livret 1er rom 2020 V NUM

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GALLIMARD NOUVEAUTÉS JANVIER 2021

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GALLIMARD

NOUVEAUTÉSJANVIER 2021

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Ce catalogue présente les premiers romans à paraîtredans les collections Blanche et Du monde entier en janvier 2021 sous réserve de modification.

Photographies des auteurs : Francesca Mantovani © Gallimard

© Gallimard 3

ÉDITOLe rôle de l’éditeur est de faire découvrir de nouvelles voix romanesques. Il est parfois difficile de les entendre, soit parce qu’elles sont loin des codes de lecture, soit parce qu’elles sont trop ténues. Un nouveau roman, c’est la promesse d’entrer dans un nouvel imaginaire et d’être porté par une écriture, un style singulier. Les cinq premiers romans que notre comité de lecture a choisi de publier en cette rentrée littéraire de l’année 2021 sont toutes des œuvres de caractère, différentes les unes des autres. À l’heure des barrières sanitaires, la lecture nous est nécessaire pour éviter le repli sur soi. Plus que jamais, comme le disait Simone de Beauvoir, le roman est dans la solitude ou le désarroi « l’un des hauts moyens de communication ». Mais ce dont témoignent ces cinq beaux textes c’est à quel point le roman est un art du présent. Milan Kundera à qui il est justement rendu l’hommage dans l’une de ces œuvres l’a fort bien exprimé : la raison d’être du roman est de tenir « le monde en vie sous un éclairage continuel », qui nous protège contre « l’oubli de l’être ».Tout est dit, le rôle des auteurs est bien de nous rendre compte de nos existences à travers notre temps présent ou passé dans la tension de l’écriture et le bonheur que celle-ci peut nous apporter. Antoine Gallimard

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GALLIMARD

Gallimard

AUSSI RICHE QUE LE ROI

roman

ABIGAIL ASSOR

Gallim

ard

Éblouie par les fastes de la haute société de Casa, la belle Sarah jette son dévolu sur un jeune héritier dans l’espoir fou d’échapper à son destin.

Années 90, Casablanca. Sarah n’a rien et à la sortie du lycée, elle rencontre Driss, qui a tout ; elle décide de le séduire, elle veut l’épouser. Sa course vers lui, c’est un chemin à travers Casa et ses tensions : les riches qui prennent toute la place, les joints fumés au bord de leurs piscines, les prostituées qui avortent dans des arrière-boutiques, les murmures faussement scandalisés, les petites bonnes harcelées, et l’envie d’aller ailleurs. Mais ailleurs, c’est loin.

AUSSI RICHE QUE LE ROI

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ABIGAIL ASSORest née en 1990 à Casablanca. Elle vit et travaille à Paris.

ISBN

978-2

-07-28

9883

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« Papiers du mariage. »Une lampe de poche s’était braquée sur eux. La lumière était si aveuglante qu’ils durent se séparer pour se couvrir les yeux ; entre ses doigts, Sarah distingua la silhouette d’un f lic en uniforme, une casquette bleu et blanc sur la tête et de la mayonnaise sur sa moustache. Il tenait dans sa main libre une assiette merguez.« Papiers du mariage ou c’est le poste direct. »

Derrière eux, les gars assis aux tables Coca-Cola se marraient, du persil entre les dents. « Doucement, doucement », dit Driss en agitant la main pour chasser la lumière. Il avait prononcé les mots en arabe presque immédiatement, comme s’il les avait lus dans un manuel de voyage dans la section « Comment réagir avec la police ». « Attends-moi ici », dit-il à Sarah en entraînant le fl ic sur le côté. Il y avait l’odeur des brochettes, les gars des tables Coca-Cola qui la siffl aient : t’es belle petite, le bruit sur le terrain d’en face avec les chants du Raja, l’équipe de foot de Casa ; il y avait le vent frais de janvier, le tintement des canettes qui s’entrechoquaient, les insultes, les crachats ; et il y avait Driss, là, sur le côté. Elle le voyait, géant sur ses jambes courtes, une main tranquille sur l’épaule du fl ic, et l’autre fouillant sa poche pour lui glisser un petit billet de cent, sa bouche lançant quelques blagues entendues, un clin d’œil de temps en temps ; et le fl ic en face souriait, attrapait le billet, donnait à Driss une tape dans le dos, allez, prends une merguez, Sidi, ça me fait plaisir. Driss, le géant au milieu des pauvres, Driss le géant qu’elle venait d’embrasser, pensait Sarah ; avec son fric, il n’y aurait plus jamais de flic, plus jamais de lois — ce serait eux deux, la loi.

