L’Italie: les débuts

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L’Italie: les débuts Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2017 http://www.emersonkent.com/images/ italy_1815_1870.jpg

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L’Italie: les débuts

Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2017

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L’histoire de l’Italie est complexe, surtout parce que les frontières de ce qu’a été

appelé «Italie» ont évolué depuis l’Antiquité. Est-ce un lieu géographique (la péninsule) déchirés par des barrières

montagneuses? Le cœur d’une construction politique (l’Empire)? Un

État-nation (le pays contemporain)? La partie septentrionale du monde

méditerranéen? La zone méridionale aux confins de l’Europe? Est-ce un espace dans l’imaginaire de l’Occident où ont émergé plusieurs traits qui définissent

«Occident»?

L’appellatif «Italie» est utilisé pour la première fois par les Romains pour

parler de la péninsule. Il est fort probable qu’avant l’ascendance de

Rome, ce nom était réservé pour la zone de la Calabre, « l’orteil » de la

« botte ». Ce qui domine l’histoire de cette zone est la fragmentation, pas

l’unité. http://www.italytravelsguide.com/images/italy.gif

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Les premiers ‘Italiens’ étaient des Néandertaliens, arrivés sur le péninsule il y a 200k à 250k ans. En fait, les Italiens contemporains montrent des niveaux élevés d’Adn néandertalien (c.3%), un peu plus que la norme européenne. Les données suggèrent une période assez longue d’hybridation entre les deux races humaines (et, entre parenthèse, il n’y a pas d’Adn mitochondriale dans les populations européennes contemporaines, suggérant que ce sont les néandertaliens mâles qui ont eu des rapports avec les femelles cro-magnon, ou que les femmes néandertaliennes ayant eu des enfants avec des hommes cro-magnon ont vécu avec leurs enfants dans des groups néandertaliens plutôt qu’avec les cro-magnon; c-a-d, rejetées par les Cro-Magnons ‘plus avancés’).

http://www.imdb.com/title/tt0046121/mediaviewer/rm2234509056

2e hypothèse:l’hybridation n’a probablement pas eu lieu en Italie mais en Asie vers 60k av. J-C., avec les hybrides Cro-Magnon – Neandertal arrivant en Italie vers 40k av. J-C.. Les derniers néandertaliens ont disparu il y a 40k ans.

Film horreur de 1953: un chercheur invente un sérum qui le transforme en son « ancêtre » néandertalien. Bien sur, son premier instinct et d’agresser les femmes « modernes ».

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L’Italie est avant tout un lieu méditerranéen. Les premières civilisations émergent en Moyen Orient il y a 6000 ans en Syrie, l’Iraq, et l’Anatolie parmi des peuples indo-européens et sémitiques, mais le noyau civilisationnel se déplacé lentement vers l’ouest, vers la partie orientale de la Mer méditerranéenne. En partie, cette civilisation égéenne (comme on l’appelle) commence à éclipser les civilisations du Moyen Orient parce que la mer facilite les échanges économiques à distance, comparée aux systèmes économiques du Croissant fertile, qui ont généralement peu de ressources (p.e., les Sumériens obtenaient du bronze de l’Anatolie, une voyage difficile de centaines de kilomètres; la quantité

de métal échangé est donc limitée par la capacité de transport des ânes). Bref, les bateaux permettent l’échange de matériaux lourds à grande distance, permettant à cette civilisation de s’enrichir en profitant de la diversité des matières brutes dans la région (métaux, vins, textiles, bijoux et même grains). L’Italie ne fait pas partie de cette Âge de Bronze, mais la situation change avec la fin dramatique cette époque entre 1250 et 1175 av. J-C., signalé par les invasions des Peuples de la mer venus de la partie orientale du Méditerranée.

https://www.google.ca/search?q=aegean+civilisation&biw=1366&bih=599&tbm=isch&source=lnms&sa=X&ved=0ahUKEwjNg7-MwezQAhVB_GMKHQUXD1YQ_AUIBygC&dpr=1#tbm=isch&q=sumerian+trade+routes&imgrc=-FoXFkh-c6bVlM%3A

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https://www.google.ca/search?q=aegean+civilisation+trade+routes&biw=1366&bih=599&tbm=isch&source=lnms&sa=X&ved=0ahUKEwjlw9v0w-zQAhUKx2MKHTFhDewQ_AUIBigB&dpr=1#imgrc=VCZHKsCd1g4EnM%3A

Les échanges commerciaux de la civilisation égéenne: ce ne sont pas distances franchies qui sont importantes, mais la quantité et la diversité de marchandises échangés, qui alimente le développement socio-économique. C’est la thèse de Ian Morris, Why the West rules--for now : the patterns of history, and what they reveal about the future, Farrar, Straus and Giroux, 2010.

