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3:HIKKLD=ZUVYUU:?a@b@l@r@a; M 00135 - 117 - F: 1,40 E AFP SIPA Les dangers cachés des édulcorants Sous forme de sucrette ou contenu dans les yaourts et sodas, l’aspartame est-il nocif? Deux études l’associent à un risque accru de cancer. PAGES 30-31 Sondage: Marine Le Pen fait moins peur que son père Selon notre enquête Viavoice «Libération», 1Français sur 5 avoue de la «sympathie» pour la nouvelle présidente du FN. PAGES 14-15 Mediator: le rapport accable Servier SANTÉ Un labo qui a «roulé dans la fa- rine» les experts; une police sanitaire «inexplicablement tolérante», une agence «aveugle». Le rapport de l’Ins- pection générale des affaires sociales (Igas) sur le Mediator, rendu public sa- medi, est d’une extrême sévérité. La mission de l’Igas était limitée aux défaillances du système de santé, mais le rapport commence par un réquisi- toire contre le laboratoire Servier, qui a délibérément trompé les autorités sur la véritable nature du Benfluorex, la molécule du Mediator. Le rapport montre comment le labo a caché que son produit était un coupe- faim dérivé des amphétamines pour le faire reconnaître, à tort, comme anti- diabétique. Stratégie qui a contribué à son retrait si tardif, en 2009. PAGES 12-13 Monde arabe A qui le tour? SIPA AP AP AFP Zine al-Abidine Ben Ali Tunisie Hosni Moubarak Egypte AFP Abdelaziz Bouteflika Algérie Muammar al-Kadhafi Libye Bachar al-Assad Syrie Abdallah II Jordanie La chute de Ben Ali en Tunisie pourrait mettre en danger d’autres régimes autoritaires. PAGES 2-9 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9230 LUNDI 17 JANVIER 2011 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats-Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande-Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays-Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 1700 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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AFP

SIPA

Les dangerscachés desédulcorantsSous forme de sucrette oucontenu dans les yaourts etsodas, l’aspartame est-ilnocif? Deux études l’associentà un risque accru de cancer.

PAGES 30­31

Sondage:Marine LePen faitmoins peurque son pèreSelon notre enquête Viavoice«Libération»,1Français sur 5avoue de la«sympathie»pour la nouvelleprésidentedu FN.PAGES 14­15

Mediator:le rapportaccableServierSANTÉ Un labo qui a «roulé dans la fa-rine» les experts; une police sanitaire«inexplicablement tolérante», uneagence «aveugle». Le rapport de l’Ins-pection générale des affaires sociales(Igas) sur le Mediator, rendu public sa-medi, est d’une extrême sévérité.La mission de l’Igas était limitée auxdéfaillances du système de santé, maisle rapport commence par un réquisi-toire contre le laboratoire Servier, quia délibérément trompé les autorités surla véritable nature du Benfluorex, lamolécule du Mediator.Le rapport montre comment le labo acaché que son produit était un coupe-faim dérivé des amphétamines pour lefaire reconnaître, à tort, comme anti-diabétique. Stratégie qui a contribué àson retrait si tardif, en 2009.

PAGES 12­13

Mondearabe

Aqui le tour?

SIPA

AP

AP

AFP

Zine al­Abidine Ben Ali Tunisie Hosni Moubarak Egypte

AFP

Abdelaziz Bouteflika Algérie Muammar al­Kadhafi Libye

Bachar al­Assad Syrie Abdallah II Jordanie

La chute de Ben Ali en Tunisie pourrait mettreen danger d’autres régimes autoritaires. PAGES 2­9

• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9230 LUNDI 17 JANVIER 2011 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 1700 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Au Liban, en Egypte ou en Jordanie, la «révolte dujasmin» est au centre de toutes les discussions.

La Tunisie,nouvel horizondu monde arabeS igne que les populations sont ra-

vies, les blagues ont commencéde fuser à travers tout le mondearabe à propos de la chute du

président Ben Ali. La plus impertinenteest venue du Liban et vise Michel Aoun,l’allié chrétien du Hezbollah, que l’ondit prêt à tout pour parvenir au pouvoir:«Savez-vous pourquoi les Tunisiens sontredescendus dans la rue et ont réclamé leretour de Ben Ali ? Non ? Parce qu’Aouna annoncé qu’il voulait se présenter à laprochaine élection présidentielle tuni-sienne.» A Beyrouth aussi, la chute deBen Ali est au centre des conversations.Un micro-trottoir dans quelques capi-tales arabes, diffusé hier par la télévi-sion qatarie Al-Jezira, montrait quel’onde de choc tunisienne dépassait lar-gement le Maghreb. «Si les régimes ara-bes ne donnent pas de droits à leurs peu-ples, ils vont subir le même sort qu’enTunisie», prédisait un Egyptien. Unejeune femme renchérissait: «C’est dansla rue que doit se retrouver l’opposition.»A Oman, on soulignait qu’une telle ré-volte «n’était pas arrivée dans le mondearabe depuis mille ans». Dans les Emiratsarabes unis, en revanche, les senti-ments étaient plus mitigés.

«ÉTINCELLE». C’est de Jordanie qu’estvenue la première réaction visible, avecdes manifestations vendredi contre lavie chère dans plusieurs villes, dontAmman, avec des slogans sans équivo-que: «Salutations aux Tunisiens» ou en-core «2011, année des changements dansle monde arabe». Elles n’ont réuni, selonles organisateurs, que 8000 personnes.

Dès mardi, le gouvernement jordanienavait annoncé le déblocage de 150 mil-lions d’euros pour des mesures visantà baisser les prix et créer des emplois.Dans la Syrie voisine, les autorités ontdécidé d’augmenter les aides au chauf-fage dont bénéficient deux millions depersonnes, et le président Bachar al-Assad reçoit depuis une semaine tousles corps constitués pour s’assurer deleur fidélité au régime. Mais c’est sur-tout l’Egypte qui retient l’attention. LeConseil supérieur de défense a exigé desministres qu’ils arrêtent «les déclara-tions incitatives sur la crise tunisienne».De son côté, l’imam d’Al-Azhar, cheikhAl-Tayeb, la plus haute autorité de l’is-lam sunnite, a jugé légitime le renverse-ment d’un chef d’Etat corrompu.«Evidemment, souligne Michel Noufal,responsable du quotidien libanaisAl Moustaqbal (pro-Hariri), on pense auxrépercussions possibles en Egypte, auSoudan aussi, après la sécession du Sud.Mais il y a une spécificité de la Tunisie: lebois était très sec, il ne manquait quel’étincelle –les conséquences de la crise enEurope.» «L’Egypte, aussi, était proched’une telle situation. Avant les attentats

contre les églises, on remarquait beaucoupde violences dans la rue et après les élec-tions [truquées, ndlr], le pays semblaitêtre un bateau à la dérive, ajoute le jour-naliste libanais. C’est pourquoi, je croisqu’Amn al-Daoula [la sécurité de l’Etat]est derrière ces attentats. Pour dévier l’at-tention de la population et transmettre unmessage aux Occidentaux : ce n’est pasle moment de faire pression sur nous pourplus de réformes et de démocratie.»

QUI­VIVE. Pour l’analyste Khattar AbouDiab, basé à Paris, «un mur psychologi-que s’est effondré dans le monde arabe»:«D’autant plus que personne ne s’atten-dait à un effondrement du régime aussi ra-pide. C’est l’événement le plus importantdepuis la décolonisation et, comme pourla chute du mur de Berlin, cela arrive parsurprise. Désormais, plus rien n’est im-possible. Il y a un avant Tunis et un après.Tous les régimes arabes en tireront des en-seignements. Il est probable que la succes-sion de Moubarak va être modifiée. Maisla contagion tunisienne ne sera pas mas-sive. Elle se fera au coup par coup.»A présent, la plupart des dirigeants ara-bes sont sur le qui-vive, et aucun nes’est félicité de la chute de Ben Ali.Même Damas, qui a cependant fait sa-luer l’événement par Al Watan, un quo-tidien proche du pouvoir: «C’est une le-çon qu’aucun régime arabe ne devraitignorer, en particulier ceux qui mènent lamême politique que celle de la Tunisie etcomptent sur “les amis” pour les proté-ger.» A l’inverse, Muammar al-Kadhafia osé saluer l’autocrate déchu : «Vous[les Tunisiens] avez subi une grandeperte. Il n’y a pas mieux que Zine [el-Abi-dine Ben Ali]. Je n’espère pas seulementqu’il reste jusqu’en 2014, mais à vie.» •

Par JEAN­PIERRE PERRINEnvoyé spécial à Beyrouth L’ESSENTIEL

LE CONTEXTELa chute de Ben Ali inquiète lesdictateurs du monde arabe.

L’ENJEULa démocratie peut­ellel’emporter dans les paysmusulmans ?

Une bâche à l’image de Ben Ali en partie arrachée, dans le centre de

Sit­in à l’ambassade tunisienne de Jordanie, samedi. K. MAZRAAWI. AFP

Manifestation protunisienne, à Rabat (Maroc), jeudi. A. SENNA. AFP

ALGÉRIEDes émeutes ont lieu depuis le débutdu mois à cause de la hausse desprix, du chômage et de la crise dulogement. La presse algérienne suitavec attention ce qui se passe chezson voisin. El Watan insistant sur «ledéfi de la transition démocratique».

REPÈRES MAROCL’Organisation marocaine des droitsde l’homme (OMDH) a appelé,vendredi, à la création d’unecommission d’enquête internationalesur les événements de Tunisie. Lundidernier, Rabat a interdit une manifes­tation de soutien aux Tunisiens.

ÉGYPTEDès vendredi soir, des dizainesd’Egyptiens se sont joints au Caire àdes Tunisiens qui célébraient ledépart de Ben Ali devant leurambassade. La presse locale, àl’image d’Al Chourouq, réserve uneset cahiers spéciaux à la Tunisie.

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 20112 • EVENEMENT

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Pour le chercheur Gilles Kepel, les régimesvoisins suivent de près le dossier tunisien:

«L’inquiétudeest visible danstoute la région»P rofesseur à Sciences-Po Pa-

ris et spécialiste du mondearabo-musulman, Gilles

Kepel (1) analyse les contrecoupsde la révolution tunisienne sur lesopinions publiques et les régimesdes autres pays arabes.Quel peut être l’effet de ce mouve-ment?Il faut d’abord en analyser la spé-cificité. Jusqu’ici, la révolution tu-nisienne a été portée avant toutpar une classe moyenneéduquée et largementlaïcisée. Ce mouvementétait en cela très diffé-rent des émeutes quiont secoué l’Algériedébut janvier, où leséchauffourées étaientsurtout le fait de jeunesmarginalisés et déclassés qui atta-quaient avant tout des magasinsou des symboles de la classemoyenne, faute de pouvoir s’enprendre à un Etat trop fort. En Tu-nisie, le mouvement a démarréaprès l’immolation d’un jeune di-plômé qui en était réduit à vendredes fruits et légumes, et qui a étévictime de la brutalité et de la cor-ruption de la police. Cela est unsymbole qui parle à l’ensemble dumonde arabe où, partout, on peuttrouver de telles situations. Mais laspécificité du cas tunisien résidedans le fait que ce geste ait eu untel effet. La classe moyenne a étécapable de descendre dans la rueet de forcer Ben Ali au départ.Certes, cette victoire n’aurait pro-bablement pas été possible, ou dumoins pas aussi rapidement, sil’armée n’avait pas basculé contrece dictateur qui, toujours, s’étaitméfié d’elle, s’appuyant avanttout sur la police.Un tel scénario serait-il possibledans d’autres pays arabes?La grande chance de la Tunisie estde ne pas être un Etat pétrolier.C’est la classe moyenne qui pro-duit la richesse du pays, ce qui luia permis de se construire de façonautonome. Mais cette classemoyenne productive, dynamique,en a eu de plus en plus marred’être pillée par la famille et labelle-famille de Ben Ali. Dans

beaucoup d’autres pays arabes,dont ceux du Golfe où je me trouveactuellement, on suit avec passionce qui se passe à Tunis, mais cesclasses moyennes et ces éliteséduquées sont tenues par le faitqu’elles vivent sur la rente pétro-lière distribuée par leurs régimesrespectifs. En Syrie, il y a la rentelibanaise. En Egypte, la classemoyenne vit essentiellement del’Etat. Il n’en reste pas moins que

partout, ce mouvementsuscite l’espoir de cescouches éduquées, leurdonnant le sentimentde pouvoir enfin re-trouver le vent de l’his-toire. Après 1989 et lachute du Mur, la démo-cratisation a peu ou

prou progressé partout, sauf dansle monde arabe. Une différencevécue comme une malédiction etune castration politique. Je croisen outre que l’intérêt pour ce quipasse à Tunis est d’autant plus fortque, pour le moment du moins, lesislamistes ne jouent pas un rôleclé. Mais tout dépend aussi de cequi va se passer ces prochaines se-maines, et notamment de la capa-cité du nouveau pouvoir à arrêterles violences et éviter qu’elles nedeviennent des violences declasse, celle des déshérités et desexclus contre la classe moyenne.Les autres régimes ont-ils peur?Leur inquiétude est visible danstoute la région. D’autant que par-tout, les jeunes, notamment, neparlent que de ça, multipliant lesblagues du genre «l’avion qui em-mène Ben Ali fuyant la Tunisie s’ar-rête à Charm el-Cheikh, en Egypte,pour prendre un nouveau passa-ger», etc. Parler de ce qui est ar-rivé au régime de Ben Ali, c’estévidemment pour tous un moyende parler très crûment de la cor-ruption, du népotisme, de la ré-pression de leurs dirigeants res-pectifs. Ils vivent comme unerévolution par procuration, maisje crois que celle-ci pourra diffici-lement se faire ailleurs.

Recueilli par MARC SEMO(1) Dernier ouvrage paru: «Terreur etMartyre», éd. Flammarion, 2008.

Par LAURENT JOFFRIN

L’appelde la libertéIls ont bonne mine, les gourous dudifférentialisme, les grands prêtresdu choc des civilisations, les savantsprophètes de l’identité soi-disantirréductible. Pour eux, aucun doute :dans le monde arabe, la démocratien’avait aucune chance,les musulmans ne voulaient pas dela liberté, l’islam était imperméableaux valeurs universelles, qui ne sontqu’un luxe réservé aux Occidentaux.Souvenons-nous de Jacques Chiracréécrivant la déclaration de 1789 :«Le premier des droits de l’homme,c’est manger, être soigné, recevoirune éducation et avoir un habitat.De ce point de vue, il faut bienreconnaître que la Tunisie est très enavance.» Sous-entendu : ceux quiréclament des libertés publiques enterre d’islam sont des importuns,des rêveurs ou, pire, des colonialistesdéguisés. Et voilà qu’àl’ébahissement des chancelleriesoccidentales, prenant à contre-piedtous les résignés de la realpolitik,un pays musulman descend dans larue et chasse un dictateur corrompuet brutal qu’on disait indéracinable.Mieux, dans tout le monde arabe,les cousins de Ben Ali, les Bouteflika,les Moubarak ou les Khadafi, cetteSainte Alliance du nationalismedécati et de la torture dans les caves,commencent à trembler devant leurspeuples et à vérifier dans la fièvreque leurs policiers les soutiennenttoujours.Bien sûr, faute d’avoir prévule passé, les réalistes se rattrapent enjouant les Cassandre. L’illusionlyrique ne durera pas, pensent-ils,l’anarchie risque de déboucher surune autre dictature et si, d’aventure,la démocratie s’installe, elle pourraitprofiter d’abord aux islamistes quiont capté l’esprit des couchespopulaires. L’hypothèse, d’ailleurs,n’est pas invraisemblable :le vieux leader intégriste tunisienRached Ghannouchi, retiré àLondres, peut revenir en gloire etlancer avec succès sa formationjusque-là réprimée, Hizb Ennahda(le parti de la renaissance), dansune élection libre.Mais nous n’en sommes pas là.Aujourd’hui, le peuple tunisien adémontré que l’appel de la libertérencontre un écho universel et, quel’on soit Chinois, Iranien ou Arabe,on préfère à toutes les dictatures– celle d’Allah ou celle du Parti – unrégime où les droits sont reconnus etoù les dirigeants sont soumis auverdict du peuple. Un régime où,comme disait Winston Churchill,«quand on sonne chez vous à6 heures du matin, vous êtes sûrque c’est le laitier».Les diplomaties occidentales quisoutiennent sans discontinuer lesrégimes en place, abandonnant leursprincipes pour se trouver du côté dumanche, pourraient commencer àle comprendre. •

ÉDITORIAL

Manifestation étudiante à Sanaa, capitale yéménite, hier. G. NOMAN. AFP

Devant l’ambassade tunisienne du Caire (Egypte), samedi. M. ABED. AFP

JORDANIE3000 syndicalistes, islamistes et mili­tants de gauche ont participé hier àun sit­in à Amman. «Jusqu’à quandcontinuerons­nous à payer le prix dela corruption?» Al Doustour consacred’ailleurs sa une à la Tunisie ainsi qu’àla hausse des prix en Jordanie.

YÉMENUn millier d’étudiants ont manifesté, hier àSanaa, appelant les Arabes à se soulever contreleurs dirigeants à l’instar des Tunisiens. «Partezavant d’être déposés», proclamait une pancarte.Le quotidien progouvernemental Al Thawrareléguait, lui, la Tunisie en pied de une, insistantsur «l’anarchie régnant dans le pays».

AFP

Tunis, hier. PHOTO CHRISTOPHE ENA. AP

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 • 3

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Méthodiquement dépouillées ce week-end, les demeures de la belle-famille de Ben Ali sont devenues un lieu de pèlerinage pour les Tunisiens.

Dans les villas des Trabelsi, colère, pillage et envieL a grande porte d’enceinte de la

villa est ouverte et celle de lamaison défoncée. Dans la pis-cine flotte un matelas, un tuyau

d’arrosage et quelques débris non iden-tifiables. Une tête de mouton et unelangouste reposent au fond. «Vousvoyez, nous, on a du mal à s’offrir dessardines à 3 dinars le kilo ; eux, ils man-gent de la langouste!» s’exclame Foufou,chauffeur de taxi. Autour delui, une dizaine de personnessont venues admirer le spec-tacle dans la villa de Moez Trabelsi, l’undes neveux de l’ex-président Zine el-Abidine ben Ali. Cette résidence de400 m2 n’est ni la plus belle, ni la plusgrande, de la banlieue chic de Gamart,au nord-est de la capitale tunisienne,

mais elle appartient au clan des Tra-belsi. Depuis vingt-trois ans, cette fa-mille cristallise toutes les haines desTunisiens, car elle est le symbole mêmedes injustices de tout un système. Traficd’influence, bakchich systématiquepour obtenir des contrats, détourne-ment de biens publics. Les Trabelsi, unefamille de va-nu-pieds il y a un quartde siècle, a pu mettre le pays en couperéglée et prendre le contrôle de ses res-

sources les plus juteuses grâce à la«coiffeuse», Leïla, la seconde femmedu raïs qu’il a épousée en 1992 aprèsquatre années de liaison et le divorced’avec sa première femme.Moncef Trabelsi, le frère de Leïla, étaitun ancien travailleur en Libye, qui aprospéré dans le bâtiment. Ses fils,Imed, tué hier à coup de poignard, etMoez étaient impliqués dans plusieursaffaires, notamment le vol de troisyachts de luxe en France, entre 2005et 2006. L’un d’eux appartenait à Bruno

Roger, de la banque d’af-faire Lazard frères à Paris,un proche de Jacques Chi-

rac et de Nicolas Sarkozy. Le bateau futrapatrié sur pression de Paris, mais seulsdes comparses furent jugés en France.La Tunisie de Ben Ali a toujours refuséd’extrader les neveux de l’ex-présidentet a tout fait pour étouffer l’affaire.

Vendredi, dès que l’informa-tion du départ de Ben Alis’est propagée, les Tunisiensn’ont pas attendu une mi-nute pour se venger de lafamille honnie. Plusieurs vil-las des Trabelsi et Ben Ali ont

été saccagées. Les vitres pare-ballesbrisées, les lustres arrachés, les voituresdans les jardins incendiées.Chez Moez Trabelsi, trois jours après,des débris de verre, des papiers et desDVD traînent toujours sur le sol de laterrasse, avec vue somptueuse sur lamer. Comme beaucoup, Zeid, entrepre-neur de 62 ans, est venu «voir». «Je suissoulagé, raconte-t-il. Ça veut dire quetout ce qui est au peuple revient au peuple,et tout ce qui est à l’Etat revient à l’Etat.On ne meurt jamais sans devoir un jourpayer ses crimes.» Zeid sait de quoi ilparle, il a eu directement affaire au clanTrabelsi lorsqu’il a tenté de monter uneentreprise de construction à Gamart.Pendant trois mois, son chantier a étébloqué, au point que l’homme s’est en-detté. «Chaque jour, les règles chan-geaient et les travaux n’étaient plus auxnormes. En fait, Moncef Trabelsi ne vou-lait pas de concurrent dans le domaine dela construction», affirme-t-il.Porsche. Amel, institutrice à la Marsa,voulait absolument profiter de son di-manche pour voir «ce qu’il reste aprèsvingt-trois ans du vol de la Tunisie et desTunisiens». L’un de ses frères, qui tra-vaille à la douane, aurait réceptionnéune Porsche d’une valeur de 550 000dinars (280000 euros) au nom du fils del’ex-président, Mohamed Zine el-Abi-dine Ali. «Mais son fils a 5 ans, commentil va la conduire ? C’est indécent !» s’ex-clame l’institutrice. «Les gens voient quedes proches, avec des diplômes d’ensei-gnement supérieur, ne trouvent pas detravail et que des messieurs illettrés de-viennent les plus riches, et même pas sim-plement de Tunisie», poursuit-elle, le vi-sage encadré par un foulard mauve, unecopie d’un sac Dolce & Gabbana à lamain. A côté d’elle, Ahmed, étudiant de20 ans en physique, est en train de dé-terrer des plantes. «Ce n’est pas du vol,

c’est eux qui nous ont volés et puis, c’estla révolution, se justifie-t-il. Le peuple estaccablé d’impôts, la vie est trop chère ettous ces hommes de la famille Trabelsi sesont enrichis sur notre dos.» Zeid, lui,ressort de la maison avec un morceaude cristal arraché d’un lustre. «Un sou-venir», dit-il.A côté de la villa, les autres maisonssont intactes. Jusqu’à une autre maisondu clan Trabelsi, 500 mètres plus loin.

Là, les pilleurs ont ciblé celle d’Adel, lefrère de l’ex-Première Dame, officielle-ment instituteur de son métier. «Il a puse payer un palace en marbre avec un as-censeur qui dessert un seul étage», plai-sante Azzedine Bhira, une casquettevissée sur la tête. Il est mécanicien, eta réparé de nombreuses voitures dupropriétaire des lieux. Sa femme estinstitutrice et gagne 500 dinars(250 euros) par mois. Il raconte que la

«ETAT CRITIQUE» POURUN PHOTOGRAPHE

Zeid, entrepreneur, ressortde la maison avec un morceaude cristal arraché d’un lustre.«Un souvenir», dit-il.

Gravementblessévendredi àTunis, lephotographefranco­allemandLucas

Mebrouk Dolega était hier soir dansun état «extrêmement critique»,selon sa famille, qui a démenti samort, annoncée quelques heuresplus tôt.Il couvrait, pour l’agence EuropeanPressphoto Agency (EPA), lesmanifestations dans le centre deTunis quand il a été touché à l’œil età la tempe gauche par une grenadelacrymogène tirée «à bout portant»par un policier, selon son confrèreJulien Muguet.Agé de 32 ans, Lucas Mebroukvon Zabiensky, de son vrai nom, aété opéré à l’Institut national deneurochirurgie de Tunis puis placéen coma artificiel. Joint avantle démenti des proches duphotographe, le responsable d’EPAà Paris, Horacio Villalobos, a qualifiésa mort de «véritable assassinat».

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REPORTAGE

Par LÉA­LISA WESTERHOFFEnvoyée spéciale à Tunis

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 20114 • EVENEMENT

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Méthodiquement dépouillées ce week-end, les demeures de la belle-famille de Ben Ali sont devenues un lieu de pèlerinage pour les Tunisiens.

Dans les villas des Trabelsi, colère, pillage et envieDes dizaines devictimes dans lecentre et l’ouest.

Week-endnoir enprovince

D ans le reste du pays,une série d’exactionset de tirs ont semé la

panique et fait de nombreu-ses victimes ce week-end.L’événement le plus meur-trier a eu lieu samedi àMonastir, dans le centre-estde la Tunisie. A la suite d’uneattaque près de la prison, undétenu a mis le feu à un ma-telas dans un dortoir héber-geant près de 90 détenus. Aumoins 42 prisonniers ontpéri dans l’incendie.A Messadine, dans la mêmerégion, une vingtaine defemmes ont été blessées pardes éléments incontrôlés ha-billés en policiers. Au préala-ble, ils avaient répandu larumeur d’une fausse libéra-tion de prisonniers. Plus ausud, à Mahdia, l’attaque ducentre de détention a faittrois blessés, selon le direc-teur de l’hôpital de la ville,Radhouane Harbi, qui a évo-qué la possibilité de mortsdans le bâtiment. Des tenta-tives d’assauts à Kasserine,dans l’ouest, ont été signa-lées à l’AFP.C’est dans ce climat de vio-lence que les autorités ontprocédé à l’arrestation deplusieurs membres de l’an-cien régime suspectés d’êtreà l’origine de cette campa-gne de terreur. Ainsi, le ne-veu de Ben Ali, Kaïs ben Ali,a été pris en flagrant délitdans la nuit de samedi à di-manche. Il a été interpellépar l’armée à Msaken (cen-tre) avec dix autres person-nes qui «tiraient en tous sens»à bord de trois véhicules depolice roulant à vive allure.Alors qu’il tentait de s’enfuiren Libye, l’ex-directeur gé-néral de la sécurité présiden-tielle, le général Ali Sériati, aété arrêté par les forces desécurité à Ben Guerdane,dans le sud du pays. Lesautorités l’ont formellementaccusé, hier, d’être à la têtedes hommes se livrant à cesexactions.Sans violence, cette fois,l’armée a dispersé, hier àRegueb (centre-ouest), unemanifestation de 1 500 per-sonnes qui réclamait un vraichangement politique. Danscette localité de 8000 habi-tants, les rassemblementsavaient été durement répri-més par la police le week-end dernier.

S. Étr.

La villa deBelhassenTrabelsi, le frèrede Leila ben Ali, àla Soukra (au nordde Tunis), samedi.PHOTO HASSÈNEDRIDI. AP

maison, comme toutes les autres, a étéconstruite sur un terrain non construc-tible qui appartient à l’Etat et que la fa-mille a décidé de s’accaparer sans rienpayer. L’ état des lieux est plus ou moinsle même que dans l’autre maison. Por-tes éventrées, fenêtres pare-balles dé-foncées, l’ascenseur a brûlé. Même lesprises électriques ont été démontées etles câbles électriques arrachés. Il nereste plus que le sol en marbre, incassa-

ble, les fausses moulures dorées et lasublime vue sur la mer.Milliards. «On n’est pas choqué», es-time Moncef Bey, le petit-fils de l’ex-roide Tunisie, venu en promeneur du di-manche. «C’est le peuple qui se venge, ilfallait bien que ça arrive un jour, puisqueles Trabelsi ont trop pris d’argent et celan’allait pas s’arrêter.» Le clan est accuséd’avoir détourné 5 milliards de dollars.Mais, tout à coup, l’un des visiteurs

s’énerve en voyant des journalistes. Ilhurle, demande ce qu’on fait là et nousdemande de déguerpir. Une jeunefemme intervient: «voir des journalistescomme ça, c’est nouveau pour nous»,s’excuse-t-elle. «Tout le monde eststressé, il y a eu des tirs ici la nuit der-nière. Mais ne vous inquiétez pas les cho-ses vont se calmer. On va se débrouillertout seul et bientôt, vous allez voir la nou-velle Tunisie !» •

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 EVENEMENT • 5

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Enpleinchaos,Tunissechercheunpouvoir

Alors que l’armée et la police luttentcontre les milices fidèles à Ben Ali,le Premier ministre tente de formerun gouvernement avec l’opposition.

Par CHRISTOPHE AYAD

P endant qu’une lutte sauvagefait rage entre organes de sécu-rité à Tunis, une course contrela montre est engagée pour

combler le vide du pouvoir au sommetde l’Etat tunisien. L’armée et la police,loyales aux nouvelles autorités, se sontbattues hier dans les rues du centre deTunis et au palais présidentiel de Car-thage pour tenter de désarmer les mili-ces restées fidèles à Ben Ali. Ces derniè-res ont semé la terreur tout au long du

week-end, pillant, rançonnant les ci-toyens, s’attaquant à des prisons, deshôpitaux et des supermarchés.D’autres, postés sur les toits ou circu-lant dans des taxis et des voitures de lo-cation, tiraient sur les passants pour se-mer la terreur et le chaos.Fuite en avant. Pour tenter de coupercourt à cette campagne de déstabilisa-tion, les nouvelles autorités (dans les-quelles le général Rachid Ammar, chefd’état-major de l’armée de terre, sem-ble jouer un rôle décisif) ont fait arrêterle général Ali Sériati, chef de la garde

présidentielle et grand ordonnateur dela campagne de répression et de torturedans les années 90. Il était en fuite, toutprès de passer en Libye, où le colonelKadhafi soutient encore ouvertementBen Ali. Kaïs ben Ali, le neveu du dicta-teur déchu, a aussi été appréhendé, lesarmes à la main. Ces arrestations, ainsique l’assaut donné au palais présiden-tiel où sont réfugiés des jusqu’au-bou-tistes de l’ancien régime, devraient fairebaisser le niveau de violence dans lesjours à venir.La fuite en avant des nostalgiques dubenalisme a eu le mérite de faire bascu-ler le Premier ministre, Mo-hamed Ghannouchi, qui aservi le dictateur déchu de-puis 1988, dans le camp de la«révolution du jasmin».Contraint de rendre son ta-blier de président par inté-rim, samedi, au profit duprésident de l’Assemblée –conformé-ment à la légalité institutionnelle– et ànouveau nommé Premier ministre, il aconsulté activement, hier, en vue deformer un gouvernement qui pourraitêtre annoncé dès aujourd’hui.Selon une source bien informée, le nou-veau gouvernement Ghannouchiconserverait trois ministres issus duRassemblement constitutionnel démo-cratique (RCD) au pouvoir sous Ben Ali,dont Ahmed Friaâ, le ministre de l’Inté-rieur nommé mercredi dernier par…Zine el-Abidine ben Ali. Ce qui fait déjàgrincer des dents dans les rangs del’opposition la plus radicale. Le Forumdémocratique pour le travail et les li-bertés de Moustafa Ben Jaafar obtien-drait le portefeuille de la Santé, le Partidémocrate progressiste de Néjib Chebbi

RACHID AMMARLe chef de l’arméede terre, 63 ans, ajoué un rôle centraldans la chute deBen Ali. C’est lui qui,tout en acceptantde déployer seshommes, a refuséde tirer sur lesmanifestants.Limogé sur lechamp, il a reprisses fonctionssamedi. Depuis, iltente de prendre lecontrôle d’unesituation chaotique.Ses hommes ontarrêté l’ex­chef dela sécuritéprésidentielle,Ali Sériati, pourincitation audésordre.PHOTO OTAN

celui des Régions, Ettajdid, d’AhmedBrahim, l’Education. Outre ces troispartis d’opposition légaux, un porte-feuille serait dévolu à un membre de lacentrale syndicale UGTT, en pointe dansles manifestations depuis un mois, unautre à la Ligue tunisienne des droits del’homme (LTDH) et un pour les repré-sentants des avocats…Méfiance. Dans l’opposition non lé-gale, dont les islamistes d’Ennahda (lireci-contre), les communistes du PCOTde Hamma Hammami et le Congrèspour la république de Moncef Marzouki,cet arrangement, s’il se confirmait,

laisse un goût amer. «Nous avons peurque la révolution soit confisquée, confieHoucine Jaziri, représentant d’Ennahdaà Paris. Ce qui se passe n’est pas très clairet il ne faut pas que les choses soient déci-dées en catimini, dans un coin. Il faut laconsultation la plus large possible parceque si le peuple se sent trahi, il descendraà nouveau dans les rues et cela causera denouveaux morts.» Même méfiance ducôté de Marzouki: «Le système en placeest en train de concocter un gouvernementavec l’ancien parti de Ben Ali et les partisd’opposition légaux sous la dictature :PDP, Forum démocratique et Ettajdid». Labelle unité affichée pendant les annéesde lutte, d’exil et de répression va-t-ellese fracasser sur le réveil des ambitionspersonnelles qui risque d’accompagnerle retour à la démocratie ? •

MOHAMEDGHANNOUCHICet économiste de69 ans, vu commeun réformateur, aété président parintérim pendantmoins de vingt­quatre heures.Premier ministredepuis 1999, il aassumé laprésidence,vendredi soir, avantde se ranger à lalégalité et de rendreson tablier auprésident del’Assemblée.Chargé de formerun gouvernementd’union nationale,va­t­il réussir àsauver le RCD,le parti au pouvoir?PHOTO F. BELAID. AFP

«Le système en place est en train deconcocter un gouvernement avecl’ancien parti de Ben Ali et les partisd’opposition légaux.»Moncef Marzouki du Congrès pour la République

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 20116 • EVENEMENT

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Paris gèle les avoirsdu président déchu.

