Liberation Sam 15-Dim 16 Janvier 2011

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3:HIKKLD=ZUVYUU:?a@l@b@p@a; M 00135 - 115 - F: 1,40 E FETHI BELAID . AFP Les manifestations contre le régime ont forcé le président Ben Ali à fuir la Tunisie, au terme de vingt-trois ans d’un règne sans partage. (Liberté) PAGES 2-6 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9229 SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats-Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande-Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays-Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 1700 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Les manifestationscontre le régime ont

forcé le présidentBen Ali à fuir la

Tunisie, au terme devingt-trois ans d’unrègne sans partage.

(Liberté)

PAGES 2­6

• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9229 SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 1700 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

Des milliers de Tunisiens ont défilé hier dans les rues de la capitale pour exiger la démission du président Ben Ali. PHOTO CHRISTOPHE ENA. AP

Après un mois de manifestations, et au moins 80 morts, le dictateur a quittéle pays vendredi, mettant fin à vingt-trois ans d’oppression et de népotisme.

Ben Ali, sauve-qui-peutface au peuple

Par CHRISTOPHE AYAD

L’ESSENTIEL

LE CONTEXTEVendredi, à 18 heures, le Premier ministretunisien a annoncé à la télévision la fuitedu président Ben Ali, qui a quitté le paysaprès vingt­trois ans de pouvoir. Desmilliers de Tunisiens avaient manifestétoute la journée, exigeant le départ dudictateur.

L’ENJEUCette première révolution démocratiquede la rue du Maghreb pourra­t­elledéboucher sur une véritable transition ?L’enjeu est considérable pour le mondearabe.

B en Ali a quitté tout à la foisle pouvoir et la Tunisie. LesTunisiens l’ont appris ven-dredi en début de soirée à la

télévision d’Etat par la bouche duPremier ministre Mohamed Ghan-nouchi, qui dans une déclaration la-conique, a déclaré assurer l’intérim,au terme d’une journée complète-ment folle.Le président tunisien, dont la der-nière apparition remonte à jeudisoir, lorsqu’il s’était adressé à sescompatriotes à la télévision pourannoncer une série de réformes etsurtout deux initiatives importan-tes : il ne se représenterait pas en2014 et il avait demandé à la policede ne plus tirer à balles réelles sur les

manifestants. On apprenait pour-tant vendredi matin que 13 mani-festants avaient été tués au cours dela nuit dans la seule capitale, selondes sources hospitalières citées parl’AFP. A Tunis et la banlieue chic deLa Marsa, 17 autres morts sont venuss’ajouter hier, selon des sources mé-dicales citées par l’opposition tuni-sienne à Paris.

SUICIDE POLITIQUE. La grande ma-nifestation appelée à Tunis vendrediet le mot d’ordre de grève généralelancée par la centrale syndicale uni-que, l’Union générale des tra-vailleurs tunisiens (UGTT), s’an-nonçait donc comme un test décisifaprès le coup de poker lancé la veillepar Ben Ali. Mais rapidement, lamanifestation, qui a stationné lon-

guement devant le ministère de l’In-térieur, avenue Bourguiba, honni dela population, a dégénéré (lire page4 le reportage de notre envoyée spé-ciale) et le film des événements s’estaccéléré.En fait, en laissant entendre qu’il nese représenterait pas en 2014, le pré-sident Ben Ali a signé sa mort politi-que. La foule de Tunis, et dans lereste du pays, l’a bien compris, ven-dredi, en réclamant le départ immé-diat de Ben Ali. Car le système poli-tique que Ben Ali a lui-mêmeinstauré ne souffre pas un présidentpotiche, ni le moindre partage dupouvoir comme l’avait suggéré lematin même sur Europe 1 le ministredes Affaires étrangères, le respectéKamel Morjane, qui plaidait pour ungouvernement ouvert aux partis

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 20112 • EVENEMENT

Par LAURENT JOFFRIN

Le lâche etles glorieuxAinsi, depuis vingt-troisans, la Tunisie étaitgouvernée par untrouillard ! Ainsi, legrotesque successeur dugrand Bourguiba, flic enchef de l’un des régimesles plus féroces de larégion, n’était qu’unpleutre et, quand le peupleinsurgé lui a signifié soncongé, il est parti la queuebasse. Vive la Tunisie libre !Avant les prudencesd’usage – va-t-on vers ladémocratie, l’anarchie oubien une autredictature ? –, il est permis,ne serait-ce qu’une heure,de laisser éclater sa joie.Privé de ses sicaires, letyran s’est dissous commeune statue de sable. Cerégime était en toc, et tousceux qui l’ont tenu à boutde bras au nom d’unerealpolitik des imbécilesdoivent maintenantexpliquer pourquoi celuiqu’ils tenaient pour unrempart solide contre lesislamistes est tombécomme un château decartes. Il y a un parfumde 1830 dans cette chuted’un fantoche renversé pardes gavroches, dans cetterévolution à la française aucœur du Maghreb, dansces trois Glorieusesdéclenchées par Internetet les militants des droitsde l’homme, avec unCharles X aux cheveuxteints qui monte en avioncomme jadis on fuyait encalèche. Les leçons de cetévénement historiqueapparaîtront peu à peu.Mais, d’ores et déjà, onvoit que le monde araben’est pas forcémentcondamné au sinistre face-à-face entre fanatismeislamiste et dictaturecorrompue ; que le supposéréalisme de ceux quisoutiennent les tyransn’est souvent qu’unaveuglement intéressé, queles valeurs de libertépeuvent pénétrer en terred’islam, que cettedémocratie qu’on diten crise, qu’on juge facticeou faisandée, qu’ondéclare réservée auxOccidentaux, susciteencore le sacrifice etqu’il y a toujours, à Tuniscomme naguère à Pékinou à Varsovie,des hommes prêts àmourir pour la liberté.

ÉDITORIAL

d’opposition. Geste irréfléchi d’unhomme aux abois? L’histoire tran-chera les motivations de ce «sui-cide» politique. Elle dira aussi ce quia forcé à partir un homme qui, lematin même semblait tenir solide-ment les rênes des trois piliers durégime: la police, l’armée et les mi-lices du Rassemblement constitu-tionnel démocratique (RCD), le partiquasi unique au pouvoir. Depuisjeudi, les manifestants s’en pre-naient aux possessions de la famillede Ben Ali, détestée par la popula-tion pour son affairisme et son avi-dité sans limite. En outre, les mani-festations se sont dangereusementrapprochées de Carthage, où descoups de feu ont été entendus àquelques centaines de mètres du pa-lais présidentiel.

AÉROPORT FERMÉ. Un incident, entout cas, résume la panique qui s’estemparée de la famille au pouvoir. Endébut d’après-midi, plusieursmembres de la famille Trabelsi, leclan de la seconde épouse de BenAli, Leila, auraient voulu embarquerà l’aéroport de Carthage dans un volpour Lyon. Les pilotes auraient re-fusé de les accepter à bord. Des pas-sagers auraient arrêté les membresde la famille Trabelsi en fuite, obli-geant le pouvoir à fermer l’aéroportet à envoyer d’importantes forces depolice se dirigent vers l’aéroportpour les libérer. D’autres membresdu clan auraient utilisé leurs yachtspour quitter le pays.Certains d’entre eux auraient été ar-rêtés hier soir selon la télévision tu-nisienne. Ben Ali a embarqué dansun avion à la destination inconnue

au moment où nous bouclons cetteédition. Des sources à l’Elysée ontfait savoir que la présence de Ben Alien France n’était «pas souhaitable».Leila Ben Ali, elle, se trouverait àDubaï, depuis plusieurs jours, ainsique Sakher el-Materi, le richissimegendre du Président, qui y est arrivévendredi à midi.En Tunisie, la situation était toutaussi incertaine vendredi soir. L’étatd’urgence, décrété durant l’après-midi dans tout le pays, est resté envigueur après l’annonce du départde Ben Ali. Les rassemblements deplus de trois personnes sont inter-dits entre 18 heures et 6 heures dumatin, l’armée a ordre de tirer surles contrevenants. Les rues du cen-tre de Tunis étaient vides vendredisoir où régnait l’expectative plus queles manifestations de joie.

Que va-t-il se passer maintenant? Ledépart de Ben Ali signifie-t-il la finde son régime. Ghannouchi va-t-iltout simplement continuer une foisle calme revenu? Cela ne paraît paspossible tant le système est honni etdiscrédité après la mort de plus de 80manifestants en une semaine. La si-tuation de Ghannouchi est d’autantplus fragile que, constitutionnelle-ment, c’est le président d’Assembléequi est censé assurer l’intérim.Deux heures avant son apparitionsurprise à la télé, Ghannouchi avaitété limogé par Ben Ali ainsi quel’ensemble de ses ministres. Lecommuniqué officiel, qui annonçaitaussi des législatives anticipées danssix mois, précisait que Ghannouchiétait chargé de former un nouveaugouvernement. Ghannouchi est untechnocrate respecté, peu suspecté

UN MOIS DE TENSIONS

w Le 17 décembreMohamed Bouazizi,un diplômé chômeur,s’immole par le feu àSidi Bouzid. Il décé­dera le 5 janvier.w Le 22 Houcine Nejise suicide devantla foule à MenzelBouzayane. La policetire, tuant unmanifestant.w Les 25 et26 décembreExtension des mani­festations. Le 28, BenAli s’adresse au pays.

w Les 8 et 9 janvierLes révoltes à Kasse­rine, dans le centredu pays, dégénèrenten émeutes sanglan­tes: au moins21 morts.w Le 10 Ben Alidénonce des «actesterroristes» etpromet la créationde 300000 emploissupplémentaires d’icià 2012. Le lendemain,les émeutes gagnentla capitale et sa ban­lieue. Un couvre­feu

est imposé dansle grand Tunis.w Le 13 Sans undiscours, Ben Alis’engage à quitterle pouvoir en 2014.w Le 14 Une manifes­tation tourne àl’émeute à Tunis.Le gouvernement estlimogé et l’étatd’urgence décrété.Ben Ali quitte lepays. Le Premierministre, Mohamed,Ghannouchi, assurel’intérim.

REPÈRES

de corruption, mais il a cautionnéun système massivement rejeté parla population et occupe des fonc-tions dirigeantes dans RCD. En an-nonçant assurer l’intérim, il a ap-pelé vendredi «les Tunisiens, toutessensibilités politiques et régionalesconfondues, à faire preuve de patrio-tisme et d’unité». Il s’est engagé àrespecter la Constitution. Tard ven-dredi soir, il a annoncé qu’il ren-contrerait les responsables de partis,samedi, pour former un gouverne-ment.

EXIL. A Paris, l’ensemble des partisd’opposition tunisiens, légauxcomme interdits, dont les islamistesd’Ennahda, a demandé dans uneconférence de presse: l’instaurationd’un gouvernement provisoirechargé d’organiser des élections li-bres et démocratiques dans les sixmois; une amnistie générale et le re-tour des exilés; l’abrogation des loisliberticides et l’instauration d’unecommission indépendante pour en-quêter sur les assassinats et exac-tions. Moncef Marzouki, fondateurdu Congrès pour la République(CPR), qui vit en exil à Paris, a an-noncé son retour au pays lundi. Toutcomme l’activiste des droits del’homme Kamel Jendoubi. Ils re-trouveront Hamma Hammami, lechef du Parti communiste ouvrier deTunisie (PCOT), sorti vendredi deslocaux du ministère de l’Intérieur oùil était enfermé depuis mercredi.•

Des manifestations de soutien au peu-ple tunisien sont prévues un peu par-tout en France ce samedi (à Paris,place de la République, à 14 heures)

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 • 3

4 • EVENEMENT

A Tunis, sur l’avenue Bourguiba, vendredi, des milliers depersonnes venues manifester pacifiquement ont affronté leurpeur, les matraques et les tirs… avec la délivrance au bout.

«Aujourd’hui,on a pris la Bastille»l est 18h40. Le portable de Che-

ker Besbes vibre. Un messages’affiche: «Félicitations, Ben Aliparti.» Il s’est refugié depuis

trois heures dans un hôtel du cen-tre, plein de journalistes, pouréchapper aux matraques et aux gazlacrymogènes. Son visage s’éclaired’un coup. «C’est notre victoire! J’aiparticipé aux manifesta-tions qui ont renversé cedictateur. La jeunesse,c’est la solution, voilà ce que ça veutdire», s’écrie ce jeune animateur deradio et étudiant en droit. D’autresportables se mettent à sonner. Lesportes des chambres d’hôtels’ouvrent. Les gens se prennentdans les bras. La «révolution desjasmins» a gagné. Dehors, c’est lesilence. La rue est vide depuis lel’instauration du couvre feu, partirde 17 heures.Nuage. Leila a encore du mal à ycroire. Avec une centaine d’autresmanifestants, elle s’est réfugiée là,dans l’urgence. Quelques minutesauparavant, dans le milieu del’après- midi, l’assaut a été donnécontre la foule qui entourait le mi-nistère de l’Intérieur, un bâtiment-

bunker de béton gris, le symbole dela repression, qui a fait au moins80 morts depuis un mois. D’abordil y a eu les gaz lacrymogènes, desnuages jaunes brûlant les yeux et lagorge, qui se sont élevés au-dessusde l’avenue Bourguiba. De-puis 10 heures, des milliers de Tu-nisiens manifestaient paisiblement

contre le régime. «Unconvoi funéraire avec unjeune tué la veille par la

police est passé et, après, on n’a riencompris : les gaz lacrymogènes, lestirs… J’ai juste eu le temps de couriret de me réfugier ici.» Leila a réussià échapper aux coups. Son fiancé,par contre, a été frappé à la tête ettransporté à l’hôpital.«Ben Ali nous a dit hier soir [jeudi,ndlr] qu’on pouvait parler, désor-mais, qu’on avait la liberté d’expres-sion. Et voilà: on n’a rien fait, on n’arien cassé, on a juste voulu s’expri-mer et ils nous ont tiré dessus», s’in-digne la jeune fille. Dans le salon del’hôtel où elle se trouve, les rideauxdes fenêtres sont tirés, les genschuchotent, l’air est suffocant, toutle monde a peur. De l’extérieurproviennent les sons de tirs et

l’odeur des gaz lacrymogènes, aux-quels répondent des jets de pierreet des slogans hurlés ici et là :«Voleurs ! assassins !» Et puis lebruit des matraques sur le verrebrisé. D’une fenêtre, on peut voirdes policiers faire sortir une tren-taine de manifestants de leur re-

fuge, dans un immeuble. Systéma-tiquement, ils cognent sur la tête,sur les corps. Un jeune hommearrive en trombe dans l’hôtel, levisage rouge, essouflé. «Ils étaientbeaucoup, on a essayé de s’enfuir,mais ils nous on attrapés et il nous ontfrappés comme des chiens, j’ai malpartout, pourquoi ? » raconte-il enlarmes. Comme la centained’autres manifestants, il s’installedans un coin du salon et se met àsuivre fiévreusement les informa-tions tunisiennes à la télé. Desinformations qui ne cessent d’évo-luer toute l’après-midi. Il est ques-

tion de morts par balles, les ru-meurs les plus folles circulent.Leila, de sa petite voix, continue àraconter. Malgré les coups, malgréla peur, pour rien au monde ellen’aurait raté cette marche du14 janvier 2011. Elle était venue ex-près avec son fiancé, dès 10 heuresdu matin, en bus depuis le quartierpopulaire où elle habite. Et ce mal-gré les réticences de ses parents.«C’était important, pour moi. Je vou-lais participer à cet élan lancé à SidiBouzid le 17 décembre par ce jeunediplômé chomeur qui s’était immolépar le feu. Il fallait qu’on prenne la re-lève. Je suis fière d’être Tunisienne etd’avoir été là», lance-t-elle.Comme beaucoup d’autres, c’ étaitsa première grande manifestation.Jamais elle n’avait pensé marcherun jour sur l’avenue Bourguiba jus-qu’au ministère de l’Intérieur.«Après ce sacrifice, on ne pouvait

plus se taire. Moi, j’aimon diplôme de kiné-sithérapeuthe depuisquatre ans et je n’aitoujours pas de tra-vail. Mon fiancé estingénieur et il n’a pas

de travail», insiste-t-elle.Pour Amel, 42 ans, ce n’était pas lapremière marche, mais toutcomme : «J’avais vécu les émeutesdu pain, en 1984, mais ce qui sepasse aujourd’hui, c’est inima-ginable», raconte cette employéede banque. «Inimaginable», «histo-rique»: les mêmes mots reviennentsans cesse dans la foule des mani-festants.«Aujourd’hui, c’est notrerévolution, c’est un peu comme si onprenait la Bastille : désormais, per-sonne n’a plus peur de parler», con-fie Amer Dari, professseur de ma-thématiques. Au-dessus de sa tête,

il brandit une pancarte «Ben Ali,dégage !» La foule scande «Ben Aliva-t-en», «Le pain et l’eau oui, maisBen Ali non».Amer entonne l’hymne nationalavec les milliers d’hommes, defemmes et d’ enfants qui l’entou-rent. «Depuis que je suis né, je n’aiquasiment connu que Ben Ali. J’en aimarre. Le peuple est intelligent, c’estpas une histoire de prix du pain,aujourd’hui, on veut être libre», lanceun étudiant. A ses côtés, Mohamedconnaît bien le ministère de l’Inté-rieur. Sous Bourguiba, en 1987, etsous Ben Ali, en 1992, il y a été in-carcéré. «Les tortures ? dit il. Jeconnais. On vous met entre deuxtables, et puis on vous met un balaidans le derrière, des cigarettes,aussi… le sang coule», raconte cetex-prof d’arabe, interdit d’exercerdepuis qu’il a été arrêté pourmilitantisme islamiste présumé.Plein d’espoir, il a répondu à l’ap-pel de la grève pour célébrer lechangement.Libre. Avec sa fille, son fils et safemme, il brandit une affiche surlaquelle sont collés tous les diplô-mes de sa famille: le bac de sa fille,son diplôme de prof. «Pour montrerà Ben Ali que nous ne sommes pas desterroristes . Je suis un simple citoyenet je demande le pain, la dignité et laliberté d’expression», explique-t-il.Il soulève son béret et me montre lacicatrice du coup de matraque qu’ila reçu la veille. Cinq points de su-ture. Il insiste: «Je suis enseignant,je dois manifester pour apprendre àmes élèves à vivre un jour libre. Moi-même le jour où je pourrais venir etcrier haut et fort ce que je pense surcette avenue, je serais heureux.»

De notre envoyée spéciale à TunisLÉA-LISA WESTERHOFF

Tunis, avenue Bourguiba, vendredi, des manifestants, poursuivis par la police, se réfugient dans les halls d’immeubles. PHOTO CHRISTOPHE ENA. AP

Venue depuis son quartierpopulaire, Leila, diplômée enchômage, n’aurait raté pour rien aumonde cette marche du 14 janvier.

REPORTAGE

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

BenAli, lerègnedelarépressionSecret mais omniprésent, l’ex-président tunisien a toujours usé de la force.

L es Tunisiens le surnommaient«Benavie». Finalement, il a durévingt-trois ans, sans dépasser le re-cord de Bourguiba (trente et un ans

au pouvoir), qu’il avait déposé le 7 novembre1987 à la faveur d’un «coup d’Etat médical».On le croyait indéboulonnable, impitoyable,sans états d’âme. Il s’est dégonflé commeune baudruche face à la colère de sa rue. Cethomme secret, que l’on décrivait comme unanimal à sang froid, n’a pas résisté. Il est ar-rivé au pouvoir comme Jaruzelski, il l’a quittécomme le Shah d’Iran.De lui, les Tunisiens ne savaient presque rien.Cet homme, au culte de la personnalité om-niprésent, était d’ailleurs plus une imagequ’une voix. L’image du Président, déchiréeces derniers jours par les manifestants, estpartout en Tunisie. On l’y voit avec un sourirefigé, la main sur le cœur ou tapotant la joued’un enfant. En costume sombre ou vêtu dela traditionnelle «jebba», les cheveux teintsd’un noir corbeau, tout comme les sourcils,Ben Ali est aussi omniprésent que muet.Son allocution de jeudi soir, prononcée enarabe dialectal, a été de ce point de vue unerareté : les Tunisiens l’ont découvert grin-cheux, revanchard, se plaignant d’être cons-pué dans la rue alors qu’il avait consacré savie au service du pays.

Porte­flingue de BourguibaNé en 1936 dans une famille modeste de laville côtière de Hammam Sousse, Zine al-Abidine Ben Ali est le quatrième enfantd’une famille de onze. Sa chance est celle detoute une génération de jeunes hommes pau-vres dans le monde arabe, qui a connu uneascension sociale éclair grâce à la carrière

des armes : à l’instar de Nasser, Moubarak,Boumediene, Hafez al-Assad, Saddam Hus-sein ou encore Kadhafi. Au moment où laTunisie devient indépendante, il est envoyéà Saint-Cyr, en France. Après un court pas-sage par l’Ecole supérieure de renseigne-ment aux Etats-Unis, il est affecté à la Sécu-rité militaire. Toute sa carrière se déroulerad’ailleurs dans le renseignement, ce quidonnera à Ben Ali un profil plus policier quemilitaire.La Tunisie n’est pas l’Algérie et Bourguiba,l’un des rares chefs d’Etats arabes issus de lasociété civile, s’est toujours méfié des képiscomme de la peste et tient les militaires àl’écart de la gestion du pays. En 1974, lorsd’une éphémère union avec la Libye dubouillant colonel Kadhafi, qui suggère àBourguiba de nommer Ben Ali à la tête desservices de renseignements désormais com-muns aux deux pays. Quelques mois plustard, l’union ayant échoué, le président tuni-sien s’empresse d’expédier Ben Ali au Maroccomme attaché militaire. Ben Ali gardera desliens privilégiés avec Kadhafi.En 1978, confronté à des troubles sociaux,Bourguiba fait rappeler Ben Ali pour réprimerle mouvement syndical. Il sera pendant deuxans à la tête de la Sûreté générale, faisant tirersur les manifestants et menant une campa-gne d’arrestations de masse. Une fois lecalme revenu, il est à nouveau éloigné, avecle rang d’ambassadeur, en Pologne.Les émeutes du pain de fin 1983, début 1984entraînent son rappel. Il y met fin au prix dequelque 80 morts. Il entame une ascensionfulgurante: secrétaire d’Etat à la Sûreté, mi-nistre de l’Intérieur. Premier ministreen 1987, il assiste à la montée des islamistes.

Bourguiba, de plus en plus prisonnier de sonentourage, fait n’importe quoi: une vingtained’islamistes sont condamnés à la pendaison,le pays est au bord de l’explosion.

Un putsch et des promessesBen Ali n’a qu’à se baisser pour ramasser lepouvoir. A l’annonce de son putsch, il est ac-clamé par la population, islamistes compris.Il promet pluralisme et démocratisation. Lesdeux premières années, ses promesses sonttenues. La presse se libéralise, le «change-ment» est à l’ordre du jour. Mais rapidementvient la confrontation avec les islamistes. Ilprofite de la période entre l’invasion duKoweït et la guerre du Golfe, en janvier 1991,alors que l’opinion est mobilisée en faveur deSaddam Hussein, pour lancer une répressiond’une ampleur inégalée, faisant emprisonner20 000 à 30 000 membres d’Ennahda, legrand parti islamiste tunisien. L’ensemble del’intelligentsia de gauche, effrayée par l’irré-sistible montée en puissance du FIS en Algé-rie, se rallie et ne pipe mot. Mais la machinerépressive, après avoir broyé les islamistes,s’en prend à toutes les autres forces politiqueset associatives.Sur le plan économique, le régime enregistredes succès. Il est le premier à signer un ac-cord d’association avec l’UE, se lance dansun effort sans précédent pour mettre à niveauson économie. Les investisseurs européensapprécient ce pays calme, où lamain-d’œuvre est bien formée et bon mar-ché. Ben Ali se garantit le soutien de la classemoyenne en imposant au patronat unehausse régulière du salaire minimum. Le cré-dit à la consommation est favorisé. Un fondsaux relents paternalistes est créé pour déve-

lopper les zones rurales. Le tourisme low-cost est développé à outrance.Mais l’étouffement sans précédent des liber-tés, la censure de la presse et d’Internetprennent, à partir des années 2000, un tourinsupportable dans un pays où le pouvoirpousse de plus en plus de jeunes à poursuivreleurs études jusqu’au bac et au-delà.

Un pays sous contrôleToute la population est surveillée, embriga-dée. Le ministère de l’Intérieur emploie jus-qu’à 100000 personnes (1 Tunisien sur 100),le parti au pouvoir, le RCD, compte 1 millionde membres (1 sur 10). Les critiques sur lemanque de démocratie sont sans cesse re-poussées au nom du soi-disant manque dematurité du peuple. Une logorrhée incompré-hensible à la gloire du développement, desdroits de l’homme et de la démocratie «apai-sée» envahit la vie quotidienne des Tunisiens.Le «changement» et le chiffre 7 –faisant réfé-rence au coup d’Etat de novembre 1987– fontl’objet d’une propagande quasi incantatoireà coup de formules absconses. Le régime BenAli invente une «novlangue» orwellienne.La crise économique européenne et la fin del’accord multifibre mettent à mal le modèle.Surtout, Ben Ali fait sauter tous les verrousempêchant une «présidence à vie» qu’il avaitpromis de ne pas exercer en 1987. Malgré lesrumeurs de cancer de la prostate, il fait sauterla limite du troisième mandat, se fait réélireà un quatrième puis un cinquième avec desscores dépassant les 90%. Enfin, l’avidité dela famille de sa seconde femme, Leila Tra-belsi, et de ses gendres achèvent d’insuppor-ter les Tunisiens ainsi que les businessmen,qui ne peuvent plus faire d’affaires sans sevoir ponctionner ou carrément déposséder.Au point que les diplomates américains par-lent dans leurs télégrammes, révélés par Wi-kiLeaks, d’un Etat «quasi-mafieux». La dé-bandade de ses proches semble avoirprécipité la chute d’un tyran malade et isolé,otage consentant d’une mafia insatiable.

CHRISTOPHE AYAD

A Tunis, après la manifestation de vendredi. Ben Ali sera resté vingt­trois ans au pouvoir après en avoir dépossédé Bourguiba, le père de l’indépendance. PHOTO FETHI BELAID.AFP

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 EVENEMENT • 5

6 • EVENEMENT

Mezri Haddad, ambassadeur de Tunis à l’Unesco, a démissionné quelques heures avant le départ du chef de l’Etat.

«Pour Ben Ali, c’est un complot islamiste»V endredi matin, il défendait en-

core la politique du présidentBen Ali sur France Inter, assu-

rant que les promesses d’ouverture dela veille allaient se concrétiser. En débutd’après-midi, Mezri Haddad, l’ambas-sadeur de Tunisie à l’Unesco, a rendupublique sa démission. Cet ancienopposant de gauche, journaliste et phi-losophe, rallié au régime Ben Alien 2000, explique à Libération les rai-sons de son coup d’éclat. Cet entretiena été réalisé quelques heures avant l’an-nonce du départ de Ben Ali.Pourquoi avez-vous démissionné?Je ne peux plus supporter l’insupporta-ble. Trop c’est trop. Ce qui se passe estinacceptable, injustifiable.Qu’est-ce qui a changé?On m’a donné de fausses informations.On m’a menti, à moi mais aussi à moncollègue ambassadeur de Tunisie enFrance [Raouf Najar, ndlr]. J’ai parlé auprésident Ben Ali le 10 janvier. Je lui aiexpliqué ce qui se disait ici dans les mé-dias. Il m’a répondu que ce qui se pas-sait était un complot des islamistes quise cachaient derrière les manifestants.J’y ai cru, jusqu’à ce que des amism’ouvrent les yeux et me racontent laréalité de ce qui se passe en Tunisie.Vous avez parlé à Ben Ali, ce matin?Oui, à deux reprises. Je tenais à l’infor-mer de ma démission. Je le lui ai an-noncé avant de lui faire parvenir malettre de deux pages. Il m’a rappelé pourme dire : “Ne te trompe pas. Ne fais pasça, pas en ce moment. Je t’assure que lesintégristes vont prendre le pouvoir.” Je lui

ai répondu : “J’espère que ce n’est pasvrai et que l’avenir vous donnera tort.”Croyait-il vraiment à ce qu’il disait?Je ne saurais le dire, mais il avait l’airsincèrement convaincu.Avez-vous des regrets?Non, j’ai cru à ce projet. Au sein de cerégime, il y a des conservateurs, voiredes réactionnaires. Mais il y a aussi desdémocrates, comme Kamel Morjane, leministre des Affaires étrangères, ou en-core le Premier ministre, MohamedGhannouchi. Mais cette tendanceréformatrice et démocratique est mino-ritaire.Qui sont les autres?Abdelwaheb Abdallah, le principalconseiller du Président. C’est lui qui luia raconté tous ces mensonges, il est le

principal responsable. Il n’est pas leseul: il y a aussi Oussama Romdhani [leministre de la Communication, débarquéle 29 décembre, ndlr] et d’autres, tout cetentourage est néfaste.Y a-t-il une lutte de pouvoir autour deBen Ali?Oui, je le crains. J’accuse AbdelwahebAbdallah d’avoir fait pirater le site deKamel Morjane, jeudi, pour annoncerune fausse démission. Ceux qui ont faitcela sont les mêmes qui ont créé unefausse page Facebook il y a un mois enfaveur d’une candidature de Morjane àla présidentielle de 2014.Ce régime est-il réformable?Je suis un réformiste, j’ai toujours craintles révolutions : c’est une positionphilosophique. J’espère que ce qui se

passe va déclencher un processus deréformes et non conduire la Tunisie versle chaos. Je souhaite de tout cœur quemon pays va rester sur la voie de lamodernité et qu’il ne va pas plongerdans l’intégrisme.Quel rôle ont joué les pressions interna-tionales sur le recul de Ben Ali?Je ne sais pas, je n’ai pas suffisammentd’informations pour me prononcer surle rôle qu’auraient pu jouer en coulissesles Etats-Unis ou la France. Je ne pensepas que la France, qui est un allié indé-fectible et fraternel de la Tunisie, ait faitquoi que ce soit pour déstabiliser lepays.Qu’allez-vous faire, maintenant?Je vais retourner faire de la philosophie.

Recueilli par C.A.

Paris s’est toujours montré indulgent contrairement à Washington et à Bruxelles.

La France, timorée jusqu’au boutL e président Ben Ali a fui la Tunisie. Mais

qui voudra bien l’accueillir ? Une ru-meur, lancée par la télévision Al-Jezira,

a laissé entendre qu’il pourrait se rendre enFrance. Les liens d’amitié revendiqués entrel’autocrate tunisien et le président françaisétaient patents. Dans la soirée, le ministère desAffaires étrangères assurait n’avoir «reçuaucune demande d’accueil» du président tuni-sien en fuite et qu’il examinerait toute éven-tuelle requête «en accord avec les autorités cons-titutionnelles tunisiennes».Alors que Washington rappelait «le droit des

peuples à choisir leurs dirigeants», Paris, jusqu’àvendredi, s’est illustré par sa discrétion, «avantde prendre acte de la transition constitutionnelle».Jeudi, seulement, le Premier ministre, FrançoisFillon, avait haussé la voix, s’inquiétant de«l’utilisation disproportionnée de la violence».Les Européens avaient déjà, depuis plusieursjours, condamné l’usage de la force.L’administration Obama était encore plusferme. Dès le 7 janvier, l’ambassadeur tunisienà Washington avait été convoqué pour lui fairepart de la préoccupation des Etats-Unisconcernant «les ingérences de l’Etat tunisien sur

Internet, particulièrement sur Facebook». Quel-ques jours plus tard, Hillary Clinton, dans uneinterview à la chaîne Al-Arabiya, dénonçait «laréaction du gouvernement, qui a malheureuse-ment provoqué la mort de jeunes contestataires».Une attitude qui tranche avec celle de son ho-mologue française Michel Alliot-Marie qui,encore mardi à la tribune de l’Assemblée, ap-pelait à se livrer à une analyse «sereine et objec-tive» de la situation et de ses causes économi-ques plutôt que de «s’ériger en donneur deleçons».

M.S.

DR

Mezri Haddad.

Le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, annonçant aux Tunisiens, vendredi soir, qu’il assurait l’intérim du pourvoir. PHOTO CHANNEL 7 .MLADEN ANTONOV.AFP

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

Debbie Abrahams, du Labour, l’a emporté avec 3500 voix d’avance. PHOTO MARTIN RICKETT. AFP

Par RAGIP DURAN

Soliman le Magnifiqueislamiquement incorrect

L ongtemps, toute at-teinte à l’image deMustapha Kemal, le

fondateur de la Républiquelaïque et jacobine sur les dé-combres de l’Empire otto-man après la PremièreGuerre mondiale, fut impla-cablement sanctionnée. Ladémocratisation a allégé lecarcan mais ce sont mainte-nant les figures des grandssultans qui deviennent ta-bous avec l’enracinement aupouvoir de l’AKP, le parti issudu mouvement islamiste deRecep Tayyip Erdogan. LeSiècle magnifique, feuilletondiffusé sur la chaîne popu-laire Show TV montrant lavie privée du sultan Solimanle Magnifique (1520-1566) aété sanctionné par le HautComité de la radio et télévi-sion (RTUK). L’autorité su-prême de l’audiovisuel a es-timé «qu’il s’oppose auxvaleurs nationales et moralesde la société et à l’esprit de lafamille turque». En une se-maine, 75 000 personnes ontporté plainte et exigé son in-terdiction.

«Comment peuvent-ils oserreprésenter un des plus grandssultans comme un obsédésexuel et un ivrogne», s’indi-gnent les ONG proches dugouvernement islamiste,alors que le vice-Premier mi-nistre, Bülent Arinç, clame:«Ceux qui tentent d’humilierles figures de notre histoire enles représentant de façon infi-dèle doivent être punis.» SamilTayyar, chroniqueur del’AKP, accuse même «les Oc-cidentaux d’encourager le

porno ottoman pour affaiblir lenéo-ottomanisme», c’est-à-dire le grand retour de la Tur-quie sur la scène moyen-orientale. Un groupe isla-miste d’extrême droite, lesFoyers Alperen, ont mani-festé déguisés en janissaires,hurlant: «Les rejetons de By-zance détestent les fils de Meh-met le Conquérant» qui pritConstantinople en 1453.

