l'Objet de La Kabbalah Selon Manitou

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L’objet de la Cabale Il ne faut pas vous attendre à des révélations magiques, même pas sur le taux du dollar demain. Il y a tout un aspect de mystique autour du thème de la Kaballah qu’il est nécessaire dès le début d’atténuer. Plan de l’étude : Nous allons d’abord nous occuper d’un problème de linguistique. Ce mot de Qabalah que signifie-t’il dans la tradition juive? De telle sorte de bien comprendre ce qu’il véhicule comme enseignement et message, et transmet. Ensuite nous aborderons un premier aperçu très bref de la relation entre le temps de la prophétie et le temps de la Kaballah. Ensuite, j’enterrais dans le gros du sujet, la définition de l’objet de la Kaballah, la relation entre la Kaballah et la prière. En fin de scéance nous verrons un bref récapitulatif historique de longues époques de la Kaballah jusqu’à nos jours. Nous avons décidé de mettre sur pied ce séminaire surtout comme introduction à l’enseignement du Rav Kook qui, lui, ne peut vraiment être reçu avec bénéfice si j’ose dire, que si on possède déjà un certain nombre de notions suffisamment éclaircies et suffisamment précisées du vocabulaire de la Kaballah. Par conséquent, il n’est pas question ce soir de vous apprendre l’histoire de la pensée kabaliste de la tradition kabaliste dans son ensemble. …/… Première partie: la terminologie. Le mot de Qabalah a un 1 er sens très général, et peut-être trop général, dans le sens de tradition. C’est un des termes traditionnels dont se sert l’hébreu pour dire la « tradition ». Les connaissances qui se sont transmises par traditions. Il y a déjà une première précision : ce sont des connaissances qui si elles n’étaient pas transmises ne pourraient pas être connues. On pourrait tout de suite objecter qu’il y a cependant des 1

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Torah, Spiritualité juive

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L’objet de la Cabale  Il ne faut pas vous attendre à des révélations magiques, même pas sur le taux du dollar demain. Il y a tout un aspect de mystique autour du thème de la Kaballah qu’il est nécessaire dès le début d’atténuer. Plan de l’étude :Nous allons d’abord nous occuper d’un problème de linguistique. Ce mot de Qabalah que signifie-t’il dans la tradition juive? De telle sorte de bien comprendre ce qu’il véhicule comme enseignement et message, et transmet. Ensuite nous aborderons un premier aperçu très bref de la relation entre le temps de la prophétie et le temps de la Kaballah. Ensuite, j’enterrais dans le gros du sujet, la définition de l’objet de la Kaballah, la relation entre la Kaballah et la prière.En fin de scéance nous verrons un bref récapitulatif historique de longues époques de la Kaballah jusqu’à nos jours. Nous avons décidé de mettre sur pied ce séminaire surtout comme introduction à l’enseignement du Rav Kook qui, lui, ne peut vraiment être reçu avec bénéfice si j’ose dire, que si on possède déjà un certain nombre de notions suffisamment éclaircies et suffisamment précisées du vocabulaire de la Kaballah. Par conséquent, il n’est pas question ce soir de vous apprendre l’histoire de la pensée kabaliste de la tradition kabaliste dans son ensemble.…/… Première partie: la terminologie. Le mot de Qabalah a un 1er sens très général, et peut-être trop général, dans le sens de tradition. C’est un des termes traditionnels dont se sert l’hébreu pour dire la « tradition ». Les connaissances qui se sont transmises par traditions. Il y a déjà une première précision : ce sont des connaissances qui si elles n’étaient pas transmises ne pourraient pas être connues. On pourrait tout de suite objecter qu’il y a cependant des livres ! En particulier la mise par écrit de la parole prophétique dans la Bible. Il y a la Bible ! Ne suffit-il pas de lire, d’étudier, d’approfondir le texte biblique ; et aussi les textes de la tradition orale qui ont été mis par écrit d’autre part parallèlemment pour disposer de ce contenu traditionnel de connaissances transmises dans le sens premièrement étymologique du mot de Qabalah. La réponse est apparemment non, puisque nous sommes en présence dans la tradition juive – comme d’ailleurs dans d’autres traditions – de deux dimensions traditionnelles, l’une ésotérique et l’autre exotérique. Point sur lequel je reviendrais aussi. 

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Ce qu’on appelle la tradition ésotérique – celle qui est réservée à certains initiés et qui se transmet de « bouche à oreille », en hébreu de « bouche à bouche » – ce changement d’expression est important à comprendre aussi : de « bouche à oreille » signifie que celui qui entend entend ce que son oreille entend de ce que la bouche dit. De bouche à oreille il y a une diminution sinon parfois dénaturation de ce qui a été transmis. C’est le risque. De bouche à bouche signifie que la bouche de l’oreille qui a entendu répète ce qu’elle a entendu de la bouche qui a parlé. L’expression n’est pas exactement la même, et la mentalité même et la philosophie de la transmission de la tradition n’est pas exactement la même. Il y a donc une lignée ésotérique de la tradition initiatique s’appuyant bien sûr et au-delà de ce qui est dit-écrit dans le livre, et d’autre part, la lignée de l’enseignement exotérique, celle qui est explicite, et celle qui se réfère directement, purement et simplement, au contenu des livres. Nous verrons tout à l’heure dans le descriptif historique à quel moment la tradition prophétique s’est scindée pour devenir l’une ésotérique qui va devenir la Laballah dans la traditon juive, et l’autre ésotérique, qui est l’enseignement du judaïsme en général tel qu’il est connu en dehors de la tradition kabaliste. Voilà donc le premier sens : Qabalah signifie tradition. Avec déjà cet accent sur le fait qu’il s’agit d’une tradition particulière qui est essentiellement orale. Je ne voudrais pas trop pousser les concepts et les catégories à la limite, nous sommes obligés d’être trop schématiques, mais à la limite on pourrait dire que il y a certes des textes écrits par des Kabalistes, mais que la Kaballah elle-même est restée orale. Et si ces textes des kabalistes eux-mêmes ne sont pas décodés, décryptés, expliqués par quelqu’un qui en a reçu l’explication oralement de génération en génération il reste finalement hermétique. Le plus grand piège c’est leur facilité. Ils sont très simples à lire, tellement facile que l’on croit avoir compris. Dans le cours du séminaire vous en aurez quelques exemples. A simple lecture au niveau purement littéraire ce sont des textes faciles et d’ailleurs très séduisant par leur facilité littéraire. Mais tant qu’on n’a pas entendu de quelqu’un qui a lui-même entendu de quelqu’un ce que signifie chacune des catégories employées alors cela se fait prendre pour une sorte de poésie philosophique, il y a là un piège. Mais cependant, le premier sens du mot de Qabalah signifie tradition, je pose de nouveau la même question : en quel sens ? Le sens du mot hébreu Qabalah se rattache à la racine Léqabel qui signifie tradition reçue.

