livre et lire - n° 229 - février 2008

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Quand j’étais toute petite, avant de savoir écrire, j’écrivais Je n’avais pas cinq ans. Je retenais des histoires dans ma tête,j’appelais ça penser. J’adorais penser.Pendant les trajets dans la deux-chevaux bleue, dans ma chambre la porte bien fermée. Je m’enfermais pour penser.Je détestais être dérangée. J’essayais, dans une solitude jalouse, de for- mer des phrases pour les raconter à quel- qu’un. Je ne savais pas à qui, je me disais juste plus tard je raconterais, comme ça, avec ce mot, cette phrase. Je cherchais des mots, j’essayais de les retenir.C’était pas commode, surtout quand mes copines venaient me chercher pour jouer. Quand j’ai su écrire,ça m’a fait un bien fou, j’ai pu laisser glisser les mots sur des cahiers. L’écoulement était un soulagement de fillette. Mais je n’étais pas sûre que ce soit permis, d’épandre des phrases sur des feuilles. Je me croyais sale. Je cachais les cahiers dans mon lit, entre le sommier et le matelas. Ma sœur a trouvé un cahier plein, saturé de mots. Elle est allée le crier à ma mère. J’avais honte et peur.Ma mère l’a grondée : ça ne la regardait pas.J’ai compris que j’avais le droit d’écrire, mais c’était personnel. Plus tard j’ai pris une liberté inouïe, dans l’audace orgueilleuse et irresponsable de l’adolescence : j’ai envoyé une de mes histoires à trois éditeurs. Ils l’ont tous refusée. Je savais bien, que c’était pas autorisé, d’écrire devant tout le monde. Vers trente ans, ça m’a repris. Je me sentais très seule, je venais de m’installer dans un pays de roches abruptes et de neige, autrement dit de silence nourri. Un éditeur lointain m’a permis de dégraisser ce silence. Cette impudeur a duré quelques années. Je me sentais libre, adulte. Aujourd’hui c’est fini.Je suis prof,je n’ai plus le droit d’écrire en public. Il faut remplir un imprimé et l’envoyer par voie hiérarchique pour en demander l’autorisation.J’ai l’impres- sion d’être redevenue une petite fille. J’ai envie de cacher mes textes dans mon lit. Emmanuelle Pagano n°229 - février 2008 le mensuel du livre en Rhône-Alpes les écrivains à leur place premier plan/p.2-3 Prix Rhône-Alpes du livre 2008 Emmanuel Merle, Olivier Ihl, Edmond Raillard et Fabrice Vigne, quatre grenoblois à l’honneur pour ce cru 2008 des Prix de la Région Rhône-Alpes, récompensés par un chèque de 5 000 € et une tournée de rencontres dans les librairies de la région. Présentations et entretiens. actualités/p.4 Rencontres du livre de sciences humaines La deuxième édition de cette manifestation originale se tient à Paris, du 22 au 24 février. Quatorze éditeurs de Rhône-Alpes participent à ce rendez-vous. patrimoine/p.11 Paulin de Barral, Valmont de l’Isère… Les Archives départementales de l’Isère recèlent des trésors inattendus. Dans le fonds de la Société des Hauts-Fourneaux et Forges d’Allevard dormait en effet une correspondance entre le maître de forges et son fils, Paulin de Barral. Un modèle de débauche et de libertinage… qui aurait inspiré Laclos pour son Valmont des Liaisons dangereuses. en +++++ Après Livre & Lire, c’est au tour du site Internet de l’Arald de faire peau neuve avec une version plus claire et plus dynamique : un menu et des entrées simplifiés, une sélection de dossiers numériques nationaux et régionaux (études, rapports, synthèses, articles), une nouvelle base de données sur les manifestations littéraires et des entre- tiens sonores avec des écrivains en écho avec ceux menés dans Livre & Lire. Et bien sûr, toujours plus d’infor- mations, de rendez-vous, de brèves sur la vie du livre en Rhône-Alpes. > www.arald.org Vous avez votre Bermuda ? La BD a des ailes. Elle emmène ses lecteurs de plus en plus loin. Par sa diversité, par son intelligence, par la capacité qu’elle a sans cesse à se réinven- ter.À l’honneur de cette incursion en BD (p. 7), la trilogie de Rosalie Blum, de Camille Jourdy, dont le premier volume paraît chez Actes Sud BD. Et pour en savoir plus sur les jeunes talents de la région encore à découvrir, pro- curez-vous le Projet Bermuda, ce book d’histoires plus ou moins courtes concocté par Nicolas Courty et Jean-Louis Musy, de la librairie lyonnaise Expérience. Le pari précieux de libraires passionnés. > www.librairie-experience.com C’est l’interrogation du moment. Dans ce seul numéro de Livre & Lire, les mêmes questions surgissent à travers le thème de la Fête du livre de Bron – « No(s) Identité(s) », entretien p. 5 –, à travers celui de la nouvelle revue 4810, imaginée par Philippe Meirieu et son équipe – « Identité(s) », p. 6 –, et celui d’un ambitieux projet d’ateliers d’écriture construit entre la Maison des pas- sages, le Nouveau théâtre du 8 e , le Point du jour (Lyon) et Vaulx-en- Velin : rassembler deux écrivains comme Fabienne Swiatly et Patrick Chamoiseau avec pour objectif de questionner la différence et d’envisager autrement l’altérité. Être ou ne pas être entre paren- thèses, il semble que ce soit cela aussi qui alimente la question de l’identité. Des identités. Plurielles, forcément plurielles… Emmanuelle Pagano, sur cette même page, n’évoque rien d’autre. Une iden- tité d’écrivain. Quelque chose de solide, de vrai. Et que d’autres interrogent. Peut-être parce que l’identité, son singulier, ses pluriels, ses parenthèses, doit avant tout rester une question. Laurent Bonzon Question(s) d’identité(s) découvrir © Archives départementales de l'Isère Une impression de déjà-vu, premier volume de la trilogie Rosalie Blum, de Camille Jourdy (© Actes Sud BD)

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L'Arald publie chaque début de mois "livre & lire", journal d'information sur la vie du livre en Rhône-Alpes. Ce mensuel de douze pages est un supplément aux revues professionnelles Livres-Hebdo et Livres de France, publiées par le Cercle de la librairie.

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Quand j’étaistoute petite,avant de savoirécrire, j’écrivaisJe n’avais pas cinq ans. Je retenais deshistoires dans ma tête,j’appelais ça penser.J’adorais penser.Pendant les trajets dansla deux-chevaux bleue,dans ma chambrela porte bien fermée. Je m’enfermaispour penser. Je détestais être dérangée.

J’essayais, dans une solitude jalouse, de for-mer des phrases pour les raconter à quel-qu’un. Je ne savais pas à qui, je me disaisjuste plus tard je raconterais, comme ça,avecce mot, cette phrase. Je cherchais des mots,j’essayais de les retenir.C’était pas commode,surtout quand mes copines venaient mechercher pour jouer.Quand j’ai su écrire, ça m’a fait un bien fou,j’ai pu laisser glisser les mots sur des cahiers.L’écoulement était un soulagement de fillette.Mais je n’étais pas sûre que ce soit permis,d’épandre des phrases sur des feuilles. Je mecroyais sale. Je cachais les cahiers dans monlit, entre le sommier et le matelas.Ma sœur a trouvé un cahier plein, saturé demots.Elle est allée le crier à ma mère. J’avaishonte et peur. Ma mère l’a grondée : ça nela regardait pas. J’ai compris que j’avais ledroit d’écrire, mais c’était personnel.Plus tard j’ai pris une liberté inouïe, dansl’audace orgueilleuse et irresponsable del’adolescence : j’ai envoyé une de mes histoiresà trois éditeurs. Ils l’ont tous refusée. Je savaisbien, que c’était pas autorisé, d’écrire devanttout le monde.Vers trente ans, ça m’a repris. Je me sentaistrès seule, je venais de m’installer dans unpays de roches abruptes et de neige,autrementdit de silence nourri. Un éditeur lointain m’apermis de dégraisser ce silence.Cette impudeur a duré quelques années.Je me sentais libre, adulte.Aujourd’hui c’est fini. Je suis prof, je n’ai plusle droit d’écrire en public. Il faut remplir unimprimé et l’envoyer par voie hiérarchiquepour en demander l’autorisation.J’ai l’impres-sion d’être redevenue une petite fille. J’aienvie de cacher mes textes dans mon lit.

Emmanuelle Pagano

n°229 - février 2008le mensuel du livre en Rhône-Alpesle

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premier plan/p.2-3Prix Rhône-Alpes du livre 2008Emmanuel Merle, Olivier Ihl,Edmond Raillard et Fabrice Vigne,quatre grenoblois à l’honneur pource cru 2008 des Prix de la RégionRhône-Alpes, récompensés par unchèque de 5 000 € et une tournée de rencontres dans les librairies de larégion. Présentations et entretiens.

actualités/p.4Rencontres du livrede sciences humainesLa deuxième édition de cettemanifestation originale se tient à Paris, du 22 au 24 février.Quatorze éditeurs de Rhône-Alpesparticipent à ce rendez-vous.

patrimoine/p.11Paulin de Barral,Valmont de l’Isère…Les Archives départementales del’Isère recèlent des trésors inattendus.Dans le fonds de la Société desHauts-Fourneaux et Forges d’Allevarddormait en effet une correspondanceentre le maître de forges et son fils,Paulin de Barral. Un modèle de débauche et de libertinage… qui aurait inspiré Laclos pour sonValmont des Liaisons dangereuses.

en +++++Après Livre & Lire, c’est au tour du siteInternet de l’Arald de faire peau neuveavec une version plus claire et plusdynamique : un menu et des entréessimplifiés, une sélection de dossiersnumériques nationaux et régionaux(études, rapports, synthèses, articles),une nouvelle base de données sur lesmanifestations littéraires et des entre-tiens sonores avec des écrivains enécho avec ceux menés dans Livre &Lire. Et bien sûr, toujours plus d’infor-mations,de rendez-vous,de brèves surla vie du livre en Rhône-Alpes.

> www.arald.org

Vous avez votre Bermuda ?