À droite, les échanges de la civilisation minoenne, c. 1575 av. J-C.

https://www.google.ca/search?q=aegean+civilisation+trade+routes&biw=1366&bih=599&tbm=isch&sourc

e=lnms&sa=X&ved=0ahUKEwjlw9v0w-zQAhUKx2MKHTFhDewQ_AUIBigB&dpr=1#tbm=isch&q=ancient+medit

erranean+trade+routes&imgdii=iKqGbCkNg8alDM%3A%3BiKqGbCkNg8alDM%3A%3BM4eFw61JCEUSSM

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La civilisation a ses origines à l’est de la Méditerranée, en Anatolie et Mésopotamie, mais Broodbank note (The Making of the Middle Sea, 2013) qu’avant la fin de l’ère de cuivre et l’échec des anciens systèmes économiques basée sur les temples, vers 1200 av-J.C., les fouilles archéologiques ont montré qu’il y avait de quantités significatives de marchandise venant de l’ouest. Nous savons p.e. que certains groupes avaient de la métallurgie avancée parce qu’il y avait des dépôts de métaux importants (p.e., en Italie). Ceci suggère qu’une économie parallèle, privée et pas contrôlée par les élites fleurissait, qu’il existaient plusieurs peuples et classes indépendants qui peut-être tentaient de s’échapper au contrôle rigide des temples.Carte montrant les dépôts importants, âge de bronze, selon Kassianidou et Knapp, « Archaeometallurgy in the Mediterranean: The social context of mining, technology and trade » p.219; DOI: 10.1002/9780470773536.ch9; 21-05-2017; en-bas, une sculpture bronze celte, c.1600 av-J.C.

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L’invasion des Peuples de la mer n’est pas la seule cause du déclin de la civilisation méditerranéenne, selon Eric Cline (voir https://www.youtube.com/watch?v=hyry8mgXiTk, 11-12-2016: “1177 BC: The Year Civilization Collapsed”). Il y avait des famines et des tremblements de terre, commençant en 1250 av. J-C. Mais l’Égypte est le seul pays important qui a survécu ces traumatismes pour laisser des commentaires qui deviennent l’unique source historique sur ces événements; dans leur cas, ils parlent d’une invasion maritime d’un peuple inconnu, et donc cela devient le point de référence iconique pour tous les historiens contemporains Ici, une illustration du temple de Medinet Habu (au sud du pays) à l’époque de Ramsès III, qui montre comment les Égyptiens ont repoussé les envahisseurs lors d’une bataille au Delta du Nil.

https://www.google.ca/search?q=invasion+of+the+sea+peoples&biw=1366&bih=599&source=lnms&tbm=isch&sa=X&sqi=2&ved=0ahUKEwjjsZ7Rx-zQAhVHKyYKHfywB1MQ_AUIBygC#imgrc=5Dcc23MlttE8GM%3A

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On s’interroge depuis 200 ans sur l’identité de ces « Peuples de la mer » (depuis que J-F. Champoillon ait déchiffré les premiers hiéroglyphes après l’expédition de Napoléon en Égypte, 1798). Le problème est que la seule source est égyptienne, où il a certainement eu une invasion du Delta du Nil. L’expérience égyptienne devient donc un modèle pour l’ensemble de la région. Il est possible que ces déplacements ne sont pas des invasions venues de la partie orientale du Méditerranéen, mais de populations locales soumises qui se sont révoltés. Il ne faut pas penser en termes des esclaves hollywoodiens, mais des peuples entiers, soit des immigrants, des refugiés, ou une population captive qui a établi une culture autonome: on pense aux narrations bibliques qui décrivent la captivité des Israelites en Égypte et l’Exode, bien que ceci est totalement fictif (mais tellement bien établi comme motif que les Israélites du 8e siècle av. J-C. n’ont pas hésité d’utiliser les évènements vieux de 500 ans pour établir leur identité nationale). Les économies de l’époque étaient organisées par des temples car il n’avait pas d’argent qui pouvait servir de moyen pour transformer le capital immobile en bien fluide. Il y avait donc de vastes populations esclaves ou autrement soumises qui auraient pu se soulever pour exploiter des régimes affaiblis par la famine ou par des désastres naturels.