Malgré ces protestations lefeuilleton a battu les recordsd’audience : 40,6% des té-léspectateurs ont suivi lesdeux premières parties. Me-ral Okay, le scénariste, rap-pelle ironiquement que «lessultans ne se reproduisaientpas par insémination artifi-cielle». «Chez nous, il y a destéléspectateurs qui sontsexuellement excités quand ilsvoient les pis d’une vache surl’écran», ricane Can Dundar,réalisateur d’un documen-taire sur la vie de MustaphaKemal Atatürk qui en mon-trait les faiblesses humaineset fut durement attaqué.L’islamiquement correctcommence à faire régner unclimat d’ordre moral. Troisenseignants de cinéma del’université Bilgi d’Istanbulont été renvoyés pour avoirautorisé un étudiant à filmerun rapport sexuel pour sonfilm-thèse intitulé «Projetporno». Le proviseur d’unétablissement secondaire deMersin (Sud) a interdit auxjeunes filles de s’approcherdes garçons: la distance en-tre élèves de sexes différentsne doit pas être inférieure à45 centimètres. •

VU D’ISTANBUL

VATICAN Jean Paul II serabéatifié le 1er mai a annoncévendredi le Saint-Siège qui areconnu «miraculeuse» laguérison d’une sœur fran-çaise par l’ancien pape.PHOTO REUTERS

NUCLÉAIRE La Douma russe

a approuvé en avant-der-nière lecture, vendredi, letraité de désarmement nu-cléaire Start signé par lesprésidents russe et américainen avril.

HAÏTI Une dizaine de per-sonnes ont été arrêtées, ven-dredi, à Port-au-Prince suiteà des tirs et barricades selonla police. Par ailleurs, unglissement de terrain a faitau moins 4 morts à Jérémie(sud-ouest).

KAZAKHSTAN Le Parlements’est prononcé vendredipour la tenue d’un référen-dum devant permettre deprolonger sans élection jus-qu’en 2020 le mandat duprésident kazakh Noursoul-tan Nazarbaïev, au pouvoirdepuis l’époque soviétique.

Le président du Nigeria,Goodluck Jonathan,53 ans, sera candidat pourson parti (celui au pouvoirdepuis 1999) à l’électionprésidentielle d’avril. Il aremporté haut la main ven­dredi les primaires du Partidémocratique du peuple(PDP) face à l’ex vice­prési­dent Atiku Abubakar.Goodluck Jonathan,l’homme au borsalino, est àla tête du pays le plus peu­plé d’Afrique depuis mai,suite au décès d’UmaruYar’Adua. Une mission déli­cate dans ce pays, impor­tant exportateur depétrole, qui connaît de gra­ves divisions ethniques,religieuses et sociales. Ausein du PDP, la victoire deGoodluck Jonathan faitdébat. Certains préfèrentque ce chrétien du Sudabandonne sa campagne àla faveur de son rival,musulman du Nord, afin derespecter l’alternance,comme il est de coutumeau Nigeria, tous les huit ans.PHOTO AFP

UNE NOUVELLECHANCE POURJONATHAN

LES GENS

15273C’est le nombre d’homici­des en lien avec le narco­trafic au Mexique en2010. Soit le double demorts par rapport à 2009,et le triple par rapport à2008. Ces chiffres ont étéavancés par le gouverne­ment du président FelipeCalderón pour qui la lutteentamée en 2006 contre lecrime organisé «commenceà donner des résultats».

«N othing Man»(l’homme de rien)arborait vendredi

un sourire triomphant. EdMiliband, nouveau dirigeantdu parti travailliste, moqué ily a quelques jours par le Pre-mier ministre, David Came-ron, en raison de sa quasi-absence de la scène politiquebritannique au cours destrois derniers mois, tient sarevanche. Le Labour a en ef-fet remporté une électionpartielle à Oldham East andSaddleworth, non loin deManchester, avec 3558 voixd’avance sur le parti libéral-démocrate. Une large amé-lioration par rapport au scorede mai, lors des élections gé-nérales, où le candidat tra-vailliste, Phil Woolas, nel’avait emporté que de 103voix.La victoire du Labour, avec42% des suffrages pour Deb-bie Abrahams, n’a jamais faitbeaucoup de doutes, tous lessondages donnant le parti

d’opposition gagnant dansune région qui est un bastiontravailliste. Mais la véritablesurprise du scrutin tient auscore relativement honorabledes libdem (32%), et à latroisième place, loin, trèsloin derrière, des conserva-teurs (12,8%). Ces derniersont perdu la moitié de leursvoix par rapport à mai.Le vote d’Oldham East andSaddleworth avait été pré-senté comme le premier testgrandeur nature pour la coa-lition au pouvoir, entre lesconservateurs de David Ca-meron et les libéraux-démo-crates de Nick Clegg. Etbeaucoup prédisaient uneclaque monumentale pourles libdem, aux tréfonds dessondages. Nombre de parti-sans du parti de Clegg accu-sant son état-major d’avoirtrahi promesses et idéaux ens’alliant à un gouvernementoccupé à instaurer le plusimportant programmed’austérité depuis vingt ans.

Pourtant, le vote libéral-dé-mocrate n’a pas fondu, il amême légèrement progressé.Le parti conservateur estcelui qui pâtit le plus de cerésultat, et qui devra se dé-fendre face à ceux qui l’ac-cusent d’avoir négligésciemment la campagneélectorale pour favoriser sonallié libdem. Une humiliationpour les libéraux-démocra-tes aurait mis en danger leleadership de Nick Clegg et,par extension, le maintien dela coalition au pouvoir.A la lecture du score, les Tor-ries du Premier ministre sontceux qui ont le plus perdudans cette partielle, mais,aux yeux de David Cameron,cette humiliation vaut sansdoute mieux que la chute deson gouvernement et l’orga-nisation de nouvelles élec-tions nationales, qu’il seraitloin d’être assuré de gagner.

De notre correspondanteà Londres

SONIA DELESALLE-STOLPER

PunitionélectoralepourDavidCameronGRANDE­BRETAGNE Les conservateurs ont plafonné à12,8% dans une partielle remportée par les travaillistes.

RETOUR SUR BERLUSCONI ACCUSÉ DE PROSTITUTION DE MINEURE

Ruby, le caillou dans la botte du CavaliereIl aura fallu peu de temps à la justiceitalienne pour s’engouffrer dans labrèche ouverte par le Conseil consti-tutionnel. Maintenant que la loid’«empêchement légitime» est invali-dée, Silvio Berlusconi, 74 ans, doit ré-pondre des soupçons de prostitutionde mineure qui pèsent sur lui. Le par-quet de Milan a annoncé vendrediqu’il ouvrait une enquête sur le Cava-

liere dans l’affaire du «Rubygate». Lescandale, qui a secoué l’Italie en octo-bre, porte le nom d’une Marocaineque Berlusconi aurait engagée commeescort-girl. Le président du Conseilest aussi suspecté d’avoir abusé de safonction. Il aurait téléphoné le soir du27 mai à la police milanaise pour fairelibérer la jeune fille, mineure à l’épo-que, qui venait d’être arrêtée pour un

vol présumé. Le chef du gouverne-ment italien et la belle nient toute re-lation intime. L’opinion publique,elle, se méfie. La presse cite des es-cort-girls, et raconte les fêtes orgia-ques dans les résidences privées duCavaliere. Pour l’instant, la police aperquisitionné des bureaux de pro-ches de Berlusconi. Celui-ci est pro-chainement cité à comparaître.

A

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 MONDEXPRESSO • 7

Gollnisch,éternelcollaborateurBrimé par Le Pen père, l’ex-dauphin devrait s’incliner face à la fille pour la présidence du FN.

E n fidèle soldat de la causelepéniste, en loyaliste ré-gulièrement brocardé parle chef, Bruno Gollnisch a

tout avalé sans piper mot. Et ce di-manche, où il risque fort de voir luipasser sous le nez le fauteuil de pré-sident du FN qui lui avait pourtantété un jour promis, l’ancien nu-méro 2 s’inclinera. «En cas de dé-faite, je resterai au FN, mon parti»,assure-t-il.Derrière un sourire bouddhique, cespécialiste des civilisations extrê-me-orientales reste irréprochable.Par respect pour la figure du pa-triarche de l’extrême droite fran-çaise, il ne veut pas entrer en con-flit avec Jean-Marie Le Pen. Mêmequand celui-ci ironisait «sur le des-tin des dauphins qui est parfois des’échouer». Ou quand, devant quel-ques journalistes, il reconnaissaitque Bruno Gollnisch était «très, trèsgentil garçon, vraiment très gentil».«Et il sait faire des choses dont je se-rais incapable. Par exemple, il pro-fesse en japonais, vous vous rendezcompte.» Ou encore quand il levoyait «très bien en président… duParlement européen». Le jugementdu vieux baroudeur, toujours prêtà se colleter ses adversaires, y com-pris physiquement, est sans appelsur son lieutenant.

PROVOC. Pour le président du FN,«Gollnisch n’a pas la niaque». Pasles épaules suffisantes pour tenir lesrênes du parti. Depuis l’émergencemédiatique de sa rivale et benja-mine des trois filles du chef, BrunoGollnisch, professeur de langue etde civilisation japonaise à Lyon-III,a laissé faire sans riposter. Au pointde se laisser marginaliser en interneet de lasser ses soutiens. Après lascission mégretiste, cet of-ficier de marine de réserves’impose au poste de délé-gué général comme numéro 2 dumouvement. Depuis son entrée auFN en 1984, Bruno Gollnisch n’a ja-mais cessé de mettre ses pas dansceux de son mentor politique allantjusqu’à faire à son tour dans la pro-voc. Comme en 1996 où, à l’issued’un meeting salle Wagram à Paris,il tente de déposer avec une poi-gnée de militants une gerbe sur la

tombe du soldat inconnu. La petitebande autour de Gollnisch joue aucoup de force, comme les ligues du6 février 1934, et bouscule des poli-ciers. En septembre 2004, il tient,à son tour, des propos ouvertementrévisionnistes qui lui valent d’êtreexclu de l’université.A côté de l’héritière génétique,l’eurodéputé et conseiller régionalRhône-Alpes apparaît, lui, commele véritable successeur idéologiquedu fondateur du FN. Tout comme

lui, il ambitionne de ras-sembler les familles d’ex-trême droite dont ses an-

ciens soutiens au sein du FN, partispour protester contre la montée enpuissance de Marine Le Pen. «Goll-nisch connaît sans doute très bien leJapon. Mais la seule chose qu’il n’apas, c’est l’esprit samouraï», con-fiait un de ses proches en marge ducongrès de Bordeaux en 2007.Réélu devant Marine Le Pen au co-mité central avec 85,14% des voix

des adhérents contre 75,76% poursa rivale, Gollnisch voit ses préro-gatives au sein du FN réduites àpeau de chagrin. Il devient alors se-crétaire général chargé des ques-tions internationales, et l’autre vi-ce-présidente, elle, s’occupe detout le reste, et surtout met la hautemain sur l’appareil et les questionsd’organisation. «Gollnisch s’est re-trouvé dans une position tactique im-possible. Il voulait affronter la fille enménageant le père. Mais, pour s’op-poser à la fille, il fallait également ta-per sur le père, affronter l’un etl’autre. Cela, il ne l’a pas voulu, et lerésultat est qu’il a dû subir les choixdu clan Le Pen», explique Carl Lang,ex-numéro 3 du mouvement, dé-missionnaire du FN en 2008 aprèsavoir été évincé de la tête de listedans le Nord-Pas-de-Calais au pro-fit de Marine Le Pen.Quelques années auparavant, Goll-nisch avait également regardé sesprincipaux soutiens quitter le FN

comme Bernard Antony, chef defile des catholiques traditionalistes,ou Jacques Bompard, maired’Orange, sans vraiment tenter deles retenir. «Aujourd’hui, les amis etles soutiens de Bruno Gollnisch sontà l’extérieur du FN», ne se prive pasde rappeler Jean-Marie Le Pen.

«PROPAGANDE». A l’extérieur, leRenouveau français et l’Œuvrefrançaise affichent leurs appuis àBruno Gollnisch et ont poussé leurs

réseaux à adhérer au FN pour sou-tenir leur candidat. «Mais c’est bienpeu de chose quand France 2 permetà Marine Le Pen de faire sa propa-gande interne à 20h30», se lamenteun des proches de l’eurodéputé.Dimanche, Bruno Gollnisch ne peutque miser, selon le mot de CharlesMaurras en 1940, que sur «une di-vine surprise». •

Lire aussi le dossier consacréà Marine Le Pen dans «leMag».

Par CHRISTOPHE FORCARI

PROFIL

Bruno Gollnischet Marine Le Pen,le 6 janvier.PHOTO LAURENT TROUDE

Le congrès du Front national quise tient ce week­end à Tours(Indre­et­Loire) doit consacrer lesuccesseur de Jean­Marie Le Penà la tête du parti d’extrêmedroite. Le dépouillement du votepar correspondance des militantsa été effectué vendredi. Le vain­queur sera annoncé dimanche.

REPÈRES

Le congrès du FN qui se déroule ce week­end à Tours a commencédepuis belle lurette sur les réseaux sociaux, avec des slogans du type«Touraine ne rime pas avec Tours haine». Ce bouche­à­oreille est unrelais providentiel pour les sept syndicats (CGT, CFDT, CFTC, FSU,Unsa, Unef et UNL) qui ont organisé un «pique­nique fraternel»vendredi «contre le racisme et la xénophobie, pour le progrès social etl’égalité des droits». Des débats à l’université, au cinéma Studio ousur des radios sont proposés aux Tourangeaux. Qui répondront –sansdoute– massivement à l’appel à la manifestation de samedi lancé par laLigue des droits de l’homme, chef de file d’un collectif d’associations,de syndicats et de partis allant de l’extrême gauche au Modem. Lapréfecture a pris des mesures de précaution drastiques. Des renfortsde policiers et de CRS ont été mobilisés. Une exhortation à lavigilance a été adressée aux commerçants qui devront baisser leursrideaux en cas d’affrontements. Le spectre de Poitiers qui a vécu enoctobre 2009 un week­end de heurts lors d’un rassemblement contreun transfèrement de prisonniers n’est pas si lointain: «On est prêts. Ladifférence avec Poitiers, où les violences étaient par natureimprévisibles, c’est que nous avons pris le temps d’anticiper les choses»,assure­t­on à la préfecture. XAVIER RENARD (à Tours)

À TOURS, ANTIFACHOS ET CRS MOBILISÉS

23000adhérents frontistes doiventdépartager Marine Le Pen etBruno Gollnisch. Jusqu’à présent,le FN refusait de donner des chif­fres sur l’état de ses troupes.

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 20118 • FRANCE

FRANCEXPRESSO • 9

Par DENIS MUZET

«Demain, ça peutarriver n’importe où!»

P artout les menacesmondialisées surgis-sent. Les émeutes en

Tunisie: «c’est les jeunes sur-tout qui manifestent, expliqueun homme, c’est comme laguerre civile!» «J’ai peur queça évolue mal, y compris cheznous où il y a une forte popula-tion de Tunisiens et d’Algé-riens», s’inquiète unefemme. Ou les otages au Ni-ger : «Deux jeunes ressortis-sants ont été enlevés par desNigériens armés», témoigneun cadre. «Ils ont été tués àbout portant», précise unautre. «Ce sont deux jeunescoopérants, s’émeut un père,faudrait pas que tous les res-sortissants français subissentle même sort au Niger ouailleurs.» «On n’est pas ensûreté, ça peut nous arriver àtous», s’alarme une postière.

Enfin, les inondations enAustralie, «la surface envahiepar les eaux est équivalente àla France plus l’Allemagne,explique une femme, il y ades milliers de personnes éva-cuées.» «Même dans des villesmodernes, poursuit une Lor-raine, il y a de l’eau partout,les gens sont attaqués par desserpents et des crocodiles !»«Dans le nord de la France, ona les mêmes problèmes d’inon-

dations, témoigne une quin-quagénaire, on n’est à l’abrinulle part, demain ça peut ar-river n’importe où !»

C’est la fin de l’immunité. Semet en place la perceptiond’un dérèglement généralisé,qui s’amplifie par effet d’ac-cumulation catastrophique.La mondialisation pénètrenotre quotidien, un senti-ment diffus de perte de nosvaleurs se répand. Les dra-mes relancent le sentimentd’insécurité qui avait prévalujuste avant l’électionde 2002. En 2003, Sarkozylançait son plan de conquêtedes Français sur l’image durempart contre les «forces dumal». En 2012, Marine Le Penpourrait être celle qui épousele mieux ce rôle-là. •Vous voulez dire votre mot etparticiper au panel de l’InstitutMédiascopie:Liberation.mediascope.fr

L’ACTUSCOPE

Denis Muzet est le présidentde médiascopie. Chaque samedi,il rend compte de l’actualité vuepar un panel de l’institut qu’il dirige.

Après son léger malaise àl’issue de l’émission le PetitJournal sur Canal+, le pré­sident du Modem a prissoin de souhaiter «unebonne santé» à l’ensemblede la presse lors de la pré­sentation de ses vœuxvendredi. «C’était un aver­tissement sans frais et utile.Cette année, il va falloirgarder la santé» pour lapréparation de l’année pré­sidentielle, annonce Fran­çois Bayrou qui s’avoue«heureux» : «On est heu­reux en politique quand lesactes correspondent auxconvictions, quand il y aadéquation et fidélité entreaction et conviction.» LeBéarnais ne veut pas préci­piter son entrée dans lacampagne présidentielle. Ilréunira des conventionsjusqu’en septembre sur dif­férents thèmes afin d’éta­blir «un nouveau contratavec les Français» pour«une alternance raisonna­ble et positive». Un pro­gramme qu’il articule déjàautour de deux grands thè­mes: «Education et produc­tion, ce sont les “labourageet pâturage” du XXIe siècle,un mot d’ordre pour lanation», a­t­il ajouté. C. F.PHOTO AFP

FRANÇOISBAYROU JOUERAHENRI IV EN 2012

LES GENS

30%C’est le score qu’obtien­drait Strauss­Kahn devantSarkozy (25%) et MarineLe Pen (18%), selon CSApour Marianne.(les 7 et 8 janvier auprès de1001 personnes).

Valérie Pécresse à l’Elysée, en mars 2010. PHOTO LAURENT TROUDÉ

«D epuis 2007, les cré-dits de fonctionne-ment progressent de

manière exceptionnelle» : laphrase a beau être écrite80 fois – en haut de chaquepage – dans le dossier depresse du ministère de l’En-seignement supérieur, l’Etatn’est pas très généreux cetteannée avec les universités.Les moyens de fonctionne-ment qu’il leur alloue aug-mentent de 78 millionsd’euros, soit de 3% enmoyenne, alors que la hausseétait de 131 millions en 2010et de 146 millions en 2009.La ministre, Valérie Pécresse,qui présentait vendredi lesbudgets des universités, atenu à rappeler que le secteurétait le seul à échapper à larègle du non-remplacementd’un départ à la retraite surdeux et donc aux réductionsde postes.Elle s’est aussi félicitée de la«poursuite de la dynamique»lancée par Nicolas Sarkozy,

vantant les 56% d’augmen-tation des moyens, en-tre 2007 et 2011, de Lille-II–dont les effectifs étudiantsont bondi – les 50% d’An-gers ou les 31% de Paris-XIII.Mais on assiste bien à un ra-lentissement en 2011. Denombreuses universités vontconnaître une stagnation entermes réels de leurs moyensde fonctionnement, enhausse de 1,5%, équivalent àl’inflation. En fait, seules cel-les devenues autonomes au1er janvier 2011 bénéficient dehausses importantes – jus-qu’à 11% pour Grenoble-II–afin de leur permettre d’as-sumer les charges nouvellesqui leur incombent.Le vrai enjeu financier pourles universités est désormaisle grand emprunt, rebaptisé«Investissements d’avenir».En 2011, elles vont se parta-ger à ce titre 1,5 milliardd’euros, sur les 3,6 milliardsdestinés au supérieur et à larecherche, a indiqué la mi-

nistre, la différence devantaller au nucléaire, à l’espaceet à l’aéronautique. Maisseules les universités dont lesprojets d’«excellence»auront été retenus, recevrontla manne. Et les autresn’auront rien. C’est la prin-cipale critique des syndicats:le grand emprunt va creuserencore l’écart entre les gran-des universités, notammentles scientifiques dotées d’unepuissante recherche, et lespetites.Valérie Pécresse a aussi dûreconnaître que l’autonomieavait quelques ratés. Certai-nes universités autonomes«n’ont pas su prévoir l’évolu-tion de leurs masses salaria-les», a-t-elle regretté, et seretrouvent en déficit. Le mi-nistère va examiner chaquecas afin de voir celles qu’ilfaudrait renflouer. Il compteaussi sur la «solidarité» desuniversités plus florissantespour donner aux autres.

VÉRONIQUE SOULÉ

Facs:Sois«excellente»ettuaurasdel’argentÉDUCATION Les meilleures universités vont absorber,en 2011, une large partie du budget du supérieur.

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RETOUR SUR LA CANDIDATURE ÉCOLOGISTE À LA PRÉSIDENTIELLE

«Dany» veut Joly, Hulot réfléchitDaniel Cohn-Bendit remet les pen-dules à l’heure. «Moi, je soutiens EvaJoly. La seule candidate écologiste et ci-toyenne pour l’instant, c’est elle», con-fie le leader d’Europe Ecologie-lesVerts. Alors qu’une partie des ex-Verts – d’Yves Cochet au courant deCécile Duflot– poussent Nicolas Hu-lot à se présenter, Cohn-Bendit re-fuse de «faire des plans sur la comète

sur l’hypothèse Hulot». L’animateur,lui, consulte à tour de bras : il a vumardi son ami Jean-Louis Borloo etjeudi Jean-Vincent Placé, ex-nu-méro 2 des Verts. Selon nos informa-tions, Hulot aurait refusé, commeBorloo le lui a demandé, de resterneutre face à Nicolas Sarkozy au se-cond tour de la présidentielle. «SiHulot souhaite être candidat, alors on

en discutera», martèle Cohn-Bendit.Quant au texte de son frère Gaby ap-pelant dans Libération à retirer lacandidature écologiste pour conjurerle spectre du 21 avril 2002, «Dany»le juge «prématuré». «Mais si MarineLe Pen surfe entre 17 et 20 % jusqu’enjuin, on ne pourra pas évacuer ce débat,car une partie de notre électorat estperméable avec celui du PS.» M.É.

A

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

AffaireduMediator:lesquatrevéritésdeonzeministres

«Libération» ainterrogé presque tous

les politiques en chargede la Santé depuis la findes années 80 sur leurs

liens éventuels avec lelaboratoire Servier.

1993­1995 et 2004­2005Secrétaire d’Etat à la Santé,puis ministre de la Santé

Il était au départ cardiologue,avant d’être nomméprofesseur de santépublique.L’ancien maire UDF deToulouse reconnaît quelorsqu’il était jeune chef declinique en cardiologie, il afait plusieurs voyages avec lelaboratoire Servier, sur desprojets de recherche encancérologie.«C’est tout. Mais depuis quej’ai été ministre, rien.»Il faut noter, néanmoins, quebien plus tard, alors qu’il estdevenu ministre des Affairesétrangères dans legouvernement deDominique de Villepin, il ainauguré, le 19 janvier 2006 àMoscou, des filiales dulaboratoire Servier. PHOTO AFP

PHILIPPEDOUSTE­BLAZY

De 1999 à 2001Secrétaire d’Etat à la Santé,puis aux Personnes âgéeset aux Handicapés

Actuellement maire PSd’Eragny­sur­Oise (Val­d’Oise). Institutrice deformation, elle n’a fait qu’unbref passage au ministère dela Santé, remplaçant BernardKouchner qui partait pours’occuper du Kosovo dans lecadre des Nations unies.Sa réponse est sansambiguïté: elle n’a eu aucunrapport avec le laboratoireServier, ni de près ni de loin.PHOTO LAURENT TROUDE

DOMINIQUEGILLOT

1992­1993, 1997­1999,2001­2002Ministre et secrétaired’Etat à la Santé

Ses liens avec Servier? «Oui,j’en ai eu avant d’êtreministre. Je vivais alors deconférences et de formationsque je faisais entre autresauprès de laboratoirespharmaceutiques, dontServier.» Cela faisait­ilbeaucoup? «Je seraisincapable de répondre.»Depuis qu’il est devenuministre, Bernard Kouchneraffirme n’avoir plus jamaisété ni rétribué ni défrayé parServier. Dans son longpériple gouvernemental sousla gauche, Bernard Kouchnera été un des artisans de lacréation des agencessanitaires. Et ce sont ses plusproches collaborateurs quiles ont, au départ, dirigées.Au passage, il s’est, une fois,affronté fortement àl’industrie pharmaceutiqueautour de la question de lavaccination contrel’hépatite B. PHOTO AFP

BERNARDKOUCHNER

1997­2000Ministre de l’Emploiet de la Solidarité

C’est par un «non»catégorique à toutes lesquestions qu’a répondu lapremière secrétaire du PS.La fin des années 90 apourtant été, dans l’affaire duMediator, décisive. Al’époque, Martine Aubry aainsi lancé la vaste opérationde réévaluation de tous lesmédicaments pour vérifiers’ils étaient très, peu, ou pasdu tout utiles. Dans cesannées­là, le Mediator a étéanalysé et la Commission dela transparence a rendu cetavis, somme toute assezformel: «Aucun intérêt dansla stratégie thérapeutique.»A plusieurs reprises, àl’Assemblée, Aubry a évoquéla question dudéremboursement,provoquant le tollé del’opposition de droite d’alors.A cette époque, lesnouvelles agences sanitaires,dont l’Agence de sécuritésanitaire des produits desanté, ont été mises en place.PHOTO AFP

MARTINEAUBRY

1995­1997Ministre du Travailet des Affaires sociales

Aujourd’hui membre duConseil constitutionnel, il aété en poste lors des annéesclés, quand éclate l’affaire del’Isoméride, coupe­faimproduit par Servier et retiréaprès des complications(hypertension artérielle).Mais à l’époque, le Mediatorpasse à travers. Barrot sesouvient d’une inaugurationd’une usine de Servier qu’il afaite à Orléans. Au sujet deses conseillers, il explique:«Madeleine Dubois, qui étaitmon attachée parlementairede 1975 à 1981, a été recrutéeen 1985 par Servier. En 1995,je lui ai demandée d’être monchef de cabinet. Elle a pourcela cessé son contrat etcessé de recevoir touterémunération de Servier.En 1997, après la dissolution[de l’Assemblée nationale,ndlr], Madeleine Dubois ademandé à réintégrer lelaboratoire Servier, ce qui luia été accordé.» Pour le reste,il n’a reçu aucun avantage dulaboratoire. PHOTO AFP

JACQUESBARROT

1988­1991Ministre des Affairessociales et de la Santé

Il est aujourd’hui directeurde l’Agence régionale desanté de l’Ile­de­France.En 1988, le Mediator existe,mais pas l’Agence dumédicament, instanced’autorisation et de contrôle,qui sera créée plus tard,en 1993. Tout est à construire.Les rapports de Claude Evinavec Servier? Il estcatégorique: aucunerémunération directe, etaucun voyage avec le labo.Sur les frais de campagnesélectorales – en particuliercelle de 1993 –, Claude Evin areçu, tout à fait légalement,des dons d’entreprises. Maisil nous répond: «Je n’ai paspu vérifier s’il y avait Servier.»Plus tard, quand ilabandonne sa carrière d’éluet devient avocat spécialisédans les affaires de santé, ilrefuse de dire si Servier étaitun de ses clients, non sansagacement: «C’est privé, celane vous regarde pas, le nomde mes clients non plus.»PHOTO AFP

CLAUDEEVIN

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 201110 • FRANCE

Par ÉRIC FAVEREAU

T ous pourris! C’est le problème avecles scandales. Ils font remonter lesclichés et l’affaire du Mediator –surlaquelle l’Inspection générale des af-

faires sociales (Igas) doit rendre ses conclu-sions samedi – n’échappe pas à la règle.

PRIVILÈGE. N’entend-t-on pas dire que tousles ministres de la Santé ont été bien tropproches du laboratoire Servier? Et ce seraità cause de cette proximité que rien ne se se-rait passé durant près de vingt ans, le Media-tor bénéficiant d’un incroyable privilège, ce-lui d’être inutile et dangereux mais pourtantremboursé jusqu’en 2009.

Conflit d’intérêts évident? Nous avons vouluvoir de plus près en posant quatre questionssur leur carrière professionnelle à onze per-sonnalités qui furent ministres ou secrétairesd’Etat à la Santé depuis 1988.La première: «Avez-vous été rétribué par le la-boratoire Servier ou ses filiales, par exemplepour des formations, des conférences ? Si oui,lesquelles?» La deuxième: «Avez-vous été in-vité dans des déplacements par le laboratoireServier ?» La troisième : «Est-ce que desmembres de votre cabinet avaient des liens fi-nanciers avec Servier, ou une de ses filiales ?»Enfin : «Est-ce que, lors de vos campagnesélectorales, Servier a participé à vos frais ?»Tous les anciens ministres de la Santé ont ré-pondu, sans hésiter. Et le résultat – dont la

limite est bien sûr de ne reposer que sur laseule déclaration des intéressés– est éloignédes clichés. Bien sûr, il y a eu des liens, par-fois problématiques pour certains, ou des si-lences pour d’autres. Mais aucun n’a jamaisreçu, disent-ils, d’enveloppes ou de rétribu-tions directes ou indirectes de Servier pen-dant qu’ils occupaient des fonctions ministé-rielles. Tous, néanmoins, posent la questionde leurs cabinets, car si les ministres interro-gés répondent par la négative sur des liensfinanciers entre leurs collaborateurs et Ser-vier, ils nuancent : «A ma connaissance.»

CHRONOLOGIE. Aucun de ces onze ministresn’a été questionné par les trois enquêteurs del’Igas. Et pour cause… L’Igas avait une mis-

sion claire : se centrer sur une chronologiedes événements et sur les prises de décision.Le rapport des trois inspecteurs a été remisvendredi au ministre de la Santé, Xavier Ber-trand. Près d’une centaine de personnes ontété auditionnées. Long de plus de 300 pages,le rapport est constitué de près d’un millierde pages d’annexes.«Il sera rendu public [cet] après-midi», dit-onauprès de Xavier Bertrand. En raison de lacomplexité du sujet, ce sont les trois enquê-teurs qui doivent le présenter. Puis le minis-tre doit annoncer un ensemble de recom-mandations. L’Agence française de sécuritésanitaire des produits de santé (Afssaps), unmoment menacée, ne serait plus remise encause dans son existence. •

Depuis novembre 2010Secrétaire d’Etat à la Santé

«C’est non à toutes lesquestions», nous a répondula nouvelle secrétaire d’Etatà la Santé. Discrète, elle s’estjuste exprimée une foisquand l’affaire du Mediator aéclaté. Elle a expliqué surune chaîne de télévision, le15 novembre: «Il faudra voirla relation d’imputabilitéentre le médicament et seseffets. Donc il y a un grostravail de compilation dedonnées, de connaissance etd’expertise à faire sur cedossier.»Une position bien prudentesur les effets de cemédicament qui lui a valu untollé de réactions, certainsdéputés socialistesdemandant même sadémission.Depuis? C’est le silence.Nora Berra, médecin deformation, a travaillé pendantplus de dix ans dansdifférents laboratoirespharmaceutiques, maisjamais pour Servier.PHOTO AFP

NORABERRA

2004­2005, 2005­2007et depuis novembre 2010Secrétaire d’Etatà l’Assurance maladie,puis ministre de la Santé,actuellement ministredu Travail, de l’Emploiet de la Santé

Il est en première ligne sur lagestion de l’affaire. C’est luiqui a demandé, dès qu’elle aéclaté, un rapport à l’Igas(Inspection générale desaffaires sociales). Il a voulurépondre en détail.A­t­il été rétribué parServier? «Non.» A­t­il étéinvité dans desdéplacements? «Si votrequestion porte sur la prise encharge financière de mesdéplacements par leslaboratoires Servier, laréponse est non. Si votrequestion porte sur le faitd’avoir effectué desdéplacements dans uneusine des laboratoiresServier, je ne peux l’affirmeravec une totale certitude,n’ayant pas retrouvél’intégralité de mesdéplacements entrejuin 2005 et mars 2007.