La BD a des ailes.Elle emmèneses lecteurs de plus en plusloin. Par sa diversité, par sonintelligence, par la capacité

qu’elle a sans cesse à se réinven-ter.À l’honneur de cette incursionen BD (p. 7), la trilogie de RosalieBlum, de Camille Jourdy, dont lepremier volume paraît chez Actes

Sud BD. Et pour en savoir plussur les jeunes talents de larégion encore à découvrir, pro-curez-vous le Projet Bermuda,ce book d’histoires plus oumoins courtes concocté parNicolas Courty et Jean-LouisMusy, de la librairie lyonnaiseExpérience. Le pari précieux delibraires passionnés.> www.librairie-experience.com

C’est l’interrogation du moment.

Dans ce seul numéro de Livre & Lire,

les mêmes questions surgissent à

travers le thème de la Fête du livre

de Bron – « No(s) Identité(s) »,

entretien p. 5 –, à travers celui de

la nouvelle revue 4810, imaginée

par Philippe Meirieu et son équipe

– « Identité(s) »,p.6 –,et celui d’un

ambitieux projet d’ateliers d’écriture

construit entre la Maison des pas-

sages, le Nouveau théâtre du 8e,

le Point du jour (Lyon) et Vaulx-en-

Velin : rassembler deux écrivains

comme Fabienne Swiatly et Patrick

Chamoiseau avec pour objectif

de questionner la différence et

d’envisager autrement l’altérité.

Être ou ne pas être entre paren-

thèses, il semble que ce soit cela

aussi qui alimente la question de

l’identité. Des identités. Plurielles,

forcément plurielles… Emmanuelle

Pagano, sur cette même page,

n’évoque rien d’autre. Une iden-

tité d’écrivain. Quelque chose de

solide, de vrai. Et que d’autres

interrogent. Peut-être parce que

l’identité, son singulier, ses pluriels,

ses parenthèses, doit avant tout

rester une question. Laurent Bonzon

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premier plan

En exergue d’Amère Indienne, j’ai mis la phrasede Richard Hugo qui me paraît au mieux résumerce qu’est pour moi l’écriture d’un poème :« L’écriture d’un poème n’est peut-être que l’expression de l’acceptation de soi dans unmonde étranger ». J’écris de la poésie pour trouver ma place.

Votre poésie est une poésie de la sensation,mais aussi du sentiment, de l’humain. Êtes-vous d’accord pour dire que vous êtes unpoète lyrique ?Si le lyrisme consiste à écrire avec le désir d’uneémotion à exprimer, et si cette émotion est liée(comment finalement ne le serait-elle pas ?) à unregard sur le monde, alors oui, il est sûr que mespoèmes sont lyriques.À travers la nature,ne serait-ce que sa transcription, c’est toujours l’humainqui m’intéresse. En même temps et paradoxale-ment, je cherche aussi (je ne sais pas clairementpourquoi) à amener mon narrateur ou montémoin à une présence la moins encombrante,la plus détachée possible de ce qui nous lie auquotidien.

Pensez-vous que la poésie répond à un devoirde lucidité ?Oui,mais non pas une lucidité que certains entre-tiendraient encore et à laquelle ne pourrait plusavoir accès la majorité. La poésie ne gagne rien àêtre élitiste. Elle doit pourtant être difficile et exigeante,et sa lucidité n’aide peut-être, sans qu’ils’en rende clairement compte,que celui qui l’écrit.Mais celui qui l’écrit désire le partage d’une nou-velle lucidité des mots, en espérant que cetterecherche ou cette attente d’une nouvelle percep-tion soit un acte concret qui entrebâille davantagele monde. Propos recueillis par Yann Nicol

Un père et manqueDans Un homme à la mer,Emmanuel Merle revient surla disparition de son père dansun recueil poétique boulever-sant. Un « exercice de deuil »entrecoupé de nombreuxpoèmes évoquant les baleines,

et notamment Moby Dick,comme le symbole d’« uneexpression silencieuse de lasolitude » proche de celle dupoète. La prose lyrique et fra-gile d’Emmanuel Merle entre-mêle la variation sur la figurepaternelle, l’évocation dessoubresauts intimes de l’âmeen peine et le rapport sensible(sensitif ) à la nature sauvagedes paysages canadiens qui

hantent les poèmes.Un recueilqui affirme la singulière etprécieuse voix d’un auteurrévélé sur le tard. Le moinsque l’on puisse dire est qu’ilsemble bien parti pour rattra-per le temps perdu… Y. N.

Emmanuel MerleUn homme à la merGallimard 98 p., 12,90 €

Entretien avec Edmond Raillard

La traduction invisible

Lauréat du prix Rhône-Alpes du livre 2008pour sa traduction de L’Ultim Llibre de SergiPàmies, Edmond Raillard apprécie que cettereconnaissance mette en lumière, au-delàde son propre travail, la richesse de la littéra-ture catalane.

Vous avez beaucoup traduit : Quim Monzó,FerranTorrent, José Carlos Llop et bien sûr Sergi Pàmies.Mais comment la traduction vous est-elle venue ?Elle est venue à moi très tôt, alors que je finissaismes études, j’ai commencé par traduire des écritsde peintre.Ces textes-là étaient très importants pourmoi, et le sont toujours. J’ai travaillé ainsi surplusieurs écrits d’Antoni Tàpies, ainsi que surles Carnets catalans de Miró, parus chez Skira,j’ai aussi traduit Antonio Saura. J’attendais paral-lèlement qu’on me propose de la fiction, ce quin’était pas évident, c’est tout de même unmonde à part. Et puis la première offre estvenue de Belfond, pour un livre de QuimMonzó, Benzina. À partir de là, je suis entré dansune famille, que je n’ai plus quittée, toute unelittérature catalane si bien défendue notammentpar les fantastiques éditions Quaderns Crema,et leur directeur Jaume Vallcorba.

Comment la définiriez-vous, cette littératurecatalane selon votre cœur ?Je dirais qu’il s’agit d’une littérature qui, paradoxa-lement, n’est pas ancrée, en tout cas très éloignéedu régionalisme, qui franchement m’agace ou, entout cas, ne m’intéresse pas. Ce qui m’attire enrevanche, notamment chez Pàmies, c’est cetteécriture distanciée, ironique,cette étrangeté si uni-verselle.Tout part de l’ordinaire,et en même temps,

Prix Rhône-Alpes du livre 2008Entretien avec Emmanuel Merle

Entrebâiller le monde

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Découvrez l’intégralité de ces entretienssur www.arald.org

Après le Prix Kowalski pour Amère Indienne,vous venez de recevoir le Prix Rhône-Alpesdu livre pour Un homme à la mer. Commentappréhendez-vous ce prix et cette reconnais-sance critique ?Je dis sans peine que c’est une très grande satis-faction. Au fond, je considère l’écriture commeun travail et,d’une certaine façon,pas très humblec’est vrai, j’ai toujours pensé que tout travailméritait salaire. Mais un prix, c’est surtout ça :certaines personnes que vous ne connaissezpas vous disent tout à coup « c’est bien, ça nousparle, continuez ».

Dans ce recueil, vous évoquez la perte de votrepère. Diriez-vous que la poésie apporte uneforme de consolation ?En ce qui me concerne, la poésie ne me consolede rien. Et je n’ai jamais lu de poésie en souhai-tant partager une quelconque souffrance quej’espérais ne pas être le seul à éprouver.

EdmondRaillard estmaître deconférences à l’université

Stendhal deGrenoble.Il enseigne la traductionlittéraire ainsi quel’analyse filmiqueet l’histoire du cinéma.

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Emmanuel Merleenseigne en lycéeet en classespréparatoires au Lycée

Itec-Boisfleury à La Tronche (38).Il a publié chezGallimard un recueilde nouvelles, Redwood(2004), et deux recueilsde poèmes : AmèreIndienne (2006) et Unhomme à la mer (2007).

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Au mérite !Le Mérite et la République : la fureurhonorifique selon Olivier Ihl.

Moderne Louis Dumont,Olivier Ihl ne sépare pasdans ce livre l’homo aequalis né en 1789 del’homo hierarchicusprécédent ; il montreau contraire – car onne détruit bien quece qu’on remplace –comment la Répu-blique cultive la pas-sion des distinctions ;ou pourquoi – grandequestion de nos tempsmodernes – plus leshommes sont égauxet plus il faut entreeux creuser de diffé-rences.Autre écho, en variant sur Foucault : étudiant lapanoplie des peines, l’auteur de Surveiller et punirne couvrait qu’à moitié le programme d’un bongouvernement ; en détaillant la vitrine desmédailles,Olivier Ihl propose, après l’archéologiedu bâton,celle des diverses carottes par lesquelleson élève les corps et les esprits.Il faut que l’égalité et les distinctions aillent depair, et ces deux passions furent le moteur dessuccessives républiques, qui décorèrent plus

Olivier Ihl estprofesseur à l’Institutd’études politiquesde Grenoble,

spécialiste de sociologiehistorique. Il s’estconsacré à l’étude

de la République,de la citoyenneté et de la construction desespaces de représentationpolitique. Il a publié La Fête républicaine(Gallimard) en 1996.

Les GiètesÉtrange titreque ce mot qui

désigne les joursau-delà du termepour une vache quiva vêler : « Ces joursen surplus, ces joursqu'on peut arrêter decompter, il n'y a plusqu'à attendre ce quiaurait déjà dû arri-ver ». Détourné, lemot s’applique iciaux personnes âgéeset constitue le cœurdu troisième romande Fabrice Vigne.

