L'industrie française de la machine-outil -...

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  • Jean Bienfait

    L'industrie franaise de la machine-outilIn: Revue de gographie de Lyon. Vol. 36 n1, 1961. pp. 11-49.

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    Bienfait Jean. L'industrie franaise de la machine-outil. In: Revue de gographie de Lyon. Vol. 36 n1, 1961. pp. 11-49.

    doi : 10.3406/geoca.1961.1700

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_0035-113X_1961_num_36_1_1700

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_geoca_72http://dx.doi.org/10.3406/geoca.1961.1700http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_0035-113X_1961_num_36_1_1700

  • L'INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL

    par J. Bienfait

    On dplore volontiers l'insuffisance des industries franaises de biens d'quipement dont le rythme annuel de croissance, depuis 1949, n'a pas dpass 3 % 1, un dficit toujours lev des changes 2 soulignant la carence assez surprenante de ce secteur de l'Economie3.

    Plus que toute autre, la Machine-outil que l'on s'accorde reconnatre comme l'une des bases de l'essor matriel, de l'indpendance technique, voire de l'influence politique (Michel Debr) d'un pays, est soumise la critique des conomistes. Ne semble-t-elle pas incapable de rpondre aux besoins lmentaires d'une industrie dont deux machines sur cinq portent des marques trangres 4. Et, dans un domaine o, en raison de la varit du produit, une nation industrielle ne peut prtendre la complte autonomie, son activit exportatrice n'apparat-elle pas fcheusement mesure ? "'.

    C'est accabler une profession que l'on connat mal. Le Syndicat des fabricants de Machines-outils et d'Outillage mcanique ne groupe pas tous les industriels, constructeurs polyvalents d'un matriel htrogne qu'il est bien difficile d'estimer. Ni la valeur, ni le nombre, ni le poids n'ont de signification dcisive. Les statistiques ne peuvent tre qu'incertaines et hsitantes et les comparaisons trompeuses, puisque le nom mme de machine-outil , dont les dfinitions proposes sont trop comprhensives xS,

    1. Au lieu de 14 % pour l'Automobile, 22 % pour la Radio-Tlvision et 26 % pour l'Appareillage Electro-mnager.

    2. De l'ordre de 100, 50 et 70 milliards de francs pour les trois dernires annes. 3. Sans doute faut-il invoquer l'tat d'esprit des fabricants que ne stimule gure l'attente

    d'un profit plus mesur et plus chrement gagn, en raison de l'exiguit du march intrieur, de l'exigence des clients, eux-mmes producteurs, et de l'incomprhension de l'Etat, fort enclin bloquer les prix.

    4. En 1959, les machines-outils ont encore figur pour 40 % dans le dficit commercial du secteur des biens d'quipement.

    5. Les marchs extrieurs ont cependant absorb 14 % de la production en 1958, 20 % en 1959.

    6. Pour Lenouvel, la machine-outil est un mcanisme simple, ou un ensemble de mcanismes, servant transformer la matire, soit par enlvement, soit par dformation ; pour Mtrai, une machine dont l'effet final est un outil en mouvement remplaant la main de l'homme, c'est--dire un appareil actionn mcaniquement et destin faonner le mtal, en vue de la fabrication d'lments de machines .

  • 12 J. BIENFAIT

    recouvre une gamme, la fois tendue et changeante, de machines diverses T. On tend, en France, le rserver de plus en plus aux seules machines d'usinage des mtaux s que l'on divise en machines travaillant le mtal, gnralement l'acier, par enlvement (M.O.E-) et en machines oprant par dformation, chaud ou froid (M.O.D.) 9. Il existe d'ailleurs des machines universelles, aptes des travaux varis, et des machines spciales.

    Ainsi dlimite, l'industrie franaise est probablement 10 la troisime d'Europe et la cinquime d'un monde o, jusqu' prsent, ce type d'activit est demeur l'apanage d'un club restreint. Elle peut faire tat de progrs rels. Par rapport 1946, la production a largement doubl. La profession assure dsormais 65 % des besoins intrieurs, contre 31 % alors, et, ses succs l'exportation l'appui, peut prtendre la classe internationale n.

    Cependant, cette industrie-clef ne tient encore en France qu'une place quantitative des plus rduites, et son poids psychologique est encore plus mesur, puisque sa part dans le revenu national, l'emploi industriel et les investissements ne dpasse pas trois pour mille 12. Mme dans le domaine plus limit de la construction mcanique et de la transformation des mtaux, elle ne reprsente gure que 3 % du chiffre d'affaires, 3 % des effectifs 13.

    Mais, parce qu'il s'agit d'une activit particulirement reprsentative de tout un secteur de l'conomie franaise 14, la gographie industrielle ne peut s'en dsintresser. C'est la justification de cette tude 15.

    7. En Italie, sont classes machines-outils toutes les machines d'usinage, y compris celles qui transforment le bois et les matires plastiques, aux Etat-Unis ou en Union Sovitique, le terme s'applique aux machines travaillant le mtal par enlvement de copeaux.

    8. Les statistiques distinguent habituellement le secteur des machines-outils bois, dsignes par le sigle M.A.B., dont les constructeurs sont assez nettement spcialiss. Une cinquantaine d'entreprises et une frange artisanale mal connue se dispersent, aux alentours des grands massifs forestiers principalement: tablissements d'une cinquantaine de sa'aris en moyenne, l'exception d'une usine d'Auxerre assurant plus du tiers de la production. Les caractres de cette activit sont assez originaux pour ncessiter une tude particulire.

    9. Cette catgorie, reprsente surtout par les presses mcaniques, tient une place grandissante. L'quipement des laminoirs et le matriel de cblerie en sont exclus, sauf dans certaines statistiques douanires Les M.O.E. enlvent le mlal, soit par l'action d'un ou plus:eurs outils tranchants, soit par abrasion. Les machines dites tincelles, uti'isant l'lectricit comme agent de travail, oprent par enlvement ou par apport de mtal.

    10. La production tchcoslovaque (29.700 machines en 1957) est quantativement au moins comparable; celle de la Chine peut-tre suprieure depuis 1958 (50.000 machines de coupe ).

    11. Le sixime Salon Europen de la Machine-Outil s'est tenu, en septembre 1959, au Rond-Point de la Dfense, dont le Palais veut symboliser la vitalit des Industries Techniques.

    12. Le Plan Monnet l'avait tout simplement nglige. 13. Industries mcaniques et transformatrices des mtaux : 640.000 salaris pour

    2.200 milliards; machines-outils mtaux: 20.000 travailleurs et 64 milliards (chiffres de 1958).

    14. Les rcentes sollicitudes de l'Etat son gard semblent inaugurer une politique nouvelle trs significative.

    15. Qui doit beaucoup la collaboration de M. Ren Prvost, Assistant la Facult de Droit et Sciences Economiques de Lyon.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 13

    Les origines de l'industrie franaise de la machine-outil

    II est vident que la machine-outil, mre de toutes les machines, a conditionn par ses progrs la croissance acclre de la production des biens de consommation, enlevant mme au fait-main sa rputation et jusqu' sa raison d'tre 16. Mais, peut-tre, convient-il de rappeler que la majorit des machines-outils construites et utilises aujourd'hui le sont partir de principes tablis par quelques mcaniciens du sicle dernier, parmi lesquels les Franais, rapidement forms l'cole des Britanniques, ont tenu une place minente, aux cts des ingnieux amricains de Nouvelle-Angleterre. Depuis Vaucanson, des machines nouvelles avaient t conues en France par des esprits inventifs. Mais c'est l'importation des premires machines- outils anglaises, vers 1820, qui est l'origine de cette industrie 17, car on leur fit construire leurs propres copies. L'initiative de quelques pionniers, les Calla, Decoster ou Cave, fut servie par les demandes des arsenaux de l'Etat et par l'ingniosit du milieu artisanal parisien. Ds 1834, des machines-outils de fabrication franaise sont exposes Paris.

    Franois Calla, en relations suivies avec Whitworth (de Manchester), fabrique la Chapelle des machines-outils de toutes sortes et de toutes dimensions. Pierre Decoster, ouvrier be'ge form dans le quartier Popin- court, met au point une raboteuse qu'il construit aprs 1839 dans un atelier de Montparnasse. En 1847, il pourra crire, en prsentant son catalogue : Depuis 1849, j'ai livr une foule de machines-outils..- un grand nombre de constructeurs-mcaniciens... Ayant suivi la construction des machines dans les tablissements les plus importants d'Angleterre, j'ai pu reconnatre le mrite des meilleurs outils en usage . Et Franois Cave, venu d'une Picardie o le travail des mtaux est de tradition, construit en 1836 un gr:s marteau-pilon. Il devient en moins de dix ans le premier des constructeurs-mcaniciens et s'installe la Barrire Saint-Denis dans une usine o travailleront jusqu' mille ouvriers.

    Aprs 1850, en effet, l'industrie franaise de la machine-outil se dveloppe rgulirement, chappant la tutel'e des Anglais chez lesquels la routine relaie un peu l'invention. Etienne Bouhey, transfuge du Creusot, s'installe Paris, avenue Daumesnil, et entreprend le premier la construction en srie. Ds 1859, son tablissement, auquel il adjoint l'usine mtallurgique de Montzeron, en Cte-d'Or, se c'asse au premier rang, inaugurant brillamment la carrire de la future S.O.MU.A., qui en est issue. En 1863, le lancement de la fabrication du Chassepot fait le succs des petits tours parallles de Colmant, dont les ateliers de la rue d'Alsia sont l'origine de la puissante entreprise dveloppe ensuite par Nol-Ernault.

    16. M. Garin^er donne un exemple significatif. En 1852, le taillage d'un pignon de 63 dents demandait onze journes de onze heures un ouvrier habile travaillant au burin et la lime. Peu aprs, une machine-outil actionne la vapeur accomplissait le mme travail en 16 heures 30.

    17. Les recherches de MM. Garanger et Mtrai sont trs largement utilises ici.

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    Industrie varie, d'abord au service de l'Etat, utilisant une aristocratie ouvrire, la machine-outil franaise est ne et a prospr dans le creuset parisien. Alors que les premires manifestations industrielles y ressortis- saient plutt des domaines du textile et de la chimie, la machine-outil a contribu veiller une triomphante vocation mtallurgique 18.

    Cependant, la province n'est pas reste inactive, surtout le Nord, l'Alsace et le bassin de Saint-Etienne, prcoces constructeurs de machines vapeur. Ds 1841, l'usine de Graff enstaden de la future Socit Alsacienne fabrique des machines-outils.

    Le centre picard d'Albert lui-mme peut faire remonter ses origines jusqu' cette poque 19.

    Ds le Second Empire, par consquent, se trouve dessine la carte d'une industrie dont la localisation gographique ne changera plus gure dsormais, mme dans le cadre des quartiers parisiens !

    Peut-tre faut-il s'tonner de voir ces dbuts prometteurs bientt suivis d'une surprenante stagnation. La qualit des ingnieurs n'est pas en cause 20. Les Etablissements Bouhey mettent au point de nombreux prototypes, quipent des entreprises trangres, au Japon par exemple, et installent mme une usine Kharkov.