Les Israelites en fuite de l’Égypte traversant la Mer Rouge: un mythe israélite et puis adoptée par Hollywood. La bible mentionne qu’ils étaient 600k hommes, plus enfants, femmes, et chèvres (Exode 12:37-42): 2m de personnes plus animaux. La population d’Égypte était de 3m au plus, et donc les Israelites auraient constitué plus de la moitié de la population du pays. Mais les sources Égyptiennes ne font aucun mention de cet événement.

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1. Teichos Dymaion

9. Lefkandi 17. Fraktin 25. Lidar Hoyuk

33. Qatna 41. Megiddo

2. Pylos 10. Iolkos 18. Karaoglan 26. Paleokastro 34 Hamath 42. Deir’Alla

3. Nichoria 11. Kydonia 19. Hattusas 27. Kition 35. Alalakh 43. Bethel

4. The Menelaion

12. Knossos 20. Alaca Hoyuk 28. Sinda 36 Aleppo 44. Beth Shemesh

5. Tiryns 13. Troy 21. Masat 29. Enkomi 37. Carcemish 45. Lachish

6. Midea 14. Miletus 22. Alishar Hoyuk

30. Ugarit 38. Emar 46. Ashdod

7. Mycenae 15. Mersin 23. Norsentepe 31. Tell Sukas 39. Hazor 47. Ashkelon

8. Thebes 16. Tarsus 24. Tille Hoyuk 32. Kadesh 40. Akko  

Source: Robert Drews, The End of the Bronze Age: Changes in Warfare and the Catastrophe of ca. 1200 B.C. Princeton University Press, 1994. p.9.

Selon Drews, la catastrophe qui a mis fin à l’Âge de Bronze était quasi universelle dans la partie orientale du Méditerranée, ce qui suggère qu’il ne s’agissait pas d’une invasion venue de l’ouest (aucune trace archéologique laisse croire que ces Peuples de la Mer étaient si avancés pour conquérir les civilisations puissantes de l’Orient) mais d’un ensemble de soulèvements de populations soumises qui se rebellaient contre les économies du temple, suivis dans certains cas par des migrations.

Villes détruites par la catastrophe de 1200 av. J-C.

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L’arrivée des peuples indo-européens probablement vers 2000 a.-J.C. a transformé la péninsule, car leurs pratiques agricoles ont largement détruit les traces des peuples antérieurs. Il y a deux problèmes: 1) l’agriculture est arrivée en Italie avant 2000 a.-J.C.; 2) les données génétiques ne sont pas cohérentes avec l’évidence archéologique. Elles suggèrent que certains ancêtres des peuples historiques sont arrivés dans cette région il y a 8000 ans. Cette possibilité est en partie attestée par les pétroglyphes de Valcamonica, une vallée longue de 100 km au nord-est de Milan. Les premières images datent de 8000 ans, suggérant

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/92/Capodiponte0001.jpg/220px-Capodiponte0001.jpg

Cerbiatto (Le Cerf), Valcamonica

http://spazioinwind.libero.it/popoli_antichi/Etruschi/Barbar38.jpg

Par contre, à droite, détail d’une tombe étrusque près de

Barbarano Romano 75 km au nord de Rome

qu’elles précèdent l’arrivée des Indo-européens en Italie (mais pas en Europe centrale). Les hypothèses de Colin Renfrew* suggèrent que la technologie agricole est arrivée plus ou moins à cette époque, avant l’arrivée des peuples indo-européens.

http://sobreitalia.com/wp-content/uploads/2008/09/valcamonica-arte-rupestre.jpg

À gauche, l’art rupestre de Valcamonica; voir http://www.rupestre.net/alps/valcamonica.html.

