Livret pédagogique - BIBLIO - HACHETTE · professeur en collège. Le Code de la propriété...

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Voyage en terre de Brésil Jean de Léry Livret pédagogique HACHETTE Éducation Établi par Fanny MARIN, certifiée de Lettres modernes, professeur en collège

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Voyage en terrede Brésil

Jean de Léry

L i v r e t p é d a g o g i q u e

HACHETTEÉducation

Établi par Fanny MARIN,certifiée de Lettres modernes,

professeur en collège

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122.-4 etL.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usageprivé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « lesanalyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute repré-sentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteurou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ».Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisa-tion de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue desGrands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par lesarticles 425 et suivants du Code pénal.

© Hachette Livre, 2000.

43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15.

ISBN : 2.01.168136.7

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Médiamax

Illustration

Harvey Stevenson

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C h a p i t r e 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

C h a p i t r e 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1

C h a p i t r e 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 3

C h a p i t r e s 9 e t 1 0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 7

C h a p i t r e 1 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 0

C h a p i t r e 1 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2

C h a p i t r e s 1 4 e t 1 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 5

C h a p i t r e s 1 6 , 1 8 e t 1 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 9

C h a p i t r e 2 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2

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B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N TA I R E 47

S O M M A I R E

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Avertissement

Nous ne proposons pas systématiquement de réponses aux questions de larubrique « À vos plumes ! ». En effet, nous considérons que cette rubrique,relevant avant tout d’un travail personnel, ne peut faire l’objet d’une correc-tion type.Les indications de pages accompagnant les chapitres renvoient aux question-naires du livre de l’élève.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?Les questions 1 à 6 mettent l’accent sur la situation historique du texte : lesconflits religieux et les persécutions des protestants en France, le temps desgrandes découvertes et les conditions de voyage à cette époque.

Chapitre 1

1. Les raisons qui poussent Villegagnon à entreprendre un voyage au Brésilsont d’abord personnelles : ennui et mécontentement (lignes 20-21), raisonsqui éveillent déjà la suspicion sur le personnage.Elles sont aussi politiques : c’est le désir d’établir une retraite pour les protes-tants persécutés en France (lignes 24 à 28) où ils pourront librement servirDieu (lignes 51 à 54). Ce motif n’est, d’après Léry, qu’un prétexte fallacieux.Ce sont enfin les louanges que Villegagnon a entendues sur le Brésil.Ajoutons un élément qui n’apparaît pas dans le texte. Le réel initiateur duprojet est l’amiral de Coligny pour des motifs politiques, mais aussi écono-miques : il veut concurrencer l’Espagne et le Portugal outre-mer (cf. « Autemps des grandes découvertes… », Dossier Bibliocollège, page 112).

2. Il est difficile de trouver des volontaires, car certains ont peur de s’enga-ger dans une expédition dont le retour n’est en rien garanti. À l’époque, onpart sans savoir si l’on reverra sa terre natale. Les périls de la mer, tempêtes,maladies, famines, pillages, sont les premiers obstacles et non des moindres.Le voyage s’annonce « long et fâcheux » (ligne 92) et il faut « endurer les flotsde la mer et la chaleur de la Zone torride » (lignes 103-104). Une fois arrivé, il

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faut se passer de pain et de vin (lignes 95 à 98) et s’acclimater « à des modesde vie et à des nourritures totalement différents des européens » (lignes 100-101).Enfin, il faut coexister avec des Sauvages anthropophages et risquer soi-même de leur servir de repas. Cela exige du courage : « les hommes que voici,plus courageux semble-t-il que les autres » (lignes 108-109).Remarque : l’absence de pain et de vin est un détail loin d’être anodin àl’époque. Symboles du corps et du sang du Christ, ils sont au centre du sacrement de l’Eucharistie, objet d’une vive polémique entre catholiques etprotestants. Les premiers affirment que le corps et le sang du Christ sont réellement présents dans le pain et le vin : c’est la transsubstantiation (transfor-mation de la substance du pain et du vin en corps et sang du Christ). Lesseconds sont partagés. Les luthériens affirment aussi qu’ils sont réellement pré-sents mais conjointement au pain et au vin (consubstantiation), tandis que pourles calvinistes, la présence du Christ n’est pas réelle mais purement spirituelle.

3. Jean de Léry décide de s’embarquer pour un motif pieux, servir la gloirede Dieu (lignes 113 à 115), mais aussi par curiosité et goût de l’aventure :il a 21 ans et la découverte du Nouveau Monde le séduit (ligne 116).

Chapitre 2

4. Léry admire la résistance des bateaux en mer, même « construits avec du grosbois bien lié, chevillé et goudronné » (lignes 16-17), la perfection de l’art de lanavigation (ligne 23), et plus particulièrement la boussole, ou aiguille marine,qui permet de s’orienter (lignes 24-25).Au-delà, c’est la petitesse de l’hommeface à cet élément et à la création divine qui le séduit, car si l’homme estcapable d’évoluer et de s’orienter sur le vaste océan, c’est toujours grâce àl’aide de Dieu.

5. Les relations entre les marins des différentes nations européennes sontrégies par la loi du plus fort.Aucune entente n’est possible ; la guerre est aucontraire perpétuelle, car c’est l’appât du gain qui les mène, sous prétexted’avoir les premiers découvert ces contrées (lignes 58 à 65).

Chapitre 4

6. Le titre du chapitre 4 est révélateur. Le texte donne d’autres éléments : lemauvais temps suivi d’accalmies (lignes 3-4), les vents inconstants (ligne 6),les tourbillons ou grains (lignes 13-14), les pluies infectes (lignes 19 à 23), lesoleil et les chaleurs extrêmes (lignes 23 à 25), la soif (ligne 27), le biscuit gâté(lignes 55 à 58) et les eaux douces corrompues (lignes 58 à 64).

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◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE

7. Mots de la même famille : le substantif feinte, synonyme de ruse, subterfuge.Des synonymes de feindre sont les verbes simuler, faire semblant.

8. Chapitre 2, champ lexical de la mer et de la navigation : embarquement, port,navires, îles, naviguer, mer Océane, côte, air marin, vagues, toucher le fond, bateau,navigation, aiguille marine, matelots, marins (substantif), calant la voile, aborder,voguent, monter à bord, aller au fond, flotte.Au chapitre 4, on relève timons et gouvernails, hunes et quilles.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

9. La situation de communicationDestinateur ou émetteur : le « je » du narrateur est identifié avec l’auteur Jeande Léry (chap. 1, lignes 114 à 116). Il s’agit d’un récit autobiographique oùnarrateur, personnage et auteur sont une seule et même entité. Le « nous » estégalement employé.

Destinataires : on relève de multiples adresses à un ou des lecteurs : « Et afinque toute cette histoire […] d’un chacun » (chap. 1, lignes 14-15) ; « Que dites-vousde cela, messieurs les délicats » (chap. 4, ligne 65). Ce sont des lecteurs contem-porains de Jean de Léry, Européens ne s’étant pas rendus au Brésil et auxquelsil fait part de son expérience, avec parfois des adresses plus directes et des critiques (chap. 4, lignes 76 à 87).

Récepteurs autres : nous, lecteurs du XXe ou XXIe siècle, séparés du temps dela production par environ 500 ans.

Code et canal : langue française, support écrit, sous la forme du récit devoyage.

Circonstances et référent : France du XVIe siècle.Attention, il faut relever l’écartentre le temps des événements (1555-1558) et celui de la narration (1578). Leréférent est la description du Nouveau Monde, le Brésil.

10. Les indices de la critique de Villegagnon. Cette question sensibilise les élèves aux modalités du discours : « sous le couvert de ce beau prétexte »(lignes 38-39), « par ce même sentiment qu’il prétendait éprouver » (lignes 40-41),« feignant » (ligne 71), « autant qu’il pouvait » (ligne 72), « disait-il » (ligne 80).

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◆ ÉTUDIER LE GENRE DU TEXTE : UN RÉCIT DE VOYAGE

11. Jean de Léry situe son œuvre par rapport à celle des cosmographes et des historiens contemporains qui ont déjà écrit sur le Brésil (chap. 1, lignes 1 à 10). Il s’inscrit à la fois dans leur lignée et en marge, car il prétend écrire un récit qui n’a pas encore été fait et le fonder sur le vécu.

12. Son but est décrit au chapitre 1, lignes 10 à 14. C’est le « je » du témoinqui est mis en avant ici. Il établit la validité et la valeur du récit.

13. La force et la valeur du récit de Léry tiennent, selon lui, à ce qu’il est alléau Brésil et en est revenu. Il a enduré les souffrances dont il parle, il a connula réalité des choses et non leur théorie. Il met en avant l’expérience contreles livres et les dires « de ceux qui jamais n’en revinrent ». Il a été témoin, et yrevient tout au long de son récit (cf. aussi le chapitre 5 : « je les regardai etcontemplai avec soin », ligne 61 ; « à vrai dire », ligne 75).

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA CRITIQUE

DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE

14. La rupture du dernier paragraphe est liée au changement de temps : onpasse de l’imparfait de description au présent du discours direct.C’est ensuite une adresse directe aux lecteurs : emploi du présent, discoursdirect, apostrophe (« messieurs les délicats »), répétition des pronoms personnelsde la deuxième personne du pluriel.Il y a une nette rupture de ton : propositions interrogatives (lignes 65 et 74) ;nombreux impératifs ou phrases déclaratives à valeur d’ordre (« je vous le décon-seille », « je vous prierais », « cédez un peu »).

15. La double critique que Léry adresse à ses contemporains concerne leurmode de vie (lignes 65 à 68) et leur volonté d’en imposer dans un domaineoù ils ne connaissent rien, sauf par les dires d’autrui ou les livres (lignes 76 à 80).

◆ À VOS PLUMES !16. Consignes : la description utilisera l’imparfait ; il faut au moins un péril(tempête, avarie du bateau, rencontre de pirates…).

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Le voyage en mer a duré près de quatre mois (ligne 11).

2. Titres possibles– Lignes 1 à 37 : premier aperçu du nouveau continent et de ses habitants.– Lignes 38 à 97 : premier contact et échange avec les Sauvages américains,et description de ceux-ci.– Lignes 98 à 127 : le départ des Margajas et l’anecdote piquante.– Lignes 128 à 132 : reprise du voyage (paragraphe de transition).– Lignes 133 à 185 : découverte d’une plaine engendrant une digression surses habitants, les Ouetacas.– Lignes 186 à 200 : fin du voyage ; arrivée à destination.