Sur la pistedes fondsde Ben Ali

F inalement, ce fut Djedda, au bordde la mer Rouge. Dans sa fuite pré-cipitée, vendredi soir, il semble

bien que Ben Ali ne savait pas, au mo-ment de décoller de Tunis, où il allait at-terrir. Après une escale technique enSardaigne, le jet du chef de l’Etat déchua pris la direction de l’Arabie Saoudite.Le cabinet du roi Abdallah s’estcontenté d’annoncer l’accueil de cethôte encombrant «en considération pourles circonstances exceptionnelles que tra-verse le peuple tunisien». Ben Ali devraitêtre tenu à une obligation de réserve etil semble qu’il n’ait pas l’intention des’éterniser dans le royaume, dont lemode de vie austère ne convient pasforcément à sa turbulente famille. Il y ade fortes chances que, dans les semainesà venir, Ben Ali déménage pour la Libye.Kadhafi, qu’il connaît depuis 1974, adéclaré samedi toujours le considérercomme le président légitime de la Tuni-sie. Les deux hommes sont liés par demultiples intérêts financiers.Ailleurs, la traque des capitaux deBen Ali s’organise. Dans un communi-qué diffusé samedi, l’Elysée a indiquéque la France avait «pris les dispositionspour que les mouvements financiers sus-pects concernant des avoirs tunisiens enFrance soient bloqués administrative-ment». Une mise sous surveillanceconfirmée par le ministre du Budget,François Baroin. Tracfin, le service anti-blanchiment de Bercy, a reçu pour mis-sion «d’informer les établissements fi-nanciers [pour qu’ils exercent] unevigilance sur tous les mouvements finan-ciers qui concernent les avoirs de la familleet de l’entourage de l’ancien président BenAli, a précisé le ministre. Tracfin pourraainsi bloquer les opérations et, le caséchéant, saisir l’autorité judiciaire».Dimanche, Tracfin a invité les banquesà des «mesures de vigilance» visant lesopérations des clients ayant «exercé desfonctions politiques, juridictionnelles ouadministratives en lien avec la Tunisie»,de leurs associés ou membres de leurfamille. Les établissements sont tenusde signaler «les retraits substantiels enespèces, achats de métaux précieux, en-vois de fonds vers l’étranger» afin de per-mettre à Tracfin d’opérer le blocage.«C’est une façon de reconnaître que larestitution de l’argent détourné est cen-trale pour les Tunisiens, commenteWilliam Bourdon, avocat de Transpa-rence international France, à l’originedes plaintes sur les «biens mal acquis»des chefs d’Etat africains. «Si les avoirssont bloqués, il est essentiel que leur resti-tution soit validée par une commission adhoc, et que les fonds ne soient pas remis àun gouvernement n’offrant pas des garan-ties suffisantes d’intégrité», soulignel’avocat. L’Elysée s’est déclaré prêt à ré-pondre «à toute demande» émanant des«autorités constitutionnelles [de Tunis]sur des avoirs tunisiens en France».

CHRISTOPHE AYAD et KARL LASKE

Rached Ghannouchi, chef en exil du parti islamiste modéré Ennahda:

«Le pays ne peut être dirigé quepar un gouvernement de coalition»L e régime tunisien s’est longtemps

acharné à le présenter comme le«Khomeiny» de la Tunisie. Pourtant,

le leader islamiste tunisien Rached Ghan-nouchi n’a rien de l’ayatollah chiite révérépar le petit peuple et le clergé, dont le re-tour avait scellé la chute du chah d’Iran.Depuis Londres, où il vit en exil depuis deuxdécennies, le chef du mouvement islamistetunisien interdit Ennahda («renaissance»)a assisté plus en spectateur qu’en acteur àce qu’il appelle «la révolution». Joint par Li-bération, il annonce son retour d’ici «deuxou trois jours». Malgré l’insécurité que fontplaner les milices du pouvoir déchu et mal-gré la condamnation à la prison à perpétuitédont il a été l’objet en 1992. «Cette condam-nation a été prononcée sous l’ancien régime.Elle n’a aucune valeur.» Même chose à pro-pos de l’interdiction d’Ennahda, issu, à lafin des années 80, du Mouvement de la ten-dance islamique (MTI).Libérés. Pourtant, tout avait bien com-mencé entre Ben Ali et Ghannouchi. Con-damné à mort par Bourguiba, le leader is-lamiste est gracié par Ben Ali à son arrivéeau pouvoir. En guise de «remerciement»,Ghannouchi supprime toute référence àl’islam de l’intitulé de son parti et acceptele statut de la femme (particulièrementavancé en Tunisie, où polygamie et répu-diation sont interdites), ainsi que l’avorte-ment autorisé. Mais lorsqu’Ennahda dé-

cide de présenter des candidatsaux élections de 1989, tout segâte. Le parti prétend avoir fait22% alors que le RCD de Ben Alirafle tous les sièges. La répres-sion peut commencer :30000 islamistes sont mis sousles verrous, la plupart des ca-dres sont condamnés à des peines allant decinq ans à la perpétuité. Sadok Chourou nesortira ainsi de prison que dix-neuf ansplus tard. La quasi-totalité des «nahdis-tes» ont en effet été libérés… après avoirété brisés.En exil, Ghannouchi est coupé de son parti,laminé par la répression. Aujourd’hui, toutest à reconstruire. «Tous les partis ont été af-faiblis par la répression, explique RachedGhannouchi. Nous avons besoin de cinq à sixmois avant des élections vraiment démocrati-ques.» Pendant cette transition, le chefd’Ennahda se déclare prêt à participer à ungouvernement «si cela peut aider». Mais ilaffirme ne pas être demandeur. «Pour l’ins-tant, il n’y a pas de contact.» En fait, le Pre-mier ministre Mohamed Ghannouchi –unhomonyme– se serait entretenu hier pourla première fois au téléphone avec HamadiJebali, le «porte-parole» d’Ennahda en Tu-nisie. Seule condition posée par RachedGhannouchi: «Le RCD devra être dissous etle gouvernement de transition ne devra pascomporter de personnalités symbolisant l’an-

cien régime.» Reste à savoir quelimpact son retour peut avoir. A69 ans, Rached Ghannouchi estun homme âgé, inconnu de laplupart des Tunisiens, surtoutdes jeunes, qui n’ont jamais eul’occasion d’entendre ce profes-seur de philosophie tenu pour

l’un des plus brillants penseurs de l’islampolitique de sa génération avec le SoudanaisHassan al-Tourabi. Il compte sur les milliersde cadres d’Ennahda qui vivent en Tunisiepour redonner vie au parti.«Pacifique». A ceux qui s’inquiètent d’unbasculement du pays dans l’intégrisme, ilrépond: «Ben Ali a essayé de nous associerau fondamentalisme et au terrorisme. C’est unmensonge. Nous sommes proches du Parti dela justice et du développement [l’AKP d’Erdo-gan] en Turquie. Nous sommes pour la démo-cratie, pour le statut de la femme en Tunisie.Nous sommes un mouvement pacifique et mo-déré.» Il souligne que plus de 400 membresd’Ennahda ont obtenu le statut de réfugiépolitique en Occident et que «jamais un seuln’a été soupçonné de terrorisme». «Aucunparti ne peut aujourd’hui prétendre être majo-ritaire en Tunisie, conclut-il. Le pays ne peutêtre dirigé que par un gouvernement de coali-tion.» Un haut cadre d’Ennahda ajoute queles islamistes n’envisagent pas de présenterde candidat à la prochaine présidentielle.

CHRISTOPHE AYAD

AFP

FOUAD MEBAZAALe présidentde l’Assemblée, quiassure la présidencepar intérim, est unapparatchikblanchi sousle harnais.A 78 ans, il a serviBourguiba – commemaire de Carthagepuis ministre –autant que Ben Ali.Président d’uneAssemblée auxordres depuis 1997,il a fait voter toutesles lois liberticidessous le dictateurdéchu. Est­ilcrédiblepour mener à bienune transitiondémocratique?PHOTO FETHIBELAID. AFP

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 EVENEMENT • 7

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La communauté tunisienne a célébré le départ du président Ben Ali, place de la République, à Paris, samedi. PHOTO LIONEL CHARRIER. MYOP

Lavolte-facetardivedelaFranceSarkozy, mais avant lui Chiracet Mitterrand, ont soutenu sansréserve le régime de Ben Ali.Par MARC SEMO

S i tard, si peu, si mal. Sa-medi seulement Paris a finipar abandonner son lan-gage d’extrême prudence

sur la crise en Tunisie. «Depuisplusieurs semaines, le peuple tuni-sien exprime sa volonté de démocra-tie et la France que tant de liensd’amitiés unissent à la Tunisie luiapporte un soutien déterminé», aaffirmé le président français, Ni-colas Sarkozy. La veille au soir en-core, vendredi, alors même que letyran renversé fuyait vers Djeddaen Arabie Saoudite, un communi-qué laconique de l’Elysée com-mentait ainsi la révolution triom-phante à Tunis: «La France prendacte de la transition cons-titutionnelle annoncée parle premier ministre Ghan-nouchi. Seul le dialogue peut appor-ter une solution démocratique et du-rable à la crise actuelle.» Et enconclusion l’Elysée rappelait quela France se tient «aux côtés dupeuple tunisien dans ces heures dé-cisives». En langage diplomatiquecela s’appelle un service mini-mum, d’autant que ce texte arri-vait bien après les communiquésde Berlin ou de Londres saluantchaleureusement le changementen cours. Sans même parler de Ba-rack Obama qui, évoquant «lecourage et la dignité» des Tuni-siens, renchérissait : «Nous noussouviendrons longtemps des imagesdu peuple tunisien cherchant à faireentendre sa voix.»

CIRCONSTANCES. Le changementde ton de l’Elysée est donc bientardif et dicté par les circonstan-ces. Il suit le renversement d’unraïs considéré longtemps par Pariscomme un allié et un facteur destabilité pour sa lutte contre l’isla-misme. Prenant argument du dy-namisme de l’économie tuni-sienne comme des succès durégime en matière d’éducation, unhéritage de l’époque de Bour-guiba, le père de l’indépendance,les autorités françaises fermaientles yeux sur le reste, la persécutionde tous les opposants ou considé-rés comme tels, les violations ré-

gulières des droits de l’homme etles tortures. En visite à Tunis enavril 2008, Nicolas Sarkozy n’hé-sitait pas à affirmer: «Certains sontbien sévères avec la Tunisie qui dé-veloppe sur bien des points l’ouver-ture et la tolérance.» Et il ajoutaitau grand dam des défenseurs desdroits de l’homme que «l’espacedes libertés progresse».

AVEUGLEMENT? Certes, ses pré-décesseurs, aussi bien JacquesChirac que François Mitterrand,ne furent guère plus critiques surles dérives autocratiques de BenAli. Et aussi bien à gauche – avecpar exemple le maire socialiste deParis Bertrand Delanoë- qu’àdroite, le régime pouvait compter

sur de nombreux relaispolitiques. Jeudi seule-ment à la veille de la

chute du dictateur, le premier mi-nistre François Fillon a dénoncé«un usage disproportionné de laforce» dans la répression des ma-nifestations qui avaient déjà faitau moins 80 morts.L’avant-veille, devant le parle-ment, la ministre des Affairesétrangères Michèle Alliot-Marieproposait au gouvernement tuni-sien «le savoir-faire reconnu dansle monde entier de nos forces de sé-curité» pour l’aider à faire face àla situation sans trop d’effusion desang. Des propos qui ont scanda-lisé nombre de Tunisiens deFrance comme une bonne partiede l’opposition.La lenteur de la réaction françaisecomme son caractère timorémême après le départ de Ben Alireste difficilement explicable.Aveuglement? Mauvaise informa-tion? C’est surtout au travers desfrancophones que politiques et di-plomates agissent au Maghreb etdonc avec des gens qui leur res-semblent. Il n’y a pas non plus vé-ritable stratégie française dans larégion sinon celles de divers ré-seaux idéologiques, financiers ouamicaux. La politique de Paris os-cille entre Alger et Rabat, tentantde concilier l’inconciliable. Ce«long silence complice» que pour-fend le socialiste François Hol-lande laissera des traces. •

ANALYSE

Des opposants au régime s’apprêtent à revenir en Tunisie.

«Une révolution, quelquechose d’extraordinaire»K amel Jendoubi, président

du Réseau euroméditer-ranéen des droits de

l’homme et cofondateur du Co-mité pour le respect des libertéset des droits de l’homme en Tu-nisie, n’a pas pu rentrer hier enTunisie. «Mon vol était très en re-tard, il risquait d’arriver après lecouvre-feu. Et j’ai eu des nouvellestrès inquiétantes de la part de nosamis là-bas qui me conseillent dene pas venir», confiait-il depuisl’aéroport. Une allusion auxhommes lourdement armésaperçus à proximité du siège duPDP (lire page6), dont certainsont été arrêtés.«Pour toutes ces raisons, il fau-drait que j’arrive de jour afin quemes amis puissent venir m’ac-cueillir», poursuit Kamel Jen-doubi. En exil en France depuisseize ans, ce militant des droits

de l’homme est privé de sonpasseport tunisien depuis 2000.Moncef Marzouki, président duCongrès pour la République(CPR), parti d’opposition tuni-sien interdit sous Ben Ali, aprévu, lui, de rentrer demain.«Je prends le risque de me jeterdans la gueule du loup, déclare-t-il. La Tunisie s’est débarrasséede son dictateur, mais pas de ladictature. Ben Ali a laissé ses sbi-res avec la consigne de tirer par-tout. Il espère que le chaos le ra-mènera en Tunisie.»Manifs. A la différence de cesdeux militants, tous les Tuni-siens de France ne préparent pasleur retour au pays. Air Francen’a pas enregistré d’augmenta-tion des départs vers l’autre rivede la Méditerranée. «Il y a les po-litiques comme Marzouki qui veu-lent retourner en Tunisie pour

exercer leur activité politique, et ily a ceux qui, comme moi, veulentcontribuer, depuis là où ils sont, àce que les fruits de cette révolutionne soient pas volés au peuple tuni-sien», explique Chérif Ferjani,universitaire et co-organisateurde la manifestation célébrant lachute de Ben Ali, samedi à Lyon.«La majorité des Tunisiens deFrance ont leur vie ici, ils sont bi-nationaux comme moi», affirmeTarek Ben Hiba, président de laFédération des Tunisiens pourune citoyenneté des deux rives.Avec le départ de Ben Ali, tousont le sentiment de vivre,comme Tarek ben Hiba, «une ré-volution, quelque chose d’extraor-dinaire dans leur vie». La peur dudictateur que ressentaient les op-posants, même vivant en France,a disparu. Du coup, des milliersde manifestants –8000 à Paris,

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 20118 • EVENEMENT

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La communauté tunisienne a célébré le départ du président Ben Ali, place de la République, à Paris, samedi. PHOTO LIONEL CHARRIER. MYOP

L’historien Emmanuel Todd souligne le rôle del’alphabétisation et celui de la baisse de la fécondité.

«La Tunisie a rejoint lemodèle historique général»Emmanuel Todd

est historien etanthropologue.

En 2007, avec le dé-mographe YoussefCourbage, il publiait leRendez-vous des civili-sations (Seuil) qui, à revers de lathèse du choc des civilisations,estimait que les pays arabes al-laient rejoindre la modernité.Que vous inspire la chute du ré-gime Ben Ali?Notre livre montrait que, contrai-rement au discours dominantd’un islam considéré comme in-compatible avec la modernité, lemonde musulman connaissait unphénomène rapide de moderni-sation éducative et démographi-que. De vastes régions musulma-nes ont vu leur taux de féconditétomber entre 2 et 2,3 enfants parfemme (le taux de la France oudes Etats-Unis étant de 2 enfantspar femme). Une évolution déter-minante, car l’histoire montre laconcomitance de trois phénomè-nes: alphabétisation, baisse de lafécondité et révolution. L’Iran,par exemple, a fait sa révolutionde 1979 au moment où son tauxd’alphabétisation atteignait celuides Français du Bassin parisien en1789. Or, pour Youssef Courbageet moi-même, dans ce modèle, laTunisie représentait une bizarre-rie. Son taux de fécondité y est leplus faible du monde arabe (2 en-fants par femme, en 2005) et l’al-phabétisation y est quasimentachevée : pour la période 2000-2004, 94,3% des 15-24 ans saventlire et écrire (97,9% pour les gar-çons et 90,6% pour les filles). Dèslors, la longévité d’un régimeautoritaire semblait alimenter lesthéories qui prétendent que lemonde arabe serait incapable dese moderniser. La raison que nousavions trouvée, c’était le niveauélevé d’endogamie qui, en Tuni-sie, était nettement supérieur à30% au milieu des années 90,alors que l’Iran, l’Algérie et leMaroc étaient à 25% et la Turquie

à 15%. Or, il y a unrapport entre endoga-mie et structure politi-que: l’étanchéité dugroupe familial en-traîne la fermeture desgroupes sociaux sur

eux-mêmes et la rigidité des ins-titutions.Que s’est-il passé?L’hypothèse de l’endogamie étaitprobablement la bonne, mais elledoit être nuancée par une analysefine des données dont nous dis-posons. «L’enquête tunisiennesur la santé de la mère et de l’en-fant de 1996» (1) marque unechute du taux des mariages entrecousins germains: 36% pour lescouples mariés depuis plus detrente ans, 20,5% pour les unionscélébrées durant les quatre an-nées précédant l’enquête. Onpeut supposer que la tendances’est poursuivie. Autrement dit,l’hypothèque de l’endogamie aété levée, permettant à la baissede la fécondité et à l’alphabétisa-tion de jouer pleinement leur rôle.Avec cette révolution, la Tunisie arejoint le modèle historique géné-ral et quelles que soient les diffi-cultés à venir (et il y en aura, biensûr), l’idée d’un retour en arrièreest difficilement concevable.Vous avez rappelé l’exemple de larévolution iranienne qui, devenueislamiste, s’en est prise aux fem-mes. La Tunisie ne court-elle pasle même risque?Dans la France au XIXe sièclecomme en Iran aujourd’hui etdans la Tunisie de demain, la sta-bilisation démocratique pose desproblèmes de transition. Pourl’heure, les islamistes semblenthors-jeu en Tunisie, mais il seraitabsurde de se crisper si certainsd’entre eux devaient intégrer leprocessus démocratique.N’oublions pas que l’émergencedes démocraties anglo-saxonnesa été associée à un concept reli-gieux –en l’espèce, le protestan-tisme. De nos jours, au cœur del’Europe moderne, la CDU alle-

mande est explicitement chré-tienne. Quant aux pays musul-mans, on observe que la Turquiedémocratisée est dirigée par desislamistes modérés proeuro-péens, qui s’accommodent fortbien de la hausse de l’alphabéti-sation et de la baisse de la fécon-dité – à la grande surprise deslaïcs français, mais non desAnglo-Saxons. Quant au statutde la femme, il était partie pre-nante d’un système familial pa-trilinéaire qui exige que le filssuccède au père. Mais, lorsque letaux de fécondité tombe à 2 en-fants par femme, nombreux sontles pères qui n’ont pas de garçonet c’est tout le système qui s’ef-fondre. En réalité, dans de telspays, et malgré la focalisation surle port du foulard, le discours is-lamiste d’abaissement des fem-mes ne mord plus sur la réalité.La Tunisie va-t-elle devenir le la-boratoire du monde arabe?Peut-être la Tunisie va-t-ellefaire passer le monde arabe del’autre côté du miroir et rendrecaduc le sempiternel discours surl’incapacité structurelle des paysarabes à devenir des démocraties.Plusieurs éléments plaident en cesens : la démographie, l’éduca-tion, la présence massive de laculture française et l’absence depétrole – à partir du moment oùil y a du pétrole, le régime rentierpeut échapper à sa population.Regardons deux pays sur la listedes mutations à venir : en Syrie,le taux d’alphabétisation est en-core plus élevé qu’en Tunisie(95,2%), mais l’endogamie restetrès forte, en particulier dans leszones sunnites. En revanche, enEgypte, l’alphabétisation a prisdu retard (73,2%), mais l’endo-gamie, déjà pas très élevée, est enchute libre. Il est probable que lesdirigeants de ces deux pays re-gardent ce qui se passe en Tunisieavec beaucoup d’attention…

Recueilli par ERIC AESCHIMANN(1) Réalisée par l’Office national de lafamille et de la population tunisien.

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800 à Lyon– ont défilé samedidans les grandes villes pour ré-clamer la démocratie après lachute de Ben Ali. «Je milite depuisl’âge de 18 ans et je n’ai jamais vuune manifestation comme cel-le-là», note Tarek ben Hiba.«Déception». Unanimes, cesopposants au régime Ben Ali lesont également pour condamnerl’attitude de la France. PourChérif Ferjani, «elle a été hon-teuse de bout en bout. Les gouver-nements successifs ont toujours étécomplaisants avec la dictature BenAli et les violations des droits del’homme en Tunisie». Mohamed

Bensaïd se dit choqué par l’atti-tude d’«Alliot-Marie, qui voulaitfournir de l’aide à Ben Ali pourmaintenir l’ordre. C’est unegrande déception. Peut-être qu’onn’aurait pas entendu ça de Kouch-ner». Tarek Ben Hiba attend dugouvernement français la «ré-trocession des biens publics tuni-siens», dont un immeuble situérue Botzaris, à Paris. Ce «QG duRCD [Rassemblement constitu-tionnel démocratique, le parti deBen Ali, ndlr]» doit devenir unemaison des associations démo-cratiques tunisiennes.

CATHERINE COROLLER

Le duel«Le calendrier des primaires pourraitse révéler favorable aux intérêts desautres candidats qui auront plus de tempspour monter dans les sondages.»

SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE

«Subordonner le sort de la gauchefrançaise au confort que procure la date desprimaires à DSK n’est pas digne de latradition républicaine.»

LAURENT JOFFRIN

Les lundis et jeudis surFrance info

Nicolas PoincaréA 8h50 avec

Projet3:Mise en page 1 14/01/11 15:43 Page1

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 EVENEMENT • 9

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SimoneGbabgo,àfoietàsangLors d’un meeting samedi à Abidjan, l’épouse du président sortant a usé de sa fibre évangélique.

S amedi à 10 heures, une filed’attente s’est formée de-vant le Palais du peuple àAbidjan pour assister au

meeting de Simone Gbagbo. A61 ans, la première dame jouitd’une grande influencesur son mari, le prési-dent sortant, soumis àde fortes pressions internationales.Laurent Gbagbo conteste la victoireélectorale de son rival, AlassaneOuattara, lors d’une présidentielledont les résultats ont été certifiéspar les Nations unies. Le show de«la Hillary Clinton des tropiques»ne s’est pas tenu dans un stade maisune salle de 4 000 places «facile àremplir», selon un diplomate euro-péen qui juge le régime Gbagbo «ledos au mur, sur la défensive». C’estle message contraire qu’a voulu en-

voyer samedi le clan Gbagbo, dontSimone, historienne de formationet ancienne dirigeante syndicale,représente l’aile dure.

PROCESSION. Avec un art politiqueconsommé, la communion s’estouverte sur la bénédiction d’unimam d’Abobo. Ce quartier popu-

laire d’Abidjan, fief despartisans d’AlassaneOuattara, a été la se-

maine dernière le théâtre d’accro-chages qui ont fait 7 morts du côtéde l’armée «loyaliste» acquise àLaurent Gbagbo. Vêtue d’une lon-gue robe crème, Simone Gbagbo afait une entrée en procession, enca-drée par des gardes du corps et desfidèles. Installée au centre de lascène, sur une estrade où trônait unfauteuil doré au velours rouge, ellea laissé les dignitaires et les chan-teurs se succéder pendant deuxheures avant de prendre la parole.

Un responsable du Front populaireivoirien (FPI), le parti du mari, arappelé la version de l’histoire surlaquelle le président sortant baseaujourd’hui sa légitimité: le man-dat impératif qui donnait à la Com-mission électorale indépendante(CEI) un délai de soixante-douzeheures pour publier les résultatsdéfinitifs. «Contretoute attente, le prési-dent de la CEI YoussoufBakayoko a publié lesrésultats hors délai, àl’hôtel du Golf, le quar-tier général d’Alassane Ouattara.»Résultats aussitôt reconnus par laFrance, les Nations unies, l’Unioneuropéenne et les Etats-Unis. «Ils’agit, ni plus ni moins, de racismeexacerbé», a martelé l’orateur.Le vrombissement d’un hélicoptèrede l’ONU, occupé à des rotationsentre la base de la mission des Na-tions unies en Côte-d’Ivoire

(Onuci) et l’hôtel du Golf, où viventretranchés Alassane Ouattara et sespartisans, a interrompu le meetingà plusieurs reprises.A chaque fois que le nom de Ouat-tara était prononcé, la foule a hué,les orateurs passant progressive-ment de «celui que vous savez»,puis, quand est venu le tour de Si-

mone Gbagbo, à une nouvelle ap-pellation : «le chef des bandits».D’une voie assurée, sans donnerl’impression de lire ses notes, lapremière dame a raconté l’histoired’un homme ayant «décidé de faireune OPA sur la Côte-d’Ivoire». Ellelui a imputé la responsabilité desrécents affrontements interethni-ques de Duékoué, une ville de

l’ouest du pays. «J’ai été sur le seuild’une maison où une mère qui venaitd’accoucher a été violée et puis égor-gée et où un bébé de deux heures aété égorgé.»Evoquant l’afflux de réfugiés ivoi-riens au Liberia, qui fuient les ris-ques de guerre civile, elle a livré saversion des faits, passablement dé-formés: les pro-Outtara «ont le cu-lot, sur les radios de France et surCNN, de présenter ces réfugiéscomme leurs réfugiés, alors que cesont les réfugiés que les rebelles pour-suivent, chassent et tuent». Elle aaussi accusé Alassane Ouattarad’avoir «bourré, bourré, bourré» lesurnes dans le nord du pays, puisd’avoir «falsifié, falsifié, falsifié» lesrésultats –la foule répétant à cha-que fois ces mots en chœur…

«ALLIÉ DU DIABLE». A la fin de sondiscours, Simone Gbagbo, connuepour avoir versé dans l’évangé-lisme à l’américaine, a présenté «lechef des bandits» comme un «alliédu diable». Puis affirmé :«Dieugère, purifie, chasse et détruit. Il ar-rache les purulences. Regardez com-ment les masques tombent et com-ment les ennemis se dévoilent.» Despropos inquiétants dans la bouchede la «dame de fer», crainte à Abi-djan pour ses méthodes expéditi-ves, alors que le camp soutenantOuattara et les Nations unies évo-quent des signes avant-coureurs de«génocide».«Allez dire la vérité, Ouattara nousfatigue, il nous emmerde», réagissaitune jeune femme chic après lemeeting. «Vous, les Blancs, il fautque vous sachiez que c’est Gbagboqui a été élu», commentait uneautre. «Simone Gbagbo n’a rien dit,elle a parlé fâché parce qu’elle voitbien ce qui arrive», jugeait de soncôté un pro-Ouattara venu par cu-riosité. Aucune issue ne se dessineà une crise qui se prolonge. Alorsque les esprits s’échauffent, à Abid-jan, le Premier ministre du Kenya,Raila Odinga, émissaire de l’Unionafricaine, a reporté sa nouvelle ten-tative de médiation, ces derniersjours. Annoncée pour vendredi,puis dimanche, puis lundi, elle a étéfinalement fixée au début de cettesemaine. La seule façon, pour l’ins-tant, de repousser le risque d’em-brasement. •

Par SABINE CESSOUEnvoyée spéciale à Abidjan

«Dieu gère, purifie, chasse etdétruit. Il arrache les purulences.»Simone Gbagbo samedi à Abidjan

REPORTAGE

La première dame ivoirienne danse, samedi à Abidjan, devant une foule unie contre le «chef des bandits», Alassane Ouattara. PHOTO ISSOUF SANOGO. AFP

247C’est le nombre de personnesqui ont trouvé la mort depuis lami­décembre en Côte­d’Ivoire,selon les Nations unies.

Le couvre­feu nocturne instauréà la suite de violences meurtriè­res à Abobo et Anyama, deuxquartiers d’Abidjan, a été pro­longé jusqu’au 22 janvier.La semaine dernière, aumoins 11 personnes ont été tuées,dont 7membres des forcesde l’ordre.

REPÈRES GEL DES AVOIRSL’UE a accru la pression sur le clanGbagbo en décidant de gelerleurs avoirs en Europe, notam­ment dans les secteurs du cacaoet du pétrole, après des interdic­tions de visa du fait de la crise.88personnes sont visées.