    Mais aprs 1880, surgit la concurrence de la construction amricaine, l'avant-garde de la technique mcanicienne, puis, aprs 1900, celle des Allemands, rapidement inquitants. La fragilit des structures de l'industrie franaise est alors mise en vidence. E- Chouanard, fondateur des Forges de Vulcain , constate que l o nos usines fabriquent pniblement 50 machines d'un mme type et ne s'alimentent de travail qu'en usinant un grand nombre de modles, les ateliers amricains excutent mille machines semblables 21. En 1901-1902, le rapport du Conseil d'Administration de la Socit des Usines Bouhey s'alarme: l'invasion des produits amricains sur tous les marchs d'Europe s'est continue, des prix bien infrieurs aux ntres .

    Les initiatives ne manquent pourtant pas. En 1896, le marquis de Dion a cr la Socit Franaise de Machines-Outils pour rpondre aux besoins de la nouvelle industrie de l'Automobile et, songeant dfendre les intrts menacs d'une industrie indispensable, il fonde en 1907 le Syndicat des Constructeurs de Machines-Outils. En vain. Lorsqu'en 1913, Schneider,

    18. S'taient aussi installs Paris: Thomas Elworth, ancien chef monteur des Etablissements Whitworth, ou encore Pihet, qui occupa 500 ouvriers avenue Parmentier, et plus tard Gouin, Farcot, Piat, Polonceau...

    19. Albert, dont la devise est vis mea ferrurn , commence, comme le Vimeu, par la serrurerie. Mais, en 1835, H. Lefebvre fabrique des machines-outils, imit l'anne suivante par Baroux et en 1851 par Sergot et Pegard dont les puissants Ateliers G.S.P. sont les hritiers.

    20. A l'Atelier de Puteaux, Kreutzberger invente les machines ncessaires aux arsenaux et vend, aprs 1874, dans le monde entier, la licence d'une machine affter les fraises.

    21. Il prconise le triplement des droits de douane sur les machines de plus d'une tonne! Cette mesure fut carte et ce constructeur lyonnais se consacra dsormais l'importation.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 15

    par la cration de la S.O.M.U.A., se dcide absorber les usines Bouhev et la Socit Franaise, runissant leurs tablissements jumels de Saint- Ouen, ce groupe prend la tte d'une industrie moribonde 22.

    Or, par la suite, les circonstances les plus favorables la relance n'ont jamais pleinement t utilises. Ainsi pendant la Premire Guerre Mondiale Tandis que les usines de machines-outils, commencer par la S.O.M.U.A., sont affectes la fabrication du matriel de guerre, les machines indispensables l'armement proviennent d'Outre- Atlantique. De 1915 1921, 274.000 tonnes de machines-outils entrent en France, o, cette dernire anne, on ne recense que 38 constructeurs employant 3.000 ouvriers.

    En Allemagne, au contraire, autour de Berlin, Chemnitz, Diisseldorf, Francfort, Stuttgart, les ateliers sont quatre fois plus nombreux qu'en 1914 et cette industrie se trouve encore affermie par la politique des Rparations dont ptissent au contraire les constructeurs franais.

    L'essor de certaines industries mcaniques, et surtout de la construction automobile, se traduit cependant par une reprise. L'industrie de la machine- outil emploie 5.000 ouvriers en 1925, 12000 en 1929, 8.000 seulement en 1933, car la crise est svrement ressentie. Lorsqu'intervient le rarmement, en 1936, les 9.000 travailleurs de la profession sont incapables d'assurer l'quipement des nouvelles usines d'Aronautique, dont les machines viennent d'Amrique, voire d'Allemagne. De 1929 1938, d'ailleurs, les importations de machines-outils (108.000 tonnes) ont t prs de trois fois suprieures aux exportations (39.000 tonnes), en dpit du renouvellement tout fait insuffisant du parc. Et, en 1938, malgr ses 125 entreprises industrielles, ses 12.000 ouvriers, sa production de 30.000 tonnes, l'industrie franaise de la machine-outil fait pitre figure devant sa rivale allemande dont les 700 usines et les 80.000 travailleurs construisent 240.000 tonnes. L'ge moyen du parc est de douze ans en Allemagne, de 25 ans en France ! Et la part de la production franaise dans un monde qui s'arrne est infrieure trois pour cent, comme en 1913!

    Bien que sacrifie par le Plan Monnet, qui ne l'a pas range parmi les industries de base, l'industrie de la machine-outil n'en a pas moins connu un dveloppement remarquable durant la priode de reconstruction de l'conomie, aprs 1945, en dpit du retour en France de 25.000 machines, usages et parfois primes, rendues par l'Allemagne vaincue, handicap dont tmoigne la stagnation enregistre entre 1947 et 1950- Mais, au total, les progrs sont demeurs infrieurs ceux de la plupart des branches du secteur industriel et, surtout, la courbe de croissance, nettement brise par les crises de 1953-1954 et 1958-1959, est assez hsitante pour qu'on puisse songer incriminer des structures dont le maintien veille encore actuellement les plus graves proccupations.

    22. Les effectifs ne paraissent pas dpasser 3.000 ouvriers, pour une production de l'ordre de 8.000 tonnes couvrant le quart des demandes de l'industrie nationale. La mme anne, prs de 24.000 tonnes de machines-outils ont t importes, la moiti provenant d'Allemagne! Preuve d'un avenir incertain: le groupe Schneider ne se dcide pas spcialiser la SOMUA (la signification du sigle le montre) ; l'usine de St-Ouen fera aussi du matriel d'imprimerie, de l'armement, des camions.

  • 16 J. BIENFAIT

    Structure de l'industrie de la machine-outil

    La structure de l'industrie de la machine-outil est dans la dpendance troite d'un certain nombre de conditions conomiques et techniques.

    Comme les autres biens d'quipement, la machine-outil est un produit dont la consommation est soumise des variations brutales. Le parc, en effet, voit sa composition, sa rpartition par ges, sa cadence de renouvellement se modifier constamment, en fonction d'une conjoncture qui peut affecter diffremrnent les branches des activits utilisatrices. La clientle, qui va de la trs grande usine intgre de l'Automobile l'artisan de quartier, est composite et chaque catgorie a des besoins tout fait variables. Ainsi la construction automobile, qui, depuis 1945, a constitu le dbouch le plus important 23 et surtout le plus rgulier, voit, selon les circonstances, sa part passer de 40 60 /o. Paradoxalement, son rle s'accrot nettement durant les priodes de crise, plus facilement surmontes jusqu'ici par elle que par d'autres industries, l'quipement lectro-mnager par exemple.

    L'Etat a une trs grande responsabilit dans les oscillations de la demande. Si l'enseignement technique constitue un dbouch intressant, au dveloppement assez prvisible, les Arsenaux sont des clients particulirement instables. Bien plus, les crdits de l'Etat conditionnent en fait, non seulement les achats de l'Industrie Aronautique, mais encore par l'intermdiaire de la S.N.C.F. ou de l'ED.F., ceux de la construction ferroviaire ou lectromcanique.

    Il est donc trs difficile d'tablir la hirarchie des utilisateurs. La part des industries prives de transformation peut varier de 50 75 /o, celle de l'Etat et des entreprises nationalises de 10 30 %, celle de l'exportation de 15 25 %. On peut en tout cas estimer que les industries transformatrices des mtaux reprsentent habituellement 90 % du march intrieur, les ateliers d'entretien des autres branches industrielles, les Arsenaux, la S.N.C.F., l'Enseignement technique et l'artisanat se partageant les restes.

    L'activit de l'industrie de la machine-outil est donc troitement soumise aux besoins d'acheteurs capricieux dont le parc est sujet un cycle vieillissement-rajeunissement assez dconcertant. Le marasme ou la prosprit des fournisseurs en dpendent pourtant.

    En outre, cette clientle, toujours inconstante, est de plus en plus exigeante. C'est la consquence d'une volution technique qui tend diversifier les modles de machines et rendre celles-ci plus prcises et plus compliques. Le dveloppement des fabrications de srie et le souci d'assurer des oprations d'usinage plus rapides et plus simples conduire impliquent

    23. Les rectifieuses Gendron, dont 23 % ont t exportes en 1959, sont vendues en France principalement dans la rgion parisienne (30 %), Sochaux (15 %) et autour de Lyon (14 %), ce qui souligne le rle des usines d'automobiles. Le Nord, avec 8 % et l'Alsace 2 3 % viennent loin derrire. Or il s'agit d'une production presque monopolistique.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 17

    l'emploi de machines automatiques 24. Ainsi, l'industrie de la machine-outil, contrairement ses clients, ne tend pas la standardisation de son produit dont le prix unitaire et le prix au kilo augmentent rgulirement. Plus la normalisation des produits de consommation courante devient la rgle, plus les machines qui servent les fabriquer doivent tre originales. C'est pourquoi les modles de machines-outils sont au nombre de plusieurs milliers 25. La varit des fabrications et la mobilit des techniques expliquent l'chec des tentatives de classification, continuellement remises en question.

    La conception et la qualit d'une machine dpendent donc de sa destination et des dsirs prcis de l'utilisateur ventuel. Aussi, parce qu'il y a de moins en moins de machines universelles, de plus en plus de machines spciales, les sries se trouvent-elles ncessairement rduites 26 : 50 machines au maximum dans une usine de rectifieuses de Villeurbanne.

    On comprend mieux le grand nombre des constructeurs et leur spcialisation bien imparfaite, la taille limite des entreprises et de leurs ateliers. Les techniques de fabrication contribuent d'ailleurs accrotre cette structure miette , si caractristique de l'industrie de la Machine-Outil.

    La machine-outil demande, pour sa construction, l'emploi de fournitures de nature et de provenance trs diverses. Une entreprise de faible dimension ne peut gure songer les laborer sous un mme toit, et l'absence d'installations intgres est la rgle-

    Les fontes, cependant, reprsentent peu prs 60 % du poids, sinon de la valeur, d'une machine-outil. Le bti exige en effet une fonte de qualit, stabilise et crote. Si pour certaines machines dont l'utilisation ne ncessite ni grande rigidit, ni prcision extrme, l'emploi de la tle soude a fait des progrs, la fonte semble ici destine conserver son rle. Peu d'entreprises ont leur propre fonderie : S.O.M.U.A. fait exception tout en ne ralisant pas l'intgration l'chelle de l'usine puisque les ateliers de Lisieux reoivent des btis de la fonderie de Montzeron (Cte d'Or). La puissante usine de Montchanin de la S.F.A. Creusot alimente non seulement le groupe Schneider, mais certains de ses concurrents. Les Fonderies du Prigord (usine de Fumel), relevant de Pont--Mousson, sont un autre important fournisseur de btis 27

    Les autres pices de fonte, mallable ou spciale, de petites dimensions,

    24. La G.S.P. Matic, machine d'avant-garde, est entirement automatise par film. 25. En France, on distingue 18 grandes familles de machines-outils divises en 500

    catgories. Ainsi pour la machine la plus simple, le tour. La famille des tours se divise en catgories (tours parallles, par exemple), celles-ci en genres (tour charioter, fileter, copier) et ces derniers en types de capacit trs varie (tours d'hologers, tours pour canons de marine...).

    26. A moins d'un march exceptionnellement toff. Ainsi en Union Sovitique o l'usine Proltaire Rouge de Moscou a construit des sries de 20.000 tours parallles.

    27. Citons encore la fonderie Huard de Chteaubriant, Chavanne et Brun ( Montbrison) et de nombreux tablissements du Vallage, de la rgion de Dle, etc.

