LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122....
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AVERTISSEMENT
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LIENS Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm
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Universit Nancy 2
Facult de Droit Ecole Doctorale Sciences Juridiques Politiques Economiques et de Gestion
Centre de Recherche de Droit Priv
LINTERVENTION DE LASSUREUR
AU PROCES PENAL
Contribution ltude
de laction civile
THESE en vue de lobtention du Doctorat en Droit
Prsente et soutenue par Monsieur Romain SCHULZ
le 18 novembre 2009
Membres du Jury :
Madame France CHARDIN, Matre de confrences la Facult de Droit, Sciences conomiques et Gestion de lUniversit
de Nancy,
Monsieur Franois FOURMENT, Professeur la Facult de Droit et Sciences politiques de lUniversit de Nantes, Rapporteur,
Monsieur Jrme KULLMANN, Professeur lUniversit Paris Dauphine, Directeur de lInstitut des Assurances de Paris,
Rapporteur,
Monsieur Luc MAYAUX, Professeur lUniversit Jean Moulin (Lyon 3), Directeur de lInstitut des Assurances de
Lyon,
Monsieur Jean-Franois SEUVIC, Professeur la Facult de Droit, Sciences conomiques et Gestion de lUniversit de Nancy,
Directeur de la recherche.
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LUniversit nentend ni approuver ni dsapprouver les opinions particulires du candidat.
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SOMMAIRE Les chiffres renvoient aux numros de pages
Introduction...... 11
Premire partie De lexclusion de lassureur ladmission de son intervention ...................... 31
Titre 1 Lexclusion de principe de lassureur......................................................................... 35
Chapitre 1 Lexclusion de lassureur par la Cour de cassation......................................... 37
Section 1 Laffirmation jurisprudentielle de lexclusion de lassureur .............................. 38
Section 2 Les consquences critiquables de lexclusion de lassureur............................... 69
Chapitre 2 La conception de laction civile rvle par lexclusion jurisprudentielle de
lassureur ........................................................................................................... 103
Section 1 Une conception rpressive de laction civile exerce devant le juge rpressif 104
Section 2 Une conception de laction civile centre sur la victime dinfraction .............. 135
Titre 2 Ladmission limite de lassureur ............................................................................. 151
Chapitre 1 Approche thorique du problme par lanalyse de laction civile................ 153
Section 1 La nature unique de laction civile et la dualit de son fondement .................. 154
Section 2 Le rgime de laction civile au regard de sa nature et de son fondement......... 189
Chapitre 2 La dcision pratique du lgislateur pour une admission limite .................. 227
Section 1 Ladmission de lintervention de lassureur ..................................................... 228
Section 2 Ladmission limite par la loi du 8 juillet 1983................................................ 258
Deuxime partie La mise en uvre de lintervention de lassureur.......................................... 317
Titre 1 Lassureur devant le juge rpressif........................................................................... 321
Chapitre 1 Problmes de procdure : modalits de lintervention.................................. 323
Section 1 Problmes communs aux interventions volontaires et forces de lassureur.... 324
Section 2 Les rgles spcifiques chaque type dintervention ........................................ 339
Chapitre 2 Les moyens de lassureur intervenant aux dbats ......................................... 355
Section 1 Les exceptions de garantie................................................................................ 357
Section 2 La discussion au fond sur la responsabilit civile............................................. 421
Titre 2 Lassureur face aux dcisions rendues par le juge rpressif .................................. 457
Chapitre 1 Les effets des dcisions du juge rpressif........................................................ 459
Section 1 Lautorit de la chose juge et lopposabilit des dcisions du juge rpressif . 460
Section 2 La possibilit de prononcer une condamnation ................................................ 474
Chapitre 2 Les voies de recours .......................................................................................... 505
Section 1 Lappel.............................................................................................................. 506
Section 2 Le pourvoi en cassation .................................................................................... 519
Conclusion....... 533
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ABREVIATIONS
AJ Pnal Actualit juridique pnal (Dalloz)
ALD Actualit Lgislative Dalloz
A.N. Assemble Nationale
art. article
Ass. pln. Assemble plnire de la Cour de cassation
Assur. fr. Assurance franaise
B.O. Bulletin officiel
Bull. Bulletin des arrts de la Cour de cassation
C. assises Cour dassises
C. assur. Code des assurances
CA Cour dappel
CE Conseil dEtat
CEDH Cour europenne des droits de lhomme
Ch. Chambre
Ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation
Chron. Chronique
Circ. min. just. Circulaire du Ministre de la Justice
Civ. Chambre civile de la Cour de cassation
coll. collection
Com. Chambre sociale de la Cour de cassation
Comm. Commentaire
comp. comparer
concl. conclusions
Cons. Const. Conseil constitutionnel
CPC Code de procdure civile
CPP Code de procdure pnale
Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
D Recueil Dalloz
db. Dbats
Defrnois Rpertoire du notariat Defrnois
Dev. et soc. Dviance et socit
DH Dalloz hebdomadaire
DP Dalloz priodique
Dr. mar. Fr. Droit maritime franais
Dr. pnal Droit pnal
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gal. galement
esp. espce
ex. exemple
fasc. fascicule
Gaz. pal. Gazette du palais
IR Informations rapides (Recueil Dalloz)
J.O. Journal officiel
JCP Juris-classeur priodique, dition gnrale
JCP E Juris-classeur priodique, dition entreprise
not. notamment
obs. observations
op. cit. ouvrage cit
P.U.(F.) Presses universitaires (de France)
prc. prcit
rapp. rapprocher
RCA Responsabilit civile et assurances
Rp. civ. Rpertoire civil Dalloz
Rp. pn. Rpertoire pnal Dalloz
Req. Chambre des requtes de la Cour de cassation
Rev. pnit. Dr. pn. Revue pnitentiaire et de droit pnal
RGAT Revue gnrale des assurances terrestres
RGDA Revue gnrale de droit des assurances
RSC Revue de sciences criminelles et de droit pnal compar
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial
S Recueil Sirey
s. suivants
Somm. Sommaires
Soc. Chambre sociale de la Cour de cassation
t. tome
T. corr. Tribunal correctionnel
T. pol. Tribunal de police
TGI Tribunal de grande instance
th. thse
v mot
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A la mmoire du Docteur Paul Schulz et de Monsieur Jean Brunet
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INTRODUCTION
Lorsque lnonc dun problme est exactement connu, le problme est rsolu, ou bien cest quil est impossible. La solution nest donc autre chose que le problme bien clair .
Emile-Auguste Chartier, dit Alain : Propos de littrature (1934)
1. Intervention de lassureur et participation de lassureur au procs pnal. Une prcision simpose demble sagissant de lintervention de lassureur au procs pnal : elle ne vise quun aspect de la possible participation dun assureur un procs devant le juge
rpressif. En effet, un assureur peut, de manire classique et comme tout justiciable, tre
partie un procs pnal en qualit de partie civile, de prvenu ou daccus, ou encore de
civilement responsable. Lassureur victime dune infraction peut se constituer partie civile
afin de poursuivre lauteur et dobtenir rparation de son prjudice1. Lassureur peut
galement comparatre devant les juridictions rpressives en qualit de prvenu ou daccus
lorsquil lui est reproch dtre lauteur dune infraction. Lassureur est par dfinition une
personne morale, mais depuis lentre en vigueur du Code pnal de 1992, une entreprise
dassurance est, comme toute personne morale de droit priv, susceptible dengager sa
responsabilit pnale aux termes de larticle 121-2 du Code pnal. Le droit des assurances
fournit lui-mme des occasions de rechercher une telle responsabilit dans la mesure o il
rige en infraction certains manquements la rglementation de lassurance, conformment
une tendance qui npargne aucun secteur2. Lassureur peut enfin tre partie un procs pnal
en qualit de civilement responsable du prvenu ou de laccus. Une hypothse encore trop
rpandue est celle de lassureur responsable du fait de lun de ses prposs3, ou dun
mandataire qui sest rendu coupable dinfraction loccasion de lexercice de lactivit
dintermdiation en assurance4. Toutefois, ces cas de participation de lassureur au procs
pnal ne prsentent gure de spcificit, du moins dun point de vue juridique. Lassureur est
alors trait comme nimporte quelle victime, nimporte quel prvenu ou accus, nimporte
quel civilement responsable.
1 Le cas le plus rpandu est celui de lescroquerie lassurance : Crim. 5 dcembre 1961, Bull. n 498 ; Crim. 14
juin 1995, RGDA 1996 p. 479 note E. Fortis ; Crim. 26 juin 1997, n 96-84030, RGDA 1997 p. 1115 note
E. Fortis ; Crim. 16 fvrier 1999, RGDA 1999 p. 495, note E. Fortis ; Crim. 16 novembre 2005, n 05-80540,
Bull. n 297 ; Crim. 4 juin 2009, n 08-85702. Lassureur peut galement tre victime dabus de confiance ou de
faux et usage : Crim. 8 avril 2009, n 08-84359 ; Crim. 17 juin 2009, n 08-88076. 2 Constituent par exemple des dlits le fait de pratiquer sur le territoire de la Rpublique franaise des oprations
dassurance sans y tre habilit (art. L 310-27 C. assur.), le fait de ne pas rpondre aux demandes dinformation
de lAutorit de contrle des assurances ou dentraver son contrle (art. L 310-28 C. assur.), les manquements
certaines rgles rgissant la constitution et le fonctionnement des entreprises dassurance (art. L 328-5 C. assur.). 3 Comme tout commettant est civilement responsable du fait de son prpos en application de larticle 1384
alina 5 du Code civil. 4 Larticle L 511-1, III. du Code des assurances prvoit que dans le cadre de lexercice de lactivit
dintermdiation en assurance, lemployeur ou mandant est civilement responsable, dans les termes de larticle 1384 du Code civil, du dommage caus par la faute, limprudence ou la ngligence de ses employs ou mandataires agissant en cette qualit, lesquels sont considrs pour lapplication du prsent article, comme des prposs, nonobstant toute convention contraire . Ainsi, mme lorsque le mandataire de lassureur dispose dune libert telle quil ny a pas de lien de prposition, lassureur peut tout de mme tre responsable du fait de
ce mandataire dans les conditions de la responsabilit du commettant du fait du prpos. Par ex. Crim. 16 juin
1999, n 98-81940 ; Crim. 16 fvrier 2000, n 98-84705 ; Crim. 23 fvrier 2005, n 04-82364 ; Crim. 16
novembre 2005, n 05-83670 ; Crim. 6 juin 2007, n 06-85374 ; Crim. 13 octobre 2007, n 07-82035.