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201110 • MONDE

Page 11: Liberation.lundi.17.Jan

Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, le puissant parti chiite, s’est montré menaçanthier lors d’un discours retransmis par la télévision de sa formation, Al­Manar. Il a déclaréque son mouvement «se défendra» contre toute accusation dans l’assassinat en 2005 duPremier ministre libanais, Rafic Hariri, à Beyrouth. «Nous ne permettrons pas, je le répète,nous ne permettrons pas que notre réputation ou notre dignité soit salie, qu’on fassel’objet d’un complot et qu’on nous fasse endosser injustement le sang de [l’ancien] Premierministre martyr Rafic Hariri», a­t­il précisé à la veille de la remise prévue de l’acte d’accu­sation du tribunal spécial pour le Liban en charge de l’enquête. PHOTO ANWAR AMRO. AFP

LIBAN NASRALLAH MENACE LE TRIBUNAL POUR HARIRI

B enyamin Nétanyahouet son gouvernements’attendent à une autre

vague de protestations inter-nationales après l’annonced’un projet de constructionde 1400 appartements à Gilo,l’un des «nouveaux quar-tiers» de Jérusalem cons-truits sur des terres palesti-niennes annexées en 1967.Pour l’heure, ce projet bap-tisé Versant sud par les en-trepreneurs intéressés auchantier n’a pas encore étéapprouvé par la commissionrégionale de planification etde la construction dépendantdu ministère de l’Intérieur.Mais cette dernière doit sié-ger à partir de demain sauf sile ministre Elie Yishaï (Shas)lui demandait de reporter saséance à plus tard en raisondu caractère sensible du dos-sier. Le fera-t-elle ?Centre commercial. «Toutdépend», explique le chroni-queur politique Raviv Druc-ker. «Ces derniers mois, il estarrivé que Nétanyahou inter-vienne personnellement pourque des examens de dossiersoient repoussés. Ce fut no-tamment le cas en mars lors-que le vice-président améri-cain, Joe Bidden, l’Union

européenne et le secrétaire gé-néral des Nations unies, BanKi-moon, ont dénoncé unautre projet visant à construire1 600 appartements à RamatShlomo, un autre “nouveauquartier” situé à quelques ki-lomètres de Gilo.»Selon les documents soumisà la municipalité de Jérusa-lem par les promoteurs deVersant sud, la premièrephase du projet devrait êtreachevée d’ici cinq ans etcomprendra 780 apparte-ments, des routes, un centrecommercial, un parc, ainsique des bâtiments destinés àabriter des antennes admi-nistratives. Dans une phaseultérieure, 600 logementssortiront également de terre.De la sorte, Gilo, dont lespremiers immeubles ont étéérigés en 1970, s’étendra jus-qu’au vignoble du monastèrede Cremisan situé dans labanlieue de Bethléem (sousle contrôle de l’Autorité pa-lestinienne).Au nom du petit parti pro-gressiste Meretz, le conseillermunicipal de Jérusalem MeïrMargalit a estimé que Ver-sant sud est un projet «plusdangereux que les précédentsen raison du caractère massif

des constructions annoncéeset parce qu’il se situe à l’ex-trême limite de Gilo». Il aajouté «qu’un feu vert àl’ouverture du chantier porteraun coup de grâce au processusde paix avec les Palestiniens».Quartette. A l’instar de Ya-ron Dekel, plusieurs polito-logues israéliens constatentque l’existence du projetVersant sud a été rendue pu-blique quelques heures aprèsque le Quartette (Nationsunies, UE, Etats-Unis etRussie) eut confirmé son in-tention de tenir un sommetle 5 février afin d’examinerles moyens de remettre lesnégociations israélo-palesti-niennes sur les rails. A leursyeux, il ne s’agirait pas d’unecoïncidence mais d’une nou-velle tentative de torpiller lareprise du dialogue.A Ramallah, l’entourage duministre palestinien des Né-gociations, Saeb Erekat, a entout cas confirmé hier queles discussions étaient «aupoint mort» et que l’Autoritépalestinienne ne les repren-dra pas «tant qu’Israël pour-suivra sa politique de colonisa-tion à outrance».

Intérim à Tel-AvivSERGE DUMONT

Colonies: l’offensivedespromoteursàJérusalemISRAËL Un vaste projet immobilier pourrait êtreautorisé demain, empêchant la reprise du dialogue.

Par ÉRIC JOZSEF

Le «Rubygate»secoue Berlusconi

«J e n’ai pas eu de rapportssexuels avec lui.» Aucentre du scandale sur

les présumées soirées éroti-ques de Silvio Berlusconi, lajeune marocaine Ruby, quin’a fêté ses 18 ans qu’àl’automne, continue d’affir-mer publiquement que sesrapports avec le Cavaliereétaient empreints de la plusferme chasteté et de la plusprofonde amitié. Reste quedepuis l’annonce, vendredi,de l’ouverture d’une enquêtecontre le chef du gouverne-ment pour concussion etprostitution de mineure,l’affaire s’est singulièrementcompliquée pour le présidentdu Conseil.

La procureure milanaise IldaBoccassini, qui le piste de-puis quinze ans pour toutessortes d’affaires (corruption,fraude fiscale…), aurait eneffet accumulé des élémentsà charge, utilisant –selon lespartisans de Berlusconi– unarsenal policier réservé gé-néralement aux plus grandsmalfrats de la mafia. Tou-jours est-il qu’un dossierde 300 pages est déjà arrivéà la commission parlemen-taire qui délivre les autorisa-tions d’enquêter. Le parquetsouhaite pouvoir perquisi-tionner les bureaux du tréso-rier personnel de Berlusconi,Giuseppe Pinelli, qui auraitété chargé de rémunérer tou-tes les filles participant auxfêtes du milliardaire.

En attendant, la presse mul-tiplie les révélations. La Re-pubblica, quotidien de centregauche, croit savoir queRuby aurait confié, dans uneconversation téléphonique,avoir couché avec Silvio Ber-lusconi. D’autres journauxévoquent des photos et desvidéos explicites ainsi que lasalle du «bounga bounga»dans la villa d’Arcore (Lom-bardie) où les jeunes femmesdevaient, entre autres, setravestir avant d’engager desstrip-teases et mimer desscènes érotiques entre elles.En échange, elles auraienttouché des enveloppes. Plu-sieurs bénéficieraient d’ap-partements mis gracieuse-ment à disposition dans uncomplexe résidentiel de Mi-lan appartenant au Cavaliere.

«C’est de la boue», a répliquéBerlusconi qui n’a pas encoredécidé s’il répondra à la con-vocation d’Ilda Boccassini.«L’Italie est certes un pays ca-tholique, mais ce n’est pas unEtat où règne une charia ré-gissant les comportements aulit», s’est insurgé le quoti-dien de droite Libero. La ma-jorité dénonce une nouvelletentative des juges rouges derenverser Berlusconi. «S’ilpensait un peu moins aux fem-mes, ce serait bien pour tout lemonde», a tout de même lâ-ché Umberto Bossi, son alliéde la Ligue du Nord, alorsque Silvio Berlusconi est déjàpolitiquement affaibli. •

VU DE ROME

HONGRIE Le Premier minis-tre hongrois, Viktor Orbán,défend sa loi très contestéesur les médias qui lui vaut laréprobation de l’Union euro-péenne: «J’accepte le combatalors que mes adversaires enHongrie et en Europe fomen-tent en ce moment même unecampagne», affirme-t-ildans le journal allemandBild. PHOTO AFP

PAKISTAN Les autorités ontimposé hier un couvre-feupartiel couvrant certaines

zones de Karachi en raisond’une nouvelle flambée deviolences qui ont fait aumoins 17 morts depuis jeudi.

BIRMANIE Les partis politi-ques birmans représentantdes minorités ethniques ontappelé hier les pays occiden-taux à lever les sanctionséconomiques, quelques joursavant la première convoca-tion du Parlement.

IMMIGRATION La police por-tuaire grecque, qui a recueillihier 241 migrants d’un ba-teau en détresse vers l’Italie,recherchait encore une ving-taine de personnes.

DIPLOMATIE Le premier am-bassadeur américain en Sy-rie depuis 2005, Robert Ford,est arrivé hier à Damas, où saprésence devrait relancer ledifficile dialogue entre lesdeux pays.

En janvier 2010, avec deuxcomplices, il avait ouvert lefeu sur des fidèles qui sor­taient d’une église à NagaaHamadi, en Haute­Egypte,tuant sept personnes, dontsix chrétiens coptes. Hier,la justice égyptienne a con­damné à mort MohammadAhmad Hossein, aussiconnu sous le nom deHamam Kammouni. Le pro­cès, qui intervient deuxsemaines après l’attentatqui a fait 21 morts devantune église d’Alexandrie, n’apas permis d’en savoir plussur le mobile de la fusillade.Au moment du drame, lapolice avait évoqué la pistede représailles après le viold’une fillette musulmanepar un jeune copte. LakamNached, dont le fils a ététué devant l’église, a estiméqu’il s’agissait d’«un juge­ment juste. […] Nousaurions souhaité que ceverdict soit prononcé plustôt, afin d’empêcher lesattentats qui ont eu lieuaprès». Les coptes, quireprésentent 6 à 10% de lapopulation égyptienne,dénoncent régulièrementle laxisme des autoritésdans les affaires de violen­ces antichrétiennes. Lescomplices présumés deMohammad Ahmad Hos­sein seront fixés sur leursort le 20 février. PHOTO AFP

ÉGYPTE:PEINE DE MORTPOUR UN TUEURDE COPTES

LES GENS

«Pour nos frèreset sœurs morts,en particulier ceuxdécédés pendant lapériode des combats[…] nous devons,comme Jésus-Christl’a dit sur la croix,pardonner à ceuxqui ont causéleur mort.»Le président duSud­Soudan autonomeSalva Kiir hier, sur lesannées de guerre civile avecle Nord, le Sud­Soudandevrait accéderà l’indépendance danssix mois, conformémentau référendumd’autodétermination quis’est clos samedi

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 MONDEXPRESSO • 11

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12 • FRANCE

Six semaines de travail ont éténécessaires aux trois inspecteursde l’Inspection générale des affai­res sociales pour arriver à ce rapportde 130 pages rendu public le 15 jan­vier. C’est Aquilino Morelle qui acoordonné le travail, avec Anne­Ca­role Bensadon et Etienne Marie.Médecin, énarque, Aquilino Morelle

a travaillé au cabinet de BernardKouchner,,lorsque ce dernier étaitsecrétaire d’Etat à la Santé, avantd’être conseiller à Matignon sous legouvernement Jospin. Spécialistedes questions de santé publique,Aquilino Morelle avait participé, déjà,à un rapport sur l’affaire du sangcontaminé.

REPÈRES

Mediator: lerapportaccableServieretlapolicesanitaire

L’Inspection générale des affaires sociales a disséquéla stratégie de dissimulation du labo et la faillitedu système de contrôle qui ont conduit au désastre.

Par ÉRIC FAVEREAUet YANN PHILIPPINPhoto SÉBASTIEN CALVET

U n labo «qui a roulé dans la fa-rine» les experts; une policesanitaire «inexplicablementtolérante», une agence

«aveugle». Le rapport de l’Inspectiongénérale des affaires sociales (Igas) surle Mediator, publié samedi, est d’uneextrême sévérité. Pendant des décen-nies, un médicament a donc été prescritalors qu’il aurait dû être retiré du mar-ché dès 1999. Autopsie d’un désastre.

SERVIER, TRENTE­CINQ ANSDE «DÉSINFORMATION»La mission de l’Igas était limitée auxdéfaillances du système de santé. Lerapport commence pourtant par un ré-quisitoire contre Servier, qui a «roulédans la farine» les autorités sur la véri-table nature du Benfluorex (molécule duMediator), et cela avant même sa com-mercialisation en 1976.Les enquêteurs dissèquent comment lelabo a délibérément cachéque son produit était unanorexigène (coupe-faim)dérivé des amphétamines pour tenter«sans relâche» de le faire reconnaître,à tort, comme antidiabétique. Une«stratégie» qui a «très largement» con-tribué à son retrait si tardif.Pour l’Igas, il suffit pourtant de lire lespublications scientifiques de Servier dudébut des années 70 pour découvrir lepot-aux-roses. Les chercheurs du laboy expliquent comment leur travail surles coupe-faim amphétaminiques a ac-couché de trois cousins de la famille desfenfluramines: le Pondéral, l’Isomérideet le Mediator. Ce dernier est décrit

comme «un anorexigène très puissant»dont le mécanisme d’action est le mêmeque celui de ses cousins, et dont l’éven-tuel effet sur le diabète n’est qu’unepiste de travail non prouvée.C’est pourtant cette indication que Ser-vier choisit. Il ne cessera d’insister surl’«originalité» du Mediator et de nier sespropriétés anorexigènes. Lorsque l’OMSlui attribue le suffixe «orex» (pour ano-rexigène), Servier tente, en 1973, d’ob-tenir un changement de nom. Cette«tentative de désinformation» sera suivied’une «longue partie de bras de fer [avec]l’administration» française.Entre 1995 et 1997, des études démon-trent que les fenfluramines provoquentdes valvulopathies et des hypertensionsartérielles pulmonaires (HTAP) car ellesproduisent un composé toxique: la nor-fenfluramine. Servier nie toute dange-rosité, alors qu’un de ses chercheursavait déclaré, dès 1971, avoir des «preu-ves» de cas d’HTAP chez l’animal.L’Isoméride et le Pondéral sont interditsen 1997. Mais pas le Mediator, puisqueServier dit qu’il est différent. Dès lors,

le labo minimise sa dange-rosité. L’Igas dénonce ces«formules [chimiques] sans

valeur sur le plan pharmacologique, etspécieuses dans leur finalité» qui n’ontqu’un seul objectif : maintenir le Me-diator le plus longtemps possible.Autre point: Servier aura attendu cinqans pour démarrer l’étude sur le Media-tor que les autorités européennes luiavaient réclamée fin 2000. Les résultatstombent à l’automne 2009. Ils démon-trent que le Mediator dégrade les valvesdu cœur. «Les laboratoires Servier n’ontpas, malgré les résultats de cette étude[…], proposé le retrait du produit», dé-plore le rapport. L’Igas souligne que la

firme, invitée à faire des observations,tente une dernière fois, le 23 novembre2009 de sauver le Mediator, soulignantson «effet thérapeutique significatif» etle fait que «les études sur la sécuritéd’emploi sont faibles méthodologique-ment». Même discours jusqu’au bout.

UN SYSTÈME DE PHARMACO­VIGILANCE AVEUGLEA côté de cette stratégie délibérée deServier pour cacher une évidence phar-macologique, et face à une police sani-taire brouillonne, et finalement aveu-gle, les mots de l’Igas sont terribles :«Surchargée de travail, empêtrée dansdes procédures juridiques lourdes et com-plexes, l’Agence est apparue comme unestructure lourde, lente, peu réactive, figée[…] dans une sorte de bureaucratie sani-taire. Elle souffre d’une accoutumance aurisque […] incompatible avec l’exerciced’une mission de sécurité sanitaire.»Pour expliquer cette non-réponse, lesenquêteurs pointent deux failles.

D’abord les graves défaillances du sys-tème de pharmacovigilance. Depuis1995, il y a eu près de 20 réunions où aété abordée la question du Mediator.Mais, note l’Igas, pendant dix ans, de1995 à 2005, «l’hypothèse d’un retrait dece médicament n’a jamais été inscrite àl’ordre du jour de la Commission nationalede pharmacovigilance». Incompréhensi-ble… Plus déroutant, en 1995, l’équipede pharmacovigilance de Besançon estsaisie d’un travail sur la parenté entre leMediator et les anorexigènes. «Le résul-tat? Un rapport médiocre où les auteurs sesont contentés de copier des textes de Ser-vier.» Des notes sont envoyées, des ré-ponses ne sont pas données. La missionestime que le retrait du Médiator auraitdû être décidé dès 1999. Elle pointe laresponsabilité du Pr Jean-MichelAlexandre. Personnalité autoritaire, ilimposait ses choix. Longtemps direc-teur de l’évaluation, il est devenu con-sultant, entre autres, chez Servier.

UNE AGENCE «INEXPLICABLEMENTTOLÉRANTE»Autre scène saisissante que détaille lamission. Nous sommes en 2007. Pour lapremière fois, la commission nationalede pharmacovigilance monte au cré-neau sur le Mediator. Son président vas’inviter à la réunion de la commissiond’autorisation de mise sur le marché(AMM). Pour nombre d’observateurs,cette commission d’AMM doit déciderdu retrait. Or rien ne se passe. Lors desauditions, l’Igas découvre que quatredes membres de la dite commissiond’AMM sont liés à Servier: l’un d’eux nevient jamais aux réunions, mais viendrabizarrement ce jour-là. Lors de cetteréunion, lorsque le débat tourne autourdu Mediator, le président de la Commis-sion d’AMM, contrairement aux usages,ne fera pas sortir les quatre membres liésà Servier. «Fonctionnement ahurissant»,note la mission. Conclusion de l’Igas:«La chaîne du médicament fonctionneaujourd’hui de manière à ce que le doutebénéficie non aux patients et à la santé pu-blique, mais aux firmes.» •

ENQUÊTELe cardiologue Bernard Iung aréalisé pour le compte de Servier(et moyennant 5000euros) uneétude qui démontrait la dangerositédu Mediator, et l’a présentée àl’Agence française de sécuritésanitaire des produits de santé(Afssaps) lors de la réunion du23 octobre 2009 où se jouait le sortdu médicament. Dans Libération dejeudi, le Pr Iung accusait le labod’avoir modifié sa présentation à ladernière minute pour qu’elle ailledans le sens d’un maintien dumédicament. Cette accusation, que

Iung avait tenue lors de son auditionpar l’Igas, n’avait pas convaincu lesenquêteurs. L’Igas souligne que «laversion élaborée par le Pr Iung»,avant modification par Servier,«revenait aussi à maintenir leproduit sur le marché». Ce qui était«inacceptable» car sa propre étudedémontrait le lien entre le Mediatoret les valvulopathies. «Fortheureusement» souligne l’Igas,l’Afssaps n’a pris en compte queles résultats bruts du Pr Iung et avoté la suspension du Mediator.

Y.P.

L’IGAS DÉMONTE L’ACCUSATION DU PR IUNG

«Nous nous étonnonsdes responsabilités quesemblent nous faire porterles conclusions du rapport de l’Igaset qui ne nous apparaissent pasconformes à la réalité.»Servier dans un communiqué samedi

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011

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FRANCE • 13

Nora Berra, secrétaire d’Etat àla Santé, Aquilino Morelle,coordinateur de la mission IgasMediator, et Pierre Boissier,chef de l’Igas, samedi.

Dans son rapport, l’Igas dit «avoir eu connaissance depressions sur trois acteurs ayant participé à l’établisse­ment de la toxicité du Mediator»: en l’occurrence,le Dr Chiche, Didier Tabuteau, et un pharmacologue.Elle procédera «à un signalement de ces pratiques àl’autorité judiciaire». Quant aux responsables de Servier,sur ce point comme sur les autres, ils rappellent«qu’ils n’ont pas été entendus dans le cadre de cetteenquête».

L’Afssaps dans le collimateur duministre de la Santé.

Bertrand veuttout rebâtirT ous ceux qui ont eu à

voir avec la politiquedu Mediator sont sous

le choc du rapport dévoilésamedi. Même Xavier Ber-trand, le ministre de la Santé,dit avoir été surpris par laviolence du constat. Quaran-te-huit heures après la publi-cation du travail de l’Igas(Inspection générale des af-faires sociales), c’est un sen-timent de désolation qui pré-vaut dans le monde de lapharmacopée. Alors que laplupart des acteurs, passés etprésents, avaient eu le senti-ment d’avoir participé du-rant vingt ans à la créationd’un nouveau modèle de sé-

curité sanitaire, l’histoire duMediator est un terribleéchec.Devant ce tsunami sanitaire,Xavier Bertrand a réagi,comme à son habitude: fort,et vite. «Mon devoir est de re-bâtir un nouveau système desécurité sanitaire avec l’objec-tif que, demain, il n’y ait pasun nouveau Mediator.»Les structures, d’abord.L’Afssaps (Agence françaisede sécurité sanitaire des pro-duits de santé) restera, maisva changer profondément.«Il y a eu des défaillances gra-ves, on ne peut pas conserverl’agence et son fonctionnementen l’état, a analysé XavierBertrand. Un nouveau direc-teur sera tout prochainementnommé.» Son financement,ensuite : il est aujourd’huiassuré à 80% par les labos.«Il sera assuré par l’Etat inté-gralement, qui recevra les re-devances de l’industrie. Nouslançons une mission d’inspec-tion de l’ensemble des agencessanitaires.» Et l’Afssaps de-vra remettre avant finjanvier un bilan des 76 médi-caments faisant actuelle-ment l’objet d’un suivi de

pharmacovigilance.Pour autant les vraies déci-sions devront attendre : finjuin, un deuxième rapport del’Igas «fera des propositionsde réforme de la pharmacovi-gilance et sur le rôle et le fonc-tionnement de l’Afssaps».Néanmoins, le ministre aévoqué des pistes. «C’est àl’industriel de démontrer queson médicament dispose tou-jours d’un rapport bénéficesrisques positif et non auxautorités de prouver que ce-lui-ci est devenu négatif.»Pour tous les médicamentsdont le bénéfice thérapeuti-que sera jugé insuffisant,Bertrand propose un dérem-

boursementi m m é d i a t ,«sauf avis con-traire et motivédu ministre».Autre volet, lesconflits d’inté-

rêts sont omniprésents dansle rapport. Propos fermes duministre: «Toutes les conven-tions passées entre les labora-toires et les médecins, les ex-perts et les sociétés savantes,sans exception, devront êtrepubliques et consultables. Lesmembres des cabinets ministé-riels, qu’ils s’occupent du mé-dicament ou d’un autre sec-teur, doivent faire desdéclarations d’intérêt.» Diredonc s’ils ont travaillé pourdes labos. Initiative de bonsens, mais encore faut-ilqu’elle soit appliquée. Enfin,les victimes. Le ministre arépété qu’il souhaite une in-demnisation «juste et ra-pide», mais laquelle ? «Lespatients doivent avoir le choixde la solution qui leur convientle mieux.» Cela reste vague.Bertrand précise : «A partirdu moment où les responsabi-lités premières et directes se-ront établies par qui de droit, ilne faut pas laisser penser quec’est la solidarité nationale quiassumera ces responsabilités àla place d’autres.» En clair,le gouvernement «lâche»Servier.

É.F.

«L’objectif est que, demain,il n’y ait pas un nouveauMediator.»Xavier Bertrand ministre de la Santé

«Il y a un faisceau d’indicesextrêmement lourds qui indiquentune responsabilité première etdirecte des laboratoires Servierdans ce drame du Mediator.»Xavier Bertrand ministre de la Santé,samedi

Lire le rapportde l’Igas, en versionintégrale.

•SURLIBÉRATION.FR

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011

Page 14: Liberation.lundi.17.Jan

MarineLePen,

lamontéeennuisance

Selon notre sondage Viavoicepour «Libération», la nouvelle

présidente du FN jouit d’unemeilleure cote de popularité

que son père et séduitdavantage les électeurs UMP.

Par FRANÇOIS WENZ­DUMASPhoto LAURENT TROUDE

C omme son père, elle incarne«le racisme» et «l’intolérance».Mais, elle rassemble mieux quelui. Alors que toutes les per-

sonnalités politiques ou presque voientleur image s’effriter (lire page 16), Ma-rine Le Pen élargit sa base sans renier lesfondamentaux qui ont permis au FN des’installer depuis trente ans dans le pay-sage politique. C’est ce que montre lesondage Viavoice pour Libération (1).Un premier chiffre donne la mesure del’élargissement de la base électorale duFront national: 13% des personnes in-terrogées souhaitent que Marine Le Pen«soit le prochain président de la Républi-que». «Ce score est en soi élevé», souli-

gne François Miquet-Marty, directeurde Viavoice, «puisqu’il est supérieuraux 10,4% obtenus par Jean-Marie Le Penlors de la présidentielle de 2007, et pas trèséloigné du 16,9% qui l’avait conduit ausecond tour de la présidentielleen 2002». A la même question,Nicolas Sarkozy recueille unpetit 24%, contre 69% qui ne veulentpas le voir élu. Il s’agit là de souhaits devictoire, pas d’intentions de vote.

«CRÉDIBLE». La cote de popularité,c’est-à-dire la réponse à la question«avez-vous une opinion positive ou néga-tive ?», est encore plus élevée: elle ac-corde 20% d’avis favorables à MarineLe Pen. Et à y regarder de plus près, cepotentiel de sympathisants est en trainde s’élargir vers la droite classique et les

catégories populaires. Un électeur UMPsur quatre (24% contre 71%) et unouvrier sur trois (31% contre 67%) ontune bonne opinion de celle qui vientd’être élue présidente du FN (lire ci-

contre). Pendant sa campagnede 2007, Sarkozy avait réussi àcapter une partie de l’électorat

de Jean-Marie Le Pen. Cette fois, malgréle (ou à cause du) débat sur l’identiténationale et le discours sécuritaire deGrenoble, c’est la fille Le Pen qui mois-sonne en terre UMP. «Ces résultats endisent assez long sur les désenchantementsde la droite modérée face à Sarkozy», se-lon François Miquet-Marty, qui soulignela «porosité» entre UMP et FN.Le message de Marine Le Pen contre«l’occupation» des rues aux abords desmosquées à l’heure de la prière a été

reçu cinq sur cinq: pour 19% des per-sonnes interrogées, l’eurodéputée sepose en «antimusulman». Et comme elleévite les références antisémites douteu-ses de son père (qui a encore trouvé hierle moyen de dire que si le journaliste deFrance 24 molesté samedi soir par leservice d’ordre du FN était juif, cela «nese voyait ni sur sa carte ni sur son nez»),elle suscite moins de rejets. A la question«en tant que candidate à la présidence dela République, Marine Le Pen est-elle plusou moins crédible que Jean-MarieLe Pen ?», 52% des personnes interro-gées (contre 28%) la trouvent meilleureque son père. Cela n’a pas échappé àcelle qui fut en 2007 la candidate socia-liste à la présidence. Marine Le Pen «aéliminé toutes les caricatures de son père»,estime Ségolène Royal, invitée hier de

ANALYSE

…les mots qui lui correspondent le mieux

INCOMPÉTENCE

ANTIMUSULMAN

POPULISMESÉCURITÉ

ABANDONDEL’EURO

EXTRÊMEDROITE

RACISME

INTOLÉRANCEREPÈRES 13%

des personnes interrogées (contre83%) souhaitent que Marine Le Pendevienne la prochaine présidentede la République.

52%c’est selon notre sondage Viavoice,le nombre de Français pour quiMarine Le Pen est «plus crédible» queson père. 28% sont d’avis contraire.

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201114 • FRANCE

Page 15: Liberation.lundi.17.Jan

Marine Le Pen, hier à Tours,célébrant son intronisation,

aux côtés de son pèreet de Bruno Gollnisch.

Avec 67,65% des suffrages frontistes, Marine Le Penprend la tête du parti d’extrême droite.

La famille FNrecomposée à ToursE n jeune femme bien élevée, Marine

Le Pen n’a pas manqué, dans son pre-mier discours de présidente du Front

national, de remercier celui qui lui a transmisle flambeau, son père. «Il a largement contri-bué à faire de moi, non seulement la militante,mais aussi la femme que je suis», a-t-elle dé-claré à la tribune de ce XIVe congrès du partid’extrême droite, hier après midi. Le matinmême, à l’annonce par l’ancien président duFN, Jean-Marie Le Pen, des résultats, connusdès vendredi soir mais gardés secret jusqu’audernier jour du congrès, elle s’était précipitéedans ses bras.Une victoire sans appel pour celle qui,dès 2002, a commencé sa course, de manièrefeutrée d’abord puis ouverte ensuite, vers laprésidence du parti. Face à Bruno Gollnisch,elle obtient 67,65% des suffrages, contreseulement 32,35% pour son rival, avec untaux de participation de 76,45% sur les22 403 électeurs inscrits.«Chanteuse». «Le résultat de ce scrutinayant désigné Marine Le Pen, c’est sans arriè-re-pensées et sans amertume que je me soumetsà la volonté librement exprimée par lamajorité de nos membres», a aussitôtdéclaré le candidat malheureux pourcouper court à toute velléité contes-tatrice de la part de ses supporteurs.Candidate déclarée à la présiden-tielle de 2012, la nouvelle figure de proue duFN a placé son combat sous le signe de la res-tauration de l’Etat et de la défense des va-leurs républicaines. Et de finir son discourssur un très présidentiel: «Vive le Front natio-nal ! Vive la République française ! Vive laFrance!» Du jamais entendu dans un congrèsdu FN, où l’idée de République n’a jamais faitl’unanimité.Plus grave encore pour les purs et durs del’extrême droite française, elle n’a pas hésitéà se référer à l’article 2 de la Déclaration desdroits de l’homme et du citoyen de 1789,considérée comme l’œuvre du diable et desfrancs-maçons par les réacs et catholiquestraditionnels du FN. La veille, un des gro-gnards du parti, Roger Holeindre, compa-gnon de route de la première heure de Le Pen,avait annoncé sa démission. Pour l’anciencombattant d’Indochine et d’Algérie, MarineLe Pen «ne connaît rien à notre histoire et ellene représente pas nos idées». «Elle a quandmême un discours un peu trop socialiste», sedésolait un proche de Gollnisch.Toute de noire vêtue, habillée d’une redin-gote de mousquetaire, Marine Le Pen a par-fois fait du Chevènement ou presque, pour lecôté souverainiste, mâtiné d’un zeste deJean-Luc Mélenchon quand, dans son dis-cours, elle a appelé «à en finir avec le règne del’argent roi. L’Etat est devenu l’instrument du

renoncement, devant l’argent, face à la volontétoujours plus insistante des marchés financiers,des milliardaires qui détricotent notre industrieet jettent des millions d’hommes et de femmesde notre pays dans le chômage, la précarité etla misère». Elle fut même à deux doigts dedemander la nationalisation du secteur ban-caire, se prononçant «pour la réappropriationdu contrôle par l’Etat de certains secteurs stra-tégiques, comme les banques, insensibles auxinjonctions éthiques». Et elle n’a pas oublié debrocarder Nicolas Sarkozy, qui se comportecomme «un chef de clan, le gouverneur d’unprotectorat américain, un candidat en campa-gne ou même, comme on l’a vu, l’agent d’unechanteuse au succès déclinant».Alors qu’au premier jour du congrès les sup-porteurs de Gollnisch avaient tenté de se faireentendre bruyamment, dimanche ce sont lesfans de Marine qui ont assuré l’ambiance enbrandissant des pancartes «Marine prési-dente» ou «La vague bleue marine», distri-buées par Marion Le Pen, la petite-fille duvieux chef, entrée en politique aux dernièresrégionales. La veille, les troupes de Gollnisch

avaient tenu dans le hall d’un hôtel unconseil de guerre. Le candidat défait se de-mandait s’il devait accepter le poste de vice-président offert par Marine Le Pen et siégerau sein du bureau exécutif. «Comme MarineLe Pen va se planter dans sa gestion du FN,Bruno a tout intérêt à ne pas y être associé»,confiait un des proches pour expliquer sa dé-cision de décliner la proposition.«Famille». L’élection au comité central a unpeu rééquilibré la donne en faveur du campGollnisch: ses partisans y représentent 42%des élus. Mais la nouvelle présidente disposedu pouvoir d’y nommer à sa convenancevingt personnes supplémentaires. De quois’assurer une confortable majorité. Alors,pour ne pas humilier les vaincus, Marine LePen a nommé dix pro-Gollnisch au bureaupolitique, qui compte 42 membres.«Ceux qui ont soutenu ma candidature repré-sentent une composante incontournable de notremouvement», a déclaré Gollnisch en exhor-tant sa rivale à créer autour d’elle «une équipesoudée, une famille apaisée et réunie». Ce cou-rant désormais constitué, nouveauté au seinde ce parti, attend désormais de MarineLe Pen qu’elle «sache aussi gérer sa victoire»,espère Thibault de la Tocnaye, un fidèle deBruno Gollnisch.

Envoyé spécial à ToursCHRISTOPHE FORCARI

Canal+, et qui juge que «c’est une candi-date plus crédible, plus dangereuse que sonpère dans sa force de conviction».

REJET. Cette montée en puissance de lafille Le Pen embarrasse visiblement ladroite. Hier Nadine Morano, membre dela direction de l’UMP, a qualifié sonélection à la tête du FN de «non-événe-ment». «Le Front national change de pré-nom», a, sur France Info, constaté la mi-nistre chargée de l’Apprentissage, mais«garde le même discours, les mêmes mé-thodes». Méthodes qui lui ont permis le21 avril 2002, avec un candidat suscitantdavantage de rejet dans l’opinion que lanouvelle présidente, de se qualifier pourle second tour de la présidentielle. •(1) Réalisé les 13 et 14 janvier auprèsde 1000 personnes.