  • 18 J. BIENFAIT

    proviennent aussi de fonderies trs disperses, celles de l'Ardenne principalement- Mais beaucoup de constructeurs peuvent faire appel aux entreprises les plus proches, surtout dans certains centres urbains. Ainsi la fonderie F.O.C., de Vnissieux, pour les rectifieuses Gendron. construites Villeurbanne28. Quant l'acier, trs peu d'acier moul, mais des tles pour les protecteurs et surtout des lamins d'aciers spciaux, destins aux glissires, aux broches par exemple il rentre pour 30 % environ dans le poids d'une machine-outil. Les constructeurs se fournissent au dpts des entreprises sidrurgiques ou chez les marchands de fers 29.

    Bien entendu, les entreprises spcialises alimentent les fabricants en quipement lectrique (moteurs et appareillage), en roulements... L'usine de machines-outils se contente donc d'usiner les pices de fonte et d'acier et d'assurer le montage de la machine. Encore a-t-elle recours souvent des sous-traitants pour faonner certaines pices ou pour assurer le prmontage de certains ensembles. Elle est dans la dpendance de fournisseurs nombreux et disperss, donc de transports onreux et dlicats, par camion gnralement, car elle est rarement raccorde au rail 30. Mais sa localisation gographique ne s'en trouve pas fixe de manire imperative 31-

    Pas plus que l'importance des dbouchs ne la dtermine rellement. Certes quelques grandes rgions industrielles et urbaines runissent les principaux clients, l'Automobile par exemple, mais les industries de la transformation des mtaux sont trs largement rparties et les constructeurs de machines-outils, en raison de la nature de leurs fabrications, ne peuvent gure se contenter d'un march rgional 32.

    C'est donc plutt la ncessit de recruter une main-d'uvre hautement qualifie qui explique l'attrait des constructeurs pour les vieilles rgions industrielles et surtout pour les grandes villes, telles que Paris ou Lyon. Malgr les inconvnients vidents des ateliers urbains, incommodes et vite asphyxis en cas d'expansion, les industriels hsitent s'loigner de ces rserves naturelles d'ouvriers professionnels. Gendron n'a quitt la Part- Dieu que pour reprendre une usine textile de Villeurbanne et, si Lon

    28. Il s'agit d'ailleurs d'une cofiliale. 29. Ces aciers proviennent principalement des usines des Alpes (Ugine) et du Massif

    Central (Aubert et Duval, aux Ancizes), ainsi que de la Sarre. 30. Ainsi Gendron reoit par camions de Montchanin les btis destins son usine

    de Villeurbanne. 31. La mme entreprise n'achte dans l'agglomration lyonnaise que les petits moulages

    de fonte (FOC) et les moteurs lectriques (). Il est vrai que la plupart des pices de fonte et d'acier sont trouves dans un rayon de 150 kilomtres (Montchanin, Montbrison, Ugine, les Ancizes). Mais Fumel, l'Ardenne, la Sarre et la rgion parisienne (appareillage de la Tlmcanique Electrique, botes de roulements de la Prcision Mcanique) sont des fournisseurs plus lointains. Le prix lev du produit facilite l'absorption de ces frais de transport. La spectaculaire dcentralisation de Gambin en Haute-Savoie, dcide pour d'autres raisons, se traduit cependant par un abaissement du cot des transports. L'usine de Viuz s'adresse pourtant, non seulement St-Michel-de-Maurienne et Ugine, mais Dle, Montbrison, aux Ancizes, Fumel.

    32. Gendron coule, en 1959, 14 % de ses rectifieuses dans la rgion lyonnaise.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 19

    Hur a d migrer jusqu' Bagneux, l'atelier de Montparnasse a t conserv.

    Et, pour Gambin, quitter Billancourt et t impensable si 40 % des salaris n'avaient accept de suivre l'entreprise Viuz-en-Sallaz !

    Le personnel, qu'il a fallu souvent former ou perfectionner, est rarement aussi fidle. Il est soumis en effet aux sollicitations des grandes firmes de la construction mcanique, dont la surenchre est facilite par le dclassement frquent des professionnels de la machine-outil. F 2 chez le petit fabricant, l'ouvrier deviendra P 3 dans l'usine d'automobiles qui l'aura dbauch. Et cette instabilit se trouve tout naturellement aggrave en priode de conjoncture favorable et de plein emploi. D'autres tentations se prsentent d'ailleurs. En milieu urbain, l'ouvrier qualifi souhaite se mettre son compte . S'il peut trouver un tour d'occasion, il deviendra faonnier, ventuellement au service de l'entreprise qui l'employait, ou il prendra un petit commerce, quelquefois aux portes de l'usine, quitte y retourner un jour.

    Difficile former, difficile garder, la main-d'uvre de la machine-outil voit sa qualification moyenne s'lever progressivement

    Classification du personnel d'une usine lyonnaise de Machines-Outils

    Apprentis 52

    Salaris horaires 460

    dont:

    manoeuvres

    14

    ouvriers spcialiss

    OS 1 et OS 2

    180

    professionnels

    266 dont:

    PI - 111 P 2 - 124 P3 - 31

    Mensuels 208

    Cadres 45

    La proportion trs forte des professionnels et des mensuels, et les heures supplmentaires, imposes par les difficults de recrutement 33 rendent compte de la lourdeur des charges salariales. En 1959, salaires et appointements verss se sont levs prs de 16 milliards pour une facturation de plus de 65 .milliards (l'ouvrier a peru en moyenne 56.000 francs par mois). Si l'on tient compte de la main-d'uvre indirectement incorpore, la part

    33. En 1959, anne de rcession, moyenne hebdomadaire des heures de travail pour l'industrie de la M.O: 47 h 30. Mais chez Gendron, au premier trimestre I960, c'est la semaine de 50 heures !

  • 20 J. BIENFAIT

    attribue la rmunration du travail reprsente 50 % du prix de revient de la machine-outil.

    L'amlioration de la productivit rencontre vite ses limites. Il serait certes possible d'augmenter les fabrications de 60 % en n'embauchant qu'un

    OUVRIERS^ 12-

    8-

    6-

    MENSUELS

    ( 1

    I

    OUVRIERS M.O.E.

    2-

    0'-. i

    OUVRIERS M.O.D.

    -, _+ 1952 53 54 55 56 57 58 59

    Fig. 1 Evolution de t? Emploi dans l'Industrie des Macbines-outils.

    personnel supplmentaire proportionnellement trois fois moins important. Mais, si le march se contracte, il est bien difficile de se dfaire de professionnels prouvs, d'autant que les conditions techniques de la construction rendent illusoire toute prvision long terme. Il se passe en effet neuf mois entre l'entre d'un bti l'usine et la sortie de la machine, les oprations d'usinage et de montage tant ncessairement lentes puisqu'il faut

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 21

    traiter, stabiliser, prouver les pices et soumettre des essais prolongs la machine termine.

    C'est pourquoi une invitable inertie tend fausser les rapports des courbes de production et d'emploi. Entre 1950 et 1952, la production de machines-outils a augment de 34 %, la main-d'uvre de 6 %. En 1959, par rapport l'anne prcdente, les fabrications ont t rduites de 6,5 /o, l'emploi de 2,4 % seulement- L'amlioration de la productivit reste limite. Chaque ouvrier fabriquait . kilogs en 1952 et 3.565 en 1958 (mais 3.450 en 1959).

    Pour des raisons la fois conomiques et techniques, la profession est peu concentre. C'est peut-tre le caractre le plus vident de cette industrie.

    Il est pourtant difficile de dterminer avec exactitude le nombre des constructeurs. En liminant un secteur artisanal une centaine d'ateliers trs mal connu et passablement fluide, o beaucoup se limitent la reconstruction des machines, et quelques auto-producteurs, on peut recenser environ 2C0 entreprises travaillant l'chelle industrielle34 (198 en 1959, dont 18 emploient au moins dix salaris).

    Ce nombre ne dcrot pas puisqu'en 1955 le Syndicat des Constructeurs faisait dj tat de 20 membres. Si, en priode de crise, certains disparaissent, on ne peut parler de concentration vritable puisqu'il s'agit souvent d'entreprises moyennes 35. Que la demande reprenne, d'autres apparaissent, gnralement modestes leur origine.

    Presque toujours, les firmes sont de petites entreprises a caractre familial 36 n'utiisant qu'un personnel peu nombreux. Si 180 d'entre elles font travailler au moins dix personnes, 46 en emploient au moins cent, parmi lesquelles 16 seulement plus de trois cents- L'envergure limite est la rgle dans les deux secteurs de fabrication mais marque encore davantage les constructeurs de machines-outils travaillant par dformation du mtal.

    En 1959 Nombre d'entreprises Nombre d'ouvriers Nombre d'employs et Cadres Personnel par entreprise Production (en tonnes) Production par ouvrier (en kilogs)

    M.O.E 125

    11.330 3.520

    119 31.775 2.804

    M.O-D. 73

    3.575 1.155

    65 19.650 5.498

    Si l'on considre volontiers, en Europe occidentale, que l'tablissement type devrait faire travailler de 300 500 personnes, en France, o il y a

    34. C'est--dire qu'elles donnent rgulirement des renseignements statistiques et font de la publicit. Une autre source donne 215 entreprises pour 1959, et 221 tablissements.

    35. Ainsi MOPCO en 1955, la Prcision Moderne en 1959... 36. Ce qui n'exclut pas une trs grande diversit: socits responsabilit limite,

    socits personnelles en commandite, anonymes participation ouvrire, etc..

  • 22 J. BIENFAIT

    20 ateliers pour 198 constructeurs, 18 tablissements seulement emploient plus de 300 salaris, dont huit plus de 500.

    Ces faibles dimensions, qui peuvent surprendre, ne sont pas cependant spcifiques de l'industrie franaise 37. Le tableau suivant en est la preuve 38 :

    Constructeurs

    Etats-Unis Royaume-Uni Allemagne

    de l'Ouest France

    620 300

    550 198

    Personnel

    120.000 44.000 87.500

    19.580

    Chiffre (1957 -

    d'affaires moyen en millions de F)

    800 368 330

    270

    Emploi par Entreprise

    193 146 159

    98

    II faut bien admettre que le nombre des constructeurs est destin demeurer important et que chacun doit tre mme de livrer des machines diffrentes, puisque, pour 2.000 modles de machines construites en France, il n'existe pas 200 fabricants. Encore peut-on estimer au millier le nombre de modles de machines-outils dont la production n'a pas t lance et pour lesquels le recours l'importation est ncessaire 3i>. A moins que certains utilisateurs ne les ralisent eux-mmes 40. Si la construction en France est souhaitable pour des raisons d'conomie gnrale, il serait imprudent d'entreprendre la fabrication de machines qui, en raison d'un trop faible dbouch intrieur ou de la place prpondrante prise par une maison trangre spcialise, ne pourraient tre cdes un prix concurrentiel.

    La structure du march ne facilite d'ailleurs pas la spcialisation, premier remde l'excessive dispersion des moyens- Grce une main-d'uvre hautement qualifie et des frais gnraux rduits, le contrle personnel de la direction supplant une organisation plus pousse, des entreprises modestes russissent assez bien dans une production o rgne la srie limite. Mais les possibilits d'tudes, de publicit, de crdit, ncessairement rduites, peuvent rendre difficile le lancement de nouveaux modles. La plupart des constructeurs franais font, pour des marchs partiels, des types

    37. Cinq usines en ont plus de 750 contre 12 en Grande-Bretagne; une plus de 1 000 au lieu de 9 aux U.S.A. Les carts de la production sont sensiblement du mme ordre de grandeur. Il est vrai qu'en Union Sovitique fonctionnaient ds 1937 une demi-douzaine de gros tablissements de plus de 1 000 ouvriers (tels Moscou Ordjonikidze ou Krsny Proletary ou encore Sverdlov Leningrad, Lnine Odessa, etc.).