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2. Intervention de lassureur au procs pnal et excution du contrat dassurance. La participation de lassureur au procs pnal qui nous intresse est celle de lassureur de la
victime, du prvenu ou de laccus, ou du civilement responsable. Lintervention de lassureur au procs pnal dsigne la participation au procs pnal de lassureur de lune des parties principales ce procs. Cest en tant que garant du dommage que cet assureur est mis
en cause ou intervient volontairement. Lassureur de choses ou de personnes de la victime et
lassureur de responsabilit civile du prvenu ou du civilement responsable peuvent tre mis
en cause par leur assur, ainsi que par la victime exerant laction directe en ce qui concerne
lassureur de responsabilit. En outre, lassureur de la victime subrog dans les droits de cette
dernire aprs lavoir indemnise doit pouvoir faire valoir ces droits contre les responsables et
leurs assureurs.
Par exemple, un automobiliste est poursuivi pour avoir renvers un cycliste par imprudence
ou ngligence, et lui avoir caus des blessures ainsi que des dommages matriels (bicyclette
hors dusage). Le cycliste peut solliciter la garantie de son assureur au titre de garanties de son
contrat multirisque habitation ou dune garantie des accidents de la vie . Il peut
notamment demander la prise en charge de certains frais mdicaux (assurance de personnes
indemnitaire) et du remplacement de la bicyclette (assurance de choses). Dans la mesure o le
cycliste recherche la responsabilit de lautomobiliste, ce dernier peut solliciter la garantie de
son assureur automobile, au titre de la garantie obligatoire de la responsabilit du conducteur
ou gardien dun vhicule terrestre moteur. Le cycliste peut galement exercer laction
directe contre lassureur de responsabilit de lautomobiliste pour solliciter une indemnisation
de sa part. Lorsque lassureur de choses ou de personnes du cycliste a vers ce dernier, avant
louverture du procs, une prestation de caractre indemnitaire ouvrant droit un recours
subrogatoire, il est subrog dans les droits de la victime hauteur de lindemnit verse. Il
peut alors exercer un recours contre lautomobiliste et/ou lassureur de responsabilit de ce
dernier.
Il apparat donc que lintervention de lassureur au procs pnal est lie lexcution du
contrat dassurance, soit que lintervention de lassureur ait pour objet cette excution (action
en garantie), soit quelle soit conscutive cette excution (recours subrogatoire de lassureur
qui a indemnis la victime). En outre, cette excution du contrat dassurance doit concerner
lindemnisation du prjudice rsultant des faits poursuivis. Ainsi, lorsque la prestation
dassurance ne concerne pas directement cette indemnisation, lassureur na pas vocation
participer au procs. Cela est notamment le cas de lassureur de protection juridique dune
partie, dont le rle est de fournir son assur des prestations dassistance technique et
financire pour la conduite du procs, mais qui napparat pas en tant que partie linstance.
Aprs ces quelques claircissements sur la notion dintervention, sur laquelle nous reviendrons dans le cadre de la prsente tude
5, nous pouvons rapidement circonscrire les
notions dassureur et de procs pnal.
3. Assureur intervenant au procs pnal. De ce qui prcde, nous pouvons aisment dfinir lassureur comme la personne qui peut tre tenue, sur le fondement dune obligation dassurance, dindemniser le dommage dcoulant de linfraction. Cette obligation dcoule
dun contrat dassurance. Au titre de ce contrat, lassureur est tenu de deux obligations : de couverture et de rglement 6. La premire est celle de couvrir ventuellement le risque dfini
5 Cf. infra n 545 et s., 696 et 876.
6 L. Mayaux : V Assurances terrestres (2 le contrat dassurance), Rp. civ. Dalloz, septembre 2007, n 4 et
185 et s. ; J. Bigot et alii : Trait de droit des assurances. t. 3 : Le contrat d'assurance, LGDJ 2002, n 52.
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pendant la dure prvue par le contrat. La seconde est celle de rgler la prestation convenue
en cas de sinistre. Cest lexcution de lobligation de rglement qui est en jeu dans le cadre
de lintervention de lassureur au procs pnal. Lassureur peut donc tre dfini pour les
besoins de la prsente tude comme la personne tenue en excution dun contrat dassurance
dune obligation de rgler une indemnit destine compenser le dommage dcoulant des
faits pnalement poursuivis7. Nous reviendrons dans le cadre de la prsente tude sur la
dtermination des personnes pouvant ce titre tre considres comme assureur, et
susceptibles dintervenir au procs pnal8.
4. Procs pnal auquel lassureur est susceptible dintervenir. La notion de procs pnal mrite galement dtre prcise. Dans une acception large, elle pourrait dsigner lensemble
du processus se droulant de la commission de linfraction la fin de lexcution de la peine.
Toutefois, cest une conception plus restreinte et plus judiciaire que nous retiendrons, dans
la mesure o lintervention de lassureur au procs pnal est celle de lassureur devant le juge
rpressif qui statue sur laction civile. Ceci nous conduit exclure lenqute prliminaire, qui
nest pas une phase judiciaire, ainsi que lexcution de la peine qui, bien que suivie par un
magistrat, est postrieure aux dcisions rendues par le juge rpressif sur laction publique et
sur laction civile. De surcrot, lintervention de lassureur na de sens que si le juge rpressif
est saisi de laction en indemnisation du dommage dcoulant des faits poursuivis. Le procs
pnal auquel lassureur sera susceptible de participer sera en consquence le procs port
devant un juge rpressif saisi de laction civile. En rgle gnrale, il sagira dune juridiction
rpressive de jugement, saisie la fois de laction publique et de laction civile. Mais il existe
des cas dans lesquels le juge rpressif est saisi de la seule action civile. En outre, la question
des juridictions dinstruction mrite galement dtre pose en considration de leur
comptence lgard de laction civile. Nous reviendrons dans le cadre de la prsente tude
sur la dtermination des juridictions rpressives devant lesquelles lassureur est susceptible
dintervenir9.
Les premiers lments qui viennent dtre exposs afin de circonscrire la notion
dintervention de lassureur au procs pnal font apparatre que cette intervention a pour objet de porter devant le juge rpressif une discussion qui a trait au contrat dassurance. Ceci
pose la question dune ventuelle antinomie entre lobjet du contrat dassurance et celui du
procs pnal.
5. Antinomie entre lobjet du contrat dassurance et celui du procs pnal. On peut se demander si le prtoire pnal est bien un lieu appropri pour discuter de la garantie
dassurance. Dans son tude de rfrence sur lassureur et le procs pnal, Monsieur Chesn a commenc par souligner lapparente antinomie entre lobjet du contrat dassurance, qui est
purement patrimonial et ne concerne que des intrts particuliers, et la mission du juge
rpressif, qui connat la fois des atteintes portes lordre social et des atteintes qui peuvent
tre portes lindividu poursuivi. Ces dernires dpassent largement les intrts
patrimoniaux dordre indemnitaire. Il fut un temps, rvolu en France, o le procs pnal
mettait en jeu la vie ou lintgrit physique de la personne poursuivie. Restent actuellement en
jeu lhonneur, la libert, le patrimoine et les droits de lindividu poursuivi (qui encourt la
7 Cet assureur nest pas forcment franais, cest--dire une entreprise dassurance tablie en France. Il suffit
quil soit lune des entreprises dassurance autorises pratiquer des oprations dassurance sur le territoire de la
Rpublique franaise en application de larticle L 310-2 du Code des assurances, ce qui stend aux entreprises
dassurances de lUnion europenne et aux entreprises tablies hors de lUnion qui ont reu un agrment. 8 Cf. infra n 699 et s.
9 Cf. infra n 752 et s.
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dchance de certains droits tels que le droit de vote ou lautorit parentale, ou des
interdictions telles que linterdiction dexercer certaines professions ou linterdiction du
territoire franais). Les atteintes patrimoniales encourues devant le juge rpressif (amende,
confiscation) ont un caractre punitif dont il dcoule quelles sont par dfinition une charge
lourde supporter10
. M. Chesn estime toutefois que cette antinomie peut tre rfute et quil
est possible dtablir entre lobjet du contrat dassurance et celui de la justice pnale une
relation juridique certaine11
.
6. Lobjet du contrat dassurance est indiscutablement patrimonial. Il est en effet de
protger le patrimoine de lassur contre les alas pouvant affecter son actif (assurance de
personnes garantissant les atteintes lintgrit corporelle et assurance de choses protgeant
les biens de lassur) ou son passif (assurance de responsabilit civile garantissant la dette de
responsabilit de lassur)12
. Lexcution du contrat dassurance relve dun rapport
particulier entre lassureur dune part, et lassur ou le bnficiaire de la garantie dautre part.
En ce sens, on peut parler de rapports dordre priv13
. Le contrat dassurance concerne donc
des intrts particuliers et purement patrimoniaux, et le contentieux de lassurance parat en
consquence relever de la comptence du juge civil.
7. A linverse, le procs pnal concerne lintrt gnral. Il a pour objet de statuer sur la
culpabilit dune personne et de prononcer ventuellement une peine ou une mesure de sret.