Depuis la visite de Jean Paul II en 1996, onn’avait pas vu autant de policiers à Tours.Samedi, à l’appel de 25 associations etpartis, dont la Ligue des droits de l’homme,2000 personnes ont participé à un cortègequi devait se disperser vers 16h30. Un muranti­émeute bloquait l’accès au boulevardqui mène au palais des congrès. Quelquesjets de pierres, de canettes et de fumigènesont déclenché une intervention muscléedes CRS. Lesquels, soutenus par descanons à eau, ont dispersé les manifestants.Il y a eu trois interpellations. Dans la soiréede samedi, un journaliste de France 24 a parailleurs été molesté par le service d’ordredu FN. X. R. (à Tours)

CONTRE­MANIFESTANTS,ET JOURNALISTE MOLESTÉ

Sondage Viavoice pour «Libération» réalisé par téléphone les 13 et 14 janvier sur un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

POPULARITÉConcernant Marine Le Pen, dites-moi si vous avez une opinion…En %

NÉGATIVEPOSITIVE

TOTAL18 - 24 ans

65 ans et plus

NÉGATIVEPOSITIVE

Cadres

Ouvriers

Sympatisants PS

Sympatisants UMP

«Elle a quand même un discoursun peu trop socialiste.»Un proche de Bruno Gollnisch samedi, à Tours

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 FRANCE • 15

Page 16: Liberation.lundi.17.Jan

RETRAITE A 76 ans, Jean-Pierre Soisson (photo) quittela vie politique. Député del’Yonne et digne successeuren politique d’Edgar Faure(«Ce n’est pas la girouette quitourne, c’est le vent…»), il fut

ministre de Valéry Giscardd’Estaing, puis de FrançoisMitterrand. En 1998, il se faitélire président de la régionBourgogne avec les voix duFront national. REUTERS

HÉRITAGE Jean-PhilippeDugoin-Clément (UMP) asuccédé, hier, à son père Xa-vier Dugoin à la tête de lamunicipalité de Mennecy.Ancien président du conseilgénéral de l’Essonne, XavierDugoin, 63 ans, avait étécondamné dans plusieurs af-faires, notamment pouravoir offert un emploi fictif àl’épouse de l’ex-maire deParis, Xavière Tibéri.

«Il avait tort celuiqui dans sondiscours de Latranaffirmait que pourla transmission desvaleurs, l’instituteurne pourra jamaisremplacer le curé.»Ségolène Royal samedi,évoquant lors d’une réunionDésirs d’avenir sur l’école unancien discours de Sarkozy.A près le temps du

consensus, les criti-ques commencent à

se faire entendre sur l’opéra-tion menée par l’armée fran-çaise, il y a dix jours, pourtenter de libérer les deuxjeunes Français enlevés parAl-Qaeda au Maghreb isla-mique (Aqmi) au Niger. Leraid mené sur le territoire duMali s’est achevé tragique-ment, le 8 janvier, par lamort d’Antoine de Léocouret de Vincent Delory. Le pre-mier a été exécuté par ses ra-visseurs d’une balle dans latête, le second est décédédans des circonstances en-core floues. Dans un com-muniqué mis en ligne ven-dredi, Aqmi explique que sescombattants «ont emmenél’un des otages loin du véhiculevisé mais n’ont pu prendrel’autre qui a été tué par lesFrançais plus tard dans lebombardement et non par desballes des moudjahidin.» Uneenquête judiciaire est encours pour déterminer lesconditions exactes de la mortdes deux Français.Hier, une marche silencieuserassemblant une centaine depersonnes a eu lieu à Linsel-les (Nord), d’où étaient ori-ginaires les deux amis. Dansle cortège figuraient Rakia, lajeune Nigérienne qui devaitépouser Antoine de Léocour,mais aussi Martine Aubry,première secrétaire du PS etmaire de Lille. Le présidentNicolas Sarkozy assisteraaujourd’hui aux obsèques. Lelendemain, les ministres dela Défense et des Affaires

étrangères, Alain Juppé etMichèle Alliot-Marie, serontentendus par la commissiondes affaires étrangères del’Assemblée nationale. Ilsdevraient être interrogés surun éventuel changement dedoctrine par rapport aux pri-ses d’otages dans le Sahel.Ancien ministre de la Dé-fense, le socialiste Paul Qui-lès s’insurge : «On nous as-sure qu’il est impossible denégocier avec Aqmi et qu’onn’avait pas d’autre choix qued’intervenir militairement.Est-ce à dire que, désormais,on va tirer dans tous les cas?»Et d’ajouter : «Qu’espé-rait-on, connaissant l’opiniondes ravisseurs pour le respectde la vie humaine, en tirant

depuis un hélicoptère sur unvéhicule transportant les ota-ges ? Aurait-on pris la mêmedécision s’il s’agissait de deuxjournalistes ou deux parle-mentaires?» L’ancien minis-tre socialiste fait écho à lalettre ouverte de plusieursamis d’Antoine de Léocouradressée au ministre de laDéfense, Alain Juppé, danslaquelle ils exigent sa démis-sion. «Nos amis ont-ils eu lamalchance d’avoir été enlevésjuste au moment où le pouvoirfrançais a décidé d’agir mili-tairement?», se demandent-

ils. Ajoutant: «Il paraît diffi-cile d’affirmer aujourd’hui quetous les citoyens français sontégaux, dans la mesure où cer-tains semblent avoir plus devaleur au regard de notre gou-vernement que les membresdes ONG et des organisationsdes sociétés civiles.»Vendredi, Dominique de Vil-lepin avait rappelé sur RTLque «les trois interventionsmilitaires successives qui onteu lieu ont échoué». Enavril 2009, le skipper FlorentLemaçon, capturé par despirates somaliens, avait ététué par une balle du com-mando français qui tentait dele libérer. En juillet, les for-ces françaises avaient lancé,aux côtés de militaires mau-

ritaniens, uneopération poursauver MichelGermaneau,humanitaire de78 ans enlevépar Aqmi enavril. Sanssuccès. Deux

jours plus tard, l’organisa-tion terroriste annonçait sonexécution. Ce dernier étaitvraisemblablement décédéplusieurs semaines avant leraid, faute de médicaments.Pour le député Vert Françoisde Rugy, «il n’est pas ques-tion, au nom de ce consensus,d’accepter aveuglément lastratégie déployée ou lesmoyens de lutte utilisés parcrainte d’être dénoncé commeun mauvais citoyen rompantl’indispensable unité nationaleface à de tels événements.»

THOMAS HOFNUNG

OtagestuésauNiger:aprèsledeuil, ledouteTERRORISME L’Aqmi ne reconnaît être l’auteur qued’une seule exécution. Une enquête a été ouverte.

Le député vert européens’est épanché ce week­enddans le Journal du diman­che. Il assure qu’il ne voit«pas la gauche gagner»en 2012. Pas plus queNicolas Sarkozy. L’ancienleader de mai 68 redouteun autre «21 avril». «Sarkoest fort», explique DanielCohn­Bendit dans cetteinterview, mais «en face, onpeut tout faire pour un sui­cide politique collectif degrande ampleur». Selon lui,«au PS, la tactique estnuisible. Cette stratégied’attendre le plus long­temps possible m’énerve.Pour moi, le meilleur candi­dat aujourd’hui est DSK[Dominique Strauss­Kahn]mais je suis peut­êtreintoxiqué par les sonda­ges», affirme­t­il. Quant àJean­Luc Mélenchon, ildonne selon lui «le meilleurexemple d’un discours quise veut tonitruant maisinutile». PHOTO AFP

DANIEL COHN­BENDIT REDOUTEUN 21 AVRIL

LES GENS

MAI

JANV

JANV

JANV

LA CONFIANCE ACCORDÉE À L’EXÉCUTIF

François Fillon

% d’opinions positives

Sondage Viavoice pour «Libération»

-JANV

Nicolas Sarkozy

Après le remaniement de novembre, intervenu alors quele président de la République et le Premier ministreétaient au plus bas, l’exécutif était reparti à la hausse.Surtout François Fillon. La calamiteuse gestion de lavague de froid et autres inquiétudes de début d’annéeont depuis rafraîchi l’atmosphère politique. Et la morositén’épargne pas les personnalités de l’opposition qui, selonnotre sondage Viavoice­Libération (réalisé les 13 et14 janvier auprès de 1005 personnes), pâtissent aussi dece manque de confiance. Dominique Strauss­Kahn esttoujours en tête à 54% d’opinions positives, mais enbaisse de 2 points. Martine Aubry à 46% et François Hol­lande à 39% progressent de +2%. Manuel Valls n’a riengagné à dénigrer les 35 heures: il perd 2 points à 24%.Et 36% des gens ne savent toujours pas qui c’est. F. W.­D.

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«Nos combattants ontemmené l’un des otages loindu véhicule visé […] l’autre aété tué par les Français plustard dans le bombardement. »L’Aqmi dans un communiqué

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201116 • FRANCEXPRESSO

Page 17: Liberation.lundi.17.Jan

RUE Jeudi Noir, militants du Net, défenseurs des Roms... samedi, àParis, 1500 manifestants ont défilé pour dénoncer le texte Loppsi 2.

Carrefourdecontestationcontrelaloisurlasécurité

L orsque Sara hèle lespiétons, samedi,place de l’Odéon àParis, tracts en

main, à coups de «Pourl’abrogation de la Loppsi 2»,nombreux sont les passantsinterloqués. Loppsi, le nomles interroge: «Une énième loisécuritaire, une loi fourre-toutcomme on dit dans les mé-dias», crie un haut-parleur,alors que les manifestantssortent au compte-gouttesdu métro. Cette fois, ils sontprès de 1 500, selon les orga-nisateurs, à dénoncer la loi«d’orientation et de pro-grammation pour la perfor-mance de la sécurité inté-rieure» qui arrive demain endeuxième lecture au Sénat.C’est plus que lors des mobi-lisations précédentes.Yourtes. Chacun est venuavec ses propres préoccupa-tions. La Loppsi 2 mélangecode de la route, dispositionssur la vente à la sauvette,élargissement des pouvoirsdonnés aux polices munici-pale et lutte contre la pédo-pornographie. «Ce que l’ondénonce, explique Sara, c’estla direction que prend le paysdepuis l’époque où Sarkozyétait ministre de l’Intérieur.Comme les lois sécuritaires quiprécèdent, c’est une loi faite

pour rassurer le petit-bour-geois. Mais elle précarise tousceux qui n’ont pas choisi unmode de vie conforme, en par-ticulier parmi la jeunesse.»Fédération nationale des artsde la rue, Jeudi noir, ou biendéfenseurs des Roms, les as-sociations présentes dans lecortège témoignent de l’in-quiétude que suscite la loi surle sort des logements précai-res: yourtes, squats et cara-vanes… «Le 32 ter A» est sur

toutes les lèvres. Cet articlede la Loppsi pourrait per-mettre aux préfets d’ordon-ner aux occupants d’un ter-rain de quitter les lieux, sanspasser devant le juge, et cemême si le propriétaire estd’accord pour qu’ils restent.Près de la rue Saint-Sulpice,«La Nini», 63 ans, raconte:«Nous, on est des gens duvoyage. Nous avons réussi àacheter quelques bouts de ter-rain pour que nos enfantsaillent à l’école l’hiver. Si noussommes là aujourd’hui, c’estqu’avec cette loi, nous n’allons

plus pouvoir garder ni nos en-fants ni nos vieux chez nous.On ne va plus pouvoir les pren-dre en charge.» Patricia, uneamie qui l’accompagne, a dûrenvoyer de chez elle sa filleet son petit-fils nouveau-né.Motif : le maire n’aimait pasque la caravane stationnechez elle. «Ras-le-bol !»,s’exclame Patricia«Prétexte». Quelques mè-tres devant elles, une bande-role clame «Diogène vécut

dans un ton-neau, Jésusnaquit dansune bergerie,Molière etDjango tra-versèrent enroulotte le

pays, choisissons notre modede vie.» Autre point mobili-sateur, une disposition de laloi proposant de filtrer les si-tes internet à caractère pé-dopornographique. Pour lesmilitants du Net, c’est unécran de fumée. «Les sites depédopornographie ne sontqu’un prétexte, pour Cédric,23 ans, bandana sur la tête.Ils contournent déjà la loi. Jecrains que ce filtrage soit uti-lisé de manière abusive, que laliberté d’expression sur la toilesoit bâillonnée.»Les associations de sans-pa-

piers ferment la marche. LaLoppsi les touche directe-ment. Lorsqu’il s’agira dedécider si un étranger peutrester ou non en France, cedernier ne se rendra plus autribunal. Il restera dans lecentre de rétention, et assis-tera à son procès par vidéointerposée. Venue par soli-darité, Elisabeth Cosini, unephotographe de 34 ans,avoue ne pas trop connaîtrecette loi, «passée inaperçue,et trop ardue». Elle est là parsolidarité. «Pour mon travail,je suis des Afghans. Après sixmois de galère, ils venaient detrouver un endroit dans un ca-mion. La police est passée, ducoup ils n’ont plus rien.»En fin d’après-midi, le cor-tège antiLoppsi rejoint le dé-filé tunisien, place du Châte-let. «Cela s’est fait toutnaturellement, explique Mi-chel Sitbon, un des organisa-teurs de la manifestation. Demémoire de militant, c’est lapremière fois que je vois unmouvement sur une questionnationale et un mouvement detype international se rallier.»Plusieurs acteurs du mouve-ment antiLoppsi ont pris unepart active à la contestationdu régime tunisien sur l’In-ternet.

GUILLAUME BOULORD

«Cette loi précarise tous ceuxqui n’ont pas choisi un modede vie conforme, en particulierparmi la jeunesse.»Sara une manifestante

Samedi, à Paris. La loi Loppsi2 arrive demain en deuxième lecture au Sénat. PHOTO JEAN­MICHEL SICOT

CADAVRE Le corps entière-ment calciné d’un hommeencore non identifié a été dé-couvert, samedi après-midi,en bordure d’un chemin àMougins (Alpes-Maritimes).

INCENDIE Une église a étépartiellement endommagéepar un incendie criminel,hier, à Hérouville-Saint-Clair, ville de la banlieue deCaen, dans un acte qui a«ciblé des objets religieux»,selon le parquet de Caen.

HOMICIDE Deux jeunes fillesde 18 et 17 ans entendues de-puis samedi à Marseille pourleur implication présuméedans le meurtre d’une ado-lescente de 16 ans, tuée àl’arme blanche au sortird’une discothèque, doiventêtre déférées ce matin. Lavictime est décédée de deuxcoups de couteau portés lors

d’une rixe suite à unequerelle ayant démarré dansla boîte de nuit.

ACCIDENT Deux jeunesde 20 ans ont péri dans unaccident de la route, hier, àCahuzac (Lot-et-Garonne),alors que le chauffeur étaitsous l’emprise de l’alcool etdu cannabis.

ESSONNE Les 18 personnesqui avaient été interpelléesaprès avoir commis des dé-gradations dans des bureauxde la mairie de Corbeil-Es-sonnes ont toutes été remisesen liberté au cours du week-end. Aucune charge n’a étéretenue. Vendredi soir, ces18 jeunes, dont les contratsd’accompagnement à l’em-ploi (CAE) arrivaient à termeet qui en souhaitaient le re-nouvellement, avaient faitirruption dans la mairie.

Une cache d’armes pouvant appartenir au groupe indé­pendantiste basque armé ETA a été mise à jour samediprès d’Arinthod, un bourg d’un millier d’habitants situé àune dizaine de kilomètres du Parc régional du Haut­Jura.«Un promeneur a découvert fortuitement une cached’armes qui peut potentiellement être attribuée à ETAmais cela nécessite des investigations plus approfondies»,a indiqué une source judiciaire. Une autre source prochedu dossier a précisé qu’«un sac d’armes a été trouvé dansune cavité en pleine nature avec des documents en bas­que». Cette découverte intervient alors que le responsa­ble informatique présumé d’ETA, arrêté le 11 janvier àCiboure, sur la côte basque, doit comparaître ce lundidevant la cour d’appel de Pau qui examinera un mandatd’arrêt européen délivré par la justice espagnole.

UNE CACHE D’ARMES DE L’ETADÉCOUVERTE DANS LE JURA ?

L’HISTOIRE

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LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 FRANCEXPRESSO • 17

Page 18: Liberation.lundi.17.Jan

Les glissements de terrain, comme ici à Nova Friburgo hier, ont emporté résidences secondaires et habitations modestes.

«Laterres’estdécolléedesmontagnes»Hagards, les habitants de Teresópolis, au Brésil, ont payé un lourdtribut aux pluies torrentielles de mercredi et demandent des comptes.Par CHANTAL RAYESEnvoyée spéciale à Teresópolis

D iego jette un regard douloureux aupaysage. «On aurait dit un tsu-nami.» Nous sommes à Teresópolis,l’une des trois villes les plus tou-

chées par les intempéries qui se sont abattuesla semaine dernière sur la région monta-gneuse de l’Etat de Rio de Janeiro. Le bilan,provisoire, de la catastrophe naturelle la plusmeurtrière de l’histoire du Brésil est de612 morts (sans compter plus de14000 sans-abri). A Teresópolis,on compte déjà 261 victimes.«Mais il doit y avoir encore beaucoup de corpssous les décombres, dit Diego. Les recherchescontinuent. Au ralenti, car les secours sont dé-bordés.» Des hélicoptères de l’armée survo-lent la ville pour tenter d’évacuer les survi-vants encore coincés dans les zones les plusisolées. Devant l’institut médico-légal, descentaines de personnes se pressent pour ten-ter d’identifier les corps de leurs proches. Lesmorts sont si nombreux que la morgue ne

suffit plus pour les accueillir. Il a fallu en im-proviser une dans trois camions réfrigérésgarés en face et d’où s’échappe une odeurâcre. «Dans mon quartier, c’est nous, les habi-tants, qui avons retiré les victimes, reprendDiego. Et il y a encore des cadavres en pleinedécomposition.»

«LA TERRE S’EST DÉCOLLÉE». Situé au fondd’une vallée sillonnée par des cours d’eau,le quartier de Campo Grande est complète-ment dévasté. Tout ou presque a été emporté

par la force des inondations et deséboulements de terrain. Les rési-dences secondaires des habitants

aisés de Rio comme les modestes habitations.La moto de Diego cahote sur ce qui était uneroute il y a encore une semaine et n’est plus,aujourd’hui, qu’un invraisemblable mélangede boue, de restes d’arbres et de gigantesquespierres qui ont dégringolé des sommets alen-tour. Ici, un motel éventré dont il ne reste quel’enseigne coquine. Là, des voitures pulvéri-sées et renversées… «On n’avait jamais vu unetempête pareille, reprend Diego. Il a plu si fort

REPORTAGE

que la terre s’est décollée des montagnes, em-portant la roche avec elle. Les cours d’eau sontdevenus des océans. L’eau est montée très haut,elle a tout emporté sur son passage.»On voit encore sa trace, très haute, sur ce quireste des maisons. Des survivants reviennentsauver ce qui peut encore l’être. «On a peurdes pillages», dit l’un d’eux. Des familles en-tières trimballent des balluchons. Devair, lui,pose sa télé pour souffler un peu. Cet hommede 42 ans était chargé de l’entretien de la pis-cine d’un ensemble de villas. «Il était 3 heuresdu matin, dans la nuit de mardi à mercredi,quand nous avons été surpris par la tempête,raconte-t-il. Tout s’est passé très vite. Quandj’ai été à ma fenêtre, l’eau rentrait déjà dans lamaison. J’ai à peine eu le temps de sauver mafemme et mes enfants.»D’autres n’ont pas eu cette chance. Non loinde là, des soldats armés de pelles s’attaquentà une zone engloutie par un déluge de pierre,à la recherche de cadavres. Un jeune hommecontemple les lieux, l’air absent. Mario estinformaticien. Sa maison, à quelques centai-nes de mètres, a miraculeusement résisté au

désastre. Pas celle de sa fiancée. «Elle estmorte, souffle-t-il. Elle m’a appelée, désespé-rée, pour me demander de l’aide. Je me suis pré-cipité, j’avais de l’eau jusqu’à la poitrine. Maisc’était trop tard.» Un homme, un peu plusloin, gémit : «J’ai pu sauver des tas de gensmais pas ma propre mère.»

«DES FISSURES». Carlos, un maçon à la re-traite, montre ce qui reste de sa maison, àflanc de colline à Granja Florestal, un autrequartier sinistré. «Avec ma retraite de misère,je n’ai pas de quoi habiter ailleurs», justifie-t-il. Fataliste, il impute le désastre aux forcesde la nature: «Il a plu en vingt-quatre heurespresqu’autant qu’en un mois entier.» Carlos estinterrompu par un jeune du quartier.William, maçon lui aussi, dissimule mal sacolère: «Il y avait des fissures depuis déjà long-temps dans la colline [à cause des construc-tions, ndlr] et la mairie n’a rien fait! explose-t-il. Pourtant, nous payons nos impôts.»Le maire de Teresópolis, Jorge Mario, est issudu Parti des travailleurs, la formation du trèspopulaire Lula et de sa successeure, la prési-dente Dilma Rousseff. «C’est même pour çaqu’on a voté pour lui, reprend William, amer.Mais il n’a rien à voir avec Lula, s’empresse-t-il d’ajouter. C’est un bon à rien, comme ceuxqui l’ont précédé. Des mecs qui accèdent aupouvoir pour se remplir les poches.» «Et siles pauvres n’arrivent pas à se loger dans unlieu sûr, ils s’en fichent! continue Josimar, unami à lui. Sauf avant les élections, bien sûr…»Dans les trois villes les plus touchées, Teresó-polis, Nova Friburgo et Petrópolis, on compteau moins 5 000 habitations dans des zonesdites à risque, c’est-à-dire installées à flancde collines ou au bord de rivières. On ytrouve certes des résidences secondaires–qui profitent des vues privilégiées–, maissurtout des maisons modestes, fruit de dé-cennies d’absence de politique de logementsocial.

Funérailles à Teresópolis, jeudi.

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201118 • TERRE

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Terezinha, une femme de ménage, sort de lamorgue. Elle a perdu une sœur et quatre ne-veux. Ils habitaient comme elle sur les colli-nes de Teresópolis. «On a construit nos mai-sons nous-mêmes. Moi, j’ai consulté uningénieur, mais plein de gens habitent carré-ment au bord de l’abîme, et la mairie laissefaire.» Le gouverneur de l’Etat de Rio, SérgioCabral, a dénoncé ce «populisme». «Quandil n’y a pas de politique du logement, où vonthabiter les gens pauvres ? Là où ils peuvent»,a renchéri la présidente, Dilma Rousseff, quia débloqué 350 millions d’euros pour la re-construction des villes touchées.

SANS ÉMOTION. A la mairie de Teresópolis,les mines sont penaudes et fuyantes. «C’estvrai qu’il y a des gens dans des zones à risque,concède un attaché de presse. Mais ils y sontdepuis quarante ans et rien ne s’est passé.»Sauf qu’«un déluge n’aurait pas eu de consé-quences s’il n’y avait pas eu de gens là où ilaurait dû n’y avoir personne», gronde lapresse. Même les mesures de prévention lesplus élémentaires ont fait défaut. Mardi,avant la tempête, l’Institut national de météoavait bien donné l’alerte à la défense civile.Mais la mairie de Teresópolis affirme ne pasl’avoir reçue. De toute façon, la ville n’amême pas de plan d’évacuation. «Nous avonsété totalement pris de court, nous sommesabandonnés de tous», lâche Maria qui a trouvérefuge, avec son époux et le reste de sa fa-mille, dans un gymnase transformé en centred’accueil. André, lui, a perdu quatre proches.Ce maçon de 22 ans raconte ce qu’il a vécupresque sans émotion, comme s’il avait en-core peine à émerger d’un cauchemar. Il estrevenu sur les lieux pour récupérer sa guitarequ’il gratte doucement. Que dit André? «Sile ciel nous est tombé sur la tête, c’est aussiparce que nous avons détruit la nature. Et lavoilà maintenant qui se venge, sous forme depluies de plus en plus violentes.» •

Les recherches d’éventuels survivants et des corps des victimes se poursuivaient hier à Nova Friburgo. PHOTOS FELIPE DANA. APFunérailles à Teresópolis, jeudi.

Après avoir décompté au moins612 morts et face à la nécessitéd’évacuer les gens des zones iso­lées, l’Etat a décidé d’envoyerhier les hélicoptères de l’armée.Plus de 14000 personnes restentsans abri et une dizaine de zonesagricoles sont encore isolées.

REPÈRES

Rio deJaneiro

Teresópolis

Petrópolis

NovaFriburgo

Sumidouro

OcéanAtlantique

Paraíba

ÉTAT DE RIODE JANEIRO

ÉTAT DEMINAS GERAIS

25 km 1000 km

Principales inondations

«Le Brésil aurait dû êtremieux préparé à cettecatastrophe. Ce genrede tragédie ne doit passe produire.»Margareta Wahlstrom secrétairegénérale adjointe desNations unies pour la réductiondes risques de désastres naturels

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Avec Zhao Tao Producteurs executifs : Ren Zhonglun, Chow Keung, An Gang, Li Peng, Li Peng, Producteurs : Wang Tianyun, Yu Likwai, Meg Jin, Lin Ye, Xiong Yong Producteurs associés : Xu Wei, Zhang Dong, Maria Jin, Li Jingyi, Liu Xiaodong Conseillers artistiques : Lin Xudong, Chen Danqing Réalisateur Jia Zhang-Ke Directeur de la Photographie Yu Likwai Son Zhang Yang Musique Lim Giong Montage Zhang Jia Produit avec le soutien de Shanghai Bund, De Rockefeller Group, Master Development CO., LTD et Sina.com

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LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 TERRE • 19

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20 • ECONOMIEXPRESSO

I ls sont un petit millierdans une salle parisienne,ont déboursé 90 euros

pour en être; leur excitationest palpable. Comme le dit leblogeur-humoriste Vinvinvenu les chauffer, ils saurontmieux à l’issue de cette TEDxqu’ils «ne savent rien». In-classable, la version françaisede TED (T pour Technology,E pour Entertainment,D pour Design) jouait samedià guichets fermés. Les800 places disponibless’étaient arrachées en unquart d’heure quatre moisplus tôt.«Aucun politique». Lan-cées en 1984 en Californie,ces conférences populariséespar Internet –in-tégralement fil-mées, elles y sontdécoupées et ar-chivées sousforme de milliersde vidéos – ontessaimé dans lemonde entier. Le principe?Se faire le «propagateurd’idées» nouvelles en réunis-sant, à intervalles réguliers,scientifiques, chercheurs,gourous high-tech, chefsd’entreprises, artistes, intel-los. Une recette qui fleurebon le «think positive» àl’américaine, sur fond d’em-pathie humanitaire, de socialbusiness et de messianismetechno très dans l’air dutemps. «TED veut rendre lemonde meilleur, explique unebénévole de l’organisation.C’est peut-être terriblementnaïf, mais ça peut marcher.

Certains vont ouvrir les yeuxsur des questions qu’ils nesoupçonnaient même pas, ettant pis s’ils retournent à leurtrain-train. Il en restera tou-jours quelque chose.»Après «Libérez l’étincelle»l’an passé, l’édition pari-sienne avait cette année pourthème les «Futurs singu-liers». Durant cinq heures,seize personnalités de toushorizons –«Aucun politique,c’est la règle», explique Mi-chel Lévy-Provençal, prési-dent de l’association TEDxParis– sont venues proposerleur «vision pour changer lemonde» en dix-huit minutesmaximum. Une règle d’or,immuable depuis la première

édition. Selon le fondateur deces conférences, RichardSaul Wurman, au-delà de celaps de temps un auditoirenormalement neuroné dé-croche. De l’astrophysiquede haut vol pour néophytes àun prototype de violon bary-ton, en passant par l’engraisnaturel au bois raméal frag-menté au sexe du cerveau, ily en a pour tous les goûts.Des «futurs hybrides», des«alternatives» et des «dépas-sements», comme le présen-tateur-journaliste DavidAbiker tente de classifier cejoyeux mélange des genres.

En quelques minutes, onpasse du témoignage sur lemode au coin du feu dePierre Rabhi, chantre de ladécroissance heureuse, auxenvolées dans la 4D spatio-temporelle d’un «designerolfactif» aveugle, à «la chi-rurgie cardiaque au servicedes enfants du monde».«Utiles». «Cette alternancede leçons de vie et de vulgari-sation, d’exposés et de sé-quences plus émotionnelles n’arien d’idiot», explique lephysicien du Commissariat àl’énergie atomique EtienneKlein qui reconnaît qu’iln’aurait jamais accepté cetype d’invitations il y a en-core cinq ans. «C’est un mé-lange distillé qui permet desuivre et de ne pas s’ennuyer,poursuit-il, c’est varié, àl’image de notre monde.»Intervenant fidèle de TED,l’entrepreneur Rafi Halad-jian, père du lapin commu-nicant Nabaztag, regrettepour sa part une «dérive an-gélique» d’un tel zapping. «Al’origine, TED rassemblait desoriginaux capables de fairepasser des messages très utilespour la vie de tous les jours àtravers le récit d’un design dechaise ou d’une programma-tion informatique : on n’avaitpas besoin de noyer tout celadans les bons sentiments.» Bi-lan d’un étudiant en grandeécole venu chercher à TEDdu «sens» à sa future vieprofessionnelle: «J’étais déjàperdu et je ressors encore pluspaumé qu’avant.»

CHRISTOPHE ALIX

ConférenceTEDx,lasciencedugrandécartIDÉES Samedi, l’édition parisienne de ces rassemblementsa célébré un gai savoir entre high-tech, arts et chercheurs.

La conférence TED de New York, en septembre 2010. PHOTO KATIE ORLINSKY.NEWYORKTIMES.REA

De la 4D spatiotemporelleau violon baryton, enpassant par une discussionsur le sexe du cerveau, il yen a pour tous les goûts.

Eric Cantona ressort son kung­fu antibanquiers. Mais pours’attaquer à ses propres banques, cette fois ­ci. L’ancienfootballeur avait appelé, le 8 octobre, à la révolution: «Aulieu d’aller dans les rues faire des kilomètres [pour manifes­ter], tu vas à la banque de ton village et tu retires tonargent.» Le 7 décembre devait être la journée des sans­cu­lottes contre leurs banques. Mais l’idée, pourtant sédui­sante, a viré au flop. De plus, deux banques se sont un peutrop laissé aller à des confidences. Et Cantona, selonLepoint.fr, a décidé de porter plainte pour violation dusecret bancaire. L’ex­numéro 7 de Manchester Unitedreprocherait à l’agence d’Amiens de BNP Paribas d’avoirvendu la mèche en assurant qu’il allait faire un retraitsupérieur à 1500 euros. Et il s’attaque aussi au Crédit agri­cole de Paris qui aurait lâché une info­bombinette au sited’intelligence financière WanSquare, lequel avait révéléque «Canto» s’apprêtait à monter une opération de retraitd’espèces «spectaculaire» pour un montant de750000 euros. Vraie ou fausse, la fuite? Qu’importe:Cantona dépose plainte, et l’histoire rebondit... PHOTO AFP

ÉRIC CANTONA PORTE PLAINTECONTRE SES DEUX BANQUES

C’est un deal aussi sulfu­reux que maousse: le géantbritannique BP et le russeRosneft ont signé un rap­prochement et un accordpour la prospection dupétrole offshore en Antarc­tique. BP prendra 9,5% deRosneft et le groupe russe5% du britannique. Ilsentendent prospecter etexploiter une immensezone de 125000km2 quipourrait receler jusqu’à5 milliards de tonnes depétrole et 3000 milliardsde mètres cubes de gaz. Lecontrat a aussitôt suscitél’inquiétude. Le présidentdémocrate de la Commis­sion des ressources natu­relles de la Chambre desreprésentants, EdwardMarkey, a demandé à ceque les autorités américai­nes étudient l’accord. Deson côté, Greenpeace rap­pelle que toute compagniequi effectue des foragesdans cette zone «ne peutprétendre se comporter demanière responsable».

