LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122....

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AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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  • AVERTISSEMENT

    Ce document est le fruit d'un long travail approuv par le jury de soutenance et mis disposition de l'ensemble de la communaut universitaire largie. Il est soumis la proprit intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de rfrencement lors de lutilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pnale. Contact : [email protected]

    LIENS Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

  • UNIVERSITE DE LORRAINE FACULTE DE DROIT, SCIENCES ECONOMIQUES ET GESTION

    ANALYSE COMPARATIVE DES SYSTMES FRANAIS ET ITALIEN

    DE LUTTE CONTRE LES ABUS DE MARCH

    **

    THESE pour lobtention du grade de

    DOCTEUR EN DROIT (Doctorat nouveau rgime Mention droit priv et sciences criminelles)

    prsente et soutenue publiquement le 11 dcembre 2015

    par

    Amlie BELLEZZA

    Membres du jury

    Monsieur Frdric STASIAK (Directeur de thse) Professeur de droit priv lUniversit de Lorraine Madame Antonella MARANDOLA (Directrice de thse) Professore ordinario di diritto processuale penale presso lUniversit LUM Jean Monnet di Casamassima (Bari) Madame Katia LA REGINA Professore associato di diritto processuale penale presso lUniversit Telematica Giustino Fortunato (Benevento) Monsieur Thierry BONNEAU Professeur de droit priv lUniversit Paris II (Panthon-Assas) Madame Donatella CURTOTTI (Rapporteur) Professore associato di diritto processuale penale presso lUniversit di Foggia Madame Raphale PARIZOT (Rapporteur) Professeur de droit priv lUniversit Paris Ouest Nanterre La Dfense

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    LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

    LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS AJCA Actualits juridiques Contrats daffaires Concurrence -

    Distribution

    AJDA Actualits juridiques de Droit administratif

    AJ pn. Actualits juridiques de Droit pnal

    AMF Autorit des marchs financiers

    Art. Article

    BALO Bulletin des annonces lgales obligatoires

    Banca borsa tit. cred. Banca, Borsa e Titoli di credito

    Bull. civ. Bulletin des arrts des chambres civiles de la Cour de cassation

    Bull. crim. Bulletin des arrts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

    Bull. Joly Bourse Bulletin Joly Bourse (et produits financiers)

    Bull. Joly Socits Bulletin Joly Socits

    C. civ. Code civil

    C. com. Code de commerce

    C. mon. fin. Code montaire et financier

    C. pn. fr. Code pnal franais

    C. pn. it. Code pnal italien

    C. proc. civ. fr. Code de procdure civile franais

    C proc. pn. fr. Code de procdure pnale franais

    C. proc. pn. it. Code de procdure pnale italien

    C.E.D. Centro elettronico di documentazione (Centre lectronique de documentation de la Cour de cassation italienne)

    C.E.D.H. Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales

    C.J.C.E Cour de justice des Communauts europennes

    C.J.U.E. Cour de justice de lUnion europenne

    Cass. pen. Cassazione penale

    COB Commission des oprations de bourse

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    Cons. const. Conseil constitutionnel

    Consob Commissione nazionale per le societ e per la borsa (homologue italienne de lAutorit des marchs financiers)

    Corte cost. Corte costituzionale (Cour constitutionnelle italienne)

    CourE.D.H. Cour europenne des droits de lhomme

    CourE.D.H., gde ch. Grande chambre de la Cour europenne des droits de lhomme

    D. Recueil Dalloz

    D. act. Dalloz actualit

    D.lgs. Decreto legislativo (dcret lgislatif)

    D.P. Ancien Recueil Dalloz priodique

    D.P.R. Decreto del Presidente della Repubblica (dcret du Prsident de la Rpublique)

    Dir. pen. e proc. Diritto penale e processo

    Dr. soc. Revue Droit des socits (Lexisnexis)

    Foro ambr. Foro ambrosiano (II)

    Foro amm. Tar Foro amministrativo Tar (II)

    Europe Revue Europe (Lexisnexis)

    G.U. Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana (Journal officiel de la Rpublique italienne)

    Giur. comm. Giurisprudenza commerciale

    Giur. cost. Giurisprudenza costituzionale

    Giur. merito Giurisprudenza di merito

    JCP E La Semaine juridique Entreprise et affaires

    JCP G La Semaine juridique Edition gnrale

    J.O.C.E. Journal officiel des Communauts europennes

    J.O.R.F. Journal officiel de la Rpublique franaise

    J.O.U.E. Journal officiel de lUnion europenne

    Le societ Rivista Le Societ (IPSOA)

    L.G.D.J. Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence

    LPA Les petites affiches

    RD banc. et fin. Revue de droit bancaire et financier

    RDF Revue de droit fiscal (lexisnexis)

    RDP Revue de droit public et de la science politique en France et ltranger

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    Rglement metteurs Regolamento n. 11971 della Consob del 14 maggio 1999, Regolamento recante norme di attuazione del decreto legislativo 24 febbraio 1998, n. 58 concernent la disciplina degli emittenti

    Rglement Marchs Regolamento n. 16191 della Consob del 29 ott. 2007, Regolamento recante norme di attuazione del decreto legislativo 24 febbraio 1998, n. 58 in materia di mercati

    Resp. civ. Responsabilit civile (http://personaedanno.it)

    Resp. civ. prev. Responsabilit civile e previdenza

    Rev. mens. AMF Revue mensuelle de lAutorit des marchs financiers

    Rev. soc. Revue des socits (Dalloz)

    RDA Revue de droit dAssas

    RG AMF Rglement gnral de lAutorit des marchs financiers

    Riv. dir. banc. Rivista di diritto bancario

    Riv. dir. proc. pen. Rivista di diritto processuale penale

    Riv. dir. trib. Rivista di diritto tributario

    Riv. dottori comm. Rivista dei dottori commercialisti

    Riv. it. dir. proc. pen. Rivista italiana di diritto e procedure penale

    Riv. soc. Rivista delle societ (Giuffr)

    Riv. trim. dir. pen. contemp. Rivista trimestrale di diritto penale contemporaneo

    Riv. trim. dir. pen. ec. Rivista trimestriale di diritto penale delleconomia

    RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

    RJEP Revue juridique de lconomie publique

    RLC Revue Lamy de la concurrence

    RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

    RTD fin. Revue trimestrielle de droit financier

    s. Et suivant(e)s

    sez. sezione (section [dune juridiction])

    somm. sommaire

    Thse dactyl. Thse dactylographie (non publie)

    Trib. Tribunale (juridiction rpressive italienne)

    Trib. Riesame Tribunale del riesame (juridiction italienne qui statue sur la lgalit des mesures de sret prononces avant procs)

    Trib. corr. Tribunal correctionnel

    TUF Texte unique en matire dintermdiation financire (dcret lgislatif n 58 du 24 fv. 1998)

    http://personaedanno.it/

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    Sauf mention contraire, les traductions des textes trangers sont de lauteur.

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    PARTIE 2 LA CONVERGENCE IMPARFAITE DES RGIMES FRANAIS ET ITALIEN

    DE RPRESSION DES ABUS DE MARCH

    Les aspects critiques des socits au capitalisme dvelopp ne concernent plus le

    patrimoine entendu dans un sens statique, mais bien les conduites structures et

    complexes relatives lacquisition, la gestion et la circulation de la richesse. Dans

    celles-ci, rsident les agressions les plus insidieuses pour lconomie interne et

    internationale et pour la stabilit mme des bases dmocratiques de la vie

    sociale []. 1

    1 Texte original : Le dimensioni critiche della societ a capitalismo avanzato non concernono pi il

    patrimonio staticamente inteso, bens le condotte articolate e complesse riguardanti lacquisizione, la

    gestione e la circolazione della ricchezza. L si annidano le agressioni pi insidiose per leconomia

    interna e internazionale e per la stessa stabilit degli assetti democratici del vivere sociale []. , in Enrico

    Mario AMBROSETTI, Enrico MEZZETTI, Mauro RONCO, Diritto penale dellimpresa, Torino, Zanichelli, 3nda ed.,

    2012, p. 26.

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    328. Linformation financire comme objet des abus de march : Comme cela a t

    dmontr tout au long de la premire partie, lobjectif de linformation financire

    consiste assurer un fonctionnement transparent et efficace des marchs financiers,

    afin de permettre aux divers oprateurs dagir dans des conditions quitables et de les

    mettre en mesure dapprcier lopportunit deffectuer ou non une transaction

    boursire. Il a galement t expliqu que linformation financire visait protger

    avant tout lintrt de linvestissement, et non pas la somme des intrts des

    investisseurs. Le fonctionnement efficace des marchs financiers, bas sur une

    formation des prix en fonction de la loi de loffre et de la demande, et de lincorporation

    des donnes diffuses dans le cours des instruments financiers, correspond galement

    la valeur juridique protge par la diffusion dinformations fausses ou trompeuses et la

    manipulation de march2, deux des infractions boursires les plus graves. De mme,

    laccessibilit de lensemble des renseignements sur les metteurs ou leurs instruments

    financiers par la communaut des investisseurs, et par consquent lefficience

    informationnelle entendue comme le fait que toute linformation disponible est intgre

    dans le cours des instruments financiers, reprsentent la valeur juridique protge par

    lutilisation illicite dinformations privilgies3.

    Plus gnralement, cest lordre public conomique que le lgislateur cherche

    prserver en incriminant les abus de march. Dailleurs, linstitution dinfractions

    boursires dans ce but ne constitue pas une spcificit europenne. De nombreuses

    lgislations dans dautres parties du monde ont procd de faon analogue4. Les

    2 Ce point sera dvelopp de faon plus dtaille ultrieurement. Nanmoins, v. pour exemple, Ciro

    SANTORIELLO, Il nuovo diritto penale delle societ. Le previsioni sanzionatorie fra vecchia e nuova disciplina.

