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L’image des jeunes

les mé d i a sdans

Préface

M. Loïc Hervouet (directeur de l’école supérieure de journalisme de Lille)

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée françaiseÉtude de Maxime Drouet

• Introduction : une étude pour débattre . . . . . . . .

• La parole des jeunes . . . . . . . . . . . . .- Caractéristiques de la parole des jeunes . . . . . . .- Valeurs de la parole des jeunes . . . . . . . . . .

• La parole des adultes à propos de la jeunesse . . . . . . .- Une prédominance du regard professionnel . . . . . . .- Les professionnels et l’angle thématique . . . . . . . .

• Les dénominations de la jeunesse . . . . . . . . . .- Lorsque le jeune se confond avec l’enfant . . . . . . .- La jeunesse comme tranche d’âge scolarisée

(collégien, lycéen et étudiant) . . . . . . . . . .- Lorsque jeune est assimilé à danger, à délinquance . . . . .- Rappel sur la protection de l’identité et particulièrement

de la jeunesse . . . . . . . . . . . . . .- Une stigmatisation liée à la technique télévisuelle . . . . .

• Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . .- La jeunesse dans le contrat d’information télévisée . . . . .- La jeunesse, une double exclue de l’information . . . . . .

Sommaire ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ ▼

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Avant-propos ▼ 5

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▼ ▼ ▼

Actions et propositions de la commission

• Des rencontres pour comprendre et sensibiliser . . . . . . . .- Audition de deux membres du Conseil national

de la jeunesse au Conseil économique et social . . . . . . . .- Deux rendez-vous au CSA . . . . . . . . . . . . .- Participation d'une délégation de la commission jeunes

et médias à l’université d'été de la communication d'Hourtin . . . .- Rencontre entre le CNJ et des étudiants de l’école supérieure

de journalisme de Lille . . . . . . . . . . . . . .- Rencontres avec des professionnels . . . . . . . . . . .

• Les propositions . . . . . . . . . . . . . . . .1. Formation des journalistes . . . . . . . . . . . .2. Éducation aux médias . . . . . . . . . . . . . .3. Le rôle des associations : vers une agence de presse associative ? . . .4. Le CSA et la direction des chaînes . . . . . . . . . .

Annexes

• Structures ressources pour la lecture critique de l'information et / ou l'éducation aux médias . . . .

• Les raves de France 2Les journaux de France 2 et la question des raves : une étude de Mikaël Garnier-Lavalley (2001) . . . . . . . . . .

• Les conseils de la jeunesse . . . . . . . . . . . . . .

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Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 5

our nourrir sa réflexion, la commission jeunes et médias a, depuis sa création en

septembre 2000, entrepris une démarche de dialogue et de contact auprès des pro-

fessionnels des médias et a ainsi assuré le rayonnement de l’ensemble du Conseil national

de la jeunesse auprès de nombreuses instances et personnalités.

Elle a réalisé une étude sur les jeunes et les médias sous un angle original. En effet, si un

certain nombre d’analyses ou d’études abordent le thème de l’impact des médias sur les

jeunes ou de l’éducation aux médias, aucune ne s’est véritablement penchée sur la repré-

sentation, l’image des jeunes dans ces médias et particulièrement à la télévision.

Pourquoi les médias ne parlent-ils des jeunes en général qu'en termes négatifs, et carica-

turaux ?

C’est ce que la commission a cherché à mieux cerner, dans l’attente d’une recherche uni-

versitaire sur la question. L’étude de la commission jeunes et médias permet de lancer le

débat sur un sujet très sensible pour les jeunes.

L’image des jeunes dans les médias témoigne de ce travail mené pendant trois ans. Des ren-

contres et des discussions organisées autour de cette étude aboutissent aujourd’hui à un

certain nombre de propositions concrètes.

Avant-propos ▼ ▼ ▼ ▼ ▼

P

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 7

Préface ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ ▼

Jeunes et médias, même combat

llons-y, du procès le plus facile : les – vilains – médias (encore eux !) présentent une

image déformée (naturellement) de la – belle – jeunesse, par goût atavique du men-

songe, par esprit de lucre marchand, sinon par méchanceté ontologique. Tel est l'acte réqui-

sitoire qui aurait pu, explicitement ou non, sous-tendre la démarche du CNJ dans son travail

sur « l'image des jeunes dans les médias ». Or tel n'est pas le cas, loin s'en faut. Tous les par-

ticipants rencontrés dans cette démarche ont su ne pas appliquer aux médias la caricature

qu'ils en subissent tout de même parfois. Méritoire et salutaire méthodologie.

Voilà pourquoi je suis donc profondément heureux d'avoir participé à ces travaux et ces

échanges, d'avoir contribué à faire reculer le simplisme, la caricature, les préjugés, dont sont

en effet victimes, paradoxalement, et les jeunes... et les médias.

La France compte des millions de jeunes, indifférenciés dans cette appellation générique de

« jeunesse ». Ils n'ont pas globalement bonne réputation. Le Français moyen peste devant son

poste de télévision sur ces images de violence ou de « dépravations » le plus souvent retenues.

Les Français connaissent réellement « des » jeunes, qu'ils côtoient dans leur vie quotidienne,

et qui sont divers et variés. En fin de compte, le plus souvent, ils les aiment bien.

La France compte trente-six mille journalistes. Les Français les exècrent, globalement, ne leur

font pas confiance majoritairement, les critiquent... tout en les regardant. De nombreux

Français qui admirent Untel, ou qui connaissent personnellement tel ou tel journaliste les

adorent, et recherchent leur compagnie.

A

Paradoxes…

C'est que la première faute, en tout et toujours, est la généralisation. Il n'y a pas une jeu-

nesse, mais des jeunes. Il n'y a pas un journalisme, mais des journalistes. En directeur d'éco-

le de journalisme, je ressens également ce mauvais procès intenté aux jeunes… journalistes,

dont le dernier en date est celui du « formatage ». Je connais les quatre-vingt-quatorze

jeunes que l'ESJ « livrera » cette année au métier. Pas un n'est le clone de l'autre. Mais je sais

qu'on n'acceptera pas si facilement dans les médias, quoi qu'on en dise, leurs différences de

points de vue, leur variété de comportement, leur esprit critique, leur façon peut-être plus

spécifique de parler des jeunes.

Dès lors, un moment fort de nos rencontres a été cet échange sur la construction de l'image

des jeunes à la télévision, entre une promotion de l'ESJ et une délégation du CNJ. On y a ana-

lysé les risques de dérapages de l'information, d'exploitation politique, d'amalgame ; dressé

l'inventaire des faux remèdes, dont la politique de l'autruche, ou les seuls bons sentiments ;

esquissé des pistes de solutions quant à la prise de conscience collective des enjeux, au trai-

tement (pluraliste) de l'actualité « à froid », à la documentation et à la formation sur ces

questions.

Ainsi se mettent en place des convictions, des expériences et des méthodes pour éviter la

construction de stéréotypes, pour mettre en relation vraie des catégories sociales qui

s'ignorent.

Ainsi la démarche du CNJ, profondément juste, parce que concrète, modeste et pragmatique,

a rencontré celle qui devrait être la démarche journalistique du « dépréjugeur » (le mot est

de Diderot) : pas de lobbying, pas d'imprécations ou de procès d'intention, mais un appel à

la lucidité. Une lucidité qui concerne tout à la fois l'attitude des jeunes eux-mêmes, la res-

ponsabilité des médias, sinon la déontologie du téléspectateur.

Loïc Hervouet,directeur de l'école supérieure de journalisme de Lille

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Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 9

Maxime Drouet

a question de la représentation des jeunes dans les médias mériterait une étude

universitaire approfondie. En attendant la mise en œuvre de cette recherche, la

commission a ressenti le besoin d'argumenter ses propos. Deux membres de la

commission ont donc réalisé deux études en juillet 2001, l’une sur le traitement des

raves parties dans les journaux télévisé 1, l’autre sur le traitement de la probléma-

tique « jeunes » dans les magazines d'information et d'actualité.

Cette dernière étude, développée par la suite et présentée ici dans une version « allé-

gée », a ainsi pu servir de base de discussion lors des différentes rencontres des

membres de la commission avec des professionnels.

1. Cette étude est reproduite en annexe p. 73

Le traitement de la jeunesse

dans l’information télévisée française

L

10

’analyse qui va suivre a été réaliséepour le Conseil national de la jeunesse

(CNJ) par un des membres de sa commis-sion jeunes et médias, avec le soutien duministère de la Jeunesse, de l’Éducationnationale et de la Recherche.

L’idée était de comprendre et de définir letraitement des questions de jeunesse parl’information télévisée et de dégager alorsles problèmes soulevés par ce traitement.Cette étude a consisté en l’analyse d’uncorpus défini de 70 reportages 2 télévisésentre 1998 et 2002 et également du vision-nage de quatre mois de journaux télévisésde TF1 et France 2 entre mars et juin 2002.

Nous nous sommes attachés à analyser lamanière dont est présentée la parole desjeunes. Une autre de nos interrogationsportait sur la problématique d’une stigma-tisation d’une partie de la jeunesse. Dansles visionnages que nous avons effectuéss’est rapidement fait sentir le besoin decomprendre le rôle et la place des profes-sionnels de la jeunesse au sens large, c’est-à-dire de tous les adultes en contact avecles jeunes. Enfin, notre travail a débouchésur une remise en perspective de la placedes jeunes dans l’information téléviséefrançaise actuelle.

Voilà maintenant quelques années que leConseil national de la jeunesse travaille surla question du rapport entre les médias etles jeunes. Il s’est très tôt intéressé à laplace de la télévision puisque, pour denombreux participants (et de nombreusespersonnes en général), les jeunes se trou-vent, la plupart du temps, stigmatisés etque seule l'image négative d’une partie de

la jeunesse est médiatisée par la télévisioninfluençant du même coup la société dansl’image qu’elle peut avoir de la jeunesse.

Les analyses des membres du CNJ ont évo-lué au fur et à mesure des rencontres avecdes journalistes et des universitaires per-mettant d’affiner l'appréhension de la télé-vision. C’est dans cette continuité que sesitue cette étude. Elle ne cherche pas àadopter une posture uniquement critique etrevendicative, mais elle s’inscrit dans ladémarche voulue par les membres duConseil national de la jeunesse. Elle doitpouvoir servir de base de discussion sur lareprésentation, la place et le rôle desjeunes à la télévision aujourd’hui.

L’objectif se situe donc à plusieursniveaux. Cette étude est tout d’abord uninstrument de compréhension de la télévi-sion à la portée de tous et en particulierdes jeunes. On espère alors qu’elle pourraêtre une clé de compréhension, de décryp-tage pour ceux qui souhaitent et ressententle besoin de mieux comprendre le premiermédia, en termes d’audience, qu’est la télé-vision.

À cet objectif pédagogique vient s'ajouterun deuxième objectif, celui d’impulser uneprofonde réflexion associant acteurs de lasociété civile et journalistes sur la place del’information dans notre pays. Cette étudeserait alors un possible rouage d’une méca-

IntroductionUne étude pour débattre

L

2. Extraits des émissions suivantes : 52 sur la Une : le magazi-ne du grand reportage ; Sept à Huit ; Droit de savoir (TF1) ; Motscroisés ; Envoyé spécial (France 2) ; Ce qui fait débat ; Des racineset des ailes ; La marche du siècle (France 3) ; Arte reportage ;Thema (Arte) ; Capital ; Zone interdite ; Ça me révolte (M6). À cesémissions récurrentes, il faut ajouter les émissions spéciales etponctuelles.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 11

nique naissante. Ce deuxième niveau estcelui du dialogue à partir d’une expertisesérieuse.

Cette volonté de dialogue ne doit pas êtreconfondue avec une tentative d’ingérencedans la production journalistique.Considérer notre travail comme une basepour « améliorer l’image des jeunes » n’estpas pertinent. Car cela sous-entend dedemander aux journalistes de véhiculernotre image des jeunes, c’est-à-dire, en cequi nous concerne, l’image des jeunes telleque les militants associatifs la souhaite-raient. Or notre démarche n’est pas deremplacer une image existante par l’ima-ge rêvée ou la plus satisfaisante d’ungroupe social particulier. Ce lobbyingserait la porte ouverte à d’autres analysesdu même type. Les pompiers demande-raient une meilleure image, les personnesâgées révoltées de l’image des maisons deretraite, etc. Nous ne sommes pas là pourservir de parangons du politiquement cor-rect médiatique. Ce rappel nous paraîtnécessaire pour éviter tout malentenduquant aux finalités de cette étude et du tra-vail du CNJ en général.

Mais nous nous accordons avec MichelMathien lorsqu’il écrit : « En l’état actuel,il appartient à tous les acteurs concernéspar le processus général de la communica-tion de réagir et de participer à la réflexionsur l’avenir de l’information médiatisée. Nile “quatrième pouvoir”(ou contre-pouvoir !),ni le marché des annonceurs ou des publici-taires, ni même la logique commerciale etdémagogique de beaucoup d’éditeurs nesauraient se suffire, pour penser ou repen-ser son contenu 3. »

C’est que l’information est ancrée dans lasociété de manière non négligeable.Comme le souligne Dominique Wolton,« [elle] dépend de la confiance déléguée àdes individus non spécialistes, les journa-listes, pour raconter le monde tel qu’ils levoient à des centaines ou des millions decitoyens qui n’ont pas accès à ce théâtre

historique. Le monde tel qu’ils le voient etnon pas forcément tel qu’il est, pour descitoyens qui dépendent de toute façon decette information pour se faire une opinionet s’en servir ensuite dans l’exercice de leurdevoir de citoyen. Délégation et confiancesont donc au fondement de l’informationqui, en Occident, se trouve à l’interface del’histoire du monde et de l’action deshommes 4. »

Il ne faut pas oublier que les travaux duConseil se situent dans une logique poli-tique, une logique d’action. Notre pre-mier souci est bien de mobiliser les outilscritiques dans une perspective de chan-gement, de réforme. Mais le questionne-ment sur le rapport entre la critique et lespossibilités de changement n’a rien denouveau. C’est ce que Cyril Lemieux 5 rap-pelle : « Il y a longtemps que révolution-naires et réformistes se posent des questionsde ce genre : un changement dans l’ordrede la connaissance peut-il entraîner unchangement dans l’ordre de la volonté ? »

La perspective proposée par Cyril Lemieuxnous semble l’une des plus efficaces,puisque, pour lui, « les journalistes passentdu statut “d’adversaires en soi” ou “parnature” à celui de professionnels souscontraintes qu’on peut soutenir, par uneffort critique collectif qui les engage eux-mêmes, dans leurs tentatives pour recou-vrer un certain sens de la dignité profes-sionnelle et des responsabilités civiques ».Pour reprendre encore une fois des termesde Cyril Lemieux, nous avons la volonté denous inscrire dans « une critique publiquepertinente et non caricaturale du travailjournalistique ».

▼ ▼ ▼I N T R O D U C T I O N

3. Michel MATHIEN, « De la raison d’être du journaliste »,Communications et langages, n° 98, Éditions Retz, 1993.4. Dominique WOLTON, « Quels contre-pouvoirs au quatrièmepouvoir ? », Le Débat, n° 60, mai-août 1990.5. Cyril LEMIEUX, Mauvaise Presse. Une sociologie compréhensi-ve du travail journalistique et de ses critiques, Éd. Métailié, mars2000.

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Ainsi nous retenons la leçon de SergeDaney : « Comme la démocratie, l’informa-tion n’est pas un dû mais une pratique, pasun rêve mais une passion. Une chose estd’en vouloir à ceux “dont c’est le métier”de mal la faire, une autre est de com-prendre que cela dépend aussi de nous 6. »

L’exercice qui suit prend acte de cetteremarque : nous critiquons la fabricationet la diffusion de l’information, mais notretravail se veut suffisamment sérieux pourparticiper à une déontologie du téléspecta-teur. C’est que « le journaliste doit fairel’effort de comprendre le mécontentementdu lecteur, mais le lecteur, en retour, doitaussi faire l’effort de comprendre lescontraintes de travail du journaliste 7 ».

Nous restons dans une posture de téléspec-tateur. Notre objectif est de faire com-

prendre de manière argumentée les élé-ments qui amènent des incompréhensionsentre la jeunesse et les journalistes.

Nos premiers constats ont déjà commencéà porter leurs fruits. Nous espérons que lavoie continuera à se révéler fructueuse.Car, comme le remarque J.-M. Charon :« Le journalisme français n’a pas connud’âge d’or du point de vue de sa rigueurdéontologique, bien au contraire. Sur biendes aspects, il est même possible d’identi-fier des signes d’amélioration 8. »

a difficulté centrale réside déjà dansla définition de la jeunesse, objet

sociologique relativement fuyant. GérardMauger explique qu’ « il faut renoncer à larecherche d’événements frontières qui, enamont, sépareraient la jeunesse de l’enfan-ce (comme la sortie de l’école ou le départde la famille d’origine) et qui, en aval,marqueraient l’entrée dans l’âge adulte(comme l’entrée dans la vie active ou lemariage). Aux différentes définitionssociales de la jeunesse correspondent eneffet des agencements différents des prin-cipaux événements scolaires, profession-nels et familiaux. (…) Dans cette perspecti-ve, on peut considérer que la jeunesse estl’âge de la vie où s’opère le double passa-

ge de l’école à la vie professionnelle et dela famille d’origine à la famille de procréa-tion, la séquence de trajectoire biographiquedéfinie par l’insertion sur le marché du tra-vail et sur le marché matrimonial 9 ».

Mais nous sommes aussi confrontés auxdéfinitions de sens commun, reprises par latélévision et l’information télévisuelle quise font plutôt par rapport à une classed’âge, les « 15-25 ans ». C’est cette défini-tion que nous avons reprise finalementtout en opérant, si possible, une distinctionentre adolescents et jeunes adultes(majeurs et non majeurs).

La parole des jeunes

L

6. D. BOUGNOUX, « Devant la recrudescence des vols de sacs àmain », Sciences de l’information et de la communication,Larousse, 1993.7. Cyril LEMIEUX, « Critique du journalisme : comment repoli-tiser le débat ? » , Mouvements, nos 15/16, pp. 131-137.8. Cité par Gérard SPITERI, « De l’indépendance du journaliste »,L’Année sociologique, n° 2, volume 51, pp. 287-307, 2001.

9. Gérard MAUGER, Les jeunes en France : état des recherches,Paris, La Documentation française, 1994.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Lieu de vie Lieu d’études Lieu de travail Lieu associatif Lieu indéfini Lieu autre

Adolescents 30 % 20 % 0,5 % 5 % 43 % 1,5 %

Jeunes adultes 29 % 6 % 17 % 8 % 39 % 1 %

Adultes 24 % 2 % 45 % 5 % 4 % 20 %

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 13

Caractéristiques de la parole des jeunes

Nous avons d’abord choisi de décrire lesprincipales caractéristiques que nous avonspu relever concernant la parole des jeunesdans l’information télévisée, pour essayerensuite de comprendre les conséquences decette mise en image de la parole.

Les lieux Deux raisons principales rendent pertinentel’interrogation des lieux dans lesquels sedéroulent les entretiens. Ceux-ci influentsur l’interview et son déroulement. Lecadre joue un rôle dans l’interaction entrele journaliste et l’interviewé ; le lieu influesur l’interview et son déroulement et sur lareprésentation et la valeur que l’on accor-dera à l’entretien. Il participe à l’énoncia-tion du propos tenu.

À partir de notre corpus, nous avons doncdressé un tableau qui compare les lieux del’entretien selon l’âge de l’interviewé.

Le fait remarquable ici concerne l’impor-tance de lieux indéfinis dans les interviewsde jeunes. Il faut comprendre le lieu indé-fini comme indéfini par rapport à l’inter-viewé, sans rapport premier avec lui, unesorte de non-lieu, comme la rue, le métropar exemple.

La majorité des interviews de jeunes se faitdonc sur une topologie floue, mal définie.À l’inverse, les interviews des adultes sontbeaucoup plus ancrées dans un lieu recon-naissable.

Le cadre (la scène)Les reportages qui ont trait à la jeunesse sesituent dans des cadres ou scènes facilementrepérables : le cadre scolaire, domestique,policier, éducatif, amical ou associatif.

La scène scolaire se définit par tout ce quiconcerne les rapports des jeunes à leursétudes, à leur scolarité. La scène éducati-ve se différencie par le fait qu’elle se situehors du champ scolaire. La scène associa-tive se construit autour des actions desassociations de jeunes ou d’associationsqui s’occupent de jeunes. La scène domes-tique se construit autour d’acteurs entou-rant le jeune tels que la famille. La scèneamicale correspond aux interventions desamis des personnages centraux des repor-tages. La scène policière se caractérise parles rapports entre la police et les jeunes.

L’exemple du racket à l’école peut nouséclairer sur l’intérêt de différencier cesscènes. Parler du racket à l’école ne serapas la même chose si l’on se place sur lascène policière (intervention des policiers,procédures, enquêtes avec la BAC 10…), sur

Tableau des lieux d'entretiens

10. BAC : brigade anticriminalité.

▼ ▼ ▼L A P A R O L E D E S J E U N E S

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la scène domestique (vision des parents surle racket, comment protègent-ils leursenfants ?), sur la scène amicale (interviewde jeunes ayant eu des amis s’étant faitracketter) ou sur la scène éducative (travaildes éducateurs, etc.)

Les scènes scolaire, policière et éducativesont des scènes « régulées » par des profes-sionnels adultes. Les scènes amicale,domestique et associative seront pluslâches quant à la présence influente d’unadulte. Très majoritairement donc, lesreportages se situent dans un cadre où laprésence d’un adulte peut être influente.

Les personnes présentes Encore une fois deux raisons principalesnous ont amenés à retenir ce critère : lenombre de personnes présentes pendant unentretien influence les propos de l’inter-viewé et le regard avec lequel on peutconsidérer la parole rapportée.

Nous avons distingué quatre cas : l’inter-viewé est seul, accompagné de deux per-sonnes, accompagné de trois à dix per-sonnes ou accompagné de plus de dix per-sonnes.

Dans 27 % des interviews (23 % + 4 %),plus de trois personnes accompagnent lejeune interviewé, alors que cette propor-tion est seulement de 4 % lorsqu’il s’agitd’un adulte, comme si les jeunes étaientdifficiles à saisir dans leur individualité…

Nous n’avons pris en compte que les per-sonnes non actives dans l’entretien. Seuleleur passivité, c’est-à-dire le simple faitd’être là, nous importait. Mais un autrephénomène tend désormais à se dévelop-per : une méthode d’entretien particulièrequi fait intervenir un médiateur, un média-teur lié au sujet, c’est-à-dire tout sauf unobservateur distant.

Cette apparition d’une tierce personne acti-ve dans la conduite de l’interview estgênante à plusieurs niveaux :

• Effet sur les réponses induites : le média-teur, également acteur, peut, par sa présence,influencer les réponses de la personne qu’ilinterroge pour le compte du journaliste.

• Filtrage des questions : c’est le média-teur, partie prenante dans l’action, qui poseles questions ; cela n’a rien à voir avec lesquestions d’un observateur plus distantque peut être le journaliste.

• Décentrage du sujet : le médiateur peut,par sa présence, devenir le véritable centredu sujet.

Sexes et minorités visibles

Il nous semblait intéressant également deprendre en compte les variables « sexes etminorités visibles ». La répartition fille-garçon est à peu près stable selon les dif-

Cadre policier24 %

Cadre scolaire19 %

Cadre associatif7 %

Cadre amical15 %

Cadre domestique19 %

Cadre éducatif16 %

Seul 1-2 3-10 10 et plus

Adolescents et jeunes 40 % 33 % 23 % 4 %adultes

Adultes 80 % 16 % 4 % 0 %

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 15

férentes classes approximatives d’âge. 63 %des entretiens sont faits avec des garçonscontre 37 % avec des filles. Nous avonsanalysé également la présence des minori-tés visibles dans les reportages et maga-zines 11.

Dans tous ces reportages, aucune interviewd’Asiatiques. Et si des Maghrébins ou desNoirs sont interviewés, c’est selon des thé-matiques particulières. Ainsi, s’il nousparaît critiquable de dénoncer la faibleimportance des minorités dans l’informa-tion (tout dépend du sujet), il est par contreproblématique de noter une sorte de ségré-gation thématique.

En effet, quand on ventile les résultatspour les jeunes adultes, on remarque queles sujets sur lesquels sont interviewéesles minorités sont les suivants : onzeémissions sur des violences, une sur lecannabis, deux sur le sexe (dont uneémission concernant les viols collectifs) etune sur les études (plus précisémentl’échec scolaire).

De fait, les minorités visibles n’apparais-sent qu’en situation problématique. Tousles reportages dits de société se font sanseux. Le problème n’est donc pas qu’on neles montre pas, mais bien plutôt qu’on nes’interroge pas sur la posture dans laquelleon les interroge. Les reportages sur la pre-mière fois dans l’acte sexuel ne comportentaucune minorité visible. Ces dernièresseront par contre très nombreuses dans lesreportages sur les pratiques déviantes. Demême en ce qui concerne les questions descolarité : presque aucun reportage nemontre des jeunes des minorités visiblesqui réussissent via le système scolaire ; enrevanche, lorsqu’il s’agit d’illustrer les

échecs du modèle scolaire français, la plu-part des élèves pris en exemple sont issusde ces minorités.

Incrustations de l’identitéMême si les incrustations ne sont passynonymes de non-anonymat comme l'abien montré Y. Jeanneret, il nous paraissaittout de même intéressant de noter leur pré-sence ou non. En réalité, les incrustationspeuvent avoir un rôle sur la question de ladénomination des jeunes interviewés, enparticulier dans le processus de personna-lisation ou de généralisation de l’informa-tion donnée par les journalistes. 56 % desjeunes interviewés n’ont pas d’identitéincrustée sur l’image. Cette proportions’inverse en ce qui concerne les adultes(60 % avec incrustations contre 40 %sans).

Il existe donc bien une différence de trai-tement si on prend l’hypothèse que l’in-crustation d’une identité a une plus fortevaleur d’ancrage de l’individu.

La place des jeunes sur les plateaux télévisésLa télévision ne se limite pas bien sûr à desreportages. Les débats sont aussi impor-tants dans l’information télévisée, or lesjeunes sur les plateaux sont presqueinexistants. Les seules émissions à leurfaire une place sont des émissions commecelle de Jean-Luc Delarue qui ne sont pasà proprement parler des magazines d’infor-mation mais plutôt de témoignage.

Les interventions de jeunes dépendentessentiellement des thèmes des débats. Lesdébats « psychologisants » sur l’adolescen-ce, le suicide, etc., n’hésitent pas à faire

11. Il est important de noter que dans ce calcul ne sont pas prisen compte les témoignages anonymes avec effet sur la voix oul’apparence. Même si l’on pouvait déterminer la minorité del’individu, l’analyse ne nous paraissait plus crédible ensuite.

Maghrébins Noirs Asiatiques

Adolescents 8 % 5 % 0 %

Jeunes adultes 16 % 8 % 0 %

▼ ▼ ▼L A P A R O L E D E S J E U N E S

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intervenir des jeunes, à la limite parfois del’indécence.

À l’inverse, les sujets traités à partir d’unangle politique, comme la délinquance, laviolence, etc., évitent soigneusement defaire intervenir des jeunes, ou plus précisé-ment les jeunes qui sont les premiersconcernés. Ainsi, lors d’une émission de Lamarche du siècle sur l’échec à l’école 12, lesjeunes sur le plateau n’ont jamais connu deprès ou de loin l’échec scolaire (ils le disenteux-mêmes au cours de l’émission). Cetteabsence de jeunes en difficulté sur le pla-teau étonne Daniel Picouly. Jean-MarieCavada l’explique par l’idée suivante :« Humilier les gens par le silence, c’est ter-rible. » Il considère donc que les jeunes endifficulté ne peuvent avoir la parole parcequ’ils auraient des difficultés à s’exprimer.

Or, dans une autre émission de La marche dusiècle, « Adolescents : la force fragile 13 »,lorsque des jeunes sont interrogés, onn’hésite pas à chercher ce silence, commesi le silence était consubstantiel à l’intime.

En réalité, les jeunes ne sont pas égauxdevant la télévision. Il existe différentsrégimes de visibilité qui se construisentselon plusieurs critères.