◆ ÉTUDIER LA GRAMMAIRE

3. Les temps employés sont l’imparfait de description, le présent d’actualité(« ceux qui ont une perruque chez nous », ligne 70), le présent de vérité géné-rale (lignes 75 à 78), le conditionnel passé (« on aurait pu passer le doigt dans lestrous », ligne 81) traduisant l’irréel du passé.Noter que c’est l’imparfait, tiroir verbal de la durée, qui est employé dans unedescription au passé. Quand le récit reprend, on emploie le passé simple, tiroirverbal de rupture, traduisant la succession plus ou moins rapide d’actionsrévolues.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS :LES INTERVENTIONS DU NARRATEUR

4. Pronoms personnels sujets de la première personne du singulier : lignes 59à 64, 83, 85 et 93. Jean de Léry emploie ces pronoms pour introduire etconclure sa description des Margajas, pour la justifier et lui ouvrir un prolongement ultérieur.

5. Les verbes conjugués avec ces pronoms sont au passé simple ou au présentde l’indicatif, qui interrompt la narration et ramène au temps de l’énonciation.

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6. Il faut noter l’importance des verbes de parole et de ceux désignant l’actenarratif : décrire et peindre, ligne 62 ; dire, ligne 63 ; réfuter, ligne 83 ; parler,ligne 85 ; dire, ligne 93.Il s’agit de métadiscours, commentaire du narrateur sur sa narration.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA DÉCOUVERTE DE L’AUTRE

7. Les Margajas sont alliés aux Portugais et donc ennemis des Français (lignes 26 à 31). Relever le terme « inimitié » (ligne 38), qui synthétise lanature des relations.

8. Ce qui effraye les Français chez les Margajas :– lignes 29 à 31 : les Margajas sont anthropophages, et les Français risquentd’être capturés et mangés. La peur d’être dévoré revient comme un leitmotiv,elle est exprimée trois fois ;– ligne 40 : ils parlent une langue incompréhensible ;– leur physique avec un corps peint en noir (lignes 66-67) ; leur étrange coiffure évoquant à la fois la tonsure et la perruque (lignes 66 à 70) ; leurlèvre inférieure percée qui leur dessine une seconde bouche et les défigure(lignes 76-77) ; les oreilles affreusement percées des femmes (ligne 80) ;– ligne 94 : leur ruse pour attirer les Français par l’appât du gain, signe definesse et de perversité ;– lignes 100-101 : les Français craignent de fâcher les Sauvages, et ont peur d’« éventuelles suites fâcheuses ».Il faut relever les précautions prises par les Français dans cette rencontre(lignes 43 et suivantes). Ils ne s’approchent pas du rivage au-delà de la portée de leurs flèches, appellent les Sauvages et leur montrent de loin la marchandise. Ils se méfient de leur alléchante proposition concernant le bois de brésil, ne les retiennent pas quand ils manifestent le désir de partir, etn’oublient pas de les payer.

9. Éléments qui rendent les Sauvages sympathiques et fascinants :– les Sauvages vivent dans une région toujours verdoyante, sorte d’éden perduoù les victuailles et les fruits abondent : sauvages et barbares certes, mais vivantau paradis. C’est une première contradiction, difficile à résoudre pour Léry ;– la facilité de l’échange est surprenante : dès qu’ils ont compris, les Sauvagess’exécutent « sans se faire prier davantage » (ligne 50) ;

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– offrant de la nourriture en abondance (lignes 53 à 56), ils sont généreuxcomme la nature qui les entoure ;– ils font preuve de convivialité (lignes 90 à 93), qui n’est toutefois pasexempte de danger puisqu’ils proposent aux Français de débarquer dans l’endroit sous prétexte qu’ils ont le plus beau bois de brésil de la région ;– s’il est source d’effroi, leur physique donne lieu à une description surlaquelle s’attarde le narrateur ; les éléments qui surprennent, voire effraient,sont aussi les plus fascinants ;– les Sauvages ne connaissent pas l’usage de la monnaie (lignes 107-108) ;– ils utilisent les vêtements de façon comique (lignes 116-117). L’anecdotepiquante n’est en rien anodine, car elle provoque le rire de Léry et du lecteur, permettant ainsi d’évacuer la tension accumulée au fil de la descrip-tion des Sauvages. Elle engendre in extremis un rire libérateur, de soulagementet de sympathie.

10. Même dangereux, en partie d’ailleurs pour cette raison, les Sauvagesintriguent et fascinent les Français, et Jean de Léry en particulier. En dépit de l’anthropophagie et d’une hostilité certaine, mais liée aux rivalités européennes, l’écart entre Français et Margajas tient essentiellement à une différence, ou inversion, des normes culturelles : voulant se parer,ils s’enlaidissent et se rendent effrayants, et inversent le proverbe qui veut que l’on préfère la peau à la chemise. L’altérité se définit ici en termes culturels.

11. Les Ouetacas sont un peuple à part, sauvage entre tous et irréductible. Ilsne peuvent demeurer en paix (ligne 136), et ne s’entendent ni avec lesEuropéens ni avec les autres Sauvages. « Contre la coutume ordinaire des hommesde là-bas », ils portent les cheveux longs jusqu’aux fesses. Si les autres Sauvagessont anthropophages, au moins font-ils cuire leur viande. Les Ouetacas, eux,mangent la chair crue, ce qui autorise Léry à les comparer aux chiens et auxloups (ligne 150). Leur « langage est incompréhensible même à leurs voisins »(ligne 151). Ils n’ont aucun contact avec les nations européennes et surtoutn’en souhaitent pas. Lors des échanges avec les autres Indiens, ils ne respec-tent que dans une certaine mesure les règles, et ceux qui se risquent à faire du troc avec eux prennent des précautions révélatrices. Enfin, ils sontdésignés comme des « diablotins » (ligne 148) et doivent être « mis au rang desnations les plus barbares, cruelles et redoutées de toute l’Inde occidentale et terre deBrésil » (lignes 152-153).

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Il faut noter qu’ils sont d’autant plus terrifiants qu’il n’y a aucun contact réelavec eux. Leur description n’est pas fondée, comme celle des Margajas et desautres Sauvages, sur ce qu’a vu Léry. C’est une vision fantasmée qu’il endonne, dans une digression justifiée par le seul fait que le bateau longe leurterritoire.

◆ À VOS PLUMES !13. Il est essentiel de respecter la cohérence avec le chapitre ; c’est l’un descritères principaux d’évaluation. Par ailleurs, tous les Français ne peuventmourir. En particulier, même si l’aventure tourne mal, le narrateur doit survivre pour raconter. Rien n’oblige du reste à ce que l’expérience soit une catastrophe.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Incommodités à l’arrivée au fort de Coligny : la faiblesse due au voyageen mer, l’extrême chaleur, une nourriture peu abondante et différente decelle à laquelle ces hommes sont habitués, enfin les travaux forcés infligés parVillegagnon (lignes 1 à 10).

2. Deux raisons poussent Jean de Léry et ses compagnons à obéir àVillegagnon : leur désir d’achever le fort, retraite des protestants persécutés enFrance (lignes 17-18) ; l’assimilation de Villegagnon à un nouveau saint Paul :c’est un beau discoureur parlant bien de la Réforme et adhérant apparemmentau mouvement de tout cœur (lignes 20 à 22).

3. Première critique (lignes 46 à 50) : l’extrême cruauté de Villegagnon et lesmauvais traitements infligés aux Français, « plus mal traités qu’aux galères »,ainsi qu’aux esclaves margajas.Seconde critique (lignes 72 à 84) : sa débauche de luxe en matière de vête-ment alors qu’il prétend vouloir le réformer.

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4. Villegagnon a rejeté l’Évangile (lignes 90-91). Il n’adhère plus au dogmeprotestant : Jean de Léry et ses compagnons ne sont donc plus tenus de luiobéir. Villegagnon cherche ensuite à les affamer, puis refuse leur présencedans son fort et sur son île.Villegagnon « déclara ne plus vouloir nous supporterni endurer notre présence dans son fort, ou sur son île, et ordonna notre départ » (lignes 113 à 115).

5. Pour ne pas donner de motif de plainte à Villegagnon et ne pas ternir ledogme protestant aux yeux de l’Europe, Léry et ses amis préfèrent s’en allervivre au milieu des Sauvages, plus humains, jusqu’à ce qu’un bateau appareillepour la France.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE

6. « Réformation, réforme, réformer » : réformation vient du latin reformatio etréforme est le déverbal de réformer. Ces deux termes sont synonymes et dési-gnent à la fois l’action de réformer et le résultat de cette action. Réformervient du latin reformare et signifie « rétablir dans sa forme primitive », sens àprivilégier ici, ou « ramener à une forme meilleure ». Réformation fait direc-tement référence au mouvement de la Réforme, né de la volonté de redon-ner une meilleure forme à l’institution religieuse en revenant à ses principespremiers. Les deux autres termes ont leur sens courant, mais véhiculent néanmoins la même idée.

7. L’adjectif « bon » est employé par antiphrase. Il exprime le contraire de sonsens usuel. C’est une figure de l’ironie.

8. On relève les adjectifs « beau », ligne 81 et « bel », ligne 86.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS : PLAIDOYER ET CARICATURE

9. Motifs de plainte de Léry et de ses compagnons :Villegagnon les soumetà des travaux difficiles, comparables à des travaux forcés. Il les nourrit peu etmal. Il déçoit leurs attentes en matière religieuse. Il rejette la Réforme, puisles expulse définitivement.

10. Le narrateur affirme à trois reprises que Villegagnon n’avait aucun motifde se plaindre : lignes 26 à 29 ; 116 à 118 ; 133-134.

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11. L’insistance de Léry s’explique par sa volonté de convaincre le lecteurcontemporain, mais aussi la postérité, que la rupture entre Villegagnon et lesprotestants, et donc l’échec de la tentative de créer une colonie et un refugeau Brésil, ne sont pas liés aux réformés, mais aux agissements et humeurs deVillegagnon. Léry défend la conduite des protestants au Brésil, accusés à tortde complot contre Villegagnon. Selon Léry, leur conduite fut au contraireirréprochable (cf. Dossier Bibliocollège, page 112).

12. Éléments de caricature sur Villegagnon :– emploi ironique de certains adjectifs, tels « bon » (ligne 67), « beau »(ligne 81), « bel » (ligne 86) (voir réponses aux questions 7 et 8) ;– dérision de l’accoutrement de Villegagnon par rapport à son âge et à sonstatut social (ligne 75) ;– la couleur de son habit, reflet de son humeur (lignes 76 à 82) ;– la charge moqueuse du terme « équipage » (ligne 82) ;– la comparaison avec un « enfant sans souci » (ligne 83).