    38. C'est donc d'autres raisons qu'il faut plutt attribuer l'infriorit reconnue de l'industrie franaise de la machine-outil par rapport sa rivale allemande.

    39. Dans le domaine des rectifieuses, ou des machines tailler les engrenages, par exemple. Au contraire, avec ses 550 constructeurs, l'Allemagne Occidentale est pratiquement en mesure de fournir la quasi-totalit des modles de machines-outils dont l'Europe a besoin. Au fond de la Souabe ou aux abords de la Ruhr, il se trouvera toujours un fabricant pour raliser le matriel demand.

    40. E. Moss a estim que la part des autoproducteurs pouvait reprsenter 10 % du tonnage construit par les spcialistes. Il parat impossible de justifier cette proportion.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 23

    trs varis de machines au lieu de se vouer quelques modles destins l'ensemble des utilisateurs nationaux, voire trangers. En Allemagne, un mme modle est gnralement construit par une seule usine; en France il le sera parfois par une dizaine. Ce qui lve le prix de revient et donc de vente. Trop de petits fabricants sortent le mme matriel classique de mcanique gnrale, alors que la tendance multiplier les modles de machines devrait avoir pour contre-partie des accords de spcialisation entre constructeurs. La faiblesse dimensionnelle des entreprises s'en trouverait sans doute compense. On peut citer en exemple Gambin (trois modles de fraiseuses, contre onze avant-guerre).

    Mais l'organisation de la profession se trouve freine par le nombre des constructeurs. Par leur origine aussi.

    En rgle gnrale, la Sidrurgie ne s'intresse pas la machine-outil41. Il en est de ,mme de la Construction Navale 42 ou de l'industrie de l'Automobile, plutt porte l'autoproduction, la Rgie Renault comprise- Les grands constructeurs sont issus des secteurs de la mcanique gnrale, du matriel ferroviaire ou de l'Armement, tels la Socit Alsacienne de Construction Mcanique ou Manurhin. Encore s'agit-il frquemment de filiales spcialises, constitues partir d'entreprises initialement indpendantes, comme Ch. Berthiez (pour Fives-Lille), Ernault-Batignolles, S.O.M.U.A. Jusqu' prsent, en effet, l'industrie de la machine-outil a t plutt anime par des entreprises familiales, constructrices d'outillage mcanique l'origine 43, et crations d'ingnieurs. Quelques-uns des noms les plus connus Cazeneuve, Gambin, L. Hur par exemple illustrent d'ailleurs une promotion souvent trs rapide du cadre artisanal la classe internationale.

    Une rpartition fonctionnelle et non plus gntique peut apporter ici quelque prcision. Si la plupart des constructeurs sont des spcialistes de la machine-outil, d'autres ne lui attribuent qu'une division, laquelle ils apportent une ingale attention. Parmi les premiers, trs peu fabriquent de concert machines mtaux et machines bois 43a. Il existe mme une sparation assez tanche entre les deux grands secteurs de la machine-outil mtaux (M.O.E. et M.O.D.) 43b. Mais la spcialisation ne va pas plus loin, malgr

    41. Sinon Sidlor, par l'intermdiaire de Delattre et Frouard ; Denain-Anzin pat Saut-du-Tarn ; ou encore Pont--Mousson, qui contrle Cornac; et Chtillon-Com- mentry, avec une participation minoritaire dans le capital des Ateliers G.S.P., domin par Gaz et Eau . Citons encore Vallourec (Ateliers de Montbard).

    42. A l'exception de Loire-Normandie. 43. Cr en 1923, Gendron S. A. s'tait spcialis dans l'outillage lectro-portatif avant

    de fabriquer, en 1938, sa premire rectifieuse. Depuis 1948, le dpartement Machines- outils s'est dvelopp de telle faon qu'il a fallu lui abandonner l'usine de Villeurbanne et dcentraliser dans l'Isre, Brzins, les autres activits.

    43a. Muller et Pesant par exemple. 43b. Manurhin, SOMUA sont bivalents, mais se consacrent plutt aux M.O.E. (tours

    et fraiseuses).

  • 24 J. BIENFAIT

    l'esquisse d'une division du travail au niveau de la catgorie (les fraiseuses chez Gambin, les rectifieuses chez Gendron)...

    Pour les autres, la machine-outil peut demeurer l'objet principal, sinon unique (les ateliers G. S. P. construisent sous licence les moteurs Diesel Perkins). Elle peut aussi n'avoir d'abord constitu qu'une activit annexe. C'est frquemment de la ncessit de fournir une usine le matriel ncessaire ses fabrications qu'est n le dpartement machines-outils. Ainsi pour la Rgie Renault et ses machines-transfert, ou plus anciennement pour la Socit Alsacienne, Fives-Lille, Manurhin, Le Creusot... 44. Dans certains cas, l'exprience acquise a non seulement permis une diversification intressante de la production mais facilit une reconversion ncessaire, comme l'usine de Graffenstaden de la Socit Alsacienne de Construction Mcanique- D'autre part, certaines entreprises, moins importantes, ont pu raliser une intgration d'aval. Constructeurs de moteurs lectriques (Constan), de meules (Huard) ou d'outillage mcanique (Rollet) utilisent une fraction de leur produit et s'assurent des dbouchs de remonte.

    Restent les importateurs. Ils peuvent trouver intrt oprer en France l'assemblage ou la fabrication de certaines machines 45. Leur rle est facilit par l'abstention des constructeurs trangers qui, de trs rares exceptions prs 46, ont prfr jusqu'ici cder les licences plutt que monter des ateliers.

    L'attention souvent occasionnelle porte la machine-outil par de nombreuses entreprises et non des moindres semble contribuer l'miettement de la profession. La diversit tonnante des structures financires et techniques des socits engags, plus ou moins loin, dans la production de machines-outils, explique sans doute pourquoi le Syndicat des Constructeurs n'est pas l'lment liant que l'on attendrait. Il se borne, en effet, faute d'inspirer des organismes communs, tel un centre de productivit, runir les renseignements statistiques et cautionner une caisse de crdit (CREDIMO), destine faciliter les ventes.

    Des regroupements s'oprent pourtant, principalement dans le domaine commercial, autour de quelques leaders. C'est l le premier signe d'une concentration en bonne voie.

    Il faut, en effet, souligner que les seize principales entreprises dont les facturations ont t gnralement de l'ordre de deux trois .milliards de francs en 1959 47 ralisent prs de 60 % du chiffre d'affaires de la profes-

    44. Cette forme d'intgration peut rester limite l'autoproduction (ainsi pour SIMCA, propritaire de l'usine SACMO de la Courneuve) ou n'aboutir qu des ventes occasionnelles (Carnaud-et-Basse-Indre, Chausson, Ratier). La Rgie Renault, elle-mme, destine son usage les 4/5" de sa production.

    45. C'est le cas de Stockvis dont l'usine de la Guerche (Cher) est en chantier. 46. Les plus significatives concernent les filiales des constructeurs de presses de l'Ohio

    (Bliss, Yoder). 47. Cinq milliards pour Ernault-Batignolles, 3 milliards pour SOMUA.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 25

    sion, utilisent un peu plus de 50 /o de la main-d'uvre, pour une production en poids, d'environ 45 % 4S (elles laborent un matriel de haute technicit, mis au point dans leurs bureaux d'tudes, et leur intgration est plus pousse). La plupart sont des firmes indpendantes dont le dynamisme rel se traduit par un effort d'exportation et une spcialisation relative (Lon Hur, Gaston Dufour, Gambin: fraiseuses; Cazeneuve, Sculfort-Fockedey : tours parallles; Gendron : rectifieuses ; Spiertz : presses mcaniques). D'autres ont profit de l'appui d'une socit-mre la rputation confirme (Charles Berthiez, Bliss), ou bnfici d'une reconversion russie (Manu- rhin, Socit Alsacienne de Construction Mcanique). La Rgie Renault a t servie par la puissance de ses moyens et par le prestige attach son nom.

    Mais les Ateliers G.S.P. et le groupe Schneider surtout semblent avoir renforc leur position, non seulement par une srie d'absorptions, mais par la constitution de vritables groupements, runissant des filiales ou des affaires indpendantes par un rseau de liens financiers, techniques et commerciaux, Alliance pour G.S.P., Association pour Schneider.

    Les Forges et Ateliers du Creusot, tout en ne vendant sous leur marque que les machines construites Saint-Etienne, arrivent ainsi produire grce leurs filiales (Ernault-Batignolles, Machines-outils SOMUA 40) environ 15 /o des machines-outils de fabrication franaise et, avec leurs associs , au moins 18 %. Mme si la concentration se ralise de faon occulte, elle n'en est pas moins relle.

    Les leaders de la profession ne sont pas tous aussi dcids accrotre leur rle. Les concurrents les plus directs du groupe Schneider paraissent reconnatre sa situation prminente. Pour le moment, la Socit Alsacienne de Construction Mcanique s'oriente plutt vers l'lectronique, Manurhin vers l'automation, aprs la dception du scooter; Fives-Lille-Cail consacre son dynamisme limit ses spcialits affirmes et les Chantier navals pensent l'Atome plus qu' la Machine-Outil. Les Ateliers G.S.P. eux-mmes, laissant de nouvelles fabrications prendre une part dsormais prpondrante dans leur chiffre d'affaires, ne semblent pas dsireux de renforcer les liens purement commerciaux existant entre les membres de l'Alliance des Constructeurs Franais de machines-outils . Et, la Rgie Renault, en dpit des encouragements prodigus par de hautes personnalits officielles de l'Economie Nationale, s'en tiendra essentiellement une politique d'autoproduc- tion tant que l'automobile se vendra bien. Le groupe Schneider a donc les coudes franches. Il s'intresse d'abord la fabrication des machines-outils par l'intermdiaire de la principale de ses filiales d'exploitation, la S.F.A.C. qui leur rserve son usine de Saint-Etienne-la Chalassire. Cet tablisse-

    48. Beaucoup plus pour certaines familles de machines: 80 % des fraiseuses, 14 % des tours parallles, 72 % des taux limeurs, 61 % des presses mcaniques, 57 % des rectifieuses (anne 1957). Mais seulement 30 % des perceuses.

    49. Le flirt du groupe Schneider et de la Rgie Renault a pris fin rcemment. La branche machines-outils de la SAVIEM en a t dtache pour constituer une nouvelle socit, les Machines-Outils SOMUA o le groupe retrouve une position tout fait prdominante.

  • 26 J. BIENFAIT

    ^---J^/4 A-

    Plus de 1000 t .. . 500 1 . -, 150 1 - FRAISEUSES -

    n Plus de looo t. D 500t. | 150 t. -PERCEUSES-

    Plus de 500 t. a 100 1. -ETAUX-LIMEURS- + Plus de mot. - RPCTIFIEUSES - x Plus de 500 t. x 100t.

    -PRESSES MECANIQUES - PlusdelOOOt.

    Plus de 150 t.