Le premier critère concerne le type de sujetchoisi. On fera plus facilement parler unjeune de sa première expérience sexuelleque de ses échecs scolaires. Le second cri-tère est d’origine sociale et raciale. C’esttoujours l’exemple de La marche du siècle,émission dite de qualité, qui sur un plateaufait intervenir trois jeunes Blancs venantde lycées qui connaissent peu d’échecs etde difficultés parmi leurs élèves, alors quetous les jeunes présentés comme ayant desproblèmes sont issus des minorités visibleset de collèges classés en ZEP.

L’étonnement de Daniel Picouly devantl’absence de jeunes en difficulté sur le pla-teau de l’émission apparaît intéressant caril laisse entrevoir une télévision, plusattentive à aider les personnes a priori

démunies devant la technique télévisuelleet donc à leur permettre de prendre laparole. Il fait écho au travail qu’a pu menerSébastien Rouquette sur les débats télévi-sés en France : « La conséquence impré-vue et pourtant logique de la profession-nalisation de l’espace social est de mettrede côté ceux qui ne travaillent pas enco-re ou ne travaillent plus. (…) Ce qui estvrai des trop vieux l’est aussi des “tropjeunes”. On est citoyen politique à 18 ans.On devient citoyen civil tout court etcitoyen social télévisé à 25 ans. L’écartentre les deux périodes, entre celle où l’ondevient un électeur mûr et responsable etcelle où on se métamorphose réellement enun pourvoyeur d’idées acceptables sur unplateau, correspond au rite de passageaujourd’hui imposé aux jeunes. Dans notresociété contemporaine, 25 ans correspondplus ou moins à la fin des études de ceuxqui ont la chance d’aller dans le supérieur(ce qui est, proportionnellement, très sou-vent le cas de ceux qui accèdent aux pla-teaux), le début de l’indépendance écono-mique avec le premier salaire (au moinsdans un statut précaire), la consolidationde la vie de couple. Et légalement et sym-boliquement, l’âge à partir duquel le RMIpeut être versé. Il faut donc commencer àgagner de l’argent pour être écouté (plusexactement pour multiplier par trois seschances d’être écouté). Contrairement auximprécations de ceux qui expliquent que lasociété donne plus de place, adule parfoiset envie souvent les jeunes, au point quede plus en plus d’adultes cherchent à gar-der “un esprit jeune” (à s’habiller décon-tracté, à continuer à sortir), la vérificationconcrète de la répartition des ressourceséconomiques, et par voie de conséquencedu pouvoir social et symbolique y compristélévisé, montre les limites de ce mouve-ment : les gens veulent bien ressembler

12. « À quoi sert l'école ? », La marche du siècle, France 3, 7 jan-vier 1998.13. La marche du siècle, France 3, 26 avril 2000.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 17

aux jeunes mais pas jusqu’à leur confierplus tôt du pouvoir et des responsabilités(dans l’espace social, la proportion des 15-25 ans n’est passée, en 30 ans, que de3,4 % du total à 7 %) 14. »

On comprend alors pourquoi peu de jeunespersonnes peuvent participer à des émis-sions de plateau. Leur parole reste confinéeau reportage. Si on veut les entendre, onpréfère les contrôler. Une émission deMichel Field 15 est assez intéressante à cepropos. De nombreux sujets sont abordés,Michel Field nous présente le dernier de lasoirée avec conviction. Voilà que l’on vanous montrer une rencontre entre « jeunesd’un quartier » et policiers de la BAC 16. Cequi n’est pas dit, c’est qu’en réalité lereportage a été organisé à l’initiative desjournalistes de l’émission 17. C’est donc unfait construit par la télévision, pour la télé-vision. Ce n’est pas à proprement parlerune initiative des acteurs du terrain, d’oùle problème de présenter cette rencontrecomme quelque chose de spontané.

Michel Field : « Y’ a un jeune homme qui est tel-lement discipliné, il lève la main depuis dixminutes…Vas-y !

Le jeune homme : Je voulais dire qu’après lereportage, non le reportage c’était bien, les jeunesils ont dialogué avec les flics, c’était bien, mais onn’a pas dit après que, le lendemain, certaines per-sonnes se sont retrouvées en garde-à-vue.

— Pourquoi ?

— Bah c’est des grands du quartier. Ils ont dit des vraisproblèmes et ça il y était pas dans le reportage

— Et c’étaient quoi les vrais problèmes ?

— Les vrais problèmes : les policiers, ils étaientvenus et ils avaient tiré cinq balles sur un chienet il y a eu des impacts dans le mur et ça on l’adit au reportage et ça… ç’a pas été dit.

— Bah on les monte, les reportages, donc je croispas que ce soit de la censure de la part du reporter.

— Certains jeunes qui étaient allés au reportage, lelendemain, se sont retrouvés en garde-à-vue, jecomprends pas, c’était un dialogue entre jeunes etla police, pourquoi le lendemain certains jeunes…

— Il s’est peut-être passé quelques trucs entre-temps ?

— Non, non, non. »

Cet extrait du dialogue entre un jeunehomme et Michel Field est intéressantpuisque au moins un jeune aura parlé surle plateau et que d’autres auront parléfinalement sur un plateau en différé. Maisla remarque du jeune homme montre éga-lement que cette volonté de bien faire s’ac-compagne d’une peur du dérapage. Ledébat est un conflit de paroles. Mais pourqu’il y ait conflit entre ces paroles, celasignifie qu’elles soient reconnues. Le débattélévisé fonctionne comme une instancelégitimatrice. Cette réticence à donner laparole aux jeunes s’accompagne d’uneparole relativement maltraitée.

Valeurs de la parole des jeunes

Il nous faut essayer de comprendre main-tenant quelle portée le discours journalis-tique cherche à donner à la parole desjeunes.

Il importe en premier lieu de rappeler rapi-dement les positions du CSA sur cettequestion : « Le Conseil encourage leschaînes de télévision à donner la paroleaux enfants et aux adolescents, à leur per-mettre de s’exprimer sur leur vie quotidien-ne, leurs goûts et leurs aspirations. De tellesprises de parole renforcent les adolescents,

14. Sébastien ROUQUETTE, L’Impopulaire Télévision populaire,L’Harmattan, 2001.15. « Les nouveaux visages de la police », France 3, La marchedu siècle, 19 janvier 2000. 16. Brigade anticriminalité.17. Cette information nous a été donnée par un membre duConseil national de la jeunesse qui a participé à cette rencontre.

▼ ▼ ▼L A P A R O L E D E S J E U N E S

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les aident à s’affirmer, à construire leurpersonnalité et à s’intégrer à l’universadulte. C’est aussi une possibilité pour euxd’apprendre à se conduire de manièreresponsable et à s’investir dans la viecollective. En radio, on a vu combien laparticipation des jeunes à des radios asso-ciatives pouvait jouer un rôle dans leurintégration. Il en va autrement lorsqueleurs témoignages sont sollicités dans dessituations qui tendent à les marginaliser ouà les exclure davantage de la société et deses règles. Car leur passage à la télévision,même lorsque des adultes y consentent,risque de les enfermer dans le rôle qui leurest prêté. Les enfants ou les adolescentsconcernés n’ont pas besoin d’une causesupplémentaire de marginalisation, qu’ils’agisse d’enfants malades, d’enfants délin-quants ou d’enfants victimes. Toute imagequi les enferme dans une de ces catégoriespeut être lourde de conséquences pour eux,à la fois psychologiquement et sociale-ment 18. »

La parole des jeunes est une parole large-ment anonyme. Mais dire cela n’est en rienune critique de la télévision. L’informationtélévisée met en scène de nombreux ano-nymes. Notre critique ne porte donc passur le caractère anonyme de la jeunessedans l’information télévisée mais bien plu-tôt sur la puissance de cet anonymat. Pourcela, nous avons tenté dans notre grille delecture de saisir les différents types d’ano-nymat à l’œuvre dans ces reportages. Sansentrer dans les détails et dans un débatthéorique, il nous semble utile de reprendreles remarques de Sébastien Rouquette surle sujet : « En fait, l’importance accordéeaux uns et aux autres, et derrière eux auxcatégories qu’ils illustrent ou représentent,dépend plus directement du “rôle” accordéà chacun dans le reportage et plus globa-lement encore dans le traitement de l’in-formation. Elle dépend du rapport supposéqu’ils ont avec l’événement (direct ou indi-rect), du temps de l’information (derniersoubresaut de l’actualité ou fait de société

au long cours), du délai laissé au commen-taire (commentaire “indispensable” et qua-siment immédiat ou non, temps de la réac-tion ou de l’analyse et de la réflexion), desquestions posées ou encore de la maîtrisequ’ils sont supposés ou non avoir sur lesfaits traités 19. »

Nous avons donc emprunté une grille delecture proposée par S. Rouquette dans unde ses récents travaux. Nous avons alorsdistingué plusieurs catégories de person-nages interviewés dans les reportages télé-visés : la catégorie « personnage actif »(initiateur du mouvement…), « personnageréactif », « personnage strictement illustra-tif », « personnage d’une histoire singulière ».

La valeur des entretiens est donc fortementillustrative en ce qui concerne les jeunes.Peu de place leur est laissée en tant quepersonnages actifs, voire réactifs. Ils sontrarement les moteurs d’une action surlaquelle enquêterait le journaliste.

Il est intéressant d’analyser les quelquesreportages présentant les jeunes commedes personnages avec une histoire singu-lière. Ce sont de longs portraits où tout estfait pour montrer la différence entre cesjeunes et le reste de la société, et leur déca-lage par rapport au reste de la jeunesse. Ils

18. Sophie JEHEL, « Protection de l’enfance et de l’adolescenceà la télévision », Les Brochures du CSA, 1999.19. Sébastien ROUQUETTE, « Les logiques de “l’anonymat” »,Médiamorphoses, n° 5, juin 2002, INA-PUF. De manière généra-le, cette partie doit beaucoup au numéro de Médiamorphoses etaux actes du colloque sur l’anonymat.

Types de Actif Réactif Histoire Illustratifpersonnages singulière

Adolescents et jeunes 6 % 16 % 3 % 75 %adultes

Adultes 15 % 36,5 % 0,5 % 48 %

Typologie des personnages interrogés

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 19

ne dégagent que des valeurs positives etvéhiculent une certaine perception de lajeunesse sur un plan politique qui présen-te à chaque fois des jeunes qui « ont prisleur place ». Dans ces reportages, les jeunessont mis en opposition plus ou moins forteavec leur environnement (scolaire, paren-tal, amical…). Ce sont des êtres hors ducommun. Mais, en étant hors du commun,ils deviennent comme des êtres à part decette société. L’impression qui est donnée estque ce n’est pas la société qui leur a permisleur parcours, mais bien que ce sont eux quiont forcé la société. Or une telle vision de lajeunesse qui réussit est assez douteuse. Peut-être est-ce lié à la vision mythique de laréussite « seul contre tous » ? Mais le dis-cours journalistique n’est pas là pour écri-re les nouvelles mythologies.

Dans « Ados et déjà patrons 20 », les jour-nalistes s’interrogent sur de jeunes entre-preneurs, futurs Bill Gates. Le reportage lesmet constamment en opposition avec leurfamille, avec leurs amis, avec leurs profes-seurs. Les adultes sont toujours placés dansune situation d’incompréhension, sauf, bienentendu, les chefs d’entreprises partenaires.

Dans « L’aventure à 20 ans 21 », le reporta-ge suit plusieurs jeunes dans des parcoursdifférents (une jeune journaliste enIndonésie, une amoureuse des chevaux enAustralie, deux jeunes surfeurs enAmérique du Sud). On interviewe seule-ment la famille d’un des deux surfeurs. Onne la voit que s’inquiéter. Alors qu’ils sontentourés d’adultes pendant leur voyage, onn’en interrogera aucun.

Cette vision d’une jeunesse qui réussit estassez symptomatique de l’image de laréussite dans notre société. Au lieu d’es-sayer de comprendre également la réussitepar les chances que peut donner notresociété, les reportages privilégient l’histoi-re singulière de jeunes de milieux plutôtaisés. Ainsi, on ne peut citer aucun repor-tage centré sur, par exemple, la réussitescolaire de jeunes issus de quartiers popu-

laires. La jeunesse qui réussit est celle quiprend sa place, jamais celle qui réussitparce qu’on lui a donné sa place.

Environ 75 % des jeunes peuvent êtreconsidérés comme illustratifs dans lesreportages. Peu d’entre eux sont montrésactifs. Ils sont au mieux des personnagesréactifs. Illustrons cette remarque par unreportage d’un journal télévisé de20 heures qui nous semble symptomatique :

Lancement aujourd’hui du deuxième volet de lacampagne télévisée pour le respect à l’école : troisscénarii, écrits par les élèves eux-mêmes, lors d’unconcours organisé par Jack Lang, ont été mis enimage. F. Schaal et M. Anglade se sont rendus dansun établissement lauréat à Dammarie-lès-Lys.

Le texte est écrit par des lycéens et joué par deslycéens, en l’occurrence ceux du lycée Joliot-Curiede Dammarie-lès-Lys, un lycée comme les autres oùl’on ne se respecte pas toujours, mais où l’équipeéducative se bat pour.

Pierre Gautier, professeur d’histoire géographie,lycée Joliot-Curie, Dammarie-lès-Lys : « On estenseignant, on a un rôle à jouer et ce rôle consiste àrépéter, à rabâcher un certain nombre de valeurs, uncertain nombre de choses dans lesquelles on croit etmoi je crois fondamentalement au respect, donc c’estmon rôle de participer à cela. Ça ne me pose pas unproblème de faire quelque chose en plus. »

Un rôle couronné de succès, le ministère de l’Éduca-tion nationale a récompensé deux des scénarii de sesélèves, dont cette partie de basket.

[Extrait du spot]

« Ça peut aider les autres à comprendre ce qu’est lerespect, ça fait partie des choses essentielles de lavie. » [Un jeune garçon.]

« Si on respecte pas les gens, ils pourront pas nousrespecter. » [Une jeune fille.]

« Moi je pense que cela peut avoir un impact etqu’on a avancé dans quelque chose, on a faitquelque chose contre l’irrespect. » [Une jeune fille.]

Tant de sagesse et de bonne volonté réchauffent lecœur. Les téléspectateurs peuvent les voir dès ce soirsur les antennes.

20. « Ados et déjà patrons », Des racines et des ailes, France 3,28 mars 2001.21. « L’aventure à 20 ans », Zone interdite, M6, 11 octobre 1998.

▼ ▼ ▼L A P A R O L E D E S J E U N E S

20

Dans ce sujet, la répartition de la parolenous montre que celui qui semble le plusactif est le professeur, alors que ce sontbien les élèves qui ont gagné ce concours,mais ce sont « ses élèves », tant que sonrôle est « couronné de succès ». Alors quec’est aux élèves que l’on a demandé de semobiliser sur la question du respect, c’est« l’équipe éducative qui se bat pour ». Lesjeunes ne prononcent à la fin que debrèves remarques, bribes de phrasesconclues par un commentaire mi-ironiqueet surtout très maternel : « Tant de sagesseet de bonne volonté réchauffent le cœur. »

Les jeunes en tant que « personnagesactifs » sont très rares. Leur comportementsera au mieux celui d’un personnage réac-tif, lorsqu’on leur demande d’effectuer untravail de commentaire. On les fera alorsréagir aux actes des adultes s’occupantd’eux. La plupart des jeunes interrogés lesont comme des énonciateurs secondaires,c'est-à-dire que le journaliste « s’approprieleur discours en n’en reproduisant que cer-tains éléments intégrés dans une énoncia-tion unique, la sienne ». Autrement dit, il necherche pas à « conserver au discours rap-porté son authenticité et son intégrité 22 ».

Un exemple flagrant qui tend presque àune manipulation de la parole est l’inter-view de plusieurs jeunes pour l’émissionMots croisés 23. La parole rapportée de cesjeunes est en réalité entièrement soumiseau discours des présentateurs ArletteChabot et Alain Duhamel. Les paroles desjeunes ne sont là que pour affirmer le dis-cours d’un journaliste et amener une autreparole, celle d’un policier sur ses pratiquesprofessionnelles. La valeur qui est donnéeaux paroles de ces jeunes est : « Quandvous avez affaire à ce genre de jeunes-làqu’on vient de nous montrer, commentvous vous y prenez concrètement ? »,exemple caricatural et brûlant qui n’estqu’une partie visible d’une pratique cou-rante.

Les jeunes sont en majorité des énoncia-teurs secondaires, leur parole est tordue etdéformée. Cela est d’autant plus criant queleur discours est encadré par des discoursd’adultes qui, eux, s’apparentent plus aucas de l’énonciateur primaire. Les adultes,eux, ont une parole d’expert, qui va expli-quer l’attitude de ces jeunes.

Cette manière de traiter la parole desjeunes doit nous interroger sur la valeurque l’information télévisée accorde à laparole des jeunes. Les jeunes, confrontés àla production d’une logique d’expert, nesont amenés à produire qu’une logique detémoignage.

Ainsi, la parole des jeunes est « maltraitée ».Cette maltraitance se construit d’abord surun constat générationnel : les jeunes sontmoins bien traités que les adultes. Elle estdoublée d’une maltraitance intragénéra-tionnelle selon les milieux sociaux dontsont issus les jeunes présents à l’écran.

Enfin, on voit comment parler de la jeu-nesse, c’est aussi et surtout parler des pro-fessionnels de la jeunesse.

22. Guy LOCHARD, « La parole du téléspectateur dans le repor-tage télévisuel, du témoignage à l’interpellation », La Télévisionet ses téléspectateurs, sous la direction de Jean-PierreEsquenazi, L’Harmattan, 1995.23. « La montée de la délinquance », Mots croisés, France 2,12 février 2001.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 21

Une prédominancedu regard professionnel

Parler des jeunes, c’est également parler deceux qui s’en occupent, des professionnelsde la jeunesse. C’est en effet ce que la télé-vision privilégie : le professionnel face àson sujet. L’approche journalistique peut-elle uniquement se fonder sur un regardprofessionnel ? N’est-il pas dans son rôlede multiplier les points de vue et d’élargirla perspective ? Or on remarque uneconfiscation du débat social par les profes-sionnels. Ainsi, les jeunes présentés dansde nombreux reportages ne sont que desobjets avant d’être pensés comme dessujets. La télévision en passant par leregard des professionnels réifie la jeunesse.La relation du journaliste et du profession-nel conditionne également les termes dudébat.

Or les adultes sont au premier plan dans lesreportages sur la jeunesse. Cette logique d’uninterlocuteur professionnel est devenue trèsrépandue. Sur la question du rapport avec lesprofessionnels, comparons avec une autreaffaire, celle de l’information sur la Sécuritésociale. Voilà ce que D. Schnapper 24

explique : « Les journalistes, dans l’en-semble, se contentent de suivre au jour lejour les étapes de la réforme de la Sécuritésociale et de publier les communiqués desagences gouvernementales, des syndicats,des associations professionnelles et desgroupes politiques. » La remarque de

D. Schnapper vaut également en ce quiconcerne les questions de jeunesse : latélévision consacre le règne des profes-sionnels.

72 % des adultes qui interviennent dans lesreportages analysés le font à titre profes-sionnel. De manière générale, l’informa-tion semble être incapable de sortir de cetangle-là. Cet angle n’est pas critiquable entant que tel. Ce qui est critiquable, c'est lemonopole presque parfait de cette vision.

Prenons l’exemple d’un reportage sur laprostitution :

De leur côté, les services français de lutte contre laprostitution des mineurs sont confrontés à un nou-veau phénomène, l’augmentation de petitsRoumains. En général, les mineurs qui se prostituentsont aujourd’hui de plus en plus nombreux et deplus en plus jeunes. Regardez ce reportage de V.Laffont, J. Y. Mey, L. Audibert : ils ont suivi deuxéducateurs de rue à la rencontre de ces jeunes àParis.

[Caméra cachée]

Lucia n’a que quinze ans et se retrouve sur le trot-toir. De jour comme de nuit, ces éducateurs de ruequi vont à sa rencontre tentent d’apporter un peu deréconfort à ces jeunes, très jeunes prostitués. (…) Pastoujours facile d’établir le contact, la peur est là, lesouteneur est là, toujours prêt à sévir.

Jean-Michel Mausolée, responsable de secteur, associa-tion Aux captifs la libération : « Chez les filles, si onparle plus de deux, trois minutes avec des adolescentes,comme par hasard, il y a le téléphone qui sonne et ellescoupent net la conversation et puis voilà. »

La parole des adultesà propos de la jeunesse

24. Dominique SCHNAPPER, « Parler de la Sécurité sociale : unregard critique sur le travail journalistique », Hermès, nos 8-9,Paris, CNRS Éditions, 1991.

▼ ▼ ▼LA PAROLE DES ADULTES À PROPOS DE LA JEUNESSE

22

Une éducatrice : « Quand t’es parti une semaine,elles disent que c’est des vacances. L’autre fois y’ ena une qui m’a dit qu’elle était partie en vacancespendant un mois, elle avait des coquards plein levisage. »

Filles ou garçons, venus des pays de l’Est oud’Afrique, ils sont aujourd’hui plusieurs milliers enFrance à se prostituer et, le plus souvent, ce ne sontque des gamins ; on peut les croiser comme ici dansles parkings.

« Ce sont des enfants qui jouent, qui s’amusent, maisen même temps, c’est des enfants de la rue donc ilsont aussi toute la dureté que la rue exige pour sur-vivre… » (Voix de l’éducatrice en off.)

« Moi j’ai vu un enfant de sept ans, sept ans et demienviron, on peut pas exactement savoir l’âge, pasguère plus vieux, qu’était à la terrasse d’un café avecun homme d’une cinquantaine d’années, il lui offraitun whisky… c’est un des plus jeunes. Il est très cou-rant de rencontrer des jeunes de 10, 12, 13 ans… »[Jean-Michel Mausolée.]

Des jeunes à qui on a promis un monde meilleurpour les faire venir ici, sans papiers. Projetés dansun pays inconnu ces prostitués n’ont d’autre choixque de subir.

« Elles sont maltraitées, violées et elles sont prison-nières. La famille au pays, elle est restée surveillée...donc on menace de prendre la petite sœur ou le petitfrère. » [Un éducateur.]

Et, à Paris comme ailleurs, si ces jeunes en sontréduits à vendre leur corps pour une vingtaine d’eu-ros la passe dans une voiture, c’est aussi parce qu’ily a des clients.

« C’est souvent que l’on voit des voitures s’arrêter,y’ a le siège bébé derrière et c’est pas pour ça que çales empêche de commettre ce genre de délit. Poureux, ce sont pas des gens de leur famille donc ils sontlà, c’est pour une chose précise, c’est pour vendreleur corps, donc personne se pose de questions, ondonne son billet et puis on fait même pas attentionqu’on est en train de bousiller la vie d’un gosse. »[Un éducateur.]

Il y a les clients, mais aussi les proxénètes difficilesà mettre hors d’état de nuire pour les services depolice, car ces réseaux bien organisés ne connaissentplus de frontières depuis longtemps 25.

Dans ce reportage, les éducateurs sont lesmédiateurs, ceux par qui le journaliste vapouvoir parler de la situation de ces pros-titués. Nous n’avons donc pas une vision

directe mais une vision différée, filtrée : lavision du journaliste de la vision de l’édu-cateur. Aucune interview de prostitué sursa vie, ses conditions de vie…

Dans certains reportages, les journalistes secontentent d’interviews par la médiationd’un tiers. Ainsi, les remontrances dans lebureau d’un juge, d’un proviseur, du méde-cin, etc., sont presque des passages obligésdans les reportages sur la jeunesse. Et dansces situations, c’est toujours l’adulte quiparle et qu’on interroge après. Ainsi, alorsque la scène est composée de plusieursacteurs, elle en privilégie un seul : l’adulte.

En France, les enfants de quartiers dits sensibles sonteux aussi parfois victimes de la précarité et de lapeur ; pour compléter l’action de la police et de lajustice, des acteurs sociaux interviennent sur le ter-rain pour mener un certain nombre d’actions de pré-vention. Voici une expérience pilote engagée à Pier-refitte en Seine-Saint-Denis qu’ont suivie C. Aubergeret G. Gouet.

Ancien avocat, réfugié politique iranien, Hibat Tabibdit avoir réussi son intégration en se battant pourcelle de ce quartier de Pierrefitte : dix ans de travailici sur le terrain pour apprendre à vivre ensemble.

Hibat Tabib, directeur de l’AFPAD (Association pourla formation, la prévention et l’accès au droit) :« Finalement pendant des années, nous avons essayéde travailler ensemble, de mobiliser tout le monde etnotamment la société civile, pour que les parents,pour que chaque habitant accepte sa responsabilitéà la reconquête de l’espace public. »

La mobilisation continue, les problèmes sociaux etéconomiques sont toujours là. Il y a quelques mois,les commerçants se disaient stressés par les vols etagressions verbales, une médiation avec les jeunes aété engagée, un dialogue qui a permis de souleverquelques malentendus.

[Dialogue entre un commerçant et Hibat Tabib] :

Le commerçant : « Tout à fait au début, les jeunescroyaient qu’on était riches, tout ce qui est dans lemagasin, ils peuvent le prendre puisque nous ongagne de l’argent, mais nous on est à côté et on rendservice aux gens.

25. TF1, JT de 20 h, lundi 20 mai 2002.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 23

Hibat Tabib : Pourquoi ? Parce que vous êtes néces-saires, vous faites partie de la vie de quartier, il fautpas que vous restiez isolés de cette vie collective.

— C’est pour cela que je vous ai dit qu’on a avancé. »

Du quartier au collège [collège G.-Courbet], HibatTabib travaille aujourd’hui au service de la ville.Réunion de formation dans une salle de classe, avecdes élus, des travailleurs sociaux et des habitantspour analyser des actes de violence : aujourd’hui, unlocal pour jeunes qui, à peine ouvert, a été vandali-sé dans une cité difficile à reconquérir.

Joëlle Bordet, chercheuse, psychosociologue : « Undes problèmes qu’on a quand on veut refaire uneprésence éducative dans les quartiers, eh bien, c’estde retravailler avec l’ensemble de protagonistes pos-sibles de la communauté, en connaissant son histoirepour que, progressivement, cette présence éducative,elle soit reconstruite, appropriée et que donc ons’applique directement sur ce qui a déjà fait maldans le quartier. »

Des professionnels mieux formés, des habitants res-ponsabilisés, c’est ainsi que s’organise une résistanceface à la violence. Hibat Tabib est convaincu qu’elleest l’affaire de tous, la combattre c’est déjà ne plusla subir 26.

Reprenons les explications données par lajournaliste pour illustrer le travail d’HibatTabib : « Il y a quelques mois, les commer-çants se disaient stressés par les vols etagressions verbales, une médiation avec lesjeunes a été engagée, un dialogue qui a per-mis de soulever quelques malentendus. (…)Aujourd’hui un local pour jeunes qui, à peineouvert, a été vandalisé dans une cité difficileà reconquérir. » Le lancement de PatrickPoivre d’Arvor est le suivant : « Les enfantsde quartiers dits sensibles sont eux aussi par-fois victimes de la précarité et de la peur. »

Le reportage se conclut par « des profession-nels mieux formés, des habitants responsa-bilisés, c’est ainsi que s’organise une résis-tance face à la violence ». Ainsi tout lereportage se concentre sur les professionnelset les adultes, en laissant la problématiquedes jeunes à l’arrière-plan. Pourtant, on nepeut pas imaginer qu’ils ne soient pasacteurs dans cette mobilisation contre laviolence.

Cet élément en tête, il reste un autre faitproblématique : qui sont ces adultes quiviennent sur les plateaux télévisés parlerdes jeunes ?