13. Cette caricature participe du plaidoyer contre Villegagnon, car en provoquant le rire, elle le dévalorise. Ce ne peut être que d’un tel person-nage, ridicule et vain à souhait, digne du plus profond mépris, qu’est venuela rupture et, par suite, l’échec de l’entreprise coloniale.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Titres possibles– 1er § : taille et allure générale du corps des Sauvages ;– 2e § : teint ;– 3e § : nudité imberbe ;– 4e § : lèvre inférieure percée et décorée ;– 5e § : le nez ;– 6e § : teinture du corps ;– 7e et 8e § : description des colliers ;– 9e § : les ornements de plumes ;– 10e § : les ornements guerriers ou cérémoniels ;

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– 11e § : emploi saugrenu des vêtements européens par les Sauvages ;– 12e et 13e § : digression moraliste : défense de la nudité sauvage et attaquedes excès européens.

2. Léry part de considérations d’ensemble (allure, teint et nudité du corps)pour aborder ensuite des détails plus précis l’ayant particulièrement marqué(lèvres et nez percés). Puis il décrit les ornements corporels : teinture,pendentifs et plumes.Viennent enfin les ornements supplémentaires pour lecombat ou les solennités, et ceux, mal employés, empruntés aux Européens.

◆ ÉTUDIER LA GRAMMAIRE

3. L’adjectif qualificatif « grands » est modifié par le comparatif de supério-rité « plus… que ».

4. Autres comparatifs : « plus, mieux, moins… que. »

5.Termes de comparaison : comparatifs d’égalité « comme » (adverbe) ; « sortede » (GN) ; « aussi… qu’ » (locution). Il faut attirer l’attention sur la diversitéde ces termes.

6. Pour donner une idée du corps des Sauvages ou de réalités ignorées desEuropéens, Léry doit les comparer avec des éléments que ceux-ci connais-sent, d’où le fréquent recours, ici et dans tout le texte, aux comparaisons,moyen de dire l’inconnu à partir du connu.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE : L’EXPOSÉ MORALISTE

7. C’est une subordonnée relative introduite par « qui », pronom relatif sujetdont l’antécédent est « ruisseaux ». La phrase progresse selon un procédé d’accumulation par juxtaposition et coordination de verbes et de leurs compléments (six verbes).

8. On a cette fois une accumulation par juxtaposition et coordination dessujets, avec reprise par « rien de tout cela ». On relève aussi un rythme ternairedes verbes, autre forme d’accumulation. Ces accumulations créent un effetd’emphase, confèrent plus d’énergie et de force expressive au discours.

9. L’accumulation décrit les innombrables vêtements portés par les femmesfrançaises. L’écriture mime la réalité (lignes 182 à 188).

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10. L’implication de Léry dans la défense morale de la nudité sauvage apparaît dans l’emploi des pronoms personnels sujets et compléments de la pre-mière personne du singulier. Elle apparaît aussi dans des verbes de parole desémantisme fort, essentiellement des verbes de réfutation : « il me faut répondre,je dirai, je soutiens, me faisant fort de réfuter, je donnerais des preuves si évidentes. »

11. Le jugement moral est positif ou négatif, mais dans la majorité des casnégatif : « la lubricité et la paillardise, la malhonnêteté, appât à la convoitise, maux,honnêteté, condamnons, sans nulle honte, excès, bombances, dignes de louanges, gloire,goût pour les biens de ce monde, modestie. »

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA NATURE PERDUE

12. Éléments positifs dans la description du corps des Sauvages :– sous forme de réfutation : « leur corps n’est ni monstrueux ni prodigieux » ;– sous forme d’affirmation : les Sauvages sont « plus forts, plus robustes et replets,mieux constitués et moins sujets aux maladies que nous » ; ils ont peu de « mal formés ou d’infirmes » ; ils semblent jouir d’une jeunesse éternelle et peu ontles cheveux gris.

13. L’éternelle jeunesse des Sauvages témoigne de leur désintérêt pour lesbiens ou vanités de ce monde.

14. Les Indiens ignorent l’usage des vêtements, les emploient à contresens et,n’en ressentant pas la nécessité, ne leur accordent aucune importance. Cesont pour eux des objets sans prix, attitude fort différente de celle desEuropéens. Si l’anecdote (lignes 164 à 172) est piquante, elle a surtout lemérite, aux yeux de Léry, de rendre au vêtement son statut d’objet et de souligner les excès européens.

15. Il faut noter que la longueur et le détail de la description sont en eux-mêmes significatifs de l’admiration de Léry pour les parures de plumes,confectionnées avec art et avec goût.Termes et expressions traduisant l’admiration devant l’habileté et la finesse del’exécution : « hachent plus menu que chair à pâté », « attachées ensemble avec deminuscules bouts de bois […] plus adroitement », « fabriquent avec le même art. »Admiration face à la beauté des ornements : couleurs et beauté des plumes(« vous diriez que ces habits ainsi confectionnés sont de soyeux velours ») ; les épéeset massues sont « merveilleuses à voir ».

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C h a p i t r e 8

16. Léry entend donner une image positive des Sauvages, en contrepoint decelle des Européens. Leur corps sain, leur éternelle jeunesse sont le miroir deleurs âmes pures et révèlent une vie en harmonie avec une nature paradi-siaque (air pur, douceur des températures, paysages toujours verdoyants). LesIndiens vivent aussi en harmonie avec leur corps, nus comme des nouveaux-nés, sans que la culture (les vêtements) ne vienne entraver leur liberté corporelle naturelle. Ils ne sont pas non plus des êtres grossiers : leurs orne-ments témoignent d’un art certain, au sens technique et esthétique. AinsiLéry développe-t-il non seulement un argumentaire contre l’image desSauvages barbares, poilus, lubriques et sans finesse, tels que les conçoit la mentalité de l’époque, mais il dessine aussi l’image d’une nature perdue,contrepoint accusateur de la corruption européenne. C’est une condamna-tion de la société occidentale déchue et un appel à un retour à plus de naturel (cf. la dernière phrase).Attention, Léry n’espère pas un retour à l’état primitif, les Sauvages étant d’ailleurs perdus pour lui, car sans religion.Il appelle à la prise de conscience des excès, toujours dans la perspective protestante d’une réformation.

◆ À VOS PLUMES !18. Les phrases seront correctement construites, avec sujet, verbe, complé-ment ou attribut, progressant grâce à l’accumulation par juxtaposition etcoordination, avec et et d’autres conjonctions de coordination.

◆ LIRE L’IMAGE

19. Le corps est représenté en entier, de face, entièrement nu. La positionmet en valeur les formes et la musculature. C’est un corps harmonieux, auxbelles proportions. Le corps est valorisé et n’est en rien dissimulé.

20. L’homme est un guerrier, il arbore un arc et des flèches, mais il nemontre aucune agressivité. C’est au contraire la tendresse familiale qui sedégage de cette représentation. La femme a le bras posé sur l’épaule de sonmari, elle tient un enfant dans ses bras, qui sourit. L’homme les protège. LesSauvages représentés ici, entourés par la nature (ananas et fleurs), ne sont enrien effrayants.

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?Chapitre 9

1. Les différentes parties du chapitre 9– Lignes 1 à 10 : introduction assurant le lien avec le chapitre précédent etannonçant le plan du chapitre.– Lignes 11 à 55 : la confection de la farine.– Lignes 56 à 84 : l’élaboration du caou-in.– Lignes 85 à 100 : la défense du mode de confection de ce breuvage.

2. Cases à cocher : faux (les hommes ne s’en occupent sous aucun prétexte) –vrai – vrai – faux – faux.

3. Étapes de la fabrication de la farine : une fois arrachées, les racines demanioc sont séchées sur un feu ou râpées, puis cuites dans de grandes poêles.

4. Étapes de la confection du caou-in : les racines de manioc sont finementdécoupées, bouillies, mâchées et à nouveau bouillies. Puis on laisse reposer etfermenter jusqu’à consommation.

Chapitre 10

5. L’animal comestible le plus répandu au Brésil est le tapiroussou, ou tapir,relevant à la fois de la vache et de l’âne.

6. Sa peau sert à confectionner des rondaches, boucliers ronds.

7. Moyens grâce auxquels les Toüoupinambaoults chassent : flèches, chausse-trappes et autres pièges ingénieux (lignes 121 à 123).

8. Les Sauvages grillent la chair sur le boucan pour la manger, mais aussi laconserver en l’absence de sel.

9. Le narrateur fait le récit de sa rencontre, dans la forêt, avec un dangereuxlézard, rencontre soldée par une belle peur.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE

10. Homonymes de chair : chaire, « siège, tribune élevée », chaire du profes-seur, de droit, de littérature ; cher, chère, « qui est aimé » ou « coûteux ».

C H A P I T R E S 9 E T 1 0 ( p p. 5 1 à 5 8 )

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C h a p i t r e s 9 e t 1 0

11. Formation de « blanchâtre » : radical blanch- ; suffixe -âtre, suffixe adjec-tival s’ajoutant à une base adjectivale ; signifié péjoratif.Autres adjectifs formés de la même manière : noirâtre, opiniâtre, douceâtre. Ontrouve aussi beaucoup de noms formés avec le même suffixe, marâtre parexemple. L’élément commun est la connotation péjorative.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS : LE RÉCIT

D’UNE RENCONTRE UNIQUE

12. Relevé et justification des temps Passé simple : « commîmes, entendîmes, inquiétâmes, continuâmes, aperçûmes,s’arrêta, regardâmes, restâmes, contempla, se retourna, s’enfuit, poursuivîmes. » Lepassé simple désigne le plus souvent des actions brèves, et marque la succes-sion et le premier plan par rapport à l’arrière-plan de l’imparfait.Imparfait de l’indicatif : « allions, venait, était, avions, pouvaient, redoutions,enfuyions, était, tapait, soufflait, entendions, avions. » L’imparfait inscrit les actionspassées dans la durée.Présent de vérité générale : « veut, veut, aime. » Il désigne des actions vraies detout temps, situées hors-récit.Passé composé : « ai pensé. » Ce temps fait le lien entre le récit passé et lemoment de la narration.Plus-que-parfait : « avait goûté, avions eu. »Subjonctif imparfait : « allât, engloutît, dévorât. » Emploi du subjonctif dansune subordonnée complétive régie par un verbe de crainte ; emploi de l’im-parfait pour la concordance des temps.