    Delle societ di capitali e delle cooperative, Torino, UTET, 2003, pp. 320-322 ; Enzo MUSCO, Le frodi sul

    mercato dei valori mobiliari , in Giovanni Emanuele COLOMBO, Giuseppe Benedetto PORTALE, Trattato delle

    societ per azioni. Vol. 9.1 Profili internazionalprivatistici e profili penalistici, Torino, UTET, 1994, pp. 345-

    346 ; Astolfo DI AMATO, Gli abusi di mercato , in (a cura di) Astolfo DI AMATO, Trattato di diritto penale

    dellimpresa, vol. IX, I reati del mercato finanziari, Padova, CEDAM, 2007, p. 90. 3 Astolfo DI AMATO, Gli abusi di mercato , in (a cura di) Astolfo DI AMATO, Trattato di diritto penale

    dellimpresa, vol. IX, I reati del mercato finanziari, Padova, CEDAM, 2007, p. 90 ; Enzo MUSCO, Le frodi sul

    mercato dei valori mobiliari , in Giovanni Emanuele COLOMBO, Giuseppe Benedetto PORTALE, Trattato delle

    societ per azioni. Vol. 9.1 Profili internazionalprivatistici e profili penalistici, Torino, UTET, 1994, pp. 345-

    346. 4 titre dexemples, il est possible de citer pour les tats-Unis, l Insider Trading Sanctions Act de 1984

    et l Insider Trading and Securities Fraud Enforcement Act de 1988 ou encore larticle 18-A de la loi

    syrienne n 22 du 19 juin 2005 qui punit lutilisation et la communciation dinformations privilgies et la

    diffusion dinformations fausses ou trompeuses (cf. Mohamad MOHYEDDIN, Les procdures appliques la

    rpression des infractions boursires. Une tude compare en droit franais et syrien, 2011, spc. pp. 34 s.).

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    dispositions prises en la matire visent donner toute personne la possibilit

    dinvestir ou dpargner par le biais des produits financiers en toute connaissance de

    cause, pour renforcer la stabilit du systme conomique et financier. Sur ce point,

    Alstofo DI AMATO estime que Dans une perspective de protection [opre] par

    lintgralit du droit pnal des marchs financiers, protection directement centre

    sur linvestisseur individuel ou sur la collectivit des investisseurs, il pourrait tre

    ajout une autre [perspective] nettement caractrise par sa nature publique,

    destine mettre en avant lpargne dans sa conception dynamique, comme

    composante du processus de dveloppement conomique et qui, ainsi, pourrait

    correspondre lintrt dune meilleure rpartition de la richesse et lintrt dune

    structure conomique plus robuste 5. De leur ct, certains auteurs europens

    affirment que Pendant longtemps mconnu comme vritable branche du droit

    pnal des affaires, le droit pnal de la bourse, alors, non seulement existe, mais

    parat devoir se dvelopper et sarticuler toujours plus, rpondant une exigence,

    dailleurs reconnue, bien quavec quelques critiques, lgard dautres domaines du

    droit pnal des affaires, de protection de lconomie contre la criminalit pouvant

    mettre en chec les fondements mmes de lconomie librale 6. De mme, Marie-

    Paule LUCAS DE LEYSSAC et Alexis MIHMAN considrent que le dlit diniti, cest--dire

    lutilisation ou la communication illicite dune information privilgie, tend protger

    de faon gnrale lordre public boursier 7. La protection de lordre conomique par

    les infractions constitutives dabus de march est galement reconnue par la

    jurisprudence constitutionnelle italienne et franaise8, ainsi que par la jurisprudence de

    5 Texte original : A questa prospettiva di tutela dellintero diritto penale del mercato finanziario, che fa

    pi direttamente perno sul singolo o sulla collettivit dei risparmiatori, se ne potrebbe affiancare

    unaltra di carattere pi marcatamente pubblicistico, rivolta a porre in risalto il risparmio nella sua

    accezione dinamica, come componente del processo di sviluppo economico e, quindi, identificatesi con

    linteresse ad una migliore allocazione della ricchezza e con linteresse ad una pi robusta struttura

    economica , in Astolfo DI AMATO, Gli abusi di mercato , in (a cura di) Astolfo DI AMATO, Trattato di diritto

    penale dellimpresa, vol. IX, I reati del mercato finanziari, Padova, CEDAM, 2007, p. 90. 6 Luis ARRAYO ZAPATERO, Valentine BCK, Guido CASAROLI et autres, Droit pnal des affaires en Europe, sous la

    direction de Genevive GIUDICELLI-DELAGE, d. P.U.F., Coll. Thmis droit , 2006, p. 363. 7 Marie-Paule LUCAS DE LEYSSAC, Alexis MIHMAN, Droit pnal des affaires, Economica, 2009, p. 442. 8 Cf. pour la France, Cons. const., dc. n 2014-453/454 et 2014/462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et

    autres (Cumul des poursuites pour dlit diniti et des poursuites pour manquement diniti), AJDA 23

    mars 2015, n 10, p. 553 ; D. act. 20 mars 2015, note Jrme LASSERRE-CAPDEVILLE ; D. 23 avr. 2015, n 15,

    pp. 874-875, obs. Olivier DECIMA ; ibid. pp. 894-897, obs. Anne-Valrie LE FUR, Dominique SCHMIDT ; JCP E

    26 mars 2015, n 13, act. 243 ; ibid. 2 avr. 2015, n 14, act. 267 ; Dr. pn. 4 avr. 2015, n 4, comm. 56,

    Florence CREUX THOMAS ; RLDA juin 2015, n 105, obs. Frdric STASIAK ; JCP G 30 mars 2015, n 13,

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    la Cour de justice de lUnion europenne qui a rcemment affirm que la lutte contre les

    abus de march a pour finalit dassurer lintgrit des marchs financiers de

    lUnion europenne et de renforcer la confiance des investisseurs en ces marchs,

    confiance qui repose, notamment, sur le fait quils seront placs sur un pied

    dgalit et protgs contre lutilisation illicite dinformations privilgies 9.

    Linformation financire constitue donc le moyen datteindre un fonctionnement

    transparent et efficace des marchs, lequel correspond galement la valeur sociale

    directement protge par les normes rprimant les abus de march, en vue dune

    prservation globale de lordre conomique.

    329. La rpression originelle des oprations dinitis en droit communautaire :

    limage de ce qui pouvait tre observ en matire dinformation financire, les

    dispositions rgissant la sanction des abus de march sont galement le fruit dune lente

    harmonisation impulse lorigine par la Communaut europenne et continue, par la

    suite, par les instances de lUnion europenne. Le premier texte adopt correspond la

    directive n 89/592/CEE du 13 novembre 198910, qui a interdit lutilisation et la

    communication dinformations privilgies, ainsi que la recommandation de raliser une

    transaction boursire sur le fondement de telles donnes. Les autorits europennes

    taient parties du constat selon lequel le fonctionnement efficace des marchs financiers

    rsulte de la confiance que les investisseurs accordent ces derniers11 ; or, elles

    faisaient observer que cette confiance repose, entre autres, sur la garantie donne aux

    investisseurs quils sont placs sur un pied dgalit et quils seront protgs contre

    lutilisation illicite de linformation privilgie 12 et que les oprations dinitis, en raison

    du fait quelles apportent des avantages certains investisseurs par rapport aux autres,

    sont de nature remettre en question cette confiance et peuvent de ce fait porter atteinte

    au bon fonctionnement des marchs financiers 13. Ainsi, il ntait pas suffisant pour les

    comm. 368, Frdric SUDRE ; ibid., comm. 369, Jacques-Henri ROBERT) et pour lItalie, Corte cost., 20 maggio

    1976, n. 123, Foro it. 1976, n I, comm. 2081. 9 Mis en gas par nous. C.J.U.E., 2nde ch., 11 mars 2015, aff. C-628/13, Lafonta c. Autorit des marchs

    financiers, spc. 21 ; Rev. sc. crim. 6 aot 2015, n 2, pp. 358-359, obs. Frdric STASIAK ; Banque et droit

    mars-avr. 2015, n 160, p. 41, chron. Frida MEKOUI. 10 Directive n 89/592/CEE du Conseil du 13 nov. 1989 concernant la coordination des rglementations

    relatives aux oprations dinitis, J.O.C.E. L 334 du 18 nov. 1989, pp. 30-32. 11 Considrant n 4 de la directive n 89/592/CEE du 13 nov. 1989. 12 Considrant n 5 de la mme directive. 13 Considrant n 6 de la mme directive.

  • 509

    autorits europennes dassurer une diffusion de linformation susceptible dliminer les

    disparits existant naturellement sur les marchs financiers ; il fallait galement

    protger le public, et plus gnralement linvestissement dans les instruments

    financiers, par linstitution dincriminations sanctionnant lutilisation ou la

    communication illicite des donnes sensibles. Cependant, le cadre initial pos par la

    Communaut europenne sest vite rvl fragmentaire du fait de lexistence dautres

    infractions boursires trs graves, telles que la diffusion dinformations fausses ou

    trompeuses et les manipulations des cours restes impunies dans de nombreux pays.

    330. Linfluence croissante de lharmonisation en matire de sanction des abus de

    march : Cesare PEDRAZZI, Luigi FOFFANI et dautres auteurs expliquaient que [...] Dans

    les annes 1990 encore, la doctrine pnaliste, en se plaignant de lactivit lgislative

    frntique en la matire et des discordances, lacunes et contradictions conscutives,

    observait que lexpression droit pnal des marchs financiers tait seulement une

    formule de complaisance utilise pour dsigner un systme normatif extrmement

    htrogne 14. La directive n 2003/6/CE dite abus de march du 28 janvier 200315,

    second texte adopt en la matire, tait destine largir la rpression europenne des

    14 Texte original : [] ancora alla meta degli ani 90 la dottrina penalistica, lamentando la frenetica

    attivit legislativa nel settore in esame e le conseguenti disarmonie, lacune e contraddizioni, osservava

    come lespressione diritto penale del mercato finanziario fosse solo una formula di comodo utilizzata

    per designare un sistema normativo estremamente disomogeneo , in Cesare PEDRAZZI, Alberto ALESSANDRI, Luigi FOFFANI, Sergio SEMINARA, Giuseppe SPAGNOLO, Manuale di diritto penale dellimpresa, Monduzzi

    Editore, Bologna, 2nda ed. aggiornata, 2000, p. 524.

    Ils expliquaient galement que La situation europenne actuelle montre que le droit des socits a

    dj atteint un haut degr dharmonisation, qui nest cependant pas accompagn de la mme

    homognit sur le versant de la rpression (administrative et pnale). Un rapprochement des

    lgislations europennes y compris sur ce terrain est donc plus que jamais souhaitable, et nous

    devons nous attendre un intrt croissant des instances communautaires pour ces aspects pnaux

    qui sils devaient rester aussi divergents quils ne le sont aujourdhui entre les divers ordres

    juridiques nationaux pourraient conduire un facteur dangereux de distorsion de la concurrence,

    au lieu de constituer un outil de protection des intrts en jeu ; texte original : La situazione

    attuale vede in Europa un diritto societario che gi ha raggiunto un alto grado di armonizzazione, non

    accompagnato per da altrettanta omogeneit sul versante sanzionatorio (penale e amministrativo). Un

    ravvicinamente delle legislazioni europee anche su questo terreno dunque quanto mai auspicabile, e vi

    da attendersi un crescente interessamento delle istituzioni comunitarie per quei profili penali che se

    dovessero rimanere cos discrepanti come oggi fra i diversi ordinamenti nazionali potrebbero risolversi,

    anzich in uno strumento di tutela degli interessi in gioco, in un pericoloso fattore di distorsione della

    concorrenza , op. cit., p. 218. 15 Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les oprations

    dinitis et les manipulations de march (abus de march), J.O.U.E. L 96 du 12 avr. 2003, pp. 1625.