Les professionnelset l’angle thématique

Ce choix des professionnels élimine tousles autres. Il fait des non-professionnelsdes citoyens de second ordre parce que,autre critère discriminant, ils n’ont pas unpoids social, économique, professionneljugé suffisamment important. Et SébastienRouquette note : « Les effets de cettereconnaissance des savoirs professionnelsprennent donc des proportions insoupçon-nées. Par volonté minimale de fonctionne-ment, l’espace social télévisé ne composepas simplement un espace de discussion dela société sur elle-même. Il introduit unlieu de mise sur pied, de contrôle et d’ar-gumentation des types de réponses quecette société produit pour répondre auxquestions qu’elle se pose : comme partoutailleurs, les débats télévisés ne proposentque des problèmes auxquels la collectivi-té peut répondre. Mais à la différence debeaucoup d’endroits, ces débats-là sou-mettent régulièrement des propositions deprofessionnels, y compris lorsque cettequestion concerne tout le monde. De là,un paradoxe solide, parfaitement résistantà la lame de fond de démocratisation dela vie collective : plus les débats de socié-té prennent les questions de société ausérieux, plus les citoyens sociaux ordi-naires se trouvent dépossédés de ces pro-blèmes 27. »

26. TF1, JT de 20 h, samedi 4 mai 2002.27. Sébastien ROUQUETTE, L'Impopulaire Télévision populaire,L'Harmattan, 2001.

▼ ▼ ▼LA PAROLE DES ADULTES À PROPOS DE LA JEUNESSE

24

Cette question de la professionnalisationest d’autant plus forte que, comme leremarque Dominique Charvet (cf. le rap-port du commissariat général du Plan inti-tulé Jeunesse, le devoir d’avenir, la catégo-rie « jeunes » est elle-même, dans unegrande mesure, une construction des poli-tiques publiques. La télévision s’appuieénormément, voire strictement, sur laconstruction publique des problèmes dejeunesse. La posture journalistique est uneposture d’interprète des initiatives existantdans ce domaine. C’est alors pourquoi onpeut comprendre qu’une large partie de lapopulation jeune ne soit pas analysée. Celapose surtout problème pour les initiativesprises de manière non institutionnelle ounon soutenues par des politiquespubliques. Celles-ci sont presque passéessous silence.

Il nous faut distinguer plusieurs situationsdans la définition des professionnels. Si ladistinction que nous allons faire peut sediscuter, elle reflète bien le traitement pro-blématique de la jeunesse en deux cas : lesjeunes en danger et les jeunes dangereux.

Les jeunes en danger ont pour corrélats desprofessionnels travaillant dans les secteursde la médecine, de la psychologie, de lapsychiatrie, de la psychanalyse. Le traite-ment des jeunes en danger est dans lacontinuité du « phénomène psy » dont latélévision est friande.

Le miroir s’inverse lorsqu’on analyse lesintervenants professionnels en ce quiconcerne les jeunes dangereux. L’aspectpsy tend à disparaître. Il laisse place à unautre type de traitement, judiciaire cettefois-ci. Mais on ne peut arrêter le constatici. Car les émissions sur les jeunes dange-reux sont construites à partir du travail despoliciers.

Cette dichotomie valide donc l’impressiond’une gestion de l’individu lorsqu’il est endanger et d’une gestion du social lorsqu’ilest dangereux. Du côté de la jeunesse en

danger, la télévision laisse la part belle àune « psychologisation du lien social »,pour reprendre une expression de RobertCastel. De l’autre versant, la télévisiondonne une réponse politique.

Il est intéressant à ce propos de voir com-ment sont présentés les reportages concer-nant la prise en charge des mineurs délin-quants. Ce sujet n’est abordé généralementdans les journaux télévisés qu’après un faitdivers. C’est donc bien quelque part la dic-tature du fait divers qui pose problème.Ainsi, les actes de préventions sont envisa-gés après des faits divers les concernant.L’affaire Guy-Patrice Bègue 28 est exemplai-re à ce sujet. Elle a donné lieu à de nom-breux reportages sur le racket et sesmanières de le prévenir.

Au spectacle du fait divers ou des inter-ventions policières vient finalementrépondre une spectacularisation des procé-dures éducatives.

Avant d’analyser plus particulièrementcette spectacularisation, il nous faut regar-der comment sont filmés des jeunes nondélinquants pris en charge par un person-nel éducatif ou avec suivi psychologique.Ce sont des jeunes aux stigmates visibles :boulimie, anorexie, maladies graves. Il y adonc déjà quelque chose à voir. Le travailpsychologique, éducatif peut être présentépuisqu’on les voit souffrir, se rétablir, etc.De nombreux reportages, notamment surles problèmes d’anorexie ou de boulimie,permettent de voir l’action du médecin, dupsychologue, etc., mais aussi les efforts etles issues de jeunes malades.

28. « Guy-Patrice Bègue, tué d'un coup de brique le 8 mars, étaitarmé d'un cutter. Son fils n'était pas racketté, mais impliquédans des bagarres entre jeunes. À en juger par son impact dansla campagne électorale, ce fut plus qu'un simple fait divers. Lamort de Guy-Patrice Bègue, tué d'un coup de brique près de lagare routière d'Évreux (Eure), vendredi 8 mars, devint un sym-bole de l'insécurité tant décriée. Les événements semblaientalors limpides : un père de famille était tombé, victime dejeunes, en défendant son fils racketté la veille. » Le Monde,7 juin 2002.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 25

Il n’en est pas de même pour la pratiqueéducative concernant les mineurs délin-quants. Ainsi nous n’avons jamais vu unreportage sur les jeunes qui, une fois suivispar le juge, pris en charge par des éduca-teurs, ne repassent jamais devant un juge.Et quand une médiatisation de la pratiqueéducative existe, elle montre les exceptionséducatives : techniques du cirque utiliséesdans un Centre éducatif renforcé, voyagesdans des pays étrangers…

On note alors une sorte de retournement :les interventions policières en force, qu’onpourrait croire exceptionnelles, sont bana-lisées et le travail éducatif, qui est un tra-vail banal, invisible pour l’œil nu de lacaméra, se médiatise par de l’exceptionnel.

Ainsi la jeunesse est parlée, et par des pro-fessionnels de la jeunesse. Or les règles deconstruction de l’information téléviséeamènent à une prédominance de ceux quipeuvent se prévaloir d’actions spectacu-laires, les policiers. Dès lors, toutes lesautres professions, si elles veulent êtreentendues, sont amenées à se définir à par-tir de cette norme du spectaculaire, alorsque l’un des principaux aspects de leur tra-vail est de justement ne pas faire dans lespectaculaire. Cette facilité à professionna-liser des débats considérés comme sérieuxconduit à une vision qui ne privilégiequ’une perspective unique de la jeunesse etde ses problèmes. Ce regard prédominantest problématique dans l’appréhension dela jeunesse française par l’informationtélévisée.

Les dénominationsde la jeunesse

a jeunesse est parlée plus qu’elle neparle. Mais on ne peut s’arrêter à ce

constat. Ces éléments sur la prise de paro-le, les régimes de visibilité, étudiés, il nousfaut insister maintenant sur la manièredont est parlée la jeunesse. Car les motsemployés ne sont pas anodins.

Nous avons donc cherché de manière plusgénérale comment on « étiquetait » la jeu-nesse. L’hypothèse que nous posons est queles différentes dénominations sont autantde justifications de son état et que chacu-ne de ces justifications amène le téléspec-tateur sur des terrains référentiels diffé-rents. Remis en contexte, il y a une diffé-rence entre les vocables « jeune », « adoles-

cent », « enfant », « étudiant », « lycéen »,« collégien », « 15-25 ans », « mineur », etc.

Ces diverses expressions correspondent àdifférents prismes de la jeunesse, si l’ongarde en tête la définition de GérardMauger29 : « La jeunesse est moins l’appar-tenance à une classe d’âge qu’une situationde transition ou d’indétermination entreune position sociale initiale et l’accès plusou moins facile, rapide et réussi, au marchédu travail et au marché matrimonial. »

L

29. Gérard MAUGER, L’Âge des classements, sociologie de la jeu-nesse, rapport disponible au service de documentation del’IRESCO, 1998.

▼ ▼ ▼LA PAROLE DES ADULTES À PROPOS DE LA JEUNESSE

26

Cette question de la définition des pro-blèmes et des acteurs nous paraît impor-tante. En effet, les médias jouent un rôleimportant aujourd’hui dans le jeu politiquemême. C’est ce qu’a pu analyser MoniqueDagnaud : « Les médias secouent l’activitédu gouvernement, bousculent des agendas,forcent des réajustements. Surtout, un faitmédiatique appelle une action de commu-nication de la part des pouvoirs publics. Sila télévision ne peut être tenue comme unquatrième pouvoir (…), elle opère commeun aiguillon et comme un instrumentd’alerte sur certains faits sociaux. Leshommes politiques le reconnaissent volon-tiers. Parmi les éléments qui poussent à uneprise de conscience de la gravité d’unequestion sociale, Michel Rocard cited’abord la voie administrative mais aussi-tôt après, les médias, bien avant l’opiniondes élus politiques ou syndicaux, des éliteséconomiques ou culturelles et, loin devantles sondages 30. »

Ainsi la définition des termes et des situa-tions par la télévision peut avoir un effet.Gérard Mauger nous rappelle que « produi-re une représentation de la jeunesse, c’estaussi contribuer à inculquer une représen-tation de l’avenir du monde social 31 ». C’estque « nommer et narrer, c’est déjà agir,entrer dans une logique de désignation etde description du problème en vue de lerésoudre, (…) les problèmes publics n’exis-tent et ne s’imposent comme tels, qu’entant qu’ils sont des enjeux de définition etde maîtrise de situation problématiques, etdonc des enjeux de controverses et d’af-frontements entre acteurs collectifs dansdes arènes publiques 32. »

Chaque mot influe sur le sens à donner aureportage que l’on peut voir. On compren-dra aisément que qualifier « d’enfant » unmineur délinquant de 16 ans n’a pas lamême signification que de l’appeler« jeune », ou de le définir comme « ayantagi avec une bande de jeunes ».

La jeunesse n’est donc bien qu’un mot(médiatiquement parlant), et selon lesdifférents maux de la jeunesse, différentsmots lui seront attribués. La division n’estpas seulement intergénérationnelle. Elle estégalement intragénérationnelle. Des rap-ports de force, de différenciation seconstruisent à partir des mots.

Lorsque le jeune se confond avec l’enfant

Plusieurs reportages privilégient l’appella-tion « enfant » à celle de « jeune », alors queles personnes en présence ne sont manifes-tement pas des enfants. Nous n’avons biensûr pas pris en compte les reportages quiparlaient d’« enfants » depuis le mondedomestique. En effet, si le reportage seconstruit selon une dynamique familiale, lemot « enfant » s’entend dans la relationavec l’adulte, avec le parent. Nous n’avonspas analysé ce type de reportage. D’autres,en revanche, posent problème puisqu’ilsparlent d’enfants, hors de la dynamique dumonde domestique. Les exemples d’uneutilisation de mots, d’expressions se rap-portant à l’enfance sont multiples alorsmême que les protagonistes des reportagesne sont pas à proprement parler desenfants. Cela pose le problème d’uneconfusion, d’un flou entretenu. Pour illus-trer cette confusion, on peut prendrel’exemple d’un reportage de MarineJacquemin sur TF1.

Ce premier reportage enquête sur lesconditions de vie de jeunes errants clan-destins. Un seul est interrogé, il a 16 ans.

30. Monique DAGNAUD, « Gouverner sous le feu des médias »,Le Débat, n° 66, septembre-octobre 1991.31. Gérard MAUGER, Les jeunes en France : état des recherches,La Documentation française, 1994.32. Daniel CEFAI, « La construction des problèmes publics.Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux,n° 75, 1996.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 27

Pourtant Patrick Poivre d’Arvor parle« d’enfants errants », et le journaliste« d’enfants isolés ».

Et puis toujours sur ces problèmes d’immigration, enAfrique du Nord, il existe un territoire espagnolMelilla, qui fait rêver les habitants de pays pluspauvres. Ils sont nombreux à affronter tous les dan-gers pour améliorer leur sort, parmi eux lesenfants : là-bas, on les appelle les indésirables.Reportage de M. Jacquemin et G. Ramirez.

En ce soir de carnaval à Melilla, les enfants sontrois. Leurs yeux écarquillés regardent les étoiles quisur ce coin de terre ne brillent pas pour tous de lamême lumière. Au milieu des rires et des couleurs,Marco, clandestin, sans papiers, enfant des rues,depuis qu’à l’âge de deux ans il a fui la pauvretéde son Maroc natal.

« Tous les soirs, je traîne dans les rues avec mespotes, ça fait douze ans que je vis comme ça. LesEspagnols m’ont viré cinq fois vers le Maroc, mais jereviens toujours la nuit à travers les barbelés. »

Comme Marco, ils sont des centaines à Melilla quitraînent leur désespérance lorsque la nuit se refermesur la ville et ses trafics jusqu’au petit matin.

Melilla, une attraction irrésistible pour ces enfantssans futur. Ce grain d’Espagne de douze kilomètrescarrés planté en terre marocaine a dû verrouiller sonpourtour d’un mur de barbelés de quatre mètres dehaut. Un moyen d’endiguer toute la misère duMaghreb et de l’Afrique qui se presse à sa portechaque jour par milliers pour glaner quelquesmiettes de l’eldorado européen. Dans ce délirehumain, les plus jeunes se faufilent comme desanguilles vers la ville où commence alors la galère.

« Je suis perdu depuis mon enfance, je sais que jesuis perdu. Qu’est-ce que tu veux que je reste là-bas ? Crever de faim ? Ici on dort dans la rue, il faitfroid, mais au moins je peux ramasser un peu d’ar-gent pour envoyer là-bas. »

Mustafa, éducateur : « Ils n’ont pas reçu le traite-ment normal que doivent avoir les enfants de cet âge,ils sont donc marginalisés très tôt. On peut mêmedire qu’ils ont un avenir lamentablement incertain.C’est ce qu’ils pensent changer en venant ici. »

Pour comprendre l’une des racines du mal, il fautvisiter cette maternité improvisée dans le centred’assistance sociale. Ici de jeunes Marocainesdésespérées viennent accoucher et repartent aussivite en abandonnant leur bébé pour ce qu’elles pen-sent être une vie meilleure.

Le centre, comme quatre autres dans la ville,accueille aussi des adolescents qui, protégés de larue, se mettent à rêver.

« Moi, je veux aller en Espagne, travailler, gagner del’argent, avoir une famille des enfants, comme vous. »[Un jeune garçon.]

Obtenir des papiers, c’est leur désir le plus cher, maisles chiffres ne sont pas optimistes : seuls 10 % peu-vent espérer à leur majorité recevoir l’identité euro-péenne, pour les autres déjà fragilisés psychologi-quement, leur parcours risque toujours d’être seméd’embûches. Refoulés d’un côté, battus de l’autre, cesindésirables ont pourtant à Melilla un défenseur quise bat pour le respect de leur droit.

José Estran, association Prodein : « Ce gosse a étéexpulsé il y quelques jours. Ça a été très dur pourlui. Il est resté sans manger, sans boire, dans lefroid, il est très marqué. Chacun se renvoie le pro-blème et le constat, c’est que les droits de l’enfantsont bafoués ici et que nous ne devons pas fermer lesyeux. »

Dans la nuit déjà très avancée, la police localecontrôle et patrouille. De leur point de vue, lesjeunes clandestins ne représentent qu’une petitedélinquance, quelques trafics et autres vols deMobylettes.

« Ils n’ont pas d’armes à feu, seulement des cou-teaux, des armes blanches. » [Un policier dans unevoiture de service.]

Dans le même temps, José Estran continue sa tour-née. La dernière découverte de la nuit : un enfantfrigorifié sous les roues d’un camion. Un de plus,venu allonger la longue liste des naufragés deMelilla 33.

Lorsque Marine Jacquemin termine sonreportage, c’est le premier « véritable »enfant que l’on voit, les autres sont desadolescents. Lorsqu’elle présente Marco, enl’assimilant quelque peu à un enfant, lesquelques phrases qu’il prononce montrentqu’il n’est plus à proprement parler unenfant : « Tous les soirs, je traîne dans lesrues avec mes potes, ça fait douze ans queje vis comme ça. Les Espagnols m’ont virécinq fois vers le Maroc, mais je revienstoujours la nuit à travers les barbelés. »

33. TF1, JT de 20 h, lundi 11 mars 2002.

▼ ▼ ▼LES DÉNOMINATIONS DE LA JEUNESSE

28

Mais le fait d’avoir parlé d’enfants semblenous faire partager leur souffrance d’ado-lescents errants.

Prenons un autre exemple : un reportagesur une structure d’accueil, Les pressoirsdu Roy.

Voilà, parlons encore des enfants avec un coup deprojecteur sur l’association Les pressoirs du Roy, quiaccueille 70 garçons et filles en grande difficultédans leur famille. C’est un reportage de F. Medouni,E. Boucher, près de Fontainebleau.

Ils ont 6 ans pour les plus petits, 21 ans pour lesplus grands, la plupart vivent ici en fratrie, privésmomentanément du milieu familial, sur décision dujuge ou par choix, si l’on peut appeler ça un choixquand on a 10 ans à peine.

Patricia, 18 ans : « C’est surtout pour ma petite sœurque je suis partie en fait, je voulais pas qu’elleconnaisse la même chose. Nos journées, elles étaient,je sais pas comment vous expliquer, invivables,c’était terrorisant et on avait pas de calme, enfin,tout ce qu'un enfant peut connaître dans son enfan-ce… On n’avait pas de repères du tout quoi. »

Arrivés au centre, les jeunes sont pris en charge pardes éducateurs et une maîtresse de maison. La prio-rité : les rassurer, faire disparaître en eux le senti-ment de culpabilité.

Samantha, 18 ans : « J’habitais avec ma maman eten fait elle était, elle avait des problèmes d’alcool etça allait plus du tout, donc, avec mon frère, on ademandé à notre éducatrice d’être placés... [coupevisible] On se sent coupables d’être partis, de l’avoirlaissée seule, des petits trucs comme ça, mais bon, àforce, on s’y habitue. »

Les plus âgés disposent d’un studio indépendant,tous les enfants sont scolarisés et pratiquentdiverses activités, ce cocon familial leur permet éga-lement d’établir une nouvelle relation avec leur pèreou leur mère.

Jacqueline Vialatte, directrice institution Michel-Cognacq, Les pressoirs du Roy :

« Nous rencontrons les familles quand cela est pos-sible et surtout nous aidons les enfants à reprendrecontact avec leurs parents et leur famille, si parexemple le contact a été supprimé ou distendu. »

Morgan, 18 ans : « Je rentre chez moi le week-end etça se passe le mieux du monde, ça fait plaisir de lesvoir, donc ils sont contents de me voir et, à courtedurée, ça se passe très, très bien. »

En offrant des lieux d’accueil comme Les pressoirsdu Roy, les éducateurs veulent éviter à ces enfantsen difficulté une rupture définitive avec ceux quirestent avant tout leurs parents 34.

Il est étonnant que ce reportage parled’abord d’enfants, quand les personnes quisont interviewées sont toutes majeures.Cela s’explique sûrement par la présenced’enfants dans cette structure, bien queceux-ci ne soient pas présents dans lereportage.

On peut remettre cette confusion en pers-pective avec la Loi française et l’ordon-nance de 1945. Ceux qui connaissent bienle sujet ne s'étonneront pas des remarquesqui vont suivre mais il convient de faire unrappel général.

Deux mots sont utilisés pour désigner lesindividus concernés par cette ordonnance :enfant (enfance) et mineur. Le mot jeuneou jeunesse n’est jamais utilisé (l’appari-tion des politiques de jeunesse vient plustard, mais il n’est pas de notre ressort ni denotre compétence de discuter sur ce sujet).Le mot adolescent n’est cité qu’une seulefois lors d’un rappel à la loi de 1912. Peut-on dire sérieusement aujourd’hui que laquestion de l’enfance coupable véhicule lesmêmes références que la question desjeunes mineurs délinquants, comme aimentà le dire les présentateurs du journal télévi-sé (et d’autres ailleurs également) ?

Le juge en charge de ces problèmes n’estpas un juge des jeunes, ni un juge desdélinquants, ou un juge des mineurs, il estun juge des enfants 35. Ce jeu sur les motsaffecte pourtant le débat politique. Dèslors, la remise en cause de la philosophiede l’ordonnance est incompréhensible d’unpoint de vue médiatique.

34. TF1, JT de 20 h, mercredi 10 avril 2002.35. Ni d’ailleurs, comme on le dit parfois à tort, un juge pourenfants.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 29

On ne parle plus de la même chose. On nedésigne plus la même chose. Par le voca-bulaire employé, l’information télévisuelle« décontextualise » l’ordonnance de 1945.Comment rediscuter une loi alors qu’on neparle plus de la même chose ?

Un détour par le cinéma peut ici être utilepour éclairer nos propos. François Truffauta à plusieurs reprises filmé des enfants etvoici ce qu’il écrit : « Il ne faut jamaisoublier que l’enfant est un élément pathé-tique auquel le public sera d’avance sensi-bilisé. Il est donc très difficile d’éviter lamièvrerie et la complaisance. (…) Pour lespectateur adulte, l’idée d’enfance est liée àl’idée de pureté et surtout d’innocence ; enriant et pleurant devant le spectacle del’enfance, l’adulte, en réalité, s’attendrit surlui-même, sur son “innocence” perdue.C’est pourquoi, plus qu’en tout autredomaine il importe ici d’être réaliste, etqu’est-ce que le réalisme sinon le refus depessimisme et d’optimiste, en sorte quel’esprit du spectateur puisse prendre partilibrement, sans “coup de pouce” du réali-sateur 36 ? »

Ce problème de dénomination se retrouvedans les reportages que nous avons analy-sés. Dans « Des enfants au feu sacré 37 », lapersonne interrogée la plus jeune a envi-ron 13 ans. Les premiers élèves pompiersinterviewés ont environ 20 ans. Aucun n’al’air d’un enfant.

Marcel Trillat vient filmer les tensionsentre les quartiers des Tarterets et desPyramides et, plus généralement, la viedans un quartier populaire. Il intitule sonreportage « Les enfants de la dalle 38 ». Ladalle fait référence à l’endroit où a été tuéSinan… 18 ans. Les jeunes interviewés sonttous au moins des adolescents. Il estremarquable de noter que le seul reportagenon manichéen sur les banlieues parled’enfants et pas de jeunes.

Arte a également intitulé un de ses repor-tages « L’île des enfants perdus 39 », alors

qu’il concerne des délinquants âgés d’aumoins 16 ans. En appelant un reportagesur une prison sur une île « L’île desenfants », on voit tout de suite l’allusion,l’imaginaire que nous offre ce titre, avec laréférence à Peter Pan.

La jeunesse commetranche d’âge scolarisée(collégien, lycéenet étudiant)

De nombreux reportages concernent lemilieu scolaire. C’est que, finalement, le sta-tut d’élève est la seule manière d’« étique-ter » les jeunesses sans gros problème decompréhension. On ne parle pas de jeune,d’enfant et on évite toute différence sociale,le terme « élève » s’appliquant à tous.

Parfois pourtant certains reportages préfè-rent utiliser le mot « jeune », même dans uncontexte scolaire.

On le voit, l’insécurité n’est pas absente des établis-sements scolaires. Pour protéger les abords des col-lèges, une mission de prévention est actuellementmenée à Marseille, des médiateurs sociauxpatrouillent autour des établissements sensibles de laville. C. Auffret, G. Gouet les ont suivis 40.

16 h 00 : le signal du départ, les jeunes sont impa-tients de sortir, la fin des cours est pour eux syno-nyme de retour à la liberté. Ils vont échapper auregard des adultes, le collège les rend à la rue et àses dangers.

Michel Donchier, principal du collège Elsa-Triolet :« Dès que le coin de la rue était tourné, on ne pouvait

36. « Réflexions sur les enfants et le cinéma », Le Plaisir des yeux,F. TRUFFAUT, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, 2000.37. Reportages, TF1, 31 octobre 1998.38. « Marcel Trillat et Les enfants de la dalle », Envoyé spécial,France 2, 1er octobre 1998.39. Arte reportage, Arte, 12 janvier 1999.40. TF1, JT de 20 h, vendredi 8 mars 2002.

▼ ▼ ▼LES DÉNOMINATIONS DE LA JEUNESSE

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plus intervenir. Effectivement, il y a possibilité cer-tainement de trafic, de dangers, sans compter derisques qui sont forcément menaces, racket, tout ceque l’on trouve à l’heure actuelle dans pratiquementtous les collèges. »

Et si le principal parle au passé c’est que, depuis ledébut de la semaine, deux médiateurs sociaux ontpris leurs quartiers aux heures de sortie. Des jeunesformés par l’État et le conseil général pour en sécu-riser les abords comme ce terrain de boules isolé,idéal pour les bagarres et autres transactions dis-crètes. Ni policier ni surveillant, les médiateurs ontsu gagner la confiance des jeunes.

« On communique bien avec eux, parce qu’ils ontvécu dans un quartier comme nous, on leur parlecomme si on les connaissait depuis longtemps. »[Une jeune fille.]

« Au moins on attendait la fin des heures du courspour sortir, pour se battre, maintenant depuis qu’ily a les médiateurs. C’est ça..., ben voilà, ça vamieux. » [Un jeune garçon.]

Frédéric Rascat, médiateur social : « Je pense qu’onest très utile pour eux, parce qu’ils peuvent pas seconfier à l’intérieur du collège, ils ont pas trèsconfiance, ils aiment leur prof, je pense. Alors quandils voient que c’est des jeunes à l’extérieur, ils fontconfiance aux jeunes. »

Car le but de ce dispositif est aussi de faire remon-ter les informations pour pouvoir alerter le collège etla police, si les confidences se font graves.

Alors que l’on se situe dans ou aux abordsd’un établissement scolaire, un collège, lemot élève, collégien, n’est jamais utilisé.On parle de jeunes. Cela vraisemblable-ment pour insister sur la « parenté », le lienentre les médiateurs sociaux (des jeunes) etles collégiens.

L’épisode électoral du 21 avrilL’épisode électoral du 21 avril est aussi trèsintéressant. Il montre comment on réserveun sens précis à certaines dénominations.Par l’éclairage médiatique important surles jeunes, on pouvait espérer une nouvel-le manière d’appréhender les jeunes. Maisen étudiant les reportages des journauxtélévisés de cette période, on remarque queles jeunes des manifestations sont des

« lycéens » ou des « étudiants », ce que nesont jamais pour les journalistes les« jeunes » qui commettent des actes délic-tueux ou qui en sont soupçonnés.

Ça devient une habitude depuis dimanche soir, desdizaines de milliers de personnes, lycéens ou étu-diants pour la plupart se sont retrouvés dans la ruepour manifester contre le leader du front national.A. Mikoczy, A. Molinier 41.

La mobilisation des jeunes lycéens et étudiants nefaiblit pas ; pour la deuxième journée consécutivedes cortèges se sont formés à Paris, par exemple1 000 ont battu le pavé dans une ambiance qui restaittranquille. Beaucoup de lycéens qui accomplissent leurpremière démarche politique…

« Nous, la jeunesse française, on défend des valeursdémocratiques, on croit à la liberté, on est contre laxénophobie et en conséquence on a bien envie de mon-trer à l’Europe et au monde que la jeunesse, c’est cer-tainement pas les résultats du premier tour. »

Aujourd’hui la rue était aux lycéens et aux collégiens,les étudiants plus organisés prévoient de se retrouverdemain en assemblée générale.

Tour de France des cortèges par A. Gardet, I. Delion 42.

Des banderoles plus que des porte-voix car le silencepour eux est plus fort que les mots, 6 000 lycéens sesont d’abord rassemblés calmement sur la place cen-trale de Toulouse avant de défiler.

« On veut montrer que l’on est dans une démocratie etque l’important c’est pas forcément de manifester, demontrer de la haine, c’est d’aller voter et de faire sondevoir de citoyen. »

Ailleurs on s’époumone, grandes villes, petites villes,la jeunesse s’égaille partout même là où on ne l’at-tend pas, à Carcassonne par exemple :

« On n’est pas là pour foutre le bordel, on est juste làparce qu’on veut pas de fascisme en France. »

« On a voulu représenter tous les peuples qui vivent enFrance et qui veulent y rester. »

Mais c’est dans le grand Ouest que la mobilisation estla plus forte aujourd’hui.

À Nantes, 15 000 lycéens et étudiants ont battu le pavécontre le leader du front national. Du jamais vu !