BP ET ROSNEFTS’ALLIENT SURL’ANTARCTIQUE

L’HISTOIRE

LA VIE OFFRE BIEN PLUS QU’UNE VOLVO. CÉDER À L’HÉRÉSIE PLUTÔT QU’AU CONFORMISME. CÉDER À LA PASSION PLUTÔT QU’À LA PRESSION. CÉDER À L’APPEL D’UNE OFFRE IRRÉSISTIBLE. C’EST POURQUOIVOUS CONDUISEZ LA VOLVO S60.

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DU 25/11/10 AU 31/03/11

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011

Page 21: Liberation.lundi.17.Jan

ECONOMIEXPRESSO • 21

TRAVAIL Au référendum sur la flexibilité en échange du maintien du siteitalien de Mirafiori, le oui l’a emporté, malgré le refus des ouvriers.

Fiat:heuressupàlachaîne

L es «cols blancs» ontrejeté le scénario noir.Alors que les ouvriers

qui travaillent à la chaîne del’usine Fiat de Mirafiori ontmajoritairement repoussé lepacte –investissements con-tre flexibilité – proposé parl’administrateur délégué,Sergio Marchionne, lesautres employés ont à l’in-

verse largement approuvé(à 96%) vendredi soir l’ac-cord de la direction évitant ladélocalisation du site. Aubout du compte, le oui l’em-porte avec 54% des voix.Le patron du groupe auto-mobile avait clairement poséun ultimatum aux salariés decette usine historique de Fiatqui emploie encore

5 500 personnes : «Si le nonl’emporte, même avec 51%,nous n’investirons pas.» SelonMarchionne, la mondialisa-tion impose des gains deproductivité en Italie, où unouvrier «produit en moyennetrois fois moins de voitures paran que son collègue polonais».D’où une sortie provoca-trice : «En cas de rejet du

plan, nous irons sabrer lechampagne à Detroit», ausiège de Chrysler, dont Fiatdétient 25% du capital. A laveille du scrutin, il avaitmême reçu le soutien de Sil-vio Berlusconi, qui en avaitrajouté («si l’accord devaitêtre rejeté, les entreprises ita-liennes auraient de bonnes rai-sons pour délocaliser»).Fiat ne quittera donc pas Tu-rin et plus d’un milliardd’euros d’investissement se-ront réalisés pour la produc-tion d’environ 280 000 vé-hicules (Alfa Romeo et Jeeps)par an. En échange, lesouvriers devront accepterune intensification des tours,une réduction des pauses ouencore une hausse des heu-res supplémentaires (avecune augmentation d’environ3 500 euros par an).Les deux centrales syndica-les CISL et UIL avaient ap-prouvé l’accord tandis que lesyndicat des métallurgistesde la Fiom-CGIL s’y est op-posé, dénonçant une dété-rioration des conditions detravail et une remise encause des acquis sociaux. CarFiat n’entend plus signer descontrats nationaux, mais né-gocier usine par usine desnouveaux accords. Les orga-nisations non signatairesn’auront pas de représen-tants auprès de la direction.Conséquence, la Fiom-CGIL,qui a obtenu le soutien desouvriers, risque d’être excluede la table des négociations.Face à cette perspective, lagauche italienne s’est diviséesur le référendum… ainsi quela nouvelle secrétaire de laCGIL, Susanna Camusso, quiredoute la détermination desmétallos et appelle au dialo-gue. Comme le président deFiat, John Elkann, qui espèreun «retour à la normalité».

De notre correspondantà Rome ÉRIC JOZSEF

RETOUR SUR LES SOUPÇONS D’ESPIONNAGE CHEZ LE CONSTRUCTEUR

Renault: un des cadres licenciés se rebiffeL’un des trois cadres de Renault soup-çonnés d’espionnage a annoncé sa-medi à RTL avoir reçu sa lettre de li-cenciement «pour faute lourde» etexprimé sa volonté d’aller «jusqu’aubout» pour être «lavé» des accusa-tions et «réintégré à cette entreprise».«Cette lettre ne me donne aucune infor-mation concrète, fait état d’un licencie-ment pour faute lourde avec trois fois

rien, avec essentiellement des convic-tions de la part de Renault», assureBertrand Rochette. Et d’ajouter : «Iln’y a aucun détail, j’aurais reçu dessommes d’argent de source étrangère»sans preuve, selon lui. De plus, esti-me-t-il, «Renault ne dévie pas d’unpouce depuis les interrogatoires aux-quels j’ai été soumis […] Renault a dé-cidé de mon sort sur des convictions».

Rochette s’estime victime d’un«piège» et a assuré avoir laissé à «ladisposition de tous les enquêteurs» ses«ordinateurs» et ses «disques durs».Le 3 janvier, trois hauts cadres de Re-nault, dont un membre du comité dedirection, ont été mis à pied. Une me-sure liée à des soupçons de diffusiond’informations sur son programme devéhicules électriques.

A

BCE La chancelière AngelaMerkel s’est décidée à fairecampagne pour placer AxelWeber (photo), à la tête de laBanque centrale européenne(BCE), assure le quotidien al-lemand Bild. «Il est temps dedescendre dans l’arène», dé-clare une source citée par lesite du journal. Axel Weberest l’actuel président de laBundesbank. Les Allemands,premiers contributeurs aubudget de l’UE et au Fondsde solidarité, acceptent mal

de devoir garantir la dette depays qu’ils considèrentcomme les mauvais élèves dela zone euro. PHOTO REUTERS

AGRICULTURE Le scandalede la dioxine a rebondi sa-medi en Allemagne avec ladécision des autorités d’in-terdire à 934 exploitationsagricoles supplémentaires devendre des œufs, de la vo-laille ou du porc. Une déci-sion qui intervient après ladissimulation par un fabri-quant de livraison d’alimen-tation animale potentielle-ment contaminée.

TRANSPORT Alstom a en-gagé des négociations exclu-sives avec la province deBagdad pour la constructiondu métro aérien de la capi-tale irakienne, assure l’AFP.La société française avaitdéjà signé, en juillet à Bag-dad, un protocole d’accordpour la fourniture clés enmains d’une centrale électri-que au fuel à Bassora.

«Les documents montrent que [ces clients]se cachent derrière le secret bancaire,vraisemblablement pour échapper au fisc.»Rudolf Elmer, l’ex­banquier suisse qui veut remettreà WikiLeaks deux CD contenant, selon lui, les nomsde 2000 clients de banque offshore

Les petits actionnaires roulent­ils pour Bernard Arnault?L’Association de défense des actionnaires minoritaires(Adam) a annoncé samedi qu’elle avait déposé un recoursdevant la cour d’appel de Paris dans le dossier Hermès­LVMH. Sa remuante présidente, Colette Neuville, avaitannoncé par avance qu’elle ferait appel au cas où l’Auto­rité des marchés financiers donnerait le feu vert à laparade élaborée par les héritiers de Thierry Hermès pourverrouiller le capital de leur société face aux appétits deLVMH. La décision de la cour d’appel n’est pas attendueavant plusieurs mois et le numéro1 mondial du luxe n’apas dit s’il allait également faire appel de la décision dugendarme de la Bourse. Chez Hermès, on se dit «serein».La famille possède 73,4% du capital, mais aucun héritiern’en a individuellement plus de 5%. LVMH, arrivé sansprévenir fin octobre au capital du sellier, détient désor­mais 20,21% des actions. Pour se protéger, les héritiersd’Hermès avaient décidé début décembre de créer unholding regroupant plus de 50% du capital du groupepour lequel ils avaient obtenu de l’AMF un statut déroga­toire en raison du caractère strictement défensif de leurinitiative. C.Al. (avec AFP) PHOTO AFP

HERMÈS: COLETTENEUVILLE DÉPOSEUN RECOURS CONTRELES HÉRITIERS

LES GENS

50milliardsde dollars, soit 37,35 milliards d’euros, c’est la valeurdu nouveau gisement de gaz découvert en Iran selon leministre du iranien Pétrole, Massoud Mirkazemi. Le nou­veau gisement, appelé Khayam, est situé à l’est d’Assalou­yeh, «avec des réserves de 260 milliards de mètres cubes,dont 210 milliards peuvent être exploités».

LA VIE OFFRE BIEN PLUS QU’UNE VOLVO. CÉDER À L’HÉRÉSIE PLUTÔT QU’AU CONFORMISME. CÉDER À LA PASSION PLUTÔT QU’À LA PRESSION. CÉDER À L’APPEL D’UNE OFFRE IRRÉSISTIBLE. C’EST POURQUOIVOUS CONDUISEZ LA VOLVO S60.

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LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011

Page 22: Liberation.lundi.17.Jan

Nadal:Chelem,unpeu,beaucoup...En s’imposant à Melbourne, l’Espagnolserait le premier depuis 1969 à remporterles quatre tournois majeurs à la suite.

Par LIONEL FROISSART

A croire qu’ils ne sont que deuxjoueurs à disputer les Internatio-naux d’Australie, dont le coupd’envoi a été donné la nuit der-

nière. Tout le monde ou presque semble de-voir résumer ce premier tournoi du GrandChelem de la saison à une affaire qui devraitse terminer par un duel entre lesdeux meilleurs joueurs du mondedepuis six ans, soit l’Espagnol RafaelNadal et le Suisse Roger Federer. C’est pres-que par politesse que les noms du Serbe No-vak Djokovic, de l’Ecossais Andy Murray, duTchèque Tomas Berdych, du Suédois RobinSoderling, voire du Français Jo-WilfriedTsonga ou du Russe Nikolay Davydenko sontcités comme de possibles casseursd’ambiance.Mais plus qu’un nouveau face-à-face entreFederer, vainqueur de l’an dernier, à Nadalqui l’avait battu et mystifié en finale l’annéeprécédente, c’est la possible entrée dansl’histoire du tennis de l’Espagnol qui occupeles conversations. En s’imposant dimanche30 janvier sur le court bleuté de la Rod LaverArena, Rafael Nadal deviendrait en effet lepremier joueur depuis le susnommé Rod La-ver à remporter de manière successive lesquatre tournois majeurs. L’Australien,aujourd’hui âgé de 72 ans et retiré en Califor-nie, est pourtant l’un des rares à faire la finebouche sur cet éventuel «Rafa Slam» et semontre assez mauvais joueur lorsqu’il déclarequ’un Grand Chelem ne peut être validé ques’il est obtenu lors d’une même saison.

GRIPPE. Ce n’est pas le genre de la maison,mais Nadal, s’il remportait le tournoi austra-lien, pourrait lui répondre que lui a gagné surla terre battue de Roland-Garros, le gazon–certes de plus en plus dur– de Wimbledonet sur les surfaces dures de Flushing Mea-dows et Melbourne, tandis que Rod Laver n’aremporté son Grand Chelem de 1969 que surdeux surfaces: la terre parisienne et le gazonqui recouvrait alors les courts de Melbourne,

Londres et New York. Les commentateursd’aujourd’hui n’en sont plus à chipoter surces détails.L’intéressé, lui, a déjà actionné quelques van-nes pour tenter d’évacuer un peu de la pres-sion qui précède ce genre d’exploit trop an-noncé. «C’est vrai que je ne vais peut-êtreavoir cette opportunité qu’une fois dans ma car-rière. Mais, ce n’est pas pour cela que je vais

être sous pression. Elle est la mêmepour tous les tournois du Grand Che-lem. Pour moi, gagner le quatrième à

la suite ne m’occupe pas l’esprit. Mais, je penseque si cela arrivait, je serais plus heureux de lavictoire à l’Open d’Australie que du fait qu’ils’agisse du quatrième à la suite. C’est à 100%la vérité.» Au passage, Rafael Nadal a révéléqu’il serait complètement rétabli demainpour son premier match après avoir été affai-bli par une grippe tenace lors de son passageau Qatar. Une raison de plus de se méfierpour ses futurs adversaires.

RELÂCHÉ. Pour remporter son premierUS Open, en septembre, Rafael Nadal avaitdégainé un nouveau service, gros fournisseurde points gratuits, et un revers slicé amélioré,parfait pour torturer ses adversaires. Quepeut proposer d’inédit l’Espagnol cette an-née ? L’ancien joueur Lionel Roux,aujourd’hui consultant sur Canal +, penseque Rafael Nadal peut encore gratter quelquespetits détails. «Son jeu vers l’avant est perfec-tible, ce qui pourrait lui permettre d’abréger leséchanges et d’économiser son physique qu’il n’ajamais ménagé jusque-là. Son enchaînementservice-volée est également un secteur à tra-vailler, et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’iljoue plus souvent en double.» Fabrice Santoro,désormais également consultant Canal+, re-joint son compère sur ces deux points, maisajoute que le numéro 1 mondial gagnerait en-core en efficacité s’il parvenait à régler quel-ques détails côté revers.Des remarques auxquelles échappe son dau-phin, Roger Federer, considéré à nouveau ausommet de son art après sa démonstrationaux Masters en novembre. «Techniquement

parfait, relâché, équilibré dans ses déplace-ments, toujours droit quand il va chercher uneballe vers l’avant, puissant sans vraiment lemontrer», selon Santoro. «Parfait gestionnairede son calendrier, et suffisamment “égoïste”pour dire non à la Coupe Davis lorsqu’il s’agitde se ménager», ajoute Roux, remarquant quele Suisse a «raté une fin de saison 2010 mons-trueuse à un ou deux points près perdus àl’US Open ou à Bercy. Pour lui, la motivation decette saison sera de retrouver son rang de nu-méro 1 mondial sachant qu’il n’est plus qu’à unesemaine du record de Pete Sampras [286 se-maines, ndlr].»Lionel Roux et Fabrice Santoro ne laissentdonc pas beaucoup de raisons d’espérer auxadversaires des deux favoris du tournoi aus-tralien, même s’ils acceptent de se mouillersur les chances des autres prétendants. SelonRoux et Santoro, «Djokovic a pour lui sa régu-larité et son aptitude à rester solide lors desgrands rendez-vous». «Berdych et surtout So-derling, je les vois comme des “tanks” de plusen réguliers dont il faut se méfier, tout commeDavydenko qui me semble déjà très affûté»,ajoute Roux. Pour Santoro, Andy Murray, fi-naliste l’an dernier, «a besoin d’un déclic. Ildoit améliorer son coup droit, être plus agressif,tout en gardant ses qualités de contreur». •

ANALYSE

Pour Caroline Wozniacki, l’opérationconquête de popularité a maldémarré en 2011: un match, unedéfaite (à Sydney). «Je n’ai rien àprouver», martèle la Danoise, trèsméthode Coué. Car toute numéro 1mondiale qu’elle soit, Wozniacki portesur ses épaules la crédibilité sportive–et commerciale– d’un circuit féminin,dont le haut niveau n’a peut­êtrejamais été aussi dense, mais quisouffre cruellement de l’absenced’une patronne au charisme aussipercutant que le tennis –reviensSerena Williams (absente des courtsdepuis sa victoire à Wimbledon l’andernier)! Autant dire qu’uneélimination précoce –et toute défaiteavant, disons, la finale serait jugéecomme telle– de Wozniacki,jamais victorieuse d’un tournoi duGrand Chelem, ferait extrêmementdésordre et provoquerait ungros coup de blues chez les VRPde la WTA. G.Dh.

TENNIS FÉMININCHERCHE REINE

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201122 • SPORTS

Page 23: Liberation.lundi.17.Jan

Le numéro 1mondial, RafaelNadal, mercredià Melbourne,à l’entraînement.PHOTO MARK BAKER.AP

La méthode du coach de Gaël Monfilsallie travail physique et écoute.

Roger Rasheed,psycho patteC ertes, l’entraîneur australien

de Gaël Monfils n’est pasqu’une montagne de mus-

cles. Mais on ne peut ignorer sacarrure. Celle d’un Musclor accroà la salle de gym, à deux doigts defaire péter les coutures du short etdu polo, à l’œil aussi sombre queles cèdres du Liban, le pays de sesancêtres.Avec lui, le premier contact estphysique, forcément. RogerRasheed est une monta-gne. Magique, vontd’ailleurs bien devoir fi-nir par reconnaître sesdétracteurs, lui qui aaccompagné le LleytonHewitt de la grandeépoque cinq ans durantet qui veille depuis maintenantdeux ans et demi à la destinée deGaël Monfils, numéro 1 français,qui entrait en lice la nuit dernièreà Melbourne. Mais une montagnepensante, surtout.Il suffit d’une discussion à l’heuredu thé avec lui pour s’en persua-der. Le rugueux accent d’Adelaïdecharrie des «mental», «parole»,«évolution», «apprentissage»,«psychologie». «La plu-part des gens ont une mau-vaise lecture de Roger,confirme Mark Wood-forde, ex-numéro 1 mon-d i a l d e d o u b l e ,aujourd’hui codirecteurdu tournoi d’exhibition d’Adélaïdeà ses côtés. A cause de son physi-que, ils ne voient pas combien c’estavant tout quelqu’un de très richeintérieurement.» «Pour moi, Rogerc’est un mentor, lâche sans lamoindre hésitation Gaël Monfils.Quelqu’un que j’admire beaucoup.Très proche de moi sur le courtcomme en dehors.»Dans une autre vie, Roger Rasheeda été un junior très prometteur,devenant, en 1985, à 15 ans et10 mois, le plus jeune joueur à sequalifier pour l’Open d’Australie.Avant que des douleurs au dos nel’obligent à mettre un terme à sacarrière sans avoir pu dépasser la192e place mondiale. Ensuite, pourgagner sa vie, il a fait speaker offi-ciel du club de foot australien dePort Adélaïde, avant de revenir autennis par la voie de la préparationphysique, puis du coaching.Haïkus. Rasheed est une baraquebrune de 41 ans qui considèrecomme une politesse pour soimais aussi pour les autres d’entre-tenir quotidiennement son corpset de penser chaque matin à re-pousser ses propres limites. Qui afait de la force mentale son chevalde bataille. Et qui, plusieurs foispar jour, poste sur Twitter desmessages aux airs de haïkus posi-

tivistes. Qui disent des chosescomme : «La jalousie et l’avaricesont de terribles habitudes, si vousrencontrez des personnes comme ça,gardez vos distances.» Ou encore:«Il n’y a que si vous avez tout faitpour vous préparer au combat quevous pouvez entrer sur le court avecune réelle croyance et vous fairevraiment confiance.»A l’entraînement, la montagnen’est pas seulement capable de ré-

pondre «pain» par«pain» aux coupsdroits supersoniquesde la Monf’ ou de ga-gner au tennis-ballonassocié à son élève. Elleest capable d’enjambersoudainement le filet,

juste pour parler. «Peut-êtreétais-je psychologue dans une vieantérieure ? s’amuse RogerRasheed. En tout cas, je trouve celatrès facile de motiver les gens, detravailler sur leur psychologie etd’essayer de faire ressortir les bon-nes choses enfouies en eux. C’est trèsnaturel pour moi.» «Il est dur, at-tention ! précise dans un sourireMonfils. Et un peu borné dans ses

idées !» «Rash» assume tout.«Oui, je pousse beaucoup Gaël. Toutle temps. Et je serais très déçu s’iln’aimait pas ça. Le fait est qu’il aimeêtre poussé, que j’aime le pousser, etje pense que c’est de cette manièrequ’il peut grandir.»Partage. Prosélyte du «quand onveut on peut», Rasheed ne se voitpas en tenant de la science infuse.Mais plutôt en adepte du partage.«Avec Gaël, confie le coach, en de-hors du court, on passe beaucoup detemps à parler. De tennis bien sûr,mais aussi de la vie en général. J’aipratiquement dix-huit ans de plusque lui, et forcément j’ai fait face àdavantage de situations que lui, et ilaime que je partage mon expérience.Mais on s’amuse aussi beaucoup en-semble, et il m’apprend, lui aussi. Çamarche dans les deux sens.» Parler,parler, encore et toujours parler.«Même à 13 ans, se souvient MarkWoodforde, il n’avait pas peur d’ar-gumenter contre les adultes. Monpère, qui était son entraîneur, l’ado-rait, mais lui avait conseillé de mettreparfois de l’eau dans son vin s’il nevoulait pas s’attirer trop d’ennuis.»Un conseil que bien évidemmentRoger Rasheed n’a pas suivi. On nedéplace pas une montagne.

Envoyée spéciale à MelbourneMYRTILLE RAMBION

REPÈRES

«Si Rafael Nadal remportel’Open d’Australie en 2011 aprèsRoland-Garros, Wimbledonet l’US Open en 2010, ça ne serapas un Grand Chelem.»

L’Australien Rod Laver dernier joueur à avoirremporté les quatre tournois majeurs d’affiléela même année, en 1969

Les tournois du week­endLe Français Gilles Simon (vain­queur du Serbe Viktor Troïcki, 7­5,7­6) et la Chinoise Li Na (victo­rieuse de la Belge Kim Clijsters 7­6,6­3) se sont imposés à Sydney.A Auckland, c’est l’Espagnol DavidFerrer, qui l’a emporté (6­3, 6­2 enfinale contre l’Argentin David Nal­bandian), tandis que l’Austra­lienne Jarmila Groth empoche letournoi de Hobart (6­4, 6­3, face àl’Américaine Bethanie Mattek­Sands).

«Peut-être étais-jepsychologue dans une vieantérieure?»Roger Rasheed

LES HUITIÈMES THÉORIQUESHommes. Nadal (Esp)­Cilic (Cro); Youzhny(Rus)­Ferrer (Esp); Soderling (Suè)­Tsonga(Fra); Melzer (Aut)­Murray (G.­B.) ; Berdych(Tch)­Davydenko (Rus); Djokovic (Ser)­Lju­bicic (Cro); Roddick (E.­U.)­Monfils ; Fede­rer (Sui)­Fish (E.­U.). Dames. Wozniacki(Dan)­Bartoli (Fra); Henin (Bel)­Schiavone(Ita) ; V. Williams (E.­U.)­Sharapova (Rus);Li Na (Chi)­Azarenka (Blr) ; Jankovic(Ser)­Radwanska (Pol) ; Petrova (Rus)­Clijs­ters (Bel) ; Stosur (Aus)­Peer (Isr) ;Pavlyuchenkova (Rus)­Zvonareva (Rus).

DR

2Le nombre de fois où Federera été en position de réussirun Grand Chelem. En 2006 eten 2007, le Suisse échoue à Roland­Garros, battu par Nadal en finale.

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 SPORTS • 23

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SKI Le Croate Ivica Kostelic aremporté hier le slalom deWengen (Suisse), son qua-trième succès depuis le débutde l’année. Avec sa victoirevendredi dans le combiné, ilprend le large en tête de laCoupe du monde. Jean-Bap-tiste Grange, 3e hier, re-monte sur le podium pour lapremière fois depuis novem-bre et sa victoire à Levi (Fin-lande). Les filles ont, elles,été mises au chômage tech-nique : il faisait trop doux àMaribor (Slovénie), le slalomet le géant ont été annulés.

SKI NORDIQUE Le FrançaisJason Lamy-Chappuis volevers la conquête d’une

deuxième Coupe du mondede combiné d’affilée. A See-feld (Autriche), le championolympique s’est imposé sa-medi et a terminé deuxièmehier, creusant l’écart en têtedu classement. En biathlon,Martin Fourcade, trois fois 2e

lors de l’étape de Ruhpol-ding (Allemagne), pointe à la3e place du général.

SHORT TRACK Le FrançaisThibaut Fauconnet a été sa-cré champion d’Europe àHeerenveen (Pays-Bas). LeDijonnais a réalisé le GrandChelem en gagnant les 500,1000, 1500 et 3000 mètres.Un exploit inédit dans l’his-toire de la compétition.

«La vérité, c’est qu’on étaitrévolutionnaire. Que ce soit dans la manièrede s’entraîner, de préparer les courses,de vendre le cyclisme et dans la façon donton a fait passer notre message au monde.»Lance Armstrong résumant son apport au cyclisme la veillede sa course, le Tour Down Under, en Australie

E t si c’était Lille? Vainqueurs (2-0)à Nice samedi, les Nordistes res-tent en tête de la Ligue 1 après la

première journée des matchs retour.Ces gars-là ont une vraie gueule dechampions potentiels. Et ils ne de-vraient plus tromper grand-mondequand ils continuent d’affirmer,comme ils le font depuis des semaines,que leur place de leader du classement,qu’ils occupent depuis le 5 décembre,est «anecdotique».

Les Lillois, meilleure attaque (35 buts),candidats au titre? C’est une évidencedans l’esprit de leurs adversaires. «Lilleest la plus belle équipe que nous ayonsrencontrée, celle qui maîtrise le plus le jeu.Elle me fait penser à une équipe espagnolejouant plutôt bien au ballon», a constatésamedi le coach niçois, Eric Roy.Sauf qu’à Lille, évoquer le titre est taboupour l’instant. Les blessures, le manquede banc, l’exemple récent de Bordeaux,leader incontestable à la trêve l’an der-

nier et bouté hors du podium, les défai-tes contre l’OM (1-3) et à Lyon (3-1), lafaible avance au classement: Rudy Gar-cia, l’entraîneur lillois, possède uneliste de réserves et de précautions delangage longue comme le calendrierchargé du Losc pour repousser touteprécipitation. N’empêche, mercredi, lesLillois reçoivent Nancy en match en re-tard. S’ils gagnent, ils auront 4 pointsd’avance. Rien d’anecdotique.

G.Dh.

Lillen’apaslagrossetêteFOOT Le Losc, leader depuis le 5 décembre, refuse de parler du titre.

Le RC Toulon de Jonny Wilkinson (photo) a fait exploserla province irlandaise du Munster (32­16), hier, sur son ter­rain. Une victoire qui, combinée à la défaite des Ospreyschez les London Irish, propulse les Varois en quart de laCoupe d’Europe dès leur première participation. Autantdire que c’était jour de fiesta hier à Mayol: pour étalonnerl’exploit de Toulon, fessé 45­18 à l’aller, il faut préciser queles Irlandais, deux fois champions d’Europe, étaient abon­nés aux quarts depuis onze ans. Le Stade toulousain,tenant du titre, a également composté son ticket pour lesquarts (qu’il disputera pour la 13e fois) après sa victoirecontre Newport (17­3). Qualifiés également les Irlandaisdu Leinster et les Anglais de Northampton. Clermont,Biarritz et Perpignan sont en ballottage avant la dernièrejournée de matchs de poule ce week­end. PHOTO REUTERS

LES TOULONNAISQUALIFIÉS POUR LESQUARTS DE LA COUPED’EUROPE DE RUGBY

LA PERF

Les handballeurs français éreintent l’EgypteVainqueurs 32-19 de la Tunisie vendredi, les handballeursfrançais ont encore fait le job, hier, en dominant l’Egypte28-19 pour leur deuxième match du Mondial en Suède. Ladéfense des Bleus a vite écœuré l’adversaire avec un ThierryOmeyer monstrueux dans les buts, repoussant sept des neufpremiers tirs égyptiens et terminant la partie à 53% d’arrêts.En face, le gardien a longtemps maintenu les siens dans lematch (12-8 pour la France à la pause), puis les champions

olympiques, du monde et d’Europe se sont détachés progres-sivement en seconde période, comptant entre 4 et 7 butsd’avance avant la fantasia finale, marquée par un pion spec-taculaire de Cédric Sorhaindo (photo). Ce soir, les Bleus ren-contrent leur adversaire le plus exotique, le Bahreïn, contrelequel ils devraient assurer leur présence au tour principal,avant d’attaquer les choses sérieuses contre l’Allemagnemercredi, puis l’Espagne jeudi. PHOTO FRANCK FIFE. AFP

SamediToulouse­Nancy: 1­0Pour Toulouse: Tabanou (28e)Paris­SG­Sochaux: 2­1Pour Paris­SG: Sakho (17e), Giuly (23e)Pour Sochaux: Maïga (14e)Lyon­Lorient: 3­0Pour Lyon: Gomis (41e, 57e), Kallstrom (53e)Auxerre­Monaco: 1­1Pour Auxerre: Quercia (26e)Pour Monaco: Adriano (71e)Lens­Saint­Etienne: 2­1Pour Lens: Roudet (82e s.p.), Perrin (83e c.s.c.)Pour Saint­Etienne: Chelle (78e c.s.c.)Brest­Caen: 1­3Pour Brest : Grougi (45e s.p.).Pour Caen: Nivet (11e), El­Arabi (81e s.p.), Hamouma (87e)Nice­Lille: 0­2Pour Lille: Gervinho (44e), Sow (50e)Rennes­Arles­Avignon: 4­0Pour Rennes: Tettey (23e), Brahimi (37e, 56e),Mvila (90e s.p.)Montpellier­Valenciennes: 2­1Pour Montpellier : Giroud (80e s.p.), El­Kaoutari (81e)Pour Valenciennes: Dossevi (49e)

DimancheMarseille­Bordeaux: non parvenu

LA 20E JOURNÉE DE L1Le classement 20/38 journéesPOINTS JOUÉS GAGNÉS NULS PERDUS MARQUÉS ENCAISSÉS DIFF.