* C. Renfrew, Archaeology and Language, Londres ,1987.

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https://www.italieonline.eu/user/blogimg/winter/ValCamonica-mapa.gif

http://digilander.libero.it/marcolazzarini/IL%20PIZZO%20BADILE.jpg

Il Pizzo Badile; Valcamonica aujourd’hui

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http://italianfamilysearch.com/images/misc/Italian%20languages%20map.png

À gauche, les régions linguistiques d’Italie vers 700 a.-J.C., quand Rome était encore un village. L’ombrien et l’oscan (et leurs dialectes italiques, dont le latin) sont d’origine indo-européenne. L’étrusque a des origines obscures, mais définitivement non indo-européennes (d’Anatolie ou d’Asie Mineure). D’autres encore sont apparentés au celtique (le ligure), au grec, et même à l’illyrien protoalbanais (p.e., le messapien et possiblement le vénète, qui aujourd’hui est considérée une langue italique). http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0b/Latium_-5th_Century_map-fr.svg/250px-Latium_-5th_Century_map-fr.svg.png

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L’étymologie d’«Italia» 1) Selon une source, Italus serait un roi légendaire du peuple Énotre censé avoir vécu 16 générations avant la Guerre de

Troie (1180 a.-J.C.), donc c.1500 a.-J.C. Ceci est parfois raconté aujourd’hui par les Calabrais, mais à signaler que «énotre» est lié à la racine du mot grec (oinos) pour vin, et les Grecs sont arrivés au sud d’Italie en 800 a.-J.C. 7 siècles après Italus. Quelques verres du vin local aident considérablement à avaler cette légende.

2) En 1844, un savant italien propose que le nom se réfère aux Taliani, peuple de l’antique ville de Tali en Numidie (royaume berbère en Algérie et en Tunisie actuelles, plus tard une province romaine). Les Italiens seraient des Berbères?

3) Utilisée par les Grecs de Magna Grecia pour se référer à la partie volcanique du sud (surtout Elba), qui, selon cette théorie, serait Aithalia, de aith-, préfixe utilisé pour «feu de»… . Malheureusement, aith- selon les dictionnaires, est plus proche aux racines des mots pour «demander» ou «demande».

4) Parce que les premiers exemples du nom sont attestés dans le nord et non dans le sud, certains ont proposé qu’Italie soit un mot étrusque. Pourquoi les Romains du 3e siècle a.-J.C. auraient-ils adopté un nom d’un peuple disparu et, de leur point de vue, «étranger»?

5) D’autres proposent que le mot dérive le la langue des Osques, peuple italique et éleveurs de bétail, donc le mot viteliù («veaux», apparenté au latin vitellus, italien vitello) est adopté par les colons grecs. Plus tard, le mot «grecifié» est réadopté par les Latins, qui veulent souligner l’importance de l’élevage dans le sud du pays. Le taureau est en fait le symbole régional le plus répandu au sud (opposé au loup des Latins centrés dans la zone centrale du pays), mais pourquoi les vaches du Sud donnent-elles leur nom à toute la péninsule? Pourquoi perd-il le «V  initial?

6) Selon Giovanni Semerano, philologue italien renommé, le mot dériverait d’Atalu, mot phénicien et donc sémitique qui signifie «coucher du soleil» (du point de vue d’Asie Mineure; de la même façon que l’Est pour les Romains est le «Levant»). Semerano croyait que le Latin était apparenté aux langues de la Mésopotamie (p.e., l’Akkadien), hypothèse rejetée par la majorité des savants.

7) D’autres le lie à italon, censée être le mot étrusque pour «taureau», sauf que le mot étrusque pour taureau est theuru, qui me semble probablement emprunté du grec, tauros.