41. France 2, JT de 20 h, mardi 23 avril 2002.42. France 2, JT de 20 h, jeudi 25 avril 2002.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 31

Il semble que le mouvement se structure jour aprèsjour, comme à Strasbourg où les lycéens ont créé unservice d’ordre dans leurs propres rangs.

« On met les bouchées doubles justement pour qu’y aitpas de débordements, pour que les idées de monsieurLe Pen, il s’en sert constamment à chaque fois qu’il ya des débordements, donc ça il va s’en servir. »

Et ça marche : ils étaient 5 000 à faire l’école buis-sonnière comme un pied de nez aux résultats de J.-M.Le Pen car ici, en Alsace, il est arrivé en tête partout.

Un dernier exemple nous semble intéres-sant à analyser : comment dans un mêmejournal 43, sur un même sujet, deux repré-sentations de la jeunesse peuvent coexisterde façon presque antinomique.

Depuis hier soir 21 heures, les manifestations contreJ.-M. Le Pen se sont multipliées. En ce moment àParis, plusieurs milliers de personnes se rassem-blent place de la République où nous retrouvonstout de suite Valéry Nataf.

Les valeurs de la République en slogan anti-Le Penet pour dire leur indignation, des milliers de per-sonnes se sont rassemblées en fin d’après-midi, tou-jours atterrées par le score réalisé par l’extrême droitelors du scrutin d’hier.

« Moi j’en tremble, quoi, y’ a 20 % de gens là quicontestent ma citoyenneté, pour 20 % de gens je nesuis pas français, moi je le vois comme ca, je trou-ve ça dégueulasse. » [Un jeune garçon.]

Le service d’ordre du parti communiste a été mis àcontribution pour garder un caractère pacifique aurassemblement, mission réussie… et pour les mani-festants – beaucoup âgés de moins de vingt-cinqans – le choix est fait pour le deuxième tour.

« Qu’on soit pour Chirac ou pas, on doit voter Chiracpour justement faire quelque chose contre J.-M. LePen. »

La jeunesse s’est sentie stigmatisée pendant la cam-pagne électorale, elle a souvent boudé les urnes etparfois douté de la politique, mais la présence deJ.-M. Le Pen au second tour a agi comme un élec-trochoc.

« Je suis né en France, j’aime mon pays et c’est parceque j’aime mon pays qu’aujourd’hui je suis dans larue et parce que mon pays est livré aux fascistes. »[Une jeune fille.]

Quelques minutes plus tard, TF1 consacreun reportage sur Sevran, ville PCF qui avoté Front national au premier tour.Interview d’un boucher, d’une dame qui dits’être fait cambrioler et voler sa voiture, etdu maire Stéphane Catignon (reportage deG. Bellec, J.-Y Mey). Après les interviewsen centre ville, nous retranscrivons laseconde partie du reportage.

Les quartiers qui font peur, les voici, le Pont blanc,les Bottes, où les voitures brûlent régulièrement, desquartiers très jeunes : ici, beaucoup ne sont pasallés voter.

« Moi je suis parti voter mais je sais qu’y en a pleinqui sont pas partis voter parce qu’ils ont pas decarte d’électeur, ils ont pas eu le temps… Y’ en a, ilssavaient pas que Le Pen, il allait passer, c’est pourça. » (Un jeune garçon.)

« J’ai pas voté parce que, en fait, ma carte électora-le, je l’ai pas fait, mais là je regrette, je regrettemaintenant, mais, au deuxième tour, j’espère que jevais pouvoir voter. » [Un jeune garçon.]

« Ceux qui votent pas, faut pas qui viennent seplaindre devant moi, ouais, si vous vous voulez pasvoter, c’est de votre faute, faut pas qui viennent seplaindre. »

Des jeunes qui aujourd’hui se sentent concernés faceau score du Front national.

« Pour eux, c’est une victoire mais bon, ils ont gagnéune bataille comme on dit, la guerre ça seradimanche 5 mai, on va voter Chirac. » [Un jeunegarçon.]

Ici la plupart des jeunes sont décidés à aller voter,en tout cas ceux qui ont leur carte d’électeur.

Ici la différence est flagrante. Concernantles manifestations, on parle de personnes etde La jeunesse. De l’autre pour expliquer levote FN, et interroger la jeunesse qui n’a pasvoté, on parlera de quartiers très jeunes, desjeunes, de la plupart des jeunes.

43. TF1, JT de 20 h, lundi, 22 avril 2002.

▼ ▼ ▼LES DÉNOMINATIONS DE LA JEUNESSE

32

En réalité, avec le 21 avril, les journalistesont changé leur vision d’une jeunesse, cellescolarisée dans des cursus généraux et valo-risée socialement. La vision problématiquedes quartiers populaires n’a pas été changée.La Jeunesse contre les jeunes. Les jeunes-citoyens contre les jeunes-qui-font-rien.

La jeunesse, si elle n’est qu’un mot, estaussi une abstraction, qui ne représentepersonne mais véhicule véritablement desvaleurs. Ainsi la jeunesse incarne le sur-saut civique et les jeunes uniquement laparesse démocratique.

Pour reprendre une expression de GérardMauger 44 à propos des discours sociauxsur la jeunesse, « la jeunesse appartient audiscours prophétique, les jeunes appartien-nent au discours de combat ».

Lorsque jeune est assimilé à danger, à délinquance

Alors que « la jeunesse » est la plupart dutemps utilisée avec une connotation trèspositive, l’emploi du mot « jeune » estbeaucoup plus problématique.

D’abord, la dénomination « jeune », « lesjeunes »…, nous paraît être utilisée ex nihi-lo, sans s’inscrire dans un fait prouvé.Lorsqu’on explique que ce sont des jeunescagoulés qui détruisent un commissariat,etc., et que personne n’est arrêté, qu’uneinstruction judiciaire est en cours, il paraîtdifficile de pouvoir identifier si ce sont desjeunes ou des adultes, surtout s’ils ontentre 25 et 35 ans. C’est donc l’a priori quil’emporte sur la prudence.

Prenons l’exemple du compte rendu parFrance 2 de la visite de M. Sarkozy 45, dans

un commissariat où des policiers ont étévictimes d’un guet-apens aux Tarterets.

Surpris par l’état du véhicule, le ministre s’est faitraconter l’embuscade, c’était il y a 24 heures. Desjeunes cagoulés ont attaqué à coups de pierre unepatrouille de police de proximité.

Dehors, après le départ du ministre, l’annonce durenforcement policier dans la cité des Tarterets estaccueillie sans enthousiasme

Ameur, jeune de quartier : « Ça va empirer leschoses, les flics dans leur quartier y vont… voilà,c’est un truc de fierté, c’est provoc. »

On trouve ainsi un adolescent interviewéavec l’incrustation suivante : « jeune dequartier ». Il existe donc une nouvelle caté-gorie celle de « jeune de quartier ». D’autresexemples pourraient montrer comment levocable « les jeunes » peut devenir omni-présent, dans un discours parsemé d’ex-pressions du type « une trentaine dejeunes », « ce jeune du quartier », « desjeunes », « plusieurs jeunes du quartier »,« plusieurs jeunes voyous », « un groupe dejeunes », « jeune majeur »…

On ne fait plus l’effort, comme dans d’autressujets, de varier les dénominations, commesi le mot jeune était désormais réservé à lacité. En tout cas, les autres dénominationsen sont bannies. Prenons l’exemple d’unreportage sur les vacances 46.

Les vacances de février se terminent. Depuisquelques saisons, la montagne n’est plus préservéedes incidents, voire des violences provoquées parcertains jeunes des banlieues difficiles qui ontdécidé aussi de profiter des joies du ski. Mais cetteimage négative, d’autres jeunes issus des banlieuesveulent la gommer. Ils ont travaillé auparavant surun chantier pour se payer ces vacances. L. de LaMornais, V. Travert.

44. Gérard MAUGER, « Formes et fonctions des discours sociauxsur la jeunesse », Les Jeunes et les Autres. Contributions dessciences de l’homme à la question des jeunes, coordonnées parFrançois Proust, présenté par Michelle Perrot, CRIV, 1986.45. France 2, JT de 20 h, jeudi 16 mars.46. France 2, JT de 20 h, vendredi 1er mars.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 33

« On part tous les jours au ski, donc on fait ce tra-vail-là pour y aller entre amis. »

Du blanc des pinceaux au blanc de la neige, c’est untravail dans un chantier de Cergy qui a fait glisser« tout shuss » ces jeunes vers les pistes. Un groupede jeunes de banlieue, dit-on souvent par facilité.Ici, eux n’ont qu’un seul but : passer des vacances àla neige comme tout le monde.

Sothure : « On vient ici, on fait du ski, ça nous prenddu temps au lieu de rester dans le quartier à fairen’importe quoi, faire des conneries tout ça, ouais,c’est mieux, en plus, on découvre des lieux qu’on ajamais vus. »

La banlieue a mauvaise réputation. Ce gîte a accep-té de les accueillir sans a priori. Les jeunes partici-pent à la cuisine ou à la vaisselle à tour de rôle, maisla plupart du temps il est difficile pour ces groupesde trouver un hébergement.

Benoît Betourne, éducateur : « Un groupe de jeunesont dit qu’ils viennent de Cergy ; c’est où Cergy ?C’est en banlieue parisienne. On sent une hésitationsoit avant, soit après, mais y’ a toujours ce tempsd’hésitation. »

Saïd et Jérôme : « Les gens, ils nous voient touspareils : c’est des jeunes, des jeunes, ils vont foutrela merde. Ils voient tout ça. »

« C’est un peu à cause de la télé aussi, il faut le dire,parce que la télé, elle fait passer certains messageset ils écoutent plus la télé que les gens. » [Un jeunehomme.]

Ce séjour, les jeunes le doivent en partie à une asso-ciation de guides de haute montagne, des passionnéspour qui le ski peut être un formidable révélateurpour les jeunes.

Patrick Gabarrou, guide de haute montagne :« Simplement peut-être parce qu’ils ne connaissentpas ce qu’il y a de très beau dans la vie et, si un jourils sont ici, ils vont avoir le flash, y’ en a un sur dixqui va avoir le flash et qui va dire : “Moi mainte-nant dans ma vie j’ai envie d’être en montagne.” »

Quelques heures de travail leur ont offert cesvacances, c’est donnant, donnant ; comme en mon-tagne, après la montée, la descente.

Dans cet exemple, le mot jeune s’utilisecomme quelque chose qui n’est plus àdémontrer. Il est du registre de la véritéauto-démontrée analysée par PierreLegendre 47. Cette manière de réserver unedénomination, les jeunes, à une catégorie

particulière de la jeunesse française nousmontre comment on peut récréer une dif-férenciation stigmatisant des groupessociaux particuliers.

À cette question de la dénomination vients’ajouter la question d’une stigmatisationpar l’image.

La question de la stigmatisation revientcomme un leitmotiv chez beaucoup de nosinterlocuteurs préoccupés par l’image de lajeunesse à la télévision. La question de lastigmatisation des jeunes de quartierspopulaires et des banlieues en général n’estpas nouvelle. De nombreux travaux ontdéjà abordé ce sujet. Il nous semble pour-tant qu’un aspect a été peu exploré qui estde comprendre si un stigmate peut êtreuniquement télévisuel. Sans préciser pluspour l’instant, il semblerait qu’à travers laquestion de la protection de la personne,de son anonymat, un type particulier destigmate devienne présent à l’écran sansqu’on puisse en mesurer les effets.

Rappel sur la protectionde l’identité et particulièrementde la jeunesse

Il nous semble d’abord important d’expli-quer dans quel contexte a lieu cette ques-tion de l’anonymat dans la presse, et ici, ence qui nous concerne, à la télévision.L’article 9 du Code civil indique que « cha-cun a droit au respect de sa vie privée ». Le

47. Une vérité qui, contrairement au système contradictoire misen scène par l’institution judiciaire, « n’a pas à se démontrer.Elle doit être seulement énoncée, déclarée, rattachée et célé-brée par les moyens qui sont les siens dans le domaine des sys-tèmes d’organisation.. » Pierre LEGENDRE, L’Empire de la vérité.Introduction aux espaces dogmatiques industriels, Paris, Fayard,1983, cité par Sébastien ROUQUETTE.

▼ ▼ ▼LES DÉNOMINATIONS DE LA JEUNESSE

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non-respect de cet article ouvre dès lors àdes dommages et intérêts en réparation dupréjudice subi. Est réprimé par plusieursarticles du Code pénal le fait de portervolontairement atteinte « à l’intimité de lavie privée d’autrui : en captant, enregis-trant ou transmettant, sans le consente-ment de leur auteur, des paroles pronon-cées à titre privé ou confidentiel ; enfixant, enregistrant ou transmettant, sansle consentement de celle-ci, l’image d’unepersonne se trouvant dans un lieu privé ;conserver, porter ou laisser porter à laconnaissance du public ou d’un tiers oud’utiliser de quelque manière que ce soittout enregistrement ou document obtenu ».

Les textes spécifiques aux mineurs sont l’ar-ticle 14 de l’ordonnance du 2 février 1945 etl’article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881,modifié par la loi du 15 juin 2000, « renfor-çant la protection de la présomption d’inno-cence et des droits des victimes ». Il convientde rappeler que l’ordonnance de 1945, « touten respectant l’esprit de notre droit pénal,accentue en faveur de l’enfance délinquantele régime de protection qui inspire par tradi-tion la législation française ».

Pour le CSA, « le principe retenu est clair :il faut protéger l’anonymat des mineursqui témoignent lorsqu’ils sont en situationdifficile, qu’il s’agisse d’une situation fami-liale, sociale, médicale ou judiciaire. (…)Pour l’essentiel, ces recommandations ontété intégrées aux nouvelles conventions deTF1 et de M6 dans les termes suivants : “Lachaîne s’abstient de solliciter le témoigna-ge des mineurs placés dans des situationsdifficiles dans leur vie privée, à moinsd’assurer une protection totale de leuridentité par un procédé technique appro-prié et de recueillir l’assentiment dumineur ainsi que le consentement d’aumoins l’une des personnes exerçant l’auto-rité parentale 48” ».

On en retrouve la traduction dans la charted’antenne de France 2 : « S’agissant des

mineurs en situation difficile dans leur vieprivée, c’est-à-dire les enfants en situationpsychologique ou physique complexe oudélicate pour lesquels la diffusion de leurtémoignage est susceptible de provoquerdes problèmes avec l’entourage (enfantsinterrogés sur le divorce de leursparents…), France Télévisions “s’abstientde solliciter (leur) témoignage (…) à moinsd’assurer une protection totale de leuridentité par un procédé technique appro-prié” – ce qui implique un “floutage” effi-cace du mineur mais également la modifi-cation de la voix et la non-mention de sonnom – “et de recueillir l’assentiment dumineur (…) ainsi que le consentement d’aumoins l’une des personnes exerçant l’auto-rité parentale”. Ne peuvent en aucun casêtre dévoilées ni l’identité ni la personna-lité d’un mineur délinquant, même avecl’autorisation des parents (…), des précau-tions particulières doivent être prises pourles mineurs placés en situation psycholo-gique ou physique difficile. »

Cet anonymat est indispensable. Comme leremarque J.-M. Charon, un « floutage »partiel ou mal conçu et « il y aura desrépercussions (…) plaçant certains dans despositions délicates, exaspérant les posi-tions des acteurs sur le terrain 49 ». Notrepropos n’est en aucun cas de remettre encause cette protection nécessaire et sainepour la vie publique.

D’après nous, le malaise peut résiderailleurs. Il s’agit de questionner lesmanières de mettre en forme, de mettre enimage, cet anonymat.

48. Sophie JEHEL, « Protection de l’enfance et de l’adolescenceà la télévision », Les Brochures du CSA, 1999.49. J.-M. CHARON, « Les médias en première ligne », Les Idéesen mouvement, hors série n° 2 « Autorité, éducation, sécurité ».

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 35

Une stigmatisation liée à la technique télévisuelle

Au visionnage de nombreux reportages oùl’anonymat est nécessaire apparaît un nou-veau type de stigmate.

Comme le rappelle Erving Goffman 50, « lemot stigmate servira donc à désigner unattribut qui jette un discrédit profond, maisil faut bien voir qu’en réalité c’est entermes de relations et non d’attributionqu’il convient de parler ».

Le stigmate que nous avons été amenés àdégager est ce qu’on pourrait appeler unstigmate social virtuel. Cette dénominationmérite explication. Stigmate, car certainstypes de « floutage » ressemblent à « desmarques corporelles destinées à exposer cequ’avait d’inhabituel et de détestable lestatut moral de la personne ainsi signa-lée ». Si l’on cache un individu, c’est fina-lement qu’il a quelque chose à cacher.Stigmate virtuel, parce que ce stigmate sedistingue du stigmate habituel dans le sensoù il ne se déploie qu’à travers une média-tion, la télévision. Lorsque le journalistefilme un jeune, celui-ci n’est pas masqué.C’est à travers une opération technique(cadrage, floutage…) que l’anonymat vaêtre rendu. Ce type de stigmate est un effetdu système de représentation qu’est la télé-vision. Or notre hypothèse est de dire qu’ilexiste différentes manières de préserver cetanonymat. Ces différentes manières nesont pas équivalentes et certaines peuventêtre stigmatisantes. Social, enfin, parceque si le floutage est une protection del’individualité, il n’est pas le stigmate d’unindividu particulier. Le floutage dans cer-taines circonstances (que nous allonsexpliciter) amène à effacer toute singulari-té, tout trait particulier qui désigne l’indi-vidu comme unique. Cette perte de l’indi-vidualité fait que le floutage résonne

socialement. Ce stigmate social virtuel sedistingue donc évidemment des trois prin-cipaux stigmates que Goffman met au jour(monstruosité du corps, tares du caractère,stigmates tribaux).

Un stigmate se construit par rapport àquelque chose, dans une dynamique à unenorme. Nous voulons montrer qu’il existedifférentes manières de protéger l’anony-mat d’un mineur, comme d’un autre indi-vidu, et que ces différents procédés ne sevalent pas. Les différences sont sociales,dépendent du contexte de l’interview etégalement du statut de la personne à pro-téger.

On peut prendre l’exemple d’un reportagede France 2 sur les viols collectifs. Lereportage est constitué de deux terrainsd’enquête, deux lieux où des viols collec-tifs ont été recensés : une cité de banlieueet la ville de Luchon dans les Pyrénées. Sil’on s’attache à analyser les interviews devioleurs présumés ou potentiels, onconstate que le traitement de l’anonymatn’est pas le même. Ceux qui appartiennentaux quartiers populaires sont interviewésdans la rue et le masquage vient aprèscoup, lors du montage. En revanche,lorsque le reportage se déplace à Luchon,l’interview d’un violeur présumé est esthé-tisée. Il est totalement plongé dans le noir.On distingue à peine sa silhouette. La seulesource de lumière est un vitrail en arrière-plan. On est loin d’une interview devant unMcDonald's, d’un groupe de jeunes « flou-tés ». Il est intéressant de noter que (et celad’après l’excellent reportage des journa-listes d’Envoyé spécial) les violeurs présu-més de Luchon sont issus des milieuxbourgeois de Luchon… Ainsi, concernantun même sujet (viol collectif), dans unmême rôle (violeur présumé), une différen-ciation est effectuée dans l’interview desjeunes… avec une attention plus particuliè-re pour le jeune issu d’un milieu aisé.

50. Erving GOFFMAN, Stigmate, Minuit, 1975.

▼ ▼ ▼LES DÉNOMINATIONS DE LA JEUNESSE

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Il nous faut également comparer le traite-ment de l’anonymat entre les victimes etles délinquants, criminels. Lorsqu’une vic-time (racket, viol…) est présentée, il est trèsrare que le journaliste ne rappelle pas dedifférentes manières (voix off du journalis-te pendant le reportage, incrustation àl’écran, rappel du présentateur en plateauavant ou après le reportage) que si la vic-time est filmée de manière anonyme, c’estqu’elle risque pour sa sécurité. Il en est demême pour les policiers. Lorsque les poli-ciers sont masqués, il est expliqué que c’estpour préserver leur sécurité et celle de leursproches. Cet effet virtuel de mise en imageest justifié ; il ne reste pas sans explication.

À l’inverse, on ne retrouve pas cetteconstance en ce qui concerne les mineursdélinquants, ou ce qu’on appelle les jeunesdélinquants, les jeunes majeurs délin-quants…

Nous avons pu recueillir peu de cas d’ex-plication d’une préservation de l’anony-mat. Seulement deux dans notre corpus :

« Adolescents et hors-la-loi », Zone interdite, M 6,22 février 1998.

(…) Tous les jours ils côtoient ces jeunes. Certainsd’entre eux commettent des actes de délinquance.Vous ne verrez pas leur visage, vous n’entendrezpas leur voix, ce sont des précautions afin de pro-téger les mineurs. « Des flics et des gamins », c’estun reportage…

« La souricière à 13 ans », Arte reportage, Arte,18 novembre1998.

La souricière, dans le jargon des policiers et desdélinquants, c’est le dépôt du tribunal, l’endroit oùles mineurs arrêtés en flagrant délit font connais-sance avec la justice. À Bobigny, en région parisien-ne, le dépôt du plus grand tribunal pour enfants deFrance en accueille une bonne dizaine par jour. Lemonde dans lequel nous pénétrons est un mondesans visage et la préservation de l’anonymat desjeunes est obligatoire.

L’idée d’un stigmate d’un type particulierest renforcée par des stratégies de type

télévisuel (et cela plus ou moins incons-ciemment) qui se déploient autour de cestigmate. C’est que la rencontre avec lejournaliste est une interaction où certainscomportements se modifient en connais-sance de l’enjeu que représente le fait depasser à la télévision. Pour illustrer notrepropos, nous avons choisi un extrait d’unedes premières scènes « Des enfants de ladalle », un reportage de M. Trillat pourEnvoyé spécial :

Aux Pyramides, la visite commence par les anciensparkings aujourd’hui désaffectés : le royaume sanspartage des gamins du quartier. [Marcel Trillat, voixoff.]

[Un garçon lui montre une entrée d’immeuble.]

« Là, il faut filmer, monsieur ! Là, c’est une voiturequ’est éclatée ; là, ils ont voulu bloquer le mur, vousvoyez…. On a cassé le mur… parce que ça casse lebusiness. Ici, c’est la caverne d’Ali Baba, c’est làqu’on cache des trucs. »

[Un jeune s’avance devant la caméra.]

« Non mais je veux dire j’espère que ça va cacher nostêtes ?

– Comme vous voulez, oui… [Marcel Trillat, horschamp.]

– Faut pas que mon frère me voie à la télé, y va metuer s’il me voit à la télé. »

[Les autres jeunes continuent de faire la « visite » àM.Trillat.]

« La police, elle rentre pas dedans, même la police.

– Qu’est-ce qui se passe ici, alors ? [Marcel Trillat.]

– Des combats de chiens !

– On vend des voitures volées ici, et y en a qui veulentapprendre à conduire, ils viennent ici, par exemple.

– Ici, c’est l’auto-école gratuite !

– Ouais voilà, l’auto-école gratuite…

– Et là, ils ont su ça et ils ont mis le mur, mais ona cassé.

– Qu’est-ce qui se passe d’autre ? [Marcel Trillat.]

– Ici on s’entraîne à tirer, tester les nouveaux fusils bah,normalement il y a des impacts… mais voilà quoi !

– Attends monsieur, on va vous montrer desimpacts.

– Mais non ! Mais les impacts…

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 37

– Vous avez des armes ? [Marcel Trillat.]

– Bien sûr qu’on a des armes ! n’importe, je vais ledire à la caméra, n’importe qui qui vient ici, il estmort (rires), il est mort.

– Il saute !

– N’importe qui de Corbeil, Grigny… »

On voit bien l’interaction qui peut se jouerdans l’anonymat. On a encore en tête lesnombreux dérapages, les reportages bidonsqui se construisent sur le principe de l’ano-nymat. Dans cet exemple, un jeuneexplique qu’il teste les nouveaux fusilsalors qu’il n’y a aucun impact de balle.Lorsqu’un des jeunes veut montrer desimpacts, son ardeur est refrénée par unautre jeune qui ne termine pas sa phrase. Ilest intéressant également de voir qu’ilssont rapidement « morts de rire ». Or l’unedes premières choses dont ils se sont assu-rés est le fait d’être protégés par un masqueensuite. Et cette responsabilité est parta-gée. Marcel Trillat est directement interpel-lé et fait une réponse. Ainsi la responsabi-lité de ces mensonges n’incombe pas uni-quement aux jeunes suivis par les journa-listes. Les journalistes ont eu aussi la pos-sibilité de modifier l’interaction à cemoment précis. Ils peuvent ne pas diffuserla scène. À ce propos, Marcel Trillat nous aexpliqué qu’il s’est longtemps demandé s’ildevait diffuser cette scène, qui pour luin’avait aucune véracité (si ce n’est celle demontrer que certains jeunes savent couvrirle terrain des cités et montrer ou dire ceque certains journalistes viennent cher-cher). Une autre possibilité est de réagir envoix off. En ce qui concerne « Les enfantsde la dalle », lorsque Marcel Trillat diffusecette séquence il y répond dans l’interviewqui suit la diffusion de son reportage sur leplateau d’Envoyé Spécial :

Bernard Benyamin. - « J’ai dit tout à l’heure quevous aviez passé quatre mois avec ces gosses debanlieue parce qu’il nous a semblé que le temps

était un élément indispensable pour réussir ce typede reportage…

Marcel Trillat. – Vous savez, Bernard, pour les jeunesde banlieue, tout journaliste qui rôde dans le secteurest animé à leur égard, pensent-ils, des pires inten-tions… Il va leur promettre monts et merveilles, maisc’est pour mieux les piéger, pour alimenter les cari-catures, les lieux communs qui font d’eux une bandede petits voyous irrécupérables… Alors il y a ceuxqui refusent tout contact, ceux qui vous jettent descailloux et puis ceux qui en rajoutent par provo-cation, comme par exemple dans la séquence desparkings souterrains, et qui font du cinémacomme s’ils n’avaient rien trouvé de mieux que laviolence au moins verbale pour exister, pour s’af-firmer… Et si l’on passe en coup de vent en banlieue,dans les cités, on peut très bien ne voir que ça, carce sont eux qui occupent le terrain… Alors, maiscomme d’habitude, pour échapper aux apparences, ilfaut prendre son temps, et puis comme dans toutesociété civilisée, il faut être présenté, se soumettre àtout un processus codé, subir des épreuves, des tests,discuter des heures et des heures et les convaincrepeu à peu qu’on les respecte et puis aussi qu’on abien l’intention de se faire respecter…

— Oui, mais ça ne les empêche pas de vous crever lespneus de la voiture pendant que vous les intervie-wez.

— Oui, ou de vous arracher votre téléphone portableet de partir en courant pour le revendre 300 francs…Et ce sont les mêmes qui la veille rigolaient genti-ment avec vous… Les accords, il faut sans cesse lesrenégocier, rien n’est jamais acquis et ceci pour uneraison très simple : c’est que certains d’entre euxoscillent en permanence entre ce qu’ils sont réelle-ment à titre personnel (…), c’est-à-dire des gossesadorables, fragiles, sensibles, pleins de désir devivre, et ce que le groupe de la rue attend d’eux,qu’ils jouent les durs qu’ils se fassent valoir dans lespetits trafics, dans les embrouilles entre les ban-lieues, ou dans le rejet de tout ce qui vient de l’ex-térieur, jusqu'à ce qu’ils se rendent compte que,comme le dit un jeune des Tarterets, tout ça n’inté-resse que les bouffons et que la vie est ailleurs… »

On voit bien par cet exemple que ce stig-mate s’accompagne également de ce queGoffman appelle des « petits profits ». Lesenquêtes de Sanchez-Jankowski 51 sur les

51. Martin SANCHEZ-JANKOWSKI, « Les gangs et la presse »,Actes de la recherche en sciences sociales, nos 101-103, pp 101-117, 1994.