Dans le cadre de mesfonctions ministérielles, j’aivisité à diverses reprises desusines pharmaceutiques et jene trouverais pas anormalque cela ait pu être le cas.»Des membres de son cabinetavaient­ils des liens financiersavec Servier? Longueréponse: «Pas à maconnaissance. Je veux icipréciser que suite à l’appeld’un journaliste du Canardenchaîné lundi, j’ai tenu à ceque soient recontactées lestrois conseillères qui,entre 2005 et 2007, ontsuccessivement suivi lesdossiers du médicament:Fabienne Bartoli (du débutde la mandature jusqu’endécembre 2005), FrançoiseWeber (de décembre 2005 àavril 2006) et Marine Jeantet(de mai 2006 à la fin de lamandature). Elles ont indiquéne pas avoir eu de tels liens.A noter que Françoise Weberavait travaillé par le passé,jusqu’en 2000, pour uneautre entreprisepharmaceutique, ce dontj’étais informé. Par ailleurs,Gérard Bréart et FrançoiseForette, cités dans l’article duCanard enchaîné de cettesemaine, tous deuxpraticiens hospitalo­universitaires reconnus,étaient respectivement encharge de la recherche d’unepart, et des personnes âgées,d’autre part. Ils n’avaient pasla responsabilité de lapolitique du médicament ausein de mon cabinet.»Et le ministre ajoute:«Enfin, dans un souci detransparence totale, j’aiindiqué à l’Assembléenationale mardi après­midique je souhaitais que lesmembres des cabinetsministériels soient tenus defaire une déclarationd’intérêt. Je ferai part decette proposition à M. Jean­Marc Sauvé, vice­présidentdu Conseil d’Etat, chargéd’une mission pour laprévention des conflitsd’intérêts dans la viepublique.» PHOTO AFP

XAVIERBERTRAND

2007­2010Ministre de la Santé

Aux quatre questions, cetteancienne pharmaciennerépond par la négative.«Aucun rapport avecServier.»C’est lorsqu’elle étaitministre de la Santé qu’a étéprise, enfin si l’on peut direvu le retard, la décision deretirer du marché leMediator, ennovembre 2009. Ce choix,qui était du ressort dudirecteur de l’Afssaps(Agence française desécurité sanitaire desproduits de santé), estintervenu alors que lapandémie de grippe H1N1plongeait la France dans unclimat d’hystérie.Durant son passage auministère de la Santé, avenuede Ségur, Roselyne Bachelotn’a jamais évoquépubliquement la question duMediator, son éventuelledangerosité ou sondéremboursement.PHOTO AFP

ROSELYNEBACHELOT

2002­2004Ministre de la Santé, de laFamille et des Personneshandicapées

Aux questions de Libération,ce professeur de génétique,aujourd’hui président de laCroix­Rouge, a opposé unnon ferme. Jean­FrançoisMattei a été ministre à unmoment déterminant dansl’affaire du Mediator, car il asupervisé la deuxième phasede réévaluation desmédicaments qui a abouti àun plan en trois groupes dedéremboursement desmédicaments inutiles.Bizarrement, le Mediator aété placé dans le derniergroupe, celui qui n’a jamaisété déremboursé.Son directeur de cabinetvenait de l’industriepharmaceutique, enl’occurrence Lily, et sonconseiller médicament faisaitdu conseil en stratégieindustrielle. L’Inspectiongénérale des affaires sociales(Igas) a dû insister pourinterroger ce conseiller, alorsqu’il était en vacances, loinde la France. PHOTO AFP

JEAN­FRANÇOISMATTEI

2000­2002Ministre de l’Emploiet de la Solidarité

Comme Martine Aubry, ellea été très claire dans sesréponses: elle n’a eu aucunerelation financière avec lelaboratoire Servier.A la tête de son ministères’est décidée une mesureessentielle en matière depolitique de médicaments,qui avait été préparée parMartine Aubry: alors que l’onvenait de pointer près de840 médicaments jugésinutiles, il a été décidé, nonpas de réduire leur taux deremboursement, mais dediminuer leur prix. «Nousdevions avoir trois phases debaisse de prix dans le temps,a expliqué à Libération leprésident du Comitééconomique du médicament,Noël Renaudin. Il n’y en a euque deux. Et je me souviensque pour la seconde, avec leMediator, la baisse avait étéautoritaire, le laboratoire nel’ayant pas effectuée de lui­même.» PHOTO AFP

ELISABETHGUIGOU

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 FRANCE • 11

«I l ne s’agissait pas sim-plement d’une amou-rette», affirme Jean-

Marie Delarue. Vendredi, lecontrôleur des lieux de pri-vation de liberté a quelquepeu réécrit la belle histoirequ’avait racontée le directeurde la maison d’arrêt de Ver-sailles (Yvelines). Pour justi-fier sa liaison avec Emma (quise fait aussi appeler Yalda), lajeune femme ayant servid’appât dans l’enlèvementsuivi du meurtre du jeune juifIlan Halimi, en 2006, FlorentGoncalves avait affirmé enêtre tombé «amoureux». Aupoint de vouloir «refaire savie» avec elle, a-t-il dit auxenquêteurs.Rétorsion. Pour Jean-MarieDelarue, la réalité est moinsromantique. L’affaire dé-marre, pour lui, cet été, lors-qu’il reçoit deux courriers dedeux détenues de cette pri-son l’alertant «sur un certainnombre de choses». «Nousavons aussitôt dépêché deuxpersonnes à la maison d’arrêtde Versailles», raconte-t-il.Mesure de rétorsion? Entre-temps, les auteures des cour-riers ont été «exfiltrées» àFresnes (Val-de-Marne).«Nous sommes allés à Fresnes

début septembre. Puis nousavons décidé d’organiser unevisite à la maison d’arrêt deVersailles, du 22 au 25 octobre2010.» Sa conclusion con-firme ce que l’on savait déjà:«Il nous est vite apparu que ledirecteur de l’établissement se

permettait des choses contrai-res à la discipline du corpsdont il fait partie.»Emma n’était pas la seuledétenue à bénéficier d’untraitement de faveur. Sixfemmes «étaient particulière-ment bien soignées», poursuitDelarue. Dans une cellule,Emma et deux autres fem-mes; dans l’autre, trois déte-nues travaillant pour le ser-vice général (personneschargées de l’entretien desbâtiments, de porter lesplats…). «Les six habitantesde ces deux cellules étaientprivilégiées par rapport à toutle reste de la détention», af-firme Delarue. Cette situa-tion durait depuis un certain

temps : «Les choses ont dé-marré en novembre 2009, ellesont duré onze mois dans unemaison de 110 détenues où toutse sait», précise le contrô-leur.Début novembre, Delarue aécrit au directeur interrégio-nal Ile-de-France de l’Admi-nistration pénitentiaire pourlui signaler les faits. Lemême mois, la chancelleriea saisi l’Inspection généraledes services pénitentiaires.L’enquête interne a donnélieu, fin novembre, àl’ouverture d’une enquêtepréliminaire du parquet deVersailles puis, le 16 décem-bre, d’une information judi-ciaire contre X.Le ministère de la Justicesouligne qu’il s’agit de «faitsexceptionnels» qui «ont jus-tifié que, dès novembre, lachancellerie saisisse l’Inspec-tion générale des services pé-nitentiaires et que, dès le rap-port connu, elle suspende» ledirecteur. Le code de déon-tologie pénitentiaire inter-dit, en effet, les relations en-tre personnel et détenus«qui ne seraient pas justifiéespar les nécessités du service».Relation. A l’automne,Emma a été transférée de lamaison d’arrêt de Versaillesvers Fresnes, à l’approche deson procès en appel devantla cour d’assises des mi-neurs de Créteil (Val-de-Marne). Le 17 décembre, sa

peine de neuf ansd’emprisonne-ment a été con-firmée. Ce trans-fèrement n’avaitque «partielle-ment» mis fin à larelation avec Flo-

rent Goncalves, des com-munications téléphoniquesayant été interceptées (Libé-ration de vendredi).Le directeur de la prison a étésuspendu de ses fonctions, etmis en examen, mercredi,pour «remise illicite d’unesomme d’argent et d’objets in-terdits à une détenue et com-munication illicite à une déte-nue». Il a été laissé en libertésous contrôle judiciaire. Ilencourt jusqu’à trois ans deprison. Un gardien a égale-ment été mis en examen pouravoir fourni une puce élec-tronique à la jeune femme.Emma est, quant à elle,poursuivie pour recel.

CATHERINE COROLLER

«Les choses ont duré onzemois dans une maison de110 détenues où tout se sait.»Jean­Marie Delarue contrôleur deslieux de privation de liberté

Ledirecteurdeprisonavaitplusd’unefavoriteJUSTICE Outre la fille-appât, cinq détenues deVersailles bénéficiaient d’un traitement de faveur.

CLEARSTREAM Le patron dela Direction centrale durenseignement intérieur(DCRI), Bernard Squarcini,devrait se désister de l’actionqu’il a engagée contre Domi-nique de Villepin au procèsen appel de l’affaire Clears-tream en mai.

EXPULSION Les passagersd’un vol Air France à desti-nation du Cameroun se sontrebellés jeudi contre l’expul-sion d’un homme, retardant

le décollage à l’aéroport deRoissy-Charles-de-Gaulle.Quatre passagers ont étéinterpellés.

EXPLOSION Cinq personnesont été blessées, dont deuxpompiers, vendredi après-midi à la suite de l’explosiond’une bouteille de gaz dansun immeuble d’habitation àMontrouge (Hauts-de-Seine). Quelque 270 enfantsd’une école proche ont étéévacués.

La prison pour femmes de Versailles, en juin. PHOTO WITT. SIPA

Par KARL LASKE

Tarnac: une reconstitutionpeut en cacher une autre

L es juges antiterroristess’emploient toujours àvalider le scénario po-

licier de l’affaire Tarnac.Dans la nuit de jeudi à ven-dredi, ils ont convoqué JulienCoupat, Yldune Lévy et leursavocats pour une reconstitu-tion aux abords de la voieferrée, théâtre de l’un desquatre sabotages de lignesTGV opérés au moyen decrochets posés sur les caté-naires. Le couple, suivi lanuit des faits, du 7 au 8 no-vembre 2008, par un im-pressionnant dispositif poli-cier – 20 fonctionnaires, enplusieurs voitures –, a niés’être garé à proximité dulieu du sabotage. Les poli-ciers, eux, ont indiqué avoirvu la voiture en stationne-ment, mais rien d’autre.

Quels demandeurs ?La reconstitution était de-mandée par la défense pourdémêler les contradictionsfigurant dans leur procès-verbal – minutage fantai-siste, positions des véhiculesaléatoires. La présence desfonctionnaires était donc in-dispensable. Or, les avocats

ont appris, jeudi, qu’unepremière reconstitution avaitété opérée à huis clos par lesmagistrats dans la nuit du4 au 5 janvier, en présencedes seuls policiers et leurpermettant de livrer leurversion, rectifiée, des faits.«C’est parfaitement déloyal,commente Me William Bour-don. Les juges ont préparé unsimulacre de reconstitutionpour valider les thèses policiè-res. Et ils n’ont acté nos obser-vations que sous notre menacede quitter les lieux.»

Quels résultats ?Un policier avait indiquéavoir observé la voiture àl’arrêt, muni de lunettesthermiques, sans voir le cou-ple. Or, la reconstitution amontré que les fonctionnai-res ne pouvaient manquer devoir le duo si le sabotage avaiteu lieu au moment où ils l’af-firment. «Nous avons de-mandé qu’une personne circuleprès du véhicule, avec puis sanslampe, explique Me Bourdon.Or, la lampe est vue à l’œil nu,et la silhouette est parfaitementvisible aussi avec les lunettesthermiques.» •

DÉCRYPTAGE

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Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

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CARNET

SouvenirS

Un hommage à

Roger PLANCHON

Le lundi 17 janvier 2011à 20h30 au théâtre

Nanterre-Amandiers7 avenue Pablo Picasso

92022 NanterrePatrice Chéreau lira des

extraits du journal (inédit) deRoger Planchon.

Interventions amicales deAlain Françon, Georges

Lavaudant, Micha Lescot,Jean-Louis Martinelli, Daniel

Mesguish, Esmé PlanchonJacques Rosner, Michel

Vinaver, Jean-Pierre Vincent.Images et photos d'archives

Ina & BNF

Tarifs : 16 € TTC la ligneForfait 10 lignes

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pour une parution15 € TTC la ligne supplémentaire

Le Carnet

Tél. 01 40 10 52 45Fax. 01 40 10 52 35

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Un gendarme, qui un soir de beuverie s’était retrouvé parmégarde dans le lit d’un couple inconnu, a été jugé jeudi àPau pour violation de domicile et attouchement sexuel. Leprocureur a demandé contre lui «une peine d’avertisse­ment». Le 17 avril 2008 à Pau, le jeune homme, aujourd’huiâgé de 24 ans et exclu depuis de la gendarmerie, avaitpassablement bu et avait suivi une jeune fille dont il venaitde faire la connaissance. Après avoir accepté quelquesbaisers dans une cour d’immeuble, elle avait laissé surplace le gendarme en lui affirmant «qu’elle revenait vite».Ne la voyant pas réapparaître, il avait pénétré dans unappartement dont il avait trouvé la porte ouverte, croyantêtre chez sa conquête. Il s’était installé dans le lit d’un cou­ple dont l’homme, réveillé par les cris de sa femme, avaitvivement chassé l’intrus. L’avocat de la défense a plaidé laméprise et demandé la relaxe. Délibéré le 27 janvier.

JUGÉ APRÈS S’ÊTRE TROMPÉ DE LIT,L’EX­PANDORE ATTEND SON SORT

L’HISTOIRE

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 201112 • FRANCEXPRESSO

Affiche du festivalPiano­Folies, 2006. PHOTO DR

Marine Le Pen La nouvelle tête du FN brasse les vieilles idées de papa Page IV

Musique InFiné, un petit label défie le marché du disque Page VIII

Rallyes-raids Le Dakar fait du monde son vaste terrain de jeu Page XV

SAMEDI 15ET DIMANCHE 16

JANVIER 2011www.liberation.fr

leMag

L’artiste livre les secretsde son univers créatif

exposé au muséedes Arts déco à Paris.

MichalBatory

àl’affiche

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011II • LE MAG SOMMAIRE

PORTRAIT

Marine Le PenLa tête du Front,une saga familialeDans les pas de papaà la direction du FN,la benjamine Le Penchange le look du parti,mais pas son fond.BERTRAND LANGLOIS. AFP

ENQUÊTE

Francesco TristanoUne touched’electro­classiqueLe label InFiné revendiqueses aspirations artistiquesavec la sortie deIdiosynkrasia, troisièmealbum du pianiste.SAMUEL KIRSZENBAUM

ENTRETIEN

Michal Batory«Le cerveau est lecœur du créateur»Métaphores, énigmes,messages… l’affichistedécode ses images,exposées au musée desArts décoratifs à Paris.DENIS ROUVRE

LIRE

Edouard TétreauLes milliardsde l’apocalypseLe stratège financier,qui avait prédit le krachinternet, s’empare de ladette américaine projetéeen 2020.OLIVIER ROLLER

REGARDER

«L’Ange» DianaWaouh la limousine,wow le jacuzzi!L’ex­participante de l’Ilede la tentation tente, avecsept autres merveillesde la télé­réalité, de percerà Hollywood pour NRJ12.DR

JE ME SOUVIENS

Jacques Mesrine«J’allais chez Petitpour l’exécuter»En janvier 1979, l’ennemipublic n° 1, en cavale,raconte dans une interviewchoc sa visite au juge qui l’acondamné.ALAIN BIZOS. AGENCE VU

LE CASTING DU 15 JANVIER 2011PAGE VIIIPAGE IV PAGE X PAGE XIV PAGE XXPAGE XVI

«POINTS DE VUE» PAR PETER KUPER

Universelles, inépuisables,mais toujours un régalvues de l’extérieur : ainsivont les querelles defamille.«Le linge sale selave en famille», maisreconnaissons que l’annéeécoulée et celle quicommence à peine nousont comblés avec leur lotde surprises réjouissantess’agissant bien entendu dubeau linge déballé sur laplace publique. Après nousavoir maintenus en haleineplusieurs mois, la saga desBettencourt a fini en eaude boudin par uneréconciliation opportune :on arrête les frais quandune telle fortune est endanger.Un scandale familialchasse l’autre, vendéencelui-là : deux fils du clande Villiers en procès, lecadet accusant son aîné deviol. L’affaire n’est pasélucidée, mais tout est faitpour calmer le jeu sordide :

le crime sexuel nuitgravement à la politique.L’histoire fournit aussi unebelle occasion de«ménage» familial : ledernier livre d’AlexandreJardin, Des gens très bien,censé ruiner la réputationd’une famille qui frayaavec Vichy, est déjà bienplacé dans les meilleuresventes. Pas sûr pourtantque les Jardin y perdent engrâce : les livres ne font pasvaciller les grandslignages, du moins ceuxqui se vivent tels.Ainsi en est-il de la futuredynastie Le Pen, dont ladernière née, Marine, arepris le flambeau. Enchangeant les manières dupère (tout en gardant lesconvictions), elle sembledevoir réussir là où le filsSarkozy a échoué : demême qu’on ne choisit passes parents, on ne fait pastoujours un pari gagnantsur ses rejetons.

Dynasties

ÉDITO

Par BÉATRICE VALLAEYS

ÉDIT

ION

ÀET

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 CHRONIQUES LE MAG • III

VOX POPULI

Par MATHIEU LINDON

Oui ou non, DSKva-t-il pantoufler?

On se moque des socialistes à cause dela tripotée de candidats qu’il risqued’y avoir à leur petite primaire entrecamarades. Mais on pourrait aussi

ricaner d’une présidentielle où il y aura pleinde postulants alors qu’ils seront tousconcitoyens. Cette frénésie a aussi à voir avec ladémocratie. S’il n’y avait que deux chevaux audépart, ce ne serait pas commode de jouer autiercé (et même s’il y en avait trois, ce seraittrop facile de le gagner sans ordre). Ce qu’il y ad’obscène à gauche, ce sont plutôt tous cescandidats qui se tâtent publiquement. C’estqu’ils ont un handicap. A gauche, on n’a pasl’air de bien savoir ce que c’est qu’être àgauche, c’est une question perpétuellement àl’étude. On est tributaire de la droite poursavoir si on n’est trop à gauche ou pas assez aucentre. On est comme un coureur qui, justeavant le départ du 100 mètres, se demanderaits’il ne faut pas changer de couloir (et dedossard). Tandis qu’à droite, on est à droite,c’est clair, pas besoin d’intellectualiser ni de seposer des problèmes existentiels.On dirait que Nicolas Sarkozy est tout seul surle ring, à donner des grands coups partout avecses énormes gants en sautillant, et qu’aucunchallenger ne se présente à l’horizon. FrançoisBayrou a des airs de naufragé sur son île, uneespèce de sœur Anne qui ne voit venir que dessondages qui merdoient. Il y a Ségolène Royalqui la joue collectif en étant d’accord avec tousceux qui sont d’accord avec elle. Quant àDominique Strauss-Kahn, on dirait unmousquetaire qui, non content de tirer l’épée à1 contre 100 pour défendre le système mondial,a encore la France qui lui tire les basques. C’estAtlas en plein effort, en train de soulever ousoutenir le monde, et qui entendrait l’annonce«Atlas est demandé au téléphone. C’est encorele PS qui rappelle». Il ne faut pas confondre lesplus hautes responsabilités et les plus hautesresponsabilités françaises. Pour le directeur duFMI, devenir président de la Républiquefrançaise, ce serait du pantouflage.Et puis, à droite, ils ont Jean-François Copé.Jean-François Copé, c’est Brutus qui, lui aussi,se tâte. Va-t-il ranger ou sortir le poignard ?Son intérêt à tenter de faire perdre NicolasSarkozy semble évident. En 1981, JacquesChirac a voulu la défaite de Valéry Giscardd’Estaing. Il l’a obtenue et est devenu président(il a mis le temps mais il semble que ça vaut lecoup d’attendre). En 1995, Nicolas Sarkozy avoulu la défaite de Jacques Chirac aux dépensd’Edouard Balladur. Il ne l’a pas obtenue maisest devenu président quand même.Conclusion : le poignard dans le dos paie, çaparaît même un rite d’initiation obligé. Il y ades gens pour prétendre qu’un président estaffaibli à son second mandat par la certitudequ’il ne se représentera plus. Mais, s’il ne sereprésentait pas, c’est dès son premier que leproblème se poserait. L’inquiétant est plutôtque, pour ses dernières années sans ambitionélectorale, le président a carte blanche. C’estbas les masques, il peut enfin y aller franco. Onimagine le slogan de campagne de NicolasSarkozy pour son second mandat : «Vous avezdétesté le premier ? Vous allez abhorrer ledeuxième.» •

REGARDER VOIR

Par GÉRARD LEFORT

Objet sadique identifiéI

l ne manquait plus que ça. Mais «ça»,c’est quoi ? Les apparences de cettephotographie sont trompeuses. Il nes’agit ni d’un cockring collectif pour

quatre participants, ni de la dernièregénération de poêle à blinis. Mais d’unengin volant plus ou moins identifiéqui, semble-t-il, a créé la sensationdans les allées du récent ConsumerElectronics Show de Las Vegas. Il estfrançais mais s’appelle AR Drone, estmuni de quatre hélices, d’où son autrenom de quadricoptère, et mesure 52 cmde large. Certes. Mais à part ça ? Ehbien, comment le dire… C’est, voyez-vous, le dernier cri. Et quand on dit cri,c’est cri. Car ce machin, vendu à300 euros l’unité, est d’abord une sortede jouet sadique. Il est d’ailleurs frap-pant, tous les connaisseurs du bédéiste

Franquin en conviendront, que la sil-houette de l’AR Drone cite celle du Zor-gléoptère, l’engin aéronautique inventépar Zorglub, le double démoniaque dusavant Champignac dans les Aventuresde Spirou et Fantasio.

L’AR Drone serait donc destiné à sup-planter le bon vieil hélico télécommandéqui coûta la vie à nombre de vases Mingdans les appartements qui permettentde prendre du recul (plutôt plus 100 m2

que moins). Espérons que l’AR Drone estcependant plus costaud que l’hélico ar-chaïque qui ne résistait pas à la premièrecollision contre une cloison.Donc avec l’AR Drone de belles perspec-tives s’offrent aux enfants de riches :poursuivre l’homme de ménage sri-lan-kais dans les couloirs de l’appartementen émettant des sons de sirène de police,histoire de lui rappeler qu’avant son ar-rivée en France comme réfugié politiqueil fut dans son pays un tigre tamoul tra-qué dans la jungle par les hélicos de l’ar-mée régulière sri-lankaise. Ou bien, gâ-cher la garden-party de mamie enopérant un rase-mottes sur ses dessertsà la crème Chantilly. Ou présenterl’AR Drone à papy pour que, fusil enmain, il puisse revivre sa dernière chasseà la poule faisane. Ou bien, favoriser ledivorce de papa et maman en diffusantsur le Net les conversations de papa avecMagda, la baby-sitter polonaise. Car il

y a «drone» dans l’AR Drone. Noncontent d’être piloté à distance, l’enginest équipé d’une minicaméra qui peutretransmettre en direct ses images surl’écran d’un iPhone ou d’un iPad.Autrement dit: maman est en plein con-

seil d’administration de Joy,sa start-up leader mondial dulifting par mail, et paf !Qu’est-ce qui apparaît surson portable? Papa, en directdu canapé du salon en traind’apprendre comment on dit

«tu suces?» en polonais. Sur ce, il n’estpas exclu que maman commande pourl’AR Drone l’application Missiles, his-toire de convaincre Magda de retournerfissa à sa cambrousse polonaise. Maisaussi le kit mains libres permettant àmaman de torgnoler papa plus souventqu’à son tour.On peut aussi imaginer qu’à l’exempledes téléphones portables, l’AR Dronesoit autorisé dans les cours des écoles.Là, c’est un vaste champ de possiblesque pourraient labourer les imagina-tions enfantines. Sur le modèle de MarsAttacks, munir l’AR Drone d’une fonc-tion laser «ne courez pas, nous sommesvos amis», et bien sûr abuser de sa ca-méra pour copier dans le cahierd’Agnan la résolution de cette foutueéquation à dix-sept inconnues. Unequestion pourrait donc vite se poser :comment s’en débarrasser ? L’aspecthélico encourage le lancer de Malabarremâché dans les pales des hélices.Mais, sauf à permettre l’emploi du ba-zooka à la récré, l’usage d’une bonnevieille fronde pourrait se révéler toutaussi performant. •

L’AR Drone serait destiné àsupplanter l’hélico télécommandéqui coûta la vie à nombre de vasesMing dans les appartements.

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Libération du lundi 10 janvier.

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011IV • LE MAG PORTRAIT

Ce 13 février 1984, le diabledîne à l’Heure de vérité, et lacuiller est longue pour luiservir la soupe. «MonsieurLe Pen, vous faites peur», ditl’animateur François-Henride Virieu, livide. Les ci-toyens, indignés par cette

première, font sauter le standard d’Antenne 2, le«Menhir» déguste son triomphe. Devant 15 mil-lions de téléspectateurs, il jubile en antihéros de«la France aux Français»: «J’aime mieux mes fillesque mes cousines, mes cousines que mes voisines,mes voisines que les inconnus.» La caméra zoomesur trois filles blondes serrées contre leur mère,tout aussi blonde. Avec, dans l’ordre, Marie-Caro-line, Yann et Marine. «Plutôt belles, dans le genrewagnérien, se souvient Alain Duhamel, contradic-teur de l’ogre. Je les aurais bien imaginées avec desnattes et des corsages à balconnets.» La future héri-tière a 16 ans, elle rit fort aux bons mots paternels.«Marine, c’est le clone absolu de son père», a tou-jours dit sa mère Pierrette. «Un garçon manqué,chef de bande depuis toujours», ajoute sa sœurYann. «La façon de rire en laissant tomber la tête en

arrière, de lever les bras, l’autorité naturelle… La res-semblance est incroyable», assène la famille. Ellelui a pris la voix forte, le talent pour imposer saprésence sur les plateaux et les tribunes, la repartiequi cloue le faible… Elle ressemble à «Le Pen».Mais il y a une différence de taille : lui, personnene l’a jamais appelé Jean-Marie. Elle, c’est «Ma-rine», comme on dit des femmes en politique «Sé-golène» ou «Martine». La fille Le Pen ne fait paspeur. Elle secoue ses mèches blondes avant de dé-noncer l’invasion de la France par l’armée d’occu-pation musulmane. Elle sourit quand on la dit po-puliste. Et alors? «Si le gouvernement par le peuple

et pour le peuple c’est le populisme, alors oui, je suispopuliste.»La fille lisse le discours du père, laisse les oriflam-mes frontistes aux combattants d’autres guerres.«Lui c’est lui, et moi c’est moi.» La Shoah, l’Indo-chine, l’Algérie ? «Culture du XXe siècle.» Avantla présidentielle de 2002, déjà puissante dans lemouvement, elle avait lancé l’opération «dédiabo-

lisation du Front», dégommant au passage bonnombre d’historiques grincheux. Une décennieplus tard, il faut bien reconnaître qu’elle a marquédes points, glissant du sourd antisémitisme pater-nel à un anti-islamisme décomplexé. Dédiabolisa-tion accomplie ? «Vous êtes tous là, les journalis-tes», dit-elle.

«La dérive monégasque»Le diable, donc, va prendre sa retraite, à 82 ans.Dès décembre, la future présidente et future can-didate à la présidentielle, enchaîne quinze émis-sions de télévision et de radio, fait la une de l’Ex-

press ou de VSD. Son visage largecampe à droite du père sous les guirlan-des de Noël des maisons de la presse. Lerésultat du congrès du Front national,à Tours, sera proclamé dimanche, maisla presse a déjà voté. Près de 300 jour-nalistes sont accrédités pour le sacre

annoncé de l’héritière. On travaille dur au stan-dard du FN, et ce n’est pas pour Bruno Gollnish.France 2 appelle, réclamant quelques minutesd’intimité télévisuelle avec «Marine», l’attachéde presse répond, goguenard: «Vous ne l’avez ja-mais invitée à votre émission, ce n’est pas bien.» Ilest enchanté par le buzz, «bien plus sympaqu’en 2002».

Par PASCALE NIVELLEPhotos LAURENT TROUDE

A 42 ans, l’héritière de Jean-MarieLe Pen, moderne et délurée,chasse sur les mêmes terres quecelles de son père, toujoursdans l’ombre. Récit d’une ascensiondans le huis clos familial.

Elle n’a rien

Jean­Marie Le Pen, 82 ans,présentant ses vœux àla presse pour la dernièrefois en tant que présidentdu FN, le 6 janvier.

«Marine Le Pen arrive au bon moment.Nicolas Sarkozy a brouillé les lignesavec le débat sur l’identité nationale.»Jean­Yves Camus spécialiste de l’extrême droite française

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 PORTRAIT LE MAG • V

En 1984, les journalistes d’Antenne 2 s’étaient réu-nis pour voter. Devait-on inviter Jean-MarieLe Pen? Aujourd’hui, l’Humanité et la BBC font laqueue comme tout le monde pour interviewer safille.Alors, sympa, la fille du diable ? «Marine Le Penest encore plus dangereuse que son père, dit AlainDuhamel, intervieweur depuis deux générations.Elle arrive les mains dans les poches, complètementdécontractée, limite incompétente sur certains sujets,mais elle passe extrêmement bien à la télévision. C’estune vraie machine à capter le populisme.»Le Front national promet «un 21 avril 2002 à l’en-vers» en 2012. Un sondage Ipsos-Le Point de dé-cembre crédite Marine Le Pen de 27% d’opinionsfavorables, score jamais atteint par le père. Sesconvictions, portées au pouvoir à Budapest ou àOslo par de modernes représentants de la droiteextrême, tout aussi blonds et avenants, ont cesséd’être tabou. «Elle arrive au bon moment, dit lechercheur Jean-Yves Camus, l’un des meilleursspécialistes de l’extrême droite française. NicolasSarkozy a brouillé les lignes avec le débat sur l’identiténationale.»Qu’elle soit «fille de», comme un acteur de ci-néma sur deux, comme Martine Aubry née Delors,ne choque plus. Sauf quelques opposants internesqui s’étouffent en parlant d’«héritage capétien» ou

de «dérive monégasque». Oui, les filles Le Pen ontsoigné leur réputation de fêtardes, et Serge Gains-bourg s’est vanté d’avoir fait «la tournée des ducs»avec la benjamine. Marine Le Pen esquive d’unéclat de rire : «C’était ma sœur !» Il lui a fallu dutemps, mais à 42 ans, la voilà prête à s’asseoir dansle siège de son père, et elle ne va laisser les grin-cheux lui gâcher le plaisir : «Je ne suis pas JeanSarkozy, 23 ans, en deuxième année de droit. J’ai étéavocate. Et le FN, j’y bosse depuis vingt-cinq ans. Jesuis élue au Parlement européen et conseillère munici-pale dans le Nord-Pas-de-Calais. J’ai fait mes preu-ves, non ?» En presque quarante ans, Jean-MarieLe Pen a fait du Front national, créé en 1972, uneentreprise familiale. L’ancien pupille de la nationde la Trinité–sur–Mer (Morbihan) a capitalisé surson nom, devenu la marque unique de la droite ex-trême. «Le Front national est sa chose, qu’il transmetà son clan», estime Jean-Yves Camus.Il a d’abord poussé l’aînée, Marie-Caroline, untemps conseillère régionale d’Ile-de-France. Yann,la cadette, a fait carrière dans la machinerie duparti. Marine, la plus jeune, a travaillé quelquesannées dans un cabinet d’avocats ami avant de re-venir, à 30 ans, vers le parti de son père, dont elleest vite devenue un pilier. Chacune s’est mariéedeux fois avec des cadres ou sympathisants FN.Sauf l’aînée, qui a récemment pris ses distances,

elles n’en sont jamais sorties. Yann Le Pen, partiefaire la GO sous les tropiques à 20 ans, puis pa-tronne d’une agence d’hôtesses vite déficitaire, estrevenue au bercail: «Je ne peux rien faire en dehorsdu FN. J’ai essayé, pourtant.»

«Prête à couper les têtes»Jean-Marie Le Pen a même poussé Jany, sadeuxième femme, pas franchement armée pourla politique, à se présenter devant les électeurs.Aujourd’hui, il passe le flambeau à sa benjamine.«Il a pris son temps, raconte la sœur Yann. A partirde 2002, il l’a regardée se débrouiller, comme unvieux lion qui donne des coups de papatte. Rien nes’est dit avec des mots.» Il a pris sa décisionen 2007, quand le camp Sarkozy pensait avoir es-soré pour de bon le Front national et que la débâclefinancière semblait irrémédiable. Un calcul devieux parrain qui assure la pérennité du clan. «Ils’est dit que la famille était une force et qu’il fallait serecentrer sur elle, confie Jany Le Pen, épouse duprésident du FN. C’est tellement normal : il est trèsheureux de transmettre à quelqu’un de sa chair et deson sang plutôt qu’à un étranger.»Cette famille qui l’a accueillie en 1991, Jany Le Penl’a toujours trouvée «gentille». Et Marine, gentilleaussi? La dévouée Jany ne dit pas cela, dans le cosypavillon du couple à Rueil-Malmaison (Hauts-de-

Elle, c’est «Marine», commeon dit des femmesen politique «Ségolène»ou «Martine».

d’une blonde

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011VI • LE MAG PORTRAIT

Seine): «Elle n’a pas l’aura magnifique de son pèremais elle dégage de la puissance, de la force.» «En-fants, on s’entre-tuait à coups de poings, Marinen’était pas la dernière», raconte Yann Le Pen. A latête de la régie du barnum FN (elle dit «l’événe-mentiel»), Yann fait la fourmi pour sa sœur, aprèsavoir œuvré pour son père. Elle admire son «âmede chef, [sa] force de ne jamais douter, de trancher».Lorrain de Saint-Affrique, conseiller de Le Pen de-venu «félon», est plus direct: «Le principal talentde Marine, c’est sa capacité à dissimuler la violencequi est en elle. Sa véritable nature est d’ordonner,d’exiger. Si elle n’obtient pas ce qu’elle veut, elle en-tre dans des fureurs noires, destructrices.» Il a

connu Marine Le Pen un jour de mai 1971. La fa-mille célébrait le treizième anniversaire du putschd’Alger. Elle avait 3 ans, c’était une boule d’éner-gie qui courait sur la pelouse de la maison de cam-pagne des Le Pen près de Dreux (Eure-et-Loir).L’ancien compagnon de route, à 58 ans, ne se re-met pas d’avoir tant aimé les Le Pen : «Une vraiefamille de pitbulls. Essayez de leur retirer leur gamellepour voir.»A la fin des années 90, quand Bruno Mégret tentade s’emparer du FN en attaquant le clan familial(surnommé le «canal alimentaire»), c’est MarineLe Pen qui a rugi, plus fort encore que son père,crinière dehors : «On a découvert un mélange de

Saint-Just et de Fouquier-Tinville, elle était prête àtout pour couper les têtes», raconte Saint-Affrique.Marine Le Pen était alors directrice juridique duFront national, un poste taillé pour elle. Périodetumultueuse où son père se faisait condamnerpour ses propos sur l’inégalité des races. Elle sou-tenait Eric Delcroix, qui comparaissait pour néga-tion de crime contre l’humanité devant la17e chambre. Delcroix, avocat du FN et auteur dela Police de la pensée contre le révisionnisme, ouvrageantisémite, sera reconnu coupable.Le «Carré» est le nouveau siège du Front nationalà Nanterre (Hauts-de-Seine). Vingt employés, centde moins qu’au Paquebot, le monumental siège du

ELLE N’A RIEND’UNE BLONDE

En 1986, dans leur propriétéde Saint­Cloud (Hauts­de­Seine), Jean­Marie Le Penet sa femme –à l’époque–Pierrette, Marie­Caroline,Yann et Marine, leurs filles

(de h. en b. et de g. à d.).PHOTO CHANCE. SIPA

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 PORTRAIT LE MAG • VII

FN à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), du temps deBruno Mégret. L’ambiance, c’est machine à caféet récit de week-end au Touquet. Sans le drapeautricolore et l’inévitable Jeanne d’Arc, plantés surle parking, on se croirait dans une PME de ban-lieue. Marine Le Pen, 42 ans, reçoit cordialementLibération. Pas de décorum, pas de manières, justeune bonne poignée de mains et un sourire. Redin-gote cintrée et bottes pointues, quelques bijouxdiscrets, elle grimpe les étage, sans cesser de par-ler. Tout le monde est «formidable». Même BrunoGollnisch, son concurrent à la présidence duFront, qu’elle évoque avec le ton affectueux ré-servé aux vieilles cousines qui piquent quand onles embrasse. L’ancien dauphin aura vaillammentfait campagne jusqu’au bout, avec sa mèche blan-che et ses formules faiblardes («ne pas vendre lapeau de l’ours»). Il raconte sur son blog que sa con-currente est déjà invitée dimanche au 13 Heuresde TF1 à l’heure de la proclamation des résultats.Et que rien n’a été prévu pour lui. Le Pen a fait sonvœu publiquement: «Son élection serait un échecpour moi.»