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Alors que nous avons d’autres termes pour dire la tradition en général. Par exemple, la Massorah, ce qui est transmis. Et chacun reçoit ce qu’il peut recevoir. La Kaballah, d’après le terme même qui est employé – Léqabel – cela signifie recevoir. Donc cela restreint de façon bien précise la définition déjá sémantique du terme : des connaissances que l’on en peut posséder que si on les a reçu et en tant qu’on les a reçu. Historiquement, cela signifie, et nous allons le voir de différentes manières, que la Kaballah est la tradition hébraïque telle qu’elle représente la perpétuation de la prophétie. Cette définition de la connaissance par révélation qui ne peut être connue que si elle a été reçue, c’est d’abord la définition dela prophétie. Par conséquent, il y a un monde important de notre étude que je mettrais en évidence : c’est le temps de la cessation de la prophétie. Et c’est déjà à ce moment que divergent ces deux lignées d’enseignements, la lignée ésotérique et la lignée exotérique, à partir du même tronc de la révélation prophétique. Nous verrons pourquoi. Mais il y a quelque chose de plus qui nous amène au deuxième point. La relation entre la Qabalah et la prière, toujours dans l’exploration de l’objet de la Kaballah, et nous n’en sommes vraiment que à la surface. Ce qu’on appelle en français les Kabalistes – je laisse de côté les spécialistes de la Kabalah, universitaires et historiens, ces savants qui s’occupent des textes de la Kabalah, cela ne signifie pas qu’ils soient kabalistes dans le sens traditionnel, qu’ils fassent partie de cette lignée traditionnelle que j’ai appelée ésotérique qui fait suite à l’enseignement des prophètes - mais en hébreu ceux qu’on appelle les Kabalistes dans le sens réel sont les Mékoubalim.Si on devait retenir uniquement le premier sens de recevoir Leqabel on devrait dire en hébreu pour désigner ceux qui ont reçu un enseignement spécifique le terme de Mékabélim. Mais on les nomme en hébreu les Mékoubalim et non pas les Mékabélim. Quelle est la différence ?-Mékabélim : ceux qui reçoivent.-Mékoubalim : ceux qui sont reçus. Première définition possible : ils sont reçus dans un cercle d’initiés. C’est peut-être une définition que vous trouverez chez les historiens. Mais lorsqu’on se réfère aux textes de référence on s’aperçoit que c’est un peu plus profond que cela. Il y a un premier texte qui se trouve dans la Massékhet Brakhot et qui appelle Mékoubal celui dont la prière est acceptée, reçue. (Brakhot 34b)On s’est aperçu que certains priants – hommes capables de prier – voyaient leurs prières exaucées rapidement, presque parfois spectaculairement et d’autres pas. On appelle celui dont la prière est reçue, acceptée, celui dont la prière est Me´koubélet, on l’appelle un

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Mékoubal. Il y a certains signes dans l’enseignement du Talmud grâce auxquels on peut connaitre qu’une prière sera acceptée. Toutes les prières sont entendues mais ne sont exaucées immédiatement sans que ce soit différé, qu’une certaine catégorie de prières qu’on appelle les prières des Mékoubalim, ceux qui sont eux-mêmes acceptés dans la prière. La relation entre la prophétie et la prière, nous l’apprenons dans un thème général important et connu sur lequel il faut réfléchir et qui nous remet de nouveau en évidence l’importance de ce moment où la prophétie a cessé comme événement historique à la fin du Bayit Rishone à peu près 450 années avant l’ère actuelle. Donc il y a grosso-modo 2400-2500 années. Pendant le temps où la prophétie était une réalité expérimentale et surtout depuis le temps où la prophétie n’est plus réalité expérimentale, il n’y a qu’une seule relation admise par la tradition prophétique entre Dieu et l’homme, c’est la relation par la parole. Or, la relation de la parole lorsqu’elle va de Dieu à l’homme c’est la prophétie, et lorsque la parole va de l’homme à Dieu c’est la prière. Par conséquent, il y a un contenu commun entre le contenu de la prophétie et le contenu de la prière.C’est ce contenu commun à la prophétie et à la prière qui est le véhicule des relations possibles quelque soient les hiérarchies que nous aurons à explorer entre Dieu et l’homme et l’homme et Dieu qui est l’objet de l’étude de la Kabalah. Et c’est la relation entre l’homme est Dieu par la parole. Or, il y a donc un appui historique. Cette relation a déjà eu lieu dans le sens de Dieu à l’homme, dans l’univers de la prophétie hébraïque biblique. Et par définition, les priants étaient les prophètes et les prophètes étaient les priants. Et nous l’apprenons d’Avraham lui-même.La première fois où la Bible emploie dans e même verset simultanément le mot de prophétie et le mot de prière c’est à propos d’Avraham au verset 7 du chapitre 20 :20.7ה ָּת� מּות, ַא� י-מֹות ָּת� ע ִּכ� יב--ַּד� ִׁש� ָך מ� יְנ� ם-ַא� ַא� ה; ְו� י� ְח� �ָך, ְו ְד� ַע� ל ַּב� ֵּל� ַּפ� ִית� יַא הּוַא, ְו� ב� י-ְנ� יִׁש ִּכ� ַא� ת-ה� �ִׁש ב ַא� ִׁש� ה, ה� ָּת� ַע� ְו�ְך ר-ל� �ִׁש ל-ַא& ָכ� ְו�Et maintenant, tu vas rendre la femme de cet homme, car il est prophète; il priera pour toi et tu vivras. Que si tu ne la rends pas, sache que tu mourras, toi et tous les tiens!" Il y a donc indépendamment des autres secteurs de la préoccupation de la tradition kabaliste un centre de définition qui nous est donné par le terme lui-même : il s’agit d’une tradition reçue des prophètes et qui rend possible le fait que la prière soit exaucée.Cela ne signifie pas que toute prière dite n’ait pas son importance. Elle est entendue. On dit de Dieu qu’Il est Shoméâ Téfilah (Celui qui entend la