13. Les indications de temps et de lieu manquent trop souvent dans les pro-ductions des élèves, ou sont mal employées. On peut introduire les connec-teurs spatio-temporels : éléments de liaison interphrastiques – conjonctionsde coordination, adverbes ou locutions – permettant d’organiser le récit dansl’espace et le temps.Indications de temps : « un jour, alors que, soudain, alors, environ midi, près d’unquart d’heure, puis soudain, depuis. »Indications de lieu : « au milieu des bois, le long d’une profonde vallée, à droite,à environ trente pas de nous, sur le coteau, vers les hauteurs. »

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14. De la description, marquée par l’atemporalité (emploi du présent) et ladurée, on passe dans ces lignes au récit singulatif et à l’action.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE DU SUSPENSE

15. Dès le début du récit, le narrateur plante des éléments inquiétants :absence de guide ; égarement au milieu des bois, le long d’une profonde vallée ; insouciance des Français qui, entendant du bruit, pensent que c’est unSauvage et ne s’en inquiètent pas ; ils ne portent pas d’armes sinon des épées,des arcs et des flèches, inutiles ici.

16. Le lézard est effrayant :– par son physique : « le corps beaucoup plus gros que celui d’un homme […] coquilles d’huîtres » ; « produisant plus de bruit […] dans une forêt » ;– par son attitude : « l’une des pattes […] étincelants », « la gueule ouverte » « soufflait si fort que nous l’entendions très aisément » ;– par la manière dont il est désigné : « furieux animal si bien défendu », « épou-vantable et monstrueux lézard » ;– par sa rapidité : « il n’allât plus vite que nous » ; et sa volonté de tuer pourmanger : « ne nous engloutît et dévorât. »

17. Le procédé employé pour rendre la description plus effrayante est l’hyperbole ou exagération, repérable dans les comparaisons avec le corpsd’un homme, le bruit d’un cerf ainsi que l’accumulation d’adjectifs n’appor-tant rien à la description, tels « furieux », « épouvantable » et « monstrueux ».

18. La description détaillée du lézard et de son attitude, celle des Français etde leurs raisonnements sur les issues s’offrant à eux retardent la progressiondu récit et créent une attente inquiète. L’écriture tente de mimer le réel : lelecteur patiente comme Léry et ses compagnons face au lézard qui s’arrêtepour les contempler près d’un quart d’heure. La chute est ensuite rapide.

◆ À VOS PLUMES !19. Cet exercice permet le réinvestissement des éléments dégagés par lesquestions sur le discours et l’écriture.

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C h a p i t r e s 9 e t 1 0

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. L’information essentielle est l’adresse et l’aisance dont font preuve lesSauvages, hommes, femmes et enfants, à la nage.

2. On distingue deux, voire trois parties.– Lignes 1 à 10 : une brève introduction sur l’aisance des Sauvages dans l’eau.– Lignes 10 à 39 : l’épisode de la barque renversée, illustration de ce qu’affirme le narrateur.– Lignes 39 à 44 : une remarque morale sans rapport direct avec ce qui précède.

3. Les instruments de pêche des Sauvages sont les flèches, les épines en guised’hameçons, les lignes faites d’herbe. Grâce aux Européens, les Sauvagesdécouvrent les hameçons en fer et les filets.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE

4. Le verbe « grenouiller » est formé sur le substantif grenouille. C’est un néologisme, mot nouveau non entré dans la langue et qui témoigne ici del’affection du narrateur, sans que le rapprochement avec l’animal comporteaucune nuance péjorative.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

5. Les paroles sont rapportées directement ; le discours direct préserve l’indépendance du discours cité. Il est présenté entre guillemets (après unepause et avec une intonation particulière à l’oral) et est introduit par un verbeplacé avant ou en incise, avec inversion du sujet.

6. Discours direct : lignes 18 à 27.Transformation en discours indirect : « L’un d’entre eux nous demanda oùnous autres Mairs (c’est ainsi qu’ils appellent les Français) allions si vite. Etnous de répondre que nous venions les sauver et les sortir de l’eau. Il nousdit qu’assurément ils nous en remerciaient, et nous demanda si nous croyionsvraiment que, parce qu’ils étaient tombés dans la mer, ils risquaient de senoyer. Il ajouta que, sans poser pied ni toucher terre, ils resteraient plutôt huit

C H A P I T R E 1 2 ( p p. 6 2 - 6 3 )

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jours à la surface comme nous les voyions là, et qu’ils redoutaient davantagequ’un poisson les tirât par le fond que de s’enfoncer eux-mêmes. »Lignes 43-44 : « Ils demandaient s’il n’y en avait pas en effet d’autres dans le pays. »

7. Il faut partir de la comparaison entre le discours direct et sa transformationen discours indirect. On perd les phrases interrogatives directes et divers motsdifficilement restituables tels et, donc, vraiment, qui font la vivacité du discoursdirect. Les subordonnées du discours indirect créent aussi un effet de lourdeurabsent du discours direct. L’effet est, bien entendu, de rendre l’échange entre leSauvage et les Français plus vivant, de donner l’impression d’une présenceimmédiate et d’éviter la lourdeur inhérente au discours indirect.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE : LE REGARD

ADMIRATIF DU NARRATEUR

8. Le narrateur admire que tous les Sauvages, y compris les petits enfants,sachent nager. Ils nagent droit et avec grâce, et peuvent rester immobiles surl’eau quand bon leur semble. Ce qui effraie tant les Européens, l’eau, legouffre de la mer (cf. le récit des périls de la traversée et, ici, la précipitationdes Français à se porter au secours des Sauvages qu’ils croient en grand danger), est pour les Indiens un élément familier dans lequel ils évoluent avec autant d’aisance que sur terre.

9. L’affection du narrateur transparaît dans le néologisme « grenouiller »,le rapprochement avec l’animal n’étant nullement péjoratif, dans l’emploi du qualificatif « petits » (ligne 7), dans l’insistance sur le rire des Sauvages(lignes 18 et 30-31). Ceux-ci sont à quatre reprises comparés à des animauxsans la moindre connotation négative, au contraire : des chiens barbets, desgrenouilles, des petits canards et des marsouins.Tout ceci est le signe d’unevolonté de donner une image vivante des Sauvages, de montrer l’harmoniedans laquelle ils vivent avec la nature, en particulier l’élément aquatique si redouté des Européens.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA SAGESSE SAUVAGE

10. La sagesse sauvage : lignes 40 à 44. La réaction des Sauvages témoigne ànouveau de leur désintérêt pour les biens de ce monde et de leur confianceen la prodigalité de la nature.

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C h a p i t r e 1 2

11. Le narrateur a déjà mentionné cette sagesse lors de la description physique des Indiens, au chapitre 8. Leur jeunesse témoignait de leur absencede souci pour tout ce qui est matériel et leur négligence à l’égard des vête-ments européens le confirmait. On retrouve l’expression de cette sagesse auchapitre 13 avec les considérations du vieux Sauvage sur la course desEuropéens au bois de brésil, suivies des commentaires et invectives de Léry.

◆ À VOS PLUMES !12. L’exercice demande l’élaboration d’un récit effectué d’un point de vuedifférent et inséré dans un dialogue.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Les différentes parties du chapitre 13– Lignes 1 à 8 : introduction du sujet avec la description sommaire de l’arbre.– Lignes 9 à 30 : la difficulté de charger le bois de brésil et l’aide nécessairedes Sauvages.– Lignes 31 à 91 : l’incompréhension des Sauvages face à la course desEuropéens après le bois de brésil ; énoncé de la sagesse indienne.– Lignes 96 à 122 : une herbe particulière, description, usages et effets.

2. Le nom de ce pays vient du bois de brésil, lequel tire lui-même son nomde la couleur de braise qu’il donne aux tissus.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

3. « Insatiable » vient du latin insatiabilis, mot composé sur le radical satis,« assez », avec le préfixe privatif in- et le suffixe exprimant la possibilité, -bilis.Le sens de ce terme est « qui ne peut être rassasié, satisfait », au propre (unesoif, une faim insatiable) ou au figuré (une curiosité insatiable).Mots formés sur le même radical : les adjectifs satisfait, insatisfait, satisfaisant ;les substantifs insatisfaction, satisfaction ou satiété ; le verbe satisfaire.

C H A P I T R E 1 3 ( p p. 6 6 à 7 1 )

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4. Aveugle est employé dans son sens religieux : « qui ne jouit pas des lumièresdivines ».« Et quelque aveugle qu’elle soit » : même aveugle ; aussi aveugle qu’elle soit ; toutaveugle qu’elle est.Quelque aveugle qu’elle soit est une subordonnée circonstancielle de concessionselon la grammaire traditionnelle, et une subordonnée relative complémentcirconstanciel de concession selon la Grammaire méthodique du français deRiegel, Pellat et Rioul, PUF, 1994. La concession peut être définie comme lanégation d’un rapport d’implication attendu : cette nation est aveugle, elle nepeut donc avoir une attitude digne des louanges du narrateur. Mais c’est l’inverse ici : même aveugle, cette nation accorde une plus grande confianceà la nature et à la fertilité du sol que les Européens, à la puissance et à la providence divines. C’est même elle qui se lèvera pour juger ceux qui portent le titre de chrétiens.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

5. La situation de communication est double, une seconde communicationvenant s’enchâsser dans la première, déjà décrite dans la réponse à la question 9 des chapitres 1 à 4. Il faut rappeler la première situation et noterqu’à l’intérieur de celle-ci un nouvel émetteur (et en même temps destina-taire, puisqu’il s’agit d’un dialogue), le vieillard Sauvage, s’adresse par oral (enfrançais et tupi) à l’émetteur et destinataire Jean de Léry. En dernière instance,le destinateur et les destinataires et récepteurs finaux restent, bien entendu,Léry et ses lecteurs successifs.

6. L’intérêt de recourir au discours direct s’explique par la légèreté et la viequ’il confère au récit. Il permet d’entendre la voix du vieux Sauvage,donnant ainsi une force plus grande à ses propos et une impression de vécuet d’authenticité. Jean de Léry n’est que le scribe, l’enregistreur passif de lasagesse sauvage.

◆ ÉTUDIER LE GENRE DU TEXTE :LIT TÉRATURE DIDACTIQUE ET PRÉDICATION

7. Léry renseigne sur l’aspect du bois de braise et la manière de le transporter.

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8. Comparaison : « aussi haut et touffu que les chênes de nos forêts » (lignes 6-7).Léry compare avec des réalités connues du lecteur européen, seul moyen de donner une idée et de représenter l’inconnu.

9. L’expression « c’est-à-dire » apparaît à deux reprises (lignes 35 et 62) pourtraduire les termes tupi « Mairs » et « Peros ». Le recours à cette locution est lié à la nécessité d’expliquer et de développer des mots ou des notionsignorés du lecteur.