▼ ▼ ▼LES DÉNOMINATIONS DE LA JEUNESSE

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gangs américains le montrent bien : « Lesgangs eux-mêmes ne sont guère impres-sionnés par les médias et la perspective defaire l’objet d’un article ou d’une interviewne les enthousiasme pas au point de livrersans réserve les informations que les jour-nalistes cherchent à obtenir d’eux. Ils sontprêts à renseigner mais seulement à leursconditions. » Et Loïc Wacquant de notercette réflexion d’un jeune Américain :« Quand on donne une interview à un jour-naliste, on fait les dingos et on se compor-te de manière aussi agressive que possible,comme ça ils font passer le message à tousceux qui pourraient vouloir venir dansnotre quartier 52. »

Se pose alors la question de ce queGoffman appelle les « contacts mixtes »entre des jeunes discréditables et qui sepensent discrédités (au vu des reportagesexistants) et les journalistes représentant lanorme : « C’est alors que l’individu affligéd’un stigmate peut s’apercevoir qu’il nesait pas exactement comment nous, lesnormaux, allons l’identifier et l’accueillir.(…) Cette incertitude ne provient pas sim-plement de ce que l’individu stigmatiséignore dans quelle catégorie on le placera,mais aussi, à supposer que le placement luisoit favorable, de ce qu’il sait qu’au fondd’eux-mêmes les autres peuvent continuer àle définir en fonction de son stigmate 53. »

Cette question du « contact mixte » est àcompléter par une autre remarqued’E. Goffman : « L’individu affligé d’unstigmate a tendance à se sentir “en repré-sentation”, obligé de surveiller et decontrôler l’impression qu’il produit, avecune intensité et une étendue qui, suppose-t-il, ne s’imposent pas aux autres. »

Certaines personnes s’étonnent parfois dela facilité que peuvent avoir les jeunes desbanlieues à parler devant une caméra.Cette facilité de représentation s’expliqueen partie par la relation qu’ils entretien-nent avec des images où leurs visages ne

sont pas montrés. L’anonymat dans sa ver-sion stigmatisante s’accompagne d’un jeudans la véracité de l’information recueilliepar le journaliste. Ce jeu peut aller jusqu’à la« bouffonnisation » : des jeunes qui racon-tent un gros mensonge pour faire plaisir aujournaliste et tout le monde rit autour.

Là, en réalité, se déploie le piège du stig-mate social virtuel. Décrire ce que le jour-naliste est venu chercher (interview dansun local, qui est une « cave » où les jeunesfilles sont violées), sous couvert de l’ano-nymat, fonctionne comme un stigmatesocial, c’est-à-dire qu’il annule toute indi-vidualité au témoignage ou à l’agresseur.Ainsi tout jeune de banlieue est, en puis-sance, du type de jeune décrit dans lereportage, puisque personne ne peut fairela différence.

Ce type de reportage nous interroge sur le« certainement faux » du reportage mais« le possiblement vrai » de la situation. Lefait de masquer un mineur le met en posi-tion presque non seulement de délinquantpotentiel, mais aussi de délinquant enpuissance. L’idée du floutage, comme sym-bole du rapport consubstantiel entre lafaute d’un mineur et ce mineur, si elle serévélait vérifiée, soulève un problèmed’ordre politique. Comment traiter desquestions de délinquance à la télévision sice média par ces techniques et les habi-tudes journalistiques n’arrive pas à diffé-rencier l’individu de sa faute ? Un jeunedélinquant ne se résume pas à son délit.

De cette manière, c’est « le jeune de ban-lieue qui fait quelque de chose de répré-hensible par la loi » qui vient neutraliserles autres représentations de la jeunessedans ces quartiers. Il y a une réelle conta-mination par l’image sur le reste de la jeu-nesse des quartiers.

52. Loïc WACQUANT, « Le gang comme prédateur collectif »,Actes de la recherche en sciences sociales, nos 101-103, pp 88-100, 1994.53. Erving GOFFMAN, Stigmate, Minuit, 1975.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 39

Un stigmate se construit à partir d’unedynamique de comparaison. Pour conti-nuer notre démonstration, il faut aussianalyser la manière dont sont effectués lesreportages sur les délinquants pris en char-ge par le pôle éducatif.

Alors que les reportages sur les comporte-ments sexuels déviants, sur la délinquance,ont une valeur généralisable par le dis-cours qui est tenu et par une image quidépersonnalise le mineur, cette fois-ci, l’in-différenciation n’est plus de mise. On pri-vilégie les parcours personnels, lesépreuves que chacun passe. Il existe unmouvement de balancier entre les deuxsituations qui concernent a priori lesmêmes délinquants : on passe d’un proces-sus de dépersonnalisation des faits à unprocessus de personnalisation des situa-tions vécues.

Le traitement de la délinquance desmineurs est réellement différent selon lescontextes. Lorsque les mineurs sont placésdans un centre, les reportages sont person-nalisés. Cela nous amène à comprendre undes mécanismes possibles qui explique-raient que les jeunes fassent « figure » debouc émissaire. En effet, aujourd’hui, bonnombre d’observateurs (hommes poli-tiques, journalistes, sociologues) s’accor-dent à dire que la jeunesse est stigmatisée,et qu’on ne veut pourtant pas la stigmati-ser. Ces paroles sont à discuter. Une desvoies de la discussion, celle que nous pri-vilégions ici, est de dire que cette stigma-tisation, même si tout le monde préfèreraitla rejeter, passe par un filtre technique quipeut se révéler nuisible ; ce filtre fait naîtreune problématique particulière dans l’in-teraction entre le journaliste et le mineur.Ce phénomène n’est pas sans conséquence.Car quelque part ce masquage perpétuel dumineur lui fait perdre une humanisationqui est pourtant à ne pas oublier dans ledébat politique et social auquel la télévi-sion prend part.

Cette humanisation impossible ou dimi-

nuée prend sa source dans la présence avecles jeunes de banlieue d’un autre type d’ac-teurs : les policiers. Ceux-ci sont particuliè-rement humanisés. Aux jeunes le masquageau montage, aux policiers le micro HF pen-dant le reportage… C’est ainsi qu’une arres-tation prend vie. Le jeune est muet ou inau-dible (sans micro), masqué (donc impossiblede voir précisément sa réaction). Le policierest lui à visage découvert, avec le micro HFplacé à proximité du visage et l’on entendainsi jusqu’au simple souffle du policier enmission. L’humanisation passe aussi par laprésentation des policiers, comme celle quiva suivre :

« Le brigadier major Joël Portois, surnommé “majorjojo le grand costaud 54 ”. »

Les policiers sont présentés comme étantproches des téléspectateurs. Cela est d’au-tant plus évident que la plupart des repor-tages sur la banlieue se font précisément àpartir du cadre policier. C’est donc toujoursle point de vue de la police qui prédomine.Voici ce que nous avons relevé dans unreportage 55 de M6, au moment où des poli-ciers de la BAC arrêtent un jeune pour tra-fic de blouson :

Journaliste. - « Alors, vous les appelez tous par leurnom, vous les connaissez tous ?

Policier. - Bah, à force d’avoir affaire à eux, je diraispas qu’on sympathise, mais, bon, on est forcé de lesconnaître. Quand on va chez son boulanger, sonboucher, bah, on le connaît, quand on travaille avecces personnes, parce qu’il faut dire qu’on travailleavec elles, eh bien, à force, on les connaît. »

Ou encore lorsqu’un commissaire com-mente le reportage :

« Et même ce reportage m’a ému un petit peu parceque les situations, les couteaux, la violence, le déses-poir de la mère, la misère morale et matérielle sontdes choses dans lesquelles on baigne constamment :nous sommes au centre des choses et c’est assezémouvant. »

54. « Des flics dans la ville », Le droit de savoir, CharlesVilleneuve, TF1, 16 décembre1998.55. « Adolescents et hors-la-loi », Zone interdite, M6, 22 février1998.

▼ ▼ ▼LES DÉNOMINATIONS DE LA JEUNESSE

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La jeunesse dans le contrat d’information télévisée

Une grande partie de notre travail a été untravail descriptif. Nous avons multiplié lesexemples dans des versions plus longuesde cette étude pour que chacun puisses’approprier ces exemples et également parrespect du travail des journalistes.

Plusieurs conclusions sont à tirer. La parolede la jeunesse est une parole très souventde seconde zone, subordonnée à un dis-cours d’adultes ou de professionnels (selonles cas). Une analyse des valeurs de cetteparole montre qu’elle est considéréecomme peu importante. La jeunesse estdonc plus parlée qu’elle ne parle. On accor-de une plus grande place au discours desprofessionnels. Ce monopole de la parole

n’est pas sans risque dans la qualité etl’objectivité de l’information. La spectacu-larisation de l’information entraîne tousles professionnels à suivre la tendance ini-tiée par les professionnels de la police.Source importante de l’information actuel-le, ce qui n’est pas sans poser de questions,les policiers sont une profession télégé-nique, contrairement au travail éducatif. Àcette dissymétrie s’en ajoutent d’autres. Lediscours journalistique cloisonne sonvocabulaire sur la jeunesse selon les situa-tions. Désormais, le groupe nominal lesjeunes fait presque le plus souvent directe-ment référence à la délinquance juvénileencore en action (contrairement à la popu-lation qui occupe déjà les foyers). À cettedérive de la sémantique journalistiques’ajoute l’effet de l’image et d’un nouveautype de stigmatisation passant uniquementpar la technique qui entoure l’informationtélévisée (avec le floutage et les problèmesqu’il pose).

Conclusion

Il existe sans contexte une dissymétriedans le traitement de cette jeunesse.Traitement qui se répercute sur l’ensembledes jeunes des quartiers, sans raison.

Nous avons essayé de montrer rapidementque l’anonymat des victimes ou des poli-ciers n’avait pas le même poids que celuide mineurs délinquants qui restent pour-

tant à protéger selon l’ordonnance de1945. Si l’anonymat peut être une rhéto-rique de la victimisation, il peut être égale-ment, dans d’autres contextes, une rhéto-rique de la culpabilisation, du bouc émissai-re, vecteur d’une nouvelle stigmatisation. Sepose alors la question du traitement serein etéquilibré qui devrait être inhérent à laconstruction de l’information.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 41

Nous en venons donc à nous interroger surla place de la jeunesse, en tant que thèmeet en tant que récepteur, dans le discoursd’information médiatique. Celui-ci se défi-nit par une double visée de crédibilité et decaptation : « La visée de crédibilité s’inscritdans une logique symbolique, celle de ladémocratie. Dans cette logique, les médiascontribuent à faire en sorte que le publicsoit informé, c’est-à-dire qu'il ait une opi-nion pour pouvoir jouer son rôle decitoyen dans le gouvernement de la cité,mandatent ses représentants et leurdemandent des comptes. Cette viséeconsiste à faire croire (c’est-à-dire fairesavoir et faire partager) que ce qui est dit,décrit, raconté, montré est vrai. (…) Lavisée de captation s’inscrit plutôt dans unelogique marchande, celle qui exige que,dans une économie de marché, l’organed’information puisse vivre (financièrementparlant) et donc attire le plus grandnombre de consommateurs (lecteurs, édi-teurs, téléspectateurs). Cette visée consisteà intéresser le plus grand nombre 56. »

La question de la jeunesse tourne autour dedeux axes principaux dans le contrat d’in-formation télévisée :

• Les thématiques liées à la jeunesse seconstruisent plus à partir des acteursautour de la jeunesse que de la jeunesseelle-même.

• Cette tendance générale s’inscrit dans lesrapports des journalistes de télévision avecla jeunesse. La mise en image de la paroledes jeunes est ainsi dévalorisée.

On peut faire l’hypothèse que les repor-tages sur la jeunesse viennent alimenter encreux une représentation de l’âge adulte.En effet, on a remarqué que la télévisionentretient une différenciation très forte enclasse d’âges : l’opposition jeunes/adultes,le fossé des générations sont des grilles delectures fréquentes pour rendre compte dephénomènes particuliers tout en réalisantune visée captatrice. L’information nous

fournit un marquage des territoires decompétences définies socialement. Lesinformations sur la jeunesse viennent ainsirenforcer un acte d’identification entre lesjournalistes et les téléspectateurs. C’estainsi qu’on peut en partie expliquer le suc-cès du 6 minutes de M6 : les dispositifs dece rapide journal télévisé amènent d’aprèsnous à mettre en avant dans le contratd’information une neutralité, qui se rap-proche de la devise rien que les faits dujournalisme américain. Ce type de contratest moins impliquant pour le téléspectateur.Ainsi, sans pour autant être de meilleurequalité, il rejette de manière moins francheles plus jeunes téléspectateurs.

Il paraît plus compliqué d’affirmer que lajeunesse peut venir proposer du sens dansle contrat d’information médiatique.Aujourd’hui plus que jamais, le contenucompte mais la façon de le dire aussi, pource qui est d’établir une relation particuliè-re avec le téléspectateur. Et c’est dans cettemanière de dire, aussi bien que dans lafaçon de construire le contenu, que la jeu-nesse (plus ou moins selon les catégories ettrajectoires sociales) est exclue.

La jeunesse, une doubleexclue de l’information

On peut donc considérer la jeunessecomme une double exclue de l’informa-tion. Un tel constat n’est pas sans poser deréels problèmes. La télévision par sa placedans notre société est qu’on le veuille ounon un vecteur parmi d’autres de valeurssociales. Elle possède une fonction desocialisation, notamment par le fait qu’ellevéhicule un certain nombre de discourssociaux sur des sujets précis.

56. Patrick CHARAUDEAU, Le Discours d’information média-tique. La construction du miroir social, Paris, Nathan-INA, 1997.

▼ ▼ ▼C O N C L U S I O N

42

L’analyse que nous avons pu faire nousamène à conclure que non seulement latélévision stigmatise par l’image et par lediscours une partie de la jeunesse, maisencore qu’elle ne s’adresse pas à elle. Cesdeux phénomènes mélangés ont finale-ment un résultat explosif.

Il semble nécessaire de comprendre lecontrat d’information dans un contexteplus général. Cette notion est à relayeravec la question de l’espace public et de lamanière dont la parole de tout un chacuncircule. La question de la jeunesse dansl’espace public n’est pas à négliger égale-ment. Elle nous conduit à participer à unmodèle de représentation collective. Il estintéressant de comprendre que le média demasse principal, qui donc occupe uneplace non négligeable dans l’espace public,vient exclure (via l’information) un groupesocial particulier : la jeunesse. Et danscette jeunesse, ce sont les catégories lesplus fragiles qui sont les plus stigmatisées.

Ce double constat indique selon nous quela jeunesse est une thématique sacrifiée parles journalistes pour recouvrer leur crédibi-lité. Dans un article de 1995, Guy Lochardindiquait que le journalisme télévisuels’engageait dans une nouvelle étape pourconserver sa crédibilité. Il devrait s’affir-mer comme l’allié du téléspectateur, sesreportages intervenant dans le dispositifglobal comme des lieux prioritaires d’affir-mation d’une posture d’écoute et d’atten-tion à ses difficultés. « Affichée jusqu’àprésent dans certaines occasions drama-tiques (catastrophes naturelles où la télévi-sion intervient pour mobiliser l’opinion),cette attitude devrait donc être rappeléesur un mode plus quotidien à travers cesmessages informatifs qui constitueraientautant de marques de réitération d’un“contrat de solidarité” liant dorénavant lesjournalistes de télévision et les téléspecta-teurs 57. » À partir de différents procédés quenous espérons avoir rendu plus explicites,les thématiques sur la jeunesse sont une

manière pour l’information d’actualiser ce« contrat de solidarité ». Mais cette solidari-té est en partie unidirectionnelle, elle laissede côté les jeunes. Lorsque les journalistesremplissent avec leurs téléspectateurs cecontrat implicite, ils privilégient alors unepensée sociale égocentrique. Ce type de pen-sée maintient « l’individu dans ces représen-tations initiales, elle induit ou renforce uneattitude de centration sociocognitive quiconstitue, selon une analyse convergente deJean-Pierre Meunier, “une réponse négativeau nouveau 58” ».

Ce double mouvement démontre à notreavis la différence qu’il faut faire entre lejeunisme et la prise en compte de la jeu-nesse. L’information télévisée ne fait aucunjeunisme quand elle parle des jeunes engénéral. Le jeunisme est plutôt une confis-cation de la jeunesse qu’autre chose.Adopter les valeurs des jeunes générations,ce n’est pas forcément leur rendre service.Ainsi, on le voit, tout le discours sur lesvaleurs de la jeunesse ces dernières annéescache (en tout cas en ce qui concerne l’in-formation télévisée) un mépris total pourla parole des plus fragiles. Un mouvementapparemment contradictoire est en place :starisation des stéréotypes des cités et enmême temps « floutage » d’une jeunessedont on aurait honte. Le jeunisme est unavatar des valeurs marchandes qui seconstruisent sur une captation facile duclient. De l’autre, l’information dans unmême souci de captation du public déve-loppe une image plus noire et pluseffrayante. En tout cas, elle se soucie peu(à part quelques exceptions) des individusqu’elle interroge.

Répétons encore une fois, la question n’estpas de parler de la jeunesse positivement.

57. Guy LOCHARD, « La parole du téléspectateur dans le reporta-ge télévisuel, du témoignage à l’interpellation », La Télévision et sestéléspectateurs, Jean-Pierre ESQUENAZI, L’Harmattan, 1995.58. Henri BOYER et Guy LOCHARD, Scènes de télévision en ban-lieues, INA-L’Harmattan, 1998.

Le traitement de la jeunesse dans l’information télévisée française

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 43

Nous ne nous situons pas dans une telledémarche. Le problème n’est pas unique-ment de trouver une sorte d’équilibreinformatif du type : « J’ai parlé de troisviols collectifs impliquant des mineurs cemois-ci, alors je vais médiatiser le pro-chain match de foot entre les policiers etles jeunes. » Il faut plutôt tâcher d’aborder,de réfléchir sur le fond : Comment a-t-onparlé des trois viols et comment a-t-onparlé du match ? Quels acteurs a-t-on faitintervenir ? Comment a été distribuée laparole ? Etc.

La question est donc : comment la télévi-sion peut-elle transmettre le respect del’autre ? Ce respect de l’autre à transmettren’est pas à effectuer dans une diffusion devaleurs particulières. Nous n’entendonspas cette transmission sur un plan moralis-te, mais sur un plan pratique. L’actionmême d’informer se déploie à partir d’undouble respect : respect des personnes quel’on interroge ou sur qui on enquête et res-pect du récepteur. L’information journalis-tique est une actualisation du respect del’autre. La télévision met en image ces ren-contres. Elle est susceptible de faire officede modèle de relation.

Revenons encore sur les avis du CSA quenous avons développés précédemment. LeCSA encourage les chaînes de télévision àdonner la parole aux jeunes car « c’estaussi une possibilité pour eux d’apprendreà se conduire de manière responsable et às’investir dans la vie collective 59 ». Mais sicette parole est maltraitée, si l’image (télé-visuelle) des jeunes des quartiers popu-laires est dégradée, quelles sont les possi-bilités d’être et de se sentir responsable quel’on soit devant la caméra du journalisteou devant l’écran du journal télévisé ?

Rappelons que, pour O. Galland, « la jeu-nesse n’a pas pour seule fonction de pré-parer l’accès aux statuts d’adultes. Elle doitaussi contribuer à construire des individusqui se considèrent comme des membres àpart entière de la société 60 ».

La télévision, l’information télévisée sontdes éléments importants de l’espace public.Ce sont des moyens de construction desproblèmes publics. Ainsi, la constructiondes thématiques jeunesse ne s’envisage quesous l’angle problématique : la jeunessecomme un problème et les jeunes commeun gros problème. Tout cela nous indiqueque nous ne sommes pas sortis de la visiond’une partie de la jeunesse comme uneclasse dangereuse. Ce problème n’est pas ànégliger à notre avis. En effet, la jeunessede manière générale a une parole maltrai-tée. À cela s’ajoute le fait qu’une partie dela jeunesse connaît, elle, une stigmatisa-tion télévisuelle plus intense. Commentpeut-on se satisfaire d’une socialisationavec une parole reléguée et une image(télévisuelle) à plusieurs vitesses ?

Le 21 avril, les éditorialistes nous disaientrencontrer une nouvelle jeunesse. Quel-ques mois plus tard, les mêmes nous expli-quent que le soufflé est retombé. Et si, aulieu de laisser couler cette soi-disant nou-velle jeunesse, la société lui avait donnéune autre place ? Cela aurait déjà pu com-mencer par la télévision et l’informationtélévisée. Mais cet électrochoc n’a finale-ment pas fait avancer la manière de com-prendre les jeunes, ni fait avancer lamanière de les entendre, de les écouter etde s’adresser à eux. On espère que lesquelques remarques que nous avons soule-vées pourront permettre un début de dia-logue plus que nécessaire, non seulementpour les jeunes mais également pour lesjournalistes.

59. Sophie JEHEL, « Protection de l’enfance et de l’adolescenceà la télévision », Les Brochures du CSA, 1999.60. Olivier GALLAND, « Portrait sociologique de la jeunesse fran-çaise », Les Jeunes de 1950 à 2000, INJEP, 2001.

▼ ▼ ▼C O N C L U S I O N

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 45

es membres du CNJ ont revendiqué à plusieurs reprises (Assises nationales de

la citoyenneté du 18 mars 2001, rencontre avec le gouvernement du 12 mai

2000, séance plénière du Conseil de la jeunesse à Poitiers les 8 et 9 septembre

2000…) l'engagement d'un dialogue avec les différents médias. Ce dialogue est

apparu nécessaire du fait de l'incompréhension et de la méconnaissance manifestes

dont font preuve tant les médias en ce qui concerne les questions liées à la jeunes-

se que les jeunes en ce qui concerne le fonctionnement des médias et leurs droits

dans ce domaine.

Le but est d’explorer notamment les raisons pour lesquelles la représentation des

jeunes dans les médias est généralement négative et liée à des événements violents.

• Pourquoi les médias ne parlent-ils des jeunes en général qu'en termes négatifs,

et caricaturaux ?

• Pourquoi trop peu de journalistes sont-ils « compétents » sur les questions de

jeunesse ?

Actionset propositions

de la commission

L

46

• Pourquoi existe-t-il si peu d'espaces d’expression pour et par les jeunes au sein

des « grands médias » ?

• Quelle est la situation des médias jeunes et celle de l’éducation aux médias ?

Comment l'améliorer ?

Le fil conducteur de la démarche est le dialogue entre les jeunes et les profession-

nels concernés.

La commission a donc rencontré : des représentants du CSA, des chercheurs, des

journalistes, ou réalisateurs d'émissions, des responsables et la médiatrice des pro-

grammes de France Télévisions, le médiateur de l'information de France 2, des

représentants du CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d'infor-

mation, qui dépend de l'Éducation nationale), des représentants du monde associa-

tif – une représentante du GRREM (Groupe de recherches sur la relation enfance

médias), le directeur de l'ÉPRA (Échanges de productions radiophoniques), le prési-

dent de la Confédération nationale des radios libres (CNRL), etc.

À diverses occasions, des jeunes ont été invités pour témoigner de leurs expériences

notamment dans des radios associatives jeunes ou dans des équipes de l'opération

Télécité, ou lors de colloques comme celui intitulé « Jeunes, éducation et violence à

la télévision », organisé par Démocratie Médias à la fondation Singer-Polignac, le

29 avril 2003.

Ce sont ces rencontres et ces échanges qui ont permis d’affiner, de confronter, de

construire les propositions que la commission présente aujourd’hui.

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 47

Pour la première fois, des membres duConseil national de la jeunesse ont étéauditionnés par le Conseil économique etsocial le 12 septembre 2001 dans le cadred'un rapport sur « L'accès aux vacancesdes 18-25 ans ». Il s'est agi d'un momentimportant pour le CNJ, au point de vue dela reconnaissance symbolique et au pointde vue de l'intérêt suscité chez les repré-sentants du CES.

Le gouvernement a saisi le Conseil écono-mique et social (CES) sur les questionsrelatives à l’accès aux vacances des jeunesadultes (de 18 à 25 ans). Dans ce cadre, lasection du cadre de vie du CES a souhaitéauditionner deux membres du Conseil de

la jeunesse, porteurs des constats et propo-sitions de ce Conseil.

L'université d'été du Conseil de la jeunesse,organisée à Ramatuelle du 5 au 9 sep-tembre, a permis d'organiser un atelier detravail sur cette question pour débattre desquestions d’accès aux vacances, desattentes des jeunes, des offres existantes,des éventuels décalages…

Les jeunes du Conseil sont intervenus etont été entendus sur des questions spéci-fiques à l’accès aux vacances, mais le tra-vail de la commission jeunes et médias aégalement été pris en compte comme entémoigne l’extrait suivant du rapport rédi-gé par le Conseil économique et social.

Des rencontrespour comprendre et sensibiliser

L'accès aux vacances des jeunes adultes de 18 à 25 ansRapport de Monique Mitrani (Conseil économique et social, 2001) –Extraits

B - Vacances de jeunes, médias, publicité… problème d’image

1. Des images brouillées

La commission jeunes et médias du Conseil national de la jeunesse (CNJ) a réalisé, l’été2001, deux études en collaboration avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et

▼ ▼ ▼

■ Audition de deux membres du Conseil nationalde la jeunesse au Conseil économique et social

▼ ▼ ▼DE S R E N C O N T R E S P O U R C O M P R E N D R E E T S E N S I B I L I S E R

48

l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Ces études portaient sur la vision des jeunestransmise par les médias. Trois archétypes forts se sont dégagés : les jeunes commeune menace, les jeunes comme une valeur pour demain, les jeunes comme victimes.

Cependant, par le choix des personnes comme par la tonalité et les commentaires, l’ar-chétype « les jeunes comme une valeur » fait apparaître des jeunes hors du commun,tandis que les deux autres - menace… victimes - ont pour résultat d’évoquer la jeu-nesse en général.

Comme le note la commission du CNJ : « Certains reportages ne présentent les ban-lieues qu’à travers le prisme policier et selon un schéma de face-à-face, d’affronte-ment. La présence éducative, quelle qu’elle soit, est très souvent absente. » De plus, ondonne aux jeunes peu d’occasions de parler par eux-mêmes. Ils sont généralementl’objet d’analyses menées par des maires, des juges, des médecins ou sociologues… Etsi on leur accorde la parole, c’est pour exiger des réponses immédiates, définitives etsans nuance. Dans ces études, on peut lire : « On fait très peu appel à eux [les jeunes]pour ce qui concerne l’analyse d’un phénomène. Ils sont le phénomène. »

Pourtant, dans les émissions où ils ont pu s’exprimer, ils ont montré qu’ils étaientcapables de prendre du recul, de construire une réflexion. Mais de telles occasionssont rares, d’où une image stéréotypée des jeunes qui se retrouve quand il s’agit devacances.

1.1. Les jeunes comme une gêne ?

D’une manière générale, la présence des jeunes dans les stations touristiques, dans deslocations, dans des campings, est plus subie que souhaitée par les prestataires du tou-risme. Leurs rythmes de vie, leurs groupes… apparaissent a priori comme susceptiblesde gêner les autres vacanciers. L’image véhiculée par les grands médias stigmatiseencore plus une population jeune, originaire de grands ensembles urbains, à fortemixité ethnique. Le clivage générationnel est parfois couplé à un clivage culturel(urbain/rural). Certains acteurs du tourisme redoutent les effets de la présence desgroupes de jeunes sur leur clientèle dite « traditionnelle ». Cela se traduit parfois parun refus de vente limitant encore plus l’accès possible pour ce public. Des règles devie commune doivent être rappelées et acceptées pour permettre une cohabitation har-monieuse entre les générations.

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 49

Rencontre avec D. Baudis

Étaient présents : Mikaël Garnier-Lavalley,animateur de la commission médias (ANA-CEJ) et Marine Relinger, commissionmédias (J-Presse), accompagnés parGuillaume Brillant, CEPJ (ministèreJeunesse et Sports) et Ludovic Brun, CEPJstagiaire (DDJS27).

Le président Baudis avait déjà été sensibi-lisé sur les travaux de la commissionjeunes et médias du CNJ et sur la protesta-tion des jeunes face à l'image que leurrenvoyaient les chaînes de télévision, ycompris de service public. Il s'était montréintéressé et disposé à recevoir les jeunespour échanger avec eux et entendre leursconstats et propositions.

Cependant, il a laissé peu d’espoir de voirle CSA « intervenir » ou « sensibiliser » leschaînes de télévision sur la problématiquede la représentation des jeunes, de leurstigmatisation et des effets potentiels de cetraitement réservé aux jeunes, dans uncontexte de surenchère sécuritaire inquié-tant. Le président du CSA souhaite conser-ver une attitude « non interventionniste »auprès des chaînes, fondée sur la libertéd'expression des journalistes et la libertééditoriale des responsables, directeurs del'information ou rédacteurs en chef.