La vie de M. Bertram,pensionnaire de laMaison,une résidencepour personnes âgées,est rythmée par les repas, lesparties de scrabble, les visites du médecin et cellesdu petit-fils ; peu de choses en définitive au regarddes souvenirs à revivre et du temps à tuer. Le décèsde son voisin de chambre provoque l'arrivée d'uneintrigante voisine,madame Ostatki,dont les originesrusses éveillent sa curiosité et questionnent sesengagements politiques passés...Comme dans son premier roman, TS (L'Ampoule,2003), Fabrice Vigne place la citation et l’art descorrespondances comme matrice de son écriture :au lecteur de faire le pont entre deux générations,celle du grand-père et celle du petit-fils,ainsi qu’entredeux époques, les grèves de 1947 et celles de 2003.Encore faut-il ajouter à l'exercice la mise en regardde deux journaux intimes (celui de M.Bertram jeunepuis âgé), les allers-retours du récit aux photogra-phies, les coupures de presse du journal L'Humanité,et des extraits de la correspondance de Flaubert...Une architecture complexe qui prouve tout le talentde son auteur lorsqu’on connaît le contexte d’écri-ture de ce roman. Les Giètes répond en effet à unecommande de Jeanne Benameur, directrice de lacollection Photoroman,dont le principe est de pro-poser à un écrivain une série de photographiescomme origine du texte à venir. Alors que lacontrainte conduit trop souvent à l’artificialité, elleest ici magnifiquement dépassée, permettant auxGiètes d’inaugurer la collection par un coup demaître. Avec pour constant horizon une réflexionjuste et sensible sur la mort,Les Giètes perturbe avecune insolente jeunesse l'ordre des rayonnages deslibrairies et des bibliothèques. Roman pour leslecteurs de 14 à 114 ans, il est un livre de passageentre générations. Anne-Laure Cognet

Fabrice Vigne, photographies d’Anne RehbinderLes GiètesÉditions Thierry Magnier, collection “Photoroman”212 p., 14,50 €

alors que cet homme est un modèle de pudeur,il y a une grande sensibilité qui émerge. J’ai aussibeaucoup d’affinités avec un auteur étrange etdécalé comme Llop, pour moi une découvertemajeure de la décennie. Je traduis également sonprochain roman, Le Rapport Stein, à paraître chezJacqueline Chambon,encore un texte sur la mémoire.

Vous traduisez aussi bien le castillan que lecatalan.Vers laquelle de ces deux langues penchez-vous le plus ?Je pense être aujourd’hui totalement trilingue,avecdes nuances.Mon catalan est plus simple, il me vientdirectement de Barcelone, où j’ai vécu une premièrefois au moment de mes études de lycéen, pendantque mon père était là-bas directeur de l’Institut fran-çais. Je parlais le catalan de la rue,celui des amis demes parents, tout en étudiant le castillan.J’ai apprisvraiment les deux langues à la fois.Mais par la suite,mes références espagnoles se sont diversifiées, j’aivécu au Mexique,au Panama.Le catalan,c’est autrechose, et à une époque de ma vie, Barcelone étaitma ville. Propos recueillis par Danielle Maurel

Sergi PàmiesLe Dernier Livre de Sergi PàmiesTraduit du catalan par Edmond RaillardÉditions Jacqueline Chambon112 p., 15 €

généreusement que l’Ancien Régime : légiond’honneur, médaille militaire, mérite agricole,palmes académiques ou prix littéraires…,ce livreoffre une archive scrupuleuse, et parfois cocasse,de notre fureur honorifique. Daniel Bougnoux

Olivier IhlLe Mérite et la République Essai sur la société des émulesGallimard512 p., 25 €

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Fabrice Vigne est néen 1969. Il a publiédes récits enlittérature généraleaussi bien qu’en

jeunesse, parmi lesquelsJean 1er le Posthume(Thierry Magnier, 2005)et La Mèche (Castellséditions, 2006). Il vit dansla région grenobloise.

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Questions à DanielBougnoux, philosophe et membre du jury du PralQuel est, selon vous, le principal intérêt du livred’Olivier Ihl ?Le Mérite et la République conduit une réflexion,nourrie d’histoire et de minutieuses recherches,pour traiter un problème anthropologique fonda-mental : comment, au-delà des diplômes et desconditions, s’y prend-on depuis la déclaration égalitaire des Droits de l’Homme pour hiérarchi-ser quand même nos concitoyens et récompenserla vertu ? Il dialogue ainsi, et ce n’est pas son moindremérite, avec d’autres « essayistes » fondamentauxcomme Foucault et Dumont ; et il éclaire non sanshumour notre « passion décorative ». Je veux sou-ligner par là que l’objet de ce livre, qui paraît évi-dent quand on l’a lu, n’était pas donné d’avance :oscillant entre la convoitise et le dédain, les « hon-neurs » n’apparaissaient pas vraiment, jusqu’àce travail, comme un objet bon à penser.

À votre avis, y a-t-il une nécessité de se pencheraujourd’hui sur cette question des « émules » et des« faiseurs d’émules », dont Olivier Ihl fait l’histoire ?Et comment ! Tout le monde parle de revaloriser lemérite, c’est la tarte à la crème de l’idéologie mana-gériale,mais aussi,depuis le sommet de l’État jusqu’audernier bureaucrate, le mot d’ordre d’un sain « gouver-nement des hommes » qui a juré de ne plus soumettreceux-ci à la simple « administration des choses ». Plusprofondément, cette question de l’évaluation et de lareconnaissance des mérites est au cœur des réflexionstouchant l’autorité, le respect ou l’identité des sujets,qui se définissent justement par tout un jeu de petitesdifférences. À bonne distance des excès nés de1968, la question semble aujourd’hui de savoircomment marier la République et la Démocratie,ou l’aspiration égalitaire avec le désir vital et toutaussi impérieux de distinction, voire d’élection. Aunombre des surprises que la grammaire socialenous réserve, il faut aussi compter le bel avenir desplastrons et des médailles ! Propos recueillis parL. B.

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Les sciences humaines ne sont pasqu’affaire de spécialistes. Voilà uncredo que défend la Fondation de laMaison des sciences de l’homme,organisatrice des Rencontres du livrede sciences humaines, initiative qui,l’an passé, a réuni à Paris près dequatre-vingt-dix éditeurs, une quin-zaine de tables rondes et 3 000 visi-teurs.Pour l’un des inventeurs de cesRencontres, Jean-Michel Henny, res-ponsable des publications de la MSH,il s’agit de prendre acte de la crise édi-toriale des sciences humaines enconstatant « le paradoxe d’uneénorme production très disséminéeet souffrant de ce fait d’un manquede visibilité. » Un constat que l’onpeut faire également en parcourantles salons du livre généralistes commecelui de Paris,dans lequel les scienceshumaines ont bien du mal à surnagerau milieu d’autres produits d’appelplus attrayants pour les lecteurs.À l’espace des Blancs-Manteaux,

les choses seront bien différentes :on devrait atteindre cette annéeune centaine d’éditeurs, chacun –grand ou petit – disposant dumême espace de présentation etde vente : Gallimard, Odile Jacob,Armand Colin, Albin Michel, LaDécouverte…, mais aussi de pluspetites maisons comme celles venuesde Rhône-Alpes : À la croisée,ChampVallon, Chronique sociale, Créaphis,les Éditions du Croquant, Ellug, ENSÉditions,Jérôme Millon,Parangon/Vs,La Pensée sauvage, les Publications del’université de Saint-Étienne, les PUG,les PUL et Symétrie. En tout, pasmoins de quatorze éditeurs.

Nourrir les débats

« Tous sur le même pied », confirmeJean-Michel Henny qui, avecEntrevues (organisateur du salondes revues et partenaire de cet évé-nement), a prévu un espace de

actualités / édition

et solidaire plutôt osé par les tempsqui courent… Enfin, tout fraîche-ment paru, Carnet de voyage enPologne, de François de Ravignan,est une traversée inattendue dumonde rural polonais.On y retrouveun monde paysan en plein boule-versement, une culture menacéeet fragile. Le témoignage d’un agro-nome à méditer en ces temps degrandes mutations économiques.Etle parcours d’un éditeur à suivre,donc, à plus d’un titre. C. S.

À plus d’un titre4, quai de la Pêcherie - 69001 Lyonwww.aplusduntitre.com

Rendez-vous avec l’intelligence

Les sciences humainesfont salonDu 22 au 24 février a lieu, à Paris, la deuxième édition des Rencontresdu livre de sciences humaines. L’occasion de mettre en valeur cesecteur de l’édition assurément en crise et la volonté de générer unedynamique de rencontre entre l’Université et la Cité.

À plus d’un titre, librairie et lieu derencontres bien connu des Lyonnais,s’est lancé il y a peu dans l’édition.Alain Léger et Samantha Barendsons’occupent de cette nouvelle activitéqui s’efforcera de s’ouvrir à destextes novateurs et critiques. Laligne éditoriale est tournée vers lalittérature (notamment la poésie etle polar) et les sciences humaines.Huit livres ont déjà été publiés, etles deux éditeurs pensent faireparaître une dizaine de titres par an.Parmi les récentes parutions, onpeut découvrir un récit de Jean-Louis Carron, L’Ombre, et un essaid’Ingmar Granstedt, écrit en 1982,Du chômage à l’autonomie conviviale :un appel à un mode de vie autonome

conférence au milieu des livres etune édition globalement plusinternationale, avec la présenced’éditeurs suisses, belges et de sixmaisons hispanophones.« Ces rendez-vous sont avant tout unespace de rencontre et de visibilité »,ajoute l’organisateur : « Il s’agit d’yprésenter les livres qu’on ne voit pasforcément en librairie, de privilégierdes ouvrages de fonds plutôt quedes essais liés à l’actualité ». Descartes blanches données à des édi-teurs, des conférences (notammentJacques Bouveresse, le 22 février ensoirée),une dizaine de tables rondes…,le programme de ces Rencontresest là pour donner envie et attirer

un large public motivé par lessciences humaines. Parmi celui-ci,une délégation de bibliothécaires etde libraires spécialisés de Rhône-Alpes, qui profiteront du voyageorganisé par l’Arald, avec le soutiende la Région et de la Drac Rhône-Alpes, pour venir à la rencontre deséditeurs. Et participer à un événe-ment qui, au nom des scienceshumaines, voudrait contribuer ànourrir et orienter un certainnombre de débats contemporains.L. B.