10. Pour conférer à l’énoncé une dimension scientifique, Léry cite des motstupi, procédé propre à l’écriture didactique.

11. Léry commente les propos du vieillard, mais ces lignes sont moins uneconclusion qu’une ouverture à la réflexion qui suit.

12. Léry oppose le peu d’intérêt des Sauvages pour les biens de ce monde etleur confiance dans la nature, alors qu’ils sont sans religion, à l’appât du gain, àl’avarice et au manque de confiance dans la puissance et la providence divinesdont font preuve les Européens. La sagesse des aveugles contraste avec la foliedes chrétiens. Cette opposition manichéenne se veut avant tout efficace.

13. Le ton est emporté, véhément, emphatique. Citons la phrase : « elle selèvera pour juger […] », exprimant une prédiction donnée comme certaine ;les exagérations emphatiques : « haïssant mortellement », « afin qu’ils servent dèsce monde de démons et de furies pour tourmenter nos gouffres insatiables, qui jamaissatisfaits ne font ici que sucer le sang et la moelle d’autrui. » On peut aussi approfondir l’étude des rythmes.

14.Vocabulaire religieux et moral : « aveugle, puissance et providence divines, selèvera pour juger, Chrétiens, démons et furies, gouffres insatiables, sucer le sang et lamoelle, Dieu, choses de ce monde. »

15. Léry développe l’image des tourments de l’enfer (« démons, furies,tourmenter, sucer le sang et la moelle ») avec les Sauvages dans le rôle des démonstourmentant les pécheurs européens.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA SAGESSE SAUVAGE

16. La sagesse des Indiens réside dans leur absence totale de souci pour lesbiens de ce monde, car ils vivent en confiance et en harmonie avec la nature.

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17. Cette sagesse s’exprime par la voix du vieillard, qui par son âge est porteur dans l’imaginaire européen de sagesse et d’expérience. Elle est repriseet développée dans le commentaire de Léry. Précisons que la figure du vieuxSauvage, de l’étranger observateur des Européens, est un topos de la littératurede voyage. Il ne s’agit plus de parler des Indiens mais de placer l’Europe, leVieux Monde, sous le regard du Nouveau Monde pour le mettre en ques-tion. La parole sauvage est ici mise en scène et, derrière elle, c’est Léry mora-liste qui parle. Ce passage, à mettre en rapport avec le groupement de textes (pages 120 à 127), est pour beaucoup dans la construction de la figure du bon sauvage, outil discursif invitant à la remise en cause des us et coutumes maisaussi des valeurs de l’Europe.

18. La sagesse des Indiens a déjà été mentionnée lors de la description deleur physique et de leurs comportements vestimentaires (chap. 8), et aprèsl’anecdote de la barque renversée (chap. 12).

19. Les Sauvages sont barbares aux yeux de l’Europe (« nous estimons »), mais,selon Léry, les véritables barbares sont ces Européens qui portent le titre dechrétiens, mais sucent le sang et la moelle des autres, sont tout autant anthro-pophages et, à la différence des Indiens, ne sont pas excusables : ils sont eneffet éclairés de la lumière divine et vivent sous des lois religieuses.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Les Sauvages ne se font la guerre ni pour conquérir des territoires ennemis, ni pour s’enrichir. Seul les pousse le désir de venger leurs morts.

2. Ce qui frappe le narrateur, c’est l’extrême violence du combat, en particulier les hurlements et les contenances horribles des Indiens, ainsi queleur acharnement (même mourants, ils continuent la lutte).

3. Les deux parties principales du chapitre 15 sont : la description détailléede la cérémonie d’exécution (lignes 52 à 148) ; les commentaires et invec-tives de Léry (lignes 156 à 202). On passe de l’exposé du fait à son commentaire, de l’exemple à l’enseignement qu’on peut en tirer, l’anecdotefonctionnant ici à la manière d’un exempla.

C H A P I T R E S 1 4 E T 1 5 ( p p. 7 4 à 8 4 )

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4. Étapes de la cérémonie d’exécution : rassemblement au village de tous leshabitants des villages situés aux alentours ; tout le monde danse et boit toute lamatinée ; puis on saisit le prisonnier et on le promène à travers le village ;fermement attaché, le prisonnier lance des pierres et des tessons sur les gensassemblés autour de lui ; discussion avec le prisonnier avant le coup final ;préparation du corps : il est nettoyé, découpé et déposé sur le gril ; dégustation.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

5. Ces verbes sont employés au sens figuré. On relève aussi, lignes 181-182 :« écorchent, mangent, rompent et brisent. » Les autres verbes du même champlexical sont employés au sens propre.

6. Subordonnées relatives : « usuriers, qui sucent le sang… ; gens, auxquels il vaudrait mieux… » (remarquer l’enchâssement des deux subordonnées : ellesne se succèdent pas, l’une est comprise dans l’autre) ; « les Sauvages dont jeparle. » On peut attirer l’attention sur la manière dont progresse la phrase deLéry, ici par enchâssement de relatives, souvent par extension interne à laprincipale. Autre exemple, lignes 192 à 199 : « tragédie qui débuta à Paris… etdont je n’accuse pas ceux qui… corps humains, lesquels… »

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

7. On trouve des rythmes ternaires tels que : « hommes, femmes et enfants »,« danser, boire et caoüiner. » On trouve aussi des couples : « se rendront […] et ilne sera », « assommé et emplumé », « sautant et buvant » ; on constate que lestermes coordonnés par « et » appartiennent à différents niveaux grammati-caux, mais les termes d’un couple sont de même niveau grammatical. Il peuts’agir de deux infinitifs, participes présents, noms communs, verbes conjuguésau même temps.

8. Couples de termes coordonnés par et ou par ou : « se sera ainsi débauché etaura chanté ; six ou sept heures ; deux ou trois des plus estimés ; l’empoigneront etl’attacheront ; de coton ou d’écorce ; une audace et une insolence ; attaché et garrotté ;assommé et boucané ; tant d’hommes et de femmes. »

9. Léry a souvent recours aux rythmes binaires. De nombreux termes sontcoordonnés et fonctionnent par paires. C’est un trait de l’écriture lérienne

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mais qui est aussi caractéristique du XVIe siècle et hérité de la syntaxe latine.Les deux termes coordonnés sont souvent de sens proches et le second n’apporte généralement qu’une nuance ou une précision (débauché/chanté ;six/sept ; deux/ trois ; audace/insolence ; attaché/garrotté).

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA CRITIQUE

DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE

10. Léry compare les cruautés des Indiens à celles commises par lesEuropéens. En premier lieu, il les rapproche des agissements des usuriers qui« sucent le sang et la moelle et de fait dévorent vivants tant de veuves, orphelins etpauvres gens » (lignes 176 à 178), et les font mourir à petit feu, prolongeantindéfiniment leurs souffrances. Dans un second temps, l’auteur, qui écrit aumoment des guerres de religion, rappelle les actes perpétrés lors de la Saint-Barthélemy, massacre qui fit près de 30 000 victimes, et des conflits religieux(lignes 191 et suivantes).

11. En ce qui concerne les usuriers, c’est une mort d’autant plus cruelle,même si c’est une mort au figuré, qu’elle est lente (languir). Par ailleurs, le prêtà usure est condamné par le Prophète. Ensuite, Léry cite des actes d’anthro-pophagie, non entre nations ennemies, mais entre compatriotes, entre parentsmême. Dans les deux cas, les Européens sont d’autant plus coupables qu’ilssont chrétiens et vivent sous les lois divines.

12. Le champ lexical le mieux représenté est celui de l’anthropophagie, ducannibalisme. Les images ont un pouvoir évocateur fort. C’est une sociétéeuropéenne cannibale qui apparaît. Les évocations de parties du corps humainassociées au sang et à l’acte de dévorer sont récurrentes et obsédantes : « sucentle sang et la moelle ; dévorent vivants ; couper la gorge ; écorchent la peau, mangent lachair ; rompent et brisent les os ; faisaient bouillir ; mâcher et manger […] de la chairhumaine ; dévorant leur foie et leur cœur ; sanglante tragédie ; graisse des corps humains ;les foies, les cœurs et autres parties du corps […] mangés ; anthropophages, c’est-à-diremangeurs d’hommes ; plongés dans le sang. »

13. Au début du chapitre, ce sont les Sauvages qui sont désignés comme unpeuple anthropophage ; à la fin, ce sont les Européens. Un tel renversement adéjà été observé au chapitre 13 avec la notion de barbarie (voir la question 19).

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◆ À VOS PLUMES !14. Transformation au discours indirect : « Au contraire, avec une audace etune insolence incroyables, il se vante de ses prouesses passées, et dira à ceuxqui le tiennent attaché que lui-même, courageux comme il est, il a aussi toutd’abord attaché et garrotté leurs parents. Puis s’exaltant toujours plus, avec lemême aplomb, se tournant d’un côté puis de l’autre, il dira à l’un qu’il amangé de son père, à l’autre qu’il a assommé et boucané ses frères. Il ajouteraqu’en somme il a mangé en tout tant d’hommes et de femmes, et même tantde leurs enfants à eux, Toüoupinambaoults, capturés à la guerre, qu’il n’en saurait dire le nombre. Il rajoutera qu’ils ne doutent pas du reste que, pourvenger sa mort, le peuple des Margajas auquel il appartient n’en mangeencore après autant qu’ils pourront en attraper. »

15. Cet exercice d’écriture fait reprendre un récit sous un point de vue différent. La rationalité veut que la narration s’arrête au moment où le pauvreprisonnier est assommé. Le déroulement de la cérémonie doit être restitué etapparaître clairement.

◆ LIRE L’IMAGE

16. Sur l’image de la page 81, on distingue trois plans : les femmes autour dufeu ; le prisonnier encordé entouré par les villageois avec celui qui s’apprêteà frapper ; l’arrière-plan avec le ciel et le soleil (noter la représentationanthropomorphique du soleil à tête d’homme).

17. Deux, voire trois étapes de la cérémonie sont représentées sur cetteimage : le prisonnier encordé jetant des pierres sur ceux qui l’entourent ; lesdiscussions et le coup final ; les femmes s’occupant du feu et qui semblent selécher les babines.

◆ ÉTUDIER LA PLACE DE L’EXTRAIT DANS L’ŒUVRE

(QUESTIONS SUPPLÉMENTAIRES)1. Quel est le lien entre les chapitres 14 et 15 ?Le début du chapitre 14 annonce le chapitre 15, suivant une organisationchronologique : après la description du combat, on passe naturellement auxcérémonies qui le suivent.