Il met en jeu non pas des intrts purement patrimoniaux, mais dun ct lordre public, et de
lautre des intrts de la personne poursuivie qui dpassent le cadre patrimonial.
Le procs pnal est avant tout celui de laction publique. Son objet est la rpression des faits
poursuivis sous une qualification dinfraction. Or, lintervention de lassureur au procs pnal
ne relve pas de laction publique. Elle est relative lexcution du contrat dassurance et
rpond des fins indemnitaires uniquement. La garantie dassurance est mise en uvre dans
le cadre de laction en indemnisation des dommages dcoulant des faits pnalement
poursuivis, c'est--dire dans le cadre de laction civile. Il doit tre rappel que le juge naturel
de laction civile nest pas le juge rpressif mais le juge civil. La question de lintervention de
lassureur au procs pnal nous renvoie donc lantinomie entre les notions daction publique
et daction civile, et aux rapports pouvant exister entre ces deux actions.
8. Antinomie entre action civile et action publique. Laction publique pour lapplication des peines vise larticle 1er du Code de procdure pnale et laction civile en rparation du dommage caus cite larticle 2 du mme Code sont nettement distingues depuis le Code des dlits et des peines du 3 brumaire an IV. Ces deux actions
sopposent par leurs objets et mme par leurs sujets respectifs. Laction publique, destine
lutter contre le trouble social provoqu par linfraction, est exerce par le ministre public au
nom de lintrt de la socit, dont il est le gardien. En outre, elle met en jeu des droits
fondamentaux, dont la libert et lhonneur des individus. Au contraire, laction civile en
rparation du dommage noppose que des intrts privs et pcuniaires. Cependant, au-del de
leur antinomie, laction publique et laction civile sont unies par un lien trs fort : elles
trouvent leur source commune dans les mmes faits. Cela explique que ces deux actions ne
10
En tmoigne limportance des amendes encourues par les personnes morales, qui peuvent reprsenter le
quintuple de lamende encourue par une personne physique pour la mme infraction. 11
G. Chesn : L'assureur et le procs pnal, RSC 1965 pp. 284-285. 12
J. Kullmann : Lamy Assurances 2009, n 7 ; Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur : Droit des assurances, 12
me d. 2005 Dalloz, n 53 56.
13 Etant toutefois rappel que les contrats dassurance peuvent le cas chant avoir le caractre de contrats
administratifs (article 2 de la loi n 2001-1168 du 11 dcembre 2001 portant mesures urgentes de rformes
caractre conomique et financier, dite loi MURCEF, J.O. du 12 dcembre).
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soient pas systmatiquement spares malgr leur antinomie, et que se pose le problme de
leurs rapports.
9. Rapports entre action civile et action publique14. Un premier systme concevable de rapports entre laction publique et laction civile est une confusion des deux actions, ce qui
autorise la victime dfendre la fois ses intrts et ceux de la collectivit. La rpression et la
rparation ne sont pas clairement dissocies, et la peine peut remplir les deux fonctions15
.
Mais ce systme na plus cours de nos jours car les deux actions sont distingues. La question
est alors de savoir si elles doivent tre totalement spares ou si elles peuvent coexister dans
un mme procs.
Les pays anglo-saxons connaissent un systme de sparation totale des actions publique et
civile : laction civile ne peut tre porte que devant les juridictions civiles et son exercice est
indpendant de celui de laction publique.
Un systme dinterdpendance de laction publique et de laction civile peut galement tre
envisag. Ce systme consacre le fondement commun de ces deux actions qui trouvent leur
origine dans les mmes faits. Cette interdpendance se traduit par plusieurs rgles, dont la
plus importante est la facult de porter laction civile au choix devant le juge civil, qui est son
juge naturel, ou bien devant le juge rpressif conjointement laction publique. En outre,
laction civile subit plusieurs gards linfluence de laction publique, y compris lorsquelle
est porte devant le juge civil, notamment par le jeu des rgles du sursis statuer et de
lautorit de la chose juge au criminel sur le civil. Le systme de linterdpendance de
laction publique et de laction civile est celui qui a t retenu en France. Cest pourquoi la
question de lintervention de lassureur au procs pnal dans le cadre de laction civile peut
tre lgitimement pose, de mme quelle sest pose dans dautres pays16
.
10. Interdpendance des actions publique et civile ; lgitimit de la question de lintervention de lassureur laction civile devant le juge rpressif. La question de lintervention de lassureur au procs pnal ne peut se concevoir que dans le cadre du systme
dinterdpendance des actions publique et civile, parce que le juge rpressif connat alors de
laction civile. Cela tant, encore faut-il que la ncessit de lintervention de lassureur se
fasse sentir. Or, nous pouvons observer que lorsque le Code dinstruction criminelle a t
adopt, consacrant la comptence civile du juge rpressif, lassurance tait trs peu
dveloppe et son rle dans laction en indemnisation ntait pas important. Aussi, la question
de lintervention de lassureur laction civile ne se posait pas rellement au dbut du XIXme
sicle. Il ntait pas gnant que lassureur ne puisse intervenir qu laction en indemnisation
porte devant le juge civil, le besoin de lattraire devant le juge rpressif restant marginal.
Cest avec le dveloppement de lassurance et sa place croissante dans lindemnisation des
dommages, y compris ceux dcoulant dune infraction, que lassureur est devenu un acteur
presque incontournable de laction en indemnisation et que son absence devant le juge
rpressif a vraiment t ressentie. Il aura fallu attendre la premire moiti du XXme
sicle
pour que la question de lintervention de lassureur devant le juge rpressif se pose avec une
insistance telle que la Cour de cassation soit amene prendre position. Nous pouvons revenir
sur cette volution historique, indissociable de lvolution de laction civile et de lassurance
depuis le dbut du XIXme
sicle, et dont le point de dpart est linterdpendance des actions
publique et civile, consacre par le Code dinstruction criminelle.
14
R. Garraud : Trait thorique et pratique du droit pnal franais, t. 1, 3me d. 1913 Sirey, n 68 et s. ; R. Merle et A. Vitu : Trait de droit criminel, t. 2 : Procdure pnale, Cujas 5me d. 2001, n 26. 15
Ctait de cas du Wergeld du droit germanique, destin la fois indemniser les victimes et apaiser le
trouble social caus par linfraction. 16
Pour une brve tude de droit compar, cf. infra n 617 et s.
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16
11. Interdpendance des actions publique et civile ; admission de laction civile de la victime devant le juge rpressif. Comme les Professeurs Merle et Vitu lont justement nonc, dans le Code dinstruction criminelle, puis dans le Code de procdure pnale, le droit franais a consacr le systme de linterdpendance de laction publique et de laction civile, qui permet la victime dagir en indemnisation devant les juridictions rpressives 17. Cette formulation met en lumire un point important : cest laction civile de la victime dinfraction qui est consacre et organise par le Code dinstruction criminelle de 1810 puis par le Code
de procdure pnale de 1958. Selon le schma classique issu du Code dinstruction criminelle,
les acteurs du procs pnal sont en demande le ministre public exerant laction publique et
la victime exerant laction civile, et en dfense le prvenu et le cas chant son civilement
responsable. Ce schma correspond la ralit de lpoque. Laction publique met en relation
le ministre public et la victime comme parties poursuivantes, et le prvenu comme
dfendeur. Laction civile concerne la relation entre les cranciers et dbiteurs de lindemnit
rparant le prjudice dcoulant des faits poursuivis. Or, au dbut du XIXme
sicle, le
crancier de lindemnit tait la victime, et les dbiteurs taient le prvenu pour sa
responsabilit personnelle, et le civilement responsable pour sa responsabilit du fait du
prvenu18
. Il en est dcoul une conception relativement restreinte de laction civile, limite
aux sujets et lobjet de cette action qui pouvaient tre identifis lpoque : laction civile
consistait alors uniquement en laction en responsabilit civile ne de linfraction, et ne
concernait donc que la victime et les responsables, ces derniers tant le prvenu et son
civilement responsable. Cest dans ces conditions que laction civile admise devant le juge
rpressif a t dfinie dans le Code dinstruction criminelle puis le Code de procdure
pnale19
. Par cette admission restreinte, mais lpoque justifie, de laction civile devant le
juge rpressif, le lgislateur a instaur en 1810 un certain quilibre entre laction civile et
laction publique.
12. Facteurs dvolution de laction civile. Toutefois, ladmission limite de laction civile de la victime devant le juge pnal a t dpasse par plusieurs volutions. Lune delles
concerne tant laction publique que laction civile et remonte la fin du XIXme
sicle : il
sagit de lhabilitation de certains groupements et personnes morales exercer les droits reconnus la partie civile 20. Cela nest certes finalement quune prolongation de laction de la victime de linfraction, puisque ce sont des droits calqus sur ceux de la victime qui sont
confrs dautres personnes. Toutefois, cette ouverture de laction civile a modifi sa
physionomie.
Une autre volution concerne spcifiquement laction civile et tend remettre en cause la
conception hrite du Code dinstruction criminelle. En effet, cette conception restrictive ne
laisse pas de place lintervention laction civile de personnes qui, comme lassureur, ne
sont ni la victime de linfraction, ni un responsable. Or, depuis la seconde moiti du XIXme
sicle, deux mouvements sont venus modifier lquilibre entre laction civile et laction
publique devant le juge pnal. Dune part, les questions dindemnisation des victimes ont pris
17
R. Merle et A. Vitu : op. cit. t. 2, n 27. 18
Selon les rgles du Code civil contemporain du Code pnal et du Code dinstruction criminelle. 19
Avant dtre abrog, lalina 3 de larticle 10 du Code de procdure pnale a expressment affirm que rserve
faite de la solidarit des prescriptions (dailleurs supprime en 1980), laction civile est soumise tous autres gards aux rgles du Code civil . En outre, larticle 74, devenu article 69 de lancien Code pnal disposait que les cours et tribunaux devant qui ces affaires seront portes se conformeront aux dispositions du Code civil, livre III, titre IV, chapitre II , ce qui renvoyait donc expressment aux articles 1382 1386 du Code civil. 20
Selon une formule que lon retrouve dans plusieurs textes, dont certains des articles 2-1 et suivants du Code de
procdure pnale qui drogent larticle 2.
