L’indicateur ou comment faire simple quand on a toujours fait compliqué ?

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L’indicateur ou comment faire simple quand on a toujours fait compliqué ? Grégoire FEYT, enseignant-chercheur au Laboratoire PACTE-Territoires, Grenoble « D’où et à partir de quoi je parle » : Travaille depuis plus de 20 ans dans le domaine des SIG puis de l’information territoriale, y compris du côté territorial (détaché plusieurs années en collectivité+ expérience d’élu local notamment en interco et ). Continue à travailler avec des collectivités locales et territoriales sur ces questions , notamment via le suivi de stagiaires et d’apprentis dans le domaine du développement territorial souvent missionnés sur la mise en place d’observatoires et la production d’indicateurs. Réalisation avec E.ROUX en 2009-10 d’une étude sur les observatoires territoriaux pour le compte de la DATAR (ouvrage à la Documentation Française)

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L’indicateur ou comment faire simple quand on

a toujours fait compliqué ?Grégoire FEYT, enseignant-chercheur au Laboratoire PACTE-Territoires, Grenoble

« D’où et à partir de quoi je parle » :• Travaille depuis plus de 20 ans dans le domaine des SIG puis de

l’information territoriale, y compris du côté territorial (détaché plusieurs années en collectivité+ expérience d’élu local notamment en interco et ).

• Continue à travailler avec des collectivités locales et territoriales sur ces questions , notamment via le suivi de stagiaires et d’apprentis dans le domaine du développement territorial souvent missionnés sur la mise en place d’observatoires et la production d’indicateurs.

• Réalisation avec E.ROUX en 2009-10 d’une étude sur les observatoires territoriaux pour le compte de la DATAR (ouvrage à la Documentation Française)

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Préambule

Titre provocateur car réaliser un indicateur est tout sauf simple, étant donné que :

un indicateur doit être aussi simple que possible à comprendre

rien de plus compliqué que de faire simple.

Ce que je propose :

non pas de tenter de faire une leçon sur ce qu’est un indicateur

mais essayer de situer la notion d’indicateur dans une perspective qui est celle de ses usages effectifs.

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Il n’y a pas si longtemps « indicateur » désignait une personne qui faisait un bien vilain métier.

Aujourd’hui souvent présenté comme l’alpha et l’omega d’une best practise et d’une bonne gouvernance au service d’une smart policy.

Deux raisons suffisante pour s’interroger sur ce qu’est « vraiment » un indicateur cad sur à quoi cela sert vraiment car :

plus que tout autre chose, un indicateur n’a de pertinence que dans la mesure et tant qu’il sert

un indicateur qui indique à personne n’indique rien

L’indicateur, est un objet hybride difficile de le définir par ce qu’il est, de manière univoque, normée

Sans doute plus constructif d’essayer de le définir par les sens qu’on lui donne ou qu’il peut prendre, plus qu’à travers LA méthodologie d’élaboration et de mise en oeuvre

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Petit détour par l’étymologie et le sens courant

En allant du langage courant à l’usage technique :

emprunt au latin “indicator” signifiant accusateur

Mais déjà en 1853 Flaubert dans sa correspondance : « dispositif donnant une indication, un renseignement »

Un sens courant ambigu :•indicateur de position, de direction : quelque chose qui dit le vrai, qui donne la voie à suivre•indicatif : approximatif, de l’ordre de la suggestion

Ces deux termes du langage courant donnent déjà une idée de la tension attachée à la notion d’indicateur.

On peut rajouter une autre acception beaucoup plus récente mais dont on verra qu’elle renvoie aussi à la vocation de l’indicateur : Indicatif au sens de jingle, cad quelque chose de familier, de récurrent, d’attendu

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Une approche métaphorique: le tableau de bordUn parallèle qui permet des analogies intéressantes avec les diverses façons de donner à voir des données… car à la base il s’agit toujours bien de données ou de mesures

… mais qui postule que les « décideurs/conducteurs » regardent le tableau de bord

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Le compteur km

Une variable quantitative brute, objective qui fait sens pour tout un chacun.