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prière). Et l’exaucement est différé et suspendu jusqu’à ce qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Tout se passe comme si il y a des êtres privilégiés dont la prière a une conséquence immédiate. L’exemple que nous avons dans l’histoire de la Bible ce sont les prophètes eux-mêmes, et à la suite des prophètes ceux que nous appelons en français les Kabalistes, c’est-à-dire les Mékoubalim dans cette définition bien précise : ceux dont la prière est exaucée. J’en viens, en charnière de l’analyse, à ce moment important que je voudrais remettre en évidence pour son importance historique surtout au niveau de ses implications et de ses conséquences pour l’histoire universelle.On oublie que la prophétie comme réalité du dévoilement de la révélation du Créateur à sa créature a eu un temps historiquement clos. On oublie que la prophétie a cessé. C’est parce qu’on oublie qu’elle a cessé qu’on oublie qu’elle a eu lieu. L’essentiel du message de la Bible c’est de nous dire que la capacité de prophétie qui devrait être normale à tout homme, puisque tout homme est créature du même Créateur. Mais étant donné ce que l’histoire de l’homme a fait d’elle-même, il en a résulté que la capacité de prophétie demande un certain nombre de critères, un certain nombre de conditions particulières, et par conséquent, elle représente un fait exceptionnel. Or, ce fait exceptionnel était une réalité présente pendant un certain temps de l’histoire que raconte la Bible, et la Bible elle-même nous annonce que c’est ce qui va être clos. Je dirais tout de suite les deux raisons principales qui rendent compte du fait de la fin du temps de la prophétie, mais nous (ceux qu’on pourrait appeller les modernes avec une bonne distance par rapport à ce temps où la prophétie a cessé, c’est-à-dire la fin du 1er temple) nous nous trouvons dans un temps où nous n’avons pas expérience de ce qu’a été la prophétie comme réalité expérimentale. En prenant au sérieux la formule biblique que Dieu parle à l’homme pour lui dire que : « Vaydaber Hashem El Mosheh Lémor… » ou à tel ou autre prophète – nous sommes tellement éloignés de ce temps là que nous cherchons déjà l’analogie dans notre propre expérience intellectuelle ou spirituelle parce que nous n’avons peut-être pas le courage d’oser envisager de prendre au sérieux ce fait que la Bible nous raconte. En tout cas, nous nous trouvons dans un temps du monde où la prophétie a cessé. Nous verrons tout à l’heure que cela n’a pas cessé complétement. Il y a comme on pourrait le dire une sorte de rémanence de la parole prophétique qu’on va retrouver dans la tradition kabalistique de façon privilégiée, mais d’abord il faut prendre acte et remettre en évidence ce fait historique de l’arrêt de la prophétie : ce temps où l’existence du prophète était une donnée immédiate de l’existence tout court. Ce temps a cessé, nous nous trouvons dans un monde où ceci a changé. 

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Précisément à partir de ce temps-là, le contenu de la parole prophétique va être transmis dans des lignées différentes. Celle qui se relie aux textes de la mise par écrit de la parole des prophètes par la médiation de la foi. Et à partir de cette foi que ces textes sont vérité, on essaie par l’étude d’aborder une connaissance à l’échelle humaine, chacun à son niveau, autant que se peut, du contenu de cette mise par écrit de la parole prophétique. C’est là la lignée exotérique. Ce qui se passe dans toutes les écoles où l’on étudie les textes de la tradition.  Et comme vous le savez les textes de la tradition hébraïque c’est une bibliothèque d’une épaisseur considérable. Et il y a une médiation par la foi à ce que les prophètes ont dit et mis par écrit dans des livres. Et on étudie ces livres avec des maîtres, et de façon indispensable avec l’expérience faite par soi-même de ce qui est dit de sorte d’arriver à une élucidation et à une compréhension de plus en plsu claire, mais finalement, on ne peut pas identifier réellement totalement fondamentalement ce que le prophète a dit. On entend à tout le moins ce que le prophète a dit en ce temps-là pour le monde qui est le nôtre maintenant. Comment dans le monde qui est le nôtre nous entendrons ce que le prophète disait dans son monde. L y a une clause qui a disparu entretemps : le fait du dévoilement de la perception expérimentale de ce que les prophètes parlaient. Et donc nos lisons avec une foi entière et une connaissance chacun à son niveau la plus claire possible, nous lison par allusion dans notre monde ce que les prophètes avaient dit dans le leur. Je pourrais prendre beaucoup de temps pour develloper ce point qui me semble important. Il faut diagnostiquer le fait que depuis la cessation de la propphétie nous nous trouvons dans un monde qui n’est pas exactement celui dont la Bible nous a parlé au moins pour cette première raison que dans le monde dont la Bible a parlé il y avait des prophètes et ce fait a cessé. La plupart du temps les hommes de culture parlent de la prophétie uniquement pas analogie avec l’expérience que nous pouvons avoir nous dans notre monde spirituel du temps où la prophétie a cessé : une inspiration. Mais lorsque l’on parle de l’inspiration prophétique, parfois on lui donne la signification d’un expérience poétique, d’un certai indice, on parle des choses de la sainteté, on parle plus sérieusement que par allusions poétiques, mais malgré tout, cela reste du même ordre. Alors que si on prend les textes de la Bible au sérieux et surtout l’histoire qui a véhiculé ces textes et l’histoire que ces textes véhiculent, on s’aperçoit qu’il s’agit d’autre chose. On oublie toujours cette clause sur laquelle j’ai insité ce soir, c’est que ce phénomène du dévoilement de la parole de Dieu à la conscience humaine a cessé au niveau objectif et expérimental à un certain moment de l’histoire. Vous comprenez mieux cette bifurcation :

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Ceux qui ont reçu l’initiation des prophètes eux-mêmes et la signification de la structure de leurs langages, de leurs catégories, la manière d’identifier ce qu’ils voulaient dire lorsqu’ils s’exprimaient dans leur hébreu à eux au temps du devoilement l’ont transmis de génération en génération dans les lignées dites ésotériques. Et les mêmes textes dans la lignée exotérique vont avoir une signification des termes mystiques pour le monde où nous vivons. Alors que chez les kabalistes, descendants directs des prophètes, la signification est celle exprimée par le prophète dans la langue même du prophète. J’en donnerais un exemple : dans le contenu même à simple lecture du récit biblique, il y a énormément de textes la bible étant tombée dans le domaine public tous sont familiers avec son contenu obvie mais il reste des textes étranges, incompréhensibles, des notions sur lesquelles parfois les modernes jettent un voile pudique, déclarant ces passages des façons de parler, des tournures de langages anciennes…etc.Par exemple, la Bible parle des anges ! Mais personne n’a jamais vu un ange dans notre monde !Qu’est-ce que cela signifie ? Quelle est cette expérience réelle des hommes bibliques qui voient des anges et les entendent parler ? Tout est normal dans le récit biblique et pourtant pour nous c’est singulièrement étrange ! Vous devinez tout de suite que la lecture de la lignée exotérique et la lecture de la lignée ésotérique du discours prophétique lui-même sont différentes. L’acte de foi est le même. C’est l’acte de foi qui consiste à se relier dans cette médiation de la conviction que ce qui est dit est vrai. Et puis c’est un problème pour lui-même. Comment la foi se vérifie dans l’expérience de l’existence. Comment la foi en le passé de la révélation prophétique se vérifie dans l’histoire. C’est un sujet pour lui-même. Mais le résultat dans le contenu de la connaissance, dans l’éclairage de l’esprit lui-même, est différent. Dans la lignée exotérique, c’est la règle au niveau des connaissances intellectuelles desquelles on va déduire des implications pour la conduite morale et la vie spirituelle elle-même. C’est une religion de la parole de la prophétie, connue par ses adeptes comme étant vraie à priori. C’est le monde traditionnel habituel. Tandis que dans la lignée ésotérique des kabalistes on va rentrer dans le jardin de la connaissance, derrière le voile. On va comprendre et lire le monde à la manière dont les prophètes l’ont fait. Ces prophètes qui avaient d’ailleurs une initiation de connaissance avant d’être capables du dévoilement comme expérience. Pour les kabalistes ce dévoilement se transmet comme atténué, dilué, chacun dans sa capacité de réception, à travers une initiation et une étude. 