«Pas de tabou, ici»Le destin de Gollnisch semble bien avoir été scelléce jour déjà lointain où le «président» a dit : «Lesort des dauphins, c’est parfois de s’échouer.» Le«président» met rarement les pieds au Carré. Il sepréfère perché sur les hauteurs de Saint-Cloud,sous les moulures Napoléon III de son domaine deMontretout. Onze pièces et dépendances, vue surla tour Eiffel depuis le parc de 5000 mètres carrés.«Une belle baraque rétro, du genre Psychose», avaitdit Raymond Depardon, envoyé prendre des pho-tos pour Libération. Dans cet «endroit sinistre et dé-labré», de l’avis d’un proche collaborateur, Le Penpère a ses livres, sa statue de la Pucelle, son propreportrait en tenue de corsaire, ses chiens, et quel-ques fidèles serviteurs. Il se consacre à ses mandatsde député européen et de conseillerrégional. Et à ses soucis financiers.«Ne jamais oublier que le fil rouge deLe Pen, c’est l’argent», rappelle Lor-rain de Saint-Affrique. Au patriarchede gérer les nombreuses gouttièresde Montretout, et l’interminablevente du Paquebot, coulé par la dernière présiden-tielle. Vide depuis deux ans, l’ancien siège du FNattend preneur, mais les acheteurs se désistent lesuns après les autres. Même les Chinois (contre quiles Le Pen n’affichent aucune acrimonie) ont re-culé. Il y a aussi la gestion de Cotelec, une sorte defiliale du FN qui recueille les dons des sympathi-sants, et dont Jean-Marie Le Pen conservera laprésidence après dimanche.Sa fille couronnée, il restera aussi président d’hon-neur du FN. «Il faudrait être crétin pour ne pas luidemander conseil », dit celle-ci. Sa sœur Yann: «Leprésident, c’est toujours lui. Et le chef, c’est Marine.»Un bon attelage: «Il a la culture, elle, l’ambition. Elleest couillue, ma sœur, c’est un lion !»Dans son bureau du Carré, Marine le Pen montreles portraits de ses enfants, Jehanne, Louis, Ma-thilde, disant son regret de les voir plus souventen photo qu’en pyjama. «Les femmes comprennentquand je dis ça.» On peut parler de tout, «pas detabou ici». On peut même fumer, elle a toujoursun paquet de cigarettes à portée de main.Elle est désarmante, la bientôt présidente. Où sontses diatribes sur les «mafias socialistes», le «triba-lisme musulman» ? Ses réparties cinglantes surl’euro «monnaie des banksters», sur la «dictaturedes élites», ses appels à «rétablir la peine de mortpour les actes graves»? Elle sait choisir ses mots etses publics, saisir les angoisses du moment. Elleavance à l’instinct, mue par «le virus de la politi-que». Mais un jour, prophétise Saint-Affrique, «ily aura un dérapage, un gros. Elle se montrera tellequ’elle est, très éloignée de l’image lisse actuelle.

Comme son père, au fond».«Elle a le génie de la banalité, et ne sait pas écrire enfrançais, éructe Jean-Claude Martinez, autretransfuge du FN qui fut son professeur de droit àAssas. Mais attendez qu’elle saute à la gorge du pre-mier venu, Strauss-Kahn ou un autre. Le départ deMégret, c’est elle. L’éviction de Marie-France Stirboisaussi. Elle est redoutable, sans cœur !»Ses discours, c’est du Le Pen dans le texte, sans lesréférences littéraires et historiques. Marine Le Penn’a «pas une minute pour lire un livre». Elle est loind’avoir la culture paternelle, ou celle d’un BrunoGollnisch : «Je ne lis pas le latin dans le texte, oui.Mais c’est l’Education nationale qu’il faut incriminer,pas moi.»Pour l’heure, la dame est avenante comme uneprésentatrice de télévision. Elle a perdu 10 kilosen quatre ans. Et la fête, assure-t-elle, c’est fini,pour démentir son surnom au Paquebot, «lanight-clubbeuse». Elle a aussi renoncé à ses longscheveux de Loana, adoptant la coupe de ClaireChazal et Laurence Ferrari, deux des personnalitéspréférées des Français. Elle assure s’entourer d’in-tellectuels. Masqués, car même «dédiabolisé», leFN effraie encore. Elle lève les mains et martèle:«Je ne veux plus qu’un dentiste, un chef d’entrepriseou un haut fonctionnaire ait peur d’être candidat duFront national.» Elle rêve d’un parti aussi décom-plexé que la suisse Union démocratique du centre(UDC, populiste), dont les affiches montrent desmoutons blancs chassant des moutons noirs desalpages. Mais quelque chose la retient encore. Lapeur de faire peur ?«Elle est gentille, Marine, mais un Front nationalgentil, ça n’intéresse personne», avait dit son pèreen 2005. Il venait de déclarer que «l’occupation dela France par les Allemands n’avait pas été particu-lièrement inhumaine». Le dérapage incontrôlé sa-botait trois ans de «dédiabolisation», sa fille étaitpartie en plein mois de janvier pour La Trinité-

sur-Mer, embarquant ses trois enfants. C’était son«premier vrai conflit avec lui», elle était prête «àtout lâcher». Après dix jours de retraite, elle avaitrepris sa place au Paquebot, changé son look etsigné pour un livre de confidences. A contre flots(1) a servi de psychanalyse à la famille entière :«J’ai eu envie de raconter ma vérité, et mon parcours,tellement lié au sien. Cela a été très difficile.» Le livreterminé, elle part en Suisse, le faire lire à son père.«Il n’a rien dit. J’ai pris son silence pour un jugementfavorable.»

Tout était permissauf «Pif gadget»

Singulier destin que d’être la fille de Jean-MarieLe Pen, l’homme au bandeau de pirate. «Cela si-gnifie l’entrée dans un monde profondément injuste»,écrit Marine Le Pen dans son livre. Yann, la plustendre des trois, complète: «Toute notre vie, on aéprouvé un sentiment d’attaque permanente, de dan-ger, c’était flippant.» La maison familiale n’étaitpas un cocon. En breton, Le Pen, c’est «le chef»,ses filles l’ont compris très tôt. La cadette, Yann:«Chez nous, pas le droit de flancher. On n’a pas étéélevées à se plaindre.» Les trois filles se bagarraient«comme des mecs» pour attirer l’attention.«Pour les parents, on était des choses. Ils partaienten vacances sans nous, tous les soirs en virée. Onmangeait dans la cuisine. Ils ne se sont jamais préoc-cupés de nos devoirs, se foutaient des résultats scolai-res», raconte Yann Le Pen. Tout était permis saufde lire Pif gadget, l’hebdomadaire pour enfants duPCF. La sœur ajoute : «La seule chose qui nous a

empêchées de faire n’importe quoi, c’est l’envie de luiplaire, et la peur de le décevoir.»Les Le Pen habitent villa Poirier, dans le XVe ar-rondissement, à Paris. Les enfants sont laissés àNana, la nounou bretonne à leur service depuisl’âge de 14 ans. Pierrette et Jean-Marie Le Pen,gais, complètement insouciants selon leurs filles,font la fête et des tours du monde en bateau. Chezeux, c’est table ouverte, les amis, ex-collègues deLe Pen à l’Assemblée, anciens de l’OAS, font partiede la famille. Parmi les intimes, il y a Jean-MarieLe Chevallier, futur maire FN de Toulon, et le ri-chissime Hubert Lambert, un rentier éthylique quiprend Le Pen pour le messie de la royauté. Ilmourra à 42 ans, en 1976, léguant à Le Pen le do-maine de Montretout et la fortune des CimentsLambert.

Six mariages et une cage doréePierrette Le Pen, pin-up des années 60, n’a d’yeuxque pour son époux : «Je suis son repos du guer-rier», disait-elle. A La Trinité-sur-Mer, Pierrettebronzait «à poil», comme on dit chez les Le Pen.«Papa adorait les bonnes femmes», dit Yann. Par-fois, les cinq partaient en week-end à Dreux ou àLa Trinité : «Dans la Buick, on chantait en canon leschansons de l’armée, la Madelon, et même l’Inter-nationale», raconte Marine Le Pen. A l’école, lesfilles sont mises au ban : «Ton père est un fasciste !»Marine le Pen comprend que son nom fait peur.Et elle a peur. La nuit de la Toussaint 1976, elle a8 ans, vingt kilos d’explosifs font sauter la maisondes Le Pen, villa Poirier. L’attentat, jamais reven-diqué, sans doute lié à la succession Lambert, nefait pas de victime. Les trois filles sont traumati-sées. Pas Jean-Marie Le Pen, qui dénonce un at-tentat politique. Quelques semaines plus tard, lafamille emménage à Montretout, avec vue sur latour Eiffel. Les Le Pen vivent à l’étage, sur la têtedes cousins Lambert, qui font de la résistance aurez-de-chaussée. Ils finiront par déguerpir. «Il ré-gnait une ambiance de mort, se souvient Yann LePen, 13 ans à l’époque. Je mettais des gousses d’ailsous mon oreiller pour conjurer les esprits.»A Montretout, Le Pen installe «son gouvernementet sa cour», selon un ancien. Il instaure des rituels,la photo obligatoire du maître et de ses visiteurs,en haut de l’escalier, donne des fêtes, des soiréescostumées. Il y marie ses filles, six fois. Et c’est làque se déroule le plus grand vaudeville de laVe République. En 1984, la femme du chef s’envolede la cage dorée, avec le biographe de Jean-MarieLe Pen. Ses filles resteront sans nouvelles pendantquinze ans. Le couple se déchire violemment, ellerefuse de lui rendre l’œil de verre de rechangequ’elle gardait toujours dans son sac. Lui retientles cendres de sa mère, qu’elle a oubliées en par-tant. Une féroce bataille, mais à Montretout, rienne se dit.En 1987, c’est l’apothéose. Pierrette Le Pen, poseà moitié nue, déguisée en soubrette dans Play Boy.«Foufoune à l’air, une serpillière dans le cul !» ditYann le Pen, qui tremble encore d’avoir découvertla photo à la une du Bangkok Post, pendant sonvoyage de noces. Marine, 19 ans, déclare à Pa-risMatch : «Une mère, c’est un jardin secret, pas unedécharge publique.» Un jour, Pierrette est revenue,ruinée et honteuse. «Elle n’a pas survécu loin denous, dit Yann, il lui a pardonné.» La premièreépouse vit aujourd’hui dans un petit pavillon duparc. Marine, divorcée, s’est aménagé un loft dansune dépendance. Yann, divorcée, habite au-des-sus des bureaux de son père. Le clan cabossé estressoudé.Ce n’est pas la fin de l’histoire. Le «Menhir» laissele devant de la scène à son clone en perruqueblonde. Mais il tient toujours les cordons de labourse, et continue de veiller à la destinée duclan. •(1) Editions Jacques Grancher, 2006.

«Je ne lis pas le latin dans le texte, oui.Mais c’est l’Education nationale qu’il fautincriminer, pas moi.»Marine Le Pen

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011VIII • LE MAG ENQUÊTE

«C’était le soir dela Saint-Va-lentin 2005,au théâtre desBouffes duNord, à Paris,r a c o n t eA l ex a n d re

Cazac. Ma femme, qui est pianiste, m’avait emmenéécouter un jeune concertiste appelé Francesco Tris-tano. Son récital m’a instantanément plu parce qu’ilinterprétait Bach ou Dusapin de façon iconoclaste.Mais surtout lorsqu’il s’est lancé dans une versioncomplètement dingue de Strings of Life, un classiquetechno de Derrick May. J’étais l’un des seuls à sautersur mon siège, à comprendre ce qui se passait. C’estce soir-là qu’InFiné a vraiment pris forme.»

«Une sorte d’idéal»Cinq ans plus tard, le label cofondé par AlexandreCazac se fait de plus en plus remarquer, en Francecomme à l’étranger, au fil d’un catalogue qui re-fuse de choisir entre piano courageux, techno deluxe et machines organiques. InFiné vient de pu-blier le troisième album de Francesco Tristano, quis’impose comme une articulation marquante dudialogue entre classique et électronique, et basculedans une année 2011 qui devrait l’exposer encoredavantage, via Impernance, premier album d’Ago-ria sous son étiquette fin janvier, et une carteblanche dans les murs de la toute nouvelle Gaîté-Lyrique parisienne au printemps. «Il y a une cer-taine logique à faire d’InFiné le premier label invité,commente son conseiller artistique, VincentCarry. Il représente une sorte d’idéal dans son do-maine par sa démarche élégante et rigoureuse. InFinépossède déjà un univers mental, affectif et visuel ; ilfait plus que sortir des disques.»Cette trajectoire à part s’explique avant tout parla personnalité et les parcours complémentairesdes trois patrons de la maison, vieux routiers dumonde de la musique à la française. Alexandre Ca-zac, donc, passé chez Delabel «époque MassiveAttack», puis au département électronique dePias, gros distributeur indépendant, avant d’arri-ver au bureau hexagonal de Warp, éminente mai-son britannique (Aphex Twin, Grizzly Bear, BrianEno…); Yannick Matray, ancien de l’Adami, l’unedes sociétés de perception des droits d’auteurs, cequi aide pour s’y retrouver dans les méandres desaides allouées aux maisons de disques indépen-

dantes; et enfin Sébastien Devaud, alias Agoria,DJ lyonnais internationalement demandé et co-fondateur du festival des Nuits sonores –que dirigeaujourd’hui Vincent Carry. Une triade qui reven-dique et applique selon lui «la notion de label trans-genre. Si une musique nous surprend dans le bon sens,on fonce. Je pense que beaucoup d’auditeurs et dan-seurs aujourd’hui sont à la recherche de sonorités dif-férentes. C’est le côté archipositif d’Internet: l’accèsillimité à toutes les musiques a créé un public de con-

naisseurs face à qui on peut tout oser. L’autre jour,un type de 17 ans était comme un fou sur la piste dedanse parce qu’il reconnaissait dans mon mix unsample tiré d’une obscure chanson de Nico».Voilà pour le manifeste artistique. Restait à faire(sur)vivre la petite entreprise dans une économiemusicale qui cherche toujours ses formes moder-nes. «Par nos expériences professionnelles, on savaitexactement dans quel bazar on s’aventurait, avanceAlexandre Cazac. Concrètement, à ce jour InFiné negagne pas d’argent en publiant de la musique. Ons’en tire parce que certains albums, comme ceux deDanton Eeprom, Aufgang ou Apparat, marchent suf-fisamment pour payer les autres.» Ou en vendantun titre pour illustrer une publicité Peugeoten 2009. Agoria embraye sur le sujet : «L’axiome

de base pour les années à venir, c’est que la musiquesera gratuite. Il faut construire quelque chose de nou-veau et non pas partir de ce qui ne fonctionne plus.Avec InFiné, on s’interroge toujours sur les façons decompenser le fait qu’on vende peu en format physiqueet que les ventes digitales ne compensent pas [lireci-contre]. Sortir peu de disques mais les sortir bienet beaux, c’est un premier pas. Détenir en mêmetemps les droits d’édition et d’exploitation de nos ar-tistes en est un autre, qui nous permet de ne paséparpiller nos revenus.» Cet équilibre délicat per-met aujourd’hui de payer deux personnes à tempsplein: une chargée des éditions à Paris et un repré-sentant à Berlin.Partant de cette construction économique réalisteavant toute chose, InFiné s’est construit une imageet un fonds artistique remarquablement irréalistes.A commencer par le premier album sorti sous sonétiquette stylée, le Not for Piano du fameux Tris-tano. Un disque qui mêlait déjà virtuosité classiqueet électronique de combat via des arrangementspour piano de titres références de la techno. «J’aieu une éducation pianistique classique et je vis auXXIe siècle, alors je continue mon parcours de camé-léon», explique Tristano. Passé par la JuilliardSchool de New York, il y a découvert «le plaisir desclubs électroniques» de la ville et peu à peu intégréce nouveau langage à sa musique, en solo et en trio(deux pianos et une batterie) au sein d’Aufgang.Dans son troisième disque sous son nom paru enfin d’année, Idiosynkrasia, Francesco Tristano re-ferme le cercle de ses influences en conviant CarlCraig, producteur essentiel de la seconde vague dela techno de Detroit. Le résultat brouille encore unpeu plus les pistes établies et symbolise la capacitérenouvelée d’InFiné à produire des disques aux re-vendications artistiques profondes sans jamaisperdre de vue ses envies de pulsations dansantes.

Parfait métissageAinsi, à côté des digressions en ré d’Arandel et deschansons orientales nourries au jazz et aux parti-tions savantes de Bachar Mar-Khalifé, InFiné dé-fend des productions plus directement électroni-ques : Rone, Clara Moto, Cubenx ou Agoria. DesFrançais, une Autrichienne, un Luxembourgeois,un Mexicain, des Libanais… Une maison au parfaitmétissage de nationalités. Ce qui amuse pas malRone: «On me demande souvent si je suis de Berlinou carrément d’ailleurs. J’apprécie beaucoup qu’In-Finé ne soit pas un label parisien pour les Parisiens,comme c’est trop souvent le cas dès qu’on touche àl’électronique.» InFiné se tient ainsi discrètementà l’écart des vagues successives étiquetées«French Touch», histoire de ne pas se perdre dans

une mode.Adepte du dialogue d’égal àégal entre les sons, InFiné as-semble tout son petit mondepar affinités humaines avanttout. Pour provoquer les fric-tions, la bande s’installe depuisdeux étés sur les rives du lacartificiel de la carrière de Nor-

mandoux, près de Poitiers, pour une semaine derésidence. Là naissent des rencontres imprévues:des ordinateurs découvrent des voix et des cordes,des pianos improvisent et se fondent dans une fré-nésie techno. «Les DJ ont souvent un complexe d’in-fériorité face aux instrumentistes, décrypte Rone.Ils ont envie de créer des choses plus charnelles. Lesrencontres que j’ai faites chez InFiné, notamment avecle violoncelliste Gaspar Claus avec qui j’ai travaillésur la musique d’un court métrage, m’ont débarrasséde ces doutes.» L’année 2011 verra éclore ces nou-veaux projets toujours plus foisonnants et débri-dés, qui devraient durablement faire d’InFiné unlabel auquel faire confiance sur son seul nom. •Francesco Tristano et Arandel seront au Café de la danseà Paris, ce samedi de 19h à 23h.

«L’axiome de base pour les années à venir, c’estque la musique sera gratuite. Il faut construirequelque chose de nouveau et non partir de cequi ne fonctionne plus. Sortir peu de disques maisles sortir bien et beaux, c’est un premier pas.»Sébastien Devaud cofondateur d’InFiné

Par SOPHIAN FANENPhoto SAMUEL KIRSZENBAUM Le label, invité

de la Gaîté-Lyriqueau printemps, réussitl’exploit de sedistinguer sur unmarché difficile.Chronique d’unepetite entreprisequi en impose.

InFinéelectrolibre

Le trio Aufgang,signé chez InFiné:les pianistesFrancesco Tristano(à d.) et RamiKhalifé (au c.),le batteur AymericWestrich (à g.);le DJ Rone (2e à g.)et le pianisteBachar Mar­Khalifé (2e à d.).

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 ENQUÊTE LE MAG • IX

Les disques d’InFiné, quisont disponibles sur lesgrandes plateformesdigitales, se vendent à80% en format physique(CD et vinyle). De quoialimenter un peu plus lesinterrogations sur lefonctionnement actuel etfutur du monde dudisque, qui prendconscience que lesventes digitales sontencore loin d’être unesource de revenusvalable. Ainsi, le marchéphysique représentaitencore près de 90% duchiffre d’affaires enFrance au premiersemestre 2010 (maisseulement 56% des actesd’achat) selonl’Observatoire de lamusique. Il faut noter icila stagnation des ventesde vinyles. Encensécomme un potentielsauveur des ventes entrele milieu des années 90et le milieu des années2000 parce que portépar les DJ, ce formatétait, en 2010, redevenuofficiellement la nichequ’il est depuisl’avènement du CD, suiteà l’arrivée d’unegénération de logicielsqui permettent auxmusiciens de mixer toutaussi souplement sanspour autant transporterdes kilos de disques àtravers le monde.

S. FA.

FACE AUDIGITAL, CDET VINYLESONT LA COTE

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011X • LE MAG ENTRETIEN

gnac, Le Quernec. Les Arts décoratifsfont tout de même preuve de couragecar on parle de moins en moins de l’af-fiche, on ne l’enseigne quasiment plus.Cette exposition est pour moi une occa-sion de lui redonner une place.On connaît vos affiches mais plus rare-ment votre nom, et pas seulement parcequ’il est polonais.Je préfère qu’on connaisse mon travailplutôt que ma gueule. Aujourd’hui, onne sait plus ce qu’est une bonne image.Quand on prend le métro à 8 heures lematin, on n’est pas encore vraiment ré-veillé et on est attrapé par des mauvai-ses images. Le soir, on rentre fatigué duboulot, même chose: encore des mau-vaises images. Tout cela fait de grandsdégâts.Pouvez-vous définir une mauvaiseimage?Une mauvaise image est celle qui dit«femme» et montre une femme, qui dit«pierre» et montre une pierre, qui pri-vilégie les informations commercialesau lieu de créer des énigmes. Une mau-vaise image, c’est une image qui ne faitpas réfléchir et qu’on oublie en deux se-condes. Les bonnes, ce sont celles quirestent dans la tête. Prenez un thèmecomme l’eau, l’énergie, si vous ne réflé-chissez pas, vous mettrez une goutted’eau et vous serez le roi des cons. Mon-trer sans montrer, voilà mon travail.Vous refusez donc le figuratif.Ma première question est de savoir quiva regarder mon image. Ma galerie,c’est la rue. Je ne pense pas en œuvre,ni en artiste, je pense à ma mission :faire des images pour les gens qui se ba-ladent dans la rue, à qui j’espère donnerun peu de poésie, d’intelligence. Je suisspécialisé dans le codage des images. Jeles code pour qu’elles soient décodées.Le cerveau est le cœur du créateur. Lecerveau parce qu’il fait un travail sur lesujet, et le cœur parce qu’il doit y met-tre son âme. L’affiche, c’est beaucoupd’émotions. Je réalise en ce momentune affiche pour un contrebassiste: j’aipassé des heures à l’écouter, à le voirjouer, à discuter avec lui. Dans lesagences de communication, c’est im-pensable: elles reçoivent un mail, unecommande donc, et l’image doit arriverau plus vite parce que le temps compte.Moi, je ne compte pas le temps, montravail est tantôt celui d’un journaliste,tantôt celui d’un psychanalyste. Je tracedes pistes, ensuite des esquisses que jeprésente. Enfin, je fais une image.Pour annoncer la saison 2006-2007 duthéâtre de Chaillot, vous choisissezl’image d’un corset de femme. Pour-quoi?Parce que cette saison-là, Chaillot setournait beaucoup vers la danse. Or, lesdanseurs sont de plus en plus nus, alorsque le théâtre, l’autre vocation deChaillot, habille, joue avec les costu-mes. Pour appuyer le fait que Chaillotproposait les deux activités, je les aimélangées en montrant un corset. Cetteimage a été vivement critiquée par lesféministes françaises qui ont appeléchaque jour le théâtre pour qu’on en-

Recueilli par ANNE MATTLERet BÉATRICE VALLAEYS

Photo DENIS ROUVRE

«Ma galerie,c’est larue»

D’origine polonaise,l’affichiste Michal Batory vit

en France. Il nous invite aupays de ses images. Son

univers, tout en énigmes etpoésie, fait l’objet d’une

rétrospective au musée desArts décoratifs.

Michal Batory estaffichiste etd’origine polo-naise. Unebelle généalo-gie, la Pologneest un payspassé maître

dans l’art de l’affiche contemporaine.Le musée des Arts décoratifs de Paris luiconsacre une rétrospective à partir du

«JE JOUE AVEC

20 janvier (1). Ses affiches sont danstous les esprits, au moins parisiens: de-puis de nombreuses années, elles tapis-sent les murs de la capitale. En 2004, ladirectrice des Arts déco, Béatrice Sal-mon, a pensé inviter Michal Batory.C’est chose faite. Il décrit ici son art, sessecrets, sa cuisine d’images et surtoutson obsession de la métaphore.Le musée des Arts décoratifs de Paris ex-pose une rétrospective de votre travail.C’est une première?Pour un affichiste vivant, ce n’est pasfréquent. D’autres ont été exposés dansdes musées de leur vivant, Gruau, Savi-

Michal Batory.

«Pour la saison 2006­2007,Chaillot se tournait versla danse. Or, les danseurssont de plus en plus nusalors que le théâtre, autrevocation du lieu, habille,joue avec les costumes. D’oùle choix du corset.» DR

«L’Institut de recherche et coordinationacoustique­musique au centrePompidou voulait adresser unenouvelle image de la musiquecontemporaine pour la saison Ircam1997­1998. J’ai décidé de jouer avecl’humour et la surprise. Pourquoides coton­tiges? Parce qu’ils serventà nettoyer les oreilles, et le diapasonà accorder les sons.» DR

«Le ministre de la Culture apassé une commande auprèsde vingt affichistes pour le20e anniversaire de la Fête dela Musique. Je travaillais dansl’idée d’une fête populaire,comme parfois on crayonnesur une nappe de bistro, pour ladéchirer. Les vingt affiches descréateurs ont été imprimées,puis exposées au centrePompidou, entre autres.» DR

«Une de mes premières affiches dethéâtre en France est une commande

du théâtre national de la Colline. JorgeLavelli, alors directeur, m’ en a ensuite

confié toute la communication visuelle.Je commençais à travailler sur la

métaphore des objets. La pièces’appelle la Femme sur le lit, j’ai pensé à

une image érotique en montrant justeun oreiller… Suggestif.» DR

L’HUMOURET LA SURPRISE»

MICHAL BATORY

S1 LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

• S2LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

«J’ai choisi deux symbolesforts pour figurer la guerreéconomique: le pain pourl’économie et le revolver.La consommation peutconstituer un danger, serévéler une arme cachée.Manger pour survivre nedevrait pas créer de conflits.Pourtant, une action socialedans un pays du tiers mondese termine parfois par ungénocide.»PISTOLET ­ LA RUE AUX ARTISTES ­AFFICHE 4M X 3M ­ PRODUCTIONSERGE MALIK POUR HAVAS­VIACOM OUTDOOR 2004

CARTE BLANCHE À MICHAL BATORY• S3

«En 2005, le Centre des arts d’Enghien­les­Bains m’a demandé de créer uneimage métaphorique pour la premièreédition de son festival d’Artsnumériques près du lac. J’ai pensé à cepoisson d’eau douce dont les écaillessont informatiques.» DR

«Cette affiche est une commandedu théâtre national de Chaillot pour

le spectacle Vestis, unechorégraphie de Raphaëlle

Delaunay, qui montre une répétitionoù les couturières achèvent leur

travail du costume sur la danseuseen mouvement.» DR

«La pièce Quand vient lanuit est un drame familial

entre le père et sa fillequi ne se sont plus vus

depuis longtemps ettentent de reconstruireles morceaux brisés de

leurs vies. J’aisimplement cassé une

tasse.» DR

«Depuis vingt­deux ans,Chaumont organise le

festival international del’affiche. Celle que j’ai créée

en 2003 était basée surl’idée d’une cible:

Chaumont est une ville dechasseurs et la cible est

aussi pour moi la meilleurereprésentation de lacompétition en arts

graphiques. Les punaisessont celles qu’on utilise dansmon métier pour accrocher

les affiches aux murs.» DR

«Deux livres de l’éditeur polonais DrzewoBabel: Zahir de Paulo Coelho et unexemplaire d’une série de poésie persane,où l’image, cachée sur la tranche,apparaît lorsqu'on manipule le livre.Pour les deux disques de musiquecontemporaine de la collectionRadio France, la logique graphiqueconsistait à dessiner les titres avecdifférentes matières: eau, cire,verre pilé, galets, métal...» DR

«JE JOUE AVEC

S4LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 ENTRETIEN LE MAG • XI

lève l’affiche. Elles m’ont accusé detraiter les femmes comme des objets.J’ai refusé plusieurs concours en Iranparce qu’ils voulaient exercer une cen-sure sur mes images. Ils m’ont demandéd’envoyer des projets qui devaient êtresoumis à une commission islamique.C’est impossible d’envoyer des imagesdans un pays qui n’est pas libre. Quandon voit déjà les réactions suscitées enFrance par mon corset…Une affiche n’a pas vocation à rester.N’est-ce pas un arrache-cœur de faireun art éphémère?Au contraire. Pour moi, réaliser une af-fiche c’est comme coller un très jolitimbre sur une enveloppe qu’on envoieà son amoureux. Le message passe etc’est le but. Je ne travaille jamais surune affiche qui va rester pour l’éternité,ce n’est pas possible, c’est contradic-toire. Je ne suis pas un peintre.C’est contradictoire d’exposer un artéphémère…En effet, la situation peut paraître sur-réaliste. Exposer de l’éphémère dans unendroit qui normalement expose deschefs-d'œuvre. En même temps, quandToulouse-Lautrec a fait une affiche pourun cabaret, il ne se doutait pas que cetteaffiche se retrouverait dans des musées.Mais peut-on vraiment créer quelquechose en se demandant ce que ça va de-venir dans cent ans? Moi, je ne sais pas.Au commencement du travail de l’affi-chiste, il y a la commande. Ce que vouscréez pourrait-il vivre sans l’appa-reillage de la commande?La différence entre l’affichiste et lepeintre, c’est en effet la commande.Toute notre difficulté, c’est de rester ar-tiste, sans la prétention de l’être, maisrester artiste dans la démarche, tout enrépondant à la commande. Quand uncontrebassiste me demande de faire uneaffiche pour lui, c’est une relation hu-maine entre deux artistes qui peut ounon donner une image.A la Renaissance, les artistes obéissaientdéjà à des commandes…Tout à fait, mais à cette époque les artis-tes s’appelaient des artisans. Le mot ar-tiste est apparu au XIXe siècle. C’estpourquoi je me définis pour l’expositioncomme un artisan de l’affiche. Et pour-tant, je fais de l’art. Si l’on extrait letexte de mes images, qu’on en fait untirage remarquable sur un très beau pa-pier, cela peut devenir une icône d’artcontemporain. Le ministère de la Cul-ture m’a acheté l’affiche Ircam et coton-tiges. Elle fait désormais partie de lacollection de la Délégation aux artsplastiques comme œuvre graphique.Pourquoi la commande tend-elle à dis-paraître?Pour des questions d’argent, les com-manditaires se tournent vers des agen-ces publicitaires. Les théâtres choisis-sent des boîtes de com qui emploientdes stagiaires gratuitement, des créa-teurs qui sortent de l’école. Ils essaientde faire de leur mieux même s’ils man-quent d’expérience, leur boulot estmoyen, ce qui est normal, mais commec’est gratuit, ça passe.

Dans tous les cas, la commande elle-même est publicitaire…Si on doit faire une affiche sur une piècede Brecht ou de Shakespeare, évidem-ment il faut penser à remplir les salles,et donc à communiquer, ce qui a effec-tivement à voir avec la publicité. Maisla manière de le faire, c’est autre chose.Je ne suis pas contre la publicité, je suiscontre le mauvais travail. Je ne dirai pasqu’il y a d’un côté la publicité et del’autre l’affiche culturelle, mais plutôtdu bon et du mauvais travail. Et beau-coup d’agences font du mauvais travailavec un alibi culturel.Vous êtes né en Pologne?Je suis né à Lodz, ville fondée par l’ar-chitecte Poznanski, qui l’a développéeautour d’usines de coton et construitdes cités magnifiques. Lodz a été dé-crété patrimoine de l’humanité car sonarchitecture est celle des villes ouvriè-res encore intactes. David Lynch esttombé amoureux de Lodz, il habite enpartie là-bas.Lodz a une grande réputation artistique.Il y a à Lodz une culture du textile et du

constructivisme. Avant la SecondeGuerre mondiale, les constructivistesont choisi Lodz pour se regrouper etcréer. La plupart des peintres et des ar-tistes polonais viennent de là. Ilsavaient un petit accent, comme ici onparle de l’accent de Perpignan. JosephBeuys a offert cent œuvres au musée deLodz. C’est là aussi que se trouvait laseule école de cinéma de Pologne, Ro-man Polanski y a fait ses études. Il yavait un énorme contraste dans cetteville entre les femmes qui partaient à

6 heures du matin dans les usines tex-tiles et les artistes, totalement bohèmeset décalés. Et ce décalage était très in-téressant.Vous y exerciez déjà votre métier?Je faisais des études aux beaux-arts. Onn’avait rien à bouffer, rien dans les ma-gasins, pas d’argent, j’étais convoquésans cesse à la police secrète – la Lu-bianka–, avec une épouvantable incer-titude: quand on entrait dans l’immeu-ble de la Lubianka, on n’était pas sûrd’en ressortir. Mon frère, dissident,s’exprimait de l’étranger, réfugié en Al-lemagne d’abord puis aux Etats-Unis,et moi je prenais les coups. Les journauxpubliaient notre nom: «Batory traître».Ma vie, c’ était comme dans film la Viedes autres même si, en RDA, c’était en-core pire qu’en Pologne. Ils essayaientde nous démolir pour nous obliger àcollaborer. A devenir un agent. Unmouton. Ou un paranoïaque.Pourquoi vivez-vous en France?Parce que j’en avais marre du commu-nisme. Je suis arrivé en France deux ansavant la chute du Mur, en 1987. Les affi-

chistes, comme tout lemonde en Pologne,étaient harcelés. Maisils ont su décaler toutesces difficultés de la viepar des images intelli-gentes. Pour mon di-plôme, je devais aller

au commissariat montrer mon projet:on ne pouvait rien imprimer sans unvisa de la police, même pour un di-plôme de l’école des beaux-arts. C’étaiten 1985. En même temps, je pense quetoutes ces difficultés ont donné unegrande force à la Pologne. Comme danstous les pays sans liberté, on s’évertueà tromper la censure. Cela donne deschoses très belles. Toujours codées. Lescenseurs étaient vraiment débiles, ils necomprenaient pas grand-chose au tra-vail des artistes. En Pologne, tout le

monde se marrait devant certainesimages qui avaient passé la censure.C’était beau de voir 40millions de per-sonnes rire de la connerie. Cela donneune vraie énergie, les difficultés nousont rendus plus créatifs. C’est ça aussile surréalisme.L’art de l’affiche est né en Pologne?L’affiche moderne, oui, sans aucundoute. L’école polonaise de l’affichen’est pas la plus grande du monde maisc’est celle qui a le plus marqué le mondede l’affiche. L’école polonaise des an-nées 60-70 a même révolutionné cetart. Si on parle de l’affiche, on parle dela Pologne, de Cieslewicz, Starowieyski,Lenica. Tous ces grands maîtres qui ontmarqué le monde entier en proposantdes images décalées, intelligentes etbelles implicitement. C’étaient despeintres artistes affichistes.La France a elle aussi une tradition del’affiche.Bien sûr, Toulouse-Lautrec, Gruau, Sa-vignac, Folon, André François, Alain LeQuernec, Michel Quarez, Michel Bou-vet, c’est le patrimoine de la France del’image et de l’intelligence. En Mai 68aussi, la France a connu une expressionde l’affiche spontanée et magnifique.Quel est son avenir?J’ai parlé avec Lech Majewski, MietekWasilewski et Piotr Kunce, de grandsaffichistes, professeurs dans une écoledes beaux-arts à Varsovie, qui ont eu lesmeilleurs maîtres. Eux aussi peinent àdécrocher des commandes. Pourtant,je pense que l’affiche existera toujours,mais sous une autre forme. Elle va peut-être s’animer, comme des films flash,ce qui ne change pas le problème debase: que dire et comment. Si le numé-rique l’emporte, il ne faut surtout pasque l’informaticien se substitue au con-cepteur. Ce serait très grave. •

(1) Musée des Arts décoratifs de Paris,jusqu’au 30 avril. www.lesartsdecoratifs.fr

«Je ne pense pas en œuvre ni en artiste.Ma mission est de faire des images pourles gens qui se baladent, à qui j’espèredonner un peu d’intelligence, de poésie.Le cerveau est le cœur du créateur.»