Les Rencontres du livre de scienceshumaines : 22-24 févrierEspace d’animation des Blancs-Manteaux75004 Paris - www.salonshs.msh-paris.fr

+++++++++ d’actualités sur www.arald.org

Anna Chaneln°1L’édition jeunesse en

Rhône-Alpes s’étoffe avec unnouvel éditeur, les ÉditionsAnna Chanel. Installée à Violay,dans la Loire, cette maison adéjà publié trois albums,comme trois univers, avec uneatmosphère et des couleurspropres à chacun. Nathalie etPhilippe Collon, éditeurs,mettent l’accent sur l’imageet l’émotion. De nombreusesdécouvertes sont prévues dansles albums à paraître en 2008,pour continuer à s’ouvrir au monde, aux autres, et àsoi-même. Caroline Schindler

http://editionsannachanel.com

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Éditeur À plus d’un titre

François de RavignanCarnet de voyage en PologneCollection La ligne d’horizon92 p., 11,80 €, ISBN 978-2-952-67603-8

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/ manifestations

C’est dans la rue pavée qui conduità la gare Saint-Paul, dans le 5e arron-dissement de Lyon, que BéatriceFraisse et son associée ElmoneTreppoz, jusqu’alors enseignante enlettres, ont choisi d’installer leurlibrairie : « Parce que ce quartierhistorique de Lyon a une âme »,confient les deux libraires. On nesaurait mieux dire puisqu’en 1755,Molière y fit représenter pour lapremière fois sa comédie l’Étourdiou les Contre-Temps dans la salle dujeu de paume. L’ancienne boutiquede 52 m2, qui arborait l’enseigne« Papiers peints du Vieux Lyon »,s’appelle désormais L’Étourdi deSaint-Paul et elle est tapissée de

livres (6 000 références). Ouvertedepuis le 25 juin, la librairie, qui estsur le chemin des touristes, deslazaristes et des maristes, a d’ores et

déjà conquis son public de lecteurs…sans oublier les habitants du quartierqui n’ont plus à traverser la Saônepour acheter des livres. M.-H. B.

/ librairie

Ça fête du livre

Bron : contrôle d’identité(s)Cette année,élections municipalesobligent, la Fête du livre de Bron alieu du 8 au 10 février.Petit détourpar son thème : « No(s) Identité(s) ».

Comment définiriez-vous l’inten-tion mise dans cette 22e éditionautour de la question de l’identité,des identités et de l’altérité ? Quellien établir avec la littérature et lesécrivains ?La littérature et les sciences humainesposent, de façon de plus en plusaiguë, la question de l’Autre,approchant celle de l’identité etdonc celle de la filiation,de l’origine,de l’étranger, de l’immigration, del’exil, qui agitent notre mondecontemporain. La question de fondest : qui sommes-nous ? Du pointde vue intime (ou individuel)comme du point de vue social,nousvivons un monde qui a besoin de seredéfinir pour savoir dans quelledirection avancer. On constate unretour, dans la littérature, de préoc-cupations collectives, historiques,sociales et comme une urgence de

faire le lien entre,d’une part, ce tra-vail et cette énergie au long courset, d’autre part, cet événementielet la dynamique qui lui est propre ?Une année de travail est nécessairepour donner au projet tout le sensqu’il mérite, pour lui donner unangle, une direction, une épaisseur.C’est une année de lectures appro-fondies, de maturation des textes,réflexion, concertation. Cette dé-marche est nécessaire pour être aufait des enjeux qui se dessinent enlittérature française et étrangère, ensciences humaines et en littératurejeunesse. Il faut comprendre la Fêtedu livre de Bron comme une pro-grammation artistique, comparableà celle d’un équipement. Les cin-quante rencontres et spectaclesprogrammés le sont sur un week-end au lieu de neuf mois, c’est laseule différence. Propos recueillis par

L. B.

Fête du livre de Bron8-10 févrierwww.fetedulivredebron.fr

Pour définir la manifestation,disonsque c’est un festival de littératured’art et essai, qui privilégie l’expéri-mentation, l’innovation, dans lavolonté d’associer des publics variéspas toujours forcément acquis.

La Fête du livre de Bron, c’est unévénement d’un week-end, maisc’est aussi, dites-vous, « un an detravail ». Comment parvient-on à

« sortir de soi » pour rejoindre undestin plus collectif. Beaucoupd’écrivains, dans leurs romans,réinventent l’idée de l’autoportrait :comment parler de soi en parlantdes autres, en parlant du mondedans lequel ils vivent et qui sembleposer problème ?

No identité ? Nos identités ? Si l’onretourne la question à la Fête dulivre de Bron, quelles sont sesidentités ou cherche-t-elle à ne pasen avoir ?C’est un projet dans lequel toutepersonne qui cherche à comprendre lemonde dans lequel elle vit, est censéese reconnaître. Nous revendiquonsune identité qui serait celle de l’exi-gence à destination du plus grandnombre, c’est-à-dire proposer uneinterprétation de l’actualité éditoriale,qui soit un engagement et donne lamesure de ce qui se joue sur la scènelittéraire contemporaine.La Fête dulivre est également un lieu deréflexion, d’échanges et de débatsqui place, au centre, la parole del’écrivain. Nous réfléchissons àla façon de transmettre les textesauprès du public. Il peut s’agir deregards croisés,de lectures,de perfor-mances. Nous avons le souci de laforme et de son renouvellement.Nous aimons que coexistent l’idée del’excellence et celle de la simplicité.

Avis aux “accros” !

Quand il a ouvert sa maisonde la presse à Albertville, en1997, Fabien Leroy, qui vou-

lait déjà vendre des livres,a amé-nagé un « rayon livres » avecquelques titres.Dix ans plus tard,le 1er septembre 2007, il a ouvertL’Accrolivres.Cette grande librairiede 230 m2 offre un riche fondsen littérature et en BD quidevrait séduire les amoureuxet les accros du livre ! Marie-Hélène

Boulanger

L’Accrolivres16, rue Gambetta73200 Albertvilletél. 04 79 89 07 22

Les nouveautés de l’édition 2008L’élargissement des horaires (dès 14h30, le vendredi) ; la création d’un« Salon de lecture », où les écrivains seront invités à parler de leur« bibliothèque de choix » ; une soirée cinéma avec Nicolas Philibert(Retour en Normandie), en partenariat avec Télérama…

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Le libraire de Saint-Paul

L’Étourdi de Saint-Paul4, rue Octavio-May69005 Lyontél. 04 78 39 41 57

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interview donnée par PatrickChamoiseau à la revue Les Péri-phériques vous parlent et autour del’œuvre de l’écrivain. Bien sûr, c’est laquestion identitaire,chère à l’auteur,qui sera abordée. Ou commentpartir à la recherche de son propreimaginaire à travers l’écriture…Cette expérience sera ponctuée derencontres avec l’écrivain, de lec-tures publiques par les comédiensdu collectif du NTH8, de débats…Autant de moments de confronta-tion entre l’Autre et soi, de pontstendus entre l’ici et l’ailleurs.M.-H. B.

* Ce projet s’inscrit dans le cadre du contraturbain de cohésion sociale (CUCS) et bénéficiedu soutien de la Région Rhône-Alpes.

Maison des passages44, rue Saint-Georges - 69005 Lyontél. 04 78 42 19 04www.maison-des-passages.com

Tout a commencé en 2006, lorsde l’inauguration de l’espaceinterculturel de la Maison despassages par l’écrivain créole PatrickChamoiseau. De cette rencontrepoétique et politique avec l’auteurengagé – Goncourt 1992 pourTexaco – est né le projet « Parcours,métissage et souci de l’Autre »*.Desateliers d’écriture se déroulent ainsidans trois quartiers de Lyon et del’agglomération, où vit « une popu-lation métissée née ailleurs »,et s’ap-puient sur des partenariats locaux :le centre social du Point du jour(5e arr.), le Nouveau théâtre du 8e etl’association Espace, projets inter-associatifs (EPI) à Vaulx-en-Velin.La directrice du centre social duPoint du jour,Gilda Hobert et l’écri-vain Fabienne Swiatly,qui intervientau NTH8, invitent les participantsà travailler autour de « Plaidoyerpour un guerrier de l’imaginaire »,

Naissance d’une librairie :retrouvez chaque mois unnouvel épisode

Devenirlibraire (2)

Domitille Bernes et ThierryBarrailler peaufinent leur projetde librairie. Après le choix du sitede Pontcharra, l’acquisition d’unlocal a été une des épreuves dece parcours à la fois excitant et…sportif.

Éloigné des grandes villes, maisdynamique. Doté d’un potentielculturel, mais pauvre en offre delivres. Le site dont rêvaient les deuxex-salariés de France Telecom avaittout d’une chimère,or il existe et senomme Pontcharra. Avec 6 500habitants, mais une progressiondémographique constante, ce grosbourg à 25 km de Chambéry et 40 deGrenoble répond au premier critère.« Une étude de la Chambre decommerce de Grenoble, préciseDomitille Bernes,mettait en évidence

un déficit en culture et loisirs danscette zone de chalandise. Or la pré-sence d’un lycée et d’un collège,d’une médiathèque et d’une sallede spectacles nous a mis la puceà l’oreille. Il y avait là une piste vrai-ment sérieuse… »Tellement sérieuse que les deuxcandidats-libraires se donnent lesmoyens de se faire une idée. Ilsappliquent les notions de marketingde la formation reçue à Lyon. Ils sefabriquent des données qualitatives,rencontrent le directeur du Super-U,seul lieu actuel de vente de livres,questionnent les élus locaux. Unsamedi, munis d’un questionnairemaison, ils arpentent les rues ducentre-ville et le parking du super-marché pour tester l’accueil. Ils com-parent Pontcharra à Saint-Marcellin,bourgade assez similaire où lalibrairie Le Marque Page a su sefaire une place, et calculent unchiffre d’affaires plausible. En mai2007, ils arrêtent leur décision :ce sera Pontcharra.L’acquisition d’un local se fait partâtonnements, leur choix se portantfinalement sur les murs d’uneancienne droguerie, en plein cœur

du centre historique de la ville. Lafuture librairie Bel’Ysère, actuelle-ment en travaux d’aménagement,dispose de 102 m2 de surface,de 12mètres linéaires de vitrine, pour uncoût de 115 000 €.Les futurs gérantsont constitué une Société civileimmobilière (SCI) pour cette acqui-sition, et pour l’exploitation dufonds une SARL, elle-même loca-taire de la SCI.