Pourquoi les Romains auraient-ils pris le nom d’une petite zone (le sud) d’une région insignifiante (pour eux, la Calabre) pour nommer tout la péninsule? Parce que la Calabre méridionale, Italia pour les Grecs, est une péninsule, comme l’est l’Italie. Donc, le pays est né d’une synecdoque et d’une analogie: petite péninsule pour grande péninsule; voir Alberto Manco, Italia. Disegno storico-linguistico, Naples, 2009.

http://www.luventicus.org/articles/francais/04JeD011/calabre.gif

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Dans le nord, les Gaulois arrivent au 4e siècle a.-J.C. et trouvent la culture de Golasecca (le nom de la localité où furent trouvés les premiers restes de cette civilisation, car on ne connait pas comment ils s’appelaient). C’est une culture de l’époque de bronze et de fer, qui avait dominé leurs voisins les Camuns, peuple d’origine inconnue et responsable pour l’art rupestre de Valcamonica. La culture de Golasecca est un peuple celte qui utilise une alphabète dérivée de l’Étrusque, à différence des Gaulois, qui seront alphabétisés par les Romains. Les Gaulois dominent ces deux cultures, qui disparaissent ou sont absorbées. Cette région devient, pour les Romains, la Gaule cisalpine (la Gaule-face-aux-Alpes, à différence de la Gaule transalpine, au-delà des montagnes). Au nord, les populations montagnardes (les Reti, pour les Romains), selon certains Romains, sont composées de groupes étrusques des plaines de la Padanie qui se sont réfugiés dans les Alpes après l’invasion des Gaules. Plus probable qu’ils sont de tribus d’origine inconnue, comme les Camuns, ou des petites tribus celtes sans alliés face aux Lombards puissants. Récemment, il a été proposé que leur langue est en fait apparentée avec l’Étrusque.Les tribus du nord, comme les Gaulois septentrionaux, ne sont pas unies quand arrivent les Romains au 3e siècle a.-J.C., et donc ces derniers trouveront facilement des alliés et n’auront pas d’obstacles pour compléter leur conquête de la péninsule.

http://mv.vatican.va/1_CommonFiles/media/photographs/MGE/002_MGE_15310_BS_go.jpg

Les peuples italiques du centre et du centre-nord possèdent une culture appelée Villanova (900 – 700 a.-J.C.), dont les traits restent mal définis (mais elle n’est pas apparentée à la culture dominante de l’Europe de

l’époque, La tène). Cette culture de l’âge du fer ne résiste pas à la croissance du pouvoir économique des Étrusques après 700 a.-J.C . Au nord de l’Étrurie, les Gaulois immigrants doivent affronter ce pouvoir.

Cependant, les Étrusques semblent plus motivés par l’échange que par la guerre. Les rapports entre ces trois groupes sont complexes, mais les échanges mènent à des rapports positifs qui semblent alimenter le

développement du centre italique, possiblement parce que les deux cultures se sont fusionnées. Le pouvoir étrusque est dû à l’abondance de métaux dans la région et à son système politique; à différence des tribus

incapables de s’unir, les Étrusques forment une confédération d’entre-aide.

Vase villanovien

Le nord gallo-celte

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Les Étrusques (parfois Tusci par les Romains, dont le nom de la Toscane, région des Tusci; ils utilisaient Rasna) vivaient au nord et au nord-ouest de Rome, dans une confédération de 12 villes importantes. Plusieurs éléments de leur culture restent incompris, car leur langue n’a pas été déchiffrée (quelques mots survivent, comme «personne», «cire», «élément», car ceux-ci ont été adoptés par les Romains). Ils sont possiblement d’origine anatolienne, mais l’étrusque ne semble pas apparentée aux langues indo-européennes de la région. Ils avaient de contactes commerciaux avec les Grecs, et donc pour les Romains furent une source importante d’idées et de motifs religieux et artistiques grecques. Connus pour leur métallurgie, leur civilisation a fleuri du 8e au 2e siècle a.-J.C., mais leur influence avait beaucoup diminué avec l’ascendance de la culture gréco-romaine vers le 6e siècle a.-J.C.. Il est possible que l’idée romaine d’une aristocratie héréditaire (les patriciens) soit une idée étrusque, car les premiers tombeaux italiques ne semblent pas distinguer les riches et les pauvres. Leur religion est devenue la base de la divination parmi les Romains, qui ont aussi adopté leur alphabète. Un des derniers capables de lire l’étrusque fut l’Empereur Claudius (d.54 A.D.).

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Une statue étrusque en bronze; à droite, l’exemple le plus fameux de l’art étrusque, la statue de la Louve romaine adoptée par les Romains comme symbole de leur civilisation (les jumeaux Romulus et Remus ont été ajoutés à la Renaissance). L’origine étrusque a été récemment disputée après des analyses de l’âge du métal.

