Lire Dlire. Psychanalyse de La Lecture
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Lire Délire. Psychanalyse de la lecture
CHAPTER · JANUARY 2010
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Anne-Marie Picard
American University of Paris
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8/19/2019 Lire Dlire. Psychanalyse de La Lecture
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LIRE DELIRE
Psychanalyse de la lecture
ANNE-MARIE PICARD
C’est bien une anthropologie psychanalytique de la lecture qu’ouvrait, en 1930#, James Strachey,
lecteur et traducteur de Freud, lorsqu’il se demandait quelle pouvait être l’importance des fonctions de
l’écriture et de la lecture dans l’économie psychique. C’est ce territoire de questionnement que nous
reformulons dans cet ouvrage par la proposition suivante : le sujet (de la science et de la psychanalyse)
est le produit d’une culture alphabétique, un sujet à la lettre. Si « l’illettrisme », les pathologies de la
lecture, sont abordées comme un symptôme, un trouble de la sublimation, les enfants non lecteurs
(15% d’irréductibles qui font vraiment couler beaucoup d’encre !) parviennent à rebours à nous
éclairer par leur refus inconscient, quant à la nature métapsychologique du plaisir de la lecture et de
l’écriture.
Dans notre civilisation alphabétique, l’abstraction des lettres, autrefois poinçons ou traces puis dessins
d’objets ou de gestes, a fini par abolir le scripteur dont le corps, autrefois, s’appuyait sur le bois ou la
pierre, stylisait (par) la marque du stylet. La lettre a rendu le sujet de l’écriture insaisissable. Seul reste
en effet son « produit » : malaxé, assimilé, métamorphosé, le mot est « imaginarisé » par le lecteur qui,
tel Thomas l’obscur de Blanchot, est toujours borderline, la lecture toujours un dé-lire. Le mot rejoue
toujours quelque chose de son ancien statut de trace humaine, désignant notre résistance à
« l’arbitraire » que le signe de l’autre est devenu. A la fois symbole pur mais aussi partie d’un
abécédaire subjectif et fantasmatique, la lettre reste mue par une pensée animiste qui résiste à la loi du
symbolique. Des enfants non lecteurs, incapables de refouler la choséité du mot, disent cet effroi :
« Tous les mots parlent d’une histoire » murmure l’un d’entre eux avec angoisse.
« Ce qui est ressenti comme le plus perturbant, disait Freud, c’est ce qui à l’origine formait unensemble et qui a été mis en pièces par le progrès du développement ». Lisant Les Mots de Jean-Paul
Sartre, nous essaierons dans notre premier chapitre de saisir les enjeux psychiques de la lecture, de
comprendre pourquoi, comme le faisait déjà remarquer Strachey, on doit en effet « encourager sinon
obliger » un enfant à apprendre à lire. Si l’apprentissage se fait souvent « dans les larmes », c’est que
le garçon a gros à perdre de sa jouissance incestueuse...
L’advenue de Blanchot à la question de la littérature dans Thomas l’obscur , donne à la scène de
lecture la dimension d’un délire. Le psychanalyste, l’enfant non-lecteur et l’écrivain rendent ainsi
prégnante la deuxième question de ce livre, située entre psychanalyse et littérature : comment
scénographier l’emprise du « sujet à la lettre », ses résistances et ses délires comme le lieu même où se
produit la littérature, à la fois sur son versant réceptif (effet du texte de l’Autre) et son versant
productif de traces (l’écriture) ? Dans cet ouvrage, nous abordons ainsi la métapsychologie de lalittérature avec ce que les facteurs inconscients de la lecture et les « pathologies » nous auront permis
de construire comme savoir. La deuxième partie, Ecrire délire, est une lecture de textes littéraires : S.
de Beauvoir, Sartre mais surtout H. Cixous, Marie Redonnet et Anne Hébert. Mis au travail à la suite
de ce qui a, dans la première partie, été éclairé quant aux enjeux psychiques de l’acte de lire. Il s’agit
ainsi de retisser plus profondément les liens et les affections de la psychanalyse et de la littérature.
« Lire-dé-lire » raconte alors comment les non-lecteurs et les poètes participent, à leur insu ou dans le
semblant de l’écriture, à un certain refus de la désintrication du corps et des mots qui équivaut en effet
à commettre un meurtre, celui du petit croyant qu’était le sujet avant la lettre, à faire en quelque sorte
mourir Dieu en son paradis, cette langue maternelle qui est le pays natal de l’être.
# “Some unconscious Factors in Reading,” The International Journal of Psychoanalysis, Vol. IX (1930): 322-331.
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T ABLE DES MATIERES
INTRODUCTION : Les Facteurs inconscients dans la lectureScène 1 (Strachey)
Scène 2 ( Blanchot )
VIGNETTE : LE REVE DE VALENTIN : Perdre la mère, pour prendre à la mère
ADVENIR A LA LECTURE
o Le Sujet avant la lettre : un petit croyant
Le Livre entre totem et tabou
L'enfant merveilleux
Scène 3 (Sartre) Le bain de mère : heimlich sweet heimlich
o Le Sujet à la lettre : castration symbolique et initiation à la langue
Une mère étrangère : Qui parle ?
De la langue maternelle à la langue du livre : Ça parle !
A qui ? La place psychique du lecteur à venir
LETTRE OU NE PAS ETRE : LE CAUCHEMAR DES NON-LECTEURS o Théories erronées et croyances: comment ne pas accéder au savoir
o Maintenir le statu quo, composer avec l’Impossible
o KESKESEXA? Conserver l’illisible
LA CHOSE DU LIVRE & LE CORPS LISANT o Lire est un acting out
Scène 4 ( E. Barillé )
o « A haute et intelligible voix » : le Lesen freudien
o « Les mots … m’ont livré leur sens sans que je les nomme »
o L’Autre voix : La Chose du livre
o Eros lecteur
Scène 5 ( E. Faguet )
Tableau : la jouis-sens de la lecture
o La Lecture féminise
o
Etre ce que lis ou la « pénombre de l’efficacité symbolique »
ECRIRE, DE- LIRE : LE REVE DES POETES
o Dé-lire 1 : Le Livre, Pays natal de l’être L’enfant lecteur proustien, destinataire de l’œuvre à venir
Scène 6 (Proust )
Le moi, un effet de lecture ?
Scène 7 (S. de Beauvoir )
La lettre, ce morceau de corps
o Dé-lire 2 : Effacer le nom du père
Scène 8 & 9 ( Marie Redonnet )
SPLENDID SPLENDID SPLENDID SPLENDID
X : la première lettre d’un nouvel alphabet Ecrire, un travail du corps contre la précarité de la lettre
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o Dé-lire 3 : Ecrire pour dé-lire la nécessité de la séparation La voix du père dans les mots
Scène 10 ( H. Cixous)
Sur le corps du père, la lettre primordiale
OR : lettres ou ne pas être
Les lettres du père ou l’interdit de lecture
Ecrire, un « inceste magique »
Scène 11 ( H. Cixous)
o Dé-lire 4 : L’Aventure littéraire, un matricide impossible L’ad-venture ou le Temps hors-la-mère
Scène 12 ( Anne Hébert )
« Mon épouvantable richesse »
L’impensable inscription ou écrire comme on tue
• On a tué la mère... au nom du symbolique
• La littérature ou l’échec de la père-version
Scène 13 ( A. Hébert )
CONCLUSION : La lecture, critique de la jouissance maternelle
Scène finale ( N. Sarraute)