UNIKOREA PRÉSENTE EN ASSOCIATION AVEC DIAPHANA DISTRIBUTION, N.E.W., KTB CAPITAL, KT CAPITAL UNE PRODUCTION PINEHOUSE FILM

UN FILM DE LEE CHANGDONG

YUN JUNGHEE

“Une merveille de grâce

et de sensibilité”TÉLÉRAMA

DISPONIBLE EN DVD

L’HUMOURET LA SURPRISE»

MICHAL BATORY

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011XII • LE MAG LIRE

Week-end

C’est à la fin qu’on voit la véritéd’un homme. Au bord du néanttout se révèle. Ainsi du romand’une vie, qu’on ne comprend

vraiment qu’au dernier chapitre. ChristopheBarbier, directeur de l’Express et homme dethéâtre, muni de ce viatique littéraire, a dé-cidé d’écrire la fin d’un «personnage de ro-man», selon le mot de François Mauriac, quia tenu la France en haleine pendant un demi-siècle et n’a quitté la scène que pour se retirerdans la tombe, après un acte final qui tient duvaudeville et de la tragédie. François Mit-terrand, depuis 1981, était rongé d’un cancerqui s’était retiré en coulisse pour le laissergouverner mais qui est revenu, telle une lu-gubre statue du commandeur, hâter ses der-niers jours.Entre le calme départ de l’Elysée et la mortromaine avenue Frédéric Le Play, dans unechambre sans âme pour celui qui croyait«aux forces de l’esprit», jusqu’à ce double en-terrement privé et public où se sont retrouvés

tous les personnages de la pièce, publics ouprivés, Barbier retrace jour après jour, parfoisheure par heure, les derniers pas du «prome-neur du Champ-de-Mars».Entre ses amisempressés, sesadversaires assa-gis, ses maîtressesattristées, sesdeux femmes ré-conciliées, sa filleaimée, ses esca-pades spirituellesou gastronomi-ques, on suit ainsile dernier Mitterrand, tour à tour humain etsarcastique, faible et impavide, jouisseur etmonastique, qui se laisse porter vers la mortsans jamais oublier de grappiller, jusqu’àl’ultime soupir, les derniers grains de la vie.Barbier est journaliste par excellence. Il saitque l’anecdote vaut cent fois l’analyse, quele tableau de la vie l’emporte sur les fresques

intellectuelles, que les «petits faits vrais»chers à Stendhal sont l’or de ce métier. Il arecensé les mémoires, interrogé les acteurs.Il en a tiré un foisonnant codicille aux biogra-

phies de FrançoisMitterrand, quiest aussi un do-cument grave etironique sur notrethéâtre politique.Et même s’ilabuse parfois desadjectifs, il ra-conte la dernièreligne courbe de

François Mitterrand avec un style qui sied àson modèle. On suit l’étrange dialogue avecMarie de Hennezel, cette femme un peumystérieuse qui entoure les mourants d’unhalo de pitié et de mysticisme.On séjourne en Egypte, patrie de la mort ma-jestueuse, au bord du Nil que surplombe leOld Cataract, magnifique et funèbre hôtel

colonial, souvenir en bois d’un empire an-glais défunt qui surplombe les vestiges enpierre du royaume enfui des pharaons. Onavale même quelques ortolans lors du dernierdîner de nouvel an, au cœur des Landes et dela cour assemblée pour ce repas d’adieu pro-vincial et raffiné. Le Mitterrand final est unsphinx qui s’épanche. Barbier s’en est faitl’oracle minutieux. Comme dans un bon ro-man policier, le dénouement qu’il décritdonne son sens à l’intrigue. •

ternational. «A priori, la no-tion de paysage est politique-ment neutre mais, en pratique,elle met en évidence l’instru-mentalisation de l’ingénieriedu territoire au service de pro-jets politiques, écrit le jeunehistorien Philippe Bour-maud. […] En transformant lepaysage pour effacer une partessentielle de l’emprise del’homme sur lui, et en effaçantles noms employés naguère, lenouvel Etat a gommé ce quipermettait de délimiter unecertaine géographie. Il nes’agissait rien de moins que dedonner l’illusion d’une terrevierge, œuvre de la nature.» Ilest parfois utile de reveniraux sources.

ALEXANDRASCHWARTZBROD

AU-DELÀDES FRONTIÈRESUn ouvrage collectif sur le conflit israélo-palestinien.

P lus que jamais, le con-flit israélo-palestiniena besoin d’éclairages. A

l’heure où diplomates dumonde entier et dirigeantslocaux s’embourbent dansles sables de moins en moinsmouvants de la politique decolonisation israélienne, ilest intéressant de lire sur lesujet les analyses de jeuneschercheurs ou d’expertschevronnés recueillies parl’historienne Esther Ben-bassa dans un ouvrage des-tiné à décrypter les enjeux dece conflit.Ainsi celle d’Avi Shlaïm,professeur à Oxford, quidonne là plus un cri du cœurqu’une froide expertise.«J’écris en tant que personnequi a servi loyalement dansl’armée israélienne au milieudes années 60 et qui n’a ja-mais mis en doute la légitimitéde l’Etat d’Israël à l’intérieurde ses frontières d’avant 1967.Ce que je regrette totalement,c’est le projet sioniste de colo-nisation au-delà de la ligneverte, [qui a] très peu à voiravec la sécurité et tout à voiravec l’expansionnisme territo-rial.»La terre, les frontières, nousy voilà. La plupart descontributeurs à cet ouvragetournent autour de ce cons-tat : comment l’Etat hébreua, lentement mais sûrement,au fil des décennies, étenduson territoire aux dépens desPalestiniens et du droit in-La colonie israélienne de Pisgat Zeev, un quartier de Jérusalem­Est. PHOTO TARA TODRAS­WHITEHILL. AP

ISRAËL PALESTINE,LES ENJEUX D’UNCONFLIT Sous la directiond’ESTHER BENBASSACNRS éditions, 301 pp., 22 €.

LES DERNIERS JOURSDE FRANÇOISMITTERRANDde CHRISTOPHEBARBIERGrasset, 430 pp., 22 €.

François Mitterrandau dernier acte

Par LAURENT JOFFRIN

LA CITÉ DES LIVRES

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 LIRE LE MAG • XIII

SICILE MAFIEUXCALCULATEURET SILENCIEUX

Le parrain Luciano Liggio n’y était pas allépar quatre chemins pour camper son pou-lain: «Il tire comme un dieu, dommage qu’ilait une cervelle de poulet.» Le commentaireétait drôle, mais il s’est révélé complète-ment faux. Car Bernardo Provenzano res-tera comme celui qui a sauvé Cosa Nostra,la mafia sicilienne, dans les années 90. Al’époque, son alter ego Toto Riina, sur-nommé «la bête» et «le courtaud», s’estlancé dans une guerre frontale contre l’Etatitalien qui vient de condamner des centai-nes de mafieux lors des «maxi-procès».Face à Riina, le «véritable architecte de lanouvelle stratégie de la terreur sanglante»,écrit Clare Longrigg, le «silencieux et mé-fiant» Provenzano saisit que Cosa Nostrarisque gros après un millier de morts et,surtout, les assassinats des juges Borsellinoet Falcone en 1992. Riina sera arrêté quel-ques mois plus tard.Bernardo Provenzano devient alors «laforce unifiante qui ramena Cosa Nostra du ri-vage du désastre». Et lance deux motsd’ordre: faire des affaires et ne pas faire debruit. «L’immersion» commence, qui viseà «pénétrer dans les entreprises et à effacerles limites entre les activités de Cosa Nostraet les affaires légales».La journaliste Clare Longrigg raconte biencette mutation de l’organisation et surtoutcelle du plus puissant des parrains sici-liens. Policiers et enquêteurs croyaient tra-quer un guerrier sanguinaire doublé d’unnabab méditerranéen, ils étaient loin de sedouter que le «voleur de fromages» des an-nées 50, capable d’exploser une tête àcoups de crosse de pistolet, était devenu un«investisseur, un maître à penser politique,un stratège», entouré de conseillers et desolides appuis politiques.Longrigg évoque le «caractère flegmatiqueet le talent diplomatique» d’un grand joueuren coulisse qui, quarante-trois ans durant,a vécu en fugitif. Il est arrêté le11 avril 2006 dans une bergerie des envi-rons de Corleone empestant le fromage.Sans que l’on sache qui a protégé si long-temps le parrain des parrains.

ARNAUD VAULERIN

BERNARDO PROVENZANO,LE PARRAIN DES PARRAINSde CLARE LONGRIGGéditions Buchet­Castel,310 pp., 21 €.

RAPHAËLMAJANNé en 1963,Raphaël Majan(pseudonymed’un écrivain quisouhaite resteranonyme) apublié, depuis2004, vingt­huitContre­enquêtesdu commissaireLiberty chezPOL. Le hérosde ces polarsburlesquesaméliore lesstatistiquesde la policeen arrêtantn’importe quipour lesassassinats surlesquels iltravaille et dontsa susceptibilitédans la viequotidienne lerend souventl’auteur. Ainsi, ilœuvre à la foispour la sécuritépublique et pourcelle, pluspersonnelle, deses nerfs. Sonidée est que lapopulation,inquiète quandun crimedemeure impuni,a tout pour êtrerassuréelorsqu’uncoupable, fût­ilinnocent, estdésigné.Derniers livresparus: Noël aucommissariat etAgios meurtriers.(POL).

Tous les samedisdans leMag,l’actualité vuepar un écrivain,un artiste…La semaineprochaine:Jean­LouisMartinelli.

LA SEMAINE DE… RAPHAËL MAJAN

SAMEDI SI LE PÈRE NOËL ÉTAIT CHINOIS…«Enfin un vrai samedi», me dit au réveil Mélanie, macompagne, en restant voluptueusement au lit avec moi.Il y a deux samedis, c’était Noël, la semaine dernière,c’était 1er janvier, on n’a rien contre les fêtes mais ellesdérangent la routine aussi dans ce que celle-ci a demeilleur. En outre, si Mélanie a une admiration que jetrouve parfois un peu outrée pour les mots d’enfant deJulie, sa fille dont je ne suis que le beau-père, le déjeu-ner de Noël chez ses parents l’a un peu refroidie. Il yavait aussi Timothée, le fils de la sœur de Mélanie, quiest beaucoup plus âgé que Julie, déjà un petit adoles-cent. Il rouspétait discrètement devant ses cadeaux,mêlant tout ce qu’il entend à la télévision à ses propresréflexions, comme font les adolescents (mais aussi leursaînés et leurs cadets), et assez bas pour ne pas être en-tendu de ses grands-parents mais de ses parents et demoi, il a dit : «Quoi, mais il est aux 35 heures, le pèreNoël ? Il faudrait augmenter les cadences.» Il se trouveque Julie aussi l’a entendu et qu’elle aussi répète toutce qui lui passe par les oreilles pour le mélanger à sessentiments personnels, et que, ne comprenant pas bience qu’elle disait, elle n’avait pas raison de le dire à voixbasse, aussi est-ce d’une voix tonitruante qu’elle a de-mandé à ses grands-parents: «Si le père Noël était chi-nois, est-ce qu’on aurait plus de cadeaux ?» La mère deMélanie s’est évanouie. Mais Timothée, estimantqu’elle faisait semblant, lui a montré ses fesses afin dela ragaillardir. Le stratagème a fonctionné à ceci prèsque le petit-fils en a pris une bonne, Mélanie a cru né-cessaire d’en faire autant avec Julie qui ne voyait pasen vertu de quoi son cousin serait le seul à se déculot-ter. Tout le monde criait, moi y compris. Rayon baffes,on ne pouvait pas reprocher aux mères Noël leur man-que de générosité.A la suite de circonstances dont l’intérêt n’est pas telqu’il ait sa place dans un quotidien national, Julie étaitencore avec nous, chez des amis, à l’heure où le ven-dredi devint samedi, le soir de la Saint-Sylvestre. Lavérité est qu’elle y était encore, mais endormie, à1 heure et même à 2 heures du matin. Elle ne se réveillaque vers 2 heures et demie, quand on était dans le métropour rentrer. Il y avait dans le compartiment quelquesbraillards comme cela n’a rien de particulièrement stu-péfiant en cette occasion. Et, alors que Mélanie n’avaitencore quasiment pas dit un mot de l’année, soudain,elle lança à sa mère : «Pourquoi les gens qui ont trop budérangent tout le monde à prendre le métro ? S’ils étaientbien élevés, ils rentreraient chez eux dans leur voiture.» Çaa fait rire jusqu’aux ivrognes d’un soir et je me suis pro-mis de garder cette phrase en réserve si jamais Julie,dans quelques décennies, décide de faire carrière dansla sécurité routière. Aujourd’hui, qui n’est ni Noël niNouvel An, on a eu un excellent samedi que Julie a passéchez son amie Faroukha. Ainsi la jouissive matinée évo-quée à la première ligne a-t-elle pu durer toute la jour-née. Il faut bien récupérer.

DIMANCHE PAUVRE VIE DES ASSIETTESEn mettant la table à midi, j’ai laissé tomber toutes lesassiettes. Aucune n’a survécu.

LUNDI VIVE LE FEU, VIVE LA POLICE !Au boulot, Jean, que par ailleurs j’aime bien, ne cessede faire des blagues contre la police parce que, sous pré-texte que j’ai travaillé au ministère de l’Intérieur, il croitque j’ai été flic et presque que je le suis encore. Cetaprès-midi, je lui ai rétorqué qu’en bien des circonstan-ces il serait le premier à attendre la police comme lemessie. Comme on travaille dans la pyrotechnie, je luiai rappelé l’importance des règlements et à quel pointil serait mécontent qu’on tire des feux d’artifice partoutet n’importe quand et qu’il serait bien avancé lorsque,

en ne respectant pas les protocoles, on aurait mis le feuà sa maison. Il a été surpris de ma violence. C’est moninconscient qui a parlé. Au printemps 2009, avec Méla-nie et Julie, on a passé un week-end dans la résidencesecondaire de Jean, près de Troyes, où il nous a présentésa femme et son fils. Celui-ci était alors (je ne l’ai jamaisrevu depuis) odieux et nous l’avions pris en grippe. Saprésence rendait chaque minute interminable et je mesouviens maintenant avoir pensé que si un incendie pre-nait dans la maison, ça nous ferait une raison de nouséclipser sans attenter à la politesse (j’avais aussi envi-sagé l’assassinat du gamin par un rôdeur mais j’avaiscraint, outre l’horreur de l’acte, que notre qualité detémoins nous cloue sur place).

MARDI AUTO­BOBO­DODOC’est moi qui me suis rendu compte ce soir, en sortantfaire un tour, qu’un connard avait éraflé l’aile gauchede la voiture de Mélanie. Si je ne le lui avais pas dit, ellene le saurait toujours pas. Et même après que je l’ai in-formée, ça ne l’a pas mise en rage, comme si ce n’étaitrien de grave. Non seulement elle fait confiance à l’assu-rance, mais il est clair que ça ne l’humilie pas que n’im-porte qui la voie avec une voiture dégradée, à la peinturerayée, indigne d’elle. «Le salaud qui t’a violé ta voiture,j’espère qu’il ne dormira pas tranquille cette nuit», ai-jedit, plus pour me réconforter moi qu’elle. Elle m’a justerépondu: «Calme-toi, mon chéri, viens te coucher.» Lesfemmes sont sidérantes. On dirait que leur amour si ma-ternel n’a pas besoin d’automobile pour s’épancher.

MERCREDI UN COIFFEUR QUI DÉCOIFFEC’est moi qui ne me suis rendu compte de rien, ce soir.Je suis rentré tard comme tous les mercredis et Mélanieétait bouleversée. «Tu ne remarques rien ?» m’a-t-elleasséné à diverses reprises comme l’évidence grandissaitque je ne remarquais rien. «Mais le coiffeur a assassinémaman, voyons», a dit Julie, qui refusait d’aller se cou-cher et avait manifestement entendu sa mère parler autéléphone de l’accident avec des amies. «Je trouve ça trèsjoli aussi», ai-je tenté d’arranger les choses en posantune main sur le cou désormais exagérément accessiblede Mélanie. Et Julie, croyant bien faire en prenant denouveau à sa manière le parti de sa mère: «Mais le coif-feur a assassiné maman, maintenant elle est toute moche.»«Il est l’heure d’aller te coucher», lui a dit Mélanie entredeux tons. «Toute moche, toute moche», a grommelé Juliecontrainte à l’obéissance sans qu’on comprenne si elledisait ça pour être gentille ou désagréable.

JEUDI PEAUX D’OURSDemain promet d’être une journée de fête, et de vraiefête, avec de vraies raisons. A 11 heures, Mélanie a ren-dez-vous avec son patron pour la réponse à sa demanded’augmentation et mille petits indices nous laissentpenser qu’elle ne devrait pas être déçue. De mon côté,dès 10 heures, on aura les chiffres définitifs service parservice au 31 décembre et je ne crois pas non plusm’avancer en pronostiquant que les objectifs 2010 pa-raîtront rétrospectivement bien modestes par rapportaux résultats. On était tout excités d’avance et, miracu-leusement, on a pu se débrouiller tous les deux pouravoir une heure à nous après le déjeuner, une fois Julieà l’école. Nous l’avons utilisée de la plus charmante etpassionnante des manières et, sortis de la douche, ons’est dit que c’était de la chance de recevoir tous cescadeaux un vendredi, avec tout le week-end pour enprofiter. Comme ça, ce sera Noël et le 1er janvier réunis,mais rien qu’à nous.

VENDREDI LE POMPONJournée de merde. Il n’est dans l’intérêt de personneque je m’étende dessus. •

Les réveillons n’en finiront jamais

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011XIV • LE MAG LIRE

20000 MILLARDSDE DOLLARSd’ÉDOUARDTÉTREAUGrasset,276 pp., 18,50 €.

UNE ARDOISE MAGIQUEPOUR L’AMÉRIQUEQui va rembourser la dette ? s’inquiète Edouard Tétreau,stratège financier, qui avait prédit le krach Internet.

O n commence parquoi? La bonne ou lamauvaise nouvelle ?

La bonne? L’Amérique, res-ponsable de la débâcle finan-cière mondiale de 2008, estrepartie de plus belle, etcomme au bon vieux temps.On devine alors la mauvaisenouvelle ? Cette reprise an-nonce autre chose. Quoi ?Une apocalypse tomorrow.Car si l’Amérique reprenddes couleurs, c’est en sedopant de crédits et autresdettes en tout genre. Et cetteaddition-là, celle de la dettepublique américaine, n’enfinit pas de grossir. Elle frô-lait les 9150 milliards de dol-lars il y a trois ans, elles’élève à près de 14000 mil-liards : chaque heure quipasse, ce sont 150 millions dedollars de plus qui viennents’inscrire sur l’horloge de la44e Avenue de New York,celle qui mesure en tempsréel l’évolution de la dettepublique américaine.En une année, ce sont quatremilliards de plus. En 2020,cette future dette sera proba-blement de 20000 milliards!Avec uniquement des chif-

fres, elle pourrait s’écrire :20000000000000 dollars.Vingt mille milliards de dol-lars, cette somme à rem-bourser en 2020 représenteun siècle de salaires pourtoute la fonction publiquefrançaise.La thèse de l’auteur, EdouardTétreau, est relativementsimple. Qui va donc payerl’ardoise jumbo-size ? Cer-tainement pas les Etats-Unis. L’affirmation de cejeune conseiller financierpeut faire sourire. Et pour

cause, voilà des annéesqu’on annonce le grandkrach obligataire des Etats-Unis. Seulement voilà,Edouard Tétreau est celui quipubliait, en mars 2000, uneanalyse sur l’imminenced’un krach Internet: «Prenezvos e-profits, avant un e-krach.» On connaît la suite…Dix ans plus tard, toutpousse donc à prendrel’auteur au sérieux. Il y ad’abord ses prédictions. Maisil y a surtout son vécu. Car sil’auteur nous propose sa ver-sion de la fin d’une fuite enavant financière qui se joueraaux alentours de 2020, ilnous balade surtout à traversune certaine Amérique. A lamanière d’un ethnologue,l’auteur croise, écoute celleset ceux qui font et subissentcette politique financière. Ilssont de l’Est, de l’Ouest, ducentre, des côtes… Ils sontchômeurs, maires, blancs,noirs, financiers, proches deresponsables politiques, pa-tron de grandes firmes…Certes, la retranscription deces rencontres, semble, apriori, nous éloigner de lathèse de départ d’une iné-

luctable banqueroute améri-caine. Que viennent faire,par exemple, ces histoiresd’éducation, de santé, decouverture médicale dans lepropos de l’auteur. Et pour-tant, il faut les lire. D’abordpour y (re)découvrir diversesfacettes du pays. Enfin, pourmieux goûter la démonstra-tion finale. «Combien detemps, interroge l’auteur,l’Amérique pourra-t-elle ac-cepter ce qui commence à res-sembler à une servitude.»Celle des Etats-Unis enversles pays qui détiennent descréances sur elle. A com-mencer par la Chine, deve-nue banquier du système. Lasolution: l’ardoise magique.Comme ce 15 août 1971, lors-que le président Nixon en-terre, après la débâcle mili-taire et financière duVietnam, la convertibilité dudollar en or. Bretton Woodsest mort. Bis repetita ? Lesannées 2010 sont dans uneconfiguration très similaire àcelle des années 1970. Seull’avenir dira si l’analyse estexagérée. Elle est en tout caspertinente.

VITTORIO DE FILIPPIS

ALTITUDE L’EVERESTCOMME THÉRAPIEHAUTE TECHNOLOGIEIl y a une dizaine d’années, la cinquantaine dépas-sée, Gérard Bourrat, un entrepreneur cannois à laretraite, sportif et marathonien accompli, se dé-couvrait une passion pour la haute montagne.Après quelques sommets avalés sans difficulté(Aconcagua, Kilimandjaro…), il décide, en 2006,

de se lancer à l’assaut de lamère des montagnes :l’Everest et ses 8848 mètresde rocs et de glaces.Son aventure aurait dû êtrecelle d’un de ces richesgrimpeurs qui, moyennant50 000 à 100 000 euros etune volonté de fer, «s’of-frent» le sommet le plusmédiatique du monde, ac-compagnés d’une armée desherpas aux ordres.Mais un petit caillou vientse mettre sur son chemin. Atrois semaines du départ, ladouleur au rein repérée lorsd’un entraînement se révèleêtre un cancer à opérerd’urgence. D’autres

auraient renoncé. Pas Gérard Bourrat qui va alorsconvaincre staff médical, équipe montagnardedéjà arrivée au camp de base de l’Everest et famillemorte d’inquiétude que l’aventure reste possible.C’est le récit d’une maladie (qui récidivera) etd’une ascension pas comme les autres que livreavec pudeur et émotion l’auteur. Les amateurs demontagne y retrouveront le récit toujours fasci-nant de cette échappée dans «l’air rare», cettezone de mort qui oblige les alpinistes à se trans-cender pour progresser de quelques mètres. Lesautres y liront un beau témoignage sur le cancer,le handicap et la vie. En 2006, Gérard Bourrat araté le sommet de 80 mètres. Il compte repartir ceprintemps pour conquérir les derniers mètres.

FABRICE DROUZY

MÉMENTO

LES CHOIX DUCAHIER LIVRESProcès du totalitarisme maternel : l’héroïne deChristine Angot mange les Petits (Flammarion)mais aussi les grands, surtout s’ils sont noirs etmusiciens. Rencontre avec le Cubain Leonardo Pa-dura, qui suivait le spectre de l’Homme quiaimait les chiens (Métailié), lequel avait assas-siné Trotsky. Pierre Bouretz revient sur la querelleopposant Derrida à Searle puis à Habermas dansD’un ton guerrier en philosophie (Gallimard).Le Turc d’origine juive Mario Levi se rappelle quejadis Istanbul était un conte (Sabine Wespieser)tandis que l’Israélien Yishaï Sarid livre le Poètede Gaza (Actes Sud) à un agent du Shin Bet aussibête et quotidien que nous. L’Américain Bill Cleggtrace le Portrait d’un fumeur de crack enjeune homme (Jacqueline Chambon) qui lui res-semble beaucoup et Alexandre Jardin se désolida-rise soudain de son père Pascal et de son grand-père, directeur de cabinet de Laval, dans Desgens très bien (Grasset).

L’EVEREST, LECANCER, LA VIEde GÉRARDBOURRATFrance EuropeEditions,156 pp., 15,50 €.

La dette publique américaine s’élèverait en 2020 à 20000 milliards de dollars. PHOTO DENKOU IMAGES.PHOTONONSTOP

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 COMPRENDRE LE MAG • XV

«Les milieux naturels jugés hostilesont très tôt été les terrains de jeuprivilégiés des sports de l’extrême.Souvent, ces activités sont l’ex-

pression d’un défi personnel ou d’un faceà face avec la nature et ses aléas climati-ques. Aujourd’hui, des marathons sont or-ganisés dans les pôles Nord et Sud, dans lesdéserts (Sahara, Gobi) ou encore dans laVallée de la Mort aux Etats-Unis: le Badwa-ter Marathon, considéré comme la coursela plus rude du monde. En alpinisme, latendance est à présent à l’enchaînementdes sommets et aux ascensions en hiver.Pour les rallyes-raids, les grandes étenduestrès peu peuplées, les dunes et les routescaillouteuses offrent un cadre idéal aux pi-lotes en quête d’aventure. Ces courses pri-vilégient d’abord les déserts et leur diver-sité, tandis que les vastes forêtséquatoriales (Indonésie, Amazonie) sontoubliées. Les premiers rallyes-raids sontapparus il y a une trentaine d’années dansle Sahara (le Paris-Dakar en 1979, le rallyedes Pharaons en 1982). Progressivement,ces courses se sont diffusées hors du conti-nent africain.«Au grand étonnement des géographes, le“Dakar” se déroule pour la troisième année

consécutive en Amérique du Sud (Argen-tine et Chili). En raison de menaces d’at-tentats islamistes en Mauritanie, la célèbrecourse a changé de continent. La géopoliti-que serait-elle la seule responsable de cettenouvelle géographie ? L’organisateur duDakar, Amaury Sport Organisation (ASO),répète que la course retournera en Afriquedès que la sécurité des concurrents sera as-surée. Mais ce déplacement de l’épreuvepermet aussi de capter de nouveaux mar-chés et partenaires dans un autre territoire.Pour le premier Dakar en Amérique du Sud,la cérémonie organisée avant le départ arassemblé 600 000 personnes dans les ruesde Buenos Aires, et 3,6 millions de specta-teurs ont été recensés le long du parcours(entre 12 et 15 millions pour le Tour deFrance).«Le Dakar 2012 pourrait traverser de nou-veaux pays d’Amérique du Sud car les or-ganisateurs négocient avec plusieurs gou-vernements, en particulier celui du Brésil.Et en même temps que les concurrents duDakar découvrent le désert d’Atacama,l’Africa Eco Race emprunte les routes duMaroc et de la Mauritanie avant d’arriverà la capitale du Sénégal. Ces mêmes routes,pas assez sûres, qui avaient obligé l’ASO à

délocaliser son épreuve en Amérique duSud !«Le Dakar, c’est une ville ambulante avec2500 personnes présentes sur chaque étape.Les retombées économiques peuvent êtresubstantielles pour les sites hôtes. Les gou-vernements chiliens et argentins négocientpour que certaines villes accueillent un bi-vouac, même si elles se situent à plusieurscentaines de kilomètres du parcours. Aprèsl’annulation du Dakar 2008, les pertes pourle secteur touristique en Mauritanie ont étéévaluées à près de 3 millions d’euros.«Mais une course comme le Dakar attise denombreuses critiques. Dès sa première édi-tion en Amérique du Sud, un pilote motoest décédé ; en Afrique, plus d’une tren-taine de concurrents, sept journalistes etneuf enfants sont morts sur les routes duDakar. Et au Chili, l’organe en charge dupatrimoine a demandé un dédommage-ment de 570 000 dollars pour les dégâtscausés à des sites archéologiques par le pas-sage du rallye-raid. Pourtant, le Brésil, enplein développement, fait le forcing pouraccueillir cette course porteuse d’image etde retombées financières.»

FRÉDÉRIC GROSJEANCarte : JULES GRANDIN

Les pérégrinations du «Dakar»ou le monde comme terrain de jeux

ATLAS DU SPORTMONDIALde PASCAL GILLON,FRÉDÉRIC GROSJEAN,LOÏC RAVENELEditions Autrement, 80 pp., 17 €.

POINTS DE VUE ET CARTES DU MONDE avec les Editions

Ensenada

La Paz

Arica

Estoril

Marrakech

Dakar

NadorTozeur

Tunis

Saint-Pétersbourg

Pékin

Alice Springs

Finke

Bordeaux

Iquique

BarilocheBuenos Aires

1 500 km

Africa Eco Race(Nador-Dakar, 4 089 km)

Baja 1000(Mexique, 2 000 km)

Rally Vodafone Transibérico(Portugal et Espagne)

Le Dakar 2011(Argentine et Chili, 9 500 km)

Rallye des Pharaons(Égypte)

Rallye OiLibya de Tunisie(Tunisie et Libye)

Rallye Por las Pampas(Argentine et Chili)

Rallye de la Transorientale(Russie, Kazakhstan et Chine, 10 000 km)

Trophée Rose des Sables(Bordeaux-Marrakech)

UAE Desert Challenge(Abou Dhabi)

Finke Desert Race(Australie, 450 km)

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011XVI • LE MAG REGARDER

RATIOCINATIONA force de virées à velléité journalisti-que dans les réseaux mafieux russes deprostituées et les bordels de Caracas (ahpardon, la semaine dernière, c’était unemaison close espagnole) le dimanchesoir sur M6 dans Enquête exclusive, Ber-nard de la Villardière est-il notre nou-veau Charles Villeneuve ? «Il y a peut-être une dérive dans les titres des émis-sions», admet, dans Télé Loisirs, Bernie,qui poursuit: «En même temps, ces titresrecouvrent une réalité. Dès lors qu’on sortd’Europe, on tombe sur cette pauvreté quiengendre la criminalité, la drogue, l’ex-ploitation sexuelle.» Alors ça, c’est unpeu long comme titre, Bernie.

RÉGIONTremble, Jean-Pierre Pernaut car Lau-rent Boyer a présenté, cette semaine àla presse, Midi en France, le nouveaurendez-vous quotidien et régionalisantde France 3 dont Pierre Sled, conseilleraux programmes de la Trois, a eu la ful-gurance une nuit de forte fièvre. OutreBoyer en Danièle Gilbert à peine ripoli-née, l’émission, itinérante et elle-mêmesemble-t-il décalquée de Midi première,nous dégaine quatorze chroniqueurs àcélébrité variable (dont Evelyne Tho-mas), et sera divisée en deux: une par-tie «pédagogique» à partir de 10h50 etune partie «divertissante». Ce sera le31 janvier, et on bout.

RELIGIONEt si c’était lui, l’homme que tout lepeuple de gauche attend de voir se leverpour représenter l’espoir d’une Franceplus juste ? Oui bon, Laurent Lenne,alias le prêtre de Secret Story, est candi-dat à la présidentielle.

RÉTORSIONAprès avoir présenté Carla Bruni à Nico-las Sarkozy, voilà que Jacques Séguélafranchit une nouvelle fois la ligne jauneet commet l’irréparable dans TV Maga-zine : «Koh-Lanta me fait vomir, je lahais, elle me fait détester TF1.» Vraiment,la liberté d’expression a ses limites.

BONNENOUVELLEJean-Pierre Chevènement soutient EricZemmour. Georges Frêche aussi.

INSTANTS TÉLÉ

Loft scories

BOURRE­PAF

Par RAPHAËL GARRIGOS et ISABELLE ROBERTS

Les Anges, huit merveilles de la télé­réalité, vont­ils percer à Hollywood? PHOTO DR

Il est des moments où les rédacteurs doi-vent s’effacer devant l’histoire en marche.Imaginez seulement le tableau: ce seraitla réunion de ce que l’humanité produit

de plus beau, ce serait une rencontre entre,disons, Léonard de Vinci, Picasso, Flaubert,Mozart, Einstein. Ce serait un match de footavec Messi, Zidane, Pelé, Bossis et Rooney.Ce serait les sept merveilles du monde, saufqu’elles sont huit, les merveilles de NRJ12.Au générique, une superbe mélodie (il nousa bien semblé reconnaître, cinéphiles quenous sommes, un sample de la musique duFlic de Beverly Hills), des créatures s’agitantsur une plage, bouée de sauvetage en main(il nous a bien semblé reconnaître, éruditsque nous sommes, un discret hommage àAlerte à Malibu), et un magnifique logochromé qui ne déparerait pas en versioncloutée sur le blouson noir d’un motard,orné d’une paire d’ailes du plus bel effetentre lesquelles flamboie le nom de ce nou-veau bijou: les Anges de la télé-réalité. Vous,archéologues des temps futurs qui tombezsur cette page parcheminée, nous vousl’assurons: il y eut, en l’an 2011, une émis-sion de télé-réalité rassemblant d’ancienscandidats de télé-réalité.

Mais qui sont­ils?Si, depuis jeudi, et chaque jour pendant unmois et demi à 17h50, l’heure où les grandspenseurs rentrent goûter, vous vous plantezà côté de votre ado devant NRJ 12, révisezce qui suit, histoire de ne pas finir massacréà la hache, reposant dans des sacs plastiquede différentes contenances sur l’air de«P’tain, P’pa, t’es trop relou, t’es trop passtylé, c’est Senna, p’tain.» Exclamez-vousplutôt: «Regarde, fiston, voilà Senna, ce jo-vial métis qui, dans Secret Story 4 l’été der-nier sur TF1, épousa en direct Amélie etd’ailleurs, elle est là aussi.» Succès garantiet quelle joie de déceler l’admiration dansles yeux cannabiques du fruit de ses en-trailles… Et ainsi de suite pour les six autresparticipants qui, nous informe la voix-off,«ont marqué l’histoire de la télé-réalité enFrance». Car voilà la raison d’être de cesAnges de la télé-réalité : fêter les dix ans dugenre, depuis Loft Story en 2001. Il y a John-David, issu encore de Secret Story (maisl’opus 2) dont personne n’a oublié que,sous un air lymphatique à rendre nerveuseune boîte de Lexomil, il dissimulait780 conquêtes. Il y a Marlène, du Loft 2,dont l’activité principale consistait à braireUn enfant de toi de Phil Barney (et si vous nesavez pas qui est Phil Barney, on ne peutplus rien pour vous). Il y a Cindy Sander,écume de casting de Nouvelle Star ; Diana,nichons dans la première édition de l’Ile dela tentation et une certaine Astrid qui s’af-firme issue de la dernière livraison de lamême Ile, diffusée sur Virgin 17 mais vu quepersonne n’a regardé, elle peut bien, mal-gré une plastique ad-hoc, avoir tout in-venté. Enfin, et une certaine émotion nousétreint, il y a le patriarche de la télé-réalité:Steevy qui, de Laurent Ruquier en LaurentRuquier, tente de faire oublier qu’il se fitconnaître dans le tout premier Loft Story

par sa liaison avec un âne en peluche ré-pondant au nom de Bourriquet.