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Cela ne signifie pas qu’il n’est pas arrivé que tel ou tel kabaliste n’ait pas eu une expérience prophétique ponctuelle. Mais la tradition n’en parle jamais. La différence essentielle entre le prophète et le kabaliste du point de vue de la valeur du dévoilement, c’est que le prophète recevait son dévoilement à l’échelle objective et universelle – sa prophétie était valable pour tout Israël et à travers Israël pour toute l’humanité, c’est l’objet de l’a prophétie biblique à proprement parler – la capacité prophétique du kabaliste elle est beaucoup plus subective et concerne sa manière d’être homme en particulier et celles de ses disciples dans leur manière d’être homme à la manière de leur maitre. Elle concerne tel ou tel cercle restreint, défini en une équation personnelle humaine beaucoup plus particulière. Raison pour laquelle on trouve à travers l’histoire des écoles kabalistes différentes suivant tel ou tel sujet. Malgré tout, la kaballah représente la suite, la rémanence de ce qu’il a pu resté de la prophétie dans le monde privé de prophétie. Mais c’est différent du fait que tel ou tel kabaliste dans l’histoire de sa vie ait pu avoir tel ou tel moment prophétique réel. Nous en avons beaucoup d’exemple, surtout dans la Kaballah de Safed du 16èmesiècle. Par exemple les récit de Maguidim. Le Maguid est, pour celui qui en a l’expérience, un ange qui se révèle à celui qui étudie la Torah à la maiére de la Kaballah, en général el vendredi soir, et qui lui donne des dévoilements et des révélations de contenus de connaissances. Ce sont des moments de l’ordre de la prophétie. Mais cela reste subjectif, personnel. C’est particularisé. C’est la Torah de Dieu de la parole prophétique, mais dans les limites très précises de telle manière d’être homme.

 L’objet de la Kaballah en général : La méthode la plus simple est de comparer ce qui ressemble le plus à la pensée de la Kaballah, c’est-à-dire l’élucidation du contenu de vérité á travers l’enseignement des prophétes. Ce que Dieu avait à dire à l’homme du monde dans lequel l’homme a été situé.Nous avons dans la culture humaine deux courants qui ont apparemment le même objet : d’une part, la philosophie, et d’autre part la théologie. Je vous donnerais très rapidement la définition de la pensée de la kaballah et de son objectif entre la philosophie d’un côté et la théologie de l’autre. 

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La perplexité de l’homme philosophe c’est précisément l’homme. Le philosophe apparait comme un homme  préoccupé par l’homme, inquiet au sujet de l’homme, et qui cherche à trouver les conditions théoriques et pratiques d’existence de l’idée d’homme. Pour récapituler la définition globale de l’ensemble des préoccupations philosophiques et ses perplexités c’est au sujet de l’homme.Effectivement, les grands philosophes ont essayé d’élucider la notion d’homme. Chaque fois qu’une connaissance est rattachée à la question de la destinée de l’homme, elle prend une allure philosophique  et devient philosophique en elle-même. Très brièvement, je rappellerais que la pensée philosophique n’est pas première. L’homme à la recherche de la sagesse n’a pas premièrement pensé comme le philosophe. Il y a d’abord eu un stade qui était le stade des sages, censés posséder la sagesse. Alors que le philosophe – étymologiquement c’est son nom -  se définit comme celui qui recherche la sagesse dans l’attitude de perplexité de quelqu’un qui avoue qu’il ne la possède pas. Il la recherche. Philosopher signifie étymologiquement aimer la sagesse, la rechercher parce qu’on en la possède pas. L’indice même de la philosophie c’est la perplexité et la recherche.Or, la tradition de la pensée philosophique dans l’histoire de la pensée humaine est datée de façon précise. L’homme commence à philosopher historiquement en Grèce pour des raisons sociologiques et historiques dont les historiens peuvent rendre compte, précisément au temps de l’arrêt de la prophétie dans la tradition juive. C’est à peu près à la même époque que les derniers des prophètes parlent et que les premiers des philosophes philosophent. Dans l’humanité universelle, le temps de la mythologie est contemporaine de la prophétie en Israël. La fin du temps de la mythologie qui correspond au temps de la fin de la prophétie en Israël c’est le temps de la sagesse. La sagesse retient la mémoire des mythes anciens, mais très rapidement, parce que la prophétie a cessé et puisqu’elle a cessé en Israël elle a cessé partout, alors les mythologues n’ont plus compris leurs mythes. Ils sont devenus incapables d’identifier le contenu de sagesse des mythes qui leur avaient été révélés par leur propre tradition. C’est le temps de la sagesse. Et très rapidement cette sagesse va se remettre en question dans la méthode de la philosophie. Il est important de noter pour notre sujet que c’est la même période de l’histoire de l’humanité. Rapport entre la mythologie et la prophétie : Je voudrais l’éclairer du point de vue des critères de la tradition juive elle-même : selon les postulats du récit biblique c’est un Dieu unique qui se révèle lorsqu’Il se révèle. Et par conséquent s’il en est ainsi, lorsque le Dieu unique se révèle, Il se révèle à l’échelle universelle. Chacun de ceux qui écoutent écoute à sa manière. Le cas particulier d’Israël dans cette