    Fig. 2. Localisation des principales units de production de quelques familles classiques de Machines-outils mtaux en 1957.

    ment, fidle l'un des caractres spcifiques de la firme, le sur-mesure , construit de grosses machines spciales60; les fabrications de srie sont au contraire confies l'ancienne socit Ernault-Batignolles, absorbe en 1956 51. Etoffe par la Socit Bourbonnaise de Machines-outils, cette division fabrique chaque anne 1800 tours parallles universels ou spciaux copier, principalement pour l'industrie de l'Automobile. Quant aux Machines-Outils SOMUA , malgr l'abandon de la grande usine de

    50. L'usine du Creusot et ses annexes lui fournissent ks pices brutes. 51. Avec tout l'ensemble Batignolles-Chtillon.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 27

    Saint-Ouen, voue dsormais la fabrication des moteurs pour la SAVIEM, elles devraient retrouver leur importance passe, en profitant du remarquable effort de rationalisation et de recherche technique ralis, depuis 1955, dans le cadre de la SAVIEM L.R-S. et du succs de la fraiseuse Z, vendue chaque anne 600 exemplaires.

    Ainsi, le Creusot dispose finalement de sept units de production o travaillent prs de 3 000 personnes. Appuy sur sa puissante armature financire (Union Europenne Industrielle et Financire) et commerciale, le groupe Schneider peut devenir le chef de file non de la seule Association franaises des Constructeurs de Machines-outils , mais de toute la profession, assumant enfin le rle qui lui semblait dvolu depuis la constitution de la SOMUA, en 1913 !

    La rpartition gographique de l'industrie de la Machine-Outil

    Les conditions historiques du dveloppement de l'industrie et surtout les caractres spcifiques de son activit expliquent la rpartition gographique des entreprises : quatre rgions industrielles ont jusqu' prsent group les trois-quarts des effectifs et c'est l une proportion sensiblement suprieure celle que l'on observe dans l'ensemble de la transformation des mtaux. Les ouvriers extrmement qualifis que requiert ce genre de fabrication se recrutent en effet plus aisment dans les vieux pays industriels et dans les grandes concentrations urbaines. L'attraction de la capitale, o sont nes la plupart des grandes entreprises, est vidente, puisque plus de 40 % de l'industrie de la machine-outil se tasse encore dans la rgion parisienne, en dpit d'inconvnients croissants. Car la dcentralisation est dlicate. Presque toujours, l'entreprise n'a qu'une usine de dimension mdiocre, ce qui implique un transfert total, et les ouvriers, plus encore que les cadres, se rsignent malaisment au dpart en province.

    Etablissements 204

    Effectifs 19.600 env. 56

    Rgion Parisienne 52

    98 (47,8 %) 8.500 env. (43,3

  • 28 J. BIENFAIT

    Nombre moyen de salaris par tablissement :

    Alsace Nord Rgion Paris. Rgion Lyon. 510 130 87 84

    C'est la consquence d'une certaine spcialisation rgionale 57. Le Nord et l'Alsace construisent plutt le matriel de srie, tandis que Paris ou Lyon laborent aussi des machines spciales. Leur moyenne se trouve galement abaisse par le maintien de nombreux ateliers semi-artisanaux 58-

    Malgr l'amorce d'un mouvement de dcentralisation, Paris demeure le grand centre de l'industrie de la machine-outil mtaux. Plus de 42 % des effectifs ouvriers travaillaient en 1957 dans le dpartement de la Seine. Les raisons de cette concentration sont videntes. Les constructeurs suscits par l'ambiance d'un milieu artisanal traditionnellement veill et habile, ont trouv Paris une abondante main-d'uvre de qua'it, des dbouchas considrables auprs des industries mcaniques utilisatrices, l'Automobile surtout, et la proximit des services centraux de l'Etat, excellent client au compte des arsenaux et des coles techniques. L'industrie, ne dans les vieux quartiers de l'Est parisien, y est jusqu'ici demeure, en des tablissements de taille mdiocre, emprisonns dans le dcor vtust d'un ddale de cours et de rues. Le XIe arrondissement, o les marchands de fers eurent toujours leur fief, reste le cur de ce secteur semi-artisanal. Mais depuis longtemps, l'essaimage s'est opr au profit des arrondissements voisins, surout le XIIe et le XXe. Les quartiers de l'Est, avec une vingtaine d'ateliers qui construisent principalement des presses et du petit matriel, n'emploient pas 703 personnes. Aucune entreprise n'utilise plus de 150 salaris 5

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 29

    Ainsi se manifeste, aux portes de la capitale, la traditionnelle spcialit d8s quartiers de l'Est.

    Ds ses dbuts, cependant, l'industrie de la M.-O. a t galement attire par les arrondissements du Sud, o la place tait moins mesure, dans le XIVe et dans le XVe principalement. L'usine Ernault-Batigno'les de la rue d'Alsia domine un lot d'une dizaine de constructeurs (1.200 salaris). La proche banlieue a plus rcemment attir les industriels, Ivry (presses), Bagneux o les tablissements Lon Hur ont install des ateliers d'usinage (fraiseuses). Au total huit entreprises encore et 500 personnes employes.

    - LEGENDE - MUE. M.O.D I Moins de 100 0 de 1013 300 O ch de 301 500-^ $ Plus de 500 salaris

    Fig. 3. Localisation des Usines de Machines-outils dans le dpartement de la Seine. Principaux Etablissements des secteurs M.O.E. et M.O.D. dans le dpartement de b.

    Seine: 1. Ernault-Batignolles ; 2 et 3. Lon Hur; 4. De Vallire; 5. Rgie Renault; 6. Salom; 7. Ateliers Prcis; 8. S.P.M.; 9. Ateliers G.S.P.; 10. Sirugue (M.O.D.): 11. Bliss (M.O.D.); 12. Machines-outils SOMUA; 13. Promecam (M.O.D.); 14. Cazeneuve: 15. SACMO; 16. Ciblt et Foubert (M.O.D.); 17. Pierre Hur; 18. Bombled (M.O.D.); 19. Grimar (M.O.D.); 20. G. Dufour; 21. Pinchart-Deny (M.O.D.); 22. Morane (M.O.D.).

    C'est pourtant au Nord et l'Ouest de Paris, aux portes des grands tablissements de construction mcanique, que se rencontrent la plupart des entreprises importantes. La banlieue Nord, domaine de la mtallurgie lourde, compte surtout des fabricants de M.O-D., telle la filiale franaise des presses Bliss. Mais, si l'usine de Saint-Ouen de l'ancienne S.O.M.U.A. se consacre dsormais aux moteurs de camions dans le cadre de la SAVIEM, Cazeneuve, la Plaine Saint-Denis, ne le cde qu' Ernault-Batignolles pour la fabrication des tours parallles, sa spcialit ds 1912. De la Courneuve Saint-Ouen une quinzaine d'usine font travailler 1.800 salaris. La banlieue Ouest, de son ct, avec vingt entreprises, 2.300 ouvriers et mensuels se consacre plutt aux M.O.E-, Nanterre et surtout Boulogne-Billancourt et Courbevoie. Les Ateliers G.S.P. dominent ce groupe o la Rgie Nationale des Usines Renault vient d'merger puissamment. Le lancement de la

  • 30 J. BIENFAIT

    4 CV, en 1946^ ncessitait un outillage particulier dont la Rgie entreprit la fabrication. Les solutions adoptes sur ses machines spciales poste fixe ou transfert intressrent d'autres industries, et une division de la Machine-Outil fut cre Billancourt; 850 employs en dpendent.

    Le dveloppement de ces fabrications a compens juqu' prsent les quelques oprations de dcentralisation ralises en province et dont la plus spectaculaire ft l'exode de Gmbin, abandonnant ses ateliers de Boulogne- Billancourt pour une bourgade du Fucigny, Viuz-n-Sallz. Ouverte en mai I960, l' usine verte emploie 320 personnes dont 132 sont venues de la rgion parisienne. Mais la dcongestion ncessaire s'est gnralement faite dans un cadre plus limit. En grande banlieue une dizaine de constructeurs (7C0 salaris) sont installs, Juvisy, Moret, Creil o se sont tout naturellement fixes les compagnies amricaines qui avaient contribu quiper les laminoirs d'Usinor.

    Mais la primaut incontestable de la rgion parisienne se trouve davantage confirme par la prsence, dans un rayon de 300 kilomtres de la capitale, d'une couronne d'usines, une vingtaine, souvent notables, puisqu'elles occupent 2 800 travailleurs. L'influx parisien a vivifi, en Normandie ou en Picardie par exemple, de lointaines survivances mtallurgiques.

    Albert est le plus significatif de ces centres, avec ses trois tablissements dont l'un relve des Ateliers G. S. P. La fabrication de tours parallles, de perceuses, de raboteuses semble avoir t stimule par l'installation en 1924 des usines aronautiques Potez (devenues Nord- Aviation). 600 ouvriers vivent ici de la machine-outil, originale mutation de la serrurerie du xixe sicle. En Normandie, Verneuil-sur-Avre a depuis longtemps deux constructeurs de presses et Lisieux l'usine Ernault-Cuttat, absorbe par SOMUA, connat un dveloppement sensible depuis quelques annes (tours- revolver).

    Dans les pays de la Loire la situation est fluide. De petites entreprises traditionnelles du Nivernais ou du Berry disparaissent ou se spcialisent dans l'outillage bois, tandis qu'ailleurs se fixent des ateliers essaimes par Paris, Ainsi Amboise, Vendme, Chteaudun o ds 1938 les Ateliers G.S.P. se sont installs (taux-limeurs)- Si Vierzon a vu pricliter en 1958- 1959 son industrie des machines-outils 61 comme celle des machines agricoles, la Guerche Stockvis monte, une usine, Moulins se dveloppent deux entreprises de tours: automatiques. C'est plus l'ouest, cependant, Oholet, que se trouve la principale usine franaise de tours parallles, l'tablissement d'Ernault-Batignolles, implantation heureuse pour cet actif foyer industriel.

    Get essor assez gnralis contraste avec le dclin relatif du Nord dans le domaine de la machine-outil. Les petites entreprises de la rgion lilloise ont abandonn la construction C2. Ne subsistent que six usines, concentres dans le bassin de la Sambre, avec 700 ouvriers seulement. Dlaissant les

    61. La Prcision Moderne, qui fabriquait des machines tailler les engrenages, a vendu ses btiments de Vierzon et cd ses licences aux Chantiers de la Loire Atlantique.

    62. Les tablissements Pouille, d'Armentires, ont cd au groupe Schneider (usine de Saint-Etienne) leur fabrication de machines scier.

  • INDUSTRIE FRA.XCASE LA MACHIXE-OUTIL 31

    -. feriremor)t ' CTULHIJUSE

    Plus de 500 salaris ede300500 ode -- Moins de 100

    NOTA Pour I 'explication des numros placs

    ! pres des villes, voir \ la lgende ci-dessous

    Fig. 4. Rpartition gographique des Usines de Machines-outils mtaux. Principaux tablissements: 1. Sculfort-Fockedey Vautier; 2. Lisse; 3. Lin et Jost;

    4. Tours Titan; 5. Ateliers G.S.P.; 6. Machines-outils SOMUA; 7. Bret; 8. Constan; 9. Innovations mcaniques; 10. Ateliers G.S.P. ; 11. Ernault-Batignolles ; 12. Loire- Normandie; 13. Ramo; 14. Rouchaud et Lamassiaude; 15. Socit bourbonnaise de M.O.; 16. Vallourec (Ateliers de Montbard) ; 17. Machines-outils SOMUA; 18. Spiertz; 19. Socit alsacienne de CM. ; 20. Manurhin ; 21. Vernet ; 22. S.F.A. Creusot ; 23. Ch. Berthiez; 24. Gambin; 25. Billaud; 26. Crouzet; 27. Cornac; 28. Vernier; 29. Gendron; 30. Sydric (les deux derniers, dans l'agglomration lyonnaise),

    (Les noms en italiques sont ceux des constructeurs M.O.D.).