Un point positif : la question du Mouv'

Une autre proposition du CNJ concernait ladéfense du réseau Le Mouv’, surtout dansles zones rurales où cette radio apparaîtcomme une véritable alternative en termesd’offre culturelle.

Dans le contexte d’attribution d'une fré-quence pour Le Mouv' à Paris, les respon-sables des radios commerciales « jeunes »

ont interpellé le CSA, estimant que LeMouv’ vient faire concurrence à leursprogrammes de façon déloyale. La positiondu CNJ qui considère que Le Mouv' consti-tue une véritable alternative culturelle(promotion de jeunes talents, de groupesindépendants, traitement de l'informationdifférencié, espaces de débats…) intéressefortement le président, qui va pouvoir fairevaloir ce point de vue dans les discussionsavec les responsables de ces radios.

Audition de membres du CNJ par quatre conseillers du CSA sur les radios

Trois membres de la commission jeunes etmédias ont donc été reçus par le CSAfortement représenté à cette réunion detravail puisque quatre conseillers étaientprésents, ainsi que des représentants desdifférents services.

L'objet de la réunion était d'échanger surla question des propos tenus sur certainesradios commerciales « jeunes », et sur lesmanières « d'intervenir ».

Contexte

Le CSA a mis en demeure la radio Skyrock,six mois auparavant, pour « propos atten-tatoires à la dignité humaine ». Cette inter-vention concernait des propos tenus parun des animateurs de la radio sur des par-ticipants de Loft story. Suite à cette mise endemeure, la radio est montée au créneau eta mobilisé ses auditeurs sur le thème « onveut interdire la radio, les émissions delibre antenne », ou encore « halte à la cen-sure, le CSA ne comprend pas les jeunes »…

62. Le 17 janvier 2002.

■ Deux rendez-vous au CSA 62

▼ ▼ ▼DE S R E N C O N T R E S P O U R C O M P R E N D R E E T S E N S I B I L I S E R

50

Cette « campagne » a curieusement étérelayée dans la presse écrite en ces termesun peu manichéens.

De manière plus générale, ce qui préoccu-pe le CSA, c'est de dénoncer une ligne édi-toriale démagogique, qui stigmatise lesjeunes, sous couvert de jeunisme et deliberté d'expression, et, plus grave encore,ce sont les propos homophobes, misogyneset machistes qui sont soit tenus par les ani-mateurs, soit tenus par les auditeurs etcautionnés par les animateurs.

Les membres du CNJ ont pu exposer leurposition sur ce sujet, position qui est rap-pelée dans la lettre adressée à DominiqueBaudis à l’issue de ces deux rendez-vous.

Lettre adressée au président du CSA,à l’issue de ces deux rencontres :

Monsieur le Président,

Vous avez bien voulu nous recevoir le17 janvier 2002 pour évoquer les préoccu-pations des membres du Conseil nationalde la jeunesse relatives à la représentationdes jeunes dans les médias, en particulierdans les magazines d'actualité (et les jour-naux télévisés) des grandes chaînes de télé-vision. Nous tenons à vous en remercier.

Nous regrettons cependant la position quiest la vôtre de « non-intervention » auprèsdes chaînes pour les sensibiliser à la ques-tion de la représentation des jeunes, tropsouvent assimilés à des délinquants ou àdes victimes, représentation qui contribueà stigmatiser une partie de la jeunesse,notamment celle issue des quartiers popu-laires. Nous nous félicitons en revanche del'attention que vous avez portée à la posi-tion du CNJ quant à la radio de servicepublic Le Mouv', considérée par nouscomme une véritable offre culturelle alter-native, distincte des programmes (musi-caux, d'information et de divertissement)de la majorité des radios commerciales.

Par ailleurs, au cours de cette même jour-née du 17 janvier, nous avons participé augroupe de travail du CSA (en présence deMmes Fatou, de Guilenschmidt et deM. Vigne) qui réfléchit sur les radios« jeunes », les propos qui peuvent y êtretenus lors des émissions de libre antenne(par les auditeurs et les animateurs) et leséventuelles interventions du CSA auprèsde ces radios. Les échanges ont été enri-chissants pour les deux « parties » et noussouhaitons vous faire part des réflexionsde la commission jeunes et médias du CNJ,qui a débattu de ces questions, lors d'uneréunion de travail le 19 janvier :

Condamnation sans appel des propos tenussur certaines radios.

• Le fait d'exprimer publiquement des pro-pos homophobes, sexistes, misogynes… irres-pectueux sur la femme doit être dénoncé etmérite sanction (et c'est le rôle du CSA), maisla sanction doit être « expliquée ».

• Nous, membres du Conseil national de lajeunesse, partageons le sentiment que cesradios, de par certaines émissions, contri-buent à stigmatiser davantage les jeunes. Ily a une véritable instrumentalisation de lajeunesse, en particulier celle des quartierspopulaires (choix éditorial délibéré decibler un public « banlieue », amateur derap, pour caricaturer).

• Par conséquent, nous estimons que leCSA, en tant qu'instance régulatrice del'audiovisuel, doit intervenir et sanctionnerlorsque cela est nécessaire. Cependant, ilest essentiel en cas de sanction d'accompa-gner celle-ci d'une explication : lui donnerun sens pédagogique, en expliquant auxjeunes que certaines radios les utilisent etles stigmatisent.

Invitation faite aux membres du CSA des'interroger sur les raisons de cet engoue-ment pour les émissions de libre antenne.

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 51

Les raisons du succès des émissions delibre antenne méritent d'être analysées,ainsi que les propos qui y sont tenus : cespropos constituent à la fois des provoca-tions, des transgressions évidentes desrègles du « politiquement correct » (or latransgression de la règle n'est-elle pas lepropre des jeunes ?). C'est la liberté d'ex-pression des jeunes qui est en jeu

Le peu d'espace dans les médias où lesjeunes peuvent s'exprimer librement estune raison du succès des émissions de libreantenne. Cependant, il n'y a pas systémati-quement atteinte à la dignité quand il y aliberté d'expression chez les jeunes. La preu-ve en est donnée dans la presse associativejeune : « Lorsque les jeunes s'expriment(librement) dans les journaux de lycées, dequartiers ou de villes, ils le font dans le res-

pect de la dignité des personnes. »

C'est donc que l'animateur radio (et sa hié-rarchie), qui donne le diapason, le ton del'émission et autorise, voire encourage, lesdérapages, a une véritable responsabilité.

En conclusion, le Conseil national de lajeunesse ne peut servir de relais d'appui oude soutien à une décision quelconque duCSA.

Néanmoins, nous alertons le CSA sur l'éga-lité de traitement face à la sanction, rappe-lant que certains propos attentatoires à ladignité humaine (qu'ils soient homo-phobes, sexistes, ou à connotation raciste)sont impunément tenus sur des grandesradios (pas spécialement jeune), par des« grands » présentateurs, voire même surdes chaînes de télévision nationales.

■ Participation d'une délégation de la commissionjeunes et médias à l’université d'été de la communication d'Hourtin

Pour la première fois, des membres duConseil national de la jeunesse ont partici-pé à l'université d'été de la communica-tion, qui s'est déroulée à Hourtin du 19 au24 août 2001. Il s'agit d'un moment impor-tant pour les professionnels de la commu-nication et des médias, pour les hommespolitiques, les responsables associatifs ettoutes les personnes intéressées par cesquestions.

La présence de nombreux partenaires etl’organisation de nombreux débats impo-saient aux membres du CNJ d'y aller avecun objectif précis et avec le souci d'y êtreacteurs à part entière. Cet objectif consis-tait en la préparation, l'organisation etl'animation d'un débat intitulé « Télé-vision : miroir de la jeunesse ? », en plus

du fait d'assister à des débats (en lien avecles travaux de la commission) et de ren-contrer différentes personnalités.

L'université d’été a été l'occasion pour leshuit membres de la commission jeunes etmédias :

• de rencontrer de nombreuses personna-lités des médias et de les sensibiliser àleurs travaux : J.-M. Charon, sociologue ;M. Dagnaud, chercheuse CNRS ; J.-M.Cavada ; D. Baudis ; Loïc Hervouet, ESJLille ; O. Dalage du SNJ ; H. Brusini (direc-teur de l'information de France 3), desjournalistes de RFI, France Inter, Le Monde,des responsables associatifs… ;

• de faire valoir leurs réflexions et lesconclusions des deux études sur « l'image

▼ ▼ ▼DE S R E N C O N T R E S P O U R C O M P R E N D R E E T S E N S I B I L I S E R

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des jeunes dans les magazines d'actualitédepuis 1998 » et sur « le traitement desraves parties dans les journaux télévisés deFrance 2 en mai-juin 2001 » ;

• de donner une certaine visibilité auxpropositions de la commission et de lesmettre en débat.

Le dialogue et les rencontres

L'UEC d'Hourtin, de par la concentrationen un même lieu et à une même période depersonnalités qualifiées sur les questionsde médias (responsables éditoriaux, jour-nalistes, chercheurs, médiateurs, directeursde l'information, réalisateurs d'émissions,président du CSA…), est une occasionunique d'amorcer un dialogue. Or ce n'estpas mentir que de dire qu'en cinq jours lesmembres de la commission ont rencontréet échangé avec autant de personnalitésqu'ils ne l'auraient fait en six mois.

Compte tenu de la diversité des sujetsabordés et de leur nombre, les membres dela commission présents ont pu, en fonctiondes travaux même de cette commission(sur l'image des jeunes dans les médias,l'éducation aux médias, le fonctionnementdes médias…) et de leurs centres d'intérêtpersonnels, assister avec un certain intérêtaux débats et tables rondes.

Préparation, organisation et animationdu débat « Télévision : miroir dela jeunesse ? »

Animé par Amos Eyana Yana, représentantle conseil départemental de la jeunesse 92au CNJ et membre de la commission jeuneset médias. En présence de G. Akle (ORTE),Loïc Hervouet (ESJ Lille), Tewfik Farès(réalisateur de Télécité), Sylvain Lequesne(journaliste, France 3) et Sidi el Haimer(chargé de prévention, Mantes-la-Jolie).Avec les interventions de Maxime Drouetmembre de la commission jeunes et médiasdu CNJ (représentant ATTAC) sur la ques-

tion de « la représentation des jeunes dansles magazines d'actualité (TV) depuis1998 » et de Mikaël Garnier-Lavalley, éga-lement membre de cette commission(représentant l'ANACEJ), sur la question du« traitement dans les journaux télévisés deFrance 2 de l'actualité des raves parties etdes jeunes en mai-juin 2001 ».

La participation en 2001 a ouvert desperspectives

• Monique Dagnaud, chercheuse au CNRS,rattachée au Centre d'études des mouve-ments sociaux et ex-membre du CSA, ren-contrée à Hourtin, a participé à l'universi-té d'été du Conseil de la jeunesse(Ramatuelle, 5-9 septembre). Elle a assistéà la rencontre avec le gouvernement du13 octobre 2001. Elle était également pré-sente le 2 février, lors de la journée anni-versaire des conseils de la jeunesse.

• Jean-Marie Charon, sociologue coordon-nateur des Iers Entretiens de l'information, aégalement été vivement intéressé par lestravaux de la commission. Il a associé desmembres de la commission aux réunionsde préparation des Entretiens de l'informa-tion (pour l'UEC 2002). En faisant part deleurs constats et propositions, lesmembres de la commission ont rencontrél'approbation de Jean-Marie Charonquant à l'organisation d'un débat àHourtin consacré au traitement média-tique des questions de jeunesse - violence- délinquance - sécurité…

• La brève entrevue avec D. Baudis, prési-dent du CSA, a confirmé son souhait derencontrer la commission jeunes et médias,une première réunion informelle ayant eulieu le 17 janvier 2002.

• Les échanges avec L. Hervouet de l'écolesupérieure de journalisme de Lille ont per-mis également d'envisager une interven-tion des jeunes de la commission auprèsdes étudiants en journalisme de cette école,dans le cadre d'un module de déontologie.

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 53

• Le directeur de l'information de France 3,Hervé Brusini, s’est montré également dis-posé à rencontrer la commission.

Enfin, concernant les retombées média-tiques, des flashs ont été diffusés (le week-end du 25 août) sur France Info d'inter-views de Maxime Drouet et MikaëlGarnier-Lavalley concernant leurs études ;Maxime Drouet a participé à une émissionsur RFI ; Séverine Prévedello (membre dela commission, absente à Hourtin) a repré-senté la commission lors d'une émissionsur la chaîne parlementaire le 19 sep-tembre ; et le journal Le Monde a publiéune quasi-pleine page dans son édition du11 septembre 2001 sur la commission (suiteà une interview téléphonique organisée àHourtin avec Florence Amalou).

Participation à l'université d'étéde la communication en 2002

Pour cette deuxième participation, lesmembres du CNJ présents ont comme l’an-née précédente animé des débats, participéà d’autres et pris un grand nombre decontacts, notamment avec des chercheursqui travaillent sur des questions voisines.Ainsi Julie Sedel, doctorante à l’École deshautes études en sciences sociales, a parti-cipé au débat animé par le CNJ sur« Jeunes et médias : comment se construitl’information ? » au cours duquel elle aprésenté ses recherches sur « Les relationsentre un quartier populaire et les médias ».

Les relations entre un quartier populaire et les médias

Julie Sedel, doctorante EHESS

Depuis le début des années 80, la plupart des organisations et institutions ont mis enplace des « spécialistes de la dramatisation 63 » chargés de produire une certaine repré-sentation de leurs activités à l’attention des médias. Ces rôles sont institutionnalisés àtravers les fonctions de chargés de communication, attachés de presse dans les grandesentreprises, les ministères, par exemple. Mais ils existent également de façon plus infor-melle, dans les « banlieues ». De sorte que ce que l’on appelle « information » peut êtreappréhendé comme une construction collective à l’intérieur de laquelle les groupessociaux n’ont pas tous le même poids pour mettre en scène leur image publique.Certains sont plus objets que sujets d’un discours, c’est le cas de la majeure partie deshabitants des « grands ensembles » d’habitat social, assimilés dans de nombreux jour-naux et reportages à une minorité dont il est donné une image excessive. D’autres, àl’inverse, qui souhaiteraient médiatiser leurs actions, mettent en œuvre des stratégiesdans ce sens, sans obtenir de visibilité.

En 1989, le quartier du Luth fit l’objet d’un reportage dont la ville eut, en retour, àgérer les effets. Tourné dans la partie la plus pauvre du quartier, Banlieue se présen-tait comme l’un des premiers reportages réalisés sur un « problème émergent ». Le

63. Nous empruntons cette expression à E. GOFFMAN.

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▼ ▼ ▼DE S R E N C O N T R E S P O U R C O M P R E N D R E E T S E N S I B I L I S E R

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réalisateur entendait démontrer la façon dont les politiques urbaines avaient engen-dré la formation de ghettos. Le quartier, choisi en partie pour sa forme architecturale– de grandes barres de plus de 400 mètres de long –, sa proximité géographique avecParis, constituait un décor approprié. Les journalistes offraient une galerie de portraitscensés être représentatifs des habitants de la « banlieue » : jeunes toxicomanes, mèreseule menacée d’expulsion, couple de personnes âgées communistes dont le fils est enprison, homme alcoolique, femme attendant la visite d’un huissier, jeune sans domi-cile fixe… Un jeune habitant déscolarisé issu de l’immigration se constitua en infor-mateur privilégié, organisant des « coups » à l’attention des journalistes – chaparda-ge au supermarché, manipulation d’arme – qu’il guida vers une terrasse d’immeublerecouverte de seringues. Il s’agissait d’une vision tout extérieure accentuée par le faitque les journalistes qui voulaient dans leurs intentions de départ jeter un regard com-préhensif sur le quartier ne connurent pas d’entraves de la part de la municipalité, nides associations. Mais le résultat fut loin des attentes de ceux qui avaient prêtéconcours aux journalistes. « Si je les avais rencontrés, je leur aurais parlé politique-ment », faisait remarquer une élue municipale, habitante du quartier. Elle expliquaitqu’il fallait avoir un regard intérieur sur le quartier et non pas extérieur. Diffusé enclair sur la chaîne Canal Plus, le reportage reçut néanmoins l’éloge de l’ensemble dela presse écrite généraliste sous des titres accrocheurs. « Dans l'univers caché des ban-lieues populeuses. Au Luth, drogue, chômage, misère et béton » (Le Parisien), « Voyageaux frontières de l'enfer » (Le Figaro TV), « La cité sans voiles » (Le Figaro), « Banlieue :les secrets d'un reportage inquiétant » (Télé Loisirs), « Attention danger » (Le Mondedes 4-5 juin 1989), « Cité barbare » (Le Nouvel Observateur), « Blême le HLM » (LeQuotidien). Les journalistes s’étendirent longuement, dans les colonnes des journaux,sur les conditions de tournage « difficiles » qu’ils reliaient de manière explicite à l’utili-sation de caméras d’une part, au trafic de drogue d’autre part. Après moins d'un mois de« repérage », expliquaient-ils, l’équipe avait été « gagnée par la paranoïa ambiante ».La presse écrite relatait leurs témoignages dans une logique de surenchère propre àaccentuer le caractère dramatique du reportage, ce qui ne fut pas sans effets sur lequartier. Outre le départ accéléré d’habitants, les jeunes avec et sans diplômes eurentplus de mal à trouver un emploi, les familles retirèrent en nombre croissant leursenfants des écoles, les personnes travaillant dans le quartier semblaient se réfugierdans des structures fermées, les journalistes, pleins d’appréhension, se reportaient surdes sources officielles.

Dix ans plus tard, l’information sur la ville et ses quartiers était centralisée par le servi-ce communication de la municipalité. Tout un dispositif de production symboliqueétait mis en place, depuis la publication d’un journal municipal, jusqu’à la désigna-tion de porte-parole « présentables ». Tout journaliste désireux de réaliser un reporta-ge ou de rédiger un article passait directement ou indirectement par cette structurerelayée par les associations locales paramunicipales, l’antenne de développementsociale de quartier. Tel jeune journaliste de L’Humanité souhaitant enquêter sur ladrogue était aiguillé vers l’antenne de quartier qui lui suggérait d’y renoncer. Tel agentde développement veillait à sélectionner qui parmi les jeunes était autorisé à parleraux médias : « Moi ce que je redoute, il est très facile de prendre un jeune des cités,

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Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 55

Cinq membres de la commission jeunes etmédias du Conseil national de la jeunesseont rencontré une soixantaine d’étudiantsen journalisme de l’école supérieure dejournalisme de Lille (ESJ), le 29 janvier2003. Une rencontre qui faisait suite à descontacts entre le directeur de cet établisse-ment et les membres de la commission àl’université d’été de la communicationd’Hourtin (en 2001 et 2002).

Il convient à ce stade de saluer l’initiativedu directeur de l’établissement, LoïcHervouet, qui a accepté, permis et soutenucette rencontre.

De l’avis des participants du CNJ, du direc-teur de l’ESJ Lille et des étudiants, le bilanest globalement positif pour une première.Le mérite principal est de soumettre desinterrogations aux étudiants sur la repré-sentation des jeunes, leur parole et leurimage dans les médias et le traitementjournalistique des questions de jeunesse.Interrogations qu’ils auront dans leurs pra-tiques de journalistes, et plus tard peut-être dans leurs pratiques de rédacteurs enchef ou autres…

À ce titre, il semble que l’intervention duCNJ ait déjà suscité des réactions diffé-rentes parmi les étudiants et du débat entreeux :

• certains ont pris une posture défensive,expliquant les contraintes du métier dejournaliste (contraintes économiques, hié-rarchiques, légales…) et se positionnantdéjà en « journalistes » en activité ;

• d’autres ont mieux compris la démarche,qui consistait à s’interroger sur des pra-tiques, à voir comment ne pas en reproduirecertaines. Se positionnant en étudiants(donc encore en formation), ils ont expri-mé le souhait de ne pas renier certainsidéaux, de croire à des améliorations.

Le débat s’est poursuivi au-delà des troisheures consacrées à cette question…

Perspectives

Des discussions suivant la rencontre aémergé l’éventualité de poursuivre ce tra-vail sous un format différent, mais avec unobjectif semblable… celui de réfléchir aux

qui vit dans un univers et de lui faire dire ce que tu veux entendre. – Et qu’est-cequ’ils veulent entendre ? – Ouais, c’est la merde, on vend de la dope, on tire à coupsde fusil ici. On est des kamikazes, on est des Golgoths, on emmerde la France, je b…Chirac et j’emmerde Jospin, le maire c’est un trou du c.., ce qu’on appelle ici duouaouaouest. » Un conseiller en insertion de la mission locale « briefait » les jeuneslors de la visite d’hommes politiques dans la ville : « Alors, raconte un peu ce quetu as fait, tu te présentes comme ça. »

Les journalistes des médias généralistes donnent à voir au plus grand nombre un certainangle de la réalité. Ils opposent une légitimité universelle à une légitimité sectorielle(le point de vue interne) qui, pour être entendu publiquement, doit rentrer dans un« cadre » médiatique. Or ce sont souvent les catégories journalistiques qui s’imposent àces dispositifs, qui agissent le plus souvent comme des caisses de résonance.

■ Rencontre entre le CNJ et des étudiants de l’écolesupérieure de journalisme de Lille

▼ ▼ ▼DE S R E N C O N T R E S P O U R C O M P R E N D R E E T S E N S I B I L I S E R

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pratiques journalistiques, et aux moyensde les faire évoluer, de les améliorer. LeCNJ y est naturellement favorable.

Il s’agirait de réfléchir au sein d’un grouperestreint composé de volontaires, membres

du CNJ, étudiants, enseignants et profes-sionnels aux pratiques journalistiques (enlien avec le traitement de la jeunesse), etd’envisager la réalisation de documents àdiffuser auprès de journalistes et d’étudiants.

Rendez-vous avec Tewfik Farès 64,producteur d’Opération Télécité

Tewfik Farès a produit et présenté pendantde nombreuses années l'émission Mo-saïques de 1977 à 1987 (FR3) ; il a réalisél'émission Les nuits du Ramadan présentéepar Frédéric Mitterrand.

Cinéaste à l'origine, Tewfik Farès est unhomme de conviction, persuadé que c'estnotamment en facilitant l'accès des jeunesaux médias que l'on pourra faire évoluerleur représentation sur le petit écran et leur« lecture de l'image ». C'est la raison qui l'apoussé à proposer à la rédaction de France 3le concept de l'émission Opération Télécité,proposition acceptée par la direction de lachaîne, sans toutefois quelques difficultés(déplacement sur la grille des programmes,incertitude sur le reconduite de l'émissiond'une année à l'autre, aucun moyen finan-cier, faiblesse des moyens techniques ethumains…).

• Pourquoi cette rencontre ?

Les membres de la commission jeunes etmédias qui connaissaient l'émission ontsouligné à plusieurs reprises la qualité decelle-ci, insistant sur la démarche quiconsiste à ce que des jeunes soient vrai-ment « acteurs » des reportages (ils définis-sent le sujet, filment, interrogent d'autresjeunes ou moins jeunes…). Un desmembres de la commission est par ailleursmembre de l'équipe Télécité de Vendôme

(41) et nous avons rencontré des membresde l'équipe Télécité de Cergy (95) à l'occa-sion d'une réunion de la commission.

Enfin, au plan local, une émission a étélabellisée « festival de la citoyenneté » en2000 (Vendôme) et une vidéo sur le festi-val dans le département du Pas-de-Calais aété réalisée avec l'équipe de jeunes deTélécité de Marek.

Compte tenu de ces éléments, compte tenudes prises de position publiques de TewfikFarès sur l'image des jeunes dans lesmédias, il nous semblait essentiel d'organi-ser une rencontre.

• Le concept et les objectifs de l'émission

Proposée par Tewfik Farès et coproduitepar Alizé productions et les stations deFrance 3 Paris-Île-de-France et Nord-Pas-de-Calais/Picardie, la série documentairede 26 minutes est diffusée tous lesdimanches à 13 h 30 sur France 3 Paris-Île-de-France/Centre et à 11 h 30 surFrance 3 Nord-Pas-de-Calais/Picardie. Ellerepose sur trois principes :

- prendre en charge des groupes de jeunespour leur apprendre à se servir des outilsde la communication audiovisuelle ;

- les préparer au tournage des sujets dontils proposent eux-mêmes les thèmes et lescontenus, validés ensuite par la produc-tion ;

■ Rencontres avec des professionnels

64. Le 12 juin 2001.

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 57

- les suivre pendant le tournage avec uneéquipe de professionnels dans le but deleur faire prendre conscience qu’ils ne sontpas différents des gens qu’ils filment.

Cette pédagogie qui tend à satisfaire lademande de prise de parole des jeunes nes’interdit pas, au contraire, de contribuer àouvrir des perspectives de formation etd’emploi.

• Quels enseignements ?

La rencontre avec Tewfik Farès a eu lemérite principal de replacer le discours sur« l'image des jeunes dans les médias etl'accès aux médias » dans une perspectiveplus générale, plus politique : il n'existepas à l'heure actuelle de démocratie télévi-suelle en France, il existe une seule télévi-sion qui refuse et résiste au pluralisme.

Cette nécessité d'élaborer un discours plusgénéral avait déjà été signalée parMme Guicheney, médiatrice des pro-grammes sur France Télévisions, lorsquedes membres de la commission l'avaientrencontrée.

Outre l'histoire de la télévision (sous tutelledu ministère de l'Information en Francependant quarante ans) qui explique cetteabsence de pluralisme, ce sont des facteurséconomiques, notamment la collusionentre des grands groupes industriels et lesmédias eux-mêmes, et la constitution desmédias en grands groupes de presse ou engrandes machines économiques. Du mêmecoup, ils sont soumis à l'audimat et leurfinancement est assuré par les recettespublicitaires.

Ce qui est davantage intéressant, c'est lapossibilité dans le contexte actuel d'utili-ser l'argument économique : les jeunes(de 15 à 25 ans) sont les plus grandsconsommateurs de télévision. Un publicpotentiel énorme, de l'audimat…

Le succès de Loft story rappelle cette réali-té. Il ne signifie pas pour autant que les

jeunes sont des consommateurs irrécupé-rables de sous-produits télévisuels… Peud'éléments en réalité nous permettent deconnaître les raisons de leur engouementpour cette émission, le degré auquel ils laregardent…Vraisemblablement, parce qu'ilsy trouvent une certaine représentation deleur génération, ils retrouvent un langagequi leur est familier… Ce qui ne signifie pasqu'ils la regardent sans avoir consciencedes mécanismes qui y président, sansregard critique sur le concept lui-même (cf.le succès d'audience auprès des 15-24 ansde l'émission Arrêt sur images consacrée àLoft story), voire sans moquerie ni raillerieenvers les participants.

D'ailleurs, les bons résultats d'audience del'émission Télécité, notamment à Lille, oùelle recueille depuis sa diffusion unemoyenne de 21 % d'audience, ce qui enfait la première émission regardée à cetteheure de diffusion, témoignent de l'intérêtdes jeunes pour des émissions différentes,de qualité, où des jeunes s'expriment(caméra à la main) sur des sujets qui lespréoccupent.

De manière générale, cette émission béné-ficie du soutien du Fonds d'action socialeet d'une aide technique et humaine desdirections régionales de France 3 concer-nées (mise à disposition de matériel et detechniciens pendant les trois jours de tour-nage).

Il est évident que produire une émissionhebdomadaire dans ces conditions est dif-ficile et implique une forte exigence vis-à-vis des jeunes des différentes équipesqui, à tour de rôle, définissent un sujet, lepréparent et participent au tournage.

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Rencontre avec Bernard Loche,producteur de l’émission Saga-cités

Le premier numéro de l’émission Saga-cités date de 1991, moment où le « phéno-mène banlieue » explose (on crée un minis-tère de la Ville).

L’originalité de l’émission réside dans sonlong travail en amont. Bernard Locheinsiste sur la mise en avant du temps. Cebesoin de temps correspond pour lui à lanécessité de bon travail du journaliste etarme pour affronter la complexité àlaquelle tout journaliste doit faire face.