Mais pourquoi?Mais pour fêter les dix ans de la télé-réalitéon vous dit, rhôôô. Bon d’accord, vu descandidats, un peu pour l’argent : selon larevue économique Voici, ils toucheraient7500 euros. Ce qui ne fait pas lourd pour sefaire tourner en ridicule pendant les six se-maines que les producteurs du programmeont réussi à fourguer à NRJ 12. Mais quefaire d’une telle ribambelle sinon leur fairevisser des couvercles de bocaux à corni-chons ? Il s’agit de les installer dans uneluxueuse villa de Beverly Hills afin qu’ilsréussissent de ce côté-là de l’Atlantique cequ’ils ont raté de ce côté-ci : être connus.Et chacun à son «rêve américain», radicale-ment différent de l’un à l’autre des partici-pants : Amélie veut être «modèle photo»,Senna «mannequin» et Astrid «mannequinaux Etats-Unis». Marlène et Cindy rêventtoutes deux de «signer sur un label améri-cain», John-David de «mixer à Los Ange-les» (faire le DJ, hein, pas le robot ménager)et Diana, dans une étonnante mise enabyme, de «devenir une star de la télé-réalitéaux USA». Plus prosaïquement, Steevyveut s’extirper un temps des sunlights deson incroyable réussite et revenir aux joiessimples de la télé-réalité: «Ça me permet deredescendre un peu», énonce-t-il.

Mais que font­ils?Simple: ils font «wow» et «wouah». La li-mousine qui les attend à l’aéroport ?«Wouah». La maison avec piscine et ja-cuzzi ? «Wow». Parfois, certains se ris-quent à une analyse un peu plus complexe,

tel John-David, ravi de la villa et de sa co-thurne Astrid: «Chuis dans une baraque demalade, j’ai une bombe atomique dans machambre, on a beau dire de la télé “Nanana,nanana”, c’est génial la télé.» On reconnaîtbien là le sens aigu de l’understatement deJohn-David qui n’a pas voulu paraître pé-dant en citant Bourdieu. Derrière son «Na-nana, nanana», il fallait lire: «La télévisionrégie par l’Audimat contribue à faire peser surle consommateur supposé libre et éclairé lescontraintes du marché, qui n’ont rien de l’ex-pression démocratique d’une opinion collec-tive éclairée.» Ouais, gros.Et puis, si on commence à citer Bourdieudans le texte, on n’a plus le temps, dans lesvingt-six minutes imparties à ce feuilletonquotidien, de filmer les fesses d’Astrid, lesébauches de flirt et d’engueulades et lesimpérissables déclarations de Marlène quiclame son vœu de «vendre (s)es disques àl’apogée» (l’apogée n’étant apparemmentpas un marché aux puces de Los Angelespour qu’elle y écoule ses stocks d’invendusd’Un enfant de toi). Surtout, nos amis sontlà pour percer et ils bénéficient des conseilsd’un certain Fabrice Sopoglian qui se pré-sente ainsi: «Je suis producteur à Los Ange-les.» Un métier qu’on exerce une fois ob-tenu un BEP de producteur à Los Angeles.Et notre pro, jamais avare d’un conseil («ilfaut rester soi-même») de dégotter un ren-dez-vous pour Cindy Sander avec un «trèsgrand du show-biz» qui a travaillé «avecTina Turner et Cher». Cindy en est déjà touteretournée: «Réussir, c’est une vengeance surma vie!» Rassurez-nous, elle n’y croit pas,Cindy Sander, à ces répliques à trois balleset son destin hollywoodien de produit dé-rivé ? Allez, rassurez-nous ! •

PIER

REO

LIV

IER.

M6

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 CONNECTER LE MAG • XVII

FACEBOOKMIS À NULe jeu textuel «Naked in Pluto» détourneles données personnelles dans une aventureinteractive sur les réseaux sociaux.

N u comme un ver, vouséchouez sur Pluto, laville aux mille délices,

le Las Vegas du système so-laire, régi par Elastic Ver-sailles, une intelligence arti-ficielle corrompue. Naked onPluto est un jeu d’aventuretextuel sur Facebook, inté-grant les données personnel-les du joueur et de ses«amis» comme éléments decette fiction interactive pal-pitante.Il suffit pour y participer des’enregistrer avec soncompte Facebook. Aprèss’être acheté une tenue dé-cente (chapeau de cow-boy,scaphandre…) grâce aux je-tons gagnés au casino, lejoueur part explorer ce para-dis de la consommation et dudivertissement, flâner dansson palace, ses fontaines, sedéhancher dans une boîteinterlope, copiner avec lebarman flagorneur, bavasseravec des robots insipides oudes personnages qui lui sem-bleront curieusement fami-liers, sans savoir s’il s’agit deprogrammes informatiquesou d’êtres humains. L’at-mosphère du lieu, unique-ment suggérée à l’aide dedescriptions textuelles, par-ticipe de cette inquiétanteétrangeté. Il lui faudra trou-

ver une clé pour débloquer laporte des toilettes, usurperl’identité de l’un de ses amisFacebook en s’affublantd’une moustache, se perdredans le dédale de centrescommerciaux inhumains, aurisque de se fourvoyer dansles recoins sombres et aban-donnés de ce «meilleur desmondes». Le joueur est seul,mais il peut inviter ses amisà le rejoindre pour faire cer-taines actions.La combinaison d’élémentsde fiction avec des donnéesprivées et la manipulationd’informations extirpées ducompte Facebook rend le jeuà la fois immersif et très dés-tabilisant. Naked on Plutoscrute les limites et la naturedes réseaux sociaux de l’in-térieur, questionnant la ma-nière dont ces interfaces fa-çonnent nos relations, lamarchandisation des liensamicaux, le ciblage publici-taire, et surtout les «quanti-tés phénoménales d’informa-tions» qu’on fournit à cesbases de données, se mettantlittéralement à nu. «Ce faitest connu des utilisateurs deFacebook, mais nous avonsconstaté qu’il y avait une diffé-rence entre être au courant decette situation et l’expérimen-ter en dehors des jardins clos

de ces logiciels», expliqueAymeric Mansoux, créateurdu jeu avec Dave Griffiths etMarloes de Valk. Les trois ar-tistes souhaitent, avec cettemétaphore ludique, confron-ter l’utilisateur au fonction-nement des réseaux sociaux,et au problème du partagedes données, volontaire ounon. Un processus souventopaque surtout depuis queFacebook a lancé la fonction«connect», qui permet de seloguer à des services tiersplus ou moins intrusifs avecson identité Facebook.Naked on Pluto met un pointd’honneur à expliquer entoute transparence commentles données du joueur sontutilisées. Le jeu, en opensource, ne conserve aucuneinformation dans ses ser-veurs, à l’exception de votreidentifiant Facebook, et lesdonnées générées durant lejeu peuvent être effacées sursimple demande. Plutôtqu’un acte radical, tel le sui-cide virtuel prôné par lesprojets Seppuku ou Web 2.0Suicide Machine, Naked onPluto cherche à révéler lesmécanismes de Facebook, enopérant depuis l’intérieur dusystème. Le jeu d’aventuretextuel, forme littéraire dé-suète, se prête idéalement au

sujet. Il était déjà utilisé, se-lon Aymeric Mansoux, «pourvéhiculer diverses formes desatires contemporaines, telHampstead qui abordait lesconditions économiques et so-ciales des banlieues londonien-

nes, ou Bureaucracy, quitransformait une missionpourtant simple en aventurekafkaïenne».

MARIE LECHNERhttp://naked­on­pluto.nethttp://pluto.kuri.mu/

LIENS WIKIPÉDIA PIQUE SON QUIZUn quiz pour fêter les 10 ans de Wikipédia. L’appli-cation pour iPhone Three degrees of wikipedia,créée par Ivan Zhao, propose de résoudre des peti-tes énigmes en trois étapes grâce aux articles del’encyclopédie dont on vous soumet deux pages(en anglais), ou en utilisant exclusivement les lienshypertextes. Certaines sont triviales (le lien entreMichael Jackson et les zombies), d’autres moinsévidentes: quel est le lien manquant entre l’iPhoneet la Chine, Alain Turing et la libido ou le Turc mé-canique et Philadelphie? Une fois les trois problè-mes résolus, vous pouvez proposer vos devinetteset les soumettre à vos amis. Une manière ludiquede surfer dans l’encyclopédie, d’y faire des décou-vertes inattendues et de parfaire sa culture géné-rale. Nul besoin d’un smartphone, on peut partici-per au jeu sans débourser les 79 cents, mais on negagne pas de badges à la fin.

M.Le.www.threewiki.com

Naked on Pluto.PHOTO DR

Three degrees of wikipedia. PHOTO DR© musée Marmottan Monet, Paris / Bridgeman Giraudon

140 ŒUVRES ESSENTIELLES DU MAÎTRE DE GIVERNYD’«IMPRESSION, SOLEIL LEVANT»

AUX «NYMPHÉAS»

EXPOSITION JUSQU’AU 20 FÉVRIER 2011

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CLAUDE MONET EST AUSSI À MARMOTTAN

140 ŒUVRES ESSENTIELLES DU MAÎTRE DE GIVERNYD’«IMPRESSION, SOLEIL LEVANT»

AUX «NYMPHÉAS»

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011XVIII • LE MAG CHRONIQUES

Comme la totalité de l’exis-tence est devenue un pro-blème de santé publique,la mode, tel un nouveau

Zorro, surgit pour soulager le déficitde la Sécurité sociale. Ainsi peut-onremplacer les vieux Lexomil par descharentaises, qui sont naturellement«antistress et procurent une incroya-ble sensation de douceur et de bien-être». Les charentaises n’ont pasencore été vues sur les tapis rougescannois ? Guettez les pieds de Ro-bert De Niro, président du jury du64e festival de Cannes. Il y a de for-tes chances qu’elles dépassent deson smoking, et aussi des plus bellesrobes des stars, car elles ont l’avan-tage d’être unisexes, voire trans-genres.Et surtout, elles sont à la France ceque les UGG sont à l’Australie. Il n’aéchappé à personne que ces chaus-sons en mouton retourné sont por-tées cet hiver sous la neige, de Parisà Pékin en passant par New York etMilan, bien que non imperméables.La légende dit que les bergers aus-traliens ont été horrifiés par l’usagedétourné de leurs chaussons, qu’ils

jugent laids à faire peur et dont ilsavaient honte, même si des surfeurss’en étaient emparés pour réchauf-fer leurs petons après leurs exploitssportifs. La mode et Pamela Ander-son, suivie d’une ribambelle d’ac-trices américaines, ont été plus for-tes qu’eux. Les prix ont monté. Lestalons aussi, d’ailleurs, les dénatu-rant fortement, mais les rendant fa-talement moins sensibles aux fla-ques : ainsi des modèles avec dessemelles compensées en crêpe ont-ils fait leur apparition. Et là, la UGGdevient splendide, car la mode a dugénie pour éloigner les limites del’esthétiquement supportable.Ce tour de passe-passe aura-t-illieu, avec les «antichaussures» MBT(Masai Barefoot Technology) dont lephysique difficile n’a pour l’instantpas ralenti le succès ? Comme lesUGG et les bergers, elles ont débar-qué sur le marché en 1996, avec unrécit fondateur qui leur délivre le sé-same de l’authenticité. Cette fois,c’est l’observation des Masaï, peu-ple semi-nomade d’Afrique de l’Est,et leur manière de marcher piedsnus sur des sols inégaux, qui a sus-

cité l’invention d’une semelle insta-ble. Les MBT ont le mérite d’êtreportés par tous les âges: les kinés lesont d’abord prescrites pour soulagerdes maux de dos, et les personnesâgées ont été les premières à lesadopter. Pour une fois, ce sont lesstars qui ont suivi les «vraies» genset non l’inverse. L’autre particula-rité des MBT est d’assumer pleine-ment leur laideur, tribut à payerpour les bienfaits qu’elles procu-rent. Elles sont censées exercer tousles muscles et les articulations etaméliorer la posture, tout en ren-dant l’effort imperceptible.Chaussé de ces culbutos, on a effec-tivement l’impression euphorisantede marcher sur des balles rebondis-santes. Jusqu’au moment où unecollègue, puis deux, nous deman-dent pourquoi on vient au bureau enchaussures orthopédiques. Depuis,Reebok s’est emparé de l’affaire etleur gamme de baskets (11 millionsvendues dans le monde) cherche elleaussi à nous muscler les fesses enflânant. Avec «une belle ligne»peut-être, mais sans l’effet rocking-chair. C’est moins amusant. •

MÉMENTO

LES CHOIXDU CAHIER CINEMA

Embouteillage de films, cette semaine, avec, pour commen-cer, le documentaire Women Are Heroes du photographeet plasticien JR. En Inde, en Afrique, au Brésil, il est allé à larencontre de femmes qu’il photographie pour faire ensuitedes tirages monumentaux collés dans la ville, sur les trains,dans les endroits les plus improbables. Le film illustre sontravail et entend donner la parole à des femmes vivant dansdes sociétés pas toujours d’un féminisme déchaîné mais quigardent la tête haute.Abel de l’acteur mexicain Diego Luna nous a bien plu. C’estl’histoire d’un gamin qui, après un séjour en hôpital psychia-trique, revient à la maison et décide qu’il est le chef de fa-mille. Par chance, papa n’est pas là jusqu’au moment où ila la mauvaise idée de revenir et la situation dérape. Les filmsréussis avec enfants sont trop peu nombreux pour qu’on nesignale pas celui-ci. On enchaîne avec Poupoupidou de Gé-rald Hustache-Mathieu ou comment Marylin ressuscite àMouthe (Jura), le village le plus froid de France, et meurt aus-sitôt sous la forme d’une miss Météo dépressive interprétéepar l’excellente Sophie Quinton. Le cinéaste est une sorte decousin esthétique de François Ozon, très remarqué à l’époquede ses courts métrages déjà avec la même actrice (Peau devache, la Chatte andalouse). Loin de Mouthe, au Moyen-Orientdivisé, Incendies de Denis Villeneuve réinterpréte pourgrand écran la pièce de Wajdi Mouawad, sorte de quêted’identité aux origines des violences fratricides de la région(entre Liban, Syrie, Israël, Iran et Palestine). Un film chocpar un cinéaste canadien. Le vol du Green Hornet percuteen 3D les salles grâce au surdoué français Michel Gondry etl’acteur enrobé Seth Rogen pour une variation buddy moviedu film d’action de super-héros (par ailleurs sans pouvoir,comme l’ami Batman, mais riche à jeter l’argent par les fenê-tres). Mention spéciale au majordome Kato.

Women are Heroes. Ici à Rio en 2008. PHOTO JR. AGENCE VU

LES CHOIXDU SERVICE CULTUREÇa chauffe sur les planches et les premières théâtrales sebousculent. Serge Valletti et son Sale Août à la MC 93 re-trace, en une tragi-comédie grinçante, le lynchage de huitouvriers italiens à à Aigues-Mortes en 1893. Toujours dansle registre de l’humour noir, mais en plus déconnant, le col-lectif la Vie brève monte Robert Plankett à la Cité interna-tionale, représentant la réunion des amis d’un jeune hommemort d’une rupture d’anévrisme. On dirait une coïncidencemais au même moment, un autre collectif, les Chiens de Na-varre, créent à Vanves Une raclette, farce un peu caca bou-din mais facétieuse sur une soirée animée entre voisinsautour du plat savoyard. Nettement moins drôle, Jean-LouisMartinelli met en scène le somnambulique et kitsch Ithaquede Bodo Strauss aux Amandiers de Nanterre sur le retour unpeu délicat d’Ulysse (Charles Berling) auprès de Pénélope(Ronit Elkabetz). Sinon, il s’agirait de ne manquer ni l’albumdu duo néo-psyché californien Crocodiles, Sleep Forever,ni leur premier concert en France, à Lille, le 23 février.

Le bien-être à coups de pompes

COURANTS D’AIR

Par ANNE DIATKINE

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E.A

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LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 CHRONIQUES LE MAG • XIX

C’est unemaison rose

EN VILLE

Par SIBYLLE VINCENDON

Les bons architectes l’affirment: lesrèglements n’ont jamais empêchéde construire un bâtiment moche.En revanche, les règles brident à

coup sûr la fantaisie. L’urbaniste MichelCantal-Dupart se souvient «d’un type,à Nantes, qui avait peint sa maison enrouge. Ça indignait les voisins. Mais trèsrapidement, tout le monde parlait de la ruede la maison rouge». Avec sa lubie, l’hur-luberlu avait créé un signal urbain.Une petite voie de Colombes (Hauts-de-Seine) pourrait devenir, à son tour,la rue de la maison rose. L’une des mai-sonnettes d’avant-guerre qui la bor-dent est, depuis un an, toute rose. Dubas de la façade à la cheminée, tout aété recouvert d’une mousse polyuré-thane de cette teinte, tuiles comprises.Le produit épouse comme un gant tousles détails et l’on distingue parfaite-ment la silhouette du coquet pavillonde banlieue. Le résultat est assez sur-prenant. Et une question saute à l’es-prit: comment ont-ils obtenu l’autori-sation ? Paradoxalement, en ayant unprojet sérieux.Les clients de Christelle Chalumeaux,l’architecte, voulaient s’agrandir. Ilspouvaient obtenir le droit de construireune extension (27 mètres carrés) à con-dition d’améliorer la «performance ther-mique» de la maison. C’est un systèmedonnant-donnant prévu par la loi: je tedonne de la surface, tu pollues moins.L’architecte a étudié les grands classi-ques de l’isolation. Mais l’empaquetagepar l’extérieur s’est imposé à la fin.Côté couleur, le client voulait du bleu.C’est donc un permis de construireazuréen que l’architecte a déposé enmairie de Colombes. «Très vite, j’étaisdans le bureau de l’adjoint à l’urbanismepour le convaincre. Je suis arrivée à8 heures du matin et je suis sortie à midi.»Patrick Chaimovitch, l’adjoint, se sou-vient que, devant ce dossier, «les gensdes services ont fait des bonds». Admet-tant que c’était «un peu spécial», il a«beaucoup hésité». «Et finalement, signéle permis.» Avec une réserve : pas debleu, trop balnéaire.D’où le rose, «dans l’idée d’une peau»,dit Christelle Chalumeaux. L’élu raconteencore : «Quand les travaux ont étéachevés, j’ai eu des hurlements autour demoi, on m’a parlé de chewing-gum, deguimauve… Mais je suis assez favorableà ce que les gens, les architectes, puissents’exprimer.» Même si, ajoute-t-il,«honnêtement, je ne ferais pas ça tous lesjours».A notre époque, on a peu de chance depouvoir réaliser un pavillon mauresquecomme il s’en faisait dans les an-nées 1920. «Il n’y a pas de placeaujourd’hui pour les fantaisistes, résumel’urbaniste Cantal-Dupart. Et souvent,pas non plus pour l’architecture.» •

Gare au fantasme du pompier!

BIZARRE, VOUS AVEZ DIT BIZARRE ?

Par ÉDOUARD LAUNET Illustration JEAN LECOINTRE

Le 6 décembre, un professeur decomptabilité de 57 ans a été arrêté parla police de Géorgie pour s’être entiè-rement dévêtu devant sa classe. L’in-

cident s’était produit quelques jours aupa-ravant à la Kennesaw State University, dansla banlieue d’Atlanta. Les étudiants se sontplaints aux autorités du campus. Quatrejours plus tard, unphotographeamateur de47 ans a étéarrêté par lapolice duMissis-

sippi pour s’être entièrement dévêtu dansun cimetière d’une petite ville du sud del’Etat. Les faits se sont déroulés durant lanuit: l’homme tentait de photographier desesprits, activité que la nudité était suscepti-ble de rendre plus fructueuse selon l’inté-ressé. C’est une caméra de surveillance quil’a dénoncé. Le 14 décembre, enfin, un em-ployé des postes de 52 ans a été arrêté par

la police du Wisconsin pour s’être en-tièrement dévêtu avant de livrer son

courrier à une femme qui lui sem-blait «un peu stressée». C’était

pour la faire rire, a plaidé le fac-teur. La dame n’a pas ri du tout.

Ces trois hommes ont été relâchésaprès versement d’une caution.

Mais à l’heure

où vous lirezces lignes, une bonne

douzaine d’autres aurontprobablement été coffréspour le même motif, si l’onfait confiance à la sciencestatistique. Cette propen-sion à se mettre à poil pour

un oui ou pour un non estune tendance lourde de l’épo-

que, et pas seulement auxEtats-Unis. L’acte est spectacu-laire, quoiqu’assez simple à réa-

liser. Une foule de motifs peu-vent être invoqués :

happening artistique,protestation, contri-

tion, provocation,recherche du con-

fort, divertissement,

Rock and rap et fleur bleue

QUE FAITES­VOUS DISIZ ?

Par STÉPHANIE BINET

Sérigne M. Gueye dit Disiz est rappeuret romancier. Après le succès, en2000, de son premier album le Pois-son rouge, il remporte une victoire de

la musique en 2006 pour les Histoires extra-ordinaires d’un jeune de banlieue. En 2009,il a publié son premier roman, les Derniersde la Rue Ponty, et travaille sur le second.«J’y raconte, à la manière du polar noiraméricain, l’histoire de deux adolescentsd’une cité. Je veux que les mots soient crus,un peu comme dans Enfants de putain deDonald Goines. Ses phrases courtes, ima-gées et très triviales, m’ont plu. Cette écri-ture est déjà utilisée dans le rap, mais com-pressée dans l’espace d’une chanson, ellepasse pour de la violence gratuite, un vomide haine car l’effet recherché, c’est capterl’émotion instantanément.«L’action de mon roman se situe en France,dans vingt ans, après une guerre civile. La

société s’est radicalisée, notam-ment dans le domaine des loissur la jeunesse et la délinquance.La majorité légale est abaissée à13 ans. Alors que deux ados sontaccusés d’un crime qu’ils n’ontpas commis, le rétablissementde la peine de mort est soumis àun référendum. Le vaccin du sida a aussiété trouvé, ce qui change les comporte-ments.«Avant d’écrire, j’ai lu beaucoup d’ouvra-ges sur l’histoire de la peine de mort, àRome, en Grèce, et jusqu’à aujourd’hui. Jeme suis intéressé à la privatisation du sys-tème carcéral aux Etats-Unis. Je me suisinspiré de Corps et Ame de Loïc Wacquantpour concevoir un décor chaotique, puis-que son livre se situe à Chicago dans lesannées 80, puis me suis plongé dans Desang-froid de Truman Capote.

«En parallèle, j’enregistre lesmaquettes de mon prochain al-bum sur un thème totalementdifférent pour me permettre desouffler. J’ai repris mes études,jesuis en licence de sciences juri-diques. Il y a deux ans, j’ai passéun diplôme d’accès aux études

universitaires, pendant lequel j’ai étudiéAlphonse de Benjamin Constant. Ça m’adonné envie de raconter dans mon pro-chain disque une histoire d’amour classi-que en neuf étapes: la rencontre, le coup defoudre, la passion, la plénitude, la routine…C’est mon côté très fleur bleue, limite niais.Le fait d’avoir ce canevas me permet, enstudio, de ne pas aller dans tous les senscomme dans le précédent disque. Ce seraplus acoustique, plus rock, je chante plusmais avec toujours des passages rappés. Jene m’enferme plus dans un style. •

détresse, confection d’un calendrier, cha-leur excessive, exhibitionnisme, allergieaux textiles synthétiques ou naturels, puredistraction, perte d’un pari stupide, prépa-ration à la baignade et, donc, chasse auxfantômes.En France, «l’exhibition sexuelle imposée àla vue d’autrui dans un lieu accessible aux re-gards du public» est punie d’un an d’empri-sonnement et de 15 000 euros d’amende(article 222-32 du Code pénal). Il n’est doncpas inutile de réfléchir un peu avant d’en-lever son ultime socquette. Vous êtes pom-pier? Si vous posez à poil dans un calendriervendu pour une bonne cause, vous serezapplaudi. Si vous posez en uniforme à côté

de femmes

nues, vouspouvez être poursuivi. Le mois dernier, laFédération nationale des sapeurs-pompiersde France (FNSPF) a déposé plainte parceque la revue Hot Vidéo a publié des photosd’hommes au visage flouté, vêtus en pom-piers et posant avec des femmes dénudées.«La revue raconte comment une mineure de16 ans a fait l’amour avec quatorze sapeurs-pompiers, cela est très choquant. Ce qui estmontré ou raconté relève du fantasme et n’arien à voir avec l’éthique des sapeurs-pom-piers», a protesté le colonel Jean-MarieLincheneau, conseiller du président de laFNSPF.Ceci vaut aussi pour les rugbymen, les in-firmières, les ministres et les éboueurs desdeux sexes. Calendrier oui, partouze non,chasse aux spectres dans les cimetièrespeut-être. Se renseigner auprès de la mairieconcernée. •

AFP

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011XX • LE MAG JE ME SOUVIENS

jamais été chez Petit pour l’enlever. A titre personnel, j’allaischez Petit pour l’exécuter. Ce sont les événements qui lui ontdonné la chance de sa vie… Ce n’était pas une exécution poli-tique. Simplement, je considère qu’un magistrat qui, aprèsavoir condamné un homme, ne suit pas la sentence qu’il adonnée, est un escroc à la justice. [… ] J’ai lutté contre lesQHS lorsque j’étais dedans et je considère qu’une fois libre,je n’ai pas à trahir ce que j’étais et ce que je voulais. Et jecontinuerai à lutter.Ne pensez-vous pas que si vous aviez tué le président Petit,vous n’auriez plus été un homme qui se bat contre les QHSmais tout simplement un assassin. Et les assassins, les gens

n’aiment pas ça…Vous parlez d’assassin. Je vaisvous répondre. La société assas-sine moralement les hommes enquartier de haute sécurité.Alors, il ne faut pas faire auxautres ce que l’on ne veut pas

que l’on fasse à soi-même. La société assassine les détenus,les assassine jour après jour, nuit après nuit. Les QHS, c’estun assassinat légalisé. Donc, j’aurais répondu à l’assassinatmoral de ces gens-là par un autre assassinat. Ne demandezpas à un homme d’être raisonnable quand, justement, la jus-tice et le gouvernement ne le sont pas. Tuer un homme… Maisqu’est-ce qu’un magistrat ? Ce n’est qu’un pion. Il y a des

millions d’hommes qui meurent et on fait moins d’histoires.Comprenez, j’ai appris la haine en QHS. Pourtant, exécuterPetit, ce n’était pas une simple vengeance; c’était pour foutreun impact terrible. Le destin n’a pas voulu que je fasse cetteerreur. Car je sais très bien que cela aurait été une erreur surle plan politique. En effet, le gouvernement s’en serait servi.Pour renforcer la police. Pour enfermer mon action dans unterrorisme dont les effets auraient détruit l’objectif que jem’étais fixé. Maintenant, je sais que si je dois agir, j’agiraisans utiliser ce type de violence. Mais comprenez… Dans cer-tains cas, si sa haine dépasse un homme, ses actions peuventl’amener au-delà de ce qu’il veut faire réellement. Moi, ceque je veux, c’est faire comprendre le problème des quartiersde haute sécurité. Peut-être vais-je faire des erreurs, maisle principal, c’est que l’on enparle. Je ne suis pas un typequi a une éducation politi-que. J’ai une éducation decombattant. N’oubliez pasque l’on m’a appris le com-bat dans les commandos etque, dans les commandos,on fait fi de la vie humaine. Ilest beau de me parler de viehumaine, mais quand j’aicombattu en Algérie, la viehumaine n’avait pas la mêmeimportance. Et je n’avais que20 ans. Maintenant tout lemonde dit: la vie humaine…La vie humaine. Bravo! Maisla vie d’un juge ne vaut pas,pour moi, plus que celle d’undétenu. Des détenus que l’ondétruit moralement. Moi, onm’a détruit. On m’a créé unehaine que je n’avais pas. Etj’allais chez Petit avec haine.On sait ce qui s’est passé dansl’appartement du présidentPetit. Comment vous en êtes-vous sorti?Lorsque nous avons quittél’appartement de Petit, enarrivant dans le hall, noussommes tombés sur une di-zaine de policiers. Là, je pou-vais en flinguer cinq ou sixsans problème. Je ne l’ai pasfait. J’ai simplement tirédeux balles par terre et deuxballes dans les vitres. Les po-liciers sont comme tout lemonde quand on leur tiredessus, ils se sauvent. Ce quiest tout à fait normal. J’avaisvu qu’un policier s’était ca-ché dans la cave. Je m’étaismis en position de tireurd’instinct et, au moment oùil a voulu me viser, j’ai faitfeu pour lui faire peur. Il m’adit: «Je me rends.» Je l’ai prisen otage pour sortir. La rueétait pleine de policiers. Il yavait des cars partout. Je suisentré de nouveau. J’ai prisson arme réglementaire et je l’ai jetée derrière un mur parcequ’il m’avait dit que si je l’emmenais il aurait des ennuis. Puisje lui ai mis les menottes que j’avais destinées à Petit et nousavons fui avec Coupé. A ce moment-là, dans la rue, je suistombé sur un tas d’ordures. J’ai pris un paquet sous le braspour me donner l’air d’un promeneur. On est passé à côtédes policiers. A cet instant, ils nous ont interpellés. Coupés’est arrêté, moi j’ai continué… […] Devos dit que j’ai la ba-raka ; j’ai plutôt des couilles et de la stratégie. En fin decompte, je suis tout seul contre une meute. Le chassé, c’estmoi. Je ne suis pas le chasseur. Chez Petit, j’étais encerclé parquarante ou cinquante flics, je suis parti et j’ai fait prisonnierun de leurs hommes armés. C’est pas de la baraka… •

L a dernière fois que vous avez «bougé», c’était pour allerchez le président Petit. Qu’alliez-vous y faire exacte-ment?

J’ai été condamné à vingt ans de réclusion et je n’ai jamaisdiscuté ma sentence. Je méritais peut-être plus. Peut-êtremoins. La question n’est pas là, mais je sais de source sûreque le président Petit n’a pas eu, au moment de mon procès,l’intégrité que l’on est en droit d’attendre d’un magistrat.J’avais donc, au départ, une rancune personnelle contre lui,mais ce n’est pas ce qui a principalement motivé mon action.Quand les jurés m’ont condamné àvingt ans de réclusion, j’étais depuistrois ans et demi dans un centre dehaute sécurité et j’y suis retourné.La haute sécurité, je n’ai aucune rai-son de l’admettre. Ni pour moi nipour les autres. C’est sur ce pro-blème que j’ai voulu aiguiller les gens en faisant une actioncontre Petit. J’ai voulu faire comprendre que les magistrats,lorsqu’ils condamnent un homme à vingt ans de réclusion,n’en ont rien à foutre qu’il soit simultanément condamné,ensuite, aux QHS (quartiers de haute sécurité) ; ce qui n’arien à voir avec la peine prononcée. Et puis, il faut quandmême que je vous dise quelque chose d’assez dur. Je n’ai

Par GILLES MILLET (Libération du 3 janvier 1979).

«Au moment où le policier a voulume viser, j’ai fait feu pour lui fairepeur. Il m’a dit: “Je me rends”.»Jacques Mesrine

Dans lesarchives de«Libé», il y

a 32 ans.L’ennemi

public n°1, encavale depuis

son évasionde la prisonde la Santé,

accorde uneinterviewchoc. Il y

raconte sahaine desQHS et sa

visite au jugequi l’a

condamné,porté par

l’intention del’exécuter.

Récit.

«La société assassinedes détenus»

LE COMBATDU JUSTICIERHORS­LA­LOIImpossible d’imagineraujourd’hui un grandbandit élu «hommede l’année» par ParisMatch. C’est pourtantle prix qui fut décernéà Jacques Mesrine,en 1978, preuve de sapopularité dansl’opinion française.Preuve que les tempschangent, mais peut­être aussi les voyous.Egalement qualifiéd’ennemi publicnuméro 1, JacquesMesrine faisait biensouvent la une desjournaux lors de sesévasions ponctuéesde braquages etautres enlèvementsspectaculaires. Maisl’homme n’est passeulement un hors­la­loi. Il est également, etceci explique cela, undétracteur de la loi : finpolitique, il dénonceinlassablement lesconditions inhumainesd’un système carcéralcréé tout exprès pourlui et ses complicespar Alain Peyrefitte,ministre de la Justice :les quartiers de hautesécurité (QHS) où, dit­il, «on fabrique lesfauves de demain».Il sera exécuté auvolant de sa voiturepar la brigade antigangen 1979.B.V.

FRANCE • 13

Le procès pour «haine raciale»du chroniqueur s’est achevé hier.

turaux.» Naulleau adéplacé la charge,s’en prenant àThierry Ardis-son, produc-teur de l’émis-sion «Salut lesTerriens» où Zem-mour a été mis encause. Ardisson est res-ponsable d’avoir mis enscène, après montage, un car-touche: «Immigration: Zemmourdérape.» Conclusion de Naulleau :«Cela a eu un effet loupe ravageur.»

ÉCLAIR DE HAINE. Sur son banc, EricZemmour se sait épié. Il hoche la tête enforme d’acquiescement. Il lève les yeuxau ciel quand cela lui déplaît. «On» ademandé sa tête : il a même été sus-

pendu provisoirement du Fi-garo, puis réintégré. Il est prêtà mordre lorsqu’un avocat le«traite» de «malgré nous de laparole». Son regard se fige enun éclair de haine: «J’interdis àce monsieur de me parler commeça !» Et puis, il argumente.

«Que cela vous plaise ou non, je suis làpour émettre des opinions. Dans les an-nées 70, quand les gens contestaient lapeine de mort, on ne les accusait pasd’être des criminels.» Ça énerve un peula procureure, et même la présidente,qui lance au chroniqueur: «On n’est pasà l’assemblée, ni à la télévision !»On est en tout cas entre gens de bonnecompagnie. Voici un autre «ami» deZemmour : Pierre Manzoni, préfet del’Allier, vient appuyer les propos tenuspar le chroniqueur sur les «trafi-

REPÈRES

Louis Schweitzer, ex­président de laHalde, était le premier témoinentendu au procès Zemmour. «La discri­mination est un délit, mais sa condam­nation au pénal est très difficile. Plus desix millions de personnes disent en fairel’objet, il n’y a pas plus de 20 à 30 con­damnations par an en France.»