  • 32 J. BIENFAIT

    productions plus labores, dans la ligne habituelle de la mtallurgie nordiste, ces entreprises se consacrent au matriel de srie, pressses mcaniques et tours parallles. Sculfort-Fockedey se range parmi les 16 principales firmes franaises de machines-outils.

    L'Est tmoigne d'une plus grande vitalit. L'hritage des traditions mtallurgiques bourguigonnes et comtoises n'est pas ngligeable : Dijon est ainsi devenu un centre important de fabrications spcialises (presses et cisailles). A Montzeron, en Terre-Plaine, SOMUA toffe actuellement une usine intgre, voue la fabrication des fraiseuses (transfre de Saint-Ouen)- La prsence autour de Montbliard et en Alsace d'une puissante industrie mcanique n'est pas trangre au succs des grands constructeurs que la proximit de l'ALemagne et de la Suisse, la pointe des techniques de la machine-outil, semble d'ailleurs stimuler. L'Alsace runit sinon la plupart des usines une vingtaine du moins la plus grande partie du personnel (3.6X) salaris) de la rgion de l'Est. Trois usines y emploient plus de 3J) personnes.

    A Graffenstaden, la Socit Alsacienne de Construction Mcanique est la seule usine franaise de machines-outils utiliser les services de plus de 1.030 travailleurs. Les btiments assez vtusts de cette entreprise, situe le iong de 1, contiennent un outillage largement reconstitu au titre des Rparations. L'usine construit des tours, des fraiseuses, des alseuses, dont la qualit a permis quelquefois de concurrencer Allemands et Suisses sur leurs propres marchs. A Strasbourg, Spiertz, depuis 1918, est le grand fournisseur national des industries utilisatrices de tles, montant prs de la moiti des presses mcaniques de fabrication franaise. Elle est, d'ailleurs. dans le secteur des M.O.D., la seule entreprise occupant plus de 50 ouvriers- A Mulhouse, enfin, Manurhin ne se limite plus sa spcialit, les machines de cartoucherie, mais construit des tours automatiques de dcolletage, des rectifieuses, des presses. Malgr ses moyens, Manurhin a hsit se vouer la machine-outil. C'est ainsi que la licence d'une rectifieuse polygonale a t cde la firme allemande Fortuna, Manurhin prfrant se lancer dans la fabrication dcevante du scooter allemand DKW! Exemple significatif des incertitudes de l'industrie franaise de la machine-outil, chez l'un des constructeurs les mieux arms pour russir (40 % de sa production est exporte).

    Autour de Saint-Etienne et de Lyon s'est difi un autre ensemble qui ne le cde pas en importance au groupe de l'Est, surtout si on lui adjoint ses annexes rhodaniennes et alpestres. Le bassin stphanois est nettement domin par l'tablissement de la Chalassire de la S.F.A.C, en plein essor- II labore de puissantes machines spciales (tours verticaux, raboteuses et mme une fraiseuse-alseuse de 215 tonnes) ! Le sur mesure se retrouve chez Berthiez, Givors. Fonde en 1916, pour fournir l'armement des tours verticaux, cette entreprise est passe en 1934 sous le contrle de Fives-Lille qui lui loue les ateliers de Givors. La prcision dans l'normit est ici le mot d'ordre puisque l'usine construit des machines de 10 150 tonnes destines fabriquer au 1/100" de millimtre. Ses tours verticaux grande puissance ne rencontrent gure de concurrence en Europe, aussi Berthiez en

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 33

    expdie-t-il les 2/3 l'tranger, voire 90 % au moment de la guerre de Core, qui lui valut de fructueuses commandes au Japon.

    L'incontestable supriorit technique n'est pas toujours suffisante, cependant, pour conserver un march, et Berthiez se rsigne tirer parti de ses licences.

    A Lyon, les caractres de l'industrie de la machine-outil sont assez diffrents. Des 14 fabricants, 4 seulement emploient plus de 50 salaris. Issus pour la plupart des quartiers de la Part-Dieu ou de la Guillotire la place de l'Abondance demeure le cur du commerce de l'outillage ils ont essaim vers Monplaisir et surtout Villeurbanne et se spcialisent plutt dans le petit matriel (perceuses, taux-limeurs) 63. Les tablissements Gendron, fabricants de rectifieuses de haute prcision, se sont cependant levs rcemment au rang des grands constructeurs. Leur chiffre d'affaires les classe mme parmi les cinq premiers.

    Principaux Etablissements des secteurs M.O.E. et M.O.D. Lyon- Villeurbanne.

    M.O.E: 1. Gendron, S.A.; 2. Deragne; 3. Chomienne ; 4. Perrelet ; 5. Milion ; 6. Sozet; 7. S.E.R.M.; 8. Sydric.

    M.O.D. : 9. Chanay-Maitrot; 10. Bron- del; 11. Picot; 12. Perret; 13 Favrin; 14. AIlard-Latour.

    M.O.E,M-OD- 4 Moins de 100

    Gr Voles urbaines

    Fig. 5. Usines de Machines-outils de l'agglomration lyonnaise.

    On retrouve Grenoble une industrie de la machine-outil dveloppe dans des conditions assez semblables. Presses, machines meuler sont produites par quelques entreprises qui procdent des fabrications d'outillage du Bas- Dauphin, elles-mmes fondes sur la vieille rputation des aciers de l'avant-pays alpin.

    La grande rgion lyonnaise, avec ses 31 usines de machines-outils, ses 2.6C0 salaris, a donc une position solide. Depuis peu se prcise encore l'attrait de l'axe rhodanien une usine de tours d'horlogerie est installe

    63. Certains d'entre eux (Brondel par exemple) travaillent plutt pour l'industrie de la cblerie, et ne relvent donc que partiellement du secteur de la machine-outil. Ajoutons que Berliet construit occasionnellement son outillage. Cf. Michel Laferrre, Lyon, ville industrielle. Presses Universitaires. I960.

  • 34 J. BIEJNTFAIT

    Valence et surtout de la Savoie. La prsence d'une active industrie du dcolletage, la proximit de Genve, l'un des grands centres suisses de la machine-outil, et aussi la beaut des sites, qu'il ne faut pas ngliger puisque risquons ce mauvais calembour le cadre attire les cadres , destinent cette rgion un essor certain, par cration ou dcentralisation d'ateliers, 8 usines et 450 ouvriers y travaillent dj. La venue de Gambin Viuz-en-Sallaz, sur les confins du Chablais et du Faucigny est particulirement significative. 320 personnes y fabriquent actuellement des fraiseuses et non des tours de dcolletage , dans un village situ 600 mtres d'altitude. Cette spectaculaire migration vient confirmer la vocation du croissant

    1

    Fig. 6 R partition de lu main-d'uvre pour l'Industrie des Machines-

    / I outils par dparte?nents en 1959 (pour 221 tablissements).

    > "

    Y.

    LEGENDE

    Pius de 5000 saleni de 0005000 de 501 1000 wm de 20i 500 ?:O3 de 101 200 1 Moins de 100

    fertile des industries mcaniques de prcision, moul sur l'arc alpin, de la Bohme au Pimont.

    A travers le reste de la France se dispersent encore une bonne dizaine d'entreprises, avec 900 ouvriers. Le Sud-Ouest, o l'industrie aronautique a suscit quelques crations, l'emporte sur le Midi Mditerranen, o Nice clipse Marseille, paradoxe aisment explicable pour une industrie de ce type. Les ports sont d'ailleurs plutt dmunis. La Basse-Loire voit pourtant se raliser actuellement des transferts l'avenir prometteur. A Niort, Limoges, Castres trois usines moyennes se dveloppent rgulirement.

    Peut-tre gardera-t-on de ce tableau l'impression d'une dispersion gographique relle. Certes, en 1960, 45 dpartements, bientt 47

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHIXE-OUTIL 35

    coiisti'uisent ds machines-outils mtaux. Mais trois seulement emploient plus de 1.000 personnes, tandis que 22 en retiennent moins de 100. La rgion parisienne, l'Alsace, le triangle Saint-Etienne-Lyon-Grenoble, le sillon de la Sambre et quelques foyers isols, en Savoie, Dijon, Albert, Lisieux, Chteaudun, Cholet. Castres runissent 90 /o des effectifs. Toutes les usines utilisant au moins 250 salaris y sont fixes. Dans 24 dpartements, au contraire, aucune unit n'atteint le chiffre de 100.

    On peut d'ailleurs entrevoir, depuis dix ans et surtout depuis 1957, une ten flance relle l'essaimage. La province grignote lentement la suprmatie parisienne. Le cas de Gambin est certes exemplaire. L'installation en Haute-

    Fig. 7 Principales modijications intervenues au cours des dernires annes dans la localisation gographique de l'industrie de

    la Machine-Outil.

    OPERATIONS DE DECENTRALISATION ;_-. . acheve - m en cours Usine ferme et; reconverti::

    rtie ('; Usine on cours d'installation I l.c" nom' d"s enirspriscs sont rentes

    en caractres droits )

    Savoie permettrait le regroupement en une usine modle de trois ateliers disperss dans la proche banlieue de Paris. Outre une plus grande cohsion au sein de l'entreprise, une ambiance favorable la recherche technique tait recherche- Et la main-d'uvre pouvait tre complte dans un milieu consciencieux haute vocation mcanicienne. A la Guerche-sur-Aubois, Stockvis n'hsite pas envoyer en Berry 40 spcialistes parisiens ; Pinchart- Deny quitte le Bas-Montreuil pour Sens...

    Les oprations de dcentralisation ne se traduisent d'ailleurs pas obligatoirement par un saut dans la chlorophylle .

    Le milieu industriel prexistant semble souvent ncessaire. SOCOMO quitte Suresnes, mais pour Feuquires-les-Lens o les Houillres ont la fosse 6 des btiments disponibles. SAGEM transporte ses fabrications d'Argenteuil Montluon pour faire travailler une usine de repli. SOMUA compense la perte de Saint-Ouen par l'agrandissement de Lisieux et de

  • 36 J. BIENFAIT

    Montzeron. Tout naturellement, la machine-outil relaie des activits mena- nes, sur la Basse-Loire, par exemple. A Nantes, Loire-Normandie regroupe la construction des presses auparavant ralise Saint-Denis, et, Saint-Nazaire, Loire-Atlantique installe auprs de chantiers dont les cales se vident un atelier de machines-outils. Reconversions, mais bien hsitantes, quelque peu symboliques, signe de compensation plus que de progression 64. En raison de sa mdiocrit mme, l'industrie de la machine- outil se dplace plus qu'elle ne s'accrot.

    Croissance et problmes., i e l'industrie de la M-O.

    Le rle de l'industrie de la Machine-outil est d'assurer le dveloppement et, en tout cas, le renouvellement du parc des industries utilisatrices. Aprs 1945, il s'agissait d'une vritable opration de rajeunissement, entreprendre de toute urgence, puisque l'ge moyen des machines-outils en service s'levait vingt-cinq ans (vingt ans pour l'automobile, treize pour l'aronautique). Prs de 9 ^o de l'outillage remontait plus de cinquante ans! Sur les 180.000 machines ncessaires, 140.0C0 pouvaient tre construites en France. Cependant, le Plan Monnet ne jugea pas utile d'inclure cette industrie-clef dans le groupe des activits de base, bnficiant des crdits d'quipement. Aprs un redressement rapide, la production plafonne bientt, jusqu'au moment o la guerre de Core vient, pour un temps, la stimuler fortement (15.030 tonnes en 1945, 38.500 en 1947, 36.300 en 1950, 48.650 en 1952). En sept ans, de 1946 1952, la production s'lve au total 226.000 tonnes, dont plus de 62.000 sont exportes 65- Mais les importations reprsentent 164.000 tonnes 66. Les 180.000 machines nouvelles sont bien l, mais l'industrie nationale n'en a construit que 10.0067.