La question qui sous-tend l’émission est :Comment vivre ensemble dans la ville etles quartiers populaires ?

Et cette interrogation va trouver une décli-naison multiple. Ainsi la rédaction attendau minimum un mois avant de tourner uneimage ; un long travail a priori est accom-pli. D’autre part, un travail a posteriori estaussi effectué. Une projection est proposéesur chaque lieu de reportage (si possibleavant la diffusion). Les journalistes sontprésents et répondent aux questions dupublic. L’idée n’est pas de remonter lereportage mais d’expliquer aux gens com-ment le reportage s’est déroulé…

Dans ces rencontres, un vrai travail decompréhension, d’analyse est réalisé. Ainsiles journalistes ne désertent pas le terrainaprès le reportage. Cela répond à l’idée queBernard Loche se fait de la télévision :contribuer à créer du lien social et nonpas le défaire. C’est ainsi que le travail estexécuté grâce à un réseau construit d’asso-ciations, d’institutions…

Bernard Loche nous montre qu’il existe desmarges de manœuvre pour une autre télé-vision qui cherche à rendre compte de lacomplexité de la réalité. Cette autre télévi-sion prend son temps et tisse un lien socialfort dans une perspective volontariste.

• Le point de vue de Bernard Loche sur la télévision

Pour Bernard Loche, une émission commeMa société est violente 65 est symptoma-tique de l’état général du paysage télévi-suel. Alors que la rédaction de France 3partait avec la volonté de changer deregard, elle a finalement abouti à uneimpasse intellectuelle. Bernard Loche nenous a pas caché que les débats au seinmême de la rédaction étaient mitigés.

L’émission comme beaucoup d’autres nousmontre finalement les failles de la télévi-sion : aversion pour le complexe et lacontradiction, méconnaissance de la réalitésociale française.

Il insiste sur le paradoxe télévisuel : décla-rer que la réalité est de plus en plus com-plexe tout en traitant l’information toujoursplus rapidement.

Toutes les émissions « spécial banlieues »butent sur les mêmes écueils : stigmatisationou angélisme à outrance. Ces deux traite-ments de l’information montrent l’incompré-hension des journalistes. Finalement, plus lethème sera large plus tout le monde ira dansle même sens face à cette complexité.

Pour Bernard Loche, les responsables dechaîne ont abdiqué face à leurs responsabi-lités. Le mode de production de la télévisionaboutit presque nécessairement à ce quel’émission soit un produit de consomma-tion.

Une autre caractéristique du milieu journa-listique est son rapport avec les sphères depouvoir. En effet, les relations avec le milieupolitique ne peuvent faciliter l’évolution desmentalités.

Bernard Loche a insisté sur l’inertie dontpouvait faire preuve le corps des journa-listes quant aux questions de déontologie.

Depuis juin 2002, Saga-cités a disparudes programmes de télévision…

65. Émission sur une cité de Mantes-la-Jolie, proposée par FR 3le 2 avril 2001 et qui a suscité beaucoup de réactions négativesde la part de ses habitants.

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 59

Rencontre avec Claude-Jean Bertrand 66

Claude-Jean Bertrand est l’auteur d’un cer-tain nombre d’ouvrages sur les médiasdont L'Arsenal de la démocratie. Médias,déontologie et MARS, paru aux ÉditionsÉconomica, en 1999.

Dans ce livre, C.-J. Bertrand part d’uneinterrogation : Comment améliorer la« déontologie » des médias afin de favori-ser une plus grande « qualité » dans l'infor-mation diffusée aux publics ? Spécialiste desquestions d'éthique journalistique et del'étude des médias aux États-Unis, il tented’y répondre en s'intéressant à ce qu'ilappelle les MARS (moyens d'assurer la res-ponsabilité sociale). Si le projet politico-moral peut paraître parfois utopiste, le tra-vail d'enquête a pour mérite d'apporter desinformations et des analyses parfois inéditessur les différents moyens mis en place pour« améliorer démocratiquement les médiasd'information » en France, au Royaume-Uniet aux États-Unis. Ainsi, l'auteur, qui a ras-semblé de multiples contributions d'ensei-gnants, de chercheurs et de journalistes,détaille différentes tentatives de régulation :législations sur la presse, codes de déonto-logie, conseils de presse, revues critiques,formations au journalisme, recherches cri-tiques, médiateurs, etc.

La question centrale dans les travaux deC.-J. Bertrand est : Comment faire respec-ter les codes et les règles qui régissent lefonctionnement des médias ?

Avec les MARS (moyens d'assurer la respon-sabilité sociale), il propose soixante moyensqui incitent les journalistes à faire leur tra-vail, en insistant sur la responsabilité dupublic en tant que force de pression. Or lepublic est fait de minorités, dont les jeunes.

Pour que l'image des jeunes à la télévisionsoit plus conforme à la réalité, il y a dif-férents moyens :

- Éducation aux médias : C.-J. Bertrandaffirme que le décryptage des images,d'une part, et la démonstration parl'exemple, d'autre part, sont des moyens decombattre les a priori et de contribuer àune véritable prise de conscience« citoyenne ».

- Fonction et rôle du journaliste : il s'agitde rappeler que les médias ont un rôlecivique, et que les journalistes ne devraientpas se contenter de rendre compte deschoses évidentes, mais d'aller sous la sur-face des événements, par exemple « avertirdes épidémies plutôt que de rendre comptedes enterrements ». Lutter contre cetteobsession des journalistes pour le négatif.Cela dit, dans la presse : « Ce qui est le pire,c’est de ne pas dire », d'après C.-J.Bertrand. Il y a plus d’autonomie qu’on nele pense chez les journalistes.

- Méthodes de travail : la question de lamobilité des journalistes, de leur capacité àse rendre sur le terrain… est particulière-ment pertinente quand il s'agit de traiterdes banlieues ou des jeunes, sans même yêtre allé ou en avoir rencontrés !

- Prendre en compte les lecteurs : C.-J.Bertrand a écrit un article : « How to listento ? » ( « Comment écouter… les lec-teurs … ? ») qui explique l'intérêt pour lesjournaux et leurs lecteurs de davantageprendre en compte la parole du lecteur.

Il propose un certain nombre de mesuresdéjà expérimentées dans d'autres pays, quifont une place aux lecteurs dans le journalplus importante qu'en France, notammentle conseil de presse.

66. Le 21 juin 2001.

▼ ▼ ▼DE S R E N C O N T R E S P O U R C O M P R E N D R E E T S E N S I B I L I S E R

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1 • Formation des journalistes

• Ouvrir une 3e voie d’accès pourles concours des écoles de journa-lisme

Il s’agit de permettre aux jeunesayant une expérience dans uneradio associative, une télévisionassociative, ou un journal associatif,d’avoir accès aux concours desécoles sans avoir nécessairement lediplôme universitaire requis (auminimum la licence). Cette proposi-tion, qui concerne les écoles dejournalisme, s’inscrit dans le cadrede la valorisation du bénévolat.

• Introduire des problématiques« jeunesse » dans les enseigne-ments dispensés dans les écoles dejournalisme

L’expérience de la rencontre avec lesétudiants de l’ESJ Lille (29 janvier2003) a confirmé l’intérêt d’introduiredans leur cursus des (in)formationssur les questions de jeunesse, les poli-tiques jeunesse, la vie associative…,en insistant sur deux points :

La question des sources : pour des

journalistes, comment trouver desjeunes à interroger ailleurs que dansles établissements scolaires, ou dansla rue en bas des immeubles ? Parl'intermédiaire des associations, desconseils de jeunes….

La question de l’interview d’unjeune : quelle pédagogie ? quellesprécautions ? afin d’éviter les« micro trottoirs » où les jeunes di-sent ce que le journaliste attendd’eux, afin d’éviter les interviewsgroupées (dix jeunes), afin de don-ner une véritable valeur à la paroledes jeunes et un meilleur accès auxmédias.

2 • Éducation aux médias

En dehors du cadre scolaire• Mieux informer les jeunes surleurs droits, encourager les initia-tives

Poursuivre en collaboration avec leCIDJ la réalisation de fiches sur l’in-formation et les droits des jeunespar rapport aux médias. Sont encours la création de fiches à mettreen ligne sur le site www.cidj.com,

Les propositions

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 61

ou la création d’une fiche Actuel-CIDJ spécifique sur ce sujet.

• Soutenir les médias d’initiativejeune

Le CNJ est très attaché à ce type demédias (radios associatives, jour-naux lycéens, journaux de quar-tiers…), qui constituent une formed’expression libre et contribuent àl’exercice de la citoyenneté et àl’éducation pratique aux médias.

• Le CNJ a proposé à plusieursreprises de développer le soutien,notamment des pouvoirs publics, àces médias et regrette fortement ladisparition de l’association J-Presse qui soutenait la presse d’ini-tiative jeune.

• Concernant les activités de J-Presse, la commission souhaite quesoient pérennisés l’Observatoire despratiques de presse lycéenne et leComité de pilotage des journaux dequartiers et de villes. Ces groupementsde fait, animés par J-Presse, maisindépendants de l’association, réunis-saient des représentants associatifs,syndicaux et institutionnels. Ils per-mettaient de travailler à la mise enœuvre de certaines propositions (parexemple : un fonds de soutien à lapresse d’initiative jeune) et d’organisercertaines manifestations. Comment nepas perdre cette richesse ?

• Concernant le recours aux médiasassociatifs (en complément desmédias traditionnels) pour les cam-pagnes d’information en directiondes jeunes (sur la santé, la sécuritéroutière, l’engagement…), le CNJrenouvelle sa proposition d’associerdavantage les radios associatives etles journaux lycéens et associatifs,ce qui constitue aussi une forme desoutien à leur action.

• Concernant la diffusion desmédias étudiants au sein des univer-sités, une proposition argumentéede décrets a été soumise au cabinet.Elle est en cours d’expertise.

Dans le cadre scolaire• Développer l’éducation auxmédias, notamment en formalisantdans les programmes des heures decours d’éducation aux médias, ce quirelève encore souvent de la seule ini-tiative de l’enseignant. Les outilspédagogiques, visant à accompagnerles enseignants dans ce travail, exis-tent déjà : notamment sur le site CôtéProfs de France 5.

• Mieux relayer l’information surle travail de France 5 et du CNDPen termes d’éducation aux médias,via les sites Côté Profs etDécrypt’ACTU (sur www.france5.fr).

▼ ▼ ▼L E S P R O P O S I T I O N S

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• Associer le CNJ à la préparationde la Semaine de la presse à l’éco-le : des documents sur l’informationdes jeunes par rapport aux médias(par exemple sur leurs droits…), surles possibilités de création demédias associatifs et sur la représen-tation des jeunes dans l’informationtélévisée, pourraient être coélaboréspar le CNJ et diffusés dans les éta-blissements scolaires.

3 • Le rôle des associations :vers une agence de presseassociative ?

C’est une initiative que le CNJ sou-haite encourager : monter une struc-ture du type Agence française depresse (inter-associative) qui produi-rait une information complémentaireconcernant les initiatives citoyennes,notamment de jeunes.

À noter l’existence du sitewww.place-publique.fr, qui a unobjectif semblable.

À noter également l’existence denombreuses réflexions menées parla « société civile » sur le fonction-nement actuel des grands médias,qui produisent une informationcomplémentaire… et qui pourraientalimenter cette agence de presseassociative.

4 • Le CSA et la direction des chaînes

Les chaînes de télévision sont sou-mises à un cahier des charges, leCSA étant chargé de veiller au res-pect de ce cahier des charges.Concernant les chaînes publiques,le gouvernement a la possibilitéd’introduire de nouvelles préconi-sations ou règles dans ce cahier descharges.

C’est une piste un peu « délaissée »en 2002-2003 par le CNJ, suitenotamment à la position du prési-dent du CSA, Dominique Baudis,lors de la dernière rencontre (janvier2002). Celui-ci a estimé que le CSAne devait pas intervenir sur lecontenu et les choix éditoriaux deschaînes.

Pour 2003-2004, il pourrait êtreintéressant de relancer un travailauprès du CSA et des chaînes,d’autant que France Télévisions,via ses médiateurs notamment(J.-C. Allanic, et G. Guicheney), yest favorable, autour des proposi-tions suivantes :

La fonction de médiation• Créer des fonctions de médiateursur les chaînes qui n’en n’ont pas.

Actions et propositions de la commission

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 63

• Renforcer le rôle du médiateur del’information au sein des chaînes :obligation d’une émission publique,durée raisonnable de cette émission(plus de 10 mn), obligation de rendrepublic le rapport du médiateur.

La question du statut du médiateurau sein de la chaîne mérite aussid’être débattue avec les chaînes etleur autorité de tutelle (le gouverne-ment pour les chaînes publiques) :comment assurer l’indépendance dumédiateur et une meilleure recon-naissance ?

Le droit de réponse • Au minimum, exiger l'applicationde la loi, en particulier le décret87-246 « relatif à l'exercice dudroit de réponse dans les servicesde communication audiovisuelle »,en vigueur depuis le 9 avril 1987 :« La demande d'exercice du droit deréponse est adressée au directeur dela publication-rédaction par lettrerecommandée avec demande d'avisde réception [dans les huit jours]. Letexte de la réponse ne peut êtresupérieur à trente lignes dactylogra-phiées. La durée totale du messagene peut excéder deux minutes. »

• Aller plus loin dans la mise enœuvre du droit de réponse : envi-

sager qu'à la fin de certains jour-naux télévisés un temps d’au moinstrois minutes soit réservé pour undroit de réponse. La fonction dumédiateur, essentiellement pédago-gique, défensive, ne suffit pas.

Protection de l’identitéet floutage• Obligation pour les chaînes derappeler les raisons juridiques dufloutage (protection de l’identitédu mineur ou du présumé inno-cent), tout comme certaines chaînesont décidé d’elles-mêmes de précisersystématiquement quand elles ontrecours à des images d’archives pourillustrer l’actualité (par une incrus-tation : « images d’archives, INA »).

▼ ▼ ▼L E S P R O P O S I T I O N S

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 65

Annexes

• Structures ressources pour la lecture critique de l'information

et / ou l'éducation aux médias

• Les raves de France 2

• Les conseils de la jeunesse

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Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information (CLEMI)

Depuis 1983, au sein du ministère del'Éducation, le CLEMI est chargé deconcevoir et de développer des pro-grammes d'éducation aux médias.

Chaque année, au printemps, les ensei-gnants de tous niveaux et de toutes dis-ciplines sont invités à participer à laSemaine de la presse dans l'école.Activité d'éducation civique, cetteSemaine a pour but d'aider les élèves,de la maternelle aux classes prépara-toires, à comprendre le système desmédias, à former leur jugement critique,à développer leur goût pour l'actualitéet à forger leur identité de citoyen. Par ailleurs, le CLEMI met en place desformations pour les personnels de l’É-ducation nationale et publie des ou-

vrages sur la connaissance des médias,des guides pratiques, des outils d’analy-se et de réflexion. Son centre de docu-mentation à Paris possède la plusimportante collection de journaux sco-laires et lycéens.Le CLEMI participe également au pro-gramme Éducaunet d'éducation critiqueaux risques liés à l'usage d'Internet.Son objectif est d'apprendre auxenfants et aux adolescents à navigueren toute responsabilité sur Internet(programme mené en partenariat avecMediaAnimation et le soutien de laCommission européenne) : www.educaunet.org/

CLEMI : ministère de l'Éducation nationale,Centre associé au CNDP391 bis, rue de Vaugirard75015 Paris Tél. : 01 53 68 71 00 Fax : 01 42 50 16 82Site Internet : www.clemi.org

Structures ressourcespour la lecture critique de l'information

et / ou l'éducation aux médias

À la demande du ministredélégué à l'Enseignementscolaire, le CLEMI a réalisédébut 2004 une brochurepour développer l'éducationà l'image : La Télévisionmode d'emploi.

Le CLEMI a également par-ticipé à la production d’undévédérom en partenariatavec l’INA et les CEMÉA :

Apprendre la télé. Observer –Démonter – Analyser –Comprendre le JT (CoéditionCEMÉA et Jériko).

Destiné à accompagner letravail des enseignants,

éducateurs, animateurs ouformateurs dans le cadre del’éducation aux médias, à lacitoyenneté ou d’une for-mation à la maîtrise deslangages, le dévédérom per-met à l’utilisateur de :

• prendre conscience deschoix éditoriaux des médiaset du pluralisme de l’infor-mation à travers l’observa-tion et l’apprentissageméthodique de la construc-tion des journaux télévisés ;

• former son jugement etconforter son sens critiquepar l’analyse de la mise en

scène de l’information télé-visée ;

• développer une maîtrisedes langages audiovisuels,lecture de l’image et modesnarratifs.

Les contenus sont organisés endeux grands ensembles : la« médiathèque » donne accèsaux sources audiovisuelles etdocumentaires ; les « parcourspédagogiques » aident à com-prendre les notions clés et pro-posent des activités.

Le dévédérom a obtenu leprix Möbius internationalde l’Éducation 2003.

Annexes

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 67

Service culture, éditions, ressources pour l’Éducationnationale (SCÉREN)Réseau national regroupant le CNDP(Centre national de documentationpédagogique), les CRDP (centresrégionaux) et les CDDP (centresdépartementaux) destiné à l’éditiond’outils pédagogiques.

Sur le site du SCÉREN, à la rubrique« Audiovisuel, éducation aux médias »,des bibliographies, des documentsd’analyse de l’image et des vidéoslibres de droit pour la classe, ainsiqu’une sélection hebdomaire d’émis-sions de télévision (Télédoc).

Site Internet : www.sceren.fr/

Centre de recherche sur l’éduca-tion aux médias (CREDAM)Articulant une logique de rechercheuniversitaire et une logique d'action,le CREDAM se donne pour missiond'identifier, de suivre, de promouvoiret de mettre en commun des travauxde recherche sur l'éducation auxmédias.

Rattaché à l'université de Paris III, leCREDAM est l'un des quatre centresdu laboratoire « Communication, In-formation, Médias » validé par le mi-nistère de la Recherche. Il entretientnotamment des rapports privilégiésavec le Centre d'études sur les imageset les sons médiatiques (CEISME), leCentre d'histoire et des récits de l'in-formation et des médias-réseaux enEurope (CHRIME), et le Groupe derecherche sur la psychologie de lacommunication (GRPC). Il génère denombreux travaux de recherche(mémoires et thèses) sur des théma-tiques liées à l'éducation aux médias(expression des jeunes, citoyenneté etpolitique, rapport au savoir...). Par

ailleurs, le CREDAM croise étroite-ment ses axes de recherche avec letravail du CLEMI.

Le CREDAM propose trois journéespar an pour faciliter les rencontres etfavoriser les échanges entre desconférenciers et de jeunes chercheurs,autour de discussions concernantl'éducation aux médias. Ces échangessont reproduits en partie, une fois paran, dans Les Cahiers du Credam.

CREDAM/CLEMI391 bis, rue de Vaugirard75015 Paris Tél. : 01 53 68 71 00 Fax : 01 42 50 16 82 Site Internet : www.clemi.org/credam/index.html

Décrypt'ACTU : site de France 5Destiné à la communauté éducative,Décrypt'ACTU est dédié au décryptagedes médias et de l'actualité.

En partenariat avec Radio France, LeMonde, Hatier, le SCÉREN, le CLEMI,Le Café pédagogique, et avec le sou-tien du ministère de la Jeunesse, del'Éducation nationale et de laRecherche, Décrypt'ACTU poursuit undouble objectif : fournir aux ensei-gnants, documentalistes et élèves desressources multimédias brutes et per-mettre aux enseignants et documenta-listes d'appréhender avec les élèves lamanière dont les médias traitent unsujet d'actualité.

Site Internet : www.france5.fr/education/actu/

Le site imageduc Le site imageduc s'inscrit dans le pro-gramme d'e-learning européen d'édu-cation aux images et aux médias.Imageduc comporte trois grandes par-ties : un Baromètre européen des

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▼ ▼ ▼S T R U C T U R E S R E S S O U R C E S

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médias, une partie « regards croisés »,une partie « formation-jeux ».

Le Baromètre européen des médias,lancé en mars 2003, concerne simul-tanément cinq pays européens(France, Allemagne, Royaume-Uni,Espagne et Italie) et deux pays extra-européens (Algérie et États-Unis). Ilcompare les journaux télévisés et latranche publicitaire à l’heure de plusforte audience de ces pays ainsi que laune des quotidiens. Chaque correspon-dant et chaque pays dégage mensuelle-ment de grandes tendances ; leur com-pilation et la sélection de ce qui semblele plus pertinent forment le Baromètreeuropéen des médias. Ensuite, cesmesures-phares sont placées en ar-chives, consultables par tous gratuite-ment. Mais il est possible, à partir dutravail déjà réalisé, de développer desrecherches spécifiques. Sur demandedes médias, des entreprises, des cher-cheurs, Imageduc peut fournir desenquêtes spécifiques.

Association Groupe l’imageMusée d’Histoire contemporaineHôtel national des Invalides129, rue de Grenelle, 75007 ParisTél. : 01 44 42 31 18 fax : 01 44 18 93 84Site Internet : www.imageduc.net/

Institut national de l’audiovisuel(INA)

L’INA, établissement public à caractèreindustriel et commercial, conserve etexploite les archives de la télévision etde la radio françaises et assure la col-lecte et la mise à disposition des docu-ments radiodiffusés ou télédiffusés rele-vant des obligations du dépôt légal.L’INA contribue également à l’innova-tion et à la recherche dans le domainede la production et de la communica-tion audiovisuelles ainsi qu’à la forma-tion continue et initiale et à toutes les

formes d’enseignement supérieur dansles métiers de la communication audio-visuelle.

Institut national de l'audiovisuel4, avenue de l'Europe94366 Bry-sur-Marne CedexTél. : 01 49 83 20 00Site Internet : www.ina.fr

Action-CRItique-MÉDias (ACRIMED)

Créée en 1996, ACRIMED est une asso-ciation de critique des médias qui sepropose de se constituer enObservatoire des médias et d'intervenirpubliquement, pour mettre en questionla marchandisation de l'information, dela culture et du divertissement, ainsique les dérives du journalisme quand ilest assujetti aux pouvoirs politiques etfinanciers et quand il véhicule le prêt-à-penser de la société de marché.

ACRIMED se veut un carrefour deconfrontation entre les journalistes, leschercheurs et les acteurs du mouvementsocial.

Depuis 1996, ACRIMED organise desdébats mensuels qui ont pris la formedes Jeudis d'Acrimed. Le Bulletind'Acrimed a permis de rendre comptede certains de ces débats, retranscritségalement sur le site Internet de l’asso-ciation.

ACRIMED 17, avenue des Sycomores93310 Le Pré Saint-Gervais Site Internet : acrimed.samizdat.net/

L'association APTE

APTE est née en 1986 à l'initiatived'enseignants ayant suivi une forma-tion longue dans le domaine de l'audio-visuel. Depuis cette date, l'associations'est ouverte à tous les secteurs de

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Annexes

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 69

l’éducation et de la formation. Elle apour but de faire reconnaître la néces-sité, pour tous, d’une éducation dequalité à l’image et aux médias, et demettre en œuvre toute activité àcaractère pédagogique contribuant audéveloppement du regard critique surles images, les sons, les écrans, lesmédias, des usages citoyens, éducatifset culturels des médias, et des outilsutilisant les images et les sons.

L’association travaille principalementavec des publics appartenant aux sec-teurs de l’éducation, de la formation,de l’animation, de la culture : lesenseignants (de l’école au lycée), lesanimateurs de centres de vacances etde loisirs, les bibliothécaires, les for-mateurs intervenant dans les disposi-tifs d’insertion ou de réinsertion, lesbénévoles et les professionnels du sec-teur socioculturel, les bénévoles et lesprofessionnels de la lutte contre l’illet-trisme…

APTE BP 518 – 86012 Poitiers CedexTél. : 05 49 44 99 00 Site Internet : www.apte.asso.fr/

Collectif inter-associatif enfance et médias (CIEM)

Créé le 21 juin 2001 à l'initiative del'UNAF et de la Ligue de l'enseigne-ment, le CIEM regroupe plus de 25associations dont l’objectif est deconstituer « un réseau de vigilance »sur les formes de violence dans lesmédias.À l'heure où les supports médiatiquesse multiplient, le CIEM s'est fixé pourobjectifs de :- réfléchir à la socialisation de l'enfant ;- faire comprendre les logiques des sys-tèmes médiatiques contemporains à lajeunesse comme aux adultes ;

- faire émerger une expression com-mune de la société civile ;- promouvoir une confrontation« exempte de tout manichéisme, maisaussi de tout consensualisme mou » ; - contribuer à l'émergence d'une poli-tique de multirégulation des systèmesmédiatiques par l'application du droit,mais aussi par l'éducation aux médiasdès l'enfance.

À partir d'un manifeste et d'une pre-mière liste de mesures destinés àenclencher le dialogue avec les pou-voirs publics et les acteurs média-tiques, le CIEM a auditionné desacteurs du système médiatique.

L'ensemble de ce travail a donné lieuà la publication en mai 2002 d'unrapport sur le thème « L'environ-nement médiatique des jeunes de 0 à18 ans : que transmettons-nous à nosenfants ? », établi par Sophie Jehel etDivina Frau-Meigst.

CIEM5, rue Laferrière, 75009 Paris Tél. : 01 42 82 12 25 ou 01 49 95 36 46Fax : 01 42 82 97 66

Groupe de recherche sur la relation enfants-médias (GRREM)Le GRREM est une association loi1901, née en 1993 de la nécessité depromouvoir et de diffuser la recherchefondamentale sur les sujets concer-nant les enfants et les médias.

Au cœur d’un réseau international, leGRREM est un lieu d’échanges et dedébats entre chercheurs, profession-nels des médias, enseignants etacteurs du champ social, éducatif etculturel de l’enfance et de la jeunesse.

Le GRREM initie ou participe à desétudes et recherches françaises et

▲▲▼ ▼ ▼S T R U C T U R E S R E S S O U R C E S

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européennes et travaille en lien avecde nombreux centres de recherches. Ila notamment publié : Les Jeunes et lesMédias, perspectives de la recherchedans le monde, sous la direction de G.Jacquinot, Éd. L’Harmattan, 2002, col-lection Débats Jeunesses.

GRREM28, place Saint-Georges75009 ParisTél : 01 53 32 75 08Site Internet : www.grrem.org/

J-Presse, Association nationalede la presse d'initiative jeune

L’association J-Presse a été créée en1981 pour faire reconnaître etdéfendre la presse réalisée par desjeunes (11-30 ans) dans les lycées, lescollèges et les universités, mais aussidans les quartiers et les villes. À cetitre, elle a été un membre actif de lacommission jeunes et médias duConseil national de la jeunesse.

Face à des difficultés financièresrécentes, l’association a été mise enliquidation judiciaire le 5 juin 2003.L’association comptait deux centsadhérents et un réseau d’une cinquan-taine de correspondant(e)s.

www.jpresse.org

Place publique

Créée en 1995 et animée par une équi-pe de journalistes indépendants, l'as-sociation Place publique a pour objetde :

- favoriser la diffusion d'une informa-tion non marchande sur l'économiesolidaire, la culture vivante, la démo-cratie participative, le développementdurable ;

- enrichir la réflexion et le débatpublic sur les enjeux de société, dulocal à l'international ;

- faciliter les échanges d'expériencesentre citoyens, ainsi que la mise encommun des projets et des savoir-faireassociatifs ;

- développer une « coproduction del'information » avec les acteurs so-ciaux, en tirant parti des possibilitésd'interactivité offertes, en particulierpar Internet.

Outre l'animation du site InternetPlace publique, l'association organisedes débats sur les médias et lacitoyenneté - en posant notamment laquestion de la responsabilité socialedes médias - et multiplie les expé-riences de coproduction de l'informa-tion avec divers partenaires : associa-tions, réseaux d'habitants, supports depresse écrite ou audiovisuelle, sitesInternet…

Par ailleurs, en tant qu'agence d'infor-mation citoyenne, elle développe uneoffre de services qui s'adresse plusparticulièrement au monde associatifet aux collectivités publiques.