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2. Peut-on effectuer d’autres regroupements semblables pour leschapitres 1 à 13 ? Lesquels ?On peut regrouper les chapitres 1,2 et 4,qui décrivent les préparatifs et le voyageen mer de Villegagnon, puis de Léry. Le chapitre 5, description du premiercontact avec la terre et les habitants d’Amérique, fonctionne seul. Le chapitre 6aussi, qui narre la rupture avec Villegagnon. Les chapitres 8, 9, 10, 12 et 13 peu-vent être regroupés. Ils traitent du corps des Indiens, physique et parure, puis ali-mentation. Les chapitres 14 et 15, enfin, présentent les guerres des Sauvages.

3. À l’aide de la réponse à la question 2, dégagez la logique quiorganise le récit de Léry.Léry organise son récit selon la chronologie du voyage, mais aussi selon unelogique thématique et démonstrative. Après avoir montré les Sauvages danstoute l’altérité de leur physique et de leurs us et coutumes, il expose leurscroyances religieuses, pour enfin révéler qu’ils vivent en harmonie au seind’une société organisée, ce qui les sépare des Européens. De la guerre et del’anthropophagie, on passe aux lois sociales, à l’hospitalité et à la charitéindiennes. En bon rhétoricien, Léry part du plus étrange pour y dévoiler unmodèle social avec ses lois propres, rivalisant aisément avec le modèle européen.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Ce qui étonne les Sauvages est l’usage de l’écriture que fait Léry ;celle-ci lui permet de se souvenir des phrases tupi et de les restituer. C’estpour eux de la sorcellerie.

2. Pour les Indiens, le Dieu chrétien est certes puissant, mais, puisqu’il épouvante les hommes, il ne vaut rien.

3. Les trois sujets abordés au chapitre 18 sont : l’harmonie au sein d’unemême communauté ; les cérémonies de bienvenue ; la charité naturellement pratiquée par les Sauvages.

4. Les trois exposés du chapitre 18 présentent des attitudes surprenantes pourles Européens et s’inscrivent toujours dans la tentative de définir l’autre. Ilssont aussi des remontrances indirectes aux compatriotes de Léry. Ce chapitre

C H A P I T R E S 1 6 , 1 8 E T 1 9 ( p p. 8 7 à 9 5 )

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fait suite à celui traitant de la religion, ou absence de religion, des Sauvages.Malgré ce manque, les Indiens ont des comportements sociaux dignes de servir d’exemples aux Européens.Le premier exposé fait état d’une harmonie naturelle qui devrait faire honteaux Européens, dont les relations sont régies par des lois humaines et religieuses, contrairement aux Indiens. Il ne faut pas oublier que Léry écritdans la tourmente des guerres de religion, affrontements entre compatrioteset souvent membres d’une même famille. Ce premier exposé met aussi enscène un contraste surprenant entre la paix et la rareté des conflits, et leurviolence lorsqu’ils éclatent : c’est alors la loi du talion qui prévaut.Le deuxième exposé offre le spectacle surprenant de l’accueil que les Indiensréservent à leurs amis, avec le contraste entre pleurs et copieux repas. Semanifeste aussi une grande générosité.Le troisième exposé est une présentation de la charité des Indiens, charitéspontanée qui ne s’inscrit dans aucun cadre religieux ou institutionnel.Rappelons que le catholicisme fait de la charité un moyen d’accéder au salut,ce que critiquent les protestants pour lesquels le salut vient de la foi seule, lacharité étant donc nécessairement désintéressée.

5. Parties du chapitre 19– Lignes 101 à 120 : les soins aux malades.– Lignes 121 à 137 : les cérémonies funéraires (veillée et enterrement).– Lignes 138 à 155 : les coutumes après la mort.

6. Au chapitre 19 apparaissent les pagés ou médecins, abusant les Sauvagesselon Léry, car ils se targuent de pouvoirs qu’ils n’ont pas, comme de prolonger la vie. L’auteur les rapproche des caraïbes, eux aussi qualifiés d’« abuseurs » (lignes 107 à 111).

◆ ÉTUDIER LA GRAMMAIRE

7. La proposition devient : « même s’il devait rester au lit un mois sans manger. » Ce sont des propositions subordonnées concessives. Dans le textede Léry, il s’agit d’une construction paratactique (juxtaposition de proposi-tions) avec l’imparfait du subjonctif du verbe devoir, le subjonctif apparaissantsans que et entraînant la postposition du sujet, dans une tournure devenue rare et littéraire. La proposition transformée est introduite par la locutionconjonctive même si.

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8. Quelque, si et aussi peuvent remplacer pour. Ce sont aussi des subordonnéesconcessives construites au moyen de tours corrélatifs, dont le second élémentest le relatif que. La subordonnée se rattache ici à l’adjectif grave. La conces-sion peut être définie comme un rapport d’implication nié, alors qu’il estaffirmé dans la subordonnée hypothétique. On attend : si la maladie est grave,on ne doit pas faire de bruit ; or, la concessive exprime le contraire : la maladieest grave et les Sauvages font du bruit (ligne 115). De même, on attend : s’il resteau lit un mois, on lui apporte à manger ; or le malade peut rester un mois au lit sansmanger, les Sauvages ne le nourrissent pas.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE DIDACTIQUE

9. Le temps majoritairement employé est le présent de l’indicatif. Ses principales valeurs sont le présent d’actualité, le présent de narration équiva-lant à un temps du passé, et le présent permanent que l’on rencontre dans lesdéfinitions et les vérités générales. Le présent peut aussi être l’équivalent d’unpassé ou d’un futur proches. C’est ici un présent permanent qui est employédans une description que Léry considère valable dans le passé et le futur.

10. La progression est nette. L’exposé est rigoureusement articulé autour deformules telles que : « Pour en finir […] il faut savoir la manière dont » ; « Donc,si l’un d’entre eux tombe malade » ; « Quant à la manière dont ils nourrissent leursmalades » ; « Mais s’il meurt » ; « Une fois la fosse creusée » ; « Dès la nuit aprèsqu’un corps a été enterré. »

11. Le souci du détail est manifeste. Il apparaît dans les coordinations et accumulations, trait de style déjà relevé, et dans certains compléments circonstanciels : « il aura montré et fait comprendre où il a mal, aux bras, jambes ouautres parties du corps, cet endroit sera sucé avec la bouche par l’un de ses amis ; boire,sauter, chanter et faire du bruit ; mais ronde et profonde ; les bras et les jambes liés autourdu corps ; dans sa maison ; dans son lit de coton ; avec quelques colliers, des ornements deplumes et divers objets ; grands plats en terre remplis de farine, de volailles, de poissons etde diverses nourritures bien cuites, accompagnées de leur boisson appelée caou-in. »

12. Comparaisons et/ou termes explicatifs : « pagés, c’est-à-dire barbier ou médecin ; comme des hurlements de chiens et de loups ; comme chez nous ; telle ungrand tonneau à vin ; Aygnan, c’est-à-dire le diable dans leur langue ; imitant lesprêtres de Bel. »

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13. Certains traits de l’écriture didactique sont facilement repérables ici :l’emploi du présent de vérité générale, temps des définitions et des véritésimmuables ; structuration rigoureuse, progression limpide et efficace del’énoncé ; souci du détail, recherche de l’exhaustivité ; emploi de compa-raisons pour représenter l’inconnu au moyen du connu.

◆ LIRE L’IMAGE

16. Le personnage situé au troisième plan est le moussacat, celui qui reçoit levisiteur. Le moussacat est représenté pour montrer qu’il ne s’agit pas d’unescène de deuil : occupé à son activité, il est serein et souriant. Sans lui, onaurait pu penser qu’il y avait deuil et non pas cérémonie d’accueil.

17. Dans la cérémonie de deuil de la page 95, l’artiste privilégie les pleureusesau premier plan et encore au deuxième. Il met en avant ce qui a surpris Léry : les femmes hurlant comme chiens et loups. Leur attitude est identique,seule l’intensité varie, selon qu’elles souhaitent la bienvenue ou qu’ellespleurent un mort.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Les voyageurs embarquent le 4 janvier 1558 et arrivent le 26 mai 1558.Ce sont au total quatre mois et une vingtaine de jours, près de cinq mois passés en mer.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE : LA LANGUE DU XVIe SIÈCLE

2. Sens de travaux au XVIe siècle : travail est le déverbal de travailler, verbe issudu latin populaire tripaliare, « tourmenter, torturer avec le trepalium », du baslatin trepalium, nom d’un instrument de torture.Le nom, attesté au XIIe siècle, a connu une évolution semblable à celle duverbe. Jusqu’à l’époque classique, il exprime couramment les idées de tour-ment, de peine et de fatigue, que l’on retrouve aujourd’hui dans le vocabu-laire médical pour désigner les souffrances de l’accouchement (femme en

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travail, salle de travail, travail d’enfant). L’idée moderne d’activité productiveapparaît au début du XVe siècle dans les domaines manuel et intellectuel.Le pluriel travaux s’est spécialisé à l’époque classique (1636) pour parler d’entreprises difficiles et périlleuses apportant la gloire.

3. Au XVIe siècle, le s implosif est graphique et n’est plus prononcé. Il est issude l’évolution phonétique ou est un signe diacritique. Alors que l’emploi desaccents est loin d’être fixé, il précise que le e qui précède n’est pas sourd ou quela voyelle précédente est longue. Il disparaît au XVIIIe siècle pour être remplacépar un accent circonflexe, aigu ou grave, selon les cas. Autres termes : mismes,eust, esté, gousté, estoyent, desloyautez, nostre, estant, Chrestiens.

4. Il s’agit d’un participe présent, aujourd’hui écrit mettant. On relève : ayans,concernantes. Le participe présent est aujourd’hui invariable, sauf dans desexpressions héritées du passé comme toutes affaires cessantes. Au XVIe siècle,il s’accorde en genre et en nombre.

5. Participe passé, aujourd’hui orthographié endurés. Noms communs :difficultez, desloyautez. En ancien français, le z notait l’affriquée [ts]. Les affriquées se sont réduites au XIIIe siècle, et dès lors le z n’est plus qu’unesimple marque du pluriel, remplacée par le s au XVIIIe siècle.

6. Imparfait de l’indicatif ; avaient, étaient.

7. Au XVIe siècle, l’orthographe n’est pas encore fixée. Les distorsions entrephonétique et graphie sont grandes et les graphies loin d’être uniformisées.On assiste cependant à un début de codification et des tentatives de réformevoient le jour. C’est l’imprimeur Geoffroy Tory qui, dans le Champfleury de1529, réclame l’emploi des accents, de la cédille et de l’apostrophe. C’est surtout le grammairien Louis Meigret qui, dans son Traité de la grammaire française de 1550, propose nombre de simplifications orthographiques.Autres différences orthographiques relevées dans l’extrait : absence d’accent,excepté en fin de mot. Le a avec accent est le fait de l’éditeur. Sur dés, il aune fonction diacritique (risque de confusion avec l’article) mais est aigu.L’accent aigu avait en effet fini par figurer indifféremment sur les [e•] ferméset les [ec] ouverts.Encores, presques : le -s adverbial a aujourd’hui disparu. Il correspond à uneextension analogique du -s final étymologique de certains adverbes ouconjonctions (moins vient de minus ; mais vient de magis).