-
17
une place croissante dans le procs rpressif. Dautre part, lassureur a de son ct acquis une
place croissante dans laction en indemnisation du dommage.
13. Place croissante des questions dindemnisation des victimes dans le procs rpressif. A lorigine, dans le Code dinstruction criminelle, les questions dindemnisation nont t
admises que de manire limite devant le juge rpressif. Le procs pnal est avant tout celui
de la rpression dirige contre le dlinquant. Cest par faveur pour la victime quon la
autorise porter devant le juge pnal son action en responsabilit civile, afin quelle puisse
obtenir plus facilement et plus rapidement rparation du dommage quelle a subi du fait de
linfraction. Toutefois, les questions dindemnisation des victimes ont par la suite pris une
place croissante dans le procs rpressif. Ce phnomne sest manifest de deux manires :
non seulement par un accroissement de limportance de laction civile devant le juge
rpressif, mais galement par lutilisation de techniques de procdure pnale permettant de
rechercher lindemnisation des victimes par des techniques autres que laction civile. Nous
pouvons voquer brivement ces dernires avant de revenir sur laction civile.
14. Indemnisation des victimes par des techniques de procdure pnale autres que laction civile21. Suite ladoption de la loi du 8 juillet 1983 renforant la protection des victimes dinfractions , un commentateur a pu voquer le problme irritant, trop longtemps dlaiss par le droit pnal, de lindemnisation des victimes et la prise de conscience de plus en plus aigu de ce que le droit pnal manque partiellement sa fin, sil nglige le sort des victimes dinfractions 22. Or, la facilitation de laction civile na pas t le seul moyen adopt par le lgislateur pour favoriser lindemnisation des victimes dinfractions. Des
dispositions de droit pnal ou de procdure pnale ont galement t adoptes dans le but
dassurer lindemnisation des victimes par des mcanismes relevant plus de laction publique
que de laction civile. Ces mcanismes peuvent impliquer lindemnisation de la victime
diffrents stades de la procdure.
Sagissant des alternatives aux poursuites pnales, des mcanismes permettent dinciter
lauteur indemniser la victime pour viter la mise en uvre de laction publique : le
classement sans suite sous condition dindemnisation de la victime23
, la mdiation pnale24
,
elle-mme inspire du mcanisme de mdiation-rparation 25
, la composition, pnale26
.
En cas de poursuites, le cautionnement fourni ou les srets constitues par la personne mise
en examen sont affectes la garantie non seulement de la reprsentation de cette personne,
mais galement au paiement prioritaire de la rparation des dommages causs par linfraction et des restitutions, ainsi que de la dette alimentaire lorsque la personne mise en examen est poursuivie pour le dfaut de paiement de cette dette , par prfrence aux amendes
27.
21
J. Pradel : Procdure pnale, Cujas 14me d., n 262 et s. 22
M. Blin : La loi du 8 juillet 1983 sur la rparation du prjudice rsultant dune infraction (un an dapplication jurisprudentielle), Gaz. Pal. 1985, 1, doctr. 141. Ph. Bonfils estime que la protection lgislative en faveur des victimes a t amorce par la loi du 8 juillet 1983 : La participation de la victime au procs pnal, une action innome, in Le droit pnal laube du 3me millnaire, mlanges offerts Jean Pradel, Cujas 2006, p 179 note 2. Certaines dispositions favorables aux victimes sont antrieures, mais elles taient parses. 23
Article 41-1, 4 du Code de procdure pnale. 24
Article 41-1, 5 du Code de procdure pnale permettant la victime, lorsque lauteur des faits sest engag
lui verser une indemnisation, den demander le recouvrement par la procdure dinjonction de payer au vu du
procs-verbal de mdiation. 25
Article 12-1 de lordonnance du 2 fvrier 1945 relative lenfance dlinquante. 26
Articles 41-2 et 41-3 du Code de procdure pnale, issus de la loi du 23 juin 1999. 27
Article 142, 2 du Code de procdure pnale. Il est remarquable que le crancier de lindemnisation du
prjudice dcoulant dune infraction prime dans ce cas le Trsor public, ce qui est loin dtre la rgle.
-
18
En cas de dclaration de culpabilit par le juge rpressif, la rparation du dommage caus est
lune des conditions de la dispense de peine28
. Le rgime du sursis avec mise lpreuve
permet dimposer au condamn lobligation de rparer en toute ou partie, en fonction de ses facults contributives, les dommages causs par linfraction, mme en labsence de dcision sur laction civile 29. Lajournement simple du prononc de la peine et lajournement avec mise lpreuve tendent inciter le prvenu indemniser la victime dans le meilleur dlai et
de prfrence avant sa comparution laudience de jugement, cette indemnisation tant
considre comme le meilleur des gages damendement30
. Pour les personnes condamnes
une peine privative de libert, une part des valeurs pcuniaires des dtenus, inscrites un
compte nominatif ouvert ltablissement pnitentiaire, est affecte au dsintressement des
parties civiles et des cranciers daliments ; ces dispositions sont galement applicables aux
personnes places en dtention provisoire31
.
La loi n 2007-297 du 5 mars 2007 a instaur une peine la fois principale et alternative, la
sanction-rparation, qui consiste dans lobligation pour le condamn de procder, dans le
dlai et selon les modalits fixs par la juridiction, lindemnisation du prjudice de la
victime (article 131-8-1 du Code pnal). Si le condamn ne respecte pas cette obligation, il
encourt une peine que la juridiction fixe en mme temps que lobligation dindemniser, et
dont le juge dapplication des peines pourra ordonner la mise excution, en tout ou partie.
Le Professeur Conte souligne que le lgislateur a donc franchi le pas consistant admettre que
lunique rponse dune juridiction de jugement la commission dune infraction puisse tre
lobligation den effacer les consquences, si bien que le coupable dune faute pnale nest
pas trait autrement que lauteur dune simple faute civile32
. Linstitutionnalisation dun tel
dispositif se rvle dconcertant bien des gards 33
. Il y a l une regrettable confusion
entre la fonction rpressive et la fonction rparatrice.
Nous pouvons galement relever la cration dun juge dlgu aux victimes (JUDEVI) par un
dcret du 13 novembre 200734
. Ce juge nintervient pas dans lexamen de laction civile mais
exerce dautres fonctions destines faciliter lindemnisation des victimes. Il prside la
Commission dindemnisation des victimes dinfractions35
; il peut intervenir pour transmettre
au magistrat du sige ou du parquet la demande prsente par une victime dont laction
publique a t traite dans le cadre dune mesure alternative aux poursuites36
; il vrifie les
conditions dans lesquelles les parties civiles sont informes de leurs droits, participe
llaboration et la mise en uvre de dispositifs daide aux victimes et tablit un rapport
annuel sur lexercice de ses attributions37
.
Enfin, la loi n 2008-644 du 1er
juillet 2008 a institu une aide au recouvrement des
dommages-intrts la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et
28
Article 132-59 du Code pnal. 29
Article 132-45, 5 du Code pnal. 30
Articles 132-60 et 132-63 du Code pnal instaurs par la loi du 11 juillet 1975. 31
Articles 728-1 et D 325 du Code de procdure pnale. La part des revenus du dtenu affecte lindemnisation
des parties civiles et cranciers daliments est dtermine selon les taux prvus par larticle D 320-1 du Code de
procdure pnale (dont les dispositions ont remplac au 1er
novembre 2004 celles de larticle D 113 qui a t
abrog). 32
Ph. Conte : La loi sur la prvention de la dlinquance (loi n 2007-297 du 5 mars 2007) : prsentation des dispositions de droit pnal, Dr. pn. mai 2007 tude 7 22. 33
Ph. Salvage : Les peines de peine, Dr. pn. juin 2008 tude 9. 34
Dcret n 2007-1605 du 13 novembre 2007, J.O. du 15 novembre 2007. 35
Articles D 47-6-2 et D 47-6-3 du Code de procdure pnale. 36
Articles D 47-6-4 D 47-6-11 du Code de procdure pnale. 37
Articles D 47-6-12 D 47-6-14 du Code de procdure pnale.
-
19
autres infractions pour toutes les victimes qui ne peuvent pas bnficier dune indemnisation
par la CIVI38
.
15. Outre ces mcanismes de procdure, le droit pnal spcial a galement t mis en
uvre afin de garantir lindemnisation des victimes dinfractions. Ainsi, le dlit
dorganisation frauduleuse dinsolvabilit a t cr par la loi du 8 juillet 1983 renforant la protection des victimes dinfractions 39. Antrieurement mais de manire indirecte, le dlit de fuite a contribu la protection des intrts des victimes : il incrimine en effet un dol
spcial consistant pour lauteur tenter dchapper sa responsabilit pnale ou civile, ce qui vise limiter le risque pour la victime de ne pouvoir se retourner contre un responsable
inconnu40
.
16. Dveloppement de laction civile devant le juge rpressif. Laction civile admise devant le juge rpressif par le Code dinstruction criminelle tait trs restreinte, car elle se
limitait laction en responsabilit civile de la victime contre le prvenu et le civilement
responsable sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil. Cette action civile a
par la suite connu un impressionnant dveloppement qui sest traduit par un largissement
concernant la fois ses sujets et son objet et qui a conduit un renouvellement de lanalyse de
sa nature.