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écoute a été la prophétie. Pour toutes les autres sociétés, les nations, les Goyim, ce fut la mythologie, chacun dans le style de son équation personnelle. Il y a le cas particulier de l’être hébreu qui a fait que la parole émise par Celui qui donne la parole prophétique est reçue comme elle a été donnée. C’est le mystère de la famille des patriarches.Chaque manière d’être homme qui va fonder telle ou telle nation, telle ou telle tradition, a constitué une équation personnelle psychique et culturelle qui fait écran entre la parole du Dieu unique et l’homme qui la reçoit. Elle a joué le rôle d’un prisme transformant la lumière en en gardant ce qu’il voulait en garder. Mais la transformant.Le cas particulier dans l’histoire des traditions du peuple d’Israël et de l’identité hébraïque au niveau des patriarches, c’est qu’il n’y a pas de prismes ou diaphragme mais transparence absolue. Et c’est pourquoi à travers l’histoire humaine la parole de Celui qui apparait au temps de la prophétie a été véhiculée tel quel à l’échelle de l’universel humain à travers l’identité hébraïque.C’est un sujet pour lui-même.C’est important à comprendre pour découvrir ce fait banal qui peut être refusé, et contesté, de la portée universelle de la prophétie hébraïque, même chez les pires ennemis d’Israël. Or, il y a un fait élémentaire qui va être notre premier étonnement : cette parole est en hébreu. Dieu s’est adressé à l’homme en hébreu. Nous pouvons le dire de manière inverse : c’est l’hébreu qui a écouté en hébreu cette parole divine. Et c’est ainsi qu’elle a été donnée à l’humanité. Cela veut dire qu’il y a dans l’identité hébraïque elle-même une manière d’être celui qui écoute la parole qui fait qu’il y a une homogénéité entre la parole et celui qui écoute     La tradition nous apprend que la Kaballah ne commence pas avec Israël mais avec le premier homme. Le dialogue entre le Créateur et la créature commence avec le premier homme. Mais dans toutes les lignées humaines cela finit par se perdre et ne s’est conservé qu’à travers la lignée hébraïque. Et encore de manière extraordinairement restreinte puisque l’immense majorité des lignées d’enseignements sont des lignées exotériques et que de très rares lignées ont été des lignées ésotériques, parfois avec de longs siècles d’éclipses comme nous le verrons. Au temps du dévoilement prophétique, les étincelles de cette vérité sont tombées partout si j’ose dire et ont atteint toutes les cultures à leurs racines qui ont leur origine dans cette révélation unique. Tant que c’était le temps de la captation de l’événement de la prophétie, les hommes des mythes qui parlent de la révélation entre Dieu et l’homme, entre Celui qui a créé le monde et la créature, ont une expérience assez analogue qui peut être diagnostiquée : celui qui a dit le mythe comprend ce qu’il dit et celui qui a écouté le mythe en comprend le contenu, chacun à son niveau, mais dans le temps où la prophétie était là comme expérimentale. Lorsque la prophétie cesse, elle cesse à l’échelle universelle. Le résultat

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de la cessation de la prophétie en Israël est l’existence de ces deux lignées émergentes exotérique-ésotérique.Chez les nations c’est essentiellement le phénomène de la philosophie. La sagesse étant le moment intermédiaire entre le temps du mythe et le temps de la philosophie. Vous retrouverez là  en particulier pour la société grecque qui a été la matrice de l’Occident et de la culture occidentale les différentes étapes de la transformation de la relation à la parole de vérité. Je citerais très brièvement à l’appui de cette analyse deux références que nous trouvons dans le Talmud. La première qui nous explique d’abord une définition : l’élément de révélation dont parle la bible en général c’est à deux niveaux : soit par l’événement, soit par la parole.Nous avons l’habitude de réserver le terme de prophétie au niveau de la révélation dans la parole. Mais il y a aussi la révélation par la vision : on voit l’événement, on y assiste. Ces événements nous sont racontés sous forme de miracles, ce sont des événements de dévoilement. Par exemple, au temps de la sortie d’Egypte. Nous avons un exemple très clair, le Talmud nous dit que lorsque la mer rouge s’est ouverte pour laisser passer le peuple Israël pendant la sortie d’Egypte, toutes les mers de tous les continents se sont ouvertes en même temps. L’explication simple de la tradition exotérique elle-même : si un conditionnement naturel est suspendu, il l’est à l’échelle universelle. Pour que la mer rouge s’ouvre il faut que toutes les mers s’ouvrent. La Bible en parle toujours à l’échelle universelle et chacun l’a vécu à sa manière. Le cas d’Israël est le cas particulier. Si on trouve dans d’autres traditions des récits du déluge très différentes du récit biblique, ce n’est pas étonnant puisque dans cette mémoire de cette manière d’être ce qui s’est passé s’est formulé de cette manière-là et pas d’une autre. La deuxième expérience de révélation c’est par la parole. Cela concerne directement notre sujet. Là encore, lorsque le Dieu unique qui révèle par la parole se révèle à l’échelle universelle quiconque a la capacité d’écoute écoute, mais il le fait à sa manière. Le cas particulier dans l’histoire de l’humanité étant la manière hébraïque d’écouter la parole hébraïque. Nous trouvons des textes kabalistes qui parlent d’un langage supérieur à toutes les langues, l’hébreu des prophètes y compris, ce langage sans lettre ni voyelle qui est la parole du Dieu Unique mais tout se passe comme si lorsque la révélation se fait elle se fait en direct pour Israël, et en différé pour les autres traditions et les autres nations. Il est évident qu’un homme d’une autre tradition pourrait discuter ce postulat. Le phénomène massif du caractère universel de la parole hébraïque dans le temps où nous vivons est une preuve expérimentale suffisante qui