  • 510

    infractions boursires en incluant les manipulations de march et en imposant la mise

    en place de sanctions administratives. cette poque, il avait t constat que Le cadre

    lgal communautaire existant visant protger l'intgrit du march est incomplet. Les

    obligations lgales varient d'un tat membre l'autre, ce qui laisse souvent les oprateurs

    conomiques dans l'incertitude quant aux concepts, aux dfinitions et leur application.

    Certains tats membres ne disposent d'aucune lgislation couvrant les questions de

    manipulation de cours et de diffusion d'informations trompeuses 16. Cest pourquoi cette

    directive a t mise en uvre : elle a impos une rpression de nature administrative,

    sans prjudice des sanctions pnales qui pouvaient exister dans les tats membres. Son

    objectif tait de donner ces derniers un cadre lgal minimal comprenant la dfinition

    de certains termes caractristiques des abus de march (tels que les notions d

    instrument financier , d information privilgie ), la description des

    comportements concerns par la rpression, ainsi que les causes dexemption. La

    directive noffrait aucun quantum de sanction, mais elle estimait que pour que lintgrit

    des marchs communautaires soit assure, les mesures institues par les tats membres

    devaient tre effectives, proportionnes et dissuasives 17.

    331. La mise en conformit des droits franais et italien la directive abus de

    march du 28 janvier 2003 : Globalement, la France et lItalie ont respect les

    exigences communautaires et ont adopt des dfinitions similaires pour les abus de

    march et pour linformation privilgie. Par ailleurs, la directive communautaire

    nayant donn aucune indication sur larticulation des sanctions administratives dont la

    cration venait dtre impose et les sanctions pnales dj existantes, les deux pays ont

    conserv le double systme de rpression rparti entre les juges pnaux qui connaissent

    des diffrents dlits et les autorits administratives indpendantes, savoir lAutorit

    des marchs financiers et la Consob, comptentes pour les manquements

    correspondants. Ce systme ancien, puisque consacr en 1989 en France et en 1985 en

    Italie, ne pouvait rellement satisfaire ni les justiciables, ni les juristes puisquil pouvait

    donner lieu un cumul de poursuites administratives et pnales, susceptible

    dengendrer le prononc de sanctions de mmes natures, toutes deux caractrises par

    leur svrit. Par ailleurs, les sanctions adoptes par les deux tats se sont avres

    16 Considrant n 11 de la directive n 2003/6/CE du 28 janv. 2003. 17 Art. 14 de la mme directive.

  • 511

    identiques dans leur nature : il sagit de lamende et de la peine privative de libert pour

    la matire pnale, et de la sanction administrative pcuniaire pour les manquements.

    Cest pourquoi, il est possible de parler de convergence partielle des lgislations.

    Cependant, lharmonisation entre les deux pays est loin dtre acheve puisquil existe

    encore de grandes disparits. En premier lieu, la rpression italienne va au-del des

    limites de la rpression franaise, puisquelle ne se cantonne pas aux instruments

    financiers ngocis sur un march rglement ou sur un systme multilatral de

    ngociation, mais stend aux instruments financiers non cots et changs sur les

    marchs non rglements. En deuxime lieu, mme si les sanctions mises en place sont

    des sanctions pcuniaires et des peines privatives de libert, il nen reste pas moins que

    leurs quanta divergent amplement. En outre, dans les deux pays, la conformit au

    principe de ncessit des peines de ces sanctions pnales et sanctions administratives

    pcuniaires peut tre mise en doute. Ainsi, lharmonisation observable en matire de

    rpression des abus de march est loin dapprocher celle qui existe en matire de

    prvention des mmes infractions ralise par linformation financire.

    332. Une convergence partielle des lgislations susceptible dtre explique par

    lattachement des tats au droit de punir : En cas datteinte lordre public, la

    possibilit dinfliger une sanction lauteur du comportement illicite relve de la

    comptence exclusive de ltat, depuis lAncien rgime o la mise en place de la justice

    retenue exerce par le roi, sest substitue peu peu au systme de vengeance prive qui

    existait au Moyen ge. Depuis la Rvolution franaise et lentre en vigueur conscutive

    du Code pnal et du Code de procdure pnale, les seules institutions susceptibles de

    prononcer des sanctions pnales lencontre des auteurs dinfractions sont les

    juridictions, et notamment les juridictions rpressives. La justice est exerce au nom de

    ltat, qui lui seul est en mesure de rprimer les comportements illgaux. Quand bien

    mme les systmes de rpression para-pnaux se sont dvelopps, comme cest le cas en

    matire de concurrence, en matire fiscale ou encore dans le domaine du droit boursier,

    les sanctions distribues restent lapanage de ltat, dont manent les autorits

    administratives qui les appliquent. Il convient cependant de temprer cette ultime

    affirmation relative aux sanctions administratives, comme le souligne Massimiliano

    DOVA : Depuis longtemps dsormais, nous avons pris conscience de limpact que les

    sources, mais galement la jurisprudence communautaire, exercent sur les ordres

  • 512

    juridiques nationaux. Cet impact ne se limite plus de simples domaines normatifs,

    mais concerne aussi des secteurs qui semblaient les plus rfractaires un processus

    progressif dharmonisation. Si le droit pnal demeure toujours un systme

    fortement li la dimension nationale, malgr la prsence dune influence

    supranationale toujours plus pntrante, le droit punitif administratif a reprsent

    le terrain privilgi pour mettre en uvre un processus dharmonisation des

    sanctions, qui a pos une base minimale commune pour la protection des intrts de

    rang communautaire 18.

    Nanmoins, relativement au droit pnal, les valeurs sociales protges par les

    infractions rprimes refltent les murs dune socit un moment donn, et par

    consquent, sont intimement lies aux coutumes de ltat sur le territoire duquel elles

    sont en vigueur. Lautorit lgislative a comptence pour dfinir les comportements

    quelle choisit dincriminer, donc les biens ou valeurs quelle estime dignes dune

    protection pnale. De ce fait, lhistoire, la tradition juridique et les murs dun pays

    influent ncessairement sur sa politique criminelle. Cest pourquoi, bien que des valeurs

    communes se dgagent au sein dune mme rgion, voire au niveau mondial, les tats

    veulent conserver le pouvoir dont il dispose en matire pnale. Ainsi, si au sein de la

    Communaut europenne puis de lUnion europenne, la volont de crer des

    infractions identiques traduit un souhait unanime ou bien majoritaire des tats

    membres de lutter contre certaines conduites illicites, la svrit avec laquelle ils

    dsirent les sanctionner peut encore savrer bien diffrente selon les pays.

    333. Le cas spcifique de la matire conomique et financire au sein de lUnion

    europenne : Il convient de rappeler ici que la mondialisation de lconomie a accru la

    concurrence qui pouvait exister entre les diffrentes places boursires, du fait de la

    18 Texte original : Da lungo tempo , infatti, ormai maturata la consapevolezza circa linevitabile

    impatto che non solo le fonti, ma anche la giurisprudenza comunitaria esercitano sugli ordinamenti

    nazionali. Un impatto che non si limita pi a singoli ambiti normativi, ma coinvolge anche i settori che

    sembravano pi refrattari ad un processo di graduale armonizzazione sovranazionale. Se il diritto

    penale rimane ancora, pur in presenza di un sempre pi penetrante influsso di matrice ultrastatuale, un

    sistema fortemente legato alla dimensione nazionale, il diritto punitivo amministrativo, specie in

    materia economica, ha costituito il terreno privilegiato, nel quale realizzare un processo di

    armonizzazione sanzionatoria, che ponesse un presidio minimo comune per la tutela degli interessi di

    rilievo comunitario , in Massimiliano DOVA, Gli illeciti amministrativi nel codice civile, nel testo unico

    bancario e nel testo unico della finanza , in Alberto ALESSANDRI (A cura di) , Reati in materia economica,

    Torino Giappichelli editore, 2012, p. 243.

  • 513

    circulation transnationale des titres financiers et de la multicotation qui peut

    caractriser les socits. Par ailleurs, au sein de lUnion europenne, la volont dune

    unit conomique toujours plus forte par la cration dun march unique europen a

    incit les tats membres harmoniser leurs lgislations en matire de droit des socits

    et de droit des marchs financiers ; cest pourquoi, les normes rgissant la transparence

    et linformation financire sont trs proches en France et en Italie.

    Cependant, comme cela a t voqu prcdemment19, bien que la rpression des abus

    de march participe de la protection des investisseurs et de la prservation de lintgrit

    des marchs, elle constitue lun des domaines de la politique pnale et de ce fait, les

    diffrents pays ne sont pas tous enclins renoncer toute comptence propre, en

    abandonnant leur souverainet au profit de la seule Union europenne, et ne plus

    disposer daucune marge de manuvre quant aux sanctions infliger en cas de

    commission dinfractions boursires. Toutefois, cette situation volue tant par le

    dveloppement dj ancien maintenant des systmes de rpression administrative

    que par lattribution rcente lUnion europenne de comptences pnales directes.

    334. Les transformations opres par le Trait de Lisbonne en matire pnale au

    sein de lUnion europenne : Lensemble des dispositions prises dans ce domaine par

    les tats membres, sous lempire du Trait de Maastricht20, tait adopte sur le

    fondement du troisime pilier de la Communaut europenne consacr la

    coopration policiaire et judiciaire en matire pnale21. Larticle 29, alinas 1 et 2 de ce

    texte disposait que Sans prjudice des comptences de la Communaut europenne,

    l'objectif de l'Union est d'offrir aux citoyens un niveau lev de protection dans un espace

    de libert, de scurit et de justice, en laborant une action en commun entre les tats

    membres dans le domaine de la coopration policire et judiciaire en matire pnale, en

    prvenant le racisme et la xnophobie et en luttant contre ces phnomnes. Cet objectif est

    atteint par la prvention de la criminalit, organise ou autre, et la lutte contre ce

    phnomne, notamment le terrorisme, la traite d'tres humains et les crimes contre des

    enfants, le trafic de drogue, le trafic d'armes, la corruption et la fraude [] . Cet

    embryon de politique pnale se traduisait le plus souvent par la ralisation dactions

    19 Cf. 328, pp. 11-12 des prsents travaux. 20 Trait sur lUnion europenne (dit Trait de Maastricht) du 7 fv. 1992, J.O.C.E. C 191 du 29 juil. 1992,

    pp. 1-110, entr en vigueur le 1er nov. 1993. 21 Titre VI du Trait sur lUnion europenne, art. 29 s.