17. Sagissant de ses sujets, laction en indemnisation du dommage a t ouverte des
personnes autres que la victime, le prvenu et le civilement responsable. En demande, laction
civile nest plus rserve la victime. Outre les groupements et personnes morales habilits
par la loi exercer les droits reconnus la victime, par drogation larticle 2 du Code de
procdure pnale41
, la jurisprudence a admis lexercice de laction civile par certaines
personnes : assureur agricole, caisses de Scurit sociale, Etat, collectivits publiques et
certains tablissements publics, ce alors quelle excluait strictement des personnes dans des
situations similaires, comme lassureur subrog dans les droits de la victime42
. De surcrot, la
loi a expressment autoris laction de personnes subroges dans les droits de la victime,
comme le Fonds dindemnisation des victimes dinfractions43
et, depuis la loi du 8 juillet
1983, lassureur lorsque le prvenu est poursuivi pour homicide ou blessures involontaires44
.
En dfense, peuvent dsormais intervenir laction civile le Fonds de garantie des assurances
obligatoires de dommage45
ou lassureur en cas de poursuites pour homicide ou blessures
involontaires46
. Ladmission de certaines de ces personnes est rvlatrice de lvolution de
laction civile.
18. Sagissant de son objet, laction civile na gure volu en ce sens quelle reste
laction en indemnisation du dommage. Nous pouvons toutefois relever cet gard un
recentrage de laction civile sur son caractre indemnitaire, si ce nest une viction du
38
Articles 706-15-1 et 706-15-2 du Code de procdure pnale et articles L 422-7 L 422-10 du Code des
assurances. 39
Article 404-1 de lancien Code pnal, articles 314-7 314-9 du Code pnal. 40
Article 434-10 du Code pnal (article L 2 du Code de la route). 41
Il sagit de syndicats professionnels, de diverses associations ou encore dinstitutions : cf. supra n 12 et infra n 356 et 374. 42
Cf. infra n 373 et n 85 et s. 43
Article 706-11 du Code de procdure pnale. 44
Article 388-1 du Code de procdure pnale. 45
Article L 421-5 du Code des assurances. 46
Articles 388-1 388-3 du Code de procdure pnale.
-
20
caractre rpressif qui lui a t ou lui est encore reconnu47
. Cela tant, laction civile a
indniablement volu en ce qui concerne le fondement juridique de lindemnisation. Force
est de constater que laction civile nest plus aujourdhui fonde uniquement sur les
responsabilits civiles dlictuelle, quasi-dlictuelle ou du fait dautrui des articles 1382 et
suivants du Code civil. En premier lieu, dautres fondements de responsabilit civile peuvent
dsormais tre invoqus devant le juge rpressif : responsabilit sans faute telle que la
responsabilit du fait des choses ou des animaux, responsabilit en cas daccident de la
circulation (loi du 5 juillet 1985) ou responsabilit contractuelle48
. En second lieu, la
responsabilit civile nest plus le seul fondement envisageable de la demande de rparation du
dommage prsente dans le cadre de laction civile : en particulier, la garantie dun assureur
ou dun Fonds de garantie peut tre sollicite, bien quelle ne puisse en principe donner lieu
une condamnation civile prononce par le juge rpressif mais une simple opposabilit de la
dcision. Nous observons un recul de linfraction comme fondement de laction civile49
, au
profit de fondements purement civils parfois dconnects de la notion de faute.
19. Laction civile a galement acquis une place accrue devant le juge rpressif lorsque ce
dernier sest vu reconnatre la possibilit de statuer sur laction civile aprs relaxe du prvenu,
dans les conditions de larticle 470-1 du Code de procdure pnale. Ces dispositions
introduites par la loi du 8 juillet 1983, et dont la version en vigueur rsulte de la loi du 10
juillet 2000, reprsentent un grand progrs car antrieurement, le juge rpressif ne pouvait
statuer sur laction civile quaprs avoir reconnu le prvenu coupable. Elles autorisent en
outre expressment le juge pnal accorder rparation en application des rgles du droit civil , ce qui a permis llargissement de lventail des fondements juridiques pouvant tre invoqus dans le cadre de laction civile. Il est de surcrot remarquable que laction civile se
soit un peu plus dtache de laction publique, laquelle elle survit mme lorsque les
poursuites se sont soldes par une relaxe. Le Professeur Bouloc a dailleurs voqu une
action purement civile propos de laction en indemnisation dont le juge rpressif connat aprs relaxe
50.
20. De manire plus gnrale, un facteur de dveloppement de laction civile est la
pnalisation croissante de lensemble des activits humaines. Lincrimination nouvelle de
comportements ouvre la voie lexercice, devant le juge rpressif, de laction en
indemnisation des dommages dcoulant de ces comportements, dont le juge pnal navait
jusqualors pas connatre.
Paralllement lacquisition par laction civile dune plus grande place dans le procs pnal,
on a pu observer que lassureur occupait une place croissante dans laction en indemnisation.
21. Place croissante de lassureur dans laction en indemnisation du dommage. Les contours de laction en indemnisation du dommage datent pour lessentiel du Code
dinstruction criminelle, cest--dire du dbut du XIXme
sicle. Laction en indemnisation
tait elle-mme conue selon les dispositions de lalors rcent Code civil, dont les
articles 1382 et suivants avaient mis en place un systme de responsabilit individuelle et
47
Sur la nature indemnitaire de laction civile, cf. la thse de Ph. Bonfils : Laction civile. Essai sur la nature juridique dune institution, P.U. Aix-Marseille 2000. Cf. infra n 437 et s. 48
Toutefois, lexception de lapplication de la loi du 5 juillet 1985, la jurisprudence nadmet linvocation de
lensemble des fondements de responsabilit civile que dans lhypothse dune demande forme dans le cadre de
la prorogation de comptence de larticle 470-1 du Code de procdure pnale. Cf. infra n 1158 et s. 49
Ph. Bonfils, th. prc. p. 317 et s. 50
B. Bouloc : Chronique lgislative : loi n 83-608 du 8 juillet 1983, RSC 1984 p. 117.
-
21
subjective51
. A cette poque, lassurance ntait pas dveloppe de manire significative. En
particulier, lassurance de responsabilit ntait pas considre comme licite car il apparaissait
contraire lordre public de garantir les consquences dune faute52
. Or, le systme de
responsabilit sest avr insuffisant face la rvolution industrielle . A propos de
linfluence de la rvolution industrielle sur lvolution de la responsabilit civile, le
Professeur Genevive Viney note que paralllement la multiplication soudaine des accidents
qui a mis en lumire les insuffisances du systme de responsabilit individuelle et subjective
conu par les rdacteurs du Code civil, le dveloppement de lassurance bouleversa lquilibre
interne du systme traditionnel de la responsabilit civile en ouvrant la voie la
collectivisation des risques, cependant que le progrs des proccupations galitaires, du souci
de la scurit et du bien-tre matriel dans un contexte denrichissement gnral incitait
crer des mcanismes dindemnisation nouveaux destins prendre en charge certains risques
dits sociaux 53
.
Il apparat donc que lassurance sest dveloppe pour rpondre un besoin dindemnisation.
Lassurance de responsabilit civile, garantissant la solvabilit du responsable et dont la
validit a t admise depuis un arrt rendu par la Cour dappel de Paris en 184554
, a
accompagn une mutation de la responsabilit civile. Lassurance directe de choses ou de
personnes a contribu favoriser lindemnisation des victimes assures. Un parallle peut
dailleurs tre fait entre lassurance et dautres mcanismes de socialisation du risque. Cette
volution a conduit une participation croissante de lassureur laction en indemnisation
intente devant le juge civil, dont il est devenu un acteur essentiel.
22. Recherche de lindemnisation et dveloppement des assurances. On a pu observer de manire gnrale que lurbanisation et lindustrialisation dune part, le dclin de la solidarit
familiale dautre part, favorisrent lessor remarquable des compagnies dassurances et des
mutuelles au cours du XIXme
sicle55
. Lindustrialisation et la mcanisation ont conduit une
multiplication des accidents, notamment des accidents du travail et des accidents de
transports. Face cette multiplication des risques et des dommages, se sont dveloppes dans
la socit une aversion au risque et une recherche systmatique dune indemnisation.
Lassurance permettant de rpondre ces besoins de matrise des risques et de garantie dune
indemnisation, il nest pas tonnant que le XIXme
sicle ait t pour elle la priode de lessor.
Le dveloppement du secteur de lassurance fut tel quil apparut ncessaire de lgifrer afin
de rglementer la matire du droit des assurances, et notamment du contrat dassurance, qui se
distinguait dsormais du droit civil commun des obligations. Le Code civil ne mentionne en
effet le contrat dassurance quen son article 1964, pour le ranger au nombre des contrats
alatoires. Cest dans ces conditions que fut vote la loi du 13 juillet 1930 sur le contrat
dassurance. Encore faut-il prciser que la France tait en retard par rapport dautres pays
europens qui staient dj dots dune loi gnrale sur le contrat dassurance, tels la
51
Ces dispositions du Code civil devaient servir de rfrentiel au juge rpressif statuant sur laction civile, ainsi
que le prvoyait larticle 74, devenu article 69 de lancien Code pnal. 52
La licit de lassurance de responsabilit na t admise quen 1845, avec laffaire de lAutomdon : Paris 1er
juillet 1845, D 1845, 2, p. 126. Encore faut-il relever quelle a alors t subordonne lexclusion des fautes
intentionnelles et labsence denrichissement de lassur qui, au surplus, doit demeurer expos aux sanctions
pnales dues son comportement. J. Kullmann : Lamy Assurances 2009, n 171. 53
G. Viney : Introduction la responsabilit, in Trait de Droit civil, sous la direction de J. Ghestin, LGDJ 3
me d. 2008, n 17.
54 Paris 1
er juillet 1845, D 1845, 2, p. 126 (affaire de lAutomdon).
