’espèce, les ac-quéreurs font grief à l’intermé-diaire d’avoir présenté la toiture comme neuve sans attirer leur attention sur le fait que le ven-deur avait lui-même exécuté les travaux. Toutefois, ce point n’au-rait d’effet que si les acquéreurs avaient ignoré cette réalité. Or l’acte de vente mentionne que le constructeur est le vendeur et précise qu’aucune police d’as-surance n’a été souscrite pour la réalisation des constructions. Dès lors l’information ayant été portée à la connaissance des acquéreurs, ceux-ci ne peuvent reprocher à l’intermédiaire de ne pas l’avoir lui-même recherchée et transmise.

Les normes d’habitabilité

L’agent immobilier doit informer les acqué-reurs sur la confor-mité des lieux aux n o r m e s d ’ h a b i -tabi l i té2.

«  Attendu qu’ayant décidé, à bon droit, que le principe de la responsabilité délictuelle de l’Agence (…) à l’égard de M. et Mme X... avait été définiti-

vement retenu par le jugement du 30 octobre 2008, et relevé que le manquement de celle-ci à son obligation d’information à l’égard des acquéreurs sur la conformité des lieux aux normes d’habitabilité leur avait causé une perte de chance de renon-cer à l’acquisition ou d’en mo-difier les conditions et que, s’ils avaient eu connaissance d’une telle impropriété de l’immeuble à sa destination du fait de son insalubrité, ils auraient vraisem-blablement renoncé à leur inves-tissement, la cour d’appel, qui n’a pas dénaturé les conclusions de M. et Mme X... ni le rapport d’expertise et qui n’était pas te-nue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu déduire, de ces seuls motifs, que l‘ Agence de-vait être condamnée à réparer les préjudices des acquéreurs dont elle a souverainement fixé le montant ».

La superficie

L’agent immobilier doit égale-ment vérifier l’exactitude de la surface mentionnée dans le com-promis de vente d’une maison, non soumise à la loi CARREZ3. La loi CARREZ du 18 décembre 1996 prévoit que «  toute pro-messe unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot de copro-

L’information et de conseil implique que le professionnel délivre loyalement toutes les

informations en sa possession mais aussi qu’il se renseigne lui-même sur tous les points d’importance

73ème année - n°786 décembre 2017 l’activité immobilière

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Juridique

priété mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot ». Ainsi, cette mesure n’est applicable que lors de la vente d’un bien situé en copropriété. Les juges viennent cependant préciser que l’agent immobilier doit éga-lement vérifier l’exactitude de la surface d’une maison vendue, si elle est mentionnée dans le compromis de vente, bien que la mention ne soit pas obligatoire. «  Sur la responsabilité de la société immobilière  : Atten-du que l’agent immobilier est tenu d’éclairer les parties aux conventions conclues par son intermédiaire  ; que son devoir d’information et de conseil lui impose en particulier de veiller à la correcte désignation des élé-ments susceptibles d’influer sur le consentement des parties  ; Attendu qu’il est établi en l’es-pèce que X… a acquis en janvier 2010, par l’intermédiaire de la

société, une maison individuelle présentée dans l’annonce com-merciale de cette agence immo-bilière comme ayant une surface habitable de 120 m2  ; Que l’entreprise (dia-gnost iqueur ) , contactée par X… en vue de la revente de son bien et dont le tri-bunal a relevé sans être sérieuse-ment contredit qu’elle disposait d’un certificat de compétences en matière de diagnostics immo-biliers, a attesté le 28 février 2012 que la surface habitable était de 106, 77 m 2 et non de 120 m2, ce que la société immobilière ne conteste pas utilement ; Attendu que si l’indication d’une surface dans la fiche de présentation du bien, destinée à sa commerciali-sation, est dépourvue de valeur contractuelle, une telle préci-sion n’étant pas obligatoire pour une maison individuelle, il en

va différemment lorsque cette précision a été reportée dans le compromis de vente signé entre les parties, ce qui est le cas en

l ’ e s p è c e , puisque le compromis de vente si-gné le 30 jan-vier 2010 par

X… indique sur la désignation du bien qu’il s’agit d’une maison de 5 pièce(s), d’une surface de 120 m2 ; Qu’il est établi que c’est bien l’agence immobilière qui a assu-ré la rédaction de ce compromis, de sorte que connaissant cet élément, il lui incombait d’exer-cer son devoir d’information sur cet élément substantiel dans l’accord des parties sur la chose et le prix  ; que la circonstance que l’acte authentique qui a été rédigé postérieurement par le notaire ne comporte aucune in-dication de surface ne dispensait pas l’agent immobilier de

Il incombe à l’agent immo-bilier de vérifier la cohé-

rence de la déclaration de surface du vendeur

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l’activité immobilière 73ème année - n°786 décembre 2017