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Faicts, effects : de factum et effectus. Le c vient du latin. C’est un abus savant dela calligraphie, reflétant l’étymologie.Naviger, Ponent, ausquels : simples variations orthographiques.Ceste : du latin populaire ecce iste, de iste, « celui-ci ».J’aye, j’ay : le y est une semi-voyelle, un signe diacritique qui évite les confusions. Il neutralise la succession de trois voyelles et marque la fin dumot. En ancien français, il n’y avait en effet pas de séparation avec le mot suivant.Tousjours : de tous et jours.Neantmoins : de néant et moins.Brief : du latin brevis. Le e bref a diphtongué en ie et la graphie en conservela trace.Monstré : du latin monstrare.Cogneu : graphie héritée du latin cognoscere.Le e en hiatus, disparu dans la prononciation, est maintenu dans la graphie.

8. Proposition de traductionIl s’agit de rester le plus proche possible du texte original tout en moderni-sant l’orthographe et la syntaxe. Il faut aussi faire attention à la ponctuation,les usages actuels différant légèrement de ceux du XVIe siècle.« […] dès ce même jour du 4 janvier, après avoir levé l’ancre, nous mettantsous la protection de Dieu, nous nous remîmes à naviguer sur ce vaste etimpétueux océan du Ponant. Mais ce n’était toutefois pas sans vives crainteset appréhensions en raison des souffrances que nous avions endurées à l’aller,et, sans le mauvais tour que nous joua Villegagnon, nombre d’entre nous, quiavaient non seulement trouvé là le moyen de servir Dieu, comme nous ledésirions, mais avaient aussi goûté la bonté et la fertilité de la région,n’auraient [en français moderne, attente du conditionnel présent] pas décidéde retourner en France, où les difficultés étaient alors et sont encore à pré-sent sans comparaison beaucoup plus grandes, autant en ce qui concerne laReligion que la vie quotidienne. Au point que pour dire adieu ici àl’Amérique, je confesse quant à moi que, bien que j’aie toujours aimé et aimeencore ma patrie, néanmoins constatant le peu, et presque l’absence totale defidélité qui y reste, mais aussi, ce qui est pire, les déloyautés dont on y use lesuns envers les autres, en un mot que tout étant désormais italianisé neconsiste qu’en dissimulations et paroles sans effets, je regrette souvent den’être parmi les Sauvages, chez lesquels (comme je l’ai amplement démontré

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dans cette histoire) j’ai découvert plus de franchise que chez nombred’hommes d’ici, qui à leur dam portent le titre de Chrétiens.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : L’AVENTURE EN MER

9. Le Jacques est un « vieux et méchant bateau » qui prend l’eau (lignes 1 et 2).

10. Périls rencontrés : les continuelles tempêtes qui empêchent même lapêche (lignes 21 à 28) ; la pénurie de vivres et la famine.

11. Solutions pour faire face au manque de vivres : manger les guenons et lesperroquets ; confectionner de la bouillie à base de miettes de pain ramasséesdans la soute avec les vers et les crottes de rats ; découper et faire bouillir lesboucliers en cuir dans un premier temps, puis les faire griller pour qu’ilssoient meilleurs ; chasser les rats ; tuer l’un des hommes pour nourrir lesautres, ultime recours si la situation avait duré un jour de plus. Toutes cessolutions, plus ou moins ingénieuses, plus ou moins heureuses, sont la preuveque la nécessité est inventrice des arts.

12. Le chapitre 22 fait écho aux chapitres 1 et 2, avec un effet d’ouvertureet de clôture de l’œuvre.

13. De son aventure, l’auteur retient que Dieu, maître des destinées, faitmourir et vivre (lignes 113-114). C’est lui qui choisit de sauver ou non leshommes, et il a sauvé Léry.

14. Dieu a sauvé Léry pour que celui-ci témoigne qu’Il est le maître des destinées, et qu’il raconte son aventure à lui, Jean de Léry. Il faut faire partager celle-ci, faire découvrir un univers nouveau, mais aussi rappeler à lasagesse et à la pureté ce Vieux Monde, ouvert à la Révélation, mais en per-dition. Il s’agit moins alors de parler des Sauvages que d’en faire un outil discursif mettant en question les chrétiens. La découverte de l’altérité est unretour sur soi.

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1. 1) Récits didactiques :a) Description des us et coutumes des Indiens.d) Précision de l’information.f ) Détail de la faune et de la flore brésiliennes.

2) Récits polémiques :b) Critique de Villegagnon.e) Critique de ceux qui parlent d’après les livres et les rumeurs d’un mondequ’ils ignorent.

3) Récit moraliste :g)Valorisation des Sauvages et critique de la société européenne.

4) Récit de voyage autobiographique :c) Récit d’une expérience vécue.h) Présence d’un narrateur personnage identifié à l’auteur.

2. Les Espagnols se battent contre les Portugais ; les Français contre lesToüoupinambaoults et les Ouetacas.Les Portugais se battent contre les Espagnols ; les Français contre les Toüoupi-nambaoults et les Ouetacas.Les Français doivent affronter les Espagnols et les Portugais, les Ouetacas et lesMargajas.Les Ouetacas affrontent tout le monde.

3. Les Indiens sont barbares, car ils mangent des hommes, mais ce sont leursprisonniers de guerre.Les Européens sont barbares, car ils pratiquent le prêt à usure, faisant mourirà petit feu leurs semblables, et surtout ils s’entretuent pour des motifs religieux.

4. a) Je suis le plus farouche et le plus rapide des Sauvages : Indien ouetaca.b) À la couleur de mon habit, on connaît mon humeur :Villegagnon.c) Je ne comprends pas pourquoi les Européens emmènent tant de bois debrésil : le vieillard toüoupinambaoult.d) J’aime contempler le visage de l’homme : le lézard.e) Je confectionne la farine avec des racines : les femmes sauvages.

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f ) Je suis parti au Brésil pour servir la gloire de Dieu : Jean de Léry ; en apparence,Villegagnon.g) Je mange de la chair humaine crue : Indien ouetaca.

5. a) Gril : boucan.b) Animal comestible le plus répandu au Brésil : tapiroussou.c) Boisson favorite des Indiens : caou-in.d) Tabac : petun.e) Français : Mair.f ) Hôte qui accueille l’étranger chez lui : moussacat.

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R e t o u r s u r l ’ œ u v r e

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En coordination avec l’étude du XVIe siècle, des grandes découvertes et de la civilisation renaissante en histoire, la séquence sur l’Histoire d’un voyage enterre de Brésil peut être réalisée en fin d’année. Texte historique, il permet un travail interdisciplinaire particulièrement intéressant : découvertes etRenaissance, guerres de religion et décadence. En lecture cursive, on peutproposer l’un des récits d’aventure figurant dans la bibliographie de l’élève.À raison de quatre séances hebdomadaires, l’analyse du texte occupe environquatre semaines : quatorze séances d’une heure auxquelles s’ajoutent les évaluations formative et sommative (compter trois heures). Le tableau suivantprésente une séquence fondée sur les questionnaires « Au fil du texte ». Il nes’agit que d’une proposition que tout enseignant pourra moduler selon sesobjectifs et intérêts propres et le niveau de sa classe.

SÉANCE LECTURE LANGUE ÉCRITURE PROLON-GEMENTS

1 Chap. 1, 2 et 4 Champ lexical ContexteIntroduction au de la mer et de historique :texte : situation la navigation grandeshistorique (question 8). découvertes et(questions 1 à 6). conditions du

voyage ; guerres de religion.

2 Situation Situation de Imitation Contexte littéraire : genre communication (question 16). littéraire :et pacte de lecture (question 9). récits de voyages(questions 11 antérieurs età 13). contemporains.

3 Un thème : Modalisation la critique (question 10).de la société européenne(questions 14 et 15).

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SÉANCE LECTURE LANGUE ÉCRITURE PROLON-GEMENTS

4 Chap. 5 Les interventions Imitation Mise en parallèleUn thème : du narrateur (question 12). avec la « Lettrela découverte (questions 4 à 6). Inventer une à Luis de de l’autre suite différente Santangel »,(questions 7 (question 13). de Colomb, sur à 11). la découverte

des Sauvages de l’île Hispaniola (La Découverte de l’Amérique).

5 Chap. 6 Lexique Résumé VillegagnonContexte (question 6). (question 14). (biographie).historique et Antiphrase Imitation La littératurevisée du texte : et ironie (question 15). polémiqueplaidoyer (questions 7 et 8). contemporaineet caricature (controverse(questions 1 à 5, catholique et 9 à 13). protestante).

6 Chap. 8 Expression de Facettes Genre du texte : la comparaison génériquesla littérature (questions 3 à 6). (littératuremoraliste. Caractéristiques didactique,

du discours polémique,moraliste moraliste,(questions 7 à 11). autobiographie).

Cf. Dossier Bibliocollège.

7 Chap. 8 Description Rapprochement Un thème : (questions 17 avec le la nature perdue et 18). groupement de (questions 12 textes et le mytheà 16). du bon sauvage.

8 Chap. 10 Récit singulatif Imitation Climat, faune Récit (questions 12 (question 19). et flore autobiographique : à 14). Écriture Suite de texte du Brésil.la rencontre du suspense (question 20).du lézard. (questions 15

à 18).

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SÉANCE LECTURE LANGUE ÉCRITURE PROLON-GEMENTS

9 Chap. 12 Discours direct Changement Groupement Un thème : et indirect de point de vue de textes :la sagesse (questions 5 à 7). (question 12). Michel Tournier.sauvage Modalités (questions 10 du discours :et 11). expression de

l’admiration (questions 8 et 9).

10 Chap. 13 Discours direct Description CommerceGenre du texte : et indirect didactique triangulaire etlittérature (question 6). (question 20). conséquencesdidactique économiques (questions 7 de la découverte à 10) de l’Amérique.et prédication (questions 11 à 15).

11 Chap. 13 Situation de Mise en Un thème : communication parallèle avec la sagesse (question 5). le groupementsauvage de textes.(questions 16à 19).