1 Lille 35 19 9 8 2 35 21 142 Paris­SG 34 20 9 7 4 32 22 103 Rennes 34 20 9 7 4 22 12 104 Lyon 34 20 9 7 4 29 21 85 Toulouse 30 20 9 3 8 22 20 26 Montpellier 30 20 8 6 6 17 20 ­37 Marseille 29 19 7 8 4 27 17 108 Saint­Etienne 29 20 7 8 5 27 22 59 Brest 28 20 7 7 6 21 18 310 Bordeaux 27 19 6 9 4 24 21 311 Sochaux 25 20 7 4 9 30 25 512 Lorient 25 20 7 4 9 22 27 ­513 Nancy 25 19 7 4 8 21 27 ­614 Auxerre 24 20 4 12 4 26 23 315 Nice 23 20 5 8 7 14 20 ­616 Valenciennes 22 20 5 7 8 22 23 ­117 Caen 21 19 5 6 8 20 27 ­718 Monaco 20 20 3 11 6 20 21 ­119 Lens 19 19 4 7 8 19 33 ­1420 Arles­Avignon 8 20 1 5 14 10 40 ­30

L’épais dossier médical de Franck Ribéry s’est enrichid’une nouvelle blessure samedi. Touché au genou lors dumatch contre Wolfsburg, le Français a finalement eu «plusde peur que de mal» : il craignait une rupture des ligaments(et une saison terminée), ce n’est finalement qu’uneentorse (au minimum deux semaines d’arrêt), qui pourraitcependant le priver d’un retour chez les Bleus à l’occasiondu match amical contre le Brésil, le 9 février. «Le patientfrançais», comme l’a surnommé la presse allemande, col­lectionne les blessures depuis qu’il a signé à Munich en2007. Sur les deux dernières saisons et demie, il a manquésix mois de compétition, subi deux interventions chirurgi­cales et disputé 56 des 86 matchs de Bundesliga duBayern, dont seulement 43 comme titulaire. PHOTO AP

FRANCK RIBÉRYRETOURNEÀ L’INFIRMERIE

LE BIDE

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201124 • SPORTS

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REBONDS • 25

Quelles sont les données duproblème? D’une part, l’éner-gie et l’électricité sont desproduits de première néces-sité, aussi indispensables quel’air et l’eau, dont les usagesconditionnent notre qualité devie: alimentation, santé, édu-

cation, culture, mobilité, productivité en dépen-dent étroitement. Et la façon de les produire, deles distribuer et de les utiliser résulte de choixpolitiques, de choix de société. D’autre part, la dé-finition d’une politique énergétiquepour la France ne peut faire l’im-passe sur sa réalité physique, sonenvironnement géostratégique.La France ne dispose pas en propre,nous le savons, des ressources natu-relles suffisantes pour répondre aumodèle de développement dont elles’est dotée depuis le début duXXe siècle.A partir de là, quelles sont les be-soins à satisfaire, les défis à relever?Le droit au développement, la ré-ponse aux besoins des peuples exigent une énergieabondante, de qualité et au meilleur coût. Noussommes loin du compte puisque deux milliardsd’êtres humains n’ont accès à l’énergie que par…le bois de chauffe! C’est le problème majeur, sansnégliger cependant les conséquences écologiqueset climatiques négatives liées à la production et àl’usage des énergies, mais pour lesquelles des solu-tions existent, qui nécessitent créativité et nova-tion politiques. Ce sera l’un des enjeux de 2012.Cette réalité impose de modéliser notre politique

énergétique, de définir leschoix technologiques, lesmodalités et les moyens deproduction d’électricité,ainsi que leur cadre orga-nisationnel.Pour la première fois dansson histoire, l’humanitéest confrontée à la dispa-

rition de ressources naturelles. Une coopérationdoit être instaurée entre les pays producteurs depétrole et de gaz –très souvent des pays en voie dedéveloppement– visant à établir des prix régulés,stables et acceptables par tous. Les transferts detechnologies peuvent contribuer à cette stabilité.Pour ce qui concerne le gaz, les contrats à très longterme et, en parallèle, le développement des ré-seaux par méthaniers et gazoducs peuvent limiterefficacement les risques géopolitiques.Le charbon –dont les réserves mondiales restentabondantes – est un combustible d’avenir, maisc’est aussi l’un des plus polluants. La France, quia une riche expérience, pourrait conjuguer l’ex-ploitation charbonnière avec le développement detechnologies d’utilisation propre de ce minerai.Son savoir-faire en matière d’exploitation en cou-che profonde comme en stockage de gaz naturellui confère une pertinence dans la recherche surla capture de gaz à effet de serre. Autant d’atoutsfavorables à la diversification des sources d’énergieet à une aide conséquente aux pays dont le char-bon est le principal vecteur de développement.La faiblesse du financement de notre recherche estégalement préjudiciable au développement éner-

gétique et industriel du pays. Les recherches dansles domaines de l’énergie, des réacteurs de qua-trième génération, des piles à combustible, de lafusion (projet Iter) sont capitales si nous voulonsaffronter avec sérénité la fin de l’ère pétrolière,notamment dans les transports. On ne pourra, àcet égard, faire l’économie de partenariat étroitavec les entreprises. Sinon, elles devront contri-buer à l’effort national de recherche par la fiscalité.Quant aux programmes internationaux et euro-péens, ils ne pourront être durablement négligés,comme c’est le cas aujourd’hui.

Autre problème : la constructioninsuffisante de logements neufs etl’inadaptation du parc existant à unbon emploi des énergies constituentégalement un défi pour demain.Il s’agit, avec des politiques de laville ambitieuses et dotées demoyens, d’un axe de développementessentiel afin de répondre au besoinde confort, de dignité et de qualitéde vie de nos concitoyens. Un urba-nisme moderne et soucieux deshommes doit réintégrer dans la ville

les fonctions de production et d’échange pourlimiter les longs déplacements. Dire cela et ne pasinterpeller l’esprit civique des entreprises seraitvain. Ces dernières instaurent, de fait, des régimesde mobilité au gré exclusif des appels fiscaux opé-rés par les diverses collectivités locales. Or, lestransports doivent être repensés, et anticipés, àl’aune de l’échéance de la disparition du pétroleforcément précédée d’une élévation de son coût.Les dispositifs multimodaux – fer - route, flu-vial-route– doivent être privilégiés, et une autreforme de carburant utilisée: l’hydrogène, dont laproduction, le transport et la distribution mobili-seront aussi des ressources énergétiques.Autre problème encore : les déréglementationsengagées depuis deux décennies sont désastreuseset engendrent complexification, gâchis et désopti-misation du secteur. Citons l’absence de cohé-rence des investissements, l’implantation anar-chique des moyens de production, la création d’unconcurrent direct d’EDF avec la fusion Suez-Gazde France. On ne pourra pas se projeter dans unepolitique énergétique post-2012 sans avoir faitl’état des lieux de nos capacités actuelles, ni ennégligeant d’évaluer les perspectives industriellesde notre pays. Il est impératif de tirer le bilan desdéréglementations pour réorienter cette politiquevers des logiques de long terme et de maîtrisepublique.La mise en place d’un pôle public de l’énergie estun des outils de pilotage et de régulation que nousappelons de nos vœux. Il s’agit de réguler, au nomde l’intérêt général, la concurrence qui se fait jour,destructrice de capacités, de valeurs et d’emplois;de réorienter, à partir d’un cahier des charges deservice public, les initiatives privées, en instaurantun pilotage collégial et des objectifs définis par laloi. Préserver l’encadrement tarifaire de l’électri-cité ne passera pas par le seul équipement des mé-nages en compteurs intelligents en vue d’obtenir,tout au plus, une autorégulation des consomma-tions (ce que 3,4 millions de foyers de notre paysen situation de précarité énergétique s’emploientà faire pour ne consommer que le strict mini-mum). Une bonne idée serait l’instauration d’une

tranche sociale permettant de garantir un droit àl’énergie pour tous.Tout comme celle de passer de l’Europe de la con-currence énergétique à l’Europe de la coopérationénergétique. La création d’une agence européennede l’énergie permettrait d’associer sécurisation,indépendance et long terme avec des objectifscommuns: la réduction des gaz à effets de serre;la recherche; le droit à l’énergie ou les réseaux. Ladiversité des situations au plan européen concerneaussi les sources d’énergie possibles (nucléaire enFrance, charbon en Pologne…). Au train où vontles choses, l’Europe sera en 2020 dépendante à70 % des approvisionnements énergétiques exté-rieurs. Il apparaît indispensable que si chaque paysconserve sa souveraineté sur ses pratiques et déci-sions, celles-ci soient prises en pleine connais-sance des pratiques et décisions de l’ensemble despays concernés. L’agence de l’énergie contribue-rait à la cohérence des niveaux d’investissements,des économies d’énergie, des énergies renouve-lables, de la capture et la séquestration du CO2, dela sécurisation des réseaux.Un contrat social à trois entrées est à rebâtir :1) Pour les salariés de l’énergie, dont les activitésont été externalisées sous prétexte d’abaissementdes coûts, et auxquels il faut un socle social com-mun, dont l’objet serait de garantir à chaque tra-vailleur un seuil de rémunération égal, un degréde qualification et des conditions de travail iden-tiques quel que soit son employeur. Cette disposi-tion est indispensable pour réguler les entreprises,fidéliser les compétences, refaire de ces salariésdes vecteurs de confiance et d’acceptabilité(notamment du nucléaire, mais aussi de l’hydrau-lique et d’autres sources) au sein de la population.Si les salariés ont des droits en matière économique(CE), en matière sociale (CHSCT, DP), ils n’en ontaucun en matière environnementale. Pourtant, quimieux qu’eux savent ce que l’entreprise rejette,d’autant qu’ils habitent souvent avec leur familleà proximité des sites? Quoi de plus naturel que deleur permettre de disposer d’un droit de retraitenvironnemental, comme ils l’ont déjà pour lessituations de travail dangereuses ?2) Pour les usagers, il faut instaurer un vrai droitde regard et d’intervention sur les politiques tari-faires, sur les choix d’équipements ainsi que surleur fonctionnement. Les conseils d’administra-tion doivent leur être ouverts, autrement qu’enqualité d’actionnaires.3) Enfin, les grands enjeux d’avenir en matièreénergétique concernent les besoins vitaux de laplanète tout entière. Avec deux milliards d’êtreshumains en marge de l’accès à l’énergie, ces be-soins fondamentaux sont gravement altérés pourtous. Si le libre accès à leurs ressources naturellesest un droit pour les nations les plus développées,pourquoi l’accès aux technologies et à la forma-tion est-il refusé aux pays les plus démunis ?Continuer ainsi est absurde et inhumain. Il estgrandement l’heure de penser – puis d’engagersans retard– les transferts les mieux adaptés auxexigences de progrès économique, social et envi-ronnemental.Tout cela n’est pas affaire de «spécialistes», etexige l’ouverture d’un immense chantier citoyen,donc un essor sans précédent de la démocratie.A seize mois de l’élection présidentielle, c’est unequestion cardinale.

La mise en place d’un pôle public del’énergie est un des outils de pilotageet de régulation que nous appelons denos vœux. Il s’agit de réguler, au nomde l’intérêt général, la concurrence.

Par LA FONDATIONGABRIEL­PÉRI

Quels choix énergétiquespour la France en 2012?

Créée en 2004 à l’initiativedu Parti communiste fran­çais, la Fondation Gabriel­Péri est reconnue d’utilitépublique. Elle se propose,au même titre que d’autresfondations politiques,d’être un lieu de recher­ches, de travail et d’élabo­ration de propositionssusceptibles d’être utilesau débat public.

LES ENJEUX DE

2012Chaque semaine,Libération publie

les réflexionsdes fondations

progressistes, à l’horizonde la présidentielle.

Auteur: DENIS COHENMembre du comité scien­tifique de la FondationGabriel­Péri, directeurdu séminaire «Energieet Développement: un en­jeu de civilisation»

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011

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L'ŒIL DE WILLEM

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Debray et Drucker, faisons un rêveLes meilleurs livressont décidémentceux qui ne parais-sent jamais. Il étaitune fois, un éditeurqui avait une idéeoriginale : faire po-ser douze questionsà Michel Druckerpar Régis Debray, ettransformer cetteimprobable inter-view en livre. L’édi-teur (la maison Al-bin Michel) sollicita

l’animateur et l’écrivain, qui donnèrent leuraval au projet. Le questionneur questionna,par écrit. Il questionna personnellement, aumoins le suppose-t-on. Pour le questionné,les choses s’avérèrent plus compliquées. Pourdes raisons qui lui appartiennent, l’anima-teur sous-traita la rédaction des réponses àl’écrivaine Calixthe Beyala, qui se trouvaitêtre, à ce moment-là, sa maîtresse. Pour prixde ses services, selon cette dernière, l’ani-mateur lui avait promis la sommede 200 000 euros.Que se passa-t-il? Le projet capota, le couplese disloqua (on ignore dans quel ordre).Et l’écrivaine demanda à son ex-compagnonde lui payer sa participation à l’entreprise.

Refus de l’ex-futur coauteur. Irritation de la«ghostwriter» (on n’ose écrire «négresse»)abusée. Procès.En l’absence de contrat écrit, Drucker et Al-bin Michel démentirent d’abord les accusa-tions de Beyala, niant toute participation desa part, avant que l’animateur ne reconnaisseune «collaboration spontanée». Le tribunalcorrectionnel, estimant que l’apport deBeyala n’était que «technique», et donc nonprotégé par le droit d’auteur, débouta d’abordl’écrivaine.Mais la cour d’appel, cette semaine, vient aucontraire de lui donner raison, en condam-nant Michel Drucker à lui payer la sommede 40 000 euros. Certes,Drucker et Beyala n’avaientpas signé de contrat, maisparce qu’elle se trouvait, selon les juges,«dans l’impossibilité morale» d’exiger quoique ce soit de la part de l’animateur en raisonde la «relation intime établie depuis plus dedeux années» avec lui.Au-delà de la croustillante mésaventure ducouple, l’anecdote, survenant juste aprèsl’affaire PPDA-Hemingway, dont il était iciquestion la semaine dernière, vient jeter unelumière crue, une nouvelle fois, sur les res-sorts ordinaires du système de l’édition. Sil’association Beyala–Drucker ne s’était pasrompue, on n’aurait jamais su que Drucker

avait sous-traité la rédaction de ses réponsesà Debray. Le grand public, de toute manière,n’en saura pas grand-chose, les médias ayantété plus discrets sur cette mésaventure judi-ciaire de Drucker que sur les malheurs dePPDA dans l’affaire Hemingway.Mais le plus fascinant est le concept même dulivre, indépendamment des péripéties del’accord entre Drucker et Beyala. Disons-letout net: nous ne savons rien des questions,forcément percutantes, ni des réponses, for-cément brillantes. La curiosité de Debray a-t-elle porté sur les dérives de l’humanitaire,la subtilité de la cuisine créole, les mystèresde la politique fiscale, les variétés des an-

nées 70, la Constitution de laVe, les limites de l’humour,le voile islamique, la santé de

Johnny? Quelle est, sur toutes ces questions,l’opinion profonde de Drucker ? Nous n’ensaurons hélas jamais rien.Tout juste peut-on se contenter d’imaginer,si le projet avait connu une concrétisation,le joli duo des coauteurs en promo sur lesplateaux de télé. Drucker et Debray, ça, c’estune affiche, coco! Le médiologue et l’anima-teur, l’auteur de l’Etat séducteur et le produc-teur de Vivement Dimanche, les Champs-Ely-sées et la jungle bolivienne, le canapé rougeet la tribune officielle à La Havane, le cama-rade du Che et l’ami des pipeules, la piña co-

lada et la guimauve, le sucre et le poivre etsel, le mielleux et le ronchon, en vadrouilledans toutes les émissions qui comptent, faceà Zemmour et Naulleau chez Ruquier, face àAphatie chez Denisot, comme les Bogdanov,ou les Duhamel.Bien davantage qu’un duo de circonstance,d’ailleurs: l’incarnation même de l’improba-ble rencontre, des lignes qui bougent, dubrouillage des frontières entre philosophie etvariétés, littérature et chanson populaire, éli-tisme et grand public. La réconciliation desincompatibles : ce livre n’était calibré, aumillimètre près, que pour produire l’imagede cette jonction improbable, une des scènespréférées des plateaux de télévision. Commeun nombre grandissant de livres, d’ailleurs,au royaume enchanté de la vidéosphère, nesemblent publiés que pour légitimer unetournée des plateaux de la part de leur auteur.Gutenberg orné de plumes multicolores oùl’on pense, et exhibé sous les projecteurs parMcLuhan: on adorerait lire, à propos de cetépisode, le récit du médiologue Debray.

Par DANIELSCHNEIDERMANN

MÉDIATIQUES

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201126 • REBONDS

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REBONDS • 27

Atendre l’oreille, on pourrait croire que lesservices publics sont une plaie pour laFrance : ils seraient à la fois beaucoup tropcoûteux et vraiment inefficaces. Tenir un

discours comme celui-là, c’est oublier qu’ils sont unfacteur essentiel de démocratie et un pilier du pactesocial. Ils produisent et garantissent des droits, per-mettent de lutter contre les exclusions et les inégalitéssociales, culturelles ou territoriales.La crise économique et la montée des inégalités ontrendu sa légitimité à la nécessité des services publics.Malheureusement, la réponse du gouvernement estla pire qui soit: c’est une erreur de poser les questionsfinancières comme unique motivation (Révision géné-rale des politiques publiques en tête) en ignorant lacohésion sociale que doivent garantir les missions deservice public. Le court-termisme politique a eu lapeau du temps long du pacte social.S’il faut repenser des services publics pour une sociétédu XXIe siècle, leur raison d’être doit rester intacte :assurer la cohésion économique, sociale et culturellepour lutter contre les inégalités. Mais cela doit se faireaussi dans un cadre européen. A l’heure où on parlede mobilité géographique des salariés et de sécurisa-tion de leurs parcours professionnels, l’Europe doitêtre en mesure d’avancer dans la construction d’undroit du travail européen, mais aussi de penser har-

monisation et continuité des services publics de santé,des transports et de l’énergie. A ce titre, l’espaceeuropéen est le lieu pertinent pour débattre de l’évo-lution de la production énergétique, plutôt que deconstruire des services publics nationaux concur-rentiels, comme si le réchauffement climatique s’arrê-tait aux frontières !On doit débattre des objectifs des services publics car

en matière de santé, de transports ou de communi-cation, les besoins fondamentaux d’hier ne sont plusforcément ceux d’aujourd’hui. Notre société connaîtdes mutations d’envergure en matières économique,politique, technologique, environnementale et dé-mographique. Le monde change, les aspirations etles attentes des individus évoluent. Services publicset conservatisme ne font pas bon ménage. Il fautprendre en compte ces évolutions pour rester au ser-vice des publics.Un bon exemple: l’accès à Internet haut débit. L’Etatdoit désormais garantir que chacun, où qu’il vive,puisse y avoir accès. Ce qui vaut pour les moyens detélécommunication vaut aussi pour l’avenir de l’édu-

cation et de la santé. C’est l’enjeu du progrès destechnologies et de l’aménagement du territoire quiest soulevé.Le débat doit aussi porter sur la nature de ces services :il y a des fonctions régaliennes à maintenir sousl’autorité directe de l’Etat (parmi elles, le triptyquepolice–armée–justice) qui doivent être assurées pardes fonctionnaires avec des obligations d’impartialité,

de continuité, d’égalité de traitement,qui justifient les garanties protectricesde leur statut. Ces obligations ne peu-vent pas se permettre de varier au grédes changements politiques.

Pour l’ensemble des autres missions, qu’elles soientconduites par le public ou par des opérateurs privés,l’Etat doit assurer contrôle, évaluation et péréquationafin de garantir la cohésion, la solidarité et l’objectifde réduire les déséquilibres territoriaux et sociaux.Une mission de service public ne se résume pas à laforme juridique de l’entreprise ou au statut du per-sonnel. Un salarié du privé qui assure une mission deservice public n’est pas moins républicain qu’un fonc-tionnaire qui effectue la même tâche. Dans tous lescas, toute réforme du service public doit viser à assu-rer sa pérennité, sa qualité et sa démocratisation.La question européenne est au cœur des réponses àapporter. Il est grand temps de la poser.

S’il faut repenser des services publics pour leXXIe siècle, leur raison d’être doit rester intacte.

Par FRANÇOISCHÉRÈQUESecrétairegénéral dela CFDT

DÉBAT Réinventons les services publics.

Les services publics doivent êtreau service des publics

Face à l’argent roi,la République est en danger

S’indigner, comme le proposeStéphane Hessel, ne serait passuffisant, dit-on. Ce seraitpourtant déjà mieux. Résister

ne serait pas encore suffisant. Ce seraitpourtant déjà beaucoup. Alors, nousbattre pour une «nouvelle libération»,ce serait très bien. Ne jouons pas avecles mots : la Libération, ce n’est pas lavictoire de la Résistance, toujours trahieau lendemain de la victoire. La Libé-ration réside en fait dans la Résistanceelle-même jamais conclue, comme l’ajustement déclaré le Conseil national dela Résistance.Si l’Histoire a connu d’autres formesde mondialisation, jamais celle-ci n’aatteint la capacité de toucher immédia-tement et jusque dans leur quotidienle plus privé chaque individu, qu’ils’agisse du droit au travail ou de la li-berté de la presse. Ce sont les grandesinstitutions financières mondiales quiont pris le pouvoir. Elles ont imposé laloi du profit et de la marchandisation.Qui gouverne aujourd’hui? Et dans quelbut? La démocratie est en danger avec

la dissolution de la souveraineté despeuples et de l’anéantissement des li-bres choix des citoyens qui finissent parne plus croire dans la politique.Face à la loi de l’argent mondialisé,l’Europe ne nous protège pas, la Francenon plus puisqu’au contraire, c’est un

chargé d’affaires des puissances finan-cières qui est à la tête du pays. Il fautdonc résister : localement, grâce auxsyndicats, aux collectivités territoriales,aux associations, aux réseaux, à Inter-net. Il s’agit d’un choix éthique: la dé-fense de la dignité et de la liberté de lapersonne humaine, mais aussi d’unchoix de bonne gestion de la sociétéhumaine. Morale et bonne politique serejoignent par nécessité. La Républiquene peut être fondée que sur la vertu etsur des valeurs: la Liberté, l’Egalité etla Fraternité. Mais le mot «république»

ne suffit pas. Il lui faut des institutions:ce sont notamment les services publics.Aujourd’hui, la droite détruit pan parpan des services publics (éducation,santé, transports, sécurité, justice, pos-tes, énergie, diplomatie…).Il faut donc, pour résister, non pas un

combat «pan par pan»comme pour les acquis so-ciaux et les retraites ou ladémocratie de proximité etles collectivités locales.Il faut lancer une recons-

truction globale des services publics entenant compte des nécessités nouvellesqu’impose la mondialisation et retour-ner contre les forces de l’argent les ma-chines d’asservissement qu’elles sesont appropriées. Si nous voulons libé-rer nos peuples, la défense et la recons-truction des services publics rénovéssont une priorité. Ce qui révolte pro-fondément les Français et tant d’autrespeuples dont la jeunesse gronde partoutdans le monde, c’est l’injustice socialeet l’inégalité croissantes. Mais encoreune fois, il ne s’agit pas seulement

Par MICHELVAUZELLEPrésident (PS)de la régionProvence­Alpes­Côte d’Azur

d’idéal mais de bonne gestion : c’estpar la santé pour tous, la sécurité pourtous, l’enseignement pour tous, unemploi pour chacun, que notre sociétésortira de la crise.La République, ce n’est pas le racismesocial imposé par la force, loi après loi,du pouvoir de l’argent. Plus de 200par-lementaires et plus de 400 000 citoyensont signé la pétition que j’ai lancée l’andernier pour que soit inscrite, dans laConstitution, une charte des servicespublics. Il faut relancer ce combat quidoit être général. Il doit mobiliser tousles républicains qui veulent faire recu-ler l’argent roi en 2012. La Républiqueest en danger.

La République, ce n’est pas le racismesocial imposé par la force, loi après loi,du pouvoir de l’argent.

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LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 ANNONCES • 29

Page 30: Liberation.lundi.17.Jan

Par ÉLIANE PATRIARCAPhoto CHRISTOPHE MAOUT

SANTÉ Selon le chercheur italienMorando Soffritti, l’édulcorantaurait des effets cancérogènes:

«Il fautréévaluer lesrisques del’aspartame»D es boissons aux yaourts, en

passant par les desserts, bon-bons ou chewing-gums, lesproduits «light» ou «sans su-

cre» se multiplient pour soulager nosconsciences. Aujourd’hui, l’aspartameest l’édulcorant de table (sucrette) etl’additif alimentaire le plus utilisé. Fai-ble en calories, il a un pouvoir sucrantenviron 200 fois supérieur à celui du su-cre de table. Plus de 6 000 produits,dont 500 pharmaceutiques (vitamines,sirops antitoux) en contiennent et, selonle Réseau environnement santé (RES),200 millions de personnes dans lemonde en prendraient «régulièrement».Les plus gros consommateurs sont lesenfants et les femmes en âge de pro-créer. Leur absorption quotidienne estestimée à 2,5 à 5 mg par kg de poidscorporel. La dose journalière admissibleétablie par l’Autorité européenne de sé-curité des aliments (EFSA) est de40 mg/kg. Mais depuis sa mise sur lemarché dans les années 80, l’aspartamea régulièrement été suspecté d’effetsnéfastes sur la santé. Le revoilàaujourd’hui dans le collimateur, avecdeux études scientifiques relayées, il ya quelques jours, par le RES. L’Agencenationale de sécurité sanitaire de l’ali-mentation et de l’environnement(Anses) a indiqué qu’elle allait les exa-miner «sans délai» afin, éventuelle-ment, de «proposer de nouvelles recom-mandations aux autorités françaises» et«une saisine de l’EFSA pour une rééva-luation du bénéfice risque». Un poison àretardement que ce «faux sucre» ?La première étude, danoise, publiéefin 2010 (1), a porté sur 59934 femmesenceintes. Verdict : la consommation

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201130 •

VOUS

Page 31: Liberation.lundi.17.Jan

Le faux sucre, ultraprésent dans notre alimentation, reste un produitsuperflu et scientifiquement suspect depuis son invention, en 1965.

Les paillettes du «light»A l’origine, les édulco-

rants avaient un butthérapeutique. Aux

diabétiques, on interdisait lesucre et on recommandaitl’utilisation de la saccharine.Avec la mise au point de l’as-partame, les produits«light» ont pris leur essorauprès de consommateurs enquête d’assurance antikilos.Au point d’être désormaisancré dans nos assiettes et desusciter une flopée de recet-tes signées de grands chefs.Goût. L’aspartame est néen 1965. Un chimiste du la-boratoire américain Searle,qui travaille sur la synthèsed’un médicament antiulcé-reux, compose un mélangede deux acides aminés,l’acide aspartique et la phé-nylalanine. Il en aspire unegoutte et en découvre avecsurprise le goût sucré. Uneautorisation de mise sur lemarché est accordée à Searlepour l’aspartame en 1974,mais elle est suspendue, laFood and Drug Administra-tion (FDA) estimant que leseffets toxiques pour le cer-veau et cancérogènes ont été

mal appréciés. La FDA réitèreson refus jusqu’en 1980 etenclenche une procédure pé-nale après avoir découvertdes erreurs dans les tests detoxicité présentés par Searle.Dans un livre The Secret His-tory of the War on Cancer(2007), l’épidémiologisteaméricaine Devra Davis re-late comment le sort de l’as-partame s’arrange très viteune fois que Donald Rums-feld, ex-secrétaire à la Dé-fense de Ford et futur deBush, prend les rênes dugroupe Searle en 1977. L’en-quête pénale est abandon-née, le président Reagannomme à la tête de la FDAArthur H. Hayes, ancienchercheur, qui donne son feuvert à l’aspartame en 1981,malgré l’avis du comitéscientifique. Depuis, Searle aété racheté par l’agrochi-miste Monsanto.En France l’aspartame estautorisé en 1988. Son emploiest harmonisé en 1994 dansl’Union européenne. Depuis,approuvé dans plus de90 pays, il est devenu le fauxsucre leader dans le monde.

Pour autant, les attaquesscientifiques n’ont jamaiscessé, chaque fois repousséesaprès évaluation par lesautorités sanitaires améri-caines et européennes.Quant aux industriels pro-ducteurs, ils défendent leurmarché: la semaine dernière,après la révélation de deuxétudes accusant les édulco-rants de provoquer cancerset accouchements prématu-rés, l’Association nationaledes industries alimentaires asouligné que, depuis le débutdes années 80, l’aspartame aété évalué cinq fois parl’Autorité européenne de sé-curité des aliments.Diabète. La vraie questionn’est-elle pas celle de l’uti-lité des édulcorants ? Dansles trois cliniques où il dirigeles comités de liaison ali-mentation nutrition, LaurentChevallier, membre du Ré-seau environnement santé etmédecin attaché au CHU deMontpellier, a supprimél’aspartame des repas de sespatients. «Parce que ses inte-ractions avec les médicamentssont mal étudiées, explique-

t-il. De plus, cet édulcorantn’a pas fait la preuve de sonefficacité en terme de contrôledu poids.»Comment fait-il alors face audiabète? «Un peu de sucre enfin de repas à condition queceux-ci soient riches en fibresvégétales et aucun produit su-cré hors des repas. Je leur de-mande de boire leur café ou thésans sucre pendant trois se-maines. En général, ça suffitpour qu’ils s’y habituent.»Aux femmes enceintes re-doutant un diabète gesta-tionnel, il déconseille lesédulcorants, y compris laStevia, présentée comme na-turelle parce qu’issue d’uneplante d’Amérique du Sudmais dont on ne connaît pasles effets et souvent mélangéà d’autres faux sucres. «C’estla moindre des précautionsdans cette période cruciale,estime-t-il, alors je travailleplus sur l’éducation nutrition-nelle.» Laurent Chevallierplaide pour une réévaluationdes risques des édulcorants,rappelant qu’«aucun n’estindispensable.»

É.Pa.

démontre que l’aspartameest cancérogène non seule-ment pour les rats mais aussipour les souris, pour deuxespèces donc. Cela accroît lapotentialité de risque cancé-rogène de cet édulcorantchez l’homme. En outre,

l’étude met en évidence, chez les sourismâles qui ont ingéré de l’aspartameavec leur alimentation depuis la vie inutero (du douzième jour de la gestation)jusqu’à leur mort naturelle, une inci-dence accrue des tumeurs du foie et dupoumon.Pourquoi ces tumeurs apparaissent-elleschez les souris mâles, pas chez lesfemelles?Dans l’espèce dite Swiss de souris quenous avons utilisée, les femelles sontgénétiquement moins promptes à déve-lopper des tumeurs que les mâles, c’estce qu’on appelle une protection degenre.Fin 2009, l’EFSA a contesté la méthodo-logie de vos études antérieures et concluqu’il n’y avait pas lieu de réviser la dosejournalière admissible.C’est toujours la même histoire : lesautorités sanitaires décrètent qu’il y aune bonne science et une mauvaisescience, celle qui dénonce. Sur le dos-sier de l’aspartame comme dans celuidu bisphénol A, par exemple. Mais onoublie de dire que, souvent, les expertsdes autorités sanitaires sont aussi con-sultants pour des laboratoires !Concernant l’aspartame, les seules étu-des réalisées et publiées par le labora-toire américain Searle, qui a mis au

point cet édulcorant, portaient unique-ment sur ses effets sur le cerveau etconcluaient à l’innocuité. Aucune desautres études relatives à l’impact surd’autres organes que Searle est censéavoir réalisées pour obtenir l’autorisa-tion de mise sur le marché n’a jamaisété rendue publique.En quoi vos travaux seraient-ils plussignificatifs?Les études de Searle ne portaient quesur des panels de 30 rongeurs mâles et30 femelles, ce qui ne répond plus auxnormes actuelles : on considère quepour être significative, une étude doitporter sur un panel d’au moins 50 fe-melles et 50 mâles. Notre troisièmeétude a porté sur 852 animaux et testé4 doses différentes d’aspartame. Notreétude de 2006 a utilisé 1 800 animauxavec 7 doses différentes. En outre, nousavons étudié les animaux sur des pério-des longues, de la vie prénatale (douzejours in utero) jusqu’à la mort naturelle,vers trois ans. Or la période prénataleest cruciale, car l’aspartame fait partiede ces substances chimiques capablesde traverser la barrière placentaire, etde passer de la mère au fœtus.Que préconisez-vous?Sur la base de nos résultats, nous pen-sons qu’il faut réviser la réglementationen vigueur pour l’aspartame. Il fautaussi réévaluer les risques de tous lesédulcorants: aucun, de la saccharine àl’acésulfame K, en passant par la sucra-lose et la récente Stevia, n’a fait lapreuve de son innocuité. •(1) American Journal of Clinical Nutrition.(2) American Journal of Industrial Medicine.

d’au moins une boisson gazeusepar jour contenant un édulco-rant augmente en moyenne de38% les risques de naissanceavant terme.La deuxième étude, menée sousla direction de Morando Sof-fritti à l’Institut de recherchesen cancérologie environnementale Ra-mazzini à Bologne, parue en septembre(2), corrobore deux études publiées en-tre 2005 et 2007 par la même équipe surles effets cancérogènes de l’aspartamechez les rats. La méthodologie avaitalors été contestée par l’EFSA qui avaitconclu, en 2009, à l’absence d’«unquelconque potentiel génotoxique ou car-cinogène [cancérogène, NDLR]». Leschercheurs italiens ont persisté et resi-gnent aujourd’hui: leurs derniers tra-vaux sur des souris montrent quel’édulcorant accroît les risques de can-cers du foie et du poumon chez les mâ-les exposés depuis leur conception jus-qu’à leur mort naturelle.Invité par le RES, Morando Soffritti, di-recteur scientifique de l’Institut Ra-mazzini, structure dédiée au lien entrecancer et environnement, détaillera sesrésultats vendredi à Paris, lors d’uneconférence publique. En avant-pre-mière, ce chercheur, qui milite pourune révision de la réglementation euro-péenne sur l’aspartame, répond auxquestions de Libération.Vos premières études avaient mis en évi-dence des effets cancérogènes de l’as-partame sur des rats. Qu’apporte cettetroisième étude?Elle renforce nos premiers résultats et

La reproductionde nos petites annonces

est interdite

Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

[email protected]

CARNET

naissanCe

Après Lisie, Thelma, Madovint

ARTHUSle 17/12/2010

Grandmère Marie-Jeanne etPapy Jacques

souvenirs

JohnREIGHARD

Il est mort il y a deux ans.