Association Place publique4, place de Valois, 75001 ParisTél. : 01 45 77 04 35Fax : 01 42 96 86 55Site Internet : www.place-publique.fr

Institut européen des téléspectateurs (INSTET)

Association loi 1901, l’Instet-Formation bénéficie du soutien de laFondation de France, des académiesde Paris et Versailles, de la préfecturede Paris, et de la fondationMédiamétrie.

Créé en 1996 par des professionnels de

Annexes

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 71

l’audiovisuel et des sociologues,l’INSTET s’est donné pour but de pro-mouvoir en France et au niveau euro-péen une éducation à l’image, critiqueet citoyenne, qui permette à chacunde mieux maîtriser le langage audio-visuel et de ne plus en subir passive-ment les effets.

Son activité, principalement orientéeen direction des enfants de l’école pri-maire, se déploie également dansd’autres lieux, vers d’autres publics :collèges, lycées, stages de formationd’enseignants, hôpitaux, centressociaux, etc. Particulièrement adaptésaux enfants des quartiers difficilesappartenant aux réseaux d’éducationprioritaires (REP), ses programmes « Jelis, j’écris avec la télévision » (CP etCE1) et « Esprit civique et télévision »(CM, collèges et lycées), sont réalisésen collaboration avec les personnelsde l’Éducation nationale.

Site Internet : http://spectateurs.org/

Médiamétrie

Société indépendante, Médiamétrieassure la mesure scientifique d'au-dience des principaux médias audio-visuels.La fondation d’entreprise Médiamé-trie, créée en 1995, s’est donné pourmission d’aider les jeunes à acquérirune meilleure connaissance desmédias audiovisuels et d’être un lieude convergence et de réflexion pros-pective. Pour remplir cette mission, lafondation organise des rencontresentre des personnalités de l’audiovi-suel et des jeunes, réalise desenquêtes, organise des colloques, estpartenaire d’actions d’éducation auxmédias. Elle soutient ainsi depuis sacréation, le programme « Je lis, j’écris

avec la télévision » de l’Institut euro-péen des téléspectateurs (INSTET).

Médiamétrie55-63, rue Anatole-France92532 Levallois-Perret CedexTél : 01.47.58.97.58Fax : 01.47.58.09.26Site Internet : www.mediametrie.fr/

Les Pieds dans le PAF,Association nationale des téléspectateurs et auditeurs

Par des actions d'éducation auxmédias, par la défense des consomma-teurs de télévision, par des interven-tions auprès de pouvoirs publics oudes décideurs de l'audiovisuel, l'asso-ciation agit pour apporter le maxi-mum d'information sur le fonctionne-ment des médias aux enfants commeaux adultes et pour faire entendre lavoix des citoyens-téléspectateurs.

De sa propre initiative ou à la deman-de, l'association intervient dans desétablissements scolaires et dans lecadre de formations d'animateurs oud'enseignants ; développe des coopé-rations internationales en matièred'éducation aux médias ; organise desanimations et des débats ; met enplace des actions revendicatives ;relaie des plaintes de téléspectateurs.

L'association est partie prenante dansdes coordinations comme le TSA(Tiers secteur audiovisuel) et le CIEM(Collectif inter-associatif enfance etmédias).

Les Pieds dans le PAF43, rue Aristide-Briand44550 Saint-Malo-de-GuersacTél. : 02 40 91 15 71Fax : 02 40 91 12 78Site Internet : www.piedsdanslepaf.com/

▲▼ ▼ ▼S T R U C T U R E S R E S S O U R C E S

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TOCSIN

L'équipe de TOCSIN - composée de pro-fessionnels de l'information et de lacréation - propose son approche dumonde de l'information et apporte sonsavoir-faire dans les domaines de lacréation éditoriale (accompagnement dela création de médias, suivi et mise enplace des ateliers - jeux de rôles pourmieux comprendre la presse, donner lesclés médiatiques au milieu associatif...),de l’accompagnement d'événements etde la production (conception de nou-veaux outils pédagogiques pour l'édu-cation aux médias, publication d’ou-vrages de références sur la circulationde l'information, production de dossiersthématiques et multimédias...).

Pour mieux comprendre les systèmesd’information, TOCSIN édite une publi-cation périodique : Sociétés de l’infor-mation (1er numéro : nov.-déc. 2003).

TOCSIN 82, boulevard de Ménilmontant 75020 ParisTél. : 01 43 66 77 07Fax : 01 43 66 74 33 Site Internet : www.tocsin.net/

Annexes

a période fin avril-fin juin 2001 aété marquée par un débat important

autour de la question des raves parties.Entamé par le technival de Marigny, quiaurait rassemblé 25 000 jeunes sur quatrejours, le débat s'est poursuivi ensuite surle terrain parlementaire par le dépôt d'unamendement au projet de loi sur la sécu-rité intérieure par le député ThierryMariani. L'occasion pour un certainnombre d'observateurs, d'hommes et defemmes politiques et de journalistes, des'intéresser à une pratique déjà ancienne.

Dans le cadre des travaux de la commis-sion jeunes et médias, il nous a sembléintéressant d'essayer de voir comment les

journaux d'information avaient suivi cedébat. Nous aurions pu en suivre d’autres(tels que l’insécurité, les affrontementsentre les bandes ou plus récemment ledébat sur les couvre-feux), mais celui-ci,par sa thématique, les sujets qu’il englo-bait et sa période limitée (fin avril-fin juin2001), nous apportait un aperçu utile.

Notre mini-étude a donc consisté enl'examen, à l’aide d’une grille de vision-nage construite pour l’occasion, desextraits des journaux de 13 h et de 20 hde France 2 sur la période donnée, douzeextraits compris entre le journal de 20 hdu 29 avril et le journal de 13 h du28 juin 2001.

Les raves de France 2

Les journaux de France 2 et la question des raves

Mikaël Garnier-Lavalley

« En cas d'une manifestation non autorisée de grande envergure

sur un territoire privé ou public pouvant représenter

un danger pour la tranquillité des riverains, l'agent de police judiciaire

peut ordonner la saisie du matériel de sonorisation. »

Amendement au projet de loi sur la sécurité intérieure,

déposé par le député T. Mariani,

adopté en 1re lecture par l'Assemblée nationale.

L

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 73

▼ ▼ ▼L E S R A V E S D E F R A N C E 2

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n° Date Journal Horaire Présentateur Durée de l'extrait

1 29/04/2001 20 h 20:19:16 Béatrice Schönberg 115 s.2 01/05/2001 13 h 13:27:47 Gérard Holtz 120 s.3 02/05/2001 13 h 13:20:28 Gérard Holtz 105 s.4 25/05/2001 13 h 13:02:50 Gérard Holtz 80 s. 5 30/05/2001 20 h 20:15:37 Claude Sérillon 133 s.6 03/06/2001 13 h 13:12:18 Béatrice Schönberg 158 s.7 03/06/2001 20 h 20:16:48 Béatrice Schönberg 140 s.8 06/06/2001 20 h 20:28:36 Benoît Duquesne 12 s.9 16/06/2001 20 h 20:26:56 Béatrice Schönberg 123 s.10 21/06/2001 20 h 20:35:06 Claude Sérillon 130 s.11 26/06/2001 13 h 13:07:20 Antoine Cormery 23 s.12 28/06/2001 13 h 13:16:07 Antoine Cormery 13 s.

Les 12 extraits

Compte tenu du temps nécessaire pourvisionner et « décortiquer » les extraits afind'en exprimer des données exploitables,nous avons préféré nous concentrer surune seule chaîne. Le choix de France 2s’est imposé par le fait qu’elle était unechaîne généraliste grand public de servicepublic.

Ce qui suit est une synthèse des différentsrésultats obtenus.

Les horaires de diffusiondes extraits : une actualitéimportante mais secondaire

En moyenne autour de dix-huit minutesaprès le début du journal, les extraits sontsitués, pour la plupart, en seconde, voiretroisième partie de journal : le sujet n'estdonc pas considéré comme une actualitéprioritaire. Une seule fois (extrait n° 4), ilest situé en début de journal, une secondefois (extrait n° 11), ce n'est que pour une« brève » à propos du débat parlementaire.

Cependant, avec douze extraits en deuxmois, le sujet a été traité régulièrement, ce

qui montre l’importance qu’on lui accorde.

On notera que les deux raves traitées (techni-val de Marigny du 1er mai et la rave aux envi-rons de Dreux du 3 juin 2001) ont bénéficiépour la première de trois reportages différentssur quatre jours et pour la seconde de deuxreportages (à 13 h et à 20 h) sur une mêmejournée.

Les équipes de reportages :une absence de suivi

Sur les douze extraits, neuf font l'objetd'un reportage. Deux équipes ont réalisédeux reportages, mais une seule a tournédeux reportages sous deux angles distincts(extraits nos 2 et 3 sur le technival deMarigny), la seconde (extraits nos 6 et 7 surla rave aux environs de Dreux) n'ayantque remonté partiellement le même repor-tage.

Pour l'ensemble des autres reportages, cesont toujours des équipes différentes quiont traité la question.

Selon les points de vue, on peut penser quecette diversité des regards apporte une

Annexes

vision différente et utile pour le pluralis-me, on peut également y voir une absen-ce de réel suivi du débat.

La très grande prédominancedes images de jour

Sur les neuf reportages, la part desimages de jour est très importante : enmoyenne, elle est de 86,42 % de la duréedu reportage. Pour quatre d'entre eux, latotalité des images est constituéed'images de jour (extraits nos 3, 4, 5 et 9),la plus faible part est de 33,33 % (extraitn° 8). Les images de nuit sont donc rares,13,58 % de la durée en moyenne avec unmaximum de 66,67 % (extrait n° 8) etaucune image pour les extraits nos 3, 4, 5et 9.

Cette donnée est importante, car l'impactdans le traitement est bien distinct. Lesimages de nuit, régulièrement coloréespar les jeux de lumière, montrent uneréalité plutôt festive et magique tandisque les images de jour marquent davan-tage les nuisances, les dégâts, etc.

Le fait que la très grande majorité desimages de ces extraits soient des imagesde jour n'est pas neutre et a une influen-ce sur le traitement du sujet…

Les personnes interviewées :une absence de diversité

Trente et une personnes ont été interro-gées pour les neuf reportages, soit unemoyenne de 3,4 personnes par reportageavec un maximum de cinq personnes(extrait n° 6) et un minimum d’une per-sonne (extrait n° 4).

Seuls 13 % sont des femmes. 54,8 % ontentre 15-30 ans (17 personnes, dont16 sont des raveurs et 1 observateur,directeur de Radio FG), 6,5 % ont entre30 et 40 ans (2 personnes, dont 1 obser-vateur [barman], et 1 personne d'uneassociation de prévention soins), 25,8 %ont entre 40 et 50 ans (8 personnes, soit1 élu local, 1 représentant des forces del'ordre, 1 député, 2 personnes d'une asso-ciation de prévention soins). Enfin, 12,9 %ont plus de 50 ans (4 personnes rive-raines et ministres).

Les moins de 30 ans interviewés ne sontque des jeunes raveurs, aucun autre jeunen'est interviewé (ni dans les politiques nidans les riverains, par exemple). Parailleurs, sans rentrer dans des stéréo-types, ils sont presque systématiquement« percés », en train de fumer ou de boire.Il semble que les journalistes aient privi-légié volontairement ou non l’interviewde jeunes plutôt « en marge ».

Toutes les personnes censées représenterles riverains ont plus de 50 ans et cellesreprésentant l'autorité plus de 40 ans…

Seul un interviewé provient du secteurmusical ou culturel (le DG de Radio FG),aucun chercheur n'a été sollicité, ni dereprésentants de la sphère éducative oude jeunesse (enseignants, éducateurs, res-ponsables associatifs…).

Leurs discours : une variété des propos

À propos des raves, la sensibilité des per-sonnes interviewées est plutôt positive à58 % (18 personnes, soit : tous les jeunesraveurs + 1 responsable associatif + 1observateur [DG Radio FG] + unministre).

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 75

▼ ▼ ▼L E S R A V E S D E F R A N C E 2

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Cependant, si seulement 25,8 % des per-sonnes interviewées ont une sensibilitéplutôt négative (8 personnes, soit : lesriverains, élus locaux, forces de l'ordre,gardien, ministre et député), tous ont plusde 40 ans, voire plus de 50 ans, et repré-sentent l'autorité.

Enfin, 9,7 % ont un discours de préven-tion soins (provenant des associations deprévention) et 6,5 % n'ont pas de dis-cours particulier.

La statistique nous montre qu'il y adavantage d'interviewés qui ont une sen-sibilité positive, la réalité des discours estcependant plus délicate à appréhender,compte tenu notamment des thèmes desquestions posées (tournant régulièrementsur les aspects les moins positifs :drogues, illégalités, nuisances), cela atté-nue donc l'éventuel côté positif de leurintervention. Dans le même temps, lesdiscours des personnes dont la sensibilitéest plutôt négative sont plus clairs etexpriment très nettement leur sensibiliténégative, leur parole semblant être moinsencadrée.

Le corollaire entre le discours, l'âge et lasituation au moment de l’interview estintéressant : sauf exception, les moins de30 ans sont des raveurs et ont plutôt uneimage positive des raves, les plus de40 ans sont victimes des nuisances soitpar leur situation géographique (rive-rains), soit par leur fonction (ils repré-sentent l'autorité) et ont une image plutôtnégative de ces rassemblements.

Les sujets abordés lors des interviews : drogues et nuisances en tête

Les drogues sont le sujet le plus évoqué(11 citations), suivi des nuisances (7 cita-tions), des dégâts écologiques, de lamusique (4 citations) et de la fête (4 cita-tions). Viennent ensuite l'alternative auxsoirées commerciales (3 citations), le dia-logue (3), les élections (3) les discours deprévention des risques (2 citations), laquestion de la liberté (2), l'art et le mou-vement (2) et la charte (1).

Les thèmes évoqués dans une interviewviennent tant de ce que la personne inter-viewée souhaite dire que de la questiondu journaliste. Ainsi, à partir de cer-taines réponses, il est facile d'en déduirela question posée. Dès lors, que la ques-tion des drogues ou des nuisances soit lapremière posée est aussi à mettre en cor-rélation avec les thèmes abordés par l'en-semble des reportages.

Il est plus étonnant que la question de lamusique, du dialogue ou de la charte soitsi peu abordée étant donnée l'importancedes jeunes raveurs dans le nombre de per-sonnes interviewées.

On peut considérer que les drogues nesont pas chez eux un sujet tabou, ils enparlent spontanément ou par orientation.De même pour la question des nuisancesou des dégâts sur l'environnement. Parcontre, ils seraient moins spontanés et/oumoins orientés sur la question du mouve-ment artistique, du dialogue ou de lacharte…

Annexes

Les thèmes des extraits

Les thématiques les plus abordées pen-dant les douze extraits sont celles dudébat parlementaire pour 66,7 %, laquestion de la sécurité 58,3 % et de laliberté 50 %. Les dégâts sur les terrainsainsi que les questions liées aux droguessont traités dans 41,7 % des cas. La fête,la musique et les nuisances dans 33,3 %.Puis viennent l'alternative aux soiréescommerciales, les élections et le dialogueavec les pouvoirs publics pour 25 %. Lesquestions de l'illégalité, de l'occupationet de pratiques culturelles ne sont pré-sentes que dans 16,7 % des extraits.Enfin, les affrontements et la question dela charte apparaissent dans 8,3 %.

On retrouve dans les thèmes abordés aucours des reportages les principauxangles du débat qui a eu lieu (l'oppositionliberté/sécurité, la question des drogues).Difficile de savoir ce qui a précédé : est-ce le débat en lui-même qui a induit cesthèmes ou l'inverse ? On notera que lesaspects culturels ou le dialogue entre lesorganisateurs et les pouvoirs publics ontbénéficié d'un faible traitement ainsi quel'absence de comparaison avec d'autresévénements de même nature (festivalsmusicaux, par exemple).

Vision générale des extraits :plutôt équilibrée

Si l'on croise les différents critères objec-tifs et subjectifs, on peut déterminer unetendance des extraits. Sur les douze, unseul a une tendance plutôt positive(8,3 %), quatre ont une tendance plutôtnégative (33,3 %), et sept une tendanceplutôt équilibrée du débat (58,3 %).

La majorité des extraits donnerait doncune vision plutôt équilibrée du débat, seulun tiers une vision négative.

Champ lexical : une évolution liée au débat parlementaire

Dans l'étude du champ lexical des diffé-rents extraits, on peut distinguer deuxpériodes : avant et après le lancement dudébat parlementaire.

Dans un premier temps, les termes utiliséssont sans concession, régulièrement vio-lents tant sur l'occupation du terrain(« débarquement », « envahi », « prendrepossession », « marée humaine », « ras-semblement sauvage »…), la présence destupéfiants (« supermarché de la drogue »,« déchets médicaux », « seringues », « shoo-té »…) ou les dégâts causés (« tonnes desouvenirs », « saccage », « ruiné »…) que surle phénomène (le « son », le « bruit » etles termes connexes sont préférés à la« musique », « l’affrontement » au « dia-logue »).

À cet égard, la phrase de lancement uti-lisée par Béatrice Schönberg dans le pre-mier extrait est particulièrement explici-te : « Stupeur des habitants de Marignyqui ont vu débarquer près de 15 000 per-sonnes pour une rave party à coups dedécibelles sur une musique techno ; cettefête totalement interdite devrait durerdeux jours encore avec les problèmes desécurité qu’engendre un tel rassemble-ment où les produits dopants circulentlibrement. »

Dans un second temps, le débat parle-mentaire apporte du sérieux au débat etles termes suivent, c'est à ce moment quel'on parle réellement de « musique » parexemple, même si certaines expressions

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 77

▼ ▼ ▼L E S R A V E S D E F R A N C E 2

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montrent une ironie tombant dans lacaricature (« les rois de l'enceinte », « lesmélomanes de la mégabass »). À en croi-re presque que, lorsqu'ils sont sérieux,ces jeunes sont suspects. On note ainsiune hésitation pourtant sensible entre untraitement qui pourrait être rapidementcaricatural (extraits nos 1 et 3 et tous lestermes autour du « débarquement »,« saccage », des « détritus », du « dégoût »)et une volonté de ne pas tomber dans cetravers.

En fait, s'il y a une tendance générale, onnote des différences importantes dans lesextraits tant dans l'angle que dans lestermes utilisés.

Quelques erreurs grossières

En croisant quelques sources (presse écri-te, reportages sur d’autres chaînes) ainsiqu’en visualisant plusieurs fois les extraits,il n’est pas difficile de trouver deserreurs, volontaires ou non, qui nuisent àla vision développée par les journalistes.Trois nous semblent particulièrementimportantes.

La première concerne le technival deMarigny (source des trois premiers extraits)et la vision du terrain occupé par lesraveurs. L’extrait n° 3 nous le présentecomme étant une sorte de sanctuaire éco-logique sur lequel se trouveraient des

espèces protégées. En réalité, il s’agitd’un ancien aérodrome militaire aban-donné depuis sept ans, mais dont ondoute qu’il ne soit pas un minimum pol-lué. À aucun moment cette informationn’a été mentionnée.

La seconde concerne la rave de Dreux(extraits nos 6 et 7). Effectué par la mêmeéquipe qui n’a fait que remonter le mêmereportage pour les journaux de 13 h et de20 h, on comprend mal pourquoi le pre-mier reportage insiste fortement (durantune vingtaine de secondes) sur l’absenceparticulièrement étonnante des forces del’ordre qui auraient reçu des « consignes »,alors que le second évoque rapidementleur présence.

Enfin dans un reportage qui est plus del’ordre de l’analyse du débat (extraitn° 10), pendant quelques secondes, desimages d’illustration montrent des jeunesqui dansent… dans une discothèque cen-sés représenter des jeunes raveurs…

À titre anecdotique, on notera aussi, dansl’extrait n° 9, pendant quelques secondes,la musique du générique de la série télé-visée Dallas en fond sonore. Ce mêmeextrait est marqué par des commentairesironiques et contradictoires, notammentconcernant l’anonymat revendiqué desresponsables de raves, ce qui est démentipar le début de cette même séquence etpar la plupart des autres documentsvisionnés.

Annexes

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 79

Il serait sans doute faux de croire que l'en-semble des extraits étudiés nous montreune réalité déformée et partiale de la situa-tion des raves.

Compte tenu des conditions dans les-quelles les journalistes travaillent (condi-tions matérielles, horaires, etc.), leur traite-ment de ce débat, s'il n'est pas parfait,n'est pas non plus caricatural.

Bien évidemment, pris un par un, certainsreportages dévient un peu tant dans lesimages que dans le commentaire. Certainesexpressions, certains rapprochements sontdiscutables, mais l'ensemble apporte unevision que l'on pourrait qualifier de réelleou d'équilibrée de la situation des raves.On pourrait regretter la prééminence decertains aspects, notamment celui desdrogues mais c'est un des points impor-tants du débat. Plus que le sujet, c’est sansdoute la manière employée parfois carica-turale qui est discutable. Le travail de jour-naliste n'est pas de donner la vérité autéléspectateur, mais de choisir l'angle parlequel traiter un sujet à un moment donné.Dans ce sens et sur l'ensemble des extraits,la réalité ne semble pas avoir été foncière-ment trahie ; du moins ni plus ni moinsque pour d'autres séquences.

Certaines orientations ou l'absence de trai-tement de certains aspects sont pourtantun peu plus inquiétantes. Il en est ainsi duchoix des personnes interviewées et destypologies qui en découlent. Par ailleurs,l'absence de comparaison avec des événe-ments rassemblant autant de personnes(qu'ils soient officiels ou non, publics ouprivés, musicaux ou non), tant sur lesconséquences sanitaires (malaises, évacua-tion…) que sur les produits circulant dans

des manifestations dont la tranche d'âgeest jeune (18-25 ans) est gênante. Alorsque la période du printemps puis de l'étéest propice aux rassemblements de massedans le cadre de festivals (grand dévelop-pement en France sur les 5-10 dernièresannées), aucune comparaison n'est faitesur le fonctionnement, les produits (alcool,tabac, drogues) et les effets sur l'environ-nement.

Le clivage est sans doute trop rapidementfait entre des rassemblements autorisés,pour lesquels tout irait bien (conditionssanitaires et de sécurité, absence detoxiques et pas d'impact sur les lieux et lespersonnes), et des rassemblements nonautorisés, où tout irait plutôt mal (dangersanitaire et social, présence de toxiques etimpacts tant sur les lieux que sur les per-sonnes actives ou passives [riverains]).

Aucun discours (ni dans les commentaires oules personnes interviewées) n’apporte uneréelle analyse du mouvement, notammentdans le temps (les raves ne sont pas un phé-nomène nouveau), ni dans le pourquoi del’émergence à ce moment donné de ce débat.Dans le même ordre d’idée, l’absence d’inter-locuteurs autres que les acteurs du phénomè-ne (raveurs, autorités, associations de pré-vention soins) et notamment d’éducateurs,d’enseignants, de sociologues ou de respon-sables d’organisations de jeunesse est élo-quente.

Enfin, l'existence d'une émission dumédiateur traitant des reportages concer-nant le technival de Marigny (les trois pre-miers extraits) aurait pu nous rassurer. Cen'est pas le cas, au contraire, ni le contenuet discours du journaliste, ni les angles etlettres choisis par le médiateur n'apaisent,

Conclusion

▲▼ ▼ ▼L E S R A V E S D E F R A N C E 2

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ni n'expliquent une situation, mais réim-priment un climat suspicieux sur ces ras-semblements.

S'il est parfois difficile au visionnagesimple d’un journal télévisé de ressentir laviolence des propos, l'analyse du vocabu-laire montre bien pourtant combien il estsouvent violent et porte un réel jugementsur les comportements. Distillé goutte àgoutte, il est récurrent et rappelle à chaquefois un jugement de valeur. C'est sansdoute quelque chose de difficilementquantifiable mais qui joue sur la percep-tion de ce type de problème dans l'espritdes téléspectateurs.

Annexes

Conseil national de la jeunesse • L’image des jeunes dans les médias 81

Les conseils de la jeunesse

Le Conseil national de la jeunesse (CNJ)

et les conseils départementauxde la Jeunesse (CDJ)

Les conseils de la jeunesse (le Conseil national et les conseils départemen-taux de la jeunesse) sont des lieux d’échanges et de réflexion des jeunes de16 à 26 ans. Ils délivrent des avis et sont force de proposition, auprès desdifférentes instances de décision politique ou administrative, sur tout sujetconcernant directement ou indirectement la jeunesse. Les membres desconseils sont nommés pour une période de deux ans renouvelable une fois.

résidé par le ministre chargé de lajeunesse, le Conseil national de la

jeunesse (CNJ) est composé d'environ deuxcents membres issus, pour partie, desconseils départementaux de la jeunesse, et,pour l'autre partie, de structures associa-tives, politiques ou syndicales nationales.

Il est saisi par le ministre de questions tou-chant aux politiques à mener en faveur dela jeunesse. Il s'auto-saisit de toute ques-tion qu'il désire étudier et pour laquelle ilveut être force de proposition.

Pour ce faire, il travaille en séance pléniè-re ou en commission.

En 2003, le CNJ comptait cinq commis-sions :- engagement, participation et citoyenneté ;

- relations internationales ;- œuvrer pour l'égalité des chances ;- cadre de vie et territoire ;- jeunes et médias;

et trois groupes de travail :- volontariat ;- rénovation du BAFA et du BAFD ;- réorganisation interne du CNJ

Le Conseil national de la jeunesse tient sesréunions à l'Institut national de la jeunes-se et de l'éducation populaire (à Marly-le-Roi, dans les Yvelines) ou dans les chefs-lieux de département, à l'invitation despréfets et des conseils départementaux dela jeunesse.

Le Conseil national de la jeunesse

P▼ ▼ ▼L E S C O N S E I L S D E L A J E U N E S S E

ans chaque département est instituéun conseil départemental de la jeu-

nesse (CDJ) placé auprès du préfet, et soussa présidence.

Les CDJ sont composés de membres issusdes conseils locaux de jeunes ou d’associa-tions locales ou départementales, nomméspour deux ans par le préfet sur propositiondes conseils locaux et associations concer-nés. Un représentant du Conseil acadé-mique de la vie lycéenne (CAVL) siège auCDJ.

L’animation et le secrétariat des CDJ sontassurés par les directions départementalesde la jeunesse et des sports (DDJS) et lesdirections régionales et départementales dela jeunesse et des sports (DRDJS).

Les CDJ comportent des commissions deréflexion, qu’ils déterminent eux-mêmesaprès leur séance plénière de rentrée, avecl’accord du préfet ou de son représentant.

• Ils émettent des avis et sont force deproposition sur tout sujet qui intéresse les

jeunes de leur département. Ils se pronon-cent également sur les questions que leursoumettent les préfets. Ils contribuentainsi, de fait, à l’élaboration du projet ter-ritorial de l’État dans chaque départe-ment.

• Ils rencontrent, pour mener à bien leursmissions, des acteurs institutionnels (leplus souvent des responsables des servicesdéconcentrés : services de police, servicesdu travail, de l’emploi et de la formationprofessionnelle, services des affaires sani-taires et sociales, services de la protectionjudiciaire de la jeunesse, mission sécuritéroutière, délégation aux droits des femmes,mission ville…

Un représentant de chaque conseil dépar-temental siège au Conseil national de lajeunesse.

Pour plus d’informations, consulter lessites Internet :www.conseilsdelajeunesse.orgwww.education.gouv.fr

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Les Conseils départementaux de la jeunesse

D

Annexes

Comité de rédaction :Maxime Drouet, François-Xavier Menou (CNJ)

et les membres de la commission jeunes et médias de septembre 2000 à juin 2003

Directeur de la publication : Hervé Mecheri

Directeur éditorial : Daniel Brandy

Responsable éditoriale : Marianne Autain

Mise en page et impression : ACT

Réalisation : Service des publications de

l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), établissement public du ministère de la Jeunesse,

des Sports et de la Vie associative.INJEP – 11, rue Paul Leplat, 78160 Marly-le-Roi

Tél. : 01 39 17 27 27 – www.injep.fr

Document établi avec le soutien de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Ont particulièrement apporté leur contribution à cet ouvrage : François Fourreau, Guillaume Brillant, Richard Ozwald,

Florence Manotte, Martine Lependu.