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Le centre: l’héritage étrusque

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La république, selon l’histoire légendaire de Rome, fut fondée en 509 après une révolte populaire contre la tyrannie du dernier Lucius Tarquinius (Superbus, dans ce contexte, signifie «amour-propre»); à la tête de l’insurrection fut Lucius Junius Brutus, donc fondateur de la République et ancêtre de l’assassin de Gaius Julius Caesar, Marcus Junius Brutus. Cet acte de violence contre le «tyran» Caesar met fin en 44 a.-J.C. à la République et ouvre la porte à l’Empire créé par Octave/Auguste.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/76/Tizian_094.jpg/

457px-Tizian_094.jpg

À droite, le viol de Lucrèce (Tarquin et Lucrèce, Titien, 1488/90, Musée Fielding à Cambridge) par Sextus, fils du roi Lucius Tarquinius. Selon les légendes (notées en Tite-Live, Histoire de Rome… ), cette femme aristocrate a préféré se suicider plutôt que vivre avec la honte (le viol était une offense à l’honneur du paterfamilias du clan de la femme violée). Sa famille s’est vengée en déclenchant la rébellion contre le dernier roi de Rome. Donc, Rome fut fondée par un acte de fratricide quand Romulus tue Remus; la République nait du suicide; et l’empire émerge après un parricide symbolique (César considérait Brutus comme son fils). Trois morts violents qui ont changé l’histoire, et un parcours ouvert et fermé par un Brutus, un «idiot» (telle est la signification du nom en Latin; c’est aussi possible que la famille trace ses origines à Bruttium, la Calabre).

Les premiers rois de Rome n’étaient pas romains:Romulus 753-716 (origine inconnue, un fait souligné par l’adoption de la part du berger Faustulus et sa femme «surnommée La Louve»)Numa Pompilius 715-674 (Sabin)Tullus Hostilius 673-642 (Romain)Ancus Marcius 641-617 (Romain, de mère sabine)Lucius Tarquinius Priscus 616-579 (Étrusque, de père grec)Servius Tullius 578-535 (Étrusque)Lucius Tarquinius Superbus 534-509 (Étrusque)

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Typiquement, les Romains avaient trois noms: 1)le prénom (praenomen, «avant-nom»), généralement utilisé uniquement par les amis et la famille, ces noms sont tellement répandus qu’ils sont souvent ignorés en occasions formelles (Gaius Julius Caesar devient «G. Julius Caesar» en public et «Gaius» pour ses amis); 2)le nom du clan (nomen, ou nomen gentile); 3)le surnom (cognomen, le nom de la branche du clan, donc le nom de famille). Les nomen ont souvent perdu leur signification originale, mais les cognomen étaient souvent issus d’un trait particulier du fondateur du lignage: chauve (Calvus), barbe-cuivrée (Ahenobarbus), sale (Crassus), brute/idiot (Brutus), bien que certains cognomen dérivent des exploits héroïques de la personne ou de leur lieu d’origine.

Donc, «Jules César», en réalité Gaius Julius Caesar : Gaius (ou Caius, du Grec Gaios, «seigneur», qui devient «chef», «guide» et donc

«Guy» pour les Franco-allemands); du clan des Iulii, la gens Iulia, les descendants d’Iule (a.k.a. Ascanius), fils légendaire d’Énée (fils de

l’héros Anchises et de la déesse Vénus) et de la fille de Priam roi de Troie; et de famille Caesarius («chevelure», une référence ironique à

la calvitie de César et, probablement, de son père; c’était évidemment

http://www.unf.edu/classes/freshmancore/core1images/caesar1.jpg

À droite, le seul buste de César exécuté durantsa vie; un peu moins féroce et un peu plus chauve que la version d’Astérix, à gauche.

Les noms et l’héritage clanique

un trait de famille). Donc, dans le système romain, il était Jules Lecoiffé »;

chez nous, simplement « Guy Lecoiffé ».