  • 514

    communes, par llaboration de dcisions-cadres et par ladoption de directives et de

    rglements.

    Nanmoins, lUnion europenne ne disposait pas de comptence propre en matire

    pnale. Cet tat de fait ne pouvait conduire une harmonisation maximale des

    incriminations et des sanctions existantes au sein de lUnion. Lentre en vigueur du

    Trait de Lisbonne22 est venue pallier ces insuffisances : larticle 83 dudit trait dispose

    que Lorsque le rapprochement des dispositions lgislatives et rglementaires des tats

    membres en matire pnale s'avre indispensable pour assurer la mise en uvre efficace

    d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation,

    des directives peuvent tablir des rgles minimales relatives la dfinition des infractions

    pnales et des sanctions dans le domaine concern. Ces directives sont adoptes selon une

    procdure lgislative ordinaire ou spciale identique celle utilise pour l'adoption des

    mesures d'harmonisation en question, sans prjudice de l'article 76 .

    335. Les textes du 16 avril 2014 en matire dabus de march pris sur le

    fondement de larticle 83, 2. du Trait de Lisbonne : Au vu des brches remarques

    au sein des diffrents ordres juridiques nationaux relativement la sanction des

    infractions boursires et tant donn lobjectif de dveloppement du march unique et

    du renforcement de la confiance des investisseurs dans les marchs financiers, lUnion

    europenne a adopt le 16 avril 2014 les premires normes sur le fondement de sa

    comptence pnale : il sagit de la directive n 2014/57/UE23 et du rglement (UE)

    n 596/201424 relatifs aux sanctions applicables aux abus de march. Ces textes

    marquent un retour la prvalence des sanctions pnales sur les sanctions

    administratives, puisque les amliorations apportes par la directive n 2003/6/CE du

    28 janvier 2003 navaient pas permis deffacer toutes les distorsions qui existaient avant

    22 Trait de Lisbonne modifiant le Trait sur lUnion europenne, et le Trait instituant la Communaut

    europenne, 13 dcembre 2007, J.O.U.E. C 306 du 17 dc. 2007, pp. 1-271. 23 Directive 2014/57/UE du Parlement europen et du Conseil du 16 avr. 2014 relative aux sanctions

    pnales applicables aux abus de march (directive relative aux abus de march), J.O.U.E. L 173 du

    12 juin 2014, pp. 179-189. 24 Rglement n 596/2014 du Parlement europen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de march

    (rglement relatif aux abus de march) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement europen et du

    Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, J.O.U.E. L 173 du

    12 juin 2014, pp. 1-61.

  • 515

    son entre en vigueur et les mesures punitives de type administratif ont t juges

    insuffisantes combattre efficacement la commission dabus de march.

    Sur ce point, les instances europennes ont observ que Ladoption de sanctions

    administratives par les tats membres sest rvle jusquici insuffisante pour assurer le

    respect des rgles relatives la prvention et la lutte contre les abus de march 25, en

    particulier parce que les tats membres navaient pas tous mis en place des sanctions

    administratives pcuniaires pour les oprations dinitis et les manipulations de

    march 26. Par ailleurs, elles regrettent que Les tats membres nont pas tous prvu de

    sanctions pnales pour certaines formes de violation grave du droit national mettant en

    uvre la directive 2003/6/CE. Les approches diffrentes des Etats membres portent

    atteinte luniformit des conditions de fonctionnement dans le march intrieur et

    peuvent inciter certaines personnes commettre des abus de march dans les Etats

    membres qui ne prvoient pas de sanctions pnales pour ces infractions 27. Les principaux

    objectifs de la directive n 2014/57/UE du 16 avril 2014 rsidaient donc dans le

    renforcement de la rpression en matire dabus de march par linstitution de

    sanctions pnales, mais aussi et surtout, dans la consolidation de lharmonisation en la

    matire afin dviter que certains oprateurs malveillants procdent de telles

    infractions au sein de territoires o la lgislation est plus complaisante, et ceci, toujours

    dans le but de dvelopper le march unique europen et den assurer lefficacit.

    Laggravation de la rpression des infractions boursires ne sest pas seulement

    manifeste au travers de lexigence de sanctions pnales en remplacement des sanctions

    administratives, du moins pour certaines infractions ; elle sest aussi traduite par un

    largissement du domaine dapplication des normes dincrimination.

    336. Lextension du champ dapplication de la rpression des abus de march :

    Lors du bilan effectu pour valuer lefficacit de la directive n 2003/6/CE du 28

    janvier 2003, lUnion europenne a constat que son champ dapplication se

    concentrait sur les instruments financiers admis la ngociation sur un march

    rglement ou pour lesquels une demande dadmission la ngociation sur un tel march

    avait t prsente , la ngociation dinstruments financiers sur des systmes

    25 Considrant n 5 de la directive n 2014/57/UE du 16 avr. 2014. 26 Considrant n 4 de la directive prcite. 27 Considrant n 7 de la mme directive.

  • 516

    multilatraux de ngociation (MTF) a pris de plus en plus dimportance 28. Cest

    pourquoi, dsormais, les oprations diniti et les manipulations de march peuvent tre

    galement rprimes lorsquelles sont ralises sur ce type de plateforme de

    ngociation. Ainsi, sont aujourdhui concerns les plateformes denchres agres en

    tant que march rglement de quotas dmission ou dautres produits mis aux enchres

    qui sont bass sur ces derniers 29, les contrats aux comptant sur matires premires qui

    ne sont pas des produits nergtiques de gros 30, les types dinstruments financiers, y

    compris les contrats drivs ou les instruments financiers drivs servant au transfert du

    risque de crdit, pour lesquels la transaction, lordre, loffre ou le comportement a un effet

    sur le cours ou la valeur dpendent du cours ou de la valeur de ces instruments

    financiers 31, les comportement lis aux indices de rfrence 32, mais galement toute

    transaction, ordre ou comportement concernant tout instrument financier 33 peine

    mentionn.

    337. Les victimes dinfractions boursires oublies de la lgislation europenne :

    Quil sagisse de la directive du 2003/6/CE du 28 janvier 2003 ou des deux textes du

    16 avril 2014, les victimes dabus de march ne sont jamais mentionnes. Aucune

    disposition ne prcise les conditions de recevabilit dune ventuelle constitution de

    partie civile, et par consquent, encore moins la nature des prjudices indemnisables et

    selon quelles modalits. Il nest pas non plus indiqu si, le cas chant, les associations

    de dfense des actionnaires ou des investisseurs pourraient tre admises demander

    rparation en cas de commission doprations diniti ou de manipulations de march.

    Cette lacune persistante est regrettable, puisque laction civile de ces victimes, si elle

    voyait ses conditions prcisment dfinies, contribuerait largement la lutte contre les

    abus de march du fait de la crainte par les auteurs potentiels des dommages-intrts

    faramineux quils pourraient tre condamns verser en cas de caractrisation de

    linfraction et dun prjudice en dcoulant.

    28 Considrant n 8 du rglement (UE) n 596/2014 du 16 avr. 2014. 29 Art. 1er, 2) de la directive n 2014/57/UE et art. 2, 1), al. 2 du rglement (UE) n 596/2014 du

    16 avr. 2014. 30 Art. 1er, 4), a) de la mme directive et art. 1er, 2), a) du mme rglement. 31 Art. 1er, 4), b) de la directive et art. 1er, 2), b) du rglement. 32 Art. 1er, 4), c) de la directive et art. 1er, 2), c) du rglement. 33 Art. 1er, 5) de la directive et art. 1er, 5) du rglement.

  • 517

    En labsence dindication sur ce point, les juridictions des tats membres de lUnion

    europenne ont construit eux-mmes le rgime dindemnisation des victimes

    dinfractions boursires, de faon chaotique, sans disposition lgislative posant les

    principes directeurs dans ce domaine. Par consquent, cest un rgime jurisprudentiel,

    tant en France quen Italie, qui a vu le jour relativement la rparation des prjudices

    drivant dinfractions boursires. Les rgles prtoriennes dgages par les magistrats

    ont longtemps t incertaines et demeures compliques mettre en uvre, du fait des

    difficults qui surviennent lors de lvaluation des consquences dommageables des

    infractions boursires sur les marchs financiers, et plus prcisment de leur influence

    sur lvolution du cours des instruments qui sont changs. Ainsi, les conditions

    dindemnisation des victimes dabus de march doivent tre clarifies ; mais le rgime

    de sanction de ces infractions doit galement tre repens.

    338. Les cumuls franais et italien des rpressions administrative et pnale : Les

    abus de march prsentent un double aspect : en premier lieu, ils peuvent constituer des

    dlits pnaux sanctionns par les juridictions rpressives ; en second lieu, ils sont

    susceptibles de caractriser des manquements administratifs qui relvent de la

    comptence des autorits de surveillance des marchs, que sont la Consob et lAutorit

    des marchs financiers. Il existe trois catgories dinfractions boursires principales : les

    abus dinformation privilgie, les diffusions dinformations fausses ou trompeuses et

    les manipulations de cours, ces deux formes de conduite tant dsignes tant au sein de

    la lgislation europenne que dans lordre juridique italien par une mme dnomination,

    savoir les manipulations de march. Or, quil sagisse du versant pnal ou du versant

    administratif de ces comportements, les lments qui les constituent sont trs

    ressemblants voire identiques, ce qui conduit sanctionner de deux manires

    diffrentes les mmes faits. Par ailleurs, les sanctions administratives susceptibles dtre

    prononces dans ces hypothses se rvlent au moins aussi svres, voire plus leves

    que les peines que peuvent prononcer les juridictions rpressives. Pourtant, en France

    comme en Italie, les deux types de poursuites, administratives et pnales, pouvaient tre

  • 518

    engags et donner lieu un cumul de sanctions de mmes natures, et ce, jusqu i ly a

    peu de temps encore34.