ConférenCes

Colloque internationalLa Préhistoire des autres

Comment l'archéologie etl'anthropologie abordent le

passé des sociétés nonoccidentales

mardi 18 et mercredi 19janvier 2011.

Ce colloque réunitarchéologues et

anthropologues travaillant surdes cultures non occidentales,

et fait le point surles avancées récentes dans le

champ de la recherche, enmettant l'accent sur la

Préhistoire.Synthèses générales et étudesde cas permettent de faire le

point sur la diversité desdomaines et des zones

géographiques abordées.

Théâtre Claude Lévi-StraussAccès libre dans la limite des

places disponiblesmusée du quai Branly37 quai Branly Paris 7e

www.quaibranly.fr

Un hommage à

Roger PLANCHON

Le lundi 17 janvier 2011à 20h30 au théâtre

Nanterre-Amandiers7 avenue Pablo Picasso

92022 NanterrePatrice Chéreau lira des

extraits du journal (inédit) deRoger Planchon.

Interventions amicales deAlain Françon, Georges

Lavaudant, Micha Lescot,Jean-Louis Martinelli, Daniel

Mesguish, Esmé PlanchonJacques Rosner, Michel

Vinaver, Jean-Pierre Vincent.Images et photos d'archives

Ina & BNF

Tarifs : 16 € TTC la ligneForfait 10 lignes

160 € TTC

pour une parution15 € TTC la ligne supplémentaire

Le Carnet

Tél. 01 40 10 52 45Fax. 01 40 10 52 35

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DR

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 VOUS • 31

Page 32: Liberation.lundi.17.Jan

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011

ROCK La Londonienne, encensée par la presse et ses pairs,sort aujourd’hui un premier album orageux et inquiétant.

Anna Calvi,le feu sous l’écorceC omme la célèbre langue d’Esope

dans la mythologie, l’avalanche decompliments qui s’abat actuelle-ment sur la rockeuse anglaise pour-

rait être la meilleure comme la pire des cho-ses. Depuis quelques semaines, Anna Calvi,son album sous le bras, est bombardée grandespoir musical de l’année 2011. «Je n’ai pas

que de la semaine en le gratifiant de quatreétoiles. Les Inrocks et Libération en ont fait unde leurs espoirs de l’année, tandis que le bi-mestriel français Vox Pop lui consacre la unede son dernier numéro sous le titre «L’obscurobjet du désir», et huit pages intérieures pas-sionnantes.

MATADOR. Autant de marques de distinctionqui, si elles saluent le talent singulier de la

jolie Anglaise, peuvent lui mettre une pres-sion à même de lui faire perdre les pédalesalors qu’elle vient juste de démarrer lacourse. Mais ce ne sera pas le cas, on le parie.De sa petite voix, elle réagit simplement maissans arrogance : «Je suis reconnaissante queles gens apprécient mon travail.» Justement,sa musique, comment la définit-elle? «Pas-sionnée et honnête par rapport à moi-même. Jecherche à créer des mondes à part entière oùmes chansons peuvent habiter. J’essaie aussique mes musiques racontent des histoires aumême titre que mes textes.»Il ne faut pas se méprendre: si Anna Calvi,28 ans, semble une petite chose timide et fra-gile, elle se métamorphose sur scène en uneguerrière hallucinée combattant ses fantômesavec une grâce inouïe et l’assurance des habi-tés. On l’a vérifié dans la salle de la Boulenoire, à Paris, lors du dernier festival des In-rocks, début novembre. L’autorité de la de-moiselle, la magie vénéneuse de sa voixétaient tels que tous les regards, toutes les at-tentions se trouvaient invariablement prison-niers de son chant magnétique. «Quand jesuis sur scène, je sens que je peux toucher unepartie de moi-même à laquelle je n’ai pas accèsle reste du temps. Je me sens plus courageuse,plus forte et plus autorisée.»Si elle a cette aisance sur les planches, c’estqu’elle est rompue à l’exercice depuis desannées. A la guitare, dans une formationblues-rock, puis en solo avec ses proprescompositions. Avec le flamenco-gothico-rock qu’elle dispense, elle prend le costumede première matador de la six cordes réver-bérée. Cet aplomb, cette sauvagerie, on lesavait croisés en les personnes de Patti Smithdans les années 70 puis de PJ Harvey au dé-but des années 90. Rien d’étonnant donc àce que ce soit Rob Ellis, l’ancien batteur dePolly Jean, qui ait produit l’album d’AnnaCalvi et ses dix titres qui évoluent dans le cli-mat orageux, acide, sombre, tendu et in-quiétant qui fait leur sel. Un autre grandhomme de la musique, Brian Eno, a flashésur elle après un concert à Londres. Cesnoms illustres ne semblent pas l’effrayer :«Je suis flattée d’être comparée à ces immensesartistes ou de les intéresser. Mais j’espère queles gens me reconnaissent mon propre son, quin’a pas forcément besoin d’être comparé àd’autres musiques.»

MANIFESTE. Elle a failli devenir peintre, sonautre activité de prédilection qu’elle continuede pratiquer. Mais son arrivée dans la musi-que n’est pas le fruit du hasard. «Ma réactionémotionnelle est plus forte dans la musique quedans l’art.» Débuts au violon à 4 ans, à la gui-tare classique à 9. C’est peut-être le secret duson Calvi, de son jeu de guitare si singulier,nourri par une culture musicale aussi variéeque peu étiquetée rock. «David Bowie, ScottWalker, Nina Simone, Ravel, Debussy et Mes-siaen sont les personnes qui m’ont le plus in-fluencée sur le plan musical.» Elle écoute trèspeu de musique rock.Son univers pourrait aussi l’amener à com-poser des BO pour Tarantino ou Almodóvar.Entre intranquillité, rage et amour. «Si pasmal de mes chansons parlent autant d’amour,c’est que je veux m’intéresser aux sentimentshumains, et l’amour est le plus puissant d’entreeux.» Cet album en forme de manifeste est-ilcelui qu’elle attendait, celui qu’elle espéraitpouvoir réaliser? «Je suis très heureuse et trèsfière de la manière dont les choses se sont dé-roulées. Mais il me reste énormément à exploreren musique. Je regarde devant.» Droite tou-jours, et déterminée plus que jamais. •

ANNA CALVICD: ANNA CALVI (Domino/Pias).

Par PHILIPPE BROCHEN

Anna Calvi,en novembre à Paris.

PHOTO SAMUELKIRSZENBAUM

donné de nom à ce disque. Je pense qu’il est biende l’appeler Anna Calvi, dans la mesure où ilest l’aboutissement de ma vie jusqu’à présent.»Le vénérable et toujours vénéré hebdo musi-cal britannique New Musical Express a dé-cerné la note de 9/10 à la livraison de la Lon-donienne, avec ce commentaire :«Somptueux, séduisant et un peu effrayant, cepremier album de velours hantera vos rêves.»Le magazine anglais Uncut l’a propulsé dis-

32 •

CULTURE

Page 33: Liberation.lundi.17.Jan

Burlesque, avec Christina Aguilera (photo) et Cher, pas regardable mais nominé. PHOTO DR

L a nuit dernière, la re-mise des Golden Glo-bes, prix attribués par

les représentants de la presseétrangère à Hollywood, aouvert la saison des récom-penses du cinéma. Avantmême que les statuettes nesoient distribuées, la soiréeavait, cette année, une légèreodeur de décomposition.Deux jours avant la cérémo-

nie, Michael Russell et Ste-phen Locascio, deux des an-ciens chargés de relationspubliques de la HFPA (Hol-lywood Foreign Presse Asso-ciation), l’association qui or-ganise les Golden Globes, ontdéposé plainte pour rupturede contrat qu’ils estimentabusive.Juste après l’édition 2010dont ils s’étaient occupés(Russell en était à l’organisa-tion de sa 17e édition), lesdeux hommes avaient étépromptement remerciés etaussitôt remplacés. A l’appuide cette plainte, Russell etLocascio accusent l’associa-

tion, et ses 81 membres, dese montrer peu regardantssur les cadeaux et autresavantages en nature que lesstudios leur procurent enéchange de leur vote. Demême, ils accusent les jour-nalistes étrangers de favori-ser certaines stars afin depouvoir mieux les approcherdans l’exercice de leur mé-tier.Dans un communiqué parudans la presse américaine, ilsavancent que «de nombreuxmembres de la HFPA abusentde leur position pour concluredes arrangements potentielle-ment illégaux sur une base depayola», autrement dit, despots-de-vin. Les deux plai-gnants réclament la coquette

somme de 2 millions de dol-lars (1,5 million d’euros) dedommages et intérêts.Si cette plainte, qui ressem-ble de prime abord à unevengeance venimeuse, faitun peu désordre, c’est que lasélection même des candi-dats aux Globes fait débat àHollywood. La presse améri-caine, mais aussi nombre deproducteurs et autres pa-trons de studios, se sontétonnés de trouver quelqueschoix étranges dans la listedes titres nommés. A com-mencer par des films commeThe Tourist ou Burlesque dansla catégorie de «meilleure

comédie ou co-médie musicale»dont le seul inti-tulé est déjà ungrand momentbaroque. Le pre-mier, signé Flo-

rian Henckel von Donners-marck, avec Johnny Depp etAngelina Jolie au pire de leurforme, a été le grand bide del’année, et le second, deSteve Antin avec ChristinaAguilera et Cher, n’est toutsimplement pas regardable.Plus embarrassant encore,Johnny Depp a été nommédeux fois dans la catégorie dumeilleur acteur : pour saprestation dans Alice au paysdes merveilles de Tim Burton,mais aussi pour son appari-tion spectrale du Tourist.Accessoirement, les GoldenGlobes ont toujours préfiguréles résultats des oscars, dontla cérémonie est prévue cetteannée le 27 février.

B.I.

POLÉMIQUE L’association est accusée de se montrer peuregardante sur les cadeaux et avantages en nature.

Des Goldens Globespas très reluisants

Les journalistes jurésfavoriseraient certainesstars afin de pouvoir mieuxles approcher ensuite.

Attiré toute sa vie par le cinéma, Roger Planchon, disparule 12 mai 2009 d’une crise cardiaque, disait toujours «qu’ilne fallait rien garder du théâtre» et refusait les captationsde ses spectacles. Pas d’extrait donc, dans la soiréed’hommage organisée ce soir aux Amandiers de Nan­terre, de l’une des quelque 80 pièces qu’il a mises enscène. Mais des photos d’archives, des interviews et un«autofilm», tourné en 1969 à Villeurbanne. Plus des lectu­res et des témoignages par plusieurs de ceux pour qui larencontre avec Planchon fut déterminante. A commencerpar Patrice Chéreau, qui lira des pages du journal tenupendant cinquante ans par celui qui le fit venir à sescôtés au TNP de Villeurbanne. D’autres –acteurs, met­teurs en scène– diront des extraits de ses textes, àl’heure où Gallimard publie son Théâtre complet : huitpièces que leur auteur ne cessait de retravailler ou derepétrir, lui pour qui le théâtre était un mouvement per­pétuel. Son fils Stéphane Planchon, à l’initiative de la soi­rée, dit avoir voulu éviter un hommage «mortifère» :«Roger a toujours eu la volonté féroce de regarder enavant et pas en arrière.» R.S.Un hommage à Roger Planchon, Théâtre de Nanterre­Amandiers(92), ce soir à partir de 20h30. Entrée libre. Rens.: 0146147050.

PLANCHON RENAÎT AUX AMANDIERS

L’HOMMAGE

Otis & James Soul, hommage couplé aux deux héros rhythm’n’blues,par Michel Jonasz, Dee Dee Bridgewater, Manu Dibango, etc.Olympia, 28 bd des Capucines, 75009. Ce soir et demain à 20h30.

Thomas Gubitsch Tango par l’ex­guitariste de Piazzolla. VingtièmeThéâtre, 7 rue des Plâtrières, 75020. Ce soir à 20 heures.

MÉMENTO

Witherspoon et Pattinson en approcheAttendue en «blonde» du charmeur Owen Wilson (Commentsavoir) la semaine prochaine, ReeseWitherspoon, superstarrevancharde divorcée de Ryan Phillippe et compagne passa-gère de Jake Gillenhaal, a pour nouveau partenaire le vampireglamour de Twilight, Robert Pattinson, dans Water for Ele-phants de Francis Lawrence (Je suis une légende), annoncépour avril. Selon elle, Pattinson, qui figurait aussi en 2004dans Vanity Fair, «est extraordinairement beau. Robert est unmec merveilleux de très bonne famille».

Mort de Susannah YorkL’actrice anglaise d’On achève bien les chevaux, SusannahYork, est morte vendredi à 72 ans d’un cancer de la moelleosseuse. «Elle est morte vite et sans souffrance», selon son fils.

Paradis, concert annulé en IsraëlVanessa Paradis annule son concert du 10 février à Tel-Aviv.«Cette annulation n’est due qu’à des motifs professionnels»,précise le tourneur David Stern, sans plus.

«J’aurais bien voulu être le rêve érotiquede Kubrick!»L’acteur Keanu Reeves dans une interview donnée auquotidien britannique The Guardian, vendredi 14 janvier

Trish Keenan, chanteuse dugroupe electro­pop de Bir­migham Broadcast, estmorte vendredi des suitesd’une pneumonie. Elle avait42 ans. Le label Warp, quiavait produit leur premieralbum, The Noise Made byPeople en 2000, aannoncé la nouvelle surson site vendredi. En 2009,à l’occasion du vingtièmeanniversaire du label qu’ilavait fondé, Steve Beckettévoquait ainsi le travail deBroadcast: «Leur musiquerenvoie directement auxartistes que nous écoutionsavant que l’électroniquen’arrive. Bowie, dukrautrock, et ce que lesateliers sonores de la BBCdiffusaient à la radio.»Depuis sa création à quatremusiciens, le groupe étaitprogressivement devenuun duo composé de TrishKeenan et de James Car­gill, et avait sorti troisautres albums dont le der­nier en 2009, Broadcastand the Focus Group Inves­tigate Witch Cults of theRadio Age. PHOTO DR

BROADCASTPERDSA TRISH

LA DISPARITION

texte Albert Camus mise en scène Stéphane Olivié Bisson avec Bruno Putzulu2o janv › 5 fév 2o11

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 CULTURE • 33

Page 34: Liberation.lundi.17.Jan

PRESSELe quotidienlanceaujourd’huiune nouvelleformulesupposéelui apporter25000nouveauxlecteurs.Ce sera latroisième enmoins detrois ans.

«France-Soir»,l’hymne à la mue«E ncore une histoire…» demande la

petite fille à son papa. Le son duspot de promotion, enclenché parerreur, fuse au moment où

Alexandre Pougatchev présente la nouvelleformule de France-Soir, égrenant les objectifsde vente pour les deux années à venir :100000 exemplaires en 2011, 140000 exem-plaires en 2012. Un beau crescendo. La coïn-cidence est trop belle et fait sourire la salle duPress Club de France. «Encore une histoire…»Celle de l’énième reprise du journal et del’énième formule. L’histoire d’un tout jeuneprince… pardon loup russe, arrivé un beaujour d’avril 2009, décidé à remonter un quo-

tidien moribond qui ne vendait plus qu’à20000 exemplaires. Péripétie supplémentairede la chronologie douce-amère du journal cesdix dernières années (lire ci-contre).

MÉNAGE D’AUTOMNE. Quand on veut, on necompte pas, et 60 millions d’euros de ceprovidentiel propriétaire de 25 ans ont étéinvestis. L’argent vient de papa, un oligarquerusse, qui connaît quelques difficultésactuellement. «Ce ne sont pas mes affaires,mais les siennes», répond le fils, qui prévoitd’investir encore 20 millions d’eurosen 2011.Le 17 mars 2010, dans ses nouveaux locauxdes Champs-Elysées, France-Soir reprenaitun lustre depuis longtemps terni avec l’ambi-tion de reconquérir plus de 150000 lecteurs.

Las, «la nouvelle formule ne marchait pas», re-connaît sincèrement Pougatchev. Elle auraquand même fait gagner près de 60000 lec-teurs supplémentaires (76000 exemplairesvendus). Petit ménage d’automne à la direc-tion, réflexion sur une nouvelle maquette, etvoilà !Infusée par un cabinet espagnol «expéri-menté» dans la refonte de quotidiens, la nou-velle maquette est «plus élégante et plus mo-derne», vise «un lectorat un peu plus masculinque féminin, des gens qui habitent plus en pro-vince, dans des petites villes, des actifs entre25 et 45 ans». Plus question de journal trash,mais plutôt d’inspiration latine. «Si on peutfaire des révélations tous les jours, ce seraitl’idéal», avance Pougatchev. A tous ceux quisoupçonnent une quelconque manœuvre po-

litique de circonstance à cette prise en mainétonnamment prodigue, il assure que France-Soir ne sera «marqué ni à gauche ni à droite»,qu’il sera «populaire et objectif». Le site, quia doublé son audience en six mois à 1,6 mil-lion de visiteurs uniques, change égalementde visage aujourd’hui, avec «un onglet Prési-dentielle 2012».

«CONCLUSIONS». Le prix de vente restefaible, mais passe de 50 à 60 centimes, parceque les coûts de distribution ont augmentéet que le papier a renchéri de 15%, préciseAlexandre Pougatchev, qui dit s’inspirerdes journaux populaires allemands et autri-chiens. «On va tirer les conclusions de cettenouvelle formule dès le mois de février.»Demain. •

Par FRÉDÉRIQUE ROUSSELPhoto MARC CHAUMEIL. FÉDÉPHOTO

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201134 • ECRANS&MEDIAS

Page 35: Liberation.lundi.17.Jan

1998 Plan de la dernièrechance d’Yves deChaisemartin, son PDG.Déménagementà Aubervilliers.Avril 1999 La Socpressede Robert Hersant revendle titre pour 1 francsymbolique à GeorgesGhosn, ancien patronde la Tribune.Décembre 2000Cession à l’italienPoligrafici Editoriale.2001 Restructuration,60 postes sontsupprimés.2002 Nouvelle formule,France­Soir+,«le journal de la télé».2004 Vente au Franco­Egyptien Raymond Lakah.60000 exemplairesvendus.31 octobre 2005Redressement judiciaire.50633exemplaires vendus.Avril 2006 Le tribunal decommerce choisit leprojet de reprise de Jean­Pierre Brunois et OlivierRey contre celui d’ArcadiGaydamak. Grèvede près de deux mois.Juin 2006 NouveauFrance­Soir et plus qu’unequarantaine de salariés.Mars 2008 Nouvelleformule. Entre 20 et25000 exemplairesvendus.Janvier 2009 Venteau milliardaire russeAlexandre Pougatchev.Mars 2010 Nouvelleformule. 76000exemplaires vendus.105 salariés dont80 journalistes.Janvier 2011 Nouvelleformule, objectif 100000à 140000 exemplaires.

DOUZE ANNÉESDE CRISE

Changements d’actionnaires, de ligne éditoriale, redressementjudiciaire, grèves… Témoignages de certains de ses anciens dirigeants.

Les affres du quotidienD epuis 1999, France Soir a été re-

vendu quatre fois, aiguisant laconvoitise des hommes d’affai-

res, du Franco-Egyptien Raymond La-kah, du Russe Arcadi Gaydamak, dupromoteur immobilier Jean-Pierre Bru-nois pour atterrir entre les mains dumilliardaire russe Alexandre Pougat-chev. En 2006, le journal vit le débutd’une descente aux enfers avec un re-dressement judiciaire. On ne compteplus les nouvelles-nouvelles formules,les directeurs de la rédaction qui se sontsuccédé à un rythme accéléré au chevetdu quotidien déclinant, passé du milliond’exemplaires dans les années 60 à22000 en 2009. Souvenirs, souvenirs…

«J’ai entenduquinze fois: c’est

notre dernièrechance!»

Philippe Bouvard81 ans, entré en 1973, directeurde la rédaction jusqu’en 2003

«Je suis arrivé à France-Soir en 1973,Pierre Lazareff était mort six mois avant.En soixante ans de carrière de presseécrite, j’ai fait moitié France-Soir, moitiéle Figaro. Quinze fois j’ai entendu aucours de différentes réunions: «C’estnotre dernière chance.» A l’époque deRobert Hersant, le journal se vendaitencore à 410000 exemplaires, comptaitcinq éditions par jour et 120 journalis-tes. J’ai toujours trouvé que c’était unjournal plutôt gai, qui donne des chosesà lire qui ne sont pas ailleurs.«Les actionnaires d’aujourd’hui ne sontplus les investisseurs traditionnels de lapresse. On leur fait toujours miroiter lesjournaux comme un levier de pouvoir.La clientèle de France-Soir est encoreattachée aux courses. Le journal dépendà 20% du supplément hippique. La lec-ture des journaux est générationnelle.A chaque fois que meurt un lecteur, iln’est pas sûr qu’un jeune puisse le rem-placer. L’âge d’or est fini, il dépendaitbeaucoup de la publicité. Tous les joursj’avais un déjeuner avec un annonceur,je leur faisais visiter le journal, je lesemmenais à l’imprimerie au sous-sol.On avait de la pub et on souffrait moinsde la concurrence de la télé et de la ra-dio. Avec les cinq éditions, il fallait dé-cider de cinq unes chaque jour. Ungrand souvenir.»Philippe Bouvard vient de publier Je suismort, et alors? (Flammarion).

«Nous avionsà peine de quoi fairetourner la boutique»

André Bercoff70 ans, entré en 1999, directeurde la rédaction de 2003 à 2004

«J’ai vécu la vente par Hersant àGeorges Ghosn en 1999 puis aux Italiens

[Poligrafici Editoriale, ndlr]. Le Figaroavait désossé le journal qui ressemblaità un bébé subclaquant. Quand je suisarrivé, il se vendait entre 65 000 et70 000 exemplaires. La rédactioncomptait 70 journalistes, déjà pas malrincés. Nous avions à peine de quoi fairetourner la boutique. Les locaux àAubervilliers n’avaient pas été nettoyésdepuis Vercingétorix! J’ai quand mêmejugé le challenge intéressant. C’estcomme être sur un ring un bras enécharpe et un autre dans le dos.«Je me rappelle d’une grosse grève descontrôleurs aériens en 2004. Commeune, on avait titré: “Les emmerdeurs duciel”. On a aussi fait une une trèsdiscutée pour la réélection de GeorgeBush en 2004 : “Ben Laden is alive andliving in New York”. Nous n’avions pasles moyens d’envoyer des journalistesà l’étranger, mais nous avons publié undes premiers reportages au Darfourgrâce à une organisation humanitaire.«Pour que France-Soir marche, peut-être faudrait-il en faire un trucpopuliste à la Murdoch. Je sais qu’il y aeu des tentations. L’avenir des journauxtient soit dans l’opinion, soit dans lescoop. Mais ce n’est pas avec la pressequ’on fait des affaires. S’il y a desinvestisseurs qui ont encore envie dejouer avec un journal, à l’heure d’Inter-net, tant mieux. Il y a des émirs qui sepaient des palaces, d’autres descanards.»

«Je n’ai connuce journal

qu’en crise»Arnaud Lévy

44 ans, entré en 1990,ancien rédacteur en chef

«Je suis arrivé comme stagiaire pendantla première guerre du Golfe. Je me rap-pelle des vœux au personnel de Phi-lippe Villin en 1991 qui parlaient déjà derécession publicitaire et de crise de lapresse. Je n’ai connu ce journal qu’encrise. Mais tout ce qu’on a expérimentéà France-Soir, sur la fragilisation del’actionnariat, le bricolage, les tensionssociales, n’a fait qu’anticiper ce que lesautres titres de la presse quotidienneont connu ensuite. France-Soir a essuyébien des plâtres avant.«Le problème principalest une instabi-lité permanente. Circonstances exter-nes, perte de lectorat, actionnaires plusou moins sérieux, réduction desmoyens… Si le journal a tenu aussi long-temps, il le doit beaucoup à l’investisse-ment des journalistes dans une am-biance de bateau ivre. Dans les journauxen crise, la liberté est plus grande.En 2006, nous avons été les premiers enFrance à publier les caricatures deMahomet.«Sous Hersant, ce journal a été systé-matiquement déshabillé, de son maga-zine, de ses petites annonces… En con-trepartie, le groupe le maintenait à flot.Il y avait toujours cette attente existen-

tielle : qu’est-ce qu’un journal popu-laire ? Certains voulant le transformeren un tabloïd à l’anglaise, d’autres enjournal de qualité.«Je ne connais personne qui soit passéà France-Soir et qui n’en parle pas avecune réelle nostalgie. Malgré les difficul-tés, les gens y ont mangé un pain blancjournalistique par la diversité des sujets,une forme de liberté dans le grand dé-sordre.»

«On cumulaitles conneries pour

perdre des lecteurs»Eric Le Braz

49 ans, entré en 2001, directeuradjoint de la rédaction

jusqu’en juin 2002«J’ai vécu mon passage à France-Soircomme une aventure assez exaltante.J’y ai connu plus d’assemblées généra-les que pendant mes années étudiantesà Vincennes! Il y avait des grèves régu-lièrement, un bras de fer permanententre la direction et la rédaction, avecles ouvriers du Livre en arbitre.«J’ai été recruté par Dominique Pou-chin, qui a démissionné quinze joursaprès mon arrivée. Puis j’ai connu Ber-nard Morrot, qui a été débarqué au boutde deux mois, et enfin Jean-Luc Leray.Entre ces directeurs de rédactions, il yeut de longues périodes d’intérim où ilfallait tenir la barre avec d’autres sansqu’on sache réellement où on allait. Parmoments, j’avais l’impression de faireun journal expérimental… Mais c’étaitaussi comme ça qu’on osait des coups.Comme d’annoncer Le Pen audeuxième tour trois jours avantle 21 avril.«Avec Pouchin, il y avait l’ambition defaire un journal populaire de qualité.Sous Morrot, on virait populiste etanarchiste de droite. Puis le quotidiena été progressivement repris en mainpour devenir un journal légitimisteavec à sa tête des actionnaires italiensqu’on pourrait situer à la droite de Ber-lusconi. J’ai d’ailleurs fini par être virépour un édito jugé diffamatoire enversSarkozy lors de la nomination du pre-mier gouvernement Raffarin. Maisaprès tout, comme dans la plupart desrédactions françaises, les propriétairesétaient de droite et les journalistes degauche.«Je crois que chaque nouvel actionnairea toujours cru trouver une solution etréinventer la poudre en changeant lejournal afin qu’il lui ressemble. A cha-que fois, on cumulait les conneries pourperdre des lecteurs.«Je me souviens d’une chute des ventesquand la direction avait décidé de“blanchir” les pages jaunes du turf pourplaire aux annonceurs. Je me souviensaussi que les ventes ont remonté sousMorrot quand le journal devenait plusprovoc, plus popu, plus trash. C’est ça,France-Soir.»

Recueilli par F.Rl

AlexandrePougatchev,président etdirecteur de lapublication, lorsde la présentationde la nouvellemaquette dutitre, vendredidernier.

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 ECRANS&MEDIAS • 35

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LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201136 • ECRANS&MEDIAS

A LA TELE CE SOIR20h45. Doc Martin.Téléfilm français :Amour de jeunesse, Le grand Mal.Avec Thierry Lhermitte,Natalia Dontcheva.22h45. New York UnitéSpéciale.Série américaine :La brebis galeuse, La fille mère.Avec Mariska Hargitay,Christopher Meloni.0h20. New York PoliceJudiciaire.

20h35. Cold case :affaires classées.Série américaine :Protection troprapprochée, La Musique du diable.Avec John Finn.22h05. Complémentd’enquête.Sexe, drogue etdépendance :comment décrocher.Magazine.0h05. Journal de lanuit.

20h35. Tous vos amissont là...Invité : PierreBellemare.Divertissementprésenté par Olivier Minne.22h35. Soir 3.23h00. Ce soir (ou jamais !).Magazine présenté parFrédéric Taddéï.0h25. Tout le sport.0h30. La Case del’oncle Doc.

20h50. Mi-5.Série britannique :Procès sur internet,Question de confiance.Avec Peter Firth,Hermione Norris.22h35. Spécialinvestigation.Restaurants : les piedsdans le plat.Documentaire.23h30. L’œil de Links.Magazine0h00. Loup.Film.

20h40. Atanarjuat, lalégende de l’hommerapide.Drame canadien deZacharias Kunuk, 167 mn, 2001.Avec Natar Ungalaaq,Sylvia Ivalu.23h30. Marius etFanny.Opéra avec RobertoAlagna, AngelaGheorghiu.2h10. L’étranger et moi.Téléfilm.

20h45. Piège de cristal.Film d’action américainde John McTiernan, 126 mn, 1988.Avec Bruce Willis, Alan Rickman, BonnieBedelia.23h10. L’affairePélican.Thriller américain deAlan J. Pakula, 141 mn,1993.Avec Julia Roberts.1h30. Les 4400.Série.

20h35. Le serpent.Thriller français d’ÉricBarbier, 119 mn, 2006.Avec Yvan Attal, ClovisCornillac, PierreRichard.22h35. Les humoristesfont leur show 2.Spectacle présenté parAnne-Gaëlle Riccio.0h10. Touche pas àmon poste.Divertissementprésenté par Cyril Hanouna.

20h35. Callas etOnassis.2e partie.Téléfilm de GiorgioCapitani.Avec Luisa Ranieri,Gérard Darmon.22h30. C dans l’air.Magazine.23h35. Avis de sorties.23h45. Les routes del’impossible.Panama : business dans la jungle.Documentaire.

20h35. Les héros deTélémark.Film de guerrebritannique d’AnthonyMann, 131 mn, 1965.Avec Kirk Douglas,Richard Harris.22h50. Women incages.Film d’action deGerardo de Leon, 78 mn, 1971.Avec Judith M Brown.0h15. Ça balance àParis.

20h35. Fast & furious :Tokyo drift.Film d’action américainde Justin Lin, 104 mn,2005.Avec Lucas Black, BowWow, Nathalie Kelley.22h25. Skate or die.Film d’action françaisde Miguel Courtois, 87 mn, 2007.Avec Mickey Mahut.0h10. Agentdestructeur.

20h40. Le Pic deDante.Film d’aventuresaméricain de RogerDonaldson, 112 mn, 1996.Avec Pierce Brosnan,Charles Hallahan, LindaHamilton.22h30. Volcano.Film d’aventuresaméricain de MickJackson, 103 mn, 1997.Avec Don Cheadle.0h25. Futuresport.Téléfilm.

20h40. Enquêtescriminelles : Lemagazine des faitsdivers.Magazine présenté parSidonie Bonnec.22h35. Enquêtescriminelles : Lemagazine des faitsdivers.Magazine.0h35. Enquêtescriminelles : lemagazine des faitsdivers.

20h35. Jamie Oliverfait sa révolution.2 épisodes.Magazine.22h15. L’instit.Téléfilm français deChristian Faure :Le crime de Valentin.Avec Gérard Klein,André julien.23h50. Les zinzins del’espace.Cochon dingue.Jeunesse.0h00. Dessins animés.