    A peu prs satisfaisants sur le plan quantitatif, les rsultats ne le sont pas qualitativement. En 1952, l'quilibre dans la mdiocrit de l'avant-guerre semble retrouv, production, importations, exportations ayant tout simplement t peu prs multiplies par deux.

    En tonnes : 1938 1952

    Production 30.C00 48650

    Importation 9.300

    19.100

    Exportation 7.900

    16.300

    Malgr l'appoint massif de l'tranger, le rajeunissement du parc reste

    64. L'usine de Saint-Nazaire va employer 140 personnes, principalement des femmes. A Vierzon, Precimo en utilisait 200, aux mmes fabrications!

    65. Dont 31.300 pour Jes annes 1951-1952. 66. Dont 83.400 pour les annes 1946-1947. 67. Le poids moyen d'une machine-outil est lgrement suprieur deux tonnes.

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 37

    insuffisant. 53 % des machines ont plus de vingt ans, contre 66 % en 1 942 68 La pyramide des ges ne laisse pas d'tre inquitante:

    Nombre de M.O. En pourcentage :

    30 ans et plus 20 30 ans 10 20 ans

    moins de 10 ans

    1942 600.000

    32 38 17 13

    1952 5S0.0CO

    36 17 17 30

    Durant la priode d'application du Plan Monnet, en effet, les achats de machines-outils neuves n'ont pas reprsent plus de 2 % du chiffre d'affaires des entreprises, moins qu'en Allemagne ou qu'aux Etats-Unis dont les industries mcaniques, au sortir de la guerre, sont autrement quipes !

    C'est pourquoi, constatant ce retard des activits transformatrices, le Deuxime Plan de Modernisation et d'Equipement envisage alors d'encourager leur rquiment par des mesures fiscales facilitant les amortissements acclrs et mme l'autofinancement. A son terme, la proportion des machines-outils de moins de dix ans devrait s'lever 48 %.

    Mais il et fallu que l'industrie de la Machine-outil portt sa capacit de production 6 tonnes. L'irrgularit des comniandes ne l'incitait gure cet effort 70. Pas davantage le blocage des prix frappant, entre 1952 et 1957, les biens d'quipement.

    Aussi assiste-t-on une surprenante stagnation : 38.000 tonnes en 1954, 45.800 en 1956. En quatre ans 1953-1956 la production ne dpasse pas 168 .000 tonnes. 83.000 sont introduites en France tandis que les ventes l'tranger restent infrieures 39.00. Le march a pourtant absorb 1.00 machines et le parc se trouve rajeuni, si les objectifs du Plan ne sont pas pleinement atteints.

    Proportion par tranches d'ge des M.O- du parc

    plus 1952 1957

    Moms de 10 ans 30 % 38 %

    10 17 18

    20 ans % %

    20 ans 53 44

    et %

    II faut d'ailleurs se garder d'exagrer le caractre vtust de l'quipement national. L'industrie automobile ou l'Aronautique n'ont rien envier leurs concurrentes trangres. Mme, dans l'ensemble du secteur de la

    68. 20 % aux Etats-Unis; 31 % en Allemagne. 69. Cette lgre contraction provient de la mise en service de machines grande pro

    ductivit et de machines-transfert. 70. Une orientation des programmes gouvernementaux (armement, enseignement tech

    nique, entreprises nationalises) pouvait contribuer limiter ces -coup.

  • 8 . ' J. niEXFAIT . .'.

    transformation des mtaux, beaucoup de machines ges sont places en rserve. Une statistique des machines actives laisserait une impression sensiblement meilleure. Que dire enfin du matriel utilis par l'artisanat ou les ateliers d'entretien dont le rle directement productif est assez ngligeable 71.

    Le Troisime Plan se doit pourtant d'envisager une rnovation acclre du matriel des industries mcaniques. Avec un optimisme certain, il prvoit qu'en 1961 les machines de moins de dix ans rentreront pour moiti dans la composition du parc, celles de plus de vingt ans se trouvant ramenes 20 /c. 100.030 tonnes de machines nouvelles doivent tre introduites chaque anne sur le march.

    Il est dsormais assur que ces prvisions ne seront pas ralises. En trois ans, 158.400 tonnes ont t produites, 28000 exportes, 82.630 importes. C'est--dire que la consommation moyenne annuelle 71.000 tonnes est demeure trs infrieure aux 1O0.O0O tonnes escomptes. Il est encore prmatur de mesurer les consquences du coup de frein donn, en 1958, aux investissements.

    Le dveloppement de l'industrie de la machine-outil, assez vident, puisque la capacit de production des usines 69.000 tonnes est deux fois gale celle d'avant-guerre, ne saurait faire oublier son insuffisance. De 1946 1959, elle a t dans l'impossibilit d'assurer plus de 58 % des besoins des industries utilisatrices 72.

    Consquence d'une infriorit technique ? ou plutt de la structure de la profession aggrave par la sensibilit extrme du march ?

    La croissance de la production n'est rgulire qu'en apparence.

    (Eu tonnes) Production moyenne par anne Indice (194b: indice 100)

    1946-1950 5. 20!) 140 1951-1955 42.410 169 1956-1959 51-050 204

    Tableau trompeur. Crises et booms de courte dure se marquent sur la courbe de croissance avec une vigueur brutale. En 1954 la production est infrieure celle de 1947, exception dans les industries de la transformation des mtaux. En 1959, elle a dpass de 6% peine le niveau atteint en 1952, aux beaux jours de la guerre de Core! Paliers et dents de scie refltent bien l'amplitude des variations du march, mais les priodes de prosprit et de marasme se traduisent ici avec une particulire nettet.

    71. H convient d'ailleurs de signaler ici les incertitudes flagrantes des statistiques en ce domaine.

    72. 21 % de la production (592.000 tonnes) sont alls l'exportation, il est vrai, mais les ventes (129-000) n'ont reprsent, en poids, que 39 % des achats l'extrieur (330.000).

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL ,Y>-

    Lorsque la conjoncture est dfavorable, en effet, les utilisateurs ralentissent d'abord leur achats de biens d'quipement, freinant le renouvellemment de leur matriel. Les constructeurs ont donc du mal, sinon survivre, du moins assumer le progrs technique. Ainsi risquent-ils de ne pouvoir rpondre la demande, ni qualitativement, ni quantitativement, lorsque se retourne la situation.

    60

    55

    50

    45

    S 40

    35

    30

    25

    I; l5

    10

    IIM.O.E. III!

    II!

    U i - t- i

    PROD on TOTALE

    9454647 4849 5051 52 53 5455 5657 50 50

    Fig. 8. Production des Machines-outils mtaux.

    L'talement dans le temps des investissements raliss par les industries mcaniques serait souhaitable, d'autant que la rsiliation des commandes, en un domaine o les dlais de fabrication sont, en moyenne, de l'ordre de neuf mois, est toujours lourde de consquences et qu'il est ncessaire de concevoir, mme en priode de mvente, des modles toujours plus perfectionns.

    Si les faonniers et sous-traitants annulent tout naturellement leurs commandes aux premiers signes de rcession, il est beaucoup plus grave d'observer un comportement analogue chez les entreprises qui, travaillant pour l'Etat, craignent un resserrement des crdits budgtaires. Ce sont les incer-

  • 40 J. BIENFAIT

    220

    200

    180

    160

    140

    120

    100

    80

    60

    40

    20

    0

    Indice=100 A en 1946 ^ / N

    //

    / \^ / v/

    / / *"

    F*

    \

    \ y ^ s\

    1 1 I 1 1 1 I 1

    / \

    / /

    \

    i H-i 1 1946 47 48 49 50 5! 52 53 54 55 5.6 57 58 59

    Fig. 9. Machines-outils mtaux. Evolution compare des courbes de consommation, d'emploi

    et de production de 1946 1959.

    titudes politiques et financires de 1958 qui expliquent la crise de 1959 73.

    Production 74 Commandes (en tonnes) (en millions de francs)

    1er semestre 1958 28.695 29895 1er semestre 1959 25730 (10,4 %) 26.580 (11,1 %)

    73. Les constructeurs travaillaient sur des ordres passs depuis plus d'un an. Paradoxalement, l'anne 1958 a vu, grce la rduction des dlais de livraison, la plus forte production jamais ralise (55.055 tonnes).

    74. La ncessit de conserver un personnel qualifi explique la rduction modre des

  • INDUSTRIE FRANAISE DE LA MACHINE-OUTIL 41

    Cette extrme sensibilit n'est pas particulire l'industrie franaise de la machine-outil. Mais plus que ses partenaires, elle peut craindre la conjonction d'une rcession interne et de la concurrence externe. On comprend la prudence des professionnels et leur souci de ne lancer que des fabrications peu prs assures d'un avenir. Dans ces conditions, l'importation demeure une ncessit.

    La production nationale, en effet, n'est pas parvenue couvrir plus de 60 % des besoins normaux du march. En 1957, anne de prosprit, peine 56 %, en 1959, anne de crise, prs de 65 %; ce qui semble signifier qu'en conjoncture favorable, l'industrie de la M.O. ne peut absorber qu'une partie des commandes supplmentaires, en raison de moyens insuffisants, que les oscillations de la demande n'invitent pas accrotre, sinon trs prudemment.

    La gamme des fabrications demeure incomplte. 85 % seulement des modles peuvent tre construits en France, assure-t-on, contre les deux- tiers il y a seulement quelques annes. Dans le domaine des les lacunes ne concernent plus gure que des machines trs spciales, des rectifieuses surtout. Elles sont plus nombreuses dans l'autre secteur en dpit d'une amlioration marque 75. S'il n'existe pratiquement pas de limites techniques, le vritable obstacle au lancement de machines nouvelles est d'ordre financier. Il est moins rentable d'assurer l'tude, puis la construction d'une unit spciale que de la commander un constructeur tranger dj rompu cette fabrication- C'est pourquoi, frquemment, l'industriel est aussi importateur, non seulement parce qu'il ne songe pas financer des prototypes, ne pouvant investir sans garanties suffisantes d'amortissement, mais encore parce que l'importation ne va pas sans avantages. L'Etat porte sa part de responsabilit. La lgislation conomique n'a gure jusqu' prsent encourag le dveloppement de cette industrie. L'arsenal protectionniste, en tout cas, n'a pas jou ici son rle habituel 76. Il est piquant de constater que les grands pays industriels autres que la France protgent efficacement leurs fabrications de biens d'quipement et n'achtent l'tranger que des machines spciales 77.

    effectifs (19.615 contre 20.035), de l'ordre de 2,1 %. Certaines entreprises ont nanmoins disparu. C'est le cas de Precimo, entreprise moyenne de Vierzon, constructrice de machines tailler les engrenages. Bien souvent d'ailleurs, le matriel de finition, le plus coteux, est le plus lourdement frapp par la mvente et les entreprises qui le construisent sont plus fragiles. En 1955, la MOPCO, usine de rectifieuses de Saint-Quentin, a connu le mme sort.