    339. La rcente remise en cause europenne du double systme de rpression des

    abus de march : Nanmoins, la gravit des sanctions administratives pouvant tre

    infliges aux auteurs dabus de march a incit la Cour europenne des droits de

    lhomme35 et la Cour de justice de lUnion europenne36 leur reconnatre une

    coloration pnale, et par consquent, les assimiler aux peines prononces par les

    juridictions rpressives. Ds lors, ce critre de svrit les a conduites reconnatre une

    violation du principe non bis in idem (ou plutt le risque dune telle violation pour la

    seconde de ces deux juridictions lorsque les sanctions administratives revtent une

    coloration pnale), principe selon lequel un mme individu ne peut tre poursuivi

    plusieurs fois pour des faits matriels substantiellement identiques. De ce fait, les juges

    nationaux ont d revoir leur position et mettre un terme cette possibilit de cumul des

    poursuites administratives et pnales, susceptible dengendrer un cumul de sanctions de

    mmes natures. En France, cest le Conseil constitutionnel qui a pos linterdiction de la

    double rpression, par une dcision du 18 mars 2015 dans laquelle il a galement

    abrog le dlit diniti37. En Italie, la fin de lanne 201338 la premire section

    34 V. pour un exemple franais : Crim., 22 janv. 2014, n 12-83.579, D. 6 fv. 2014, n 5, p. 274 ; ibid. 6 mars

    2014, n 9, p. 600, N. RONTCHEVSKY ; JCP 3 fv. 2014, n 5, 131 ; D. act., 6 fvr. 2014, obs. S. FUCINI ; Dr. pn.

    avr. 2014, n 4, tude 6, L. DE GRAEVE ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, obs. F. STASIAK, p. 106.

    V. pour un exemple italien : Trib. Torino, sez. I, 18 marzo 2011, Gabetti e al. ; Riv. dottori comm. luglio-sett.

    2011, n. 3, pp. 679-681, nota Gianmaria CHIARAVIGLIO (pp. 681-696) ; Cass. pen. ott. 2011, vol. LI, n. 10,

    giurisprudenza di merito 1195, pp. 3565-3583, nota Ester MOLINARO, pp. 3584-3594. 35 CourE.D.H., 4 mars 2014, req nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et 18698/10, Grande

    Stevens et autres c. Italie ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, p. 106, obs. Frdric STASIAK ; RJEP nov. 2014,

    n 724, comm. 48, Gabriel ECKERT. 36 C.J.U.E., gde ch., 26 fv. 2013, n C-617/10, klagaren c. Hans kerberg Fransson : la dcision portait sur

    un cumul de sanctions fiscale et pnale. 37 Cons. const., dc. n 2014-453/454 et 2014/462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et autres (Cumul des

    poursuites pour dlit diniti et des poursuites pour manquement diniti), AJDA 23 mars 2015, n 10,

    p. 553 ; D. act. 20 mars 2015, note Jrme LASSERRE-CAPDEVILLE ; D. 23 avr. 2015, n 15, pp. 874-875, obs.

    Olivier DECIMA ; ibid. pp. 894-897, obs. Anne-Valrie LE FUR, Dominique SCHMIDT ; JCP E 26 mars 2015,

    n 13, act. 243 ; ibid. 2 avr. 2015, n 14, act. 267 ; Dr. pn. 4 avr. 2015, n 4, comm. 56, Florence CREUX

    THOMAS ; RLDA juin 2015, n 105, obs. Frdric STASIAK ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 368, Frdric

    SUDRE ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 369, Jacques-Henri ROBERT. 38 Cass. pen. sez. I, 17 dic. 2013, dep. 4 maggio 2015, n. 19915, Grande Stevens ed altri : il sagit de la

    dernire dcision rendue en Italie dans laffaire Grande Stevens, ayant donn lieu la dcision de la Cour

    europenne des droits de lhomme le 4 mars 2014 (req nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et

    18698/10, Grande Stevens et autres c. Italie ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, p. 106, obs. Frdric STASIAK ;

  • 519

    criminelle de la Cour de cassation avait cart les requtes dillgitimit

    constitutionnelle proposes en expliquant que lapplication de larticle 649 du Code de

    procdure pnale, relatif au principe non bis in idem suppose un premier jugement

    pnal de condamnation ou de relaxe, ou bien un dcret pnal pris dans le cadre de la

    procdure spciale de poursuite par dcret, catgorie laquelle nappartiennent pas les

    dcisions prises par la Consob ; par ailleurs, elle a ajout par rfrence la dcision

    klagaren contre Fransson du 26 fvrier 2013 que le cumul navait pas t dclar en lui-

    mme contraire larticle 50 de la Charte des droits fondamentaux de lUnion

    europenne par la Cour de justice. Cependant, suite la dcision de la Cour europenne

    des droits de lhomme du 4 mars 2014, la cinquime section pnale de la mme

    juridiction a dclar pertinentes et manifestement pas mal fondes les requtes

    dillgitimit constitutionnelle39 relatives larticle 649 du Code de procdure pnale

    italien, qui pose le principe ne bis in idem , et larticle 187-bis du texte unique en

    matire dintermdiation financire, concernant les abus dinformations privilgies

    dans leur versant administratif. Les requrants proposent une lecture de cette

    disposition qui engendrerait sa transformation, en passant du cumul actuel des

    poursuites administrative et pnale40 une mise en uvre subsidiaire de la procdure

    administrative de sanction41.

    Au vu de ces transformations jurisprudentielles, il convient prsent que dans les deux

    tats le lgislateur intervienne afin de de rpartir clairement les comptences entre les

    autorits administratives indpendantes que sont la Consob et lAutorit des marchs

    financiers et les juges rpressifs. Cependant, une telle distribution ne sannonce pas sans

    difficult car la question de la lgitimit de lintervention du droit pnal en matire

    dabus de march sest pose, et parce que la rpression para-pnale noffrirait pas les

    mmes garanties processuelles que celles qui existent en droit pnal. Divers critres tels

    que lintentionnalit du comportement ou linstitution dun seuil qui dlimiterait la

    frontire entre dlit pnal et manquements administratifs ont t proposs pour

    RJEP nov. 2014, n 724, comm. 48, Gabriel ECKERT), dans laquelle cette dernire a conclu une violation de

    larticle 4 du protocole additionnel n 7 la Convention, qui consacre le principe non bis in idem , par le

    cumul des poursuites administratives et pnales en matire boursire. 39 Cass. pen. sez. V, 10 nov. 2014, n. 1782, C.C.R. 40 Texte original : Salvo le sanzioni penali quando il fatto costituisce reato (incise de larticle 187-bis,

    TUF dans sa version actuelle). 41 Texte original Salvo che il fatto costituisca reato (version de lincise de larticle 187-bis, TUF propose

    par les requrants).

  • 520

    attribuer chaque autorit des comptences, et la suppression de lune des deux voies

    de rpression a galement t propose42.

    Ainsi, il convient dans cette partie dtudier les dfinitions des infractions pnales et des

    manquements administratifs constitutifs dabus de march en dterminant si la

    rpression possde oui ou non le mme champ dapplication dans le droit de lUnion

    europenne et dans les ordres juridiques franais et italien. De mme, lexamen des

    dispositions concernes permettra de dmontrer les nombreuses imprcisions et

    incohrences qui caractrisent les textes dcrivant les dlits, contraventions et

    manquements administratifs (Titre 1). Dans un second temps, il parat ncessaire

    danalyser lorganisation des systmes franais et italiens de rpression des abus de

    march, sans oublier ltude des modalits dindemnisation des victimes de telles

    infractions, ce qui permettra dinsister sur les distorsions existant au sein des deux

    lgislations en dmontrant, de ce fait, le caractre inachev de lharmonisation en la

    matire. Il est galement pertinent de mettre en relief les imperfections de la structure

    dualiste remise en cause pour proposer une nouvelle rpartition des comptences entre

    autorits administratives, juridictions pnales et civiles, susceptibles dtre mises en

    uvre dans les deux pays (Titre 2).

    42 Les difficults lies la rpartition des comptences entre juges rpressifs et autorits administratives,

    ainsi que les solutions envisages pour les rsoudre seront tudies au sein du second titre.

  • 521

    TITRE 1 LHARMONISATION INCOMPLETE DES DEFINITIONS FRANAISES ET ITALIENNES DES ABUS DE MARCHE

    Le contrat social du droit de punir implique donc sa lgalit parfaite. La

    rpression du crime, lgalement qualifi, doit tre certaine, uniforme et applique

    chacun dans le ressort unifi de lEtat. En outre, elle deviendra universelle, ce qui

    internationalise la coopration judiciaire. Les frontires politiques restent au-

    dessous des lois, elles ne doivent pas assurer limpunit en bloquant la rpression.

    La prvention universelle du crime dpend de cette coopration, car la conviction de

    ne pas trouver le moindre coin de terre o les vritables dlits ne soient pas punis serait

    un moyen efficace de les prvenir. 43

    43 Michel PORRET, Beccaria. Le droit de punir, d. Michalon, Coll. Le bien commun , 2003, p. 49 citant

    Cesare BECCARIA, Dei delitti e delle pene, p. 67.

  • 522

  • 523

    340. La rpression originelle de la spculation illicite : Si le droit pnal boursier

    constitu dinfractions spcifiques destines rprimer les atteintes au fonctionnement

    et lintgrit des marchs est n dans les annes 1970, la rpression des premires

    formes de spculation illicite est ancienne. Le Code pnal de 1810 contenait quatre

    dispositions consacres la sanction de telles conduites, au sein de ces articles 419

    422. Toutefois, ntaient concerns par la rpression que les altrations frauduleuses

    des cours des denres et marchandises, ainsi que des papiers et effets publics

    lexclusion des valeurs mobilires44. Une loi du 3 dcembre 1926 a ajout un article 419-

    2 pour inclure ces dernires dans la rpression, mais il fut malheureusement abrog par

    larticle 57, alina 1er de lordonnance n 86-1243 relative la libert des prix et de la

    concurrence du 1er dcembre 198645.