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montre d’autant le mérite des premiers, les anciens qui n’avaient pas cette épaisseur d’histoire pour en avoir la vérification. Si on fait aujourd’hui le bilan du minimum commun d’évidences spirituelles de la conscience humaine universelle en général on retrouve en fin de compte les évidences de la prophétie hébraïque. Je dis bien « hébraïque » car il y a d’autres bibles traduites depuis la bible hébraïque qui sont d’autres livres, la manière dont d’autres hommes ont perçu de plus ou moins loin ce qui a été dit à l’hébreu.  Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas traduire, mais lorsque l’hébreu traduit dans d’autres langues il y a des chances que le contenu hébraïque soit passé dans les autres langues, si c’est un homme d’une autre langue qui traduit de l’hébreu, il projette dans l’hébreu sa propre langue.     Ce moment de l’arrêt de la prophétie est d’autant plus important, apparait à ce moment-là la tradition philosophique. Or, si nous demandons quel est l’objet de la pensée philosophique, la réponse c’est la recherche du fondement de l’idée d’homme. La pensée philosophique évacue complétement l’éventualité d’une réalité prophétique. Son postulat même c’est qu’il n’y a pas eu de révélation prophétique comme la Bible en parle, et que les prophètes sont des philosophes. C’est l’homme qui parle dans la Bible, c’est la parole du prophète. De ce point de vue-là le prophète est athée. Ces deux préoccupations-là – discours sur l’idée de l’homme ou discours sur l’idée de Dieu - ne sont pas inconnues de la tradition kabaliste, mais elles lui sont à proprement parler étrangères. En ce sens que sa perplexité propre commence au-delà. Le kabaliste a déjà reçu l’évidence de vérité du discours biblique : il est vrai que Dieu est et i est vrai que l’homme existe. Il peut parle de cela, converser avec le philosophe ou le théologien, mais ce n’est pas son propos ni sa perplexité propre, qui est beaucoup plus sérieux que cela si j’ose dire. La pensée philosophique et la pensée théologique corollairement apparaissent presque comme des pensées secondes au moment de la cessation de la prophétie. Pour le kabaliste le postulat est très clair : Quelque soit ses difficultés d’exister, l’homme existe.  Il ne considérera pas comme de l’ordre de la pensée adulte d’être préoccupé des attendus de l’existence de l’homme. De la même manière, quelque soit les difficultés de l’atteinte par la médiation de la foi puis de la connaissance de cette foi, pour le kabaliste, il est clair que le discours biblique véhicule une réalité vécue, et que par conséquent Dieu est. C’est au-delà qu’il commence à se poser sa propre question. Sa question c’est la possibilité de l’existence d’un monde. Ce qui fait problème pour la Kabalah ce n’est pas tant Dieu que l’homme, mais la relation entre Dieu et l’homme. Comment est-il possible qu’un monde existe ? Voilà la question de la kabalah.

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 Les kabalistes vont parler des mondes. Ils vont dévoiler et nous expliquer qu’on ne peut pas simplement dire « le monde ». Si nous ne disons que le monde dans les limites étroites de notre perception du monde extérieur tel que nous le connaissons, nous n’avons aucune réponse à cette perplexité : comment est-il possible qu’un monde existe ? Si Dieu existe il est tout.  Il n’y a donc pas de place pour autre que lui. Il y a là une tentative de solution du problème qui est en réalité une esquive : le panthéisme.Le panthéisme est le postulat que le monde extérieur dans lequel nous sommes situés et ce que les théologiens nomment Dieu c’est la même chose. Cela ne fait que esquiver le problème. Et je pense que cela a été une tentation permanente de l’esprit humain de tomber dans le panthéisme à cause de cette difficulté préalable : si Dieu est, il est tout, Il est absolument, et il n’y a pas de place pour autre chose. Vous connaissez toutes ces philosophies mystiques de la confusion de ces deux substances, le monde et Dieu, qui seraint la même réalité. En tout cas, c’est une vision qui en soi est incompatible avec le discours biblique. Le discours biblique catégorise les substances, les essences, les réalités : Dieu, l’homme, le monde. Selon la Kabalah pour la pensée adulte, Dieu c’est Celui qui fait être tout ce qui existe. L’homme c’est le moi qui pose la question de cette perplexité. Ce qu’il faut comprendre c’est la relation qu’il y a entre l’un et l’autre, et le lieu de cette relation c’est le monde. En partant du point de vue de l’homme philosophe, si c’est l’homme qui est l’être, le monde étant à la limite constitué par les représentations de la conscience humaine, c’est l’homme qui est tout. Et dans le monde de l’homme, il n’y a pas de place pour Dieu. De la même manière que dans le monde de Dieu il n’y a pas de place pour l’homme, apriori par les postulats de la découverte du problème. C’est la raison pour laquelle j’ai dit tout à l’heure que la perplexité propre et l’objet propre de la tradition de la Kabalah, c’est essentiellement la question de l’existence du monde, du monde comme relation entre Dieu et l’homme, d’une part – le courant de la prophétie . et d’autre part comme relation entre l’homme et Dieu – le courant de la prière. C’est ce qui va nous occuper dans les scéances suivantes. Simplement je dirais déjà aujourd’hui pour terminer cette partie assez rapidement que l’on trouve un parti-pris de méthode dans la tradition de la kabalah qui est la distinction radicale entre Dieu et ses attributs, entre Dieu et les médiations par lesquelles Il se relie à l’homme.Le kabaliste en général ne fait pas de théologie dans le sens classique. On ne parle pas de Dieu en Lui-même, tel qu’il est en Lui-même ; on n’en dit rien sinon qu’Il est. Raison pour laquelle le terme habituel des auteurs de la Kabalah c’est le Ein-Sof.

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 Terme sur lequel nous aurons à revenir dans les prochaines analyses. On peut le traduire à la limite en français par l’infini. Ein-Sof cela veut dire : il n’y a pas de limite, il n’y a pas de fin à son être. Peut-être que le terme de la tradition exotérique le plus simple pour servir d’appui à la compréhension du terme Ein-Sof, c’est-à-dire Dieu en lui-même, c’est le mot de Reshit. Si on arrive à percevoir intellectuellement, l’idée d’une réalité dont tout l’être consiste à être commencement, alors on commence un peu à entrevoir la signification de ce que signifie ce terme des Kabaliste de Ein-Sof. Ce qui dans sa manière d’être est perpétuellement commencement d’être. Il n’y a pas de Sof. C’est ce terme que les Kabalistes emploient pour désigner Dieu en lui-même, indépendamment de sa relation au monde. Il faut distinguer une fois pour toutes celui qui est le Ein-Sof en lui-même et sa relation au monde, notre monde, celui de notre perception. La Kaballah nous dévoile le monde des hiérarchies et différentes médiations qu’il y a entre le Ein-Sof et nous. Ce principe nous permettra de dinstinguer entre le courant philosophique à proprement parler, le courant théologique et l’objet de la tradition de la Kaballah dans son sens strict. La question qui reste à élucider : comment un monde est-il possible ? 1 ère   époque  : Le premier niveau de la Kabalah c’est la prophétie elle-même. Nous retrouvons très souvent dans la Guémara le fait que les textes des prophètes sont nommés par le Talmud « Kabalah ». Kabalah dans le sens habituel de tradition. Dans les 1ères pages de la Massekhet Baba Qama, nous trouvons souvent l’expression de la Guémara : divrei torah midivrei kabalah lo yalfinan. On ne tire pas un enseignement concernant les commandements de la Torah des paroles des prophètes.  Ici le mot de Kaballah désigne les prophètes ! Pour les Talmudistes, il n’y a jamais eu d’ambiguïté : ils appellent Kaballah les prophètes eux-mêmes. C’est ensuite que le terme de Kaballah va désigner la perpétuation de la connaissance intime de la pensée prophétique, dans la lignée ésotérique, par rapport à la lignée exotérique. La première période est donc la période des prophètes cela va d’Avraham jusqu’au dernier prophète de la fin du premier temple et début du deuxième temple avecla génération des fondateurs du Bayit Shéni : la génération autour de Ezra et Nehémie, Malakhi, Mordékhaï… les derniers des prophètes insipirés.   