55 Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur : Droit des assurances, Dalloz 12me d. 2005, n 9 ; M. Picard et
A. Besson : Les assurances terrestres en droit franais, t. 1 : Le contrat d'assurance, 5me d. LGDJ 1982, n 2 p. 4.
-
22
Belgique en 1874 et la Suisse et lAllemagne en 190856
. La loi du 13 juillet 1930 est le socle
du Code des assurances qui fut cr en juillet 197657
.
Plusieurs types dassurances ont bnfici de ce dveloppement. Il en va ainsi des assurances
directes de nature procurer la victime assure une indemnisation immdiate, comme les
assurances de choses ou les assurances de personnes prestations de caractre indemnitaire.
Cest galement le cas de lassurance de responsabilit qui, outre quelle permet lassur de
garantir le risque de devoir faire face une responsabilit crasante, constitue galement une
garantie de lindemnisation de la victime, notamment face au risque dinsolvabilit du
responsable. Il a t affirm avec force que lassurance de responsabilit tait une garantie de la crance de la victime 58. Lassureur peut tre un garant de lindemnisation de la victime deux gards : lassureur de responsabilit est garant au bnfice de la victime, et lassureur
de choses ou de personnes de la victime est garant au bnfice de son assur59
.
23. Assurance de responsabilit civile et volution de la responsabilit civile. Le dveloppement de lassurance de responsabilit civile en vue de garantir lindemnisation des
dommages entretient des rapports troits avec lvolution de la responsabilit observe au
XIXme
sicle et qui sest poursuivie au XXme
sicle. Le Professeur Viney dmontre que
lassurance de responsabilit a certainement t la cause essentielle de lessor prodigieux qua connu la responsabilit civile entre les annes 1880 et la priode actuelle 60 et que cette extraordinaire inflation de la responsabilit civile ne sest en effet ralise quau prix dune transformation profonde qui a en ralit compltement dfigur linstitution imagine par les rdacteurs du Code civil 61. Cette institution correspondait une responsabilit individuelle et subjective. Or, la ncessit de dmontrer une faute pour caractriser la
responsabilit constitue pour la victime un frein lobtention dune indemnisation de la part
de lauteur du dommage. Cependant, lvolution vers une responsabilit objective entranant
une reconnaissance plus facile de la responsabilit ne pouvait tre admise si elle devait
conduire craser les responsables sous la charge de lindemnisation, ce qui naidait
dailleurs pas la victime se heurtant alors linsolvabilit de la personne reconnue
responsable. Cest lassurance de responsabilit qui a permis lextension de la responsabilit
civile en rpartissant sur une mutualit la charge dune indemnisation que les seuls
responsables auraient t dans lincapacit dassumer. Le responsable sefface derrire
lassureur dans la position de dbiteur de lindemnit62
. Naturellement, ce phnomne sest
traduit en procdure par la mise en cause de lassureur du responsable, au ct de ce dernier
ou mme hors sa prsence car la victime peut exercer une action directe contre lassureur de
responsabilit sans mettre en cause lassur responsable.
24. Le rle de lassurance de responsabilit dans lindemnisation des victimes a t
consacr par le dveloppement des assurances obligatoires de responsabilit. Alors que la
libert contractuelle a t un postulat du libralisme du XIXme
sicle, les obligations dassurance constituent sans doute lune des caractristiques actuelles les plus frappantes du
56
J. Bigot et alii : op. cit. t. 3, n 296. 57
Dcrets n 76-666 et 76-667 et arrt du 16 juillet 1976, J.O. 21 juillet. 58
Y. Lambert-Faivre : Le sinistre en assurance de responsabilit et la garantie de lindemnisation des victimes, RGAT 1987 p. 193 ; Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur : Droit des assurances, Dalloz 12me d. 2005, n 631. 59
L. Mayaux : Lassureur est-il un garant ?, Mlanges Lambert, Dalloz 2002 p. 281. 60
G. Viney : op. cit., n 20. 61
G. Viney : op. cit., n 21 et s. ; B. S. Markesinis : La perversion des notions de responsabilit civile dlictuelle par la pratique de lassurance, RIDC 1983 p. 301. 62
G. Viney : op. cit., n 26.
-
23
droit moderne de lassurance 63. Ces obligations dassurances se sont dveloppes en France durant la seconde moiti du XX
me sicle, la premire avoir un vritable impact sur le public
tant la loi du 27 fvrier 1958 instituant lobligation dassurance en matire de circulation de
vhicules terrestres moteur64
.
25. Assurance directe de choses ou de personnes et indemnisation des victimes. Plutt que devoir rechercher lindemnisation de son dommage auprs dun responsable et de son
assureur65
, la victime peut prfrer garantir son indemnisation en souscrivant elle-mme une
assurance directe : assurance de choses pour les risques datteintes ses biens et assurances de
personnes pour les risques datteintes son intgrit corporelle. Lassurance directe constitue
un moyen commode dobtenir une indemnisation rapide, indpendamment de la mise en jeu et
mme de lexistence de la responsabilit dun tiers. Lassureur indemnise son assur victime
partir du moment o les conditions de garantie sont remplies, charge pour lui dexercer les
ventuels recours contre les responsables et leurs assureurs66
. La victime est ainsi la fois
indemnise et libre du poids de laction en responsabilit. Ceci explique quelle se soit
dveloppe pour rpondre au besoin de scurit qui na cess de crotre. Cette volution a t
reconnue par les pouvoirs publics et comme pour les assurances de responsabilit, on a pu
observer une multiplication des assurances directes obligatoires. Ainsi, lassurance directe
obligatoire a t lorigine du systme des assurances sociales et de la Scurit
sociale 67
. Lassurance obligatoire peut se traduire soit par la souscription obligatoire dune
assurance68
, soit par ladjonction obligatoire dune garantie une assurance souscrite
librement69
. En outre, les assurances directes non obligatoires continuent aussi prolifrer.
26. Ce dveloppement de lassurance directe a galement eu une incidence sur lvolution
de laction en indemnisation. Cette incidence est en particulier due au recours subrogatoire
que lassureur de la victime qui a indemnis cette dernire peut exercer contre le responsable
(et son assureur). En premier lieu, lassurance directe de la victime a une incidence sur
lapprciation de la responsabilit civile et soppose alors lassurance de responsabilit
civile. Alors que lassurance de responsabilit favorise lextension de cette responsabilit,
lassurance directe peut conduire les juges nadmettre la responsabilit que de manire
restrictive, afin de ne pas modifier lquilibre conomique tabli en matire de charge de
63
Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur : op. cit., n 20. 64
Lobligation dassurance de responsabilit en ce domaine a permis lavnement, avec la loi du 5 juillet 1985,
de la responsabilit objective du conducteur et du gardien du vhicule impliqu, le conducteur et le gardien ayant
par ailleurs obligatoirement la qualit dassur (article L 211-1 du Code des assurances). Un lien similaire existe
entre la responsabilit objective dcoulant de la prsomption de responsabilit du constructeur et lassurance
obligatoire de la responsabilit civile dcennale, instaures par la loi du 4 janvier 1978 (article L 241-1 du Code
des assurances).
En Belgique galement, la rforme du rgime de responsabilit civile en matire daccidents automobiles et
lassurance obligatoire sont lies. Cf. R. Piret : La loi belge du 1er juillet 1956 sur lassurance obligatoire de la responsabilit civile en matire de vhicules automoteurs, RTD Com. 1956 p. 623 (spc. n 2). 65
Ce qui suppose dune part quil y ait un responsable et dautre part que celui-ci soit bien assur 66
Ce qui suppose toutefois que lassurance stipule le versement de prestations indemnitaires permettant une
subrogation. 67
G. Viney : op. cit., n 28-1 et 28-4. 68
Par exemple lassurance dommage ouvrage que doit souscrire le matre de louvrage (article L 242-1 du Code
des assurances). 69
Par exemple la garantie des risques de catastrophes naturelles qui doit tre ajoute aux contrats garantissant les
dommages dincendie ou tous autres dommages des biens situs en France (articles L 125-1 et s. du Code des
assurances), ou encore la garantie des risques de catastrophes technologiques (articles L 128-1 et s. du Code des
assurances).
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lindemnisation70
. En second lieu, le recours subrogatoire a modifi la physionomie de
laction en indemnisation car lassureur subrog peut exercer cette action, en lieu et place de
la victime sil la intgralement indemnise, et au ct de la victime sil ne la indemnise que
partiellement.
27. Assurance et socialisation du risque. La mutualisation des risques par lassurance sest dveloppe conjointement dautres moyens de socialisation de certains risques destins
fournir lindemnisation de dommages71
. Alors que lindemnisation des dommages reposait sur
la responsabilit civile individuelle et subjective dans les Codes napoloniens, la
jurisprudence a franchi une premire tape dans la socialisation directe des risques en
admettant la responsabilit directe des personnes morales72
. Il aura fallu attendre le Code
pnal de 1992 pour que la responsabilit pnale des personnes morales soit admise ct de
la responsabilit pnale des individus.
28. Dautres mcanismes sont proches de lassurance et relvent dune philosophie
voisine73
. Ainsi, lassurance directe de personnes ou de choses qui stait dveloppe
spontanment a t rendue obligatoire par le lgislateur dans certains domaines, pour donner
naissance aux assurances sociales . Ces dernires ont abouti la mise en place de la
Scurit sociale en 1945, cette dernire pouvant tre considre comme une vritable nationalisation de lassurance en matire de maladie, maternit, invalidit, vieillesse, dcs, lobligation dassurance y tant aggrave dun monopole des organismes 74. Toutefois, la Scurit sociale se distingue de lassurance par son caractre universel et surtout par le
mcanisme de solidarit qui lui est propre ; en outre, elle intervient sur des risques
techniquement mal assurables75
. Comme lassureur de personnes, une caisse de Scurit
sociale peut exercer un recours subrogatoire contre les responsables en lieu et place de la
victime laquelle elle a vers certaines prestations.