    En Italie, on retrouve des traces de la rpression du dlit dagiotage aux articles 389 et

    390 du Code pnal du Royaume de Sardaigne, dit Codice penale albertino cr en

    1839, puis au sein de larticle 293 du Code pnal Zanardelli46, du nom du ministre de la

    44 Larticle 419 du Code pnal de 1810 disposait que Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux sems

    dessein dans le public, par des suroffres faites aux prix que demandaient les vendeurs eux-mmes, par

    runions ou coalitions entre les principaux dtenteurs d'une mme marchandise ou denre, tendant ne la

    pas vendre, ou ne la vendre qu' un certain prix, ou qui par des voies ou moyens frauduleux quelconques

    auront opr la hausse ou la baisse du prix des denres ou marchandises ou des papiers et effets publics au-

    dessus ou au-dessous des prix qu'aurait dtermins la concurrence naturelle et libre du commerce, seront

    punis d'un emprisonnement d'un mois au moins, d'un an au plus, et d'une amende de cinq cents francs dix

    mille francs. Les coupables pourront de plus tre mis, par l'arrt ou le jugement, sous la surveillance de la

    haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus . 45 Ordonnance n 86-1243 relative la libert des prix et de la concurrence du 1er dcembre 1986, J.O.R.F.

    9 dc. 1986, p. 14773. 46 Larticle 293 du Code pnal Zanardelli disposait que Quiconque, par le biais dune diffusion

    dinformations fausses ou dautres moyens frauduleux, produit au sein du march public ou des bourses de

    commerce une augmentation ou une diminution des prix des salaires, denres, marchandises ou titres

    ngociables sur le march public ou inscrits sur les listes des bourses de commerce, est puni par la rclusion

    dune dure de trois trente mois et par une amende dlictuelle de 500 lires 3000 lires.

    Si le dlit est commis par un courtier public ou par un agent de change, la peine est la rclusion dune dure

    dun cinq ans, linterdiction temporaire daccder la fonction publique, tendue lexercice de la

    profession, lamende dlictuelle de plus de mille lires ; texte original : Chiunque, col diffondere false notizie

    o con altri mezzi fraudolenti, produce sul pubblico mercato e nelle borse di commercio un aumento o una

    diminuzione nei prezzi dei salari, derrate, merci o titoli negoziabili sul pubblico mercato o ammessi nelle liste

    di borsa, punito con la reclusione da tre a trenta mesi e con la multa da lire 500 a lire 3000.

    Se il delitto sia commesso da pubblici mediatori o da agenti di cambio, la pena della reclusione da uno a

    cinque anni, della interdizione temporanea dai pubblici uffici, estesa allesercizio della professione, e della

    multa oltre le mille lire . Il est possible de constater au sein de cette disposition que sont dj rprimes

    les deux formes actuelles des manipulations de march, savoir la diffusion dinformations fausses et la

    manipulation de cours.

  • 524

    Justice sous lautorit duquel il a t promulgu le 30 juin 1889, pour entrer en vigueur

    le 1er janvier 1890. Le dlit se trouve aujourdhui au sein dun titre consacr aux dlits

    contre lconomie publique 47, larticle 501 du Code pnal Rocco publi par dcret

    royal 19 octobre 1930, entr en vigueur le 1er juillet 193148.

    341. Lavnement dun droit pnal spcifique aux marchs : Linstitution du dlit

    diniti, infraction emblmatique du droit pnal des marchs financiers, et de la diffusion

    dinformations fausses ou trompeuses est le rsultat de la loi n 70-1208 du 23

    dcembre 197049, laquelle a intgr ces dlits dans lordonnance du 28 septembre

    196750 qui avait cr la Commission des oprations de Bourse. En Italie, la mise en place

    de la rpression de lagiotage, et donc des conduites destines modifier artificiellement

    les cours, a t pour le moins chaotique. Lagiotage bancaire a t cr avec larticle 98

    de la loi n 141 du 7 mars 193851, puis complt par lagiotage de larticle 2628 du Code

    civil, institu par la loi n 262 du 16 mars 1942 qui a approuv ledit code52, sous la

    47 Texte original : Dei delitti contro leconomia pubblica (intitul du Titre VIII art. 499-518 du Livre

    second Dei delitti in particolare du Code pnal Rocco de 1930). 48 Regio decereto del 19 ott. 1930, n. 1398, G.U. n. 251 del 26 ott. 1930, pris par le Roi Vittorio Emanuele

    III, le chef du gouvernement Benito Mussolini et le ministre de la Justice Alfredo Rocco. Larticle 501 du

    Code pnal actuel dispose que Chiunque al fine di turbare il mercato interno dei valori o delle merci,

    pubblica o altrimenti divulga notizie false, esagerate o tendenziose o adopera altri artifici atti a cagionare un

    aumento o una diminuzione del prezzo delle merci, ovvero dei valori ammessi nelle liste di borsa o negoziabili

    nel pubblico mercato, punito con la reclusione fino a tre anni e con la multa da euro 516 a euro 25.822. Se

    l'aumento o la diminuzione del prezzo delle merci o dei valori si verifica, le pene sono aumentate.

    Le pene sono raddoppiate:

    1) se il fatto commesso dal cittadino per favorire interessi stranieri;

    2) se dal fatto deriva un deprezzamento della valuta nazionale o dei titoli dello Stato, ovvero il rincaro di

    merci di comune o largo consumo.

    Le pene stabilite nelle disposizioni precedenti si applicano anche se il fatto commesso all'estero, in danno

    della valuta nazionale o di titoli pubblici italiani.

    La condanna importa l'interdizione dai pubblici uffici . 49 Loi n 70-1208 du 22 dc. 1970 portant modification de la loi n 66-537 du 24 juil. 1966 sur les socits

    commerciales et de lordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de

    Bourse et relative linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines

    oprations de Bourse, J.O.R.F. du 24 dc. 1970, p. 11891. 50 Ordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de Bourse et relative

    linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines oprations de Bourse,

    J.O.R.F. du 29 sept., 1967 p. 9589. 51 Legge del 7 marzo 1938, n. 141, conversione in legge, con modificazioni, del regio decreto-legge 12

    marzo 1936-XIV, n. 375, contenente disposizioni per la difesa del risparmio e per la disciplina della

    funzione creditizia , G.U. n. 375 del 15 marzo 1938, suppl. ordinario n. 61. 52 Regio decreto del 16 marzo 1942, n. 242, Approvazione del testo del Codice civile , G.U. n. 79 del 4

    apr. 1942, entrato in vigore il 19 apr. 1942.

  • 525

    dsignation de Manuvres frauduleuses sur les titres de la socit 53. Lagiotage

    bancaire a ensuite t rcrit larticle 138 du dcret lgislatif n 385 du 1er septembre

    1993, dit Texte unique sur les lois en matire de banque et de crdit 54. Entre temps,

    la loi n 157 du 17 mai 199155 dont lobjectif tait de mettre en conformit le droit

    italien avec la directive n 89/592/CEE sur la coordination des lgislations en matire

    doprations dinitis56, avait ajout un dlit dagiotage ayant pour objet les instruments

    financiers dans son article 5, ainsi que dans ses articles 2 4, les dispositions relatives

    au dlit dinsider trading consistant utiliser des informations confidentielles pour

    raliser des oprations sur les marchs de valeurs mobilires. A ce moment, nombreuses

    sont les critiques adresses aux dispositions relatives au droit des socits cotes.

    Salvatore GRILLO dcrivait en 1993 le cadre lgislatif de la faon suivante : Nous

    regrettons le dfaut de coordination entre les nouvelles normes pnales et celles qui

    se situent dans le code civil et labsence de proportionnalit entre le bien juridique

    protg et lintensit de la raction. Nous regrettons galement limplication

    minimale du lgislateur dans la recherche dune cohrence acceptable du systme

    pnal. Nous regrettons sa dsorganisation et son caractre fragmentaire, son

    manque de clart et, selon certains, les peines irrflchies absence de rationnalit

    dans [le choix] des minima et des maxima, le manque de correspondance entre la

    gravit des violations et les intrts que lon a entendus protger 57. Les deux dlits

    ont par la suite t repris aux articles 180 et 181 du texte unique en matire

    53 Texte original : Manovre fraudolenti sui titoli della societ (intitul de lart. 2628, C. civ. it.). 54 Decreto legislativo del 1 sett. 1993, n. 385, Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia ,

    G.U. n. 230 del 30 sett. 1993, suppl. ordinario n. 92, entrato in vigore il 1 genn. 1994. 55 Legge del 17 maggio 1991, n. 157, Norme relative all'uso di informazioni riservate nelle operazioni in

    valori mobiliari e alla Commissione nazionale per le societ e la borsa , G.U. n. 116 del 20 maggio 1991. 56 Directive n 89/592/CEE du Conseil du 13 nov. 1989 concernant la coordination des rglementations

    relatives aux oprations dinitis, J.O.C.E. L 334 du 18 nov. 1989, pp. 30-32. 57 Texte original : Sono stati lamentati i difetti di coordinamento delle nuove norme penali con quelle

    contemplate nel codice civile e la mancata proporzionalit fra interesse tutelato e misura della reazione.

    E stato pure lamentato lo scarso impegno posto dal legislatore nella ricerca di unaccettabile coerenza del

    sistema penale. Si lamenta disorganicit e frammentariet, difetto di chiarezza e, nellespressione di

    alcuno, rapsodicit delle pene assenza di razionalit nei minimi e nei massimi, inadeguatezza alla

    gravit delle violazioni ed agli interessi che si intenderebbero tutelare , in Salvatore GRILLO, Profili

    penali dei controlli sulle societ con azioni quotate in borsa , Convegni giuridici e ricerche Atti e

    documenti, La disciplina penale del mercato azionario, Padova, CEDAM, 1989, p. 16.

  • 526

    dintermdiation financire, adopt par dcret lgislatif n 58 du 24 fvrier 199858. Plus

    tard, lagiotage bancaire et celui ayant pour objet les instruments financiers ont t

    supprims pour tre insrs larticle 2637 du Code civil, par le dcret lgislatif n 61 du

    11 avril 200259, qui avait pour but de rationaliser la rpression des diverses formes

    dagiotage par la formulation dune incrimination unique ; mais dj, des imperfections

    taient perceptibles puisque lancien article 2628 du Code civil a t maintenu mais

    reformul pour devenir un dlit d oprations illicites sur les actions ou parts de la

    socit ou de la socit-mre 60. Les rformes se sont poursuivies avec ladoption de la

    loi n 62 du 18 avril 200561, destine transposer la directive n 2003/6/CE du 28

    janvier 2003 sur les abus de march62, qui a rintroduit au sein du texte unique en

    matire dintermdiation financire les articles 184 et 185 rprimant labus

    dinformations privilgies et les manipulations de march dans leur versant pnal63.

    Cest galement ce moment quapparaissent en Italie les manquements administratifs

    correspondants. Aujourdhui, restent donc applicables les formes pnales dagiotage ou

    de manipulation de march des articles 501 du Code pnal et 2637 du Code civil, ainsi

    que larticle 185 du texte unique en matire dintermdiation financire, ce qui pose la

    question du champ dapplication respectif de ces dlits.