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En Lybie, un trafiquant d’espoir sans scrupule est soudainement rattrapé par les fantômes de son passé.

Quand on a fait, comme le dit Seyoum avec cynisme, « de l’espoir son fonds de commerce », qu’on est devenu un des plus gros passeurs de la côte libyenne, et qu’on a le cerveau dévoré par le khat et l’alcool, est-on encore capable d’humanité ?C’est toute la question qui se pose lorsqu’arrive un énième camion rempli de candidats désespérés à la traversée. Avec ce convoi remonte soudain tout son passé : sa famille détruite par la dictature en Erythrée, l’emprisonnement, la torture, son amour perdu…

LE PASSEUR

STÉPHANIE COSTE a vécu jusqu’à son adolescence entre le Sénégal et Djibouti. Elle réside à Lisbonne depuis quelques années.

ISBN

978-2

-07-29

0424

-0

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Je raccroche et me dirige vers la cahute sur la plage où ces gros porcs de garde-côtes m’attendent. Des grôles défoncées et des lambeaux de vêtements sont éparpillés un peu partout sur le sable blanc, la mer turquoise en arrière-plan. Ils ont à peine nettoyé après le dernier naufrage. Du côté italien on doit plus souvent ramasser des bouteilles de Pepsi et des emballages de sandwichs. Je ricane en pensant à cela. Au bord de l’eau un reste de canot éventré dégueule des paquets d’algues noirâtres. J’aperçois un morceau de jouet rose coincé à l’intérieur. Une bourrasque soulève le magma et laisse voir un visage de poupée. Les algues m’évoquent des bestioles immondes qui auraient tout dévoré sauf cette tête en plastique. Un nouveau coup de vent embarque des sacs plus loin. On dirait des ballons crevés de toutes les couleurs sortis d’une fiesta. Un nuage venu de nulle part cache le soleil et me rappelle la tempête prévue. Qu’elle ne moufte pas dans les deux jours à venir. Si le bateau doit chavirer autant qu’il chavire en face.

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Issu d’un amour adultère, un fils mal-aimé décide d’accompagner son père dans les derniers instants de sa vie. Un roman empreint d’humanité et bouleversant.

Atteint d’une maladie neuro-dégénérative, le père du narrateur est pris en charge par le service d’hospitalisation à domicile. Il a engendré deux lignées, séparées d’une génération ; à trente ans, le narrateur est son petit dernier. Les mains dans le cambouis et l’esprit à son devoir, le jeune homme vit avec le malade au quotidien et essaie de prendre la mesure de sa décrépitude. Les rapports avec les autres membres de la famille se tendent jusqu’à ce que la mort du père aiguise davantage les rivalités. Les deux fratries, en bisbille pour l’héritage, ne s’adressent plus la parole : la famille est définitivement morte en même temps que le patriarche, et la vie reprend son cours.

ICI-BAS

PIERRE GUERCI est né en 1987.Il réside à Paris.

ISBN

978-2

-07-28

8700

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Souvent sur le perron d’un hôpital ou dans le hall, au bout des couloirs mal éclairés, on pense à la vie. Ceux qui y travaillent pensent plus probablement à leur tâche, à ce qu’ils vont manger à midi ; peut-être pensent-ils aussi à leur vocation médicale et à leurs enfants. Mais nous autres, nous pensons à la vie. Nous n’entrons dans cet espace où le temps est suspendu qu’avec appréhension, et si d’aventure nous en sortons soulagés et bien-portants, ce peut être aussi tout bêtement dans un grand sac en jute, les pieds devant.

Ce matin-là que nous en sortions mon père et moi, ce n’était ni soulagés,ni tout à fait morts. Sortis sans être sortis à vrai dire, puisque l’hôpital, m’avait-on assuré, nous accompagnerait à la maison. Il s’invitait, on restait dans son orbite, on ne lui échapperait plus ; et tout en retenant le fauteuil roulant sur le petit plan incliné après les doubles portes, je songeai que je pourrais aussi bien être en train de le pousser dans l’autre sens. De toute façon, dans quelque sens qu’on le prenne, ce plan incliné ne pouvait ni aggraver ni inverser la grande pente qui s’était amorcée un mois plus tôt, quand nous étions arrivés ici, et même deux ans plus tôt, quand ses premiers troubles de l’équilibre s’étaient manifestés. Au fond, la pente est toujours déjà amorcée, elle est simplement plus ou moins pentue, se fait plus ou moins sentir. Une seule chose est certaine : quand la fin approche, elle devient fortement concave.

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Quand une jeune femme s’éprend d’un homme qui n’est pas pour elle… Déraison et sentiments : chronique d’une addiction amoureuse.