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Juridique

4. Cour d’Ap-pel de Ver-sailles, 3ème Chambre, 3 mars 2016, n°14-01463

5. Cour de Cassation, 3èle Chambre civile, 6 mars 2017 n°15-29384

6. Cour d’Ap-pel de Colmar, 3ème Chambre A, 31 mars 2016, n°14-06247

7. Cour d’Ap-pel de Rennes, 10 décembre 2015, n° 12/05619

8. Cour d’Ap-pel de Be-sançon, 1ère Chambre, 1er mars 2016, n°14-02152

9. Cour d’Appel de Paris, Pôle 4, Chambre 1, 12 février 2016, n°14-21109

son devoir d’information à l’égard de l’acquéreur ; Qu’en ne vérifiant pas l’exactitude de la surface qu’elle a mentionnée dans le compromis de vente, la société immobilière a commis une faute qui engage sa respon-sabilité ».Par ailleurs, l’agent immobilier ne peut se contenter de reprendre la déclaration du vendeur sur la surface. Il est tenu de faire des vérifications élémentaires4. Il in-combe à l’agent immobilier de vérifier la cohérence de la dé-claration de surface du vendeur au regard de l’acte notarié. La Cour de Cassation rappelle que l’agent immobilier, professionnel de l’immobilier, qui connait par-faitement le local, doit se rendre compte d’une erreur et deman-der au métreur de la rectifier5.

Les prochains travaux à réaliserL’agent immobilier a l’obligation d’informer les acheteurs de la réalisation prochaine de travaux onéreux, portant sur un aspect essentiel de l’immeuble6.«  Cette décision d’engager ces travaux de réfection pour un montant de 113 500 euros, ho-noraires de syndic et d’architecte en sus, a d’ailleurs été votée par l’assemblée des copropriétaires du 29 mars 2012, soit postérieu-rement à la vente immobilière ré-alisée le 29 février 2012. La SARL immobilière était parfaitement informée des travaux de toiture envisagés dès avant la signature du compromis de vente signé avec X… le 20 décembre 2011, puisque par lettre recommandée en date du 21 décembre 2010 reçue le 27 décembre 2010, elle a été destinataire, pour le compte des époux K, du pro-cès-verbal de l’assemblée gé-nérale du 13 décembre 2010. En n’informant pas X… de ces travaux onéreux, portant sur un aspect essentiel de l’immeuble, qui subissait des infiltrations par la toiture, l’appelante a engagé envers l’intimée sa responsabili-té quasi délictuelle en manquant

à son obligation d’information, ce d’autant que par courriels du 13 février 2012, X… avait sollicité de l’agence immobilière la pro-duction du dernier procès-verbal de l’assemblée générale de la copropriété. L’appelante, qui a manqué à son obligation d’in-formation, ne peut se retrancher derrière le fait que l’intimée avait connaissance du nom du syndic de la copropriété et aurait pu se renseigner directement auprès de lui, pas plus que derrière le fait que le notaire était aussi dé-biteur d’une telle obligation en-vers X…, alors que la SARL im-mobilière avait une connaissance parfaite de l’état réel du bien près d’un an avant la signature du compromis de vente».

Mais circonscrite selon les circonstances

Même en sa qualité de ré-dacteur d’acte, l’agent im-

mobilier ne voit sa responsabilité engagée que dans son domaine de compétence.

La présence de mérules

En présence de mérule, il ne peut être reproché à l’agent immobilier de ne pas avoir cri-tiqué le devis d’une entreprise spécialisée7. «  L’agence immo-bilière ayant décelé des traces suspectes au-dessus de la porte d’entrée a, conformément à sa mission, pris l’initiative du devis (…) du 16 février 2007 qu’elle a communiqué aux époux A... pour servir de base à leur offre d’achat du 17 février 2007 pro-posant au vendeur d’en conser-ver la charge. (…) C’est à bon droit que la société (immobilière) soutient avoir ainsi rempli son devoir de conseil. Il ne peut lui être reproché de n’avoir pas cri-tiqué ce devis réalisé par une en-treprise spécialisée qui ne s’est révélé que par la suite fondé sur des recherches incomplètes et erroné tant dans son montant que dans l’ampleur des travaux préconisés. En outre, le devis de la société (…) ne faisait pas expli-

citement référence à la présence du mérule».

L’agent immobilier n’est pas fiscalisteCette problématique s’est posée en matière de calcul de la plus-va-lue immobilière à acquitter en cas de vente d’immeuble8. «  C’est dès lors par des motifs pertinents que la cour adopte, considérant d’une part, que la Sarl (immobi-lière) a légitimement pu penser que X... avait été suffisamment informée par son notaire des ré-gimes d’imposition associés à ses deux biens et, d’autre part, que celle-ci n’administre pas la preuve qui lui incombe que, par suite d’une faute imputable à l’agent immobilier, elle a perdu une chance de renoncer à son projet de vendre l’immeuble loué, que les premiers juges l’ont déboutée de ses demandes ».

L’agent immobilier n’est pas un professionnel de la construction«  Considérant que le jugement sera confirmé par adoption de motifs en ce qu’il a rejeté les demandes de X formées à l’en-contre de l’agence immobilière et du notaire9; Qu’il sera seule-ment ajouté, en ce qui concerne l’agence, que celle-ci n’est pas une professionnelle de la construction, et ce peu impor-tant que d’autres biens aient été sinistrées dans le voisinage dès lors que le mode constructif des pavillons diffère d’une construc-tion à l’autre et que celui litigieux était en bon état au moment de la vente, ainsi que constaté par le professionnel du bâtiment qui assistait X, lors des visites ».

Kevin TRODOUX

Président associé de Pierre Bretevil SAS

Chargé d’enseignement à l’Université