    342. Ladjonction dun systme de rpression para-pnale pour les infractions

    boursires : Comme cela a t prcis juste avant, cest la loi n 62 du 18 avril 200564

    qui a insr aux articles 187-bis et 187-ter du texte unique en matire dintermdiation

    financire les manquements administratifs dabus dinformations privilgies et de

    58 D.lgs. del 24 febbraio 1998, n. 58/98, Testo unico delle disposizioni in materia di intermediazione

    finanziaria, ai sensi degli articoli 8 e 21 della legge del 6 febbraio 1996, n. 52 , G.U. n. 71 del 26 marzo

    1998. 59 D.lgs. del 11 apr. 2002, n. 61 Disciplina degli illeciti penali e amministrativi riguardanti le societ

    commerciali, a norma dell'articolo 11 della legge 3 ottobre 2001, n. 366 , G.U. n. 88 del 15 apr. 2004. 60 Texte original : Illecite operazioni sulle azioni o quote sociali o della societ controllante (intitul de

    larticle 2628 du Code civil italien, tel que modifi par le dcret lgislatif n 61 du 11 avril 2002). 61 Legge del 18 apr. 2005, n. 62/2005, Disposizioni per l'adempimento di obblighi derivanti

    dall'appartenenza dell'Italia alle Comunit europee. Legge comunitaria 2004 , G.U. n. 96 del 27 apr. 2005,

    suppl. ordinario n. 76. 62 Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les oprations

    dinitis et les manipulations de march (abus de march), J.O.U.E. L 96 du 12 avr. 2003, pp. 1625. 63 Les deux articles sont respectivement intituls Abuso di informazioni privilegiate (art. 184, TUF) et

    Manipolazione del mercato (art. 185, TUF). 64 Legge del 18 apr. 2005, n. 62/2005 prcite.

  • 527

    manipulations de march. Ces conduites illicites sont sanctionnes par la Consob, en

    vertu de poursuites administratives susceptibles de donner lieu des sanctions de

    mme nature trs svres (du fait de lexistence de mesures dinterdiction) et de par

    leur quantum65, notamment depuis que ce dernier a t quintupl par la loi successive

    n 262 du 28 dcembre 200566.

    En 1989, la Commission des oprations de bourse a t dote dun pouvoir de sanction

    par la loi n 89-531 du 2 aot 198967, qui a cre les articles 9-1 et 9-2 au sein de

    lordonnance du 28 septembre 196768. La seconde de ces dispositions permettait

    lautorit de sanctionner les conduites qui avaient pour effet de : fausser le

    fonctionnement du march ; procurer aux intresss un avantage injustifi qu'ils

    n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du march ; porter atteinte l'galit

    d'information et de traitement des investisseurs ou leurs intrts ; faire bnficier les

    metteurs et les investisseurs des agissements d'intermdiaires contraires leurs

    obligations professionnelles 69. Les pratiques vises taient dcrites dans les rglements

    de la Commission des oprations de bourse : son rglement 90-0270 lui permettait de

    sanctionner les atteintes la bonne information du public, cest--dire la communication

    ou la diffusion dune information inexacte, imprcise ou trompeuse 71 et son rglement

    90-08 relatif lutilisation des informations privilgies72 posait lgard des dtenteurs

    de telles informations une obligation de sabstenir de les exploiter ou de les

    65 Cf. la sanction administrative pcuniaire de labus dinformations privilgies pouvant atteindre 15

    millions deuros (art. 187-bis, al. 1, TUF) et celle des manipulations du march qui peut slever jusqu 25

    millions deuros (art. 187-ter, al. 1, TUF), sachant que toutes deux peuvent tre portes au triple, voire au

    dcuple du profit tir du manquement lorsque celui-ci peut tre dtermin (art. 187-bis, al. 5 et 187-ter,

    mme al., TUF). 66 Legge del 28 dic. 2005, n. 262/2005, Disposizioni per la tutela del risparmio e la disciplina dei mercati

    finanziari , G.U. n. 301 del 28 dic. 2005, suppl. ordinario n. 208. 67 Loi n 89-531 du 2 aot 1989, relative la scurit et la transparence du march financier, J.O.R.F. du 4

    aot 1989, p. 9822. 68 Ordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de Bourse et relative

    linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines oprations de Bourse,

    J.O.R.F. du 29 sept. 1967, p. 9589. 69 Art. 9-1 de ladite ordonnance. 70 Rglement COB n 90-02 relatif linformation du public, homologu par arrt du 5 juil. 1990, portant

    homologation de rglements de la Commission des oprations de bourse, J.O.R.F. n 166 du 20 juil. 1990, p.

    8600 ; Bull. COB juin 1990, n 237, pp. 24-25. 71 Art. 3 dudit rglement. 72 Rglement COB n 90-08 relatif lutilisation dune information privilgie, homologu par arrt du 17

    juil. 1990, portant homologation du rglement n 90-08 de la Commission des oprations de bourse,

    J.O.R.F. n 166 du 20 juil. 1990, p. 8602 ; Bull. COB juin 1990, n 237, pp. 34-35.

  • 528

    communiquer de faon indue. Les dispositions permettant lautorit franaise de

    sanctionner ces manquements administratifs ont t reprises dans le Code montaire et

    financier cr par ordonnance du 14 dcembre 200073, au sein des articles L. 621-14

    pour la mention des conduites susceptibles de donner lieu une procdure

    administrative de sanction et L. 621-15 pour lattribution de ce pouvoir la Commisison

    des oprations de bourse, abrogeant ainsi lancienne ordonnance de 1967. Puis, la loi du

    1er aot 2003, dite loi sur la scurit financire74, et son dcret dapplication du 21

    novembre 2003 relatif lAutorit des marchs financiers75, transposant la directive

    communautaire du 28 janvier 2003 dite abus de march76, ont supprim la Commission

    des oprations de Bourse, le Conseil des marchs financiers et le Conseil de discipline de

    gestion financire, pour les remplacer par lAutorit des marchs financiers. Il sagit

    dune autorit publique indpendante qui dispose de la personnalit juridique, qui a

    rdig son propre rglement gnral homologu par arrt du ministre de lconomie

    du 12 novembre 200477, contenant la dfinition des abus de march dans leur versant

    administratratif aux articles 621-1 et suivants et 632-1 et suivants. La procdure de

    sanction quelle peut mettre en uvre a t modifie diverses reprises afin de

    rpondre aux exigences europennes relatives aux garanties processuelles78,

    notamment parce que les mesures punitives pcuniaires quelle peut prononcer, dj

    73 Ordonnance n 2000-1223 du 14 dc. 2000, relative la partie Lgislative du code montaire et

    financier, J.O.R.F. n 291 du 16 dc. 2000, p. 20004. 74 Loi n 2003-706 du 1er aot 2003 de scurit financire, J.O.R.F. n 177 du 2 aot 2003, p. 13220. 75 Dcret n 2003-1109 du 21 nov. 2003, relatif l'Autorit des marchs financiers, J.O.R.F. n 271 du 23

    nov. 2003, p. 19904. 76 Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les oprations

    dinitis et les manipulations de march (abus de march), J.O.U.E. L 96 du 12 avr. 2003, pp. 1625. 77 Arrt du 12 nov. 2004 portant homologation des livres II VI du rglement gnral de l'Autorit des

    marchs financiers, J.O.R.F. n 273 du 24 nov. 2004, p. 19749. 78 Loi n 2007-1774 du 17 dc. 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire

    dans les domaines conomique et financier, J.O.R.F. n 0293 du 18 dc. 2007, p. 20354 ; dcret n 2008-

    893 du 2 sept. 2008 relatif la commission des sanctions de l'Autorit des marchs financiers, J.O.R.F.

    n 0207 du 5 sept. 2008, p. 13919 ; ordonnance n 2009-233 du 26 fv. 2009 rformant les voies de

    recours contre les visites domiciliaires et les saisies de l'Autorit des marchs financiers, J.O.R.F. n 0049

    du 27 fv. 2009, p. 3486 ; loi n 2013-672 du 26 juil. 2013 de sparation et de rgulation des activits

    bancaires, J.O.R.F. n 0173 du 27 juil. 2013, p. 12530.

  • 529

    trs svres lorigine79, nont cess de voir leur quantum augmenter 10 millions

    deuros80, puis 100 millions deuros81.

    Ainsi, aux trois dlits pnaux dagiotage et au dlit dabus dinformations privilgies,

    sajoutent en Italie un manquement du mme nom et un autre manquement constitutif

    de manipulations de march. En France, les dlits dutilisation ou de communication

    dune information privilgie, de diffusion dinformations fausses ou trompeuses et de

    manipulation des cours sont tous doubls dun manquement homologue de nature

    administrative. Toutes ces conduites illicites sont susceptibles dengendrer le prononc

    de sanctions pnales et administratives qui, jusquil y a encore peu de temps82,

    pouvaient se cumuler.

    343. Les distorsions en matire de rpression entre les lgislations franaise et

    italienne : Suite aux remarques formules dans le paragraphe prcdent, il est possible

    de constater que les infractions italiennes sont beaucoup plus nombreuses. Il convient

    alors de se demander deux choses. Dune part, la multiplicit de ces infractions

    correspond-elle un champ dapplication de la rpression des abus de march plus large

    en Italie ? Dautre part, le systme italien naurait-il pas besoin dtre simplifi afin de ne

    conserver quune seule infraction limage du droit franais, ou au contraire, ces

    infractions nauraient-elles pas toutes une raison dtre et dans ce cas, la lgislation

    franaise ne devrait-elle pas tre complte par des infractions supplmentaires ? Nous

    verrons que pour les abus dinformations privilgies, le domaine des infractions est

    presque identique dans les deux pays ; en revanche, en ce qui concerne les

    manipulations de march, la lgislation italienne est bien plus ample puisquelle couvre

    tous les types de plateformes de ngociation, des marchs rglements aux marchs

    79 Le montant originel des sanctions administratives pcuniaires, du fait de la loi du 1er aot 2003, pouvait

    atteindre 1,5 million deuros. 80 Loi n 2008-776 du 4 aot 2008 de modernisation de lconomie, J.O.R.F. n 0181 du 5 aot 2008, p.

    12471. 81 Loi n 2010-1249 du 22 oct. 2010 de rgulation bancaire et financire, J.O.R.F. n 0247 du 23 oct., p.