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2 ème   période  : La deuxième époque : la figure principale qui apparait est Rabbi Shimon Bar Yo’haï. Il y a une controverse sur l’auteur du livre du Zohar chez les historiens. C’est l’enseignement des Tanaïm, disciples des prophètes, et de Rabbi Shimon Bar Yo’haï au temps de la mise par écrit de la Mishna c’est-à-dire la fin du temps des Tanaïm (lui-même a vécu vers la fin du 1er siècle de l’ère actuelle). C’est une sorte de mémoire du temps de la prophétie, une sorte de capacité, à travers la chaine initiatique de maitre à élève, de se situer dans le monde comme les prophètes le voyait.  C’est encore une description, une vision. D’après les historiens de la Kaballah, surtout modernes comme Guershon Sholem, ce seraient des Kabalistes du 13ème siècle qui en serait l’auteur. Cette époque est l’apogée de la philosophie religieuse. Pour lutter contre ses dangers, les kabalistes ont décidé de mettre par écrit et de dévoiler ces enseignements qu’ils recevaient traditionnellement depuis le temps des Tanaïm dans la lignée ésotérique. C’est le 1er élément caractéristique de mise par écrit d’un enseignement destiné à rester oral.Il y a danger spirituel, si on est inssufisamment préparé, à parler du monde caché tel qu’il est en réalité alors qu’on ne dispose que du diagnostic de perception du monde dévoilé. Mais surtout, c’est que c’était le temps de l’exil qui a commencé avec le temps de la fin de la prophétie. J’avais fait allusion aux raisons de l’arrêt de la prophétie.Il y a deux raisons principales :-La destruction de la nation hébraïque-La dispersion des rescapés de la nation hébraïque.Tant que le poste récepteur de cette émission en directe était là, l’émission était en temps réel.Lorsque le poste a été détruit, cela ne signifie pas que l’émission ne continue pas. Lorsque les conditions de la captation sont réunies on capte c’est le phénomène de la Kaballah. Mais il est indéniable que à la fin du 1er temple on est obligé de prendre acte que la nation hébraïque à travers les 12 tribus est détruite. Il y a des rescapés des Hébreux.Au temps du premier temple il y avait des prophètes.Au temps du deuxième temple, il n’y a plus que des kabalistes.La prophétie comme telle a cessé parce que la nation qui était l’interlocuteur de la parole prophétique a été détruite, il n’est resté que des communautés d’individus. Des Judéens, c’est-à-dire des rescapés des Hébreux. Chez les Judéens, il y avait des hommes à l’échelle individuelle capable d’être prophète. On a cité Hillel. On pourrait citer Rabbi Shimon Bar Yo’haï. On pourrait les citer tous. Mais ils ne l’ont pas été au niveau des prophètes de la Bible parce que la nation hébraïque de laquelle ils devaient être les prophètes n’était plus là ! Il n’y avait plus que les communautés juives.

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Vous comprenez la différence d’envergure de dimension d’identité de l’interlocuteur de la parole prophétique. La deuxième raison c’est la dispersion de ces rescapés de la nation hébraïque dans la grande histoire judéenne puis juive. Cela se réfère au fait que cette écoute en direct a un lieu privilégié qui est Eretz Israël. Lorsque le prophéte est en dehors d’ Eretz Israël, il ne prophétise que par son lien à Eretz Israël. Mais le phénomène de la prophétie ne concerne que Eretz Israël. Cette capacité prophétique est le propre de l’identité hébraïque et a son terroir propre si j’ose dire, de la même manière que toute identité culturelle a son terroir propre quelque soit sa spécificité. Il suffit de rassembler dans la même perception ces différents événements :-le temps de l’arrêt de la prophétie,-le temps de l’arrêt de la nation hébraïque,-le temps de la dispersion de la nation hébraïque,Pour s’apercevoir qu’il y a des liens très profonds entre ces différents événements. Corollairement, ce caractère secret de la tradition kabaliste vient du fait que les Juifs étaient en exil. Il était par conséquent dangereux de dire le dévoilement de façon trop directe. Cependant, les Kabalistes ont jugé qu’à partir du moment où une certaine forme de la théologie – non pas la tradition exotérique de la parole des prophètes – la théologie philosophique et religieuse qui avait commencé à se répandre et devenir dominante, il fallait lutter contre elle. Les Kabalistes ont donc décidé de mettre par écrit leurs enseignements sous forme plus ou moins voilée, mais dès qu’on édite un livre on sait à l’avance que ce sera aux mains du grand public. On a décidé de publier ce qui était jusque-là réservé à des lignées initiatiques bien particulières. C’est ce fait-là dont les historiens se sont emparés pour dater les premiers livres de la Kaballe.Mais le contenu du Zohar et du Bahir est de la même époque et vient de l’enseignement des Tanaïm. Il a été enseigné oralement jusque-là mais a été mis par écrit en ce temps-là pour lutter contre l’influence de la philosophie religieuse. Contemporaine à cette deuxième période dans le monde de l’universel humain se trouve l’expérience mystique qui est la rémanence du temps de la mythologie des autres traditions. 3 ème   période  : 