La mobilisation des aides bancairesn’a rien d’une formalité. ThierryBarrailler affirme l’avoir vécuecomme un entretien d’embauche.« On a utilisé à fond les acquis de laformation, et surtout on s’est interditde parler d’aventure et de rêve à notreinterlocuteur.Même si on le pensait trèsfort ». Au final, ce sont deux agenceslocales qui décident de franchir le pasavec eux. D. M. (à suivre…)

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4810 : une nouvelle revue à la hauteur

Cultures et sociétéen Rhône-Alpes

4810. C’est à cette altitude, estime-t-on désormais,que culmine le MontBlanc. C’est aussi à ces hauteurs quela nouvelle revue ainsi baptiséeentend poser les débats. De l’éléva-tion, du recul, de la réflexion. Revued’un territoire,mais revue ouverte surle monde, 4810 porte le sous-titre :« Cultures et société en Rhône-Alpes ». Non pas que tout y soitrhônalpin, loin de là, mais la revuene fait pas l’économie de la questiondu territoire et des problématiquesqu’elle engendre. La première d’entreelles, servant de fil rouge à ce numérode lancement présenté par le Présidentde la Région Jean-Jacques Queyranneà la mi-janvier, est l’identité, ou plutôtles identités. Là encore, la transversa-lité est de rigueur : derrière PhilippeMeirieu qui,avec cette nouvelle revue,entend « ouvrir des possibles, jouer

sur les contrastes, faire émerger desconvergences inattendues, traquerl’équivoque pour mieux identifier leslignes de force », se suivent un lin-guiste,des sociologues,des artistes,un écrivain (Franck Pavloff ), unauteur-illustrateur (Jean Claverie),un géographe, un ethnologue, unhistorien, un mathématicien… etbien d’autres personnalités. Le tout– maquette soignée et grand format,partie magazine autour de l’actualitéculturelle,artistique et littéraire dansla région – ne devrait pas avoir de malà trouver sa place dans le paysageintellectuel de la revue. L. B.

Ici et ailleurs : un projet d’ateliers d’écriture

Écrire pour questionner la différence

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4810Cultures et société en Rhône-Alpesn°1 / Identité(s) - Glénat - 96 p., 10 €

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Les choix deNicolas Courtyet Jean-LouisMusy

Librairie Expérience, Lyon

Deux raisons au moins de se réjouiren ce début d’année 2008 pour lesdeux libraires d’Expérience,spécialisésdans la BD. L’album drôle et délirantde B-Gnet,Rayures, et celui, très noir,du dessinateur lyonnais d’origine gre-nobloise Efix : Putain d’usine, adaptéd’un livre de Jean-Pierre Levaray.Pour Nicolas Courty,plutôt sceptiquesur le phénomène des adaptationsd’œuvres littéraires en bande dessinée,qui ne cesse de prendre de l’ampleur,notamment sous la forme de collec-tions, et « risque de vider la BD en laprivant d’une écriture scénaristiquequi lui est propre », le pari d’Efix esttenu : restituer, à travers de petitesnouvelles graphiques, le quotidiendestructeur de l’usine, redonnerdans le dessin l’esprit d’un livrequ’il a lui-même choisi et aimé.Album poétique et engagé, visionnoir (et blanc) du suicide quotidienpar l’usine, le libraire lyonnais fait dePutain d’usine l’un de ses coups decœur du moment.L’autre,sans doute,est (à) Rayures… Nicolas Courty estformel : B-Gnet, jeune dessinateursorti d’Émile Cohl et qui vit à Lyon,a commis là « un album très cohérentà l’humour décalé et doté d’un grandsens de l’absurde ». Deuxième publi-cation pour B-Gnet,après un premierlivre au titre programmatique paruaux Requins Marteaux : The WorldIs Yaourt !

Peau d’Ours, qui valut à CamilleJourdy d’être la première lauréatedu tout nouveau Prix Rhône-Alpesdu livre jeunesse en 2007, était unpetit album particulièrement épuréqui ne comportait pas de textes.Avec le premier volume de RosalieBlum, il semble que l’auteur revienneà ses anciennes amours en se rap-prochant,d’un point de vue formel,d’un livre comme Une araignée,destagliatelles et au lit, tu parles d’unevie !. Soit une bande dessinée, (ouun roman graphique) qui dynamiteles conventions graphiques tradi-tionnelles : des vignettes qui débor-dent du cadre (ou de l’absence decadre !), des planches à la composi-tion variable (de la pleine page auxcases plus classiques), une utilisa-tion constante des blancs, une écri-ture manuscrite prenant en chargela narration et les dialogues…Autant de procédés qui créent ununivers unique, reconnaissable aupremier coup d’œil et qui nousmènent avec beaucoup de sensibi-lité et de finesse dans l’existence denotre (anti)-héros, Vincent, un tren-tenaire désabusé par la monotoniede son existence. Coiffeur malgrélui, amoureux éconduit, fils àmaman, le jeune homme voit sa vie

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livres & lectures / bande dessinée

++++++++++http://auteurs.arald.orgconsultez le site des écrivains,des auteurs et illustrateurs jeunessede Rhône-Alpes

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Souvenirs de poched’Alexandre Kha

Les souvenirs sont-ils autre chose quedes images ? Dans ces Souvenirs depoche, Alexandre Kha décline mali-cieusement un « je me souviens »tendre et intime, en utilisant ledessin et la troisième personne dusingulier.De l’enfance à l’adolescence,chaque petite scène raconte uneétape drôle ou tragique,sentimentaleou amicale, de la vie d’un tout jeunegarçon dans une cité de la périphérieparisienne.Les jeux, les angoisses, lescopains, les peurs, les filles…, « Il sesouvient » de tous ces moments quil’ont fait passer de l’enfance à l’ado-lescence et l’ont mené jusqu’à la pertede l’innocence. Petits personnages

La bande dessinée selon Camille Jourdy

Ultramoderne solitudeUne impression de déjà-vu, premier volume de la trilogie intituléeRosalie Blum que Camille Jourdy publiera chez Actes Sud BD, confirmetout le bien que l’on pensait de cette jeune artiste singulière.

bouleversée par la rencontre deRosalie,une jeune femme qu’il croitconnaître et qu’il décide de suivredans ses moindres déplacements.Petit à petit, l’excitante surveillancese mue en véritable obsession…Avec ce premier tome, CamilleJourdy met en place une intrigue etdes personnages attachants dansleur inadéquation au monde et leurpoignante solitude. La poésie, la« naïveté lucide » qui émane de cetalbum donne à cette chroniquedouce-amère une force bouleversante.Vivement la suite ! Y. N.

Camille JourdyRosalie Blum. I.Une impression de déjà-vuActes Sud BD128 p., 18 € - ISBN 978-2-7427-7108-0

griffonnés dans un monde trop grandpour eux, tous dotés de très longueset de très jolies oreilles, à moins quece ne soit un bonnet d’âne, à moinsque ce ne soient des ailes… Morceauxde quotidien, de moments vécus,d’histoires, d’aventures qui, lorsques’écrit le mot « fin », font déjà touteune vie. L. B.

Éditions Tanibis, non paginé, 10 €ISBN 978-2-84841-010-4

Toppi.Une monographie

« Je suis une exception dans une

famille où tous savaient au moins

jouer d’un instrument », raconte

Sergio Toppi.Préférant le dessin à la

musique, il se tourne vers la bande

dessinée. Jouant alors une partition

toute personnelle, il aborde comme

des opéras de papier des histoires

fantastiques ou historiques que les

arpèges de son trait acéré, ses notes

de couleur surréalistes et son style

expressionniste servent à merveille.

Ses planches, construites comme de

violentes sarabandes,débordent sou-

vent les cases d’une mise en page

rigide.Cette audace formelle et cette

puissance graphique ont révolutionné

la BD italienne.Avec Crepax,Pratt et

Battaglia, Toppi fait partie du qua-

tuor qui a fait passer à l’âge adulte

la BD transalpine. Romain Plyer

Mosquito, 160 p., 18 €ISBN 978-2-908551-99-3

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B-GnetRayuresSix pieds sous terre

64 p., 13 €

ISBN 978-2-352-12028-5

Efix et LovarayPutain d’usinePetit à petit126 p., 12,90 €

ISBN 978-284949-091-4

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Avec Projections privées,Gilles Rozierpoursuit sa réflexion sur la SecondeGuerre mondiale et les trauma-tismes de la Shoah tout en situantson intrigue dans la Francecontemporaine. Une manière pourlui d’évoquer les enjeux de cethéritage terrifiant en abordant l’anti-sémitisme rampant, la transmissionentre générations, la valeur dutémoignage ou le devoir de mémoire.Un couple s’installe dans une villede province en rachetant la pharmaciecentrale. Très vite, les Levy Saltielsont victimes de menaces qui vontjusqu’à l’incendie volontaire de leurpharmacie : un acte antisémite ?Sans doute, même si les preuvesmanquent… Parmi les autres per-sonnages principaux du roman deGilles Rozier, il y a Martin, un jeuneprofesseur de latin et de grec quicherche les traces de son grand-père,assassiné en 1942 par les nazis : ceva-et-vient entre les époques est àla base de ce roman émouvant oùle passé et le présent se superpo-sent, comme si le fait de gratter levernis contemporain ramenaitinexorablement au traumatismede l’Holocauste. Un roman grave,où il est également question d’unesombre affaire, la stupéfiante« rumeur d’Orléans », qui secouala cité (située non loin du campd’internement de Beaune-la-Rolande)

dans les années 60, lorsque descommerçants juifs furent accusés dekidnapper des femmes pour leslivrer à la prostitution. Une rumeurque personne, y compris le socio-logue Edgar Morin, qui y avaitconsacré une étude, n’a rapprochédes terribles événements ayant eulieu dans la région au début desannées 40, où plus de 18 000 Juifsfurent internés,à Beaune-la-Rolande,mais aussi dans le camp de Pithiviers.Y. N.

Gilles RozierProjections privéesDenoël318 p., 20 €ISBN 978-2-20725984-9

Actu-SF & Cie

Sur la toile francophone,www.actusf.com estl’adresse où se retrouvent les amoureux deslittératures de l’imaginaire. À genres riches,site riche… L’équipe rédactionnelle est fortede nombreuses plumes,rhônalpines pour laplupart, et le champ éditorial est extrê-

mement vaste : science-fiction, bande dessinée,fantasy… La plupart des nouveautés sont chroni-quées, les différentes collections répertoriées.La curiosité des « ActuSfiens » semble sans limite.