Parce qu’elle est « pure » et objective, on peut lui faire correspondre des critères réglementaires, compris à défaut d’être admis par tous

Analogie avec des effectifs de pop., des nbs de logts sociaux, débits…

Le compte-tour

Formellement les mêmes caractéristiques que les km/h

Mais ne fait pas sens pour tout le monde (qui regarde son compte-tour ?)

Une donnée qui reste figurée à l’état de mesure mais destinée à des « déjà initiés » (sans forcément être expert).

Ex : valeur locative, taux de micro-organismes ou de particules…

La température du circuit de refroidissement est formellement du même type mais elle commence à être représentée de manière indicative de façon à mettre en évidence ce qui est fait et ce qui reste à faire.

La jauge d’essence 

De plus en plus indicative : pas d’unité

Les pictogrammes

Des indicateurs d’alerte et uniquement d’alerte renvoyant à des notions évidentes (essence) mais aussi ésotérique (freins) : qu’importe, parce que je fais confiance au concepteur de la voiture, je m’arrête ou je vais au garage

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Trop d’indicateurs tue l’indicateur• Même statut pour la portière mal fermée (indicateur binaire) que pour le

problème d’allumage (indicateur très élaboré intégrant les données de plusieurs capteurs)

• Face à ce tableau de bord, soit on vit dans l’angoisse permanente soit on ne fait plus attention.

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On vit (vivait) bien sans indicateur• Les indicateurs répondent à l’accroissement de la complexité• … mais ils n’améliorent pas forcément la fonctionnalité.

Quoi qu’il en soit, l’enjeu est de faire en sorte que le tableau de bord soit regardé…et les informations qu’il fournit prises en compte

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Morale du préambule• Si la conception d’un indicateur peut (et doit) procéder d’une

démarche rigoureuse et formalisée, en revanche sa définition est beaucoup plus floue.

• Les formes que peut prendre un indicateur vont de la mesure sommairement « scénarisée » à l’évocation la plus symbolique (et pas uniquement au plan matière graphique)

• On imagine assez facilement que le contexte (sur quoi, quand, où, à destination de qui) et les fins (à la demande de qui, par qui, pourquoi) joue un rôle déterminant et vont faire qu’une combinaison de données quantitatives va (ou non) « faire indicateur ». 

Plutôt que de partir de définition technique, on va prendre l’exemple d’un indicateur universellement connu et respecté (…mais jusqu’à quand ?) au point d’être rentré dans les manuels scolaires : l’Indicateur de Développement Humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)

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Un d’indicateur « qui a réussi » : l’IDH…Une valeur sans unité comprise entre 0 et 1, issue d’une formule combinant espérance de vie, PIB, taux de scolarisation (modifiée en 2010).

Des résultats et des analyses fournies chaque année par le PNUD pour l’ensemble des pays du globe…

…attendues car permet de voir les évolutions dans le temps et entre pays, et aux pays de se situer les uns par rapport aux autres

Créé au début des années 90 dans l’objectif d’apprécier les écarts de développement autrement qu’à l’aune du seul PIB…

…dans un contexte (géo)politique particulier : effondrement du bloc communiste, triomphe d’une forme « d’humanisme libéral », « fin de l’histoire » (cf l’économiste américain Francis Fukuyama)

Un indicateur parfaitement subjectif (pourquoi pas le taux de population carcéral comme marqueur?), divisant explicitement le monde en 3 catégories (les pays occidentaux, les PVD, les PMA)…

… mais pourtant pas contesté car –politiquement – pas contestable.

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Mais qui vieillit dans un monde qui change

Le monde de 2013 n’est plus celui de 1990

L’IDH commence à être remis en cause par des pays émergents (cf sites gouvernementaux algériens, marocains…) sur la base d’arguments méthodologiques qui étaient déjà valables en 1990 mais « indicibles ».