12 Chap. 15 Sens propre Repérage Structure Un thème : et sens figuré d’un trait de style de l’Histoire la critique (question 5). (questions 7 à 9). d’un voyage de la société Subordonnées Discours direct en terre de Brésileuropéenne relatives et indirect (livret (questions 10 (question 6). (question 14). pédagogique,à 13). Changement pages 28-29).

de point de vue (question 15).

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SÉANCE LECTURE LANGUE ÉCRITURE PROLON-GEMENTS

13 Chap. 19 La concession Réinvestissement Fiche de lectureGenre du texte : (questions 7 des caractéristiques sur un autre littérature et 8). repérées récit de voyage didactique, étude de l’écriture ou d’aventure.de l’écriture didactique (questions 9 (question 14).à 13). Imagination

(question 15).14 Chap. 22 La langue Imagination dans 1492 Christophe

Un thème : du XVIe siècle un autre genre, Colomb,l’aventure en mer (questions 2 à 8). le cinéma de Ridley Scott,(questions 9 (question 15). ou autre film.à 11).

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Il s’agit de montrer que le Sauvage des textes réunis ici est une constructionde l’esprit, un outil discursif de la littérature moraliste et philosophique destiné à mettre en question la société européenne, ses us et coutumes toutautant que ses valeurs et ses fondements. Déjà présente chez Léry etMontaigne, cette utilisation du Sauvage atteint son apogée au XVIIIe sièclechez Rousseau, Diderot ou encore Voltaire. Au siècle suivant, ce sontChateaubriand et Bernardin de Saint-Pierre. Au XXe siècle, avec MichelTournier, l’image d’un Sauvage, pure émanation de la nature, accuse ledivorce de l’homme moderne avec celle-ci.

Les extraits de l’Histoire d’un voyage en terre de Brésil à rapprocher sont ceuxoù le vieillard s’interroge sur la cause de la course européenne au bois de brésil, ainsi que nombre de réflexions de l’auteur sur le désintérêt des Indienspour les biens de ce monde, sur leur confiance absolue et leur harmonie parfaite avec la nature, enfin toutes les comparaisons entre les sociétés tupi eteuropéenne au détriment de celle-ci. Ce groupement de textes, étudié aprèsla séquence sur l’Histoire d’un voyage en terre de Brésil, ou en parallèle avec lesextraits auxquels il fait écho chez Léry, peut être enrichi. Le Voyage autour dumonde de Bougainville, le chapitre IX en particulier, fournit des textes facileset illustrant bien le mythe du bon sauvage vivant à l’état de nature. La « Lettreà Luis de Santangel », de Christophe Colomb, sur la découverte des habitantsde l’île Hispaniola, rejoint les descriptions de Léry (dans La Découverte del’Amérique, relations de voyage, 1493-1504, Maspéro, 1979). Quant aux textesretenus, voici quelques éléments que l’on peut utilement mettre en relief.

◆ Montaigne, « Des Cannibales »– L’image de l’Europe : « les corruptions de deçà » ; l’emploi du terme « nouveauté », négatif chez Montaigne, pour désigner l’Ancien Mondedécouvert par les Indiens ; l’incohérence du système politique avec un enfantroi ; celle du système économique, avec l’injuste répartition des biens.– L’image du Nouveau Monde : « la douceur de leur ciel » ; une société guerrière dont l’organisation accuse les modalités de la guerre en Europe.

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– L’emploi du regard du novice, du non-initié qui pointe les aberrations dela société européenne ; la non-désignation des suisses de la garde du roi, maisleur qualification (forme de désignation par défaut).– L’intervention de Montaigne seulement à la fin du développement : phraseconclusive brève et bien frappée, exprimant l’accord complet de l’auteur avecles Indiens, mais révélant aussi le mépris des Sauvages par les Européens quine les prennent pas au sérieux. Ils les jugent sur des critères esthétiques toutrelatifs et restent sourds à la sagesse indienne. C’est la preuve de la vanité etde la superficialité des contemporains de Montaigne, desquels il se désolidarise.

Pour une meilleure compréhension :de deçà : de ce côté-ci de l’Océan.piper : tromper.notre façon : nos manières, nos usages.

◆ Montaigne, « Des Coches » – Contraste entre un monde naissant et un monde voué à disparaître, entrel’enfant et le vieillard mourant. Insister sur cette image du Vieux Monde, déjàpresque mort.

– Critique du Monde Ancien : absence de « valeur et forces naturelles », de « justice et bonté », de « magnanimité », accusation d’homicide du NouveauMonde : « hâté sa déclinaison et sa ruine. »

– Reprise d’éléments présents dans les récits de voyages contemporains,notamment dans Léry : « ni lettres […] ni vignes. »

– Les valeurs du Nouveau Monde : « clarté d’esprit naturelle, pertinence, indus-trie, dévotion, observance des lois, bonté, libéralité, loyauté, franchise, hardiesse, courage,fermeté, constance, résolution contre les douleurs et la faim et la mort. » Les Indienssont dignes d’exemples au même titre que les Anciens.

Pour une meilleure compréhension :bien de notre fin : que nous sommes à la fin du monde.déclinaison : déclin.pratiqué : séduit.qu’ils ne nous devaient rien : qu’ils ne nous étaient pas inférieurs.

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◆ Rousseau : Discours sur les fondements et l’inégalité parmi les hommes– Le second état de nature porte les signes d’une évolution, les traces d’unétat antérieur (« devenus », « altération », « un juste milieu entre l’indolence del’état primitif et la pétulante activité de notre amour-propre »). Il est « le meilleur à l’homme », et « la véritable jeunesse du monde », dont les sociétés sauvagestémoignent encore. Lui succède une inéluctable déchéance.– Les hommes « libres, sains, bons et heureux » vivent dans des cabanes, et s’occupent à des « ouvrages qu’un seul pouvait faire ». S’ils vivent donc en petitsgroupes, ils restent dans un relatif isolement. Pour Rousseau, en effet, né pourvivre seul, l’homme s’accomplit au sein d’une microsociété comme celle dusecond état de nature, mais la société dans sa forme aboutie, inséparable de lapropriété, de la concurrence et de l’inégalité, le pervertit.

◆ Diderot : Supplément au voyage de Bougainville– En introduction, on peut commenter la belle formule du philosophe : « LeTahitien touche à l’origine du monde, et l’Européen touche à sa vieillesse. » C’esttoujours la même représentation d’une évolution du monde et des sociétéscalquée sur celle de l’homme, de la naissance à la vieillesse et à la mort, déjàrencontrée chez Léry, Montaigne et Rousseau.– Le vieillard de Diderot est le descendant direct du vieux Sauvage de Léry.Leur âge avancé est source d’expérience, de savoir et de sagesse, mais de l’incompréhension du vieillard lérien, on passe à l’accusation sans excuse possible des envahisseurs européens par le Tahitien de Diderot.Noter tout d’abord l’opposition entre Européens et Tahitiens : brigands ≠innocents, heureux ; inutiles lumières (savoir) ≠ ignorance (remarquer la moda-lisation) et mœurs sages et honnêtes (sagesse) ; besoins superflus, travailler,fatigues annuelles et journalières, agiter, tourmenter, besoins factices, vertus chimériques≠ autosatisfaction ; les Tahitiens se suffisent du nécessaire (ils ne souffrent nide la faim ni du froid), se situent en deçà de l’étroite limite du besoin, et privilégient la jouissance et le repos.

◆ Tournier : Vendredi ou les limbes du PacifiqueL’essentiel est de sensibiliser au style du texte, prose poétique décrivant lecorps de Vendredi, corps valorisé, émanation de la nature (« pas calme et régulier ; marcher avec une aussi naturelle majesté ; drapé dans sa nudité ; portant sa

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E X P L O I T A T I O N D U G R O U P E M E N T D E T E X T E S

chair avec une ostentation souveraine, se portant en avant comme un ostensoir de chair.Beauté évidente, brutale, qui paraît faire le néant autour d’elle »). Ici, le langage n’apas lieu d’être, la communication se fait naturellement grâce au sourire et augeste de Vendredi qui « ne dit rien, taciturne compagnon ». Mais s’il est un corpsexhibé sorti des eaux, en symbiose complète avec la nature,Vendredi est aussiun ange (« change de registre, grâce, ciel, anges sur les peintures religieuses »), et letexte joue sur les deux registres, sur l’ambivalence du profane et du sacré.

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P I S T E S D E R E C H E R C H E SD O C U M E N T A I R E S

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Les thèmes suivants peuvent être proposés en sujets d’exposés réalisés seuls oupar groupes de deux élèves.– Les conditions du voyage au XVIe siècle.– Les grandes découvertes du continent américain.– Géographie du Brésil (climat, relief, faune et flore).– Petite histoire du Brésil (de sa découverte progressive à nos jours).– Faire connaître un ou plusieurs grands découvreurs.– Les conséquences économiques, politiques et culturelles de la découvertede l’Amérique en Europe.– Le commerce triangulaire.– Présentation sous forme d’exposé d’un autre récit de voyage, celui deMarco Polo par exemple, ou d’un récit d’aventure.– Les origines des guerres de religion en France au XVIe siècle.– Catholiques et protestants en France au XVIe siècle : origines du protes-tantisme et différences de dogmes.– L’« énigme Villegagnon » (recherche biographique sur ce surprenant personnage).

B I B L I O G R A P H I EC O M P L É M E N T A I R E

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◆ ÉDITION DE RÉFÉRENCE

Jean de Léry, Histoire d’un voyage fait en terre de Brésil, éd. F. Lestringant,Paris, Livre de Poche, coll. « Bibliothèque classique », 1994.

◆ SUR L’HISTOIRE DU XVIe SIÈCLE

A. Jouanna, La France du XVIe siècle, 1493-1598, Paris, PUF, coll. « Premiercycle », 1996.

◆ SUR LA LANGUE DU XVIe SIÈCLE

M.M. Fragonard, E. Kotler, Introduction à la langue du XVIe siècle, Paris, NathanUniversité, 1994.

◆ RÉCITS DE VOYAGE

La Découverte de l’Amérique, relations de voyage, 1493-1504, traduction de S. Estorach et M. Lequenne, Maspéro, 1979.

Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, coll. « 10/18 ». L’ethnologue déclare se sentir proche de Léry et éprouver pour lui une profonde admiration.Au Brésil, il marche sur ses traces. Lire en particulier :– pp. 64 à 66 : « Guanabara » ;– p. 290 : l’auteur compare la découverte d’un peuple aujourd’hui à unedécouverte il y a 400 ans ;– p. 346, Lévi-Strauss explique l’anthropophagie et réfléchit sur la relativenotion de barbarie.