29. Les fonds de garantie ou fonds dindemnisation sont un autre mcanisme de prise en
charge des risques sociaux76
. Ils sapparentent la prise en charge de certains risques par
lEtat, ceci prs que ce nest pas lEtat mais le fonds qui assure lindemnisation. Ces fonds
se distinguent en particulier des assurances par leur domaine dintervention, qui est souvent
complmentaire et subsidiaire : ainsi le Fonds de garantie des assurances obligatoires de
dommages intervient en labsence de garantie par une assurance de responsabilit77
. Dautres
fonds interviennent sur des risques techniquement impossibles assurer, par exemple le
Fonds de garantie des calamits agricoles. Les fonds de garantie ne sont pas financs par des
primes calcules en contrepartie du risque reprsent par chaque ventuel bnficiaire.
Parfois, le fonds peut tre financ par des prlvements oprs autoritairement au dtriment
des titulaires de certains contrats dassurance qui nont pas de rapport direct avec le risque
70
B. S. Markesinis : La perversion des notions de responsabilit civile dlictuelle par la pratique de lassurance, RIDC 1983 p. 306. 71
M. Picard et A. Besson, op. cit. t. 1, n 3. b., p. 6 et s. 72
G. Viney : op. cit., n 28. 73
H. Cousy : La fin de lassurance ? Considrations sur le domaine propre de lassurance prive et ses frontires, Mlanges Lambert, Dalloz 2002 p. 111, spc. n 13 s ; J. Moret-Bailly : Assurance, assurance-maladie et Etat : qui doit payer pour les fautes de mdecins ?, RCA 2004 Alertes 11. 74
Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur : op. cit. n 21. 75
Id. 76
Sur des perspectives darticulation de lassurance et des fonds de garanties afin dassurer lindemnisation des
victimes, voir par exemple G. Viney, op. cit. n 44 et s. et 61 et s. ; L. Mayaux : Lassureur est-il un garant ?, Mlanges Lambert, Dalloz 2002 p. 281, n 45. 77
Lorsque le responsable des dommages est inconnu, lorsquil nest pas assur, ou lorque lassureur du
responsable est totalement ou partiellement insolvable (article L 421-1 du Code des assurances).
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pris en charge par le fonds, comme cest le cas pour le risque de terrorisme78
, ce qui est
contestable79
.
30. Participation de lassureur laction en indemnisation devant le juge civil. Lassurance a donc acquis, avec dautres mcanismes de socialisation du risque, une place
importante et parfois incontournable dans lindemnisation des victimes, en particulier dans les
domaines o lassurance est obligatoire. Les chiffres tmoignent de limportance quoccupe
dsormais lassurance dans lindemnisation des dommages, et plus gnralement dans
lconomie et dans la socit. Les statistiques de la Fdration franaise des socits
dassurance (FFSA), qui regroupe 254 entreprises reprsentant 90 % du march franais de
lassurance, sont loquentes. En 2008, ces entreprises employaient 216 000 personnes et ont
ralis un chiffre daffaires directes de 183,3 milliards deuros. Les actifs grs par ces
socits dassurances reprsentaient 1 409,4 milliards deuros et les sommes attribues aux
assurs 154,8 milliards deuros (dont 123,6 milliards pour les assurances de personnes et
31,2 milliards pour les assurances de biens et de responsabilit)80
.
Cette importance de lassureur dans lindemnisation des dommages na pas manqu de se
traduire par une place non moins importante, voire incontournable, de lassureur dans laction
en indemnisation. Cette place est en tout cas consacre dans le cadre du procs civil, dont
lassureur est devenu un acteur majeur. Il est dsormais parfaitement admis que lassureur du
responsable puisse tre appel en la cause par son assur ou par la victime exerant laction
directe, que lassureur de la victime puisse tre attrait par cette dernire devant le juge pour
solliciter sa garantie, et mme que lassureur de la victime, subrog dans les droits de cette
dernire aprs lavoir indemnise, puisse exercer son recours subrogatoire devant le juge civil.
31. Cette participation de lassureur laction en indemnisation nest quun lment de
lvolution de cette action. Celle-ci sest galement ouverte dautres acteurs de la
socialisation du risque tels que certains fonds de garantie ou dindemnisation de dommages,
intervenant comme garants, ou la Scurit sociale exerant son recours subrogatoire. En outre,
les fondements de laction en indemnisation se sont diversifis car la victime ne recherche
plus seulement tablir une crance fonde sur la responsabilit civile, mais fait galement
valoir des droits fonds sur des garanties lgales ou contractuelles, dont la garantie
dassurance nest quun aspect. La victime peut ainsi fonder son action sur une garantie
contractuelle dassurance contre son assureur de choses ou de personnes, sur un droit
autonome fondant laction directe contre lassureur du responsable, sur une obligation lgale
dindemnisation contre un fonds de garantie
Dans la mesure o laction civile exerce devant le juge rpressif est laction en
indemnisation du dommage caus par linfraction, il tait lgitime de se demander si cette
action civile ne devait pas connatre une volution similaire celle de laction en
indemnisation porte devant le juge civil.
32. Question de la participation de lassureur laction civile exerce devant le juge rpressif. Le rle acquis par lassureur dans lindemnisation devait forcment conduire voquer la question de sa participation laction en indemnisation porte devant le juge pnal.
Cette question tait devenue incontournable dans la premire moiti du XXme
sicle. En
1965, dans son article prconisant ladmission de lintervention de lassureur au procs pnal,
78
Articles L 422-1 et R 422-4 du Code des assurances. 79
G. Viney, op. cit. n 28-3. 80
FFSA : Lassurance franaise en 2008, rapport annuel, disponible sur le site www.ffsa.fr, rubrique lassurance franaise .
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Monsieur Chesn relevait le remarquable essor de lindustrie de lassurance depuis plusieurs
dcennies et laccroissement continu du nombre des instances pnales intressant les
assureurs81
. En particulier, il constatait laccroissement spectaculaire du parc automobile
franais82
avec deux consquences : dune part un accroissement corrlatif des assurances de
responsabilit des vhicules moteur, rendues obligatoires par la loi du 27 fvrier 1958, et
dautre part une constante progression des accidents du roulage occasionnant des dommages
corporels aux tiers. Nous pouvons relever que de nos jours, les accidents de la circulation sont
lorigine de la majeure partie des condamnations prononces par les juridictions rpressives
franaises pour homicides ou violences involontaires : sur les 13 117 dcisions de
condamnation rendues en 2007 sous ces qualifications, 11 313 concernaient des faits commis
par des conducteurs de vhicules83
. Or, outre la circulation automobile, lassureur est
dsormais impliqu dans lindemnisation des dommages rsultant de nombreuses activits,
pour ne pas dire de la plupart des activits humaines. Ceci explique limportance des sommes
verses par les assureur pour lindemnisation des dommages, que nous avons voque84
. Les
particuliers, les professionnels, les associations, les personnes publiques souscrivent des
contrats dassurance afin de garantir leurs activits quotidiennes, professionnelles ou de
loisirs, et plus prcisment les dommages quils peuvent subir ou occasionner loccasion de
ces activits. En considration de cette quasi-omniprsence des assurances, il nest pas
tonnant que la question de lintervention de lassureur au procs pnal se pose
immanquablement lorsque laction en indemnisation des dommages relve de la comptence
du juge rpressif.
33. Il chet ici de rappeler que lintervention de lassureur au procs pnal signifie en
ralit ni plus ni moins quune participation de lassureur laction civile, qui est laction en
indemnisation du dommage dcoulant des faits pnalement poursuivis. Dans ces conditions, le
double constat de lvolution de la physionomie de laction en indemnisation et de la
comptence du juge rpressif lgard de laction civile conduit se poser la question dune
volution de laction civile.
En effet, les deux mouvements observs sagissant de laction civile peuvent tre les
prmisses dun raisonnement syllogistique. La majeure est la place croissante de laction
civile devant le juge pnal, ou tout le moins la reconnaissance de la comptence du juge
rpressif lgard de laction civile. La mineure est la place acquise par lassureur dans
laction en indemnisation. La conclusion logique du syllogisme est daccorder lassureur
une place dans laction civile exerce devant le juge rpressif. En dautres termes, lvolution
gnrale de laction en indemnisation nimplique-t-elle pas une volution de laction civile
exerce devant le juge rpressif par rapport la conception hrite du Code dinstruction
criminelle ? Cette volution comporterait notamment ladmission de lintervention de
lassureur au procs pnal, plus prcisment laction civile, de la mme manire que
lassureur peut intervenir laction exerce devant le juge civil. Ceci pose les termes du dbat
sur lintervention de lassureur au procs pnal.
34. Dbat sur lintervention de lassureur : principe de ladmission et rgime de lintervention. Le problme de lintervention de lassureur au procs pnal se traduit par deux questions successives. La premire question est celle du principe de lintervention, cest--
81
G. Chesn : L'assureur et le procs pnal, RSC 1965 pp. 290-291. 82
Ce parc tait pass de 4 700 000 vhicules en 1952 environ 14 351 000 vhicules en 1960. 83
Selon les statistiques du ministre de la Justice : http://www.justice.gouv.fr. Cette proportion tend rester
stable. Cf. les statistiques de ces dernires annes, infra n 859. 84
Cf. supra n 30.
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dire de ladmission ou du rejet de la participation de lassureur laction civile. La seconde
question est celle du rgime de cette intervention.
La question de ladmission de lintervention ou de son rejet est de loin la plus importante. Il
sagit en effet dune question de principe, et de la rponse apporte dcoule galement la
rponse la question du rgime. Le rejet de lintervention de lassureur au procs pnal rend
sans objet la question du rgime de cette intervention. En revanche, ladmission de
lintervention porte en elle-mme la dfinition de son rgime. Ladmission de lintervention
de lassureur au procs pnal correspond en effet une certaine conception de laction civile,
selon laquelle laction civile exerce devant le juge rpressif est la mme que laction en
indemnisation porte devant le juge civil. Il rsulte de cette conception que le rgime de
laction civile doit correspondre une application devant le juge rpressif du rgime gnral
de laction en indemnisation, avec les adaptations ventuellement ncessites par la
comptence du juge rpressif en matire civile et les rgles de la procdure pnale. Il rsulte
galement de cette conception de laction civile que lintervention de lassureur doit tre
admise devant le juge rpressif dans des conditions similaires celles de son intervention
devant le juge civil.