Autre volet du site, son forum, qui comptabilise30 000 messages répartis sur un grand nombre desujets de discussion. À signaler que le monde del’édition, ses appels à textes et ses vicissitudes (enmatière de littératures de l’imaginaire, la Franceconnaît une véritable ébullition pour cause deretard à rattraper) y sont largement abordés. Desdialogues en ligne avec certains auteurs (Roland C.Wagner, Pierre Bordage, Serge Lehman, GérardKlein…) y sont proposés. Un tel foisonnementpourrait désorienter le néophyte. À celui-ci, on nesaurait mieux conseiller le Petit Guide à trimballer

de la fantasy ou le Petit Guide à trimballer de la S.-F.étrangère, publiés aux éditions Les Trois souhaits.Les animateurs de cette maison lyonnaise (née en2005) sont les pères du site ActuSf. Rappelons queLyon héberge également Les moutons électriques(www.moutons-electriques.com) dont le fantastiquecatalogue impose le respect grâce au travail d’André-François Ruaud (http://captainbooks.blogspot.com),ainsi que la librairie de Markus Leicht(http://markus.leicht.free.fr/), autre référence enmatière de littératures de l’imaginaire. Frédérick

Houdaer

Le nouveau roman de Gilles Rozier

Sombre(s)histoire(s)

Gilles Rozier est né en 1963 à La Tronche, dans l'Isère.Il est titulaire d'un doctorat delittérature yiddish. Il a récemmentpublié chez Denoël Un amour sansrésistance et La Promesse d'Oslo.

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Les vies minuscules deGilles Rozier

Dans Projections privées, vousprocédez à des allers-retoursentre la Seconde Guerre mon-diale et la France contemporaine :pourquoi cette double temporalité ?La France n’est-elle pas un palimp-seste ? La couche de notre époqueen a recouvert une autre, croyantla dissimuler pour l’oublier.Quandla plume érafle le parchemin, lacouche inférieure refait surface.

Ce roman est-il avant tout uneréflexion sur l’« héritage » de laShoah ?Malgré ce que je viens de dire, je nele pense pas. Il travaille davantage laquestion du témoignage, les minus-cules révisionnismes intimes que lesfamilles secrètent, espérant sauverla mise,et qui finissent par engloutirtout le monde.

Les personnages dont la famille aété décimée semblent oscillerentre la volonté, la difficulté etl’angoisse de savoir précisément…Tout dépend quel membre de cettefamille. Il y a eu une époque où ilétait urgent de panser ses blessureset de vivre. Les victimes survivantesont alors trouvé des « trucs ». Àla génération suivante, on a ingéréces « trucs » mélangés au lait desbiberons. Et un jour, on finit parse dire que le lait avait un drôlede goût, on essaie d’en savoir plus.

Vous évoquez également l’anti-sémitisme toujours présent, etnotamment cette incroyable« rumeur d’Orléans », qui datedes années 60 !Quand j’ai commencé Projectionsprivées, deux textes s’écrivaienten parallèle. L’un était un témoi-gnage sur l’époque de la Shoah,comme vous dites (c’est un mot queje n’aime pas, je préfère dire « géno-cide des Juifs par les nazis », c’estplus long mais moins fourre-tout) etun couple de pharmaciens de nosjours,dont la pharmacie est victimed’agressions anonymes, dont onignore si elles sont antisémites ounon. Je voulais placer l’histoire àOrléans,même si le nom de la villeest à peine évoqué dans le livre.J’avais La Rumeur d’Orléans entête. Quand j’ai lu le livre d’EdgarMorin, je suis tombé de ma chaise.Sa thèse, en quelques mots, est :comment une ville française est-elleretombée en 1969 dans descroyances moyenâgeuses ? 1942,connais pas. Beaune-la-Rolande,connais pas. Quand le sociologue amené son enquête, il était à l’imagede son pays : clivé, lobotomisé.

On connaît votre passion pour leyiddish.Dans le roman, il est ques-tion de latin et de grec. Pourquoicette fascination pour les languesanciennes ?Est-ce que je sais ? Les Atlantidesm’attirent. Quelques bulles fontsurface, elles trahissent unemétropole gisant dans les profon-deurs. J’ai ressenti certaines de mesplus fortes émotions dans des ruines.Et j’aime que les choses résistent.Propos recueillis par Y. N.

entretien

livres & lectures / littératureec

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ALIDADES

Le Coup de pistoletd’Alexandre Pouchkine,traduction de JacquesImbertÉdition bilingue de cettenouvelle de Pouchkine danslaquelle un coup de pistoletlaissé en suspens fait tournertoute une vie autour d’unduel inachevé.

Collection Petite bibliothèque russe

39 pages, 5 €

ISBN 978-2-906266-70-4

BALIVERNES ÉDITIONS

Marara, un amour de plumes et d’eaude Roxanne-Marie Galliez etSandrine LhommeDifficile d’aimer quelqu’unde différent, qui n’appartientpas à son univers. Dans cet

album, la fille du roi despoissons est amoureuse d’un oiseau. L’histoire dira si l’amour peut réunir deuxunivers si opposés.

Collection Calembredaines

25 pages, 12 €

ISBN 978-2-35067-017-1

CHAMP VALLON

La Santé de Louis XIV :une biohistoire du Roi-Soleilde Stanis PerezDerrière l’image du Roi-Soleil,derrière l’étiquette se trouveun homme et son corps, quile fera souffrir toute sa vie.L’auteur retrace ici l’aventurehumaine, médicale etpolitique de la santé de Louis XIV. Historien du corps et spécialiste du Grand Siècle, Stanis Pereza déjà publié aux Éditions

Jérôme Millon La Mort desrois ainsi qu’une édition duJournal de santé de Louis XIV.

Collection Époques

406 pages, 26 €

ISBN 978-2-87673-470-8

ÉDITIONS DU CROQUANT

La Vie au travailde Rodolphe Christin,photographies deChristophe HuretAutour du travail, selon toute

vraisemblance, des mutationssont en cours. En associantles images et les mots, ce livreentend mettre en perspectivela banalité que serait le travail. Et le remettre en question, parfois avec un brin de provocation.

128 pages, 30 €

ISBN 978-2-9149-6831-7

ELLUG, ÉDITIONS LITTÉRAIRES ETLINGUISTIQUES DE L’UNIVERSITÉ DEGRENOBLE

Le Flâneur et lesflâneuses : les femmeset la ville à l’époqueromantiquede Catherine Nesci,préface de PriscillaParkhurst FergusonPeut-on cerner les contoursde la flâneuse, comme on afait du flâneur une figure auxincarnations diverses dans laculture parisienne du XIXe

siècle ? Le rôle que lesfemmes jouent dans la culture romantique de la flânerie reste encore à interroger.Collection Bibliothèque

stendhalienne et romantique

430 pages, 32 €

ISBN 978-2-84310-105-2

ENS ÉDITIONS ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURELETTRES ET SCIENCES HUMAINES

De Drake à Chatwin :rhétoriques de la découvertecollectif, sous la direction de Frédéric RegardVers la fin du XVIe siècle,lorsque la reine Élisabethperçoit que la puissance de l’Angleterre devranécessairement s’appuyer sur la maîtrise des mers,les Anglais prennent le largevers de nouvelles terres,

de nouveaux peuples.On découvrira ici les modalités,linguistiques et pragmatiques,de ces premières rencontresavec l’Autre. On verraégalement comment l’identitéanglaise s’est nourrie de ces explorations.

239 pages, 21 €

ISBN 978-284788-107-3

directeur général adjoint de laRégion Rhône-Alpes,notamment encharge de la Culture, en témoigne,àpartir de son propre exemple. Némarocain, à Tanger, dans une familleoù l’on parle couramment espagnol,français, anglais, hébreu, arabe etjudéo-espagnol, langue d’origine desa famille dont les ancêtres ont dûquitter l’Espagne lors de l’expulsiondes Juifs au XVesiècle,le petit Abrahamdécouvre le français à quatre ans.Coup de foudre. C’est de ce rapportamoureux,jamais démenti,dont il estquestion, ainsi que de quelquesautres choses, racontées avec verve,enthousiasme et humour par cethomme de culture et d’éruditionqu’est Abraham Bengio.Nelly Gabriel

Abraham BengioQuand quelqu’un parle, il fait jourLa Passe du vent184 p., 13 €ISBN 978-28-45-621251

quotidienne : « Les pantoufles avachies,la tignasse du matin, les cheveux surle peigne, les coulisses de cet exploitde vivre qui nous étonne chaquematin. D’accord, pas toujours exal-tant ce reflet dans le miroir, c’est vraiqu’il y a des jours où on voudrait lebriser mais on ne le fait pas. Parceque alors on se retrouverait le nez aumur et que le mur a encore une plussale gueule que soi ». Certes, çan’incite pas à sauter de joie maisn’empêche qu’il émane du récit deGarnier, une poésie triste, un art dudétail lugubre qui nous touche enprofondeur. Nicolas Blondeau

Pascal GarnierLa Théorie du PandaZulma176 p., 16,50 €ISBN 978-2-84304-435-9

Langues d’originePour Abraham Bengio, le plurilin-guisme est l’une des formes les plushautes de la liberté, en ce qu’ilpermet de faire l’expérience de ladiversité du monde et favorise ledialogue des cultures. Dans cette« autobiographie linguistique », quesuit un entretien très libre et diversdans ses thèmes abordés, l’actuel

L’art de Pascal Garnier

Pendu auPanda !Avec La Théorie du Panda, PascalGarnier signe un de ces romansdont il a le secret. De ceux qui,l’air de rien, distillent un climatsombre et captivant.

Dès le début de La Théorie duPanda, Pascal Garnier nous plongedans une atmosphère digne d’unfilm noir adapté de Simenon.Un homme d’apparence ordinairedébarque un soir dans une petiteville de Bretagne. L’un de ces hérosdont les lecteurs de Garnier ont prisl’habitude. Discret, taciturne, maisayant l’art de susciter la curiosité, lasympathie, voire plus si affinités.Aupoint qu’il va entrer,petit à petit, aucœur de l’existence de ceux qui croi-sent sa trajectoire,que seul le hasardsemble guider. Il faut dire qu’il a unedisponibilité de tous les instants etdes dons de cuisinier qu’il nedemande qu’à faire partager. Par saprésence silencieuse et cet art inac-coutumé de concocter des repassucculents, il va se rapprocher d’unepoignée d’habitants ayant commepoint commun de vivre des tragé-dies intimes. Une réceptionniste

délaissée, un couple de junkies etun barman dont la femme est dansle coma. Comme si son prénomd’ange, Gabriel, lui imposait la mis-sion de leur venir en aide,d’adoucirleurs souffrances.