Les indicateurs sont donc périssables, ce qui n’est pas vrai des descripteurs statistiques

Constat assez orthogonal à la culture et démarche scientifiques qui sont incrémentales :• quand il faut mettre à la poubelle une méthode ou un concept c’est qu’on s’était trompé, c’est une erreur voire un échec.• pour les indicateurs, l’erreur ou l’échec c’est de s’y accrocher quand il « n’accroche pas »

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Les indicateurs territoriaux : une approche formelle

Définition Wikipedia

•Un indicateur est un outil d'évaluation et d'aide à la décision grâce auquel on va pouvoir mesurer une situation ou une tendance, de façon relativement objective, à un instant donné et/ou pour un espace ou une entité donnée.•Un indicateur se veut être une sorte de résumé d'informations complexes offrant la possibilité à des acteurs différents (scientifiques, gestionnaires, politiques et citoyens) de dialoguer entre eux.•L’utilité d’un indicateur dépend d'abord de sa capacité à refléter la réalité, mais aussi de sa simplicité d'acquisition et de compréhension.

Définition IFEN :

“un indicateur peut être vu comme quelque chose qui simplifie l’information en provenance de phénomènes complexes, et qui la quantifie de manière à la rendre significative à l’échelle désirée.”

Et on peut ajouter « en fonction du contexte dans lequel il est produit et des acteurs auxquels il est destiné »

Indépendamment du fait qu’un indicateur « marche » (soit calculable ou représentable), la question centrale est donc à quoi il sert et à/dans quelles conditions?

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Sans doute, deux familles d’indicateurs

« L’objet transactionnel » entre spécialistes

Une pratique à rapprocher du développement des observatoires partenariaux (cf étude DATAR) qui a montré que processus partenarial se traduisait par  :

– une intégration « par le bas » : on intègre des données d’origine très diverses (des choux et des lapins)– (moins souvent) une intégration « par le haut » : pour dialoguer voire collaborer les praticiens construisent des indicateurs qui vont le plus loin possible dans une intégration cohérente des choux et des lapins.

ça peut permettre de produire des indicateurs qui jouent pleinement leur fonction « d’esperanto » entre techniciens mais qui sont souvent difficilement utilisables avec élus et habitants.

La richesse et intérêt réside finalement plus dans le processus qui a conduit à l’élaboration de cette « cristallisation » de sens partagé que dans l’indicateur lui-même.

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Un outil de dialogue entre experts et non-experts

La problématique est alors différente :

Jusqu’où le technicien/spécialiste/scientifique accepte d’aller dans la schématisation/simplification/dégradation de son expertise pour produire quelque chose non seulement de compréhensible par un néophyte mais dont le néophyte puisse s’emparer dans la discussion…

… même mal à propos :– si on élabore un indicateur pour alimenter débat entre élus ou acteurs et qu’un élu s’en empare dans la discussion, c’est gagné– et en allant plus loin, même si l’élu n’a pas vraiment compris le sens de l’indicateur et s’en sert à contre-emploi mais néanmoins à propos, on ne va pas le démentir.

L’usage de l’indicateur peut amener aux limites déontologiques des cultures professionnelles scientifiques et techniques, et sur les rivages de la communication politique.

Si l’indicateur est un objet hybride, la culture et posture professionnelles requises par son usage l’est aussi

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En guise de conclusion

L’Indicateur comme une alchimie

Pour produire la potion, il faut : la bonne recetteles bons ingrédientsles bons ustensilesle bon coup de main

Mais pour qu’elle produise son effet auprès des « non-initiés », il faut :• qu’ils croient dans l’alchimie il y a une responsabilité professionnelle collective quant à la qualité des indicateurs• qu’ils voient l’alchimiste les techniciens doivent venir au contact des acteurs auxquels leurs indicateurs sont in fine destinés• qu’ils croient dans l’alchimiste la « mise en scène » de l’indicateur est nécessaire à son appropriation