La narratrice, journaliste parisienne, vit une histoire joyeusement chaotique avec Igor, un homme de vingt ans son aîné, veuf d’une épouse trop tôt disparue. Lors d’un pot donné dans sa rédaction, elle rencontre Joseph, directeur artistique surdoué et cynique. S’ensuit une liaison enflammée, une rupture, et un chagrin d’amour dont seuls le temps, l’humour et la littérature pourront peut-être la sauver…Chronique ardente d’une addiction amoureuse, La Trajectoire de l’aigle explore les comportements les plus absurdes induits par la passion, surtout lorsqu’elle est interdite.

LA TRAJECTOIRE DE L’AIGLE

NOLWENN LE BLEVENNEC est journaliste et vit à Paris.

ISBN

978-2

-07-29

0675

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Notre histoire a une décennie : quand elle a commencé, Igor avait encore une adresse e-mail free et un mois était passé depuis le décès de sa femme. Il n’était pas un veuf joyeux, contrairement à ce que soutenait une collègue qu’on savait méchante avant ça, mais c’est vrai que nous nous étions touchés dans un temps sanctuarisé et qu’il n’avait pas mis sa robe de deuil. Il n’était pas le veuf amorphe et livide qui soulage la conscience de tout le monde. Celui qui fait la couverture du manuel des veufs. Bras ballants et omoplates saillantes. Lui aurait pu vendre des vitamines dans la rue. Il était exalté. Maniaque. Volubile. Pris dans des sensations de déréalité. Fuyant la mort en bandant. Rattrapé par elle en plein milieu. Les premiers temps, j’ai pensé lui mettre un bracelet de sécurité. Il me faisait penser à une tondeuse à gazon devenue folle. Il entrait et sortait de chez lui à des heures incongrues. Surprotégeait ses enfants puis les laissait là. Il écrivait de longs mails intimes à une inconnue de nationalité russe. Conduisait une femme qu’il connaissait à peine à un rendez-vous médical l’après-midi. Il ne se l’expliquait même pas ; c’était comme si ses idées subissaient toutes une petite déformation avant d’éclore. Certains jours, je m’attendais à ce qu’il vide son compte en banque et disparaisse en forêt de Rambouillet. Tous les 25 du mois, je le quittais pour retrouver ma tranquillité. Manger seule des crevettes sur mon lit. Mais le 26, à 8 h 30, il était là, de retour devant mon arrêt de bus. Avec son vélo, un t-shirt gris et un air de poussin. Alors je suis restée. J’ai attendu qu’il redescende.

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Samuel, jeune bourgeois, et Lucas, militant antifasciste : deux étudiants passionnés s’aiment, se désirent et se déchirent dans un Paris enflammé par les manifestations.

Samuel raconte Lucas – l’amour, le désamour, le sexe après l’amour, l’amour après la mort de Lucas. Samuel, d’une bourgeoisie de gauche, et Lucas, d’un milieu populaire, étudient à Sciences Po. La Manif pour tous défile. Lucas, très engagé aux côtés des « antifas », descend dans la rue avec son bandana rouge au milieu des fumigènes. Il est blessé lors d’une bagarre, il ne survit pas.Samuel se souvient de Lucas – de leur rencontre, de leurs hésitations, du désir fou, des jalousies, des ruptures. Car Samuel n’a jamais tout à fait coupé les ponts avec Victoire, qu’il a aimée ; car Lucas s’est laissé séduire par Mélanie aux jambes fines et fuselées.Ils n’ont rien pour s’entendre, tout pour se plaire. Ils tombent amoureux et c’est un amour hérissé de violence et de tendresse, qui laisse sur les lèvres un goût de sel et de fumée.

DE SEL ET DE FUMÉE

AGATHE SAINT-MAUR est née en 1994. Elle a grandi à Besançon. Aujourd’hui elle vit et travaille à Paris.

ISBN

978-2

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8756

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Je connais par cœur le poids de ses hanches, l’alternance des sons aigus et rauques de son rire d’enfant fumeur, le chemin emprunté par la sueur qui part de son front jusqu’aux ailes de son nez quand la chaleur l’accable, la note un peu plus sévère de sa voix quand il parle politique, l’expiration contenue de son plexus quand un opposant l’agace, la rougeur de ses joues après l’amour. Je sais que, comme moi, il donne des coups de poings dans les murs lorsqu’il est énervé, et qu’il est du genre à aller acheter des crois-sants pour le petit déjeuner quand vous vous êtes endormis fâchés. Je peux m’apercevoir les yeux fermés qu’il a pleuré rien qu’en écoutant sa respira-tion, et je sais deviner quand il va rire en observant le fourmillement du coin de son œil droit. Je l’ai vu emmitouflé dans un anorak, sous des centimètres de neige, la nuit en Suède, et nu, enroulé dans un drap, au réveil, à Bangkok. Je l’ai vu se concentrer, se révolter, mentir, lire des recueils de poésie, se taire, vomir, réciter des poésies, mâcher, cracher, me séduire, me dire qu’il m’aime, se moquer de moi, me dire qu’il m’aime, me sucer, me dire qu’il m’aime.Et puis, je l’ai vu mourir.