Des gueules d’atmosphère

Avec ces êtres ordinaires,Gabriel vatisser des liens d’amitié de plus enplus profonds,presque inquiétants…Tout l’art de Garnier consiste à évo-quer ces relations qui se croisent,s’emmêlent dans un récit au rythmenonchalant. Ce qui lui permet decréer, autour de ces gueules casséespar le destin,des atmosphères extrê-mement sensibles, des images quecerne une grisaille opaque.Ainsi,onnotera ces lignes qui disent la misère

livres & lectures / littérature

nouveautés des éditeurs

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personnelles (lestatut du philo-sophe, le rôle quilui est assignédans la refonda-tion et la refor-mulation de laphénoménologie,ce qu’il défendcontre les autres etcontre le monde,etc.).À ce titre, Bégoutne nous épargnepas les obscuritésd’une pensée en

quête de sens, en quête de récit,mâchouillant et triturant ses réfé-rences (Husserl, James, Blanchot,Rancière, Merleau-Ponty…), lesclassant un jour pour les déclasserle surlendemain.Reste un livre important, difficileà lire pour les non-philosophes,mais qui réserve à leur effort lesfruits d’une pensée libre et aven-tureuse. Un livre qui renouvelle laphilosophie, son approche et sacompréhension.Un livre qui per-met de se glisser, de manière à lafois théâtrale et naturelle, dansl’intimité d’une pensée ! Bref, leJournal philosophique de BruceBégout est un ouvrage auquel onne cesse de revenir durant letemps de la lecture et qui, une foisachevé, va poursuivre son chemi-nement, histoire de nous rendreun peu plus libres. Pascal Dreyer

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FAGE ÉDITIONS

L’Art, un credode Gottfried HoneggerGottfried Honegger n’ajamais cessé de penser sa vie dans l’art et l’artistedans la société. Auteur denombreux écrits sur l’art,ce sculpteur et peintre estné en 1917 à Zurich.En 1958, il part à New Yorkoù il exerce une activité deconsultant en art. Il organisesa première expositionpersonnelle à la galerieMartha Jackson et décidealors de se consacrerexclusivement à la créationartistique.

264 pages, 30 €

ISBN 978-2-84975-083-4

ÉDITIONS GUÉRIN

Allais : la légended’Émilede Gilles ChappazÉmile Allais a marquél’histoire du ski moderne.Pendant un demi-siècle,il a été à l’origine de tousles moments fondateurs du développement du ski.Retour sur une légende,toujours à ski à bientôt 96 ans.

Collection Texte et images

180 pages, 49 €

ISBN 978-2-35221-024-5

JEAN-PIERRE HUGUETÉDITEUR

Le Maintien de l’ordre :Jacques Barryde Bernard ColletCette monographie retrace

Mary Dollinger, « uneanglaise qui s’obstine à écrireen français », suit le cheminsemé d’embûches qui mèneà l’écriture, avec une bonnedose d’auto-dérision.

Collection En attendant le bus

78 pages, 5 €

ISBN 978-2-7570-0100-4

LES MOUTONSÉLECTRIQUES

La Vallée du tempsprofond et autresnouvellesde Michel JeuryLes Moutons électriqueslancent une nouvellecollection, la « Bibliothèquevoltaïque », pensée commeune anthologie desclassiques modernes deslittératures de l’imaginaire.Le premier volume de cettebibliothèque est un recueil

journal une des premières vraiesdescriptions contemporaines et ledébarrasse des oripeaux du moi enl’inscrivant résolument dans le Je.Et le contextuel, le factuel, le corps,la fatigue qu’il tient à distancereviennent par éclats, créant dansle texte des sortes de punctum bar-thésiens qui poignent le lecteur ens’adressant très directement à lui.

Dans l’intimité d’une pensée

Ce journal permet au philosophe delaisser s’écouler le trop-plein depensées qui naît de la rencontreavec des textes,de travailler des pro-positions d’articles futurs et de seconfronter à des obsessions plus

livres & lectures /essais

de nouvelles de Michel Jeury,figure marquante de lascience-fiction en France,proche en écriture dePhilippe K. Dick. Sesnouvelles n’avaient jusque-làfait l’objet que d’un recueil,depuis longtemps épuisé.Elle sont donc à nouveauaccessibles, accompagnéesde commentaires etd’illustrtations.

Collection Bibliothèque voltaïque

488 pages, 26 €

ISBN 978-2-915793-39-0

l’œuvre du peintre JacquesBarry, entre représentationshautes en couleurs de sesœuvres, réfléxions de l’auteuret entretiens avec l’artiste.

280 pages, 30 €

ISBN 978-2-35575-014-4

JACQUES ANDRÉÉDITEUR

Journal désespéré d’un écrivain ratéde Mary DollingerDur dur, l’écriture…

Le Journal philosophique de Bruce Bégout

La possibilitéde la véritéBruce Bégout a tenu de 1998à 2006 un journal dans lequelil a consigné ses penséesphilosophiques du jour dansleur surgissement et dansleur cheminement. Noviceen la matière – au moins audémarrage de son projet –,il estime dès les premièrespages que son projet diffèreradicalement de celui desdiaristes traditionnels.

PUG (PRESSES UNIVERSITAIRESDE GRENOBLE)

Langage et cognitionhumained’Anne ReboulLa cognition est une spécificitédes êtres humains par rapportaux autres espèces animales.Une question centrale de cepoint de vue est celle del’évolution de cette spécificité.On donnera à cette questiondes réponses différentes si l’onconsidère qu’elle est de naturequantitative ou de naturequalitative – certaines capacitéscognitives humaines seraientspécifiques à l’espèce. Cetouvrage propose donc unedescription des spécificitéscognitives humaines, et discutede leur lien avec le langage.

Collection Sciences cognitives392 pages, 30 €ISBN 978-2-7061-1414-4

Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Caroline Schindler

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Bruce BégoutPensées privées Journal philosophique, 1998-2006Jérôme Millon - 512 p., 36 € ISBN 978-2-84137-221-8

« Ce journal se conçoit comme l’exploration d’un continent oublié,comme le roadbook d’une expédi-tion dans une contrée inconnue »,écrit le philosophe. En fait, son pro-jet n’en diffère que par son contenu.Au bout de quelques pages, aucunlecteur ne peut douter que Bégoutsoit profondément lui-même dansl’expression, même mouvante, de sapensée philosophique.Il observe avec une attention radi-cale l’émergence de cet espace depensée nouveau pour lui qu’est lejournal intime. Il en saisit plus rapi-dement et plus efficacement qu’unautre le moteur secret, en cerne lespossibles pour les exploiter immé-diatement. Du coup, il donne du

S’en sortir…de Pascale Pichon et Tierry Torche

Une exploration autobiographique, telest le genre inhabituel de ce livre singu-lier, dont Pascale Pichon écrit qu’il est« l’aboutissement d’une rencontre rare et précieuse dans la carrière d’unsociologue. » Au départ, une enquêtesociologique sur la « sortie de la rue »des SDF, le témoignage de l’un d’entreeux et des entretiens qui se succèdentrégulièrement pendant deux ans. Aufinal, « un livre montrant le travailautobiographique à l’œuvre au coursde ces années, représentatif desépreuves traversées pour s’en sortir. »Un voyage saisissant dans les coulissesd’une enquête sociologique. L. B.

Publications de l’université de Saint-Étienne240 p., 23 € - ISBN 978-2-86272-467-6

Deleuze et les écrivains Littérature et philosophieSous la direction de Bruno Gelas etHervé Micolet

Les actes d’un colloque qui se tintnaguère à la Villa Gillet à l’initiative del’université Lyon 2. Une grosse huîtreavec quelques perles à l’intérieur,notam-ment une réflexion de Christian Prigentau titre évocateur : « On ne fait pas depoésie sans casser d’œufs ». Et un trèsprécieux et précis index des traces delittérature dans l’œuvre de Deleuze.À lire sans modération.Roger-Yves Roche

Éditions Cécile Defaut604 p., 30 € - ISBN 978-2-35018-042-7

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d’origine privée qu’héberge son établissement. D’autantque les 70 mètres linéaires de documents, recueillis dansles années 80, recèlent deux volumes d’un intérêt tout àfait particulier.« Les forges d’Allevard, rappelle-t-elle, atteignent leurpleine prospérité au milieu du XVIIIe siècle, sous l’impulsionde Jean-Baptiste de Barral.Proche de la cour par le jeu desalliances, il poursuit l’œuvre capitaliste de son père. »Noblesse de robe, fief seigneurial d’envergure,gestion deshauts-fourneaux : la réussite des Barral est un modèle dugenre, jusque vers 1770. Grand maître de forges, Jean-Baptiste perd pourtant pied, « et ce n’est pas son filsPaulin qui pouvait contrer un déclin annoncé ».

Paulin de Barral ou le Valmont de Grenoble

Ce sont les lettres de ce fameux Paulin de Barral, secondfils et légataire universel,qui donnent un surcroît d’intérêtau fonds d’archives.Fameux,car cet héritier est aussi tenupour un modèle : c’est en lui que Laclos, qui séjourna

à Grenoble de 1769 à 1775,aurait trouvé l’esquisse de sonValmont.Débauché, violent, flambeur,Paulin de Barral a dû en effetmener plus d’une liaisondangereuse, entre Allevard,Paris, Strasbourg, Beaucaire ouLausanne. De toutes ces desti-nations, il écrit beaucoup, etsurtout à son père. Que cettecorrespondance soit restéemêlée aux archives de l’entre-prise, on le comprend à salecture.Si Paulin demande del’argent, et évoque au passageses maladies vénériennes, ilparle aussi affaires et renddes comptes.Voyageur licencieux, il traite

d’exploitation forestière et de comptabilité, va visiterdes entreprises modèles, comme la maison De Dietrich.Il se glisse tant bien que mal dans le rêve de son « cherpapa » : faire d’Allevard un site industriel d’exception.Hypocondriaque, il se plaint aussi beaucoup. Parmi leslettres les plus piquantes, une sorte de feuilleton lemontre affligé d’une fâcheuse maladie et pressé derencontrer pour s’en défaire le célèbre Cagliostro, luiaussi figure sombre et éclatante d’un monde en décom-position. Danielle Maurel

* Fonds de la Société des Hauts-Fourneaux et Forges d’Allevard – 94 J

Archives départementales de l’Isèrerue Auguste Prudhomme - 38000 Grenoble - www.archives-isere.fr