«La plupart destrafiquants sont noirs ouarabes, c’est comme ça,c’est un fait.»Eric Zemmourle 6 mars, sur Canal +

Grand reporter au Figaro depuis 1986, Eric Zemmour exerce aussi à RTL,France 2, i­Télé, et au Figaro Magazine. Il est aussi romancier. Son dernierouvrage Mélancolie française (éd. Fayard Denoël) traite de l’Empire romain,et de l’invasion des «nouveaux barbares».En 2006, il a commis un essai provocateur, le Premier sexe, sur la perte del’identité masculine. Il a signé une biographie de Balladur et un portrait deJacques Chirac, l’Homme qui ne s’aimait pas.

quants» : «Nousn’avons pas de statis-tiques, mais des listesde gardés à vue dont les

résultats font apparaîtreune surreprésentation de

population d’origine immi-grée récente.» Puis le préfet

enfonce le clou : «On tourneautour du pot de ce non-dit des

statistiques ethniques, si nous enavions, les réponses seraient plus

claires.» Et de conclure : «Il y a unécart dommageable entre le réel vécu et cequi est exprimé.»Des statistiques, le mot est lâché. Pour-tant, les avocats de la partie civile(Mrap, Licra, Sos Racisme, UEJF et J’ac-cuse) semblent ne pas avoir mis leursfiches à jour et ignorer ce débat qui tra-verse et oppose chercheurs, intellec-tuels et politiques depuis plusieurs an-nées. Ils poussent des cris d’orfraie unpeu décalés.

SOUPIRS ET RIRES. Sur les bancs du pu-blic, tout acquis à Zemmour, ce sontsoupirs et rires déplacés. Ils redouble-ront lorsqu’arrive l’ancien ministre dela Réforme d’Etat et député UMP ClaudeGoasguen, s’interrogeant grassementsur la «couleur» de Dominique Sopo, ouquand Patrice Champion, ancien con-seiller de Rama Yade, vient lancer qu’ilétait «le nègre de Rama Yade». Re-rires.Enervement des avocats. La présidentesemble un brin dépassée. Zemmour boitdu petit lait. On attendait avec impa-tience l’écrivain Denis Tillinac et sa voixgrave. Pour l’ancien conseiller de Jac-ques Chirac, le chroniqueur a trans-gressé un tabou : «Il a introduit le réeldans le débat public, voilà le corps de sondélit.» Zemmour lui fait «un peu penserà Roger Nimier»… Son dérapage luisemble un «euphémisme proustien».L’écrivain conclut: «La France a un trèsgrave problème d’intégration, tout lemonde en fait état, mais on a l’impressionqu’il ne faut pas en parler.»Voilà, finalement, la gauche au secoursde Zemmour. Par lettres interposées.Gaëtan Gorce (député PS), l’adjoint aumaire de Paris Christophe Girard(Verts), Jean-Pierre Chevènement (sé-nateur MRC) invoquent «la liberté d’ex-pression». Même s’ils ne sont «pas tousd’accord avec l’écrivain». Vendredi soir,le parquet a demandé au tribunal decondamner le chroniqueur pour diffa-mation à caractère racial et provocationà la discrimination raciale, sans préci-ser la peine. La décision a été mise endélibéré et sera rendue dans plusieurssemaines. •

Devrais«potes»ausecoursdeZemmour

«T ouche pas à mon pote!», telleaurait pu être la devise dessoutiens du chroniqueur detélévision Eric Zemmour

qui ont défilé jeudi au tribunal, commeservis sur un plateau télé. Ils auraient puaisément arborer des tee-shirts avec lamaxime de SOS Racisme des années 80pour défendre leur «pote» jugé pourprovocation à la haine raciale.Depuis le début de la semaine, l’anima-teur de On n’est pas couchés, surFrance 2, comparaît devant la17e chambre du tribunal correctionnelde Paris. Le 6 mars 2010, sur Canal +, ilavait asséné: «La plupart des trafiquantssont noirs ou arabes, c’est comme ça,c’est un fait.» Le même jour, sur

FranceÔ, lors d’une autre émission, ilavait défendu l’idée que les employeursqui souhaitaient ne pas «embaucher deNoirs ou d’Arabes en avaient le droit».Des propos punis par la loi.Le premier et plus célèbre de cettethéorie de «défenseurs», c’est le chro-niqueur-éditeur Eric Naulleau. Bon co-pain, Naulleau. Le dérapage de Zem-mour est une illustration du modeopératoire de la télé «ping-pong», où ilest impossible de «nuancer et d’argu-menter»: «Les propos deviennent carica-

«Dans les années 70, quandles gens contestaient la peinede mort, on ne les accusaitpas d’être des criminels.»Eric Zemmour au tribunal

Par DIDIER ARNAUDDessin LUIS GRAÑENA

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

A Teresópolis, mercredi (en h.) et jeudi (en b.). En 24 heures, il a plu presqu’autant que lors d’un mois de janvier moyen. PHOTOS M. AZEVEDO. AP; F. DANA. AP; WILTON JUNIOR. AGENCIA ESTADO; F. DANA. AP

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 201114 • TERRE

Brésil:unecatastrophepassinaturelleSur fond d’habitat anarchique, les pluies torrentiellesont entraîné la mort d’au moins 500 personnes.

Par CHANTAL RAYESCorrespondante à São Paulo

C ’était une tragédie annon-cée. Mais le Brésil n’a passu l’éviter. Le bilan provi-soire des intempéries qui

s’abattent depuis mardi soir sur cinqvilles de la province deRio-Teresópolis, Nova Fri-burgo, Petrópolis et, dansune moindre mesure, Sumidouro etSão José do Vale do Rio Preto, s’élèveà 519 morts. Un bilan qui devraits’alourdir avec la poursuite du mau-vais temps et des recherches dansles décombres. C’est la catastrophenaturelle la plus meurtrière de l’his-toire du pays. Et un véritable bap-tême du feu pour la nouvelle prési-dente, Dilma Rousseff, entrée enfonction au début du mois.

INSTABLE. Les inondations et lesglissements de terrain ont charriédes corps à 15 km de distance. Lesvilles sinistrées se situent dans unerégion montagneuse où le sol estinstable. Et où, en l’espace de vingt-quatre heures, il a plu presqu’autantque la moyenne d’un mois de jan-vier. Mais pour la presse brésilienne,«rien ne sert d’invoquer les forces dela nature ou le réchauffement de la pla-nète», souvent mis en cause dans lesphénomènes climatiques extrêmes.Sont pointées du doigt l’incurie despouvoirs publics et l’absence de po-litique de prévention. Le parallèleavec l’Australie, où les inondationsqui frappent le Queensland ont faitbeaucoup moins de victimes(13 morts), malgré des précipitationsrecords, est inévitable. «Le Brésil saitque les inondations sont récurrentessur son territoire, gronde une experteen environnement. Le pays n’a doncaucune excuse pour se dire surpris parles pluies ou pour ne pas s’y préparer.D’autant qu’il a l’argent pour.»Les instituts de météorologieavaient donné l’alerte, mais sanspréciser quelles villes seraient tou-chées ni le volume de pluie attendu.

Cela n’explique pas pour autantl’absence de tout plan d’évacuationd’une région aussi vulnérable. Dansles trois villes les plus touchées, plusde 60 000 personnes habitent deszones «à risque», comme les flancsdes collines et le bord des rivières.C’est là que poussent les favelas, qui

se sont multipliées fauted’une politique décente delogement social. Le défri-

chement qui découle de cette urba-nisation sauvage ne fait qu’aggraverles choses, la végétation faisant of-fice de protection naturelle.L’occupation des zones à risque avaitdéjà été mise en cause, en avril der-nier, quand 256 pauvres avaient péri

dans des éboulements à Rio et dansla ville voisine de Niterói. On avaitcritiqué l’absence de travaux d’ur-banisation des favelas et de soutène-ment des collines.

CRITIQUE. Malgré ces tragédies àrépétition, l’Etat investit toujoursplus pour réparer les dégâts quepour les éviter. Seuls 13% des355 millions d’euros débloquéscette semaine par la nouvelle prési-dente sont destinés à la prévention.A Rio, mais aussi à São Paulo où lasituation est également critique.Dans l’Etat le plus riche et peuplé duBrésil, les inondations ont déjà fait14 morts. •

RÉCIT

REPÈRES

Rio deJaneiro

Teresópolis

PetrópolisNova Friburgo

Sumidouro

Océan Atlantique

Paraíba

ÉTAT DE RIO DE JANEIRO

ÉTAT DEMINAS GERAIS

25 km

BBR

1000 km

Capitale

Population

Superficie

PIB/habitant

Croissance du PIB

Inflation

Chômage

Espérance de vie

Illétrisme

73e sur 169 sur l’indicateur dedéveloppement humain (IDH)

Brasília

193 millions

8 500 000 km2

7 896,6 euros

+ 7,5%

+ 5%

7,4%

43,1% du PIB

72,9 ans

11,4%

BRÉSILPrincipales inondations

Sources : FMI , The Economist, CIA, Pnud 2010

«Se loger dans des zonesà risque est la règleplutôt que l’exception...Sans politique dulogement, où vont vivreles gens qui ne gagnentpas plus que deux fois lesalaire minimum?»Dilma Rousseff présidente duBrésil

3000C’est, dans la seule villede Teresópolis, le nombrede personnes qui ont perduleur maison. La plupartdes victimes ont été surprisesdans leur sommeil par destorrents de boue.

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 TERRE • 15

Michel Camdessus étaitmandaté pour contrôler ladistribution des bonus auxtraders par les banquesayant bénéficié de l’aide del’Etat durant la crise finan­cière. Il a remis, vendredi, àla ministre de l’Economie,Christine Lagarde, un rap­port qui, s’il témoigned’une application «globale­ment satisfaisante» desnouvelles règles pourBercy, pourrait aussi bienêtre considéré comme glo­balement inquiétant parl’opinion. On y apprendque quatre grands groupesbancaires contrôlés ontdistribué, en 2009, près de3 milliards d’euros debonus. Dont 660 millionsrépartis (inégalement)entre 400 traders… Sur­tout, le rapport met en évi­dence la persistance d’une«grave anomalie» : lesbonus distribués restentsensiblement plus élevésque ne le justifient les per­formances des banques.Malgré tout, Camdessusnote un petit mieux: enl’absence de «l’obligationde transparence» imposéeau secteur, les bonusauraient été, en 2009,supérieurs de 800 millionsd’euros. En clair, ils auraientretrouvé leur étiage de2007, l’année du krach. N.R.

LES TRADERSTOUJOURS BIENSERVIS EN BONUS

LE RAPPORT

C omment en finir unefois pour toutes avec lacrise de la dette souve-

raine? Que faire pour calmerdes investisseurs tétanisés àl’idée que l’un des Etats del’eurozone fasse faillite ?L’Europe a joué les pompiers,

de l’aide d’urgence à la Grèceà la création d’un Fondseuropéen de stabilité finan-cière (FESF). Mais cela n’apas suffi. Athènes a encorevu sa note dégradée vendredipar l’agence Fitch; le Portu-gal et l’Espagne restent me-nacés de ne plus pouvoir sefinancer sur les marchés. A laveille d’une réunion, celundi, des ministres des Fi-nances de la zone euro, Ni-colas Sarkozy le pense: seul

un «surcroît d’intégrationeuropéenne, budgétaire, fiscalet social», comme on le con-fie à l’Elysée, permettrad’échapper au pire. En clair,insiste-t-on dans l’entou-rage du Président, il faut re-prendre très rapidement lamarche vers le «fédéra-lisme» interrompue en 1999,lors du lancement de lamonnaie unique.Berlin et Paris veulent doncprésenter, très vite, des me-sures. Pour que la politiquemonétaire ait enfin son pen-dant économique, c’est-à-dire une gouvernance com-mune. «A ce stade, il n’y apas encore de mesures concrè-tes que l’on peut lister», re-connaît Paris. Mais, et ons’en réjouit, «l’atmosphère achangé à Berlin : le gouverne-ment accepte de discuter detous les sujets sans embar-ras». La réponse se fera àplusieurs niveaux. Ainsi, lesEuropéens vont renforcer lesmoyens d’intervention duFESF, en l’autorisant parexemple à intervenir sur lemarché secondaire pour ra-

cheter des obligations d’Etat.Sur le plan budgétaire, le«semestre européen», lancémercredi par la Commission,veut examiner en communles projets de budgets natio-naux avant qu’ils ne soientsoumis à leur Parlement. LaFrance veut aller plus loin enobligeant chaque pays à sedoter d’un «programme deconvergence interne» et réglerles problèmes de compétiti-vité identifiés par Bruxelles.

D e même ,pour Paris, uneplus grandesouplesse del’aide euro-péenne ne peutse faire sans

une harmonisation progres-sive (les assiettes, puis lestaux) de la fiscalité des en-treprises et du capital de lazone euro.L’harmonisation sociale,«infiniment plus compliquée»,comme on le dit à l’Elysée,est aussi au menu: «Si on an-nonce en commun que l’on varetarder l’âge de la retraite, cesera le signal que les contrain-tes budgétaires à venir serontallégées d’autant.» Faut-il al-ler plus loin ? Créer des«eurobonds», des empruntseuropéens ? Au Monde, leministre chargé des affaireseuropéennes, Laurent Wau-quiez, suggère plutôt de lan-cer des «project bonds» quifinanceraient des projetsd’infrastructures, comme leproposait déjà Jacques De-lors, ex-président de laCommission, en…1993. Bref,sous la pression des marchés,la zone euro tente de rattra-per à marche forcée une dé-cennie d’intégration perdue.

De notre correspondantà Bruxelles

JEAN QUATREMER

Les budgets nationauxpourraient être examinés encommun avant qu’ils ne soientsoumis à leur Parlement.

UE:L’Elyséeplaidel’intégrationrenforcéeEUROZONE Paris et Berlin devraient présenter, lundi àl’Ecofin, un ensemble de mesures d’harmonisation.

Lors de ses vœux à la presse vendredi, Christine Lagardea fait part de son «optimisme», une seconde nature chezelle, arguant que 2011 laissait des «raisons d’espérer». Laministre de l’Economie a assuré que la croissance «s’étaitétablie à au moins 1,5% en 2010» alors qu’elle tablait jus­que­là sur «un gros 1,6%». Elle a jugé que les 35 heuresétaient «un vieux débat mort et enterré» et ramené laquestion sur la compétitivité et le coût du travail. «Iltourne autour de 31 euros en France contre 27,50 euros enAllemagne, a­t­elle fait valoir, la crise autorise à repenserun peu le modèle économique français.» PHOTO J.M. SICOT

LAGARDE VEUT REPENSER «UN PEU»LE MODÈLE ÉCONOMIQUE FRANÇAIS

LES GENS

148,8C’est le montant en milliards d’euros du déficit publicde la France en 2010 publié vendredi par Bercy, soit unnouveau record. L’Etat veut réduire ce chiffre de 57 mil­liards d’euros en 2011 grâce à des mesures d’austérité.

JUSTICE Le parquet de Nan-terre (Hauts-de-Seine) a re-quis la mise en examen deresponsables de la Société gé-nérale et du Crédit lyonnais,banques de Moulinex, dont ledépôt de bilan en 2001 anourri des soupçons de mal-versations financières.

TRANSPORT La SNCF et larégion Paca ont signé, àMarseille, un protocole pouraméliorer la qualité du ser-vice des TER et régler leursdifférends financiers. L’anpassé, Michel Vauzelle, pré-sident PS de la région, s’étaitdit «volé» par l’entreprise.

«De faibles tauxd’intérêt couplésaux fortes capacitésfinancièresdisponibles, tantà Singapour quedans le monde,pourraiententraîner unehausse des prixau-delà des niveauxacceptables.»Tharman Shanmugaratnam,ministre des Financesde Singapour

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LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 201116 • ECONOMIEXPRESSO

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LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 ANNONCES • 17

Accambray,butsdedécoffrageLe Mondial de hand est l’occasion pour l’arrière gauche surpuissant de se révéler chez les Bleus.

W illiam Accambray,arrière gauche del’équipe de Francede hand, possède un

tel bras droit qu’il n’a jamais ratéune mayonnaise. «C’est une ma-chine à marquer, un monstre, mais unmonstre tout doux», dit en rigolantMichaël Guigou, son coéquipier àMontpellier et chez les Bleus.Si on préfère la pâtisserie,William peut aussi fairemonter les œufs en neige plus vitequ’un batteur électrique. Sa recettepour marquer des buts? «Je ne suispas un distributeur du jeu. On me meten position, et je déclenche.»Accambray a 22 ans. Il est l’un destrois enfants de Jacques et IsabelleAccambray, une famille d’athlètes.De lanceurs, pour être précis: mar-teau pour Jacques et disque pourIsabelle. «Disons que lorsqu’on s’ap-pelle Accambray, on n’échappe à unesorte de déterminisme génétique», ditdoucement William. C’est-à-dire?«Que j’ai hérité de la puissance depapa et de maman. Les journalistes,quand ils viennent me voir, viennentvoir le bras qui marque», sourit, unpeu las, William. Voilà comment sefabrique déjà le mythe de l’homme

qui fait culbuter le gardien dans sacage. Chez les Accambray, on estbel homme de père en fils. Jacques,60 ans, mesure 1, 94 mètre pour100 kilos. Du temps de sa splen-deur, Accambray coinçait l’aiguillede la balance à 125kilos.William dit que son «poids de formetourne autour des 104 kilos». Il me-sure 1,94 mètre, comme papa. Lepetit dernier, Michaël, 19 ans, enéquipe de France junior de volley:

2 mètres et 104kilos. «Lesparents ont fait des athlètes,puisque ma sœur Jennifer a

longtemps fait du javelot mais a toutarrêté sur blessure et suit aujourd’huides études de kiné», expliqueWilliam. Et lui, justement, les étu-des ? William les a arrêtées «bacSTG» en poche il y a trois ans :«Quand j’ai dit que je voulais fairecarrière dans le hand, mes parents ontdit que c’était dommage d’arrêter,mais comme anciens athlètes, ils ontcompris que c’était ma passion. Ils ontaccepté la voie que je m’étais tracée.»

SANGLIER. Le droitier de la base ar-rière «a commencé à 6 ans sous lepréau». «C’est vers mes 15-16 ans,quand j’ai été approché pour rentrerau centre de formation de Montpel-lier, que j’ai commencé à accrocherdes posters de Jackson [Richardson]

dans ma chambre.» Accambray dé-barque de la région niçoise où s’estinstallée sa famille. Il a 16 ans. Ilsort de sports études, tout commeXavier Barachet le gaucher de labase arrière (21 ans).Voilà le souvenir qu’en garde PatriceCanayer, entraîneur de l’équipe deMontpellier: «Je vois arriver un gar-çon timide. Réservé. Il avait un déficittechnique. Il était un peu empruntécomme les ados de cet âge, mais il lecompensait par une excellente motri-cité. Je me suis dit que la matière pre-mière du joueur était là. Une vraiematière première de grande qualité.»Qu’en dit Canayer cinq années plustard? «William est un joueur très su-périeur à la moyenne. Il est extrême-ment puissant. Un puncheur commeon en trouve rarement à ce poste et àcet âge. Le problème : comment do-mestiquer cet énorme potentiel deperforation ? Après avoir eu cons-cience qu’il était un peu hors norme auregard de sa puissance, il a réussi à lacanaliser. C’est pour cela que sa pro-gression débute simplement.»Accambray possède la placiditésouriante des hommes puissants.Comme son modèle Nikola Karaba-tic: «Je ne me compare pas à lui, carje n’ai pas son talent. Mais jouer à sescôtés m’a donné confiance en moi. Jene suis pas un créateur comme lui.

Juste un type qu’on a choisi parcequ’il perfore, va au combat et aime leduel.» Accambray est une espèce desupernature qui avale saumon,poularde, pâtes et sanglier au mielen sauçant l’assiette avec une de-mi-baguette. L’équipe de Franceétait à la recherche d’un rhinocérosblanc capable de défendre et demarquer. Une doublure de Karaba-tic qu’il faudra faire souffler, car lesBleus ne pourront pas faire jouerl’homme providentiel durant cin-quante minutes chaque match.

«RÉVÉLATION». La France l’auraitdonc trouvé, ce rhino? «William,s’il n’est pas paralysé par l’enjeu, re-produira à la lettre ce qu’il fait enclub: perforer et marquer. S’il se sentlibéré dans le jeu, oui, alors il pourraitêtre une heureuse révélation. Le pro-blème, c’est de libérer cette puissancephénoménale», juge Canayer. L’inté-ressé, lui, estime qu’il n’est «qu’unjeune joueur» à peine sorti de l’œuf.«Mais tu sais que papa est là!» pouf-fait de rire Didier Dinart, patron dela défense lors du stage des Bleus àCapbreton (Landes) en tentant surle taurillon un impossible étrangle-ment. Accambray n’échappera pasà la comparaison flatteuse: «Il n’acertes pas la précocité de Nikola [Ka-rabatic], mais ce serait malhonnête

d’en faire uniquement une machine.Il est techniquement au point. Le ré-sumer à une force brute est inexact.C’est probablement le grand joueurque la France attend», assure Ca-nayer. Il sera toujours assez tôt, à lafin du premier tour, pour éplucherles statistiques de l’homme-canonà la poitrine en cotte de mailles etau bras droit en acier poli. •

Par JEAN­LOUIS LE TOUZETPhoto RODOLPHE ESCHER

PROFIL

Contre des adversaires qui, à lami­temps, ont peut­être apprisque leur pays n’avait plus dePrésident (lire pages 2 à 6), lesFrançais sont entrés plein potdans le Mondial en essorant lesTunisiens 32­19 et rompant avecleur fâcheuse habitude dedémarrer doucement leurscompétitions. Les championsolympiques, du monde etd’Europe ont tâtonné au débutde la première mi­temps (4­4 àla 14e) puis de la seconde, avantde terminer en roue libre.Nikola Karabatic a fini meilleurmarqueur français (6 buts)avant d’être exclu à la44e minute.

LA FRANCE FACILECONTRE LA TUNISIE

William Accambray, le 5 janvier, lors du stage de préparation de l’équipe de France à Capbreton (Landes).

Le premier tour des BleusVendredi: France­Tunisie.Dimanche: Egypte­Franceà 18h45.Lundi: France­Bahreïnà 20h30.Mercredi: Allemagne­France à 18h15.Jeudi: France­Espagneà 20h45.

REPÈRES

William AccambrayNé le 8 avril 1988.1,94 mètre, 104 kilos.Club: Montpellierdepuis 2005.Palmarès: championde France en 2006, 2008,2009, 2010.Débuts chez les Bleus:mars 2009.

3C’est le nombre de butsqu’a marqués Accambrayvendredi contre la Tunisie.Ses premiers buts en bleuen compétition officielle.

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 201118 •

SPORTS

FOOT Michel Platini veut mettre en place le fair-play financier d’icicinq ans, limitant les déficits astronomiques des équipes européennes.

L’UEFAetlescomptesàdormirdeboutdesclubs

C omment va le footeuropéen de clubs ?Mal merci. Du moins

d’un point de vue financier.C’est la conclusion d’uneétude commandée parl’UEFA et dévoilée cette se-maine. Et que résume unpourcentage : 56 % des773 clubs de première divi-sion dépendant d’une des53 fédérations superviséespar l’UEFA ont perdu de l’ar-gent la saison dernière, unpourcentage en hausse de9 points par rapport à l’exer-cice précédent. Plus alar-mant encore, leur déficit cu-mulé a augmenté de… 85%,pour s’établir à 1,2 milliardd’euros. Tous ces clubs ontgénéré un chiffre d’affairesde 11,7 milliards en 2009(+4,8% par rapport à 2008).Problème, ils en ont dépensé12,9 milliards (+9,3 % com-paré à 2008).Malsaine. Des chiffres quiconfortent Michel Platini,président de l’UEFA, dans laréal isat ion de songrand-œuvre: l’instaurationdu fair-play financier qui si-gnifierait la mort de la vic-toire à crédit. Normalementprévu pour la saison 2014-2015, ce dispositif vertueux

empêchera un club dans lerouge vif de participer à uneCoupe d’Europe (Ligue deschampions ou Europa Lea-gue). Eût-il été appliqué cettesaison, le fair-play financieraurait laissé sur le carreauplus du tiers des clubs quali-fiés pour la Ligue des cham-pions –11 sur 32- a indiqué,Gianni Infantino, secrétairegénéral de l’UEFA. Des noms,des noms? «Ne comptez passur moi pour dresser une listenoire. Il n’y aura pas de chasseaux sorcières. Le fair-play fi-nancier ne vise pas à pointer dudoigt ces clubs, mais à les

aider à sortir d’une spirale in-fernale», répond Michel Pla-tini. Qui assure que le mo-ment venu, la confédérationeuropéenne n’hésitera pas àutiliser l’arme nucléaire del’exclusion des Coupesd’Europe.Le cas échéant, la Ligue deschampions pourrait sonnerbeaucoup moins british :l’Angleterre est de loin le

pays où la situation finan-cière des clubs se révèle laplus malsaine, avec 8 clubsde Premier League sur 20 af-fichant des dépenses supé-rieures de plus de 20 % àleurs recettes. Que vaudra,pour les télés, une Ligue deschampions privée de Man-chester United, Chelsea, Ar-senal, le Real, le Milan AC…–ces clubs dont les audiencessont inversement propor-tionnelles à la santé finan-cière? Pour l’instant, l’UEFAne se pose pas la question.Ça n’étonnera personne,mais les salaires représentent

la principale dé-pense des clubsqui ont versé7,4 milliardsd’euros à leurs sa-lariés (essentielle-ment les joueurs),

soit 64% de leurs revenus enmoyenne. Soixante-treize clubs ont même réussiune «performance exception-nelle»: dépenser uniquementen rétribution plus que cequ’ils ont vu rentrer dansleurs caisses. Les émolu-ments des joueurs étant leprincipal, voire le seul postesur lequel il sera possibled’économiser, les pontes du

foot européen supputent quele fair-play financier impo-sera un salary cap, ce plafon-nement des masses salarialesen vigueur dans les liguesaméricaines et qui fait fan-tasmer tous les présidents declubs de foot. «Indirectement,cela conduira à ça», se ré-jouissent de concert Infan-tino et Karl-Heinz Rumme-nigge, patron du BayernMunich et de l’Associationdes clubs européens, qui re-groupe près de 180 des plusgrosses écuries du continent.Panel. Concrètement, lefair-play financier se mettraprogressivement en place dèsla saison prochaine selon unprocessus assez complexed’examen des comptes surtrois exercices : certainsclubs pourront afficher undéficit triennal d’un maxi-mum de 45 millions d’euross’ils présentent l’assurancede voir leur déficit comblépar leurs actionnaires. Unpanel d’experts, présidé parl’ancien Premier ministrebelge Jean-Luc Dehaene,pourra procéder à des «con-trôles financiers» ciblés.L’arme fatale pour luttercontre le dopage financier?

G.Dh.

On se dirige vers un salarycap, ce plafonnement desmasses salariales en vigueurdans les ligues américaines.

QUESTIONS À ANTHONY SÉCHAUDENTRAÎNEUR DE L’ÉQUIPE DE FRANCE FÉMININE DE SKI

«Le géant, c’est“la” discipline du ski»Avant les slaloms de Mari-bor en Slovénie (1), AnthonySéchaud, entraîneur desBleues, évoque ce groupe defilles qu’il connaît bien pouravoir entraîné la plupartd’entre elles dès les juniors.Depuis, Sandrine Aubert aémergé, et voilà Tessa Worleyqui se révèle en leader de laCoupe du monde de géant(lire son portrait en dernière page). Deux filles qui doivententraîner dans leur sillage Taïna Barioz, Anne-Sophie Barthet,Marion Bertrand, Anémone Marmottan et Nastasia Noens.w Y a-t-il un programme à la carte?Ce groupe, qui évolue depuis quelques années à un niveautrès élevé, se connaît bien. Les filles savent qu’elles sont làpour travailler. Tout fonctionne au collectif avec une gestiondifférente des rythmes en fonction des unes et des autres.Aujourd’hui, Sandrine Aubert, qui est plus individualiste,est à part. Mais c’est aussi ce que je souhaitais, car c’est plusclair. Ça lui permet de prendre ses responsabilités…w Etes-vous le chef?Aujourd’hui, nous avons des discussions plus soutenues, ily a plus d’échanges que lorsqu’elles avaient 15 ans. Elles ontleur vie de femme. Et dans le groupe chacune a trouvé sonpropre rôle. Je reste leur entraîneur, toutes les décisions pas-sent par moi. Toutes les infos me sont rapportées par le restedu staff.w Le géant est-il la discipline la plus exigeante?Depuis les années Carole Merle et Régine Cavagnoud, laFrance perdait du terrain en géant. En 2006, il n’y avait quedeux Françaises au départ dans cette discipline, Tessa Worleyet Ingrid Jacquemod. On a procédé à une analyse pour com-prendre le manque de résultats. On s’est rendu compte queles filles préféraient les géants dont les portes étaient plus rap-prochées. On a adopté nos méthodes de travail. Le géant, c’est«la» discipline du ski, c’est aussi la plus exigeante, car il fautêtre pointu et précis dans tous les domaines pour y briller.w Objectif championnats du monde?Cette année, nous avons mis en place un programme spécifi-que pour aborder les Mondiaux à Garmisch-Partenkirchen,où les filles savent qu’il y aura de la pression. On va mettrel’accent sur la concentration. Il faudra être imperturbablesans être imperméable, être capables d’absorber les éventuelschangements de programme. S’inspirer de la maturité dontfait preuve Tessa actuellement.

Recueilli par DINO DIMEO(1) Géant samedi à 10h45 et slalom spécial dimanche.

ISA

BELL

ABA

LEN

A

«Si je ne réussis pas au Milan AC, je suisbon à enfermer à l’asile. Après toutesmes conneries, c’est ma dernière chancede ne pas trahir ceux qui ont cru en moi.»Antonio Cassano bad boy du foot italien viré de Gênes pouravoir insulté son président, et récupéré par Milan

FOOT C’est la reprise en L1,avec le choc OM-Bordeauxen clôture de la 20e journée.Marseille n’a plus gagné enL1 depuis presque deux moiset reste sur la gifle infligéepar Evian-Thonon en Coupe(3-1); Bordeaux doit briser lecycle de cinq matchs sanssuccès. Samedi, 21 heures :Auxerre-Monaco, Brest-Caen, Lens-Saint-Etienne,Lyon-Lorient, Montpellier-Valenciennes, Nice-Lille,PSG-Sochaux, Rennes-Ar-les-Avignon, Toulouse-Nancy. Dimanche, 21 heu-res : Marseille-Bordeaux.

FOOT Le match de Ligue deschampions entre Debrecenet la Fiorentina, en 2009, afait l’objet de manipulationsdans le cadre d’une affaire deparis truqués. Cette infor-mation a été révélée lorsd’un procès à Bochum (Alle-magne), où sont jugés sixhommes soupçonnés d’avoiracheté des joueurs et des ar-bitres pour influencer le ré-sultat de 47 rencontres defootball dans plusieurs payseuropéens. Les Italiensavaient battu les Hongrois4-3, six buts avaient été ins-crits en première période.

LES CLUBS DE FOOT EUROPÉENS EN CHIFFRESLes Anglais génèrent le plus d'argent…

…et les Allemands airentplus de spectateurs

revenus moyens estimés par club en 2009en millions d'euros

affluence moyenne des matchs de championnaten nombre de supporteurs

AngleterreAllemagneItalieEspagneFrance

Allemagne

Angleterre

Espagne

Italie

France

des clubs européensde première division ont signalé un déficit en 2009, contre 47% en 2008

c'est la part de dépenses représentée par les salairesdans l'ensemble des clubs

c'est la perte globale du foot

par rapport à 2008

milliardd'euros

Source : UEFA, d'après une étude auprès de 733 clubs de première division de 53 pays

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 SPORTS • 19

LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €. 11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3-06-91. Cogérants:Laurent Joffrin, Nathalie Collin Associée unique SA Investissements Presse au capital de 18098355€.Coprésidents du directoire Laurent Joffrin, Nathalie CollinDirecteur de la publication et de la rédaction Laurent Joffrin Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertPaul QuinioFrançois SergentDirectrice adjointe de larédaction, chargée dumagazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefLudovic Blecher (éd. électronique)Christophe Boulard (technique)Gérard LefortFabrice RousselotOlivier Wicker (Next)Directeur artistique Alain BlaiseRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition)Grégoire Biseau (éco-terre) Jacky Durand (Société)Olivier Costemalle et RichardPoirot (éd. électronique) Mina Rouabah (photo) Marc Semo (monde)Sibylle Vincendon (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur des EditionsElectroniquesLudovic BlecherDirecteur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Max ArmanetABONNEMENTS& 03 22 19 25 [email protected]É Directrice générale d’Espaces Libération Marie Giraud Espaces Libération 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67 Publicitécommer ciale, littéraire,financière, arts et spectacles. Publicitélocale et parisienne.Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONPOP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)Ouest-Print (Bournezeau),Imprimé en France Tirage du 14/01/11: 150 137 exemplaires. Membre de OJD-DiffusionContrôle. CPPP : C 80064.ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du journalne saurait être engagée en casde non-restitution de documents

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H. I. Fait des petits. - II. Pas pareil. - III. NeLementavantager. - IV. Pronom. Faire passer dans un étatnouveau. -V.Onpeuty stationnerenmarchearrière.Se plut. - VI. L’aîné deMoïse. Fringue. - VII. Preuveque votre correspondant vit du côté deFreetown.Vaut parfois une bonne bombe. - VIII.Multiplia. -IX. Soutenuespar de grands échalas.Bienpratiquepour neLoyer lesmoutardiers. - X.Andúril est celled'Aragorn dans le Seigneur des Anneaux. Créetoujours un vide. - XI. Chien ou chat de mer à lapeau claire tachetée de brun que l’on peut voirévoluer joliment dans les eaux liLorales.V. 1. Empêche de faire des petits. - 2. Pousse aumilieu des ruines. Laisse présager un changementdemain autourde la corbeille après renversement.- 3. A dû très vite regreLer l’arrivée chez lui del’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniersjours. Symbole.Mien cousin qui ne sait que courirautour d’Adélaïde. - 4. Bien accrochées. - 5. N’estplus seule à faire écran entre les hommes. Se rendbien compte. - 6. Fit à peu près le même effet.Regroupement de soldats chez les termites. - 7.Deréjouissantenature.Envert. - 8.Nepiquepas.Moinsfort que la poursuite. - 9. Subir quelques assauts.