    75. La part des M.O.D. dans la production totale s'est leve de 36 % en 1954, 38 % en 1959, mais l'augmentation des emplois de la tle emboutie explique le maintien d'un fort courant d'importations.

    76. En 1957, la taxe tait de 6 22 % ad valorem, contre 30 % pour les automobiles. 77. Ainsi l'Allemagne de l'Ouest a bien achet, en 1957, 13.700 tonnes de M.O. Mais

    moins de 9 % des machines installes cette anne-l dans ses usines taient d'origine trangre. Aux Etats-Unis, la loi interdit de fabriquer du matriel d'armement avec des machines d'importation.

  • 42 J. BIENFAIT

    D'autre part, si la carence des constructeurs impose le recours l'extrieur, le prestige des grands constructeurs internationaux joue aussi en faveur de l'importation. Dans le domaine des machines-outils, le slogan : achetez franais se heurte toujours la rputation de supriorit technique des Suisses, des Allemands ou des Amricains, fortement ancre chez les industriels franais et chez leurs ouvriers. Les machines, trangres, autant que par ncessit, sont achetes en raison de leur qualit, relle ou suppose, et de leur prix.

    100

    80

    60

    40

    20

    M. -A CHINES CONSTRUITE

    EN FRANCE

    A H I N E S IMPORTEES

    1946 47 48 49 50 51 5? 53 54 55 56 57 58 59 Fig. 1!). Importai ion de Macbines-ontds en pourcentage

    de la consommation.

    En 1954, l'industrie nationale tait effectivement en retard. De nombreux fabricants, parmi les principaux, construisaient sous licence. Ainsi Berthiez sortait les presses Clearing, Spiertz les presses National, Ernault-Batignolles les tours multibroches de New-Britain et G. S. P. les tours Morey outils multiples- Ce n'est plus le cas dsormais. Le niveau technique est comparable et des licences comme des machines ; sont vendues dans le monde entier, du Japon aux Etats-Unis.

    Malgr une relle amlioration78, on ne peut en dire autant des prix pratiqus par les constructeurs. Certes, les machines amricaines ou suisses, voire britanniques ne sont pas meilleur march. Mais les Allemand, qui, en 1959, ont assur la moiti des importations de la France, conservent une marge confortable 79. Une machine-outil utilise par les usines d'automobiles

    78. En mars 1955, le Comit Boissard tablissait une diffrence de 30 % par rapport aux machines allemandes; une rectifieuse franaise cotait en Suisse 28 % de plus que la machine allemande quivalente. En 1957, les prix franais taient gnralement suprieurs de 20 30 % et mme 35 % par rapport certains modles britanniques trs standardiss. Les professionnels taient unanimes se dclarer incapables de soutenir la libre concurrence europenne, sauf harmonisation pralable des charges salariales et sociales.

    79. La concurrence des Japonais et des Tchques ne joue gure que sur les marchs extrieurs.

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    pour le perage du tambour de frein cote 169.000 NF en France, 77.500 DM en Allemagne de l'Ouest, c'est--dire que le prix franais dpasse : de . 78 % le prix allemand ! Ni les droits de douane, ni la taxe compensatrice, ni le contingentement, mme avant le trait de Rome, ne pouvaient sensible.ment freiner l'importation. Et pourtant, les constructeurs

    .,1 ]:;/

    Fig. 11 Localisation des Etablissements entrant dans les principaux groupements commerciaux.

    Etablissements de la Rgion Parisienne: 1. G.S.P. ; 2. S. P. M.; 3. Prcis; 4. Ernault- Batignolles; 5. Wermelinger; 6. Herckelbout; 7. Bombled; 8. S.I.O.M.E.; 9. SOMUA. (Voir la fig. 3 pour la localisation des usines).

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    considrent que leurs prix ne leur rservent qu'une marge bnficiaire rduite, ce qui restreint les possibilits d'autofinancement 80.

    Les importateurs profitent de la situation. Les machines ne sont pas, en effet, directement achetes par les utilisateurs, mais par dss spcialistes qui absorbent la diffrence des prix lorsque les droits de douane n'assurent pas une compensation suffisante. Une centaine d'importateurs, la plupart dans la rgion parisienne, les autres Lyon, sont les agents exclusifs des constructeurs trangers. Bien souvent leur chiffre d'affaires est suprieur celui des fabricants. Certaines firmes pratiquent d'ailleurs concurremment la construction et l'importation- Bliss a longtemps vendu plus de presses de fabrication amricaine que de fabrication franaise. Herbert, puissante socit de Coventry, et Stockvis, gros importateur de Rotterdam, sont installs en France. Un rseau d'accords se tisse au dtriment de l'industriel franais. Ainsi Fenwick avait le droit de vente exclusif des presses fabriques par Spiertz sous licence de la National Tiffin, que la socit importatrice reprsentait en France.

    Imbrication qui souligne la faiblesse commerciale des entreprises. Beaucoup vendent sur le march intrieur par l'intermdiaire des marchands de fers (Davum) ou d'outillage (Forges de Vulcain). Depuis 1945 cependant un regroupement des fabricants s'effectue dans le domaine commercial. Seule l'Association franaise des Constructeurs de Machines-Outils (AFMO), sous l'gide du groupe Schneider, assure les ventes de ses membres l'intrieur comme l'extrieur et s'accompagne d'accords techniques, voire de prises de participations financires 81. Les autres sont au contraire de simples groupements d'exportation, associant des firmes moyennes non concurrentes. Ainsi les Constructeurs-Exportateurs de Machines-Outils (CEMO) 82, le Comit technique priv (CTP) 83, ou mme l'Alliance des Constructeurs franais de Machines-Outils (ACMO), constitue autour des Ateliers G.S.P. 8I.

    L'exportation a suscit d'intressantes communauts d'intrts- Les rsultats ne sont cependant que modestes. Depuis 1946, les ventes l'extrieur se sont leves 9.200 tonnes en moyenne, c'est--dire peu prs 21 % de la production, non sans fluctuations d'ailleurs.

    80. De 1952 1957, priode au cours de laquelle matires premires et salaires augmentrent de 20 %, les prix intrieurs furent bloqus. A titre de comparaison, le prix de vente d'une 11 CV Citroen tait en 1956 l'indice 2730 par rapport 1938 tandis que pour les machines-outils l'ventail des prix s'tablissait entre 1500 et 2500.

    81. L'AFMO groupe douze constructeurs de machines-outils: S.F.A.C., Ernault-Bati- gnolles, SOMUA, Bourbonnaise de M.O., Bchet, Bombled, Cornac, Chambly, Lin-Jost, Prcis, SIOME, Wermelinger, qui runissent 3.500 salaris. En outre la S.F.A.C. a repris les fabrications d'anciens participants, MOPCO et Pouille.

    82. Chomienne, Herckelbout, Schmid, Titan, Vernier. 83. Billaud, Champion, Huard. 84. Ateliers G.S.P., Gambin, Ramo, Rouchaud et Lamassiaude, Sculfort-Fockedey,

    .P.M., Vernet (au total 2.500 salaris).

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    1946-1950 1951-1955 1956-1959

    Exportations Moyenne annuelle

    (en tonnes) 6.160

    12.330 9.085

    Pourcentage de la production

    17,5 29 17,5

    0 1946 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59

    Fig. 12 Evolution compare de la production, des importations et

    des exportations de Machines-outils (en pourcentage de la production).

    Sauf pendant la guerre de Core en 1951, 36,5 /o de la production furent exports leur niveau est demeur peu prs stable. Depuis 1948, il se situe habituellement autour de 8.00 10.000 tonnes (10.40 en 1959). Stagnation qui signifie recul relatif.

    Par rapport aux grandes puissances industrielles, les exportations sont bien rduites. Si l'on met part l'Union Sovitique, et les Etats-Unis dont

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    le march intrieur absorbe 96 % de la production et qui ne vendent plus gure qu'au Canada85, les principaux concurrents coulent ainsi une proportion deux quatre fois plus leve de leur production.

    Pourcentage de la production exporte (1957)

    France 18,8 % Royaume-Uni 35 % Allemagne Occidentale 43,4 % (56 % en 1953) Italie 53,8 % 86 Suisse 56,6 % Tchcoslovaquie 70 %

    La France demeure presque absente du march amricain :

    Importations de M.O. aux USA En pourcentage 1954 1957

    Allemagne Occidentale 34 34 Suisse 32 23 Royaume-Uni 15,5 22,5 Italie 5,5 10 Sude 6 6 France 4 2,5 Belgique 2,5 2

    Tard venue l'exportation, l'industrie franaise doit lutter contre un certain nombre d'habitudes et de prjugs en un domaine o, depuis longtemps, les rputations sont faites. Son matriel a acquis de remarquables rfrences sous l'angle de la prcision et de la qualit technique. Mais la vente s'en trouve entrave par un vritable partage du monde. Les Etats- Unis se rservent l'Amrique du Nord, le Royaume-Uni veille jalousement sur le Commonwealth, l'Allemagne et la Suisse se disputent l'Europe. Si bien que les exportations de machines franaises rsultent gnralement de contract bilatraux de troc (avec l'Espagne) ou suivent les oprations d'investissements raliss l'tranger par des firmes franaises, de l'automobile par exemple (au Brsil). Aussi n'existe-t-il gure de courants rguliers87.

    Les dlais de livraison trop longs, les prix trop levs beaucoup moins depuis la dvaluation de 1958 le crdit insuffisant font perdre des marchs potentiels 88. '

    85. En 1953, les ventes des USA reprsentaient encore 10,4 % des fabrications. 86. Comparaison particulirement instructive. La structure de l'industrie italienne, deux

    fois moins puissante, est assez comparable. Les importations reprsentent 54 % de la consommation, mais la spcialisation des firmes italiennes leur vaut une notorit mondiale (Ceruti-Torino, Innocenti).

    87. En 1959, Espagne et Brsil ont absorb 20 % des exportations, l'Allemagne Occidentale moins de 10 %.

    88. Les Finances n'ayant pas autoris certaines firmes franaises accorder l'Espagne des crdits de longue dure, celles-ci se sont vu prfrer les fournisseurs Anglais et Allemands qui proposaient des dlais de sept dix ans.

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    Les qualits de certaines machines autorisent des ventes dans les pays industrialiss : Japon, Grande-Bretagne, Allemagne Occidentale, o une incontestable supriorit technique fait passer sur les prix89- Les entreprises importantes, construisant du matriel trs spcialis, ont donc des taux d'exportation exceptionnellement levs. Ainsi Berthiez qui place l'tranger les 2/3 de ses tours verticaux, Manurhin (40 % de ses tours automatiques dcolletage), Lon Hur ou Gambin (40 % et 33 % de leurs fraiseuses). Il s'agit d'exceptions. Les producteurs de matriel plus classique ont moins de succs : Gendron exporte 23 /o de ses rectifieuses, Ernault- Batignolles et Cazeneuve respectivement 22 /o et 15 % des tours fabriqus.

    Mme les firmes les mieux places connaissent des difficults et prfrent quelquefois l'exportation la cession de licences des firmes trangres. Ernault-Batignolles l'a fait en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Espagne, aux Indes ; SAVIEM au Brsil, au Japon, en Grande-Bretagne ; Berthiez, Gendron ou Cazeneuve au Japon.

    Si les meilleurs ne craignent rien sur le plan technique en effet, il n'en va pas de mme sur le plan commer