20h40. Présuméinnocent.Magazine présenté parJean-Marc Morandini.22h30. Présuméinnocent.Magazine présenté parJean-Marc Morandini.0h10. Morandini !Magazine.1h15. 24H People.Magazine.1h50. FollementRoumanoff.

20h35. Ma vie à la télé.Après la télé ont-ilstrouvé l’amour ?Magazine présenté par Yasmine Oughlis.22h05. Ma vie à la télé.La télé a changé ma vie.Magazine présenté parYasmine Oughlis.23h35. JT.23h50. Man vs Wild.Documentaire.1h35. Reporters.Documentaire.

20h35. Star story.AC/DC : Toute la viedu plus grand groupede rock.Documentaire.21h40. Star story.Sea, sex and song.Documentaire.22h40. Star story :Black Eyed Peas.Documentaire.0h40. The Killers : AtThe Royal Albert Hall.Concert.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 DIRECT8 NT1 DIRECT STAR

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

MédicationLCP, 20h30Certes, c’est une redif queces Médicamenteurs, maiselle tombe rudement bienen ces temps de Mediatoret de laboratoire Servier.

AfflictionFrance 3, 20h35Des fois le service public,ça fait peur: dans Tous vosamis sont là, tous les amisde Pierre Bellemare sontlà. Dont Pierre Bonte.

AddictionFrance 2, 22h05Des fois le service public,ça fait rire : dans ce Com­plément d’enquête, Jean­Luc Delarue va témoignerde son addiction. Mouarf !

LES CHOIX

C’est toujours étrange,un présentateur de JT quimeurt, comme un souvenirqui s’éteint, un visage fami­lier qu’on avait oublié jus­qu’à ce qu’une dépêcheAFP le fasse, une dernièrefois, remonter à la surface.Ainsi de Joseph Poli, dontla famille a annoncé ledécès hier, à 6h30, dansla maison de retraite oùil avait atteint les 88 ans.Vingt­six ans de télé et sur­tout neuf de journal téléviséla nuit, dans les années 80,sur TF1, du temps où la Uneavait encore un rendez­vous d’info nocturne.Quand Joseph Poli, sescheveux blancs, sa mèche,son visage rond présentaitle JT, c’était l’heure du mar­chand de sable. On se sou­vient des piques amuséesqu’il s’échangeait avecBruno Masure par JT inter­posé, et l’annonce du décèsd’Hitchcock qu’il fit en 1980est restée dans les mémoi­res: «Alfred Chicock estmort», avait lancé JosephPoli. Viré par TF1 après laprivatisation pour cause delimite d’âge, il s’en était émudans le Figaro : «Si vous êtesencore montrable, si vousne faites pas peur auxenfants, je ne vois pas pour­quoi vous vous arrêteriez.»R.G. et I.R. PHOTO AFP

JOSEPH POLI,MADAME,MONSIEUR,BONSOIR

DISPARITION

Julian Assange, WikiLeaks, ses affaires de mœurs, lesthéories du complot… Tout ça, c’est du lourd, du trèssérieux. Et qu’est­ce qui, au contraire, n’est pas sérieuxdu tout? Le coloriage. C’est, en gros, le raisonnementde ce site qui propose donc de colorier le porte­parolede WikiLeaks dans plusieurs cadres et positions: en grosplan, en Che Guevara, avec le père Noël, devant lemanoir où il est assigné à résidence, etc. Et, si vous n’avezpas l’âme d’un artiste, on vous conseille au moins de faireun tour dans la galerie de coloriages envoyés par lesinternautes, où l’on trouve déjà quelques pépites. C.Gé.www.julianassangecoloringbook.com

ASSANGE REPREND DES COULEURS

VU SUR LE WWW

Par OLIVIER SÉGURET

«Costume Quest»,une affaire d’enfance

M ais pourquoi Cos-tume Quest? Dans lamasse de jeux à télé-

charger que proposent dé-sormais les plateformesonline des grands conso-listes (Xbox Live, PSN,WiiWare…), il devient diffi-cile de faire un sort particu-lier à tel ou tel titre, parceque les petits bijoux abon-dent et qu’il y a toujours uneforme d’injustice, sinon decaprice, à braquer le projec-teur de la distinction sur unchouchou.

Mais les chouchous ont aussileur dignité, ils méritent cer-tains de leurs droits et passe-droits. Costume Quest, petiteproduction du studio DoubleFine pour THQ qui le distri-bue, a gagné ses galons sur ladurée. Il est disponible entéléchargement depuisl’automne dernier et, malgrésa relative brièveté, il offreune belle persistance, peut-être parce qu’il mélange unedisponibilité presque casualavec des codes de jeu prati-quement hardcore. CostumeQuest est en effet, sous uneapparence enfantine, unRPG (role-playing game, jeude rôle) classique modernisé,avec missions principale etsecondaires, constitutiond’un groupe, progression despersonnages, collectionsd’objets amusants et com-bats à demi aléatoires. L’ac-tion prend place la nuitd’Halloween dans une ban-

lieue tim-burtonienne, oùdes bandes d’enfants affron-tent toutes sortes de forcesobscures et bariolées.

Mais si Costume Quest est unjeu d’élection, cela tientaussi à autre chose qu’à sescharmes gamer ou esthéti-ques. Cela touche peut-êtreà l’un des secrets les mieuxcachés du rapport qui unitjoueur et jeu, et dont ce titrefait son miel : un rapport àl’enfance. Costume Quest dé-montre une mystérieuse ca-pacité à enjamber le tempsqui nous en sépare et à nousfaire communiquer avec ellepar cette arche que le jeutaille dans l’espace, à coupsde cell-shading et de 3Dsoyeuse, dans un style gra-phique très personnel et toutà fait délicieux. Là où tant detitres semblent chercher àoffrir au joueur une projec-tion de lui-même en adultesurpuissant, celui-ci sembleplutôt vouloir projeterl’adulte dans une enfanceparallèle, féérique et parfoisinquiétante, un peu à la ma-nière dont le Magicien d’Oza pu envoûter les spectateurspetits et grands.

En fait, Costume Quest im-merge doublement: dans unjeu et dans un bain d’en-fance, peut-être parce qu’ilfait souvent songer que c’esttypiquement le jeu auquelon aurait adoré jouer lorsquel’on était enfant… •

MOI JEUX

«A périmètreconstant et avantl’impact desnouveauxinvestissements,le résultat du groupeen 2011 seraéquilibré, voirelégèrementbénéficiaire.»Louis Dreyfus, président dudirectoire du groupe leMonde, vendredi, lors d’undéjeuner de l’Associationdes journalistes médias.Concernant la désignationdu nouveau directeur duquotidien, huit candidats ontdéjà été auditionnés. Leconseil de surveillance doitse réunir le 7 février pourproposer un nom à laSociété des rédacteurs.

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €. 11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3-06-91. Cogérants:Laurent Joffrin, Nathalie Collin Associée unique SA Investissements Presse au capital de 18098355€.Coprésidents du directoire Laurent Joffrin, Nathalie CollinDirecteur de la publication et de la rédaction Laurent Joffrin Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertPaul QuinioFrançois SergentDirectrice adjointe de larédaction, chargée dumagazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefLudovic Blecher (éd. électronique)Christophe Boulard (technique)Gérard LefortFabrice RousselotOlivier Wicker (Next)Directeur artistique Alain BlaiseRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition)Grégoire Biseau (éco-terre) Jacky Durand (Société)Olivier Costemalle et RichardPoirot (éd. électronique) Mina Rouabah (photo) Marc Semo (monde)Sibylle Vincendon (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur des EditionsElectroniquesLudovic BlecherDirecteur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Max ArmanetABONNEMENTS& 03 22 19 25 [email protected]É Directrice générale d’Espaces Libération Marie Giraud Espaces Libération 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67 Publicitécommer ciale, littéraire,financière, arts et spectacles. Publicitélocale et parisienne.Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONPOP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)Ouest-Print (Bournezeau),Imprimé en France Tirage du 15/01/11: 171 077 exemplaires. Membre de OJD-DiffusionContrôle. CPPP : C 80064.ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du journalne saurait être engagée en casde non-restitution de documents

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Mardi 18 mars 1997

H. I. Ne va pas du tout avec le melon. - II. Chercheune séparation de façon un peu explosive. Le sentirn’est pas bon signe. - III. A juré fidélité. Bonne féearabo-persane. - IV. Comme un corps de plus enplus déboussolé. - V. Ferrure. Réveilla. - VI. Devientfauve. - VII. Sous Aire. Points. - VIII. Flic très remuant.- IX. Hydrocarbures gazeux. - X. Byzantines, ellesfirent les frais de vives querelles. Pronom. - XI. Trèsfacilement semés. Son dos vous porte ou vousdéporte, c’est selon.V. 1. A faire chez soi pendant les heures de bureau.- 2. Si l’on en croit Théophile Gautier, tout ce quil’est est laid. Comme une vie fellinienne. - 3. Plusfurieuse encore que l’amour. Vieux chef normand.- 4. Ne gardent que leur mie. - 5. Vous et moi là-basjustement. Telles certaines histoires de cape etd’épée. - 6. Petites boules chiffonnées. Concluentfort heureusement de beaux jumelages. - 7. Bienréchauffées pour la fraîcheur. - 8. Petite douceurdélicieusement boIée. Parfaitement dans le coup.- 9. Manque vraiment de réciprocité.

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SSOOLLUUTTIIOONNSSGHHGFFEEDDFF HH:: I. Fructifie. II. Autrement. III. Idéa-liser. IV. Te. MeIre. V. Crap. Aima. VI. Aaron. Vêt. VII. sl.Noce. VIII. Entassa. IX. Ramées. PQ. X. Epée. Trou. XI.RousseIe. VV:: 1. Fait castrer. 2. Rudéral. APO. 3. Ute. Ar.Emeu. 4. Cramponnées. 5. Télé. Note. 6. Imita. Caste. 7.Festives. rt. 8. Inerme. Spot. 9. Etre aIaqué.

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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z

Tournoi de Wijk aan Zee 2011Les Noirs jouent et font partie nulleB.Vachier-Lagrave N.Wang HaoTata tient ses promesses. Le tournoi de Wijk aanZee (Pays-Bas), où l’ex-Champion du monde desjuniors Maxime Vachier-Lagrave est confrontépour la première fois à l’élite mondiale actuelle,démarre sur les chapeaux de roue. Opposé au n°1de l’Empire du Milieu, Maxime, concentré, déve-loppe la pleine puissance. La position du diagrammedu jour qu’il aNeint semble gagnante, mais le Chi-nois trouve sur l’échiquier une ressource miracu-leuse, inaNendue dans un jeu qui bannit le hasard.Quel coup! Il a fallu que cela tombe sur MVL...Solution demain. Le ton est donné. Les USA détien-nent eux aussi un personnage haut en couleur,Hikaru Nakamura. Dans un style maîtrisé, il vientà bout de l’un des favoris, le Russe Gristchouk. LeChampion du monde Vishy Anand est lui-mêmetrès convaincant avec les pièces noires face à l’U-krainien Ponomariov et s’impose de façon linéai-re. Le numéro 1 au classement mondial, le Norvé-gien Carlsen, dérape dans l’ouverture face à lastar arménienne Aronian. Avec un pion de moinset un roque ébréché, il sera le premier surpris ens’en sortant par un échec perpétuel (nulle) et seral’un des premiers à terminer sa partie. Toujourspremier! Après Anand et Nakamura, la 3e victoi-re du groupe «A» sera signée par le Batave Sme-ets, qui atomisera la défense favorite de Chirovgrâce à une préparation informatisée. JJPP MMeerrcciieerr

Les Noirs ont des chances raisonnables de s’ensortir, à condition de préserver leur fou de casesblanches, et à condition qu’il ne soit pas tout seul!11..DDxxee88++!! TTxxee88 22..TTxxee88++ RRff77 33..TTff88++!! 11--00.. Belle liquida-tion. Après 3... Rxf8 4.Cd7+ et 4.Cxf6, les blancss’imposeront tranquillement dans la finale avec unpion et une qualité (tour pour un fou) de plus.

SOLUTIONMKLL

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MMAATTIINN Quelques pluies sont aen-dues dans le nord-ouest. Temps pluscalme et plus dégagé en allant versl'est et le sud du pays.

AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII La perturbation pro-gressera du Pas-de-Calais au Poitou.Entrées maritimes en Méditerranée.Soleil ailleurs.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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Peu d'évolution dans l'après-midi.Maintien des nuages sur une grandepartie du territoire. Quelques gouespossibles.

MARDIQuelques rares averses sont possi-bles sur les régions du Centre. Tempsplus sec sur un tiers nord et dans l’en-semble, bien plus frais.

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LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 2011 JEUX­METEO • 37

Page 38: Liberation.lundi.17.Jan

D es passants ont dû lecroiser par les grandsfroids de fin novembre,début décembre. Unhomme de 52 ans,1 m 62, 77 kilos, che-

veux châtains grisonnants et yeux noi-sette, marchant, un petit sac à dos àl’épaule, le long du canal de l’Ourcq àPavillons-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Personne ne lui a parlé, sansdoute. Pourquoi l’aurait-on fait? Il étaitrasé, correctement vêtu, pantalon bleumarine, chaussures noires, blousonkaki. Et pourtant, il allait sombrer.C’était un lundi matin. Le 6 décembre,un employé de la Ville de Paris retrouvele corps sans vie de Laurent Radenac,«parti comme on va prendre l’air, pourbalayer un coup de déprime», selon lesmots de Nelly, son épouse depuistrente ans. L’homme avait succombé aufroid, deux ou trois jours auparavantsans doute. Il gisait sous une bâche dansun hangar désaffecté, à 2kilomètres deson domicile et en bordure du canal del’Ourcq où il aimait faire des balades. Lapolice a d’abord annoncé la disparitiond’un SDF. Un de plus. La carte d’iden-tité retrouvée dans une poche, avec9 euros, lui a évité une ultime méprise.Dans son sac, la police a trouvé un se-cond pantalon et trois K-way.«Il n’avait pas de fond suicidaire, sinon ilse serait jeté dans le canal, songe Nelly.Mais il s’est passé quelque chosele 15 novembre, c’est sûr.»

Le rideau de ferlui tombe dessus

C’était un lundi, encore. Le 15 novem-bre, vers 16h30, Laurent Radenac vientde rentrer du travail. Il rumine dans sonappartement de la rue Edouard-Vaillantà Bondy (Seine-Saint-Denis). Lâche àNelly qu’il se sent «nul, un bon à rien»,que «c’est de [sa] faute si [sa] boîte est enfaillite». «Sa boîte», c’est Nestlé WaterSprings qui fabrique et livre des fontai-nes et bonbonnes d’eau dans des entre-prises d’Ile-de-France. Alors il vide sonsac à dos, laisse ses clés de sa voiture,ses portable et carte de crédit sur la ta-ble, et part avec une vingtaine d’euroset sa pièce d’identité. Le lendemain,Nelly et ses filles Aurélie et Céline, 25 et22 ans, s’inquiètent, alertent la policeet la presse, jusqu’à Plouguenast, dansles Côtes-d’Armor, d’où est originairela famille de leur époux et père. Ellesrepensent aussi à ce qui s’est passéle 8 novembre.C’était un lundi, toujours. Ce jour-là,Laurent Radenac broie encore un peuplus de noir que d’habitude. Dans l’im-mense paquebot gris et triste du tribu-nal de grande instance de Nanterre, ilse constitue partie civile contre son em-ployeur. Une décision qui représenteune étape importante dans le très longconflit qui l’oppose à Nestlé, poursuivipour blessures involontaires dans son

Par FABRICE TASSELPhotos AUDOUIN DESFORGES

Le corps de Laurent Radenac a été retrouvé en décembredans un hangar en Seine-Saint-Denis. Epilogue de quatre ansde souffrances après un accident professionnel. Sa sœuret sa femme attaquent l’employeur, Nestlé.

Mort de froidet de travail

LIBÉRATION LUNDI 17 JANVIER 201138 • GRAND ANGLE

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Isabelle Radenac, la sœurde Laurent, le 12 janvier.Et la chaîne et la médaillede saint Christophe queportait Laurent Radenacquand on l’a retrouvé.

accident du travail. Depuis qu’il a reçusa convocation au retour des vacancesd’été, il est stressé par cette audience.«Tout le monde était un peu surpris de levoir au tribunal. En général, dans ce typede litige, les salariés font profil bas. Et sadémarche était d’autant plus courageusequ’elle n’était pas destinée à gagner da-vantage d’argent», confie son avocate,Me Carole Yturbide. Mais Laurent Rade-nac ressort déçu du tribunal car Nestlé,mis en cause par l’inspection du travailainsi que par le parquet, demande etobtient, pour quelques documents quela société n’a pas reçus, le report del’audience au 23 mai 2011. Les magis-trats, fréquemment noyés dans le tra-vail, mesurent souvent mal les dégâtsprovoqués par de telles décisions. PourLaurent Radenac, le temps de la répara-tion devenait très long.Il faut en effet remonter au 10 janvier2007 pour trouver l’origine de la longuedescente de Laurent Radenac. Il estalors chauffeur-livreur. Un matin

à 7 heures, il lève le rideau de fer del’entrepôt de Saint-Denis. La veille, leresponsable de la sécurité a placé le ri-deau, défectueux depuis des mois, enmode manuel afin de procéder à une ré-paration. Il l’ignore et lâche le rideau,qui lui retombe dessus : huit points desuture à la nuque, un genou cassé. Etencore, un collègue l’a tiré par la man-che. «Sinon il n’y aurait plus eu de Lau-rent dès ce jour-là», se souvient un an-cien collègue qui demande l’anonymat.Hospitalisation, convalescence: il passequinze mois éloigné de la société. «Pen-dant cette période, il n’a pas reçu un seulcoup de fil de quelqu’un de la direction»,poursuit ce collègue.

Climat social pesantLaurent Radenac revient chez Nestléau printemps 2008 avec des brochesdans la jambe et 10% d’invalidité re-connus par l’Inspection du travail.Après trente ans de métier, il ne peutplus conduire son poids lourd, seule-

ment un «VL» (véhicule léger). Il de-vient agent de maintenance, et se rendchez les clients tous les quatre moispour nettoyer les fontaines à eau. «Untype sérieux, toujours à l’heure», confieun autre ancien collègue. «Le boulotétait très important pour lui, confirmeIsabelle Radenac, sa sœur. C’est l’édu-cation que nous a léguée notre père.»

Passer de chauffeur-livreur à agent demaintenance : il vivait sa mutationcomme une humiliation. Au lendemainde sa mort, sa femme Nelly a déposéune plainte contre Nestlé «pour harcèle-ment moral». Depuis, Isabelle se batpour donner un sens au drame vécu parson frère: «Dans notre société supposéemoderne, on ne doit pas mourir de sontravail. Il faut parfois savoir dire non, ré-sister aux ordres», martèle-t-elle.Les anciens collègues de Laurent Rade-nac décrivent un climat pesant danscette société rachetée par Nestléen 2005, et qui a fusionné en début dé-cembre avec le groupe Château d’eau,provoquant le licenciement de près dela moitié des salariés. «Des actionnairess’en sont mis plein les fouilles et rien pournous, le petit personnel, les pions», railleun ancien proche de Laurent Radenac.Dès 2007, après son accident, des ru-meurs de pression sur les salariés té-moins de la scène circulent: «Il y avaitune faute de la part du service de sécurité.Alors Nestlé disait aux gens : “On tegarde, mais tu te tais.”» Laurent Rade-nac, lui, se tait, s’adapte et bosse. Pourgagner un petit peu plus, il faut tra-vailler beaucoup plus. En complémentd’un revenu fixe, une prime de produc-tivité de 20 centimes d’euros est accor-dée par bonbonne installée. «Laurent aaccepté de les poser alors que la boîten’aurait jamais dû le lui demander !s’énerve un ancien collègue. Avec songenou, il ne devait pas porter des trucs de5 kilos. Mais il ne savait pas dire non.» Unautre ex-salarié raconte: «Laurent po-sait jusqu’à vingt fontaines et cent cin-quante bonbonnes par jour. Il amenait lesfontaines avec son véhicule léger, maissouvent le chauffeur-livreur prétextait desdifficultés pour se garer, refusait de livrerles bonbonnes, alors il le faisait. Il avaitmal au genou mais touchait les primes. Jelui disais souvent “arrête, t’es trop gen-til”, mais il était trop consciencieux dansson boulot pour m’écouter.»Courant 2009, les primes sont suppri-mées. Les rumeurs de vente par Nestlégonflent, les premiers licenciementstombent, les tournées sont de plus enplus difficiles, accidents du travail etmaladies professionnelles se multi-plient. «Il y avait de la tension à tous lesniveaux de la boîte. La solidarité a ex-plosé, si on pouvait piquer un client ou

deux au collègue on le faisait», admet unsalarié. «Vers le printemps, Laurent acommencé à s’enfermer dans sa bulle, ilcraignait pour son emploi même s’il nemontrait pas qu’il n’avait pas le moral»,raconte un ami. L’été passe. Nelly Rade-nac est licenciée de son emploi d’assis-tante médicale. Une des filles de Lau-rent cherche alors du travail. Un

chauffeur-livreur deNestlé est licenciépour faute grave. Lau-rent s’inquiète de tou-tes ces mauvaisesnouvelles, redoute deconnaître le mêmesort, lui qui perçoit

1600 euros net, primes incluses. Et puisson genou lui fait toujours mal. Il doitrepasser sur le billard, le 10 janvier,quatre ans jour pour jour après son ac-cident.

«Il s’est senti mis de côté»Arrive l’audience du 8 novembre à Nan-terre et la déception du report. «Dansla semaine qui a suivi, Laurent n’a plus euque de la merde à faire», témoigne uncollègue. «Il s’est senti mis de côté»,confirme sa sœur. Un membre de la di-rection de Nestlé –qui n’a pas réponduà la sollicitation de Libération– a expli-qué à l’Agence France-Presse:«L’entre-prise entière est affectée, nous avons tousbeaucoup de mal à le vivre. C’était un trèsbon collaborateur, qui apportait satisfac-tion à son management et à l’équipe. Autribunal , nous avons parlé sereinement,je n’ai rien ressenti du tout. Il n’y a pas eude malaise par rapport à sa constitutionde partie civile.» Mais une semaine plustard, il referme la porte de son domicilepour la dernière fois.«Quand j’ai appris sa mort, cela m’a dé-composée. Humainement, c’était vrai-ment quelqu’un de bien. Rien qu’en vousparlant, j’en ai encore la chair de poule»,explique son avocate, Me Carole Ytur-bide. Isabelle Radenac, de son côté, re-doute de «rester avec beaucoup de ques-tions. J’aimerais être certaine que la policea tout fait pour le trouver quand il a dis-paru. Dans l’affaire de la cavalière deRambouillet [retrouvée pendue la se-maine passée quelques jours après sadisparition, ndlr], il y avait cent cin-quante gendarmes. Pour Laurent, je nesais pas combien ils étaient, mais ils nedevaient pas être aussi nombreux».Trois longues semaines se sont écouléesentre la disparition de Laurent Radenacet la découverte de sa mort. Durant tousces jours, Isabelle Radenac a sillonné lesalentours de l’entrepôt où son frère apassé ses dernières heures. Elle a inter-rogé des SDF, posé des questions dansdes foyers, aux Restos du Cœur, pla-cardé des affichettes avec la photo deLaurent. En vain. Aujourd’hui encore,elle espère que des témoins quil’auraient croisé vont la contacter.Le 17 décembre Laurent Radenac a étéinhumé, en présence de sa famille etd’une dizaine d’anciens collègues.C’était un vendredi, cette fois. •

«Au printemps, il a commencéà s’enfermer dans sa bulle, il craignaitpour son emploi même s’il ne montraitpas qu’il n’avait pas le moral.»Un ami de Laurent Radenac

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PORTRAIT ALEXANDRE ALLARD

au cœur du patrimoine, afin de monétiser le bel endormiaprès l’avoir rajeuni ?En attendant que le gouvernement sache à qui il veut confierle lieu convoité, décryptons les emblèmes Allard, légendenaissante qui n’est peut-être qu’étoile filante.Surcouf. Sans remonter jusqu’au corsaire malouin, Allardprésente une généalogie assez salée. Une des branches fami-liales venait d’Ecosse. Elle a fait fortune dans le commercetriangulaire et développé la biscuiterie nantaise. L’autre tenaitchantier naval et a mis à l’eau la Méduse avant qu’elle ne fi-nisse radeau. Destinations lointaines et revers de fortune,validation aventureuse et héritages épicés. Du nanan pourfaire reluire le chromo. Son père était ingénieur en travauxpublics et œuvrait aux adductions d’eau ivoiriennes. Sa mèreenseignait les maths à Notre-Dame d’Afrique. Les succèsd’Allard au cœur de la bulle Internet ont mis à flot l’autodi-dacte. Depuis, le jeune rentier, dont le trésor est peut-êtremoindre qu’imaginé, ravive sa filiation à grandes eaux. L’été,au creux des bouches de Bonifacio, en contrebas de sa pro-priété de Sperone, il navigue en solo. Le gandin galopin n’arien d’un Tabarly en gestation. Ce serait plutôt un amoureuxdes beaux objets qui vont sur l’eau, ravi qu’ils soient passésdu teck-acajou au kevlar-carbone.

Pirate au pull en V. Sa virulence flamboyante et baroque fai-sait qu’on l’imaginait plus pirate que corsaire. Pas si sûr. Enguise de bandeau sur l’œil, il a la mèche claire, le regard bleu,la prestance patricienne et le pull en V civilisé malgré leschaussures de rocker chic. Au-delà des copains goguenards,il y a Laure, executive structurée à la blondeur Neuilly-Texas,conseillère, épouse et mère des deux enfants (Sacha, 10 ans,et Mila, 8 ans), avocate ayant quitté la City pour une retraiteitinérante, quand Allard a fait sa crise existentielle de mil-lionnaire trentenaire.Les chaussures rouges. Il est adolescent et débarque d’Abid-jan pour faire son lycée chez les oratoriens. Il porte aux piedsde splendides godillots rouge sang, cadeau d’un caïd de quar-tier qui lui en a fait présent en guise de talisman. Les Westonet les blousons dorés se gondolent de ces croyances à la noixde croco. Allard en recroqueville ses orteils dans ses petitssouliers, humiliation jamais oubliée. S’il s’endort en cours,il fait déjà commerce de cravates Azzaro. Une ancienne secré-taire: «Il vendrait tout et n’importe quoi à qui n’en a nul besoin.»Et comme il a également le sens de la mise en scène, leschaussures écarlates sont désormais mises sous cloche par…Arman. Et côtoient, dans son bureau capharnaüm, les toilesde Basquiat, les «têtes» de Cocteau, une girafe coupée rasdu cou, une guitare sur laquelle il ne joue que du Bob Marleyet le casque qu’il met pour surveiller ses chantiers.Français du monde. Enfant d’une bourgeoisie classique, Al-lard n’est plus très français de France. Il est né à Washingtonet aurait bien intégré l’US Navy. Il a grandi en Afrique et engarde une étrangeté pertur-bante. Il s’est évadé dans levirtuel et en revient ravid’avoir affûté de nouvellesarmes, jubilant de se décrireen «barbare» prêt à détruirel’Occident décadent. Il a in-vesti en Chine, au Brésil. Ilcélèbre la puissance neuve deces émergents très hauts surl’eau, et renvoie le petitHexagone à la marchandisa-tion de sa culture et de sonart de vivre. Le projet de l’hôtel de la Marine valant démons-tration par l’exemple… Après la revente de Consodata, saboîte de données marketing, il a voyagé. Aux Antilles, il a«désappris à travailler névrotiquement» et optimisé sa fiscalité.Le voici de retour à Paris, hésitant entre jouer le rebelle ensmoking, armé d’un marteau-piqueur à nœud papillon, ets’apaiser en chantre des métiers d’arts, en enlumineur desbijoux d’une famille française qu’il rudoie et câline.Hybride politique. Comme bien des quadras, il n’avait jamaisvoté. En 2007, il a parié Sarkozy. Dingue de bizness, il affirmeque «rien ne peut battre le capitalisme». Mais –est-ce l’effetLibé?– le voilà qui surprend: «Le matin, je me lève de gauche,et le soir je ne me couche de droite que quand je fatigue de l’hypo-crisie gauchisante.» Cela dit, il est pour le mariage gay etaurait pu avoir recours à la gestation pour autrui ou à la pro-création assistée. Il a ses bonnes œuvres et son microcréditnumérique, parce que charité bien ordonnée peut sortir duruisseau et finir par faire de grandes rivières pour le puisatier.Catholique chaotique, il a vu les tours du commerce mondials’effondrer et prépare une fiction ciné sur l’islam. Commenuméro 2, il a embauché Renaud Donnedieu de Vabres, an-cien ministre de la Culture. Cet Orphée UMP guide dans lesenfers ministériels celui qu’il décrit en «transmetteur d’éner-gie attachant, généreux, moins arrogant qu’il n’en a l’air».Nostalgie. Comme beaucoup d’entrepreneurs du Net, Allarda la nostalgie de la vie en tribu de ses vertes années. Ils ontalors 20 ans et développent des start-up comme qui rigole.Ils bossent en communauté, squattent où ils peuvent, pillentles frigos des parents hébergeurs. L’argent afflue sans qu’ilslèvent le nez de leur Mac. Ils embauchent le lundi et ne dé-bauchent que quinze jours plus tard, pour une fiesta à Ams-terdam, caviar et pétards, avant de se rassir au pain dur etaux mégabits, tout en se poursuivant avec des pistolets à eaudans les couloirs.Marie-Antoinette. Régressif-transgressif comme une héri-tière à la Sofia Coppola, Allard songe à baptiser «Marie-An-toinette» l’un des futurs restos de la Marine. Pourtant, cesanguin aurait voté la mort du roi: «Les temps étaient violents.Il fallait en passer par là.» La guillotine que ses ennemis luipromettent, trônait juste en face du lieu convoité. •

Par LUC LE VAILLANTPhoto ROBERTO FRANKENBERG

EN 6 DATES

1969 Naissanceà Washington. 1986 Créesa première entreprise.1995 Lance Consodata.2000 Revend Consodata.Juin 2008 «DemolitionParty» du Royal Monceau.Fin janvier 2011 Dépôtde candidature à la reprisede l’hôtel de la Marine.

O n pourrait raconter l’histoire d’Alexandre Allardet de l’hôtel de la Marine de trois manières, toutesaussi vraies, toutes aussi fausses.1. Le lointain descendant de Surcouf veut mettre

le grappin sur le QG des matelots d’Etat, qui doivent aban-donner le centre pour les confins, la place de la Concordepour Balard et son Pentagone à la française.2. Le «sauvage» autoproclamé, grandi à Abidjan, flibustierayant fait rapine dans l’Internet et les données marketing,entend faire valoir la joyeuse forfanterie de ses goûtsd’aujourd’hui (Jean Nouvel, Philippe Starck, Jean-MichelBasquiat) face aux antiquaires de droite, aux jacobins de gau-che et aux historiens réunis qui s’arc-boutent pour conserverl’ancien garde-meubles du roi confit dans ses dorures et gelédans sa fonction de bien commun.3. Le réagenceur du Royal Monceau, palace vieillot qu’il a«détruit» lors d’une fiesta punk, relooké, puis habilementrevendu à des fonds du Qatar, s’imposerait volontiers aucœur d’un establishment qu’il feint de houspiller pour mieuxle vamper. Et quoi de mieux, pour ce faire, que de s’installer

Ce malin du marketing a fait fortune sur le Net, revaloriséun palace, et candidate à la reprise de l’hôtel de la Marine.

Flibustier culturel

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