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LES MOTS D’OISEAU K IHGH

H:I. Disséquée. II. Inaugurés. III. Versées. IV. Epi. Ruser.V. Russie.QI.VI. Ti... Césium.VII. Isbas.Die.VIII.CERN.Repu. IX. Intimas. X. Lèsent. ...ge. XI. Exaspères.V:1. Diverticule. 2. Inépuisé. Ex. 3. Saris. Brisa. 4. Sus.Scannés. 5. Egéries. TNP. 6.Queues.Rite. 7.URSS. Idem.8. EE. Equipage. 9. Escrimeuses.

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w LES MOTS D’OISEAU PPrrooggéénniittuurree......

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AgitéeAverses Pluie

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MMAATTIINN Toujours beaucoup de gri-saille à aendre sur nos régions. Soleilaprès dissipation des brouillards ausud.

AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII À part dans le Nord-Ouest, c'est un temps plus ensoleilléque ces derniers jours qui s'annonce. Aunord-ouest, le ciel se couvre.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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SAMEDI

Le soleil dominera sur la plupart desrégions. Quelques goues sont pos-sibles en Bretagne. Grisaille en Médi-terranée.

DIMANCHEQuelques pluies ou averses sontaendues dans le Nord-Ouest. Tempsplus calme et plus dégagé sur le restedu pays.

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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z

Rilton Cup, Suède 2010Les Blancs jouent et gagnentB.Akesson N.Ask J.Du nouveau dans les logiciels d’échecsLa domination de Rybka, qui a remporté les 4 der-niers championnats du monde des ordinateurs,ne fait aucun doute, à tel point qu’il n’y avait plusgrand chose à écrire sur le sujet. Au départ franc-tireur, Rybka, dont l’auteur Vasik Rajlich est à lafois programmeur et maître aux échecs, est viterentré dans le rang en devenant commercial et lenouveau fer de lance de la firme allemande Chess-base. Mais un nouveau programme fait actuelle-ment sensation. Son nom: HHoouuddiinnii,, qui possèdeune lointaine consonance avec le nom de sonauteur belge Robert Houdart. Houdini est en têted’un tournoi privé de programmes d’échecs, le«Thoresen Computer Engines Competition», orga-nisé selon des règles transparentes et scientifi-ques, dans lequel figure Rybka. La bonne nouvelle: Houdini est gratuit pour l’instant, et peut êtretéléchargé sur www.cruxis.com. Le festival Tata Steel de Wijk aan Zee, débutedemain. Deux grands maîtres français, LaurentFressinet (2707) et Vladislav Tkatchiev (2636), figu-reront dans le tournoi «B», tandis que MaximeVachier-Lagrave sera confronté aux meilleurs mon-diaux dans le «A».Les têtes de série du «B» serontle Polonais Wojtaszek (2726) et le Tchèque Nava-ra (2708) mais nos favoris seront le Philippin So(2673) et l’Anglais McShane (2664). JJPP MMeerrcciieerr

Le schéma de mat du jour ne fait pas partie desstandards qui figurent dans les livres, aussi est-cebien utile de bien le comprendre: 11..TTxxgg66++!! RRxxgg6622..hh55++!! Une sorte de mat du couloir sur la colonne«g» a été construit. 22...... RRgg77 33..TTgg11 mmaatt..

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LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 201120 • JEUX­METEO

A LA TELE SAMEDI20h45. Les 30 histoiresles plus spectaculaires.Divertissementprésenté par CaroleRousseau et JacquesLegros.23h15. New YorkSection Criminelle.Série américaine :La belle et la bête, Une seconde chance,Mauvaise carte.Avec VincentD’Onofrio.1h40. Preuve à l’appui.

20h35. Champs-Élysées.Divertissementprésenté par Michel Drucker.22h50. On n’est pascouché.Divertissementprésenté par Laurent Ruquier.1h55. Dakar 2011.Bivouac.Magazine.2h20. Le Bureau desplaintes.

20h35. 1788... et demi.Série française :3 épisodes.Avec Sam Karmann,Julie Voisin, Lou De Laâge.23h15. Soir 3.23h35. Tout le sport.23h45. Strip-tease.Evelyn, reine d’Afrique(2/2) : un château n’apas de prix.Documentaire0h35. La vie en rire.Divertissement.

21h00. Multifoot.20e journée de ligue 1 -Coup d’envoi.Sport.23h00. Jour de foot.Magazine présenté parMessaoud Benterki.0h00. Rec.Film d’horreurespagnol de JaumeBalaguero, 80 mn,2007.Avec Manuela Velasco,Ferran Terraza.1h25. L’estraneo.

20h40. Débâcle enGermanie.Les légions perdues de Rome.Documentaire.22h10. Quand lemonde nousappartiendra.Téléfilm d’Antje Kruska.Avec Vincent Kruger,Christian Blümel.23h50. Metropolis.Magazine.0h35. La chevelure vuepar...

20h45. NCIS : Los Angeles.Série américaine :Avis de recherche,Meilleure ennemie,L’appât du gain.Avec Chris O’Donnell,LL Cool J.23h00. Dollhouse.Série américaine :Réinitialisation,Croyance aveugle,Légende urbaine.Avec Eliza Dushku.1h40. Météo.

20h35. Sherlock.Le grand jeu (3/3).Téléfilm de PaulMcGuigan.Avec BenedictCumberbatch.22h10. F.B.I. : portésdisparus.Série américaine :Inavouable, Au large.Avec Anthony Lapaglia.23h35. Doctor Who.L’école desretrouvailles.Série.

20h35. Échappéesbelles.Le Brésil.Magazine.22h05. Vu sur Terre.Micronésie : Bruce,baroudeur des ondes.Documentaire.22h35. L’œil et la main.Magazine.23h00. Voyage auxorigines de la Terre.Documentaire.0h25. SuperstructuresSOS.

20h35. Le Banier de crabes.En direct.Spectacle.22h45. Sexe in theWorld.Barcelone.Documentaire.23h45. Paris Dernière.Magazine.0h45. Ils s’aiment.Théâtre.2h20. Ils se sont aimés.Spectacle de MurielRobin.

20h35. Stargate SG-1.Série américaine :Les flammes de l’enfer,Après un long sommeil,Dans l’antre desGoa’uld.Avec Ben Browder.23h55. Airborne :commando d’élite.Téléfilm de Julian GrantAvec SteveGuttenberg, Kim Coates.1h35. Poker.

20h40. Navarro.Téléfilm français :Promotion macabre.Avec Roger Hanin,Jacques Splesser.22h15. Navarro.Téléfilm français :Le parrain.Avec Roger Hanin.0h00. 90’ Enquêtes.Paris la nuit…Magazine.2h00. 90’ Enquêtes.Fraudes, arnaques…Magazine.

20h40. Les Simpson :le prime.5 épisodes.Série.22h50. Concert pour latolérance 2010.Concert.0h50. Talent tout neufle live.Ben l’oncle Soul.Musique.1h20. Météo.1h25. Programmes dela nuit.

20h35. Robin deLocksley.Téléfilm canadien deMichael Kennedy.Avec Devon Sawa,Sarah Chalke.22h15. L’école des fans.Invités : Michel Fugain,Tom Frager, Nâdiya.Divertissementprésenté par Phillipe Risoli.0h10. Ratz.Dessin animé.

20h40. Petitsmeurtres en famille.3 & 4/4.Téléfilm d’Edwin Baily.Avec Antoine Duléry,Marius Colucci.0h10. 100 %immersion.Documentaire.1h45. La minute de vérité.Documentaire.3h30. C’est arrivé sur la 8.

20h35. Eurêka.Série américaine :Mémoires volées,Paranoïa, Invincible.Avec Colin Ferguson.23h10. Dark angel.Série américaine :Le prix de l’évasion,Liberté, Codes-barres.Avec Jessica Alba.1h30. JT.1h45. Reporters.2h50. Enquêtes trèsprivées.

20h40. Le zap DirectStar.Divertissement.22h15. Peur sur prises.Divertissementprésenté par Shannen Doherty.23h05. Sportsextrêmes.Magazine.23h35. Ebony Bones.Concert.0h35. Programmes dela nuit.

DIMANCHE20h45. Je suis unelégende.Film de science-fictionaméricain de FrancisLawrence, 100 mn,2007.Avec Will Smith, AliceBraga, Charlie Tahan.22h40. Les experts.Série américaine :Une pluie de balles, La détenue.Avec William Petersen.0h15. Contre-enquête.Série.

20h35. Survivre avec les loups.Aventure de VéraBelmontAvec Mathilde Goffart,Guy Bedos.22h35. Faites entrerl’accusé.Jean-Luc Blanche, le routard du viol.Magazine.23h55. Journal de lanuit.0h10. Les Bonnesrésolutions.

20h35. InspecteurBarnaby.Série britannique :L’épée de Guillaume.Avec Jane Wymark,John Nettles.22h10. Soir 3.22h45. Tout le sport.Magazine.22h55. Déshabillez-nous.L’empire des sans.Documentaire.23h50. Du plomb pourl’inspecteur.

20h55. Football :Marseille / Bordeaux.20e journée de Ligue 1.Sport.22h55. CFC - le débrief.Magazine présenté par Hervé Mathoux.23h15. L’équipe du dimanche.Magazine présenté parThomas Thouroude.0h05. Caïds des cités :le nouveau grandbanditisme.

20h40. Loin duparadis.Drame franco-américain de ToddHaynes, 107 mn, 2002.Avec Julianne Moore,Dennis Quaid.22h25. Une questionde couleur.Documentaire.23h20. A girl like me.Court-métrage.23h25. Le voyageurnoir.Court-métrage.

20h45. Zone interdite.Délinquance sexuelle :comment éviter larécidive ?Magazine présenté parMélissa Theuriau22h45. Enquêteexclusive.Guerre des bandes aucœur de Paris.Magazine présenté parBernard de laVillardière.0h10. 100 % Foot.Magazine.

20h40. Matrixrevolutions.Film de science-fictionaméricain de LarryWachowski, 128 mn,2002.Avec Keanu Reeves,Laurence Fishburne.23h00. Bandits.Comédie américainede Barry Levinson, 122 mn, 2001.Avec Bruce Willis.1h05. Mon Taratata à moi.

20h35. Un Noël à New York.Documentaire.21h30. Raison d’état.Sang contaminé,autopsie d’une affaire.Documentaire.22h25. Carnetsd’Afrique du Sud.De Sun City auZoulouland.Documentaire.23h15. Amyu : l’arméedes hommes-guêpes.Documentaire.

20h35. Wallanderenquêtes criminelles.Série suédoise :L’Africain.Avec KristerHenriksson, JohannaSällström, Ola Rapace.22h05. Wallanderenquêtes criminelles.Jeu de piste.Série.23h35. Wallanderenquêtes criminelles.Œil pour œil.Série.

20h35. Ripoux 3.Comédie française deClaude Zidi, 104 mn,2003.Avec Philippe Noiret,Thierry Lhermitte.22h30. Le garde du corps.Comédie française deFrançois Leterrier, 86 mn, 1984.Avec Gérard Jugnot.0h10. Le coût de la vie.Film.

20h40. Life.Série américaine :L’homme de glace,Expérience carcérale,Mariage sanslendemain.Avec Damian Lewis,Sarah Shahi, Adam Arkin.23h05. Incroyable mais vrai, le mag.Magazine.1h40. 90’ Enquêtes.Magazine.

20h40. Underworld.Film fantastique de LenWiseman, 121 mn, 2002.Avec Kate Beckinsale,Scott Speedman,Shane Brolly.22h35. Underworld 2 :Évolution.Film fantastiqueaméricain de LenWiseman, 106 mn,2004.Avec Kate Beckinsale.0h35. Programmes dela nuit.

20h35. Une famillepour la vie.Téléfilm américain deSam Pillsbury.Avec Thomas Gibson,Poppy Montgomery,Doris Roberts.22h15. Dragon sword.Téléfilm américain deTom Reeve.Avec James Purefoy,Piper Perabo.23h50. Les zinzins del’espace.Jeunesse.

20h40. Heat.Policier de MichaelMann, 170 mn, 1995.Avec Al Pacino, ValKilmer, Robert De Niro.23h50. Direct poker.Jeu présenté parAlexandre Delpérier.1h00. Lesdéménageurs del’extrême.Les défis ont changél’histoire.Documentaire.

20h35. C’est pas parcequ’on a rien à dire qu’ilfaut fermer sa gueule.Comédie française deJacques Besnard, 90 mn, 1975.Avec Michel Serrault,Bernard Blier.22h20. JT.22h35. Emmanuelle2000.Téléfilm.0h15. Emmanuelleprivate collection.

20h35. Le zap DirectStar.Divertissement.22h15. Le zap DirectStar.Divertissement.23h45. Sportsextrêmes.Built to Shred.Magazine.0h15. Le top DirectStar.Magazine.0h45. Star music.

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Cabot styleTF1, 20h45Un mec (Will Smith), sachienne (Samantha), NewYork (vide) et rien d’autre(presque). C’est l’histoiredu film Je suis une légende.

Sang styleFrance 5, 21h30Alors que monte, montel’affaire du Mediator, lebon doc Sang contaminé,autopsie d’une affaireremet les idées en place.

Tout seul styleFrance 3, 22h55La branlette? S’astiquer lanouille? Non, de «l’éro­tisme égocentré», selonFrance 3 qui diffuse ledocu l’Empire des sans.

LES CHOIX

Modern styleFrance 4, 20h35Eh ben vous savez quoi? Iln’est vraiment pas mal dutout ce Sherlock Holmesmodern style. Troisième etdernier épisode ce soir.

EverstylParis Première, 20h35Alors quoi? Ça vous faitpas marrer comme vanne,le Banier de crabes, le titredu spectacle en direct duThéâtre des Deux Anes?

Pur styleCinécinéma Club, 23h10Oui, on est loin de PierreDouglas, mais le film deGreenaway Meurtre dansun jardin anglais, il n’est pasincongru d’adorer.

LES CHOIX

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 ECRANS&MEDIAS • 21

SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011

DÉSIRS Opéra de Nancy (54).Samedi à 20h, dimanche à 15h.Rens.: 03 83 85 69 08.Fin mars à Chaillot (Paris XVIe).

C e n’est pas une mau-vaise idée que de con-fier un ballet à des

chorégraphes africains, quine sont pas si souvent pro-grammés et dont on sait fi-nalement très peu. DidierDeschamps, directeur duBallet de Lorraine, a réunisur le thème prétexte «Dé-sirs» des créateurs quiœuvrent dans leur pays pourconférer un statut à la dansecontemporaine et qui tra-vaillent aussi régulièrementen France. Le résultat estmoins convaincant que l’ini-tiative honorable. Manque detemps ou de réflexion, leschorégraphies sont faiblar-des, comme conçues pour unpublic occidental.La première, des TunisiensHafiz Dhaou et Aïcha M’Ba-rek, Un des sens, est sansdoute la plus étudiée. Trèsplastique, elle agite d’aborddes ombres puis des anony-mes voilés de blanc, avant deréunir par une danse du bas-sin des êtres désirants et dé-sirés. On aimerait que cettepièce se développe plus en-core, soit pour casser l’effetchoral, soit pour le porter àson paroxysme.La deuxième pièce, du Sud-Africain Boyzie Cekwana,Crossworlds Puzzles, se cher-che, et on a du mal à recom-poser le puzzle. Si l’aventurea enthousiasmé les protago-nistes, on ne retrouve pas leCekwana qui nous a déjàsoufflés avec des créationsayant sacrément du chien.Les comptines, le vestiaire àvue et les partitions solistesne suffisent pas à entraînerdans son univers heureuse-ment déjanté. Manque l’am-biance du maquis, du cabaretet ses personnages interlopeshaut en couleur. De mêmepour Fïlaa («deux» endioula) des Burkinabés SaliaSanou et Seydou Boro. Leduo, pas de deux ou danse decouple, est traité à la hâte etle geste africain trop plaqué.

Envoyée spéciale à NancyM.-C.V.

DANSE Le thèmedu désir exploréà Nancy.

L’Afriqueen troistemps

INNOVATION A la Cité des sciences de Paris, une exposition de 209 objets fabriquésen France raconte notre quotidien, du sécuritaire au ludique.

Le design observe la vieL’OBSERVEUR DU DESIGNCité des sciences, 75019.Jusqu’au 13 mars.Rens.: www.cite­sciences.fr

A vec l’Observeur du de-sign 2011, on est loin del’événementiel bling-bling, loin aussi des

pièces de recherche vendues enéditions limitées dans les galeries.On plonge dans les objets indus-triels, connus ou inconnus, quiaccompagnent notre quotidien.Du vrai design «pour tous», dé-mocratique ? Chaque année, eneffet, l’Agence pour la promotionde la création industrielle (APCI),présidée par Anne-Marie Boutin,propose une sélection desmeilleurs produits innovantsfrançais, présentée à la Cité dessciences de Paris.Bateau solaire. Ce rendez-vousest un parfait baromètre de nosmodes de vie mutants à la maison,dans les transports, au travail. Encreux s’y lisent nos peurs et en-vies. Parmi les 209 réalisations sé-lectionnées, se côtoient des objets

séduisants dits «vivants», commedu textile luminescent, une paroien papier ou une peinture sensi-tive tactile qui s’allume sous lesdoigts. Certains sont plus déran-geants mais si indispensables, telsun sac mortuaire sous-marin del’armée ou un outil de déminage.Au rayon sports, on trouve deschaussures, des sacs à dos ergono-miques, confortables etesthétiques – la der-nière veste de protec-tion en textile imper-méable et respirant,Madikeri de Lafuma, esttrès chic.A l’étal high-tech nu-mérique, beaucoup de produitssont forcément écolos ou de récu-pération, comme un bateau so-laire, un purificateur d’air inté-rieur primé par le ministère del’Industrie, une fontaine filtrantl’eau de pluie primée par la mairiede Paris. Pas de jaloux. La questiondu handicap est de mieux enmieux traitée, adaptée aux en-fants, d’une poussette évolutive àune chaise roulante tout-terrain.

La légèreté ou la miniaturisations’amplifient, d’un très maniabletranspalette urbain à un minus-cule rétroprojecteur. Les objetsdeviennent plus «autonomes».La sécurité est immanquablementle thème qui s’insinue dans l’ex-position : protection de donnéesinformatiques ou des outils deconstruction, alarmes en tout

genre, détecteurs de fumée. Peud’objets sont complètement inuti-les, on y rencontre beaucoup d’as-tuces comme un piège à rat amu-sant et presque humain. Maiscertains sont assez moches, c’estle cas d’un billard américain malrevisité (Blacklight). Au final, troisstars, le ludique Ar Drone, de Par-rot, le ventilateur Dyson Air Mul-tiplier et la guitare du chanteur M.Cette présentation est mise en es-

pace par l’agence Scenorama quia trié tous ces ustensiles selonleurs couleurs –qui restent, clas-siquement, compartimentées. Legris pour la technologie, orange etvert fluo pour le sport. Les cartelssont pédagogiques et adaptés auxhandicapés, signalant les desi-gners et les entreprises. Vingt-neuf objets sont primés et reçoi-vent une étoile. Des vidéos expli-citent certains projets.Culinaire. Ce panorama grandpublic, traversé par les thèmes po-litiques ou sociaux de l’époque,démontre la richesse innovante dudesign français. Encore faudrait-ilque les acteurs politiques de tousles territoires sachent fédérer cetoutil, particulièrement en Ile-de-France. Dans cet état du mondeconcret, est bien démontrée l’évo-lution de cet art appliqué qui a suélargir ses champs d’investiga-tion, du graphisme à l’espace, del’interactif au numérique, du culi-naire au sensitif. En fonction denos désirs ? Ou de ceux qui nousconditionnent !

ANNE-MARIE FÈVRE

La question du handicap estde mieux en mieux traitée,adaptée aux enfants,d’une poussette évolutive à unechaise roulante tout-terrain.

Air Multiplier,de Dyson.Ci­contre: textileluminescent deBrigitte Guillet;fauteuil roulant,de New Life.A droite: sellede cheval Talaris,de chez Hermès.PHOTOSL’OBSERVEURDU DESIGN

22 •

CULTURE

E n attendant à Paris larétrospective Hammerque prépare le musée

d’Orsay (du 11 au 27 mars) àpropos du célèbre studio bri-tannique de films d’horreur,une constellation de festivalsmettent l’eau à la bouche encet hiver.A commencer par Grenoble,pour la 3e édition du festivaldes Maudits Films, du 18 au22 janvier (1). Le jeudi 20,impossible de manquer lesprojections de deux bijoux dela Hammer, les Monstres del’espace, de Roy Ward Beker(1968) et le Cirque des vampi-res, de RobertYoung (1972).La double séancesera accompagnéepar Nicolas Stan-zik, auteur en2010 d’un remar-quable ouvrage, Dans lesgriffes de la Hammer, retra-çant l’épopée de la fameuseusine à monstruosités ciné-matographiques (2). Le livrede ce jeune auteur né en 1978n’est pas seulement unesomme précieuse de tout cequ’a produit la Hammer. Ildonne la parole à ceux qui

ont connu cet âged’or sans se dou-ter qu’ils le vi-vaient. Entreautres, MichelCaen, AlainLe Bris ou AlainSchlockoff di-sent ce qu’étaientce cinéma, cessalles mal fré-quentées où l’onregardait presqueen cachette les aventures deChristopher Lee ou de PeterCushing.D’une manière générale, ilsuffit d’ailleurs de suivre

l’itinéraire du jeune auteurpour être sûr de découvrirraretés et classiques au gré deses déplacements. NicolasStanzik sera ainsi à Lyon le21 janvier pour un Epouvan-table Vendredi à l’InstitutLumière (3). Il y animeraune conférence avant la pro-jection d’un des classiques

du studio, Dra-cula prince desténèbres, de Te-rence Fisher(1966). Pour fi-nir, le jeunehomme sera enfévrier à Paris(4) où la mé-diathèque Mar-guerite-Durasorganise à par-tir du 29 jan-

vier un festival au nom ex-plicite de Debout les morts!A travers expositions et pro-jections, la médiathèquerend hommage au cinémamais aussi à la BD et à la lit-térature de genre. Le mau-vais, bien entendu.

B.I.

(1) Festival des Maudits Films,à Grenoble (38). Du 18 au22 janvier.(2) Dans les griffes dela Hammer, éditions le Bordde l’eau, 490 pp.(3) Epouvantable vendredi,le 21 janvier à l’Institut Lumière,25, rue du Premier­Film,Lyon (69).(4) Debout les morts! à laMédiathèque Marguerite­Duras, 115, rue de Bagnolet,75020. A partir du 29 janvier.

HORREUR Autour de la sortie d’un livre, le studiobritannique s’affiche à Grenoble, Lyon et Paris.

La Hammer rendla France marteau

Ah, ces salles où l’onregardait en cachette lesaventures de ChristopherLee ou de Peter Cushing…

Une statue de policière entrain d’uriner jette l’émoi àDresde (Allemagne). Leministre régional de l’Inté­rieur y voit une «insulte»aux policières. Petra, exhi­bée depuis le 7 janvier auxBeaux­Arts de Dresde,composition de l’AllemandMarcel Walldorf, 27 ans, aété primée, avec1000 euros à la clé, par lafondation Leinemann, deHambourg. En uniformekaki et casque blanc,accroupie fesses à l’airavec sous elle une flaquede gélatine vériste, Petra,l’antiémeutière pisseuse demétal et de silicone,«montre très bien qu’il y aune différence entresphère publique et sphèreprivée», justifie le jury.Reste que l’affaire choqueles notables: pour le syndi­cat de policiers GdP, «lesbornes de la licence artisti­que ont été franchies». Aquoi la fondation répond:«Les gens qui visitent l’expone sont pas indignés.»Rappelant que «la statuePetra, créée il y a un an etdéjà montrée à Berlin etLeipzig, explore une zonetaboue mais n’est pas uneprovocation, juste uneobservation de la société».PHOTO ARNO BURGI. AFP

HARO SURLA STATUE QUIURINE À DRESDE

L’HISTOIRE

Maroc Festival Chaabi Raï etchaabi toute Zénith, 211, av. Jean­Jaurès, 75019. Samedi, 20h.

Louis Chedid Variété du papade M Maisons­Alfort (94), théâtreClaude­Debussy, 116, avenue duGénéral­de­Gaulle. Sam, 20h45.

Francesco Tristano Pianisteclassique et tubes techno Caféde la danse, 5, passage Louis­Philippe, 75011. Samedi, 19h30.Lire aussi dans LeMag, page VIII

Joanna Newsom Harpe folk(Libé du 14 janvier) Théâtre desBouffes du Nord, 39 bis, bd de laChapelle, 75010. Samedi, 20h30.

David Hinds Voix de Steel PulseCabaret sauvage, 75019. Sam, 23h.

MÉMENTO

Toisons publicitaires à la ToscaniUn calendrier de pubis féminins de Toscani irrite l’Italie, oùles féministes militent à sa censure. «Je voulais déglamouriser,plaide pour l’AFP le photographe provocateur, la photo demode où tout est montré sauf le triangle du sexe féminin.»

L’étranger rebuté par le ciné françaisL e cinéma français à l’export vient d’enregistrer en 2010 unebaisse sévère (-17,9%) par rapport à 2009, selon UniFrance.Baisse notamment dure aux Etats-Unis, où le dévissage histo-rique de la défaveur atteint - 45%.

«Femme-Loire», le vote s’ensableLes Tourangeaux qui ont voté sur Internet seraient hostilesà 49% à la Femme-Loire, statue de 17 m x 40 m signée MichelAudiard montrant une femme nue allongée en «marqueuridentitaire régional». Sur les 51 % d’avis favorables, 13% sou-haiteraient la délocalisation de la chose. Livraison en 2013.

Le parolier Jacques Demarny,mort mercredi à 85 ans, étaitindissociable d’Enrico Macias,son «frère», pour qui il avaitécrit 500 chansons, dontEnfants de tous pays.Né en 1925 à Paris, résistantà 19 ans, Demarny, entré enchanson en 1947 avec son frèreJean, devient parolier en 1959

pour Annie Cordy. Le succès vient avec l’instituteurchantant venu d’Algérie, Enrico Macias, en 1963.Avec lui, il crée les Millionnaires du dimanche, les Gensdu Nord, J’ai quitté mon pays, Mon Cœur d’attache etautres Malheur à qui blesse un enfant. «Il a été la chancede ma vie, dit Macias. Un deuxième moi­même.» Demarnya aussi écrit pour Danielle Darrieux, Georges Guétary,Tino Rossi, Mireille Mathieu, Sheila, Nana Mouskouri,Sylvie Vartan, Demis Roussos, Gérard Lenorman et DanielGuichard. PHOTO AFP

JACQUES DEMARNY S’EST TU

DISPARITION

Sortie le 19 janvier

Par le réalisateur de Still Life « Une leçon de cinéma éblouissante »StudioCinélive

« Un évènement ! »Les Cahiers du cinéma

DR

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011 CULTURE • 23

Nouvelle star du slalom géant, la «puce» du Grand-Bornand est favorite ce week-end à Maribor (Slovénie).

Ski fait frais

PORTRAIT TESSA WORLEY

Vivre à cheval sur deux continents n’est pas simple, ne se-rait-ce que pour les études. En Nouvelle-Zélande, elle fré-quente peu l’école. C’est surtout sa mère qui se charge de sonsoutien scolaire. Elle attendra le CE2 pour faire sa premièreannée complète. «En Nouvelle-Zélande, j’habitais à Waiau,où avaient émigré mes grands-parents paternels. Ma mère étaitinquiète car le premier hôpital se trouvait à deux heures deroute.» Elle a 8 ans quand ses parents divorcent. Fini les voya-ges à l’autre bout de la terre. Elle ne s’est jamais sentie tropaustralienne. Sa maison sera le chalet de sa mère au Grand-Bornand. Le même qu’aujourd’hui, là où elle a toujours sachambre, tout comme Jonathan, son frère cadet.De la séparation de ses parents, elle se souvient peu. Sait justeque sa mère a dû compenser pour les deux parents. Et qu’ellecontinue malgré un boulot assez prenant. «Elle travaille à Ge-nève à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle(Ompi). Elle s’occupe surtout des brevets japonais.» Le père estresté dans l’hémisphère Sud. Tessa Worley lui rend visite unefois par an. «L’an dernier, on s’est vus à Vancouver. Mainte-nant, il fait du vin et s’occupe des vignobles australiens. La der-nière fois que j’y suis allée, il m’avait fait goûter plein de crusdifférents. Mais je n’y comprends encore rien.»La rencontre a lieu dans la salle à manger d’un hôtel d’Inner-

krems, une station autrichienne. La jeune championne aenfilé un tee-shirt et un jean pour «être plus féminine». Che-veux blonds, yeux gris-vert, une perle blanche dans l’oreille,une autre autour du cou, Tessa Worley sourit naturellement.Elle a 21 ans mais paraît encore plus jeune. Dans le groupedes filles de l’équipe de France, elle est la plus petite. «Oui,1m 57 ce n’est pas grand. Je devrais peut-être mettre des chaus-sures à talons mais ce n’est pas pratique en montagne», plai-sante-t-elle.Lorsqu’elle rentre à la maison, elle partage sa bonne humeuravec ses copains de toujours. «Tessa n’a pas changé, dit Flora,amie d’enfance. Elle est restée très simple, très nature, tout enétant déterminée dans tout ce qu’elle fait.» Elle est aussi bonnevivante, et apprécie les bons petits plats de sa grand-mère.Son frère, étudiant en biologie à la fac de Fribourg en Suisse,habite aussi le chalet. Et lui aussi a fait du ski, il a même courusous les couleurs de l’Australie, mais sans jamais percer auniveau mondial. «Il a arrêté tout ça, survole Tessa, en rappe-lant qu’elle est inscrite dans la même université. J’ai fait ski-études au lycée du Fayet, puisau lycée d’été à Albertville.Maintenant, j’ai un bac S et jesuis inscrite en biomédical.»Mais il n’est pas évidentd’étudier en faisant de lacompétition. Tessa Worleyest toujours en première an-née, en attendant de pouvoircontinuer.Membre de l’équipe deFrance militaire de ski, lajeune femme bénéficie d’unbon soutien de la part de sastation et de ses équipemen-tiers, Rossignol et Bollé. Carcontrairement au football,son salaire dépend vraimentde ses résultats. Elle ne seplaint pas. Difficile d’enavoir le cœur net, mais encôtoyant les premières placesmondiales, Tessa Worley doit «peser» près de 200000 eurospar an, primes de victoire comprises.Sa première gagne, en géant à Aspen (Colorado) en 2008, amis fin à neuf ans de disette tricolore dans la discipline. Autournant du siècle, Régine Cavagnoud dominait son sujet,juste avant son accident tragique en 2001. Tessa Worley in-carne le renouveau, avec la même détermination. Avec sestrois victoires d’affilée cette saison, elle rejoint Carole Merle,qui avait réalisé le même exploit en 1991-1992. «On m’a ditque j’étais la première à gagner en géant depuis Régine. C’esttouchant de lui succéder», dit-elle doucement.L’affaire n’a pas été simple. Disqualifiée en 2008 pour un mil-limètre en trop au niveau des fixations, elle se rattrape enremportant sa première course de Coupe du monde auxEtats-Unis. Elle doublera la mise l’année suivant à Åre enSuède, à la veille de ses premiers Jeux olympiques. Vancouveraurait dû révéler la petite bonne femme aux yeux du monde,mais la météo en a décidé autrement. «Toute ma famille étaitlà. J’avais réalisé une première manche placée, regrette-t-elleencore. Malheureusement, la deuxième manche n’a eu lieu quele lendemain. C’était un autre jour.» Un souvenir que rumineaussi son entraîneur, Anthony Séchaud. «Tessa est facile àgérer, un bonheur à entraîner, dit-il. Elle met en place ce qu’ilfaut, elle écoute et applique les conseils. Je la suis depuis 2005et je me dis que j’ai de la chance.»A la veille du géant de Maribor, Tessa Worley se présente avecle dossard rouge de leader de la Coupe du monde. «La qua-trième victoire d’affilée va arriver», promet-elle. Elle se prendalors à rêver. Elle adore ça, comme lorsqu’elle se plonge dansla littérature fantastique, sa lecture favorite, ou écoute le rapd’Everlast. Car pour elle, le monde réel est tout autre.«J’ai horreur de l’injustice et de la violence. Je me rends compteque je suis une privilégiée de faire ce que j’ai envie de faire» avantde préciser que «faire marcher un pays comme le nôtre, ce n’estpas facile. C’est pour ça que je me sens un peu de droite.»Dès qu’elle le peut, elle profite de l’existence. «J’ai aussi unevie secrète, un copain dont je ne parlerai pas. Et puis, je suis unefille, ne l’oublions pas. Dès que je le peux, j’adore m’engouffreravec les autres filles de l’équipe dans un centre commercial.Qu’est ce que c’est bon !» •

Par DINO DIMEOPhoto ISABELLA BALENA

EN 7 DATES

4 octobre 1989 Naissanceà Annemasse (Haute­Savoie). 1997 Divorce deses parents. S’installe auGrand­Bornand. 2005Première Coupe du mondeen géant à Ofterschwang(Allemagne). 2008 Bronzeà Formigal (Espagne) auxMondiaux juniors. Premièrevictoire en Coupe dumonde en géant à Aspen(Colorado, Etats­Unis).2009 Deuxième victoireen géant à Åre (Suède).2010 16e du géant des JOde Vancouver. 2011 Troisvictoires d’affilée à Aspen,Saint­Moritz (Suisse) etSemmering (Autriche).

T essa Worley est une fille de l’hiver. Transportée dèssa naissance d’une montagne à l’autre et d’un hé-misphère à l’autre, entre le Grand-Bornand, prèsd’Annecy (Haute-Savoie), et le Mount-Lyford en

Nouvelle-Zélande, elle a connu plus d’hivers que d’étés. Néede mère française et de père australien, elle a suivi ce fluxmigratoire entre les montagnes du nord de Christchurch, etle massif des Aravis. «Maman, est d’Annemasse. Un jour elleest partie en Nouvelle-Zélande où elle a rencontré Steven. Il nefaisait pas de ski. Elle l’a initié.» Tessa Worley raconte la viede ses parents, ou plutôt ce qu’elle en sait. «En dehors desstops à Bali , je n’ai découvert l’été qu’à 8 ans, au Grand-Bor-nand. C’était bien de vivre autre chose.» La nouvelle star dugéant a appris à marcher et à skier en même temps. «Je saisque mes parents plantaient des bâtons dans la descente du garageet que je tournais autour. Je ne m’en souviens pas mais je l’ai vusur les vidéos qu’ils ont faites.» Elle a 5 ans lorsqu’elle intègrele petit groupe de compétition de Mount-Lyford où ses pa-rents sont instructeurs. A 7 ans, elle s’inscrit au Ski Club duGrand-Bornand, auquel elle appartient toujours.

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JANVIER 2011