Histoire de Lyon,des origines à nos jours

Colonie romaine sans grand territoire,vouée à une « malédiction topogra-phique » ou, au contraire, idéalementplacée à la jonction des routes menantvers les Alpes ou la Méditerranée,capi-tale des Gaules,pieuse cité restée bienplus longtemps que les autres sousautorité ecclésiastique, ville phare del’imprimerie, agglomération indus-trieuse et patrie de cœur des Saint-simoniens, ville bourgeoise jalouse deParis, en mal de décentralisation,pôlecontre-Révolutionnaire assiégé par laConvention,grande ville européenne… :idées reçues,vérités séculaires et juge-ments érudits sur la « molt forte citésur le Rosne bruiant » ne manquentpas, au regard de son passé bimillé-naire.Chacune de ces opinions trouveune plus juste place dans une volumi-neuse édition de l’Histoire de Lyon,entièrement remise à jour, intégrantles données les plus récemmentacquises, notamment pour les périodesque l’archéologie est presque seule ànous révéler – les nombreux chantiersqui ont affecté la presqu’île n’aurontpas été vains ! –, multipliant lesapproches pour ne pas se réduire à laseule histoire politique, ni à un simplerécit d’événements, formant unesomme scientifique incomparable.Richard Bouchon

A. Pelletier, J. Rossiaud,F. Bayard, P. CayezÉditions lyonnaises d’Art et d’Histoire956 p., 45 €ISBN 978-2-84147-190-4

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SYMÉTRIE

Apprendre la musiqueensemble : les pratiquescollectives de lamusique, base desapprentissagesde Karine Hahn, ÉricDemange et Jean-ClaudeLartigotLes cours à horairesaménagés, les ateliers de pratique musicale etl’accompagnement des groupes de musiquesactuelles se multiplient dans les écoles de musique ;des initiatives se développentà l’école, au collège.Les auteurs envisagent les transformations que cette pratique collective de la musique entraîne :évolution des objectifs,de la manière d’enseigner et d’évaluer.

Liaisons dangereuses aux Archives de l’Isére

Lettres d’un héritier modèleRecueilli au début des années 80 par les Archivesdépartementales de l’Isère, le fonds de la Sociétédes Hauts-Fourneaux et Forges d’Allevard apportedes sources précieuses à l’histoire de la sidérurgiepré-industrielle. Il renferme par ailleurs deuxvolumes de lettres, signées Paulin de Barral, dernierrejeton d’une dynastie de maîtres de forges et parailleurs « modèle » de libertin scandaleux.

Le fonds de la Société des Hauts-Fourneaux et Forgesd’Allevard* est de ces ensembles dont rêvent les chercheurs.Hélène Viallet, directrice des Archives départementalesde l’Isère, est fière de le compter parmi les 250 fonds

patrimoine

Collection Pédagogie

238 pages, 25 €

ISBN 978-2-914373-22-7

LA TAILLANDERIE

Jeanne Marie : fragmentsd’une histoire retrouvéede Micheline BrielJeanne Marie, paysanne de la Dombes, a écrit sonjournal au XVIIIe siècle.Près de deux siècles plus tard,ses héritiers le découvrent,caché au fond d’un coffre.C’est sa descendante par alliance qui fera revivrecette aïeule et toute la vielocale de l’époque.

158 pages, 11 €

ISBN 978-2-87629-369-4

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Dans ses lettres, Paulin de Barral parle dettes, gestion des forges et fâcheuses maladies…

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Engagez-vous !Il a fallu mentir. En tout cas ne pas prononcer lemot : portrait. Parce qu’un portrait c’est personnel,parce que ça ne reflète pas une aventure collectivecomme la Fête du livre de Bron et que Colette Gruasn’aime pas, mais alors pas du tout, jouer perso. Ouimais voilà, on n’a pas prononcé le mot et elle étaitau rendez-vous.

Tendue. Sérieuse. Engagée. C’est le dernier mot le plusjuste.Car lorsque Colette Gruas,directrice de la Fête dulivre de Bron, événement majeur de la vie littéraire deRhône-Alpes, répond aux questions – les moins person-nelles possibles, c’est un accord tacite –, elle le fait avecsa conviction et sa présence.Toutes deux toujours fortes.La voix parle clair, les souvenirs sont nets mais restentdiscrets : Tournon.Ardèche.Milieu modeste comme on dit.Une jeunesse dans cette petite ville et des années 60-70qui soufflent fort les convictions sociales, politiques,

humaines. « On milite dans des associations parce quec’est là seulement qu’il se passe quelque chose et parceque s’y agite une plus grande liberté que dans les partispolitiques ». Jusqu’au bac. La première de la famille à ledécrocher, en 1972. Elle précise « scientifique », sansdoute pour qu’on comprenne bien que le livre,elle n’estpas née dedans. Mais qu’elle y est arrivée par un autrebiais. Celui de l’animation.Le parcours a évidemment son importance. Il commencepar un faux-pas,à Lyon,où elle se rend compte que l’uni-versité n’est pas pour elle. Normal. Colette Gruas veutaller vite : apprendre, travailler, être indépendante.Elle choisit un IUT d’animation et carrières sociales àGrenoble. Trois ans, puis c’est Valence, la ville, lesquartiers qu’on n’appelle pas encore « sensibles » maisqui le sont déjà,où elle dirige le Comité pour nos gosses,un espace socioculturel avec une vision de l’enfancehéritée de la mouvance 68. Là encore, là déjà, ColetteGruas s’engage. Et lit des essais plus que des romans.

Bibliothèque cherche animatrice

En 1980, une année de pause en Amérique latine. Levoyage, l’ailleurs. Cela aussi, dans ces années, fait partiede la vie. Mais on est de retour en France à temps pourmai 81… Après un court passage par Bordeaux, ColetteGruas retrouve Lyon et travaille tout d’abord à la Chroniquesociale, côté formation. Puis, en 1984, elle postule àl’association Lire à Bron,qui fait partie de la Bibliothèquemunicipale. Elle n’a aucune expérience du livre, elle enfait un argument,elle est embauchée.Ce qu’elle assumeaujourd’hui encore : « Les méthodes de travail dansl’événementiel sont les mêmes, quel que soit le domaine.Il y a l’approche des publics, les techniques d’animation,l’organisation… Pour le reste,on s’adapte.» Elle avait tâtédu cinéma. Ce sera désormais le livre. 24 ans plus tard,c’est toujours le livre. Sans détour et sans complexe.L’histoire de Colette Gruas pourrait dès lors se confondreavec celle de la Fête du livre de Bron,qu’elle a créée,avecVéronique Forcet, l’actuelle directrice de la BDP du Rhônequi reste présidente de Lire à Bron,et l’adjoint à la culturede l’époque,Paul Ravel,ainsi que l’Office Rhône-Alpes dulivre avec Lydie Valero. Brigitte Giraud, responsable de laprogrammation,les rejoindra plus tard,lorsque l’événement

portrait

Le F-virusIncurable, mais pas mortel, leF-virus provoque une addictionà l’œuvre inclassable et réjouis-

sante de Raymond Federman, leplus américain des écrivains français,par ailleurs éminent connaisseur deSamuel Beckett. Une magistraleséance d’injection avait lieu le17 janvier dernier à la médiathèquedu centre-ville de Grenoble.Chacunfut atteint, et heureux de l’être,fier de tomber sous le coup d’unelangue essentielle et humaine.

Entre conférence émotionnelle,confidences errantes et lecture enmiettes, la parole de Raymond étaitlà pour faire vibrer à l’oreille du publiccelle de Sam.Si Beckett a tendu sur lavie et sur l’œuvre de Federman uneombre féconde, celui-ci lui tend enéchange l’hommage posthume de lalumière. Dans Le Livre de Sam,Federman n’explique pas Beckett, ille rend vif et présent, jusque dansl’anecdote et dans le buisson desdigressions.Il éclaire à merveille l’échoen lui d’une œuvre bâtie sur la

certitude de l’échec du langage, etla nécessité de passer outre cetteimpuissance. Cette rencontre sedéroulait dans le cadre d’une rési-dence d’écriture mise en place endeux temps par l’association Scènesobliques (www.scenes.obliques.fr),qui organise début juillet le festivalL’Arpenteur, dans le massif deBelledonne. Raymond Federmansera donc là à nouveau du 23 juinau 3 juillet prochain. D. M.

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prendra son autonomie par rapportà la bibliothèque.Une équipe stable,soudée.

Du mauvais côté de la louche

« Si j’avais su ce que je sais aujourd’huidu milieu du livre, je ne l’aurais sansdoute pas fait… » Colette Gruas ensourit encore. C’était l’époque de lacréation des salons du livre de Lyonet de Saint-Étienne. Personne nemisait un sou sur les femmes de Bronet leur curieux événement banlieu-sard, avec des écrivains exigeantsvenus rencontrer sous chapiteau unpublic curieux, divers et – oserait-onle (gros) mot ? – populaire. « Le plusdur a été de traverser le périphérique »,s’amuse la directrice, « dans cette findes années 80 qui ringardisaientl’associatif » et mettaient le caviarau menu de la gauche. Bron etColette Gruas n’étaient décidémentpas du bon côté de la louche.Dommage car cette fraîche naïveté,associée à une éthique de projet irré-prochable, a produit un événementlittéraire unique dans la région. Unévénement soutenu par de grandsécrivains dès sa création,rapidementcrédible au niveau du contenu ets’appuyant sur un précieux travail deterrain. Bref, à l’opposé des modesactuelles et des impératifs de la com-munication culturelle, qui ne seposent plus la question des publicsmais simplement celle du retour surinvestissement. Alors, à sa manièred’être loin du livre,Colette Gruas a suêtre au plus près. Et construire, avecd’autres, oui, avec d’autres, une fêtedu livre qui ressemble aussi à celle quise cache si bien derrière elle. L. B.

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marie-Hélène Boulanger

Ont participé à ce numéro :Nicolas Blondeau, RichardBouchon, Anne-Laure Cognet,Pascal Dreyer, Nelly Gabriel,Frédérick Houdaer, DanielleMaurel, Yann Nicol,Emmanuelle Pagano, RomainPlyer, Roger-Yves Roche etCaroline Schindler.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecytél. 04 50 51 64 63 fax 04 50 51 82 05

Conception : PerluetteImpression : Imprimerie Ferréol(Imprim'Vert) Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

ISSN 1626-1331

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

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