    18984. 82 La Cour europenne des droits de lHomme a censur le cumul des sanctions administratives et pnales

    en matire boursire, du fait que ce cumul portait atteinte au principe non bis in idem consacr larticle 4

    du protocole additionnel n 7 la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des

    liberts fondamentales (CourE.D.H., 4 mars 2014, req nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et

    18698/10, Grande Stevens et autres c. Italie ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, p. 106, obs. Frdric STASIAK ;

    RJEP nov. 2014, n 724, comm. 48, Gabriel ECKERT).

  • 530

    hors cote en passant par les systmes multilatraux de ngociation. Toutefois, cette

    disparit dans le champ de la rpression est amene disparatre du fait de lextension

    de la rglementation en matire dabus de march opre par le rglement europen

    (UE) n 596/2014 du 16 avril 201483.

    Ltude des textes franais et italiens montrera que si la France avait en partie anticip

    ladoption du rglement europen du 16 janvier 2014 en modifiant les dfinitions

    spciales de linformation privilgie, il nen est pas de mme pour lItalie qui doit

    encore mettre son droit conformit avec le nouveau texte, quil sagisse de linformation

    privilgie ayant trait aux instruments drivs sur matires premires (1), de celle qui a

    pour objet les quotas dmission de gaz effet de serre (2) ou enfin de celle adopte

    relativement aux personnes en charge lexcution des ordres de vente dachat de titres

    financiers (3). Il conviendra de terminer cette tude des dfinitions spciales de

    linformation privilgie par larticle L. 465-1, alina 3 du Code montaire et financier

    franais relatif la commission dun crime ou dun dlit (4).

    344. Les trois formes principales dabus de march : Comme cela a t expliqu dans

    le premier paragraphe de ces travaux84, la notion dabus de march est entendue comme

    comprenant les oprations diniti et les manipulations de march, regroupant elles-

    mmes les diffusions dinformations fausses ou trompeuses et les manipulations de

    cours. Les oprations diniti sont dsignes en Italie par lexpression abus

    dinformations privilgies 85 ; celles-ci consistent pour une personne qui dtient une

    telle information effectuer des transactions boursires sur la base de cette dernire,

    alors que le public nen a pas encore connaissance, ou communiquer cet lment des

    tiers en-dehors du cadre dfini par la loi. Par consquent, comme la conduite illicite vise

    tant la ralisation de transactions que la communication, la notion d abus

    dinformations privilgies sera prfre celle d opration diniti , car cette

    dernire suppose une intervention sur les marchs financiers et ne semble donc pas

    83 Rglement n 596/2014 du Parlement europen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de march

    (rglement relatif aux abus de march) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement europen et du

    Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, J.O.U.E. L 173 du

    12 juin 2014, pp. 1-61. 84 Cf. 1er, pp. 1-10 des prsents travaux. 85 Texte original : Abuso di informazioni privilegiate (art. 184 et 187-bis, TUF).

  • 531

    inclure la communication indue des renseignements confidentiels, ni la recommandation

    fournie en vertu de ces derniers. Une autre raison motive lemploi de lexpression abus

    dinformations privilgies en lieu et place de l opration ou du dlit diniti :

    elle rside dans le fait quaujourdhui, toute personne devient initi , ds lors quelle

    possde une information et quelle a conscience de son caractre privilgi, ce qui qui

    traduit une dilution trs nette de la notion, aujourdhui vide de tout consistance86.

    Enfin, le terme initi nest pas utilis par la doctrine italienne. Si la forme

    administrative de cet abus existe en France et en Italie, le dlit pnal est en suspens

    puisque son abrogation a t programme pour le 1er septembre 2016 par la dcision du

    Conseil constitutionnel franais du 18 mars 201587, lheure o les autorits

    europennes prnent le retour aux sanctions pnales88.

    Les manipulations de march, quant elles, sont ralises dans le but de tromper les

    investisseurs par le biais de la diffusion dinformations fausses ou trompeuses, ou par

    laccomplissement de manuvres susceptibles daltrer le mcanisme naturel de

    formation des cours des instruments financiers. En France, les deux comportements

    reprsentent deux dlits distincts, rprims aux alinas 1 et 2 de larticle L. 465-2 du

    Code montaire et financier, alors quen Italie, ils correspondent aux diverses modalits

    dune mme infraction. Comme le droit europen emploie galement la notion de

    manipulation de march 89, elle sera utilise au sein des prsents travaux et conduira

    une tude groupe des diffusions dinformations fausses ou trompeuses et des

    manipulations de march. Le versant pnal des manipulations de march a donc t

    maintenu dans les deux pays mais la lgislation italienne lui consacre trois textes

    86 Frdric STASIAK, Lutilisation et la communication illicites dune information privilgie. Dlit et

    manquement diniti , Lamy Droit pnal des affaires, 2015, 1991, p. 688. 87 Cons. const., dc. n 2014-453/454 et 2014/462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et autres (Cumul des

    poursuites pour dlit diniti et des poursuites pour manquement diniti), AJDA 23 mars 2015, n 10,

    p. 553 ; D. act. 20 mars 2015, note Jrme LASSERRE-CAPDEVILLE ; D. 23 avr. 2015, n 15, pp. 874-875, obs.

    Olivier DECIMA ; ibid. pp. 894-897, obs. Anne-Valrie LE FUR, Dominique SCHMIDT ; JCP E 26 mars 2015,

    n 13, act. 243 ; ibid. 2 avr. 2015, n 14, act. 267 ; Dr. pn. 4 avr. 2015, n 4, comm. 56, Florence CREUX

    THOMAS ; RLDA juin 2015, n 105, obs. Frdric STASIAK ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 368, Frdric

    SUDRE ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 369, Jacques-Henri ROBERT. 88 La directive 2014/57/UE du Parlement europen et du Conseil du 16 avr. 2014 relative aux sanctions

    pnales applicables aux abus de march (directive relative aux abus de march), J.O.U.E. L 173 du 12 juin

    2014, pp. 179-189 est vocatrice par son titre : elle prvoit linstitution de poursuites pnales en matire

    dabus de march. 89 La directive n 2003/6/CE du 28 janvier 2003 considrait galement les deux comportements comme

    diffrents aspects dune mme infraction, et il en est toujours de mme au sein de la directive

    n 2014/57/UE et du rglement (UE) n 596/2014.

  • 532

    dincrimination : les articles 501 du Code pnal et 2637 du Code civil, ainsi que larticle

    185 du texte unique en matire dintermdiation financire. Les deux droits nationaux

    contiennent galement les manquements correspondants90. En plus de confronter les

    dlits et manquements franais et italiens pour valuer le degr dharmonisation des

    lgislations, il est ncessaire de sassurer que lensemble des transgressions prvues par

    la France et lItalie couvrent tous les marchs et instruments financiers viss par les

    autorits europennes, au regard des rcentes volutions rsultant de ladoption de la

    directive n 2014/57/UE91 et du rglement (UE) n 596/201492 du 16 avril 2014.

    345. Les dissemblances dans les textes dincrimination des abus de march

    franais et italiens : Les lments constitutifs des dlits pnaux et des manquements

    administratifs peuvent diffrer quelque peu dans les deux pays. Les termes utiliss pour

    dfinir ces infractions sont semblables ; seulement, il peut arriver que linterprtation

    qui en est faite par la jurisprudence tende, ou linverse restreigne, leur champ

    dapplication. En outre, si la rpression boursire vise des catgories analogues

    dinstruments financiers, elle ne concerne pas ncessairement des plateformes de

    ngociation identiques.

    Il existe donc bien un rapprochement des lgislations franaise et italienne en la

    matire, mais il reste imparfait quil sagisse des dfinitions des abus dinformations

    privilgies (Chapitre 1) ou des manipulations de march (Chapitre 2).

    90 Art. 632-1, RG AMF et 187-ter, TUF. 91 Directive 2014/57/UE du Parlement europen et du Conseil du 16 avr. 2014 relative aux sanctions

    pnales applicables aux abus de march (directive relative aux abus de march), J.O.U.E. L 173 du 12 juin

    2014, pp. 179-189. 92 Rglement n 596/2014 du Parlement europen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de march

    (rglement relatif aux abus de march) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement europen et du

    Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, J.O.U.E. L 173 du

    12 juin 2014, pp. 1-61.

  • 533

    CHAPITRE 1

    LES DFINITIONS SIMILAIRES

    DES ABUS DINFORMATIONS PRIVILGIES FRANAIS ET ITALIENS

    346. Historique des dlits dabus dinformations privilgies : En France, la

    premire incrimination connue sous la dsignation de dlit diniti (ou d insider

    trading ) est issue de la loi du 22 dcembre 197093, alors quen Italie ce dlit a t cr,

    bien plus tardivement, en 199194. Claude DUCOULOUX-FAVARD et Nicolas RONTCHEVSKY

    dfinissent clairement et simplement cette infraction de la faon suivante : Le dlit

    diniti est le fait dexploiter ou de communiquer de manire abusive une

    information privilgie, en priode dobligation dabstention et de rserve 95. Dans

    les deux pays, les dlits sont rassembls et insrs respectivement dans le Code

    montaire et financier et dans le texte unique en matire dintermdiation financire.

    Paralllement, lAutorit des marchs financiers et la Consob ont mis en place les

    manquements administratifs correspondants. La directive communautaire 2003/6/CE

    du 28 janvier 200396 a entran une modification importante du cadre juridique de la

    rpression para-pnale : en France, les anciens articles 621-14 et 621-15 du Code

    montaire et financiers ont t modifis par la loi n 2003-706 du 1er aot 2003

    transposant la directive. Les pratiques de la premire de ces deux dispositions,

    susceptibles dtre rprimes par la Commission des oprations de bourse, ont t

    transfres au sein du rglement gnral de lAutorit des marchs financiers

    homoloqu par arrt du ministre de lEconomie du 12 novembre 200497. En Italie, une

    93 Loi n 70-1208 du 22 dc. 1970 portant modification de la loi n 66-537 du 24 juil. 1966 sur les socits

    commerciales et de lordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de

    Bourse et relative linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines

    oprations de Bourse, J.O.R.F. du 24 dc. 1970, p. 11891. 94 Legge del 17 maggio 1991, n. 157, Norme relative alluso di informazioni riservate nelle operazioni in

    valori mobiliari e alla Commissione nazionale per les Societ e per la Borsa , G.U. del 20 maggio 1991. 95 Claude DUCOULOUX-FAVARD, Nicolas RONTCHEVSKY, Infractions boursires. Dlits boursiers