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Notez que Lucrèce, le nom de l’héroïne de légende dont le suicide a motivé les Romains de mettre fin à la monarchie, n’est pas un nom personnel dans notre sens du mot. Elle appartient au gens Lucretia (un patriclan ou même une tribu, dont les membres partagent un nom, qui est féminin parce que gens est féminin, comme l’Hôtel Reine Elizabeth devient Le Reine Elizabeth). Lucrèce, comme les Julie (Iulia), les Claudia, les Antonia, les Cécile (Caecilia), les Valérie (Valeria), les Émelie (Aemilia) et d’autres que nous considérons aujourd’hui des prénoms féminins sont en fait des noms claniques. Pour les Romains patrilinéaires et patriarcaux, les femmes n’avaient pas de noms en tant que tels. Elles portaient le nom du gens, comme si de nos jours la fille de Pierre Lebrun s’appelait «Lebrune Lebrun». Dans le système romain, sa sœur cadette serait «Lebrune Lebrun Lapetite» (minor), et l’ainée serait «Lebrune Lebrun Lagrande» (maior).

http://100falcons.files.wordpress.com/2008/10/roman-women_faces.jpg?w=400&h=273

Statues de femmes romaines, Musée du Vatican

http://www.bbc.co.uk/history/ancient/romans/images/roman_women_wife.jpg

À droite, un couple romain; on distingue des instruments pour

écrire (stilus et tablette) tenus par la femme. L’inégalité

formelle ne signifiait pas que les femmes

n’avaient aucun pouvoir.

Les noms romains des femmes

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La classiciste renommée Mary Beard présente un problème intéressant qui est pertinent dans ce contexte (https://www.youtube.com/watch?v=2-JelaK-bAA, 53e minute; 20-11-2015): quelle Agrippina a servi comme modèle pour la sculpture de Letizia la mère de Napoléon, exécutée par Canova c.1806? Agrippina est la version féminine de Agrippa, prénom romain et cognomen du clan Vipsanius; Vipsania est donc un prénom féminin pour désigner une fille du clan Vipsanius. a) Vipsania Agrippina, ou Agrippina Maior (ainée): petite-fille d’Auguste, épouse de Germanicus, gendre de Néron, mère de Caligula, connue comme une mère parfaite qui s’est sacrifiée pour ses enfants.b) Julia Agrippina, ou Agrippina Minor (cadette) ou Julia Augusta Agrippina: sœur de Caligula, épouse de Claudius, et mère (et possiblement l’amante) de Néron: incestueuse, meurtrière (on croit qu’elle a empoisonné son mari Claudius).c) Vipsania Agrippina, ou simplement Vipsania pour la distinguer de sa demi-sœur Agrippina Maior: première épouse de Tiberius.

À gauche, Letizia Bonaparte par Canova; au centre, Julia Agippina; à droite, Vipsania Agrippina Maior; Canova a copié la pose antique et a crée une petite controverse: Letizia était-elle une copie d’Agrippina la Bonne ou d’Agrippina la Méchante? Une critique subtile de son fils Napoléon? Le rôle d’Agrippina III dans ce mystère est encore plus complexe: il faut écouter l’analyse vivace de la Professeure Beard.

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Les noms, cependant, ne sont pas toujours un guide à la généalogie d’un Romain, surtout de classe supérieure. Pour assurer la succession d’un lignage, les nobles parfois adoptaient de personnes souvent déjà apparentées, mais d’un lignage lointain à l’intérieur du clan. Les empereurs surtout étaient aptes à adopter leur successeur. La personne adoptée changeait de nom, mais parfois ils conservaient leurs anciens noms. Vers l’an 150 A.D. le système classique est assez brouillé. Les femmes pouvaient aussi changer de nom au mariage. Pour compliquer le portrait, les Romains pratiquaient le divorce assez fréquemment, et donc les enfants parfois ne portaient pas les noms de leurs parents.

http://balkanpazar.org/Rome%20and%20Romania,%20Roman%20Emperors,%20Byzantine%20Emperors,%20etc_dosyalar/rome-01.gif