Depuis, je connais aussi par cœur le poids de son corps dans le bran-card du SAMU, l’alternance des sons aigus et rauques de la respiration artificielle à laquelle on l’a branché, le chemin emprunté par le sang qui par-tait de son front jusqu’aux ailes de son nez, la note un peu plus grave dans la voix du médecin urgentiste quand il m’a décrit son état, l’expiration pénible de son plexus pendant les soins, la pâleur de ses joues avant la perfusion.

Je l’ai vu passer du présent à l’imparfait, de l’actif au passif. Je l’ai regardé être ramassé, porté, intubé, extubé, devenir un corps qui circule de bras délicats de pompiers en mains musclées d’infirmières, d’espaces clos en espaces stériles, de lits d’hôpitaux en chambres mortuaires. Je l’ai vu ensanglanté, tuméfié, cousu, recousu, propre, coiffé, apprêté. Vivant, et mort. Je l’ai vu dans des états qu’il ignorera toujours avoir traversé.

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Un livre d’une justesse bouleversante sur la capacité des mots à panser les plaies ouvertes depuis des générations.

Un bref instant de splendeur se présente sous la forme d’une lettre qu’un fils adresse à sa mère qui ne la lira jamais. Fille d’un soldat américain et d’une paysanne vietnamienne, elle est analphabète, parle à peine anglais et travaille dans un salon de manucure aux États-Unis. Elle est le pur produit d’une guerre oubliée. Son fi ls, dont la peau est trop claire pour un vietnamien mais pas assez pour un américain, entreprend de retracer leur histoire familiale : la schizophrénie de sa grand-mère traumatisée par les bombes ennemies au Vietnam, les poings durs de sa mère contre son corps d’enfant, son premier amour marqué d’un sceau funeste, sa découverte du désir, de son homosexualité et du pouvoir rédempteur de l’écriture.

UN BREF INSTANT DE SPLENDEUR

OCEAN VUONGest né en 1988 au Vietnam et vit depuis ses deux ans aux États-Unis. Un bref instant de splendeur a été nommé Meilleur livre de l’année par les revues américaines les plus emblématiques.

ISBN

978-2

-07-28

3596

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ÉLU MEILLEUR LIVRE DE L’ANNÉE PAR LE NEW YORKER, LE WASHINGTON POST, LE TIMES ET LE GUARDIAN

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Je recommence.

Chère Maman,J’écris pour me rapprocher de toi – même si chaque mot sur la page m’éloigne davantage de là où tu es. J’écris pour revenir au jour où, sur cette aire de repos de Virginie, tu as fi xé, horrifiée, le chevreuil empaillé suspendu au-dessus du distributeur de sodas à côté des toilettes, tandis que l’ombre de ses bois s’étendait sur ton visage. Dans la voiture, tu n’arrêtais pas de secouer la tête. « Je ne comprends pas pourquoi ils font ça. Ils ne voient pas que c’est un cadavre ? Un cadavre, ça doit s’en aller, pas rester coincé comme ça pour toujours. »

Je repense aujourd’hui à ce chevreuil, à la façon dont tu as plongé ton regard dans ses yeux de verre noir et vu ton ref let, tout ton corps, déformé dans ce miroir sans vie. Et que ce n’était pas la mise en scène grotesque d’un animal décapité qui te bouleversait, mais cette mort sans fin incarnée par la taxidermie, une mort perpétuellement en train de mourir tandis que nous passons devant pour nous soulager.

J’écris parce qu’ils m’ont dit de ne jamais commencer une phrase par parce que. Mais je n’essayais pas de faire une phrase – j’essayais de me libérer. Parce que la liberté, paraît-il, n’est rien d’autre que la distance entre le chasseur et sa proie.

Est-ce qu’il serait possible, dans l’extrait toujours, de décaler un point fi nal pour le mettre avant le guillemet, ainsi : comme ça pour toujours. »Pour « traduit par », penses-tu qu’on puisse ajouter « de l’an-glais » ? Quitte à ne pas ajouter la précision « (Etats-Unis) ».

TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR MARGUERITE CAPELLE

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