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Ensuite, nous avons une troisième période tout à fait différente qui est la période de la Kaballah séfaradite. Un des principaux maitres en est Na’hmanide - Ramban(1194-1270). Rabbi Yossef Gikatilla un peu postérieur (1248-1325). Cette période s’achève dans une œuvre presque achevée, et parfaite dans sa formulation : l’œuvre de Rabbi Mosheh Cordovero - Ramak (1562-1625). Cette Kaballah a pour véhicule d’expression le discours philosophique. Elle correspond à l’exploration philosophique du monde de la vérité dans le monde extérieur.Si nous suivons ce parallèle : que se passe-t’il dans le monde extérieur corollairement aux grandes étapes du dévoilement de la Kaballah dans la tradition juive ? Ou inversement : comment la tradition des prophètes va t’elle se formuler corollairement et parallèlement au développement de la pensée générale dans le monde extérieur ?Nous trouvons en première étape du temps de la mythologie la prophétie. Au temps des Tanaïm, de la littérature du Zohar et avec tout ce qui va avec : ce qui est encore de l’ordre de la vision et de la description : on fait voir ce dont on parle, on utilisera plus des « symboles » (simanim) que des concepts.  En ce temps-là c’est le temps de la mystique dans les autres traditions.  Puis vient le temps de l’exploration philosophique et métaphysique avec le moyen de l’intelligence rationnelle. Le discours kabbalistique correspondant en ce temps-là c’est celui de la Kaballah séfaradite. En ce temps-là, la force de l’esprit qui est utilisée pour l’exposé du discours c’est la raison et l’intelligence. Il faut se mesurer ou être au niveau de l’exploration de la pensée du monde extérieur par l’outil métaphysique. Le Ari - Rabbi Yits'haq Louria (1534-1572) est une charnière de l’époque suivante. A chacune de ces charnières nous avons un phénomène de visionnaire dans le sens strict. Avec le Ari de nouveau un retour à la capacité du temps du Zohar, du temps des Tanaïm : de nouveau le langage de la description dans la vision. Il y a un renouvellement-ressourcement de la parole de la Kaballah. Il y a eu des temps d’apogée et d’éclat, de temps  de dévoilements et des temps de retombées dans l’incognito et l’occultation dans cette période qui s’étend sur plus de 2000 ans. Cela est jalonné par des soleils qui donnent leur lumière. Très rapidement, lorsque les lignées s’éteignent et qu’on n’a plus les moyens de diagnostiquer oralement de façon vivante par relation avec celui qui a entendu de celui qui a entendu… les textes deviennent hermétiques. Surtout lorsqu’ils sont facile à lire. Le Ari a renouvelé le décryptage de ce dont il était parlé : la description des mondes qui sont la médiation entre le Ein-Sof et l’homme en tant que créature. Il y a un moment très important qui montre que d’autre part cette période de la Kaballah séfaradite ne s’achève pas, de la même manière que l’on continue d’étudier les prophètes et les Tanaïm, on continue d’étudier les

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kabbalistes séfarades qui ne viennent pas se substituer à la période précédente mais qui viennent en développement.Avec bien sûr diminution d’envergure : un Tana est moins grand qu’un prophète, un kabbaliste de Safed est moins grand qu’un Tana… Sauf les grands maitres qu’on appelait d’ailleurs Tana ou Navi. Il y a donc une évolution : ce qui change c’est le véhicule d’expression. En langage de kabbaliste c’est le levoush le vêtement. Le véhicule d’expression des prophètes est la parole prophétique, celui des Tanaïm c’est le style du Zohar, et celui de la Kabalah séfaradit est c’est le style de l’exposé philosophique, ou du moins le style qui tient compte des questions que pose le philosophe. Le Ari a renouvelé ce que j’ai appelé la Kabalah séfaradite. Au 13ème siècle : dévoilement par écrit des contenus pour pouvoir s’opposer à l’influence de la pensée philosophique. Aucune des communautés juives n’a jamais construit le monde de sa prière autour des données issues des théologiens, mais toute la structure du monde de la prière est autour de l’enseignement des kabbalistes. Dans ce conflit entre les philosophes de la religion et les kabbalistes eux-mêmes ce sont les kabbalistes qui ont triomphé, parce que les Juifs sont kabbalistes alors que les universitaires sont philosophes. Les théologiens ont triomphé à l’université. Les Juifs dans leur sentiment profond de relation à la parole biblique se sont mieux retrouvés dans le discours des kabbalistes que dans le discours des théologiens. 4 ème   période  : Ensuite, l’humanité en général va découvrir et particulariser un objet de sa perplexité dans la recherche de la vérité dans la vie spirituelle qu’on appelle aujourd’hui de façon très générale le monde de la psychologie, le monde de la vie intérieure. Après la métaphysique c’est le temps de la psychologie qui commence au 17èmesiècle déjà. C’est cette particularisation d’un morceau de la philosophie qui devient la psychologie avec toutes ses dimensions annexes, la découverte du phénomène de la vie intérieure en tant que tel, au-delà et plus profond du fait intellectuel. Le mot de psychologie a été employé la 1ère fois en Europe par Maine de Biran. Corollairement va apparaitre le ‘Hassidisme. La 4ème époque dont la grande charnière est le Baal Shem Tov (1698-1760).Il va initier une école de Kabbalistes qui deviendra le ‘Hassidisme qui va reformuler le contenu de la révélation prophétique avec pour objet d’éclairer ce monde de la vie intérieure. Là aussi les ’Hassidim ne vont

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pas se couper de la tradition du Zohar et de la Kaballah séfaradite précédente. Un lévoush supplémentaire va s’exprimer.Je crois que du point de vue de l’enseignement de la Kaballah, ce temps du ‘Hassidisme a été parachevé - un peu comme Mosheh Cordovero a parachevé au niveau littéraire la Kaballah Séfaradite – par un grand maitre kabbaliste contemporain qui vient des ‘Hassidim et qui est le Rav Ashlag – Baal HaSoulam (1884-1954). Lui a donné une forme systématique à cette formulation de la Kaballah à la manière de la ‘Hassidout : au niveau de l’exploration du monde de la vie intérieure.     5 ème   periode  :La dernière période avec la dernière charnière : de notre temps, après avoir exploré ce monde de la mythologie, puis la métaphysique, puis la psychologie, tout se passe comme si la pensée humaine s’est mise à l’indice de la découverte du phénomène étudié par les sciences de la sociologie. A ce niveau-là de la découverte du fait de l’homme au niveau de la société, de la collectivité et donc de l’universel, le reformulateur du contenu de cette Kaballah qui commence à Avraham Avinou à travers la Torah de Mosheh Rabénou, les prophètes, les Tanaïm, les Kabalistes séfarades, les’Hassidim… c’est le Rav Kook (1865-1935)!Puisque c’est corrolairement à l’apparition de l’état d’Israël que cette reformulation des contenus de la vérité prophétique va être donnée à l’échelle des problèmes de la société comme telle. Conclusion :De toute l’exploration des mondes intermédiaires que nous allons découvrir nommer analyser disséquer à partir des séances prochaines, c’est une direction principale que la Kaballah traditionnelle a retenu : la science de la prière.L’objet de la Kaballah en tant que pensée théorique c’est l’élucidation de l’existence du monde. Le fait que les contenus de la parole prophétique donnée centralement à Israël va être formulée par les différentes époques successives parallèlement aux différents véhicules d’expression de la recherche de la sagesse dans l’humanité en général.C’est pourquoi, pour étudier les contenus de l’œuvre du Rav Kook, il faut bien évidemment avoir déjà une idée des catégories du langage de la Kaballah par elle-même. Je vous énumère les différentes séances que nous aurons à suivre :Mardi 13 novembre :-Le problème de la création avec deux notions principalement étudiées : le Tsimtsoum et la Shévirat Hakelim.Mardi 27 novembre :-Le problème du mal.Mardi 4 décembre :-La restauration des mondes et le problème du Tiqoun Mardi 11 décembre :-Une séance de récapitulation.

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