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Dans le sud, les peuples latins, oscans (des langues apparentées au Latin) et messapes (une langue illyrienne) ont été colonisés par les Grecs dès 800 a.-J.C. (voir J.P. Mallory, In Search of the Indo-Europeans, Londres, 1989). Ces colonies étaient de points d’échange et de commerce, et les immigrants grecs ont amené certains éléments de leur culture, surtout l’architecture et la religion (ils

http://www.utexas.edu/courses/greeksahoy!/magna_grecia_metropoleis.jpg

Les colonies de Magna Grecia vers 550 a.-J.C.

ont érigé plusieurs temples). Cette colonisation a probablement été motivée par l’émergence d’une classe mercantile qui s’opposait à l’aristocratie traditionnelle, et par l’indépendance des villes grecques, qui a certainement alimenté la compétition économique et les a poussé à fonder de colonies à l’étranger pour qu’elles contribuent à la richesse de la ville mère. La majorité a été absorbée par les Romains après 275 a.-J.C., avec la défaite du roi Pyrrhus, qui avait envahi la région pour appuyer la colonie grecque de Tarentum dans sa dispute avec Rome. Ces colonies étaient politiquement indépendantes, et donc incapables de résister aux Romains. La conquête de cette région et l’invasion de Pyrrhus a poussé les Romains à poursuivre leur politique agressive. La métropole grecque fut absorbée après 146 a.-J.C. avec la défaite de la ville de Corinthe, mais la longue période de contacte et la richesse économique et culturelle des colonies ont impressionné les Romains, qui, à la fin, se sont partiellement hellénisés.

Le sud: les Messapes et les Grecs

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Trois héritages du passé, et trois régimes culturels dans la péninsule au seuil du nouveau millénaire: les Gallo-Celtes au nord, les peuples italiques du centre qui partagent la culture villanova (dont la branche latine); et au sud les Grecs, les tribus oscanes (langue apparentée avec le Latin) et les Messapiens (des tribus qui parlaient une langue apparentée avec l’Illyrien, ancestrale à l’Albanais).Aujourd’hui, ces trois zones correspondent à trois régimes fonciers « traditionnels », mais ils n’ont aucun rapport direct avec l’héritage du passé. Les folkloristes contemporains qui prétendent autrement sont de victimes de l’idéologie officielle qui insiste sur ces différences et qui ignore qu’elles ont émergé au 19e siècle avec l’unification de l’Italie.

Le sud: les personnes vivent dans des villages, souvent situés au sommet des

collines. Le terroir du village se situait à une certaine distance du village. Ces

agglomérations sont également lieux de commerce et d’artisanat pour les

paysans, mais ces produits ne sont pas échangés en dehors de la région.

L’architecture est influencée par les occupations normandes et espagnoles du

sud. Il y a parfois de murs, mais la sécurité est généralement garantie par la

location sur des sommets relativement inaccessibles, ce qui contribue à

décourager l’échange de marchandises. Les produits agricoles, par contre, partent

directement au marché, ce qui facilite l’échange agricole. http://www.independent.co.uk/mul

timedia/archive/00354/4954319_354164a.jpgSanto Stefano, Abruzzes

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Le centre: comme au sud, les villages sont situés sur des collines, mais ils ont l’apparence de petites villes, car leur économie est influencée par les grandes villes

du centre du pays, surtout Rome. Les villages sont donc des projections des grandes métropoles dont ils dépendent. Il y a davantage d’activités artisanales et

commerciales centrées sur une économie régionale. On peut voir l’influence du régime médiévale classique

dans l’esthétique locale.

http://us.123rf.com/400wm/400/400/faberfoto/faberfoto0806/faberfoto080600034/3210616-tuscany-medieval-village--monteriggioni--italy.jpg

Le nord: souvent, les villages sont de centres commerciaux, car les fermiers et les paysans ont tendance à vivre dans de maisonnées situées sur leurs terres. Les villages sont donc situés plus en fonction d’un système de production et d’échange et non de défense de la population paysanne, comme au sud et au centre. Des trois régimes, c’est le nord qui miroite les structures organisationnelles qui ont donné naissance au capitalisme. Les villages n’ont pas de murs; l’ouverture favorise symboliquement l’échange.

http://us.123rf.com/400wm/400/400/evgeshag/evgeshag1107/evgeshag110700020/9866898-typical-village-in-the-northern-italy-mountains-next-to-the-city-trento.jpg

Monteriggioni, Tuscane

Un village près de la ville de Trento