Sur la base des dispositions lgales rgissant laction civile, en particulier le Code
dinstruction criminelle puis le Code de procdure pnale, la jurisprudence a fermement
rpondu de manire ngative la question de ladmission de lintervention de lassureur. Pour
remdier cette solution dont lopportunit tait discutable et discute, le lgislateur a
instaur lintervention de lassureur au procs pnal par la loi du 8 juillet 1983 qui a intgr en
ce sens des dispositions dans le Code de procdure pnale. Mais cette intervention nest
admise que de manire limite et selon un rgime restrictif.
35. Principe prtorien du rejet de lintervention de lassureur laction civile devant le juge rpressif. En consquence du dveloppement du rle de lassureur dans lindemnisation des dommages des victimes, et donc des victimes dinfractions, les juridictions rpressives ont
t saisies, dans le cadre de laction en indemnisation des dommages dcoulant de
linfraction, de demandes dinterventions volontaires ou forces dassureurs. Le phnomne a
pris une ampleur telle dans la premire moiti du XXme
sicle que la Cour de cassation a t
conduite se prononcer. Aprs quelques dcisions rendues dans les annes 1930, la Chambre
criminelle a confirm sa position ferme de rejet de lintervention de lassureur dans les annes
1950. Cette jurisprudence, fixe sous lempire du Code dinstruction criminelle, na pas connu
dvolution avec le Code de procdure pnale de 1958.
36. Quil sagisse de lintervention force de lassureur susceptible de garantir le
dommage ou de lintervention volontaire de lassureur subrog dans les droits de la victime
aprs lavoir indemnise, le rejet de lintervention rvle un refus de voir laction civile suivre
lvolution de laction en indemnisation. A cet gard, lexclusion de lassureur se situe dans
un contexte jurisprudentiel plus gnral de refus, dans les annes 1950 1970, dadmettre la
participation laction civile de personnes autres que la victime, le prvenu et le civilement
responsable. Lhostilit de la jurisprudence nest lpoque pas dirige exclusivement contre
les assureurs, et vise galement les groupements et associations.
Le rejet de lintervention de lassureur fait cho aux deux arguments les plus frquemment
avancs contre lintervention de lassureur au procs pnal. Le premier argument est que
ladmission de lassureur ferait prendre beaucoup trop de place aux dbats sur les intrts
civils dans le procs pnal, au dtriment du jugement de laction publique. La crainte
exprime est que laction civile perde son caractre accessoire par rapport laction publique,
ou plutt que laction publique perde sa place prpondrante. Le second argument est la
crainte dune interfrence de lassureur dans le jugement de laction publique, et mme dune
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concurrence de lassureur, partie puissante et prive, avec le ministre public, dpositaire de
lintrt gnral et partie en charge de laction publique. Ces arguments ne sont pas sans
rappeler ceux opposs contre lintervention des groupements et associations laction civile.
Comme la jurisprudence excluant lassureur du procs pnal nest pas dnue de fondement
lgal, il aura fallu une modification du Code de procdure pnale pour inflchir le principe
dexclusion de lassureur.
37. Admission limite de lintervention de lassureur au procs pnal par la loi du 8 juillet 1983. Aprs son affirmation ferme par la jurisprudence dans les annes 1950, le principe de lexclusion de lassureur a rapidement suscit des critiques doctrinales, ds les annes 1960.
Des praticiens de lassurance ont aliment ces critiques, ce qui explique en partie que laccent
ait t mis sur les arguments dordre pratique concernant les inconvnients de lexclusion et
les avantages de lintervention de lassureur, qui constituent les deux faces dune mme
mdaille.
Lexclusion prive la victime de la possibilit dexercer son recours contre lassureur devant le
juge rpressif. La victime est donc contrainte dintenter un second procs devant le juge civil,
ce qui est source de complication procdurale. Ladmission de lintervention de lassureur
permet au contraire un examen de lensemble des questions de rparation dans le cadre de
laction civile exerce devant le juge rpressif, ce qui est une simplification du contentieux,
source dconomies de temps et de moyens. Cet avantage ne bnficie pas seulement la
victime, mais galement aux autres acteurs du procs pnal (en ce inclus lassureur admis
intervenir) ainsi qu linstitution judiciaire.
Ladmission de lintervention permet lassureur de dfendre ses intrts devant le juge
rpressif, dont la dcision a une influence directe sur la situation de lassureur. Lintervention
permet galement dviter le recours des procds dintervention occulte tels que la clause
de direction de procs, qui est de surcrot un mcanisme mal adapte au procs devant le juge
pnal. En rsum, ladmission de la prsence de lassureur permet de clarifier les dbats
devant le juge rpressif, lassureur pouvant intervenir ou tre mis en cause et dfendre ses
positions au vu et au su de tous.
38. Cest dans ces conditions que le lgislateur est intervenu pour instituer une
intervention de lassureur au procs pnal par certaines dispositions de la loi du 8 juillet 1983
intgres dans le Code de procdure pnale85
. Toutefois, si ces dispositions de la loi de 1983
renforant la protection des victimes dinfraction ont constitu un indniable progrs, elles ont pu dcevoir et leur qualit a t remise en cause. Le rgime actuel de lintervention
de lassureur, qui dcoule des dispositions de cette loi, encourt les mmes critiques. Nous
pouvons donc nous interroger sur la manire dont le droit positif a rsolu la question de
lintervention de lassureur laction civile exerce devant le juge rpressif. Face un
principe de rejet de cette intervention aussi fermement tabli par la jurisprudence que son
opportunit est discutable, le lgislateur na institu quune intervention de lassureur limite,
tant dans son champ dapplication que dans son objet et ses effets. Les solutions du droit
positif sont instructives et prtent discussion en ce qui concerne non seulement la question
du principe de ladmission ou du rejet de lintervention, mais galement la dtermination de
son rgime lorsquelle est admise.
39. Plan. Critique du droit positif : principe de ladmission et rgime de lintervention. Ainsi quon ne le soulignera jamais assez, le problme de lintervention de lassureur nest
85
Loi n 83-608 du 8 juillet 1983 : J.O. 9 juillet 1983, p. 2185 ; D 1983 lg. p. 351, Gaz. pal. 1983.2, lg. p. 513,
RGAT 1983 p. 400. Les articles 6 11 de la loi ont insr dans le Code pnal des articles 388-1 388-3 et 385-1
et 385-2, et ont modifi les articles 497, 509, 515 et 533 du mme Code.
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29
quun aspect de laction civile exerce devant le juge rpressif. Au risque de paraphraser les
propos dAlain cits en dbut de la prsente tude, nous pouvons dire que la solution du
problme de lintervention de lassureur au procs pnal nest autre chose que le problme
bien clair par un nonc renvoyant lexercice de laction civile devant le juge rpressif.
Force est de constater que le principe dexclusion de lassureur, fermement pos par la
jurisprudence en application du Code de procdure pnale, correspond la conception de
laction civile qui prvaut en droit positif. La question de lventuelle admission de
lintervention de lassureur au procs pnal implique donc de rechercher une solution par une
tude de laction civile et dune ventuelle rforme de cette dernire. Il apparat en effet que
ladmission de lintervention tant contraire la conception de laction civile en vigueur, elle
suppose une modification de cette conception. A dfaut, lexclusion de lassureur simpose.
Telle nest toutefois pas la voie qui a t suivie par le lgislateur lors de llaboration de la loi
du 8 juillet 1983. Il na pas modifi la conception de laction civile dominant le droit positif et
a donc instaur lintervention de lassureur comme une drogation cette conception. Ceci
explique que lintervention de lassureur ne soit admise que de manire limite en droit
positif. Ceci explique galement les insuffisances du rgime de lintervention de lassureur au
procs pnal sagissant de sa mise en uvre. Ces insuffisances dcoulent en effet directement
de la manire dont il a t rpondu la question de ladmission de lintervention de lassureur.
Nous pourrons donc aborder successivement et de manire critique lvolution de lexclusion
de lassureur vers ladmission de son intervention laction civile exerce devant le juge
rpressif (I), puis la mise en uvre de cette intervention (II).
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PREMIERE PARTIE
DE LEXCLUSION DE LASSUREUR A
LADMISSION DE SON INTERVENTION
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40. La question de ladmission de lintervention de lassureur devant le juge rpressif
aurait pu rester quelque peu abstraite si cette intervention navait pas t introduite en droit
franais par la loi du 8 juillet 1983. Cette loi vient en effet imposer une admission restrictive
de lintervention de lassureur face un principe dexclusion antrieurement affirm avec
force par la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Ainsi, le point de
dpart de lvolution du droit positif concernant lintervention de lassureur au procs pnal
apparat tre une exclusion fermement affirme.
41. Cest dabord historiquement que lexclusion de lassureur est le point de dpart de
lvolution du droit positif vers une admission limite : le principe de lexclusion a prcd
ladmission. Lorsque la Cour de cassation a eu se prononcer sur le problme devenu
pressant de lintervention de lassureur au procs pnal, cest pour le rejet quelle sest
prononce, sa position ayant t nettement affirme par une srie de dcisions rendues dans
les annes 1950. Ladmission a t introduite une trentaine dannes plus tard par le
lgislateur. En outre, le contexte de lexclusion catgorique de lassureur a nourri la rflexion
qui a abouti ladoption de la loi consacrant son intervention au procs pnal.
42. Cest ensuite juridiquement que lexclusion de lassureur est le point de dpart d